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CETATEXT000048424476
J7_L_2023_11_00023DA00589
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00589, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00589
3ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme Viard
MEGHERBI
Mme Marie-Pierre Viard
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de deux cent euros par jour de retard. Par un jugement n° 2203935 du 3 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 3 avril 2023, M. B..., représenté par Me Megherbi, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait en ce qu'elle se fonde sur le motif tiré de l'absence de visa de long séjour alors qu'il ne pouvait pas être regardé comme sollicitant une première demande de titre de séjour en qualité de commerçant. Le dépassement du délai imparti pour présenter sa demande de renouvellement de son titre de séjour résulte de l'annulation, du fait du contexte sanitaire lié à l'épidémie de covid-19, du rendez-vous obtenu en préfecture en vue du dépôt d'une demande de renouvellement de son titre dans les délais ; - elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en ce qu'elle se fonde sur le motif tiré du caractère insuffisant de ses ressources, condition non prévue par l'accord franco-algérien. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 11 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juin 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien né le 1er juillet 1990 à Akbou, est entré en France en septembre 2015 sous couvert d'un visa de long séjour valable du 25 août au 23 novembre 2015. Il s'est vu délivrer un certificat de résidence portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 23 novembre 2018. A la suite de sa demande de changement de statut, M. B... s'est vu délivrer, le 19 février 2019, un certificat de résidence en qualité de commerçant valable jusqu'au 18 février 2020. Par une demande du 20 octobre 2020, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 3 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la décision de refus de titre de séjour : 2. Le préfet a instruit la demande de M. B... sur le fondement des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien, aux termes desquelles : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis. ", ainsi que sur le fondement des stipulations de l'article 7 de ce même accord, aux termes desquelles : " (...) c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité (...) ". 3. Pour refuser de délivrer à M. B... une carte de résident d'un an portant la mention " commerçant " le préfet s'est notamment fondé sur les circonstances que M. B... ne prouvait ni son identité ni sa nationalité, qu'il était dépourvu d'un visa de long séjour, qu'il ne disposait pas d'un lieu de résidence stable et, enfin, que son bail d'habitation ne permettait pas la domiciliation de son activité commerciale. 4. En premier lieu, si l'accord franco-algérien régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, cette circonstance ne saurait faire obstacle à ce que leur soient appliqués les textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne, de l'activité professionnelle envisagée, ainsi d'ailleurs que le rappellent, pour l'exercice de certaines professions par les étrangers d'autres nationalités, les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 5. Aux termes de l'article L. 123-10 du code de commerce : " Les personnes physiques demandant leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers doivent déclarer l'adresse de leur entreprise et en justifier la jouissance. / (...) Les personnes physiques peuvent déclarer l'adresse de leur local d'habitation et y exercer une activité, dès lors qu'aucune disposition législative ou stipulation contractuelle ne s'y oppose. / Lorsqu'elles ne disposent pas d'un établissement, les personnes physiques peuvent, à titre exclusif d'adresse de l'entreprise, déclarer celle de leur local d'habitation. Cette déclaration n'entraîne ni changement d'affectation des locaux, ni application du statut des baux commerciaux ". Aux termes de l'article L. 631-7-3 du code de la construction et de l'habitation : " Dès lors qu'aucune stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s'y oppose, l'exercice d'une activité professionnelle, y compris commerciale, est autorisé dans une partie d'un local à usage d'habitation, dès lors que l'activité considérée n'est exercée que par le ou les occupants ayant leur résidence principale dans ce local et ne conduit à y recevoir ni clientèle ni marchandises. / Les dispositions du présent article sont applicables aux représentants légaux des personnes morales ". 6. M. B..., qui a bénéficié d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " valable du 19 février 2019 au 18 février 2020, justifie à l'appui de sa demande de l'exercice d'une activité commerciale dans le domaine du nettoyage pour laquelle il est inscrit au répertoire des métiers auprès de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime depuis le 15 janvier 2019 et immatriculé au registre du commerce et des sociétés depuis le 4 février 2021. Il produit également les déclarations trimestrielles de chiffres d'affaires effectuées auprès de l'Urssaf pour la période 2019 - 2021 ainsi qu'une attestation comptable pour l'année 2019. Il ressort de l'ensemble ces documents que son entreprise individuelle est domiciliée sur le territoire de la commune de Caudebec-lès-Elbeuf (76) à l'adresse où il est hébergé par des proches. Toutefois, il est constant que les stipulations du bail d'habitation, fourni par l'intéressé à l'appui de sa demande et produit en première instance par le préfet, prohibent l'exercice de toute activité professionnelle à cette adresse, le preneur devant employer les lieux loués uniquement à son habitation personnelle et à celle de sa famille. Dans ces conditions, le préfet était fondé à rejeter, sur ce seul motif, la demande présentée par M. B.... 7. En second lieu, si l'appelant fait valoir que le préfet de la Seine-Maritime a commis d'une part, une erreur de fait, en ne tenant pas compte de l'effectivité de l'activité commerciale de sa société, et, d'autre part, une erreur de droit en ce qu'il se serait fondé sur l'absence de ressources suffisantes pour refuser de faire droit à sa demande, il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse que le préfet, qui a procédé à une appréciation globale de la situation économique du requérant, se serait fondé sur l'absence de ressources suffisantes provenant de l'activité commerciale dont il se prévaut pour rejeter sa demande sur le fondement des articles 5 et 7 c) précités de l'accord franco-algérien. 8. En dernier lieu, aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ". Par ailleurs aux termes de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur au moment du dépôt de la demande et dont les dispositions sont reprises, depuis le 1er mai 2021, à l'article R. 431-5 du même code : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : (...) 4° Soit dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire (...) ". 9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'obligation de présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour qu'il contient, ne saurait concerner que les personnes non encore admises à résider sur le territoire français qui souhaitent se voir délivrer un certificat de résidence. Ces stipulations n'ont en revanche ni pour objet, ni pour effet d'obliger les ressortissants algériens qui ont déjà été admis à résider sur le territoire français au titre de l'un des articles de l'accord, à solliciter le visa de long séjour visé à l'article 9 précité, dès lors qu'ils ont présenté une demande de changement de statut avant l'expiration du certificat de résidence en leur possession. 10. Si le préfet de la Seine-Maritime a également fondé sa décision sur la circonstance selon laquelle M. B... ne justifiait pas de la possession du visa de long séjour exigé par les stipulations de l'article 9 précité de l'accord franco-algérien alors, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a obtenu, à la suite de sa demande de changement de statut, un certificat de résidence portant la mention " commerçant " valable jusqu'au 18 février 2020 et, d'autre part, qu'il justifie en appel avoir déposé dès le 29 janvier 2020, soit dans le délai de deux mois avant l'expiration de son titre de séjour, une demande de rendez-vous en vue du renouvellement de ce titre, lequel a ensuite été annulé à l'initiative de la préfecture du fait de la modification des conditions d'accueil durant la pandémie de covid-19, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ce motif. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 11. En premier lieu, compte-tenu de ce qui a été précédemment exposé, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision de refus de séjour au soutien des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. 12. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 13. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis 2015 dans la cadre de la poursuite de ses études et de son insertion professionnelle. Toutefois, l'appelant, qui est célibataire sans charge de famille, n'allègue pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. En dehors de l'exercice de son activité commerciale, il ne fait pas état d'une insertion notable. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel la décision a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le président-assesseur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro 1 2 N° 23DA00589 1 3 N°"Numéro"
CETATEXT000048439196
J1_L_2023_11_00021PA05117
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 21PA05117, Inédit au recueil Lebon
2023-11-17 00:00:00
CAA de PARIS
21PA05117
9ème chambre
plein contentieux
C
M. CARRERE
AMELIE LIEVRE-GRAVEREAUX
M. Vladan MARJANOVIC
M. SIBILLI
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiées (SAS) Equal-Estro a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Par un jugement n° 1802601 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a réduit à hauteur de la somme de 3 288 euros ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013, prononcé la réduction des impositions contestées en résultant et rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2021 et des mémoires, enregistrés les 14 janvier 2022 et 1er mars 2023, la SAS Equal-Estro, représentée par Me Lièvre-Gravereaux et Me Wattenne, avocats, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1802601 du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) d'ordonner la décharge des impositions litigieuses ; 3°) d'ordonner le remboursement, assorti des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, de la somme de 120 000 euros ; 4°) de dire que les intérêts moratoires porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les frais et dépens de la procédure. Elle soutient que : - le jugement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des faits ; - les prestations d'études cliniques sous-traitées à sa société mère, Equal Qair, sont déductibles de ses résultats, conformément aux dispositions de l'article 39 du code général des impôts ; ces prestations sont complémentaires de son activité de contrôle des machines de radiothérapie ; elles ne peuvent être assurées que par les salariés transférés à la société Equal Qair, qui supporte des coûts salariaux de 180 632,01 euros pour l'année 2012, 177 422,32 euros pour l'année 2013 et 181 450,90 euros pour l'année 2014 ; ces études cliniques ont généré un chiffre d'affaires conséquent sur la période vérifiée ; - les prestations de commercialisation et de représentation internationale confiées à M. B..., au sein de la société Equal Qair, sont essentielles à la poursuite de son activité et sont déductibles de ses résultats ; - la société Isstar, sa société sœur, acquise en vue d'internaliser les prestations informatiques du groupe, assure la gestion informatique des données des études cliniques menées par la société mère ; son intervention essentielle dans la réalisation de ces activités a été déterminante et salvatrice pour l'ensemble du groupe et justifie ainsi qu'elle refacture a minima ses coûts salariaux ; - elle était effectivement destinataire de certaines factures qui ne lui ont été adressées en Belgique qu'en raison de ses liens historiques avec l'association belge Estro ; - les dépenses de son directeur, lors de ses déplacements professionnels, ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et sont donc déductibles ; - les pénalités pour manquement délibéré sont injustifiées, ni l'élément intentionnel, ni l'élément matériel n'étant caractérisés. Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 novembre 2021, 21 février 2022 et 17 mars 2023, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Par une lettre du 25 septembre 2023, la Cour a informé les parties que la décision à intervenir était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête de la SAS Equal-Estro tendant au remboursement d'une somme de 120 000 euros indûment payée, qui présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel. Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public enregistré le 9 octobre 2023, la SAS Equal-Estro indique que ses conclusions tendant au remboursement de la somme de 120 000 euros ne sont pas nouvelles en appel, dès lors qu'elles correspondent à la conséquence financière du prononcé de la décharge sollicitée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marjanovic ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Wattenne, représentant la SAS Equal-Estro. Considérant ce qui suit : 1. La SAS Equal-Estro, qui exerce une activité d'analyses, d'essais et d'inspections techniques dans le domaine de la radiothérapie, est détenue à 100 % par la société de droit belge Equal Qair, qui détient également à 100 % la société de droit belge Isstar. Elle a fait l'objet d'une verification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle elle a notamment été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Elle relève régulièrement appel du jugement du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Melun, en tant qu'il rejette le surplus de sa demande de décharge de ces impositions. Sur la régularité du jugement : 2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision d'imposition attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SAS Equal-Estro ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation des faits pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur le bien-fondé des impositions : 3. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 de ce même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En ce qui concerne les prestations facturées par la société Equal Qair : 4. Il ressort de la proposition de rectification du 10 décembre 2015 que la SAS Equal-Estro a porté au débit du compte 622632 " Fees Equal Qair " une facture d'un montant de 90 000 euros, le 3 octobre 2012, ainsi qu'une somme globale de 270 000 euros, le 31 décembre 2012, au titre de " factures non parvenues ". Il ressort en outre de la proposition de rectification du 22 mars 2016 que la même société a débité le même compte d'une somme de 56 384,87 euros, le 1er janvier 2013, au titre d'un " solde 2012 ", des sommes respectives de 150 000 euros et 75 000 euros le 26 septembre 2013, d'une somme de 270 000 euros, le 1er janvier 2014, et d'une somme de 90 000 euros à chacune des dates des 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 30 décembre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, après examen des cinq seules factures présentées par la contribuable à titre de justifications de ces écritures de charge, le service vérificateur les a intégralement remises en cause et réintégré dans les résultats imposables des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 les sommes totales respectives de 360 000 euros, 281 385 euros et 630 000 euros. 5. La SAS Equal-Estro fait, d'une part, valoir que les charges litigieuses correspondent pour partie à des prestations d'études cliniques qu'elle sous-traite intégralement à sa société mère, la société Equal Qair. Elle expose, à cet égard, que ces études portant sur les plans de traitement définis par les radiothérapeutes et les physiciens médicaux, qui sont complémentaires de son activité de contrôle de la dose délivrée par les machines de traitement de radiothérapie, ont représenté un chiffre d'affaires de 384 929,61 euros sur l'année 2011, 80 905,57 euros sur l'année 2012, 169 036,62 euros sur l'année 2013 et 242 440,53 euros sur l'année 2014 et qu'elles ne pouvaient être assurées que par les salariés de l'ancienne association de droit belge Estro qui ont été transférés en 2009 à sa société mère, qui a supporté des coûts salariaux bruts de 180 632,01 euros au titre de l'année 2012, 177 422,32 euros au titre de l'année 2013 et 181 450,90 euros au titre de l'année 2014. Toutefois, aucune des pièces qu'elle verse aux débats ne permet de déterminer le montant exact des prestations concernées qu'elle aurait sous-traitées à la société Equal Qair. 6. La SAS Equal-Estro fait, d'autre part, valoir que les écritures de charges mentionnées au point 3 correspondent également pour partie à des prestations de commercialisation et de représentation internationale assurées pour son compte par la société Equal Qair. Elle produit, à cet égard, la convention de prestation de services qu'elle a conclue le 1er février 2011 avec sa société mère, dont l'article 1er stipule que cette dernière société continuera à soutenir ses efforts " dans le cadre de son développement commercial et de représentation internationale relatif aux essais cliniques pour l'industrie pharmaceutique ", en précisant que cette tâche, précédemment assumée par M. B..., qui exerce à la fois les fonctions, non rémunérées, de président de la société appelante et celles de gérant de sa société mère, " est dorénavant dévolue aux personnes responsables de la gestion des études cliniques ", et dont l'article 2 stipule que les " prestations de service liées à la gestion, promotion et commercialisation des études cliniques seront facturées proportionnellement au coût des personnels affectés à ses services et de l'overhead ". Toutefois, pour le reste, la SAS Equal-Estro se borne, en contradiction avec les stipulations précitées, à ne mettre en avant que l'expertise de son président non rémunéré, M. B..., et les actions qu'il aurait menées pour son compte en qualité de gérant de sa société mère, sans contester les constats du service vérificateur selon lesquels les factures présentées à titre de justifications des charges litigieuses se rapportaient, pour l'essentiel, à des prestations qu'auraient effectuées ce dernier, facturées au taux mensuel de 25 000 euros prévu par une précédente convention conclue avec la société Equal Qair le 1er juillet 2009, ni fournir la moindre précision chiffrée sur les prestations litigieuses dont elle aurait bénéficié à ce titre de la part de sa société mère. 7. Dans ces conditions, la SAS Equal-Estro n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, du montant des charges correspondant aux prestations que lui aurait fournies sa société mère et qu'elle a déduites du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts. Dès lors, l'administration était fondée à rapporter à ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés les montants mentionnés au point 3. En ce qui concerne les prestations facturées par la société Isstar : 8. Il résulte des propositions de rectification des 10 décembre 2015 et 22 mars 2016 que le service vérificateur, après avoir admis à hauteur de 2 500 euros, pour l'exercice 2013, et 116 487,50 euros, pour l'exercice 2014, la déduction de frais inhérents à l'utilisation des serveurs installés dans les locaux de la SAS Equal-Estro situés à Villejuif, a rejeté, à hauteur de 187 725 euros, 138 705 euros et 73 841 euros, les sommes déduites des résultats de cette société pour les exercices clos respectivement en 2012, 2013 et 2014 au titre des refacturations de sa société sœur, la société Isstar, comportant les intitulés " refacturation gestion Isstar ", " sous-traitance ", " services et support ", " serveur de backup ", ou " développement web ". 9. En se bornant à décrire, de manière générale, l'activité de la société Isstar et l'importance, pour le groupe, du support informatique qu'elle apporte à l'activité d'études cliniques assurée par la société Equal Qair, sans fournir la moindre précision sur les bases et modalités de calcul des prestations qu'elle lui a refacturées, au demeurant au moyen de factures comportant un libellé imprécis, et en l'absence de tout contrat la liant à la société Isstar ou de preuve d'exécution de ces prestations, la SAS Equal-Estro n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, du montant des charges qu'elle a déduites à ce titre du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'était pas en droit de rapporter à ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés les montants mentionnés au point précédent. En ce qui concerne les factures adressées au lieu d'exploitation de la société Equal Qair : 10. Si la SAS Equal-Estro conteste la réintégration dans ses résultats imposables des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 des sommes respectives de 6 100 euros, 10 470 euros et 8 570 euros correpondant aux montants cumulés de 21 factures libellées à l'adresse du 3, Place de l'Alma à Bruxelles, en faisant valoir qu'elle était la destinataire effective de ces factures qui ne lui ont été adressées en Belgique qu'en raison d'une confusion de ses clients procédant de ses liens historiques avec l'association de droit belge Estro, elle n'appuie toutefois ses allégations d'aucun élément de nature à contredire l'analyse du service selon laquelle les factures concernées, adressées au lieu d'exploitation de la société Equal Qair, se rapportaient à l'activité de réalisation d'études cliniques qu'elle soutient sous-traiter intégralement à cette dernière société. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à contester la réintégration des sommes mentionnées ci-dessus dans ses résultats imposables. En ce qui concerne les frais de déplacement du directeur général : 11. Il résulte de l'instruction que la SAS Equal-Estro a porté au débit du compte 625100 " déplacement A... " divers achats par carte bancaire que son directeur général, M. A..., aurait effectués lors de ses déplacements professionnels, et dont la déductibilité a été partiellement remise en cause par le service vérificateur aux motifs qu'ils n'étaient, pour les uns, appuyés d'aucun justificatif, et, pour les autres, qu'ils n'avaient pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise. En se bornant à soutenir, de manière lapidaire, que les frais litigieux auraient été " identifiés " et " engagés dans l'intérêt de l'appelante " et à produire, sans aucune explication ni contextualisation, un ensemble de pièces pour partie illisibles et pour partie non traduites en langue française, la société requérante ne démontre pas le mal-fondé des rectifications maintenues à ce titre par l'administration fiscale. Sur les pénalités : 12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ". Il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application d'une telle majoration. 13. Afin de justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré dont certains des rehaussements en litige ont été assortis, l'administration fiscale, après avoir rappelé que les sociétés Equal-Estro, Equal Qair et Isstar étaient dirigées par la même personne, a notamment relevé que la société requérante a volontairement octroyé un avantage indû à sa société mère en comptabilisant dans ses charges des factures adressées à cette dernière et qu'elle a volontairement minoré son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés en déduisant de ses résultats des prestations que lui auraient respectivement fournies les sociétés Equal Qair et Isstar sans être en mesure de justifier de la nature et du montant de ces prestations. Ce faisant, et sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle a déposé, en cours de contrôle, une déclaration rectificative de ses résultats au titre de l'exercice clos en 2013, l'administration apporte la preuve que la société a sciemment minoré son chiffre d'affaires et les produits imposables dans des proportions importantes et de manière réitérée dans le but d'éluder l'impôt sur les sociétés. 14. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Equal-Estro n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions. D E C I D E : Article 1er : La requête de la SAS Equal-Estro est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Equal-Estro et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. Le rapporteur, V. MARJANOVICLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 21PA05117
CETATEXT000048439197
J1_L_2023_11_00022PA02637
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA02637, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02637
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. LAPOUZADE
COFFLARD
Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
M. DORE
Vu la procédure suivante : I. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 juin et 11 juillet 2022 ainsi que le 31 août 2023, sous le n° 22PA02637, la société civile immobilière Le Dix, représentée par Me Cofflard, demande à la Cour : 1°) d'annuler le permis de construire n° PC 075 107 20 V0034 du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société publique locale PariSeine pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel, ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'il autorise la création de deux pavillons de bagageries, ou en tant qu'il autorise l'extension en sous-sol des piliers Nord et Ouest pour des bureaux à destination de la société d'Exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ; 2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable, car elle justifie d'un intérêt à agir contre le permis de construire en litige ; - l'étude d'impact est insuffisante au regard des dispositions du 4° et du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, en ce que les solutions de substitution raisonnables n'ont pas été examinées en dehors des aménagements des piliers de la Tour Eiffel, et en ce que la nécessité des aménagements et de l'implantation des services sur le site prévus en lien avec les Jeux olympiques et paralympiques n'est pas démontrée et n'a pas été examinée dans l'étude d'impact, et que ces insuffisances ont nui à l'information du public ; la Cour peut, le cas échéant, surseoir à statuer sur la requête et enjoindre au maître d'ouvrage d'entreprendre des mesures de régularisation du dossier de demande d'autorisation ; - le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur l'accord donné en vertu de l'article R. 425- 17 du code de l'urbanisme par le ministre des sites le 21 janvier 2022, lui-même illégal, dès lors que le projet constitue une dénaturation du site, compte tenu de la réduction des espaces boisés classés (D...) accessibles au public, par la construction des deux pavillons de bagageries et des locaux techniques de la société d'exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ; - le permis de construire méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article UV 2.1 a du règlement du PLU de Paris, compte tenu de la construction prévue des locaux destinés à la SETE sur deux niveaux de sous-sol en dessous de la cote des plus hautes eaux connues (PHEC) ; - il méconnaît l'article UV 1 c du règlement du PLU de Paris ; - il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article UV 11.1 du règlement du PLU de Paris compte tenu de l'atteinte grave à la conservation de perspectives monumentales, qu'il porte ; - il méconnaît l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet, situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, aurait dû faire l'objet d'une demande de permis d'aménager ; - le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris mettant en compatibilité le PLU de Paris avec le projet, elle-même illégale, en ce que cette mise en compatibilité n'est pas cohérente avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; si la Cour déclarait illégale cette délibération, alors le permis ne pourrait pas être autorisé au regard du PLU dans sa version antérieure à cette mise en compatibilité, en ce qui concerne la suppression d'espaces boisés classés, sans méconnaître l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 2 septembre 2023, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de la société civile immobilière Le Dix une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que la requête est irrecevable car la société requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir et qu'en outre, les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 2 septembre 2023, la société PariSeine, représentée par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de la société civile immobilière Le Dix une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. II. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 juin et 18 juillet 2022 ainsi que le 3 septembre 2023, sous le n° 22PA02653, l'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", Mme I... A..., M. H... F..., ainsi que Mme G... et M. J... E..., représentés par Me Cofflard, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le permis de construire n° PC 075 107 20 V0034 du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société publique locale PariSeine pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel, ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'il autorise la création de deux pavillons de bagageries, ou en tant qu'il autorise l'extension en sous-sol des piliers Nord et Ouest pour des bureaux à destination de la société d'Exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ; 2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'étude d'impact est insuffisante au regard des dispositions du 4° et du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, en ce que les solutions de substitution raisonnables n'ont pas été examinées en dehors des aménagements des piliers de la Tour Eiffel, et en ce que la nécessité des aménagements et de l'implantation des services sur le site prévus en lien avec les Jeux Olympiques n'est pas démontrée et n'a pas été examinée dans l'étude d'impact, et que ces insuffisances ont nui à l'information du public ; la Cour peut le cas échéant surseoir à statuer sur la requête et enjoindre au maître d'ouvrage d'entreprendre des mesures de régularisation du dossier de demande d'autorisation ; - le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur l'accord donné en vertu de l'article R. 425- 17 du code de l'urbanisme par le ministre des sites le 21 janvier 2022, lui-même illégal, dès lors que le projet constitue une atteinte constitutive d'une dénaturation du site, compte tenu de la réduction des espaces boisés classés (D...) accessibles au public, par la construction des deux pavillons de bagageries et des locaux de la SETE ; - le permis de construire méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article UV 2.1 a du règlement du PLU de Paris, compte tenu de la construction prévue des locaux techniques destinés à la SETE sur deux niveaux de sous-sol en dessous de la cote des plus hautes eaux connues (PHEC) ; - il méconnaît l'article UV 1 c du règlement du PLU de Paris ; - il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article UV 11.1 du règlement du PLU de Paris compte tenu de l'atteinte grave à la conservation de perspectives monumentales, qu'il porte ; - il méconnaît l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet, situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, aurait dû faire l'objet d'une demande de permis d'aménager ; - le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris mettant en compatibilité le PLU de Paris avec le projet, elle-même illégale, en ce que cette mise en compatibilité n'est pas cohérente avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; si la Cour déclarait illégale cette délibération, alors le permis ne pourrait pas être autorisé au regard du PLU dans sa version antérieure à cette mise en compatibilité, en ce qui concerne la suppression d'espaces boisés classés, sans méconnaître l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 6 septembre 2023, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 juin et 4 septembre 2023, la société PariSeine, représentée par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de l'environnement ; - le code du patrimoine ; - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin, - les conclusions de M. Doré, rapporteur public, - les observations de Me Cofflard, représentant la société civile immobilière Le Dix, l'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", Mme I... A..., M. H... F..., ainsi que Mme G... et M. J... E..., - les observations de Me Froger, représentant la Ville de Paris, - et les observations de Me Cuny substituant Me Ceccarelli-Le Guen, représentant la société PariSeine. L'association " France Nature environnement Paris " et autres ont produit le 25 octobre 2023 une note en délibéré. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre du projet de l'opération de réaménagement des espaces s'étendant de la place du Trocadéro, au Champ-de-Mars, jusqu'à l'Ecole Militaire, lancée par la Ville de Paris en décembre 2018, et ayant abouti au choix du projet de maîtrise d'œuvre dit " B... C... ", la société publique locale PariSeine a déposé une demande de permis de construire le 2 octobre 2020 pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel. Par décision du 7 avril 2022, la maire de Paris lui a accordé, sous prescriptions, ce permis, qui représente une surface de plancher créée de 1 514 m² et une surface de plancher démolie de 1 517 m² et comprend : le réaménagement du parvis (nivellement, plantations), et des jardins avec la construction de lieu à destination du public (guérites, kiosques, sanitaires) après démolition de l'intégralité des guérites et kiosques existants ; la réorganisation des parcours du public par l'aménagement paysager et par la création de nouveaux pavillons d'entrée et de sortie des piliers après démolition des éléments existants accolés aux pieds de la Tour Eiffel (entrée/sortie bureaux exploitation) ; l'extension en sous-sol des piliers Nord et Ouest pour des bureaux à destination de la société d'Exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ; la création de deux pavillons de bagageries après démolition des deux bâtiments de la direction des Espaces Verts et de l'Environnement (DEVE) ; la plantation de 42 arbres après abattages de 20 arbres. La société civile immobilière Le Dix, propriétaire d'un immeuble au 10 avenue de la Bourdonnais à Paris, demande l'annulation de ce permis de construire, par une requête enregistrée sous le n° 22PA02637. L'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", ainsi que Mme I... A..., M. H... F..., Mme G... et M. J... E..., propriétaires ou occupants réguliers d'appartements situés rue de l'Université et rue Buenos-Aires à Paris, demandent également, par une requête enregistrée sous le n° 22PA02653, l'annulation du même permis de construire. Sur la jonction : 2. Les requêtes nos 22PA02637 et 22PA02653 concernent le même permis de construire. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur les conclusions à fin d'annulation du permis de construire du 7 avril 2022 : En ce qui concerne la régularité de la procédure de consultation préalable du public : 3. Il est constant que les requérants, qui critiquent le choix d'une procédure de participation du public dérogatoire, ne soulèvent aucun moyen à l'encontre de cette procédure, les moyens soulevés étant énumérés dans les mémoires récapitulatifs du 31 août 2023, en ce qui concerne la requête n° 22PA02637 et du 3 septembre 2023, en ce qui concerne la requête n° 22PA02653. En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris mettant en compatibilité le plan local d'urbanisme (PLU) de Paris avec le projet : 4. Le Conseil de Paris a engagé une procédure intégrée pour la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de Paris avec le projet " C... Tour Eiffel ", en application des dispositions de l'article L. 300-6-1 du code de l'urbanisme, rendues applicables aux constructions et opérations d'aménagement nécessaires à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 par les dispositions de l'article 12 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Par une délibération des 8, 9 et 10 février 2022, dont les requérants soulèvent, par voie d'exception, l'illégalité, il a approuvé la mise en compatibilité du PLU de Paris, qui était nécessaire pour la délivrance ultérieure des autorisations d'urbanisme liées à la mise en en œuvre du projet. 5. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". 6. Les requérants soutiennent que la mise en compatibilité du PLU de Paris n'est pas cohérente avec l'objectif du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) tendant à mettre en valeur le paysage architectural et urbain de Paris. Il est constant que la mise en compatibilité du PLU de Paris porte notamment sur la modification du règlement en vue de l'implantation de constructions nouvelles et la restructuration de constructions existantes dans des emprises qui bénéficiaient jusqu'alors d'une protection d'espaces boisés classés (D...). 7. L'objectif du PADD tenant à la mise en valeur du paysage architectural et urbain de Paris, qui vise " la qualité des bâtiments existants, et des constructions à venir ", et une attention portée " à la spécificité des quartiers, la cohérence de leur organisation le long des rues, la nature des commerces ", est peu pertinent en ce qui concerne le site de la Tour Eiffel, qui ne constitue pas un ensemble bâti. En tout état de cause, il ressort de la note de présentation du projet que celui-ci, qui a pour ambition de concilier les différentes perspectives d'un grand site patrimonial et de retrouver des continuités urbaines et paysagères faisant le lien entre la Tour Eiffel, et les jardins du Champ de Mars et du Trocadéro, procède à la mise en valeur du patrimoine architectural et paysager. L'implantation de deux pavillons de bagageries prévue par le projet à l'entrée du parvis de la Tour Eiffel, à l'Ouest et à l'Est, mise en cause par les requérants, n'est pas incohérente avec cette mise en valeur, dès lors que, comme le précise la note de synthèse du projet, l'architecture de ceux-ci est prévue pour s'intégrer dans le paysage. La végétalisation des toitures de ces bâtiments permet ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, de limiter l'artificialisation du sol. Dans le même temps, le projet prévoit de requalifier le parvis de la Tour Eiffel en le libérant " des constructions existantes qui bloquent aujourd'hui les vues " par la réorganisation des services d'accueil des visiteurs. Si les requérants se prévalent de l'article L. 612-1 du code du patrimoine, relatif à la protection par l'Etat et les collectivités territoriales des biens du patrimoine mondial, par la délimitation d'une zone, dite "zone tampon", incluant notamment l'environnement immédiat du bien, et les perspectives visuelles importantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que les bagageries en cause, d'une hauteur de 4 à 5 mètres obstrueraient les vues sur la Tour Eiffel, tandis que leur positionnement latéral sur le parvis ne gêne pas la perspective majeure de l'axe Champ de Mars/Trocadéro. Dès lors le moyen tiré de l'incohérence entre, la mise en compatibilité du PLU de Paris avec le projet, approuvée par la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris, et l'objectif du PADD tendant à mettre en valeur le paysage architectural et urbain de Paris, ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'accord du ministre chargé des sites : 8. Aux termes de l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans un site classé (...), la décision prise sur la demande de permis (...) ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès prévu par les articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l'environnement : (...) / b) Cet accord est donné par le ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans les autres cas. ". Aux termes de l'article L. 341-10 du code de l'environnement : " Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale. (...) / Lorsque les modifications projetées portent sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, les autorisations prévues aux articles L. 621-9 et L. 621-27 du code du patrimoine valent autorisation spéciale au titre du premier alinéa du présent article si l'autorité administrative chargée des sites a donné son accord. (...) / Lorsque les modifications projetées comportent des travaux, ouvrages ou aménagements devant faire l'objet d'une enquête publique en application de l'article L. 123-2 du présent code, l'autorisation spéciale prévue au premier alinéa du présent article est délivrée après cette enquête publique. ". 9. Le classement d'un site sur le fondement des dispositions du code de l'environnement n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire toute réalisation d'équipement, construction ou activité économique dans le périmètre de classement, mais seulement de soumettre à autorisation tout aménagement susceptible de modifier l'état des lieux. Le permis de construire dans un site classé peut légalement être délivré avec l'accord exprès du ministre chargé des sites dès lors que le projet n'apporte pas dans l'état des lieux, des modifications qui rendraient le classement sans objet et seraient ainsi l'équivalent d'un véritable déclassement. Pour juger de la légalité d'une autorisation délivrée par le ministre et apprécier si des travaux ainsi autorisés ont pour effet de faire perdre son objet au classement du site, même sur une partie de celui-ci, il appartient au juge administratif d'apprécier l'impact sur le site de l'opération autorisée, eu égard à sa nature, à son ampleur et à ses caractéristiques, en tenant compte de la superficie du terrain concerné par les travaux à l'intérieur du site ainsi que, le cas échéant, de la nature des compensations apportées à l'occasion de l'opération et contribuant, à l'endroit des travaux ou ailleurs dans le site, à l'embellissement ou l'agrandissement du site. 10. Il est constant que le site du Champ de Mars a été classé par un arrêté du 22 octobre 1956. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport de l'inspection régionale des sites pour la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) qui s'est réunie le 24 mars 2021, que le site du Champ de Mars est protégé au titre de son caractère historique et pittoresque et de sa place singulière dans l'art des jardins et que les motifs du classement portent essentiellement sur la perspective qu'il offre depuis l'axe central. 11. Il ressort des pièces du dossier que la ministre de la transition écologique, chargée des sites, a donné, en vertu de l'article L. 341-10 du code de l'environnement, son accord au projet de permis de construire le 21 janvier 2022, en prenant en compte l'avis de la CDNPS à l'issue de sa séance du 24 mars 2021 et l'avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF) du 15 mars 2021. La ministre de la transition écologique a considéré que le projet " par l'aménagement paysager proposé, par l'harmonisation des constructions liées à l'accueil du public et du mobilier urbain, ainsi que par l'amélioration de la gestion des flux piétons qu'il propose, unifie l'espace, améliore sa lisibilité et n'est pas de nature à porter atteinte au site classé ", sous réserve de la prise en compte des prescriptions que son autorisation énonce, lesquelles reprennent celles qui ont été préalablement formulées par la CDNPS et l'ABF. 12. Les requérants soutiennent que le projet porte atteinte aux espaces boisés classés (D...) et à l'accessibilité des jardins publics et qu'en conséquence, le permis de construire accordé sur le fondement de l'accord du ministre chargé des sites, constitue l'équivalent d'un déclassement du site. 13. D'une part, si les requérants font valoir que le bilan du projet dans sa dimension allant de la place du Trocadéro à l'Ecole Militaire, amènerait à une réduction des espaces boisés classés existants, ils ne contestent que la légalité du permis de construire du 7 avril 2022, limité aux aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel, et par exception, celle de l'arrêté du ministre en charge des sites portant spécifiquement sur ce permis de construire. Dès lors, la branche du moyen tiré de la dénaturation du classement du site, dans son ensemble, est inopérante. 14. D'autre part, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. ". 15. Les requérants ne contestent pas que le bilan des D... supprimés et de ceux qui sont créés par le projet, sur le secteur de la Tour Eiffel en cause, est positif, apportant un supplément de 1 369 m² D..., comme cela ressort du rapport de présentation de la mise en compatibilité du PLU de Paris pour le projet d'aménagement du site de la Tour Eiffel. Ils soutiennent que les extensions de jardins de part et d'autre de la Tour au pourtour du parvis, simplement engazonnées, n'auraient pas dû être prises en compte dans le calcul des D.... Toutefois les dispositions de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme précitées autorisent le classement de " parcs à créer " dans les espaces boisés. Si les requérants soutiennent également que le calcul des surfaces D... après projet n'aurait pas dû prendre en compte l'emprise des deux bâtiments de la Direction des Espaces Verts de la Ville de Paris (DEVE) destinés à être démolis dès lors que, selon eux, ils étaient déjà classés en D..., il ressort de la planche D07 du sous-secteur ouest de l'atlas général, contenue dans le rapport de présentation de la mise en compatibilité du PLU de Paris, que, s'agissant du document alors en vigueur, ces emprises y étaient classées en zone urbaine verte, et non en D.... Les requérants ne démontrent donc pas que les surfaces de 2 938 m² D... créées, à comparer aux 1 569 m² D... supprimés, seraient inexactes. Enfin, la circonstance que les extensions de jardins sur le parvis de la Tour soient inaccessibles au public, car comprises dans l'enceinte sécurisée du parvis, ne fait pas obstacle à leur prise en compte dans le calcul des D..., ce classement ayant pour seul but d'assurer la protection de ces espaces. 16. Les requérants font valoir, par ailleurs, qu'il existe un changement de nature entre les D... qui seront supprimés pour la construction des pavillons de bagagerie et des locaux techniques de la SETE, et les espaces végétalisés qui prennent place sur les toitures de ces constructions, dès lors que ceux-ci ne sont pas accessibles au public. Contrairement à ce qu'indiquent les requérants, la surface des D... supprimés ne peut être calculée que par rapport à la superficie au sol des espaces boisés qui existaient, et non par rapport aux superficies qui seront créées, notamment en élévation sur les toitures des bâtiments comme les pavillons de bagageries, lesquelles ne constituent pas des D.... En tout état de cause, il ressort de la note de synthèse de présentation du projet " B... ", que pour le secteur du permis de construire en cause, les espaces libres végétalisés qui étaient d'une superficie de 19 665 m² avant le projet, seront portés à 25 418 m² au sol et 1 891 m² sur toiture. Dès lors, quand bien même certaines surfaces d'espaces végétalisés ne sont pas accessibles au public, le projet permet une augmentation des espaces verts au sol. 17. Ainsi, compte tenu, d'une part, du renforcement de la protection d'espaces boisés par le projet, et, d'autre part, de l'augmentation de la part des espaces libres végétalisés, lesquels contribuent à la préservation des jardins du site, le projet n'entraîne pas une dénaturation du site classé, les requérants ne démontrant pas que l'autorisation de la ministre chargée des sites serait entachée d'illégalité en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 341-10 du code de l'environnement. En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact : 18. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / Ce contenu tient compte, le cas échéant, de l'avis rendu en application de l'article R. 122-4 et inclut les informations qui peuvent raisonnablement être requises, compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existantes. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 2° Une description du projet (...) / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; (...) ". 19. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. S'agissant des solutions de substitution examinées : 20. Conformément aux dispositions précitées du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact expose les principales solutions de substitutions examinées, sur les sites majeurs concernés par le projet, comme la place du Trocadéro, ou pour ce qui concerne le secteur du permis de construire en cause, l'aménagement des pavillons d'accueil et auvents des piliers de la Tour Eiffel et l'aménagement du Champ de Mars. La circonstance qu'elle n'étudie pas de variantes pour les deux bagageries en cause n'est pas en l'espèce susceptible de vicier la procédure dès lors, d'une part, que cette étude a précisé le parti d'aménagement retenu pour les bagageries et les kiosques, et justifié les raisons de ce choix, et, d'autre part, que ces constructions sont secondaires à l'échelle de l'aménagement du site. 21. Il ressort des pièces du dossier que le projet vise un équilibre entre la préservation des enjeux patrimoniaux et paysagers, et l'amélioration des usages du site. Il répond, parallèlement, à ce second objectif de la Ville de Paris, par les bagageries jugées nécessaires pour augmenter l'offre de services à l'usage des visiteurs, compte tenu du sous-équipement actuel du site pour une dimension touristique mondiale, et à celui de la mise en valeur du grand paysage du site. L'étude d'impact expose que " le parvis de la Tour Eiffel, très minéral et encombré, est réinséré dans la continuité du grand parterre de pelouse du " tapis vert " s'étendant du Champ de Mars à la place du Trocadéro. Dans la même logique les jardins latéraux du parvis se développent selon la logique pittoresque d'origine " et " les aménagements architecturaux prévus suivent cette logique : - Les piliers sont débarrassés des extensions qui sont venues encombrer le site au fil du temps (...) - Les allées latérales qui guident le visiteur vers l'entrée de l'enceinte sécurisée accueillent deux nouveaux bâtiments appelés pavillons. Le site retrouve ainsi son esprit d'origine ; la Tour semble émerger d'un jardin dégagé de tout édifice superflu. ". Le positionnement des bagageries est ainsi pensé à proximité de portes urbaines d'entrée sur le site, de manière à résoudre la concentration actuelle des flux au pourtour de la Tour Eiffel, qui dégrade les espaces publics du site, en amenant les visiteurs à partir de ce point de départ à se répartir sur le parcours de l'ensemble du site Trocadéro/Tour Eiffel/Champ de Mars, conçu comme unitaire. Il ressort également des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que le projet a fait le choix d'une intégration des bagageries dans le paysage pour en atténuer l'impact visuel et environnemental par une architecture discrète et végétalisée. L'étude d'impact ne peut donc être regardée comme insuffisante sur la construction des bagageries, celle-ci justifiant du lieu d'implantation de ces pavillons, ainsi que de leur impact sur l'environnement paysager et monumental, quand bien même l'autorité environnementale a pu émettre dans son avis du 10 mars 2021 une recommandation pour la présentation de solutions de substitution raisonnables pour chacun des équipements préexistants ou à créer sur le site. S'agissant de la justification des choix d'aménagement au regard de l'accueil des visiteurs pour les Jeux olympiques et paralympiques : 22. Il ressort de la note de synthèse du projet de permis de construire en cause que les objectifs d'aménagement du site portés par la Ville de Paris visent notamment à l'amélioration de la gestion des grands événements qui y prennent place de façon régulière ou exceptionnelle, en leur réservant des emplacements et infrastructures dédiés et en préservant les espaces verts, la vocation événementielle du site, historiquement liée à l'exposition universelle, étant réaffirmée, ainsi que, dans le contexte d'un site sous-équipé et sous aménagé par rapport au nombre annuel de visiteurs, à la mise à niveau de l'accueil par une montée en gamme de l'offre de service et sa localisation dans un cadre cohérent et unifié. Les aménagements pérennes du site sont ainsi destinés à mieux accueillir les 150 000 visiteurs quotidiens réguliers et doivent servir à faciliter l'accueil du public pendant la tenue des Jeux olympiques et paralympiques, avec, en ce sens, une programmation prioritaire de l'implantation des services d'accueil du public. 23. Il ressort de l'étude d'impact, dans sa partie description du projet, qu'elle rappelle toutes les études qui ont été réalisées " avec pour objectif d'alimenter les réflexions tant sur les usages quotidiens que lors d'évènements exceptionnels comme les JO " et renvoie à un site internet relatif à la concertation autour du site de la Tour Eiffel, dans lequel sont mises en ligne des études sur les usages du site et l'appréciation que portent les visiteurs sur leur expérience de visite, telles que, notamment, le rapport de l'agence d'urbanisme Gehl de 2017, le plan guide du Champ de Mars et du Trocadéro de mars 2018, ou l'enquête " expérience utilisateurs " du 30 avril 2018, ainsi que le bilan de la concertation ayant eu lieu du 21 janvier au 1er mars 2019. Il ressort de ces documents que le flux piéton est très important, engendrant des encombrements et débordements ainsi qu'un piétinement sur les pelouses du Champ de Mars, et que l'offre globale de services est jugée quantitativement insuffisante par rapport à la fréquentation du site et à sa renommée mondiale, tant sur le plan de l'accueil que de l'information ou de l'animation du lieu, créant des expériences de visite insatisfaisantes et des attentes de service très élevées. 24. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le sous-dimensionnement des services pour le site Tour Eiffel/Champ de Mars résulte donc bien de ces analyses, et l'étude d'impact a pu en déduire que : " Du fait de son caractère emblématique et de sa visibilité internationale, le site accueille déjà un nombre important de grands évènements tout au long de l'année, bien qu'il ne soit pas dimensionné pour ce faire. Le constat actuel est donc celui d'un site sur-fréquenté et sous-équipé. En cela, le site n'est aujourd'hui pas en capacité d'accueillir de manière exemplaire le site Olympique de 2024 et doit donc être réaménagé. ". Il ressort de ce qui précède que la tenue des Jeux olympiques et paralympiques n'impacte pas directement les aménagements et l'implantation de services sur le site, qui sont dimensionnés à l'accueil des visiteurs réguliers, mais qu'elle en sera facilitée par ceux-ci. L'étude d'impact n'avait donc pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à évaluer les incidences des Jeux olympiques et paralympiques sur les besoins en aménagement et l'implantation de services sur le site. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment du mémoire en réponse du maître d'ouvrage à l'avis de l'autorité environnementale, que le comité d'organisation des Jeux " Paris 2024 " a la charge de l'évaluation des incidences environnementales globales des Jeux, incluant les installations temporaires et la tenue des épreuves au sein du site Tour Eiffel, le projet des Jeux étant distinct de celui du site Champ de Mars/Trocadéro, quand bien même ils entretiennent des interfaces. En outre ce mémoire en réponse indique que les incidences cumulées en matière de déplacements lors du déroulement des Jeux a fait l'objet d'une analyse globale par Paris 2024, annexée à ce mémoire. 25. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté en toutes ses branches. En ce qui concerne la méconnaissance de certains articles du code de l'urbanisme et du règlement du PLU de Paris : S'agissant de la méconnaissance de l'article UV 1 c) du règlement du PLU : 26. Il est constant que le projet se situe en zone urbaine verte (UV) du règlement du PLU de Paris, qui regroupe des espaces de densité bâtie faible, dont la fonction écologique, la qualité paysagère ou la vocation récréative, sportive ou culturelle doivent être préservées et mises en valeur. 27. Aux termes de l'article UV 1, relatif aux occupations et utilisations du sol interdites, de ce règlement : " Les constructions et installations, ainsi que les travaux divers de quelque nature que ce soit, à l'exception des travaux d'accessibilité, d'hygiène, d'isolation phonique ou thermique ou de sécurité, sont soumis aux interdictions suivantes : (...) / c - les constructions ou installations qui, par leurs nature, dimensions, volume et aspect, seraient incompatibles avec le paysage ou porteraient atteinte au caractère du site. ". 28. Les requérants soutiennent que les dispositions de l'article UV 1 c) du règlement du PLU sont méconnues dès lors que les constructions des deux pavillons de bagagerie dénatureront les vues sur le patrimoine mondial, alors que celles-ci sont notamment protégées dans la "zone tampon" prévue par l'article L. 612-1 du code du patrimoine. 29. Toutefois, il ressort du rapport d'analyse de l'inspection régionale des sites, pour la CDNPS qui s'est réunie le 24 mars 2021, que, dans les jardins latéraux adjacents aux pavillons, la végétation sera densifiée et que l'intégration des bagageries se fera par un soulèvement du sol sur un arc de cercle " qui accompagne le double alignement d'arbres autour du cheminement de l'allée cavalière du grand site. Cette 5ème façade végétalisée permet de faire oublier ces constructions depuis l'extérieur du site. (...) / La toiture végétalisée est recouverte d'une prairie (...) tout comme les alcôves des jardins d'art en continuité. ". Il ressort donc de ce rapport, alors que l'inspection régionale des sites a donné un avis favorable au projet, sous réserve, en ce qui concerne les bagageries, de la seule modification du revêtement en stabilisé du sol aux pieds des arbres, que ces constructions ne sont pas considérées comme impactant de manière importante les perspectives du site. En outre, les vues latérales du site au niveau de l'implantation des bagageries ne peuvent être regardées comme des " perspectives visuelles importantes " au sens de l'article L. 612-1 du code du patrimoine, à l'instar de celles de l'axe central Champ de Mars/Trocadéro qui sont mises en valeur par le projet. 30. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, que les bagageries s'intègrent dans le paysage pittoresque des jardins latéraux de la Tour Eiffel. Il ressort en effet du rapport de l'inspection régionale des sites, que les jardins de la Tour Eiffel situés de part et d'autre des piliers de la Tour à l'ouest et à l'est, et dans lesquels sont situées ces bagageries, ont été conçus comme des jardins romantiques agrémentés de pièces d'eau et d'une grotte, et traversés par deux allées cavalières, la première formée d'alignements courbes de platanes, et la deuxième, droite, à l'arrière, bordant sur le côté intérieur, une composition de jardins à l'anglaise et, sur le côté extérieur, les îlots bâtis des rues adjacentes au Champ de Mars. Les pavillons des bagageries se situent dans l'espace compris entre ces allées cavalières, en continuité des compositions de jardins à l'anglaise, auxquels leur toiture végétalisée s'intègre. Dès lors ces pavillons ne peuvent être regardés comme étant incompatibles avec le paysage ou portant atteinte au caractère du site, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article UV 1 c du règlement du PLU de Paris. S'agissant de la méconnaissance des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UV 2.1. a) du règlement du PLU de Paris : 31. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article UV 2.1, relatif aux occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières, de ce règlement : " (...) / a - Dans les zones de risque délimitées par le Plan de prévention du risque d'inondation (P.P.R.I.) du Département de Paris, la réalisation de constructions, installations ou ouvrages, ainsi que les travaux sur les bâtiments existants et les changements de destination sont subordonnés aux dispositions réglementaires énoncées par ledit document (...) ". 32. Il est constant, comme le remarquent les requérants eux-mêmes, que le secteur du Champ de Mars et de la Tour Eiffel n'est pas classé au PPRI en zone bleue, qui correspond aux zones urbanisées situées en zone inondable, compte tenu de ce que les côtes de l'unité foncière sont supérieures à celles des plus hautes eaux connues (PHEC), exprimées dans le système de nivellement général de la France (IGN 69), qui sont à 32,80 mètres à l'est de l'axe central du Champ de mars et 32,70 mètres à l'ouest de cet axe selon le plan de zonage du PPRI. Ainsi les requérants notent qu'il ressort des plans du projet, que le niveau du terrain sur le parvis de la Tour Eiffel pour les piliers nord et ouest est compris entre 33,20 et 34 mètres nivellement " Ville de Paris (NVP) ", cette mesure étant inférieure de l'ordre de 33 cm à celle exprimée dans le système IGN 69, et est donc supérieur aux côtes des PHEC. 33. Les requérants estiment que les bureaux de la SETE, qui sont prévus par le projet en sous-sol, au pied des piliers nord et ouest de la Tour, ne pouvaient être autorisés dès lors qu'ils se situent selon les plans du projet à la côte 31,40 NVP pour le pilier nord, et 31,15 NVP pour le pilier ouest, soit en dessous des côtes des PHEC. Toutefois, dès lors que ces constructions, qui ne sont prévues que sur un niveau de sous-sol, contrairement à ce qu'indiquent les requérants, ne se situent pas dans les zones de risque délimitées par le PPRI au sens des dispositions de l'article UV 2.1 du règlement du PLU de Paris, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les dispositions de cet article auraient été méconnues par le projet. Il ressort en outre des plans du projet, que dans l'état existant des piliers de la Tour Eiffel, ceux-ci abritent déjà des locaux sur deux niveaux de sous-sol à plus de 6 mètres de profondeur du niveau du terrain naturel. Il ressort par contre de l'étude d'impact qu'il existe dans le secteur du parvis de la Tour Eiffel un risque de remontées de la nappe phréatique, soit en l'occurrence de la nappe d'accompagnement de la Seine, dont la profondeur du toit est à 5 mètres de profondeur. A ce titre, il ressort de cette étude que les extensions des locaux souterrains prévues, se situent à une profondeur de 4 mètres environ sous le terrain actuel, donc au-dessus du niveau de la nappe et que des pieux y seront forés jusqu'à une profondeur de 18 mètres, sans nécessiter de rabattement de la nappe alluviale. Dans ces conditions, ces mesures de prévention du risque d'inondation paraissant adéquates, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la maire de Paris au regard des exigences de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté. S'agissant de la méconnaissance des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et UV 11.1 du règlement du PLU de Paris : 34. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes de l'article UV 11, relatif à l'aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords, protection des immeubles et éléments de paysage, du règlement du PLU et de son point UV 11.1 : " L'autorisation de travaux peut être refusée ou n'être accordée que sous réserve de prescriptions si la construction, l'installation ou l'ouvrage, par sa situation, son volume, son aspect, son rythme ou sa coloration, est de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. Les interventions sur les bâtiments existants comme sur les bâtiments à construire permettant d'exprimer une création architecturale peuvent être autorisées. ". 35. Les requérants soutiennent que les dispositions précitées sont méconnues dès lors que le projet, par l'implantation des deux pavillons de bagageries, porte atteinte aux perspectives monumentales depuis les rues perpendiculaires au Champ de Mars, soit à l'est la rue de l'Université et à l'ouest la rue de Buenos-Aires. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit aux points précédents, que les vues qui caractérisent le site dans son caractère historique et patrimonial sont celles de l'axe central, lesquelles sont préservées et améliorées par le projet, qui a pour objectif de transformer le parvis de la Tour Eiffel par la végétalisation de l'axe dans la continuité du grand parterre de pelouse du Champ de Mars. Ainsi ces bagageries ne peuvent être regardées comme portant atteinte aux perspectives monumentales du site. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et UV 11.1 du règlement du PLU de Paris, doit donc être écarté. S'agissant de la méconnaissance de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme : 36. Aux termes de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme : " Dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables, les abords des monuments historiques (...) doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : (...) - les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et portant sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés ; - la création d'un espace public. ". 37. Les requérants soutiennent que le projet, situé aux abords de monuments historiques, aurait dû, en application de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme précité, faire l'objet d'un permis d'aménager, dès lors qu'il prévoit des affouillements d'une profondeur de 4,4 mètres, des exhaussements supérieurs à 2 mètres et qu'il comporte la création d'espaces publics. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, d'une part, le projet ayant été autorisé par le permis de construire contesté, l'obligation de solliciter un permis d'aménager prévue à l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme ne trouve pas à s'appliquer, eu égard aux finalités communes des deux permis, à l'identité de composition des dossiers de demande et aux contrôles identiques auxquels leur délivrance donne lieu. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les affouillements et exhaussements du sol excédant 2 mètres de profondeur ou de hauteur porteraient sur une surface supérieure ou égale à cent mètres carrés, ni que le projet, qui consiste en un réaménagement de l'espace public existant autour de la Tour Eiffel, prévoirait la création d'espaces publics. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme doit être écarté. 38. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre de la société civile immobilière Le Dix, cette société, d'une part, ainsi que l'association " France Nature environnement Paris " et autres, d'autre part, ne sont pas fondés à demander l'annulation du permis de construire du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société PariSeine pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel. Sur les frais liés à l'instance : 39. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société civile immobilière Le Dix d'une part, et l'association " France Nature environnement Paris " et autres, d'autre part, demandent au titre des frais qu'ils ont exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Le Dix et de l'association " France Nature Environnement Paris " et autres, chacun, une somme de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris et une somme de 1 500 euros à verser à la société PariSeine, en application de ces dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la société civile immobilière Le Dix est rejetée. Article 2 : La requête de l'association " France Nature environnement Paris " et autres est rejetée. Article 3 : La société civile immobilière Le Dix versera à la Ville de Paris et à la société PariSeine, une somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : L'association " France Nature environnement Paris " et autres verseront à la Ville de Paris et à la société PariSeine, une somme de 1500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Le Dix, à l'association " France Nature environnement Paris ", première requérante dénommée, pour l'ensemble des requérants de l'instance n° 22PA02653, à la Ville de Paris et à la société publique locale PariSeine. Délibéré après l'audience 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°s 22PA02637, 22PA02653
CETATEXT000048439221
J2_L_2023_11_00022LY02922
CETAT
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Texte
CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY02922, Inédit au recueil Lebon
2023-11-15 00:00:00
CAA de LYON
22LY02922
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. TALLEC
SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER
Mme Emilie FELMY
M. DELIANCOURT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 24 mai 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par un jugement n° 2204759 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2022, Mme C..., représentée par Me Sabatier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 septembre 2022 ; 2°) d'annuler les décisions du 24 mai 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ; 3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : la décision de refus de séjour : - est insuffisamment motivée ; - est entachée d'un défaut d'examen préalable et sérieux de sa demande ; - méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation ; - est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du pouvoir de régularisation du préfet ; - méconnaît la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ; la décision portant obligation de quitter le territoire français : - est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre séjour ; - est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ; la décision fixant le pays de destination : - est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; - méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... C..., ressortissante haïtienne née le 13 septembre 1979, a sollicité le 18 janvier 2021 le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " qui lui avait été délivré en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 24 mai 2022, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Mme C... interjette appel du jugement n° 2204759 du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 2. En premier lieu, les moyens tirés de l'absence d'examen préalable et sérieux de la situation de Mme C... et du défaut de motivation de la décision attaquée doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, la requérante réitérant en appel ces moyens sans les assortir d'éléments nouveaux. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an.(...) ". 4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a subi le 30 décembre 2018 une intervention chirurgicale tardive d'un " syndrome de la queue de cheval " effectuée en Guyane française, puis est arrivée en métropole le 29 décembre 2019. Si elle soutient qu'elle ne pourra pas bénéficier effectivement en Haïti, au regard des problèmes structurels affectant le système de santé de cet Etat, et du traitement médicamenteux particulier qui lui est prescrit, à savoir le Lyrica dont la molécule est la prégabaline, Mme C... s'est bornée en première instance à produire à l'appui de ses allégations des certificats médicaux des 30 mai et 8 juin 2022 peu circonstanciés émanant d'un seul médecin généraliste, des extraits d'un rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé relatif à la stratégie de coopération appropriée avec l'Etat d'Haïti mis à jour en mai 2017 faisant état de considérations générales sur le système de santé haïtien, ainsi qu'un extrait d'une liste non datée de " médicaments autorisés " en Haïti émanant du site internet du ministère de santé. Elle n'apporte aucun nouvel élément en appel, contemporain de la décision en litige, de nature à établir les difficultés dont elle se prévaut. Au demeurant, il ne ressort pas de la consultation de la base de données précitée que la prégabaline n'aurait pas fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché haïtien. Les certificats médicaux des 7 et 11 octobre 2022 faisant notamment état de l'absence de soins en Haïti concernant la pathologie de Mme C... et de l'impossibilité pour elle de supporter un trajet en avion sont postérieurs à la décision attaquée et dès lors sans influence sur celle-ci. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 6. Si Mme B... soutient qu'au regard de son temps de présence en France en situation régulière du 12 août 2019 au 11 mai 2020 et de son intégration professionnelle, la décision refusant de lui accorder un titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations précitées, il ressort des pièces du dossier que l'insertion professionnelle dont elle se prévaut est récente et limitée à une activité de bénévolat pour la Croix-Rouge à Cayenne à compter de l'année 2017, puis à des activités d'aide à domicile à compter du 16 décembre 2019 au terme d'un contrat à durée indéterminé à temps partiel avec la société " Viva Services ", puis avec l'association " ABC aide à domicile " à compter du mois de mars 2020. En outre, Mme C..., qui n'établit pas la durée de séjour dont elle se prévaut sur le territoire français, n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales et personnelles dans son pays d'origine. Par suite, quand bien même elle aurait poursuivi ses activités professionnelles avec la satisfaction de ses employeurs et durant toute la période de confinement, puis, ainsi que son avis d'imposition sur les revenus pour 2021 et les bulletins de salaires produits en témoignent, durant les années 2021 et 2022, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette mesure ainsi que les premiers juges l'ont relevé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés. 7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ". 8. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges et qu'il résulte des points 4 et 6 du présent arrêt, la situation de Mme B... ne relève ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels de nature à justifier que le préfet lui délivre la carte de séjour temporaire correspondant à l'une des situations mentionnées à l'article visé au point précédent. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que, pour les mêmes motifs, de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet à ne pas avoir exercé son pouvoir de régularisation doit être écarté. En outre, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui est dépourvue de valeur normative. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 9. En premier lieu, il résulte des motifs retenus aux points précédents que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour. 10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté pour les mêmes motifs. 11. En troisième lieu, il résulte des points 4 et 10, et 6 et 8 du présent arrêt que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment. En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination de la mesure d'éloignement : 12. En premier lieu, Mme C... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, les moyens tirés de l'illégalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination par voie de conséquence des précédentes décisions de refus de séjour et d'éloignement. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges. 13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Il résulte de ce qui a été précisé au point 4 que Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle encourrait des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son état de santé. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté. 14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais qu'elle a exposés. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY02922
CETATEXT000048439236
J2_L_2023_11_00023LY00567
CETAT
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Texte
CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00567, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de LYON
23LY00567
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. PRUVOST
AD'VOCARE
Mme Audrey COURBON
Mme LESIEUX
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme C... A..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2300032 du 11 janvier 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, d'une part, refusé d'admettre Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire (article 1er), d'autre part, renvoyé les conclusions D... B... dirigées contre la décision de refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal (article 2) et, enfin, rejeté le surplus de sa demande (article 3). Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 13 février 2023, Mme B..., représentée par Me Bourg, demande à la cour : 1°) d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, désigne le pays de destination et prononce une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que la décision d'assignation à résidence du même jour ; 3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme : - de procéder à la suppression de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ; - de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, et de lui délivrer, sous sept jours, une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de lui accorder, au titre de la procédure de première instance, le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à lui verser en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle ou à verser à son conseil, en cas d'admission, en application de ces dispositions combinées à celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - le jugement contesté est irrégulier dès lors que le premier juge n'a pas statué sur les conclusions présentées en première instance tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de communiquer les pièces sur la base desquelles il a édicté ses décisions, en application de l'article L. 614-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le magistrat désigné ne pouvait faire application des dispositions de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991, qui relèvent exclusivement de la compétence du bureau d'aide juridictionnelle institué près le tribunal judiciaire ; s'agissant d'une procédure d'urgence, cette aide provisoire devait lui être attribuée de plein droit, en vertu de l'article 20 de la même loi ; les moyens soulevés dans sa requête de première instance étaient suffisamment étayés ; ce refus d'admission méconnaît le droit au recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le jugement contesté est entaché d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation et de dénaturation dans son analyse de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - le premier juge a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la violation, par la mesure d'éloignement, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - en se bornant à renvoyer aux motifs énoncés au point 8 du jugement, qui concerne l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le premier juge a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la violation, par l'interdiction de retour, de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; - cette décision méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie de circonstances particulières qui font obstacle à ce que le risque de soustraction à la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet soit regardé comme établi ; - la décision désignant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - la décision portant interdiction de retour d'une durée d'un an est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - cette décision méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision d'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme, qui n'a pas produit d'observations. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023. Par un courrier du 6 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que la décision statuant sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle n'est pas susceptible de recours. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le rapport D... Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., épouse B..., ressortissante algérienne, née le 3 janvier 1968, est entrée régulièrement en France le 13 janvier 2015. Par un arrêté du 2 avril 2019, le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le 21 juin 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 9 novembre 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et pris à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an. Par une décision du même jour, le même préfet a assigné Mme B... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... relève appel du jugement du 11 janvier 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en tant qu'il a refusé de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination, portant interdiction de retour pour une durée d'un an et assignation à résidence. Sur le refus d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire en première instance : 2. Aux termes de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours. ". 3. La décision par laquelle le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a refusé d'admettre Mme B... à l'aide juridictionnelle à titre provisoire étant insusceptible de recours, les conclusions d'appel de l'intéressée tendant à l'annulation de cette décision ne peuvent qu'être rejetées. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., le premier juge a répondu, de manière suffisamment motivée, au point 10 de son jugement, au moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. De la même manière, en renvoyant, au point 17 du jugement, aux motifs énoncés au point 8 de ce même jugement, qui écartait le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, pour écarter le moyen tiré de la violation de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soulevé à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français, le premier juge a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen. 5. En deuxième lieu, si Mme B... fait valoir que le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation dans son examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, de telles erreurs, à les supposer établies, relèvent de l'appréciation du bien-fondé de sa décision et non de sa régularité. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 614-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux étrangers placés en rétention administrative ou assignés à résidence : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. ". 7. La possibilité de solliciter des parties la production de pièces ou documents utiles à la solution du litige constitue l'un des pouvoirs propres du juge, qui n'est pas lié en cela par la demande des parties et qui décide ainsi souverainement de recourir à une telle mesure. Les dispositions précitées n'imposent pas au magistrat de se prononcer sur une demande tendant à la mise en œuvre de ce pouvoir d'instruction. Au demeurant, il ressort du dossier de première instance que l'affaire était en état d'être jugée, dès lors que le magistrat désigné disposait des pièces suffisantes pour lui permettre de se prononcer sur la légalité des décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 9 novembre 2022. Ainsi, le premier juge a pu valablement statuer sur la demande de l'intéressée sans procéder à une mesure d'instruction pour se faire communiquer l'entier dossier détenu par l'administration. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement fondé sur l'absence de réponse à la demande D... B... présentée sur le fondement de l'article L. 614-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : 8. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. Mme B... se prévaut de sa résidence en France depuis plus de sept ans, de la présence, sur le territoire français, en situation régulière, de ses trois fils majeurs, dont l'aîné l'héberge et de la scolarisation de son fils mineur, né en 2010. Toutefois, si Mme B... indique être séparée de son époux, qui résiderait en Algérie, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans ce pays, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 47 ans. Il n'est, par ailleurs, fait état d'aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale qu'elle forme avec son fils mineur dans ce pays. Enfin, Mme B..., qui n'a entrepris aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative entre 2015 et 2021 et s'est soustraite à la mesure d'éloignement prise à son encontre en 2019, ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, eu égard notamment aux conditions de son séjour en France, la mesure d'éloignement contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit D... B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté. Pour les mêmes motifs, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. 10. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". 11. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus que la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer le fils mineur D... Mme B... sa mère, la cellule familiale pouvant se reconstituer en Algérie, pays dans lequel la requérante indique d'ailleurs que le père de l'enfant réside et dans lequel son fils pourra poursuivre la scolarité qu'il a débutée en France. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations précitées doit être écarté. En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire : 12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision relative au délai de départ volontaire. 13. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612 1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; ". 14. Il ressort des termes de la décision contestée que, pour refuser d'accorder à Mme B... un délai de départ volontaire, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur l'existence d'un risque, au sens de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'intéressée se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, risque regardé comme établi dès lors qu'elle n'a pas exécuté la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet le 2 avril 2019. Si Mme B... fait valoir qu'elle a contesté la légalité de cette mesure et que le préfet ne l'a pas mise à exécution, il est constant que son recours a été rejeté par un jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 avril 2019 et que Mme B..., à qui il appartenait d'exécuter cette décision, assortie d'une interdiction de retour, s'est maintenue sur le territoire français. Par suite, en l'absence de circonstance particulière, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet du Puy-de-Dôme a méconnu les dispositions énoncées au point 13. En ce qui concerne la décision désignant le pays de destination : 15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an : 16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. 17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". 18. Les éléments avancés par Mme B..., tirés de sa durée de présence en France et de la présence régulière en France de ses trois fils majeurs, ne suffisent pas, eu égard à ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt, à caractériser des circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées. Par suite, en édictant, à l'encontre de l'intéressée, une interdiction de retour pour une durée limitée à un an, le préfet du Puy-de-Dôme n'a commis aucune erreur d'appréciation. 19. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne l'assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours : 20. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision contestée est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 21. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'allocations de frais liés au litige, doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête D... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00567
CETATEXT000048439238
J2_L_2023_11_00023LY00754
CETAT
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Texte
CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00754, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de LYON
23LY00754
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. PRUVOST
SCP ROBIN VERNET
Mme Audrey COURBON
Mme LESIEUX
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2206547 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, M. B..., représenté par Me Robin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - le jugement est irrégulier, dès lors que le principe du contradictoire a été méconnu, le tribunal administratif n'ayant pas communiqué au préfet son mémoire en réplique du 18 novembre 2022 qui comportait des éléments nouveaux ; - la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui la fonde ; - cette décision méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision relative au délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - la décision désignant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français : - cette décision méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. La préfète du Rhône, qui a reçu communication de la requête, n'a pas produit d'observations. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, - et les observations de Me Beligon, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 10 avril 1980, est entré en France le 21 août 2018 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 novembre 2018, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 juillet 2019. Sa demande de réexamen au titre de l'asile a été rejetée comme irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 août 2020. Le 11 octobre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 2 mai 2022, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties. 3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a produit devant le tribunal administratif un mémoire en réplique le 18 novembre 2022, assorti de nouvelles pièces, notamment médicales, après que l'instruction, close le 24 octobre 2022, a été réouverte par la communication du mémoire en défense du préfet du Rhône le 25 octobre 2022. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, et alors qu'il a rejeté la demande de M. B..., l'absence de communication du mémoire et des pièces en cause au préfet du Rhône n'a pu préjudicier aux droits de ce dernier, ni à ceux du requérant. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté. Sur la décision de refus de titre de séjour : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 5. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. 6. Pour refuser d'admettre M. B... au séjour, le préfet du Rhône s'est notamment appuyé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 8 février 2022 indiquant que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. M. B..., qui souffre d'un syndrome de stress post-traumatique, pour lequel il suit un traitement médicamenteux et consulte régulièrement un psychiatre, d'un syndrome obstructif avec apnée du sommeil nécessitant un appareillage nocturne et des douleurs chroniques à la cheville droite, produit plusieurs certificats médicaux, compte-rendu de consultation et ordonnances qui font état de ces pathologies, du traitement et du suivi qui en résultent. Toutefois, ces différentes pièces, si elles confirment la nécessité d'une prise en charge médicale, sont peu circonstanciées quant au niveau de gravité de ces pathologies et aux conséquences d'un défaut de prise en charge médicale et ne permettent pas, de ce fait, de contredire l'avis précité du collège de médecins, rendu après examen de l'intéressé. Si M. B... fait valoir que les médicaments et le suivi nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, cette circonstance est en-elle-même sans incidence sur la légalité de la décision en litige, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il n'est pas établi que le défaut de prise en charge devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. M. B... réside en France depuis moins de quatre ans à la date de la décision attaquée. Ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, son état de santé ne nécessite pas son maintien sur le territoire national. Par ailleurs, l'intéressé, qui ne justifie d'aucune attache en France, n'est pas dépourvu de liens personnels et familiaux en République démocratique du Congo, où il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans et où résident son épouse et ses trois enfants mineurs. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. B..., le préfet du Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc, par suite, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant. Sur l'obligation de quitter le territoire français : 9. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, M. B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. 10. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt. 11. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 ci-dessus. Sur la décision relative au délai de départ volontaire : 12. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui accordant un délai de départ volontaire de quatre-vingt-dix jours. Sur la décision désignant le pays de destination : 13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application, ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, M. B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi. 14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 15. Alors que le défaut de prise en charge médicale de M. B... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ainsi qu'il a été dit au point 6, il n'est pas fondé à soutenir qu'il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté. 16. En dernier lieu, eu égard à sa situation médicale et personnelle telle que décrite précédemment, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision désignant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. 17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige. DÉCIDE: Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00754
CETATEXT000048439241
J3_L_2023_11_00021BX03654
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 16/11/2023, 21BX03654, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX03654
1ère chambre
plein contentieux
C
M. PAUZIÈS
CABINET TOSI GALINAT BARANDAS
Mme Kolia GALLIER
M. ROUSSEL CERA
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Loréa a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, d'annuler la convention conclue le 22 avril 2019 entre la commune de Bordeaux et la SARL BCC pour l'occupation domaniale temporaire des espaces de restauration dénommés " l'Orangerie " et " Carré Détente " du muséum d'histoire naturelle, situés au sein du Jardin public et, à titre subsidiaire, de résilier cette convention ou, à défaut, de sursoir à statuer dans l'attente de l'appréciation de la légalité du refus opposé à sa demande de communication de documents administratifs. Par un jugement n° 1904769 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a enjoint à la commune de Bordeaux de régulariser la convention en cause par une nouvelle délibération du conseil municipal en autorisant rétroactivement la signature, dans un délai de quatre mois suivant la notification de ce jugement ou, à défaut, de résilier cette convention. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 septembre 2021, la SARL Loréa, représentée par Me Galinat, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'auditionner, avant dire droit, les signataires de la convention en litige et de faire procéder à une vérification d'écritures la concernant ; 3°) d'annuler et subsidiairement de résilier la convention conclue le 22 avril 2019 entre la commune de Bordeaux et la société BCC pour l'occupation domaniale des espaces de restauration dénommés " l'Orangerie " et " Carré Détente " du muséum d'histoire naturelle, situés au sein du Jardin public ; 4°) à défaut, de sursoir à statuer dans l'attente de l'appréciation de la légalité du refus opposé à sa demande de communication de documents administratifs ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux et de la société BCC une somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le consentement des conseillers municipaux a été vicié dès lors qu'ils n'ont pas disposé d'une information suffisante pour se prononcer sur l'identité de l'attributaire de la convention en litige ; ce vice d'une particulière gravité entraîne nécessairement l'annulation, ou subsidiairement la résiliation, de cette convention et c'est à tort que le tribunal s'est borné à enjoindre à la commune de la régulariser ; - la circonstance que la société BCC ait été choisie pour conclure la convention au motif d'un " investissement financier engagé par l'occupant ", sans que cet investissement ne soit identifié dans la convention en litige qui ne fait pas mention de la candidature l'annonçant, ni même que le concessionnaire n'ait une quelconque obligation de les réaliser, entache la procédure de passation de cette convention d'une irrégularité lésant de façon directe et certaine ses intérêts ; - le conseil municipal a entaché sa délibération d'incompétence négative en se bornant à entériner le choix opéré par le jury ; à supposer que ce soit le maire de la commune qui fut compétent pour signer la convention litigieuse, l'adjointe au maire ayant signé par délégation a entaché cet acte d'un même vice d'incompétence ; - contrairement à ce que la société BCC a soutenu devant les premiers juges, l'annulation ou la résiliation de la convention ne porterait aucune atteinte à l'intérêt général ; s'agissant de son propre intérêt, la société BCC ne justifie d'aucun des investissements qu'elle affirme avoir déjà réalisés et qui seraient seuls susceptibles d'être pris en compte. Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2022, la commune de Bordeaux, représentée par Me Heymans, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Bordeaux et au rejet de l'ensemble de la demande présentée par la SARL Loréa devant le tribunal ; 3°) à la mise à la charge de la société Loréa des dépens de l'instance et d'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la société Loréa n'a pas intérêt pour faire appel dès lors que le jugement a fait droit à l'intégralité de ses demandes ; - dès lors que la convention a été conclue le 22 avril 2019, la demande en contestation de sa validité introduite plus de deux mois après sa signature, alors que le gérant de la société évincée avait eu connaissance dès le mois de janvier 2019 du rejet de son offre, était irrecevable, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ; - cette demande était en outre irrecevable dès lors que la société Loréa ne démontre pas être lésée par l'attribution du contrat ou l'une de ses clauses ; elle n'établit pas, non plus, un intérêt lésé du fait d'une insuffisante information des conseillers municipaux et d'une méconnaissance par le conseil municipal de sa compétence ; - subsidiairement, c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré d'une insuffisante information des conseillers municipaux et la circonstance que le conseil municipal se serait estimé lié par l'avis du jury sur le mérite des offres de candidats ; - les autres moyens invoqués par la société Loréa ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique: - le rapport de Mme Kolia Gallier, - les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public, - les observations de Me Galinat, représentant la société Loréa, et Me Quevarec, représentant la commune de Bordeaux. Considérant ce qui suit : 1. La commune de Bordeaux a conclu le 1er janvier 2007 avec la société Jegher restauration, devenue la société Loréa, une convention d'occupation du domaine public pour l'exploitation d'un espace de restauration dénommé " l'Orangerie " au sein du Jardin public pour une durée de douze ans. Avant l'expiration de cette convention le 31 décembre 2018, la commune a lancé une procédure d'attribution d'une nouvelle convention d'occupation du domaine public pour l'exploitation de l'espace de restauration précité et de celui dénommé " Carré détente " du Muséum d'histoire naturelle. Par une délibération du 19 novembre 2018, le conseil municipal de Bordeaux a autorisé le maire à signer la convention d'occupation du domaine public pour ces deux espaces avec la société BCC. La SARL Loréa a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, l'annulation de cette convention et relève appel du jugement du 12 juillet 2021 en tant que le tribunal s'est limité à enjoindre à la commune de Bordeaux de la régulariser par une nouvelle délibération du conseil municipal dans un délai de quatre mois ou, à défaut, de la résilier. La commune, qui a fait procéder à cette régularisation par une délibération du conseil municipal du 5 octobre 2021, doit être regardée comme demandant, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société Loréa. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Contrairement à ce que fait valoir la commune de Bordeaux, le tribunal n'a pas fait intégralement droit aux conclusions présentées par la société Loréa puisque celle-ci demandait, à titre principal, l'annulation de la convention conclue entre la commune de Bordeaux et la société BCC et que le jugement attaqué se limite à enjoindre à la commune de la régulariser. Par suite, la société Loréa présente un intérêt pour faire appel de ce jugement et la fin de non-recevoir opposée par la commune sur ce point doit être écartée. Sur la validité de la convention : 3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. 4. Pour enjoindre à la commune de Bordeaux de régulariser la convention conclue le 22 avril 2019 avec la société BCC en procédant à une nouvelle délibération en autorisant rétroactivement la signature, les premiers juges ont retenu, d'une part, qu'il ne résultait pas de l'instruction que les conseillers municipaux auraient été destinataires, préalablement à la séance du conseil municipal du 19 novembre 2018, d'une note explicative de synthèse ou de tout autre document leur permettant de disposer d'une information adéquate quant aux caractéristiques des offres des candidats à la procédure de passation et aux mérites de l'offre retenue et, d'autre part, que le conseil municipal s'étant borné à constater que l'examen des candidatures avait été assuré par un jury ad hoc sans porter lui-même d'appréciation sur le mérite des offres des candidats, il s'était estimé, à tort, lié par l'avis de ce jury. Toutefois, de tels vices dont se prévalait la société Loréa ne sont pas d'ordre public et ne constituent pas des manquements aux règles applicables à la passation de la convention en rapport direct avec son éviction. Par suite, la commune de Bordeaux est fondée à soutenir que la société Loréa ne pouvait utilement les invoquer devant le tribunal et que c'est à tort que les premiers juges les ont retenus pour lui enjoindre de régulariser la convention litigieuse. 5. Par ailleurs, la société Loréa ne peut utilement se prévaloir de ce que la société BCC aurait été sélectionnée au motif d'un investissement financier qui n'était pas identifié dans la convention, laquelle ne prévoyait aucune obligation pour le concessionnaire de s'y conformer, une telle argumentation ne se rapportant ni à un vice d'ordre public ni à un manquement aux règles applicables à la passation de la convention. 6. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la commune de Bordeaux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a partiellement fait droit à la demande de la société Loréa et lui a enjoint de régulariser la convention signée le 22 avril 2019 avec la société BCC. Il en résulte, d'autre part, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit l'audition des signataires de la convention litigieuse ou une vérification d'écritures ni de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur la demande de la société requérante tendant à l'annulation du refus de la commune de Bordeaux de lui communiquer des documents administratifs, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux ayant constaté un non-lieu à statuer sur cette demande par une ordonnance du 24 janvier 2023 en raison de la transmission des documents sollicités, que les conclusions de la société Loréa tendant à ce que la convention litigieuse soit annulée et subsidiairement résiliée doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Bordeaux à la recevabilité de la demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la société Loréa soit mise à la charge de la commune qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Loréa une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Bordeaux au titre des frais exposés pour les besoins du litige. DECIDE : Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés et les conclusions correspondantes présentées par la société Loréa sont rejetées. Article 2 : La société Loréa versera à la commune de Bordeaux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Loréa, à la commune de Bordeaux et à la SARL BCC. Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023 à laquelle siégeaient : M. Jean-Claude Pauziès, président, Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure, Mme Kolia Gallier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, Kolia GallierLe président, Jean-Claude Pauziès La greffière, Marion Azam Marche La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 21BX03654 2
CETATEXT000048439243
J5_L_2023_11_00020NC03655
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/92/CETATEXT000048439243.xml
Texte
CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 20NC03655, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de NANCY
20NC03655
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. WURTZ
SELARL DÔME AVOCATS
M. Stéphane BARTEAUX
M. MARCHAL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le GAEC du Waldmeister a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 18 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Witternheim a approuvé le plan local d'urbanisme, ainsi que la décision du 28 mars 2019 par laquelle le maire de la commune a rejeté son recours gracieux reçu le 21 février 2019. Par un jugement n° 1904073 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2020, le GAEC du Waldmeister, représenté par Me Lang, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2020 ; 2°) d'annuler la délibération du 18 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Witternheim a approuvé le plan local d'urbanisme, ainsi que la décision du 28 mars 2019 par laquelle le maire de la commune a rejeté son recours gracieux reçu le 21 février 2019 ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Witternheim la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la délibération contestée méconnaît les dispositions des articles L. 2121-13 et L. 2121-13-1 du code général des collectivités territoriales ; - la population n'a pas été informée que le rapport et les conclusions de l'enquête publique étaient mis à sa disposition en mairie, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-21 du code de l'environnement ; par ailleurs, il est douteux que les conseillers municipaux en ont eu connaissance avant l'adoption de la délibération en litige ; - le classement en zone Ua des parcelles cadastrées section B n° 59, 66, 719 et 816, accueillant le site historique d'exploitation du GAEC, et en zone Ub de la parcelle cadastrée section B n° 1025 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et entraîne une rupture d'égalité par rapport à une autre parcelle classée en zone A ; - le classement en zone IIAU des parcelles situées à proximité immédiate du nouveau site d'exploitation du GAEC est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le classement des parcelles section 5 n°99, 100, 4 et 5 en zone Ab et Ac est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et démontre un détournement de procédure et de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2021, la commune de Witternheim, représentée par Me Dangel, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer pour permettre une régularisation du plan local d'urbanisme en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, et demande que la somme de 3 000 euros hors taxes soit mise à la charge du GAEC du Waldmeister en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par un mémoire en intervention, enregistré le 21 septembre 2021, M. F... A..., M. E... A..., M. C... A..., M. D... A..., M. B... A... et Mme G... A..., représentés par la SELARL Dôme Avocats, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge du GAEC du Waldmeister la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de l'environnement ; - le code général des collectivités locales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Barteaux, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Dangel pour la commune de Witternheim et de Me Guy-Favier pour les consorts A.... Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 22 novembre 2010, le conseil municipal de la commune de Wittternheim a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune. A l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée du 8 octobre 2018 au 9 novembre 2018, le conseil municipal a approuvé, par une délibération du 18 décembre 2018, le plan local d'urbanisme de la commune. Le GAEC du Waldmeister, propriétaire de parcelles qui sont le siège de son exploitation agricole, a exercé contre cette délibération un recours gracieux que le maire a rejeté par une décision du 28 mars 2019. Par un jugement du 15 octobre 2020, dont fait appel le GAEC du Waldmeister, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération du 18 décembre 2018, ainsi que de la décision du 28 mars 2019 rejetant son recours gracieux. Sur l'intervention des consorts A... : 2. Les consorts A..., qui établissent être propriétaires des parcelles cadastrées section B n° 59, 66, 719 et 816, dont le classement en zone UA par la délibération attaquée est contesté par le GAEC du Waldmeister, justifient d'un intérêt suffisant au rejet de la requête. Par suite, il y a lieu d'admettre leur intervention. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités locales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". L'article L. 2121-13-1 du même code précise que : " La commune assure la diffusion de l'information auprès de ses membres élus par les moyens matériels qu'elle juge les plus appropriés (...) ". 4. Le GAEC du Waldmeister soutient qu'il n'est pas établi que les conseillers municipaux ont disposé en temps utile de tous les documents nécessaires pour voter en connaissance de cause sur le plan local d'urbanisme de la commune, et notamment du dossier relatif à ce plan ainsi que du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur, qui a été déposé à la mairie seulement trois jours avant la séance au cours de laquelle a été adoptée la délibération en litige. Toutefois, il résulte des dispositions précitées qu'exceptées pour les communes de plus de 3 500 habitants, dont ne fait pas partie la commune de Witternheim, les dispositions législatives ne fixent aucune règle particulière pour l'information des membres du conseil municipal. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que trois jours avant la séance du 18 décembre 2018, le maire a adressé aux conseillers municipaux une convocation, déposée directement dans leurs boîtes aux lettres par un agent communal, et leur a envoyé parallèlement un courriel comportant en annexe la convocation sur laquelle figurait l'ordre du jour, mentionnant en particulier l'approbation du plan local d'urbanisme. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un membre du conseil municipal aurait fait valoir son droit d'être informé plus précisément des sujets qui étaient mentionnés à l'ordre du jour, notamment en sollicitant la communication du dossier du plan local d'urbanisme ou sa consultation sur place, alors que la commune fait valoir, sans être utilement contredite, que le document était à disposition des membres du conseil municipal. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'un membre du conseil municipal aurait sollicité la consultation du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur, notamment au cours de la séance, et que le maire s'y serait opposé. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante information des membres du conseil municipal doit être écarté. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-21 du code de l'environnement : " L'autorité compétente pour organiser l'enquête adresse, dès leur réception, copie du rapport et des conclusions au responsable du projet, plan ou programme. / Copie du rapport et des conclusions est également adressée à la mairie de chacune des communes où s'est déroulée l'enquête et à la préfecture de chaque département concerné pour y être sans délai tenue à la disposition du public pendant un an à compter de la date de clôture de l'enquête. / Lorsqu'elle a publié l'avis d'ouverture de l'enquête sur son site internet, l'autorité compétente pour organiser l'enquête publie le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sur ce même site et le tient à la disposition du public pendant un an ". 6. Si les dispositions précitées font obligation de tenir à la disposition du public le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur, elles ne s'opposent pas à ce que le conseil municipal approuve le document d'urbanisme avant leur mise à disposition du public. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, la délibération en litige n'est pas illégale du seul fait qu'elle a procédé à l'approbation du plan local d'urbanisme dès la réception par le maire du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur et avant que ces documents ne soient mis à la disposition du public. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 151-18 du code de l'urbanisme : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ". 8. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer la partie d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts. 9. D'une part, le GAEC du Waldmeister soutient que le classement en zone U des parcelles cadastrées section B n° 59, 66, 719 et 816 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elles sont le siège d'une exploitation ayant donné lieu, en 1992, à une déclaration d'activité d'élevage de bovins relevant de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement et que ce classement n'est pas conforme à la vocation de la zone. Toutefois, il résulte du plan d'aménagement et de développement durables, en particulier de l'orientation n°1 libellée " une politique d'aménagement raisonnée améliorant le fonctionnement urbain et favorisant la cohabitation entre les habitants et les activités agricoles ", que les auteurs du plan local d'urbanisme ont pour objectifs de fixer des limites à l'urbanisation pour renforcer la compacité de la commune, assurer le renouvellement du tissu urbain existant, notamment par le réemploi des logements vacants et la réhabilitation du bâti ancien, de prendre en compte les nuisances liées à l'activité agricole dans le choix du développement futur de la commune et enfin de modérer la consommation d'espaces agricoles et naturels. A cet effet, ils ont notamment décidé de favoriser le renouvellement urbain grâce au comblement des dents creuses et à la réhabilitation des bâtiments existants. Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de zonage, que les parcelles en litige sont situées au cœur du village, lequel est doté de tous les équipements. Par ailleurs, si le requérant fait valoir que ce classement compromet toute possibilité de développement de son activité, il ressort des pièces du dossier qu'il ne dispose d'aucun droit de propriété sur les parcelles en litige. De plus, en admettant même qu'il bénéficierait d'un droit d'occupation sur celles-ci, ce qui est contesté par les propriétaires qui l'ont assigné devant le juge judiciaire pour qu'il évacue les lieux, il ne conteste pas y avoir cessé l'activité d'élevage de bovins, transférée sur un autre site. Dans ces conditions, le classement en zone U de ces parcelles n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 10. D'autre part, le GAEC se prévaut d'une rupture d'égalité dans la mesure où le classement en zone A a été maintenu pour une autre exploitation située dans le centre du village. Toutefois, il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités d'usage du sol sont différentes. Par suite, dès lors que le classement des parcelles cadastrées section B n° 59, 66, 719 et 816 ne repose pas, ainsi qu'il vient d'être dit au point 9, sur une appréciation manifestement erronée, le GAEC du Waldmeister n'est pas fondé à soutenir que le classement de ces parcelles en zone U méconnaît le principe d'égalité devant la loi. 11. En quatrième lieu, le GAEC du Waldmeister fait valoir que le classement en zone U de la parcelle cadastrée section B n° 1025, limitrophe de ses propres parcelles sur lesquelles sont implantées notamment des structures d'ensilage, est de nature à créer un risque pour la sécurité des tiers. Toutefois, s'il est vrai que les auteurs du plan local d'urbanisme ont prévu dans le projet d'aménagement et de développement durables de tenir compte des nuisances liées à l'activité agricole dans le choix du développement de la commune, la seule présence de silos n'est pas de nature à caractériser un risque réel et sérieux pour la sécurité des tiers. Par suite, en classant cette parcelle en zone U, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas méconnu les objectifs du projet d'aménagement et de développement durable, ni commis une erreur manifeste d'appréciation. 12. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. (...) ". 13. Il ressort des pièces du dossier que les auteurs du plan local d'urbanisme ont décidé d'ouvrir à l'urbanisation à court terme un secteur IAU et à plus long terme un secteur IIAU délimité par les parcelles cadastrées section B n° 980, 866, 863 ,860, 857, 854 et section 5 n° 1,2,3. Si le projet d'aménagement et de développement durables prévoit de combler les dents creuses et de réhabiliter l'existant, le classement de ces parcelles en zone IIAU correspond à l'un des objectifs de l'orientation n°1 visant à permettre une augmentation modérée de la population tout en limitant les secteurs d'extension de l'urbanisation et en échelonnant leur ouverture dans le temps. Il satisfait, par ailleurs, aux objectifs visant à renforcer la compacité de la commune et à prendre en compte les nuisances liées à l'activité agricole dans le choix du développement futur de la commune dès lors qu'il se situe dans les limites que les auteurs du PLU ont entendu fixer à l'urbanisation compte tenu des contraintes agricoles et naturelles. Le classement en zone IIAU des parcelles en litige n'est pas, contrairement à ce que soutient le GAEC du Waldmeister, contraire à l'orientation visant à développer l'urbanisation, programmée à court terme, le long d'habitations en secteur IAU. Enfin, la desserte de ces parcelles par un chemin d'exploitation ne s'oppose à pas à un tel classement en zone d'urbanisation future. Par suite, eu égard au parti d'aménagement ainsi retenu, en procédant au classement en zone IIAU des parcelles en litige, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation, même si un tel classement est susceptible de restreindre le développement de l'exploitation du GAEC du Waldmeister à proximité de ce secteur. 14. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". 15. Le GAEC du Waldmeister soutient que le classement en zone Ab d'une partie de ses parcelles cadastrées section 5 n° 99 et 100 et, en zone Ac, des parcelles cadastrées section 5 n° 4 et 5 situées au sud de sa propriété, s'oppose au développement de son exploitation. Toutefois, le classement d'une partie de ses parcelles en zone Ab, ayant vocation à faire tampon avec la zone urbaine et qui n'interdit que les constructions destinées à l'élevage, répond à l'objectif du projet d'aménagement et de développement durables visant à tenir compte des nuisances liées aux exploitations agricoles. Quant au classement en zone Ac des parcelles situées au sud de son exploitation, en raison de leur potentiel agronomique, que le GAEC ne conteste pas, il satisfait à l'objectif de l'orientation n° 6 consistant à " développer une offre économique adaptée à l'échelle de la commune " en vue de la préservation des terres agricoles de qualité. Par suite, le moyen tiré de ce que le classement des parcelles litigieuses en zone Ab et Ac serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. 16. En dernier lieu, en se bornant à soutenir que le classement en zone Ab et Ac des parcelles cadastrées section 5 n° 99, 100, 4 et 5 a pour but d'empêcher le développement de son exploitation, le requérant n'établit pas les détournements de procédure et de pouvoir allégués alors que, ainsi qu'il a été dit au point 15, ce classement n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 17. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC du Waldmeister n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sur les frais de l'instance : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Witternheim, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande le GAEC du Waldmeister au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du GAEC du Waldmeister une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Witternheim non compris dans les dépens. 19. M. F... A... et autres, intervenants en défense, n'étant pas des parties à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation du GAEC du Waldmeister à leur payer la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : L'intervention de M. F... A..., M. E... A..., M. C... A..., M. D... A..., M. B... A... et Mme G... A... est admise. Article 2 : La requête du GAEC du Waldmeister est rejetée. Article 3 : Le GAEC du Waldmeister versera à la commune de Witternheim la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions des intervenants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié sera notifié au GAEC du Waldmeister, à la commune de Witternheim et à M. F... A... en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUXLe président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 20NC03655 2
CETATEXT000048439244
J5_L_2023_11_00022NC00859
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC00859, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de NANCY
22NC00859
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. WALLERICH
SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES
M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Mme ANTONIAZZI
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... C..., M. D... H..., Mme G... F... épouse H..., M. I... B..., M. K... A... et l'association Sauvegarde Faune Sauvage ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le maire de Battenheim a délivré à la société foncière Hugues Aurèle un permis d'aménager et le rejet de leur recours gracieux. Par un jugement n° 2103083 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 4 avril 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 2 novembre 2022, M. E... C..., M. I... B... et l'association Sauvegarde Faune Savage, représentés par Me Stackler, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 février 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 du maire de Battenheim portant permis d'aménager délivré à la société foncière Hugues Aurèle et le rejet de leur recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Battenheim une somme de 3 000 euros au titre des frais d'appel et de 1 000 euros au titre des frais de première instance sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'arrêté du 3 décembre 2020 n'aurait pas pu être autorisé par le maire de Battenheim si le plan local d'urbanisme n'avait pas été révisé le 17 décembre 2018 au mépris des enjeux de biodiversité sur la zone affectée et des intérêts de la généralité des habitants de la commune alors que cette délibération a permis au maire de Battenheim de s'affranchir de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ; - c'est au terme d'une erreur manifeste d'appréciation que par une délibération du 17 décembre 2019 le conseil municipal de Battenheim a classé en zone constructible les parcelles d'assiette du projet autorisé par l'arrêté contesté ; - la révision du plan local d'urbanisme approuvée par une délibération du conseil municipal du 17 décembre 2019 est entachée d'illégalité ; - l'arrêté du 3 décembre 2020 est entaché de détournement de pouvoir et de prise illégale d'intérêt. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2022, la société Foncière Hugues Aurèle, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros hors taxe soit mise à la charge des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que l'intervention de l'association Sauvegarde Faune Sauvage en première instance est irrecevable en raison de la méconnaissance de l'article R. 631-2 du code de justice administrative et que les moyens soulevés par M. C... et autres ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2022, la commune de Battenheim, représentée par Me Soler-Couteaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que l'intervention de l'association Sauvegarde Faune Sauvage en première instance est irrecevable en raison de la méconnaissance de l'article R. 631-2 du code de justice administrative et que les moyens soulevés par M. C... et autres ne sont pas fondés. Un mémoire complémentaire présenté le 9 mai 2023 pour M. C... et autres a été reçu et non communiqué. Un mémoire complémentaire présenté le 10 mai 2023 pour la commune de Battenheim a été reçu et non communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Vilchez, pour la commune de Battenheim et la société foncière Hugues Aurèle. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 3 décembre 2020, le maire de Battentheim a délivré un permis d'aménager à la société Foncière Hugues Aurèle portant sur un maximum de trente lots et une surface de plancher de 9 000 mètres carrés sur une unité foncière située rue des Prés et rue des Pommiers. M. D... H..., Mme G... F... épouse H..., M. E... C..., M. I... B..., M. K... A... et l'association Sauvegarde Faune Sauvage ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cet arrêté ensemble la décision rejetant leur recours gracieux. Par un jugement n° 2103083 dont M. E... C..., M. I... B... et l'association Sauvegarde Faune Sauvage (ci-après " M. C... et autres ") interjettent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur recours. 2. En premier lieu, aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ". Il est constant qu'en première instance les requérants se sont prévalus d'un moyen intitulé " sur le volet paysager " et indiquent à ce sujet que le terrain d'assiette du projet comprend de nombreux arbres centenaires qui caractérisent un écosystème faune/flore, que de nombreuses espèces protégées y nichent, que la préservation des prairies existantes est essentielle ce qui a été mis en exergue dans l'analyse environnementale du plan local d'urbanisme qui a également souligné la nécessité de lutter contre l'étalement urbain. Ils ont également fait valoir que les terrains longent le canal du Quatelbach et que compte-tenu du schéma de cohérence territoriale, du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et de la réglementation sur l'eau, le déclassement de terrains en zone AU est illégal alors que la zone permet également le rechargement des nappes phréatiques. Ils ont également précisé qu'il leur a été indiqué que les paysages environnants des biens qu'ils ont acquis resteraient inchangés, ce qu'ils ont cru au regard des enjeux environnementaux affectant ce secteur dit L... ". Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont écarté ce moyen en raison de son caractère insuffisamment détaillé, notamment en ce que les requérants n'ont pas précisé quelles normes visées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme auraient été méconnues. Les requérants n'apportent pas davantage en appel les précisons permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé de leur moyen. De surcroît, M. C... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le maire a examiné la demande de permis d'aménager à l'aune des dispositions du plan local d'urbanisme en vigueur au jour de la décision. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme : " Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur. " Il ressort des pièces du dossier que M. C... et autres n'établissent ni même n'allèguent que l'arrêté du 3 décembre 2020 méconnaît les dispositions d'urbanisme remises en vigueur en raison de l'illégalité du plan local d'urbanisme révisé le 17 décembre 2019 dont ils se prévalent. Par suite, ce moyen, qui n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté. 4. En troisième lieu, si M.C... et autres soutiennent que l'arrêté du 3 décembre 2020 vise à protéger les intérêts de conseillers municipaux qui sont notamment propriétaires de parcelles concernées par l'arrêté attaqué, cette circonstance est insuffisante pour établir que ces élus auraient un intérêt distinct de celui de la commune et de la généralité de ses habitants. De surcroît, M. C... et autres n'établissent pas que le maire de Battenheim, en prenant l'arrêté attaqué, ait été uniquement motivé par des considérations relatives aux finances de la commune. 5. En quatrième et dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 432-12 du code pénal dans sa version en vigueur le 3 décembre 2020 : " Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction ". 6. Il n'appartient pas au juge administratif, saisi dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, de se prononcer sur la qualification pénale d'actes aux fins de censurer une décision administrative. Il suit de là que M. C... et autres ne peuvent utilement soutenir que la délibération attaquée serait entachée de prise illégale d'intérêt. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les élus concernés auraient exercé une influence particulière afin que la délibération prenne en compte leur intérêt personnel. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2020 du maire de Battenheim portant permis d'aménager délivré à la société foncière Hugues Aurèle et le rejet de leur recours gracieux. Par voie de conséquence les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant en première instance qu'en appel doivent être rejetées. 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... et autres d'une part la somme de 750 euros au titre des frais exposés par la commune de Battenheim et non compris dans les dépens et d'autre part la somme de 750 euros au titre des frais exposés par la société foncière Hugues Aurèle. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... et autres est rejetée. Article 2 : M. E... C..., M. I... B... et l'association Sauvegarde Faune Sauvage verseront à la commune de Battenheim la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : M. E... C..., M. I... B... et l'association Sauvegarde Faune Sauvage verseront à la société foncière Hugues Aurèle la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à M. I... B..., à l'association Sauvegarde Faune Sauvage, à la commune de Battenheim et à la société foncière Hugues Aurèle. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC00859
CETATEXT000048439245
J5_L_2023_11_00022NC01954
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 22NC01954, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de NANCY
22NC01954
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. WURTZ
BOUKARA
M. Stéphane BARTEAUX
M. MARCHAL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 11 septembre 2019 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour dont elle était titulaire, ensemble la décision du 21 janvier 2020 rejetant son recours gracieux contre ces décisions du 11 septembre 2019. Par un jugement n° 2002008 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juillet 2022 et le 25 octobre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Boukara, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2022 ; 2°) d'annuler les décisions du préfet du Haut-Rhin du 11 septembre 2019 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence d'Algérien de dix ans, subsidiairement un certificat de résidence d'Algérien portant la mention " vie privée et familiale " et, très subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, et dans cette attente, de lui délivrer sous quinze jours une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 2 400 euros et de 1 800 euros respectivement au titre de l'instance d'appel et de la première instance à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence d'Algérien : - la procédure est irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ; - la décision de refus de certificat de résidence d'Algérien est insuffisamment motivée concernant sa non-admission à titre exceptionnel en France ; - la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnue dès lors que le préfet ne l'a pas mise en mesure de présenter des observations avant le rejet d'une demande de titre de séjour, examinée d'office, sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ou d'une autorisation provisoire de séjour ; - elle méconnaît l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien ; - elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît l'article 20 du traité de fonctionnement de l'Union européenne et l'article 7.2 de la directive 2044/38/CE du 29 avril 2004 en créant une discrimination à rebours ; - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour à titre exceptionnel ; En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour : - elle est entachée d'un défaut de base légale ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle est entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure. Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2022, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante algérienne, est entrée en France en 2016 sous couvert d'un passeport muni d'un visa de court séjour. Elle a sollicité, le 21 novembre 2017, la délivrance d'un certificat de résidence d'Algérien sur le fondement des articles 6-5 et 7 bis b) de l'accord franco-algérien. Par une lettre du 30 janvier 2018, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité mais lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable six mois régulièrement renouvelée jusqu'au 21 septembre 2019 à condition que ses enfants assument intégralement sa prise en charge. Le 16 juillet 2019, l'intéressée a demandé le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour et sollicité la délivrance d'un certificat de résidence d'Algérien. Par un courrier du 11 septembre 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et de renouveler l'autorisation provisoire de séjour. La requérante a présenté contre ces décisions un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 21 janvier 2020. Mme B... fait appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 11 septembre 2019 refusant de lui délivrer un certificat de résidence algérien et une autorisation provisoire de séjour, ainsi que de la décision du 21 janvier 2020 rejetant son recours gracieux. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence : 2. En premier lieu, d'une part, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet a mentionné les considérations de droit et de fait pour lesquelles il a refusé de délivrer un certificat de résidence algérien à Mme B... sur le fondement des articles 6-5 et 7 bis b) de l'accord franco-algérien. D'autre part, la requérante ne peut utilement soutenir que la décision prise sur son recours gracieux n'est pas motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions contestées doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". 4. Si, dans le cadre de l'examen de la demande présentée par Mme B... tendant à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le préfet a examiné d'office s'il n'y avait pas lieu de lui délivrer un titre de séjour sur un autre fondement de cet accord, cette circonstance n'impliquait pas qu'au préalable, le préfet recueille ses observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 précitées doit être écarté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) / b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; (...) ". 6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin a délivré à Mme B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à séjourner en France à compter du 8 février 2018, renouvelée jusqu'au 21 septembre 2019. Elle doit ainsi être regardée comme séjournant régulièrement sur le territoire français à la date de sa demande de titre de séjour. S'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un avis d'imposition pour l'année 2019, que l'une des filles de l'intéressée a subvenu à ses besoins au titre de l'année 2018 à concurrence de 3 200 euros et l'héberge, cette circonstance ne suffit pas à établir que Mme B..., qui se borne à produire son propre avis d'imposition français pour cette seule année, était prise en charge par ses enfants à la date de la décision en litige. A cet égard, les avis d'imposition pour l'année 2020 de deux de ses enfants, de nationalité française, sur lesquels figurent la déduction d'une pension alimentaire ne permet pas d'établir, même s'ils disposent de revenus suffisants, que celle-ci était destinée à couvrir les besoins de la requérante qu'elle ne pouvait assumer seule. D'ailleurs, l'avis d'imposition pour l'année 2019 du fils de la requérante mentionne la déduction d'une pension alimentaire d'un montant de 3 600 euros qui n'apparaît pas dans la déclaration de Mme B.... Enfin, la requérante, qui a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 85 ans avant d'entrer en France, n'établit pas être dépourvue de ressources propres suffisantes, notamment de pension. Les virements ponctuels en 2010, 2014 et 2016 effectués par sa fille et son fils sur un compte en Algérie ne suffisent pas, en l'absence d'éléments permettant d'identifier leur destinataire, à établir que ses enfants subvenaient déjà à ses besoins en raison de l'insuffisance de ses propres ressources. Par suite, en estimant que Mme B... ne pouvait être regardée comme étant à la charge de ses enfants résidant en France et en refusant pour ce motif de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées. 7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. Mme B... fait valoir qu'elle est présente depuis trois ans en France où vivent notamment ses quatre enfants, de nationalité française, ainsi que ses petits-enfants. Toutefois, l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de 85 ans en Algérie où résident ses autres enfants. Par suite, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme B..., la décision attaquée n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet du Haut-Rhin n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 9. En cinquième lieu, Mme B... fait valoir qu'un droit au séjour est reconnu aux membres de la famille d'un ressortissant communautaire, dont les ascendants directs à charge, et que le refus qui lui est opposé méconnait en conséquence les dispositions de l'article 20 TFUE et de l'article 7.2 de la directive 2044/38 du 29 avril 2004. 10. Toutefois, d'une part, la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, a été intégralement et régulièrement transposée dans l'ordre juridique français. Dans ces conditions, Mme B... ne peut utilement invoquer directement les dispositions de cette directive pour contester la légalité de la décision en litige. Au surplus, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (Shirley McCarthy, 5 mai 2011, aff. C-434/09) que les dispositions de la directive du 29 avril 2004 ne s'appliquent qu'aux citoyens de l'Union qui se rendent ou séjournent dans un Etat membre autre que celui dont ils ont la nationalité. La requérante ne peut donc pas utilement s'en prévaloir, dès lors qu'elle n'est pas ressortissante d'un Etat membre et que ses enfants ont, de surcroît, la nationalité française. 11. D'autre part, si dans l'arrêt du 9 mars 2011, Zambrano, aff. C-34/09, la Cour de justice de l'Union européenne a admis un droit au séjour à un ressortissant d'un Etat tiers membre de la famille d'un mineur, citoyen de l'Union européenne, qui ne s'était pas déplacé dans un Etat membre autre que celui dont il avait la nationalité, c'est afin de ne pas priver ce dernier de la jouissance des droits attachés à sa qualité de citoyen de l'Union européenne que lui confère l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment celui de séjourner dans l'Etat dont il a la nationalité. Le refus d'autoriser la requérante à séjourner en France, en l'espèce, n'a pas pour effet de porter atteinte aux droits de citoyens européens dont jouissent ses enfants majeurs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 7 paragraphe 2 de la directive du 29 avril 2004 doit être écarté. 12. En dernier lieu, eu égard aux circonstances analysées aux points 6 et 8, le préfet du Haut-Rhin n'a pas, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation. Le moyen doit, par suite, être écarté. En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour : 13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'alors même que Mme B... ne remplissait pas les conditions pour obtenir la délivrance d'un certificat de résidence algérien, le préfet, dans le cadre du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'une mesure de régularisation, a décidé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à la condition que ses enfants assument intégralement sa prise en charge et qu'elle ne devienne pas, ainsi, une charge pour les finances publiques. Il est constant que le département du Haut-Rhin a été saisi d'une demande de versement de l'allocation personnalisée d'autonomie pour Mme B.... Si la requérante conteste être à l'origine de cette demande, elle ne l'établit pas. Si le département du Haut-Rhin s'est rapproché des services de la préfecture pour connaître la situation de l'intéressée au regard de la régularité de son séjour, à laquelle est conditionnée l'attribution de l'allocation en vertu de l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Ainsi, en refusant de renouveler cette autorisation provisoire de séjour au motif que la requérante avait sollicité l'allocation personnalisée d'autonomie et quand bien même cette aide n'a pas été perçue, le préfet du Haut-Rhin, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation, n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de la requérante. 14. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en prenant la décision en litige de refus de renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour, laquelle, au demeurant, ainsi qu'il a été exposé précédemment, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, entaché cette décision d'un détournement de pouvoir ou de procédure. 15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, la requête de l'intéressée doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'édiction d'une injonction sous astreinte et celles présentées tant au titre de la première instance que de l'instance d'appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUX Le président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 22NC01954 2
CETATEXT000048439246
J5_L_2023_11_00022NC02313
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02313, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de NANCY
22NC02313
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. WALLERICH
DRAVIGNY
M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Mme ANTONIAZZI
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2101619 du 30 août 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 8 septembre 2022, M. D... B..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 août 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 6 août 2021 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant l'instruction ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant l'instruction ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : s'agissant de la régularité du jugement : - les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence d'examen global de sa situation au regard des critères posés par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. s'agissant du refus de titre de séjour : - l'arrêté du 6 août 2021 est entaché d'une erreur dès lors que les documents d'état civil qu'il a remis ne sont ni frauduleux ni irrégulier ; - l'arrêté du 6 août 2021 méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre ses seize et dix-huit ans et qu'il remplit les conditions posées par ces dispositions ; - l'arrêté du 6 août 2021 est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet du Doubs n'a pas sollicité de sa part l'avis de sa structure d'accueil mais qu'il l'a obtenu directement auprès des services compétents et ne l'a pas communiqué à l'intéressé ; - le préfet du Doubs a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle dès lors qu'il vit en France depuis plus de trois ans, a obtenu des diplômes, ses enseignants ne tarissent pas d'éloge et qu'il a tissé des liens forts avec des personnes résidant en France. s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour. s'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire : - la décision fixant le délai de départ volontaire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français. s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : - la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 26 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. D... B..., ressortissant guinéen affirmant être né le 24 mars 2001, déclare être entré en France le 5 juin 2018. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance du département de la Côte-d'Or en raison de sa minorité par un jugement en assistance éducative du 5 juin 2018. Il a été pris en charge par le département du Doubs du 5 juin 2018 au 3 avril 2019. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 17 février 2020. Le préfet du Doubs, par un arrêté du 6 août 2021, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 30 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 août 2021. Sur la légalité de l'arrêté du 6 août 2021 : 2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". 3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article des dispositions susmentionnées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, le préfet ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. 4. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". 5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B..., le préfet du Doubs s'est, d'une part, fondé sur la circonstance que les documents produits pour établir son état civil étaient dépourvus de valeur probante dès lors que l'expertise documentaire avait relevé des anomalies et que l'intéressé ne justifiait ainsi ni de son identité ni de sa nationalité. Le préfet a, d'autre part, relevé que la structure d'accueil de l'intéressé n'avait pas produit d'avis concernant l'intéressé et que M. B... n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays. 6. Pour établir son identité et en particulier sa date de naissance, M. B... produit un jugement supplétif du 16 novembre 2017 délivré par le tribunal de première instance de Kaloum ainsi qu'un extrait du registre de l'état-civil de la commune de Kaloum du 17 novembre 2017, légalisés respectivement le 7 mai 2021 et le 30 juin 2021 par M. A... C..., ambassadeur de Guinée en France. M. B... produit également une carte d'identité consulaire délivré le 19 avril 2021. Il ressort également des pièces du dossier que par un jugement du 5 juin 2018, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Dijon a confié M. B... auprès de l'aide sociale à l'enfance du département de Côte d'Or jusqu'au 24 mars 2019 date de sa majorité. M. B... est dès lors fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à en solliciter l'annulation. 7. L'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour emporte nécessairement l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. L'exécution du présent arrêt implique uniquement que le préfet procède au réexamen de de la demande de titre de séjour de M. B... au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, notamment du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. Si l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et justifiant suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu permettre l'attribution à titre exceptionnel de ces cartes de séjour aux étrangers qui en formulent la demande dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire. 10. Dès lors qu'il est constant que M. B... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour sur ce fondement dans l'année qui a suivi son dix-huitième anniversaire, la circonstance qu'il est aujourd'hui âgé de plus de dix-huit ans ne saurait faire obstacle à ce que le préfet réexamine sa situation au regard de cet article, ni, le cas échéant, à ce qu'il lui délivre une carte de séjour sur ce fondement au terme de l'appréciation globale de sa situation, telle que mentionnée au point 2 ci-dessus. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à M. B... un récépissé de demande de titre de séjour, lequel l'autorisera en l'espèce à travailler, conformément à l'article R. 431-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur les frais d'instance : 11. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dravigny, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dravigny la somme de 1 500 euros, comme il est demandé. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2101619 du 30 août 2022 du tribunal administratif de Besançon est annulé. Article 2 : L'arrêté du 6 août 2021 du préfet du Doubs est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt au réexamen de la demande de titre de séjour de M. B... au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon les modalités précisées au point 10 du présent arrêt et de délivrer à M. B... un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler pendant le temps de ce réexamen. Article 4 : L'Etat versera à Me Dravigny la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dravigny renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Doubs. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02313
CETATEXT000048439247
J5_L_2023_11_00022NC03194
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC03194, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de NANCY
22NC03194
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. WALLERICH
AIRIAU
M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Mme ANTONIAZZI
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête n° 2205301, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement. Par une requête n° 2205302, Mme E... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement. Par un jugement n°s 2205301, 2205302 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces recours. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, M. B... C... et Mme E... née D..., représentés par Me Airiau, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 novembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3°) d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 4°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai ; 5°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Ils soutiennent que : s'agissant des refus de titre de séjour : - le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ; - ces décisions méconnaissent les articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions sur leurs situations personnelles ; s'agissant des obligations de quitter le territoire français : - elles sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité affectant les refus de titre de séjour ; - elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions sur leurs situations personnelles ; s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : - elles sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité affectant les refus de titre de séjour et les obligations de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 1er mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mars 2023. M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 17 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code du travail ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... C... et Mme E... née D..., ressortissants kosovares nés le 14 mai 1970 et le 5 octobre 1974, sont entrés en France selon leurs dires le 24 septembre 2018 avec leur fils, M. A... C.... L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 28 décembre 2018 leur demande d'admission au statut de réfugié. Le 29 décembre 2019 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Le 15 juin 2020, Mme C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par trois arrêtés du 2 décembre 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement n°s 210126, 2101262, 2101263 du 10 avril 2021, que la cour a confirmé le 24 juin 2022 par un arrêt n° 21NC03223, 21NC03224, 21NC03225, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Le 5 mai 2022, M. C... et Mme C... ont sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 21 juillet 2022, le préfet du Haut-Rhin leur a refusé, chacun en ce qui le concerne, la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. C... et Mme C... relèvent appel du jugement du 16 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 21 juillet 2022. Sur la légalité des refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, M. C... soutient que le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen préalable et circonstancié de sa situation, au motif que celui-ci n'aurait pas pris en compte ses qualifications professionnelles, son expérience, ses diplômes ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il serait candidat. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté que le préfet a pris en considération la durée de son séjour en France, la scolarité de son fils A... et la circonstance que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. C..., le moyen tiré de l'absence d'examen particulier ne peut qu'être écarté. 3. En deuxième lieu, l'autorité préfectorale a pris en compte ces mêmes éléments ainsi que la circonstance que Mme C... n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de son état de santé. Dès lors, contrairement à ce que soutient Mme C..., le moyen tiré de l'absence d'examen particulier ne peut qu'être écarté. 4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du premier aliéna de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". 5. M. C... et Mme C... soutiennent être présents en France depuis bientôt quatre ans au jour de la décision attaquée, que leur fils A... a obtenu son baccalauréat en juin 2022 et qu'il entend intégrer une licence de " Langues étrangères appliquées " à l'université de Mulhouse en septembre 2022, que M. C... détient une promesse d'embauche, que Mme C... souffre d'une grave pathologie ophtalmique qu'elle ne peut soigner dans son pays, qu'ils parlent français et ont consenti à d'importants efforts d'intégration. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... et Mme C... ne pouvaient ignorer la précarité de leur situation sur le territoire national, que la durée de leur séjour, au demeurant de moins de quatre ans trouve essentiellement son origine dans leur refus répété d'exécuter les décisions d'éloignement prises à leur égard, que leur fils désormais majeur a terminé un cycle de formation avec l'obtention d'un baccalauréat et qu'il n'est pas établi que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour des intéressés en France, les arrêtés litigieux du 21 juillet 2022 n'ont pas porté au droit de M. C... et Mme C... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris. Ainsi, le préfet du Haut-Rhin n'a ni méconnu les stipulations et dispositions précitées, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle des intéressés. Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français : 6. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. 7. En deuxième lieu, les arrêtés du 21 juillet 2022 énoncent les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des diverses décisions qu'ils comportent et satisfont dès lors à l'obligation de motivation. 8. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet du Haut-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. C... et Mme C... doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 ci-dessus. Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination : 9. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, les décisions fixant le pays de destination n'ont pas été prises sur le fondement de décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... et Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme E... née D... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC03194
CETATEXT000048439252
J6_L_2023_11_00021MA02933
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 21MA02933, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
21MA02933
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
CHASSANY
M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2016 par lequel le maire de La Cadière-d'Azur a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'un groupe d'habitations et d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section AC n° 181, 182 et 183, sises chemin des Aires de Sainte Madeleine sur le territoire de la commune, ensemble la décision du 27 février 2017 portant rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1701315 du 27 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté et la décision rejetant le recours gracieux de M. C... et a enjoint au maire de la commune de La Cadière-d'Azur de délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par une ordonnance n° 20MA01936 du 8 juillet 2020, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée par la commune de La Cadière-d'Azur, enregistrée le 27 mai 2020, à l'encontre de ce jugement. Par une décision n° 441684 du 31 mars 2021, le Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête de la commune de La Cadière-d'Azur à la cour administrative d'appel de Marseille. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 27 mai 2020, et des mémoires enregistrés le 28 avril 2023 et le 9 juin 2023, la commune de La Cadière-d'Azur, représentée par Me Chassany, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 mars 2020 ; 2°) de rejeter la requête de M. C... ; 3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé et méconnaît les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; - le projet de M. C... méconnaît l'article UB3.2 du plan d'occupation des sols de la commune dès lors qu'il est d'une largeur de 3,53 mètres, alors que cet article impose que les voies privées de desserte des terrains ne peuvent avoir une largeur inférieure à 4 mètres ; - ce projet méconnaît l'article 3.1 du plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt de la commune qui prescrit qu'une construction ne doit pas se trouver éloignée de plus de 200 mètres d'un point d'eau normalisée, cette distance devant être mesurée en projection horizontale selon l'axe des circulations accessibles aux engins d'incendie, et elle pouvait refuser le permis de construire sollicité par M. C... sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 mars 2023 et le 31 mai 2023, M. A... C..., représenté par Me Lopasso, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de La Cadière-d'Azur de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Claudé-Mougel, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Gandoulphe représentant la commune de La Cadière-d'Azur et celles de Me Lopasso, représentant M. C.... Une note en délibéré présentée pour M. C... a été enregistrée le 27 octobre 2023 et n'a pas été communiquée. Une note en délibéré présentée pour la commune de La Cadière-d'Azur a été enregistrée le 6 novembre 2023 et n'a pas été communiquée. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 26 octobre 2016, le maire de La Cadière-d'Azur a refusé de délivrer à M. C... un permis de construire en vue de la réalisation d'un groupe d'habitations composé de 4 logements et d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section AC n° 181, 182 et 183, sises chemin des Aires de Sainte Madeleine sur le territoire de la commune. La commune de La Cadière-D'Azur relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 mars 2020 qui a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. C... le permis de construire sollicité. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant un ou plusieurs moyens, de se prononcer expressément sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, afin d'apprécier si ce moyen ou l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. 3. En premier lieu, le point 2 de l'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de La Cadière-d'Azur relatif à l'accès et à la voirie prévoit que " Les terrains doivent être desservis par des voies publiques ou privées, répondant à l'importance et à la destination de la construction ou de l'ensemble des constructions qui y sont édifiées. / Aucune voie privée ne doit avoir une largeur inférieure à 4 mètres (...) ", cependant que le point 1 de ce même article dispose, dans son premier alinéa, que " Pour être constructible, un terrain doit comporter un accès à une voirie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisin ou éventuellement obtenu par application de l'article 682 du code civil. " et, dans son deuxième alinéa que " les caractéristiques des accès doivent permettre de satisfaire aux règles minimales de desserte : défense contre l'incendie, protection civile, brancardage, etc. " 4. Il résulte de ces dispositions que la largeur minimale de 4 mètres qu'elles prescrivent ne s'applique qu'aux voies de desserte privées aux terrains. Le maire de la commune de La Cadière-d'Azur ne pouvait, par suite, se fonder sur la circonstance que le portail situé à l'entrée du 26 chemin des Aires de Sainte Madeleine, au sud de la parcelle cadastrée section AC n° 181, était d'une largeur inférieure à cette largeur minimale pour refuser le permis de construire sollicité par M. C..., dès lors qu'il constitue un accès entre cette parcelle, auquel cette prescription n'est pas applicable, et le chemin des Aires de Sainte Madeleine, et qu'il est par ailleurs établi par le procès-verbal du 9 décembre 2016 dressé par un huissier mandaté par M. C... que ce chemin présente une largeur de 5, 10 mètres. 5. En deuxième lieu, aux termes du a) du 2.1. du 2 de l'article UB 4 du règlement du POS de la commune de La Cadière-d'Azur relatif aux eaux usées : " Toute construction ou installation nouvelle à usage d'habitat ou abritant des activités, doit être raccordée obligatoirement par des canalisations souterraines au réseau collectif d'assainissement pour l'évacuation des eaux résiduaires, usées et vannes. ". L'article UB 5 du même code dispose : " Les collectifs ne sont autorisés que s'ils sont raccordés au réseau public d'assainissement ". Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est raccordé au réseau public d'assainissement. Si la commune se prévaut de l'avis de la société Véolia qui fait état d'un sous-dimensionnement de ce réseau, elle n'apporte pas de précisions de nature à justifier une impossibilité de desservir le terrain en cause. C'est donc à tort que le maire de La Cadière s'est fondé sur les dispositions des articles UB 4 et UB5 du règlement du plan local d'urbanisme pour refuser le permis de construire. 6. En troisième lieu, en revanche, d'une part, le dernier alinéa de l'article 3.1 relatif aux points d'eau normalisés du plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt de la commune de La Cadière-d'Azur approuvé par arrêté du préfet du Var du 14 avril 2014, prévoit que " Toute construction ne devra pas se trouver éloignée de plus de 200 mètres d'un point d'eau normalisé. Ces distances sont mesurées en projection horizontale selon l'axe des circulations effectivement accessibles aux engins d'incendie. Cette disposition est obligatoire lors de la création d'un nouveau réseau protégeant de nouvelles constructions. Pour améliorer la défense des quartiers existants, elle devra être appliquée dans la mesure du possible en fonction notamment de l'emplacement des réseaux existants. " D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, justifient le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. 7. Il ressort des pièces du dossier que le projet de construction objet de l'arrêté litigieux consiste en la construction de quatre logements sur la parcelle cadastrée section AC n° 181, en conservant la maison individuelle de M. C... implantée sur la parcelle cadastrée section AC n° 182. Si celui-ci soutient, sur la base du procès-verbal d'huissier cité au point 4 du présent arrêt, qu'un point d'eau normalisé se trouve à 39 mètres de cette dernière parcelle, sur une voie nommée " les Pins de Bringuier ", cette distance n'a pas été mesurée selon l'axe des circulations effectivement accessibles aux engins d'incendie comme le prescrivent les dispositions du plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt de la commune citées au point 6, le terme d'engins désignant, contrairement à ce qu'il fait valoir, les véhicules de protection incendie, mais suivant un accès en restanque et un parcours entravé par des buissons, que ne peuvent clairement pas emprunter ces véhicules. En outre, cette distance a été mesurée jusqu'à la limite séparative de la parcelle cadastrée section AC n° 182, et non jusqu'à la construction qui y est implantée. Il n'est pas contesté que la distance entre cet hydrant et cette parcelle mesurée selon l'axe des circulations effectivement accessibles aux engins d'incendie, en suivant cette voie puis le chemin du stade, s'établit à 280 mètres. En outre, il n'est pas davantage contesté que la distance calculée conformément à ces dispositions entre ce même hydrant et la parcelle cadastrée section AC n° 181 où doivent s'édifier les constructions nouvelles objet de la demande de permis de M. C..., dont il n'est pas allégué qu'elle serait accessible depuis la parcelle cadastrée section AC n° 182, s'établit à 350 mètres. Par suite, si la situation de la parcelle cadastrée section AC n° 181 en zone de risque faible à modéré selon le plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt ne pouvait justifier de refuser le permis sollicité par M. C... sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le maire de la commune de La Cadière-d'Azur était fondé à opposer ce refus au seul motif de la méconnaissance des dispositions de l'article 3.1 du plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt de la commune, alors en outre que la parcelle cadastrée section AC n° 182 qui lui est contiguë se situe en zone de risque modéré à fort, un incendie étant susceptible de se propager de la seconde vers la première compte tenu de la végétation encadrant les habitations. 8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a jugé que le motif tiré de la méconnaissance de l'article 3.1 relatif aux points d'eau normalisés du plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt de la commune de La Cadière-d'Azur ne justifiait pas le refus de permis de construire. 9. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. C.... 10. En premier lieu, l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme dispose que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé (...), le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / b) Permis de construire (...) ". Aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. " L'article R. 423-19 de ce code prévoit que : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. " L'article R. 423-22 du même code précise que : " (...) le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. " Cet article R. 423-38 dispose que : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. " Aux termes de l'article R. 423-39 du même code : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. " Selon l'article R. 423-41 du même code : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-38 ou ne portant pas sur l'une des pièces énumérées par le présent code n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R. 423-42 à R. 423-49. " Selon l'article R. 423-6 dudit code : " Les notifications et courriers prévus par les sous-sections 1 et 2 ci-dessus sont adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, par échange électronique. " Enfin, aux termes de l'article R. 423-47 du code de l'urbanisme : " Lorsque les courriers sont adressés au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'intéressé est réputé en avoir reçu la notification à la date de la première présentation du courrier ". 11. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée par M. C... a été déposée le 19 juillet 2016 auprès des services de la commune de La Cadière-d'Azur. Le 9 août 2016, ces services ont sollicité de M. C... la communication de nouvelles pièces afin de compléter l'instruction de sa demande de permis de construire. M. C... ayant complété sa demande le 31 août 2016, aucun permis de construire tacite n'était intervenu lorsqu'il a accusé réception, le 16 novembre 2016, de l'arrêté attaqué du 26 octobre 2016. Il suit de là que cet arrêté ne saurait être regardé comme ayant retiré un permis de construire tacite. 12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 10 avril 2014, M. B..., signataire de l'arrêté en litige, a reçu délégation du maire de La Cadière-d 'Azur pour signer les décisions en matière de permis de construire. Cet arrêté a été régulièrement affiché ainsi qu'il ressort du certificat produit au dossier, cet affichage constituant une publicité suffisante au regard des dispositions du code général des collectivités territoriales. Le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été signé par une autorité incompétente doit dès lors être écarté. 13.En dernier lieu, il résulte de l'instruction que le maire de La Cadière d'Azur aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions du plan de prévention des risques d'incendie de forêts de la commune. 14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la commune de La Cadière-d'Azur est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 26 octobre 2016 et la décision rejetant le recours gracieux de M. C.... Sur les frais liés au litige : 15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de La Cadière-d'Azur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de La Cadière-d'Azur n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par l'intimé sur le fondement de ces mêmes dispositions doivent être rejetées. D É C I D E Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 mars 2020 est annulé. Article 2 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif de Toulon et ses conclusions devant la Cour sont rejetées. Article 3 : M. C... versera la somme de 2 000 euros à la commune de La Cadière-d'Azur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de M. C... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Cadière-d'Azur et à M. A... C.... Copie en sera adressée au préfet du Var. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. D..., vice-président, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. 2 N° 21MA02933 nb
CETATEXT000048439256
J6_L_2023_11_00021MA03872
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 21MA03872, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
21MA03872
1ère chambre
C
M. PORTAIL
SELARL VALETTE-BERTHELSEN
M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le préfet du Var a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération n° 1734 adoptée par le conseil municipal de la commune de Fréjus du 4 juillet 2019 approuvant la révision n° 1 du plan local d'urbanisme en tant qu'elle a créé l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° 11 concernant le hameau nouveau intégré à l'environnement Sainte Brigitte, qu'elle a procédé au classement en zone UE1 du secteur accueillant les parcs d'attraction " Aqualand " et " Luna Parc ", en zone UCb du secteur dit " C... ", en zone UCc du secteur de " Compassis Sud " et du quartier " Lecocq ", en zone Ubc et UCb du secteur de " Le A... ", en zone UCc du secteur du " Capitou Nord " et en zone UEa du secteur de Gargalon. Par un jugement n° 2000054, 2000069, 2000094 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette délibération en tant qu'elle a classé le secteur de Compassis sud en zone UCc, le secteur de Gargalon en zone UEa et le secteur de Capitou Nord en zone UCc, et a rejeté le surplus du déféré préfectoral. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2021, le préfet du Var demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juillet 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) d'annuler la délibération adoptée par le conseil municipal de la commune de Fréjus du 4 juillet 2019 en tant qu'elle a créé l'OAP n° 11 concernant le hameau nouveau intégré à l'environnement Sainte Brigitte, et qu'elle a classé en zone UE1 le secteur accueillant les parcs d'attraction " Aqualand " et " Luna Parc ", en zone UCb le secteur dit " C... ", en zone UCc le secteur du Quartier Lecocq, et en zones Ubc et UCb le secteur de " Le A... ". Il soutient que : - le hameau nouveau intégré à l'environnement (HNIE) Sainte Brigitte prévu dans l'OAP n° 11 méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en ce que le domaine inclus dans ce site ne peut être qualifié comme tel, et l'opération qu'elle prévoit méconnaît les dispositions de l'article L. 151-11 du même code qui prévoit de protéger les espaces agricoles lors de l'élaboration des plans locaux d'urbanisme ; - le classement du secteur des parcs " Aqualand et Luna Park " en zone UEl méconnaît les dispositions de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme en ce que ce secteur est situé en coupure d'urbanisation dans le schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération Var Estérel Méditerranée (CAVEM) ainsi que dans le plan de zonage du plan local d'urbanisme adopté par la délibération litigieuse ; - le classement en zone UCb du secteur des " Etangs de Villepey " est de nature à créer une extension de l'urbanisation et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; ce classement méconnaît en outre le classement de la majeure partie de ce secteur en zone rouge et bleue du plan de prévention des risques d'incendie de forêt applicable, qui rend ce secteur inconstructible ; - le classement en zone UCc du secteur " Lecoq " est de nature à créer une extension de l'urbanisation et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; - le classement en zones UBc, UCb et UI du secteur " Le A... " est de nature à créer une extension de l'urbanisation et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2021, la commune de Fréjus, représentée par Me Valette-Berthelsen, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Claudé-Mougel, - et les conclusions de M. Quenette, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération n° 1734 du 4 juillet 2019, le conseil municipal de Fréjus a approuvé la révision n° 1 de son plan local d'urbanisme. Saisi par un déféré du préfet du Var, le tribunal administratif de Toulon a, par son jugement attaqué du 13 juillet 2021, annulé cette délibération en tant qu'elle a classé le secteur de Compassis sud en zone UCc, le secteur de Gargalon en zone UEa et le secteur de Capitou Nord en zone UCc, et a rejeté le surplus du déféré préfectoral. Le préfet du Var relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de cette délibération en ce qu'elle a créé l'OAP n° 11 concernant le Hameau Nouveau Intégré à l'environnement Sainte Brigitte, et qu'elle a classé en zone UEl le secteur accueillant les parcs d'attraction " Aqualand " et " Luna Parc ", en zone UCb le secteur dit " C... ", en zone UCc le secteur du Quartier Lecocq, et en zones Ubc et UCb le secteur de " Le A... ". Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes des dispositions du premier aliéna de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme alors en vigueur, relatives à l'aménagement et la protection du littoral : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. " 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 131-1 de ce code : " Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec : /1° Les dispositions particulières au littoral (...) ". Aux termes de l'article L. 131-4 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 (...) " Aux termes de l'article L. 131-7 du même code : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont compatibles, s'il y a lieu, avec les documents énumérés aux 1° à 10° de l'article L. 131-1 (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'agissant d'un plan local d'urbanisme, il appartient à ses auteurs de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un schéma de cohérence territoriale, cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières. En ce qui concerne le secteur de Sainte Brigitte et l'orientation d'aménagement et de programmation n° 11 : 4. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que la réalisation d'une construction qui n'est pas en continuité avec les agglomérations et villages existants ne peut être autorisée qu'à la condition que le projet soit conforme à la destination d'une zone délimitée par le document local d'urbanisme, dans laquelle celui-ci prévoit la possibilité d'une extension de l'urbanisation de faible ampleur intégrée à l'environnement par la réalisation d'un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres et formant un ensemble dont les caractéristiques et l'organisation s'inscrivent dans les traditions locales. 5. Il ressort des modalités d'application de la loi littoral fixées par le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale applicable sur le territoire de la commune de Fréjus, adopté par la communauté d'agglomération Var Estérel Méditerranée, (CAVEM), qui s'appelle désormais Estérel Côte d'Azur Agglomération, qu'il identifie plusieurs " localisations préférentielles " de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, dont le secteur de Sainte Brigitte. De façon compatible avec ces modalités d'application, l'orientation d'aménagement et de programmation n° 11 prévue par la révision du plan local d'urbanisme litigieuse prévoit la création d'un hameau nouveau intégré à l'environnement dans ce secteur, qui consiste en l'extension de bâtiments existants du domaine viticole et hôtelier dénommé " Le Clos des Roses ", par la création d'une superficie de plancher supplémentaire de 1 200 m² sur deux modules de 600 m², permettant la création d'une quarantaine de chambre d'hôtel, l'aménagement de locaux de réunions ainsi que de locaux de détente tel que spa et pool house devant s'ajouter aux 376 m² de locaux d'habitation et aux 300 m² de salle de réception existants. Cependant, eu égard à son organisation spatiale et à sa composition en quatre bâtiments dont deux dédiés à l'activité d'hôtellerie et de restauration, dont il n'a pas même allégué qu'elles s'inscriraient, par leurs caractéristiques, dans les traditions locales, ce domaine, auquel l'accès depuis la route départementale 37 se fait par une simple allée, ne saurait être regardé comme un hameau nouveau intégré à l'environnement au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Les dispositions du document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale applicable sur le territoire de la commune de Fréjus ne sont, dès lors, pas compatibles avec ces dispositions, et le préfet du Var est, par suite, fondé à soutenir que l'orientation d'aménagement et de programmation n° 11 n'est pas davantage compatible avec ces dispositions. 6. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " I.- Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) " Aux termes de l'article R. 151-27 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Les destinations de constructions sont / :1° Exploitation agricole et forestière ;/ 2° Habitation ;/ 3° Commerce et activités de service ;/ 4° Equipements d'intérêt collectif et services publics ;/ 5° Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire. " Aux termes de l'article R. 151-28 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : /1° Pour la destination " exploitation agricole et forestière " : exploitation agricole, exploitation forestière ; / 2° Pour la destination " habitation " : logement, hébergement ; /3° Pour la destination " commerce et activités de service " : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, hébergement hôtelier et touristique, cinéma ; /4° Pour la destination " équipements d'intérêt collectif et services publics " : locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et de spectacles, équipements sportifs, autres équipements recevant du public ; / 5° Pour la destination " autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire " : industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d'exposition. " 7. Le hameau nouveau intégré à l'environnement dans le secteur Sainte-Brigitte consiste, ainsi qu'il a été dit au point 5, en l'extension de bâtiments existants pour le développement de l'activité hôtelière du domaine du " Le Clos des Roses ". Cette activité relève de la destination " commerce et activités de service " telle que définie par les dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, et non de la destination " équipements d'intérêt collectif et services publics " au sens de ce même article, seule autorisée par les dispositions de l'article L. 151-11 du code dès lors qu'ils ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas même soutenu que ce hameau correspondrait à un secteur de taille et de capacité d'accueil limitées au sens de l'article L. 151-13 du même code, le préfet du Var est dès lors également fondé à soutenir que la création du hameau nouveau intégré à l'environnement dans le secteur Sainte-Brigitte méconnaît les dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme. En ce qui concerne le classement du secteur des étangs de Villepey en zone UCb : 8. Aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. (...) ". Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées. Aux termes de l'article L. 121-40 de ce code : " Dans les espaces proches du rivage, sont autorisées :/ 1° L'extension de l'urbanisation dans les secteurs déjà occupés par une urbanisation diffuse (...) " 9. Il ressort des pièces du dossier que le secteur des étangs de Villepey, essentiellement classé en zone naturelle, est en partie classé en zone UCb du plan local d'urbanisme de la commune de Frejus, alors que le schéma de cohérence territoriale applicable sur le territoire de la commune identifie ce secteur comme un espace proche du rivage au sens des dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. Le document d'orientations et d'objectifs dudit schéma se limite à cet égard à reprendre les dispositions issues de la loi dite " Littoral " relatives à l'extension limitée de l'urbanisation dans ces espaces, en renvoyant aux documents d'urbanisme locaux le soin de s'assurer que le droit des sols attaché à ces périmètres ne permet pas de procéder à une évolution significative des formes urbaines présentes, notamment l'intensification forte des espaces pavillonnaires que le schéma identifie. La partie du secteur des étangs de Villepey en cause est déjà urbanisée et, par ailleurs, le règlement du plan local d'urbanisme issu de la révision litigieuse limite à 20 % l'emprise des constructions dans ce secteur, en fixant une superficie minimale d'espaces verts et perméables à 40 % de l'unité foncière, et impose donc une extension limitée de l'urbanisation. Le classement du secteur en zone rouge par le plan de prévention des risques d'incendie de forêt applicable sur le territoire de la commune, qui ne concerne au demeurant que la zone au nord de ce secteur, est sans incidence sur la légalité de ce classement. Le préfet du Var n'est dès lors pas fondé à soutenir que le classement de cette partie déjà urbanisée en zone UCb est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne le classement du quartier " Lecoq " en zone UCc : 10. Il ressort des pièces du dossier que 17 maisons individuelles sont implantées de façon dense et cohérente au côté d'un vaste terrain militaire dans le quartier " Lecoq ", lequel peut ainsi être regardé comme urbanisé. La zone UCc du règlement du plan local d'urbanisme issu de la révision litigieuse correspond aux secteurs urbains peu dense, pour lesquels l'article DS-UC4 A dudit règlement limite l'emprise au sol à 10 % et le point 6.5 de l'article DS-UC 6 fixe à 50 % la superficie minimale maintenue sous forme d'espaces verts et perméables. Ces dispositions sont de nature à limiter à la fois le périmètre et la densité des constructions et, dès lors, à empêcher l'extension et le renforcement significatif de l'urbanisation. Dans ces conditions, le préfet du Var n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le classement de ce quartier en zone UCc est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. En ce concerne le classement du quartier " Le A... " en zone UBc, UCb et UI : 11. Il ressort des pièces du dossier que le quartier dit " A... " est déjà fortement urbanisé, en supportant un grand nombre de constructions, sur une superficie d'environ 5 hectares et demi, consistant notamment, au sud, en des immeubles de logements collectifs de plusieurs étages avec des places de stationnement extérieures. Son classement en zone urbaine n'est dès lors pas susceptible de caractériser une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de ce que ce classement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut dès lors, en tout état de cause, qu'être écarté. En ce qui concerne le secteur des parcs " Aqualand " et " Luna Park " : 12. Aux termes de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme : " Les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation. " 13. Le préfet du Var soutient que le classement du secteur dans lequel les parcs " Aqualand " et " Luna Park " en zone UEl, est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale applicable sur le territoire de la commune de Fréjus qui identifie ce secteur en coupure d'urbanisation, à l'instar au demeurant des plans de zonage du plan local d'urbanisme de la commune, en n'interdisant pas la construction de bâtiments à usage d'habitation et en permettant ainsi une extension de l'urbanisation. Toutefois, si, d'une part, les articles DS-UE1, UE 1 C et UE 2 D du règlement du plan d'occupation des sols n'interdisent respectivement que les campings et parcs résidentiels de loisirs, le commerce de gros et l'industrie et les occupations et utilisations du sol à usage de commerce de détails, d'activités de service ou d'entrepôts et de bureaux qui ne seraient pas en lien direct et exclusif avec l'activité du secteur, l'article UE 2 A, relatif aux occupations et utilisations du sols soumises à conditions dans toute la zone UE, dont la zone UEl, prévoit clairement que les constructions à usage d'habitation ne sont autorisées que sous forme de locaux d'hébergement strictement liés ou nécessaires à l'exploitation et la surveillance de l'entité économique et d'être incluses dans les constructions économiques qui en génèrent le besoin, en limitant la surface de plancher de ces logements à 45 m². Cet encadrement apparaît ainsi compatible avec la coupure d'urbanisation prévue par les documents d'urbanisme et le préfet du Var n'est pas fondé à soutenir que le classement de ce secteur en zone UEI est entaché d'erreur manifeste d'appréciation. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Var est seulement fondé à demander l'annulation de la délibération en litige en tant qu'elle crée l'OAP n° 11 concernant le hameau nouveau intégré à l'environnement Sainte Brigitte. Sur les frais liés au litige : 15. L'Etat n'étant pas la partie principalement perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la commune de Fréjus sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La délibération n° 1734 du 4 juillet 2019 adoptée par le conseil municipal de la commune de Fréjus approuvant la révision n° 1 du plan local d'urbanisme est annulée en tant qu'elle crée l'OAP n° 11 concernant le hameau nouveau intégré à l'environnement Sainte Brigitte. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet du Var sont rejetées. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juillet 2021 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt. Article 4 : Les conclusions de la commune de Fréjus fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fréjus et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet du Var. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. B..., vice-président, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. 2 N° 21MA03872 nb
CETATEXT000048439259
J6_L_2023_11_00021MA04679
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 21MA04679, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
21MA04679
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
SCP PETIT & BOULARD
M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 7 août 2018 par lequel le maire de Mons s'est opposé à sa déclaration préalable portant sur l'installation d'une clôture et d'un portail sur une parcelle cadastrée section F n° 735 située au lieu-dit " D... " sur le territoire communal, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 2 octobre 2018. Par un jugement n° 1804008 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 7 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Boulard, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 octobre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du maire de Mons du 7 août 2018 ; 3°) d'enjoindre à la commune de Mons de procéder à une nouvelle instruction de son dossier dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Mons la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté attaqué a été pris après l'expiration du délai d'instruction ; - cet arrêté doit être regardé comme ayant procédé au retrait de la décision implicite de non-opposition et est illégal faute pour le maire de l'avoir invitée au préalable à présenter ses observations ; - la commune ne démontre pas que le passage sur lequel porte la déclaration préalable de clôture constitue à ce jour une servitude de carraire, ni qu'il est devenu un chemin rural ou une autre catégorie de voie publique ; - ni cette carraire ou ce chemin rural, ni le chemin privé longeant le terrain d'assiette au nord ne constituent une voie publique au sens de l'article Ue 6 du règlement du plan local d'urbanisme, qui ne trouve donc pas à s'appliquer. La requête a été communiquée à la commune de Mons qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur, - et les conclusions de M. Quenette, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a déposé une déclaration préalable portant sur l'installation d'une clôture et d'un portail sur une parcelle cadastrée section F n° 735 située " D... ", à laquelle le maire de Mons s'est opposé par un arrêté du 7 août 2018. Elle relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 2 octobre 2018. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article Ue 6 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Mons, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : (...) 3. Les clôtures doivent respecter un recul de 2 mètres, et de 5 mètres pour les portails, par rapport à la limite de la plate-forme des voies publiques existantes ou projetées ". Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". 3. Pour s'opposer à la déclaration préalable déposée par Mme B..., le maire de Mons s'est fondé, d'une part, sur les dispositions de l'article Ue 6 du règlement du PLU de Mons dans la mesure où le projet consistait à créer une clôture et un portail à l'alignement de la carraire, d'autre part, sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, en relevant que le projet de clôture ne permettait plus la circulation des engins de sécurité publique. Il ressort des pièces du dossier qu'un chemin regardé comme une carraire relie le chemin de la Gray, que longe la limite nord du terrain dont Mme B... est propriétaire, et une autre voie située au sud de la commune. La commune de Mons a produit en première instance un plan annexé à un tableau de classement de la voirie communale transmis et mis à jour en 2009 par la direction départementale de l'agriculture et de l'équipement du Var, répertoriant le chemin des Galles comme un chemin rural et qui correspond à l'assiette de cette carraire. Il ressort notamment de l'extrait cadastral joint à la déclaration préalable que la parcelle d'assiette de ce dernier chemin aboutit à la limite sud de la parcelle cadastrée n° 736 et de la parcelle appartenant à la requérante, cadastrée n° 735 qui fait face à celle-ci. Selon le document inséré dans le mémoire en défense de la commune de Mons produit devant le tribunal administratif, superposant une vue aérienne au découpage parcellaire, le chemin en question se poursuit matériellement le long de la limite ouest de la parcelle de Mme B..., mais à l'intérieur de celle-ci, et débouche plus au nord sur une avancée du chemin de la Gray que borde à l'ouest cette même parcelle appartenant à la requérante. 4. La section du chemin de carraire traversant la parcelle privée appartenant à Mme B... ne peut constituer, en tout état de cause, un chemin rural que l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime range dans le domaine privé de la commune. A supposer même que cette section supporte une circulation publique, elle ne peut donc être regardée ni comme une voie publique, ni comme une dépendance de la voie publique au sens de l'article Ue 6 du règlement du PLU de Mons. Par suite, c'est au prix d'une erreur de droit que le maire de Mons s'est fondé sur ces dispositions pour s'opposer à la déclaration préalable déposée par Mme B.... Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que, s'il n'avait retenu que l'autre motif fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le maire aurait pris la même décision. 5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation, en l'état du dossier, de l'arrêté du 7 août 2018. 6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 7. L'exécution du présent arrêt implique que la déclaration préalable déposée par Mme B... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, ainsi que la requérante le demande, d'enjoindre au maire de Mons de procéder à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Mons une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 octobre 2021 ainsi que l'arrêté du maire de Mons du 7 août 2018 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par Mme B... sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au maire de Mons de procéder au réexamen de la déclaration préalable déposée par Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : La commune de Mons versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... veuve C... et à la commune de Mons. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. N° 21MA04679 2
CETATEXT000048439266
J6_L_2023_11_00022MA00944
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA00944, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA00944
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
MAUJEUL
M. Philippe PORTAIL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a délivré aux sociétés RTE et ENEDIS un permis de construire pour l'édification de plusieurs constructions constituant un poste électrique de transformation dénommé " Béziers Est " sur le territoire de la commune de Béziers, et, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il a autorisé la construction de deux loges de transformateur, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par une ordonnance du 24 décembre 2018 du Conseil d'Etat, la requête a été transmise au tribunal administratif de Marseille, en application des dispositions de l'article R. 312-5 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1810825 du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoire enregistrés les 25 mars 2022, et 28 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Maujeul, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 3 janvier 2022 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2018 du préfet de l'Hérault, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et des sociétés RTE et ENEDIS la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il ne comporte pas les signatures prévues par les articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative ; - il est entaché d'un vice de procédure au regard de la clôture immédiate de l'instruction intervenue le 7 octobre 2021, alors que des mémoires avaient été communiqués peu de temps avant ; - il est entaché d'un vice de procédure affectant la pièce jointe n° 55, dont il manque deux pages et dont les pages restantes ont été inversées ; - il est entaché d'un défaut de motivation dans la mesure où les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le projet contesté allait occulter la perspective d'un paysage protégé ; - le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en considérant qu'il dispose d'une vue directe sur l'importante zone commerciale située à proximité immédiate du projet litigieux ; - c'est à tort que, par le jugement attaqué, le juge de première instance a considéré qu'il ne disposait pas d'un intérêt à agir ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de qualification juridique des faits et d'erreurs d'appréciation au regard de son intérêt à agir ; - il a intérêt à agir ; - l'arrêté contesté est entaché d'incompétence de son auteur ; - il méconnaît les dispositions des articles 4 et 0AU2 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Béziers ; il méconnaît l'axe 3 du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, au regard notamment du risque d'affaissement de terrain, de la sécurité de la circulation et du risque incendie ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la confusion du dossier sur le nombre de transformateurs à créer ; - il est entaché d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, dans la mesure où aucune étude d'impact n'a été annexée au dossier de demande de permis de construire ; - il est dépourvu de base légale du fait de l'annulation, par des jugements du 23 décembre 2020 du tribunal administratif de Marseille, des décisions d'approbation de projet d'ouvrage des 20 février et 29 juin 2017 ; la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne a tranché en ce sens ; - l'absence d'étude d'impact méconnaît la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dite directive " EIE " ; - le permis de construire en litige ne comporte pas l'annexe prévue à l'article L. 424-4 du code de l'urbanisme. Par des mémoires en défense enregistrés les 29 août 2022 et 14 septembre 2023, la société RTE, représentée par Me Pontier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que M. A... ne justifie pas d'un intérêt à agir, et que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense enregistrés les 28 juin 2023 et 15 septembre 2023, la société ENEDIS, représentée par Me Paitier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que M. A... ne justifie pas d'un intérêt à agir, et que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La requête et les mémoires ont été communiqués au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui n'a pas produit de mémoire. Des mémoire enregistrés les 20 et 22 octobre 2023, présentés pour le requérant, n'ont pas été communiqués en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de l'environnement ; - le code de l'énergie ; - la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Portail, président ; - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ; - les observations de Me Pontier représentant la société RTE et celles de Me Grandoulphe, représentant la société ENEDIS. Considérant ce qui suit : 1. Dans le but de renforcer l'alimentation électrique de l'agglomération biterroise, les sociétés RTE et ENEDIS ont élaboré un projet portant notamment sur la création d'un poste électrique de 20 000 volts à l'est de la commune de Béziers. Après deux arrêtés portant approbation du projet d'ouvrage du 29 juin 2017, le préfet de l'Hérault a délivré, par un arrêté du 22 janvier 2018, un permis de construire aux sociétés RTE et ENEDIS pour la création d'un poste de transformation électrique Béziers Est. M. A... demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté du 22 janvier 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux. 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Selon l'article R. 741-8 de ce même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. / Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ". Il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte toutes les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Si le requérant se prévaut également des dispositions précitées de l'article R. 741-8 du code de justice administrative, il ressort toutefois des pièces du dossier que la décision juridictionnelle attaquée n'a ni été rendue par un magistrat statuant seul, ni rapportée par la présidente de la formation de jugement. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est donc sans influence sur la régularité du jugement attaqué. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Elle ne tient pas lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2 ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que les parties ont reçu, le 10 novembre 2020, une lettre d'information en en application des dispositions précitées, les avisant d'une clôture possible à compter du 31 décembre 2020. La clôture à effet immédiat a été prononcée le 7 octobre 2021. Contrairement à ce que soutient M. A..., aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit ne prévoit la caducité de la lettre d'information R. 611-11-1 par la production postérieure de mémoires. A supposer même que le requérant doive être regardé comme soutenant un moyen tiré d'une méconnaissance du caractère contradictoire de l'instruction, il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance que les dernières écritures produites par les parties l'ont été le 9 mars 2021, soit près de 7 mois avant la clôture immédiate de l'instruction. 4. En troisième lieu, si M. A... soutient que la PJ n° 55 qu'il avait produite en première instance (intitulée " Extrait de l'évaluation environnementale du PLU (2007) ") a été introduite au dossier et transmise aux défendeurs de manière irrégulière par le tribunal, il ne justifie toutefois pas quelle règle aurait été ici méconnue. En tout état de cause, il n'établit aucunement que la pièce telle que présente dans le DPI n'était pas celle qu'il avait versée au dossier. 5. En quatrième lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le requérant. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'intérêt à agir de M. A..., notamment aux points 2 à 8 du jugement attaqué, en répondant notamment à l'argumentation relative à l'occultation de la perspective d'un paysage protégé. 6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". 7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. 8. Il ressort des pièces du dossier et du site Géoportail, accessible tant au juge qu'aux parties, que la propriété de M. A... est située à plus de 350 mètres au nord du terrain d'assiette du projet litigieux, et que le requérant n'en est pas voisin immédiat. Si celui-ci se prévaut d'une vue immédiate sur le projet de poste de transformation électrique, qui porterait atteinte à la perspective du bosquet de pins dit B... ", il ne ressort toutefois d'aucune des pièces du dossier que ce bosquet de pins serait protégé par la législation ou la réglementation relative à l'urbanisme ou à l'environnement. En outre, il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que les pétitionnaires ont prévu l'insertion d'un écran végétal directement au sud du poste de transformation électrique, de manière à limiter la vue sur celui-ci et à conserver, depuis le chemin de Badones et, par voie de conséquence, la propriété de M. A..., une vue sur un paysage agricole et naturel avec des arbres qui, au demeurant, seront constitués d'essences propres à la région. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, la qualité environnementale du paysage avoisinant sera effectivement protégée, par l'implantation de nouveaux arbres. A cet égard, M. A... ne saurait en tout état de cause se prévaloir d'une altération de la qualité de la vue pour les promeneurs, qui reste sans incidence sur l'appréciation de son intérêt personnel à agir. Par ailleurs, la circonstance que cet écran végétal n'ait pas été réalisé ou ait été réalisé dans des conditions irrégulières par rapport au permis de construire relève des conditions d'exécution de ce permis, et reste sans incidence tant sur sa légalité que, en tout état de cause, sur l'appréciation de l'intérêt à agir du requérant. Enfin, la propriété du requérant comporte déjà des vues sur une zone d'activités située au nord-est, qui, pour n'être pas située dans le même axe que le projet, altère néanmoins son environnement paysager. 9. Si M. A... se prévaut ensuite des atteintes qu'occasionneraient les lignes électriques souterraines reliant le poste de transformation électrique en litige, lesquelles longent sa parcelle, d'une part, le permis de construire contesté ne concerne que la création du poste de transformation électrique, et n'autorise que, pour la société ENEDIS, la construction d'un bâtiment HTA, d'un bâtiment de sécurité, d'un transformateur TR611 et d'une double clôture, et, pour la société RTE, la construction d'un bâtiment de contrôle et de commande, d'un bâtiment de sécurité et d'un jeu de barre 225 kV. D'autre part et en tout état de cause, les sociétés pétitionnaires établissent, par la production notamment de l'étude d'impact relative au projet, que les champs électromagnétiques liés à ces lignes souterraines demeureront à des seuils largement inférieurs à la limite autorisée notamment par la réglementation européenne. Enfin, si M. A... soutient que ces lignes mettront en péril son alimentation en eau et se prévaut à cet égard d'un procès-verbal de constat établi par un hydrologue, ledit constat, qui mentionne notamment une influence " potentielle " desdites lignes sur cette alimentation en eau, ne permet pas de caractériser une atteinte suffisante aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien appartenant au requérant. 10. Enfin, si M. A... se prévaut de nuisances sonores et de nuisances dues aux travaux, il n'apporte toutefois aucun élément permettant d'apprécier la réalité de telles atteintes. 11. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté contesté, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande comme irrecevable. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et des sociétés RTE et ENEDIS, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société RTE et non compris dans les dépens et une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés au même titre par la société ENEDIS. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : M. A... versera aux sociétés RTE et ENEDIS respectivement une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à la société RTE, à la société ENEDIS et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller, - Mme Poullain, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 2 N° 22MA00944
CETATEXT000048439275
J6_L_2023_11_00022MA01612
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA01612, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01612
1ère chambre
plein contentieux
C
M. PORTAIL
LOISEAU
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat à lui verser la somme de 395 064 euros majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des préjudices subis du fait du changement intervenu dans le zonage d'urbanisme de ses propriétés. Par un jugement n° 1904552 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 juin 2022, M. A..., représenté par Me Coljé, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2022 ; 2°) de condamner la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat à lui verser la somme de 395 064 euros, subsidiairement la somme de 100 857,50 euros, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la responsabilité pour faute de la commune est engagée en raison de l'erreur manifeste d'appréciation qui entache le classement de sa parcelle en zone Ap ; les choix de consommation d'espace sont illogiques et discriminants ; - la faute est aussi caractérisée par d'autres illégalités entachant le plan local d'urbanisme ; les modifications apportées au projet postérieurement à l'enquête publique ont affecté son économie générale en méconnaissance des articles L. 153-21 du code de l'urbanisme et L. 123-14 du code de l'environnement ; les dispositions de l'article L. 371-3 du code de l'environnement ont été méconnues au regard de la délimitation de la zone humide ; le règlement est en outre incohérent dès lors qu'il permet des constructions d'intérêt général en zone Ap ; d'autres secteurs, moins urbanisés que le sien, ont été mieux traités et la délimitation de la zone Upv ne respecte pas la loi Montagne ; - il a été porté atteinte à sa sécurité juridique et à ses droits acquis ; le certificat d'achèvement des travaux d'aménagement du lotissement prévoyait sans réserve la délivrance de permis de construire, tout comme l'autorisation de lotir ; toutes les autres parcelles constituant le lotissement ont été construites ; c'est fort de cette perspective qu'il a acquis le terrain en cause ; les stipulations de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales n'ont pas été respectées ; - la responsabilité sans faute de la commune est engagée sur le fondement du 2ème alinéa de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme ; sa parcelle était constructible sous l'empire du plan d'occupation des sols comme de l'application immédiatement antérieure du règlement national d'urbanisme ; - il n'a pour sa part commis aucune faute et son préjudice matériel s'élève à la perte de valeur vénale de son terrain, évaluée à ce jour, ou subsidiairement à la date à laquelle il l'a acquis ; il subit également un préjudice moral. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2023, la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat, représentée par Me Loiseau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés, et que M. A... a en tout état de cause commis une faute en faisant preuve d'inertie dans son projet. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - le code de l'environnement ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Loiseau, représentant la commune Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a acquis, le 13 juillet 2006, un terrain " à bâtir " cadastré section C n° 936, d'une superficie de 1 624 m², constituant le lot n° 1 du lotissement " La Borie " à Châteauneuf-Val-Saint-Donat, ainsi que le quart indivis d'une parcelle en nature de voirie. Les travaux d'équipements et viabilité du lotissement venaient alors d'être achevés, ainsi que certifié par arrêté du maire du 5 juillet 2006. M. A..., qui n'a toutefois jamais construit d'habitation sur ce terrain, relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à être indemnisé du préjudice qu'il estime avoir subi à la suite de l'approbation du plan local d'urbanisme, par délibération du conseil municipal du 5 avril 2018, classant sa parcelle en zone agricole. Sur la responsabilité pour faute : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / (...) / 2° Le conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. 3. En l'espèce, si le requérant soutient que les modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme postérieurement à l'enquête publique auraient, " par leur nombre et leur matière " affecté l'économie générale du projet, son moyen n'est pas assorti des précisions nécessaires permettant d'en examiner le bien-fondé. Celui-ci ne peut dès lors qu'être écarté. 4. En deuxième lieu, l'article L. 371-3 du code de l'environnement précise, dans sa version applicable, que : " Les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique lors de l'élaboration ou de la révision de leurs documents d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme dans les conditions fixées aux articles L. 131-2 et L. 131-7 du code de l'urbanisme. ". Aux termes de l'article L. 131-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Les schémas de cohérence territoriale prennent en compte : / (...) / 2° Les schémas régionaux de cohérence écologique prévus à l'article L. 371-3 du code de l'environnement ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 131-7 du même code, dans sa version alors en vigueur : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme (...) prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2 (...) ". 5. Il ressort du rapport de présentation que la zone classée U au plan local d'urbanisme chevauche en partie une zone humide définie à l'inventaire départemental des zones humides, figurant en trame bleue au schéma régional de cohérence écologique. Toutefois, au regard de ce chevauchement et avant de retenir ce classement, la commune a fait procéder à des analyses techniques à travers un inventaire floristique et des relevés pédologiques, lesquels n'ont pas confirmé le caractère de zone humide des parcelles concernées. Dans ces circonstances, et alors que M. A... ne critique ni les méthodes, ni les résultats de ces analyses, le moyen tiré de ce que les auteurs du plan local d'urbanisme se seraient écartés des orientations fondamentales du schéma régional de cohérence écologique et ne l'auraient ainsi pas pris en compte doit être écarté. 6. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". L'article R. 151-23 du même code précise : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1°-Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci ". 7. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. 8. Le règlement a en l'espèce défini, au sein de la zone agricole, une " zone Ap ", où aucune construction n'est autorisée, y compris agricole, compte-tenu de ses caractéristiques agronomiques et paysagères sauf les constructions de services publics ou d'intérêts collectifs techniques ou non compatibles avec le voisinage des zones habitées. 9. Il ressort des pièces du dossier que la " zone Ap ", au sein de laquelle se trouve la parcelle cadastrée section C n° 936 en litige, constitue, avec la " zone A " qui l'entoure, un ensemble homogène dont le caractère agricole et paysager est avéré, limité à l'est par les quartiers urbanisés du " jas de l'Amagnon " et des " Jas " et se poursuivant dans toutes les autres directions sur de très vaste étendues. Alors que quelques constructions éparses y ont été bâties, son classement est cohérent avec le parti d'urbanisme de la commune, au regard de l'orientation n° 5 du projet d'aménagement et de développement durables qui vise à développer l'urbanisation en conservant le caractère rural de la commune, notamment en modérant la consommation d'espace et l'étalement urbain et en conservant les formes urbaines existantes. Sans discrimination, l'accueil de nouveaux habitants ou d'équipement est ainsi en priorité localisé en densification des espaces urbains existants dont le secteur litigieux ne fait pas partie. Contrairement à ce que soutient le requérant, le classement de la parcelle litigieuse, qui n'est pas bâtie, n'est ainsi pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation alors même qu'elle se situe à proximité immédiate de trois constructions et que son potentiel agronomique et paysager ne serait pas justifié. 10. En quatrième lieu, si M. A... soutient également que l'autorisation de constructions de services publics ou d'intérêts collectifs techniques ou non compatibles avec le voisinage des zones habitées en " zone Ap " est incohérente, cette possibilité ouverte par le règlement est en tout état de cause sans rapport avec l'interdiction de construire des habitations dans cette zone et le préjudice dont il poursuit la réparation. De la même manière, le classement en " zone Ubb " des parcelles constituant le lotissement " Le Thoron ", toutes bâties, est sans incidence sur le classement de sa propre parcelle située de l'autre côté de la commune, tout comme celui du secteur encore plus éloigné constituant une " zone Upv ", destinée à accueillir des équipements photovoltaïques. 11. En cinquième et dernier lieu, si M. A... soutient que, s'étant porté acquéreur d'un " terrain à bâtir ", l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le respect de ses biens a été méconnu et il a été porté atteinte à sa sécurité juridique et sa confiance légitime, il est en tout état de cause constant qu'il n'a jamais sollicité de permis de construire, et qu'il ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis né de l'autorisation de lotir du 20 septembre 2005. Celle-ci lui garantissait seulement, en application de l'article L. 315-8 du code de l'urbanisme, aujourd'hui repris à l'article L. 442-14 du même code, durant cinq ans suivant l'achèvement du lotissement intervenu le 5 juillet 2006, que le permis de construire ne pouvait être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanismes intervenues postérieurement. Il ne saurait à cet égard être fait grief au maire de Châteauneuf-Val-Saint-Donat de ne pas avoir assorti le permis de lotir ou le certificat d'achèvement des travaux de lotissement de réserves à cet égard. 12. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que la responsabilité pour faute de la commune Châteauneuf-Val-Saint-Donat n'était pas engagée à son égard. Sur la responsabilité sans faute : 13. Aux termes de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. Cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui tient compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan local d'urbanisme approuvé ou du document en tenant lieu. ". Ces dispositions instituent un régime spécial d'indemnisation exclusif de l'application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Elles ne font toutefois pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en œuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi. 14. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit précédemment au point 11, M. A... ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis né de l'autorisation de lotir du 20 septembre 2005. 15. Par ailleurs, à supposer même que le classement de la parcelle de M. A... issu de l'approbation du plan local d'urbanisme ait modifié sa constructibilité, régie depuis le 27 mars 2017 par les seules dispositions du code de l'urbanisme spécifiques aux zones de montagne, celui-ci n'a, par lui-même, entraîné aucune modification de l'état antérieur des lieux. 16. Enfin, dans la mesure où les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune ont entendu préserver le caractère rural de la commune, notamment en modérant la consommation d'espace et l'étalement urbain et en conservant les formes urbaines existantes, de nombreuses parcelles autrefois classées en zone Uc au plan d'occupation des sols se trouvent dorénavant classées en zone Ap. Ainsi, et alors que la collectivité ne saurait être responsable de ce que M. A... n'a pas sollicité un permis de construire dans les suites immédiates de son acquisition, ce dernier ne peut être regardé comme supportant une charge spéciale et exorbitante du fait de l'adoption du nouveau document d'urbanisme communal, hors de proportion avec les objectifs d'intérêt général poursuivis par ses auteurs. 17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que la responsabilité sans faute de la commune Châteauneuf-Val-Saint-Donat n'était pas davantage engagée à son égard et a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : M. A... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N°22MA01612
CETATEXT000048439278
J6_L_2023_11_00022MA01860
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA01860, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01860
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
RAGOT
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme et M. C... et Silvio I..., Mme et M. F... et Roger G..., Mme J... H..., Mme et M. E... et Safouh D... et Mme et M. K... et Patrick B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 29 mars 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Antibes a approuvé le plan local d'urbanisme communal révisé, ensemble les décisions du maire rejetant implicitement leurs recours gracieux. Par un jugement n° 1904614 du 27 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 juin 2022 et 17 avril et 1er juin 2023, Mme et M. I..., Mme et M. G..., Mme H..., Mme et M. D... et Mme et M. B..., représentés par Me Ragot, demandent à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2022 ; 2°) d'annuler la délibération du 29 mars 2019 et les décisions portant rejet de leur recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune d'Antibes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la clôture d'instruction a été prononcée de façon irrégulière en première instance ; - leur demande de première instance était bien recevable et le recours gracieux n'a pas figé les termes du débat ; - le projet d'aménagement et de développement durables a été modifié de façon importante sans qu'une nouvelle concertation préalable n'ait lieu ; - les pièces produites pour justifier de la réalité d'une concertation préalable ne satisfont pas aux exigences de l'article R. 611-8-5 du code de justice administrative ; - le commissaire enquêteur s'est abstenu de donner son avis sur le projet concernant le secteur L... ; - l'information donnée aux conseillers municipaux a été insuffisante au regard des exigences de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; - le rapport dont les conseillers municipaux ont été destinataires ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ; - le règlement retenu pour la zone UE, sur le secteur L..., ne respecte pas l'orientation n° 1 du projet d'aménagement et de développement durables ; - la délibération est entachée de détournement de pouvoirs. Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 mars, 9 mai et 16 juin 2023, la commune d'Antibes, représentée par Me Ducroux, conclut au rejet de la requête, à la suppression des passages injurieux, outrageants ou diffamatoires des écritures adverses, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les recours gracieux introduits par les requérants ne sollicitaient que le retrait partiel de la délibération du 29 mars 2019 ; aucun ne comportait des moyens de légalité externe tendant à l'annulation totale de la délibération ; ces moyens ainsi que les conclusions tendant à cette annulation totale sont ainsi tardifs ; - les requérants sont irrecevables à contester les termes de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme intervenue par déclaration de projet, approuvée par délibération distincte du 16 février 2017 ; - la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ; - subsidiairement si un vice était retenu s'agissant de l'avis du commissaire enquêteur, un sursis à statuer pourrait être prononcé. Les parties ont été informées, par une lettre du 13 février 2023, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire au cours du second semestre 2023 et que l'instruction pourrait être close à partir du 17 mars 2023 sans information préalable. Par une ordonnance du 7 juillet 2023, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire, présenté pour les requérants, enregistré le 16 octobre 2023 après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de l'urbanisme ; - la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Lehmann, représentant les requérants, et de Me Mouakil, substituant Me Ducroux, représentant la commune d'Antibes. Considérant ce qui suit : 1. Par délibération du 29 mars 2019, le conseil municipal de la commune d'Antibes a approuvé le plan local d'urbanisme communal révisé. Mme et M. I..., Mme et M. G..., Mme H..., Mme et M. D... et Mme et M. B..., qui résident tous dans le quartier dit " L... " identifié comme un secteur à enjeux, relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 27 avril 2022 ayant rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération et des décisions implicites ayant refusé de faire droit à leurs recours gracieux. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. (...) ". Il résulte des derniers alinéas, respectivement, des articles R. 613-1 et R. 613-2, que lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance qui prononce cette clôture ou à la date d'émission de l'avis d'audience. 3. En l'espèce, par lettre du 15 mars 2021, lue le jour même par le conseil des requérants, les parties ont été informées par le tribunal administratif, dans ce cadre réglementaire, qu'il était envisagé d'inscrire leur dossier à une audience qui pourrait avoir lieu entre le 1er août et le 31 décembre 2021 et qu'à compter du 14 avril 2021, l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans qu'elles n'en soient préalablement informées. Les requérants ne sauraient dès lors prétendre que la clôture d'instruction immédiate prononcée par ordonnance du 10 mai 2021 aurait été prise sans qu'une information préalable leur ait été adressée. Ils ne sont ainsi pas fondés à soutenir que le jugement a été, pour ce motif, rendu au terme d'une procédure irrégulière. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité externe : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération prescrivant la révision du plan local d'urbanisme et repris désormais à l'article L. 103-2 du même code : " I - Le conseil municipal (...) délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : / a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; / (...) / Les documents d'urbanisme (...) ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. (...) / A l'issue de cette concertation, le maire en présente le bilan devant le conseil municipal qui en délibère. / Le dossier définitif du projet est alors arrêté par le conseil municipal et tenu à la disposition du public. / (...) ". 5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la prescription de la révision du plan local d'urbanisme, et conformément aux modalités prévues par la délibération du 12 juillet 2012, la concertation publique sur le diagnostic et le projet d'aménagement et de développement durables a été engagée le 12 novembre 2014, notamment par l'organisation d'une exposition publique, présentant entre autres les six orientations du projet, ainsi que par la mise à disposition d'un registre et de différents documents, dans des lieux d'accueil et via divers supports de communication. Le projet d'aménagement et de développement durables a été adopté en suivant le 25 septembre 2015. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le second projet, adopté par délibération du 22 décembre 2017, et modifiant le premier afin d'intégrer davantage des considérations d'harmonie et de maitrise de l'évolution du tissu urbain, a lui aussi été précédé d'une phase de concertation publique conduite dans des formes similaires, une exposition ayant notamment été organisée du 16 au 30 novembre 2017. Les échanges avec le public se sont en outre poursuivis dans la phase d'écriture de la partie réglementaire du plan local d'urbanisme. Dans ces circonstances, et au regard du bilan de concertation adopté le 6 novembre 2018 et produit à l'instance dans les formes requises par mémoire du 16 juin 2023, il ne saurait être soutenu que les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ont été méconnues. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. / (...) ". Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer en livrant ses conclusions, les raisons qui déterminent le sens de son avis. 7. Dans sa présentation dédiée à ses conclusions motivées, le commissaire enquêteur a analysé chaque orientation d'aménagement et de programmation, et notamment celle relative au secteur " L... ". S'il a précisé qu'il ne se prononçait pas sur les observations du public s'agissant de cette orientation au motif qu'une procédure judiciaire était en cours à la suite de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme en vigueur avec le projet d'aménagement envisagé, en évoquant, " pour ces observations ", un " avis personnel réservé ", il a indiqué que le projet participerait à la mise en œuvre des objectifs définis par la collectivité en début de procédure de révision, tenant à la requalification de l'entrée de ville, à la structuration du quartier, à l'offre de nouveaux logements aux formes mixte, et au traitement qualitatif des aménagements paysagers autour des axes de communication notamment. Il a, au final, rendu un avis favorable au plan local d'urbanisme révisé dans son ensemble, en relevant que celui-ci répondait à la volonté d'un développement mesuré de la commune dans le respect notamment de son tissu urbanisé et en préconisant quelques recommandations. Ainsi et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le commissaire enquêteur a rendu son avis personnel motivé, conformément aux exigences de l'article R. 123-19 du code de l'environnement. 8. En troisième lieu, aux termes respectivement des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) " et " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises. 9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, ainsi que les requérants l'ont d'ailleurs admis en cours d'instance, que les conseillers municipaux ont été destinataires d'un rapport de présentation du projet de plan local d'urbanisme révisé, valant note explicative de synthèse, en même temps qu'ils ont été convoqués au conseil municipal du 29 mars 2019. Ce rapport présente les objectifs de la révision, les étapes de l'élaboration du document et les évolutions apportées au projet de plan local d'urbanisme arrêté. Il indique notamment, sans dénaturer les conclusions du commissaire enquêteur évoquées ci-dessus au point 7, que ce dernier a émis dans ses conclusions un avis favorable sans réserve au projet, avec cependant quelques recommandations. L'information ainsi reçue par les conseillers était de nature à permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit de la révision et de mesurer les implications de leur décision. Le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 ont été méconnues doit dès lors être écarté. En ce qui concerne la légalité interne : 10. En premier lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article L. 157-18 du même code : " Le règlement peut déterminer des règles concernant l'aspect extérieur des constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, leurs dimensions, leurs conditions d'alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l'aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l'insertion des constructions dans le milieu environnant. ". 11. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet. 12. L'orientation n° 1 du projet d'aménagement et de développement durables vise à " assurer un développement et un aménagement du territoire harmonieux " en poursuivant le développement urbain dans les secteurs à enjeux, notamment celui L.... Alors même que la topographie viendrait accentuer les écarts recherchés, il ne ressort pas des pièces du dossier que le règlement retenu pour la zone UEa, correspondant audit secteur, contrarierait l'objectif d'harmonie en prévoyant des hauteurs de construction variables selon les localisations. En effet, l'aménagement vise précisément à l'organisation harmonieuse des constructions et à la répartition de celles-ci dans l'ensemble du secteur, avec disposition prioritaire des bâtiments collectifs de part et d'autre de l'avenue Pélissier, de l'avenue Grec, du chemin L... et de celui de la Constance, créant par les perspectives visuelles de véritables boulevards urbains, les habitats groupés et maisons individuelles étant placés en arrière-plan. Ainsi, la hauteur des constructions projetées doit être en adéquation avec l'environnement existant, plus élevée le long des voies structurantes et du rond-point L... et de moins en moins haute à mesure que l'on s'en éloigne le long des axes secondaires. Aucune incohérence n'est ainsi caractérisée entre le projet et le règlement. 13. Si la même orientation vise à maîtriser l'évolution du tissu urbain existant, notamment en ajustant l'équilibre entre bâti et végétal, il ne résulte pas de ce qu'est prévue par le règlement la densification du secteur L..., y compris par artificialisation de terrains aujourd'hui libres de construction, que les deux documents seraient incohérents entre eux, dès lors que ledit secteur est identifié comme à enjeu de développement urbain et qu'au demeurant est prévue l'intégration d'espaces communs qualitatifs, notamment supports de trames vertes le long des axes structurants et de voiries secondaires. 14. En second lieu, alors que les choix, notamment relatifs à la hauteur des constructions autorisées ou à la concentration des activités commerciales, sont expliqués par les partis d'urbanisme retenus ainsi qu'évoqué au point 12 ci-dessus, les seules circonstances que certains des propriétaires du quartier, bénéficiaires d'une constructibilité renforcée de leurs parcelles, à des degrés divers d'ailleurs, seraient également des élus locaux ou des personnalités influentes du territoire, et qu'un projet serait déjà engagé, ne sont pas de nature à caractériser un détournement de pouvoir. 15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande. Sur les conclusions de la commune d'Antibes tendant à la suppression d'écrits : 16. Contrairement à ce que soutient la commune d'Antibes, les termes des écritures des requérants, malgré leur virulence, n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, qui permettent aux tribunaux, dans les causes dont ils sont saisis, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. Sur les frais liés au litige : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Antibes qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme et M. I..., Mme et M. G..., Mme H..., Mme et M. D... et Mme et M. B... une somme globale de 2 000 euros à verser à la commune d'Antibes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E: Article 1er : La requête est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune d'Antibes tendant à l'application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sont rejetées. Article 3 : Mme et M. I..., Mme et M. G..., Mme H..., Mme et M. D... et Mme et M. B... verseront une somme globale de 2 000 euros à la commune d'Antibes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et M. C... et Silvio I..., Mme et M. F... et Roger G..., Mme J... H..., Mme et M. E... et Safouh D... et Mme et M. K... et Patrick B... et à la commune d'Antibes. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 22MA01860
CETATEXT000048439283
J6_L_2023_11_00022MA02278
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/92/CETATEXT000048439283.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA02278, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA02278
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
SELARL CAMILLE MIALOT AVOCAT
M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du territoire Marseille-Provence. Par un jugement n° 2007514 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération en tant que sont classés : - en zone UP2b, le secteur non bâti situé à l'ouest de la voie menant au quartier des Devens et chemin des Garlaban sur le territoire de la commune de Ceyreste ; - en zone UQP le secteur situé à proximité du camping sur le territoire de la commune de Ceyreste ; - en zone UP2a une parcelle non bâtie située au nord du lotissement Saint Jean sur le territoire de la commune de Gémenos ; - en zone UEa1 un secteur situé dans le quartier de Saint-Tronc sur le territoire de la commune de Marseille ; - en zone UEa1 un secteur situé au lieu-dit " I... " sur le territoire de Roquefort-la-Bédoule ; - en zone UCt2 un secteur situé au lieu-dit E... sur le territoire de la commune de Sausset-les-Pins ; - en zone UP2b deux secteurs situés, pour l'un au lieu-dit A..., pour l'autre au lieu-dit G..., sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons ; - en zone UQP la bande de terrain incluse dans un secteur UQP et limitrophe d'une zone Ns au lieu-dit H... sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons ; - en zone UP1 deux parcelles non construites situées au lieu-dit F..., en partie nord, sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons ; - en zone A2 un secteur constituant sur un axe nord-sud une coupure d'urbanisation entre les enveloppes urbaines de Châteauneuf-les-Martigues et de Gignac-la-Nerthe, dans la plaine agricole de Châteauneuf-les-Martigues ; - tous les secteurs classés en zone Nh et situés dans les communes soumises à la loi Littoral, en dehors des agglomérations et villages existants et à proximité de zones agricoles ou naturelles de zonage Ns ; - en zone Nt deux secteurs situés sur la colline de Notre-Dame sur le territoire de la commune de Marignane ; - en zone UP2b, le compartiment non urbanisé d'un secteur ainsi classé situé sur le territoire de l'opération d'aménagement et de programmation MRS-16 relative aux quartiers de Saint-Antoine- La Bricarde- la Castellane à Marseille ; - en zone Nt un secteur vierge de toute construction, situé à la Marcouline sur le territoire de la commune de Cassis ; - en zone AU2, 41,6 hectares correspondant à un projet dit B..., sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe. Par ce même jugement, le tribunal administratif de Marseille a également annulé cette délibération, d'une part, en tant que l'orientation d'aménagement et de programmation du Coupier sur le territoire de la commune de Gémenos, et l'orientation d'aménagement et de programmation Val Tendre sur le territoire de la commune de Ceyreste prévoient, dans les zones que ces OAP dédient à l'extension de l'urbanisation, une densité en logements à l'hectare incohérente avec celle prescrite par le projet d'aménagement et de développement durables, d'autre part, en tant que la parcelle cadastrée OK0092 dans la calanque de Morgiou et les espaces non construits du campus de Luminy ne sont pas inclus dans les espaces naturels remarquables figurant aux planches graphiques du PLUi. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 13 août 2022, la métropole d'Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Mialot et Me Poulard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 juin 2022 en tant qu'il a annulé la délibération du 19 décembre 2019 en tant que sont classés en zone UP2a une parcelle non bâtie située au nord du lotissement Saint Jean sur le territoire de la commune de Gémenos, en zone A2 un secteur constituant sur un axe nord-sud une coupure d'urbanisation entre les enveloppes urbaines de Châteauneuf-les-Martigues et de Gignac-la-Nerthe, dans la plaine agricole de Châteauneuf-les-Martigues, en zone Nt un secteur vierge de toute construction, situé à la Marcouline sur le territoire de la commune de Cassis, en zone AU2, 41,6 hectares correspondant à un projet dit B..., sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe et en tant que les espaces non construits du campus de Luminy ne sont pas inclus dans les espaces naturels remarquables figurant aux planches graphiques du PLUi. 2°) de rejeter dans cette mesure le déféré du préfet des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif de Marseille ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à elle seule, la situation à l'intérieur du site inscrit des Calanques des espaces non construits du campus de Luminy, d'ailleurs anthropisés, ne justifie pas leur inclusion dans les espaces naturels remarquables ; - dès lors que le cahier global et les cahiers communaux du PADD ont la même valeur juridique et que la cohérence entre le règlement du PLUi et les orientations pertinentes du PADD doit s'apprécier à l'échelle du territoire couvert par le PLUi, le classement en zone AU2 du secteur correspondant au projet dit B... n'est pas entaché d'une telle incohérence ; - les autres moyens soulevés par le préfet des Bouches-du-Rhône à l'encontre de ce classement et tirés de l'incompatibilité avec les orientations du SCoT et avec la directive territoriale des Bouches-du-Rhône ne sont pas fondés ; - le classement en zone A2 d'un secteur situé entre les enveloppes urbaines de Châteauneuf-les-Martigues et de Gignac-la-Nerthe ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme eu égard à ses caractéristiques et aux effets d'un tel classement ; - le classement en zone UP2a d'une parcelle non bâtie située au nord du lotissement Saint- Jean sur le territoire de la commune de Gémenos n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; - le classement en zone Nt d'un secteur vierge de toute construction, situé à la Marcouline, ne méconnaît pas les dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Poulard, représentant la métropole d'Aix-Marseille-Provence, et de Mme C..., représentant le préfet des Bouches-du-Rhône. Une note en délibéré a été enregistrée le 31 octobre 2023, présentée par la métropole Aix Marseille Provence et non communiquée. Considérant ce qui suit : 1. Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation partielle de la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du territoire Marseille-Provence. Par un jugement du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit aux conclusions du préfet en annulant la délibération déférée en ce qui concerne le classement de certains secteurs, la densité en logements à l'hectare prévue par deux orientations d'aménagement et de programmation et l'exclusion de deux secteurs des espaces naturels remarquables figurant aux planches graphiques du PLUi. La métropole d'Aix-Marseille-Provence relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a annulé la délibération du 19 décembre 2019 en tant que sont classés en zone UP2a une parcelle non bâtie située au nord du lotissement Saint-Jean sur le territoire de la commune de Gémenos, en zone A2 un secteur constituant sur un axe nord-sud une coupure d'urbanisation entre les enveloppes urbaines de Châteauneuf-les-Martigues et de Gignac-la-Nerthe, dans la plaine agricole de Châteauneuf-les-Martigues, en zone Nt un secteur vierge de toute construction, situé à la Marcouline sur le territoire de la commune de Cassis, en zone AU2, 41,6 hectares correspondant à un projet dit B..., sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe et en tant que les espaces non construits du campus de Luminy ne sont pas inclus dans les espaces naturels remarquables figurant aux planches graphiques du PLUi. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la commune de Cassis : 2. L'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dispose : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. (...) ". Il résulte des articles L. 131-4 et L. 131-7 du même code, que, s'agissant d'un plan local d'urbanisme (PLU), il appartient à ses auteurs de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un schéma de cohérence territorial (SCoT), cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières. 3. Sur le territoire de la commune de Cassis, les auteurs du PLUi ont classé en zone Nt un secteur situé à la Marcouline. D'une part, alors que ce secteur est vierge de toute construction, le règlement indique que ce zonage recouvre " des secteurs naturels, notamment voués à des activités touristiques et de loisirs de plein air ", dans lesquels sont admises sous conditions les constructions de la sous-destination " locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés ". D'autre part, ce secteur borde à l'est, un secteur Ns, et à l'ouest deux secteurs Ns dénués de toute construction. Il jouxte également au nord un secteur Nh dans lequel se trouve, à distance, un groupe de quelques constructions dont le nombre est insuffisant pour constituer une agglomération ou un village existants au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Le secteur Nt litigieux fait en outre face, à l'ouest, de l'autre côté de la route de la Bédoule, sur une longueur de 20 à 30 mètres seulement, à un secteur UEc1correspondant aux zones ouvertes à toutes les activités économiques, y compris commerciales avec des hauteurs de façade maximales limitées à 10 mètres, dans lequel sont construits un immeuble, au nord de ce secteur et à distance de cette limite commune et où d'autres bâtiments étaient en cours de construction à la date d'approbation du PLUi au sud du secteur mais encore à distance de cette limite d'ailleurs positionnée sur une voie de communication démarquant deux compartiments distincts. Il confronte aussi, à l'ouest un secteur UV3, délimité en continuité des secteurs précités UEc1 et Ns, la zone UV3 couvrant notamment " de grands espaces végétalisés urbains à vocation sportive ou de loisirs, sur lesquels des projets de développement complémentaires modérés sont identifiés pour améliorer leur fonctionnement ", le règlement y autorisant une constructibilité " légèrement accrue mais toujours relativement modeste eu égard à la superficie des sites ". Etant constaté que le SCoT de Marseille-Provence ne comporte pas de dispositions relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral portant sur ce secteur et dans la mesure où il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, le classement en zone Nt contesté par le préfet est compatible avec les dispositions de l'article L. 121-28 du code de l'urbanisme. En ce qui concerne la commune de Châteauneuf-les-Martigues : 4. Aux termes de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme : " Les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation. ". 5. Dans son cahier spécifique à la commune de Châteauneuf-les-Martigues, le PADD du PLUi du territoire Marseille-Provence reconnaît que l'agriculture de plaine, qui participe à la qualité paysagère en maintenant de grands espaces ouverts, telle la plaine de Châteauneuf-les-Martigues/Gignac-la-Nerthe, doit être préservée, celle-ci étant repérée à ce titre sur la carte annexée localisant ces orientations. Il rappelle que celle-ci accueille l'un des espaces d'agriculture de plaine principaux du territoire de Marseille Provence, qu'il convient de préserver de l'urbanisation, " dans le respect des objectifs de protection des zones agricoles et des contraintes règlementaires liées à la DTA et à la Loi Littoral, tout en favorisant son exploitation " et d'assurer la préservation durable de ces espaces dès lors qu'ils " jouent un rôle économique important " et " contribuent à l'entretien des paysages et au maintien d'une coupure d'urbanisation ". 6. Il ressort des pièces du dossier que le PLUi litigieux a institué les trois principales coupures à l'urbanisation identifiées au SCoT de Marseille-Provence et par la DTA des Bouches-du-Rhône et notamment qui recouvre les abords de l'étang de Bolmon dans les zones humides ou agricoles de Marignane et de Châteauneuf-les-Martigues, au nord de la RD n° 568. Il a prévu par ailleurs sept autres coupures d'urbanisation environ. Il résulte du rapport de présentation que les auteurs du PLUi ont entendu assurer la préservation de l'ensemble de ces coupures d'urbanisation par la reconnaissance des parcelles non construites et l'application d'une zone et d'un règlement adéquat, empêchant la réalisation de constructions nouvelles pour éviter la conurbation entre deux secteurs urbains, soit par un classement en zones Ns, Nt, Nh et A1. Ne sont admises en zone agricole A1, sous conditions, les constructions de la sous-destination " locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés " ainsi que les châssis et serres. 7. La plaine agricole de Châteauneuf-les-Martigues, grand espace ouvert et peu construit, comme il a été dit, qui s'intercale, au sud de de la RD n° 568, entre, l'ouest, l'enveloppe urbaine de Châteauneuf-les-Martigues et, à l'est, celle de Gignac-la-Nerthe, a été classée en zone agricole A2 dans laquelle sont admises sous conditions les bâtiments relevant des sous-destinations " exploitation agricole " et " logement " et les installations classées pour la protection de l'environnement à condition qu'ils soient nécessaires à l'exploitation agricole. Alors même que l'application de ce zonage n'exclut pas toute urbanisation de cet espace naturel, eu égard au nombre de coupures d'urbanisation préservées par le PLUi et à la localisation de ce secteur, les dispositions de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges. En ce qui concerne la commune de Marseille : 8. Aux termes de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. / Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, (...) ". Aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) 7° Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement, des parcs nationaux créés en application de l'article L. 331-1 du code de l'environnement et des réserves naturelles instituées en application de l'article L. 332-1 du code de l'environnement ; (...) ". 9. Il ressort des pièces du dossier que le secteur du campus de Luminy, entièrement compris dans le site inscrit des Calanques, a été classé en zone UQM2, zones principalement dédiées au développement et au fonctionnement d'équipements d'envergure métropolitaine dans lesquelles sont notamment admis des commerces et services de proximité. Il constitue une enclave au sein d'une vaste zone classée Ns correspondant à une zone naturelle inconstructible, à l'exception d'aménagement nécessaire à l'amélioration de la protection ou de la mise en valeur des sites concernés. Le rapport de présentation du PLUi du territoire Marseille-Provence précise que le classement en zone Ns permet d'assurer la préservation des espaces naturels remarquables identifiés par le plan local d'urbanisme pour répondre à l'exigence fixée en ce sens par l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme. Le rapport expose que la méthode retenue pour délimiter ces espaces a consisté à reprendre la délimitation opérée par la directive territoriale d'aménagement (DTA) des Bouches-du-Rhône, en la précisant à une échelle plus fine et en la réajustant au regard des évolutions d'occupations ou de protections connues, ce qui a conduit à procéder à une adaptation des limites au regard notamment d'un " arrêt à la limite urbaine, supposant parfois un réajustement fin dans les secteurs de franges mités ". Le rapport indique ainsi qu'il a été procédé à un tel ajustement au niveau du Technopôle de Luminy, en excluant du périmètre tous les secteurs d'équipements technopolitains existants ou projetés. Selon les explications données en appel par la métropole d'Aix-Marseille-Provence et les indications figurant sur la planche complémentaire 06 du règlement graphique, la limite des espaces naturels remarquables autour du campus coïncide avec le tracé de la piste de défense contre l'incendie (DFCI) qui l'entoure. Il ressort des vues aériennes du secteur figurant au dossier que plusieurs zones boisées, d'ailleurs classées en zone rouge du plan de prévention des risques d'incendie de forêt (PPRIF) de Marseille sont comprises à l'intérieur de ce périmètre et en continuité avec les espaces naturels situés à l'extérieur. Eu égard à leur étendue, au maillage viaire et en dépit de la présence de locaux universitaires de moyenne ampleur dispersés dans le campus, ces zones, identifiées par le préfet des Bouches-du-Rhône sur une carte jointe à son mémoire en défense produit en première instance, doivent être regardées comme étant restées à l'état naturel, la métropole d'Aix-Marseille-Provence n'ayant pas situé les lieux représentés sur les photographies dont elle se prévaut. Elles constituent dès lors des parties naturelles du site inscrit des Calanques devant être préservées en application de l'article L. 121-23 et du 7° de l'article R. 121-4 du code de l'urbanisme. En s'abstenant d'identifier ces zones à ce titre et ainsi d'assurer leur préservation, les auteurs du PLUi ont méconnu ces dispositions. En ce qui concerne la commune de Gignac-la-Nerthe : 10. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". 11. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme (PLU) entre le règlement et le PADD, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou à un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet. 12. Le PADD du PLUi du territoire Marseille-Provence comporte d'abord un cahier global, qui, après avoir exposé que l'agriculture du territoire doit être protégée et la consommation des terres interrompue, inclut parmi les orientations stratégiques celle de protéger strictement les terrains cultivés en zone urbaine. Identifiant par ailleurs l'objectif de " localiser le développement économique en cohérence avec les principes du développement durable ", il constate à ce titre un " double enjeu d'attractivité des zones d'activités économiques dédiées, en favorisant la mise en place de caractéristiques urbaines favorables mais aussi de dimensionnement de l'offre, de sorte qu'elle réponde aux besoins tout en assurant une maîtrise de la consommation foncière ". Les orientations stratégiques correspondantes visent à favoriser la mobilisation des capacités résiduelles et l'optimisation des zones d'activités dédiées, à dimensionner les zones d'urbanisation future destinées au développement économique en rapport avec les capacités résiduelles et les besoins et à définir les zones d'urbanisation future à vocation économique, y compris touristiques et de loisirs, en fonction de leur pertinence urbaine au regard des critères environnementaux, d'accessibilité et de cohérence urbaine et dans la limite d'une enveloppe globale de l'ordre de 275 ha, avec la répartition suivante : une trentaine d'hectares pour le bassin Est, 120 ha pour le bassin centre et environ 125 hectares pour le bassin Ouest. Ensuite, le cahier communal propre à la commune de Gignac-la-Nerthe constate, s'agissant des zones urbaines à vocation économique, que " bénéficiant de la dynamique des pôles économiques de l'est étang de Berre, Gignac-la-Nerthe contribue au développement de l'emploi sur le territoire de Marseille Provence en s'appuyant sur la valorisation et la restructuration de ses espaces dédiés existants ". Ce document précise que " la commune entend inscrire son développement dans une stratégie d'ensemble avec la zone des Florides et la future zone du B... ". En outre, s'agissant des zones d'urbanisation future à vocation économique, il insiste sur la maîtrise de la consommation d'espace et confirme l'intention " d'inscrire le projet du B... dans la continuité du développement des Florides et du projet Henri Fabre, afin de dynamiser le tissu économique sur le site du projet et sur les zones intercommunales voisines ". Le cahier communal comporte une carte localisant la zone d'urbanisation future du B... en continuité au sud-ouest et au sud de la zone des Florides, dont la vocation économique doit être confortée à cet endroit, et limitée à l'est par un espace agricole dit D... à préserver. 13. Le préfet des Bouches-du-Rhône a contesté en première instance la création par les auteurs du PLUi litigieux de deux secteurs formant la zone dite du B...-Bricard classés en zone AU2 d'urbanisation stricte à vocation principale d'activités économiques, l'un situé sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe, d'une superficie de 33,3 hectares, l'autre sur le territoire de la commune de Marignane, de l'autre côté de la route départementale n° 368, d'une superficie de 8,3 hectares environ, soit une superficie totale de 41,6 hectares. Les limites de ces secteurs correspondent sensiblement à celles qui sont envisagées sur la carte annexée au PADD, citée ci-dessus. En particulier, ils s'inscrivent dans la continuité de la zone des Florides classée UEb2, correspondant aux zones principalement dédiées au développement d'activités industrielles et logistiques ainsi que de bureaux avec des hauteurs de façade maximales limitées à 18 mètres. Le secteur situé sur la commune de Gignac-la-Nerthe préserve un espace agricole à l'est classé A2. La superficie totale des deux secteurs, égale à 41,6 hectares, est inférieure à la superficie de 125 ha prévue par le PADD pour l'ensemble du bassin ouest, pour lequel le PADD définit une orientation stratégique de création de 10 600 emplois. Il résulte des mentions du rapport de présentation relatives à l'explication des choix retenus pour le zonage que le PLUi du territoire Marseille-Provence comporte, pour le bassin ouest, outre le secteur du B..., deux autres secteurs en zone AU2, situés en limite sud de l'aéroport à Marignane et en connexion avec une zone d'activités existante à Saint-Victoret, la superficie totale étant de 124 hectares. Le rapport précise notamment que le tissu agricole existant sur le site du B... est en friche et mité et que le zonage contesté vise à créer un espace dédié à l'économie productive et de compléter l'offre offerte au sein de la zone existante pour les PME/PMI. Dans ces conditions, le classement en zone AU2 du secteur correspondant au projet dit B... n'est pas entaché d'une incohérence avec les orientations générales et objectifs du PADD. En ce qui concerne la commune de Gémenos : 14. Les auteurs du PLUi ont classé en zone UP2a, sur le territoire de la commune de Gémenos, une parcelle non bâtie et en nature de vignes, située au nord du lotissement Saint-Jean à l'angle du chemin de Saint-Jean de Garguier et du chemin Saint-Clair. Le règlement définit les zones UP comme permettant notamment le développement de l'habitat individuel sous toutes ses formes (pavillonnaires, habitat individuel groupé...), les zones UP2a étant celles dans lesquelles les emprises aux sols sont principalement limitées à 15 %. L'article 13 du règlement de cette zone dispose que les constructions doivent être desservies par des équipements conformes aux exigences fixées par le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie des Bouches-du-Rhône. Selon la carte jointe au porter à connaissance du préfet des Bouches-du-Rhône relatif au risque de feu de forêt, communiqué le 23 mai 2014, ce terrain, comme les autres parcelles situées au pied du massif de la Sainte-Baume et d'ailleurs classées, elles, en zone Nh ou Nt, à l'exception du lotissement précité, est exposé à un aléa subi fort. Les pentes du massif au nord-est, en majorité boisées, sont exposées à un aléa exceptionnel. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la moindre densité de la végétation sur les roches surplombant la partie boisée jouxtant au nord-est le terrain litigieux, ni sa culture en vignes soient de nature à minorer le risque d'incendie de forêt retenu par la carte d'aléa précitée. La circonstance dont la métropole se prévaut de ce que le secteur est desservi par les transports en commun ne préjuge pas de l'accès commode par ces voies étroites et sinueuses pour les véhicules de secours et de lutte contre l'incendie, ni de la présence de bornes d'incendie à proximité. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que ce classement était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 15. Il résulte de ce qui précède que la métropole d'Aix-Marseille-Provence est seulement fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 19 décembre 2019 en tant qu'elle classe en zone A2 un secteur constituant sur un axe nord-sud une coupure d'urbanisation entre les enveloppes urbaines de Châteauneuf-les-Martigues et de Gignac-la-Nerthe, dans la plaine agricole de Châteauneuf-les-Martigues, en zone Nt un secteur vierge de toute construction, situé à la Marcouline sur le territoire de la commune de Cassis, et en zone AU2, 41,6 hectares correspondant à un projet dit B..., sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe. Sur les frais liés au litige : 16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la métropole d'Aix-Marseille-Provence et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La délibération du 19 décembre 2019 est annulée en tant que sont classés en zone UP2b, le secteur non bâti situé à l'ouest de la voie menant au quartier des Devens et chemin des Garlaban sur le territoire de la commune de Ceyreste, en zone UQP le secteur situé à proximité du camping sur le territoire de la commune de Ceyreste, en zone UP2a une parcelle non bâtie située au nord du lotissement Saint Jean sur le territoire de la commune de Gémenos, en zone UEa1 un secteur situé dans le quartier de Saint-Tronc sur le territoire de la commune de Marseille, en zone UEa1 un secteur situé au lieu-dit I... sur le territoire de Roquefort-la-Bédoule, en zone UCt2 un secteur situé au lieu-dit E... sur le territoire de la commune de Sausset-les-Pins, en zone UP2b deux secteurs situés, pour l'un au lieu-dit A..., pour l'autre au lieu-dit G..., sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons, en zone UQP la bande de terrain incluse dans un secteur UQP et limitrophe d'une zone Ns au lieu-dit H... sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons, en zone UP1 deux parcelles non construites situées au lieu-dit F..., en partie nord, sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons, tous les secteurs classés en zone Nh et situés dans les communes soumises à la loi Littoral, en dehors des agglomérations et villages existants et à proximité de zones agricoles ou naturelles de zonage Ns, en zone Nt deux secteurs situés sur la colline de Notre-Dame sur le territoire de la commune de Marignane et, en zone UP2b, le compartiment non urbanisé d'un secteur ainsi classé situé sur le territoire de l'opération d'aménagement et de programmation MRS-16 relative aux quartiers de Saint-Antoine- La Bricarde- la Castellane à Marseille. Cette délibération est également annulée, d'une part, en tant que l'orientation d'aménagement et de programmation du Coupier sur le territoire de la commune de Gémenos, et l'orientation d'aménagement et de programmation Val Tendre sur le territoire de la commune de Ceyreste prévoient, dans les zones que ces OAP dédient à l'extension de l'urbanisation, une densité en logements à l'hectare incohérente avec celle prescrite par le projet d'aménagement et de développement durables, d'autre part, en tant que la parcelle cadastrée OK0092 dans la calanque de Morgiou et les espaces non construits du campus de Luminy ne sont pas inclus dans les espaces naturels remarquables figurant aux planches graphiques du PLUi. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à la métropole d'Aix-Marseille-Provence une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la métropole d'Aix-Marseille-Provence est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole d'Aix-Marseille-Provence et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. N° 22MA02278 2
CETATEXT000048439292
J6_L_2023_11_00022MA03144
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA03144, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA03144
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
CARMIER
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par un jugement n° 2203393 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Carmier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, et subsidiairement de réexaminer sa demande sous autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire ; - les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation ; - sa situation justifiait également que le préfet fasse usage de son pouvoir de régularisation par le travail ; - son état de santé empêchait, en application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; - la fixation du pays de destination méconnaît, pour les mêmes raisons, l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante marocaine née en 1989, relève appel du jugement du 27 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. 2. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par Mme D... C..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile à la préfecture des Bouches-du-Rhône. En vertu d'un arrêté du 31 août 2021, dûment publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du 1er septembre 2021, le préfet lui avait donné délégation à l'effet de signer l'ensemble des actes relevant des attributions du bureau ainsi que tout document relatif à la procédure de délivrance de titre de séjour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit dès lors être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 9 de l'accord entre Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". 4. Alors même que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. 5. En l'espèce, Mme B... est entrée en France à la fin de l'année 2019 sous couvert d'un visa de long séjour et a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, valable jusqu'au 31 octobre 2020. Elle justifie par les pièces versées au dossier avoir travaillé en qualité d'assistante de vie à domicile entre les mois de mars 2020 et de juillet 2021, durant une période particulièrement difficile en raison de l'épidémie de Covid 2019 et alors même qu'elle souffre d'une sclérose en plaques. Elle a donné à cet égard toute satisfaction à son employeur. Toutefois, ces circonstances ne peuvent être regardées comme constituant un motif exceptionnel de régularisation au regard du droit au séjour. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de lui ouvrir le droit au séjour au titre du travail, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 7. Ainsi qu'il a été exposé précédemment, Mme B... n'est présente en France que depuis la fin de l'année 2019 et elle s'est maintenue illégalement sur le territoire à l'expiration de son titre de séjour en octobre 2020. Si elle a effectivement travaillé sans relâche jusqu'en juillet 2021, elle est célibataire et sans enfant à charge. Elle ne se prévaut pas de liens sociaux particulièrement intenses en France, ni même n'allègue entretenir des relations étroites avec sa sœur qui y est présente. Elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où réside le reste de sa famille et où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Le centre de sa vie privée et familiale n'est ainsi pas fixé en France de façon telle que les décisions litigieuses y porteraient une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 8. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme B... souffre de la sclérose en plaques. Elle produit à l'instance un certificat médical établi le 31 mars 2022 par lequel le praticien hospitalier qui la prend en charge atteste qu'elle est atteinte d'une forme agressive de la maladie ayant nécessité " l'introduction d'un traitement immunosuppresseur profond " " indispensable au contrôle de la maladie " et " d'accès très difficile dans le pays d'origine de la patiente ". Toutefois, en se bornant à produire ce document, la requérante n'établit pas qu'elle serait exposée à de graves conséquences médicales en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, au regard de cet élément et des considérations exposées ci-dessus au titre de la vie privée et familiale de la requérante, que le préfet aurait entaché ses décisions refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation et obligeant Mme B... à quitter le territoire d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences. 9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précisent : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 10. Ainsi qu'il a été énoncé au point 8, Mme B..., qui n'a au demeurant pas fait valoir ses difficultés de santé et n'a pas mis le préfet à même de recueillir l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration tel que prévu par l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, n'établit pas qu'elle risquerait, en cas de retour dans son pays d'origine, un défaut de prise en charge de son état de santé et des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile et la décision fixant le pays de destination en méconnaissance de celles de l'article L. 721-4 du même code et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doivent dès lors être écartés. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Carmier. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 22MA03144 nb
CETATEXT000048439300
J6_L_2023_11_00023MA00636
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 20/11/2023, 23MA00636, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA00636
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. BADIE
SCP LYON-CAEN & THIRIEZ
Mme Isabelle GOUGOT
M. POINT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : LA SARL Le Chalet des Jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 3 618 121 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure de passation pour l'attribution de trente lots de sous-traités d'exploitation de la plage de Pampelonne, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal capitalisés. Par un jugement n° 1903616 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 31 août 2021 et le 4 octobre 2021, la société Le Chalet des Jumeaux, représentée par la SCP d'avocats aux conseils Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 3 618 121 euros hors taxes, assortie des intérêts légaux capitalisés ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier car le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ; - le jugement est entaché d'erreurs de droit, de qualification et d'appréciation des faits ; - pour les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, E3 et T3d, c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance de l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et des principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'autorité concédante avait insuffisamment défini ses besoins sur la gamme de services et de clientèle, compte tenu de l'objectif de diversité d'accueil fixé par l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence ; ce faisant, la commune a comparé des offres trop différentes ce qui lui conférait un pouvoir discrétionnaire ; - pour les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, c'est à tort que le tribunal a considéré que le pouvoir adjudicateur avait pu légalement limiter à deux le nombre des sous-concessions pour lesquelles un candidat pouvait déposer une offre, cette limitation n'étant pas justifiée par un motif légitime et proportionnée à l'objectif poursuivi ; - elle a été irrégulièrement évincée de l'attribution des sous-concessions E3 et T3d et a été irrégulièrement empêchée de soumissionner aux autres sous-concessions mises en concurrence notamment aux lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d ; - elle disposait d'une chance sérieuse d'obtenir ces sous-concessions si ces illégalités n'avaient pas été commises ; - c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'irrégularité du critère financier prévu à l'article 6.2 du règlement de consultation qui était imprécis et incohérent, comportait deux objectifs contradictoires et reposait sur les seules déclarations des candidats ; les critères d'attribution pour les lots E3 et T3d étaient irréguliers ce qui a conféré un pouvoir discrétionnaire à l'autorité administrative ; la sélection des offres a méconnu les principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats ; - c'est à tort que le tribunal a estimé que l'appréciation de son offre financière pour les lots E3 et T3d n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; cette appréciation méconnaît le principe d'égal traitement des candidats ; - elle disposait d'une chance sérieuse d'obtenir l'un des dix contrats dont l'attribution est contestée, en particulier celui correspondant au lot E3, et eu égard aux stipulations de l'article 4.3 du règlement de la consultation, elle peut légitimement prétendre à obtenir le manque à gagner qu'elle aurait retiré de l'exploitation de l'un des lots prévus par la consultation, augmenté des frais de présentation de l'offre ; - son manque à gagner correspond à ce qui aurait résulté de l'exploitation du contrat de sous-concession correspondant au lot n° E3, soit la somme de 3 618 121 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas opérants car elle ne justifie pas d'un intérêt lésé ; en tout état de cause ils ne sont pas fondés ; - il n'existe pas de lien de causalité direct entre les fautes et le préjudice invoqués ; - le manque à gagner doit se limiter au résultat net de 2 725 795 euros ; il n'est toutefois étayé par aucun document comptable ; et ce manque à gagner ne saurait inclure les frais de présentation de l'offre. Par un arrêt n° 21MA03747 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1903616 et a condamné la commune de Ramatuelle à verser à la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 2 725 795 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisés. Par une décision du 10 mars 2023 n° 464830, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Ramatuelle, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 mai 2022 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour. Un courrier du 5 avril 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Par un mémoire, enregistré après cassation le 19 mai 2023, la société Le Chalet des Jumeaux, représentée par la SCP d'avocats aux conseils Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 2 725 795 euros hors taxes, assortie des intérêts légaux capitalisés ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les moyens développés dans ses écritures avant cassation. Par un mémoire, enregistré après renvoi le 19 mai 2023, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Petit, demande à la Cour de rejeter la requête de la société Le Chalet des Jumeaux et de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - pour les contrats E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, les demandes ne sont pas recevables, dès lors que la société Le Chalet des Jumeaux n'a pas candidaté ; - elle reprend les moyens développés avant cassation. Par ordonnance du 20 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Deux mémoires présentés pour la société Le Chalet des Jumeaux ont été enregistrés les 8 et 9 août 2023, postérieurement à la clôture d'instruction et non communiqués. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ; - le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure, - les conclusions de M. François Point, rapporteur public, - et les observations de Me Baïta, pour la société Le Chalet des Jumeaux, et de Me Petit, pour la commune de Ramatuelle. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet du Var a accordé à la commune de Ramatuelle la concession de la plage naturelle de Pampelonne pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019. La commune de Ramatuelle a engagé, le 30 juin 2017, une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution de sous-concessions du service public balnéaire sur cette plage pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019 et jusqu'au 31 décembre 2030. La consultation portait sur trente lots, parmi lesquels vingt-trois lots " établissements de plage ". Par deux courriers du 19 juillet 2018, la société Le Chalet des Jumeaux qui avait déposé sa candidature pour les lots E3 et T3d, a été informée du rejet de ses deux offres. Le 19 octobre 2018, le maire de Ramatuelle a signé les conventions de délégation de service public notamment des lots " établissements de plage ". Estimant avoir été irrégulièrement évincée non seulement des deux lots E3 et T3d, sur lesquels elle avait candidaté, mais aussi avoir été illégalement privée de la possibilité de candidater sur les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, la société Le Chalet des Jumeaux a formé une demande préalable indemnitaire par courrier du 3 juin 2019, reçue le 5 juin suivant. Elle a ensuite saisi la Cour du jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1903616 du 1er juillet 2021 rejetant sa demande tendant au versement d'une somme de 3 618 121 euros. Par un arrêt n° 21MA03747 du 10 mai 2022, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 1er juillet 2021 et a condamné la commune de Ramatuelle à verser à la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 2 725 795 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisés. Mais, par une décision du 10 mars 2023 n° 464830, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Ramatuelle, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 mai 2022 et lui a renvoyé l'affaire. Sur le cadre juridique : 2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l'Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. 3. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire, faute de communication régulière de l'ensemble des pièces produites par la commune de Ramatuelle, doit être écarté, comme non assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. 5. En second lieu, il n'appartient pas au juge d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de l'erreur de droit ou des erreurs d'appréciation que les premiers juges auraient commises. Sur le bien-fondé du jugement : 6. D'une part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. 7. D'autre part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et les préjudices dont le candidat demande l'indemnisation. Il s'en suit que lorsque l'irrégularité ayant affecté la procédure de passation n'a pas été la cause directe de l'éviction du candidat, il n'y a pas de lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à raison de son éviction. Sa demande de réparation des préjudices allégués ne peut alors qu'être rejetée. En ce qui concerne les lots E3, T3d sur lesquels la société Le Chalet des Jumeaux a candidatés : S'agissant de la faute tirée de l'insuffisante définition des besoins de la commune de Ramatuelle : 8. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, dans sa version applicable aux faits de l'espèce : " I. - Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ". Et selon l'article 27 de la même ordonnance : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ". Enfin, l'article 36 de l'ordonnance précise que : " Sans préjudice des dispositions du chapitre préliminaire et du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, l'autorité concédante organise librement la procédure qui conduit au choix du concessionnaire, dans le respect des principes énoncés à l'article 1er de la présente ordonnance, des dispositions du présent chapitre et des règles de procédure fixées par voie réglementaire... ".Ainsi, les concessions sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire. Il lui appartient à ce titre d'indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession et le type d'investissements attendus ainsi que les critères de sélection des offres. 9. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'article 3 du règlement de consultation et du document programme correspondant aux lots " établissements de plage ", que l'autorité concédante avait informé les candidats des principales caractéristiques du service public concédé, au demeurant développées à l'article 6 du cahier des charges de la concession du 7 avril 2017, acte réglementaire disponible sur internet. L'article 3 du règlement de la consultation précisait ainsi que les délégataires auraient notamment la charge de " développer le caractère attractif du site de la plage de Pampelonne au plan touristique, la qualité de l'architecture, des activités et des services personnalisés à destination d'une clientèle diversifiée sur le périmètre délégué ". Et l'article 2.3 du document programme des établissements de plage déterminait les caractéristiques des vingt-trois lots de plage répartis en trois zones de type B, C ou A selon que le bâtiment d'exploitation se trouvait sur le domaine public maritime, sur le domaine public communal, ou à la fois sur les deux. Il était ainsi précisé que le service de plage comprenait majoritairement une activité de bains de soleil mais aussi une activité de restauration. Il était également indiqué l'étendue géographique des différents lots, la durée du contrat et les investissements attendus. Par ailleurs l'article 8.3 du règlement de consultation disposait que, pour apprécier l'offre présentant le meilleur avantage économique global, la commune de Ramatuelle retenait quatre critères par ordre d'importance décroissant. Le premier critère était relatif au " projet d'établissement ", le deuxième à la " qualité et cohérence de l'offre au plan technique : moyens humains et matériels ", le troisième à la " proposition du candidat en rapport avec l'attente d'excellence de la commune : démarche de responsabilité sociale de l'entreprise ". Enfin, le quatrième critère relatif à la " qualité et cohérence de l'offre au plan financier : cohérence entre le compte prévisionnel d'exploitation, la tarification de service proposée et le niveau de redevance communale proposée " visait clairement à apprécier la cohérence d'ensemble, la solidité et la crédibilité de l'offre au plan financier en comparant ce compte prévisionnel d'exploitation avec la tarification du service et le niveau de redevance communale proposés, ce qui était suffisamment précis. Les candidats étaient donc informés sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire. 10. La société requérante reproche à la commune de Ramatuelle de ne pas avoir défini avec suffisamment de précision, pour chaque lot de plage, le type d'établissement et d'ambiance, familiale, festive ou autre et de gamme de prestation de service, de redevance et de tarifs attendus en fonction des catégories d'usagers, et d'avoir ainsi comparé des offres trop différentes et laissé à la commune un pouvoir discrétionnaire. L'autorité concédante n'était toutefois pas tenue de définir cet élément de la stratégie commerciale des établissements exploités sur chacun des lots. Par suite, alors même que les informations sur les besoins étaient communes à l'ensemble des lots de sous-concession et que, par ailleurs, la commune avait limité le nombre de lots auxquels le candidat pouvait soumissionner, et qu'elle entendait clairement garantir une diversité de gammes de prestations pour un public varié, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de définition suffisamment précise des besoins de la commune, la procédure de passation des contrats des lots E3 et T3d méconnaitrait l'objectif de diversité d'accueil fixé par l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence ainsi que l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et les principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. S'agissant de la faute tirée de l'imprécision des critères d'attribution : 11. L'autorité concédante définit librement la méthode d'évaluation des offres au regard de chacun des critères d'attribution qu'elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour son évaluation des offres que les modalités de leur combinaison. Une méthode d'évaluation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d'attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités d'évaluation des critères d'attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l'ensemble des critères, à ce que l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. 12. L'article 8.3 du règlement de consultation prévoyait quatre critères d'attribution " par ordre d'importance décroissant ", parmi lesquels en quatrième et dernière position, un critère de " qualité et cohérence de l'offre au plan financier : cohérence entre le compte prévisionnel d'exploitation, la tarification de service proposé et le niveau de redevance communal proposé ". Il indiquait que les quatre critères n'étaient pas pondérés, ce qui était suffisamment précis alors même que n'étaient pas spécifiés le type d'établissement et d'ambiance et le niveau de services attendus. Si la société requérante soutient que le critère financier était incohérent car il était exigé des candidats d'un côté des redevances forfaitaires et variables les plus élevées possible et de l'autre de garantir des prix modérés, ce qui confèrerait selon elle à l'autorité administrative un pouvoir d'appréciation discrétionnaire, il résulte du cahier des charges techniques (page 14/14) que la cohérence d'ensemble entre tous les éléments financiers de l'offre devait faire l'objet d'une attention toute particulière. Le fait que dans le règlement de consultation, ce critère se fonde sur le " compte prévisionnel d'exploitation ", ce qui inclut le chiffre d'affaires prévisionnel alors que celui-ci repose seulement sur les déclarations des candidats sans être assorti d'engagements contractuels ne saurait être regardé comme entachant d'irrégularité la méthode d'évaluation, dès lors qu'il s'agissait d'apprécier la cohérence d'ensemble, la solidité et la crédibilité de l'offre au plan financier en comparant ce plan prévisionnel d'exploitation avec la tarification du service et le niveau de redevance communale proposés. Dans ces conditions, et alors même que le critère financier était commun à l'ensemble des sous-concessions, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que les critères d'attribution pour les lots E3 et T3d étaient irréguliers ce qui aurait conféré un pouvoir discrétionnaire à l'autorité administrative et aurait conduit à une sélection des offres en méconnaissance des principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats. S'agissant de la faute tirée de l'erreur de fait, de l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux concernant le lot E3, pour lequel elle avait manifesté sa préférence : 13. Ainsi qu'il a été dit plus haut, l'article 8.3 du règlement de consultation prévoyait, que pour apprécier l'offre présentant le meilleur avantage économique global, la commune de Ramatuelle a retenu quatre critères par ordre décroissant d'importance. Le premier critère relatif au " projet d'établissement " se décomposait en trois sous-critères, selon lesquels, en premier lieu, le projet d'établissement doit être en corrélation avec la politique touristique communale, en deuxième lieu, le projet architectural et paysager doit s'intégrer dans l'espace naturel et remarquable dans l'esprit de la plage de Pampelonne et, en troisième lieu, les prestations doivent permettre une personnalisation du service, une communication, un contrôle de la qualité et de la maintenance des ouvrages. L'autorité administrative a en outre retenu un deuxième critère portant sur la " qualité et cohérence de l'offre au plan technique : moyens humains et matériels ". Le troisième critère était relatif à la " proposition du candidat en rapport avec l'attente d'excellence de la commune : démarche de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) ". Et le quatrième critère avait trait à la " qualité et cohérence de l'offre au plan financier ". L'autorité concédante a, pour évaluer les offres qui lui étaient soumises, associé à chacun des critères hiérarchisés qu'elle avait fixés et rendus publics une appréciation qualitative des offres. Cette appréciation était composée d'une évaluation littérale décrivant les qualités des offres pour chaque critère, suivie d'une flèche qui la résumait. Dans le cadre de cette méthode, une flèche verte orientée vers le haut représentait la meilleure appréciation, une flèche rouge vers le bas la moins bonne, tandis que des flèches orange orientées de biais vers la droite ou à l'horizontale vers la droite constituaient deux évaluations intermédiaires. La commune a classé les offres admises à négocier au regard de l'appréciation qu'elle avait portée sur chacun des critères. 14. Pour le quatrième critère, d'ordre financier, il résulte de l'instruction et notamment de la fiche individuelle d'évaluation des offres que la commune a analysé l'ensemble des paramètres financiers de la société Le Chalet des Jumeaux. En revanche, il ne résulte pas du rapport d'analyse des offres que la commune se soit livrée à une analyse comparative des offres sur la cohérence financière de l'offre. Ainsi, dans le premier rapport, établi avant la négociation, l'incohérence de la proposition financière de la société attributaire avait été mise en évidence. Cependant, au cours de la conduite des négociations, la commune a axé son analyse sur le montant des redevances en demandant aux candidats d'améliorer leur offre sur ce point. Et il résulte en outre du commentaire final sur le critère financier n° 4 du rapport d'analyse des offres que l'autorité délégante a apprécié le niveau de redevance proposé sans comparer la cohérence financière d'ensemble de l'offre de la société requérante par rapport à celle de l'attributaire non seulement au regard de la redevance mais aussi des tarifs et du compte prévisionnel d'exploitation, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 12, il était précisé dans le cahier des charges techniques (page 14/14) que la cohérence entre tous les éléments financiers de l'offre ferait l'objet d'une attention toute particulière. A cet égard, la circonstance que la commune se soit référée au chiffre d'affaires n'apparaît pas suffisante alors que son commentaire ne porte que sur le montant de la redevance variable, qui est indexée sur le chiffre d'affaires. La société Le Chalet des Jumeaux est par conséquent fondée à soutenir que la commune de Ramatuelle a irrégulièrement apprécié son offre sur ce point. 15. Toutefois, quand bien même l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux aurait été correctement appréciée au titre de ce critère financier, cela ne lui aurait pas permis pour autant d'être mieux classée que la société attributaire et de se voir attribuer le contrat alors que le critère financier était le quatrième et dernier critère de ceux retenus par ordre décroissant d'importance et qu'il résulte de l'appréciation générale du rapport d'analyse des offres pour le lot E3, pour lequel la société requérante a été classée deuxième, que, si l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux était dernière sur le critère financier, elle était seulement, dans son ensemble, " intéressante et de qualité sur le service et l'architecture, un peu inférieure à l'offre du vainqueur en termes de qualité et d'engagement " et qu'elle présentait " une démarche RSE (critère 3) détaillée mais peu engageante ". Ainsi, pour le premier critère portant sur le projet d'établissement, la société Le Chalet des Jumeaux disposait d'une flèche orange dirigée vers le haut et la droite et était appréciée comme ayant une " architecture répondant aux attentes du cahier des charges. Offre de service intéressante et labellisée, mais sans engagements contractuels mis à part non-respect flagrant (sauf engagement intéressant sur nuisances sonores) " tandis que l'offre de la société attributaire avait obtenu une flèche verte dirigée vers le haut et l'appréciation plus favorable suivante : " projet architectural en bois très satisfaisant et engageant contractuellement - avec des ambitions de haute qualité - accompagnement CARSAT pour chantier et pénalités sur le bâtiment. Très bonne qualité de service prévue (carte signée chef une étoile) et engagement contractuel associé pour s'assurer de l'application du contrat. Engagement de maîtrise du coût facturé au client. ". Pour le deuxième critère de qualité et cohérence de l'offre au plan technique, la société requérante et la société attributaire disposaient de la même flèche orange dirigée vers le haut et la droite. Et pour le troisième critère sur la démarche RSE, la société requérante avait obtenu une flèche orange horizontale tandis que celle de l'attributaire était orange mais de biais et dirigée vers le haut, accompagnée de l'appréciation suivante : " démarche RSE satisfaisante avec des engagements intéressants, mais peu détaillés sur la partie " objectifs ". Tableau de suivi mensuel de la performance environnementale transmis à la collectivité ". De la sorte, l'irrégularité de l'appréciation de l'offre financière et la méconnaissance du principe d'égal traitement des candidats sur ce point, ainsi que l'erreur de fait qui aurait été commise sur ce même critère financier, à la supposer même établie, ne sont pas la cause directe de l'éviction de la société Le Chalet des Jumeaux de l'offre sur le lot E3. S'agissant de la faute tirée de l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux concernant le lot T3d : 16. Pour le quatrième et dernier critère de ceux retenus par ordre décroissant d'importance, si la société requérante soutient que la cohérence de son offre financière pour le lot T3d n'aurait pas été examinée et aurait été mal appréciée, car le montant de la redevance a été privilégié au détriment de l'analyse des tarifs, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle était classée septième sur neuf candidates et qu'elle n'a pas été admise à la négociation. Sur le premier critère, l'offre de la société attributaire était " très bonne " et sur les critères 2 et 3, de " très grande qualité ". L'offre de la société Le Chalet des Jumeaux, quant à elle, était seulement " intéressante " sur le critère 1 et " bien détaillée " sur le critère 2 et était également moins bien classée sur le critère 3 pour lequel sa démarche RSE avait été jugée " peu engageante contractuellement pour le candidat ". Ainsi, quand bien même la société requérante aurait obtenu l'appréciation maximale pour le critère financier, dernier dans la hiérarchie d'importance des critères, cela ne lui aurait pas permis pour autant d'être globalement mieux classée que l'entreprise attributaire et de se voir attribuer la sous-concession T3d. L'irrégularité de l'appréciation de son offre financière n'est, par suite, pas la cause directe de l'éviction de la société Le Chalet des Jumeaux sur le lot T3d. En ce qui concerne les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, sur lesquels la société Le Chalet des Jumeaux n'a pas candidaté : S'agissant de la faute tirée de l'insuffisante définition des besoins de la commune de Ramatuelle : 17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 10, la société Le Chalet des Jumeaux n'est pas fondée à soutenir, au soutien de ses conclusions indemnitaires concernant les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, sur lesquels elle n'a pas candidatés, que la commune de Ramatuelle n'aurait pas suffisamment défini ses besoins et aurait méconnu l'objectif de diversité et d'accueil fixé par l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence ainsi que l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et les principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. S'agissant de la faute tirée de la limitation du nombre de lots : 18. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, dans sa version applicable aux faits de l'espèce : " I. Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. ". Et selon l'article 36 de la même ordonnance : " Sans préjudice des dispositions du chapitre préliminaire et du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, l'autorité concédante organise librement la procédure qui conduit au choix du concessionnaire, dans le respect des principes énoncés à l'article 1er de la présente ordonnance, des dispositions du présent chapitre et des règles de procédure fixées par voie réglementaire... ". 19. L'article 4.3 du règlement de la consultation disposait d'une part, que " Les candidats sont informés de la possibilité de présenter une offre pour un ou pour deux lots au maximum en précisant expressément leur préférence " et, d'autre part, qu'" Afin d'assurer une réelle diversité sur le site de la plage de Pampelonne, chaque candidat ne pourra être attributaire que d'un seul lot ". 20. La société requérante soutient qu'en limitant à la fois, d'une part, à deux sur trente le nombre d'offres pouvant être présentées par un candidat et, d'autre part, à un sur trente, le nombre de lots pouvant être attribué par candidat, le pouvoir adjudicateur aurait méconnu les règles de libre accès à la concurrence énoncées aux articles 1er et 36 de l'ordonnance concessions cités aux points précédents et désormais codifiés à l'article L. 3 du code de la commande publique. Elle estime qu'une telle limitation ne serait pas justifiée par la commune de Ramatuelle par un motif d'intérêt général, alors que le nombre de lots à attribuer était limité, et que la limite du nombre de présentation d'offres ne serait pas proportionnée. 21. En premier lieu, la commune justifie la limitation du nombre de présentation de dossiers de candidature par la nécessité d'égaliser les conditions de concurrence entre les candidats afin de permettre l'émergence de candidatures d'acteurs économiques plus modestes face à des sociétés plus importantes. Elle fait aussi valoir que l'absence de limitation du nombre de lots aurait complexifié l'analyse au point de rendre quasiment impossible la tenue d'une procédure de mise en concurrence dans des conditions acceptables tout en contestant avoir eu pour seul objectif de réduire sa charge de travail. En second lieu, elle invoque le règlement de la consultation lequel prévoyait expressément l'attribution d'un seul lot par candidat afin " d'assurer une réelle diversité sur le site de la plage de Pampelonne ". 22. D'une part, aucun texte légal ni réglementaire n'interdit, dans le cadre de l'attribution de sous-concessions portant occupation du domaine public par une commune, elle-même concessionnaire unique d'une plage naturelle, le principe d'une limitation du nombre de présentation d'offres alors notamment qu'en vertu de l'article 36 de l'ordonnance du 29 janvier 2016, en tant qu'elle-même autorité concédante, elle organise librement la procédure qui conduit au choix des sous-concessionnaires. Cette limite, qui était la même pour tous les candidats et avait été clairement prévue par le règlement de la consultation, ne méconnaît ni le principe d'égalité ni le principe de transparence énoncés à l'article 1er de la même ordonnance. 23. La société Le Chalet des Jumeaux soutient qu'une telle limite méconnaitrait le principe de libre accès à la commande publique. La démarche communale s'inscrit cependant dans la répartition aussi variée que possible d'une concession unique entre autant de sous-concessionnaires qu'il y avait de lots. D'un point de vue quantitatif, il résulte de l'instruction que, pour les trente lots, cinquante-neuf candidats ont été admis par la commission à présenter une offre à l'issue de la réunion du 18 décembre 2017 et quatre-vingt-treize offres ont été analysées pour l'ensemble des trente lots, ce qui a permis à la commune de rationnaliser l'analyse des offres. Il résulte également d'une note établie par la directrice de recherche au CNRS du 4 août 2022 produite par la commune que la limite à deux du nombre de présentations des offres reste neutre sur les chances de réussite d'une société qui s'est portée candidate à l'un des lots, dès lors que, dans l'hypothèse où chaque candidat ne pourra être attributaire que d'un seul lot, la probabilité de réussite d'une entreprise, qui correspond au ratio du nombre de lots par le nombre de sociétés soumissionnaires, demeure inchangée, et ce, quel que soit le nombre de lots auxquels la société peut présenter une offre. En outre, le nombre de candidatures par lot était illimité. Surtout, d'un point de vue qualitatif, cette limite du nombre de présentation des offres permettait de rétablir un équilibre concurrentiel en laissant la possibilité à des entreprises de moindre taille et aux moyens humains et financiers plus limités de présenter une offre qui ne soit pas en concurrence avec une société aux moyens bien supérieurs, alors que la commune fait valoir, sans être contestée, que les coûts de présentation de l'offre étaient non négligeables car il était exigé un projet architectural avancé allant bien au-delà de l'esquisse et qu'il n'était pas prévu d'indemnisation des candidats. Ce mécanisme permettait ainsi d'éviter la domination des grands groupes présentant de multiples dossiers d'offres personnalisées et ce faisant, garantissait une diversification de la taille des entreprises présentant une offre. Contrairement à ce que soutient la société Le Chalet des Jumeaux, le seul fait que la procédure ait été allotie, ce qui ne donne aucune garantie au candidat plus modeste que son offre puisse être retenue, ne suffisait pas à atteindre un tel objectif de renforcement de la concurrence. Dans ces conditions, la commune a pu légalement, sans méconnaitre le principe de libre accès à la concurrence, limiter le nombre de présentation des offres à deux. 24. D'autre part, il résulte de l'article 4.3 précité du règlement de la consultation que la limitation du nombre de lots attribué avait pour objet de favoriser la diversité des attributaires ou des prestations ainsi proposées. Ainsi qu'il est indiqué dans la délibération du conseil municipal de Ramatuelle du 19 juin 2017, la commune souhaitait " sélectionner des professionnels capables de valoriser l'image de Ramatuelle, et donc de se démarquer, d'échapper aux stéréotypes, de proposer des prestations typiques, personnalisées, diversifiées. Il s'agira aussi, grâce à un ensemble bien équilibré d'établissements, de satisfaire les attentes de toute une gamme de clientèles, locales, régionales et internationales en offrant sur la plage une large gamme de prestations, du plus chic jusqu'au plus authentique. " tout en poursuivant " l'effort d'intégration de l'économie locale à l'environnement naturel remarquable ". Le pouvoir adjudicateur en recourant à l'allotissement pouvait ainsi décider, afin de susciter l'émergence d'une plus grande concurrence, de limiter le nombre de lots qui pourra être attribué à chaque candidat. 25. La société requérante n'est par conséquent pas fondée à soutenir que la commune de Ramatuelle ne pouvait à la fois limiter la possibilité de présenter des offres, et limiter le nombre de lots attribué à un seul candidat, eu égard à l'objet et aux finalités distinctes de ces deux limitations. Plus précisément, en l'espèce, la commune de Ramatuelle a pu légalement, afin d'améliorer la concurrence et de rationnaliser la procédure d'examen des offres, limiter le nombre de présentation de candidatures à deux, alors notamment que la procédure de délégation de service public visait à attribuer trente lots, dont vingt-trois établissements de plage, et ce, alors même qu'elle n'avait pas précisé ses besoins pour chaque lot de plage en fonction de la gamme de prestations attendues ainsi qu'il a été dit aux points 9 et 10 et que chaque candidat ne pouvait se voir attribuer qu'un seul lot. 26. La société requérante n'est, dans ces conditions, pas fondée à soutenir qu'en procédant à cette double limitation, la commune de Ramatuelle aurait méconnu le principe de libre accès à la commande publique énoncé aux articles 1er et 36 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et repris à l'article L. 3 du code de la commande publique. 27. La société requérante ne démontre donc pas l'existence d'illégalités fautives dans l'attribution des lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d. 28. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, la société Le Chalet des Jumeaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande indemnitaire. Sur les frais liés au litige : 29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Le Chalet des Jumeaux formées à l'encontre de la commune de Ramatuelle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 500 euros à verser à la commune de Ramatuelle. D É C I D E : Article 1er : La requête de la société Le Chalet des Jumeaux est rejetée. Article 2 : La société Le Chalet des Jumeaux versera à la commune de Ramatuelle une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Chalet des Jumeaux et à la commune de Ramatuelle. Délibéré après l'audience du 30 octobre 2023, où siégeaient : - M. Alexandre Badie, président de chambre, - Mme Isabelle Gougot, première conseillère, - Mme Isabelle Ruiz, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. 2 N° 23MA00636
CETATEXT000048439308
J6_L_2023_11_00023MA01453
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA01453, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA01453
1ère chambre
C
M. PORTAIL
CABINET PAMLAW - AVOCATS
M. Philippe PORTAIL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le maire de Mandelieu-la-Napoule ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile portant sur l'installation d'un pylône arbre d'une hauteur de 15,30 mètres, d'une dalle technique et d'un grillage. Par une ordonnance n° 2301116 du 12 avril 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nice a, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 juin et 8 septembre 2023, M. B... et la société à responsabilité limitée (SARL) MPL, représentés par Me Chevrier, demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du 12 avril 2023 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nice ; 2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 du maire de Mandelieu-la-Napoule ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Mandelieu-la-Napoule la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à M. B.... Ils soutiennent que : - ils justifient d'un intérêt à agir, notamment au regard des dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ; - l'arrêté contesté est entaché d'incompétence, dans la mesure où, d'une part, le signataire de cet arrêté ne justifie pas d'une délégation de la part du maire de Mandelieu-la-Napoule, et, d'autre part, il n'appartenait pas au maire de Mandelieu-la-Napoule mais à la communauté d'agglomération Cannes - Pays de Lerins d'édicter cet arrêté ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 34-8-2-1 du code des postes et de la télécommunication électronique ; - il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et le plan local d'urbanisme (PLU) de Mandelieu-la-Napoule ; - il méconnaît le principe de précaution, au regard notamment de l'article 5 du décret n° 2002-775 du 3 mai 2002 ; - leur requête est recevable. Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile, représentée par Me Martin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... et de la SARL MPL la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ; - elle est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. La requête et les mémoires ont été communiqués à la commune de Mandelieu-la-Napoule, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Portail, président ; - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... et la société à responsabilité limitée (SARL) MPL demandent l'annulation de l'ordonnance par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande, présentée par M. B..., dirigée contre l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le maire de Mandelieu-la-Napoule ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile tendant à l'installation d'un pylône arbre d'une hauteur de 15,30 mètres, d'une dalle technique et d'un grillage. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. (...) ". 3. En vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés à l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice rendues en premier ressort n'est pas ouvert aux personnes qui n'ont pas été mises en cause dans l'instance à l'issue de laquelle a été rendue la décision qu'elles attaquent. Il ressort des pièces du dossier que la SARL MPL n'a pas été mise en cause, et ne devait d'ailleurs pas l'être, dans l'instance à laquelle a donné lieu, devant le tribunal administratif de Nice, la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté susvisé du 27 juillet 2022 du maire de Mandelieu-la-Napoule. La SARL MPL est donc sans qualité et par suite irrecevable à relever appel de l'ordonnance par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nice a statué sur cette demande. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ". Selon l'article R. 600-4 de ce même code : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. 6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... établit, par la production à la fois de l'attestation notariée de propriété du bien concerné par la SARL MPL et de la convention d'occupation le liant à cette société, son occupation régulière d'une villa sise 94, Chemin du Tambourin sur le territoire de la commune de Mandelieu-la-Napoule. Cette habitation est située à moins de 100 mètres du lieu d'implantation du pylône litigieux, sis 507, Chemin des Cades sur le territoire communal, mais en est toutefois séparée par la présence d'une parcelle construite. Dans les circonstances de l'espèce, M. B... ne peut être regardé comme voisin immédiat du projet En outre, M. B... se borne à mentionner " l'aspect esthétique et l'atteinte portée au paysage et à la vue depuis la villa [et] une perte de valeur du bien immobilier ", sans détailler aucunement ces allégations ni faire état d'éléments précis relatifs aux caractéristiques du projet litigieux et à la manière dont il affecterait ses conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. La production d'un constat établi par un commissaire de justice en date du 23 mars 2023, très sommairement mentionné dans la requête, n'est pas, à elle seule, de nature à établir une telle atteinte, alors même que les photographies prises à son soutien établissent la présence, dans le secteur litigieux, de nombreux arbres de haute tige et que, au demeurant, la société défenderesse établit que le pylône litigieux sera réalisé de manière à présenter l'aspect d'un arbre. Dans ces conditions, M. B... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant à agir contre l'arrêté contesté. 7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mandelieu-la-Napoule, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de M. B... et de la SARL MPL une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Free Mobile et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... et de la SARL MPL est rejetée. Article 2 : M. B... et la SARL MPL verseront à la SAS Free Mobile une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société à responsabilité limitée (SARL) MPL, à la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile et à la commune de Mandelieu-la-Napoule. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 2 N° 23MA01453 nb
CETATEXT000048439311
J6_L_2023_11_00023MA01472
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA01472, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA01472
1ère chambre
C
M. PORTAIL
BONAMICO MATTHIEU
M. Philippe PORTAIL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 6 avril 2020 par lequel le maire de Pierrefeu-du-Var a délivré à Mme F... et M. G... un permis de construire une maison d'habitation comprenant un logement, un garage et deux places de stationnement extérieures, sur une parcelle cadastrée section E n° 3404, sise chemin de Sigou le Haut sur le territoire communal. Par un jugement n° 2001927 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 12 juin 2023, Mme D..., représentée par Me Bonamico, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon ; 2°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2020 du maire de Pierrefeu-du-Var ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Pierrefeu-du-Var la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a intérêt à agir ; - sa requête est recevable, notamment au regard des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; - le dossier de demande du permis de construire litigieux est incomplet, en méconnaissance des dispositions des articles R. 431-8 à R. 431-10 du code de l'urbanisme ; - l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme et UC 8 et UC 4.2.1 b) du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Pierrefeu-du-Var ; - il méconnaît les dispositions de l'article 5 du chapitre 1er du titre 1er du règlement du PLU de Pierrefeu-du-Var ; - il méconnaît les dispositions de l'article 6 du chapitre 2 du titre 1er du règlement du PLU de Pierrefeu-du-Var ; - il méconnaît les dispositions de l'article UC 9 du règlement du PLU de Pierrefeu-du-Var. Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2023, la commune de Pierrefeu-du-Var, représentée par Me Parisi, conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de Mme D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté contesté ayant été retiré par un arrêté du 20 octobre 2021, devenu définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ; - la requête est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. La requête et les mémoires ont été communiqués à Mme F... et à M. G..., qui n'ont pas produit de mémoire. Par une lettre du 17 octobre 2023, les parties ont été informées que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur l'irrégularité du jugement attaqué pour ne pas avoir relevé que, dès lors que l'arrêté contesté du 6 avril 2020 avait été retiré par un arrêté du 2 février 2021 devenu définitif, le litige était dépourvu d'objet et qu'il n'y avait plus lieu de statuer. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Portail, président ; - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ; - les observations de Me Vicquenault représentant la commune de Pierrefeu-du-Var. Considérant ce qui suit : 1. Mme D... demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 6 avril 2020 par lequel le maire de Pierrefeu-du-Var a délivré à Mme F... et à M. G... un permis de construire une maison d'habitation comprenant un logement, un garage et deux places de stationnement extérieures, sur une parcelle cadastrée section E n° 3404, sise chemin de Sigou le Haut sur le territoire communal. 2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. 3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 2 février 2021, le maire de Pierrefeu-du-Var a transféré le permis de construire contesté à M. E.... Par un second arrêté du même jour, postérieur à l'enregistrement de la demande de première instance, le maire de Pierrefeu-du-Var a retiré l'arrêté du 6 avril 2020 contesté ainsi que l'arrêté du 2 février 2021 portant transfert du permis litigieux. Cet arrêté de retrait, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été contesté, est devenu définitif. Dans ces conditions, et alors même que le tribunal administratif de Toulon n'avait pas été informé de ce que l'arrêté du 6 avril 2020 avait été retiré, la demande présentée par Mme D... tendant à l'annulation de cet arrêté était devenue sans objet à la date à laquelle le tribunal a statué. Le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon, qui a statué sur cette demande, doit, dès lors, être annulé. Il y a lieu d'évoquer ces conclusions ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer. Sur les frais liés au litige : 4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2001927 du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon est annulé. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2020 du maire de Pierrefeu-sur-Var. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à Mme A... F..., à M. C... G... et à la commune de Pierrefeu-du-Var. Copie en sera adressée au préfet du Var. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 2 N° 23MA01472 nb
CETATEXT000048439313
J6_L_2023_11_00023MA02268
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA02268, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA02268
1ère chambre
C
M. PORTAIL
LARBRE
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 3 août 2023 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Par un jugement n° 2303922 du 10 août 2023, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Larbre, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 10 août 2023 ; 2°) d'annuler les décisions du préfet des Alpes-Maritimes du 3 août 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous autorisation provisoire de séjour et astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale au regard des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile ; d'une part, il avait sollicité le renouvellement de son titre de séjour sans qu'aucun refus ne lui soit opposé ; d'autre part, il réside régulièrement en France depuis plus de trois mois si bien qu'un motif d'ordre public ne pouvait fonder cette décision ; - la réalité des faits qui lui sont reprochés et les conditions dans lesquelles le fichier des antécédents judiciaire a été consulté ne sont pas établies ; ces faits ne sont au demeurant pas suffisants à caractériser une menace pour l'ordre public alors qu'il est atteint d'une pathologie psychiatrique ; - en tout état de cause, en application du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français eu égard au fait qu'il est père de deux enfants français dont il s'occupe à hauteur de ses capacités ; il est également fondé à opposer les dispositions du 9° du même article eu égard à la pathologie dont il souffre ; - les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; outre qu'il a sa famille en France où il réside depuis 2014, il ne dispose plus de liens dans son pays d'origine ; - elles méconnaissent également l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Un mémoire a été enregistré pour le préfet des Alpes-Maritimes le 23 octobre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience conformément aux dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant géorgien né en 1984, relève appel du jugement du 10 août 2023 par lequel magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 3 août 2023 du préfet des Alpes-Maritimes l'obligeant à quitter le territoire français et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. 2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 432-1 du même code : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. ". Aux termes de son article R. 432-2 : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R.* 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. / (...) ". 3. Si M. B..., placé sous curatelle renforcée, s'est en dernier lieu vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle " vie privée et familiale " le 9 avril 2021, valable jusqu'au 8 avril 2023 et si son curateur a déposé, le 21 décembre 2022, une demande de renouvellement de titre de séjour, il est constant qu'il ne s'est pas vu remettre de récépissé de demande de titre de séjour. Ainsi, une décision implicite de rejet est née le 21 avril 2023 en application des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile. 4. Dès lors, l'intéressé, à la date de l'arrêté attaqué, se maintenait sur le territoire sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité depuis plus de trois mois. 5. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, sans même prendre en compte les mentions figurant au fichier de traitement des antécédents judiciaires auxquelles le préfet fait référence dans son arrêté, que, fût-ce en raison de troubles psychiatriques, le requérant adopte des comportements - menaces de mort, prises à partie violente - qui constituent des menaces pour l'ordre public ayant justifié plusieurs hospitalisations sans consentement et la volonté de son curateur d'être déchargé de son accompagnement. Ces éléments sont de nature à justifier qu'une obligation de quitter le territoire français soit prononcée sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". 7. D'une part, si M. B... est père de deux enfants français respectivement nés en 2016 et 2019, il est constant que ceux-ci vivent à Paris auprès de leur mère tandis que le requérant réside à Nice. Si ce dernier produit une attestation relativement circonstanciée de leur mère, la preuve d'un virement effectué au profit de celle-ci au mois de décembre 2022, celle du paiement de certaines factures de cantine, quelques tickets de caisse et des billets d'avion pour un trajet Paris - Nice prévu au mois d'août 2023, ces éléments sont insuffisants à établir qu'il contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil. D'autre part, en se bornant à produire des ordonnances médicales et de la documentation générale sur l'accès aux soins et traitement médicaux en Géorgie, M. B... ne justifie ni que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le requérant n'est dès lors pas fondé à se prévaloir des protections instituées par les dispositions des 5° et 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ". 9. Eu égard à ce qui vient d'être exposé au point précédent quant aux relations qu'entretient M. B... avec ses enfants, les décisions contestées ne portent pas atteinte à l'intérêt supérieur de ceux-ci. 10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 11. Si M. B... réside en France depuis plusieurs années, il vit seul, ne travaille pas et ne justifie ni entretenir des relations régulières avec ses enfants, ni être isolé dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Alors que son comportement constitue par ailleurs une menace pour l'ordre public, ainsi que cela a été exposé au point 5 ci-dessus, le centre de sa vie privée et familiale n'est ainsi pas fixé en France de façon telle que les décisions litigieuses y porteraient une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation comme d'injonction doivent être rejetées, de même que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 23MA02268
CETATEXT000048439315
J7_L_2023_11_00021DA02209
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439315.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 21DA02209, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
21DA02209
2ème chambre
plein contentieux
C
M. Sorin
DELGORGUE
M. Marc Baronnet
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 par lequel la directrice du groupe hospitalier Loos Haubourdin a refusé de reconnaître son accident du 30 mai 2017 comme imputable au service. Par un jugement n° 1900680 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 septembre 2021 et 29 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Gauthier Jamais, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 10 juillet 2018 par laquelle le groupe hospitalier Loos Haubourdin a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 30 mai 2017 ; 3°) d'enjoindre à l'administration, dans un délai d'un mois, à compter de la décision à intervenir, et sous astreinte de 500 euros par jour de retard : - à titre principal de reconnaître l'accident de Mme B... comme imputable au service ; - à titre subsidiaire de procéder à une nouvelle instruction de la demande de reconnaissance de l'accident imputable au service présentée par Mme B... ; 4°) de mettre à la charge du groupe hospitalier Loos Haubourdin le paiement d'une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé au regard des moyens dont le tribunal a été saisi ; - la décision du 10 décembre 2018 est insuffisamment motivée ; - son état de stress aigu doit être reconnu imputable au service, sur le fondement de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; - la décision contestée est entachée d'un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2021, le groupe hospitalier Loos Haubourdin, représenté par Me Juliette Delgorgue, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 2 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 mai 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code général de la fonction publique ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Nina Potier substituant Me Juliette Delgorgue, représentant le groupe hospitalier Loos Haubourdin. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... B... est agent hospitalier auprès du groupement hospitalier Loos Haubourdin depuis le 1er juillet 1981. Elle est fonctionnaire depuis 1982. En février 2017, Mme ..., directrice du groupement hospitalier a été saisie d'une plainte par la fille d'une résidente, au motif qu'une altercation aurait eu lieu entre elle et Mme B.... Mme A... a décidé de procéder à une enquête administrative. Madame B... a été convoquée à un entretien le 30 mai 2017, auquel étaient présents le cadre de santé, la responsable ressources humaines, la cadre supérieure de santé, un stagiaire élève directeur au sein du groupe hospitalier et Mme A.... À la suite de cet entretien, Mme B... s'est rendue chez son médecin qui a diagnostiqué un état de stress aigu. Elle a été placée en arrêt maladie à partir du 31 mai 2017. Cet état de stress a été confirmé par un médecin expert le 12 mars 2018 et par la commission de réforme le 12 octobre 2018. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 par laquelle le groupement hospitalier de Loos Haubourdin l'a informée qu'il refusait de reconnaître comme imputable au service l'accident dont elle avait été victime et que, par voie de conséquence, les arrêts de travail et les soins à ce titre seraient pris en charge selon les modalités de maladie ordinaire. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En vertu de l'article R. 741-2 du même code, les jugements contiennent l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont ils font application. 3. Il ressort des termes mêmes de la décision du tribunal administratif de Lille, en particulier de son point 6, que les premiers juges, qui, au demeurant, n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par Mme B... à l'appui de ses moyens, ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils ont considéré que l'accident en litige n'était pas imputable au service. En considérant que le détournement de pouvoir allégué n'était pas établi, les premiers juges ont par ailleurs suffisamment motivé le rejet de ce moyen. Par suite, le moyen de Mme B... tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté. 4. En deuxième lieu, l'appelante soutient que la décision du 10 décembre 2018 est insuffisamment motivée et qu'elle n'a pu avoir connaissance des pièces du dossier de l'enquête administrative, et notamment des témoignages recueillis dans ce cadre et auxquels la décision fait référence, que postérieurement à l'introduction de sa requête. Toutefois, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration selon lesquelles les décisions individuelles prises en considération de la personne sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents et ne sont pas non plus applicables au cas où il est statué, comme en l'espèce, sur une demande de l'intéressé. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision du 10 décembre 2018, qui se fonde sur ces témoignages, était insuffisamment motivée. Par suite, ce moyen doit être écarté, comme l'ont fait à bon droit les premiers juges. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 6. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 7. Il ressort des pièces du dossier que, le 30 mai 2017, un entretien s'est déroulé dans le bureau de la directrice du groupe hospitalier Loos Haubourdin en présence de celle-ci, du cadre de santé, de la responsable ressources humaines, de la cadre supérieure de santé, d'un stagiaire élève directeur au sein du groupe hospitalier et de Mme B... afin d'éclaircir les circonstances dans lesquelles s'était déroulée l'altercation entre cette dernière et la fille d'une patiente de l'établissement. Mme B... soutient que Mme A... a fait preuve lors de cet entretien d'un comportement vexatoire, qui l'aurait placée dans une situation de mise en accusation et dévalorisée dans sa posture professionnelle. Toutefois, les reproches qui ont pu être faits à Mme B... qui figurent dans le compte-rendu d'entretien n'apparaissent pas infondés et la circonstance que Mme B... les a ressentis comme une agression n'est pas de nature à caractériser un comportement ou des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, alors que ce même compte-rendu fait également état du comportement insolent envers la hiérarchie de Mme B.... Par suite, et quand bien même la commission de réforme avait émis un avis favorable à la demande de l'intéressée, cet entretien ne peut être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service. 8. En dernier lieu, les allégations de Mme B... selon lesquelles la décision attaquée aurait un autre objet que celui de statuer sur l'imputabilité au service de l'accident et qu'elle constituerait un élément d'une stratégie de harcèlement ne sont pas établies. Par suite, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit également être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 par lequel le groupe hospitalier Loos Haubourdin a refusé de reconnaître l'accident déclaré comme imputable au service. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et, par voie de conséquence, celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative. Toutefois, il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le paiement de la somme que le groupe hospitalier demande au titre du même article. DÉCIDE : Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le groupe hospitalier Loos Haubourdin au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au groupe hospitalier Loos Haubourdin. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : M. Baronnet Le président de chambre Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A-S. Villette La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°21DA02209
CETATEXT000048439316
J7_L_2023_11_00022DA00843
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA00843, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA00843
2ème chambre
plein contentieux
C
M. Sorin
CABINET LE PRADO-GILBERT
M. Marc Baronnet
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier d'Armentières à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement en mai 2007. Par un jugement n° 1602174 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier à lui verser à ce titre une somme de 158 185 euros. Par un arrêt n° 19DA01636,19DA01702 du 22 septembre 2020, la cour a, sur appel de la caisse primaire d'assurance maladie de Flandres et du centre hospitalier d'Armentières, ramené l'indemnité que cet établissement a été condamné à verser à M. A... à 23 453 euros. Par une décision n° 446813 du 15 avril 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., annulé l'arrêt de la cour n° 19DA01636,19DA01702 du 22 septembre 2020 en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation du préjudice professionnel de M. A..., et a renvoyé l'affaire, dans la limite de la cassation prononcée, devant la même cour. Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat : Par un mémoire, enregistré après renvoi le 28 juin 2022, le centre hospitalier d'Armentières, représenté par le cabinet Le Prado-Gilbert, persiste dans ses précédentes conclusions, tendant à la réformation du jugement et au rejet de la demande de M. A... au titre de l'indemnisation de son préjudice professionnel. Il soutient que M. A... n'est pas inapte à la reprise d'une autre activité professionnelle et n'a pas justifié avoir entrepris une formation ou recherché un emploi adapté à son handicap, alors qu'il a refusé un reclassement sur un poste de conducteur routier proposé par son employeur conformément aux préconisations du médecin du travail. Par un mémoire, enregistré après renvoi le 1er août 2022, M. A..., représenté par Me Alain Deramaut, demande à la cour de condamner le centre hospitalier d'Armentières à lui verser la somme de 344 607,95 euros, sauf à déduire les créances concernées de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, et de mettre à la charge du centre hospitalier d'Armentières le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - les manquements imputables au centre hospitalier ont entraîné son licenciement pour inaptitude et sont à l'origine d'une perte de revenus professionnels futurs qui doit être indemnisée à hauteur de 344 607,95 euros ; - il est victime d'une diminution de ses droits à la retraite, en raison du manque de 34 trimestres de cotisation nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein. La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Flandres, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Juliette Deramaut, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 27 mars 1966, chef de quai dans une entreprise de transports, a subi le 7 mai 2007 une fracture de la cheville gauche qui, à la suite de sa prise en charge par le centre hospitalier d'Armentières, lui a laissé diverses séquelles, sous la forme d'une algoneurodystrophie et d'une arthrose post-traumatique. Son état, dont la consolidation a été fixée au 24 février 2010, a entraîné son licenciement pour inaptitude physique le 2 septembre 2010. Par un jugement n° 1602174 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a jugé que la prise en charge fautive par le centre hospitalier d'Armentières engageait sa responsabilité à l'égard de M. A... à hauteur de 80 % de la perte de chance d'éviter le dommage et fixé le préjudice de l'intéressé à la somme totale de 158 185 euros. 2. Par un arrêt n° 19DA01636, 19DA01702 du 22 septembre 2020, la cour a, sur les appels de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Flandres et du centre hospitalier d'Armentières, ramené l'indemnisation de M. A... à la somme de 23 453 euros. 3. Par une décision n° 446813 du 15 avril 2022, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., a annulé l'arrêt n° 19DA01636, 19DA01702 en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation du préjudice professionnel de M. A... et a renvoyé l'affaire, dans la limite de la cassation prononcée, à la cour. Sur l'indemnisation du préjudice professionnel de M. A... : 4. D'une part, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale. 5. D'autre part, eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du même code, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice. 6. Il convient, en conséquence, de déterminer si l'incapacité permanente conservée par M. A... en raison de la perte de chance résultant de la faute commise par le centre hospitalier d'Armentières a entraîné, pendant la période postérieure à la consolidation de son état le 2 septembre 2010, des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils ont donné lieu au versement d'une pension d'invalidité. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices ont été réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur à celui perçu au titre de la pension. 7. En l'espèce, M. A... était âgé de près de 44 ans à la date du 24 février 2010, date de consolidation de son état de santé. Le handicap qu'il a conservé, qui l'a rendu définitivement inapte à son emploi de chef de quai dans une entreprise de transports dont il tirait des revenus stables, rendait impossible la reprise tant de cette activité que d'une activité comparable. Il résulte de l'instruction que son déficit fonctionnel permanent évalué à 15 % s'accompagne de limitations fonctionnelles importantes, puisque la station debout prolongée, la marche prolongée, la pratique des escaliers et le port de charges lui sont interdites. Compte tenu du niveau de formation de l'intéressé, qui a des difficultés pour lire et écrire sans fautes, sa scolarité ayant été interrompue à l'âge de 14 ans, et qui n'a pas le permis de conduire, ainsi que du caractère infructueux des démarches de recherche d'emploi dont il justifie en dépit des formations suivies, la perte de chance résultant de la faute commise par le centre hospitalier d'Armentières doit être regardée comme la cause directe d'une perte de toute possibilité de retrouver un revenu professionnel jusqu'à l'âge de la retraite, dont la date prévisible est le 1er octobre 2029 à l'âge de 63 ans et demi. Compte tenu des revenus de l'intéressé en 2007, d'un montant annuel de 15 593,40 euros, il sera fait une juste appréciation des revenus qu'il aurait dû percevoir entre le 24 février 2010 et le 1er octobre 2029 en les évaluant à la somme de 300 000 euros, par application du barème de la Gazette du Palais pour un homme de 44 ans, jusqu'à un âge compris entre 63 et 64 ans avec un taux d'actualisation de 0 %. Il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait justifié d'une chance sérieuse d'augmenter ses revenus professionnels au cours de cette période, dont la privation serait constitutive d'une incidence professionnelle. 8. Il résulte de l'instruction que, pendant la même période, la CPAM de Flandres a versé à M. A... une rente d'accident du travail depuis le 30 juin 2010 pour un montant total de 56 273,97 euros, en arrérages échus et capital, jusqu'en 2019. Cette prestation doit être regardée comme ayant eu pour objet de réparer ses pertes de revenus. La part de ces pertes restée à sa charge, déduction faite de la somme de 86 877,52 euros correspondant au montant de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, de l'allocation de formation et de l'allocation de solidarité spécifique versées par Pôle emploi depuis le 15 novembre 2010 jusqu'en 2019, doit en conséquence être évaluée à 156 848,51 euros (= 300 000 - 56 273,97 - 86 877,52). Compte tenu de l'allocation de solidarité spécifique mensuelle de 563,27 euros et de la rente d'accident du travail de 479,86 euros trimestriels qu'il perçoit, il convient de déduire de cette somme, pour les dix ans qui le séparent de l'âge du départ à la retraite entre 2019 et 2029, un total de 86 786,80 euros (= (563,27 x 12 + 479,86 x 4) x 10). Il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier d'Armentières à lui verser la somme de 70 061,71 euros (156 878,51 - 86 786,60) au titre du préjudice professionnel. 9. Si M. A... soutient que la perte de revenus à laquelle il doit faire face aura une incidence sur le montant de sa pension de retraite, un tel préjudice, qui a un caractère futur, ne peut être évalué actuellement. Il lui appartiendra, s'il s'y croit fondé, de saisir la personne publique compétente, et le cas échéant les juridictions compétentes, pour faire valoir sa demande d'indemnisation le moment venu. 10. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier d'Armentières est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamné à verser à M. A... une somme de 134 731,77 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs. Il y a par suite lieu de ramener l'indemnité allouée à ce titre à 70 061,71 euros, et par conséquent de ramener l'indemnité globale de 158 185 euros accordée à M. A... à la somme de 93 514,94 euros. Sur les frais liés au litige : 11. D'une part, la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées à ce titre par M. A..., dépourvues d'objet, doivent être rejetées. 12. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 13. Le centre hospitalier d'Armentières n'étant pas partie perdante, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à son encontre ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 158 185 euros que le centre hospitalier d'Armentières a été condamné à verser à M. A... par le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 mai 2019 est ramenée à la somme de 93 514,94 euros. Article 2 : Le jugement n° 1602174 du 22 mai 2019 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié, au centre hospitalier d'Armentières, à M. B... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Flandres. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Thierry Sorin, président, M. Marc Baronnet, président-assesseur, M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. BaronnetLe président de chambre, Signé : T. SorinLa greffière, Signé : A-S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00843
CETATEXT000048439317
J7_L_2023_11_00022DA00919
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA00919, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA00919
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
SELARLU PHILIPPE NUGUE AVOCAT
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) pompes funèbres Sotty Robert a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle la communauté d'agglomération du Boulonnais (CAB) a rejeté sa demande reçue le 13 février 2019 tendant à ce que cet établissement public cède sans délai ses parts dans la société d'économie mixte (SEM) Prestations Funéraires Intercommunales (PFI) du Boulonnais ou modifie les statuts de cette société afin que celle-ci cesse immédiatement ses activités de pompes funèbres et d'enjoindre à la CAB d'y procéder. Par un jugement n° 1904719 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril et 27 octobre 2022, la SARL pompes funèbres Sotty Robert, représentée par Me Olivier Grimaldi, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision implicite du 13 avril 2019 par laquelle la CAB a rejeté sa demande reçue le 13 février 2019 tendant à ce que cet établissement public cède sans délai ses parts dans la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais ou modifie les statuts de cette société afin que celle-ci cesse immédiatement ses activités de pompes funèbres ; 3°) d'enjoindre à la CAB, à titre principal, de céder ses actions dans la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais ou, à titre subsidiaire, de modifier ses statuts afin que celle-ci cesse immédiatement ses activités de pompes funèbres, dans un délai de six mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la CAB et de la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la participation de la CAB au sein de la SEM PFI lui permet, de façon détournée, d'exercer des compétences en matière de prestations funéraires qu'elle ne détient pas, ce qui constitue un abus de droit ; - la structuration du capital social de la SEM PFI est décorrélée de son chiffre d'affaires dès lors que la CAB détient les deux-tiers de son capital et n'exerce pas la compétence relative aux prestations funéraires. Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 octobre et 10 novembre 2022, la SEM Prestations intercommunales du Boulonnais, représentée par Me Philippe Nugue, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a tiré de l'intention du législateur un lien de corrélation entre la structuration du capital d'une SEM et la structuration de son activité, à titre subsidiaire de confirmer le jugement ; 3°) de mettre à la charge de la société appelante le paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - le tribunal a jugé à tort que la participation au capital d'une SEM par une commune doit être proportionnée à la part de l'activité de la société qui relève des compétences propres de cette collectivité, ce qui ne résulte pas des dispositions législatives en vigueur ; - les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, la communauté d'agglomération du Boulonnais, représentée par Me Michel Aaron, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de la société appelante le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la demande présentée par la société pompes funèbres Sotty Robert devant le tribunal était irrecevable dès lors qu'elle n'a pas qualité à agir, faute de démontrer que l'exercice de l'activité funéraire de la SEM lui serait préjudiciable ; - les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 16 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les conclusions de Me Christel Schwing, représentant la SARL Pompes Funèbres Sotty Robert, de Me Anthony Alaimo, représentant la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais et de Me Clara Pesalfini, représentant la communauté d'agglomération du Boulonnais. Considérant ce qui suit : 1. La CAB a créé avec plusieurs partenaires privés, le 4 février 2011, la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais, dont l'objet était la création et la gestion d'un crématorium. Celui-ci a été exploité à compter du mois de février 2013. A la suite de plusieurs augmentations de capital entre 2014 et 2016, cinq communes de l'agglomération boulonnaise sont devenues actionnaires de la SEM. Parallèlement, à compter du mois de mars 2015, la société Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais a développé une activité de pompes funèbres générales en sus de l'exploitation du crématorium. La société Pompes Funèbres Sotty Robert a demandé à la CAB, par courrier du 28 janvier 2019, reçu le 13 février suivant, soit de céder ses parts dans la SEM, soit d'en modifier les statuts, pour abandonner cette activité de pompes funèbres générales. Du silence gardé par l'administration durant deux mois est née une décision implicite de rejet. La société Pompes Funèbres Sotty Robert relève appel du jugement du 15 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l'actionnariat des entreprises publiques locales : " Les assemblées délibérantes des communes, (...) et de leurs groupements peuvent, à l'effet de créer des sociétés d'économie mixte locales mentionnées à l'article L. 1521-1, acquérir des actions ou recevoir, à titre de redevance, des actions d'apports, émises par ces sociétés. / Les prises de participation sont subordonnées aux conditions suivantes : / (...) 2° Les collectivités territoriales et leurs groupements détiennent, séparément ou à plusieurs, plus de la moitié du capital de ces sociétés et des voix dans les organes délibérants ; / 3° La réalisation de l'objet de ces sociétés concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires. (...) ". 3. Il résulte notamment de ces dispositions qu'une collectivité ou un groupement de collectivité peut légalement détenir des actions dans une société d'économie mixte qui a un objet pour partie étranger à ses compétences, à la condition que cet objet concoure à l'exercice d'une compétence d'une des autres collectivités ou groupements de collectivités actionnaires. En revanche, il ne résulte ni des ces dispositions, ni des travaux parlementaires préalables à l'élaboration de la loi précitée que la participation au capital d'une commune ou d'un groupement de communes devrait être proportionnée à la part de l'activité de la société qui relève de ses propres compétences. 4. Il ressort des statuts de la SEM Prestations funéraires du Boulonnais que cette société est, d'une part, chargée de gérer un crématorium, compétence détenue par la CAB, et d'autre part d'assurer des prestations funéraires, compétence détenue par les communes actionnaires en vertu de l'article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, la participation de la CAB au capital de la SEM, qui ne révèle aucun " abus de droit ", ne méconnaît pas les dispositions citées au point 2. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la CAB en défense, que la SARL pompes funèbres Sotty Robert n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la CAB a refusé de céder ses parts dans la SEM Prestations funéraires Intercommunales du Boulonnais et de modifier ses statuts. Par ailleurs, et compte tenu de ce qui vient d'être dit, il n'y a pas lieu de faire droit à l'appel incident de la SEM. Sur les frais liés à l'instance : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des intimés qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pompes Funèbres Sotty Robert le versement tant à la CAB qu'à la société Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais d'une somme de 2 000 euros, chacune, au titre de ce même article. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SARL Pompes Funèbres Sotty Robert est rejetée. Article 2 : La SARL Pompes Funèbres Sotty Robert versera à la communauté d'agglomération du Boulonnais et à la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais, chacune, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Pompes Funèbres Sotty Robert, à la communauté d'agglomération du Boulonnais et à la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre, Signé : T. SorinLa greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00919
CETATEXT000048439318
J7_L_2023_11_00022DA01583
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA01583, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01583
2ème chambre
plein contentieux
C
M. Sorin
CABINET AKILYS AVOCATS
M. Guillaume Toutias
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée (SAS) " Cardiologie et Urgences " a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler le titre exécutoire n° 856983 du 22 janvier 2019 par lequel le centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens-Picardie a mis à sa charge une somme de 2 366,89 euros au titre d'une prestation de dialyse en soins intensifs réalisée dans le cadre d'une prestation inter-établissements le 16 août 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ainsi que les actes de recouvrement subséquents, et, d'autre part, de la décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement n° 1902384 du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2022 et 9 février 2023, la SAS " Cardiologie et Urgences ", représentée par Me Sandrine Milhaud, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler le titre exécutoire n° 856983 du 22 janvier 2019 du CHU d'Amiens-Picardie, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux et l'intégralité des actes de recouvrement subséquents ; 3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 2 366,89 euros qui lui est demandée ; 4°) de mettre à la charge du CHU d'Amiens-Picardie le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le titre exécutoire attaqué est entaché d'erreur de droit dès lors que la séance de dialyse réalisée le 16 août 2018 par le CHU d'Amiens-Picardie devait être facturée uniquement au titre du groupe homogène de séjour (GHS) correspondant, à l'exclusion de toute facturation complémentaire ou au titre des tarifs journaliers de prestations ; - en l'espèce, non seulement le CHU d'Amiens-Picardie a facturé des compléments au-delà du seul GHS et en retenant un tarif journalier de prestation mais aussi les tarifs portés sur le relevé des actes ne correspondent pas à la somme totale de 2 366,89 euros qui lui est demandée par le titre exécutoire attaqué ; - en outre, la prise en charge n'a pas été particulièrement lourde ; le tarif journalier de prestation " spécialité coûteuse " ne s'applique pas aux séances d'hémodialyse ; il n'existe aucune convention entre le CHU d'Amiens-Picardie et la SAS " Cardiologie et Urgences " prévoyant d'écarter la réglementation applicable en matière de prestations inter-établissements. Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 janvier 2023 et 10 mars 2023, le CHU d'Amiens-Picardie, représenté par Me Yannick Francia, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que le paiement d'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS " Cardiologie et Urgences " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que la facturation sur la base du tarif journalier de prestations " spécialités coûteuses " est justifiée par le fait que la séance d'hémodialyse litigieuse a été réalisée en unité de soins intensifs, sous surveillance scopée et mobilisant un grand nombre de personnels. Par ordonnance du 10 mars 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 14 avril 2023 à 12 heures. Par lettre du 26 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions de la SAS " Cardiologie et Urgences " tendant à l'annulation des actes de recouvrement, dont la mise en demeure de payer du 15 avril 2019, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'annuler un acte de poursuite et, par suite, de ce que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a statué au fond sur ces conclusions. Des observations ont été enregistrées pour la SAS " Cardiologie et Urgences " le 2 octobre 2023. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code général des collectivités territoriales ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Sandrine Milhaud, représentant la SAS " Cardiologie et Urgences ". Considérant ce qui suit : 1. Le 16 août 2018, la société par actions simplifiée (SAS) " Cardiologie et Urgences ", qui exploite une clinique médicale dédiée à la cardiologie et aux activités d'urgences située à Amiens, a transféré un patient au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens-Picardie en vue de la réalisation d'une dialyse en soins intensifs. Le 22 janvier 2019, le CHU d'Amiens-Picardie a mis à la charge de la SAS " Cardiologie et Urgences ", par un titre exécutoire n° 856983, la somme de 2 366,89 euros au titre de la facturation de cette prestation. La SAS " Cardiologie et Urgences " a formé un recours gracieux par un courrier du 22 mars 2019, auquel aucune suite n'a été réservée. Le 15 avril 2019, le comptable public lui a adressé une mise en demeure de payer. La SAS " Cardiologie et Urgences " relève appel du jugement du 2 juin 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du titre exécutoire n° 856983 du 22 janvier 2019, de la décision implicite rejetant son recours gracieux et des actes de recouvrement subséquents et, d'autre part, à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer la somme qui lui est demandée. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. / 1° (...) l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. La revendication par une tierce personne d'objets saisis s'effectue selon les modalités prévues à l'article L. 283 du même livre. / (...) ". 3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ". 4. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de santé relève de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances relève de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond. En outre, une mise en demeure du comptable public valant commandement de payer constitue, au sens des dispositions précitées, un acte de poursuite dont la contestation relève du contentieux du recouvrement. 5. En l'espèce, la SAS " Cardiologie et Urgences " a conclu, dans ses écritures en première instance, à l'annulation, outre du titre exécutoire du 22 janvier 2019 et du rejet implicite de son recours gracieux, de l'intégralité des actes de recouvrement subséquents. Elle a notamment joint à sa requête la mise en demeure de payer que le comptable public lui a adressée le 15 avril 2019. Dans cette dernière mesure, le litige se rattache à la contestation d'actes de poursuite délivrés en vue du recouvrement d'une créance non fiscale d'un établissement public de santé, dont il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa compétence sur ce point et, statuant immédiatement par voie d'évocation, de rejeter les conclusions de la demande de la SAS " Cardiologie et Urgences " comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Il appartient, en outre, à la cour de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de la SAS " Cardiologie et Urgences ". Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 6. Pour demander l'annulation du titre exécutoire n° 856983 du 22 janvier 2019 et la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 366,89 euros qui lui est demandée, la SAS " Cardiologie et Urgences " soutient que la prestation que le CHU d'Amiens-Picardie a réalisée pour le compte d'un de ses patients le 16 août 2018 ne pouvait légalement pas être facturée selon la méthode des " tarifs journaliers de prestations " et se voir appliquer le tarif des prestations des services de spécialités coûteuses. D'une part, selon l'appelante, la prestation réalisée était uniquement une séance de dialyse, dont la prise en charge n'a au demeurant pas été particulièrement lourde, pour laquelle la facturation ne peut être réalisée que selon la méthode des " groupes homogènes de séjour ". D'autre part, le montant de 2 366,89 euros retenu par le titre exécutoire du 22 janvier 2019 ne correspond pas aux montants mentionnés sur le relevé des actes qui a été remis directement au patient par le CHU d'Amiens-Picardie. 7. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu de l'hospitalisation du patient adressé par la SAS " Cardiologie et Urgences " au CHU d'Amiens-Picardie le 16 août 2018, que l'intéressé a été pris en charge dans une unité de soins intensifs de néphrologie et transplantation rénale. Il a ainsi bénéficié d'une prise en charge hospitalière, incluant une surveillance renforcée et l'intervention d'un grand nombre de personnels spécialisés, sans commune mesure avec celle que suppose en temps normal une dialyse. La SAS " Cardiologie et Urgences " ne conteste pas, au demeurant, qu'elle a orienté son patient vers le CHU d'Amiens-Picardie, plutôt que vers son centre de dialyse habituel, précisément en raison des risques qu'il présentait et afin de bénéficier d'une telle prise en charge renforcée. Contrairement à ce que soutient la SAS " Cardiologie et Urgences ", les prestations assurées par le CHU d'Amiens-Picardie ne peuvent donc pas être regardées comme s'étant limitées à la réalisation d'une séance d'hémodialyse mais incluaient une prestation spécifique d'hospitalisation en unité de soins intensifs de néphrologie. Il s'ensuit que la SAS " Cardiologie et Urgences " n'établit pas que leur facturation ne pouvait s'effectuer que dans le cadre applicable aux hémodialyses. Elle n'établit pas davantage ni ne démontre que le cadre retenu par le CHU d'Amiens-Picardie, notamment le recours à la méthode des " tarifs journaliers de prestations " et au tarif des prestations des services de spécialités coûteuses, dont font partie les prises en charge en soins intensifs de néphrologie, n'était pas applicable aux prestations de soins intensifs qu'il a ainsi effectivement assurés. Enfin, les montants mentionnés sur le relevé des actes remis, à titre d'information, au patient sont sans incidence sur la facturation des prestations effectivement réalisées. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le CHU d'Amiens-Picardie doit être écarté. 8. Il résulte de ce qui précède que la SAS " Cardiologie et Urgences " n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 856983 du 22 janvier 2019 et du rejet implicite de son recours gracieux et celles tendant à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer la somme de 2 366,89 euros qui lui est demandée. Sur les frais liés au litige : 9. Aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Lorsque le requérant, après avoir obtenu l'annulation du jugement de première instance, voit sa demande initiale rejetée par le juge d'appel statuant par la voie de l'évocation, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le défendeur soit condamné à lui verser la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 10. Dès lors, d'une part, que la SAS " Cardiologie et Urgences " n'obtient l'annulation du jugement attaqué comme irrégulier uniquement en tant qu'il statue au fond sur ses conclusions tendant à l'annulation des actes de recouvrement mais, d'autre part, que ces mêmes conclusions sont rejetées par la voie de l'évocation comme étant portées devant un ordre de juridiction incompétent et que ses autres conclusions sont rejetées par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, elle doit être regardée comme la partie perdante au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le paiement au CHU d'Amiens-Picardie d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Les conclusions au même titre de la SAS " Cardiologie et Urgences " doivent, en revanche et pour les mêmes motifs, être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1902384 du 2 juin 2022 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la SAS " Cardiologie et Urgences " tendant à l'annulation des actes de recouvrement, dont la mise en demeure de payer du 15 avril 2017. Article 2 : La demande de la SAS " Cardiologie et Urgences " tendant à l'annulation des actes de recouvrement, dont la mise en demeure de payer du 15 avril 2017, est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS " Cardiologie et Urgences " est rejeté. Article 4 : La SAS " Cardiologie et Urgences " versera au CHU d'Amiens-Picardie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée " Cardiologie et Urgences " et au centre hospitalier universitaire d'Amiens-Picardie. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01583
CETATEXT000048439319
J7_L_2023_11_00022DA01764
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA01764, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01764
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
CAMBLA
M. Guillaume Toutias
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 21 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant au bénéfice d'une pension de victime civile en raison des dommages physiques causés par la guerre d'Algérie et, d'autre part, d'enjoindre à cette dernière d'instruire son dossier, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard. Par un jugement n° 1909469 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, M. A..., représenté par Me Jennifer Cambla, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 21 janvier 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre à celle-ci d'instruire son dossier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2018, sur lesquelles la décision attaquée est fondée, méconnaissent les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la même convention ; - d'une part, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les personnes sollicitant une pension au titre de leur état de victime civile de la guerre d'Algérie et toutes les autres personnes sollicitant une pension au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que seules les premières se voient appliquer une condition de délai ; - d'autre part, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les personnes ayant déposé la demande de pension avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2018 et celles qui l'ont déposée après ; - en outre, les différences de traitement ainsi instituées ne répondent à aucune justification objective et il n'existe aucune proportionnalité entre les buts poursuivis et les moyens employés ; - les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2018, sur lesquelles la décision attaquée est fondée, méconnaissent le principe de sécurité juridique, principe général du droit de l'Union européenne et principe reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme comme étant inhérent au système juridique qu'elle protège ; - en effet, par ces dispositions, la loi du 13 juillet 2018 remet en cause le droit à pension ouvert aux victimes civiles de la guerre d'Algérie ne détenant pas la nationalité française cinq mois à peine après la reconnaissance de ce droit par la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018 ; une telle atteinte à cette situation légalement et nouvellement acquise ne repose sur aucun motif d'intérêt général ; le législateur a remis en cause les effets légitimement attendus de cette décision du Conseil constitutionnel et a méconnu son autorité de chose jugée. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le ministre des armés conclut au rejet de la requête d'appel. Il fait valoir que le Conseil d'Etat a jugé, dans un arrêt du 25 septembre 2020 sous le numéro 441546, que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction issue de la loi du 13 juillet 2018, ne méconnaissent pas le principe d'égalité et n'ont privé de garantie légale aucune exigence constitutionnelle, n'ont ni porté atteinte à des situations légalement acquises ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des textes antérieurs. Par ordonnance du 5 septembre 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole additionnel n° 1 à la même convention ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 du conseil constitutionnel ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 24 juillet 1946 et de nationalité algérienne, a sollicité, le 26 juillet 2018, l'octroi d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. Par une décision du 21 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande comme irrecevable. M. A... relève appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018 susvisée, l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose, dans son premier alinéa, que : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre ". Ces dispositions ont supprimé la condition de nationalité française mise au bénéfice de ce régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par les dispositions antérieures, issues de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, cette condition ayant été jugée contraire au principe constitutionnel d'égalité par la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 avec effet à compter du 9 février 2018. 3. Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant du même article 49 de la loi du 13 juillet 2018, dispose que : " Par dérogation à l'article L. 152-1, les demandes tendant à l'attribution d'une pension au titre du présent article ne sont plus recevables à compter de la publication de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense ". Le droit à l'attribution d'une pension s'appréciant, en vertu de l'article L. 151-2 du même code, à la date du dépôt de la demande, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 ont eu pour objet et pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie. 4. Pour contester ces dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, au vu desquelles a été prise la décision du 21 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'octroi d'une pension comme irrecevable, M. A... soutient qu'elles méconnaissent, d'une part, le principe de non-discrimination découlant des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la même convention et, d'autre part, le principe de sécurité juridique qui constitue un principe général du droit de l'Union européenne ainsi qu'un principe inhérent au système juridique protégé par la Cour européenne des droits de l'homme. 5. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Et aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. (...) ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi. 6. Les victimes civiles de la guerre d'Algérie n'étant pas dans la même situation que les victimes d'autres conflits, la circonstance que, par les dispositions critiquées, le législateur ait mis un terme pour l'avenir au régime d'indemnisation dont elles pouvaient bénéficier ne traduit pas une violation du principe d'égalité et de non-discrimination. De plus, il ressort des travaux parlementaires de la loi du 13 juillet 2018 que, pour adopter les dispositions contestées, le législateur a entendu tenir compte non seulement de la nature particulière du conflit en cause et du territoire concerné mais aussi de l'ancienneté de ce conflit, des relations actuelles de la France avec l'Algérie et de leurs perspectives d'avenir, de sorte que la distinction ainsi instituée entre les victimes civiles de la guerre d'Algérie et les victimes civiles des autres conflits mentionnées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est assortie de justifications objectives et n'est pas disproportionnée au vu des buts poursuivis. En outre, si les dispositions critiquées conduisent à traiter différemment des demandes selon la date à laquelle elles ont été présentées, cette différence est inhérente à la succession de régimes juridiques dans le temps et n'est pas, par elle-même, contraire au principe de non-discrimination. Dès lors, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issues de la loi du 13 juillet 2018, ne présentent pas un caractère discriminatoire au regard des stipulations citées au point précédent et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits conventionnellement consacrés. 7. En second lieu, si les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ont, ainsi qu'il a été dit au point 3, mis un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie, elles sont en revanche dépourvues d'effet rétroactif et sont en particulier sans incidence sur les demandes déposées antérieurement à la publication de la loi non plus que sur les droits des personnes déjà admises au bénéfice d'une pension. En outre, compte tenu de l'ancienneté du conflit en cause et quand bien même la condition tenant à la détention de la nationalité française n'a été formellement censurée par le Conseil constitutionnel que le 8 février 2018, le législateur a pu, à la date à laquelle les dispositions contestées ont été adoptées, décider de mettre fin au régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie dès la date de publication de la loi du 13 juillet 2018 sans porter d'atteinte au principe de sécurité juridique. Enfin, dès lors que la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 du Conseil constitutionnel se borne à censurer la condition de nationalité française qui était jusqu'alors mise à l'octroi d'une pension et ne s'oppose pas, par elle-même, à la suppression de ce régime d'indemnisation pour l'avenir, le législateur a pu adopter les dispositions litigieuses sans méconnaître l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel. Ce faisant, le législateur n'a ni porté atteinte à des situations légalement acquises, ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des textes antérieurs. Dès lors, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issues de la loi du 13 juillet 2018, ne portent pas atteinte au principe de sécurité juridique, reconnu comme principe général du droit de l'Union européenne et principe inhérent au système juridique protégé par la Cour européenne des droits de l'homme. 8. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'a pas entaché d'illégalité sa décision du 21 janvier 2019 en se fondant sur les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cette décision doivent, dès lors, être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01764
CETATEXT000048439320
J7_L_2023_11_00022DA01899
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA01899, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01899
2ème chambre
plein contentieux
C
M. Sorin
CABINET LE PRADO-GILBERT;SELARL SAINT ROCH AVOCATS;CABINET LE PRADO-GILBERT
M. Guillaume Toutias
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Denain à lui verser la somme de 1 084 889,77 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge par cet établissement du 26 au 28 avril 2014. Par un jugement n° 1908189 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a donné acte du désistement de la requête de Mme A... et a condamné cette dernière à reverser au centre hospitalier de Denain la somme de 1 253 euros. Par le même jugement, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Denain à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut la somme de 11 685,98 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, au titre de ses débours, à la rembourser, sur présentation des justificatifs à la fin de chaque année échue, des frais futurs exposés par elle au titre des dépenses de santé de Mme A... dans la limite d'un montant total de 14 064,39 euros et à lui verser la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Enfin, il a mis à la charge du centre hospitalier de Denain, le paiement à la CPAM du Hainaut d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions des parties pour le surplus. Procédure devant la cour : I.- Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22DA01899 les 7 septembre 2022, 5 décembre 2022 et 23 février 2023, Mme A..., représentée par Me Alexia Navarro, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en tant qu'il donne acte de son prétendu désistement ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Denain à lui verser la somme de 1 006 739,58 euros, déduction faite de la provision déjà versée ; 3°) de rejeter l'intégralité des conclusions du centre hospitalier de Denain ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Denain le paiement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens. Elle soutient que : - le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une juste application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative en lui demandant de produire un mémoire récapitulatif le 14 janvier 2021 ; en effet, à cette date, aucun mémoire n'avait été produit par la CPAM et le dossier n'était donc pas en état ; en tout état de cause, le mémoire récapitulatif qu'elle a déposé par erreur le 18 mars 2021 dans l'instance de référé qui était déjà close et celui qu'elle a déposé devant le tribunal le 17 juin 2022 manifestaient sa volonté non équivoque de maintenir ses demandes indemnitaires ; le tribunal administratif de Lille ne pouvait donc pas régulièrement constater son désistement d'office ; il a méconnu les principes d'équité et du contradictoire alors qu'il n'a tiré aucune conséquence du dépôt tardif des mémoires récapitulatifs du centre hospitalier de Denain et de la CPAM du Hainaut ; - la responsabilité du centre hospitalier de Denain est engagée pour faute en raison du retard de diagnostic du syndrome de la queue de cheval dont elle a été atteinte ; cette faute est directement et entièrement en lien avec les préjudices qu'elle a subis et il n'y a pas lieu de faire application d'un taux de perte de chance ; à titre subsidiaire, un tel taux ne saurait être fixé en-deçà de 70% ; - les préjudices qu'elle a subis doivent être réparés par l'octroi des indemnités suivantes : 15 424,18 euros au titre des pertes de gains professionnels actuelles, 728 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 35 790 euros au titre de l'assistance par une tierce personne temporaire, 198 392,17 euros au titre des frais de logement adapté, 2 100 euros au titre des frais de médecin-conseil, 16 245 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 35 000 euros au titre des souffrances endurées, 371 167 euros au titre des pertes de gains professionnels futures, 151 121,05 euros au titre de l'incidence professionnelle, 19 677,18 euros au titre des dépenses de santé futures, 15 132 euros au titre des frais de véhicule adapté, 106 750 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 100 000 euros au titre du préjudice sexuel ; il y a lieu de déduire la provision de 68 707 euros déjà perçue ; - l'ordonnance du 27 janvier 2020 par laquelle le juge des référés a condamné le centre hospitalier de Denain à lui verser une provision est définitive ; le tribunal administratif de Lille, par le jugement attaqué, a admis que la responsabilité du centre hospitalier de Denain était engagée ; donc, même à supposer qu'elle puisse être regardée comme s'étant désistée de sa requête au fond, cette circonstance n'aurait aucune incidence sur la provision qui lui a été versée. Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 novembre 2022 et 16 janvier 2023, le centre hospitalier de Denain, représenté par la SARL Le Prado-Gilbert, conclut au rejet de la requête d'appel, à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il fixe le montant du reversement mis à la charge de Mme A... et à ce que ce montant soit porté à 68 707 euros. Il fait valoir que : - le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une mauvaise application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative en demandant, le 14 janvier 2021, la production d'un mémoire récapitulatif dès lors qu'à cette date, Mme A... et lui avaient déjà échangé trois mémoires chacun ; il est constant que Mme A... n'a pas produit de mémoire récapitulatif dans le délai qui lui a été laissé à cet effet ; ses productions ultérieures ne font pas obstacle à la constatation du désistement d'office ; c'est dès lors régulièrement que le tribunal administratif de Lille n'a pu que statuer en ce sens ; - sa responsabilité n'est engagée qu'au titre de la perte de chance d'éviter les séquelles subies par Mme A..., qui ne saurait excéder 50 % ; - au titre des pertes de gains professionnels actuelles, l'indemnité à allouer à Mme A... ne saurait excéder 11 497,88 euros et celle à allouer à la CPAM 8 000,54 euros ; les frais d'abonnement dans un centre aquatique ne sont pas en lien avec le dommage ; Mme A... ne justifiant pas des aides qu'elle a par ailleurs perçues pour financer son besoin d'assistance par une tierce personne temporaire, aucune indemnité à ce titre ne peut lui être accordée ; les séquelles conservées par Mme A... ne justifient pas l'adaptation de son logement ; il s'en rapporte à la justice s'agissant des frais d'assistance par un médecin-conseil ; le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé à partir d'un coefficient journalier de 13 euros ; des souffrances endurées cotées 5 sur une échelle de 7 s'indemnisent en général autour de 13 531 euros ; au titre des pertes de gains professionnels futures, l'indemnité à allouer à Mme A... ne saurait excéder 3 478,93 euros ; aucune somme ne saurait être allouée au titre de l'incidence professionnelle ; l'indemnisation des dépenses de santé futures doit être limitée aux frais relatifs à l'achat de protections urinaires ; les séquelles conservées par Mme A... ne justifient pas l'adaptation de son véhicule ; au titre du déficit fonctionnel permanent, l'indemnité ne saurait excéder 80 000 euros ; au titre du préjudice esthétique permanent, l'indemnité ne saurait excéder 500 euros ; le préjudice d'agrément n'est pas établi ; le préjudice sexuel doit être ramené à de plus justes proportions ; le coefficient de perte de chance de 50% doit être appliqué à toutes les indemnités susceptibles d'être versées à Mme A... ; - les conclusions de Mme A... sont irrecevables en tant qu'elles dépassent le montant de 798 128,76 euros qu'elle sollicitait dans sa demande indemnitaire préalable ; - s'il avait certes conclu en première instance à ce que Mme A... soit condamnée à lui reverser une somme de 1 253 euros, correspondant à la différence entre la provision de 68 707 euros à laquelle il avait déjà été condamné et le montant de la créance de Mme A... qu'il évaluait alors à 67 454 euros, le tribunal aurait dû tirer la conséquence du désistement de Mme A... en mettant à sa charge le reversement de l'intégralité de la provision de 68 707 euros ; - il s'oppose au versement à la CPAM, sous forme de capital, des prestations à échoir. Par un mémoire, enregistré le 28 novembre 2022, la CPAM du Hainaut, représentée par Me Benoît de Berny, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il limite le taux de perte de chance retenu à 50%, son indemnisation au titre des débours antérieurs à la consolidation à 11 685,98 euros et son indemnisation au titre des débours postérieurs à la consolidation à 14 064,39 euros ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Denain, après avoir fixé un taux de perte de chance qui ne saurait être inférieur à 70%, à lui verser une somme de 22 519,31 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 9 avril 2021 et de la capitalisation des intérêts, au titre des débours antérieurs à la consolidation ainsi qu'une somme de 95 886,47 euros au titre des débours postérieurs à la consolidation ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Denain le paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la responsabilité du centre hospitalier de Denain est engagée et le coefficient de perte de chance ne saurait être inférieur à 70% ; - les débours correspondant aux dépenses de santé actuelles s'élèvent à 6 719,40 euros ; - les débours correspondant aux pertes de gains professionnels actuelles s'élèvent à 15 799,91 euros ; - les débours correspondant aux dépenses de santé futures s'élèvent à 17 334,19 euros ; - les débours correspondant aux pertes de gains professionnels futures s'élèvent à 19 802,68 euros ; - les débours correspondant à l'incidence professionnelle s'élèvent à 58 749,60 euros ; Par ordonnance du 3 janvier 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12 heures. II.- Par une requête, enregistrée sous le n° 22DA01940 le 16 septembre 2022, la CPAM du Hainaut, représentée par Me Benoît de Berny, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il limite le taux de perte de chance retenu à 50%, son indemnisation au titre des débours antérieurs à la consolidation à 11 685,98 euros et son indemnisation au titre des débours postérieurs à la consolidation à 14 064,39 euros ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Denain, après avoir fixé un taux de perte de chance qui ne saurait être inférieur à 70%, à lui verser une somme de 22 519,31 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 9 avril 2021 et de la capitalisation des intérêts, au titre des débours antérieurs à la consolidation ; 3°) de condamner le centre hospitalier de Denain, au titre des frais futurs exposés par elle au titre des dépenses de santé de Mme A... et des arrérages de la pension, soit à lui verser un capital de 115 922,79 euros, soit à lui rembourser ces frais, sur présentation des justificatifs à la fin de chaque année échue, dans la limite de 76,27% de leurs montants ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Denain le paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la responsabilité du centre hospitalier de Denain est engagée et le coefficient de perte de chance ne saurait être inférieur à 70% ; - les débours correspondant aux dépenses de santé actuelles s'élèvent à 6 719,40 euros ; - les débours correspondant aux pertes de gains professionnels actuelles s'élèvent à 15 799,91 euros ; - les débours correspondant aux dépenses de santé futures s'élèvent à 17 334,19 euros ; - les débours correspondant aux pertes de gains professionnels futures s'élèvent à 62 308,79 euros ; - les débours correspondant à l'incidence professionnelle s'élèvent à 36 279,81 euros ; Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 novembre 2022 et 16 janvier 2023, le centre hospitalier de Denain, représenté par la SARL Le Prado-Gilbert, conclut au rejet de la requête d'appel, à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il le condamne à indemniser la CPAM du Hainaut au titre des dépenses de santé futures et à ce que le montant de cette condamnation soit ramené à 10 156,49 euros. Il fait valoir que : - sa responsabilité n'est engagée qu'au titre de la perte de chance d'éviter les séquelles subies par Mme A..., qui ne saurait excéder 50 % ; - les dépenses de santé actuelles s'élèvent à 9 599,14 euros, avant application du coefficient de perte de chance ; - au titre des pertes de gains professionnels actuelles, l'indemnité à allouer à Mme A... ne saurait excéder 11 497,88 euros et celle à allouer à la CPAM 8 000,54 euros ; - les débours correspondant aux dépenses de santé futures doivent être ramenés à 10 156,49 euros ; - aucune indemnité n'est due à la CPAM du Hainaut au titre de la pension d'invalidité ; - il s'oppose au versement à la CPAM, sous forme de capital, des prestations à échoir. Par des mémoires, enregistrés les 5 décembre 2022 et 23 février 2023, Mme A..., représentée par Me Alexia Navarro, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il donne acte de son prétendu désistement ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Denain à lui verser la somme de 1 006 739,58 euros, déduction faite de la provision déjà versée ; 3°) de rejeter l'intégralité des conclusions du centre hospitalier de Denain ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Denain une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens. Elle reprend les mêmes moyens que ceux développés au soutien de sa requête d'appel enregistrée sous le n° 22DA01899 et visés ci-dessus. Par ordonnance du 3 janvier 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Pauline Colette, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Le 26 avril 2014, Mme B... A..., née le 26 septembre 1985, a été hospitalisée au centre hospitalier de Denain (Nord), où elle était suivie pour sa grossesse, en raison d'une lombosciatique S1 gauche hyperalgique. Compte tenu de ces symptômes, de la proximité du terme et du risque de prééclampsie qui s'était réalisé lors de sa précédente grossesse, il a été décidé de provoquer l'accouchement, qui a eu lieu par voie basse le jour même. Le lendemain, les douleurs sciatiques ont repris et ont évolué défavorablement. Mme A... a développé en outre une asthénie en selle complète. A la suite d'une importante perte d'urines dans la journée du 28 avril 2014, elle a subi un examen par IRM qui a permis de diagnostiquer un syndrome de la queue de cheval. Elle a été transférée immédiatement dans le service de neurochirurgie du centre hospitalier de Valenciennes où elle a été opérée dans la nuit du 28 au 29 avril 2014. Les suites opératoires ont été simples et elle a regagné son domicile le 6 mai 2014. Elle conserve en revanche, depuis cette date, des troubles sensitivomoteurs S1 gauche, des hypoesthésies en selle et des troubles sphinctériens. 2. Mme A... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) du Nord-Pas-de-Calais le 24 avril 2018, qui a sollicité une expertise médicale, dont le rapport a été rendu le 14 janvier 2019. Par un avis du 14 mars 2019, la CRCI a estimé que la réparation incombait à l'assureur du centre hospitalier de Denain en raison du retard de diagnostic fautif du syndrome de la queue de cheval dont Mme A... a été atteinte, à l'origine d'une perte de chance de 70% d'éviter les séquelles. Par un courrier du 26 juin 2019, la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), assureur du centre hospitalier de Denain, a proposé à Mme A... de l'indemniser en lui versant une somme de 111 936 euros, ce que celle-ci a refusé par un courrier du 3 septembre 2019. Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Lille, d'une part, d'une requête tendant à la condamnation du centre hospitalier de Denain à lui verser une somme totale de 1 080 809,77 euros et, d'autre part, d'une requête en référé tendant à la condamnation du même établissement à lui verser une provision. Par une ordonnance n° 1907951 du 27 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Denain à verser à Mme A... une somme provisionnelle de 68 707 euros. 3. Par son jugement au fond n° 1908189 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a donné acte du désistement de la requête de Mme A... dès lors que celle-ci n'avait pas produit, dans le délai qui lui avait été laissé à cet effet, le mémoire récapitulatif qui lui avait- été demandé au cours de l'instruction et il a condamné cette dernière à reverser au centre hospitalier de Denain la somme de 1 253 euros, correspondant à la partie de la provision décidée par le juge des référés dont le centre hospitalier n'admet pas le bien-fondé. Par le même jugement, le tribunal administratif de Lille, qui a estimé que la responsabilité du centre hospitalier de Denain était engagée en raison d'un retard de diagnostic à l'origine d'une perte de chance d'échapper aux dommages de 50%, a condamné cet établissement à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut la somme de 11 685,98 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, au titre de ses débours, à la rembourser, sur présentation des justificatifs à la fin de chaque année échue, des frais futurs exposés par elle au titre des dépenses de santé de Mme A... dans la limite d'un montant total de 14 064,39 euros et à lui verser la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Enfin, il a mis à la charge du centre hospitalier de Denain, le paiement à la CPAM du Hainaut d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions des parties pour le surplus. 4. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il donne acte de son prétendu désistement et demande à la cour de faire droit à sa demande indemnitaire en condamnant le centre hospitalier de Denain à lui verser une somme totale de 1 006 739,58 euros. La CPAM du Hainaut, de son côté, relève appel du jugement en tant qu'il limite son indemnisation aux sommes précitées de 11 685,98 euros et 14 064,39 euros. Le centre hospitalier de Denain conclut, quant à lui, au rejet des requêtes d'appel de Mme A... et de la CPAM du Hainaut et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'une part, de porter le reversement mis à la charge de Mme A... au montant total de la provision à laquelle il avait été condamné par le juge des référés, soit 68 707 euros, et, d'autre part, de ramener le montant de sa condamnation à rembourser la CPAM du Hainaut de ses débours au titre des dépenses de santé futures à 10 156,49 euros. Les requêtes de Mme A... et de la CPAM du Hainaut étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il donne acte du désistement d'office de Mme A... : 5. Aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d'appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé ". 6. A l'occasion de la contestation en appel de la décision prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé pour produire un mémoire récapitulatif, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai, que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 611-8-1. 7. Il ressort du dossier de première instance que la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Lille a été enregistrée le 16 septembre 2019. Le centre hospitalier de Denain a produit des mémoires en défense enregistrés les 7 et 21 novembre 2019, auxquels Mme A... a répliqué par un mémoire complémentaire enregistré le 5 décembre 2019. Un nouveau mémoire en défense a été enregistré pour le centre hospitalier de Denain le 20 décembre 2019 et communiqué à Mme A..., qui y a répliqué par un deuxième mémoire complémentaire enregistré le 8 janvier 2020. Puis, par une lettre du 14 janvier 2021, réceptionnée par le conseil de Mme A... le lendemain au travers de l'application Télérecours, la magistrate rapporteure, par délégation du président de la formation de jugement, a invité l'intéressée, en application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, à présenter, dans le délai d'un mois, un mémoire récapitulatif et l'a informée de ce que, à défaut de production dans le délai imparti, elle serait réputée s'être désistée de sa requête. 8. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle la demande de mémoire récapitulatif a été adressée à Mme A..., ses démarches pour obtenir réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis au cours de sa prise en charge au centre hospitalier de Denain remontaient à près de trois ans, sans qu'elle ait manqué de diligences dans le suivi de la procédure. En particulier, Mme A... a, dans le cadre de la procédure contentieuse engagée devant le tribunal administratif de Lille, répliqué à tous les mémoires en défense du centre hospitalier de Denain dans les délais lui étant impartis. Ses demandes, notamment les postes de préjudices qu'elle a invoqués, n'ont pas connu d'évolution caractérisée. En outre, à la date à laquelle la demande de mémoire récapitulatif a été adressée à Mme A..., la CPAM du Hainaut, à laquelle elle est affiliée, n'avait pas encore produit de mémoire et Mme A... n'avait donc pas connaissance des demandes concurrentes que celle-ci était susceptible de présenter. 9. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'objet du litige, à la chronologie de l'instruction menée devant le tribunal, au nombre des premières écritures échangées et à l'absence d'ajout ou de suppression de moyens postérieurement à la requête introductive d'instance, le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une juste application de la faculté ouverte par les dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative en sollicitant de Mme A... la production d'un mémoire récapitulatif à la date du 14 janvier 2021 et, par suite, il n'a pu régulièrement se fonder sur l'absence de réponse de l'intéressée dans le délai imparti pour donner acte de son désistement d'office. Il s'ensuit que Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il donne acte de son désistement d'office. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ses conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par la CPAM du Hainaut et le centre hospitalier de Denain. Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le centre hospitalier de Denain : 10. D'une part, un requérant peut se borner à demander à l'administration réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi pour ne chiffrer ses prétentions que devant le juge administratif. D'autre part, la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur. Il en va ainsi quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. 11. En l'espèce, si Mme A..., dans une demande indemnitaire préalable formée par un courrier du 4 juillet 2019, a demandé au centre hospitalier de Denain de lui verser, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge fautive, une somme totale de 798 128,76 euros, cette circonstance ne s'opposait pas, en vertu des principes rappelés au point précédent, à ce qu'elle saisisse le tribunal administratif de Lille de conclusions indemnitaires excédant cette somme. Par ailleurs, les conclusions indemnitaires de Mme A... devant la cour n'excèdent pas le montant de celles qu'elle a présentées en première instance. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en défense par le centre hospitalier de Denain, tirée de ce que les conclusions indemnitaires de Mme A... dépassent le montant de sa demande indemnitaire préalable, doit être écartée. Sur la responsabilité du centre hospitalier de Denain : En ce qui concerne la faute : 12. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I.- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ". 13. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... était porteuse d'une hernie discale L5 S1 gauche, diagnostiquée quatre ans avant les faits, ce dont le centre hospitalier de Denain a eu connaissance dans le cadre du suivi de sa seconde grossesse. La décompensation d'une hernie discale en syndrome de la queue de cheval est une complication rare, mais néanmoins connue, d'un accouchement. Les troubles que Mme A... a développés le 27 avril 2014, au lendemain de son accouchement, à savoir des sciatalgies aiguës et des hypoesthésies périnéales, étaient évocateurs d'un tel syndrome et sont au nombre de ceux qui nécessitent la réalisation d'un examen par IRM en urgence pour poser le diagnostic et permettre, le cas échéant, une prise en charge chirurgicale dans les meilleurs délais. En l'espèce, en ne suspectant pas, dès les premiers symptômes, l'apparition d'un syndrome de la queue de cheval chez Mme A... et en prescrivant la réalisation d'un examen par IRM seulement le 28 avril 2014 dans l'après-midi, le centre hospitalier de Denain a retardé de vingt-quatre heures la prise en charge adaptée de la pathologie de Mme A.... Un tel retard est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Denain, ce que ce dernier ne conteste au demeurant pas. En ce qui concerne l'ampleur de la perte de chance : 14. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. 15. Il résulte de l'instruction, notamment de la documentation médicale produite en défense par le centre hospitalier de Denain, qui n'est infirmée par aucun élément apporté en réplique par Mme A... ou la CPAM du Hainaut, que, d'une part, en moyenne, une personne sur deux prises en charge pour un syndrome de la queue de cheval conserve des séquelles de long terme même en cas de prise en charge conforme aux règles de l'art et, d'autre part, que, si la quantification du bénéfice d'une intervention la plus rapide possible ne fait pas l'objet d'un consensus de la part des auteurs, celle-ci reste malgré tout unanimement indiquée. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, les manquements du centre hospitalier de Denain doivent être regardés comme ayant causé à Mme A... une perte de chance d'éviter les séquelles qu'elle a conservées dont il sera fait une juste appréciation du taux en le fixant à 50%. Sur la liquidation des préjudices de Mme A... et de la CPAM du Hainaut : 16. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019 qui n'est, sur ce point, contesté par aucune des parties, que l'état de santé de Mme A... doit être regardé comme consolidé à la date du 26 avril 2017. 17. D'autre part, il appartient au juge, pour chacun des postes de préjudice, tout d'abord, d'évaluer le montant du préjudice total en tenant compte de l'ensemble des dommages qui s'y rattachent, de fixer ensuite la part demeurée à la charge de la victime, compte tenu des prestations dont elle a bénéficié et qui peuvent être regardées comme prenant en charge un préjudice, et enfin de déterminer le montant de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable au titre du poste de préjudice, ce montant correspondant à celui du poste si la responsabilité du tiers est entière et à une partie seulement en cas de partage de responsabilité. Le juge accorde à la victime, dans le cadre de chaque poste de préjudice et dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers, une somme correspondant à la part des dommages qui n'a pas été réparée par des prestations de sécurité sociale, le solde de l'indemnité mise à la charge du tiers étant, le cas échéant, accordé à la caisse. En ce qui concerne les préjudices temporaires : S'agissant des dépenses de santé actuelles : 18. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que, du fait des séquelles qu'elle a conservées, Mme A... a été sujette à des infections urinaires répétées et qu'elle a dû suivre un suivi urologique ainsi qu'une rééducation périnéale. Si elle soutient avoir exposé des frais de 728 euros pour accéder à un centre aquatique, elle ne justifie pas, par les factures qu'elle produit, que l'achat des " pass famille loisirs résident " dont ces factures rendent compte s'inscrit dans le cadre de sa rééducation. En revanche, la CPAM du Hainaut justifie, par le relevé des débours qu'elle produit et l'attestation d'imputabilité établie par un médecin conseil, qu'elle a exposé, du fait du dommage, des frais hospitaliers de 1 461,85 euros pour la prise en charge de Mme A... au centre hospitalier de Valencienne les 7 et 8 mai 2014 à la suite d'un nouvel important épisode de fuites urinaires, des frais hospitaliers de 199,92 euros pour la réalisation d'un bilan urodynamique au centre hospitalier de Saint-Amand le 13 juin 2014, des frais médicaux de 7 079,36 euros, des frais pharmaceutiques de 468,05 euros et des frais d'appareillage de 372,02 euros. Si son relevé des débours mentionne également des frais de transport de 18 euros, ces frais ne sont pas repris par l'attestation d'imputabilité et ne peuvent donc pas être pris en compte. Dès lors, si aucune indemnité n'est due à Mme A... au titre des dépenses de santé actuelles, il y a lieu en revanche d'allouer à ce même titre à la CPAM du Hainaut, après application du coefficient de perte de chance de 50%, une indemnité de 4 790,60 euros. S'agissant des frais de médecin-conseil : 19. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que lors de la réunion d'expertise qui s'est tenue au centre hospitalier universitaire de Reims le 22 octobre 2018, Mme A... était assistée, notamment, d'un médecin-conseil expert en réparation juridique du dommage corporel et en accidents médiaux, dont elle produit une facture d'honoraires d'un montant de 2 100 euros. Les frais ainsi exposés ayant présenté un caractère utile à l'instruction et étant entièrement en lien avec le fait dommageable, Mme A... est fondée à demander à en être indemnisée intégralement, sans qu'il y ait lieu d'appliquer le coefficient de perte de chance de 50%. Il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité de 2 100 euros. S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne temporaire : 20. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu, ainsi d'ailleurs que le prévoit le référentiel de l'ONIAM, de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. 21. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A..., entre son retour définitif à domicile le 9 mai 2014 et la consolidation de son état de santé le 26 avril 2017, a nécessité, du fait des troubles sensitivomoteurs et sphinctériens qu'elle a conservés, l'aide d'une tierce personne. Les experts ont considéré que ce besoin d'aide par une tierce personne non spécialisée a été de 4 heures par jour pendant le mois suivant son retour à domicile puis de 2 heures par jour. Il ne ressort pas de l'instruction que Mme A... ait par ailleurs bénéficié de prestations ayant pour objet de financer ce besoin d'assistance par une tierce personne, de sorte que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Denain, il n'y a pas lieu d'écarter l'indemnisation de ce poste de préjudice. De plus, l'établissement ne conteste pas l'évaluation des besoins d'aide par une tierce personne faite par les experts. 22. Il s'ensuit qu'il y a d'abord lieu de considérer une indemnisation au titre de la période courant du 9 mai 2014, date du retour définitif au domicile, au 8 juin 2014 inclus, date d'expiration du délai d'un mois suivant ce retour à domicile, soit 31 jours qu'il y a lieu de porter à 35 pour tenir compte des dimanches, jours fériés et jours de congés, ainsi qu'il a été dit au point 20. Il y a ensuite lieu de considérer une indemnisation au titre de la période courant du 9 juin 2014 au 26 avril 2017 inclus, date de consolidation de l'état de santé de Mme A..., soit 1 053 jours qu'il y a lieu de porter à 1 189 pour tenir compte des dimanches, jours fériés et jours de congés. Compte tenu des besoins d'assistance par une tierce personne non spécialisée rappelés au point précédent, d'un montant moyen de 13,50 euros par heure, représentatif des valeurs du salaire minimum interprofessionnel de croissance et des taux moyens des cotisations sociales obligatoires sur ces périodes, ainsi que du coefficient de perte de chance de 50%, il sera fait une exacte évaluation du préjudice subi par Mme A... en lui allouant une indemnité de 16 991 euros. S'agissant des frais de logement adapté : 23. Mme A... sollicite une indemnité de 198 392,17 euros correspondant aux frais qu'elle a engagés pour construire son nouveau logement, respectant toutes les normes d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et garantissant notamment qu'elle puisse y accéder et y circuler y compris en fauteuil roulant. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que, si Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 50% puis 40% jusqu'à la consolidation de son état de santé et si elle subit un déficit fonctionnel permanent de 35% depuis cette date, elle n'en demeure pas moins décrite comme présentant un " bon état général ". En particulier, la marche est " correcte avec une légère boiterie du membre inférieur gauche " et elle n'a, en toute hypothèse, pas besoin d'un fauteuil roulant pour se déplacer. Les perspectives d'évolution sont même décrites comme étant favorables dès lors que les experts ont considéré qu'elle serait " totalement autonome " au terme d'un délai de cinq ans suivant sa consolidation. Dès lors, les frais d'aménagement de son logement engagés par Mme A... ne peuvent pas être regardés comme étant en lien avec les séquelles qu'elle a conservées et elle n'est donc pas fondée à en demander l'indemnisation. S'agissant des pertes de gains professionnels actuelles : 24. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... exerçait, à la date du fait dommageable, la profession de gestionnaire de recouvrement à l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais. Elle a été placée en congé maladie du 26 avril 2014 au 20 janvier 2017, dont dix semaines ne sont pas en lien avec le fait dommageable mais correspondent au congé maternité qu'elle aurait de toute façon pris à la suite de son accouchement et de la naissance de son second enfant. En revanche, en raison des séquelles qu'elle a conservées du fait dommageable, elle n'a pu reprendre son travail à compter du 20 janvier 2017 qu'à temps partiel thérapeutique et sur un poste adapté. Il résulte de l'avis d'imposition 2014 sur les revenus de 2013 produit par Mme A... que le montant total des salaires nets qu'elle a perçus au cours de l'année 2013, soit l'année précédant le fait dommageable, s'élève à 20 184 euros, soit 55,30 euros par jour. Sur la période d'arrêt de travail et de reprise à temps partiel imputable au fait dommageable, du 5 juillet 2014 au 26 avril 2017 soit 1 027 jours, Mme A... aurait donc dû percevoir la somme de 56 793,10 euros. Il est constant que, sur la même période, les revenus salariaux de Mme A... se sont élevés à 17 740,96 euros, soit une perte de gains professionnels de 39 052,14 euros. Compte tenu du coefficient de perte de chance de 50%, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain au titre de ce poste de préjudice doit, dès lors, être fixée à 19 526,07 euros. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que Mme A..., au cours de cette même période, a perçu, outre les revenus salariaux précités de 17 740,96 euros, des indemnités journalières pour un montant de 27 498,96 euros, sa perte globale de revenus s'est établie à 11 553,18 euros et il sera donc fait une exacte appréciation de son préjudice en lui allouant une indemnité du même montant. La CPAM du Hainaut, de son côté, est fondée à percevoir, au titre des débours qu'elle a exposés en lien avec les indemnités journalières versées à Mme A..., le solde de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain, soit 7 972,89 euros. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire : 25. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... a subi, en lien avec le fait dommageable, un déficit fonctionnel temporaire de 50% du 9 mai 2014 au 9 novembre 2015, soit 550 jours, puis de 40% du 10 novembre 2015 au 26 avril 2017, soit 534 jours. En se fondant sur les périodes et cotations ainsi retenues par les experts et sur un montant de 13 euros par jour pour un déficit fonctionnel temporaire total, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... en lui allouant, après application du coefficient de perte de chance de 50%, une indemnité de 3 176 euros. S'agissant des souffrances endurées : 26. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... a subi, pendant la période de retard de diagnostic de son syndrome de la queue de cheval et alors qu'elle venait tout juste d'accoucher de son second enfant, des douleurs sciatiques intenses, une anesthésie totale en selle et des épisodes d'incontinence. Si l'intervention subie en urgence au centre hospitalier de Valenciennes dans la nuit du 28 au 29 avril 2014 a permis de soulager ces manifestations les plus douloureuses, Mme A... n'en a pas moins conservé des troubles sensitivomoteurs S1 gauche, des hypoesthésies en selle et des troubles sphinctériens. Les souffrances, physiques et morales, ainsi endurées par Mme A... ont été évaluées par les experts à 5 sur une échelle de 1 à 7. Dès lors qu'elles ont été pour l'essentiel éprouvées pendant la période de retard de diagnostic, elles doivent être regardées comme étant entièrement en lien avec la faute du centre hospitalier de Denain et il n'y a pas lieu d'appliquer le coefficient de perte de chance de 50%. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme A... en lui allouant une indemnité de 14 000 euros. En ce qui concerne les préjudices permanents : S'agissant des dépenses de santé futures : 27. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que les séquelles permanentes conservées par Mme A... nécessiteront une prise en charge médicale à l'origine de dépenses de santé futures, notamment un " soutien psychologique, kinésithérapie, balnéothérapie, bilan urodynamique une fois par an, bandelettes urinaires pour surveiller les infections urinaires, protection pour les fuites urinaires et rectales, suivi urologique rapproché du fait du retentissement des troubles sphinctériens et des infections urinaires à répétition sur le haut appareil ". Mme A... justifie, par la production d'une facture du 20 octobre 2018, que l'acquisition des protections contre les fuites urinaires, non prise en charge par les organismes de sécurité sociale ou mutualistes, l'expose à des frais annuels de 160 euros par an. En revanche, elle n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 18, que les droits d'accès dont elle s'acquitte dans un centre aquatique sont en lien avec le fait dommageable. La CPAM du Hainaut, de son côté, justifie être exposée, du fait des prévisions de consultations, examens et traitements dont bénéficiera à l'avenir Mme A..., qui sont cohérentes avec les énonciations des experts et dont l'imputabilité au dommage est en outre attestée par un médecin-conseil de l'assurance maladie, à des débours de 740,73 euros par an. La capitalisation de ces frais annuels de manière viagère, à la date de consolidation de l'état de santé de Mme A..., donne, sur la base du coefficient de 54,547 du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 (taux d'intérêt 0%), applicable à une femme âgée de 31 ans, des montants respectivement de 8 727,52 euros pour les protections contre les fuites urinaires et 40 404,60 euros pour les débours futurs de la CPAM, soit un total de 49 132,12 euros. Compte tenu du coefficient de perte de chance de 50%, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain au titre de ce poste de préjudice doit, dès lors, être fixée à 24 566,06 euros. Il sera donc fait une exacte appréciation du préjudice subi par Mme A... en lui allouant une somme de 8 727,52 euros, correspondant au capital représentatif des frais d'acquisition de protections contre les fuites urinaires auxquels elle sera exposée à l'avenir. Dès lors, d'une part, que le solde de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain au titre de ce poste de préjudice, soit 15 838,54 euros, doit être attribué à la CPAM et, d'autre part, que le centre hospitalier de Denain s'oppose toutefois à la réparation sous la forme d'un capital, il y a seulement lieu de le condamner à rembourser à la CPAM les débours qu'elle sera amenée à exposer du fait des dépenses de santé futures de Mme A..., à échéance annuelle, sur présentation des justificatifs et dans la limite du montant de 15 838,54 euros. S'agissant des frais de véhicule adapté : 28. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que, si Mme A... conserve du fait dommageable un déficit fonctionnel permanent évalué par les experts à 35%, il ressort de l'examen que les experts ont réalisé que " la marche est correcte avec une légère boiterie du membre inférieur gauche dû au déficit du mollet gauche ". Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait, depuis la survenue du dommage, effectivement été contrainte de recourir à un véhicule à embrayage automatique pour se déplacer. Dans ces conditions, il n'est pas établi que son état de santé ne soit pas compatible avec la conduite d'un véhicule à embrayage manuel et qu'il justifie nécessairement le recours à un véhicule à embrayage automatique. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre du surcoût sur les frais d'acquisition de ses véhicules automobiles auquel elle estime être exposée. S'agissant des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle : 29. Dans le cas où la victime d'un dommage corporel vient, du fait de ce dommage, à percevoir une pension d'invalidité, il appartient au juge de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par l'intéressé entraîne des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnent lieu au versement d'une pension d'invalidité. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices sont réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subit pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes est inférieur au capital représentatif de la pension. Dès lors qu'il a été définitivement jugé que les fautes commises par l'établissement responsable ont contribué pour moitié à la réalisation du préjudice, la moitié seulement du montant des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle doit être mis à sa charge. Dans cette limite, la victime doit se voir allouer, le cas échéant, une somme correspondant à la part de ces postes de préjudice non réparée par la pension, évaluée ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le solde éventuel étant versé à la caisse primaire d'assurance maladie. 30. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A..., qui exerçait à la date du fait dommageable la profession de gestionnaire de recouvrement à l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, n'a, du fait des séquelles conservées, pu reprendre son travail, le 20 janvier 2017, que sur un poste adapté et à mi-temps thérapeutique, qu'elle est classée en invalidité de 1ère catégorie et qu'elle subit une pénibilité accrue dans l'exercice de ses fonctions et est contrainte dans ses choix d'évolution professionnelle. Toutefois, il résulte également de l'instruction que l'état de santé de Mme A... n'est pas pour autant incompatible avec l'exercice de toute activité professionnelle, qu'il n'est pas établi qu'elle ne puisse pas à terme reprendre une activité à temps plein et qu'il n'est pas davantage établi que, contrairement à ce qu'elle soutient, elle avait, antérieurement au fait dommageable, une chance sérieuse d'accéder aux fonctions d'inspectrice des URSSAF. Ainsi qu'il a été dit au point 23, les perspectives d'évolution de ses séquelles sont même décrites par les experts comme étant favorables dès lors qu'ils ont considéré qu'elle serait " totalement autonome " au terme d'un délai de cinq ans suivant sa consolidation. Il résulte en outre des derniers bulletins de salaire qu'elle produit, pour la période comprise entre décembre 2021 et avril 2022, qu'elle n'occupe alors plus effectivement son poste de travail, sans qu'elle ne justifie que cette interruption soit en lien avec les séquelles qu'elle a conservées du fait dommageable dont la réparation incombe au centre hospitalier de Denain. Dans les circonstances de l'espèce, le fait dommageable doit être regardé comme n'ayant eu une influence directe et certaine sur l'exercice professionnel de Mme A... que jusqu'à la fin de l'année 2021. Il s'ensuit que Mme A... est seulement fondée à demander l'indemnisation des éventuelles pertes de gains professionnels qu'elle a subies jusqu'à cette date et de l'incidence professionnelle qu'exercent les séquelles permanentes qu'elle a conservées. 31. Ainsi qu'il a été dit au point 24, il résulte de l'avis d'imposition 2014 sur les revenus de 2013 produit par Mme A... que le montant total des salaires nets qu'elle a perçus au cours de l'année 2013, soit l'année précédant le fait dommageable, s'élève à 20 184 euros, soit en moyenne 1 682 euros par mois. Sur la période imputable au dommage, du 26 avril 2017 au 31 décembre 2021, Mme A... aurait donc dû percevoir la somme de 94 192 euros. Il résulte des avis d'imposition et des bulletins de salaire qu'elle a produits que, sur la même période, les revenus salariaux de Mme A... se sont élevés à 50 161 euros, soit une perte de gains professionnels de 44 031 euros. En outre, il sera fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle que subit Mme A... en lui allouant une indemnité de 8 000 euros. Compte tenu du coefficient de perte de chance de 50%, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain au titre de ces postes de préjudice doit, dès lors, être fixée à 26 015,50 euros. Dès lors qu'il résulte par ailleurs des avis d'imposition que Mme A..., au cours de la même période, a perçu, outre les revenus salariaux précités de 50 161 euros, des pensions pour un montant pouvant être évalué à 32 413 euros, dont 19 382 euros de pension d'invalidité, sa perte globale de revenus s'est établie à 11 618 euros et il sera donc fait une juste appréciation ses pertes de gains professionnels futures en lui allouant une indemnité du même montant ainsi qu'une indemnité de 8 000 euros au titre de l'incidence professionnelle. La CPAM du Hainaut, de son côté, est fondée à percevoir, au titre des débours qu'elle a exposés en lien avec la pension d'invalidité versée à Mme A..., le solde de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain, soit 6 397,50 euros. S'agissant du déficit fonctionnel permanent : 32. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A..., qui était âgée de 31 ans à la date de consolidation de son état de santé, a conservé, à raison du fait dommageable, des troubles sensitivomoteurs S1 gauche, des hypoesthésies en selle et des troubles sphinctériens, ce qui a conduit les experts à évaluer son déficit fonctionnel permanent à 35%, sans que cela ne soit utilement contesté. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant une indemnité, après application du coefficient de perte de chance de 50%, de 42 500 euros. S'agissant du préjudice d'agrément : 33. Pour demander une indemnité de 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément, Mme A... se borne à se prévaloir, comme en première instance, de ce qu'elle ne peut plus pratiquer la marche, le vélo, le roller et le jardinage. Elle produit des attestations de ses proches et un certificat médical de son médecin traitant du 12 octobre 2019 qui indique que son état contrindique toute pratique sportive. Toutefois, elle n'établit pas, par les documents qu'elle produit, que ces activités avaient, avant la survenue du dommage, une place prépondérante dans sa vie ou ses loisirs. Les limitations de ses fonctions physiologiques, pertes de qualité de vie et troubles dans ses conditions d'existence ont, par ailleurs, déjà été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent. Dès lors, le préjudice d'agrément qu'elle invoque n'est pas établi et elle n'est pas fondée à en demander l'indemnisation. S'agissant du préjudice esthétique permanent : 34. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... subit un préjudice esthétique permanent évalué par les experts à 1 sur une échelle de 1 à 7 qui peut être également retenu du fait de la légère boiterie qu'elle a conservée. Il sera, dès lors, fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité, après application du coefficient de perte de chance de 50%, de 450 euros. S'agissant du préjudice sexuel : 35. Il ressort de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... conserve une anesthésie en selle très large et qu'elle subit, de ce fait, une perte complète de la sensibilité vaginale et périnéale. Il en résulte un préjudice sexuel, constitué par la perte du plaisir sexuel, dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité, après application du coefficient de perte de chance de 50%, de 5 000 euros. 36. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Denain doit être condamné à verser à Mme A..., en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait du retard de diagnostic du syndrome de la queue de cheval dont elle a été atteinte à compter du 27 avril 2014, la somme de 55 408,70 euros, déduction faite de la somme de 68 707 euros déjà versée par le centre hospitalier de Denain au titre de la provision à laquelle il a été condamné par une ordonnance du 27 janvier 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Lille. Par voie de conséquence, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a mis à sa charge le reversement d'une somme de 1 253 euros au titre de la provision précitée et les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Denain tendant à ce qu'il soit ordonné à celle-ci de reverser l'intégralité de cette provision doivent être également rejetées. Par ailleurs, le centre hospitalier de Denain doit également être condamné, au titre des débours de la CPAM du Hainaut, à verser à cette dernière une somme de 19 160,99 euros et à lui rembourser les dépenses de santé futures qu'elle exposera à raison du dommage subis par Mme A..., à échéance annuelle, sur présentation de justificatifs et dans la limite d'une somme totale de 15 838,54 euros. Sur les frais liés au litige : 37. D'une part, la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées à ce titre par Mme A... en première instance doivent être rejetées. 38. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Denain, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le paiement d'une somme globale de 2 000 euros à Mme A... au titre de la première instance comme de la présente instance d'appel et le paiement d'une somme de 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut au titre de la présente instance d'appel. DÉCIDE : Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1908189 du 27 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille sont annulés. Article 2 : Le centre hospitalier de Denain est condamné à verser à Mme A... une somme de 55 408,70 euros (cinquante-cinq-mille-quatre-cent-huit euros et soixante-dix centimes). Article 3 : Le centre hospitalier de Denain versera à Mme A... une somme de 2 000 euros (deux-mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de première instance de Mme A... et de ses conclusions d'appel est rejeté. Article 5 : La somme de 11 685,98 euros que le centre hospitalier de Denain a été condamné à verser à la CPAM du Hainaut est portée à 19 160,99 euros (dix-neuf-mille-cent-soixante euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes). Article 6 : Le centre hospitalier de Denain est condamné à rembourser à la CPAM du Hainaut, sur présentation des justificatifs à la fin de chaque année échue, les frais futurs exposés par elle au titre des dépenses de santé de Mme A... dans la limite d'un montant total de 15 838,54 euros (quinze-mille-huit-cent-trente-huit euros et cinquante-quatre centimes). Article 7 : Les articles 3 à 7 du jugement n° 1908189 du 27 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt. Article 8 : Le centre hospitalier de Denain versera à la CPAM du Hainaut une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 9 : Le surplus des conclusions de la CPAM du Hainaut est rejeté. Article 10 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Denain sont rejetées. Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut et au centre hospitalier de Denain. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01899-22DA01940
CETATEXT000048439321
J7_L_2023_11_00022DA02059
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA02059, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA02059
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
LEROUX-BOSTYN
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Soclanb a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'autorisation tacite d'exploiter délivrée par le préfet de la région Normandie à M. D.... Par une ordonnance n° 2100353 du 8 août 2022, la présidente de la quatrième chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande pour tardiveté. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 octobre 2022 et 21 septembre 2023, la SCEA Soclanb, représentée par Me Béatrice Ottaviani, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) d'annuler la décision d'autorisation tacite délivrée le 31 juillet 2020 à M. D... pour exploiter des parcelles situées sur le territoire des communes de Hautot-Saint-Sulpice et Rocquefort ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens. Elle soutient que : - la demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen n'était pas tardive dès lors que les délais de recours contre la décision attaquée n'ont pas couru à l'égard des gérants de la société ; - la décision attaquée n'est pas motivée ; - le projet qu'elle porte répond aux objectifs du schéma directeur régional des exploitations agricoles ; - sa demande est prioritaire par rapport à celle de M. D..., au sens des rangs de priorités définis par ce schéma. Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 mai et 18 octobre 2023, M. B... D..., représenté par Me Nelly Leroux-Bostyn, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de condamner la SCEA Soclanb à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; 3°) de mettre à la charge de la SCEA Soclanb le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que la demande de première instance était tardive et que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés. Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour de rejeter la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCEA Soclanb ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2023. Un mémoire a été présenté pour la SCEA Soclanb le 23 octobre 2023, après la clôture de l'instruction. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, - et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A... a bénéficié d'un bail rural à compter du 11 décembre 2002 portant sur des parcelles situées à Hautot-Saint-Sulpice et Roquefort (Seine-Maritime), pour une superficie totale de 58 ha 28 a et 93 ca. Les propriétaires ont décidé de mettre fin à ce bail et ont donné congé au preneur le 7 juin 2019. M. B... D... a présenté le 19 décembre 2019 une demande d'autorisation d'exploiter ces parcelles. Une autorisation tacite est née le 31 juillet 2020 du silence gardé par le préfet de la Seine-Maritime à l'issue d'un délai de quatre mois, prolongé en raison de la crise sanitaire. La SCEA Soclanb, constituée de M. A... et de son frère, relève appel de l'ordonnance du 8 août 2022 par laquelle la présidente de la quatrième chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant à l'annulation de la décision d'autorisation d'exploiter. Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée : 2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser. 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. (...) ". Aux termes de l'article R. 331-4 du même code : " (...) Le service chargé de l'instruction fait procéder à la publicité de la demande d'autorisation d'exploiter dans les conditions prévues à l'article D. 331-4-1. Cette publicité porte sur la localisation des biens et leur superficie, ainsi que sur l'identité des propriétaires ou de leurs mandataires et du demandeur. (...) ". L'article D. 331-4-1 du même code dispose : " Les demandes d'autorisation d'exploiter sont affichées pendant un mois à la mairie des communes où sont situés les biens qui font l'objet de la demande et publiées sur le site de la préfecture chargée de l'instruction ". S'agissant de la décision d'autorisation d'exploiter, l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " I. Le préfet de région dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande d'autorisation. (...) III. Le préfet de région notifie sa décision aux demandeurs, aux propriétaires et aux preneurs en place par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. Cette décision fait l'objet d'un affichage à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle sont situés les biens. Elle est publiée au recueil des actes administratifs. (...) En cas d'autorisation tacite, une copie de l'accusé de réception mentionné à l'article R. 331-4 est affichée et publiée dans les mêmes conditions que l'autorisation expresse ". 4. Il n'est pas contesté que la demande présentée le 19 décembre 2019 par M. D..., dont le dossier était complet à la date de réception de cette dernière, et compte tenu de la suspension du délai d'instruction au regard de la période d'urgence sanitaire ayant pris fin le 24 juin 2020, a fait l'objet d'une décision tacite d'acceptation le 31 juillet 2020. Il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception du dossier complet de la demande d'autorisation a été affiché à compter du 22septembre 2020 dans les mairies concernées pendant une durée d'un mois et a fait l'objet d'une publication, le 25 septembre 2020, au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Normandie sous le n° R28-2020-91. Dans ces conditions, le délai de recours contentieux pour contester l'autorisation tacite d'exploiter délivrée à M. D... expirait ainsi le 26 novembre 2020. Or, la requête de la SCEA Soclanb a été enregistrée au greffe du tribunal le 3 février 2021, soit après l'expiration du délai du recours contentieux. 5. Si la société appelante déplore que cette décision ne lui ait pas été notifiée, il résulte des dispositions précitées que seuls les demandeurs, les propriétaires et les preneurs en place doivent en recevoir notification et que la SCEA Soclanb n'était pas, à la date de la décision tacite attaquée, locataire des parcelles en cause, le bail rural concédé à M. A... ayant pris fin le 7 juin 2019. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la société appelante a été destinataire d'une lettre du 2 mars 2020 l'informant que la demande d'autorisation d'exploiter présentée par M. D... le 19 décembre 2019 ferait l'objet d'un passage en commission départementale d'orientation de l'agriculture de la Seine-Maritime du 7 avril 2020. De ce fait, la SCEA Soclanb ne pouvait pas ignorer l'existence de la demande d'autorisation d'exploiter présentée par M. D..., quelles qu'en aient été les modalités d'affichage. 6. En second lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ". 7. La SCEA Soclanb soutient que le délai de contestation de l'autorisation tacite d'exploiter a été prorogé par la demande de communication des motifs de cette décision faite le 3 février 2021 à la direction départementale des territoires et des populations de la Seine-Maritime. Toutefois, et alors même que la SCEA Soclanb n'était pas le demandeur intéressé et qu'il ne s'agissait pas d'une décision implicite de rejet, le délai de recours étant arrivé à expiration le 26 novembre 2020, la demande de communication des motifs formulée le 3 février 2021 n'a pas, en tout état de cause, pu avoir pour effet de proroger ce délai. 8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'intérêt à agir de la SCEA Soclanb, la demande présentée par cette dernière au tribunal était tardive et cette société n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la quatrième chambre du tribunal administratif de Rouen l'a rejetée pour irrecevabilité manifeste. Sur les conclusions de M. D... relatives à l'amende pour recours abusif : 9. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. D... tendant à la condamnation de la société requérante à lui verser une amende à ce titre pour recours abusif sont irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. D... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCEA Soclanb le paiement d'une somme de 2 000 euros à verser à M. D... au titre de cet article. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SCEA Soclanb est rejetée. Article 2 : La SCEA Soclanb versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. D... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Soclanb, à M. B... D... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie en sera transmise au préfet de la Normandie, préfet de la Seine-Maritime. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre, Signé : T. SorinLa greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA02059
CETATEXT000048439322
J7_L_2023_11_00022DA02609
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA02609, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA02609
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA
M. Marc Baronnet
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2202244 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée les 20 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Emmanuelle Pereira, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour dans un délai d'un mois ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - il devait être tenu compte de l'ancienneté et des conditions de séjour de Mme A..., qui réside en France depuis sept ans, en situation régulière depuis 2019 ; ses quatre enfants sont nés en France, et les liens de son fils né en 2016 avec celui qui n'est plus officiellement son père doivent être maintenus ; - l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; son fils né en 2016 présente des troubles du spectre autistique, et a besoin d'une prise en charge et d'adaptations de scolarité inexistantes au Nigeria. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2023, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale des droits de l'enfant ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante nigériane, née le 16 juillet 1990, entrée en France le 4 septembre 2015 selon ses déclarations, a sollicité le 2 novembre 2021 la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er juin 2022 dont l'intéressée demande l'annulation, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer le titre, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté. 2. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 3. En l'espèce, un bilan psychologique réalisé en février et décembre 2021 évoque la possibilité d'un trouble du spectre autistique du fils de Mme A... né le 10 décembre 2016, et un certificat médical du 23 juin 2022, postérieur à l'arrêté en litige, indique que l'enfant présente des troubles du spectre autistique, et la nécessité de la présence de sa mère auprès de lui. Toutefois, si Mme A..., qui n'avait au demeurant pas fait état d'éléments relatifs à l'état médical de son fils dans sa demande de titre, soutient que l'état de santé de celui-ci nécessite une prise en charge médicale, ni les conséquences d'une exceptionnelle gravité que pourrait avoir pour lui un défaut de prise en charge, ni l'impossibilité pour lui de bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Nigéria ne ressortent des pièces du dossier. Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Oise aurait méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 4. En second lieu, Mme A... a bénéficié de titres de séjour entre 2019 et 2021 au motif qu'elle était mère d'un enfant français. Il n'est pas contesté que l'enfant n'ayant pas acquis la nationalité française par filiation, la filiation de celui-ci avec un ressortissant français ayant été remise en cause en 2019 et écartée en 2021, sa mère ne peut bénéficier d'un titre de séjour pour ce motif. Mme A... fait cependant valoir l'ancienneté de son séjour en France, où elle a eu un enfant né en 2016, un enfant né en 2020 et des jumeaux nés en 2022, et les troubles du spectre autistique de son fils aîné ainsi que le souhait de maintenir le lien avec le ressortissant français dont le lien de filiation avec lui a été écarté. Toutefois, Mme A..., célibataire, ne justifie ni être démunie d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, ni d'une particulière insertion dans la société française, étant hébergée en foyer, sans emploi et sans ressources, ni encore l'existence d'un obstacle à la poursuite de sa vie privée et familiale au Nigéria, le cas échéant avec le père de ses trois derniers enfants, lui-même ressortissant nigérian en situation irrégulière. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme A..., la préfète de l'Oise ne peut être regardée comme ayant entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée. 5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Emmanuelle Pereira. Copie sera adressée à la préfète de l'Oise. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. BaronnetLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA02609
CETATEXT000048439323
J7_L_2023_11_00023DA00170
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439323.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00170, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00170
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
QUEVREMONT
M. Marc Baronnet
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2202735 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) et de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen. Il soutient que : - il n'a pas méconnu les dispositions de l'article 47 du code civil et de l'article L. 453-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'analyse des services de la police aux frontières suffit à faire perdre le caractère authentique des documents justifiant de l'identité de M. A..., auquel il appartenait d'apporter des éléments suffisamment probants pour contredire cette analyse ; M. A... n'a apporté aucune autre preuve que les documents contestés ; - il n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ; - il se réfère par ailleurs à son mémoire en défense de première instance. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Blandine Quèvremont, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser au conseil de M. A.... Il soutient que : - la requête d'appel est irrecevable, le préfet ne développant pas de moyens d'appel et se bornant à reprendre ses arguments de première instance ; - subsidiairement : quant à la valeur probante des documents d'état civil, le juge forme sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier ; - il s'en rapporte également à ses écritures de première instance. M. A... a été admis au bénéfice du maintien de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code civil ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 14 février 2002 en République de Guinée, pays dont il est ressortissant, est entré en France en octobre 2018 et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Par l'arrêté du 11 avril 2022 en litige, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande de délivrance d'une carte de séjour au titre de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de son renvoi. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A... : 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicables à l'introduction de l'instance d'appel en vertu des dispositions de l'article R. 811-13 du même code : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". 3. Il ressort des pièces du dossier que la requête d'appel du préfet de la Seine-Maritime ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement l'exposé des faits et moyens figurants dans sa demande de première instance, mais en diffère par une discussion critique des deux moyens retenus par les premiers juges. Sa requête, qui satisfait aux exigences de l'article R. 411-1 précité, est ainsi recevable. Sur le bien-fondé du jugement : 4. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil ; / 2° Les documents justifiant de sa nationalité (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité (...) ". 5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée. 6. Les dispositions de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration, si elle entend renverser cette présomption, d'apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en cause. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre état afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. 7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports des 16 août, 16 septembre et 17 septembre 2021 que les services de la cellule de la fraude documentaire de la direction centrale de la police aux frontières ont émis des avis défavorables concernant l'authenticité, respectivement, du jugement supplétif du 10 janvier 2020 tenant lieu d'acte de naissance, transcrit le 20 janvier 2020 dans le registre de l'état-civil de Boké (Guinée), de la carte nationale d'identité guinéenne datée du 25 février 2020 et de l'extrait du registre d'état-civil du 20 janvier 2020. La carte nationale d'identité guinéenne datée du 25 février 2020 comporte effectivement de nombreux défauts, tels qu'un fond d'impression non conforme, l'absence d'embossage du monogramme RG de la République de Guinée, et l'absence des marques de sécurité fluorescentes, et ne peut donc être regardée comme authentique. Cependant, l'absence partielle de lisibilité du timbre sec, la double empreinte du tampon du chef du greffe, et un point sur une lettre de ce tampon ne sont en l'espèce pas suffisants pour faire regarder le jugement supplétif comme falsifié. De même, l'absence partielle de lisibilité du timbre sec et le défaut d'alignement allégué des mentions pré-imprimées de l'extrait d'acte d'état-civil, qui n'est pas manifeste, ne sont en l'espèce pas suffisants pour faire regarder ce document comme falsifié. En outre, M. A... a produit en première instance, en sus de ces documents, deux attestations d'authentification émanant l'une de la commune de Boké, qui confirme le 9 mai 2022 la transcription le 20 janvier 2020 du jugement supplétif du 10 janvier 2020, et l'autre du commissariat central de police de Boké, qui confirme le 6 mai 2022 que l'intéressé est connu des bases d'identification de police. Il produit en appel la copie d'un passeport guinéen délivré le 24 juillet 2023. Dans ces conditions, en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige, M. A... doit être regardé comme justifiant de son identité et de sa date de naissance le 14 février 2002, et donc de son âge. Par suite, comme l'avaient décidé à bon droit les premiers juges, M. A... était fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les dispositions de l'article 47 du code civil et de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement, la circonstance qu'il ne pourrait pas être regardé comme ayant été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans. 8. En second lieu, M. A... justifie par la production d'un contrat d'apprentissage conclu en décembre 2019 avec la société Fluiconnecto qu'il suivait depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il justifie par la production de ses bulletins de paie, de certificats de scolarité, de bulletins de notes, d'une attestation de fin de formation du 26 juin 2020, d'un titre professionnel d'agent magasinier du 9 juillet 2020 et d'une promesse d'embauche de la société Fluiconnecto du 12 août 2020 à la fois du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, et par plusieurs attestations de mai 2020 de l'avis favorable des membres de la structure d'accueil quant à son intégration professionnelle et sociale. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant dispose d'attaches particulières avec des membres de sa famille restés en Guinée. M. A... était donc, dans ces conditions, fondé à soutenir qu'en ayant refusé de régulariser sa situation en application des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme l'avaient décidé à bon droit les premiers juges, l'autorité administrative avait entaché son appréciation de sa situation d'une erreur manifeste. 9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 11 avril 2022, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État, partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme de 1 000 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Quèvremont, avocate de M. A... admis à l'aide juridictionnelle totale, renonce à la part contributive de l'État. DÉCIDE : Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée. Article 2 : L'État versera à Me Blandine Quèvremont, avocate de M. A..., une somme de 1 000 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Blandine Quèvremont. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. Baronnet Le président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00170
CETATEXT000048439324
J7_L_2023_11_00023DA00207
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00207, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00207
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
NOUVIAN
M. Marc Baronnet
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2203469 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 4 février 2023, M. A..., représenté par Me Caroline Nouvian, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) subsidiairement, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire méconnaissent les dispositions des articles L. 425-9 et L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine ; - la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2023, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par courrier enregistré le 12 février 2023, M. A... a, en application de la décision du Conseil d'État du 28 juillet 2022 n° 441481, confirmé sa volonté de lever le secret médical. Le dossier médical de M. A... a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 15 février 2023 et l'OFII a présenté des observations le 12 mai 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant camerounais né le 21 janvier 1975, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 15 juin 2018. Le 30 décembre 2021, il a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 septembre 2022, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté. Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. 4. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé, par son avis du 19 août 2022, que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. 5. Il est constant que l'état de santé de M. A..., qui souffre d'un cancer de la prostate, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, si M. A... a produit à l'instance des certificats médicaux des 24 mai 2022, 28 juin 2022 et 26 juillet 2022 émanant de l'hôpital Foch de Suresnes relatifs au stade d'évolution de ce cancer, il ressort des pièces du dossier, et notamment des observations de l'OFII, qui ne sont pas utilement contestées, que la tumeur dont est affecté M. A... nécessite seulement une prise en charge en urologie et en oncologie afin d'être surveillée, et que ce type de prise en charge est possible au Cameroun, en particulier à l'hôpital général de Yaoundé, établissement public, comme l'indique la base de données MedCoi (Medical Country of Origin Information). Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Oise aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté. 6. En second lieu, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour en France de M. A..., qui est célibataire, sans enfant et sans activité professionnelle, et qui n'établit ni avoir des attaches personnelles et familiales en France, ni être dépourvu de telles attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour sur sa situation personnelle. Sur l'obligation de quitter le territoire français : 7. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". 8. Comme il a été dit aux points 4 et 5, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que la préfète de l'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. A.... Sur la décision fixant le pays de renvoi : 10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". 11. M. A..., dont l'état de santé, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne justifie pas le maintien sur le territoire français, n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles il serait susceptible d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Guinée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 12. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que la préfète de l'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision fixant le pays de destination, sur la situation personnelle de l'intéressé. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Caroline Nouvian. Copie sera adressée à la préfète de l'Oise. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. BaronnetLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00207
CETATEXT000048439325
J7_L_2023_11_00023DA00366
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00366, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00366
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
CALONNE
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2106376 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, Mme A... B..., représentée par Me Marie-Hélène Calonne, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, d'annuler cet arrêté ou, à titre subsidiaire, de l'abroger ; 3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à verser à Me Calonne au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de renouveler le titre de séjour qu'elle détenait et en lui faisant obligation de quitter le territoire français ; - la décision de refus de séjour étant illégale, l'obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination sont privées de base légale ; - le préfet a commis une erreur d'appréciation en lui faisant interdiction de retour ; - l'arrêté doit être abrogé compte tenu de la guerre en Ukraine. Le préfet du Nord n'a pas produit de mémoire en dépit d'une mise en demeure qui lui a été faite le 5 juin 2023. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 février 2023. Par ordonnance du 29 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2023. Les parties ont été informées le 17 octobre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de la requête en raison des conséquences de la décision du 17 février 2023 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire à Mme B... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., ressortissante ukrainienne née le 18 juillet 1970, est entrée en France pour la dernière fois le 31 mars 2019, munie de son passeport revêtu d'un visa de long séjour en cours de validité. Elle a ensuite obtenu la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjointe d'un ressortissant français, valable du 9 juin 2020 au 8 juin 2021. Le 19 avril 2021, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté en date du 7 juillet 2021, le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur l'étendue du litige : 2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : / (...) 3° S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. ". Aux termes de l'article L. 424-9 du même code : " L'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " bénéficiaire de la protection subsidiaire " d'une durée maximale de quatre ans. / (...) ". 3. Il ressort des pièces du dossier que, par décision du 17 février 2023, transmise à la cour postérieurement à l'introduction de la requête, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a admis Mme B... au bénéfice de la protection subsidiaire au titre des dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors que le bénéficiaire d'une telle protection se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle, l'arrêté attaqué du 7 juillet 2021, qui n'a reçu aucune exécution, par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an doit être regardé comme étant nécessairement abrogé. 4. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2021 et celles tendant à ce que la cour enjoigne à l'administration de délivrer un titre de séjour ou de réexaminer la situation de Mme B.... Sur les frais de l'instance : 5. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Calonne, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Calonne de la somme de 1 000 euros. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de Mme B.... Article 2 : L'État versera à Me Calonne une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord et à Me Marie-Hélène Calonne. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. Vandenberghe Le président de chambre Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00366
CETATEXT000048439326
J7_L_2023_11_00023DA00376
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00376
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00376
2ème chambre
excès de pouvoir
C+
M. Sorin
M. Guillaume Toutias
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de faire cesser les mesures de surveillance adoptées à son encontre et de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 2210139 du 6 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté attaqué en tant que la durée d'assignation à résidence qu'il prononce à l'encontre de M. C... excède la date du 2 janvier 2023, a mis à la charge de l'Etat le paiement au conseil de l'intéressé d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 28 février 2023, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour d'annuler ce jugement en toutes ses dispositions et de rejeter la demande présentée en première instance par M. C.... Il soutient que : - contrairement à ce que retient le jugement attaqué, M. C... cumulait seulement 87 jours d'assignation à résidence à la date du 2 janvier 2023 et la durée maximale de 90 jours n'était donc, à cette date, pas atteinte ; - le jugement attaqué a commis une erreur de droit en requalifiant la décision attaquée du 29 décembre 2022 comme un second renouvellement de l'assignation à résidence prononcée le 30 septembre 2022 alors que les dispositions de l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient qu'une assignation à résidence n'est renouvelable qu'une seule fois ; - les précédentes décisions d'assignation à résidence prononcées les 30 septembre 2022 et 18 novembre 2022 ont été abrogées par les placements en rétention administrative de M. C... décidés les 17 novembre 2022 et 27 décembre 2022 ; aucune disposition ne s'oppose à ce que le préfet recourt, pour une même obligation de quitter le territoire français de moins d'un an, à plusieurs périodes d'assignation à résidence continue de 90 jours maximum ; l'assignation à résidence prononcée le 29 décembre 2022 doit donc être regardée comme une nouvelle période initiale de 45 jours ; - il s'ensuit que c'est à tort que le jugement attaqué a retenu que la période maximale de 90 jours d'assignation à résidence prévue par l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été dépassée et qu'il a, pour ce motif, annulé l'arrêté attaqué. La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire en défense, malgré une mise en demeure adressée le 6 juin 2023. Par une ordonnance en date du 4 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ; - l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif aux échanges de jeunes professionnels, signé à Tunis le 4 décembre 2003 ; - l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie, et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né le 27 juillet 1990, de nationalité tunisienne, a fait l'objet, par deux arrêtés du 30 septembre 2022 du préfet du Pas-de-Calais, d'une part, d'une obligation de quitter sans délai le territoire français et, d'autre part, d'une première assignation à résidence d'une durée de 45 jours renouvelable une fois dans la même limite de durée. Il a fait l'objet d'un placement en centre de rétention administrative le 16 novembre 2022, lequel a été levé le 18 novembre 2022 par ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant d'accorder la prolongation de la rétention. Par un arrêté du 18 novembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais a alors décidé une deuxième assignation à résidence d'une durée de 45 jours renouvelable une fois dans la même limite de durée. M. C... a été de nouveau placé en centre de rétention administrative le 27 décembre 2022. Le lendemain, il a refusé d'embarquer sur le vol réservé par l'autorité administrative pour assurer l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. Le 29 décembre 2022, il a été présenté devant le juge des libertés et de la détention qui a refusé d'autoriser la prolongation de sa rétention. Par un arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a décidé une troisième assignation à résidence d'une durée de 45 jours renouvelable une fois dans la même limite de durée. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 6 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, saisi par M. C..., a annulé cette décision en tant que sa durée excède la date du 2 janvier 2023. Sur le moyen retenu par le premier juge : 2. L'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que l'autorité administrative peut assigner à résidence un étranger s'il fait l'objet d'une des huit mesures d'éloignement qu'il énumère, s'il ne peut quitter immédiatement le territoire français et si son éloignement demeure une perspective raisonnable. Il en va ainsi notamment lorsque : " l'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ". En outre, l'article L. 742-10 du même code dispose que : " Lorsqu'il est mis fin à la rétention pour une raison autre que l'annulation, l'abrogation ou le retrait de la décision d'éloignement, d'interdiction administrative du territoire ou de transfert, (...) l'étranger peut alors être assigné à résidence en application de l'article L. 731-1. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée ". 3. Les dispositions précitées de l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se bornent à limiter à un maximum de 90 jours la durée ininterrompue d'assignation à résidence à laquelle l'autorité administrative peut recourir en vue d'assurer l'exécution d'une des mesures d'éloignement mentionnées à l'article L. 731-1 du même code. Elles n'ont, en revanche, ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'autorité administrative de recourir, en vue de l'exécution d'une même mesure d'éloignement prononcée à l'encontre d'un même étranger, à plusieurs périodes d'assignation à résidence d'une durée maximale de 90 jours, pourvu que ces périodes ne se suivent pas immédiatement. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 742-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rendent en tout état de cause applicables les dispositions de l'article L. 731-1 du même code à l'issue d'une rétention à laquelle il a été mis fin pour une raison autre que l'annulation, l'abrogation ou le retrait de la mesure d'éloignement dont l'exécution était recherchée. Cette assignation à résidence se voit alors appliquer la limite de durée mentionnée à l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'il y ait lieu, le cas échéant, de déduire la durée de l'assignation à résidence dont l'étranger aurait déjà fait l'objet avant son placement en rétention et à laquelle ce dernier a définitivement mis un terme. 4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision d'assignation à résidence attaquée a été prononcée le 29 décembre 2022 immédiatement après que le placement en rétention administrative de M. C... a été interrompu par l'effet d'une ordonnance du même jour du juge des libertés et de la détention. En vertu des principes rappelées au point précédent, l'assignation à résidence ainsi décidée se voyait appliquer la limite de durée de 45 jours renouvelable une fois dans la même limite, prévue à l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'il y ait lieu de déduire la durée des assignations à résidence prononcées antérieurement à l'encontre de M. C... et auxquelles ses placements en rétention administrative avaient définitivement mis un terme. Il s'ensuit que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu que l'assignation à résidence attaquée devait être regardée comme le renouvellement des assignations à résidence antérieurement prononcées à l'encontre de M. C... à compter du 30 septembre 2022 et qu'elle était entachée d'illégalité pour excéder, à compter du 2 janvier 2023, la limite de durée prévue à l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, par suite, qu'il l'a annulée dans cette mesure. 5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour. Sur les autres moyens : 6. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-10-84 du 10 août 2022, le préfet du Pas-de-Calais a donné à M. B... D..., attaché principal d'administration de l'Etat, chef du bureau de l'éloignement, adjoint au directeur, et en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier à Mme Claire Duquesnoy, secrétaire administrative de classe exceptionnelle, ajointe au chef du bureau de l'éloignement, cheffe de la section gestion ESI et statistiques, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer notamment : " les décisions d'assignation à résidence ". Si le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties, la cour peut toutefois en l'espèce se fonder régulièrement sur l'arrêté précité du 10 août 2022, bien qu'il n'ait ni été produit par le préfet, ni été communiqué aux parties, dès lors qu'il s'agit d'un acte réglementaire et régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais le 10 août 2022 et, par suite, librement consultable sur son site internet. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait. 7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais, avant de prononcer la décision d'assignation à résidence attaquée, a mis M. C... à même de formuler ses observations sur la mesure qu'il envisageait de prendre à son encontre. M. C... ne précise pas en quoi il aurait été empêché, à cette occasion, de porter utilement à la connaissance de l'administration les informations pertinentes tenant à sa situation personnelle. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu doit être écarté. 8. En troisième lieu, la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet du Pas-de-Calais pour assigner M. C... à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable une fois et pour déterminer les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation. En particulier, il rappelle qu'une obligation de quitter sans délai le territoire français est prononcée à l'encontre de l'intéressé par un arrêté du 30 septembre 2022, qu'il dispose en outre de l'original de son passeport et qu'un vol a été sollicité afin de mettre la mesure d'éloignement à exécution. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et procèderait d'un défaut d'examen doivent être écartés. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 732-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis aux étrangers assignés à résidence en application de l'article L. 731-1 une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. / (...) ". Aux termes de l'article R. 732-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 731-1, est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou aux unités de gendarmerie. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que la remise du formulaire doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie. S'agissant d'une formalité postérieure à l'édiction de la décision d'assignation à résidence, l'absence de remise du formulaire est donc sans incidence sur la légalité de cette décision. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'information doit être écarté comme inopérant. 10. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, le préfet du Pas-de-Calais a prononcé à l'encontre de M. C... une obligation de quitter le territoire français pour laquelle il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire par un arrêté du 30 septembre 2022, soit moins d'un an avant la décision d'assignation à résidence attaquée. Il ressort des pièces du dossier que cette obligation de quitter sans délai le territoire français a été notifiée à M. C... par la voie administrative le jour même de son prononcé et qu'elle a été confirmée par un jugement n° 2207477 du 27 octobre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais ne justifierait pas de l'existence d'une mesure d'éloignement prise depuis moins d'un an à l'encontre de M. C... et ayant un caractère exécutoire à la date de la décision d'assignation à résidence attaquée et qu'il aurait ce faisant méconnu les conditions des articles L. 731-1 et L. 733-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 11. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En outre, si une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent et ne sauraient, sous le contrôle du juge administratif, porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir. 12. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., par le passé, s'est maintenu sur le territoire au-delà de la date de validité de son visa et qu'il s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par un arrêté du 3 septembre 2020 du préfet de l'Yonne. En outre, il a fait échec à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dernièrement prise à son encontre par le préfet du Pas-de-Calais le 30 septembre 2022 en refusant d'embarquer sur le vol qui avait été réservé par l'administration le 28 décembre 2022. Enfin, M. C..., qui est célibataire et sans charge de famille sur le territoire et qui n'occupe un emploi stable dans le domaine de la restauration rapide que depuis 2021, n'établit pas que sa situation privée et familiale ou que ses activités professionnelles, qu'il exerce au demeurant en toute illégalité, ne puissent être rendues compatibles avec l'assignation à résidence qui lui est faite et les modalités de contrôle qui l'accompagnent, lesquelles se bornent à l'astreindre à demeurer à son domicile tous les jours entre 6h00 et 9h00 et à l'inviter à se présenter au commissariat de police de Lens, ville dans laquelle il réside, les mardi, jeudi et vendredi entre 10h00 et 11h00. Dans ces conditions, l'assignation à résidence prononcée à l'encontre de M. C... et les modalités de contrôle qui l'assortissent ne peuvent pas être regardées, par rapport à l'objectif qu'elles poursuivent d'assurer la bonne exécution de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre et de prévenir le risque qu'il ne s'y soustrait une nouvelle fois, comme étant injustifiées ou emportant des conséquences disproportionnées. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet du Pas-de-Calais aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur d'appréciation en les prononçant doivent être écartés. 13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté d'assignation à résidence du 29 décembre 2023 en tant que sa durée excède la date du 2 janvier 2023 et, par voie de conséquence, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il convient donc de prononcer l'annulation de ce jugement et de rejeter l'ensemble des conclusions de la demande de M. C... présentée en première instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2210139 du 6 février 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée en toutes ses conclusions. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... C.... Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00376
CETATEXT000048439327
J7_L_2023_11_00023DA00392
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00392, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00392
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
TRAORE
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2203591 du 2 février 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 mars, 17 mars et 20 octobre 2023, M. C... A... B..., représenté par la société d'avocats ITRA Consulting, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2022 ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros à verser à la société ITRA Consulting au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - il remplit les conditions posées par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté attaquée est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 2 du premier protocole additionnel à ladite convention relatif au droit à l'instruction ; - la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour étant illégale, l'obligation de quitter le territoire français et la décision octroyant un délai de départ volontaire de trente jours sont privées de base légale ; - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant à son encontre une mesure d'éloignement dès lors qu'il peut bénéficier d'une régularisation de sa situation. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, la préfète de l'Oise demande à la cour de rejeter la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A... B..., ressortissant tunisien né le 2 juin 2004, est entré en France le 29 août 2020 en étant dépourvu de visa. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 2 septembre 2020 et placé sous tutelle d'Etat par une ordonnance du juge des tutelles des mineurs du 24 septembre 2020. Le 11 avril 2022, M. A... B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 12 octobre 2022, la préfète de l'Oise a refusé de faire droit à sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des mentions du jugement du 2 février 2023 que les premiers juges ont suffisamment motivé l'examen des moyens soulevés par M. A... B.... Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté serait irrégulier. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". 4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 devenu l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée. 5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B..., inscrit en CAP " Production et service restaurant " au titre des années scolaires 2020-2021 et 2021-2022, n'a pas obtenu le diplôme qui sanctionne cette formation au cours de laquelle il a manqué d'assiduité et ne fréquente quasiment aucun cours, comme le précisent les enseignants sur ses bulletins des années concernées. Dès lors, M. A... B... ne peut pas être regardé comme suivant sérieusement une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'appelant, entré en France en août 2020, n'est pas dépourvu de liens avec sa famille restée en Tunisie. Dans ces conditions, la préfète de l'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur la demande de l'intéressé. 6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 2 du premier protocole additionnel à cette convention : " Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ". 7. M. A... B..., entré irrégulièrement en France au cours du mois d'août 2020, soit depuis deux années à la date de l'arrêté attaqué, est célibataire sans enfant et, comme il vient d'être dit, n'est pas dépourvu de liens avec sa famille restée en Tunisie. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Au surplus, la décision en litige, qui n'a pas pour effet de le priver de la possibilité de poursuivre sa formation dans son pays d'origine, ne porte pas une atteinte caractérisée à son droit à l'instruction, alors au demeurant que l'intéressé, qui est désormais majeur, s'est vu offrir les moyens d'acquérir en France une formation scolaire et professionnelle qu'il n'a pas suivie avec discipline et assiduité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. 8. En troisième lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'étant pas fondés, le moyen excipant de son illégalité à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et octroyant à M. A... B... un délai de départ volontaire de trente jours doit être écarté. 9. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été précédemment exposé, la mesure d'éloignement en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... B.... 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2022. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête présentée par M. A... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie sera adressée à la préfète de l'Oise. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00392
CETATEXT000048439328
J7_L_2023_11_00023DA00409
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439328.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00409, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00409
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
NJIFOUTAHOUO-WOUOCHAWOUO
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2022 par lequel le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2208124 du 10 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Abubekr Njifoutahouo-Wouochawouo, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'enjoindre à l'autorité administrative de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il n'avait pas demandé le renouvellement du titre de séjour qu'il détenait. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2023, le préfet de police de Paris demande à la cour de rejeter la requête. Il fait valoir que le moyen soulevé par l'appelant n'est pas fondé. Par ordonnance du 7 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 août 2023. Un mémoire a été enregistré le 26 octobre 2023 pour M. B..., après la clôture de l'instruction. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, - et les observations de Me Abubekr Njifoutahouo-Wouochawouo, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant togolais né le 8 mai 1996, est entré régulièrement en France le 28 novembre 2016 dans le but de suivre des études, muni d'un visa de long séjour valable du 23 novembre 2016 au 23 novembre 2017. Son titre de séjour a été renouvelé jusqu'au 23 novembre 2019. Interpelé le 10 octobre 2022 à l'aéroport de Roissy Charles De Gaulle, il a fait l'objet d'un arrêté du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Il relève appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2 du même code : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : / (...) 4° Soit dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire. " 3. Pour obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet de police a constaté qu'il n'avait pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour dans les délais prévus par les articles cités au point 2, devenus les articles R. 431-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, et qu'il s'était maintenu sur le territoire à l'expiration de ce titre. Si l'appelant soutient qu'il a formé une demande de renouvellement du titre de séjour qu'il détenait par courriels des 26 novembre 2019 et 23 juin 2021 et que son employeur aurait présenté une demande de titre de séjour portant la mention " salarié ", il n'établit pas que ces demandes auraient été effectivement reçues au sein des services de la préfecture du Nord. En outre, son titre de séjour expirant le 23 novembre 2019, M. B... aurait dû, en toute hypothèse, accomplir ces démarches dans le courant des deux derniers mois précédant cette date. Par ailleurs, après la fin de la validité de sa carte de séjour temporaire, il était tenu de solliciter une nouvelle demande de délivrance d'un titre de séjour en se présentant à la préfecture, conformément aux dispositions citées au point 2, sans que le requérant puisse utilement déplorer d'éventuelles mesures de dématérialisation mises en place au cours de la crise sanitaire qui n'étaient pas entrée en vigueur à la date d'expiration de son titre de séjour. Par suite, l'unique moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. 4. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2022. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police de Paris. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00409
CETATEXT000048439329
J7_L_2023_11_00023DA00448
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439329.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00448, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00448
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
MEZINE
M. Guillaume Toutias
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions du 30 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence. Par un jugement n° 2207477 du 27 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. B.... Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 9 mars 2023, M. B..., représenté par Me Nafa Mezine, doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les décisions du 30 septembre 2022 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et assignation à résidence ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire est entachée d'un vice de procédure pour avoir été prise sans qu'il soit préalablement mis à même de faire valoir ses observations et en méconnaissance de son droit d'être entendu ; - elle est insuffisamment motivée et procède d'un défaut d'examen dès lors qu'elle ne procède pas à l'examen de sa situation privée et familiale sur le territoire ; - elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de sa durée de présence en France, de son insertion professionnelle et des liens qu'il a noués sur le territoire ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de son incidence sur sa situation professionnelle ; - la décision de l'assigner à résidence et les mesures de surveillance qu'elle prévoit sont insuffisamment motivées et procèdent d'un défaut d'examen ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation ne remplit pas les conditions fixées à l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'était ni justifié ni proportionné de l'assigner à résidence alors qu'il dispose d'un domicile et d'un travail fixes. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête est irrecevable pour ne pas comporter de critique utile des motifs du jugement attaqué ainsi que de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une ordonnance en date du 4 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2023 à 12 heures. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ; - l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif aux échanges de jeunes professionnels, signé à Tunis le 4 décembre 2003 ; - l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie, et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., né le 27 juillet 1990, de nationalité tunisienne, est entré en France le 14 octobre 2018 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " jeune professionnel ", délivré par les autorités consulaires françaises à Tunis le 2 octobre 2018, valable à compter de cette même date jusqu'au 1er septembre 2019. Le préfet de l'Yonne a opposé un refus implicite à sa demande de prolonger son séjour en qualité de " jeune professionnel " déposée le 30 juillet 2019. Par un arrêté du 3 septembre 2020, le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " salarié " qu'il lui a ensuite demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 17 novembre 2021, M. B... a sollicité auprès du préfet du Pas-de-Calais la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 30 septembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un second arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a en outre prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable une fois. M. B... relève appel du jugement du 27 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, après avoir renvoyé à la formation collégiale ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, a rejeté le surplus des conclusions tendant à l'annulation des autres décisions prononcées à son encontre. Sur la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français : 2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ". 3. En premier lieu, l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet du Pas-de-Calais pour obliger M. B... à quitter sans délai le territoire français. En particulier, contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté, après avoir rappelé ses conditions d'entrée et de séjour en France, procède à l'examen non seulement de la situation professionnelle dont il a fait état à l'appui de sa demande de titre de séjour mais aussi de ses liens privés et familiaux en France, en soulignant notamment qu'il est célibataire et sans enfant sur le territoire, qu'il ne justifie pas des liens qu'il aurait conservés avec son père et ses cousins présents en France et qu'il n'établit pas ne pas pouvoir se réinsérer dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où il n'est pas isolé. Il résulte également des termes de l'arrêté attaqué que le refus de délai de départ volontaire est fondé sur la circonstance tirée de ce que M. B... s'est, par le passé, soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par le préfet de l'Yonne le 3 septembre 2020. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté. 4. En deuxième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. 5. En l'espèce, M. B..., qui se borne à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, ne précise pas en quoi il aurait été empêché de porter utilement à la connaissance de l'administration les informations pertinentes tenant à sa situation personnelle avant l'adoption de la mesure d'éloignement attaquée, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais a procédé à un examen précis et détaillé de sa demande et y compris de sa situation privée et familiale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu et de faire part de ses observations écrites ou orales avant la prise de la décision. Dès lors, le moyen qu'il soulève en ce sens doit être écarté. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. B... justifie de moins de quatre années de présence en France alors qu'il a vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie, jusqu'à l'âge de 28 ans. Il est célibataire et sans charge de famille en France. S'il se prévaut de la présence de son père et de trois de ses cousins sur le territoire, il ne justifie pas des liens qu'il aurait conservés avec eux. Il ne conteste pas qu'il n'est pas isolé en Tunisie où il disposerait toujours d'au moins trois frères et quatre sœurs. Par ailleurs, s'il se prévaut de ce qu'il a toujours travaillé depuis qu'il est sur le territoire, il ressort des pièces qu'il produit pour la première fois en appel, notamment ses bulletins de salaire, qu'il ne dispose d'un travail à temps plein et de nature à lui procurer des ressources financières propres à lui assurer une autonomie matérielle que depuis l'année 2021, et qu'il occupe au demeurant dans des conditions irrégulières. Son insertion professionnelle demeure donc, à la date de l'arrêté attaqué, récente. Alors qu'il n'a jamais occupé que des postes peu qualifiés et sans spécificité particulière, il n'avance aucune considération propre à établir qu'il ne pourrait pas se réinsérer professionnellement en Tunisie. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français prise à son encontre ne peut être regardée comme emportant des conséquences disproportionnées pour sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français. Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français : 9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ". 10. Il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que, pour prononcer à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Pas-de-Calais a tenu compte, ainsi que le prescrivent les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, cette décision, qui limite de surcroît à une année l'interdiction faite à M. B..., ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en résulte que M. B... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Sur la décision d'assignation à résidence et fixant les modalités de contrôle : 11. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 732-1 du même code : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ". Aux termes de l'article L. 732-3 : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée ". Aux termes de l'article L. 733-1 : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. / Il se présente également, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage ". Aux termes de l'article L. 733-2 : " L'autorité administrative peut, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il demeure dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. / (...) ". 12. Il résulte de ces dispositions qu'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle étant divisibles de la mesure d'assignation elle-même. Par ailleurs, les obligations de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, susceptibles d'être imparties par l'autorité administrative doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent et ne sauraient, sous le contrôle du juge administratif, porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir. 13. En premier lieu, la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet du Pas-de-Calais pour assigner M. B... à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable une fois et pour déterminer les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation. En particulier, il rappelle qu'une obligation de quitter sans délai le territoire français est prononcée à l'encontre de l'intéressé par un arrêté du même jour, qu'il dispose en outre de l'original de son passeport et qu'il n'a invoqué l'existence d'aucune difficulté insurmontable qui s'opposerait à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et procèderait d'un défaut d'examen doit être écarté. 14. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... a régulièrement fait l'objet, par un arrêté du 30 septembre 2022 du préfet du Pas-de-Calais, d'une obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire n'a pas été accordé. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'existe, à la date de la décision attaquée, aucune perspective raisonnable d'éloigner M. B... vers son pays d'origine, dont il est toujours détenteur d'un passeport en cours de validité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B..., par le passé, s'est non seulement maintenu sur le territoire au-delà de la date de validité de son visa, en méconnaissant ainsi l'engagement qu'il avait pris au moment de la délivrance de ce dernier de ne pas poursuivre son séjour à l'expiration de la période autorisée ni à prendre un emploi autre que celui prévu aux termes des conditions de son entrée en France, mais aussi qu'il s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par un arrêté du 3 septembre 2020 du préfet de l'Yonne. Enfin, M. B... n'établit pas que sa situation privée et familiale, telle que rappelée au point 7, ou que ses activités professionnelles, qu'il exerce au demeurant en toute illégalité, ne puissent être rendues compatibles avec l'assignation à résidence qui lui est faite et les modalités de contrôle qui l'accompagnent, lesquelles se bornent à l'astreindre à demeurer à son domicile tous les jours entre 6h00 et 9h00 et à l'inviter à se présenter au commissariat de police de Lens, ville dans laquelle il réside, les mardi et jeudi à 10h00. Dans ces conditions, non seulement la situation de M. B... réunissait l'ensemble des conditions posées au prononcé d'une assignation à résidence mais aussi cette mesure et les modalités de contrôle qui l'assortissent ne peuvent pas être regardées, par rapport à l'objectif qu'elles poursuivent d'assurer la bonne exécution de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre et de prévenir le risque qu'il ne s'y soustrait une nouvelle fois, comme étant injustifiées ou emportant des conséquences disproportionnées. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur d'appréciation en les prononçant doit être écarté. 15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision d'assignation à résidence et des modalités de contrôle qui l'assortissent. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet du Pas-de-Calais lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'assignant à résidence dans la perspective de l'éloigner du territoire. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à l'annulation du jugement et à ce qu'il soit fait droit à ses demandes d'annuler ces décisions présentées en première instance doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le préfet du Pas-de-Calais, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Nafa Mezine. Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00448
CETATEXT000048439330
JG_L_2023_11_000000489150
CETAT
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Texte
Conseil d'État, Juge des référés, 16/11/2023, 489150, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
Conseil d'État
489150
Juge des référés
Plein contentieux
C
Vu la procédure suivante : Mme E... B... et M. F..., agissant en leur nom propre et au nom de leurs enfants mineurs, A... C... et D... C..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et au Samu social de Paris, de les prendre effectivement en charge, de manière pérenne et adaptée, en Ile-de-France, dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence, en prenant en compte la situation de santé de Mme B... et de leur enfant A... C... et d'assurer leur accompagnement social sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2324798 du 30 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction et rejeté le surplus des conclusions de la requête. Par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 30 et 31 octobre 2023 et les 13 et 14 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... et M. C... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler l'ordonnance du 30 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'enjoindre au Samu social de Paris de les prendre effectivement en charge de manière pérenne, adaptée, en Ile-de-France et de leur assurer un accompagnement social conforme aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ; 3°) d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris de les prendre effectivement en charge de manière pérenne, adaptée, en Ile-de-France et de leur assurer un accompagnement social conforme aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - le juge des référés du tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance d'irrégularité en ce que, d'une part, la note en délibéré produite le 27 octobre 2023 n'a pas été visée et, d'autre part, l'instruction n'a pas été rouverte alors que cette note en délibéré exposait une circonstance de fait, dont ils n'étaient pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pouvait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, tirée de l'impossibilité pour Mme B... de se rendre dans l'hébergement d'urgence proposé en raison de son état de santé ; - il a méconnu l'étendue de son office en disant qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur leur requête alors que, d'une part, Mme B... ne peut voyager sans risque vers l'hébergement d'urgence proposé dans les Pays de Loire, eu égard à son état de santé et que, d'autre part, cet hébergement n'est ni adapté, compte tenu des conséquences néfastes qu'aurait un changement d'école pour la santé psychique de son fils et pour sa construction en tant qu'enfant, ni pérenne, dès lors qu'ils ne seront hébergés par le " SAS " de Beaucouzé que pendant une durée de trois semaines, à l'issue de laquelle leur prise en charge sera subordonnée à la régularité de leur séjour ; - la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'ils sont dépourvus de logement avec leurs deux enfants mineurs et sans ressources financières en dépit d'appels quotidiens au 115 ; - il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ; - la carence caractérisée de l'Etat dans l'accomplissement de sa mission d'hébergement d'urgence des personnes sans abri en situation de détresse porte atteinte à leur droit à l'hébergement d'urgence, à l'intérêt supérieur de leurs enfants, au principe de dignité de la personne humaine et à leur droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants. Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 et 13 novembre 2023, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B... et M. C... et d'autre part, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 9 novembre 2023, à 10 heures 30 : - le représentant de Mme B... ; - Mme B... ; - les représentants de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ; à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 13 novembre 2023 à 17 heures, puis au 14 novembre 2023 à 17 heures ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, et notamment son Préambule ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'action sociale et des familles ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ". 2. Mme E... B... et M. G... C..., en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs, A... C... et D... C..., ont saisi le 27 octobre 2023 le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris et au Samu social de Paris, de leur attribuer un hébergement d'urgence. Par une ordonnance n° 2324798 du 30 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur leur demande. 3. En premier lieu, les dispositions de l'article R. 742-2, seules applicables aux mentions que doivent comporter les ordonnances de référé en ce qui concerne les productions des parties, ne prescrivent pas au juge des référés de viser celles de ces productions qui interviennent après la clôture de l'instruction. Dès lors, l'absence de visa de la note en délibéré produite par les requérants après la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience publique n'entache pas l'ordonnance attaquée d'irrégularité. 4. En second lieu, l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse (...) ". L'article L. 345-2-2 du même code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) ". Aux termes de son article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ". 5. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 3, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée. 6. Il résulte de l'instruction que Mme B... et M. C..., ressortissants ivoiriens, indiquent être arrivés en France en mars 2023 avec leur fils A... C..., alors âgé de trois ans. Après avoir été enregistrés comme demandeurs d'asile en juin 2023, ils ont refusé l'orientation vers une région de résidence qui avait été déterminée pour eux par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'ont pas introduit de demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Ils ont bénéficié d'un hébergement d'urgence du 12 au 25 juillet 2023 puis, de façon continue à l'exception de deux nuits, du 28 juillet au 20 octobre, date à laquelle Mme C... a été admise à la maternité, où elle a donné naissance à une fille, D... H... C.... A sa sortie de la maternité, la famille a été hébergée du 27 au 30 octobre dans un hôtel situé à Garges-lès-Gonesse, puis s'est vu proposer un hébergement à Paris du 30 au 31 octobre et, à compter de cette date, au " SAS Pays-de-la-Loire ", à Beaucouzé, vers lequel son transport devait être assuré par autocar. Les requérants ont refusé cette proposition. La délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, qui maintient cette proposition, a indiqué que cette structure d'accueil assurerait leur hébergement temporaire pendant une période de trois semaines, à l'issue de laquelle elle s'est engagée à ce qu'une orientation leur soit proposée, selon leur situation administrative, soit vers le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile, soit vers le dispositif général d'hébergement d'urgence. Cette structure a également pour mission d'organiser la scolarisation des enfants et un éventuel suivi médical. Si les requérants présentent en appel un certificat médical daté du 30 octobre 2023 indiquant que l'état de santé de Mme C..., en raison de douleurs liées à son accouchement récent, ne permet pas un déplacement de longue durée, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de la présente ordonnance, un voyage en autocar d'environ trois heures lui serait contre-indiqué. La production d'un certificat d'une pédopsychiatre selon lequel un éloignement de Paris entraînerait une rupture des liens sociaux préjudiciable à l'équilibre psychique de leur fils A..., scolarisé à Paris depuis juin 2023, ne saurait suffire à établir que la prise en charge de la famille au titre de l'hébergement d'urgence ne pourrait être assurée à proximité d'Angers dans des conditions qui sont de nature à répondre à l'état de détresse qu'elle rencontre actuellement. Dans ces conditions, et eu égard aux capacités limitées d'hébergement à Paris et en région Ile-de-France, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a relevé que leurs conclusions tendant à ce que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin d'enjoindre à l'Etat de leur procurer, à bref délai, un hébergement d'urgence et un accompagnement social, étaient devenues sans objet et qu'il n'y avait plus lieu d'y statuer. 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de Mme B... et M. C... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme E... B... et M. F... ainsi qu'à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement. Fait à Paris, le 16 novembre 2023 Signé : Jean-Yves Ollier
CETATEXT000048439331
JG_L_2023_11_000000489228
CETAT
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Texte
Conseil d'État, Juge des référés, 15/11/2023, 489228, Inédit au recueil Lebon
2023-11-15 00:00:00
Conseil d'État
489228
Juge des référés
Plein contentieux
C
SCP FOUSSARD, FROGER
Vu la procédure suivante : M. C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de A..., statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, d'enjoindre à la Ville de A... de procéder à son hébergement dans une structure adaptée à son âge et à son état psychique et de prendre en charge ses besoins alimentaires et sanitaires quotidiens dans un délai de vingt-quatre heures à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait définitivement statué sur son recours fondé sur les articles 375 et suivants du code civil et, en dernier lieu, de mettre à la charge de la Ville de A... la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat, ou à lui verser directement en cas de non-admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par une ordonnance n° 2323817 du 19 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de A... a, en premier lieu, admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, enjoint à la maire de A... d'assurer son hébergement dans une structure adaptée à son âge ainsi que la prise en charge de ses besoins essentiels, alimentaires, vestimentaires, sanitaires et scolaires, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question relative à sa minorité, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance, en troisième lieu, mis à la charge de la Ville de A... la somme de 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'hypothèse où il serait admis au bénéfice définitif de l'aide juridictionnelle, ou à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dans l'hypothèse où ce bénéfice lui serait refusé et, en dernier lieu, rejeté le surplus de sa requête. Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ville de A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler l'ordonnance du 19 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de A... ; 2°) de rejeter la requête en référé de M. B.... Elle soutient que : - l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de A... est entachée d'irrégularité en ce que sa minute n'est pas signée en méconnaissance de l'article R. 742-5 du code de justice administrative ; - que le juge des référés a commis une erreur de droit en se fondant sur un passeport qui ne constitue pas un acte d'état civil bénéficiant de la force probante qui résulte de l'article 47 du code civil, sans apprécier la pertinence des éléments retenus par le rapport d'évaluation de la minorité du demandeur ; - que la minorité de M. B... n'était pas établie dès lors qu'aucun élément du dossier ne permet de rattacher le passeport à M. B... et que les mentions et conditions de l'obtention de ce passeport, ainsi que les déclarations et éléments produits par M. B... à l'occasion de son évaluation et au soutien de sa requête ne permettent pas d'établir sa minorité. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code de l'action sociale et des familles ; - l'arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l'article R. 211-11 du code de l'action sociale et des familles relatif aux modalités d'évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. Sur le cadre juridique du litige : 2. Aux termes de l'article 375 du code civil : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du même code : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 373-5 de ce code : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. (...) ". 3. Par ailleurs, l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre (...) / ; 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; / 4° Pourvoir à l'ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation (...) ". Aux termes de l'article L. 222-5 du même code : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil (...) ". L'article L. 223-2 de ce code prévoit que : " Sauf si un enfant est confié au service par décision judiciaire ou s'il s'agit de prestations en espèces, aucune décision sur le principe ou les modalités de l'admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance ne peut être prise sans l'accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même s'il est mineur émancipé. / En cas d'urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. / (...) Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l'enfant n'a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n'a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil ". Aux termes de son article R. 221-11 : " I. - Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 223-2. / II. - Au cours de la période d'accueil provisoire d'urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. (...) / IV. - Au terme du délai mentionné au I, ou avant l'expiration de ce délai si l'évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l'article L. 223-2 et du second alinéa de l'article 375-5 du code civil. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I se prolonge tant que n'intervient pas une décision de l'autorité judiciaire. / S'il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l'autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L. 222-5 et R. 223-2. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I prend fin ". Le même article dispose que les décisions de refus de prise en charge sont motivées et mentionnent les voies et délais de recours. 4. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe aux autorités du département, le cas échéant, dans les conditions prévues par la décision du juge des enfants ou par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, de prendre en charge l'hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance. A cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu'un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il incombe au juge des référés d'apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée. 5. Il en résulte également que, lorsqu'il est saisi par un mineur d'une demande d'admission à l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental peut seulement, au-delà de la période provisoire de cinq jours prévue par l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles, décider de saisir l'autorité judiciaire mais ne peut, en aucun cas, décider d'admettre le mineur à l'aide sociale à l'enfance sans que l'autorité judiciaire l'ait ordonné. L'article 375 du code civil autorise le mineur à solliciter lui-même le juge judiciaire pour que soient prononcées, le cas échéant, les mesures d'assistance éducative que sa situation nécessite. Lorsque le département refuse de saisir l'autorité judiciaire à l'issue de l'évaluation mentionnée au point 3 ci-dessus, au motif que l'intéressé n'aurait pas la qualité de mineur isolé, l'existence d'une voie de recours devant le juge des enfants par laquelle le mineur peut obtenir son admission à l'aide sociale rend irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du département. 6. Il appartient toutefois au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu'il lui apparaît que l'appréciation portée par le département sur l'absence de qualité de mineur isolé de l'intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d'enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire. 7. Enfin, l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Sur la requête en appel de la Ville de A... : 8. Il résulte de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif de A... que M. B..., qui indique être un ressortissant guinéen âgé de 16 ans, s'est présenté à l'accueil pour mineurs non accompagnés de A... le 26 juillet 2023 pour bénéficier d'une évaluation de sa minorité et de son isolement. Il a été reçu en entretien d'évaluation le 3 août 2023, à l'issue duquel sa minorité n'a pas été admise, et il a fait l'objet le 4 août 2023 d'une décision de refus de prise en charge par la Ville de A... au titre de la protection de l'enfance. Il a alors saisi le 1er septembre 2023, le juge des enfants du tribunal judiciaire de A... afin de lui demander une mesure d'assistance éducative. Par une ordonnance du 19 octobre 2023 dont la Ville de A... interjette appel, le juge des référés a enjoint à la maire de A... d'assurer l'hébergement de M. B... dans une structure adaptée à son âge ainsi que la prise en charge de ses besoins essentiels, alimentaires, vestimentaires, sanitaires et scolaires, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question relative à sa minorité. 9. En premier lieu, il ressort de la minute de l'ordonnance attaquée qui figure dans le dossier de première instance qu'elle est signée par son auteur. 10. En second lieu, pour juger " qu'en l'état de l'instruction et à la date de la présente ordonnance, l'appréciation portée par la maire de A... sur la minorité de M. B... doit être regardée comme manifestement erronée ", le juge des référés du tribunal administratif de A... a relevé que M. B... avait présenté pour justifier sa minorité un passeport biométrique original à son nom délivré le 7 octobre 2022 à Conakry, ne présentant ni rature, ni modification manifeste susceptible de remettre en doute son authenticité et dont la division nationale de la lutte contre la fraude documentaire et à l'identité, qui l'a analysé dans le cadre d'une commission rogatoire du juge des enfants du tribunal pour enfants de A..., a relevé qu'il " présente toutes les caractéristiques d'un document authentique " et a estimé que ni l'indication figurant dans le rapport de la division nationale de la lutte contre la fraude documentaire selon laquelle le " risque d'une obtention indue " du passeport n'était pas exclu, ni l'absence de visa pour l'Espagne alors que M. B... affirme y être passé, ni l'évaluation sociale mettant en doute le parcours migratoire relaté par l'intéressé, ne remettaient en cause la force probante de la mention de sa date de naissance figurant sur son passeport. 11. D'une part, la seule circonstance qu'un passeport ne soit pas un acte d'état civil au sens des dispositions précitées de l'article 47 du code civil ne fait pas obstacle à ce que le juge des référés se fonde sur les données personnelles figurant sur un passeport qu'il estime authentique. Contrairement à ce que soutient la Ville de A..., il ressort de la motivation de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a fondé son appréciation de la minorité de M. B... sur l'ensemble des pièces du dossier, y compris le rapport d'évaluation qui concluait en sens contraire. D'autre part, en faisant valoir qu'aucun élément ne permet de rattacher le passeport à M. B... et que les conditions de son obtention ainsi que les déclarations de M. B... doivent conduire à écarter sa valeur probante, la Ville de A... n'apporte aucun élément nouveau ou sérieux de nature à remettre en cause l'appréciation du juge des référés du tribunal administratif de A.... 12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Ville de A... doit être rejetée, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de la Ville de A... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Ville de A.... Fait à A..., le 15 novembre 2023 Signé : Gilles Pellissier
CETATEXT000048439332
JG_L_2023_11_000000489229
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439332.xml
Texte
Conseil d'État, Juge des référés, 15/11/2023, 489229, Inédit au recueil Lebon
2023-11-15 00:00:00
Conseil d'État
489229
Juge des référés
Plein contentieux
C
SCP FOUSSARD, FROGER
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, d'enjoindre à la Ville de Paris de procéder à son hébergement dans une structure adaptée à son âge et à son état psychique et de prendre en charge ses besoins alimentaires et sanitaires quotidiens dans un délai de vingt-quatre heures à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait définitivement statué sur son recours fondé sur les articles 375 et suivants du code civil et, en dernier lieu, de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat, ou à lui verser directement en cas de non admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par une ordonnance n° 2323797 du 19 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, en premier lieu, admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, enjoint à la maire de Paris d'assurer son hébergement dans une structure adaptée à son âge ainsi que la prise en charge de ses besoins essentiels, alimentaires, vestimentaires, sanitaires et scolaires, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question relative à sa minorité, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance, en troisième lieu, mis à la charge de la Ville de Paris la somme de 700 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'hypothèse où il serait admis au bénéfice définitif de l'aide juridictionnelle, ou à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dans l'hypothèse où ce bénéfice lui serait refusé et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ville de Paris demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler l'ordonnance du 19 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la requête en référé de M. A.... Elle soutient que : - l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris est entachée d'irrégularité en ce que sa minute n'est pas signée en méconnaissance de l'article R. 742-5 du code de justice administrative ; - l'appréciation portée par la maire de Paris sur la minorité de M. A... n'est pas manifestement erronée dès lors que, en premier lieu, un passeport ne constitue pas un acte d'état civil bénéficiant de la force probante au sens de l'article 47 du code civil, en deuxième lieu, aucun élément ne permet d'attester que le passeport produit par M. A... pour établir sa minorité est le sien et, en dernier lieu, les conditions et modalités de la délivrance de ce passeport ne permettent pas de le regarder comme présentant des garanties suffisantes pour lui conférer une valeur probante. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code de l'action sociale et des familles ; - l'arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l'article R. 211-11 du code de l'action sociale et des familles relatif aux modalités d'évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. Sur le cadre juridique du litige : 2. Aux termes de l'article 375 du code civil : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du même code : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 373-5 de ce code : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. (...) ". 3. Par ailleurs, l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre (...) / ; 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; / 4° Pourvoir à l'ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation (...) ". Aux termes de l'article L. 222-5 du même code : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil (...) ". L'article L. 223-2 de ce code prévoit que : " Sauf si un enfant est confié au service par décision judiciaire ou s'il s'agit de prestations en espèces, aucune décision sur le principe ou les modalités de l'admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance ne peut être prise sans l'accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même s'il est mineur émancipé. / En cas d'urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. / (...) Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l'enfant n'a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n'a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil ". Aux termes de son article R. 221-11 : " I. - Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 223-2. / II. - Au cours de la période d'accueil provisoire d'urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. (...) / IV. - Au terme du délai mentionné au I, ou avant l'expiration de ce délai si l'évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l'article L. 223-2 et du second alinéa de l'article 375-5 du code civil. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I se prolonge tant que n'intervient pas une décision de l'autorité judiciaire. / S'il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l'autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L. 222-5 et R. 223-2. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I prend fin ". Le même article dispose que les décisions de refus de prise en charge sont motivées et mentionnent les voies et délais de recours. 4. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe aux autorités du département, le cas échéant, dans les conditions prévues par la décision du juge des enfants ou par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, de prendre en charge l'hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance. A cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu'un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il incombe au juge des référés d'apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée. 5. Il en résulte également que, lorsqu'il est saisi par un mineur d'une demande d'admission à l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental peut seulement, au-delà de la période provisoire de cinq jours prévue par l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles, décider de saisir l'autorité judiciaire mais ne peut, en aucun cas, décider d'admettre le mineur à l'aide sociale à l'enfance sans que l'autorité judiciaire l'ait ordonné. L'article 375 du code civil autorise le mineur à solliciter lui-même le juge judiciaire pour que soient prononcées, le cas échéant, les mesures d'assistance éducative que sa situation nécessite. Lorsque le département refuse de saisir l'autorité judiciaire à l'issue de l'évaluation mentionnée au point 3 ci-dessus, au motif que l'intéressé n'aurait pas la qualité de mineur isolé, l'existence d'une voie de recours devant le juge des enfants par laquelle le mineur peut obtenir son admission à l'aide sociale rend irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du département. 6. Il appartient toutefois au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu'il lui apparaît que l'appréciation portée par le département sur l'absence de qualité de mineur isolé de l'intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d'enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire. 7. Enfin, l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Sur la requête en appel de la Ville de Paris : 8. Il résulte de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif de Paris que M. A..., qui indique être un ressortissant ivoirien âgé de 16 ans, s'est présenté à l'accueil pour mineurs non accompagnés de Paris le 2 octobre 2023 pour bénéficier d'une évaluation de sa minorité et de son isolement. Il a été reçu en entretien d'évaluation le 6 octobre 2023, à l'issue duquel sa minorité n'a pas été admise, et il a fait l'objet le 9 octobre 2023 d'une décision de refus de prise en charge par la Ville de Paris au titre de la protection de l'enfance. Il a alors saisi le jour même, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Paris afin de lui demander une mesure d'assistance éducative. Par une ordonnance du 19 octobre 2023 dont la Ville de Paris interjette appel, le juge des référés a enjoint à la maire de Paris d'assurer l'hébergement de M. A... dans une structure adaptée à son âge ainsi que la prise en charge de ses besoins essentiels, alimentaires, vestimentaires, sanitaires et scolaires, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question relative à sa minorité. 9. En premier lieu, il ressort de la minute de l'ordonnance attaquée qui figure dans le dossier de première instance qu'elle est signée par son auteur. 10. En second lieu, pour juger " qu'en l'état de l'instruction et à la date de la présente ordonnance, l'appréciation portée par la maire de Paris sur la minorité de M. A... doit être regardée comme manifestement erronée ", le juge des référés du tribunal administratif de Paris a relevé que M. A... avait présenté pour justifier sa minorité un passeport biométrique original à son nom délivré le 7 septembre 2023 à Paris, ne présentant ni rature, ni modification manifeste susceptible de faire douter de son authenticité et a estimé que ni les explications succinctes de M. A... sur les modalités de délivrance de son passeport, ni l'évaluation sociale mettant en doute le parcours migratoire de l'intéressé au regard d'incohérences, de son fort degré d'autonomie et de précisions considérées comme insuffisantes sur son quotidien en Côte d'Ivoire, ne remettaient en cause la force probante de la mention de sa date de naissance figurant sur son passeport. 11. D'une part, la seule circonstance qu'un passeport ne soit pas un acte d'état civil au sens des dispositions précitées de l'article 47 du code civil ne fait pas obstacle à ce que le juge des référés se fonde sur les données personnelles figurant sur un passeport qu'il estime authentique. D'autre part, en faisant valoir qu'aucun élément ne permet de rattacher le passeport à M. A... et que les conditions et modalités de son obtention doivent conduire à écarter sa valeur probante, la Ville de Paris n'apporte aucun élément nouveau ou sérieux de nature à remettre en cause l'appréciation du juge des référés du tribunal administratif de Paris. 12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Ville de Paris doit être rejetée, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de la Ville de Paris est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Ville de Paris. Fait à Paris, le 15 novembre 2023 Signé : Gilles Pellissier
CETATEXT000048439333
J_L_2023_11_00023TL02341
CETAT
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Texte
CAA de TOULOUSE, , 20/11/2023, 23TL02341, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de TOULOUSE
23TL02341
excès de pouvoir
C
SCP VPNG AVOCATS ASSOCIES
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire une mesure d'expertise afin d'apprécier son état de santé actuel, dire s'il est imputable à l'exercice de ses fonctions, s'il s'agit d'une maladie professionnelle hors tableau et déterminer l'étendue des préjudices qui en résultent. Par une ordonnance n° 2301127 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2023 sous le n° 23TL02341, Mme A..., représentée par Me Betrom, demande à la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du 14 septembre 2023 ; 2°) d'ordonner une expertise afin d'apprécier son état de santé actuel, dire s'il est imputable à l'exercice de ses fonctions et s'il s'agit d'une maladie professionnelle hors tableau et déterminer l'étendue des préjudices qui en résultent. Elle soutient que : - la mesure d'expertise demandée est utile en raison de la contradiction entre les conclusions du rapport d'expertise médicale du docteur B... et la décision prise le 2 janvier 2023 par le centre communal d'action sociale de Montpellier ; - cette mesure permettra non seulement d'établir la reconnaissance de la maladie professionnelle mais aussi d'évaluer le montant des préjudices subis afin de former une demande de provision ; elle est donc pourvue d'un caractère utile distinct de l'expertise que pourra ordonner le juge saisi de la demande d'annulation de la décision du 2 janvier 2023. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2023, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représenté par Me Constans, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la mesure d'expertise sollicitée est dépourvue de caractère utile distinct de celle que pourra ordonner le juge du fond, dès lors notamment que la requérante ne produit aucune pièce de nature à infirmer le rapport d'expertise produit au dossier qui n'est pas, contrairement à ce que cette dernière soutient, entaché d'une contradiction. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., fonctionnaire employée par le centre communal d'action sociale de Montpellier en qualité d'agent social dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, a sollicité, le 8 mars 2022, la reconnaissance d'une maladie professionnelle. Cette demande a été rejetée par une décision du centre communal d'action sociale en date du 2 janvier 2023. Mme A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, afin qu'il prescrive une expertise médicale visant à déterminer l'imputabilité au service de sa pathologie, s'il s'agit d'une maladie professionnelle hors tableau ainsi que l'étendue des préjudices qu'elle a subis. Elle forme appel contre l'ordonnance du 14 septembre 2023 par laquelle le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur l'utilité de l'expertise : 2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de cette disposition doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. S'il résulte de l'article R. 626-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de l'article R. 532-1, alors même qu'une requête à fin d'annulation est en cours d'instruction, il appartient au juge des référés d'apprécier l'utilité de la mesure demandée sur ce fondement. 3. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la procédure administrative de reconnaissance comme maladie professionnelle du syndrome dépressif dont souffre Mme A..., une expertise médicale a été confiée au docteur B.... Le rapport, rendu le 31 août 2022, conclut à l'absence de reconnaissance comme maladie professionnelle de la pathologie, qui n'est pas de celles désignées dans le tableau du code de sécurité sociale et n'est pas susceptible d'entraîner une incapacité permanente partielle au moins égale à 25 %. Contrairement à ce que soutient la requérante, les conclusions de ce rapport ne se contredisent pas, dès lors qu'elles imputent explicitement la cause du syndrome dépressif de la requérante à l'exercice de ses fonctions sans toutefois que le taux d'incapacité permanente partielle minimum de 25 % nécessaire à la reconnaissance de maladie professionnelle ne soit atteint. Ces conclusions ont été suivies par le conseil médical réunis en formation plénière le 16 décembre 2022. Mme A... ne produit en appel aucune nouvelle pièce de nature à établir l'existence d'une appréciation médicale contradictoire avec l'avis du conseil médical. Elle ne fait pas non plus état de circonstances particulières qui rendraient nécessaire la conduite d'une expertise préalable à l'appréciation que portera le juge saisi du recours en annulation. La seule circonstance que le chiffrage des préjudices subis sur lesquels elle n'apporte d'ailleurs aucune précision ou justification, alors même que l'imputabilité de la pathologie n'a pas été reconnue par le service, lui sera utile afin de demander une provision, est, en elle-même, insuffisante. Dès lors, la mesure d'expertise demandée est dépourvue du caractère utile requis par les dispositions précitées. 4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a refusé de faire droit à sa demande d'expertise. Sur les frais liés à l'instance : 5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions du centre communal d'action sociale de Montpellier présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. O R D O N N E : Article 1er r : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Montpellier présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... A... et au centre communal d'action sociale de Montpellier. Fait à Toulouse, le 20 novembre 2023. Le président, J-F. MOUTTE La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. Pour expédition conforme, La greffière en chef, 2 N° 23TL02341
CETATEXT000048448346
J1_L_2023_11_00020PA04320
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448346.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 20PA04320, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
20PA04320
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme BONIFACJ
SELAS LLC ET ASSOCIES
M. Jean-Christophe NIOLLET
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une première requête, la société Rudo Chantier a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 1 419 881,09 euros en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la résiliation du marché relatif aux travaux de curage, désamiantage et déplombage partiel de l'ancienne succursale " Malesherbes " de la Banque de France située 1, place du général Catroux à Paris, assortie des intérêts. Par une seconde requête, la société Rudo Chantier a demandé au même tribunal, d'une part, d'annuler la décision de la Banque de France du 4 mars 2015 portant notification du décompte général et définitif du marché et la décision du 31 mars 2015 en ce qu'elle rejette sa contestation du décompte global définitif du marché arrêté par la Banque de France, d'autre part, d'enjoindre à la Banque de France d'arrêter le décompte définitif du marché à la somme de 1 419 881,09 euros, assortie des intérêts moratoires, enfin, de condamner la Banque de France à lui verser une somme de 100 384,73 euros au titre des préjudices subis en raison du retard dans la perception du règlement des travaux et de désigner un expert. Par un jugement nos 1422402, 1507861 du 31 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les requêtes de la société Rudo Chantier et l'a condamnée à verser à la Banque de France une somme de 2 748 218,02 euros au titre du décompte général et définitif du marché. Par une requête, enregistrée le 31 mai 2017, et par deux mémoires, enregistrés le 7 mars 2018 et le 9 novembre 2018, la société Rudo Chantier, représentée par Me Thiébaut, mandataire liquidateur, et par Me Seno, a demandé à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 31 mars 2017 ; 2°) de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 1 776 778,53 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 8 août 2014, avec capitalisation de ces intérêts ; 3°) de mettre à la charge de la Banque de France une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - ses conclusions d'appel sont recevables ; - la tromperie grave retenue par la Banque de France pour résilier le marché sans mise en demeure, qui impliquerait un élément intentionnel, en particulier une volonté de dissimulation, voire une défaillance totale et persistante, n'est pas établie ; - les manquements ayant fondé la résiliation pour tromperie grave ne sont pas établis : elle n'a pas méconnu ses obligations contractuelles en matière de protection contre l'amiante et de déplombage, et a respecté les obligations de sécurité en matière d'exposition au plomb des travailleurs qui lui incombaient ; elle a respecté ses obligations de prudence dans la sécurisation du chantier ; son retard dans l'exécution des travaux résultait de sujétions imprévues ; - elle a fait preuve de professionnalisme : les fuites d'eau constatées à la suite des travaux de démolition ne sauraient lui être sérieusement reprochées, car le maître d'ouvrage l'a obligée à intervenir rapidement, alors que les réseaux d'eau n'étaient pas sécurisés ; l'empoussièrement de la rue adjacente du chantier par la goulotte d'évacuation des gravas non étanches ainsi que la destruction des salles d'urinoirs au sous-sol du bâtiment constituent de simples aléas de chantier ; - elle n'a pas manqué à son obligation de sécurisation du chantier en laissant les déprimogènes en situation de fonctionnement pour éviter la dispersion de poussières d'amiante ; - elle a toujours veillé au respect des règles en matière de sécurité du chantier et de prévention des risques en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, contrairement à ce que la CRAMIF a affirmé ; - elle n'a pas méconnu son obligation de déclaration des sous-traitants au maître d'ouvrage en faisant intervenir la société 3D Bat, qui appartient au même groupe qu'elle ; - la résiliation est irrégulière car elle aurait dû être précédée d'une mise en demeure ; - la résiliation est abusive et méconnaît les exigences de la loyauté contractuelle et de la bonne foi, car elle n'était pas possible au regard du stade d'avancement des travaux, plus de 90 % des travaux ayant été effectués, et des mesures de régularisation étant suffisantes pour permettre la poursuite de l'exécution du contrat ; - la Banque de France n'a pas droit à réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'interruption anticipée du contrat en raison des manquements contractuels qu'elle aurait subis, ceux-ci n'étant pas établis ; - la société Rudo Chantier est en conséquence fondée à demander le paiement par le maître d'ouvrage d'une somme de 1 776 778,53 euros TTC au titre des surcoût générés par l'arrêt brutal du chantier. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 23 octobre 2017 et le 8 octobre 2018, la Banque de France, représentée par Me Dal Farra, conclut, dans le dernier état de ses écritures : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce que le solde du décompte général et définitif du marché soit fixé à la somme de 2 748 218,02 euros TTC en faveur de la Banque de France ; 3°) à ce qu'une somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la société Rudo Chantier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à titre principal, les conclusions d'appel de la société sont partiellement irrecevables, faute pour l'appelante de contester l'irrecevabilité de sa requête n° 1422402 et l'irrecevabilité des conclusions de sa requête n° 1507861, tendant à l'annulation des décisions en date des 4 et 31 mars 2015, constatées par le tribunal administratif ; - à titre subsidiaire, les conclusions indemnitaires présentées en appel sont partiellement irrecevables, dans la mesure où elles portent sur un montant supérieur à celui demandé en première instance ; - en tout état de cause, les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par un arrêt n° 17PA01852 du 10 décembre 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Rudo Chantier. Par une décision n° 427850 du 18 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la société Rudo Chantier, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 10 décembre 2018 et renvoyé l'affaire devant la Cour. Procédure devant la Cour : Par un mémoire complémentaire, enregistré le 8 février 2021, la Banque de France, représentée par Me Dal Farra, conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens. Elle demande en outre à la Cour, par la voie de l'appel incident, de condamner la société Rudo Chantier à lui verser la somme de 2 748 218, 02 euros TTC, assortie des intérêts de retard à compter du 4 mars 2015, calculés sur la base d'un taux égal à trois fois le taux d'intérêt légal en vigueur à cette date, avec capitalisation des intérêts. Par un mémoire complémentaire, enregistré le 24 février 2021, la SELARL MJ et associés, mandataire liquidateur de la société Rudo Chantier, représentée par la SELAS LLC et associés, conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens. Par ordonnance du 13 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; - l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ; - le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ; - le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Niollet, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Elshoud pour la société Rudo Chantier, et de Me Boudieb pour la Banque de France. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre de l'établissement du décompte du marché public que la Banque de France a conclu le 31 décembre 2012 avec la société Rudo Chantier pour l'exécution de travaux de curage, désamiantage et déplombage, préalablement à la restructuration de sa succursale dite " Malesherbes ", dans le 17ème arrondissement de Paris, la Banque de France a transmis le 4 mars 2015 à la société Rudo Chantier un décompte général et définitif faisant apparaître un solde négatif de 2 748 218,02 euros que Me Lefort, se présentant comme agissant en qualité de conseil de la société Rudo Chantier, a contesté par courrier du 18 mars 2015. La Banque de France a alors fait savoir à la société Rudo Chantier que ce dernier n'avait pas qualité pour contester valablement le décompte général et définitif et que, dans ces conditions, elle devait être regardée comme ayant accepté ce dernier à défaut de mémoire en réclamation présenté dans un délai de 15 jours prévu par l'article 18.6.3 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché. Par un jugement du 31 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a condamné la société Rudo Chantier à verser à la Banque de France une somme de 2 748 218, 02 euros toutes taxes comprises au titre du décompte général et définitif du marché. La société Rudo Chantier a relevé appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la Banque de France à l'indemniser des préjudices résultant de la résiliation du marché et a demandé à la Cour administrative d'appel de Paris de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 1 776 778,53 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 8 août 2014, avec capitalisation de ces intérêts. Par un arrêt du 10 décembre 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête. Par une décision du 18 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la Cour. Sur les conclusions de la requête : 2. Aux termes de l'article 21.1.1 du CCAG applicable au marché public de travaux en cause : " Le marché pourra être résilié de plein droit aux torts de l'une des parties et sans accomplissement d'aucune formalité judiciaire : / (...) / - après mise en demeure, en cas de manquement de l'une des parties à ses obligations contractuelles ". Aux termes de l'article 21.1.2 du même cahier : " Le marché pourra être résilié de plein droit, sans accomplissement d'aucune formalité judiciaire, aux torts de l'entrepreneur : / (...) / sans mise en demeure, dans le cas de tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d'exécution des travaux ". 3. Il résulte par ailleurs de l'article 2.1.6.4 du cahier des clauses techniques particulières du marché (CCTP), relatif aux " contrôles en fin de travaux " que l'entreprise devait réaliser " dans chaque zone de travail une analyse libératoire (1ère restitution) avant dépose du confinement (...) par microscopie électronique (META) ", faisant apparaitre un taux d'empoussièrement inférieur ou égal à 5 fibres par litre, et que : " Après démantèlement des dispositifs de confinement, une analyse de restitution sera(it) effectuée par le Maître d'ouvrage via un laboratoire extérieur dans chaque zone de travail ". Il résulte en outre de l'article 2.1.7 du même cahier, intitulé " nettoyages - restitution des zones de travail après travaux ", que lorsque la totalité des travaux de retrait serait réalisée et les déchets évacués, l'entreprise procéderait à un nettoyage soigné de la zone de travail selon un protocole comprenant notamment un contrôle visuel destiné à vérifier l'absence de résidus de matière contenant de l'amiante, devant donner lieu à l'établissement de procès-verbaux, et de nouvelles mesures par microscopie électronique (META) " avant dépose du confinement ". Enfin, il résulte de l'article 2.1.2.1 du CCTP que l'entreprise devait établir un plan de retrait des matériaux et produits contenant de l'amiante, décrivant " l'ensemble des mesures établies afin de : / Réduire au niveau le plus faible possible l'émission et la dispersion de fibres d'amiante pendant les travaux / Eviter tout diffusion des fibres d'amiante hors des zones de travaux / Assurer les protections collectives et individuelles des travailleurs intervenants pour l'ensemble des risques / Garantir l'absence de pollution résiduelle après travaux (...) ". Le paragraphe 10 du plan de retrait de la société Rudo chantier, établi en application de ces dispositions, prévoyait notamment, s'agissant des déposes et restitutions, la réalisation par l'entreprise d'une mesure du taux d'empoussièrement avant la dépose du confinement statique et le repli du chantier, suivi d'un nouveau contrôle visuel et d'une nouvelle mesure du taux d'empoussièrement, à la charge du client. 4. Il résulte de l'instruction que, lors d'une visite sur le site du chantier, le 31 mars 2014, des agents de la Banque de France ont remarqué la présence de deux morceaux de conduits amiantés ou, selon la société Rudo chantier, de deux supports de conduits, au plafond de l'ancien local de la caisse, situé au 1er étage de l'immeuble, alors que ces éléments auraient dû faire l'objet d'une dépose en zone étanche par confinement dynamique total en application du plan de retrait. La Banque de France a alors fait réaliser par la société Géodiags, le 3 avril 2014, des tests de contamination à l'amiante au droit des conduits déposés, effectués au moyen de deux " tests sur lingettes " qui ont mis en évidence la présence d'amiante générant une pollution de l'air avec un taux supérieur à 5 fibres par litres, obligeant la Banque de France à effectuer de nouveaux travaux de désamiantage dans les 36 mois. La Banque de France a par la suite, le 8 avril 2014, fait réaliser par la société Géodiags, de nouveaux tests sur lingettes qui ont confirmé la présence d'amiante avec un taux supérieur à 5 fibres par litres, à quatre endroits du bâtiment, ainsi que des prélèvements de matériaux effectués sous le contrôle d'un huissier, dans un ancien sas situé au deuxième étage à l'angle de la pièce donnant sur la rue Georges Berger et sur la place du Général Catroux où a été prélevé au sol un joint cartonné fibreux (prélèvement P1), et dans la salle de repos du deuxième étage (troisième pièce à droite sur la rue Berger) où ont été prélevés au sol des débris sous un trou percé dans le plafond situé sous la zone amiantée du troisième étage (prélèvement P2) et un morceau de matériau isolant sous un radiateur (prélèvement P3), sur lesquels les analyses ont également confirmé la présence d'amiante générant une pollution de l'air avec un taux supérieur à 5 fibres par litres. 5. Il résulte en outre de l'instruction que la société Rudo Chantier qui n'avait transmis à la maîtrise d'œuvre le 17 avril 2014 qu'une partie des mesures libératoires prévues par le CCTP et par le plan de retrait, s'est, le 5 mai 2014, vu adresser par la maîtrise d'œuvre un courrier faisant référence aux malfaçons rappelées ci-dessus, et la mettant en demeure de transmettre sous huit jours pour chaque zone de confinement, les preuves du nettoyage effectué et de la vérification du niveau d'empoussièrement mesuré après les travaux de retrait des matériaux amiantés et avant le repli du confinement (" mesures de première restitution ") et les procès-verbaux de l'examen visuel réalisé par l'encadrement après les travaux de retrait. Si la société Rudo Chantier a fourni, par un courrier électronique du 14 mai 2014, certains compléments aux rapports d'analyse de première restitution, elle ne conteste pas ne pas avoir fourni deux des quinze analyses demandées, dont l'analyse concernant la zone du deuxième étage où avaient été déposés les caches radiateurs. La maîtrise d'œuvre, dans un nouveau courrier en date du 15 mai 2014, puis la Banque de France, dans son courrier en date du 3 juillet suivant informant la société Rudo Chantier de la résiliation du marché, ont donc constaté qu'elle n'était pas en mesure de fournir l'ensemble des pièces nécessaires pour établir que les procédures prévues par le plan de retrait avaient été respectées. 6. En premier lieu, si la société Rudo Chantier conteste le bienfondé et la régularité de la résiliation du marché sans mise en demeure, en soutenant n'avoir pas commis de tromperie grave sur la qualité d'exécution des travaux au sens de l'article 21.1.2 du CCAG, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, qu'elle doit au contraire, compte tenu des malfaçons établies auparavant, notamment par les prélèvements de matériaux mentionnés au point 4, être regardée comme ayant commis une telle tromperie en s'abstenant de communiquer l'ensemble des analyses libératoires de première restitution et des autres pièces que la maîtrise d'œuvre lui avait demandées le 5 mai 2014. Compte tenu de ces prélèvements, elle ne saurait discuter la valeur des tests sur lingettes pour déceler la présence de fibres d'amiante en suspension dans l'air. Elle ne saurait davantage se prévaloir d'un troisième rapport établi par la société Géodiags le 11 juin 2014, concluant à l'absence de fibres d'amiante dans l'air. 7. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'au moment de la résiliation, l'état d'avancement du chantier pour les seuls travaux de désamiantage et de déplombage, hors prestations de curage, n'était que de 68%. La société Rudo Chantier n'est dans ces conditions pas fondée à se prévaloir de l'état d'avancement des travaux pour soutenir que la résiliation aurait été décidée tardivement en violation des exigences de la loyauté contractuelle et de la bonne foi. 8. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres manquements de la société Rudo Chantier à ses obligations contractuelles allégués par la Banque de France, celle-ci était fondée à résilier le marché passé avec la société Rudo Chantier aux torts exclusifs de cette dernière sans mise en demeure préalable. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice résultant pour la société Rudo Chantier de la résiliation du marché. 9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la Banque de France, que la société Rudo Chantier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes, et l'a condamnée à verser à la Banque de France la somme de 2 748 218,02 euros TTC en règlement du solde du marché. Sur les conclusions d'appel incident de la Banque de France : 10. En premier lieu, compte tenu de la condamnation de la société Rudo Chantier à verser à la Banque de France la somme de 2 748 218,02 euros TTC au titre du décompte général et définitif du marché, prononcée par le jugement du tribunal administratif, les conclusions présentées en appel par la Banque de France, tendant à la fixation du solde de ce décompte, et à ce que la société soit condamnée à lui verser cette somme, sont sans objet. 11. En second lieu, la Banque de France qui est recevable à présenter pour la première fois en cause d'appel des conclusions en ce sens, a droit aux intérêts, non au taux égal à trois fois le taux légal qu'elle revendique sans toutefois assortir d'aucune précision ses conclusions sur ce point, mais au taux légal, sur la somme de 2 748 218,02 euros TTC, à compter du 31 mars 2015, date à laquelle elle a rejeté la contestation du décompte présentée par la société Rudo Chantier. De plus, à la date du 8 février 2021, date à laquelle elle a présenté ses conclusions tendant à la capitalisation des intérêts, et à supposer que le jugement attaqué n'ait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces conclusions, et de réformer en ce sens le jugement du Tribunal administratif de Paris. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Banque de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Rudo Chantier demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire au droit aux conclusions présentées par la Banque de France sur le fondement des mêmes dispositions. D E C I D E: Article 1er : La requête de la société Rudo Chantier est rejetée. Article 2 : La somme de 2 748 218,02 euros TTC que la société Rudo Chantier a été condamnée à verser à la Banque de France par le jugement nos 1422402, 1507861 du Tribunal administratif de Paris du 31 mars 2017, portera intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2015. Les intérêts échus à la date du 8 février 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, pour produire eux-mêmes intérêts. Article 3 : Le jugement nos 1422402, 1507861 du Tribunal administratif de Paris du 31 mars 2017 est réformé comme il est dit à l'article 2. Article 4 : Le surplus des conclusions de la Banque de France est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL MJ et associés en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Rudo Chantier et à la Banque de France. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Bonifacj, présidente de chambre, M. Niollet, président-assesseur, M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, J-C. NIOLLET La présidente, J. BONIFACJLa greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 1 2 N° 20PA04320
CETATEXT000048448347
J1_L_2023_11_00021PA04879
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 21PA04879, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de PARIS
21PA04879
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. LAPOUZADE
GUEZ GUEZ SEFIEN
M. Stéphane DIEMERT
M. DORE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association des musulmans de Noisy-le-Grand a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 11 mars 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a abrogé sa décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté, sur le fondement du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009, qu'elle entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Par un jugement n° 2105257 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 30 août 2021, des mémoires enregistrés le 30 mars 2022 et le 30 mai 2022, l'association des musulmans de Noisy-le-Grand, représentée par Me Guez Guez, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2105257 du 30 juin 2021 du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler la décision du 11 mars 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a abrogé sa décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté, sur le fondement du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009, qu'elle entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ; 3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que les propos reprochés, qui ont d'ailleurs été dénaturés, ne constituent pas un trouble à l'ordre public ; - ces propos du président de l'association ont été tenus en son nom propre et n'engagent donc pas cette dernière, à laquelle ils ne peuvent donc pas être imputés ; - la décision litigieuse méconnait l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution, notamment son Préambule ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; - la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ; - la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, notamment son article 111 ; - la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ; - le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. E..., - les conclusions de M. A..., rapporteur public, - et les observations de Me Guez Guez, avocat de l'association requérante, et de M. B..., représentant le ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 11 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a abrogé sa décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté, sur le fondement du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, que l'association des musulmans de Noisy-le-Grand entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. L'association des musulmans de Noisy-le-Grand ayant saisi le tribunal administratif de Montreuil aux fins d'annulation de cette décision, cette juridiction a rejeté sa demande par un jugement du 30 juin 2021 dont elle relève appel devant la Cour. Sur le cadre juridique du litige : 2. D'une part, l'article 18 de la loi du 19 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État dispose que : " Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi ". Aux termes de l'article 19 de cette loi, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte (...). / Les associations cultuelles pourront recevoir, dans les conditions prévues par les trois derniers alinéas de l'article 910 du code civil, les libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l'accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles (...) ". 3. D'autre part, le V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures dispose : " Toute association qui, n'ayant pas reçu de libéralité au cours des cinq années précédentes, souhaite savoir si elle entre dans l'une des catégories d'associations mentionnées au cinquième alinéa de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État pour prétendre au bénéfice des dispositions législatives ou réglementaires applicables à la catégorie d'associations dont elle revendique le statut, peut interroger le représentant de l'État dans le département qui se prononce sur sa demande dans des conditions définies par décret ". Aux termes de l'article 13-2 du décret du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil : " Lorsque la décision du préfet est favorable, elle a une durée de validité de cinq ans. Elle peut être abrogée, selon la procédure prévue à l'article 12-2, si le préfet constate que l'association ne remplit plus les conditions requises ". L'article 12-2 du même décret prévoit que : " Le cas échéant, le préfet procède à une enquête aux fins d'établir si l'association qui fait la demande mentionnée à l'article 12-1 : / a) (...) remplit les conditions requises pour être qualifiée d'association cultuelle mentionnée aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 ; / b) Ne porte pas atteinte à l'ordre public. / Lorsque le préfet envisage de se prononcer défavorablement sur cette demande, il en informe l'association par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'invite à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / Le préfet constate que l'association remplit ou ne remplit pas les conditions énoncées au a et au b (...) ". Ces dispositions ont été maintenues en vigueur par le I de l'article 88 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, au bénéfice des associations qui ont, antérieurement à sa promulgation, bénéficié d'une réponse favorable à une demande faite sur le fondement du V de l'article 111 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, jusqu'à l'expiration de la validité de ces décisions ou à l'issue d'un délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur des décrets d'application prévus aux articles 19 et 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 dans leur rédaction issue de ladite loi, si cette dernière date est plus tardive. 4. Il résulte de ces dispositions que le fait que certaines des activités de l'association revendiquant le statut d'association cultuelle pourraient porter atteinte à l'ordre public s'oppose à ce que cette association bénéficie de ce statut. 5. Pour l'application de la règle rappelée au point précédent constituent des atteintes à l'ordre public la provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination résultant des propos exprimés, notamment sur les réseaux sociaux, par les responsables de l'association chargée de la gestion de ce lieu ou par les personnes en charge du culte qui y officient. Sur la légalité de la décision litigieuse : 6. Le préfet de Seine-Saint-Denis a fondé sa décision d'abroger sa décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté, sur le fondement du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, que l'association des musulmans de Noisy-le-Grand entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat, sur le double motif, d'une part, de ce que M. D..., imam des salles de prière gérées par l'association requérante, aurait diffusé des idées et propos s'apparentant selon lui à une provocation à la haine et à la discrimination envers les personnes en raison de leur non-appartenance à une religion déterminée et, d'autre part, de ce que le président de l'association requérante a adressé, en octobre 2020, via les réseaux sociaux, des messages de soutien à M. Sihamedi, président de l'association " Barakacity ", ultérieurement dissoute par décret du Président de la République délibéré en conseil des ministres du 28 octobre 2020. Les motifs de ce décret indiquaient notamment que : " les comptes personnel Twitter et Facebook de son président (...) ainsi que ceux de l'association " Barakacity " sont étroitement imbriqués, renvoyant les uns vers les autres ; (...) les messages publiés en ligne, depuis ces comptes provoquent de très nombreux commentaires hostiles à l'Occident, à la laïcité, aux francs-maçons ou encore aux musulmans qui ne partagent pas la conception de l'islam promue par l'association ; (...) beaucoup de ces commentaires sont ouvertement antisémites, plusieurs soutenant explicitement l'action d'Adolf Hitler ; (...) l'ensemble des commentaires, engendrés par les messages publiés sur les comptes des réseaux sociaux de l'association " Barakacity " constituent par eux-mêmes une provocation à la haine, à la discrimination et à la violence ; (...) ils sont toujours accessibles sans que son président, ni aucun autre membre de l'association ne procède ni à leur retrait, ni même à une quelconque modération des propos ainsi diffusés ; (...) / par suite, l'association " Barakacity " doit être regardée comme provoquant à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l'origine, de l'appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée et comme propageant des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence (...) / l'association " Barakacity " doit également être regardée comme se livrant, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger, (...) / en janvier 2016, (ce président) lors de l'émission le Supplément sur la chaine Canal Plus, a refusé de condamner clairement les agissements de l'État islamique ; (...) à la suite d'une visite domiciliaire effectuée au domicile de [son président], le 30 mai 2017, il est ressorti de l'exploitation et de l'analyse des ordinateurs saisis à cette occasion la présence de matériel de propagande islamiste ; (...) / (...) en marge du procès de l'auteur de l'attentat de Christchurch, [son président] a posté, le 27 août 2020, un message légitimant la mort en martyr " Parce que personne, ni même les lois, pourront enlever cette croyance, cette idée que mourir martyr est la plus belle chose dans la vie d'une croyant " et dont une partie du contenu reprend des propos attribués aux terroristes Oussama Ben Ladenet Mohamed Merah : " Aimer la mort comme ils aiment la vie " ; (...) de même, le 3 septembre 2020, en marge du procès contre les auteurs des attentats contre le journal satirique " Charlie Hebdo ", il a publié deux messages condamnant la nouvelle publication des caricatures de Mahomet par ce journal, le premier appelant de ses vœux un châtiment contre les caricaturistes " Puisse le Seigneur augmenter à 2000 degrés les flammes de leurs tombes " et le second justifiant clairement les attentats et comprenant des propos qui peuvent être caractérisés comme apologétiques d'actes de terrorisme " Qu'Allah maudisse Charlie et ENFLAMME leurs tombes à la chaleur du soleil !! " ; (...) en septembre 2020, [son président] a mis en ligne des messages incitant à la haine envers certaines personnes en désaccord avec ses positions en n'hésitant pas à publier également leurs photos, leurs coordonnées téléphoniques et leur adresse, dans le but de les exposer à des actes de violence ou de représailles (...) ; / (...) [son président] entretient de nombreuses relations au sein de la mouvance islamiste radicale et qu'il soutient par l'intermédiaire de ses publications des référents religieux connus pour leur légitimation du djihad armé et leur ralliement à l'idéologie d'Al-Qaeda ; (...) il s'est rendu personnellement en Syrie, en zone occupée par l'État islamique en septembre 2018 ; / (...) le président de l'association " Barakacity " entretient des relations avec d'autres associations appartenant à la mouvance islamiste radicale, qu'il s'agisse de structures islamistes en Europe ou de groupes djihadistes, et avec d'ex-membres d'associations aujourd'hui dissoutes pour leur implication dans cette mouvance (...) l'association " Barakacity " a d'ailleurs bénéficié de dons de personnes impliquées dans des faits de terrorisme, dont notamment l'auteur de l'attentat contre deux policiers à Magnanville commis le 13 juin 2016 ; (...) ". Par un arrêt n° 445979 du 24 septembre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a rejeté la demande d'annulation de ce décret, en relevant notamment, d'une part : " d'une part, qu'entre 2017 et 2019, de nombreuses publications de l'association Barakacity sur les réseaux sociaux, comportant des propos particulièrement polémiques sur des événements de l'actualité nationale et internationale, en particulier au Proche-Orient, ont suscité des commentaires ouvertement antisémites, incitant à la violence et au meurtre voire y appelant parfois directement, ou des propos faisant l'apologie de crimes contre l'humanité, alors que l'association se borne à produire de rares et anciennes mises en garde aux internautes et ne fait état d'aucune action récente visant à la suppression des commentaires auxquels ses publications ont donné lieu. D'autre part, de nombreuses publications de M. Driss Yemmou Sihamedi, président de l'association, sur ses comptes personnels, tels qu'un appel à un châtiment divin des victimes de l'attentat contre le journal " Charlie Hebdo " le 3 septembre 2020 ou l'exposition à la vindicte publique de personnes nommément désignées, à raison de leur soutien à ce journal ou de leurs prises de position à l'égard du fondamentalisme, au cours du mois de septembre 2020, sont, en tant que telles, constitutives de propos haineux et d'incitation à la haine ou à la violence ", d'autre part, que " l'association ne conteste pas réellement la matérialité des faits ", que " eu égard à l'imbrication en l'espèce très étroite des prises de position de l'association et de celles de son président, qui est responsable de la communication de l'association, apparaît comme son seul représentant et est la seule personne à s'exprimer au nom de cette dernière, l'association n'est pas fondée à soutenir que le décret ne pouvait se fonder sur des faits qui n'auraient été imputables qu'au président de l'association et non à l'association elle-même ", et enfin que : " doivent être écartés les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur de fait dont serait entaché le décret attaqué, en ce qu'il prononce la dissolution de l'association sur le fondement du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure au motif que les agissements de l'association étaient de nature à provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une religion ou à propager des idées ou théories tendant à les justifier ou les encourager ". 7. Le tribunal administratif de Montreuil a estimé que le préfet de Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur de fait quant à la réalité des propos tenus par M. D..., mais a considéré que pour prendre la décision attaquée, le préfet s'est également fondé sur le motif tiré de ce que le président de l'association requérante a adressé, en octobre 2020, via les réseaux sociaux, des messages de soutien au président de l'association " Barakacity ". 8. L'association des musulmans de Noisy-le-Grand soutient que, en tant qu'elle est fondée sur ce motif, la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que les propos reprochés, qui ont d'ailleurs été dénaturés ne constituent pas un trouble à l'ordre public, qu'ils ne peuvent, sans erreur de droit, lui être imputés dès lors qu'ils ont été tenus à titre personnel et ne l'engagent donc pas, et enfin que la décision méconnait l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. 9. Il ressort des pièces du dossier que les 15 et 16 octobre 2020, M. Chabchoub, président de l'association requérante, a posté sur son compte Facebook, à la suite d'une perquisition opérée au domicile de M. Sihamedi, président de l'association " Barakacity ", dans le cadre d'une plainte pour harcèlement, deux messages soulignant la disproportion des moyens employés à ses yeux ainsi que l'absence de justification de l'emploi des forces de l'ordre, et affirmant que des moyens similaires n'avaient pas été mis en œuvre dans d'autres cas, selon lui comparables, de personnes de confession musulmane ayant fait l'objet de menaces ou d'agressions, ou de personnes ayant diffusé des propos pouvant être perçus comme hostiles à l'égard de la communauté musulmane. 10. En premier lieu, de tels messages, qui ne présentent aucun lien, direct ou indirect, avec l'action humanitaire menée par l'association " Barakacity ", ne peuvent être regardés comme uniquement motivés par celle-ci. Par ailleurs, si l'association requérante fait valoir que les propos tenus par M. Sihamedi lui-même, peu de temps avant la dissolution de l'association " Barakacity ", ne peuvent être imputés à cette dernière, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que les messages de M. Chabchoub puissent être regardés comme constitutifs d'un trouble à l'ordre public, ainsi que l'a relevé le Conseil d'État dans son arrêt cité au point 6. 11. En outre, contrairement à ce que soutient l'association requérante, les messages dont la teneur a été rappelée au point 9 ont clairement pour objet d'affirmer, sur un ton très polémique, l'existence d'une discrimination systémique envers la communauté musulmane cautionnée par les pouvoirs publics, et singulièrement par les services de justice et de police. En outre, ces mêmes propos, adressés à une personne dont il n'est pas contestable qu'elle a notamment, d'une part, diffusé des messages à la fin du mois d'août 2020, en marge des procès de l'attentat de Christchurch, glorifiant la mort en martyr, ou, au début du mois de septembre 2020, appelant de ses vœux des châtiments sur les victimes de l'attentat contre le journal " Charlie Hebdo ", ou encore incitant à la haine et à la violence envers des personnes nommément désignées en désaccord avec ses idées, et d'autre part, qu'elle entretient des relations avec d'autres associations appartenant à la mouvance islamiste radicale, qu'il s'agisse de structures islamistes en Europe ou de groupes djihadistes, ne peuvent être lus abstraction faite de ce contexte, ce que ne pouvait sérieusement ignorer M. Chabchoub, et manifestent ainsi également une caution aux idées véhiculées par leur destinataire. Compte tenu de la qualité de leur auteur, représentant officiel d'une communauté religieuse et président d'une association ayant notamment pour objet, ainsi qu'il a été dit, l'enseignement et la pratique de l'islam, du contexte de tensions dans lequel ces événements s'inscrivaient, et de l'importance de l'audience susceptible d'être destinataire de tels messages résultant de l'emploi des réseaux sociaux en l'absence de paramétrage spécifique, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en regardant ces messages comme constitutifs d'une atteinte à l'ordre public au sens des dispositions citées au point 3. 12. En deuxième lieu, alors même que M. Chabchoub a utilisé son compte Facebook personnel pour diffuser les messages litigieux, eu égard à sa notoriété, à la nature des fonctions qu'il exerce au sein de l'association requérante et à l'influence qui en découle nécessairement sur les fidèles du culte, et au lien que présentent ses propos avec l'objet statutaire de l'association, lequel comprend notamment l'enseignement et la pratique de l'islam, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait sans erreur de droit imputer à l'association requérante les messages en cause doit être écarté. 13. En troisième lieu, aux termes de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. (...). / 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines (...) restrictions (...) prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, (...) ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, (...), à la protection (...) ou des droits d'autrui. ". Ces stipulations, qui n'ont pas pour objet de garantir une absolue liberté d'expression aux dirigeants des personnes morales ne s'opposent pas, par elles-mêmes, à la possibilité, pour le législateur, d'adopter à l'égard de catégories particulières d'associations, telles les associations cultuelles, des mesures spécifiques de contrôle de la part de l'État en matière de respect de l'ordre public, conformément aux points 4 et 5, en contrepartie des avantages qui leur sont attribués. 14. La décision attaquée, qui a pour seul objet d'abroger la décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté que l'association requérante entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, et par laquelle le préfet n'a fait que mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009 et du décret du 11 mai 2007 précités, ne porte par elle-même aucune atteinte à la liberté d'expression. Le moyen doit donc être écarté. 15. Il résulte de tout ce qui précède que l'association des musulmans de Noisy-le-Grand n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a abrogé sa décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté, sur le fondement du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009, qu'elle entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement et de cette décision doivent donc être rejetées. Sur les frais du litige : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association des musulmans de Noisy-le-Grand, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Ses conclusions tendant à ce que, à ce titre, la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État ne peuvent donc qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'association des musulmans de Noisy-le-Grand est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des musulmans de Noisy-le-Grand et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. F..., président de chambre, - M. E..., président-assesseur, - Mme G..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, S. E...Le président, J. F... La greffière, Y. C... La République mande et ordonne ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA04879
CETATEXT000048448348
J1_L_2023_11_00021PA06193
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448348.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 21PA06193, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
21PA06193
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme BONIFACJ
SELARL BAZIN & ASSOCIES AVOCATS
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... E..., Mme A... E... et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Ville de Paris à verser à Mme D... E... la somme de 50 000 euros, à Mme A... E... la somme de 40 000 euros et à M. B... E... la somme de 40 000 euros, en réparation des préjudices d'affection qu'ils ont subis du fait du décès de M. C... E.... Par un jugement n°1923172/2-3 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, les consorts E..., représentés par Me Grinholtz-Attal, demandent à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de condamner la Ville de Paris à verser à Mme D... E... la somme de 50 000 euros, à Mme A... E... la somme de 40 000 euros et à M. B... E... la somme de 40 000 euros 3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la Ville de Paris a commis deux fautes tirées, d'une part, de la présence de punch lors du pot de service du 23 juin 2015, alors que cet alcool est prohibé en vertu des dispositions de l'article R. 4228-20 du code du travail, et d'autre part, de la méconnaissance de son obligation de protection résultant de l'article 23 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. E... avait commis une faute exonérant totalement la Ville de Paris de sa responsabilité ; - ils ont subi un préjudice d'affection. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, la Ville de Paris, représentée par Me Poput, conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par les consorts E... sont infondés. Par une ordonnance du 17 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mars 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail, - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Poput pour la Ville de Paris. Considérant ce qui suit : 1. M. C... E..., agent supérieur d'exploitation affecté au service technique de l'énergie et du génie climatique (STEGC), au sein de la direction du patrimoine et de l'architecture de la Ville de Paris, est décédé, le 23 juin 2015, des suites d'un accident de la circulation alors qu'il regagnait son domicile depuis son lieu de travail. Par une décision du 29 mars 2018, la Ville de Paris a refusé de reconnaître cet accident comme imputable au service au motif que la survenance de cet accident résultait d'un fait personnel de l'agent. Parallèlement, Mme D... E..., son épouse, Mme A... E... et M. B... E..., ses enfants, ont saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de la Ville de Paris à leur verser la somme totale de 130 000 euros en réparation de leur préjudice d'affection. Par un jugement du 7 octobre 2021, dont les consorts E... relèvent appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Sur la responsabilité de la Ville de Paris : 2. Aux termes de l'article R. 4228-20 du code du travail : " Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail. / Lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et à la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de services les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du même code : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. (...) ". Aux termes de l'article 23 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Par ailleurs, l'article 7 de la Charte alcool de la Ville et du Département de Paris reprend, au titre des boissons alcooliques autorisées, la liste fixée à l'article R. 4228-20 du code du travail et précise, en outre, que " Les pots sont soumis à l'autorisation préalable du responsable hiérarchique. A cette occasion, les boissons non alcoolisées doivent être privilégiées. La consommation d'alcool doit rester modérée et ne pas entraîner de dépassement des limites d'alcoolémie définies à l'article 5. Une liste des boissons proposées (cette liste devant comporter aussi des boissons non alcoolisées en quantité au moins égale), leur quantité et le nombre d'invités, sont joints à la demande d'autorisation (...) ". 3. En l'espèce, il résulte de l'instruction, que le 23 juin 2015 M. E... a participé à un repas de service au cours duquel il a consommé des boissons alcoolisées et notamment du punch. Alors qu'il est constant que le chef de service participait également à ce repas, la présence de punch doit être regardée comme ayant été autorisée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 4228-20 du code du travail et de l'article 7 de la Charte alcool de la Ville et du Département de Paris. Ainsi, la Ville de Paris, en ne prohibant pas cette boisson lors du pot de service du 23 juin 2015, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. 4. En revanche, alors qu'il n'est pas allégué que M. E... occupait un poste à risque exigeant, de la part de la Ville de Paris, la mise en place de mesures de dépistage de l'alcoolémie, la seule circonstance que des pots aient lieu au sein des différents services de la Ville de Paris ne peut, à elle seule, davantage conduire à l'obligation de mise en œuvre de tels tests. Enfin, alors au demeurant que le pot de service avait eu lieu au moment de la pause méridienne alors que M. E... quittait son service à 16h30, il ne saurait être reproché à la Ville de Paris de ne pas avoir mis en place un système de navette pour reconduire les agents ayant eu une consommation excessive d'alcool. Aussi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la Ville de Paris aurait méconnu son obligation de protection de ses agents. 5. Enfin, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de l'indemnisation accordée par leur assureur, hormis le préjudice d'affection, au titre de la garantie " conducteur ", laquelle est sans incidence sur la responsabilité de la Ville de Paris. Sur la faute de la victime : 6. Si toute faute commise par une collectivité publique est de nature à engager la responsabilité de celle-ci, cette dernière peut s'exonérer, totalement ou partiellement, de sa responsabilité dans le cas où la victime aurait commis une faute. 7. Il résulte de l'instruction que le taux d'alcoolémie de M. E... au moment de l'accident, qui a fait l'objet de deux analyses distinctes par deux laboratoires différents, a été estimé entre 0,89g et 1,07g/l de sang, soit un taux supérieur au taux maximal autorisé. Cette alcoolémie anormalement élevée révèle une faute de la victime qui, en outre, a commis l'imprudence dans ces circonstances de prendre son scooter pour regagner son domicile. Cette faute de la victime doit être regardée, en l'espèce, comme exonérant totalement la Ville de Paris de sa responsabilité. Par suite, les conclusions indemnitaires des consorts E... doivent être rejetées. 8. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1 : La requête des consorts E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E..., à Mme A... E..., à M. B... E... et à la Ville de Paris. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA06193
CETATEXT000048448349
J1_L_2023_11_00022PA00810
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 22PA00810, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
22PA00810
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme BONIFACJ
CABINET JEAN-BERNARD SEGHIER-LEROY
M. Jean-Christophe NIOLLET
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a été regardé comme demandant au Tribunal administratif de Paris d'annuler les notes qui lui ont été attribuées aux différentes épreuves de la session de rattrapage de la première année de licence de droit au centre audiovisuel d'études juridiques (CAVEJ) de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Par une ordonnance n° 2122679/12-1 du 21 décembre 2021, le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 21 février 2022, M. A..., représenté par Me Seghier-Leroy, demande à la Cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris du 21 décembre 2021 ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération par laquelle le jury de la première année de droit de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne l'a déclaré ajourné aux épreuves de première année de licence de droit au titre de l'année universitaire 2020-2021 ; 3°) d'enjoindre à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne de provoquer une nouvelle délibération du jury de la première année de licence de droit au titre de l'année universitaire 2020-2021 afin de réexaminer ses résultats ; 4°) subsidiairement, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris ; 5°) de mettre à la charge de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : -l'ordonnance attaquée a mal interprété ses conclusions, par lesquelles il avait contesté, non les notes qu'il avait obtenues aux rattrapages, mais la délibération du jury ayant décidé son ajournement ; - l'ordonnance attaquée a irrégulièrement rejeté ses conclusions comme irrecevables, en estimant qu'il ne pouvait pas attaquer son relevé de notes du 19 octobre 2021, qui mentionnait pourtant les voies et délais de recours ; - le premier juge aurait dû l'inviter à régulariser sa requête par la production d'un mémoire complémentaire ; - la délibération attaquée a été prise par une autorité incompétente, dès lors qu'il n'est pas établi que la présidente de l'université, signataire de son relevé de notes, faisait partie du jury, seul compétent pour prononcer les décisions d'ajournement ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 112-4 du code de l'éducation, dès lors qu'il aurait dû obtenir, en raison de son handicap, un temps supplémentaire pour les épreuves auxquelles il a été ajourné. La requête a été communiquée au président de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Niollet, - et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., étudiant en première année de licence de droit au centre audiovisuel d'études juridiques (CAVEJ) de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au titre de l'année universitaire 2020-2021, a été convoqué à des épreuves de rattrapages de matières du premier et du second semestre, qui se sont tenues du 8 au 20 septembre 2021. Par une délibération révélée par un relevé de note du 19 octobre 2021, le jury de première année de droit de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne l'a déclaré ajourné aux épreuves de première année de licence de droit. Il fait appel de l'ordonnance du 21 décembre 2021 par laquelle le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande introduite à la suite de cette décision, sur le fondement des dispositions du 4°) et du 7°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. 2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ". 3. Le premier juge a rejeté la requête de M. A... comme irrecevable aux motifs que ses conclusions, qu'il a interprétées comme tendant à l'annulation des notes obtenues aux rattrapages, étaient dirigées contre une décision insusceptible de recours, et, au surplus, que les moyens soulevés, relatifs à l'appréciation portée par le jury sur sa valeur et ses mérites, étaient inopérants. 4. Si M. A... soutient qu'il n'a pas contesté les notes qu'il a obtenues aux rattrapages, mais la délibération, susceptible de recours, par laquelle le jury l'a ajourné aux épreuves de première année de licence de droit, il ressort des termes de sa demande de première instance, qui ne mentionne ni la délibération du jury décidant son ajournement, ni le relevé de " notes et résultats " du 19 octobre 2021, sur lequel figurait la décision d'ajournement, qu'il souhaitait s'assurer de ce que les résultats obtenus aux rattrapages étaient fondés, et qu'il considérait que " les notes obtenues n'étaient pas méritées ". Les notes attribuées aux candidats ne pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en ce qu'elles constituent, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, des mesures préparatoires à la délibération du jury décidant de l'admission des candidats dont elles ne sont pas détachables, M. A... n'est en tout état de cause pas fondé à contester le rejet de ses conclusions par l'ordonnance attaquée. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que le tribunal aurait dû l'inviter à régulariser sa demande par la production d'un mémoire complémentaire. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Paris aurait irrégulièrement rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Bonifacj, présidente de chambre, M. Niollet, président-assesseur, M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, J-C. NIOLLETLa présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00810
CETATEXT000048448350
J1_L_2023_11_00022PA02836
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448350.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 22PA02836
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02836
6ème chambre
plein contentieux
C+
Mme BONIFACJ
CS AVOCATS ASSOCIES
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... Vialon a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Union nationale des centres de plein air (UCPA) à lui verser la somme de 7 700 euros au titre d'indemnité de congés payés, 9 680 euros en paiement de son compte épargne temps, 1 000 euros à titre d'indemnité de son arrêt maladie du 23 février au 20 mars 2018 et 76 417,17 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée de sa mission, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°1916237/6-3 du 12 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 20 juin 2022, M. Vialon, représenté par Me Moreau, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a refusé l'indemnisation du préjudice lié à la fin de mission ; 2°) de condamner l'Union nationale des centres de plein air (UCPA) à lui verser une somme de 15 283, 64 euros ou au moins une somme de 11 653, 44 euros, somme portant intérêts à compter de la date d'enregistrement de la requête avec capitalisation des intérêts ; 3°) de mettre à la charge de l'UCPA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la fin anticipée de sa mission auprès de l'UCPA ne lui a pas causé un préjudice dans la mesure où il a continué de travailler du mois de mai au mois de décembre 2018 sans percevoir de rémunération de l'UCPA. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2022, l'Union nationale des centres de plein air, représentée par Me Garnier, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. Vialon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que le moyen soulevé par M. Vialon est infondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du sport ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Louvigny pour l'UCPA. Considérant ce qui suit : 1. M. Vialon, conseiller technique et pédagogique supérieur sport au sein du ministère des sports, a été mis à disposition de l'Union nationale des centres de plein air (UCPA), à compter du 1er septembre 2002. En dernier lieu, à compter du 1er septembre 2016, l'intéressé a été affecté en tant que conseiller technique sportif pour y exercer la mission de conseiller technique national jusqu'au 31 août 2020. Le 12 avril 2018, la directrice des sports a autorisé l'UCPA à mettre fin de façon anticipée à mission. Sa demande tendant à être indemnisé des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la fin anticipée de sa mission étant restée sans réponse, M. Vialon a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'UCPA à lui verser la somme totale de 94 797,17 euros. M. Vialon relève appel du jugement du 12 mai 2022, par lequel le Tribunal a rejeté sa requête en tant seulement qu'il lui a refusé l'indemnisation du préjudice lié à la fin de sa mission et demande à ce titre la condamnation de l'UCPA à lui verser une somme de 15 283, 64 euros ou à titre subsidiaire une somme de 11 653, 44 euros. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article D. 131-23-1 du code du sport, créé par décret du 10 février 2017 : " Sans préjudice des indemnités mentionnées à l'article R. 131-21, une indemnité peut être versée au conseiller technique sportif, dans la limite d'un montant annuel fixé dans la convention-cadre mentionnée à l'article R. 131-23, soit par la fédération sportive auprès de laquelle il exerce, soit par ses organes nationaux, régionaux ou départementaux. Dans ce dernier cas, la fédération sportive définit et met en place les moyens par lesquels elle est régulièrement tenue informée des montants directement versés à ce titre par ses organes nationaux, régionaux ou départementaux. ". Et aux termes de l'article R.131-21 du même code : " L'agent qui exerce la mission de conseiller technique sportif perçoit une rémunération de l'Etat. Il est indemnisé par la fédération intéressée des frais et sujétions exposés dans l'exercice de sa mission. ". 3. Dans la présente requête d'appel, M. Vialon ne conteste plus la régularité de la procédure suivie pour mettre fin à sa mission, mais soutient que son travail auprès de l'UCPA pour la période de mai 2018 à décembre 2018 n'a donné lieu à aucune rémunération de cette dernière. Il résulte certes des dispositions précitées de l'article D.131-23-1 du code du sport que la fédération sportive ou ses organes nationaux, régionaux ou départementaux peut décider discrétionnairement de verser ou non une indemnité au conseiller technique sportif. Toutefois, en l'espèce, l'avenant au contrat de travail de M. Vialon en date du 25 février 2011 stipule que l'UCPA versera à ce dernier, en sus du traitement versé par l'État, une indemnité dont le montant s'élevait en 2018 à 1 456,68 euros nets par mois. Faute de toute justification du non-respect de cet avenant par l'UCPA à partir du mois de mai 2018, M. Vialon est fondé à soutenir qu'il a subi un préjudice financier à ce titre. Compte tenu du montant perçu par l'intéressé pour les mois précédents, il sera fait une exacte appréciation du préjudice financier subi par le requérant pour la période de mai à décembre 2018 en l'évaluant à la somme de 11 653, 44 euros. Sur les intérêts et leur capitalisation : 4. M. Vialon a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 11 653, 44 euros à compter du 20 juin 2022, date d'enregistrement de sa requête. 5. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 20 juin 2022. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 20 juin 2023, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. Vialon est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire en tant qu'elle porte sur la somme de 11 653, 44 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2022 et capitalisation des intérêts à compter du 20 juin 2023. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative : 7. D'une part, les dispositions susvisées font obstacle à ce que M. Vialon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme à l'UCPA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'UCPA une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. Vialon et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'Union nationale des centres de plein air est condamnée à verser à M. Vialon la somme de 11 653, 44 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 20 juin 2022. Les intérêts échus à la date du 20 juin 2023 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : Le jugement n°1916237/6-3 du 12 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt. Article 3 : L'Union nationale des centres de plein air versera une somme de 1 500 euros à M. Vialon au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de l'Union nationale des centres de plein air au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Vialon et à l'Union nationale des centres de plein air. Copie en sera adressée à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques de France. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques de France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02836
CETATEXT000048448351
J1_L_2023_11_00022PA03197
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448351.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 22PA03197, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03197
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme BONIFACJ
ORIER AVOCATS
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 40 880 euros en réparation des préjudices subis du fait du refus du ministre de l'intérieur de lui accorder un agrément en qualité d'employé des salles de jeux. Par un jugement n° 2007747 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juillet et 13 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Orier, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 45 680 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la réception de sa demande indemnitaire préalable ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation ; - le ministre de l'intérieur a commis une faute en refusant illégalement son agrément en qualité d'employé de cercle de jeux car, d'une part, il a commis une erreur de droit dans l'appréciation du décret déterminant les conditions de délivrance d'un agrément, d'autre part, il a commis une erreur dans l'appréciation des faits ; - cette faute lui a causé des préjudices qui peuvent être évalués à 31 680 euros pour le préjudice financier, 4 000 euros pour le préjudice moral et 10 000 euros pour le préjudice de jouissance. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le jugement attaqué est régulier ; - le refus d'agrément n'est pas illégal ; - le préjudice de M. A... n'est pas établi. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité intérieure ; - le décret n° 2017-913 du 9 mai 2017 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Barthelemy pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 12 avril 2018, le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à M. A... un agrément en qualité d'employé des salles de jeux, sollicité pour lui par le club de jeux Marbeuf Champs Elysées. Toutefois, par un arrêté du 16 octobre 2018, le ministre de l'intérieur a délivré à M. A... un agrément en qualité de membre de comité de direction d'un club de jeux, arrêté abrogé par un second en date du 24 octobre 2018 lui accordant un agrément en qualité d'employé de salle de jeux. L'intéressé a alors demandé au ministre de l'intérieur à être indemnisé du préjudice qu'il estime avoir subi entre les mois d'avril et octobre 2018 du fait du refus d'agrément qui lui a été opposé durant cette période. Il relève appel du jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 40 880 euros à ce titre. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les premiers juges ont répondu de façon circonstanciée aux moyens soulevés par M. A.... Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de sa motivation doit donc être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L 114-1 du code de la sécurité intérieure : " I. - Les décisions administratives (...) d'agrément (...), prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, (...), peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. (...). Aux termes de l'article 16 du décret du 9 mai 2017 : " Peuvent donner lieu aux enquêtes mentionnées à l'article L 114-1 du code de la sécurité intérieure les décisions (...)2° d'agrément des directeurs responsables et des membres des comités de direction des clubs de jeux autorisés ainsi que des personnes employées dans les salles des jeux de ces établissements ". 4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, si l'enquête administrative prévue par l'article précité doit nécessairement prendre en compte des condamnations pénales, si elles existent, en revanche elle peut légalement estimer que le comportement de l'intéressé n'est pas compatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées en absence même d'une condamnation pénale. 5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. A..., qui a exercé les fonctions de croupier, de chef de partie puis de membre du comité des jeux au sein de l'Aviation Club de France de 2004 à 2014, a vu sa rémunération plus que doubler entre le mois de septembre 2010 et le mois de juin 2011, sa rémunération mensuelle passant de 1 425,09 euros nets à 3 250,97 euros. Cette hausse très significative est concomitante avec la disparition progressive, au sein du club, d'un système de paiement non déclaré des heures supplémentaires, dont la mise à jour a été à l'origine de la fermeture de l'établissement au mois de septembre 2014. Si pour expliquer cette hausse autrement que par l'arrêt de ce système, dont il nie avoir bénéficié, le requérant se prévaut de ses nouvelles fonctions de membre du comité des jeux à compter du mois d'octobre 2010, cette circonstance n'est toutefois pas suffisante pour justifier le niveau de son augmentation de salaire. Dès lors, au regard de l'importante hausse de salaire dont a bénéficié M. A..., de la concomitance de cette augmentation avec l'arrêt du système de rémunération occulte au sein de l'Aviation Club de France et de l'absence d'explications probantes pour la justifier, son implication dans le système de rémunération occulte, en ce qu'il a perçu, en connaissance de cause, de telles rémunérations, doit être regardée comme établie. Aussi, en retenant, pour refuser de délivrer un agrément à M. A..., l'implication de ce dernier dans ce système de rémunérations occultes, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur de fait. 6. En dernier lieu, en estimant que la participation de M. A... à ce système de rémunérations occultes témoignait d'un manque de probité et d'un manque de loyauté envers l'autorité de tutelle, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation, nonobstant les circonstances que l'intéressé n'ait pas fait l'objet de condamnation pénale et se soit vu finalement délivrer un agrément en octobre 2018. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du code de la sécurité intérieure et, par suite, n'a pas commis de faute, en refusant le 12 avril 2018, de délivrer l'agrément sollicité. La responsabilité de l'Etat ne saurait, dès lors, être engagée et les conclusions indemnitaires présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03197
CETATEXT000048448354
J1_L_2023_11_00022PA03857
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448354.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 22PA03857, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03857
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme BONIFACJ
GIORNO
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Ipanema Voyages a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à la condamnation du centre communal d'action sociale (CCAS) et de la commune de Thiais à lui verser la somme de 14 483,05 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis dans le cadre du marché de prestation de voyage en Indonésie. Par un jugement n° 2100241 du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Melun a mis hors de cause la commune de Thiais, a condamné le centre communal d'action sociale de Thiais à verser à la société Ipanema Voyages la somme de 14 483,05 euros, a mis à la charge du centre communal d'action sociale de Thiais une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 août 2022 et le 7 février 2023, le centre communal d'action sociale de Thiais représenté par Me Férignac, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2022 du Tribunal administratif de Melun ; 2°) de rejeter la demande de la société Ipanema Voyages devant le tribunal administratif de Melun ; 3°) de mettre à la charge de la société Ipanema Voyages la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier car il n'est pas signé ; - le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de respect du principe du contradictoire ; - c'est à tort que les premiers juges ont jugé recevables les conclusions dirigées contre le CCAS car il s'agissait de conclusions nouvelles présentées après l'expiration du délai de recours contentieux et donc irrecevables ; - la demande indemnitaire de la société Ipanema voyages était irrecevable car non précédée d'une réclamation adressée dans les délais au CCAS ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il résulte des stipulations mêmes de l'article 8 précité du cahier des clauses particulières que la notification du marché vaut option de réservation du voyage et entrainait, de ce seul fait, obligation de réservation de la part de la société ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il y a bien eu une commande même si les prestations réalisées par la société n'ont fait l'objet d'aucun bon de commande ; - la somme de 14 483,05 euros n'est pas justifiée. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2022, la société Ipanema voyages, représentée par Me Giorno, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du CCAS de Thiais au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par le CCAS de Thiais sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Beguerie pour le CCAS de Thiais et de Me Giorno pour la société Ipanema voyages. Considérant ce qui suit : 1. Par acte d'engagement du 10 octobre 2019, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Thiais a conclu avec la société Ipanema Voyages un accord-cadre à bons de commande ayant pour objet l'organisation d'un séjour à Bali. Ce contrat, sans montant minimum et pour un montant maximum de 71 000 euros, expirait le 31 décembre 2020. La société Ipanema Voyages a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, à la condamnation de la commune de Thiais et du CCAS de Thiais à lui verser une somme de 14 483,05 euros au titre des frais qu'elle a engagés dans le cadre de l'exécution du contrat précité. Par un jugement du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Melun a mis hors de cause la commune de Thiais, a condamné le CCAS de Thiais à verser à la société Ipanema Voyages la somme de 14 483,05 euros, a mis à la charge du CCAS de Thiais une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Le CCAS de Thiais relève appel de ce jugement. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête : 2. Aux termes de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion ". 3. Il résulte de l'instruction que, par courriel du 23 juillet 2020, la directrice adjointe du CCAS de Thiais a indiqué à la société Ipanema Voyages son refus de verser une quelconque somme ainsi que les motifs de ce refus. Un différend est donc né le 23 juillet 2020 et la société disposait d'un délai de deux mois à compter de cette date pour introduire sa réclamation préalable. Or, dans ce délai, la société intimée a seulement transmis un courrier du 9 septembre 2020 qui ne détaillait nullement les bases de calcul des sommes demandées et ne faisait d'ailleurs pas référence à la somme réclamée. Ce courrier ne pouvait donc être regardé comme un mémoire de réclamation au sens de l'article 37.2 du CCAG-FCS. Le CCAS de Thiais est donc fondé à soutenir que la demande de première instance était irrecevable faute de réclamation préalable. 4. Il résulte de ce qui précède que le CCAS de Thiais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à la demande de la société Ipanema voyages. Sur les conclusions des parties au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative : 5. D'une part, les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de Thiais, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société Ipanema voyages et non compris dans les dépens. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par le CCAS de Thiais. DÉCIDE : Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2100241 du 21 juin 2022 du Tribunal administratif de Melun sont annulés. Article 2 : La demande de la société Ipanema voyages devant le tribunal administratif de Melun est rejetée dans son intégralité. Article 3 : Les conclusions des parties au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale de Thiais et à la société Ipanema Voyages. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03857
CETATEXT000048448355
J1_L_2023_11_00023PA02565
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448355.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 23PA02565, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
23PA02565
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme BONIFACJ
TUENDIMBADI KAPUMBA
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Par un jugement n°2110693 du 12 mai 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 11 juin 2023, et un mémoire ampliatif enregistré le 17 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Tuendimbadi Kapumba, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2023 du Tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 7 juillet 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat a somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, lequel n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - et les observations de Me Tuendimbadi Kapumba pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 9 février 1959 et entrée en France le 25 décembre 2017, a sollicité le 15 septembre 2020 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 juillet 2021, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 12 mai 2023, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". 3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. 4. Il ressort des termes de son avis du 1er mars 2021, sur lequel s'est notamment fondé le préfet du Val-de-Marne, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Il n'est pas contesté qu'elle souffre d'un diabète de type II, compliqué notamment d'une rétinopathie, d'une insuffisance rénale chronique, d'une neuropathie et d'une artériopathie distale, pathologies nécessitant la prise de plusieurs médicaments et un suivi médical pluridisciplinaire régulier. Si Mme B... fait valoir qu'elle n'aura pas accès en République démocratique du Congo à certains médicaments qu'elle prend quotidiennement, ni au plateau technique exigé pour son suivi médical, les certificats des 19 et 20 novembre 2021, produits en première instance, s'ils indiquent que la prise en charge de la patiente sera aléatoire et délicate dans son pays d'origine, ces seuls éléments, insuffisamment précis et circonstanciés, ne suffisent pas à établir que la requérante ne pourrait pas effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Dans la présente requête d'appel, Mme B..., outre des comptes rendus d'hospitalisation postérieurs à la décision attaquée et ne se prononçant pas en tout état de cause sur l'offre de soins dans son pays d'origine, produit un document du 14 juin 2023 émanant de la faculté de médecine de l'université de Kinshasa cosigné par trois médecins, se bornant à indiquer que le cas de la requérante, qui souffre de plusieurs morbidités, nécessite un suivi étroit afin de les contrôler et de lui procurer une meilleure qualité de vie, sans se prononcer sur la disponibilité du traitement en République démocratique du Congo. Ce document n'est ainsi pas suffisant pour établir que la requérante n'aurait pas effectivement accès à un traitement approprié dans son pays d'origine. La seule circonstance que Mme B... avait, au mois d'avril 2019, bénéficié d'un titre de séjour pour raisons de santé n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII, par son avis du 1er mars 2021, sur la possibilité pour l'intéressée de bénéficier dans son pays d'origine des soins qui lui sont désormais nécessaires. Dès lors Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Val-de-Marne a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02565
CETATEXT000048448356
J1_L_2023_11_00023PA03068
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448356.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 23PA03068, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
23PA03068
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme BONIFACJ
MAILLARD
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement n°2300221/8 du 5 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Maillard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2023 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 3 octobre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail pendant la durée de fabrication du titre de séjour, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail, dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Maillard, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation ; S'agissant de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour : - elle est entachée d'une insuffisance de motivation révélant un défaut d'examen complet de la demande ; - elle est entachée d'erreur de droit car le préfet s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qu'elle assortit ; - elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire : - elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; S'agissant de la décision fixant le pays de destination : - elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... sont infondés. Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2023, M. B... maintient ses conclusions par les mêmes moyens. Par une décision du 20 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant tunisien né le 12 avril 1975 et entré en France en mars 2011 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour des motifs médicaux. Par un arrêté du 3 octobre 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement du 5 avril 2023 dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de M. B..., ont répondu de façon circonstanciée à l'ensemble de ses moyens. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de sa motivation doit donc être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : S'agissant de la décision de refus de séjour : 3. En premier lieu, l'arrêté attaqué indique les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté. 4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des motifs de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le préfet de police ne se serait pas livré un examen complet de la demande de M. B.... 5. En troisième lieu, aux termes de l'article des deux premiers alinéas de L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / (...). ". Les conditions d'application de ces dispositions ont été définies aux articles R. 425-11 à R. 425-13 du même code et précisées par l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, les orientations générales mentionnées à l'article L. 425-9 ont été fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 6. En l'espèce, l'avis du collège de médecins de l'OFII du 26 juillet 2022 mentionne que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque. La circonstance que l'OFII avait rendu un premier avis favorable au cas de M. B... le 25 février 2022, indiquant que son état de santé nécessitait alors une poursuite des soins en France pendant six mois n'est pas contradictoire à ce second avis. 7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII du 26 juillet 2022, et ce alors même qu'il a retenu les mêmes motifs pour refuser le titre de séjour sollicité. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté. 8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical rédigé le 11 janvier 2023, que M. B... souffre d'un carcinome nasopharyngé non kératinisant et bénéficie à ce titre d'une prise en charge médicale régulière depuis le mois d'octobre 2021, consécutive à sa radio-chimiothérapie afin de surveiller l'évolution du carcinome et éviter une réapparition de cellules cancéreuses. Si le requérant allègue qu'il ne pourrait bénéficier d'un accès au suivi médical spécialisé requis en Tunisie, au sens de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017, les certificats médicaux produits en première instance établis par un médecin généraliste ainsi que par trois médecins des hôpitaux Tenon ou Forcilles les 3, 11, 20 et 30 janvier 2023, au demeurant postérieurs à la décision attaquée, qui se bornent à indiquer de manière générale que la prise en charge appropriée serait " difficile ", ou " très difficile " ou ne serait pas possible, sans précision ou justification, ne sont pas de nature à l'établir, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges. Les certificats médicaux des 12, 14 et 18 avril 2023 produits en appel sont également rédigés dans les mêmes termes et ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII. Par ailleurs, si M. B... allègue qu'il ne pourra accéder à un suivi médical spécialisé et approprié dans son pays d'origine dès lors qu'il ne dispose pas d'une couverture sociale en Tunisie en raison de sa situation médicale invalidante qui ne lui a pas permis de travailler et de cotiser, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 10. Si M. B... se prévaut de ce qu'il vit en France depuis 2011 et y a noué des liens, il n'établit résider habituellement sur le territoire français que depuis l'année 2021, il est par ailleurs célibataire sans charges de famille et il ne justifie d'aucun lien qu'il y aurait noué, ni d'aucune insertion particulière dans la société française. En outre, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans. Dès lors, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B... le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son refus de titre de séjour sur la situation personnelle de M. B.... S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours et de la décision fixant le pays de destination : 11. Il y a lieu d'écarter les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination, tels que visés ci-dessus, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges respectivement aux points 10 à 12, 13 à 15 et 16 à18 du jugement attaqué. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA03068
CETATEXT000048448357
J1_L_2023_11_00023PA03093
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448357.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 23PA03093, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
23PA03093
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme BONIFACJ
PIEROT
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté en date du 17 janvier 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2201428 du 28 mars 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Pierot, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 28 mars 2023 du Tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 17 janvier 2022 ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de 30 jours à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 2 jours à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de motivation ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de faits ; - elle est entachée de défaut d'examen sérieux de sa situation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3 -1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne, laquelle n'a pas produit de mémoire en défense. Par une décision du 12 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant nigérian né le 14 février 1988, entré en France le 15 août 2016, a vu sa demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 5 août 2021. Par un arrêté du 17 janvier 2022, la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Le premier juge a répondu de façon circonstanciée à l'ensemble des moyens soulevés en première instance par M. B.... Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de sa motivation ne peut donc être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 3. Aux termes de l'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3°; (...) " et de l'article L. 614-5 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. (...) Lorsque l'étranger conteste une décision portant obligation de quitter le territoire fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. ". Et aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". 4. En premier lieu, la décision contestée du 17 janvier 2022 de la préfète du Val-de-Marne mentionne de façon suffisamment précise les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et notamment que l'intéressé a vu sa demande d'asile rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 août 2021 et que la décision prise ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale. Il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que la préfète du Val-de-Marne ne se serait pas livrée à un examen sérieux et complet de la situation du requérant, alors qu'il n'établit pas au surplus avoir informé la préfète de l'évolution de sa situation familiale entre le 10 août 2021 et le 17 janvier 2022. 5. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'erreur de fait doit être écarté comme non assorti des précisions suffisantes permettant au juge administratif d'en apprécier le bien-fondé. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 7. Si le requérant soutient qu'il vit en France depuis cinq ans et qu'il est le père d'un enfant, né le 26 juillet 2022 de sa relation avec une compatriote, reconnue réfugiée le 28 octobre 2019, il est constant qu'il n'a reconnu la paternité de son enfant que le 25 mars 2022, soit plus de deux mois après la décision attaquée. Comme l'a relevé le premier juge, sa durée de présence en France n'est que la résultante des délais d'examen de ses demandes d'asile successives par les instances compétentes. De plus, il résulte de ses propres écritures qu'il ne réside pas avec la mère de son enfant. S'il se prévaut aussi de son travail de coiffeur dans un établissement de Villiers-le-Bel, en tout état de cause, cette activité n'a débuté que le 1er janvier 2022 soit quelques jours avant l'arrêté attaqué, alors d'ailleurs qu'elle s'est terminée à la fin du premier semestre 2022 Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne a méconnu, en prenant à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation. 8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 9. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit au point 7, que M. B... n'a reconnu son fils, né le 26 juillet 2022, que le 25 mars 2022 soit plus de deux mois après l'arrêté attaqué et qu'il ne réside pas avec la mère de son enfant. Dès lors, il n'est pas non plus fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français, à la date à laquelle elle a été prise, a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 10. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 3 à 9 que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté. 11. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le Nigéria comme pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut qu'être écarté. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA03093
CETATEXT000048448358
J1_L_2023_11_00023PA03739
CETAT
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CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 23PA03739, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
23PA03739
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme BONIFACJ
GENESIS AVOCATS
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement n° 1300251 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a condamné le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser au groupement Sogea la somme de 4 417,50 euros TTC au titre du marché complémentaire de construction de l'unité d'hémodialyse et a modifié le solde du marché en inscrivant au débit des demanderesses les sommes de 4 220 062,53 euros au titre des pénalités pour retard global d'exécution, 11 335 836,17 euros au titre des autres pénalités et 24 955 euros TTC pour " réfaction ", et à leur crédit les sommes de 437 378,74 euros TTC au titre des travaux supplémentaires, 73 609,75 euros au titre du surcoût lié à l'allongement du délai d'exécution, 239 589,85 euros au titre des dépenses communes de chantier et 14 144,02 euros au titre des intérêts moratoires dus sur acomptes mensuels. Par un arrêt n° 18PA20476 du 31 juillet 2023, la Cour a condamné les sociétés Sogea Martinique et autres à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 1 887 570,77 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A, a réformé le jugement n° 1300251 du 10 octobre 2017 du tribunal administratif de la Martinique en ce qu'il a de contraire à l'article 1er et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la Cour : I° Par une requête, enregistrée le 17 août 2023 sous le n° 23PA03739, la société Sogea Martinique, la société industrielle martiniquaise de préfabrication (SIMP), la société GTM génie civil et services et la société compagnie martiniquaise de bâtiment (COMABAT) représentées par Me Bourgine, demandent à la Cour de rectifier pour erreur matérielle l'article 1er du dispositif de l'arrêt n° 18PA20476 du 31 juillet 2023 qui doit être ainsi rédigé : " Les sociétés Sogea Martinique et autres sont condamnées à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 372 089,98 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. ". Elles soutiennent que l'article 1er du dispositif de l'arrêt de la Cour est en contradiction avec le point 43 de ses motifs. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du groupement Sogea Martinique au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que la requête est irrecevable en ce qu'elle ne tend pas seulement à la rectification d'une erreur matérielle. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2023, la SAS d'architecture Michel Beauvais, la SARL Acra architecture, la SARL d'architecture Lorenzo architecture, M. B... A... et la SARL ASCO BTP, représentés par Me Lallemand, demandent à la Cour de statuer sur la requête en rectification matérielle du groupement Sogea Martinique en les mettant hors de cause et de condamner le groupement Sogea Martinique en tous les dépens. Ils font valoir qu'ils ne sont pas concernés en tant que maîtres d'œuvre par cette demande de rectification d'erreur matérielle. Par un mémoire en réplique, enregistré le 24 octobre 2023, les sociétés Sogea Martinique et autres concluent aux même fins par le même moyen et en soutenant en outre que la requête, qui tend uniquement à la rectification d'une erreur matérielle, est bien recevable. II° Par une requête, enregistrée le 16 août 2023 sous le n° 23PA04040, la société Sogea Martinique, la société industrielle martiniquaise de préfabrication (SIMP), la société GTM génie civil et services et la société compagnie martiniquaise de bâtiment (COMABAT) représentées par Me Bourgine, demandent à la Cour de rectifier pour erreur matérielle l'article 1er du dispositif de l'arrêt n° 18PA20476 du 31 juillet 2023 qui doit être ainsi rédigé : " Les sociétés Sogea Martinique et autres sont condamnées à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 372 089,98 euros TTC euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. ". Elles soutiennent que l'article 1er du dispositif de l'arrêt de la Cour est en contradiction avec le point 43 de ses motifs. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2023, la SAS d'architecture Michel Beauvais, la SARL Acra architecture, la SARL d'architecture Lorenzo architecture, M. B... A... et la SARL ASCO BTP, représentés par Me Lallemand, demandent à la Cour de statuer sur la requête en rectification matérielle du groupement Sogea Martinique en les mettant hors de cause et de condamner le groupement Sogea Martinique en tous les dépens. Ils font valoir qu'ils ne sont pas concernés en tant que maîtres d'œuvre par cette demande de rectification d'erreur matérielle. Par un mémoire en réplique, enregistré le 24 octobre 2023, les sociétés Sogea Martinique et autres concluent aux même fins par le même moyen. Vu les autres pièces des dossiers. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - les observations de Me Champetier de Ribes pour la société Sogea Martinique et autres et de Me Dubois pour la société Icade Promotion. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêt n° 18PA20476 du 31 juillet 2023, la Cour a condamné, en son article 1er, la société Sogea Martinique, la société industrielle martiniquaise de préfabrication (SIMP), la société GTM génie civil et services et la société compagnie martiniquaise de bâtiment (COMABAT) à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 1 887 570,77 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. Ces sociétés ont saisi la Cour de deux requêtes, enregistrées sous les n° 23PA03739 et 23PA04040, et tendant à la rectification d'une erreur matérielle contenue dans l'article 1er de son dispositif. Les deux requêtes susvisées ont le même objet et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt 2. Aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification ". Le recours en rectification d'erreur matérielle n'est ainsi ouvert qu'en vue de corriger des erreurs de caractère matériel qui ne sont pas imputables aux parties et qui ont pu avoir une influence sur le sens de la décision. Sur la fin de non-recevoir opposée par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin : 3. Contrairement à ce que soutient le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, les requêtes des sociétés Sogea Martinique et autres ont pour unique objet de corriger une erreur matérielle et non pas de faire rejuger le litige. La fin de non-recevoir soulevée en ce sens ne peut donc qu'être écartée. Sur la demande de rectification d'erreur matérielle : 4. Il ressort du point 43 de l'arrêt du 31 juillet 2023 que la Cour a jugé que le solde du marché principal (lot 2.1 A) devait être fixé à 372 089,98 euros TTC alors que l'article 1er du dispositif met à la charge des requérantes à ce titre une somme de 1 887 570,77 euros TTC. L'erreur contenue dans l'article 1er du dispositif, contradictoire avec les motifs du point 43, constitue bien une erreur matérielle imputable au juge et ayant une influence sur le sens de l'arrêt et qu'il convient de rectifier. 5. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes sont fondées à demander que l'article 1er de l'arrêt n°18PA20476 du 31 juillet 2023 soit ainsi rectifié : " Les sociétés Sogea Martinique et autres sont condamnées à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 372 089,98 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. ". Sur les frais du litige : 6. Les dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin demande sur ce fondement soit mise à la charge des sociétés Sogea Martinique et autres, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes. 7. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions de la SAS d'architecture Michel Beauvais, la SARL Acra architecture, la SARL d'architecture Lorenzo architecture, M. B... A... et la SARL ASCO BTP ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : L'article 1er de l'arrêt 18PA20476 du 31 juillet 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est ainsi rectifié : " Les sociétés Sogea Martinique et autres sont condamnées à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 372 089,98 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. ". Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Sogea Martinique, GTM génie civil et services, à la compagnie martiniquaise de bâtiment, au groupement de coopération sanitaire de moyens de Mangot-Vulcin, aux sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Oasiis, Egis bâtiments, Tunzini et Tunzini Antilles, Icade promotion, Semavil, Socotec Antilles Guyane, Réalisations médicales et industrielles, Artelia bâtiment et industrie, Cloison Doublage Ravalement Isolation, Bureau Véritas, Bouygues énergies et service, Asco BTP, El Baze Charpentier et à Maître Beuzeboc. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23PA03739 et n°23PA04040
CETATEXT000048448362
J4_L_2023_11_00022NT00862
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448362.xml
Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT00862
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
22NT00862
6ème chambre
excès de pouvoir
C+
M. GASPON
DELEURME-TANNOURY
M. François PONS
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes : - d'annuler la décision par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande du 26 décembre 2018 de protection fonctionnelle et d'enjoindre au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; - d'annuler la décision du 2 avril 2019 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et d'enjoindre au garde des Sceaux, ministre de la justice, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; - d'annuler la décision par laquelle le président du tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre au président du tribunal de grande instance de Vannes de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par un jugement nos 1902058, 1902735 et 1906262 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 mars 2022 et les 24 février et 24 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Deleurme-Tannoury, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 ; 2°) d'annuler la décision par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande du 26 décembre 2018 de protection fonctionnelle, ainsi que la décision du 2 avril 2019 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et la décision par laquelle le président du tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre à ces autorités de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - les premiers juges ont nécessairement admis que les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes avaient méconnu le principe général du droit interdisant à l'autorité administrative de prendre deux ou plusieurs sanctions à l'égard d'un même agent, pour des mêmes faits ; - les premiers juges ne pouvaient fonder leur décision sur des faits prétendument " corroborés " ou " confirmés " par la Cour de cassation, sauf à méconnaître l'étendue des compétences du juge de cassation, qui se borne, en tant que juge de cassation, à reprendre l'exposé des faits tel qu'énoncé par la Cour d'appel ; - le tribunal s'est borné à reprendre les déclarations du ministère de la Justice, aucune pièce justificative n'étant fournie par l'administration à l'appui de ses allégations ; - en décidant que sa privation de travail, postérieure au 3 mai 2016, résultait de la perte de confiance de l'administration et en se fondant sur des motifs qui s'attachaient exclusivement aux ordonnances de dessaisissement du 3 mai 2016, propres à chaque majeur protégé concerné, le tribunal a commis une erreur d'interprétation du sens des 25 arrêts rendus par la Cour d'Appel de Rennes le 19 décembre 2017, dès lors que sa privation de travail et de rémunération est constitutive d'une radiation et caractérise une situation de harcèlement moral : * une procédure de retrait d'agrément a été initiée, en méconnaissance des règles applicables et par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté préfectoral lui retirant son agrément de mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; * alors que son agrément emporte de plein droit le maintien de son inscription automatique sur la liste départementale des mandataires agréés pour exercer dans le département, les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes refusent de la recevoir et de lui attribuer des mesures de protection, dans le respect de l'égalité de traitement entre agents publics ; * la détention d'un agrément en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs confère au professionnel concerné un droit acquis à se voir confier des mesures de protection par les juges des tutelles et le principe d'égalité de traitement entre agents publics oblige le juge des tutelles à confier à chaque mandataire des mesures de protection ; * l'administration envisage de délivrer quatre nouveaux agréments en toute illégalité ; * elle a été exclue systématiquement et sans justifications des réunions annuelles organisées par les juges des tutelles et à toutes informations intéressant sa profession, sur la période comprise entre le 3 mai 2016 et 2020 ; * elle a subi une dégradation de ses conditions de travail compromettant sa santé et son avenir professionnel ; - l'attitude de l'administration s'apparente, en réalité, à une véritable sanction disciplinaire déguisée. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, le garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 août 2023, la clôture immédiate de d'instruction a été prononcée en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire a été enregistré le 23 août 2023 pour Mme A.... Une note en délibéré a été enregistrée le 30 octobre 2023 pour Mme A.... Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'arrêté du 1er décembre 2014 fixant l'organisation en bureaux de la direction des services judiciaires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... s'est vu délivrer un agrément lui permettant d'exercer les fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, par un arrêté du préfet du Morbihan du 23 février 2011. S'estimant victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de certains juges des tutelles du tribunal d'instance de Vannes, elle a adressé, le 4 mars 2016, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes une demande de protection fonctionnelle. Cette demande a été rejetée le 24 mars 2016. Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de refus de protection fonctionnelle du 24 mars 2016. Mme A... a alors présenté des nouvelles demandes de protection fonctionnelle, auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice, du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes et auprès du président du tribunal de grande instance de Vannes. 2. La requérante a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande du 26 décembre 2018 de protection fonctionnelle, ainsi que la décision du 2 avril 2019 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et la décision par laquelle le président du tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 par lequel ce tribunal a rejeté ses demandes. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Si Mme A... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en ce que le tribunal ne pouvait fonder sa décision sur des faits prétendument " corroborés " ou " confirmés " par la Cour de cassation, sauf à méconnaître l'étendue des compétences du juge de cassation, ce moyen relève de la contestation du bien-fondé du jugement en cause. A supposer que la requérante ait soulevé le moyen tiré de ce que les premiers juges se seraient, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, fondés sur des pièces absentes du dossier, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions en question, contestées par Mme A..., ont été versées aux débats en première instance. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 11 de la même loi : " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". 5. D'une part, il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Ce principe général du droit s'étend à toute personne à laquelle la qualité de collaborateur du service public est reconnue. 6. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 7. En l'espèce, comme l'a relevé le tribunal, Mme A... apporte son concours, en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, à l'autorité judiciaire au titre de la protection juridique des majeurs. Cette mission, assurée par l'Etat au travers des mesures de protection décidées par les juges des tutelles, constitue une mission de service public. Dès lors, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, chargés de mettre en œuvre ces mesures, doivent être regardés comme participant à l'exécution de cette mission de service public et peuvent être qualifiés de collaborateurs du service public. 8. En premier lieu, Mme A... fait valoir que les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes ont méconnu le principe général du droit interdisant à l'autorité administrative de prendre deux ou plusieurs sanctions à l'égard d'un même agent, pour des mêmes faits. Il ne ressort cependant d'aucune pièce du dossier que ces juges des tutelles ont méconnu le principe cité ci-dessus. 9. En deuxième lieu, les faits relevés par la Cour de cassation dans son arrêt du 4 décembre 2019 et par la cour d'appel de Rennes dans ses arrêts du 19 décembre 2017 ou la circonstance que les arrêts rendus par la Cour d'Appel de Rennes n'aient pas été versés aux débats par les parties sont sans incidence sur la légalité de la décision en cause. 10. En troisième lieu, en se prévalant notamment d'une privation totale de travail et de rémunération et du fait qu'aucune mesure de protection ne lui ait été confiée depuis 2016, malgré ses demandes en ce sens, et qu'elle avait notamment fait l'objet d'une procédure de retrait d'agrément irrégulière, Mme A... allègue des faits qui sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 11. Toutefois, il résulte notamment de l'arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2019 que la requérante : " avait non seulement adopté des comportements et tenu des propos inadaptés auprès des majeurs protégés, mais encore exprimé des critiques ouvertes, injustifiées et outrancières à l'encontre du juge des tutelles, ce qui avait nécessairement conduit à une perte de confiance dans la capacité de celle-ci à remplir ses fonctions de curatrice et de tutrice auprès des majeurs protégés concernés ". Si la détention d'un agrément en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs donne vocation à se voir confier des mesures de protection, cet agrément n'implique pas l'obligation pour le juge des tutelles de confier à chaque mandataire des mesures de protection. La circonstance qu'une procédure de retrait d'agrément a été initiée, en méconnaissance des règles applicables, et que par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté préfectoral retirant à Mme A... son agrément de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, n'est pas de nature à démontrer un quelconque lien entre cette procédure et des faits constitutifs de harcèlement moral. Par ailleurs, la seule production de convocations à des réunions annuelles en 2014 et 2015, ne saurait suffire pour établir que Mme A... aurait été exclue systématiquement des réunions annuelles organisées par les juges des tutelles et à toutes informations intéressant sa profession, sur la période comprise entre le 3 mai 2016 et 2020. Enfin, si cette situation a pu conduire à une dégradation des conditions de travail de Mme A..., compromettant sa santé et son avenir professionnel, cette dégradation ne résulte pas des agissements de l'administration. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les agissements en cause, au titre desquels Mme A... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, puissent être qualifiés d'agissements constitutifs de harcèlement moral. 12. En dernier lieu, aux termes de l'article 416 du code civil : " Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale des mesures de protection dans leur ressort (...). ". Aux termes de l'article 417 du code civil : " Le juge des tutelles peut prononcer des injonctions contre les personnes chargées de la protection et condamner à l'amende civile prévue par le code de procédure civile celles qui n'y ont pas déféré. Il peut les dessaisir de leur mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci, après les avoir entendues ou appelées. Il peut, dans les mêmes conditions, demander au procureur de la République de solliciter la radiation d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs de la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles. " 13. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs apportent leur concours à une mission de service public, assurée par l'Etat au travers des mesures de protection décidées par les juges des tutelles. Dans ces conditions, il appartient au juge administratif de l'excès de pouvoir de s'assurer que les mesures administratives prises par le juge des tutelles en application des articles 416 et 417 du code civil ont pour but exclusif de préserver le bon fonctionnement du service public de la justice. 14. En l'espèce, la circonstance que Mme A... ne s'est vu confier aucune mesure de protection entre 2016 et le retrait de son agrément en 2020 n'est pas constitutive d'un harcèlement moral mais résulte exclusivement de la perte de confiance de l'administration dans la capacité de la requérante à remplir ses fonctions de curatrice et de tutrice auprès des majeurs protégés concernés et ne saurait, en tout état de cause, être assimilée à une sanction disciplinaire déguisée. 15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT00862
CETATEXT000048448365
J4_L_2023_11_00022NT00863
CETAT
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Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT00863, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
22NT00863
6ème chambre
plein contentieux
C
M. GASPON
DELEURME-TANNOURY
M. François PONS
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes : - d'annuler les décisions par lesquelles le garde des Sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté ses demandes du 3 décembre 2018 et des 2 et 6 mai 2019 tendant à obtenir réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle s'estime victime et des refus de protection fonctionnelle et de condamner le garde des Sceaux, ministre de la justice, à lui verser une somme totale de 871 504 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis au titre d'un harcèlement moral et du refus de protection fonctionnelle, assortie des intérêts à taux légal à compter de sa demande préalable, ainsi que de la capitalisation des intérêts. Par un jugement nos 1901740, 1904385 et 1904386 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 mars 2022 et les 24 février et 24 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Deleurme-Tannoury, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 036 174 euros, à parfaire, en indemnisation de ses préjudices en lien avec les faits de harcèlement moral subis et le refus de protection fonctionnelle, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa première demande préalable du 3 décembre 2018 ou, à défaut, de l'enregistrement de sa requête de première instance ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - les premiers juges ont nécessairement admis que les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes avaient méconnu le principe général du droit interdisant à l'autorité administrative de prendre deux ou plusieurs sanctions à l'égard d'un même agent, pour des mêmes faits ; - les premiers juges ne pouvaient fonder leur décision sur des faits prétendument " corroborés " ou " confirmés " par la Cour de cassation, sauf à méconnaître l'étendue des compétences du juge de cassation, qui se borne, en tant que juge de cassation, à reprendre l'exposé des faits tel qu'énoncé par la Cour d'appel ; - le tribunal s'est borné à reprendre les déclarations du ministère de la Justice, aucune pièce justificative n'étant fournie par l'administration à l'appui de ses allégations ; - en décidant que sa privation de travail, postérieure au 3 mai 2016, résultait de la perte de confiance de l'administration et en se fondant sur des motifs qui s'attachaient exclusivement aux ordonnances de dessaisissement du 3 mai 2016, propres à chaque majeur protégé concerné, le tribunal a commis une erreur d'interprétation du sens des 25 arrêts rendus par la Cour d'Appel de Rennes le 19 décembre 2017, dès lors que sa privation de travail et de rémunération est constitutive d'une radiation et caractérise une situation de harcèlement moral : * une procédure de retrait d'agrément a été initiée, en méconnaissance des règles applicables et par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté préfectoral lui retirant son agrément de mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; * alors que son agrément emporte de plein droit le maintien de son inscription automatique sur la liste départementale des mandataires agréés pour exercer dans le département, les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes refusent de la recevoir et de lui attribuer des mesures de protection, dans le respect de l'égalité de traitement entre agents publics ; * la détention d'un agrément en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs confère au professionnel concerné un droit acquis à se voir confier des mesures de protection par les juges des tutelles et le principe d'égalité de traitement entre agents publics oblige le juge des tutelles à confier à chaque mandataire des mesures de protection ; * l'administration envisage de délivrer quatre nouveaux agréments en toute illégalité ; * elle a été exclue systématiquement et sans justifications des réunions annuelles organisées par les juges des tutelles et à toutes informations intéressant sa profession, sur la période comprise entre le 3 mai 2016 et 2020 ; * elle a subi une dégradation de ses conditions de travail compromettant sa santé et son avenir professionnel ; - l'attitude de l'administration s'apparente, en réalité, à une véritable sanction disciplinaire déguisée ; - elle est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 1 036 174 euros, en indemnisation de l'ensemble de ses préjudices. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, le garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 août 2023, la clôture immédiate de d'instruction a été prononcée en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire a été enregistré le 23 août 2023 pour Mme A.... Une note en délibéré a été enregistrée le 30 octobre 2023 pour Mme A.... Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, - l'arrêté du 1er décembre 2014 fixant l'organisation en bureaux de la direction des services judiciaires, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... s'est vu délivrer un agrément lui permettant d'exercer les fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, par un arrêté du préfet du Morbihan du 23 février 2011. S'estimant victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de certains juges des tutelles du tribunal d'instance de Vannes, elle a adressé le 4 mars 2016 au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes une demande de protection fonctionnelle. Cette demande a été rejetée le 24 mars 2016. Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de refus de protection fonctionnelle du 24 mars 2016. Mme A... a alors présenté des nouvelles demandes de protection fonctionnelle, auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice, du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes et auprès du président du tribunal de grande instance de Vannes. Elle a également formulé des demandes, en date du 3 décembre 2018 et des 2 et 6 mai 2019, tendant à obtenir réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle s'estime victime et des refus de protection fonctionnelle. 2. La requérante a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions par lesquelles le garde des Sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté ses demandes du 3 décembre 2018 et des 2 et 6 mai 2019, tendant à obtenir réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle s'estime victime et des refus de protection fonctionnelle et de condamner le garde des Sceaux, ministre de la justice, à lui verser une somme totale de 871 504 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis au titre d'un harcèlement moral et du refus de protection fonctionnelle, assortie des intérêts à taux légal à compter de sa demande préalable, ainsi que de la capitalisation des intérêts. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Si Mme A... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en ce que le tribunal ne pouvait fonder sa décision sur des faits prétendument " corroborés " ou " confirmés " par la Cour de cassation, sauf à méconnaître l'étendue des compétences du juge de cassation, ce moyen relève de la contestation du bien-fondé du jugement en cause. A supposer que la requérante ait soulevé le moyen tiré de ce que les premiers juges se seraient fondés sur des pièces absentes du dossier, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions en question, contestées par Mme A..., ont été versées aux débats en première instance. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 11 de la même loi : " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". 5. D'une part, il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Ce principe général du droit s'étend à toute personne à laquelle la qualité de collaborateur du service public est reconnue. 6. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 7. En l'espèce, comme l'a relevé le tribunal, Mme A... apporte son concours, en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, à l'autorité judiciaire au titre de la protection juridique des majeurs. Cette mission, assurée par l'Etat au travers des mesures de protection décidées par les juges des tutelles, constitue une mission de service public. Dès lors, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, chargés de mettre en œuvre ces mesures, doivent être regardés comme participant à l'exécution de cette mission de service public et peuvent être qualifiés de collaborateurs du service public. 8. En premier lieu, Mme A... fait valoir que les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes ont méconnu le principe général du droit interdisant à l'autorité administrative de prendre deux ou plusieurs sanctions à l'égard d'un même agent, pour des mêmes faits. Il ne ressort cependant d'aucune pièce du dossier que ces juges des tutelles ont méconnu le principe cité ci-dessus. 9. En deuxième lieu, les faits relevés par la Cour de cassation dans son arrêt du 4 décembre 2019 et par la cour d'appel de Rennes dans ses arrêts du 19 décembre 2017 ou la circonstance que les arrêts rendus par la Cour d'Appel de Rennes n'aient pas été versés aux débats par les parties sont sans incidence sur la légalité de la décision en cause. 10. En troisième lieu, en se prévalant notamment d'une privation totale de travail et de rémunération et du fait qu'aucune mesure de protection ne lui ait été confiée depuis 2016, malgré ses demandes en ce sens, et qu'elle avait notamment fait l'objet d'une procédure de retrait d'agrément irrégulière, Mme A... allègue des faits qui sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 11. Toutefois, il résulte notamment de l'arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2019 que la requérante : " avait non seulement adopté des comportements et tenu des propos inadaptés auprès des majeurs protégés, mais encore exprimé des critiques ouvertes, injustifiées et outrancières à l'encontre du juge des tutelles, ce qui avait nécessairement conduit à une perte de confiance dans la capacité de celle-ci à remplir ses fonctions de curatrice et de tutrice auprès des majeurs protégés concernés ". Si la détention d'un agrément en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs confère au professionnel concerné un droit à se voir confier des mesures de protection, ce droit n'implique pas l'obligation pour le juge des tutelles de confier à chaque mandataire des mesures de protection. La circonstance qu'une procédure de retrait d'agrément ait été initiée, en méconnaissance des règles applicables, et que par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes ait annulé l'arrêté préfectoral lui retirant son agrément de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, n'est pas de nature à démontrer un quelconque lien entre cette procédure et des faits constitutifs de harcèlement moral. Par ailleurs, la seule production de convocations à des réunions annuelles en 2014 et 2015, ne saurait suffire pour établir que Mme A... aurait été exclue systématiquement des réunions annuelles organisées par les juges des tutelles et à toutes informations intéressant sa profession, sur la période comprise entre le 3 mai 2016 et 2020. Enfin, si cette situation a pu conduire à une dégradation des conditions de travail de Mme A..., compromettant sa santé et son avenir professionnel, cette dégradation ne résulte pas des agissements de l'administration. Il résulte de ce qui précède que ces agissements en cause, au titre desquels Mme A... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, ne peuvent être qualifiés d'agissements constitutifs de harcèlement moral. 12. En dernier lieu, aux termes de l'article 416 du code civil : " Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale des mesures de protection dans leur ressort (...). ". Aux termes de l'article 417 du code civil : " Le juge des tutelles peut prononcer des injonctions contre les personnes chargées de la protection et condamner à l'amende civile prévue par le code de procédure civile celles qui n'y ont pas déféré. Il peut les dessaisir de leur mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci, après les avoir entendues ou appelées. Il peut, dans les mêmes conditions, demander au procureur de la République de solliciter la radiation d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs de la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles. " 13. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs apportent leur concours à une mission de service public, assurée par l'Etat au travers des mesures de protection décidées par les juges des tutelles. Dans ces conditions, il appartient au juge administratif de l'excès de pouvoir de s'assurer que les mesures administratives prises par le juge des tutelles en application des articles 416 et 417 du code civil ont pour but exclusif de préserver le bon fonctionnement du service public de la justice. 14. En l'espèce, la circonstance que Mme A... ne s'est vu confier aucune mesure de protection entre 2016 et le retrait de son agrément en 2020 n'est pas constitutive d'un harcèlement moral mais résulte de la perte de confiance de l'administration dans la capacité de la requérante à remplir ses fonctions de curatrice et de tutrice auprès des majeurs protégés concernés et ne saurait, en tout état de cause, être assimilée à une sanction disciplinaire déguisée. 15. Il résulte de tout ce qui précède que, l'administration n'ayant commis aucune faute, les conclusions à fin d'indemnisation et d'injonction de Mme A... ne peuvent, dans ces conditions, qu'être rejetées. 16. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT00863
CETATEXT000048448366
J4_L_2023_11_00022NT00965
CETAT
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Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT00965, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
22NT00965
6ème chambre
plein contentieux
C
M. GASPON
CABINET SAOUT
Mme Valérie GELARD
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 110 000 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des préjudices résultant de son éviction illégale durant la période du 26 août 2014 au 1er mai 2018. Par un jugement n° 1804721 du 26 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à lui verser la somme de 5 230,63 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation de ses préjudices et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 mars 2022 et 15 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Saout, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 janvier 2022 en tant qu'il a limité son indemnisation à 5 230,63 euros ; 2°) de porter cette somme à 110 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2018 et capitalisation annuelle ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - son préjudice financier s'élève à 90 000 euros ; elle a justifié de la totalité des revenus qu'elle a perçus entre 2014 et 2018 ; la somme prise en compte au titre des revenus qu'elle aurait perçus si elle avait travaillé dans le cadre d'un CDI à temps complet pour l'Etat est insuffisamment élevée ; - ses troubles dans ses conditions d'existence doivent être indemnisés à hauteur de 20 000 euros. Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 30 août et 29 septembre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Me Saout, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., embauchée par une société d'intérim, a été mise à disposition du service hôtellerie du cercle de la base de défense de Brest où elle exerçait les fonctions de réceptionniste. Par un courrier du 7 octobre 2014, reçu le 10 octobre 2014, elle a sollicité la transformation de son contrat de travail, renouvelé à de nombreuses reprises, en contrat à durée indéterminée (CDI). Le cercle de la base de défense de Brest a alors cessé de faire appel à ses services. Par un jugement du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a requalifié son contrat en CDI. Par un arrêt 16NT00413 du 21 juin 2017, la cour a en outre enjoint au ministre des armées de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière à compter du 26 août 2014. Mme B... n'a été réintégrée qu'à compter du 1er mai 2018. Par un courrier du 31 mai 2018, reçu le 7 juin 2018, l'intéressée a présenté une réclamation préalable tendant à la réparation de son préjudice financier et des troubles subis dans ses conditions d'existence durant la période du 26 août 2014 au 30 avril 2018. Elle relève appel du jugement du 26 janvier 2022 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité à 5 230,63 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices. Sur le principe de la responsabilité : 2. Par un jugement du 3 décembre 2015 le tribunal administratif de Rennes a requalifié le contrat de travail de Mme B... en contrat à durée indéterminée. Par un arrêt du 21 juin 2017, la cour a jugé que son licenciement, intervenu à compter du 26 août 2014 par cessation des missions de courtes durées qui lui étaient confiées à intervalles très réguliers depuis plusieurs années, était illégal au motif qu'il n'entrait pas dans les prévisions de l'article 45-3 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, pris pour l'application de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Le ministre des armées n'a pas contesté ces décisions juridictionnelles dans les délais d'appel. Elles sont dès lors devenues définitives. Il s'ensuit que Mme B... est fondée à solliciter la réparation des préjudices résultant de son éviction illégale du service. Sur la réparation des préjudices 3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction. En ce qui concerne le préjudice financier : 4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a perçu une somme totale de 20 971,30 euros au titre de l'allocation de retour à l'emploi (ARE) mais qu'à la date du 5 août 2016, ses droits à percevoir cette allocation étaient épuisés. Les relevés de situation établis par Pôle Emploi attestent qu'à compter de cette date Mme B..., dont les ressources avaient ainsi diminué, est redevenue éligible au revenu de solidarité active. Si le ministre fait valoir que l'interruption du versement du revenu de solidarité active entre les mois de septembre 2015 et d'août 2016 laisse suspecter que l'intéressée exerçait une activité professionnelle susceptible de lui avoir procurer des revenus complémentaires, la seule circonstance qu'à l'occasion de son mariage célébré le 16 août 2016, elle a déclaré être " commerciale " ne permet pas de corroborer cette allégation. Il est seulement établi par les pièces produites au dossier que Mme B... a déposé une déclaration de création d'entreprise le 7 mai 2014, mais que cette activité, qui n'a généré aucun chiffre d'affaires, avait cessé le 29 avril 2015. Au cours de la période de son éviction allant du 26 août 2014 au 30 avril 2018 une somme globale de 18 218,62 euros a ainsi été versée à Mme B... au titre du revenu de solidarité active. La circonstance que, dans un courrier du 4 mai 2018, Pôle emploi indique qu'elle n'est plus inscrite comme demandeur d'emploi depuis le 30 novembre 2017 et que la requérante indique elle-même qu'au mois d'août 2016 elle n'était plus en recherche d'emploi en raison de sa grossesse est sans incidence sur le montant des sommes réellement versées. De même, la circonstance que les sommes déclarées par la requérante au titre de l'impôt sur le revenu des années litigieuses ne correspondent pas aux sommes perçues au titre de l'ARE et du revenu de solidarité active ne suffit pas à justifier que l'intéressée aurait durant cette période exercé une activité professionnelle susceptible de générer de revenus complémentaires. Il s'ensuit, que la requérante, qui ne peut apporter une preuve négative, doit être regardée comme ayant perçu au cours de son éviction au titre de ces revenus de remplacement une somme globale de 39 189,92 euros. 5. Le ministre des armées a indiqué en première instance que dans le cadre d'un CDI, la rémunération de Mme B... calculée sur la base d'un indice majoré (IM) de 364 du 26 août 2014 au 25 août 2017 puis de 374 du 26 août 2017 au 30 avril 2018 se serait élevée à 61 187,36 euros. En se bornant à faire valoir que cette somme ne tiendrait compte ni des cotisations sociales, ni des primes auxquelles elle aurait pu prétendre, l'intéressée ne met pas la cour en mesure d'établir que cette somme serait insuffisamment évaluée. 6. Il suit de ce qui vient d'être dit aux points 4 et 5 que la différence entre les revenus de remplacement perçus par Mme B... durant son éviction illégale et les salaires qu'elle aurait dû percevoir au titre d'un CDI s'élève à 21 997,44 euros (61 187,36 - 39 189,92). Par suite l'intéressée est fondée à soutenir qu'en mettant la somme de 2 730,63 euros à la charge de l'Etat, le tribunal administratif a insuffisamment évalué son préjudice financier, lequel doit être indemnisé à hauteur de 21 997,44 euros. En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence : 7. Il est constant qu'en dépit de l'injonction prononcée par la cour dans son arrêt du 21 juin 2017, la ministre des armées n'a réintégré Mme B... que le 1er mai 2018. L'intéressée, qui élevait seule ses deux enfants en bas âge, justifie avoir dû saisir les juridictions administratives à plusieurs reprises afin de faire valoir ses droits. Dans ces conditions, la somme de 2 500 euros allouée par les premiers juges en réparation des troubles qu'elle a subis dans ses conditions d'existence pendant près de quatre années, doit être portée à 4 000 euros. 8. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est fondée que dans la limite mentionnée ci-dessus à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a limité à 5 230,63 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser. Cette somme doit être portée à 25 997,44 euros (21 997,94 + 4 000). Elle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2018, date de réception de sa réclamation préalable et de leur capitalisation à compter du 7 juin 2019 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à Mme B... est portée à 25 997,44 euros. Elle portera intérêt au taux légal à compter du 7 juin 2018 et sera capitalisée à compter du 7 juin 2019 puis à chaque échéance annuelle ultérieure. Article 2 : Le jugement n° 1804721 du tribunal administratif de Rennes du 26 janvier 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme B... est rejeté. Article 4 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00965
CETATEXT000048448367
J4_L_2023_11_00022NT00999
CETAT
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Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT00999, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
22NT00999
6ème chambre
plein contentieux
C
M. GASPON
LECOUR
Mme Valérie GELARD
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... Poncel a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite du Garde des sceaux, ministre de la justice refusant de modifier l'arrêté du 10 février 2020 prononçant son reclassement au 8ème échelon du grade de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation de classe normale avec un reliquat d'ancienneté de 1 an 11 mois et 26 jours. Par un jugement n° 2001558 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision implicite de rejet du Garde des sceaux, ministre de la justice, et lui a enjoint de procéder à la révision de l'arrêté prononçant le reclassement de M. Poncel dans le corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation, conformément au point 9 de ses motifs, et d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposent sur sa situation financière et administrative, dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er avril 2022, régularisée le 13 avril 2022, le Garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er février 2022 ; 2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. Poncel. Il soutient que : - les dispositions de l'article 4 du décret du 23 décembre 2006 n'étaient pas applicables à M. Poncel dès lors qu'il était conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation ; - l'intéressé n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 5 de ce décret dans la mesure où en vertu de l'article 24 du décret du 30 janvier 2019, il devait être réputé avoir accompli l'ensemble de ses services dans un corps de catégorie A. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, M. Poncel, représenté par Me Lecour, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le Garde des sceaux, ministre de la justice ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020; - le décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 ; - le décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 ; - le décret n° 2010-1640 du 23 décembre 2010 ; - le décret n° 2010-1641 du 23 décembre 2010 ; - le décret n° 2019-50 du 30 janvier 2019 ; - le décret n°2019-52 du 30 janvier 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. Poncel, conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation, a été promu au choix au grade de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation. Par un arrêté du 10 février 2020, il a été reclassé, à la date du 13 janvier 2020, au 8ème échelon du grade de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation de classe normale. Par un courrier du 14 février 2020, l'intéressé a contesté son reclassement. Il a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite du Garde des sceaux, ministre de la justice refusant de modifier son arrêté du 10 février 2020. Par un jugement du 1er février 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision implicite du Garde des sceaux, ministre de la justice. Les premiers juges ont également enjoint au ministre de procéder, sous deux mois, à la révision de l'arrêté prononçant le reclassement de M. Poncel dans le corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation, conformément au point 9 du jugement, et d'en tirer toutes les conséquences s'imposant sur sa situation financière et administrative. Le ministre relève appel de ce jugement. Sur la légalité de l'arrêté du 10 février 2020. 2. Aux termes de l'article 1er du décret du 23 décembre 2006 relatif aux règles du classement d'échelon consécutif à la nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux personnes nommées dans les corps de fonctionnaires de catégorie A de la fonction publique de l'Etat figurant en annexe, sans préjudice de l'application des dispositions plus favorables instituées par les statuts particuliers de ces corps. ". Le corps des directeurs d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire figure sur cette annexe. 3. Il ressort des termes de l'arrêté du 10 février 2020, que M. Poncel a été nommé directeur pénitentiaire d'insertion et de probation avec effet au 13 janvier 2020. A compter de cette date, l'intéressé n'était donc plus conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation. Par suite, la circonstance que ce grade ne figure pas à l'annexe mentionnée à l'article 1er du décret du 23 décembre 2006 est sans incidence sur sa situation. Dès lors, contrairement à ce que soutient le ministre, l'intéressé entrait dans le champ d'application des dispositions du décret du 23 décembre 2006 mentionné ci-dessus. 4. Aux termes de l'article 4 du même décret du 23 décembre 2006 : " (...) Toutefois, les agents qui, avant leur nomination dans l'un des corps relevant du présent décret, appartenaient à un autre corps ou cadre d'emplois de catégorie A ou de même niveau doté d'un indice brut terminal inférieur ou égal à 801 et qui, avant leur nomination dans ce corps ou cadre d'emplois, appartenaient à un corps ou cadre d'emplois de catégorie B ou de même niveau, doté d'un indice brut terminal au moins égal à 638, peuvent demander à être classés en application des dispositions de l'article 5 en tenant compte de la situation qui serait la leur s'ils n'avaient cessé d'appartenir à ce corps ou cadre d'emplois de catégorie B. ". Aux termes de l'article 5 du même texte : " Les fonctionnaires appartenant avant leur accession à la catégorie A à un corps ou à un cadre d'emplois de catégorie B ou de même niveau sont classés à l'échelon comportant l'indice le plus proche de l'indice qu'ils détenaient avant leur nomination, augmenté de 60 points d'indice brut. (...) ". 5. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 14 mars 2019, M. Poncel a été reclassé dans le grade de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de 1ère classe relevant désormais de la catégorie A en vertu du décret du 30 janvier 2019 portant statut particulier du corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. Avant sa nomination en qualité de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation, par l'arrêté litigieux du 10 février 2020 prenant effet au 13 janvier 2020, il exerçait donc des fonctions de catégorie A. L'indice brut terminal du 9ième échelon du grade de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation de 1ère classe était alors de 773 points. L'intéressé remplissait donc la première condition prévue à l'article 4 du décret du 23 décembre 2006. Avant le décret du 30 janvier 2019, les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation constituaient un corps de catégorie B de la fonction publique d'Etat. Ainsi, jusqu'à sa nomination en qualité de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de 1ère classe, avec effet au 1er février 2019, M. Poncel était un agent de catégorie B. Si le II de l'article 24 de ce même décret dispose que " Les services accomplis dans les grades du corps régi par le décret du 23 décembre 2010 précité sont assimilés à des services accomplis dans le corps d'intégration. ", ces dispositions transitoires relatives à la constitution du corps, n'avaient pour seul objet que de permettre aux agents concernés de conserver leur ancienneté en vue d'un avancement d'échelon ou de grade notamment, mais en aucun cas, de leur conférer la qualité d'agent de catégorie A depuis leur entrée dans le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. L'indice brut terminal du grade de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation hors classe était alors de 769 points. M. Poncel remplissait dès lors la seconde condition prévue à l'article 4 du décret précité. Il pouvait par suite se prévaloir des dispositions de cet article et par voie de conséquence de celle de l'article 5 du même décret. 6. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. Poncel pouvait solliciter le bénéfice des dispositions plus favorables de l'article 5 du décret du 23 décembre 2016. Par suite, en refusant de le reclasser à l'échelon comportant l'indice le plus proche de l'indice qu'il détenait avant sa nomination, augmenté de 60 points d'indice brut, c'est à juste titre que le tribunal administratif a jugé que le ministre avait entaché sa décision d'une erreur de droit. 8. Il résulte de tout ce qui précède, que le Garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé sa décision implicite refusant de modifier le reclassement de M. Poncel et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un sens conforme aux dispositions précitées du décret du 23 décembre 2016. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. Poncel d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête du Garde des sceaux, ministre de la justice, est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à M. Poncel une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... Poncel. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00999
CETATEXT000048448368
J4_L_2023_11_00022NT01685
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448368.xml
Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT01685, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
22NT01685
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. GASPON
MATEL
Mme Valérie GELARD
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 27 octobre 2019 par laquelle le directeur interdépartemental des routes Ouest a implicitement rejeté sa demande tendant au paiement de ses heures de veille qualifiée à domicile. Par un jugement n° 1906477 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er juin 2022, M. B..., représenté par Me Matel, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet mentionnée ci-dessus ; 3°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de réexaminer sa demande ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - tout agent qui se trouve sous la direction de son employeur, même hors des lieux habituels de travail, doit être reconnu comme étant sous la direction de sa hiérarchie ; - le bilan d'activité des centres d'ingénierie et de gestion du trafic pour l'année 2019 permet de comptabiliser en moyenne 10 évènements routiers lors des astreintes du lundi au vendredi et entre 20 et 40 durant les samedis, dimanches et jours fériés ; ces chiffres attestent de la fréquence moyenne des sollicitations effectives auxquelles les agents d'astreinte étaient confrontés ; - l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires est allouée aux personnels de catégories A et B et non aux agents de catégorie C, comme lui ; - s'il reconnaît avoir perçu 159,20 euros par semaine d'astreinte, le forfait de 310 euros versé en 2017 sous la forme d'heures supplémentaires sur le fondement d'une note interne illégale, ne correspond pas au nombre d'évènements hebdomadaires et au temps impartis pour les traiter. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que M. B... conteste pour la première fois en appel le caractère forfaitaire de la rémunération reçue au titre des heures d'intervention et que les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; - le décret n°2000-815 du 25 août 2000 ; - le décret n°2002-60 du 14 janvier 2002 ; - le décret n° 2015-415 du 14 avril 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., fonctionnaire de catégorie C au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, est affecté à la Direction Interdépartementale des Routes de l'Ouest (DIR Ouest). En qualité de chef d'équipe d'exploitation principal des travaux publics de l'Etat, il est rattaché au Centre d'Ingénierie Gestion du Trafic (CIGT) de Vannes, chargé de la surveillance du réseau routier. Entre le 1er avril 2007 et le 31 mai 2019, un système d'astreintes à domicile était organisé. Les agents devaient assurer des astreintes dénommées " heures de veille qualifiée à domicile " du lundi au jeudi de 20 h à 6 h ainsi que du vendredi à partir de 20 h jusqu'au lundi suivant à 6 h. Par un courrier du 27 août 2019, M. B... et cinq autres agents également opérateurs au CIGT de Vannes, ont présenté auprès du directeur interdépartemental des routes Ouest une demande tendant au paiement des heures d'astreintes effectuées entre le 1er janvier 2016 et le 31 mai 2019. M. B... relève appel du jugement du 5 avril 2022, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande. Sur la qualification et la rémunération des astreintes organisées jusqu'au 31 mai 2019 : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / 1. " Temps de travail " : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ; / 2. " Période de repos " : toute période qui n'est pas du temps de travail (...) ". 3. Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ". L'article 5 du même texte dispose que : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. ". 4. Contrairement à ce que soutient M. B..., ni les dispositions de la directive européenne précitée, ni celles du décret du 25 août 2000, ne permettent d'affirmer que les astreintes à domicile doivent être systématiquement, même en dehors de toute intervention, considérée comme du temps de travail. 5. Par son arrêt du 9 mars 2021, RJ c/ Stadt Offenbach am Main (C-580/19), ainsi qu'aux points 93 à 95 de son arrêt du 15 juillet 2021 B.K. c/ Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo) (C-742/19), la Cour de justice de l'Union européenne a cependant jugé que les périodes d'astreinte effectuées sur des lieux de travail qui ne se confondent pas avec le domicile du travailleur devaient normalement être qualifiées, dans leur intégralité, de temps de travail, dès lors que le travailleur doit alors rester éloigné de son environnement social et familial et bénéficie d'une faible latitude pour gérer le temps pendant lequel ses services ne sont pas sollicités. S'agissant des autres périodes d'astreinte, la Cour a jugé qu'elles étaient également susceptibles d'être qualifiées de temps de travail selon qu'elles permettent ou non au travailleur de gérer librement son temps pendant ses périodes d'astreinte et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Elle a dit pour droit, aux points 48 à 53 de son arrêt du 9 mars 2021, qu'une telle qualification devait faire l'objet d'une appréciation au cas par cas, prenant en compte, premièrement, le temps de réaction laissé au travailleur, deuxièmement, les contraintes et facilités accordées au travailleur pendant cette période et, troisièmement, la fréquence moyenne des prestations effectives normalement réalisées par ce travailleur. 6. Il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier du 27 août 2019 signé par M. B... et cinq autres de ses collègues, que les astreintes litigieuses se déroulaient les lundi, mardi, mercredi et jeudi de 20 h à 6 h et du vendredi soir à partir de 20 h jusqu'au lundi matin suivant à 6 h, tous les jours de l'année. Si le temps de réaction laissé au travailleur d'astreinte n'est pas indiqué, en vertu des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 23 février 2010 pris pour l'application du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, dans les services et certains établissements publics du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, ces astreintes étaient mises en place " lorsque les exigences de continuité du service ou d'impératifs de sécurité l'imposent " et pour " permettre les interventions en dehors de l'horaire normal du service, pour faire face aux situations ci-après : 1° Prévention des accidents imminents ou réparation des accidents survenus sur les infrastructures de transports routier, fluvial et maritime et leurs équipements, aux équipements publics et aux matériels ; 2° Surveillance ou viabilité des infrastructures de transports routier, fluvial et maritime et aéroportuaire (...)". Il est constant par ailleurs, que le rôle de M. B... n'était pas d'intervenir lui-même sur les lieux de l'accident ou de l'incident, mais de contacter par téléphone, les équipes de la DIRO chargées d'intervenir matériellement sur le réseau, ainsi qu'en cas de besoin la gendarmerie ou les sapeurs-pompiers. Compte tenu de ces impératifs de sécurité, l'agent d'astreinte devait en conséquence intervenir pour alerter et déclencher les moyens d'intervention dans un délai le plus court possible. A cette fin, il disposait d'un téléphone de service et en cas de besoin, un véhicule pouvait être mis à sa disposition par son employeur. Il ne bénéficiait en revanche d'aucune autre facilité spécifique accordée, et notamment pas de logement de service, pour prendre en compte ces contraintes professionnelles. Par suite, les deux premiers critères évoqués ci-dessus, tenant au temps de réaction laissé au travailleur et aux contraintes et facilités qui lui sont accordées, permettant de qualifier le temps d'astreinte de temps de travail, doivent être regardés comme réunis. 7. Pour justifier de la fréquence moyenne des prestations normalement réalisées par les agents d'astreinte, M. B... se prévaut du bilan d'activité des centres d'ingénierie et de gestion du trafic pour l'année 2019. Le tableau figurant en page 12 de ce document permet de constater que, s'agissant du CIGT de Vannes, pour la période du 1er janvier 2019 au 1er juin 2019, en moyenne les agents d'astreintes devaient gérer entre 1,5 et 11 évènements le soir en semaine et entre 9,25 et 25,75 évènements le week-end et les jours fériés. Le même bilan, en page 22, fait apparaitre une augmentation régulière du nombre d'accidents ou d'incidents depuis 2014. Ces seuls éléments, qui se fondent sur des moyennes calculées à partir des données des six premiers mois de l'année 2019, ne sont toutefois pas suffisants pour attester de la charge de travail effective des agents d'astreintes, et en particulier de M. B..., au cours des astreintes qu'il a dû assurer entre le 1er janvier 2016 et le 31 mai 2019. Le requérant ne peut dès lors être regardé comme justifiant que durant ces astreintes, alors qu'il se trouvait à son domicile dans son environnement social et familial, il ne disposait pas d'un temps suffisant pour se consacrer à des occupations personnelles. Il s'ensuit, qu'en considérant que les astreintes assurées par M. B... ne pouvaient dès lors être qualifiées de temps de travail, pour l'intégralité de leur durée, l'administration s'est livrée à une exacte appréciation de sa situation. 8. En second lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires : " I. - 1° Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu'ils exercent des fonctions ou appartiennent à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B. 2° Le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à ces fonctionnaires est subordonné à la mise en œuvre par leur employeur de moyens de contrôle automatisé permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires qu'ils auront accomplies (...) ". L'article 6 du même texte dispose que : " Le nombre des heures supplémentaires accomplies dans les conditions fixées par le présent décret ne peuvent dépasser un contingent mensuel de 25 heures. / Lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient et pour une période limitée, le contingent mensuel peut être dépassé sur décision du chef de service qui en informe immédiatement les représentants du personnel au comité technique compétent. / Des dérogations au contingent mensuel peuvent être accordées, à titre exceptionnel, dans les limites prévues au I de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé, après consultation du comité technique ministériel ou du comité technique d'établissement, pour certaines fonctions dont la nature est précisée par arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de la fonction publique et du ministre concerné ". 9. Par ailleurs, aux termes de l'article 9 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, applicables notamment aux agents de catégorie C : " Une période d'astreinte telle que définie à l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé ne peut être rémunérée au titre des heures supplémentaires. Cependant lorsque des interventions sont effectuées au cours d'une période d'astreinte, ne sont pas compensées et donnent lieu à la réalisation d'heures supplémentaires, elles peuvent être rémunérées à ce titre. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 14 avril 2015 relatif à l'indemnisation des astreintes et à la compensation ou à la rémunération des interventions aux ministères chargés du développement durable et du logement : " Peuvent bénéficier d'une indemnité d'astreinte, dès lors qu'ils sont appelés à participer à un service d'astreinte au sens de l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé : (...) 2° Sans préjudice des dispositions du décret du 17 décembre 2012 susvisé, les agents des ministères chargés du développement durable et du logement exerçant leurs fonctions dans les directions départementales des territoires et dans les directions départementales des territoires et de la mer. ". L'article 3 du même décret prévoit que : " L'indemnité d'astreinte est exclusive de toute autre indemnisation ou compensation en temps des astreintes ou des permanences. " et l'article 4 que " Les interventions effectuées à l'occasion d'une période d'astreinte peuvent donner lieu à une compensation en temps majorée ou une rémunération. ". 10. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 14 avril 2015 fixant les montants de l'indemnité d'astreinte et la rémunération horaire des interventions aux ministères chargés du développement durable et du logement (NOR : DEVK1425770A) : " (...) les activités ouvrant droit aux différentes catégories d'indemnisation de l'astreinte sont les suivantes : 1° L'indemnité d'astreinte d'exploitation mentionnée au 1° de l'article 2 du décret précité peut être allouée pour les activités mentionnées aux 1° et 2° de l'article 3 de l'arrêté du 23 février 2010 susvisé ou au 1° de l'article 1er de l'arrêté du 27 mai 2011 susvisé (...).". En vertu de l'article 2 de ce texte, les montants de l'indemnité d'astreinte d'exploitation, correspondant à celle effectuée par le requérant, sont pour une semaine complète de 159,20 euros, pour un service de nuit de 10,75 euros, pour le samedi de 37,40 euros, pour le dimanche ou les jours fériés de 46,55 euros et pour les astreintes du week-end, du vendredi soir au lundi matin, de 116,20 euros. En outre, l'article 4 de cet arrêté prévoit que : " L'indemnisation horaire des interventions versée en application du titre II du décret du 14 avril 2015 susvisé pendant les périodes d'astreinte est de : 16 € pour une intervention effectuée un jour de semaine ; 22 € pour une intervention effectuée une nuit, un samedi, un dimanche ou un jour férié. ". 11. Ainsi qu'il a été rappelé aux points 8 et 9, le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires permet la rémunération du nombre exact d'heures supplémentaires réalisées par les agents de catégorie C. En revanche, une période d'astreinte, en dehors de toute intervention, peut seulement faire l'objet d'une indemnisation. Il ressort de la note du 22 mars 2019 de la DIR Ouest, produite au dossier, que depuis le 1er janvier 2014 les astreintes à domicile étaient rémunérées sur la base d'une somme de 310 euros par semaine d'astreinte. Si le requérant conteste le caractère forfaitaire de cette rémunération, son bulletin de paye du mois de décembre 2018 fait apparaître un montant global de 712,64 euros versé au titre du mois d'octobre 2018. Cette somme recouvre des indemnités de 231,79 euros pour les 14 premières heures supplémentaires, de 257,58 euros pour les heures supplémentaires effectuées les dimanches et jours fériés et de 223,27 euros pour la période du vendredi soir au lundi matin. ces éléments confirment ainsi que l'indemnisation des astreintes ne présentait aucun caractère forfaitaire. Par ailleurs, si le requérant entend contester le montant des indemnisations ainsi versées, il n'est pas contesté qu'elles ont été réévaluées en se basant sur l'activité réelle de l'année N-1 de chaque CIGT et que pour l'année 2018 un rattrapage de 150 à 250 euros a été versé à quatre reprises pour chacun des agents concernés. Le bulletin de paie de M. B... du mois de décembre 2018 fait ainsi apparaître, en plus de son traitement brut du mois concerné, et des montants rappelés ci-dessus un rappel de 159,20 euros effectué au titre du " rattrapage " de l'année en cours. Ces seuls éléments ne permettent pas de considérer que les indemnités ainsi versées seraient insuffisantes au regard des dispositions rappelées ci-dessus et des contraintes réelles imposées à ces agents. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté, dans ses deux branches. 12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT01685
CETATEXT000048448369
J4_L_2023_11_00022NT01689
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448369.xml
Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT01689, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
22NT01689
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. GASPON
MATEL
Mme Valérie GELARD
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 27 octobre 2019 par laquelle le directeur interdépartemental des routes Ouest a implicitement rejeté sa demande tendant au paiement de ses heures de veille qualifiée à domicile. Par un jugement n° 1906478 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er juin 2022, M. A..., représenté par Me Matel, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet mentionnée ci-dessus ; 3°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de réexaminer sa demande ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - tout agent qui se trouve sous la direction de son employeur, même hors des lieux habituels de travail, doit être reconnu comme étant sous la direction de sa hiérarchie ; - le bilan d'activité des centres d'ingénierie et de gestion du trafic pour l'année 2019 permet de comptabiliser en moyenne 10 évènements routiers lors des astreintes du lundi au vendredi et entre 20 et 40 durant les samedis, dimanches et jours fériés ; ces chiffres attestent de la fréquence moyenne des sollicitations effectives auxquelles les agents d'astreinte étaient confrontés ; - l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires est allouée aux personnels de catégories A et B et non aux agents de catégorie C, comme lui ; - s'il reconnaît avoir perçu 159,20 euros par semaine d'astreinte, le forfait de 310 euros versé en 2017 sous la forme d'heures supplémentaires sur le fondement d'une note interne illégale, ne correspond pas au nombre d'évènements hebdomadaires et au temps impartis pour les traiter. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que M. A... conteste pour la première fois en appel le caractère forfaitaire de la rémunération reçue au titre des heures d'intervention et que les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; - le décret n°2000-815 du 25 août 2000 ; - le décret n°2002-60 du 14 janvier 2002 ; - le décret n° 2015-415 du 14 avril 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., fonctionnaire de catégorie C au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, est affecté à la Direction Interdépartementale des Routes de l'Ouest (DIRO). En qualité de chef d'équipe d'exploitation principal des travaux publics de l'Etat, il est rattaché au Centre d'Ingénierie Gestion du Trafic (CIGT) de Vannes chargé de la surveillance du réseau routier. Entre le 1er avril 2007 et le 31 mai 2019, un système d'astreintes à domicile était organisé. Les agents devaient assurer des astreintes dénommées " heures de veille qualifiée à domicile " du lundi au jeudi de 20 h à 6 h ainsi que du vendredi à partir de 20 h jusqu'au lundi suivant à 6 h. Par un courrier du 27 août 2019, M. A... et cinq autres agents également opérateurs au CIGT de Vannes, ont présenté auprès du directeur interdépartemental des routes Ouest une demande tendant au paiement des heures d'astreintes réalisées entre le 1er janvier 2016 et le 31 mai 2019. M. A... relève appel du jugement du 5 avril 2022, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande. Sur la qualification et la rémunération des astreintes organisées jusqu'au 31 mai 2019 : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / 1. " Temps de travail " : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ; / 2. " Période de repos " : toute période qui n'est pas du temps de travail (...) ". 3. Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ". L'article 5 du même texte dispose que : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. " 4. Contrairement à ce que soutient M. A..., ni les dispositions de la directive européenne précitée, ni celles du décret du 25 août 2000, ne permettent d'affirmer que les astreintes à domicile doivent être systématiquement, même en dehors de toute intervention, considérée comme du temps de travail. 5. Par son arrêt du 9 mars 2021, RJ c/ Stadt Offenbach am Main (C-580/19), ainsi qu'aux points 93 à 95 de son arrêt du 15 juillet 2021 B.K. c/ Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo) (C-742/19), la Cour de justice de l'Union européenne a cependant jugé que les périodes d'astreinte effectuées sur des lieux de travail qui ne se confondent pas avec le domicile du travailleur devaient normalement être qualifiées, dans leur intégralité, de temps de travail, dès lors que le travailleur doit alors rester éloigné de son environnement social et familial et bénéficie d'une faible latitude pour gérer le temps pendant lequel ses services ne sont pas sollicités. S'agissant des autres périodes d'astreinte, la Cour a jugé qu'elles étaient également susceptibles d'être qualifiées de temps de travail selon qu'elles permettent ou non au travailleur de gérer librement son temps pendant ses périodes d'astreinte et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Elle a dit pour droit, aux points 48 à 53 de son arrêt du 9 mars 2021, qu'une telle qualification devait faire l'objet d'une appréciation au cas par cas, prenant en compte, premièrement, le temps de réaction laissé au travailleur, deuxièmement, les contraintes et facilités accordées au travailleur pendant cette période et, troisièmement, la fréquence moyenne des prestations effectives normalement réalisées par ce travailleur. 6. Il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier du 27 août 2019 signé par M. A... et cinq autres de ses collègues, que les astreintes litigieuses se déroulaient les lundi, mardi, mercredi et jeudi de 20 h à 6 h et du vendredi soir à partir de 20 h jusqu'au lundi matin suivant à 6 h, tous les jours de l'année. Si le temps de réaction laissé au travailleur d'astreinte n'est pas indiqué, en vertu des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 23 février 2010 pris pour l'application du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, dans les services et certains établissements publics du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, ces astreintes étaient mises en place " lorsque les exigences de continuité du service ou d'impératifs de sécurité l'imposent " et pour " permettre les interventions en dehors de l'horaire normal du service, pour faire face aux situations ci-après : 1° Prévention des accidents imminents ou réparation des accidents survenus sur les infrastructures de transports routier, fluvial et maritime et leurs équipements, aux équipements publics et aux matériels ; 2° Surveillance ou viabilité des infrastructures de transports routier, fluvial et maritime et aéroportuaire (...)". Il est constant par ailleurs, que le rôle de M. A... n'était pas d'intervenir lui-même sur les lieux de l'accident ou de l'incident, mais de contacter par téléphone, les équipes de la DIRO chargées d'intervenir matériellement sur le réseau, ainsi qu'en cas de besoin la gendarmerie ou les sapeurs-pompiers. Compte tenu de ces impératifs de sécurité, l'agent d'astreinte devait en conséquence intervenir pour alerter et déclencher les moyens d'intervention dans un délai le plus court possible. A cette fin, il disposait d'un téléphone de service et en cas de besoin, un véhicule pouvait être mis à sa disposition par son employeur. Il ne bénéficiait en revanche d'aucune autre facilité spécifique accordée, et notamment pas de logement de service, pour prendre en compte ces contraintes professionnelles. Par suite, les deux premiers critères évoqués ci-dessus, tenant au temps de réaction laissé au travailleur et aux contraintes et facilités qui lui sont accordées, permettant de qualifier le temps d'astreinte de temps de travail, doivent être regardés comme réunis. 7. Pour justifier de la fréquence moyenne des prestations normalement réalisées par les agents d'astreinte, M. A... se prévaut du bilan d'activité des centres d'ingénierie et de gestion du trafic pour l'année 2019. Le tableau figurant en page 12 de ce document permet de constater que, s'agissant du CIGT de Vannes, pour la période du 1er janvier 2019 au 1er juin 2019, en moyenne les agents d'astreintes devaient gérer entre 1,5 et 11 évènements le soir en semaine et entre 9,25 et 25,75 évènements le week-end et les jours fériés. Le même bilan, en page 22, fait apparaitre une augmentation régulière du nombre d'accidents ou d'incidents depuis 2014. Il produit également le compte rendu d'une réunion " d'audit " des CIGT, qui s'est tenue le 12 septembre 2016, indiquant que " la charge qui pèse sur la veille qualifiée dans son format actuel peut dans certains cas (évènements importants, crise) rendre difficile la gestion des temps de repos des agents ". Ces seuls éléments, qui se fondent sur des moyennes calculées à partir des données des six premiers mois de l'année 2019 et sur des éléments constatés pour l'ensemble de la région Ouest, ne sont toutefois pas suffisants pour attester de la charge de travail effective des agents d'astreintes, et en particulier de M. A..., au cours des astreintes qu'il a dû assurer entre le 1er janvier 2016 et le 31 mai 2019. Le requérant ne peut dès lors être regardé comme justifiant que durant ces astreintes, alors qu'il se trouvait à son domicile dans son environnement social et familial, il ne disposait pas d'un temps suffisant pour se consacrer à des occupations personnelles. Il s'ensuit, qu'en considérant que les astreintes assurées par M. A... ne pouvaient dès lors être qualifiées de temps de travail, pour l'intégralité de leur durée, l'administration s'est livrée une exacte appréciation de sa situation. 8. En second lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires : " I. - 1° Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu'ils exercent des fonctions ou appartiennent à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B. 2° Le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à ces fonctionnaires est subordonné à la mise en œuvre par leur employeur de moyens de contrôle automatisé permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires qu'ils auront accomplies (...) ". L'article 6 du même texte dispose que : " Le nombre des heures supplémentaires accomplies dans les conditions fixées par le présent décret ne peuvent dépasser un contingent mensuel de 25 heures. / Lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient et pour une période limitée, le contingent mensuel peut être dépassé sur décision du chef de service qui en informe immédiatement les représentants du personnel au comité technique compétent. / Des dérogations au contingent mensuel peuvent être accordées, à titre exceptionnel, dans les limites prévues au I de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé, après consultation du comité technique ministériel ou du comité technique d'établissement, pour certaines fonctions dont la nature est précisée par arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de la fonction publique et du ministre concerné ". 9. Par ailleurs, aux termes de l'article 9 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, applicables notamment aux agents de catégorie C : " Une période d'astreinte telle que définie à l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé ne peut être rémunérée au titre des heures supplémentaires. Cependant lorsque des interventions sont effectuées au cours d'une période d'astreinte, ne sont pas compensées et donnent lieu à la réalisation d'heures supplémentaires, elles peuvent être rémunérées à ce titre. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 14 avril 2015 relatif à l'indemnisation des astreintes et à la compensation ou à la rémunération des interventions aux ministères chargés du développement durable et du logement : " Peuvent bénéficier d'une indemnité d'astreinte, dès lors qu'ils sont appelés à participer à un service d'astreinte au sens de l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé : (...) 2° Sans préjudice des dispositions du décret du 17 décembre 2012 susvisé, les agents des ministères chargés du développement durable et du logement exerçant leurs fonctions dans les directions départementales des territoires et dans les directions départementales des territoires et de la mer. ". L'article 3 du même décret prévoit que : " L'indemnité d'astreinte est exclusive de toute autre indemnisation ou compensation en temps des astreintes ou des permanences. " et l'article 4 que " Les interventions effectuées à l'occasion d'une période d'astreinte peuvent donner lieu à une compensation en temps majorée ou une rémunération. ". 10. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 14 avril 2015 fixant les montants de l'indemnité d'astreinte et la rémunération horaire des interventions aux ministères chargés du développement durable et du logement (NOR : DEVK1425770A) : " (...) les activités ouvrant droit aux différentes catégories d'indemnisation de l'astreinte sont les suivantes : 1° L'indemnité d'astreinte d'exploitation mentionnée au 1° de l'article 2 du décret précité peut être allouée pour les activités mentionnées aux 1° et 2° de l'article 3 de l'arrêté du 23 février 2010 susvisé ou au 1° de l'article 1er de l'arrêté du 27 mai 2011 susvisé (...).". En vertu de l'article 2 de ce texte, les montants de l'indemnité d'astreinte d'exploitation, correspondant à celle effectuée par le requérant, sont pour une semaine complète de 159,20 euros, pour un service de nuit de 10,75 euros, pour le samedi de 37,40 euros, pour le dimanche ou les jours fériés de 46,55 euros et pour les astreintes du week-end, du vendredi soir au lundi matin, de 116,20 euros. En outre, l'article 4 de cet arrêté prévoit que : " L'indemnisation horaire des interventions versée en application du titre II du décret du 14 avril 2015 susvisé pendant les périodes d'astreinte est de : 16 € pour une intervention effectuée un jour de semaine ; 22 € pour une intervention effectuée une nuit, un samedi, un dimanche ou un jour férié. ". 11. Ainsi qu'il a été rappelé aux points 8 et 9, le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires permet la rémunération du nombre exact d'heures supplémentaires réalisées par les agents de catégorie C. En revanche, une période d'astreinte, en dehors de toute intervention, peut seulement faire l'objet d'une indemnisation. Il ressort de la note du 22 mars 2019 de la DIR Ouest, produite au dossier, que depuis le 1er janvier 2014 les astreintes à domicile étaient rémunérées sur la base d'une somme de 310 euros par semaine d'astreinte. Si le requérant conteste le caractère forfaitaire de cette rémunération, son bulletin de paye du mois de janvier 2017 fait apparaître que la somme de 310,72 euros qui a lui a été versée était calculée sur la base de 27,62 heures rémunérées au taux horaire de 11,25 euros. Son bulletin de paie du mois de février 2019 confirme que l'indemnisation des astreintes ne présentait aucun caractère forfaitaire. Par ailleurs, si le requérant entend contester le montant des indemnisations ainsi versées, il n'est pas contesté qu'elles ont été réévaluées en se basant sur l'activité réelle de l'année N-1 de chaque CIGT et que pour l'année 2018 un rattrapage de 150 à 250 euros a été versé à quatre reprises pour chacun des agents concernés. Le bulletin de paie du requérant du mois de février 2019 fait ainsi apparaître, en plus de son traitement brut du mois concerné, un montant global de 596,39 euros versé au titre du mois de décembre 2018. Cette somme recouvre des indemnités de 173,65 euros pour les 14 premières heures supplémentaires, de 226,44 euros pour les heures supplémentaires effectuées les dimanches et jours fériés et de 196,30 euros pour la période d'astreinte du vendredi soir au lundi matin. Ce bulletin de salaire atteste également du versement d'un rappel de 333,51 euros effectué au titre du " rattrapage " des années antérieures, mentionné ci-dessus. Ces seuls éléments ne permettent pas de considérer que les indemnités ainsi versées seraient insuffisantes au regard des dispositions rappelées ci-dessus et des contraintes réelles imposées à ces agents. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté, dans ses deux branches. 12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT01689
CETATEXT000048448370
J4_L_2023_11_00022NT01723
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448370.xml
Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT01723, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
22NT01723
6ème chambre
plein contentieux
C
M. GASPON
WOLFF
M. François PONS
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes : - d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle le centre expert des ressources humaines et de la solde du ministère des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre le titre de perception du 28 janvier 2020 émis par le directeur départemental des finances publiques du Finistère portant remboursement de 80 % de ses frais de scolarité, soit une somme de 41 098,10 euros ; - d'annuler la décision du 11 juin 2020 par laquelle la direction départementale des finances publiques du Finistère l'a invité à rembourser la somme mise à sa charge par ce titre de perception et de le décharger du remboursement de ses frais de scolarité ; À titre subsidiaire : - de réformer les décisions attaquées, dans un sens favorable, en le déchargeant de la totalité du remboursement des frais de scolarité ou, à défaut, en le déchargeant partiellement du remboursement ses frais de scolarité ; A titre encore plus subsidiaire : - de renvoyer le litige devant la commission des recours des militaires, pour révision du quantum de ses frais de scolarité au regard de sa situation personnelle, ou directement au ministre des armées. Par un jugement n°2003580 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2022, le 11 août 2023 et les 5 et 11 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Wolff, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 avril 2022 ; 2°) d'annuler ou de réformer la décision du ministre des armées du 4 novembre 2019 demandant le remboursement de 80 % de ses frais de scolarité et le titre de perception émis le 28 janvier 2020 par le directeur départemental des finances publiques du Finistère ou, à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions la somme mise à sa charge ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par réformation du jugement de première instance, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'instance d'appel. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le courrier du 11 juin 2020 par lequel l'administratrice générale des finances publiques de la direction départementale des finances publiques du Finistère l'a informé du rejet de son recours par l'ordonnateur, dès lors que cet acte lui fait grief et qu'il est indissociable du titre de perception émis le 28 janvier 2020 ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la commission de recours des militaires s'était déclarée à bon droit incompétente pour connaître du recours de M. A..., en raison de l'existence de circonstances de fait particulières et dès lors qu'aucune voie de recours ne lui était ouverte pour faire recalculer ses frais de scolarité au regard des circonstances exceptionnelles entourant sa démission ; - sa démission doit être requalifiée en démission pour motifs exceptionnels : * sa visite médicale du 27 août 2019 faisait état d'une inaptitude à la conduite de véhicules légers pendant une durée de 24 mois ; * il ne pouvait plus partir en opérations extérieures ; * les barèmes de détermination de son aptitude médicale à servir ont été appliqué de manière erronée ; * sa dernière visite médicale du 28 octobre 2021 démontre qu'il est inapte définitivement à servir, malgré le fait quelle conclue à son inaptitude temporaire à servir pour une durée de deux ans ; * sa démission présente un caractère exceptionnel au sens du décret du 12 septembre 2008 ; * il souffrait d'hypersomnies et d'apnées du sommeil au moment de sa dernière évaluation médicale faite au moment de sa démission et il a subi de nombreux traumatismes physiques lors de son enseignement à saint-Cyr ; - il a subi un harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique direct à Mourmelon. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2022, le directeur départemental des finances publiques du Finistère conclut à ce qu'il soit mis en cause dans la présente instance en qualité d'observateur. Il soutient qu'il n'est chargé que du recouvrement du titre de perception du 28 janvier 2020. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 aout 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la requête est irrecevable car elle méconnaît les dispositions de l'article R. 414-5 du code de justice administrative et soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le décret n° 2008-947 du 12 septembre 2008 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure public, - et les observations de Me Joyeux, substituant Me Wolff, pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a intégré l'école spéciale militaire de Saint-Cyr le 1er septembre 2014 en qualité d'élève-officier de l'armée de terre. Il a demandé son admission à l'état d'officier de carrière le 19 novembre 2014 et s'est engagé à servir pour une période de six ans à compter de sa nomination dans le corps des officiers de carrière, qui est intervenue le 1er août 2017. Le 18 janvier 2019, il a présenté sa démission qui a été agréée par un arrêté du 6 mars 2019. Par ce même arrêté, il lui a été indiqué qu'une fois radié des cadres, il serait tenu de rembourser les frais de sa scolarité supportés par l'État pour assurer sa formation. M. A... a été radié des cadres le 1er septembre 2019. Le centre expert des ressources humaines et de la solde du ministère des armées l'a alors informé, par lettres des 18 octobre 2019 et 4 novembre 2019, que compte-tenu de son temps de service de deux ans et un mois, il devait rembourser 80 % de ses frais de scolarité, soit une somme de 41 098,10 euros. Le 28 janvier 2020, la direction départementale des finances publiques du Finistère a émis un titre de perception afin de recouvrer cette somme. Le 25 mars 2020, M. A... a formé un recours administratif auprès de la commission des recours des militaires ainsi qu'auprès de la direction départementale des finances publiques du Finistère, qui, au titre de service comptable chargé du recouvrement d'une créance non fiscale, a transmis ce recours à l'ordonnateur, en l'occurrence aux services du ministère des armées. Le 17 avril 2020, la commission des recours des militaires s'est déclarée incompétente pour connaître du recours de M. A.... Le 8 juin 2020, le centre expert des ressources humaines et de la solde a rejeté le recours de M. A... en lui indiquant que sa décision pouvait être contestée devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois. Le 11 juin 2020, l'administratrice générale des finances publiques du Finistère a notifié à M. A... la décision du 8 juin 2020 rejetant son recours et l'a invité à acquitter la somme de 41 098,10 euros mis à sa charge par le titre de perception du 28 janvier 2020. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 avril 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juin 2020 et du courrier du 11 juin 2020. Sur la recevabilité : 2. Les conclusions de M. A... dirigées contre la lettre par laquelle l'administration informe un militaire qu'il doit rembourser une somme indument payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, un titre de perception lui sera notifié sont nouvelles en appel et, à ce titre, irrecevables dans la présente instance. La lettre en cause constituant une mesure préparatoire qui n'est pas susceptible de recours, les conclusions demandant son annulation étaient à ce titre irrecevables devant le premier juge. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation du courrier du ministre des armées du 4 novembre 2019 sont irrecevables. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Le courrier du 11 juin 2020 par lequel l'administratrice générale des finances publiques de la direction départementale des finances publiques du Finistère a informé M. A... du rejet de son recours par l'ordonnateur, lui a notifié à nouveau cette décision et lui a rappelé qu'il devait lui verser la somme mis à sa charge par le titre de perception en litige, ne comporte aucun caractère décisoire et est purement informatif. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le courrier du 11 juin 2020. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, il convient d'écarter le moyen selon lequel c'est à tort que la commission de recours des militaires s'est à bon droit déclarée incompétente pour connaître du recours de M. A... dirigé contre le titre de perception du 28 janvier 2020, par adoption des motifs retenus par le jugement attaqué dans ses paragraphes 4 à 8. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 12 septembre 2008 fixant certaines dispositions applicables aux élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière : " Lors de leur admission en école, les élèves officiers de carrière présentent une demande en vue d'être admis à l'état d'officier de carrière à l'issue de leurs études et s'engagent à servir en cette qualité pour une période, fixée par arrêté du ministre de la défense, (...), comprise entre six et huit ans. Au cours de cette période, la démission des intéressés ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels. L'acceptation de la démission de l'état d'officier de carrière est prononcée par un arrêté du ministre de la défense (...). ". Aux termes de l'article 16 de ce même décret : " I. Sont tenus à remboursement : / (...) / 2° dans les conditions fixées à l'article 18, les officiers de carrière. / II. - Toutefois : / (...) 2° Sur décision du ministre de la défense (...) le remboursement n'est pas dû si l'inexécution totale ou partielle de l'engagement de servir n'est pas imputable aux intéressés. ". Aux termes de l'article 18 de ce décret : " Les officiers de carrière ne satisfaisant pas à l'engagement prévu à l'article 5 sont tenus au remboursement des frais de formation. / (...) / Le remboursement que doivent effectuer, le cas échéant, officiers de carrière varie en fonction du temps passé au service de l'État et porte (...) sur la totalité ou sur une fraction de la somme des rémunérations perçues au cours de la scolarité (...) ". Ce même article comporte un tableau indiquant le pourcentage de la rémunération devant être remboursé en fonction, d'une part, de la durée de l'engagement souscrit et, d'autre part, du temps passé au service de l'État après la nomination au premier grade d'officier. 6. La rupture de l'engagement de servir motivant la demande de remboursement des frais exposés par l'État durant la scolarité de M. A... en qualité d'élève officier de l'armée de terre au sein de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr, résulte de la démission de M. A..., demandée par celui-ci le 18 janvier 2019 et agréée par un arrêté de la ministre des armées du 6 mars 2019. Cette demande de démission, au vu des motifs alors avancés, est sans lien avec l'état de santé de M. A... et avec ses pathologies, présentées par le requérant comme constituant un obstacle au déroulement de sa carrière. Le requérant se borne à faire état de restrictions d'emploi figurant sur un certificat médico-administratif d'aptitude, établi à la suite d'une visite médicale qui s'est déroulée le 27 août 2019, à faire valoir les répercussions qu'auraient pu avoir ces restrictions sur ses perspectives de carrière, sur sa notation et sur les missions qui pouvaient lui être confiées, et de la probabilité que ces restrictions soient reconduites à l'expiration de ce certificat d'aptitude valable vingt-quatre mois, alors que ce document est postérieur de sept mois à sa demande de démission. La dernière visite médicale du 28 octobre 2021 du requérant, qui conclut à l'inaptitude temporaire à servir de l'intéressé pour une durée de deux ans, n'est pas davantage de nature à démontrer que la démission de M. A... présenterait un caractère exceptionnel, au sens des dispositions précitées du décret du 12 septembre 2008. M. A... n'établit donc pas avoir été contraint de démissionner en raison de son état de santé. Enfin, à supposer que M. A... soutienne que sa démission résulterait d'un harcèlement moral subi de la part de son supérieur hiérarchique direct à Mourmelon, il ne produit aucun élément de nature à faire présumer le harcèlement moral allégué. 7. Le remboursement des frais de sa scolarité supportés par l'État pour assurer la formation des élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière ne constituant pas une sanction, au sens des dispositions précitées, et M. A... ne faisant valoir aucun élément, tenant notamment à sa situation financière, familiale ou professionnelle, constitutive d'une erreur de fait de nature à induire la réduction, par application du tableau évoqué au point 5, de la somme mise à sa charge par le titre de perception en litige, les conclusions subsidiaires du requérant tendant à réduire à de plus justes proportions la somme mise à sa charge par le titre de perception en cause ne peuvent qu'être rejetées. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre des armées fondée sur l'article R. 414-5 du code de justice administrative, que M. A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Une copie en sera adressée pour information à la direction départementale des finances publiques du Finistère. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT01723
CETATEXT000048448371
J4_L_2023_11_00023NT01517
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448371.xml
Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT01517, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
23NT01517
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. GASPON
NERAUDAU
M. François PONS
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n°2303904 du 18 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, M. A..., représenté par Me Néraudau, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 16 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - la décision de transfert méconnait l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement général sur la protection des données du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 : * il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ; * il n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile ; - au moment de sa prise d'empreintes, M. A... n'était pas informé des éléments relatifs à l'utilisation de ses empreintes et données personnelles ; - les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : * l'exigence de confidentialité n'a pas été respectée ; * le résumé d'entretien est incomplet ; * il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national et le premier juge a inversé la charge de la preuve en retenant qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que l'entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée ; - contrairement à ce qu'a estimé le préfet et le premier juge, à la date de la décision contestée, l'exécution des arrêtés de réadmission était suspendue, ce qui explique l'absence de réponse des autorités italiennes à la demande de prise en charge de l'intéressé ; - la décision de transfert méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie qui n'est plus en capacité matérielle de reprendre en charge des demandeurs d'asile ; - la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, elle méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - il craint de subir des mauvais traitements en cas de renvoi en Guinée. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il a décidé d'abroger l'arrêté portant transfert de l'intéressé vers l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de M. A... vers l'Italie. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 - le règlement (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les observations de Me Néraudau, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant guinéen, déclare être entré irrégulièrement en France le 30 novembre 2022. Le 7 décembre 2022, il a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Loire-Atlantique. La consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé que l'intéressé avait irrégulièrement franchi la frontière italienne dans les 12 mois du dépôt de sa première demande, le préfet a saisi les autorités italiennes le 12 décembre 2022 d'une demande de prise en charge de M. A.... Après accord implicite de ces autorités, par arrêté du 16 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de remettre M. A... aux autorités italiennes. M. A... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur l'étendue du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer M. A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 18 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc leur délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Sur les frais liés au litige : 5. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Néraudau, avocate du requérant. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'elle perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Néraudau en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01517
CETATEXT000048448372
J4_L_2023_11_00023NT01524
CETAT
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Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT01524, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
23NT01524
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. GASPON
NERAUDAU
M. François PONS
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n°2303713 du 7 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023, M. B..., représenté par Me Néraudau, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 7 avril 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 15 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision de transfert méconnait l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement général sur la protection des données du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 : * il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ; * il n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile ; - au moment de sa prise d'empreintes, M. B... n'était pas informé des éléments relatifs à l'utilisation de ses empreintes et données personnelles ; - les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : * l'exigence de confidentialité n'a pas été respectée ; * le résumé d'entretien est incomplet ; * il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national et le premier juge a inversé la charge de la preuve en retenant qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que l'entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée ; - le premier juge a considéré à tort que la circulaire italienne suspendant les transferts Dublin aurait trait " aux conditions d'exécution " des décisions de transfert ; - contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, à la date de la décision contestée, l'exécution des arrêtés de réadmission était suspendue, ce qui explique l'absence de réponse des autorités italiennes à la demande de prise en charge de l'intéressé ; - la décision de transfert méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie qui n'est plus en capacité matérielle de reprendre en charge des demandeurs d'asile ; - la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, elle méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - il craint de subir des mauvais traitements en cas de renvoi en Guinée. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il a décidé d'abroger l'arrêté portant transfert de l'intéressé vers l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de M. B... vers l'Italie M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 - le règlement (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les observations de Me Néraudau, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant guinéen a déclaré être entré irrégulièrement en France le 11 novembre 2022. Le 23 novembre 2022, il a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Loire-Atlantique. Par un arrêté du 15 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Italie, Etat responsable de sa demande d'asile. M. B... relève appel du jugement du 7 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur l'étendue du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer M. B... vers l'Italie a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 7 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Sur les frais liés au litige : 5. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Néraudau, avocate des requérants. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'elle perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Néraudau en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01524
CETATEXT000048448373
J4_L_2023_11_00023NT01826
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448373.xml
Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT01826, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
23NT01826
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. GASPON
DESFRANCOIS
M. François PONS
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n°2303731 du 18 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin et le 27 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Desfrançois, doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 16 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - la décision de transfert est insuffisamment motivée ; - elle méconnait l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement général sur la protection des données du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 : * il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ; * elle n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile ; - les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : * il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national ; - la décision de transfert est entachée d'un défaut d'examen de son état de santé et de sa particulière vulnérabilité ; - elle méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie qui n'est plus en capacité matérielle de reprendre en charge des demandeurs d'asile : * depuis le 5 décembre 2022, l'Italie a indiqué, via une circulaire, suspendre les transferts dans le cadre de la procédure Dublin ; - la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : * elle n'a jamais pu consulter de médecin en Italie. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il a décidé d'abroger l'arrêté portant transfert de l'intéressée vers l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de Mme A... vers l'Italie Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les observations de Me Desfrançois, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante guinéenne, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 29 novembre 2022. Le 7 décembre 2022, sa demande d'asile a été enregistrée au guichet unique de la préfecture de Loire-Atlantique. A la suite du relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté dans le fichier " Eurodac " que l'intéressée avait irrégulièrement franchi les frontières italiennes dans les douze mois précédant l'enregistrement de sa demande d'asile. Saisies par les autorités françaises, le 12 décembre 2022, les autorités italiennes ont accepté de la prendre en charge par un accord implicite. Par un arrêté du 16 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Mme A... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur l'étendue du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer Mme A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 18 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Sur les frais liés au litige : 5. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Desfrançois, avocat des requérants. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'il perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressé. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Desfrançois en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01826
CETATEXT000048448374
J4_L_2023_11_00023NT01829
CETAT
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Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT01829, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
23NT01829
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. GASPON
DESFRANCOIS
M. François PONS
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n°2303730 du 18 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin et le 27 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Desfrançois, doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 15 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - la décision de transfert est insuffisamment motivée ; - elle méconnait l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement général sur la protection des données du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 : * il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ; * elle n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile ; - les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : * il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national ; - elle méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie qui n'est plus en capacité matérielle de reprendre en charge des demandeurs d'asile : * depuis le 5 décembre 2022, l'Italie a indiqué, via une circulaire, suspendre les transferts dans le cadre de la procédure Dublin ; - la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il a décidé d'abroger l'arrêté portant transfert de l'intéressée vers l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de Mme B... vers l'Italie. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les observations de Me Néraudau, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante de République du Congo, est entrée régulièrement en France le 14 novembre 2022. Le 29 novembre 2022, sa demande d'asile a été enregistrée au guichet unique de la préfecture de Loire-Atlantique La consultation du fichier " Visabio " a révélé que l'intéressée était en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois lors du dépôt de sa demande d'asile, délivré par les autorités italiennes. Saisies par les autorités françaises, le 8 décembre 2022, les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par accord explicite. Par un arrêté du 15 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer l'intéressée aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Mme B... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur l'étendue du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer Mme B... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 18 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Sur les frais liés au litige : 5. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Desfrançois, avocat des requérants. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'il perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Desfrançois en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Desfrançois et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01829
CETATEXT000048448375
J4_L_2023_11_00023NT02335
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448375.xml
Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT02335, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
23NT02335
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. GASPON
LIETAVOVA
Mme Valérie GELARD
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n° 2306520 du 6 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 31 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Lietavova, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juin 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ; - le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle et familiale ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les observations de Me Lietavova, pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement du 6 juin 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes : 2. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 3. Lors de son entretien individuel, Mme B..., qui a quitté son pays d'origine le 5 septembre 2022, a déclaré que son concubin, M. C... B..., résidait en France. S'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par l'intéressé, qui est également né en Guinée, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la cour nationale du droit d'asile respectivement les 11 octobre 2021 et 16 décembre 2021, et si une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre le 25 mai 2022, il n'est pas contesté qu'il n'a cependant pas vocation à retourner en Italie. Par ailleurs, la requérante, qui est âgée de 25 ans seulement, atteste par les documents médicaux qu'elle produit, qu'elle était enceinte depuis le 6 décembre 2022. Ainsi qu'elle le soutient, la décision contestée aurait donc pour effet de la séparer du père de son enfant. En outre, le compte-rendu de l'examen gynécologique réalisé le 21 février 2023 mentionne une perte de poids de 7 kg depuis le début de sa grossesse et la sage-femme du centre hospitalier de Laval où elle est suivie a certifié le 28 février 2023 que son état nécessitait une prise en charge au titre des " soins urgents et vitaux ". Enfin, si les empreintes digitales de Mme B... ont été enregistrées le 10 novembre 2022 par les autorités italiennes dans le fichier Eurodac, sous le N° IT 2 AG06Y3Z, ce qui atteste qu'elle n'a pas déposé de demande d'asile dans ce pays, l'intéressée précise qu'elle est entrée en France le 20 novembre 2022, de sorte que son séjour en Italie a été particulièrement bref. Au vu de l'ensemble de ces éléments, Mme B... est fondée à soutenir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités italiennes, lesquelles n'ont accepté qu'implicitement sa prise en charge, le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, l'arrêté litigieux doit être annulé pour ce motif. 4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 5. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution de l'arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à un mois, de délivrer à Mme B... une attestation de demander d'asile en procédure normale. Sur les frais liés au litige : 6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lietavova, avocate de la requérante, d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2306520 du tribunal administratif de Nantes en date du 6 juin 2023, ainsi que l'arrêté du 7 avril 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert de Mme B... auprès des autorités italiennes sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Lietavova, conseil de Mme B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02335
CETATEXT000048448376
J4_L_2023_11_00023NT02365
CETAT
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Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT02365, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
23NT02365
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. GASPON
DESFRANCOIS
Mme Valérie GELARD
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n° 2307280 du 16 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 2 août 2023, Mme A..., représentée par Me Desfrancois, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juin 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ; - le préfet n'a pas procédé à un examen de sa vulnérabilité ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; depuis le 5 décembre 2022 l'Italie a indiqué, dans une circulaire, être en situation d'urgence migratoire et suspendre les transferts dans le cadre de la procédure Dublin ; les Pays-Bas on suspendu les transferts vers l'Italie " en ce que les autorités italiennes elles-mêmes ont indiqué que les transferts vers l'Italie ne sont pas possibles en raison du manque de structures d'accueil " en référence à la lettre circulaire de Rome datant de décembre 2022 ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, et une production de pièce enregistrée le 9 octobre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à la suite de l'abrogation de la décision de transfert en cause. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les observations de Me Desfrançois, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissant guinéenne, relève appel du jugement du 16 juin 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Sur l'exception de non- lieu à statuer opposée par le préfet de Maine-et-Loire : 2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive. 3. Le préfet de Maine-et-Loire se prévaut d'un arrêté du 6 octobre 2023 abrogeant l'arrêté contesté portant transfert de Mme A... vers l'Italie, sans préciser notamment si l'intéressée se serait vue délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale. Par ailleurs, l'arrêté litigieux a été exécuté en ce qu'il a fait obstacle à tout dépôt de demande d'asile tant qu'il était en vigueur. En outre, l'arrêté du 6 octobre 2023, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été notifié à l'intéressée, ne présente pas de caractère définitif. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de Maine-et-Loire doit être écartée. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes : 4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ". 5. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et notamment son article 4, et par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 3. 6. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile ou les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations. 7. La requérante invoque la méconnaissance des dispositions précitées du 2. de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Dans son arrêté contesté du 20 avril 2023, le préfet de Maine-et-Loire a relevé que les autorités italiennes, saisies le 7 février 2023 d'une demande de reprise en charge de Mme A... en application du règlement précité, avaient fait connaître leur accord explicite le 3 avril 2023, qu'elles devaient être regardées comme étant responsables de l'examen de sa demande d'asile et que l'intéressée n'établissait pas " de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile ". 8. Toutefois, indépendamment des considérations liées à la situation sanitaire du pays, la requérante se prévaut d'une lettre circulaire du 5 décembre 2022, adressée à l'ensemble des services des autres Etats chargés de l'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, par laquelle le ministère de l'intérieur italien a indiqué à ces Etats qu'ils étaient priés de suspendre temporairement les transferts vers l'Italie, à l'exception de ceux liés à la réunification familiale des mineurs non accompagnés, à compter du 6 décembre 2022, pour des raisons liées à l'indisponibilité des installations d'accueil. En application des dispositions précitées de l'article 3-2 du règlement n° 604/2013, il appartient à l'autorité préfectorale, lorsqu'elle détermine l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, d'apprécier s'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile ou dans les conditions d'accueil des demandeurs. En se prévalant de la lettre circulaire du 5 décembre 2022 par laquelle l'Etat italien, par une information officielle diffusée à tous les Etats membres, a fait état de l'indisponibilité des installations d'accueil sur son territoire à compter du 6 décembre 2022, la requérante apporte la preuve que ses craintes relatives au défaut de protection en Italie sont fondées, alors que le préfet de Maine-et-Loire n'établit ni même n'allègue que l'indisponibilité des installations d'accueil invoquée par l'Italie avait cessé à la date du 20 avril 2023 à laquelle il a décidé le transfert de Mme A... vers ce pays. Il s'ensuit que doit être accueilli le moyen tiré par la requérante de ce que le préfet a méconnu les dispositions précitées du 2. de l'article 3 du règlement n° 604/2013 en retenant qu'il n'y avait pas de sérieuses raisons de croire qu'il existait sur tout le territoire de la république italienne des défaillances systémiques dans la procédure d'asile ou dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ". 11. L'annulation de la décision de transfert vers l'Italie de Mme A... est prononcée au motif que le préfet de Maine-et-Loire a méconnu les dispositions du 2. de l'article 3 du règlement n°604-2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il y avait de sérieuses raisons de croire qu'il existait en Italie, à la date de l'arrêté contesté, des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil des demandeurs. Compte tenu de ce motif d'annulation, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de Maine-et-Loire délivre à Mme A..., ainsi qu'elle le demande, une attestation de demande d'asile en procédure normale, sous réserve d'un changement de circonstances de fait et dans le respect des dispositions des alinéas 2 et 3 du 2. de l'article 3 précité du règlement. Sur les frais liés au litige : 12. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Aussi, et dans la mesure où l'Etat est la partie perdante à cette instance, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Desfrançois avocat de la requérante. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'il perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2307280 du 16 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 20 avril 2023 du préfet de Maine-et-Loire décidant du transfert de Mme A... aux autorités italiennes sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer, dans le délai d'un mois, la demande d'asile de Mme A... en procédure normale, sous réserves d'un changement de circonstances de fait et dans le respect des dispositions des alinéas 2 et 3 du 2. de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Desfrançois en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02365
CETATEXT000048448377
J4_L_2023_11_00023NT02383
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448377.xml
Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT02383, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
23NT02383
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. GASPON
LACHAUX
Mme Valérie GELARD
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 mai 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n° 2307400 du 15 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 4 août 2023, M. B..., représenté par Me Lachaux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juin 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui remettre un dossier de demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le magistrat désigné a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013 ; à tout le moins le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - l'arrêté de transfert méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Gélard, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort du jugement attaqué que le magistrat désigné a rappelé au point 8, les dispositions de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013, au point 10, le fait qu'eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, les craintes dont un demandeur fait état quant au défaut de protection dont il pourrait faire l'objet dans l'un de ces Etats, doivent en principe être présumées non fondées dès lors que cet Etat a accepté sa reprise en charge. Il a également jugé que les pièces communiquées par l'intéressé ne permettaient pas de faire présumer que les autorités croates ne procèderaient pas à un examen sérieux des demandes d'asile. Ce faisant, le magistrat désigné doit être regardé comme ayant suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.2 du règlement, alors même qu'il n'a pas expressément indiqué que ce moyen devait en conséquence être écarté. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier à raison de ces motifs. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités croates : 3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, le moyen invoqué par le requérant, tiré de ce que la décision contestée serait contraire à l'article 5 du règlement n° 604 2013 du 26 juin 2013, que l'intéressé réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". 5. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 6. Il ressort des pièces du dossier que les autorités Croates ont explicitement accepté le 2 mai 2023 la reprise en charge de M. B.... L'intéressé ne produit aucune décision d'éloignement qui aurait été prise à son encontre par les autorités de ce pays et qui l'exposerait effectivement à un risque d'éloignement vers l'Afghanistan. Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 5, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent qu'être écartés. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 8. Lors de son entretien individuel, M. B... a déclaré ne pas avoir de problème de santé. Par ailleurs, s'il justifie de la présence régulière en France d'un cousin, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités croates, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté. Sur le surplus des conclusions : 9. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02383
CETATEXT000048448380
J6_L_2023_10_00023MA01729
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448380.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, , 19/10/2023, 23MA01729, Inédit au recueil Lebon
2023-10-19 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA01729
plein contentieux
C
DI CESARE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement n° 2105381 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Di Cesare, demande au juge des référés de la Cour de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la mise en recouvrement des impositions contestées. Elle soutient que : - la condition d'urgence est satisfaite eu égard au montant très important des impositions en litige et à l'impossibilité totale dans laquelle elle se trouve de les acquitter ; - la proposition de rectification aurait dû lui être notifiée à titre personnel pour la période postérieur au décès de son mari, et en tant que personne mariée avant son décès ; - la proposition de rectification est insuffisamment motivée ; - elle conteste être maître de l'affaire ; - elle critique la méthode de reconstitution de l'administration fiscale. Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 23MA01728, le 5 juillet 2023 par laquelle Mme A... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 2023, et la décharge des impositions en litige. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Vu la décision par laquelle la présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour juger les référés. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision... ". Aux termes de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. / Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroule sans conclusions du commissaire du Gouvernement ". Enfin, aux termes de l'article L. 522-3 de ce code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ". 2. Le contribuable qui a saisi le juge de l'impôt de conclusions tendant à la décharge d'une imposition à laquelle il a été assujetti est recevable à demander au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement de l'imposition, dès lors que celle-ci est exigible. Le prononcé de cette suspension est subordonné à la double condition, d'une part, qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition et, d'autre part, que l'urgence justifie la mesure de suspension sollicitée. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 3. Aux termes du 8 de l'article 6 du code général des impôts : " En cas de décès de l'un des conjoints ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, l'impôt afférent aux bénéfices et revenus non encore taxés est établi au nom des époux ou partenaires. Le conjoint ou le partenaire survivant est personnellement imposable pour la période postérieure au décès. " Aux termes de l'article 204 de ce code : " 1. Dans le cas de décès du contribuable ou de l'un ou l'autre des époux soumis à une imposition commune, l'impôt sur le revenu est établi en raison des revenus dont le défunt a disposé pendant l'année de son décès et des bénéfices industriels et commerciaux réalisés depuis la fin du dernier exercice taxé. L'impôt porte également sur les revenus dont la distribution ou le versement résulte du décès, s'ils n'ont pas été précédemment imposés et sur ceux que le défunt a acquis sans avoir la disposition antérieurement à son décès. (...) / 1 bis. Les impositions établies après le décès dans les conditions prévues par l'article L. 172 du livre des procédures fiscales en cas d'omission ou d'insuffisance d'imposition, ainsi que toutes autres impositions dues par les héritiers du chef du défunt, ne sont pas admises en déduction du revenu des héritiers pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dont ces derniers sont passibles. / 2. La déclaration des revenus imposables en vertu du présent article est produite par les ayants droit du défunt. Le cas échéant, le notaire chargé de la succession peut produire cette déclaration à la demande des ayants droit si la succession n'est pas liquidée à la date de production de la déclaration. Elle est soumise aux règles et sanctions prévues à l'égard des déclarations annuelles. Les demandes d'éclaircissements et de justifications prévues par les articles L 10 et L 16 du livre des procédures fiscales ainsi que les propositions de rectification mentionnées à l'article L 57 du même livre peuvent être valablement adressées à l'un quelconque des ayants droit ou des signataires de la déclaration de succession. ". 4. Il résulte de ces dispositions que Mme A... ayant la qualité d'ayant-droit de son mari, décédé le 29 mai 2015, elle pouvait se voir réclamer les impositions au titre de la période postérieure à son décès, à son nom propre, et au titre de la période antérieure, en sa qualité de membre du foyer fiscal auquel elle appartenait avec son mari. La circonstance qu'elle n'a reçu qu'une seule proposition de rectification au titre de ces deux périodes ne constitue pas un vice de procédure de nature à entraîner la décharge des impositions litigieuses. 5. En second lieu, aux termes de l'article L 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". 6. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Marseille au point 10 de son jugement, Mme A..., dans sa réponse adressée à la proposition de rectification du 18 décembre 2017 qui lui a été adressée personnellement, a fait valoir qu'il convenait de se référer, s'agissant des revenus de capitaux mobiliers issus de la SARL Jiban, à la réponse de cette société à la proposition de rectification dont cette dernière avait été destinataire. De plus la proposition de rectification adressée à la société a été remise en mains propres à son fils, régulièrement mandaté, et dès le 20 décembre 2017. Mme A... doit donc être considérée comme ayant disposé de l'ensemble des informations suffisantes pour formuler ses observations au sens de l'article L 57 du livre des procédures fiscales. Sur le bien-fondé des impositions en litige : 7. En premier lieu Mme A... mentionne que plusieurs personnes détenaient la signature sur les comptes bancaires de la SARL Jiban, que sa fille était particulièrement impliquée dans l'organisation des voyages, que l'un des salariés de la société, qui a par ailleurs détourné des fonds procédait à la réservation de séjours, que l'association Oneg prestige et la société Créa Event's détenue par sa fille et le mari de celle-ci ont également pris des décisions de gestion et d'organisation de voyages. Toutefois ces circonstances, alors que la requérante ne conteste pas qu'elle avait la signature bancaire sur tous les comptes et a signé tous les bordereaux de virements effectués pour l'activité d'organisation de voyages de la SARL société Jiban au cours des années 2014 et 2015, à l'exception d'un seul, et qu'il ne saurait y avoir plusieurs maîtres de l'affaire, sont insuffisantes à faire échec à cette qualité, en ce qui la concerne. 8. En second lieu, Mme A... conteste la reconstitution du chiffre d'affaires pour des séjours organisés à Rosas en 2014 et à Ibiza en 2015. S'agissant du voyage à Rosas en se bornant à soutenir que le chiffre d'affaires est impossible à réaliser alors que, malgré le défaut de justificatifs produits par la société, l'administration fiscale a réduit le nombre de participants, et pris en compte des factures payées en espèce, Mme A... ne conteste pas utilement le chiffre d'affaires finalement retenu par l'administration. S'agissant du voyage à Ibiza, Mme A... ne conteste pas utilement le chiffre d'affaires réalisé par la SARL Jiban en se bornant à indiquer que le chiffre d'affaires devrait être diminué de 300 nuitées, alors que ces données chiffrées résultent des éléments qu'elle a elle-même transmis à l'administration fiscale. 9. Il résulte de ce qui précède, en l'absence, en l'état du dossier, de moyen sérieux, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le caractère d'urgence, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative et de rejeter la requête de Mme A.... ORDONNE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A.... Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est outre-mer. Fait à Marseille, le 19 octobre 2023. N° 23MA017292
CETATEXT000048448388
J6_L_2023_11_00022MA01629
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448388.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA01629, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01629
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
ALPAVOCAT
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 4 avril 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat a approuvé le plan local d'urbanisme communal, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1808077 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juin 2022 et 17 avril 2023, M. B..., représenté par la SCP Alpavocat, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2022 ; 2°) d'annuler la délibération du 4 avril 2018, subsidiairement en tant seulement que le plan local d'urbanisme classe les parcelles cadastrées C n° 481, 482 et 492 et l'ensemble des parcelles du hameau des Jas en zone agricole, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête contient des moyens d'appel la rendant recevable ; - le jugement est irrégulier en ce qu'il a considéré que la commune était valablement représentée par son maire ; - les écritures de la commune sont irrecevables dès lors qu'il n'est pas justifié que son maire serait habilité à la représenter ; - les dispositions de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme ont été méconnues dès lors que des modifications substantielles ont été apportées au plan local d'urbanisme postérieurement à l'enquête publique ; - les dispositions des articles L. 101-2 et L. 151-4 du code de l'urbanisme ont été méconnues dans la mesure où le zonage, particulièrement le classement de certaines parcelles de caractère agricole en zone urbaine, favorise la dispersion des zones urbaines ; - l'article L. 371-3 du code de l'environnement n'a pas été respecté dès lors que le schéma régional de cohérence écologique n'a pas été pris en compte ; - le zonage Ap est dans son ensemble entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que certaines parcelles supportant des habitations y ont été intégrées, sans que cela ne soit justifié par leur potentiel, et que ces parcelles se trouvent en continuité de la partie urbanisée de la commune ; - le classement de la parcelle cadastrée section C n° 481 en zone agricole, Ap de surcroît, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; celle-ci n'a jamais été exploitée, n'a aucun potentiel agricole, se trouve en secteur urbanisé, à proximité du cimetière et d'habitations, est entourée de voies de circulation et est viabilisée ; - ce classement est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables et le rapport de présentation qui retiennent l'objectif prioritaire de comblement des dents creuses et d'accueil de nouveaux habitants. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2023, la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat, représentée par Me Loiseau, conclut au rejet de la requête, subsidiairement après avoir permis une régularisation, et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures de première instance et ne comporte pas de moyens contre le jugement attaqué ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Loiseau, représentant la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est propriétaire d'une parcelle cadastrée section C n° 481, située sur la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 4 avril 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune a approuvé le plan local d'urbanisme, classant cette parcelle en zone Ap, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. 3. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal, (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-1 du même code : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. ". Enfin, aux selon l'article L. 2132-2 de ce code : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. ". 4. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal que, si la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat n'a produit aucune délibération de son conseil municipal donnant délégation à son maire pour agir en justice ou l'autorisant à défendre à l'instance l'opposant à M. B..., la qualité à agir du maire au nom de la commune n'était pas contestée. Il ne ressortait, par ailleurs, au premier examen, d'aucun des éléments au vu desquels le tribunal a statué que le maire fût dépourvu d'une telle qualité. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité, faute pour le tribunal d'avoir relevé le défaut de qualité du maire de la commune à à agir en défense pour son compte, doit donc être écarté. Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat : 5. La commune a produit dans l'instance la délibération de son conseil municipal du 23 février 2023 donnant délégation au maire, notamment pour défendre la collectivité dans les actions intentées contre elle. Par suite, le moyen tiré de ce que les écritures de la commune ne seraient pas recevables faute d'avoir été présentées par une personne détenant la qualité pour ce faire doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité externe : 6. Aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / (...) / 2° Le conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. 7. En l'espèce, si postérieurement à l'enquête publique, ainsi que le relève le requérant, quatre secteurs ont vu leur zonage basculer en zone A, ceux-ci étaient auparavant classés en zone Ap, de sorte que la seule évolution qui en est résulté est la possibilité, dans certains cas, d'y construire des bâtiments agricoles. Par ailleurs, les changements apportés aux règles de constructibilité dans le secteur faisant l'objet de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 1, donnant plus de souplesse aux porteurs de projets, ne concernent en tout état de cause qu'une très petite zone urbaine. En outre, certaines insuffisances de justifications, particulièrement s'agissant de la délimitation de la zone humide, ou oublis, telle la mention des activités forestières ou pastorales en marge de celles agricoles, ont été simplement corrigés. Ainsi, les modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme postérieurement à l'enquête publique n'ont pas remis en cause l'économie générale du projet et le moyen tenant à la méconnaissance de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme doit être écarté. En ce qui concerne la légalité interne : 8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération litigieuse : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / 1° L'équilibre entre : / (...) / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / (...) ". En application de l'article L. 151-4 du même code, le rapport de présentation " analyse la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'approbation du plan ou depuis la dernière révision du document d'urbanisme et la capacité de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, en tenant compte des formes urbaines et architecturales. Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. ". 9. En l'espèce, le rapport de présentation expose les dispositions favorisant la densification des espaces bâtis et limitant la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers, en précisant avoir retenu des coefficients d'emprise au sol maximum dans les zones Ua, Uj, Ub, Uba et Ubb, ainsi qu'une densité minimale de dix logements par hectare en zone Uja. Il indique également qu'est prévue la consommation de 4,99 hectares nécessaire pour satisfaire les besoins, non contestés, en logements et équipements projetés pour la douzaine d'années à venir, et que celle-ci sera " réalisée essentiellement sur des dents creuses (3,65 ha, soit près de 71,5 % des surfaces constructibles du PLU), donc dans des parties actuellement urbanisées ce qui doit garantir une densification du tissu urbain ". Il est aussi relevé, notamment, que les consommations représentent 1,25 hectares de surfaces agricoles, soit 0,35 % de ces surfaces au niveau communal, et 3,74 hectares de surfaces naturelles, soit 0,22 % de ces surfaces au niveau communal, seulement trois parcelles d'espaces naturels étant classées en zone constructible en extension de l'urbanisation. Si M. B... évoque la situation de trois parcelles agricoles en particulier, cadastrées section A n° 267 et section B n° 95 et 372, qui sont situées en continuité du centre du village et sont classées en zone urbaine, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que leur consommation, qui figure bien sur les cartes de présentation, n'aurait pas été prise en compte dans les données exposées au rapport. Aucun élément ne permet par ailleurs de conclure que des parcelles urbanisées auraient à tort été considérées comme agricoles dans ces calculs, alors que les définitions de chaque espace ont été reprises dans cette partie du rapport. Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que les dispositions de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme ont été respectées et que le projet est compatible avec le principe d'équilibre énoncé à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme. 10. En deuxième lieu, l'article L. 371-3 du code de l'environnement précise, dans sa version applicable, que : " Les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique lors de l'élaboration ou de la révision de leurs documents d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme dans les conditions fixées aux articles L. 131-2 et L. 131-7 du code de l'urbanisme. ". Aux termes de l'article L. 131-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Les schémas de cohérence territoriale prennent en compte : / (...) / 2° Les schémas régionaux de cohérence écologique prévus à l'article L. 371-3 du code de l'environnement ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 131-7 du même code, dans sa version alors en vigueur : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme (...) prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2 (...) ". 11. Il ressort du rapport de présentation que la zone classée U au plan local d'urbanisme chevauche en partie une zone humide définie à l'inventaire départemental des zones humides, figurant en trame bleue au schéma régional de cohérence écologique. Toutefois, au regard de ce chevauchement et avant de retenir ce classement, la commune a fait procéder à des analyses techniques à travers un inventaire floristique et des relevés pédologiques, lesquels n'ont pas confirmé le caractère de zone humide des parcelles concernées. Dans ces circonstances, et alors que M. B... ne critique ni les méthodes, ni les résultats de ces analyses, le moyen tiré de ce que les auteurs du plan local d'urbanisme se seraient écartés des orientations fondamentales du schéma régional de cohérence écologique et ne l'auraient ainsi pas pris en compte doit être écarté. 12. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". L'article R. 151-23 du même code précise : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1°-Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci ". 13. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. 14. Le règlement a en l'espèce défini, au sein de la zone agricole, une " zone Ap ", où aucune construction n'est autorisée, y compris agricole, compte-tenu de ses caractéristiques agronomiques et paysagères sauf les constructions de services publics ou d'intérêts collectifs techniques ou non compatibles avec le voisinage des zones habitées. 15. Il ressort des pièces du dossier que la " zone Ap " au sein de laquelle se trouve la parcelle cadastrée section C n° 481 en litige constitue un ensemble homogène dont le caractère agricole et paysager est avéré, entouré au nord par le village, à l'ouest et au sud par les quartiers du " jas de l'Amagnon ", des " Jas " et du " jas des Bides " et se poursuivant à l'est sur une très vaste étendue. Son classement en zone agricole est cohérent avec le parti d'urbanisme de la commune, au regard de l'orientation n° 5 du projet d'aménagement et de développement durables qui vise à développer l'urbanisation en conservant le caractère rural de la commune, notamment en modérant la consommation d'espace et l'étalement urbain et en conservant les formes urbaines existantes, particulièrement les " jas " en périphérie directe desquels et entre lesquels l'urbanisation doit être limitée. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce zonage n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, alors même que certaines des parcelles qui y sont situées, éparses et en nombre limité, supportent une construction. 16. Particulièrement, le classement de la parcelle litigieuse, qui n'est pas bâtie, n'est ni incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables, ni entaché d'une telle erreur alors même qu'elle n'aurait jamais été exploitée, que son potentiel agronomique, biologique ou économique serait limité, que deux habitations sont situées à sa proximité immédiate, qu'elle se situe non loin du quartier des " Jas " et qu'elle est viabilisée et desservie par des voies de circulation. Il ne saurait en effet être sérieusement contesté qu'elle ne constitue pas une dent creuse en zone urbaine mais qu'elle s'insère dans le secteur plus vaste décrit ci-dessus. 17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E: Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : M. B... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 22MA01629
CETATEXT000048448393
J6_L_2023_11_00023MA00471
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA00471, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA00471
1ère chambre
C
M. PORTAIL
CABINET BUSSON
M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association Ligue de défense des Alpilles a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2019 par lequel le maire de la commune des Baux-de-Provence a délivré à la société civile immobilière (SCI) Baumanière un permis de construire un hôtel de 11 chambres d'une surface de plancher de 1 748,85 m² sur un terrain situé RD 27 de Maillane à Saint-Martin de Craux, lieu-dit A... d'enfer, sur des parcelles cadastrées section AE n° 0060, 0061,0071, 0072, 0073, 0074, 0075, ensemble la décision rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1908878 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur cette requête jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement imparti à la SCI Baumanière et à la commune des Baux-de-Provence pour notifier au tribunal un permis de construire régularisant les vices mentionnés aux points 9, 12 et 18 de ce même jugement. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 février 2023 et le 15 septembre 2023, la SCI Baumanière, représentée par Me Le Mière, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 décembre 2022 ; 2°) de rejeter la demande de la Ligue de défense des Alpilles devant le tribunal administratif de Marseille ; 3°) de mettre à la charge de la Ligue de défense des Alpilles la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que les observations des parties sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été communiquées ; - en outre, les mentions relatives à la date de lecture du jugement sont contradictoires ; - de plus, le tribunal administratif aurait dû soulever d'office l'irrecevabilité de la demande de première instance ; - la demande de la Ligue de défense des Alpilles devant le tribunal administratif de Marseille est irrecevable dans la mesure où celle-ci n'a pas été représentée par sa présidente, comme l'exigeaient les statuts de l'association ; - cette demande est également tardive, compte tenu de la date de notification de la décision du 25 juillet 2019 rejetant le recours gracieux. Par des mémoires en défense enregistrés le 14 août 2023 et le 25 septembre 2023, la Ligue de défense des Alpilles, représentée par Me Busson, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 400 euros soit mise à la charge de la SCI Baumanière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI Baumanière ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur la requête en tant que le jugement avant dire droit du 28 décembre 2022 met en œuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dès lors que le maire des Baux-de-Provence a délivré à la SCI Baumanière un permis de construire modificatif le 9 août 2023. La SCI Baumanière et la Ligue de défense des Alpilles ont présenté des observations enregistrées, respectivement, le 19 octobre 2023 et le 23 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des postes et des communications électroniques ; - le code de l'urbanisme ; - l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Izarn de Villefort, -les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Bedot, représentant la SCI Baumanière, et de Me Busson, représentant la Ligue de défense des Alpilles. Une note en délibéré, présentée par la SCI Baumanière, a été enregistrée le 27 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. L'association Ligue de défense des Alpilles a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2019 par lequel le maire de la commune des Baux-de-Provence a délivré à la société civile immobilière (SCI) Baumanière un permis de construire un hôtel de 11 chambres à Saint-Martin de Craux, lieu-dit A... d'enfer, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux. Par un jugement du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur cette requête jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement et imparti à la SCI Baumanière et à la commune des Baux-de-Provence pour notifier au tribunal un permis de construire régularisant les vices mentionnés aux points 9, 12 et 18 de ce même jugement. La SCI Baumanière relève appel de ce jugement. Sur l'étendue du litige : 2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ". 3. Lorsque le juge administratif décide de recourir à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le bénéficiaire de l'autorisation initiale d'urbanisme et l'autorité qui l'a délivrée peuvent contester le jugement avant dire droit en tant qu'il a jugé que cette autorisation était affectée d'un vice entachant sa légalité. Ils peuvent également contester ce jugement en tant qu'il fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1, ces conclusions étant cependant privées d'objet à compter de la délivrance du permis destiné à régulariser le vice. L'annulation du jugement en tant qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 peut cependant toujours être prononcée par voie de conséquence de son annulation en tant qu'il a jugé que l'autorisation initiale d'urbanisme était affectée d'un vice. 4. Compte tenu de la nature des moyens soulevés et de ses conclusions, la SCI Baumanière, doit être regardée comme relevant appel du jugement du 28 décembre 2022 à la fois en tant que celui-ci a jugé que cette autorisation était affectée de vices entachant sa légalité et en tant qu'il fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Dans la mesure cependant où le maire des Baux-de-Provence a délivré à la SCI Baumanière un permis de construire modificatif le 9 août 2023, ces conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu'il a fait application des dispositions précitées sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer. Sur la régularité du jugement : 5. En premier lieu, l'article 13 des statuts de la Ligue de défense des Alpilles stipule que " (...) Le président représentera valablement l'association et notamment devant toutes les autorités judiciaires et administratives. Néanmoins, toute décision qui entraînerait l'engagement ou l'abandon d'une procédure judiciaire devra être prise par le conseil d'administration à la majorité. (...) ". 6. La Ligue de défense des Alpilles a, au cours de l'instruction devant le tribunal administratif, produit l'autorisation donnée à cette fin à son vice-président par le conseil d'administration à l'issue d'un vote électronique réalisé le 15 mai 2020. Ainsi que le soutient à bon droit la SCI Baumanière, il résulte des stipulations précitées de l'article 13 de ses statuts que seul le président de cette association peut la représenter régulièrement devant les juridictions et qu'il doit en outre être autorisé par le conseil d'administration lorsqu'il engage une procédure au nom de celle-ci. Ainsi, la demande de première instance n'a pas été présentée par une personne ayant qualité pour agir au nom de la Ligue de défense des Alpilles. Il résulte cependant des dispositions de l'article R. 612-1 du code de justice administrative que, lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, telle que le défaut de qualité pour agir d'un requérant, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. En s'abstenant de relever d'office l'irrecevabilité de la demande présentée par la Ligue de défense des Alpilles et de l'inviter à la régulariser avant, non pas de rejeter cette demande mais de juger que le permis de construire dont l'intéressée demande l'annulation est entaché des vices qu'il a caractérisé, le tribunal administratif n'a pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité. 7. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. ". 8. La SCI Baumanière soutient que le jugement attaqué, qui mentionne deux dates de lecture différentes, méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Toutefois, dès lors que la date d'audience du 15 décembre 2022 mentionnée dans le jugement, dont il n'est pas contesté qu'elle correspond à la date effective, conduit sans aucun doute possible à retenir comme date de lecture celle du 28 décembre 2022, et non celle du 28 décembre 2023, qui correspond d'ailleurs à un jour futur, cette erreur purement matérielle est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. 9. En troisième lieu, si la requérante fait également valoir que le jugement attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que les observations des parties sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été communiquées, une telle irrégularité affecterait ce jugement en tant seulement qu'il a fait application de ces dispositions. Dès lors qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le jugement dans cette mesure, ce moyen est inopérant. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 10. En réponse au moyen soulevé par la SCI Baumanière dans sa requête d'appel tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance exposée au point 6, la Ligue de défense des Alpilles a produit un extrait du procès-verbal de la réunion de son conseil d'administration tenue le 22 mai 2023 à l'issue de laquelle cet organe a décidé, notamment, de " confirmer le recours devant le tribunal administratif pour obtenir l'annulation du permis de construire du 12 avril 2019 " et d'" autoriser l'association à défendre en appel ". En dépit de la formulation maladroite des termes de cette délibération, le conseil d'administration doit être regardé comme ayant autorisé rétroactivement le président de l'association à engager le recours dont s'agit devant le tribunal administratif de Marseille. Si la SCI Baumanière soutient que cette autorisation ne saurait régulariser la demande de première instance présentée par une personne n'ayant pas qualité pour représenter la Ligue de défense des Alpilles, d'une part, ainsi qu'il a déjà été mentionné au point 6, le tribunal administratif n'avait pas invité celle-ci à régulariser cette irrecevabilité, d'autre part, ni la SCI Baumanière, ni la commune des Baux-de-Provence n'ont opposé la fin de non-recevoir correspondante en première instance. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif n'a pas été régularisée en appel. 11. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...). ". Aux termes de l'article R. 421-2 de ce code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (... ) ". Selon les dispositions de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, un avis du prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré. / Au moment du retrait par le destinataire de l'envoi mis en instance, l'employé consigne sur la preuve de distribution les informations suivantes : / (...) / - la date de distribution. / La preuve de distribution comporte également la date de présentation de l'envoi. / Les modalités de l'information du destinataire sont fixées dans les conditions générales de vente ainsi que celles relatives au retour de l'envoi postal à l'expéditeur en cas de non-distribution ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " A la demande de l'expéditeur, et moyennant rémunération de ce service additionnel fixée dans les conditions générales de vente, le prestataire peut établir un avis de réception attestant de la distribution de l'envoi. Cet avis est retourné à l'expéditeur et comporte les informations suivantes : / (...) / - la date de présentation si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance ; / - la date de distribution (...) ". 12. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis. 13. L'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux exigences prévues par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que la Ligue de défense des Alpilles a présenté auprès du maire des Baux-de-Provence, à l'encontre du permis de construire délivré à la SCI Beaumanière le 12 avril 2019, un recours gracieux reçu par la commune le 11 juin 2019. Le maire a rejeté ce recours par une décision du 25 juillet 2019 mentionnant les voies et délai de recours et expédiée par lettre recommandée avec accusé de réception à l'association intimée que celle-ci déclare n'avoir pas reçue. Le pli est revenu à l'expéditeur le 19 septembre suivant, l'enveloppe ne portant aucune mention et notamment pas l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis. La commune n'a pu produire l'avis de réception mais seulement l'avis de passage dont le numéro correspond à celui de l'envoi et dont aucune rubrique n'est renseignée. L'historique " Traceo " de cet envoi, qui ne mentionne pas que la Ligue de défense des Alpilles aurait été avisée par un avis d'instance que le pli était à sa disposition au bureau de poste, révèle que des erreurs ont été commises dans l'exécution de la prestation, ce que confirme le courriel de La Poste reproduit dans les mémoires produits par l'association. La commune n'a pas davantage produit une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve de nature à établir le dépôt d'un avis d'instance. Par suite, la preuve de la notification de la décision du 25 juillet 2019 rejetant le recours gracieux n'étant pas rapportée, le recours contentieux enregistré au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2019 n'est pas tardif. 14. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Baumanière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a jugé que le permis de construire qui lui a été délivré le 12 avril 2019 est entaché des vices mentionnés aux points 9, 12 et 18 de ce jugement. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ligue de défense des Alpilles, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Baumanière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Baumanière une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la Ligue de défense des Alpilles et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SCI Baumanière dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 décembre 2022 en tant qu'il fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI Baumanière est rejeté. Article 3 : La SCI Baumanière versera à la Ligue de défense des Alpilles une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Baumanière et à la Ligue de défense des Alpilles. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. N° 23MA00471 2 nb
CETATEXT000048448401
J7_L_2023_11_00022DA02457
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448401.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA02457, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA02457
2ème chambre
plein contentieux
C
M. Sorin
SELARL SAINT ROCH AVOCATS
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Les consorts U... et El R... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme totale de 486 810 euros en réparation des préjudices subis par Ahmed U..., décédé le 13 novembre 2016 lors de sa prise en charge au centre hospitalier régional et universitaire de Lille. Par un jugement n° 2004831 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 novembre, 20 décembre 2022 et 8 mars 2023, les ayants-droits d'Ahmed U..., Mme O... U... née S..., M. M... U..., Mme D... U..., M. K... U..., son fils L... U... et sa fille P... U..., M. C... U..., M. H... U..., M. N... U..., M. I... U..., son fils F... U..., Mme E... U..., M. B... U..., M. T... U..., Mme G... U... épouse A... R..., son fils Q... A... R... et Mme J... A... R..., représentés par Me Alexia Navarro, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'ONIAM à leur verser la somme totale de 486 810 euros en réparation de leurs préjudices ; 3°) de mettre à la charge de l'ONIAM le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les dépens. Ils soutiennent que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'expertise réalisée au cours de la procédure devant la commission de conciliation (CCI) est régulière ; - il existe un lien de causalité entre l'intervention chirurgicale du 14 octobre 2016 et la crise d'agitation ayant précédé la défenestration d'Ahmed U... ; - il a été victime d'un aléa thérapeutique entraînant la responsabilité de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux ; - la victime et ses ayants droit doivent être indemnisés de leurs préjudices. Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 février et 17 octobre 2023, l'ONIAM, représenté par Me Olivier Saumon, demande à la cour de rejeter la requête et de le mettre hors de cause. Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2023, le centre hospitalier régional universitaire de Lille, représenté par la société d'avocats Le Prado-Gilbert, demande à la cour de rejeter la requête et de le mettre hors de cause. Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Pauline Collette, pour les consorts U... et El R.... Considérant ce qui suit : 1. A l'occasion du traitement d'une pneumopathie dans un hôpital privé, des examens ont révélé la présence de nodules dans les deux poumons d'Ahmed U..., né en 1943. Le 2 mai 2016, il a bénéficié d'une segmentectomie du lobe inférieur gauche du poumon avec curage médiastinal au sein de l'hôpital Calmette du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille. L'augmentation de la taille du nodule présent dans le poumon droit a nécessité une nouvelle hospitalisation à compter du 13 octobre 2016. Le lendemain, Ahmed U... a été opéré d'une lobectomie du poumon droit avec curage médiastinal. Dans la nuit du 16 au 17 octobre, le patient a présenté des signes d'agitation et d'angoisse, suivis d'une crise de délire et d'agressivité nécessitant la pose d'une contention mécanique. Aux alentours de six heures, il est parvenu à se libérer de cette contention et après avoir arraché les drains thoraciques post-opératoires, il a brisé une fenêtre à l'aide d'un extincteur et s'est jeté dans le vide, chutant de deux étages. A la suite de cette défenestration, Ahmed U... a été transféré aux urgences de l'hôpital Salengro pour la prise en charge de ses multiples fractures, puis en soins intensifs de l'hôpital Huriez, dépendant du CHRU de Lille, compte tenu de la dégradation de son état respiratoire consécutif à ce traumatisme. Le 13 novembre 2016, Ahmed U... est décédé à l'âge de 73 ans des suites d'une défaillance multi-viscérale, cardiaque, hépatique et rénale. 2. Insatisfaits de sa prise en charge au CHRU de Lille, la veuve du défunt, ses enfants et petits-enfants ont saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) du Nord-Pas-de-Calais qui a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé le 18 novembre 2019. Par avis du 26 février 2020, la CCI a rejeté la demande de la famille en estimant que le décès du patient n'est pas en relation avec un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. Ceux-ci ont alors saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la condamnation de cet établissement à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis. Ils relèvent appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II. - Lorsque la responsabilité d'un (...) établissement, (...) n'est pas engagée, (...) un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...)". 4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que si une intervention chirurgicale d'un patient peut être suivie d'un état d'agitation, la violente crise d'Ahmed U... demeure inexpliquée, en dépit d'un bilan médical approfondi. Les experts n'ont relevé aucun précédent d'une telle intensité dans la littérature médicale, alors qu'il n'est pas contesté que la qualité de la prise en charge du patient et de sa surveillance à la suite de l'intervention du 14 octobre 2023 est exempte de reproches. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les préjudices qu'ils allèguent avoir subis à compter du 14 octobre 2016 jusqu'au décès d'Ahmed U... le 13 novembre 2016 constituent un aléa médical inhérent à l'intervention chirurgicale ou sont en lien avec un accident médical directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés au CHRU de Lille qui seraient de nature à engager la responsabilité de l'ONIAM sur le fondement de la solidarité nationale. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du rapport d'expertise, que les consorts U... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête présentée par les consorts U... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme O... U... née S..., qui a été désignée à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au centre hospitalier régional universitaire de Lille, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA02457
CETATEXT000048448402
JG_L_2023_11_000000447107
CETAT
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Texte
Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21/11/2023, 447107, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
Conseil d'État
447107
5ème - 6ème chambres réunies
Excès de pouvoir
C
Mme Flavie Le Tallec
M. Florian Roussel
Vu la procédure suivante : Par une requête et quatre mémoires, enregistrés le 1er décembre 2020, les 26 octobre et 24 novembre 2021 et les 9 mai et 27 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association Mousse, l'Association stop homophobie, l'Association familles-lgbt, l'Association adheos, l'Association les élus locaux contre le sida : ensemble, luttons contre le sida et l'Association flag ! demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites du 30 novembre 2020 par lesquelles le ministre de l'intérieur et la ministre des armées ont rejeté leurs demandes tendant à l'abrogation de l'arrêté du 12 septembre 2016 fixant les conditions physiques et médicales d'aptitude exigées des personnels militaires de la gendarmerie nationale et des candidats à l'admission en gendarmerie, l'arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d'incendie et de secours, l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitude physique particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires (policiers), l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale, ainsi que l'instruction n° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 30 novembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté leurs demandes tendant à l'abrogation de l'arrêté du 10 juillet 2017 relatif aux normes d'aptitude applicables aux commissaires aux armées, aux aumôniers militaires et au personnel militaire rattaché au corps des commissaires des armées, ainsi que l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale ; 3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction mentionnée ci-dessus ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au profit de chacune des associations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ; - le code de la défense ; - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Par des décisions du 30 novembre 2020, les ministres de l'intérieur et de la défense ont implicitement rejeté les demandes présentées par l'association Mousse et autres, tendant d'une part, à l'abrogation des arrêtés du 12 septembre 2016 fixant les conditions physiques et médicales d'aptitude exigées des personnels militaires de la gendarmerie nationale et des candidats à l'admission en gendarmerie, du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d'incendie et de secours, du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitude physique particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires (policiers), du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale, ainsi que de l'instruction n° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir, d'autre part, de l'arrêté du 10 juillet 2017 relatif aux normes d'aptitude applicables aux commissaires aux armées, aux aumôniers militaires et au personnel militaire rattaché au corps des commissaires des armées, ainsi que de l'arrêté du 20 décembre 2012 précédemment mentionné. L'association Mousse et autres doivent être regardés comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions, ainsi que l'abrogation des différents arrêtés auxquels ces décisions s'appliquent, en tant, d'une part, que ces textes posent des restrictions à l'aptitude médicale des personnes atteintes du VIH pour les personnels qu'ils concernent, en tant, d'autre part, qu'ils traitent de manière différente les personnes atteintes du VIH candidates à certains emplois et celles déjà en poste et en tant, enfin, qu'ils institueraient des traitements de données à caractère personnel. Les demandes d'abrogation des arrêtés des 20 décembre 2012, 12 septembre 2016 et 10 juillet 2017 doivent toutefois être regardées comme dirigées contre les arrêtés du 29 mars 2021, 8 juin 2021 et 30 novembre 2021 qui leur ont été substitués après l'introduction de la requête, sans en modifier la substance. Sur l'intervention de l'association AIDES : 2. L'association AIDES justifie d'un intérêt suffisant la rendant recevable à intervenir à l'appui des conclusions présentées par l'association Mousse et les autres associations requérantes. Sur la réglementation contestée : 3. En premier lieu, l'article 1er de l'arrêté du 29 mars 2021 mentionné au point 1 dispose : " Dans le cadre de la détermination et du contrôle de l'aptitude médicale à servir du personnel militaire, les praticiens des armées se réfèrent au présent arrêté pour attribuer un coefficient aux différents sigles du profil médical:/ - des candidats à l'engagement ou au volontariat dans les armées ;/ - des candidats à l'engagement spécial dans les réserves ;/ - du personnel militaire d'active ou de réserve./ Complément indispensable à cet arrêté, des textes réglementaires sous timbre de chaque armée, direction et service ou de la gendarmerie nationale précisent les profils médicaux ainsi que les conditions requises pour l'aptitude médicale à l'engagement et aux diverses spécialités ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Confronté à une affection décrite dans un article du répertoire analytique, le médecin du service de santé des armées est tenu de respecter les indications qui y sont données en matière de cotation du profil médical puis de déterminer l'aptitude médicale en se référant aux textes réglementaires des armées, directions et services ou de la gendarmerie nationale. Quand le coefficient peut fluctuer entre deux bornes, le médecin choisit la valeur lui paraissant la mieux adaptée à la situation clinique ". Il ressort de ces dispositions ainsi que des précisions apportées dans le cadre de l'instruction de la présente requête, que si le médecin évaluateur dispose d'une marge d'appréciation lorsque le coefficient mentionné laisse le choix entre plusieurs valeurs, les tableaux de cotation attachés aux différentes pathologies recensées dans le répertoire analytique défini par cette annexe II de l'arrêté du 29 mars 2021 s'imposent à lui, si la personne en relève, lors de la cotation des différents sigles du référentiel. 4. Le point 2.2.2 de l'annexe II à cet arrêté est consacré à l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et associe l'infection au VIH asymptomatique, traitée, avec charge virale indétectable et immunité cellulaire satisfaisante à un coefficient G3 à G4, et l'infection au VIH traitée avec charge virale détectable et/ou immunité cellulaire perturbée (inférieure à 500 CD4/mm3) à un coefficient G4, les autres catégories d'infections à ce virus étant affectées d'un coefficient variant entre 3 et 5. 5. En deuxième lieu, s'agissant des sapeurs-pompiers, selon l'article 2 de l'arrêté du 6 mai 2000, l'aptitude médicale est prononcée par un médecin sapeur-pompier habilité ; l'article 3 du même arrêté dispose que : " L'évaluation médicale s'appuie sur un document d'orientation spécifique ou, à défaut, sur l'instruction en vigueur lors de cette évaluation n° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME (...) relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir, en s'aidant de la cotation des sigles S, I, G, Y, C, O et P ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier des réponses apportées par le ministre de l'intérieur dans le cadre de l'instruction de la présente requête, que cette évaluation est menée conformément aux règles définies par l'arrêté du 29 mars 2021 précité, qui conduit les personnes présentant une infection au VIH asymptomatique, traitée, avec charge virale indétectable et immunité cellulaire satisfaisante à se voir affecter un coefficient de 3 à 4 au titre de l'appréciation de leur état général. Il en résulte que les personnes atteintes du VIH, traitées, asymptomatiques, avec immunité satisfaisante et charge virale indétectable ne peuvent pas être déclarées aptes à l'exercice d'un premier emploi de sapeur-pompier professionnel ou de sapeur-pompier volontaire du service civil ou de sapeur-pompier volontaire toute mission et ne peuvent l'être pour les emplois mentionnés au 2° de l'article 9 de l'arrêté mentionné ci-dessus, que si un coefficient 3 est affecté à leur état général. 6. En troisième lieu, s'agissant des candidats à l'admission en gendarmerie, l'article 3 de l'arrêté du 8 juin 2021 précise que " la cotation des affections ou de leurs séquelles est déterminée selon l'arrêté du 29 mars 2021 ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions avec les autres dispositions du même arrêté que les personnes atteintes du VIH, traitées, asymptomatiques, avec immunité satisfaisante et charge virale indétectable ne peuvent être admises à ces emplois, pour ceux, très majoritaires, pour lesquels le coefficient 2 est requis, ou ne peuvent l'être, pour les emplois pour lesquels le coefficient 3 est requis, que s'ils se voient attribuer ce coefficient. 7. En quatrième lieu, s'agissant des policiers, l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitude physique particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires prévoit, pour une série d'emplois de fonctionnaires actifs des services de la police nationale, que pour satisfaire à la condition d'aptitude physique, le candidat doit se voir affecter un coefficient de 2 au titre de l'état général. 8. En cinquième lieu, s'agissant des normes d'aptitude applicables aux commissaires aux armées, aux aumôniers militaires et au personnel militaire rattaché au corps des commissaires des armées, l'article 2 de l'arrêté du 30 novembre 2021 prévoit que leur aptitude médicale est déterminée et contrôlée selon les modalités définies par l'arrêté du 20 décembre 2012, remplacé par l'arrêté du 21 avril 2022 mentionné ci-dessus, et que " Les normes médicales d'aptitude sont exprimées sous la forme d'un profil médical d'aptitude " SIGYCOP ", dont les paramètres sont définis par l'arrêté du 29 mars 2021 susvisé (...) ". Pour l'ensemble des emplois concernés, il résulte des annexes à cet arrêté que le sigle G doit être affecté d'un coefficient 3. Par suite, les personnes atteintes du VIH, traitées, asymptomatiques, avec immunité satisfaisante et charge virale indétectable ne peuvent exercer un premier emploi relevant des catégories mentionnées dans l'annexe à l'arrêté du 30 novembre 2021 que si leur état général est évalué à 3. 9. En sixième lieu, il ressort des articles 9 et 10 de l'arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d'incendie et de secours et des annexes III et V de l'arrêté du 8 juin 2021 fixant les conditions physiques et médicales d'aptitude exigées des personnels militaires de la gendarmerie nationale et des candidats à l'admission en gendarmerie, que, pour les personnes qui relèvent des dispositions de ces textes, la cotation de l'état général exigée pour l'évaluation de l'aptitude en cours de carrière diffère de la cotation de l'état général exigée pour l'évaluation de l'aptitude lors de l'admission à de telles fonctions. Sur le non-lieu à statuer : 10. En premier lieu, lorsque, postérieurement à l'introduction d'une requête dirigée contre un refus d'abroger des dispositions à caractère réglementaire, l'autorité qui a pris le règlement litigieux procède à son abrogation expresse ou implicite, le litige né de son refus d'abroger perd son objet. Il en va toutefois différemment lorsque cette même autorité reprend, dans un nouveau règlement, les dispositions qu'elle abroge, sans les modifier ou en ne leur apportant que des modifications de pure forme. 11. Il ressort des pièces du dossier que l' arrêté du 9 mai 2023 modifiant l'arrêté du 29 mars 2021 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale a remplacé le tableau du 2.2.2 de l'annexe II de cet arrêté par un nouveau tableau qui distingue la situation des personnes atteintes d'une infection au VIH asymptomatique, avec charge virale inférieure à 50 copies/ mL et lymphocytes T CD4+ supérieurs à 500/mm3, selon qu'elles sont traitées depuis plus ou moins de 12 mois et prévoit, pour les personnes traitées depuis plus de 12 mois, que leur état général est affecté, selon la tolérance au traitement, d'un coefficient compris entre 2 et 3. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, les modifications apportées à la réglementation contestée n'étant pas de pure forme, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre les décisions attaquées en tant qu'elles concernent les arrêtés des 6 mai 2000, 29 mars 2021, 8 juin 2021 et 30 novembre 2021, en tant qu'ils concernent les personnes atteintes du VIH asymptomatique, traitée, avec charge virale indétectable et immunité cellulaire satisfaisante (supérieure à 500 CD4/mm3) et en tant qu'ils concernent les personnes atteintes d'une infection au VIH traitée avec charge virale détectable et/ou immunité cellulaire perturbée (inférieure à 500 CD4/mm3), y compris en tant que ces dispositions traitent de manière différente les personnes atteintes du VIH candidates à certains emplois et celles déjà en poste. 12. En second lieu, il résulte des pièces du dossier que l'arrêté du 2 août 2010 a été abrogé, en tant qu'il concerne les trois corps actifs de la police nationale, par un arrêté du 25 novembre 2022 relatif à l'appréciation des conditions de santé particulières exigées pour l'exercice des fonctions relevant des corps de fonctionnaires actifs des services de la police nationale, qui ne fait plus référence à l'instruction mentionnée au point 12 et qui ne prévoit pas non plus que les conditions de santé sont appréciées en faisant application de l'arrêté du 29 mars 2021 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête en tant qu'elles sont dirigées contre le refus d'abroger l'arrêté du 2 août 2010 et en tant qu'elles demandent l'abrogation de cet arrêté. Sur les conclusions dirigées contre l'instruction 2100/DEF/DCSSA/AST/AME : 13. Il ressort des pièces du dossier que l'instruction n° 510862/DEF/DCSSA/PC/MA du 22 mai 2014, que le ministre des armées produit en défense, a abrogé l'instruction 2100/DEF/DCSSA/AST/AME relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir, dont les requérants ne sont dès lors pas recevables à demander l'annulation. Sur le surplus des conclusions à fins d'annulation : 14. Contrairement à ce qui est soutenu, les arrêtés critiqués ne prévoient ni n'impliquent nécessairement par eux-mêmes la collecte ou la conservation de données à caractère personnel relatives à l'état de santé des fonctionnaires ou des candidats aux emplois de fonctionnaires auxquels les dispositions attaquées s'appliquent. Par suite, le moyen tiré de la violation des articles 5 et 9 du règlement général sur la protection des données ne peut qu'être écarté. 15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir soulevées par les ministres défendeurs, le surplus des conclusions de la requête doit être rejeté. 16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demandent les associations requérantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'intervention présentée par l'association Aides est admise. Article 2 : il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre les décisions implicites du 30 novembre 2020 et contre les arrêtés des 6 mai 2000, 2 août 2010, 29 mars 2021, 8 juin 2021 et 30 novembre 2021. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par l'Association Mousse, l'Association stop homophobie, l'Association familles-lgbt, l'Association adheos, l'Association les élus locaux contre le sida : ensemble, luttons contre le sida et l'Association flag ! est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Mousse, première requérante dénommée, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre des armées, à la Défenseure des droits et à l'association Aides. Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz La rapporteure : Signé : Mme Flavie Le Tallec Le secrétaire : Signé : M. Bernard Longieras
CETATEXT000048448409
JG_L_2023_11_000000471142
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448409.xml
Texte
Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21/11/2023, 471142, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
Conseil d'État
471142
5ème - 6ème chambres réunies
Plein contentieux
C
M. Christophe Barthélemy
M. Florian Roussel
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mai 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement refusé de procéder à la rectification du relevé d'information intégral relatif à son permis de conduire, de lui enjoindre de lui réattribuer huit points retirés à la suite des infractions des 23 février et 5 novembre 2009, avec effet de droit respectivement au 13 octobre et au 5 novembre 2019 et de rectifier en conséquence le relevé d'information intégral relatif à son permis de conduire. Par un jugement n° 2202814 du 14 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé la décision attaquée et enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer d'ajouter, dans le délai de trois mois, sept points au permis de conduire de M. A... à la date du 13 octobre 2019 et un point à la date du 5 novembre 2019, dans la limite d'un maximum de douze points, ainsi que de procéder à un nouvel examen de sa situation pour en tirer toutes les conséquences sur ses droits à conduire. Par un pourvoi enregistré le 7 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la route ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Il ressort du dossier soumis au juge du fond que M. A... a commis deux infractions au code de la route le 23 février 2009, constituant une contravention de troisième classe et une contravention de quatrième classe, ainsi qu'une infraction le 5 novembre 2009, constituant une contravention de troisième classe, qui ont entraîné la perte de respectivement sept points et un point sur son permis de conduire. Le 13 juin 2015, le permis de M. A... a été affecté du nombre maximal de douze points, en l'absence d'infraction pendant une période consécutive de trois ans. M. A... a commis par la suite un certain nombre d'infractions au code de la route qui ont conduit le ministre de l'intérieur et des outre-mer à constater la perte de ses douze points et à lui adresser en conséquence une décision " 48 SI ", portant invalidation de son permis de conduire. M. A..., qui n'a pas contesté cette décision et qui a restitué son permis de conduire au préfet d'Ille et Vilaine le 24 janvier 2022, a demandé le 19 avril 2022 au ministre de l'intérieur de lui restituer, sur le fondement du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, les huit points retirés en conséquence des infractions commises les 23 février et 5 novembre 2019, en créditant rétroactivement son permis de conduire de sept points et d'un point dix ans après chacune de ces deux infractions, ainsi que quatre points supplémentaires pour avoir suivi un stage de sensibilisation à la sécurité routière les 29 et 30 octobre 2021. 2. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route : " Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité ". En vertu du I de l'article L. 223-5 du même code : " I.- En cas de retrait de la totalité des points, l'intéressé reçoit de l'autorité administrative l'injonction de remettre son permis de conduire au préfet de son département de résidence et perd le droit de conduire un véhicule. ". Selon l'article L. 223-6 du code de la route : " Si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans le délai de deux ans à compter de la date du paiement de la dernière amende forfaitaire, de l'émission du titre exécutoire de la dernière amende forfaitaire majorée, de l'exécution de la dernière composition pénale ou de la dernière condamnation définitive, une nouvelle infraction ayant donné lieu au retrait de points, son permis est affecté du nombre maximal de points. / Le délai de deux ans mentionné au premier alinéa est porté à trois ans si l'une des infractions ayant entraîné un retrait de points est un délit ou une contravention de la quatrième ou de la cinquième classe. / Toutefois, en cas de commission d'une infraction ayant entraîné le retrait d'un point, ce point est réattribué au terme du délai de six mois à compter de la date mentionnée au premier alinéa, si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans cet intervalle, une infraction ayant donné lieu à un nouveau retrait de points. / Le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut obtenir une récupération de points s'il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière, qui peut être effectué dans la limite d'une fois par an. Lorsque le titulaire du permis de conduire a commis une infraction ayant donné lieu à un retrait de points égal ou supérieur au quart du nombre maximal de points et qu'il se trouve dans la période du délai probatoire défini à l'article L. 223-1, il doit se soumettre à cette formation spécifique qui se substitue à l'amende sanctionnant l'infraction. / Sans préjudice de l'application des alinéas précédents du présent article, les points retirés du fait de contraventions des quatre premières classes au présent code sont réattribués au titulaire du permis de conduire à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive ou du paiement de l'amende forfaitaire correspondante ". Enfin, en vertu du I de l'article R. 223-1 du code de la route, pris en application de l'article L. 223-8 du même code : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre maximal de douze points ". 3. En vertu du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, le titulaire du permis de conduire peut, à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive ou du paiement de l'amende forfaitaire correspondante, obtenir la réattribution des points retirés du fait de contraventions des quatre premières classes, mais non des points perdus du fait de contraventions de la cinquième classe ou d'un délit. Il résulte également de ces dispositions que cette réattribution de points en application du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route ne peut plus intervenir, même lorsque des points ont été retirés à la suite de contraventions des quatre premières classes, dès lors que l'intéressé a bénéficié, au cours de la période de dix ans précitée, d'une reconstitution du nombre maximal de points obtenue en application des dispositions des deux premiers alinéas de cet article. Il en va de même lorsque la demande de réattribution porte sur des retraits d'un point qui ont déjà été restitués, au cours de la même période de dix ans, après une période de six mois ou d'un an conformément aux dispositions du 3ème alinéa du même article. L'intéressé ne peut davantage prétendre à la réattribution des points retirés du fait de contraventions des quatre premières classes qui ont été récupérés à la suite d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière effectué en vertu des dispositions du 4ème alinéa du même article. Enfin, la perte de validité du permis de conduire prononcée par une décision devenue " 48 SI " définitive fait de même obstacle à la réattribution de points en application des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route. 4. Dès lors, en jugeant que le ministre de l'intérieur, saisi sur le fondement du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, avait illégalement refusé de réattribuer à M. A... sept points et un point à l'expiration de délais de dix ans courant à compter, respectivement, des 13 octobre et 5 novembre 2009, dates auxquelles les condamnations afférentes aux infractions au code de la route sont devenues définitives ou le paiement des amendes forfaitaires est intervenu, sans tenir compte de la circonstance qui ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que M. A... avait bénéficié, le 13 juin 2015, de la reconstitution intégrale du capital de points de son permis de conduire, le magistrat désigné du tribunal administratif a commis une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la perte de validité du permis de conduire de l'intéressé prononcée par une décision " 48 SI " devenue définitive fait par elle-même obstacle à la réattribution, en application des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, des huit points perdus par M. A... au cours de l'année 2009 et correspondant à des contraventions des quatre premières classes. La demande présentée par M. A... au tribunal administratif par laquelle il sollicite l'annulation de la décision lui refusant la réattribution de ces points tend en réalité à remettre en cause la décision " 48 SI " devenue définitive. Elle est, par suite, et ainsi que l'a soutenu le ministre de l'intérieur en première instance, irrecevable. Il y a lieu, dès lors, de la rejeter. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes du 14 décembre 2022 est annulé. Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée. Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A.... Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz Le rapporteur : Signé : M. Christophe Barthélemy Le secrétaire : Signé : M. Bernard Longieras
CETATEXT000048448410
JG_L_2023_11_000000472187
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448410.xml
Texte
Conseil d'État, 8ème chambre, 21/11/2023, 472187, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
Conseil d'État
472187
8ème chambre
Excès de pouvoir
C
SCP BOUTET-HOURDEAUX ; SCP GURY & MAITRE
M. François-René Burnod
M. Romain Victor
Vu la procédure suivante : La communauté de communes Entre Bièvre et Rhône a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion, au besoin avec le concours de la force publique, de Mme D... B... et de M. C... A..., ainsi que de leur bateau " Le Maéva ", occupant sans titre le domaine public du port de plaisance des Roches de Condrieu, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de son ordonnance. Par une ordonnance n° 2300631 du 1er mars 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 et 30 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) statuant au titre de la procédure de référé engagé, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de M. A... et de Mme B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François-René Burnod, maître des requêtes, - les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône et à la SCP Gury et Maître, avocat de Mme B... et de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la juge des référés que Mme B... et M. A... ont conclu avec la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône une convention d'occupation temporaire du domaine public portuaire leur permettant de bénéficier, pour l'année 2022, d'un poste d'amarrage dans le port de plaisance des Roches de Condrieu pour un bateau dénommé " Le Maéva ". Par un courrier du 25 novembre 2022, la communauté de communes a informé Mme B... et M. A... de son souhait de ne pas renouveler cette convention à l'issue de son expiration fixée au 31 décembre 2022. Ces derniers n'ayant pas libéré le poste d'amarrage qu'ils occupent après cette date, la communauté de communes a demandé à la juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, l'expulsion du domaine public portuaire de Mme B... et de M. A..., ainsi que de leur bateau, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. La communauté de communes Entre Bièvre et Rhône se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 1er mars 2023 par laquelle la juge des référés a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune autre décision administrative ". Lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. S'agissant de cette dernière condition, dans le cas où la demande d'expulsion fait suite à la décision du gestionnaire du domaine de retirer ou de refuser de renouveler le titre dont bénéficiait l'occupant et où, alors que cette décision exécutoire n'est pas devenue définitive, l'occupant en conteste devant lui la validité, le juge des référés doit rechercher si, compte tenu tant de la nature que du bien-fondé des moyens ainsi soulevés à l'encontre de cette décision, la demande d'expulsion doit être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse. 3. Pour estimer que la demande de la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône se heurtait à une contestation sérieuse, la juge des référés du tribunal administratif, après avoir rappelé les motifs par lesquels la communauté de communes avait refusé de renouveler la convention d'occupation du domaine public portuaire dont Mme B... et M. A... bénéficiaient, s'est bornée à relever que ces derniers, qui avaient introduit une demande tendant à l'annulation de cette décision, contestaient sérieusement ses motifs et la régularité de la procédure suivie pour l'adopter. En statuant ainsi, sans se prononcer elle-même sur le bien-fondé, en l'état de l'instruction, de la contestation opposée par Mme B... et M. A..., elle a insuffisamment motivé son ordonnance et commis une erreur de droit. 4. Par suite, la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône est, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. 5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et de M. A... à une somme à verser à la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du 1er mars 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée, au tribunal administratif de Grenoble. Article 3 : Les conclusions présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône et par Mme B... et M. A... sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D... B..., à M. C... A... et à la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône. Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. François-René Burnod, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Hervé Cassagnabère Le rapporteur : Signé : M. François-René Burnod La secrétaire : Signé : Mme Catherine Meneyrol
CETATEXT000048448413
JG_L_2023_11_000000474359
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448413.xml
Texte
Conseil d'État, 10ème chambre, 21/11/2023, 474359, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
Conseil d'État
474359
10ème chambre
Plein contentieux
C
SCP SEVAUX, MATHONNET
M. Philippe Bachschmidt
M. Laurent Domingo
Vu la procédure suivante : Mme F... C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses filles mineures E... B... C... et D... A..., a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 18 mai 2022 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté leurs demandes d'asile. Par une décision nos 22034143, 22034147, 22034063 du 18 octobre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté cette demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 22 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette décision ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à la SCP Anne Sevaux, Paul Mathonnet, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un mémoire distinct, enregistré le 22 août 2023, Mme F... C... demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 532-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de Mme F... C... ; Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., agissant en son propre et au nom de ses deux filles mineures, se pourvoit en cassation contre la décision du 18 octobre 2022 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours formé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 mai 2022 ayant rejeté les demandes d'asile présentées en son nom propre et au nom de ses deux filles mineures. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 3. Aux termes de l'article L. 532-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les débats devant la Cour nationale du droit d'asile ont lieu en audience publique après lecture du rapport par le rapporteur (...) ". Aux termes de l'article L. 532-12 du même code : " Les requérants peuvent présenter leurs explications à la Cour nationale du droit d'asile et s'y faire assister d'un conseil et d'un interprète ". 4. Mme C... demande que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions précitées de l'article L. 532-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle soutient qu'en ne prévoyant pas une retranscription écrite des débats ayant eu lieu lors de l'audience devant la Cour nationale du droit d'asile, ces dispositions sont entachées d'incompétence négative et privent de garanties légales le droit d'asile reconnu par le quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946. 5. Pour établir l'existence d'une atteinte au droit d'asile reconnu par la Constitution, Mme C... soutient que le défaut de retranscription des échanges ayant eu lieu devant la Cour nationale du droit d'asile méconnaît le droit à un recours effectif devant le juge de cassation. Toutefois, l'auteur d'un pourvoi en cassation contre une décision de cette juridiction n'est pas privé de la possibilité de contester devant le Conseil d'Etat l'exactitude des propos que la Cour lui a prêtés ni la régularité des conditions dans lesquelles se sont tenus les débats devant elle. Ainsi, en ne prévoyant pas l'établissement d'un procès-verbal des échanges tenus devant la Cour nationale du droit d'asile, le législateur n'a ni méconnu l'étendue de sa compétence ni porté atteinte au droit à un recours effectif ou, en tout état de cause, au droit d'asile. 6. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. Sur le pourvoi de Mme C... : 7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 8. Pour demander l'annulation de la décision qu'elle attaque, Mme C... soutient que la Cour nationale du droit d'asile l'a entachée : - d'irrégularité en l'ayant exposée à une victimisation secondaire en méconnaissance des articles 3 et 8 combinés de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - d'irrégularité en s'abstenant d'édicter un procès-verbal de l'audience qui s'est tenue devant elle, en méconnaissance des articles 3, 8 et 13 combinés de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - d'erreur de droit et de dénaturation en jugeant que la circonstance que son départ de Côte d'Ivoire pour la Tunisie serait motivé par des seules considérations économiques rendait sans objet les craintes qu'elle invoquait ; - d'erreur de droit et de dénaturation en jugeant que les faits qu'elle avait rapportés n'étaient pas établis et que les craintes qu'elle énonçait étaient infondées. 9. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi. D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme C.... Article 2 : Le pourvoi de Mme C... n'est pas admis. Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme F... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
CETATEXT000048448414
JG_L_2023_11_000000474604
CETAT
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Texte
Conseil d'État, 8ème chambre, 21/11/2023, 474604, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
Conseil d'État
474604
8ème chambre
Excès de pouvoir
C
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER
M. François-René Burnod
M. Romain Victor
Vu la procédure suivante : La société à responsabilité limitée (SARL) Y'a Bon a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté de la maire de Paris du 22 mars 2023 portant abrogation de l'article 1er de l'arrêté du 6 octobre 2008 autorisant l'installation d'une contre-terrasse de 10,7 mètres × 1,5 mètre devant le 41 rue Montmartre au droit d'une des façades de l'établissement qu'elle exploite. Par une ordonnance n° 2308830 du 15 mai 2023, ce juge des référés a suspendu l'exécution de cet arrêté. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 14 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ville de Paris demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de la société Y'a Bon ; 3°) de mettre à la charge de la société Y'a Bon la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François-René Burnod, maître des requêtes, - les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Y'a bon ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 22 mars 2023, la maire de Paris a abrogé l'article 1er de l'arrêté du 6 octobre 2008 autorisant la société à responsabilité limitée (SARL) Y'a Bon à installer une contre-terrasse de 10,7 mètres × 1,5 mètre au droit d'une des façades de la brasserie qu'elle exploite au 41, rue Montmartre. La Ville de Paris se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 15 mai 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, à la demande de la société, suspendu l'exécution de cet arrêté sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. 2. La société Y'a Bon, qui ne produit pas l'arrêté qui se serait selon elle substitué à celui en litige, n'est pas fondée à soutenir que le présent pourvoi serait privé d'objet. Sa fin de non-recevoir doit, par suite, être écartée. 3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". 4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que la Ville de Paris a, par un courrier du 15 février 2023, invité la société Y'a Bon à présenter ses observations sur l'abrogation, qu'elle envisageait, de l'autorisation d'installer une contre-terrasse dont elle était titulaire, et qu'après que cette société en a émis le souhait, une réunion a eu lieu sur place le 1er mars 2023 entre sa dirigeante et les services municipaux. 5. Pour juger qu'était propre, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 22 mars 2023 le moyen tiré de ce que celui-ci avait été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière, le juge des référés s'est fondé sur ce que la décision envisagée paraissait avoir été prise avant que ne soit tenue la réunion du 1er mars 2023, ce qu'aurait révélé la mention figurant sur ledit arrêté, selon laquelle, au cours de cette réunion, " la société Y'a bon a été informée de l'abrogation de son autorisation de contre-terrasse à compter du 1er avril 2023 ". En statuant ainsi, alors que la décision d'abrogation ne pouvait procéder que de l'arrêté en litige, pris postérieurement à la réunion, et que la mention précitée devait seulement être regardée comme rappelant que la société avait été informée lors de la réunion de l'abrogation envisagée pour lui permettre de présenter ses observations, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la Ville de Paris est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative pour régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée. 8. Les éléments produits par la société Y'a Bon ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée au regard de la compétence de son signataire, pas plus que, compte-tenu notamment de ce qui a été dit au point 5, au regard de la régularité de la procédure contradictoire ayant précédé son édiction. Il en va de même de l'exception d'illégalité de l'arrêté municipal du 4 octobre 2022 modifiant celui du 11 juin 2021 portant règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique. 9. Par suite, la demande de la société Y'a Bon tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de l'arrêté du 22 mars 2023 doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Y'a Bon la somme de 3 000 euros à verser à la Ville de Paris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la Ville de Paris qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du 15 mai 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée. Article 2 : La demande de la société Y'a Bon présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée. Article 3 : La société Y'a Bon versera à la Ville de Paris une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par la société Y'a Bon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Ville de Paris et à la société à responsabilité limitée Y'a Bon. Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. François-René Burnod, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Hervé Cassagnabère Le rapporteur : Signé : M. François-René Burnod La secrétaire : Signé : Mme Catherine Meneyrol
CETATEXT000048448415
JG_L_2023_11_000000474838
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448415.xml
Texte
Conseil d'État, 8ème chambre, 21/11/2023, 474838, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
Conseil d'État
474838
8ème chambre
Plein contentieux
C
M. François-René Burnod
M. Romain Victor
Vu la procédure suivante : La société par actions simplifiée (SAS) Auchan Hypermarché a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2019 dans les rôles de la commune de Béziers (Hérault) à raison de locaux dont elle est propriétaire dans cette commune. Par un jugement n° 2104268 du 17 avril 2023, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a fait droit à sa demande. Par un pourvoi, enregistré le 6 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François-René Burnod, maître des requêtes, - les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle la société Auchan Hypermarché a été assujettie au titre de l'année 2019 dans les rôles de la commune de Béziers (Hérault), à raison de locaux dont elle est propriétaire dans cette commune. 2. D'une part, aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ainsi qu'aux dépenses directement liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés mentionné à l'article L. 541-15-1 du code de l'environnement, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal. / Les dépenses du service de collecte et de traitement des déchets mentionnées au premier alinéa du présent I comprennent : / 1° Les dépenses réelles de fonctionnement ; / 2° Les dépenses d'ordre de fonctionnement au titre des dotations aux amortissements des immobilisations lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses réelles d'investissement correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure ; / 3° Les dépenses réelles d'investissement lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses d'ordre de fonctionnement constituées des dotations aux amortissements des immobilisations correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure (...) ". 3. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères susceptible d'être instituée sur le fondement de ces dispositions n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s'ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu'elles sont définies par les article L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, relatives à ces opérations. 4. D'autre part, aux termes du III de l'article 1639 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " La notification a lieu par l'intermédiaire des services préfectoraux pour les collectivités locales et leurs groupements, par l'intermédiaire de l'autorité de l'Etat chargée de leur tutelle pour les chambres de commerce et d'industrie, et directement dans les autres cas. / A défaut, les impositions peuvent être recouvrées selon les décisions de l'année précédente ". Ces dispositions autorisent l'administration, au cas où la délibération d'une collectivité territoriale ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition mise en recouvrement, à demander au juge de l'impôt, à tout moment de la procédure, que soit substitué, dans la limite du taux appliqué à cette imposition, le taux retenu lors du vote de l'année précédente. 5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que lorsque la délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition au motif que ce taux est manifestement disproportionné par rapport aux dépenses à couvrir l'année en litige, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'une demande en ce sens, de rechercher s'il y a lieu de lui substituer le taux résultant de la délibération applicable à l'année précédente. Tel n'est pas le cas lorsque le taux de l'année précédente est manifestement disproportionné au regard du montant des dépenses estimé au titre de l'année en litige. 6. Après avoir estimé que la délibération du conseil de la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée du 21 mars 2019 fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2019 était entachée d'illégalité au motif que le produit attendu de la taxe, et par suite le taux qu'elle fixait, était manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses que cette taxe avait pour objet de couvrir, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles la société Auchan Hypermarché a été assujettie au titre de l'année 2019 dans les rôles de la commune de Béziers (Hérault) à raison de locaux dont elle est propriétaire dans cette commune. En statuant ainsi, sans répondre à la demande, formulée devant lui par le directeur départemental des finances publiques de l'Hérault sur le fondement du III de l'article 1639 A du code général des impôts, tendant à ce que soit substitué au taux voté pour l'année 2019 celui qui avait été retenu pour l'année 2018, il a entaché son jugement d'une omission à statuer. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation des articles 1er et 2 du jugement qu'il attaque. D E C I D E : -------------- Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 17 avril 2023 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés. Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Montpellier. Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société par actions simplifiée Auchan Hypermarché. Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. François-René Burnod, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Hervé Cassagnabère Le rapporteur : Signé : M. François-René Burnod La secrétaire : Signé : Mme Catherine Meneyrol
CETATEXT000048448416
JG_L_2023_11_000000475176
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448416.xml
Texte
Conseil d'État, 10ème chambre, 21/11/2023, 475176, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
Conseil d'État
475176
10ème chambre
Plein contentieux
C
SCP GUÉRIN - GOUGEON
M. Philippe Bachschmidt
M. Laurent Domingo
Vu la procédure suivante : Par un mémoire distinct, enregistré le 14 septembre 2023, M. B... A... demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi formé contre la décision n° 22052174 du 27 janvier 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision du 19 juillet 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ayant rejeté sa demande d'asile, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 532-11 à L. 532-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 2. Aux termes de l'article L. 532-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les débats devant la Cour nationale du droit d'asile ont lieu en audience publique après lecture du rapport par le rapporteur (...) ". L'article L. 532-12 du même code dispose que : " Les requérants peuvent présenter leurs explications à la Cour nationale du droit d'asile et s'y faire assister d'un conseil et d'un interprète ". Selon l'article L. 532-13 du même code : " Afin d'assurer une bonne administration de la justice et de permettre aux intéressés de présenter leurs explications à la cour, et sous réserve que les conditions prévues au présent article soient remplies, le président de la Cour nationale du droit d'asile peut prévoir que la salle d'audience de la cour est reliée, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle (...) dans des conditions respectant les droits de l'intéressé prévus à l'article L. 532-12. / (...) Ces opérations donnent lieu à l'établissement d'un procès-verbal dans chacune des salles d'audience ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore ". L'article L. 532-14 de ce code prévoit que : " Afin d'assurer une bonne administration de la justice et de permettre aux requérants de présenter leurs explications à la cour, le président de la Cour nationale du droit d'asile peut prévoir la tenue d'audiences foraines au siège d'une juridiction administrative ou judiciaire (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 532-15 du même code : " Les modalités d'application des articles L. 532-12, L. 532-13 et L. 532-14 sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". 3. M. A... demande, à l'appui du pourvoi en cassation qu'il a formé contre la décision du 27 janvier 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 juillet 2022 ayant rejeté sa demande d'asile, que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions précitées des articles L. 532-11 à L. 532-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il soutient qu'en ne prévoyant pas un procès-verbal ou un enregistrement audiovisuel ou sonore des débats ayant eu lieu lors de l'audience devant la Cour nationale du droit d'asile, ces dispositions sont entachées d'incompétence négative et privent de garanties légales le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 4. Toutefois, l'auteur d'un pourvoi en cassation contre une décision de la Cour nationale du droit d'asile n'est pas privé de la possibilité de contester devant le Conseil d'Etat l'exactitude des propos que la Cour lui a prêtés ni la régularité des conditions dans lesquelles se sont tenus les débats devant elle. Ainsi, en ne prévoyant pas l'établissement d'un procès-verbal des échanges tenus devant la Cour nationale du droit d'asile, le législateur n'a ni méconnu l'étendue de sa compétence ni porté atteinte au droit à un recours effectif. 5. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.... Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
CETATEXT000048448417
JG_L_2023_11_000000476170
CETAT
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Texte
Conseil d'État, 4ème chambre, 14/11/2023, 476170, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
Conseil d'État
476170
4ème chambre
Plein contentieux
C
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; CORLAY
Mme Françoise Tomé
M. Jean-François de Montgolfier
Vu les procédures suivantes : Le médecin-conseil, chef de service de l'échelon local du service médical de Vendée et la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée ont porté plainte contre M. A... C... devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance des Pays de la Loire de l'ordre des médecins. Par une décision du 29 octobre 2020, la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. C... la sanction de l'interdiction de dispenser des soins aux assurés sociaux pendant une durée de trois mois, dont un mois assorti du sursis. Par une décision du 9 juin 2023, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins a, sur appels du médecin-conseil, chef de service de l'échelon local du service médical de Vendée, de la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée et de M. C..., fixé à six mois, dont deux mois assortis du sursis, la sanction de l'interdiction de dispenser des soins aux assurés sociaux qui avait été infligée en première instance. 1° Sous le n° 476170, par un pourvoi, enregistré le 21 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette décision ; 2°) de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge du médecin-conseil, chef de service de l'échelon local du service médical de Vendée et de la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée la somme de 4 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative. 2° Sous le n° 476177, par une requête et un nouveau mémoire enregistrés les 21 juillet et 25 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat de suspendre l'exécution de la même décision du 9 juin 2023 de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins. M. C... soutient que cette décision risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables et que les moyens soulevés à l'appui de son pourvoi sont de nature à justifier, outre l'annulation de la décision, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 10 août et 4 septembre 2023, le médecin-conseil, chef de service de l'échelon local du service médical de Vendée et la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les conditions prévues par l'article R. 821-5 du code de justice administrative ne sont pas remplies. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat, - les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Corlay, avocat de M. C... et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat du médecin-conseil, chef de service de l'échelon local du service médical de Vendée et de la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée Considérant ce qui suit : 1. Le pourvoi par lequel M. C... demande l'annulation de la décision du 9 juin 2023 de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins et la requête par laquelle il demande qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu d'y statuer par une seule décision. 2. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 3. Pour demander l'annulation de la décision de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins qu'il attaque, M. C... soutient qu'elle est entachée : - d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en ce qu'elle juge que le seul fait que des actes aient été réalisés pour un même patient durant la même journée suffit pour les qualifier d'actes associés, par application des articles I-11, I-12 et III-3-B-1 et 2 du livre III des dispositions générales de la classification commune des actes médicaux ; - d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier en ce qu'elle juge que les conditions d'organisation ou de préparation assurant le confort du patient, justifiées expressément par des mentions portées dans les dossiers médicaux des patients en cause, ne constituent pas un intérêt légitime justifiant la dérogation prévue à l'article III-3-B-1 de la classification commune et permettant de facturer à taux plein des actes indépendants et pratiqués à des moments différents au cours d'une même journée ; - d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en ce qu'elle juge que les actes cotés AMY 10,3 et AMY 9,5 relatifs à l'examen de périmétrie réalisé, respectivement, avec ou sans mesure de seuil, constituent des actes incompatibles entre eux lorsqu'ils sont réalisés au cours d'une même journée alors qu'il faisait valoir qu'il avait bien été autorisé par la caisse primaire d'assurance maladie à recourir à une telle double cotation ; - d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation, en ce qu'elle juge que des actes effectués le même jour par deux médecins dans la même spécialité au sein du même cabinet sont constitutifs d'une méconnaissance du principe de la plus stricte économie résultant de l'article L. 162-2-1 du code de la sécurité sociale. Il soutient, en outre, que la sanction prononcée est hors de proportion avec les faits reprochés. 4. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi. 5. Le pourvoi formé par M. C... contre la décision du 9 juin 2023 de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins n'étant pas admis, la requête qu'il présente aux fins de sursis à exécution de cette décision est devenue sans objet. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme globale de 2 000 euros à verser au médecin-conseil, chef de service de l'échelon local du service médical de Vendée et à la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. C... n'est pas admis. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. C... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins du 9 juin 2023. Article 3 : M. C... versera une somme globale de 2 000 euros au médecin-conseil, chef de service de l'échelon local du service médical de Vendée et à la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C..., au médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Vendée et à la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée. Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.
CETATEXT000048448418
JG_L_2023_11_000000476847
CETAT
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Texte
Conseil d'État, 8ème chambre, 21/11/2023, 476847, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
Conseil d'État
476847
8ème chambre
Excès de pouvoir
C
SARL DELVOLVE ET TRICHET ; SCP KRIVINE, VIAUD
M. François-René Burnod
M. Romain Victor
Vu les procédures suivantes : Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de M. A... B... de la dépendance du domaine public qu'il occupe sans droit ni titre sur la parcelle cadastrée section B n° 1521 située sur le territoire de la commune de Furiani, de lui enjoindre de remettre en état les lieux en procédant à la démolition de cabanons et à l'enlèvement de toute clôture, installation et effets personnels dans le délai d'un mois à compter de son ordonnance, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et de l'autoriser à procéder à son expulsion à ses frais et au besoin avec le concours de la force publique. Par une ordonnance n° 2300739 du 17 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a enjoint à M. B..., ainsi qu'à tous occupants de son chef, de libérer les lieux et de procéder au démontage des installations qui s'y trouvent, sous astreinte de 300 euros par jour de retard faute d'exécution dans le délai de quinze jours à compter de la notification de son ordonnance. 1° Sous le n° 476847, par un pourvoi, enregistré le 1er août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter les demandes du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; 3°) de mettre à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 477675, par une requête, enregistrée le 4 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance jusqu'à qu'il soit statué sur le pourvoi en cassation qu'il a formé ; 2°) de mettre à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François-René Burnod, maître des requêtes, - les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Krivine, Viaud, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Le pourvoi de M. B... et sa requête aux fins de sursis à exécution sont relatifs à l'ordonnance du 17 juillet 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a fait droit aux demandes du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres tendant à son expulsion du domaine public et à la remise en état de celui-ci, à ses frais et risques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision. Sur le pourvoi : 2. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 3. Pour demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque, M. B... soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a : - commis une erreur de droit en prescrivant, au-delà des conclusions dont il était saisi, un délai de quinze jours à compter de la notification de son ordonnance pour évacuer l'emplacement qu'il occupe et pour démonter les ouvrages qui s'y trouvent ; - commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant, pour juger que la condition d'urgence était satisfaite, que l'occupation de l'emplacement en cause faisait obstacle à la réalisation d'une opération de réaménagement, inscrite au plan France Relance et devant être achevée avant la fin de l'année 2023, dans un but de préservation de l'espace naturel et de son ouverture au public, alors qu'aucun élément n'avait été produit en ce sens par le conservatoire ; - dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant que la demande d'expulsion présentait un caractère urgent sans tenir compte des circonstances tenant à ce que les projets successifs de protocoles prévoyaient d'autoriser les occupants à se maintenir sur place jusqu'au 4 septembre 2023 puis jusqu'au 20 du même mois, que l'entreprise chargée des travaux était fermée au mois d'août, que l'accès à la parcelle en litige et à la mer n'était pas entravé et que l'exécution des travaux prévus par le conservatoire ne pouvait être empêchée par la présence de bungalows dont la surface est modeste par rapport à celle de la parcelle, qui étaient de nature à l'en priver ; - méconnu son office et les dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en lui ordonnant de démonter deux cabanons en bois et une terrasse en béton surmontée d'une pergola implantés sans droit ni titre sur le domaine public, alors qu'une telle opération présentait le caractère d'une démolition et, à titre subsidiaire, l'a insuffisamment motivée et a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si de tels ouvrages, eu égard à leurs caractéristiques, pouvaient faire l'objet d'un simple démontage. 4. Aucun de moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi. Sur la demande de sursis à exécution : 5. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi formé contre l'ordonnance attaquée n'est pas admis. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer. 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre une somme à la charge de M. B... à ce même titre. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. B... n'est pas admis. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution de l'ordonnance du 17 juillet 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia. Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. François-René Burnod, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Hervé Cassagnabère Le rapporteur : Signé : M. François-René Burnod La secrétaire : Signé : Mme Catherine Meneyrol
CETATEXT000048448419
JG_L_2023_11_000000489082
CETAT
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Texte
Conseil d'État, Juge des référés, 20/11/2023, 489082, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
Conseil d'État
489082
Juge des référés
Excès de pouvoir
C
SCP SPINOSI
Vu la procédure suivante : Par une requête et quatre mémoires, enregistrés les 27 et 30 octobre et 15 et 16 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association pour la protection des animaux sauvages demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts ; 2°) de suspendre, à titre subsidiaire, l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 en ce qu'il : - classe le corbeau freux et le renard roux parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement ; - ne restreint pas le classement du renard aux seuls abords des activités susceptibles de faire l'objet de dégâts imputables à l'espèce ; - autorise la pratique du déterrage dans les départements de l'Ain, des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, de l'Aude, des Bouches-du-Rhône, du Gard, du Gers, de l'Isère, du Jura, de la Loire et du Bas-Rhin ; - classe le renard parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans les départements de l'Ardèche, de l'Aveyron, de la Charente, de la Creuse, du Finistère, de la Haute-Garonne, du Lot-et-Garonne, de la Lozère, du Maine-et-Loire, de la Marne, de la Mayenne, du Morbihan, de l'Orne, du Rhône, de la Haute-Savoie, des Yvelines, du Tarn-et-Garonne, du Territoire de Belfort et du Val d'Oise ; - classe le renard parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement au-delà des zones où il est susceptible d'occasionner des dégâts importants dans les départements de l'Ain, de l'Allier, des Alpes de Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, des Ardennes, de l'Aude, du Calvados, du Cantal, de Charente-Maritime, de la Côte d'Or, de la Drôme, de l'Eure-et-Loir, du Gard, du Gers, de la Gironde, de l'Hérault, de l'Ille-et-Vilaine, de l'Isère, du Jura, de la Loire, de la Haute-Loire, de la Loire-Atlantique, du Lot, de la Manche, de la Haute-Marne, de la Meurthe-et-Moselle, de la Meuse, de la Moselle, de la Nièvre, de l'Oise, du Puy-de-Dôme, des Hautes-Pyrénées, du Bas-Rhin, de Haute-Saône, de Saône-et-Loire, de la Savoie, de la Seine-et-Marne, du Tarn, du Var, du Vaucluse et de l'Essonne ; - classe le renard parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans le département du Doubs, à l'exception des zones concernées par le dispositif expérimental de recherche-action CARELI ; - classe la martre des pins parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans les départements de l'Aisne, des Côtes d'Armor, de la Haute-Garonne, d'Indre-et-Loire et des Pyrénées Orientales ; - classe la martre des pins parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement au-delà des zones où elle est susceptible d'occasionner des dégâts importants dans les départements de l'Aude et des Hautes-Pyrénées ; - classe la fouine parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans les départements de l'Eure, du Lot-et-Garonne, de la Seine-Maritime et du Territoire de Belfort ; - classe la fouine parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement au-delà des zones où elle est susceptible d'occasionner des dégâts importants dans le département du Calvados ; - classe l'étourneau sansonnet parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement au-delà des zones où il est susceptible d'occasionner des dégâts importants dans les départements du Calvados, de la Manche, de la Meurthe-et-Moselle et de l'Oise ; 3°) de suspendre, à titre infiniment subsidiaire, l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 en ce qu'il autorise le déterrage dans les départements du Finistère, du Territoire de Belfort et du Val d'Oise ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à l'Association pour la protection des animaux sauvages au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a intérêt à agir eu égard à son objet social ; - la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de l'arrêté contesté, en premier lieu, porte atteinte à son objet social et aux intérêts qu'elle défend, en deuxième lieu, produit des effets irréversibles dès lors qu'il permet la destruction d'animaux et, en dernier lieu, n'est pas justifiée par un intérêt public ; - il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ; - il a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la consultation du public n'a pas permis aux participants d'accéder aux éléments permettant d'apprécier le bien-fondé des listes établies par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en particulier des annexes mentionnées par une note technique ministérielle du 9 juin 2022 ; - il est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des conditions prévues par l'article R. 427-6 du code de l'environnement. Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 et 15 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par un mémoire en intervention, enregistré le 10 novembre 2023, la fédération nationale des chasseurs, l'union nationale des associations de piégeurs agréés de France et 22 fédérations départementales de chasseurs, concluent au rejet de la requête. Elles soutiennent : - qu'elles justifient d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué et que leur intervention est donc recevable ; - que la condition d'urgence n'est pas remplie ; - que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'Association pour la protection des animaux sauvages, d'autre part, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi que la fédération nationale des chasseurs, l'Union nationale des associations des piégeurs agrées de France et les 22 fédérations départementales intervenantes ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 14 novembre 2023, à 15 heures : - les représentantes de l'association pour la protection des animaux sauvages ; - les représentants du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; - Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la fédération nationale des chasseurs et des autres intervenantes, et les représentants de la fédération nationale des chasseurs ; à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 15 novembre 2023 à 18 heures puis au 16 novembre 2023 à 12 heures ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : Sur les interventions : 1. La fédération nationale des chasseurs et l'union nationale des associations de piégeurs agréées de France justifient d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué. Leur intervention est, par suite, recevable. En outre, les 22 fédérations départementales de chasseurs intervenantes justifient d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté en tant qu'il classe plusieurs espèces susceptibles d'occasionner des dégâts dans les départements de leur ressort. Leurs interventions sont donc recevables dans cette mesure. Sur la demande de suspension : 2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". 3. Il résulte de l'article R. 427-6 du code de l'environnement qu'il appartient au ministre chargé de la chasse, sur proposition du préfet et après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, d'arrêter la liste des espèces d'animaux indigènes classées susceptibles d'occasionner des dégâts dans chaque département, dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, pour assurer la protection de la flore et de la faune, pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ou pour prévenir des dommages importants à d'autres formes de propriété. Le ministre inscrit une espèce sur cette liste soit lorsque celle-ci est répandue de façon significative dans ce département et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts précédemment énumérés, soit lorsqu'il est établi qu'elle est à l'origine d'atteintes significatives à ces mêmes intérêts. 4. Sur le fondement des dispositions mentionnées au point précédent, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a pris, le 3 août 2023, un arrêté qui fixe, pour une période de trois ans, la liste des espèces d'animaux indigènes classées susceptibles d'occasionner des dégâts et les territoires concernés, et les départements ou parties de départements dans lesquels leur destruction est autorisée, dans les conditions et limites qu'il détermine. L'Association pour la protection des animaux sauvages demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet arrêté dans sa totalité, à titre principal, et, à titre subsidiaire, en tant qu'il fait figurer le corbeau freux et le renard roux sur cette liste au niveau national, qu'il ne restreint pas le classement du renard aux seuls abords des activités susceptibles de faire l'objet de dégâts imputables à l'espèce, qu'il autorise le déterrage dans certains départements et qu'il autorise la destruction du renard roux, de la martre des pins, de la fouine, de l'étourneau sansonnet et du geai des chênes dans certains départements, le cas échéant au-delà des zones où ils sont susceptibles d'occasionner des dégâts importants. 5. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. 6. Contrairement à ce que soutient l'association requérante dans ses écritures, la seule circonstance que la destruction d'un spécimen d'une espèce mentionnée par l'arrêté litigieux présente un caractère irréversible et porte atteinte à son objet statutaire, qui consiste à agir pour la protection de la faune et de la flore, la réhabilitation des animaux sauvages et la conservation du patrimoine naturel en général, est insusceptible, par elle-même, de justifier l'intervention du juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, pour apprécier si la condition d'urgence est remplie, de tenir compte, notamment, de la présence et de l'état de conservation de l'espèce en cause dans les départements ou parties de départements où sa destruction est autorisée, de l'importance de sa contribution aux équilibres écologiques ou à d'autres intérêts publics, des conditions et limites posées par l'arrêté à sa destruction et, en particulier, de l'obligation d'obtenir préalablement une autorisation individuelle du préfet, le cas échéant après examen de l'existence de solutions alternatives satisfaisantes, ainsi que, au titre de l'intérêt public, de la nature et de l'ampleur des atteintes que l'espèce serait susceptible de causer aux intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement en l'absence d'exécution de l'arrêté, compte tenu notamment des dégâts constatés par le passé. En ce qui concerne le corbeau freux : 7. L'arrêté attaqué autorise le piégeage du corbeau freux toute l'année et en tout lieu, et prévoit qu'il peut être détruit à tir entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard, voire jusqu'au 10 juin lorsque l'un au moins des intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement est menacé et jusqu'au 31 juillet pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, sur autorisation individuelle délivrée par le préfet et dès lors qu'il n'existe aucune autre solution satisfaisante. 8. Si, ainsi que le soutient l'association requérante, le corbeau freux est classé comme " espèce vulnérable " en Europe sur la liste rouge de l'union internationale pour la conservation de la nature et que sa population a sensiblement décru en France depuis une vingtaine d'années, il ressort des éléments produits par le ministre en défense que cette espèce ne fait l'objet, en France, que d'une " préoccupation mineure ", c'est-à-dire à faible risque de disparition. Eu égard aux conditions posées par l'arrêté à la destruction de cette espèce et à son état de conservation, il ne résulte pas de l'instruction que la mise en œuvre de l'arrêté à cet égard porterait une atteinte grave et immédiate aux intérêts en présence. Par suite, la condition d'urgence n'est pas remplie sur ce point. En ce qui concerne la martre des pins : 9. Il résulte de l'arrêté litigieux que les martres des pins ne peuvent être piégées qu'à moins de 250 mètres d'un bâtiment ou élevage ou d'un terrain consacré à l'élevage avicole et apicole, des enclos de pré-lâcher de petit gibier chassable et sur les territoires des unités de gestion cynégétique désignés dans le schéma départemental de gestion cynégétique où sont conduites des actions visant à la conservation et à la restauration des populations de petit gibier chassable qui font l'objet de prédations nécessitant la régulation de ces prédateurs. Elles peuvent en outre être détruites à tir, hors des zones urbanisées, sur autorisation individuelle délivrée par le préfet dès lors que l'un au moins des intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement est menacé entre la date de clôture générale et le 31 mars au plus tard et dès lors qu'il n'existe aucune autre solution satisfaisante. 10. En premier lieu, s'agissant de l'inscription de cette espèce dans certaines communes de l'Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Orientales, il résulte de l'instruction que les martres sont susceptibles de présenter un danger pour le grand tétras, espèce subsistant pour l'essentiel dans le massif des Pyrénées, en mauvais état de conservation et qui fait l'objet d'une stratégie nationale d'action. Eu égard à la gravité de la situation du grand tétras, à la grande vulnérabilité de celui-ci et au périmètre de l'inscription de la martre, restreint aux communes du massif dans lesquelles le grand tétras est susceptible de se trouver et de se reproduire, et alors même que le dossier ne fait pas ressortir que la martre serait répandue dans ces zones, la condition d'urgence ne peut pas être regardée comme remplie. 11. En second lieu, eu égard, d'une part, aux restrictions mentionnées au point 9, d'autre part, à l'état de conservation de l'espèce dans le département d'Indre-et-Loire et, dans une moindre mesure, dans le département des Côtes d'Armor où elle n'apparaît pas particulièrement vulnérable et, enfin, à l'ampleur des dégâts que cette espèce a causé dans l'Aisne, où sa présence reste significative bien qu'elle y soit classée en statut " quasi-menacé " sur la liste rouge de l'union internationale pour la conservation de la nature, l'urgence ne justifie pas la suspension de l'exécution de l'arrêté dans cette mesure. En ce qui concerne la fouine : 12. Il résulte de l'arrêté attaqué que la fouine peut être piégée toute l'année, uniquement à moins de 250 mètres d'un bâtiment ou d'un élevage particulier ou professionnel ou sur des terrains consacrés à l'élevage avicole, ainsi qu'à moins de 250 mètres des enclos de pré-lâcher de petit gibier chassable et sur les territoires des unités de gestion cynégétiques désignés dans le schéma départemental de gestion cynégétique où sont conduites des actions visant à la conservation et à la restauration des populations de petit gibier chassable qui font l'objet de prédations nécessitant la régulation de ces prédateurs. Elle peut également être détruite à tir, hors des zones urbanisées, sur autorisation individuelle délivrée par le préfet dès lors que l'un au moins des intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement est menacé entre la date de clôture générale et le 31 mars au plus tard. 13. Eu égard, d'une part, à ces restrictions, d'autre part, à la présence significative de cette espèce dans les départements de l'Eure et de la Seine-Maritime et, dans une moindre mesure, du Territoire de Belfort, et à l'ampleur importante des dégâts qu'elle a causés dans ces départements et dans le Calvados, et en dépit d'un état de conservation moins favorable dans ce dernier département, il ne résulte pas de l'instruction que l'exécution de l'arrêté litigieux emporterait des effets tels sur la conservation de cette espèce ou sur sa contribution à l'écosystème dans lequel elle vit qu'il y aurait lieu, en urgence, de la suspendre dans l'attente du jugement du recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté dans cette mesure. En ce qui concerne l'étourneau sansonnet : 14. L'arrêté litigieux prévoit que cette espèce peut être détruite à tir entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard, et jusqu'à la date d'ouverture générale de la chasse sur autorisation individuelle délivrée par le préfet et dès lors qu'il n'existe aucune autre solution satisfaisante et que l'un au moins des intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement est menacé. Le tir s'effectue à poste fixe matérialisé de main d'homme, sans être accompagné de chien, dans les cultures maraîchères, les vergers et les vignes et à moins de 250 mètres autour des installations de stockage de l'ensilage. Le tir dans les nids est interdit. L'étourneau sansonnet peut en outre être piégé toute l'année et en tout lieu. 15. Eu égard à ces restrictions et à l'état de conservation de l'étourneau sansonnet en Meurthe-et-Moselle, dans l'Oise et dans le Calvados, bien que cette espèce soit classée comme " quasi-menacée " à l'échelle de la région Basse-Normandie, ainsi que, dans une moindre mesure, dans la Manche où elle a causé d'importants dégâts au cours de la période 2018-2022, il n'est pas établi que l'urgence justifierait la suspension de l'exécution de l'arrêté en tant qu'il s'applique à cette espèce dans ces départements. En ce qui concerne le geai des chênes : 16. Il résulte de l'arrêté attaqué que le geai des chênes peut être, d'une part, détruit à tir, à poste fixe matérialisé de main d'homme et sans chien, hors des nids, entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard, sur autorisation individuelle délivrée par le préfet et dès lors qu'il n'existe aucune autre solution satisfaisante et que l'un au moins des intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement est menacé et, d'autre part, piégé du 31 mars au 30 juin dans les vergers et du 15 août à l'ouverture générale dans les vergers et les vignobles. 17. Eu égard à ces restrictions et à l'état de conservation de cette espèce dans le département du Lot-et-Garonne, et alors même que sa population apparaît en déclin depuis une dizaine d'années et que le montant des dégâts qui lui sont imputés pour la période 2018-2022 est faible, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie à cet égard. En ce qui concerne le renard roux : 18. L'arrêté attaqué permet, dans les départements ou parties de départements qu'il énumère, de piéger en tout lieu et de déterrer les renards roux dans les conditions fixées à l'article 3 de l'arrêté du 18 mars 1982, et de les détruire par tir sur autorisation individuelle délivrée par le préfet entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard, ainsi que, au-delà de cette date, sur des terrains consacrés à l'élevage avicole. 19. Le dossier fait ressortir que cette espèce est répandue de manière significative dans 85 des 88 départements mentionnés dans l'arrêté, y compris ceux où une épidémie de gale sarcoptique a sévi au cours de la période récente. En outre, il résulte de l'instruction que la présence du renard roux, avérée bien qu'elle ne présente pas un caractère significatif, connaît une dynamique positive dans l'Orne, en dépit de l'épidémie précédemment mentionnée, ainsi qu'en Haute-Saône. Enfin, si les productions successives du ministre laissent subsister de fortes incertitudes quant au nombre annuel de prélèvements au cours de la période de référence 2018-2022 en Meurthe-et-Moselle, il résulte de l'instruction que cette espèce n'y n'apparaît pas davantage menacée à court terme. 20. Eu égard aux conditions de la destruction de cette espèce autorisée par l'arrêté contesté, à son état de conservation et aux dégâts qu'elle cause, en particulier aux exploitations agricoles, et quand bien même, ainsi que le soutient l'association requérante, ces dégâts sont, dans certains cas, concentrés sur une partie seulement du département alors que le classement couvre l'intégralité du territoire départemental, comme c'est le cas dans l'Orne notamment, et que le renard a un rôle utile dans la préservation des équilibres écologiques et dans la lutte contre l'extension géographique de la maladie de Lyme, l'exécution de l'arrêté litigieux en ce qui concerne cette espèce ne crée pas, en l'état de l'instruction, une situation d'urgence justifiant l'intervention du juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, avant que la requête en annulation soit jugée. 21. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'Association pour la protection des animaux sauvages doit être rejetée, y compris les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : L'intervention de la fédération nationale des chasseurs et autres est admise. Article 2 : La requête de l'Association pour la protection des animaux sauvages est rejetée. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association pour la protection des animaux sauvages, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la fédération nationale des chasseurs, première intervenante dénommée pour l'ensemble des intervenantes. Fait à Paris, le 20 novembre 2023 Signé : Alexandre Lallet
CETATEXT000048448420
JG_L_2023_11_000000489247
CETAT
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Texte
Conseil d'État, , 20/11/2023, 489247, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
Conseil d'État
489247
Plein contentieux
C
Vu la procédure suivante : Mme A... E... et M. B... F..., agissant tant en leur nom propre qu'au nom de leurs deux enfants mineurs, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, de les prendre en charge dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2324864 du 2 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif a, d'une part, admis Mme E... et M. F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, a rejeté le surplus de la demande. Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... et M. F... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de faire droit à leur demande de première instance ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'ils sont dans une situation de détresse sociale au sens des dispositions de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles eu égard, d'une part, au fait qu'ils vivent à la rue avec leurs deux enfants, dont le plus jeune a moins de deux ans, et sont sans ressources financières et, d'autre part, aux conditions climatiques actuelles ; - l'absence de prise en charge par l'Etat constitue une carence caractérisée qui porte atteinte à leur droit à l'hébergement d'urgence et à l'intérêt supérieur de leurs enfants dès lors qu'ils sont en situation de particulière vulnérabilité eu égard au bas âge de leurs enfants, âgés de trois ans et de sept mois, malgré leurs nombreux appels passés au " 115 ", service d'appel téléphonique du Samu-social de Paris. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) " En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. 2. Il résulte de l'instruction menée en première instance que Mme E... et M. F..., ressortissants congolais, sont arrivés en France en 2022 avec leur fils D..., né en avril 2020. Ils ont ensuite eu une fille, C..., née en Meurthe-et-Moselle en mars 2023. Ils ont sollicité l'asile auprès de la préfecture de Strasbourg le 14 octobre 2022. Le Pôle régional Dublin Grand Est leur a délivré des récépissés de leurs demandes le 24 mars 2023. S'étant ensuite rendus à Paris, où ils affirment être à la rue, Mme E... et M. F... ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administratives citées au point 1., d'une demande tendant à ce que soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, de les prendre en charge dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence. Ils font appel devant le juge des référés du Conseil d'Etat de l'ordonnance du 2 novembre 2023 par laquelle le premier juge a rejeté leur demande. 3. Pour rejeter la demande de première instance, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a relevé que les requérants n'avaient pas indiqué les raisons pour lesquelles ils s'étaient rendus à Paris et que l'instruction ne permettait pas d'apprécier pleinement leur situation, pour estimer qu'ils ne pouvaient qu'être regardés comme s'étant eux-mêmes placés dans la situation d'urgence qu'ils invoquent. Les requérants n'apportent, en appel, aucun élément permettant de remettre en cause ces constatations et, en particulier, d'éclairer les raisons pour lesquelles, entrés en France à Mulhouse et ayant initialement résidé dans la région Grand Est, ils se sont ensuite rendus à Paris, où la saturation des dispositifs d'hébergement d'urgence est avérée. Il suit de là que leur requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce qu'il y a lieu de faire selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de Mme E... et M. F... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... E..., première requérante dénommée. Copie en sera adressée au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris. Fait à Paris, le 20 novembre 2023 Signé : Alain Seban
CETATEXT000048448421
JG_L_2023_11_000000489253
CETAT
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Texte
Conseil d'État, Juge des référés, 20/11/2023, 489253, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
Conseil d'État
489253
Juge des référés
Plein contentieux
C
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 10 octobre 2023 n° DDETSPP/SPA/20231010-0002 portant déclaration d'infection au titre de l'anémie infectieuse des équidés sur la commune de Le Bugue concernant l'équidé " Plaisir des fleurs " ou, à défaut, de suspendre l'exécution de cet arrêté et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 2305736 du 21 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a, en premier lieu, suspendu l'exécution de l'arrêté du préfet de la Dordogne du 10 octobre 2023 jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait statué sur le pourvoi en cassation enregistré sous le n° 475536, en deuxième lieu, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions du préfet de la Dordogne tendant au bénéfice d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler l'ordonnance du 21 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) de rejeter la demande de suspension présentée en première instance par Mme B.... Il soutient que : - l'ordonnance du 21 octobre 2023 est entachée d'insuffisance de motivation en ce que, pour retenir l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un procès équitable, elle se borne à relever que l'exécution de l'arrêté du 10 octobre 2023 aurait pour effet de priver d'objet le pourvoi en cassation présenté par Mme B... devant le Conseil d'Etat ; - la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que l'arrêté du 10 octobre 2023, d'une part, n'habilite pas l'administration à procéder d'office à l'euthanasie de l'équidé " Plaisir des fleurs " et, d'autre part, n'expose Mme B... qu'à la peine d'amende prévue pour les contraventions de 5ème classe si elle ne fait pas procéder à cette euthanasie par un vétérinaire, ce qui ne constitue pas un préjudice économique grave ; - il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; - l'exécution de l'arrêté du 10 octobre 2023 ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale au droit de Mme B... à un procès équitable et à son droit à un recours effectif devant le juge dès lors que, d'une part, cette dernière a pu exercer de nombreux recours juridictionnels contre la mesure d'euthanasie de l'équidé " Plaisir des fleurs " et, d'autre part, la circonstance que le Conseil d'Etat puisse prononcer un non-lieu à statuer dans le cadre du pourvoi en cassation qu'elle a introduit est, par elle-même, sans incidence sur les libertés fondamentales invoquées ; - elle ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale au principe d'égalité de traitement devant les charges publiques dès lors que, en premier lieu, ce principe ne constitue pas une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en deuxième lieu, la différence substantielle de contagiosité et de risque zoonotique entre l'anémie infectieuse des équidés et d'autres maladies animales répertoriées justifie une différence de traitement et, en dernier lieu, l'arrêté contesté est une décision individuelle, dont ne peut résulter une différence de traitement entre Mme B... et de tierces personnes ; - elle ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété de Mme B... dès lors que, en premier lieu, l'insuffisance de motivation que cette dernière fait valoir n'est pas au nombre des éléments susceptibles d'être retenus par le juge des référés pour caractériser une telle atteinte, en deuxième lieu, l'article 9 de l'arrêté du 23 septembre 1992 fixant les mesures de police sanitaire relatives à l'anémie infectieuse des équidés, qui constitue le fondement de la mesure d'euthanasie en litige, n'est pas illégal et, en dernier lieu, cette mesure d'euthanasie est proportionnée eu égard à l'objectif de protection sanitaire poursuivi ainsi qu'au régime spécial de dédommagement prévu en contrepartie ; - le lien d'attachement qui unit Mme B... à son équidé ne peut, à lui seul, démontrer que l'arrêté du 10 octobre 2023 porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de la vie privée et familiale. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2023, Madame A... B... conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 100 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucun des moyens d'appel n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, et notamment son Préambule ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ; - le règlement d'exécution (UE) 2018/1882 de la Commission du 3 décembre 2018 ; - le règlement délégué (UE) 2022/688 de la Commission du 17 décembre 2019 ; - le code rural et de la pêche maritime ; - l'arrêté interministériel du 23 septembre 1992 fixant les mesures de police sanitaire relatives à l'anémie infectieuse des équidés ; - le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et, d'autre part, Mme B... ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 17 novembre 2023, à 15 heures : - les représentants du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ; - Me Lyon-Caen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B..., et la représentante de Mme B... ; à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". 2. En vertu du 1° de l'article L. 221-1 du code rural et de la pêche maritime, les maladies animales réglementées comprennent les maladies répertoriées au paragraphe 1 de l'article 5 du règlement (UE) 2016/429 du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale, au nombre desquelles figure l'anémie infectieuse des équidés, mentionnée à l'annexe II à ce règlement. L'article L. 223-8 du même code dispose que : " Après la constatation d'une maladie mentionnée à l'article L. 221-1, le préfet statue sur les mesures à mettre en exécution dans le cas particulier. / Il prend, s'il est nécessaire, un arrêté portant déclaration d'infection remplaçant éventuellement un arrêté de mise sous surveillance. / Cette déclaration peut entraîner, dans le périmètre qu'elle détermine, sans préjudice des mesures que requiert l'application du règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et des actes délégués et d'exécution qu'il prévoit, l'application des mesures suivantes : (...) / 8° L'abattage des animaux malades ou contaminés ou des animaux ayant été exposés à la contagion, ainsi que des animaux suspects d'être infectés ou en lien avec des animaux infectés dans les conditions prévues par l'article L. 223-6 ". L'arrêté interministériel du 23 septembre 1992 fixant les mesures de police sanitaire relatives à l'anémie infectieuse des équidés prévoit que, lorsque l'existence de cette maladie est confirmée, le préfet prend un arrêté portant déclaration d'infection de l'établissement, qui entraîne l'application de certaines mesures de prévention. En outre, il résulte de l'article 9 de cet arrêté que les équidés infectés sont abattus dans un délai fixé par le directeur des services vétérinaires. 3. Par deux arrêtés des 17 mai et 8 juin 2023, le préfet de la Dordogne a ordonné l'euthanasie, par un vétérinaire désigné dans chacun de ces arrêtés, du cheval Plaisir des fleurs détenu par Mme B..., en raison de son infection à l'anémie infectieuse des équidés, sur le fondement de l'arrêté du 23 septembre 1992 mentionné au point 2. Le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes tendant à la suspension de l'exécution de ces arrêtés présentées par Mme B..., laquelle a introduit un pourvoi en cassation contre cette ordonnance de rejet. Saisi par l'administration, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bergerac a rejeté, par une ordonnance du 27 juillet 2023 puis une seconde ordonnance du 17 août suivant dont il n'a pas été interjeté appel, la demande du préfet de la Dordogne tendant à obtenir l'autorisation de pénétrer sur le lieu de détention de l'équidé afin de le capturer et de procéder à l'euthanasie. En conséquence, par un nouvel arrêté en date du 10 octobre 2023, le préfet de la Dordogne a rapporté ses deux arrêtés précédents et pris un nouvel arrêté ordonnant à l'intéressée de faire procéder elle-même, par le vétérinaire de son choix, à cet abattage avant le 22 octobre 2023, et précisant en outre que son défaut d'exécution pourrait faire l'objet de la sanction pénale prévue à l'article R. 228-1 du code rural et de la pêche maritime. Par une ordonnance du 21 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a, à l'article 1er, suspendu l'exécution de ce dernier arrêté jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait statué sur le pourvoi en cassation précédemment mentionné, à l'article 2, mis une somme à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux. L'appel du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire contre cette ordonnance doit être regardé comme dirigé contre ses articles 1er et 2. 4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'arrêté litigieux a été pris par le préfet de la Dordogne en raison de l'impossibilité dans laquelle l'administration s'est trouvée de procéder à l'euthanasie du cheval Plaisir des fleurs, faute d'être autorisée par le juge des libertés et de la détention à pénétrer sur la propriété de Mme B.... La circonstance que cet arrêté, qui abroge ceux des 17 mai et 8 juin 2013, pourrait priver d'objet le pourvoi en cassation introduit par Mme B... contre l'ordonnance rejetant sa demande de suspension de l'exécution de ces deux premiers arrêtés, est insusceptible de caractériser une atteinte au droit à un procès équitable, alors que l'arrêté du 10 octobre 2023 en litige peut faire l'objet, outre d'un référé-liberté comme celui qui a été engagé en l'espèce, d'un recours pour excès de pouvoir, le cas échéant assorti d'une demande de suspension de son exécution sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Par suite, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l'exécution de ce dernier arrêté en raison d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un procès équitable. 5. Il y a lieu pour le juge des référés du Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... en première instance, qu'elle reprend d'ailleurs dans son mémoire en défense en appel. 6. Mme B... se prévaut de ce que l'administration ne procède pas à l'abattage systématique des animaux souffrant de maladies qui, comme l'anémie infectieuse des équidés, est classée dans les catégories D et E du règlement d'exécution (UE) de la Commission du 3 décembre 2018 sur l'application de certaines dispositions en matière de prévention et de lutte contre les maladies à des catégories de maladies répertoriées et établissant une liste des espèces et des groupes d'espèces qui présentent un risque considérable du point de vue de la propagation de ces maladies répertoriées. Toutefois, cette circonstance est insusceptible de caractériser une atteinte au principe d'égalité qu'elle invoque dès lors qu'il s'agit de maladies distinctes, appelant des programmes et mesures de l'administration adaptées à leurs caractéristiques propres. 7. En revanche, l'arrêté litigieux porte atteinte au droit de propriété de Mme B... ainsi que, compte tenu du lien affectif particulier qu'elle a établi avec ce cheval, au droit au respect de sa vie privée. 8. Mme B... soutient que l'article 9 de l'arrêté du 23 septembre 1992 mentionné au point 2 est contraire aux dispositions des règlements de 2016 et 2018 précédemment mentionnés, lesquels ne prévoient pas, pour l'anémie infectieuse des équidés qui est une maladie classée dans les catégories D et E, de programmes d'éradication obligatoire ou volontaire des animaux infectés, contrairement aux affections classées dans les catégories A, B et C. Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire se prévaut dans ses écritures de l'article 269 du règlement de 2016, qui permet aux Etats membres d'appliquer sur leur territoire des mesures supplémentaires ou plus strictes que celles prévues dans ce règlement. Ce renvoi ne concerne cependant que certains domaines limitativement énumérés, au nombre desquels figurent les responsabilités en matière de santé animale définies à l'article 10 du règlement, lequel investit les " opérateurs " de la responsabilité de la réduction du risque de propagation de maladies affectant les animaux qu'ils détiennent, mais non les programmes d'éradication régis par les articles 31 à 35 de ce règlement. En outre, si le ministre a soutenu lors de l'audience que le règlement de 2016 ne régit que les échanges entre Etats membres, il ressort de son article 1er que son objet est d'établir des dispositions en matière de prévention des maladies animales transmissibles aux animaux ou aux êtres humains afin non seulement de garantir le fonctionnement efficace du marché intérieur, mais aussi une meilleure santé animale et une réduction des effets néfastes sur la santé animale de certaines maladies. Le ministre s'est enfin prévalu à l'audience du règlement délégué (UE) 2020/688 de la Commission européenne du 17 décembre 2019 complétant le règlement de 2016 en ce qui concerne les conditions de police sanitaire applicables aux mouvements d'animaux terrestres entre Etats, dont l'article 22 prévoit notamment la mise à mort des animaux infectés par l'anémie infectieuse des équidés préalablement à des déplacements d'équidés vers un autre Etat membre à partir d'un établissement touché. Il a également indiqué que certains Etats membres prévoyaient, comme la France, l'abattage des chevaux atteints d'anémie infectieuse des équidés, alors que Mme B... a fait valoir que d'autres Etats avaient fait le choix de privilégier des mesures de prévention et d'isolement. 9. Si, au regard des arguments mentionnés au point 8 et des éléments versés à l'instruction, il existe un doute sur la légalité des dispositions de l'article 9 de l'arrêté du 23 septembre 1992 en tant qu'elles prévoient l'abattage systématique d'équidés atteints d'anémie infectieuse, indépendamment de tout mouvement au sein de l'Union européenne, ces dispositions n'apparaissent pas entachées d'une contrariété manifeste avec le droit de l'Union. Il en va de même du moyen tiré de ce que l'euthanasie du cheval Plaisir des fleurs présenterait un caractère disproportionné en raison des conditions de son isolement et des mesures de prévention prises par Mme B..., dont il résulte de l'instruction qu'elles réduisent significativement le risque de propagation de la maladie, sans l'éliminer entièrement. Enfin, l'arrêté litigieux est suffisamment motivé et ne procède pas d'un détournement de procédure pour les raisons mentionnées au point 4. L'atteinte que cet arrêté porte aux libertés fondamentales mentionnées au point 7 ne peut donc être regardée comme manifestement illégale. 10. Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme B... tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Dordogne du 10 octobre 2023, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, et qu'il y a lieu de réformer l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 21 octobre 2023 en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance. 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Dordogne du 10 octobre 2023, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, est rejetée. Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 21 octobre 2023 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance. Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à Mme A... B.... Fait à Paris, le 20 novembre 2023 Signé : Alexandre Lallet
CETATEXT000048448422
JG_L_2023_11_000000489364
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448422.xml
Texte
Conseil d'État, , 20/11/2023, 489364, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
Conseil d'État
489364
Excès de pouvoir
C
Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Jeunes A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite de rejet né du silence gardé par le ministre de la santé et de la prévention sur sa demande tendant à l'adoption de textes règlementaires relatifs à la quatrième année d'internat en médecine générale ; 2°) d'enjoindre au ministre de la santé et de la prévention de prendre les textes règlementaires concernant la quatrième année d'internat en médecine générale, notamment un décret en Conseil d'Etat permettant aux docteurs juniors de médecine générale de percevoir des émoluments forfaitaires correspondant à la rémunération de leurs honoraires et un arrêté fixant les contours de la convention type de chaque stage en secteur ambulatoire de la phase de consolidation du diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale ; 3°) à titre subsidiaire, dans l'attente de la parution de ces textes, de prononcer le report de la création de la 4ème année d'internat en médecine générale ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la condition d'urgence est satisfaite, d'une part, du fait de la perte d'attractivité de la médecine générale faute de visibilité sur la quatrième année du DES de cette spécialité, d'autre part, en raison de l'absence d'information suffisante sur les conditions de déroulement de cette année, notamment du stage en ambulatoire, malgré son importance pour exercer son choix de spécialité de manière éclairée et le caractère très difficilement réversible de ce choix et, enfin, compte tenu du manque de visibilité pour les étudiants du deuxième cycle de médecine et en particulier ceux de sixième année ; - il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ; - le refus de prendre les textes règlementaires nécessaires à la mise en œuvre de la quatrième année d'internat en médecine générale, prévue par l'article L. 632-2 du code de l'éducation, est illégal ; - l'absence de précision réglementaire crée une rupture d'égalité illégale entre la médecine générale et les autres spécialités du fait de l'impossibilité pour les futurs médecins généralistes de faire valoir un titre d'ancien assistant des hôpitaux pour accéder au secteur 2 et en raison de l'obligation d'avoir un stage reconductible, ainsi qu'entre les étudiants en médecine générale. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 ; - l'arrêté du 3 août 2023 portant modification de la maquette de formation du diplôme d'études spécialisées de médecine générale ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. 2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. 3. L'article 37 de la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 a modifié l'article L. 632-2 du code de l'éducation pour porter de trois à quatre années la durée du troisième cycle des études de médecine pour la spécialité de médecine générale et prévoir que la quatrième année ainsi ajoutée est effectuée sous forme de stage. Son II dispose que cette nouvelle durée s'applique aux étudiants qui commencent le troisième cycle à la rentrée de l'année universitaire 2023. Pour l'application de ces dispositions, un arrêté a été pris le 3 août 2023 par le ministre de la santé et de la prévention et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche afin de modifier la maquette de formation du diplôme d'études spécialisées de médecine générale. 4. Le syndicat des Jeunes A... a demandé à ces deux ministres et à la Première ministre de prendre des textes réglementaires relatifs à l'organisation de cette quatrième année, notamment s'agissant des conditions de rémunération des étudiants concernés et de la convention type des stages en secteur ambulatoire. Il a demandé l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite rejetant sa demande. Sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, il en demande la suspension de l'exécution. 5. Pour justifier de la condition d'urgence, le syndicat requérant fait notamment valoir la perte d'attractivité de la médecine générale qui découlerait selon lui du manque actuel de visibilité sur la quatrième année du troisième cycle des études de médecine pour cette spécialité et les conséquences négatives sur la possibilité pour les étudiants du deuxième cycle et en particulier ceux de sixième année de choisir de manière éclairée leur spécialité et de construire leur parcours de formation. Toutefois, à supposer même de tels effets avérés, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la nouvelle durée du troisième cycle des études de médecine pour la spécialité de médecine générale s'applique aux étudiants qui commencent ce troisième cycle à la rentrée de l'année universitaire 2023 et qui, donc, ont vocation à en effectuer la quatrième année en 2026. Par ailleurs, il ressort des éléments versés par le syndicat Jeunes A... à l'appui de sa demande de référé que les choix de spécialité pour l'année en cours ont déjà été réalisés et que la prochaine procédure dite " d'appariement " aura lieu en septembre 2024. Dans ces conditions, les circonstances invoquées par le syndicat requérant ne permettent pas de caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts qu'il entend défendre. 6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête du syndicat Jeunes A..., y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête du syndicat Jeunes A... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat Jeunes A.... Copie en sera adressée à la Première ministre, au ministre de la santé et de la prévention et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Fait à Paris, le 20 novembre 2023 Signé : Anne Courrèges
CETATEXT000048448423
J_L_2023_11_00023TL01895
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448423.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, , 21/11/2023, 23TL01895, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
23TL01895
plein contentieux
C
HIRTZLIN-PINÇON
Vu l'ensemble des pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - le code du travail ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; - le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Considérant que : En ce qui concerne la compétence du juge administratif : 1. Avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties éventuellement appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige, et dès lors que ce dernier est de nature à relever, fût-ce pour partie, de l'ordre de juridiction auquel il appartient, le juge des référés a compétence pour ordonner une mesure d'instruction sans que soit en cause le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Il n'en est autrement que lorsqu'il est demandé au juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction qui porte à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas à l'ordre de juridiction auquel il appartient. 2. Aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2003 modifié fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi : " Le présent décret fixe les dispositions particulières applicables aux agents de Pôle emploi recrutés par contrat de droit public à durée indéterminée avant la création de cette institution et qui n'ont pas opté pour la convention collective prévue à l'article L. 5312-9 du code du travail. / Les dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat prévues par le décret du 17 janvier 1986 susvisé leur sont applicables, sous réserve des dispositions du présent décret. ". Aux termes de l'article 17 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et applicables à la situation de Mme E... B..., recrutée par contrat de droit public à durée indéterminée avant la création de Pôle emploi et qui n'a pas opté pour la convention collective : " ( ...) 3° L'agent non titulaire définitivement inapte pour raison de santé à reprendre ses fonctions à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident du travail, ou de maternité, de paternité ou d'adoption est licencié ". 3. Pôle emploi soutient que les mesures d'expertise demandées échappent partiellement à la compétence du juge administratif des référés dès lors que la reconnaissance d'une maladie professionnelle et la détermination des préjudices subis par Mme E... B... relèvent du régime de sécurité sociale soumis au droit privé. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme E... B... sollicite une mesure d'expertise médicale afin de contester la légalité de la décision du 16 septembre 2022 par laquelle Pôle emploi l'a licenciée pour inaptitude définitive à reprendre ses fonctions à l'issue d'un congé de maladie ou de grave maladie. A cet égard, ainsi que le précise Pôle emploi lui-même dans ses écritures, l'instance n° 2206618 engagée le 16 novembre 2022 par Mme E... B... devant le tribunal administratif de Toulouse porte à titre principal sur l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Il est constant que Pôle emploi, établissement public à caractère administratif en vertu de l'article R. 5312-1 du code du travail, a suivi la procédure prescrite par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, en sollicitant notamment l'avis des comités médicaux départementaux et supérieurs préalablement à la décision de licenciement. Il apparaît ainsi que le contrat de travail de l'intéressée, recrutée en 1999 par l'Agence nationale pour l'emploi et qui n'a pas opté pour la convention collective prévue à l'article L. 5312-9 du code du travail, est un contrat de droit public au sens du décret de 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le fond du litige opposant Pôle emploi à Mme E... B... est de nature à relever, au moins en partie, de la compétence de la juridiction administrative. Par suite, l'exception d'incompétence soulevée par Pôle emploi doit être écartée. Sur l'utilité de l'expertise : 4. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de cette disposition doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. S'il résulte de l'article R. 626-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de l'article R. 532-1, alors même qu'une requête à fin d'annulation est en cours d'instruction, il appartient au juge des référés d'apprécier l'utilité de la mesure demandée sur ce fondement 5. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, Mme E... B... a introduit, le 16 novembre 2022, une requête demandant au juge de l'excès de pouvoir d'annuler la décision de licenciement du 16 septembre 2022 et de désigner, avant dire droit, un expert afin de déterminer l'aptitude au travail, le lien de causalité entre sa pathologie et le service, la date de consolidation s'il y a lieu, le taux d'incapacité permanente partielle qui en résulte ainsi qu'évaluer les divers préjudices qu'elle a subis. L'intéressée ne produit cependant aucune pièce médicale de nature à infirmer les avis du 4 mars 2021 et du 18 février 2022 du comité médical départemental et du comité médical supérieur et, en se bornant à faire valoir la rapidité de la procédure de référé, ne justifie d'aucune circonstance particulière, notamment d'urgence, de nature à donner à la mesure sollicitée un caractère distinct de celle qu'elle a sollicité du juge du fond. Si elle a cité une décision du Conseil d'Etat relative à la réparation du préjudice des agents publics victimes d'accidents de service et a conclu à ce que l'expert évalue ses préjudices, elle ne donne aucune précision ni ne produit aucun document sur ce point. Dans ces conditions, la mesure d'utilité demandée par Mme E... B... devant le tribunal administratif de Toulouse est dépourvue du caractère d'utilité requis par les dispositions précitées. 6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité de l'ordonnance attaquée, Pôle emploi est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a ordonné l'expertise demandée. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Pôle emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées sur le même fondement par Mme E... B... ne peuvent qu'être rejetées. O R D O N N E : Article 1er : L'ordonnance susvisée du 20 juillet 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulée. Article 2 : La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée. Article 3 : Le surplus des conclusions de Pôle emploi est rejeté. Article 4 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Pôle emploi, à Mme C... E... B... et à M. D... A..., expert. Fait à Toulouse, le 21 novembre 2023 Le président, J-F. MOUTTE La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. Pour expédition conforme, La greffière en chef N° 23TL01895 2
CETATEXT000048452233
J1_L_2023_11_00021PA02866
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452233.xml
Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 21PA02866, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
21PA02866
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
BOUDRIOT
M. Franck MAGNARD
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SAS Partager La Croissance a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur cet impôt et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des retenues à la source qui lui ont été réclamés au titre de ces mêmes périodes, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1914310-9 du 8 avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 mai 2021, 8 novembre 2021 et 10 mars 2022, la société Partager la croissance, représentée par Me Pierre Boudriot, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du 8 avril 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des impositions litigieuses ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 100 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la réponse à la proposition de rectification du 13 décembre 2016 a été adressée dans les délais ; - la réponse à la proposition de rectification du 27 juillet 2017 a été adressée dans les délais, cette proposition de rectification n'ayant pas été reçue avant le 31 juillet ; - la proposition de rectification reçue le 31 juillet 2017 ouvre un nouveau délai de réponse quand bien même une proposition de rectification aurait été reçue le 28 juillet ; - l'accusé de réception de la proposition de rectification reçue le 28 juillet ne comporte aucune signature ; - elle a par suite refusé les redressements et demandé un délai supplémentaire de 30 jours dans le délai légal ; - le service, en n'accordant pas le délai supplémentaire de 30 jours n'a pas respecté les recommandations de la doctrine administrative référencée D. adm. 13 L-1514 n° 33, 1-7-2002 ; BOI-CF-IOR-10-50 n° 400, 4-2-2015 ; - compte tenu des montants en jeu, la société n'a pu accepter tacitement les redressements ; - l'administration a semblé dans un premier temps considérer que les rehaussements étaient valablement contestés ; - elle a méconnu la garantie liée à un débat oral et contradictoire ainsi que son obligation de loyauté ; - la doctrine administrative prévoit de ne pas envoyer de proposition de rectification pendant les congés estivaux ; - l'avis de mise en recouvrement du 15 septembre 2017 est prématuré ; - l'administration a effectué des traitements informatiques sur le logiciel " Emmy " sans respecter les formalités prévues à l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; - elle n'a pas refusé d'effectuer des traitements sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible ; - l'administration a procédé à de nouveaux traitements en la matière ; - l'administration n'a pas respecté les formalités de mise en œuvre du contrôle informatisé en ce qui concerne le logiciel Emmy ; - les écarts entre la liasse fiscale et la comptabilité sont infimes ; - la compensation entre les créances et les dettes est régulière ; - une comptabilité ne saurait être écartée au motif qu'elle ne correspond pas aux déclarations fiscales déposées ; - la doctrine administrative référencée BOI-CF-COM-10-10-10 n° 110, 12-9-2012 ; BOI-CF-DG-40-20 n° 40 et 50, 12-9-2012 est à cet égard invocable ; - le service était en mesure de rattacher les pièces justificatives aux écritures comptables ; - la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20-20120912 prévoit que le défaut de valeur probante ne peut résulter que d'irrégularités ayant un caractère de gravité indiscutable ; - la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20-20120912 précise que la constatation du défaut de comptabilité est opérée immédiatement par la rédaction d'un procès-verbal qui doit indiquer le défaut de présentation de la comptabilité ou des documents en tenant lieu ; or, le service a constaté que la société a bien fourni les fichiers des écritures comptables sous format dématérialisé ; - la taxe sur la valeur ajoutée collectée non déclarée au titre de l'année 2013 doit être compensée à hauteur de 2 410 456 euros par la prise en compte d'une taxe déductible ; - le versement de la prime est la contrepartie d'une prestation de services qui lui permet d'obtenir des certificats d'économie d'énergie dont l'achat et la vente entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; - la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur la facture Easytarget et grevant les dépenses d'abonnement au logiciel Salesforce qu'elle utilise est déductible ; - il en est de même en ce qui concerne les factures Groupe Moniteur en date du 6 novembre 2014, du 19 septembre 2014 et du 31 janvier 2015, s'agissant de dépenses de présentation au Salon des Mairies et des collectivités locales ; - concernant les factures Idex et Eco Co2, la société entend se prévaloir de la refacturation par Geo-France des montants de CEE ou de primes acquis, bien que le règlement en ait été fait directement à la société Idex ou Eco Co2 ; - les dépenses de location sont affectées à l'activité de la société et la taxe correspondante est déductible ; - les dépenses facturées par la société Geo PLC sont déductibles même si elles ont été payées à la société Geo France qui a absorbé la société Geo PLC en 2014 ; les factures procèdent des conventions établies et se rapportent tant au personnel utilisé qu'aux primes traitées par Geo France pour le compte de la requérante ; la société Geo France lui a facturé le coût des primes qui permettent à Geo France de créer des certificats d'économie d'énergie, ce qui explique le libellé " prime CEE " ; - en remettant en cause ces achats " primes CEE ", le service remet en cause le principe même de son activité qui consiste en l'achat et la revente de certificats d'économie d'énergie ; - la facture de 28 247 285 euros a été produite ; - les conditions d'exploitation n'ont pas changé au cours de la période, et l'administration n'a pas remis en cause les charges au titre de l'année 2013 ; - le profit sur le Trésor est contesté par voie de conséquence de la contestation des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; - la somme taxée au titre du chiffre d'affaires de l'année 2013 correspond à des remboursements de frais ; - la société Geo PLC, vérifiée au titre de l'année 2013, n'a pas été redressée à cet égard ; - le chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée n'a pas été rehaussé à cet égard ; - elle s'est substituée à la société Geo PLC pour l'exécution d'une convention avec la société Saur et n'a consenti aucune renonciation à recettes ; - l'administration ne pouvait procéder à une reconstitution de recettes sans écarter la comptabilité, laquelle était probante ; - l'administration n'établit pas la disparition des passifs redressés ; - l'administration ne pouvait réintégrer le passif injustifié au titre de l'année 2014 dès lors qu'elle avait interrompu la prescription au titre de l'année 2013 ; - le compte Atteno est soldé au 31 décembre 2015 ; - le compte fournisseur divers au 31 décembre 2015 est de 724 598, 53 euros ; - les redressements en matière de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et en matière de revenus distribués sont contestés pour les mêmes motifs ; - les chèques imputés au compte fournisseur de la société Winsite avaient pour bénéficiaire la société Winsite ; - les décaissements par chèques effectués en 2015 pour un montant total de 12 141,62 euros, débités du compte 6044000, se rapportent à des règlements de notes de frais ; - le virement de 195 000 euros en date du 17/02/14 a pour bénéficiaire la société PI Indodata ; - la qualification de distribution occulte concernant ce virement est contestée ; - le virement en date du 27 février 2014 de 72 500 euros a été effectué au bénéfice de la société Investicijiu un Progresa ; - la qualification de distribution occulte concernant ce virement est contestée ; - les trois virements intervenus en mars 2014 pour un montant total de 480 000 euros ont pour bénéficiaire la société MH international ; - la qualification de distributions occultes concernant ces virements est contestée, même si cet engagement hors bilan n'a pas fait l'objet d'une comptabilisation ; - les pénalités pour manquement délibéré relatives au profit sur le Trésor ne sont ni justifiées ni motivées ; - les autres pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées. Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 août 2021 et 3 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés. Par ordonnance du 15 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - les conclusions de M. Segretain, rapporteur public, - et les observations de Me Pefanis, substituant Me Boudriot, représentant la SAS Partager La Croissance. Une note en délibéré, enregistrée le 13 novembre 2023, a été présentée pour la SAS Partager La Croissance. Considérant ce qui suit : 1. La SAS Partager La Croissance, qui exerce notamment une activité de conseil en organisation et de commercialisation de tous biens et services, dont la collecte et la cession de certificats d'économie d'énergie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. A l'issue de cette procédure, l'administration a établi, pour les années 2013, 2014 et 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur cet impôt et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, au titre de la période du 13 avril 2013 au 31 décembre 2015, une retenue à la source, assortis de majorations. La SAS Partager La Croissance relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge de ces impositions. Sur la régularité de la procédure d'imposition : En ce qui concerne la régularité de la procédure de vérification : 2. Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. (...) / L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. (...) / II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. (...) ". 3. La SAS Partager La Croissance soutient que le service vérificateur a procédé sans y être autorisé à des traitements informatiques, notamment sur le logiciel " Emmy " alors qu'elle avait choisi d'effectuer elle-même ces traitements, en application des dispositions précitées du b) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Le ministre fait toutefois valoir qu'en raison de contraintes techniques liées aux caractéristiques du logiciel comptable utilisé, la société s'est trouvée dans l'incapacité d'effectuer les traitements demandés par le service vérificateur et que dans ces conditions ce dernier a été amené, répondant favorablement à la proposition de la société, d'effectuer des traitements sur la base de documents qu'elle lui a remis. Si la société requérante fait valoir de son côté qu'elle n'a pas refusé d'effectuer des traitements sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible, elle ne conteste pas le fait que des fichiers ont été remis à l'administration à cette fin et n'établit pas avoir effectué les traitements dont s'agit. La seule circonstance que l'administration a, sur la base des fichiers qui lui ont été remis, procédé en dehors de l'entreprise, sans formuler de nouvelles demandes, à des traitements informatiques ne révèle par suite aucune méconnaissance des dispositions précitées. En ce qui concerne la régularité de la procédure de rectification : 4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article L. 11 du même livre : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre (...) d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". 5. Il résulte en premier lieu de l'instruction que la proposition de rectification en date du 13 décembre 2016 relative à l'année 2013 a donné lieu à des observations formulées le 10 février 2017, lesquelles ont fait l'objet d'une réponse aux observations du contribuable adressée le 25 septembre 2017. La société requérante ne soutient pas avoir été, au titre de l'année en cause, privée des garanties attachées à la mise en œuvre de la procédure contradictoire. Le moyen tiré de ce que la réponse à la proposition de rectification du 13 décembre 2016 a été adressée dans les délais est par suite dépourvu de portée. 6. En deuxième lieu, la société requérante fait valoir que suite à la proposition de rectification du 27 juillet 2017 relative aux années 2014 et 2015, elle a présenté dans le délai légal une demande de prorogation du délai de trente jours, de sorte que ses observations, qui ont été adressées le 27 septembre 2017, ont également été présentées dans le délai légal. Elle en déduit qu'en ne répondant pas à ses observations, l'administration l'a privée des garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire. Il résulte toutefois de l'instruction que la proposition de rectification en cause a été distribuée le 28 juillet 2017 à l'adresse de son siège social à Paris au 101 rue de Sèvres, ainsi qu'il ressort de l'accusé de réception sur laquelle figure le tampon de la société auprès de laquelle la société requérante était domiciliée. La réception du document en cause doit par suite être regardée comme établie à la date du 28 juillet, alors même que l'accusé de réception ne comporte pas de signature. La proposition de rectification a d'ailleurs été également distribuée à la même date place Edouard VII à Paris, adresse de l'établissement secondaire déclaré de la société requérante, ainsi que cela ressort du document postal produit au dossier qui indique une distribution au 28 juillet. La circonstance invoquée par la société requérante tirée de ce que ce document serait également revêtu d'un tampon en date du 31 juillet est dès lors dépourvue de portée à cet égard. La demande de prorogation, dont il est constant qu'elle a été adressée à l'administration le 29 août, soit après l'expiration du délai de 30 jours, était par suite tardive. L'administration a pu par suite à bon droit considérer que les redressements avaient été tacitement acceptés, se dispenser de répondre aux observations du contribuable, et mettre en recouvrement les impositions correspondantes dès le 15 septembre 2017, sans que puisse exercer une quelconque influence à cet égard le fait qu'elle a été reçue en entretien le 10 octobre 2017 par le chef de brigade. La procédure ayant été régulièrement suivie ainsi qu'il vient d'être dit, la société requérante ne saurait valablement soutenir qu'elle a été privée de la garantie liée à un débat oral et contradictoire et que l'administration aurait méconnu l'obligation de loyauté. Les doctrines invoquées sont relatives à la procédure d'imposition et ne sont, pour ce seul motif, pas invocables sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Sur le bien-fondé des redressements litigieux : En ce qui concerne la charge de la preuve : 7. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". 8. Ainsi qu'il a été dit au point 6., la SAS Partager La Croissance a présenté des observations après l'expiration du délai de trente jours qui lui était imparti à la suite de la notification de la proposition de rectification en date du 27 juillet 2017. Il suit de là que la société requérante doit être regardée comme ayant tacitement accepté les rectifications établies par l'administration au titre des années 2014 et 2015. Par voie de conséquence, il lui incombe d'établir le caractère exagéré des impositions correspondantes. En ce qui concerne la comptabilité : 9. Il résulte de l'instruction que contrairement à ce qui est soutenu, l'administration n'a procédé à aucune reconstitution de recettes mais s'est bornée à faire usage de son droit de rectifier les déclarations de résultats et de chiffre d'affaires souscrites par le contribuable, en identifiant notamment des insuffisances de chiffre d'affaires et de produits déclarés, des charges et de la taxe sur la valeur ajoutée déduites à tort et des écritures de passif injustifiées, toutes rectifications compatibles avec l'existence d'une comptabilité régulière. Il résulte en outre de l'instruction que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie, l'existence d'une comptabilité irrégulière n'est pas de nature à influer sur la charge de la preuve en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombant d'ailleurs, et en tout état de cause, à la société requérante en ce qui concerne les années 2014 et 2015 ainsi qu'il a été dit précédemment. Le moyen tiré de ce que la comptabilité de la société requérante serait régulière est par suite sans influence sur l'issue du litige. En ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée notifié au titre de l'année 2013 : 10. La SAS Partager La Croissance ne conteste pas le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée dont elle a fait l'objet au titre de cette période, mais fait valoir que la taxe sur la valeur ajoutée collectée non déclarée au titre de l'année 2013 doit être compensée à hauteur de 2 410 456 euros par la prise en compte d'une taxe déductible. Toutefois, elle n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément pour étayer le bien-fondé de la compensation dont elle se prévaut. En ce qui concerne le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les primes versées : 11. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) / IV. - 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels (...) sont considérés comme des prestations de services (...) ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". 12. Il résulte de l'instruction que la société requérante a notamment pour activité économique l'acquisition en vue de la revente de certificats d'économie d'énergie. Cette activité s'appuie sur des actions, organisées pour un certain nombre d'entre elles dans le cadre de partenariats avec des entreprises spécialisées dans la fourniture de matériaux de construction, d'incitation à la réalisation d'économies d'énergie par le versement de contributions financières ou de primes aux bénéficiaires de travaux. Le versement de ces primes a donné lieu de la part de certains de leurs bénéficiaires à des factures faisant mention de la taxe sur la valeur ajoutée, taxe que la société requérante a prise en compte au titre de sa propre taxe sur la valeur ajoutée déductible. La SAS Partager La Croissance soutient que l'activité qu'elle réalise correspond à une prestation de services et qu'à cette fin elle achète, par le versement de primes, des dossiers d'économies d'énergie, qui en constituent la matière première, sur la base de contrats et d'engagements pris par les partenaires ou bénéficiaires avant l'engagement des travaux, et qu'ainsi la prime entre dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, quel qu'en soit le bénéficiaire final. Il résulte toutefois de l'instruction que le versement de ces primes, qui a pour objet d'inciter directement ou indirectement un bénéficiaire à effectuer des travaux générateurs d'économies d'énergie, ne constitue pas la contrepartie directe et la rémunération d'une livraison de bien ou d'une prestation individualisable. La société requérante ne saurait utilement se prévaloir, à cet égard, des règles applicables aux subventions versées à des entreprises qui vendent des biens ou des prestations de services à des tiers. Dans ces conditions, les bénéficiaires des primes n'étaient en tout état de cause pas autorisés légalement à faire figurer de la taxe sur la valeur ajoutée sur les factures destinées à la société requérante. Cette dernière n'est donc pas fondée à prétendre à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur ces factures. En ce qui concerne les charges déduites du résultat imposable au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante : 13. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire / (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration. 14. D'autre part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ". Les dispositions de l'article 242 nonies A, devenues le I de cet article, de l'annexe II au code général des impôts précisent que : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client /(...)/ 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération ; (...)". 15. En premier lieu, il est constant que les factures établies par la société Easytarget et par la société Groupe Moniteur ne sont pas libellées au nom de la société requérante. Si cette dernière fait valoir que la facture émise par la société Easytarget correspond à des dépenses d'abonnement au logiciel Salesforce qu'elle utilise et que les factures Groupe Moniteur sont des dépenses de présentation au salon des mairies et des collectivités locales, elle n'apporte pas le moindre élément de nature à établir que ces dépenses ont été engagées dans le cadre de son activité. C'est donc à bon droit que l'administration a réintégré ces dépenses dans le résultat taxable et écarté la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. 16. En deuxième lieu, en se bornant à faire valoir, s'agissant des factures émises par les sociétés Idex et Eco Co2 que " la société entend se prévaloir de la refacturation par Geo-France des montants de certificats d'économie d'énergie ou de primes acquis, bien que le règlement en ait été fait directement à la société Idex ou Eco Co2 ", sans fournir de documents susceptibles d'éclairer la portée de ce moyen et d'en établir le bien-fondé, la société requérante ne met pas la Cour en mesure de constater que l'administration aurait à tort refusé les déductions de charges et de taxe sur la valeur ajoutée correspondantes. 17. En troisième lieu, le service vérificateur a remis en cause la déductibilité des sommes, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, se rapportant à des loyers payés par la SAS Partager La Croissance, correspondant à un contrat de sous-location avec la société CBRE Global Investor France, portant sur des locaux à usage de bureaux d'une superficie de plus de 900 m² et six places de stationnement situés 11 place Edouard VII à Paris ainsi qu'à la location d'emplacements de stationnement situés à la même adresse, loués à la Société Foncière Lyonnaise. Il résulte de l'instruction que la société requérante ne dispose pas de véhicule inscrit à son actif ni ne loue de véhicule, qu'elle n'emploie aucun salarié, qu'aucune charge d'assurance n'avait été comptabilisée au titre de ces locations et qu'aucun contrat d'assurance ne lui avait été communiqué. En se bornant à se prévaloir de ce que les locaux en cause servaient à entreposer ses archives et à recevoir sa clientèle et plus généralement à héberger ses services administratifs, sans produire le moindre document à l'appui de son moyen, la société n'établit pas l'utilisation desdits locaux à des fins professionnelles. L'intervention des agents du service vérificateur dans ces locaux, postérieure à cette période, ne saurait suffire à justifier d'une telle utilisation au cours de la période vérifiée. 18. En quatrième lieu, le service vérificateur a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur sept factures adressées par la société Geo France à la SAS Partager La Croissance, pour des montants de 5 074 149,60 euros en 2014 et 6 531 854 euros en 2015, ainsi que la déductibilité des résultats imposables des dépenses en cause pour des montants de 25 370 748 euros en 2014 et 32 659 270 euros en 2015, estimant que la nature et la réalité des prestations ainsi que l'adéquation du montant facturé avec la contrepartie retirée par la société requérante n'étaient pas justifiées et qu'il n'était pas établi que lesdites dépenses avaient été engagées en vue de la réalisation d'opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée. La SAS Partager La Croissance soutient que ces charges sont justifiées par les pièces qu'elle produit et qu'elle sont fondées dès lors qu'elles correspondent, d'une part, au coût des moyens matériels et humains nécessaires pour exercer son activité qui lui sont fournis par la société Geo France, qui assure directement le traitement des affaires ou indirectement par l'intermédiaire de ses différentes filiales, dans le cadre de conventions d'assistance, d'autre part, aux primes de certificats d'économie d'énergie traitées par la société Geo France pour son compte. 19. Il résulte d'une part de l'instruction que les factures qui portent sur de la " masse salariale " ne comportent aucun détail des prestations rendues. Si la société requérante justifie avoir été liée, durant les années en cause, aux sociétés Geo PLC et Geo France par des conventions d'assistance administrative et financière, lesdites conventions, au demeurant signées par la même personne représentant les différentes parties au contrat, prévoient que la rémunération due est déterminée par des bons de commande signés par les parties et les quatre bons de commande produits ne permettent aucun recoupement avec le montant facturé. La convention d'assistance et de prestations commerciales et marketing, également produite par la société requérante, n'est pas davantage de nature à justifier des montants facturés. Plus généralement, en se bornant à des considérations abstraites sur la nature de son activité et sur le recours nécessaire au personnel du groupe, et en établissant que des dossiers ont été réalisés pour l'obtention de certificats d'économie d'énergie, et en l'absence de tout élément permettant d'identifier les personnels concernés, leur temps de travail et la nature précise de leurs missions, la société requérante, à qui incombe la charge de la preuve et qui est en outre seule en mesure de le faire, n'établit pas la réalité et l'ampleur du recours à du personnel extérieur. Par suite, la société requérante ne conteste pas valablement les rehaussements notifiés à ce titre. Il résulte d'autre part de l'instruction que l'administration n'a pas remis en cause l'inscription en charges des factures GEO 151203 du 3 décembre 2105, GEO 151102 du 5 novembre 2015, GEO 150703 du 31 juillet 2015 ni la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. Par suite, les moyens relatifs à ces factures sont dépourvus de portée. En ce qui concerne le chiffre d'affaires non comptabilisé au titre de l'exercice 2013 : 20. Il résulte de l'instruction que la comparaison des données du compte individuel "Emmy " de la SAS Partager La Croissance avec les écritures comptables de cette société a fait apparaitre que celle-ci avait omis de comptabiliser le produit de la vente de certificats d'économie d'énergie à sa société mère, la société Geo PLC, pour un montant de 7 675 000 euros. La SAS Partager La Croissance soutient, ainsi qu'elle l'avait fait valoir lors de la vérification de comptabilité, que cette somme correspond à un remboursement de frais lui incombant qui ont été supportés au cours des exercices 2011 et 2012 par la société Geo PLC. En se bornant à faire valoir à nouveau, sans produire les pièces annoncées, que la somme perçue correspond à des remboursements de frais, elle n'apporte pas d'éléments permettant à la Cour d'apprécier le bien-fondé et la portée de son moyen. La circonstance que la vérification de la société Geo PLC n'ait donné lieu à aucun rehaussement et qu'aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée n'ait été effectué à ce titre à l'égard de la société requérante est à cet égard dépourvue de portée. L'administration a pu dès lors estimer à bon droit que la SAS Partager La Croissance avait omis d'inclure dans ses produits de l'exercice clos en 2013 la somme de 7 675 000 euros. En ce qui concerne la renonciation à recettes au titre de l'exercice clos en 2015 : 21. Le service vérificateur a constaté que l'examen du compte individuel " Emmy " de la SAS Partager La Croissance faisait apparaitre que celle-ci avait transféré à la société Saur, sans contrepartie, un volume de 39 835 162 kWh Cumac le 12 octobre 2015 et a estimé qu'une telle opération constituait un acte anormal de gestion correspondant à une renonciation à recettes d'un montant de 92 816 euros. La société requérante soutient que ce versement a été effectué sur le fondement de la convention de partenariat conclue le 24 juin 2011 entre la société Saur et la société Geo PLC, à laquelle elle s'est substituée en juillet 2011 pour l'exécution de cette convention, dont l'objet est de permettre la réalisation et la valorisation d'opérations d'économies d'énergie que la société Saur est susceptible de réaliser sur son patrimoine et qui permettait à cette dernière société d'obtenir le transfert à son profit par la société Geo PLC de certificats d'économie d'énergie. Toutefois, pas plus en appel qu'en première instance, la société requérante n'apporte la preuve de la substitution dont elle se prévaut, le courriel adressé par la société Saur à la société Geo PLC en mars 2013 n'en faisant pas mention. Le fait que la convention susmentionnée ait prévu une possibilité de substitution ne saurait valoir preuve que cette substitution est effectivement intervenue au profit de la société requérante. Il suit de là que l'administration a pu constater à bon droit l'existence d'une renonciation de recettes d'un montant de 92 816 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et procéder par voie de conséquence au rehaussement du chiffre d'affaires de la société requérante. En ce qui concerne le passif injustifié : 22. Le service vérificateur a constaté qu'au 1er janvier 2014 la SAS Partager La Croissance avait comptabilisé les sommes de 994 104,98 euros et 1 472 098,53 euros au passif de deux comptes fournisseurs. Il en a déduit, compte tenu de l'incapacité de la société requérante de justifier de cette dette malgré les demandes qui lui avaient été adressées, que le résultat imposable de l'exercice clos en 2014 devait être rehaussé de la somme de 2 466 203,40 euros. Il appartient en tout état de cause à la société requérante de justifier du bien-fondé de ses écritures de passif et l'intéressée ne saurait se dispenser de cette obligation en faisant valoir que l'administration n'établit pas la disparition des dettes ainsi comptabilisées. En outre, et contrairement à ce qui est soutenu, lors de la notification de la proposition de rectification en date du 27 juillet 2017, par laquelle l'administration a déterminé ce rehaussement, l'exercice clos en 2014 était le premier exercice non prescrit, quand bien même la proposition de rectification en date du 13 décembre 2016 avait interrompu la prescription en que ce qui concerne l'exercice clos en 2013, conformément à l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, pour des montants qui n'avaient pas été abandonnés dans l'intervalle entre les deux propositions de rectification. Il suit de là que l'administration a pu constater à bon droit l'existence d'un passif injustifié de 2 466 203,40 euros au titre de l'exercice clos en 2014, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de l'état du solde de certains comptes fournisseurs à la clôture de l'exercice 2015. Sur les pénalités : En ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts : 23. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ". 24. Le service vérificateur a relevé que la SAS Partager La Croissance ne lui avait pas communiqué l'identité du bénéficiaire réel de diverses dépenses que celle-ci avait engagées. En l'espèce, il résulte de l'instruction que par la proposition de rectification en date du 27 juillet 2017, la société requérante a été invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. Il résulte de ce qui est dit au point 6. qu'elle n'a communiqué à l'administration aucune réponse dans le délai de trente jours qui lui était imparti. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a mis à sa charge l'amende prévue par les dispositions précitées de l'article 1759 du code général des impôts. Si la société requérante soutient que les destinataires des chèques et virements par lesquels ces sommes ont été payées sont tous identifiés en citant à cet effet divers noms de particuliers et d'entreprises, un tel moyen est inopérant dès lors que les pénalités litigieuses trouvent leur fondement dans l'absence de réponse dans les délais à la demande formulée par l'administration en vertu des dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts. Le moyen tiré de ce que les sommes en cause ne sont pas constitutives de distributions occultes n'est en tout état de cause pas assorti des précisions et pièces permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé et la portée. En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré : 25. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". 26. Il résulte de ce qui précède que la société requérante avait procédé, pour des montants très importants et dans une proportion très importante, à une minoration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, et, à l'inverse, à des majorations importantes de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ainsi que de ses charges et, par ailleurs, n'avait pas comptabilisé une partie de son chiffre d'affaires tout en renonçant à certaines recettes sans contrepartie pour la société. La société requérante ne conteste pas utilement les pénalités pour manquement délibéré en reprenant les arguments développés précédemment et relatifs au bien-fondé de l'imposition qui ont été écartés précédemment. Par ailleurs, l'administration a motivé les pénalités appliquées au profit sur le Trésor en indiquant que ce dernier était la conséquence directe des omissions constaté en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Contrairement à ce qui est soutenu, l'administration à ce faisant suffisamment motivé et justifié les pénalités afférentes au profit sur le Trésor, lequel procède d'omissions volontaires, alors même que la société n'aurait pas volontairement omis de le soumettre à l'impôt. 27. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Partager La Croissance est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Partager La Croissance et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique). Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 7 2 N° 21PA02866
CETATEXT000048452234
J1_L_2023_11_00021PA05300
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452234.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 21PA05300, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
21PA05300
8ème chambre
plein contentieux
C
Mme MENASSEYRE
MARTIN
Mme Marie-Dominique JAYER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SA Clinique du Pré a demandé au tribunal administratif de Paris " d'annuler la saisie à tiers détenteur émise à son encontre le 12 mars 2021 au profit de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) d'un montant de 1 062,60 euros " et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui rembourser la somme de 1 062,60 euros assortie des frais de saisie de 72 euros et des intérêts légaux dus depuis le 18 mars 2021, date de blocage de la somme par sa banque. Par une ordonnance n° 2110763/6-1 du 21 septembre 2021, le président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er octobre 2021, la SA Clinique du Pré représentée par Me Martin, demande à la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 2110763 du 21 septembre 2021 du président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris ; 2°) " d'annuler la saisie à tiers détenteur du 12 mars 2021 émise par la direction spécialisée de finance publiques de l'AP-HP pour un montant de 1 062, 60 euros " et de condamner l'AP-HP à lui rembourser cette somme majorée des frais de saisie de 72 euros et des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2021 ; 3°) de mettre à la charge de l'AP - HP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'ordonnance est irrégulière en ce que, ainsi que le mentionnent les voies de recours figurant au recto de l'acte attaqué, le juge administratif est bien compétent pour connaître de sa demande dès lors que, si la saisie à tiers détenteur contestée concerne une créance non fiscale de l'AP-HP et relève des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, sa contestation porte sur le bien-fondé de la créance ; - avant l'instruction ministérielle publiée au bulletin officiel du 15 juin 2018, les actes de biologie médicale et d'anatomo-cytopathologie réalisés hors nomenclature ne pouvaient être refacturés aux établissements prescripteurs ; - en tout état de cause, sa qualité d'établissement demandeur n'est pas établie en l'absence de prescription médicale dûment signée par un médecin exerçant en son sein, de fiche d'envoi ou d'information par le laboratoire transmetteur du tarif des examens et d'accord préalable de sa part conformément à l'article R. 162-17 du code de la sécurité sociale ; - il s'en infère que la saisie à tiers détenteur est dépourvue de base légale et que les sommes prélevées doivent lui être remboursées. La requête a été communiquée à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris qui n'a pas produit de mémoire. Par une ordonnance du 21 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la santé publique ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. La société Clinique du Pré, établissement de santé privé à but lucratif, a notamment pour activité les soins de traitement du cancer par radiothérapie. Elle relève appel de l'ordonnance du 21 septembre 2021 par laquelle le président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la saisie à tiers détenteur diligentée à son encontre le 12 mars 2021 au bénéfice de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), pour une créance d'un montant total de 1 062,60 euros correspondant à la facturation d'actes d'anatomopathologie et de biologie hors nomenclature, ainsi que sa demande de condamnation de l'AP-HP à lui rembourser cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2021, outre les frais de saisie de 72 euros. Sur la régularité de l'ordonnance : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 6145-9 du code de la santé publique : " I.- Les créances des établissements publics de santé sont recouvrées selon les modalités définies aux articles L. 1611-5 et L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales (...) " et aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2019 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ". 4. Il ressort de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de santé est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances relève de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond. Il en résulte également que le bien-fondé d'une créance ne peut utilement être invoqué à l'appui de la contestation d'un acte de poursuites. 5. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de la demande introduite devant le tribunal par la société Clinique du Pré, assistée par un avocat, que cette demande, qui visait seulement la saisie administrative à tiers détenteur du 12 mars 2021 et non les titres de recettes qui l'ont précédée, était exclusivement dirigée contre un acte de poursuites émis pour le recouvrement de créances non fiscales de l'établissement public de santé AP - HP et ne pouvait, de ce fait, tendre qu'à la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées. 6. Même lorsqu'elle repose sur une critique, inopérante, du bien-fondé de la créance, une telle demande ressortit au contentieux du recouvrement. Dès lors, seul le juge de l'exécution est compétent pour en connaître au fond. Sont, à cet égard, indifférentes, tant les mentions figurant sur les voies de recours accompagnant la notification de l'acte attaqué, que la circonstance que le premier juge ait initié dans un premier une procédure de médiation. 7. En deuxième lieu, les conclusions de la requête tendent, à titre principal, à l'annulation de la saisie de 1 062,60 euros pratiquée sur le compte bancaire ouvert par la société Clinique du Pré dans les comptes de la Banque Populaire et, à titre accessoire de ces conclusions, à la demande de condamnation de l'AP-HP au remboursement de la somme de 1 062,60 euros assortie, par voie de conséquence, des frais bancaires de 72 euros causés par cette procédure de saisie et des intérêts légaux dus depuis le 18 mars 2021. En l'absence de toute référence à une faute ou à un préjudice, la clinique ne peut être regardée comme ayant entendu donner à sa demande de remboursement de frais bancaires le caractère d'une demande indemnitaire mettant en cause la responsabilité de l'AP-HP sur laquelle le juge administratif serait compétent pour se prononcer. Eu égard au caractère purement accessoire de ces conclusions, et à l'incompétence du juge administratif pour connaître des conclusions principales dirigées contre la saisie administrative à tiers détenteur émise par l'établissement public de santé en vue du recouvrement de frais d'actes, elles ne sauraient relever de la compétence de la juridiction administrative. 8. Dans ces conditions, la société Clinique du Pré n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Sur les frais du litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés par la société Clinique du Pré à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SA Clinique du Pré est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Clinique du Pré et à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, M-D JAYERLa présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA05300
CETATEXT000048452235
J1_L_2023_11_00021PA06233
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452235.xml
Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 21PA06233, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
21PA06233
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
SELARL REINHART MARVILLE TORRE
Mme Maguy FULLANA
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) Menarini Diagnostics France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe additionnelle à cette cotisation, des frais de gestion et de la retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013. Par un jugement n° 1912702/9 et n° 1912706/9 du 7 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 décembre 2021 et 19 septembre 2022, la SASU Menarini Diagnostics France, représentée par Me Olivier Goldstein, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 1912702/9 et n° 1912706/9 du 7 octobre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une insuffisance de motivation ; - les transactions qui la lient au groupe Menarini sont exclusives de tout transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts et l'administration ne peut s'immiscer dans la gestion de la société en l'absence d'acte anormal de gestion ; - pour le calcul des rehaussements, l'application de la médiane au détriment du premier intervalle interquartile n'est pas adaptée compte tenu de la situation du groupe et du contexte économique. Par deux mémoires en défense enregistrés les 21 février et 21 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 21 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Fullana, - les conclusions de M. Segretain, rapporteur public, - et les observations de Me Baccarani, substituant Me Goldstein, représentant la SASU Menarini Diagnostics France. Considérant ce qui suit : 1. La SASU Menarini Diagnostics France (AMDF), qui exerce une activité d'achat et de revente d'appareils et de produits de diagnostics dans le domaine de l'autodiagnostic et des laboratoires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 22 juin 2015 lui a été notifiée, l'administration estimant que la politique de prix pratiquée par le groupe dont elle fait partie conduisait à un transfert de bénéfices au profit de deux sociétés italiennes au sens de l'article 57 du code général des impôts. Au terme de la procédure, la société AMDF a été assujettie à des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et à une retenue à la source au titre des années 2011 à 2013 assortis des intérêts de retard et, pour la retenue à la source, de majorations. Par la présente requête, la société AMDF relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société requérante, ont statué aux points 6 à 13 du jugement attaqué sur le moyen tiré de l'absence d'un transfert indirect de bénéfices, en examinant notamment la situation économique et financière de la société AMDF, le contexte économique et technologique du marché du diagnostic, les difficultés étrangères au groupe alléguées par la requérante, la politique tarifaire pratiquée au sein du groupe, et non en se fondant sur la seule existence de pertes récurrentes. Les premiers juges se sont également prononcés sur le recours par l'administration à la méthode transactionnelle de la marge nette et la méthode du prix comparable pour procéder à la réintégration dans les bénéfices imposables de la rémunération que la société requérante aurait dû percevoir. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté. Sur le bien-fondé des impositions : 3. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. / (...) A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ". Ces dispositions instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France au profit de ces dernières, qui ne peut être utilement combattue par les entreprises imposables en France qu'à charge, pour elles, d'apporter la preuve que les avantages qu'elles ont consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à leur propre exploitation. En ce qui concerne l'existence d'un transfert indirect de bénéfices : 4. Il est constant que la société AMDF, créée en 2003, est détenue en totalité par la société Menarini France. Cette dernière est détenue par la société italienne A. Menarini Industrie Farmaceutiche Riunite SRL (Menarini IFR) à hauteur de 86,50 % de son capital, directement ou par l'intermédiaire de la filiale, la société A. Menarini Farmaceutica Internazionale (AMFI). La société AMDF exerce une activité d'achat et de revente d'appareils et de produits de diagnostics dans le domaine, d'une part, de l'autodiagnostic, consistant en la distribution de lecteurs de glycémie et la vente de consommables liés, branche dite " Check-up ", et d'autre part, des laboratoires consistant en la vente et l'installation de matériels dans les laboratoires, branche dite " Laboratoires ". Il est tout aussi constant que la société Menarini IFR assure le suivi de la création et du développement des produits nouveaux, que les produits que le groupe vend sont acquis auprès de sociétés tierces qui les fabriquent, que les contrats d'approvisionnement sont négociés au niveau du groupe pour l'ensemble des sociétés qui les distribuent en Europe, à l'exception de certains produits de la branche " Laboratoires " que la société AMDF achète directement auprès de sociétés tierces, et que la société italienne A. Menarini Diagnostics SRL (AMDI) sélectionne les produits qui sont distribués par les sociétés du groupe. Il résulte également de l'instruction que la société AMDF a pour activité fonctionnelle le développement de l'image de marque et des produits sur le marché français, qu'elle gère les commandes et leur suivi, le recouvrement et la facturation, qu'elle prend ainsi en charge la fonction logistique, commercialise les produits grâce à ses propres forces de vente et, depuis 2012, à l'aide également, contre rémunération, du personnel commercial de la société Menarini France pour l'activité " Check-up ". Du fait de ses fonctions, la société AMDF assume l'intégralité des risques de stocks, des délais de paiement et des créances douteuses, les risques de marché étant partagés pour leur part entre les sociétés AMDF et AMDI. La société italienne Menarini IFR a, quant à elle, la fonction d'entrepreneuse principale, celle-ci déterminant les orientations stratégiques du groupe et gérant la marque au niveau international. La société AMDF ne conteste pas exercer, ainsi que l'a relevé l'administration dans la proposition de rectification du 22 juin 2015, la fonction principale de distributeur du groupe Menarini en France, en dépit de la circonstance qu'elle acquiert une partie de ses produits directement auprès d'une société tierce pour la branche " Laboratoires ". 5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société AMDF réalise des pertes d'exploitation récurrentes depuis sa création en dépit de la rentabilité propre à chaque branche d'activité et quelle que soit l'évolution de son chiffre d'affaires, alors même qu'elle n'est plus en phase de pénétration du marché, comme elle le reconnaît elle-même dans le questionnaire sur sa politique de prix de transfert. Il est constant que la société AMDF a bénéficié d'importantes et régulières recapitalisations en nombre et en montant depuis sa création sous la forme d'abandon de créance de sommes en compte courant en contrepartie d'une augmentation de capital. Il résulte également de l'instruction que le groupe, au niveau consolidé, réalise d'importants bénéfices et dégage des taux de marge nette importants tout comme le fournisseur du groupe, la société AMDI. Si la société fait valoir en défense que la référence à la situation bénéficiaire du groupe est inexacte dans la mesure où la date de création des différentes entités diffère, que les fonctions et les risques supportés sont sensiblement différents et que le groupe exerce plusieurs activités dans le domaine pharmaceutique, de la médication hors prescription et du diagnostic, elle ne conteste pas sérieusement le fait qu'elle enregistre des pertes récurrentes dans un groupe dont les résultats sont positifs, quand bien même serait retenu au niveau du groupe le résultat net et non le résultat d'exploitation consolidé. Si la société AMDF fait également valoir que sa situation n'est pas isolée, que d'autres filiales de l'activité " Check-up " ont enregistré des résultats déficitaires durant les exercices en litige tandis que d'autres ont réalisé des résultats bénéficiaires, cette circonstance n'est pas de nature à exclure par principe, comme elle le soutient, l'existence d'une politique de transfert inadaptée. 6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les taux de marge brute sur les produits de la gamme G-IHCO, acquis auprès de la société Leica par la société AMDI et revendus à la société AMDF en vue de leur distribution par cette dernière sur le marché français sont très faibles par rapport aux autres produits commercialisés par la société AMDF et sont quasiment vendus à prix coûtant. L'administration a relevé que cette gamme de produits représentait néanmoins une part importante du chiffre d'affaires de la société requérante et que celle-ci n'avait aucun intérêt propre à la vente de ces produits et de les maintenir à un volume aussi important tandis que l'intérêt du groupe était lui indéniable, les contrats d'approvisionnement conclus avec le fournisseur tiers étant négociés au niveau du groupe pour l'ensemble des structures de distribution afin d'obtenir les marchandises au meilleur prix et assurer un débouché pour leur distribution. Si la société fait valoir que les bénéfices réalisés par la société AMDI proviennent très majoritairement de ses ventes sur le marché italien et non des ventes intragroupe, il résulte des propres chiffres produits par la société requérante que le taux de marge de la société AMDI sur les ventes intragroupe est positif. En outre, alors que la société AMDF a soutenu lors de la procédure de vérification de comptabilité que le prix des produits acquis auprès de la société AMDI et revendus sur le marché français était fixé selon la méthode du prix de revente, cette méthode, comme le relève l'administration, aurait dû lui permettre par essence de dégager un bénéfice sur ses ventes. Si la société requérante fait valoir désormais que la société AMDI réalise des pertes nettes sur ses ventes avec elle et qu'il aurait été en réalité recouru à une autre méthode basée sur des achats à prix fixe, la grille d'achat étant la même pour l'ensemble des filiales en charge de la distribution des produits sur le marché européen, et sur des prix de vente adaptés au marché local, elle ne produit aucun élément étayé de nature à appuyer ces allégations alors qu'elle a refusé de produire les contrats de distribution conclus au niveau du groupe. La société requérante ne peut davantage raisonnablement soutenir que les prix fixés entre AMDI et AMDF correspondent à des prix de pleine concurrence au motif qu'ils seraient également pratiqués avec les autres filiales du groupe, lesquelles sont également des entreprises liées. 7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les taux de marge nette de la société AMDF sont négatifs sur l'ensemble des produits qu'elle distribue, en dépit de la rentabilité propre à chaque branche, et qu'elle ne dégage aucun bénéfice. Il résulte de l'instruction que la marge nette négative constatée sur l'ensemble des produits s'explique essentiellement par un poste de dépenses " autres charges et charges externes " très élevé en proportion du chiffre d'affaires réalisé, le montant de ce poste associé à la somme des achats de marchandises revendues étant égal, voire supérieur certaines périodes, au chiffre d'affaires généré par la société AMDF. La société fait valoir qu'elle a procédé à des investissements significatifs pour conquérir des parts de marché et assurer la pérennité de son activité, qu'elle supporte des coûts directs et indirects importants notamment pour la promotion de la branche " Check-up ", laquelle est aussi assurée par la société Menarini France au titre d'un contrat de prestations de service qui a conduit, corrélativement, à une réduction significative de sa masse salariale qui n'a pas été prise en compte par l'administration. Toutefois, même en intégrant la diminution de la masse salariale, le poste " autres charges et charges externes " reste très élevé en proportion du chiffre d'affaires. La société requérante ne justifie par ailleurs pas de son intérêt propre à exposer de telles dépenses pour commercialiser des produits qui ne lui permettent pas de dégager un bénéfice alors qu'elle assure sans contrepartie la présence du groupe Menarini sur le marché français, y compris pour ses autres activités, ainsi qu'un débouché pour les produits achetés par les autres sociétés du groupe auprès de fournisseurs tiers à des conditions tarifaires négociées. 8. En quatrième lieu, la société soutient que ses pertes proviennent en réalité de difficultés économiques étrangères au groupe tenant, d'une part, aux difficultés liées à la revente des produits Leica pour la branche " Laboratoires " et, d'autre part, à l'environnement macro-économique défavorable et à la complexité du marché du diagnostic in vitro. Toutefois, s'agissant des difficultés liées aux produits Leica pour lesquels les marges brutes constatées sont particulièrement mauvaises et ne représentent qu'une partie de l'activité de la société AMDF, cette dernière a refusé de fournir les contrats d'approvisionnement conclus avec la société Leica par elle et au niveau du groupe. Si elle expose qu'elle a dû acquérir un stock de marchandises importants sans possibilité de le distribuer en totalité, une telle circonstance est sans incidence sur l'appréciation de la marge puisque l'administration n'a tenu compte que des achats revendus et non du stock. En outre, la société ne peut valablement recalculer la marge des ventes en intégrant rétrospectivement le prix de cession du fonds de commerce à la société Leica qui est intervenue postérieurement aux années en litige et qui, au demeurant, inclut pour sa valorisation des actifs corporels et incorporels sans lien direct avec le calcul de la marge brute. Enfin, s'agissant de la complexité du marché que la société présente comme en recomposition, caractérisé par des acteurs de taille importante, hautement concurrentiel, dans une industrie de la santé comportant de nombreuses contraintes réglementaires, ces difficultés concernent également les entreprises concurrentes ainsi que l'a relevé l'administration fiscale et cette dernière en a tenu compte dans son analyse de comparabilité en distinguant une période de 2007 à 2011 et une autre période de 2012 à 2013, sans que la société requérante n'en conteste la pertinence. 9. En dernier lieu, l'administration s'est également fondée, pour conclure à un transfert indirect de bénéfices, sur une étude de comparabilité avec un panel d'entreprises indépendantes mettant en évidence que le poste " autres charges et achats externes " représentait 13,04 % du chiffre d'affaires de ces sociétés contre 28 % à 43 % de celui de AMDF et que ces entreprises réalisaient toutes des marges nettes positives, à l'exception d'une entreprise qui, pour l'exercice 2011, justifiait d'une marge nette négative de 0,16%, tandis qu'AMDF a réalisé des marges nettes négatives entre 23,48 % et 33,96 % sur la même période. Les résultats globaux de la société AMDF étant déficitaires, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la branche " Laboratoires " aurait dû être exclue de cette étude. Par ailleurs, l'administration a sélectionné des entreprises actives, créées avant 2005 et ne pouvant plus être considérées, au même titre que la société AMDF, comme en phase de pénétration du marché et exerçant une activité similaire de commerce de gros via des critères tels que " laboratoire ", " diagnostic " et " médical " et portant principalement sur la distribution de produits, les entreprises ayant une activité de production, d'exportation ou de prestations de services trop importante ayant été exclues du panel. Ces entreprises étaient indépendantes sur les exercices vérifiés, y compris les sociétés Jasco et Pari Pulmoned, elles exerçaient dans le même secteur des activités comparables, sans être nécessairement strictement identiques et visaient le même type de public de sorte que la société requérante n'est pas non plus fondée à soutenir que les entreprises choisies n'auraient pas été comparables ou indépendantes. 10. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration, qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne se fonde pas sur la seule situation déficitaire de la société AMDF et ne peut être regardée comme s'étant immiscée de manière infondée dans la gestion de cette dernière, apporte la preuve qui lui incombe de l'existence de pratiques entrant dans le champ des dispositions de l'article 57 du code général des impôts et consistant en un transfert de bénéfices, d'une part, au profit de la société AMFI qui a procédé à des majorations des prix d'achat des produits de la gamme G-IHCO, et d'autre part au profit de Menarini IFR, concernant des dépenses importantes supportées par la société requérante au profit du groupe sans contreparties équivalentes. En ce qui concerne la détermination de la rémunération de pleine concurrence : 11. Il résulte de l'instruction que, pour procéder à la réintégration dans les bénéfices imposables des années 2011 à 2013 de la rémunération que la société AMDF aurait dû percevoir, l'administration a retenu deux méthodes de calcul. S'agissant des prix d'achat majorés sur la gamme G-IHCO, la méthode dite " du prix comparable sur le marché libre " a été utilisée pour réévaluer, en se basant plus précisément sur la gamme G-ECCH qui est la seule gamme de produits acquise auprès de la société AMDI et de fournisseurs tiers. Le taux de marge brute moyen réalisé sur cette gamme ressortant à 40,54 % sur la période 2007-2013, les prix des achats de marchandises de la société AMDF auprès de la société AMDI pour la gamme G-IHCO ont été ajustés en conséquence. L'administration a également appliqué la méthode transactionnelle de la marge nette pour calculer la juste rémunération globale de la société distributrice, en se basant sur une comparaison avec le panel de sociétés indépendantes. Elle a retenu comme taux la médiane de pleine concurrence du panel correspondant à des taux de marge nette de 3,60 % pour la période 2007-2011 et de 2,18 % pour la période 2012-2013. L'application de cette méthode a enfin été circonscrite par défalcation des résultats retenus au titre de l'application de la première méthode pour éviter une double imposition. 12. En premier lieu, s'agissant de l'application de la méthode du prix comparable, la société requérante critique la référence unique, à savoir la gamme de produits G-ECCH, à laquelle l'administration a recouru et qui, selon elle, ne représente pas un échantillon représentatif du marché pertinent permettant d'opérer une distribution statistique satisfaisante en application des préconisations de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Elle ajoute que l'administration n'a procédé à aucune analyse des facteurs de comparabilité en termes de produits, de volumes, d'analyse fonctionnelle et de marché et à aucun ajustement pour pallier le défaut de comparabilité alors que les spécificités des gammes G-ECCH et G-IHCO sont différentes. Toutefois, il est constant que l'administration a recouru au seul comparable interne correspondant à des produits acquis directement par la société auprès de fournisseurs tiers. En outre, il résulte de l'instruction que ces deux gammes de produits s'adressent à la même clientèle, dans le même secteur d'activité, que la gamme des produits G-IHCO représente une part de chiffre d'affaires au sein de la gamme G qui est suffisamment représentative, que la seule circonstance qu'il n'existe qu'une gamme de produits comparable ne la rend pas moins fiable en tant que telle et que la société requérante ne mentionne, par ailleurs, pas les ajustements qu'il serait opportun de réaliser. Enfin, la circonstance qu'un autre produit de la gamme, non acquis directement auprès d'un tiers et représentant une part très marginale du chiffre d'affaires, génère une marge brute moyenne inférieure à celle de la gamme G-IHCO n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la méthode employée par l'administration. 13. En deuxième lieu, s'agissant de l'application de la méthode transactionnelle de la marge nette, la société AMDF fait tout d'abord valoir que l'administration ne remet pas valablement en cause la méthode utilisée du prix de revente, qui a été validée par un cabinet indépendant et qui est préconisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques. Il résulte toutefois de l'instruction que la méthode du prix de revente, qui est certes préconisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques, n'est néanmoins pertinente que lorsque la marge permet de couvrir les frais de vente. Or, en l'espèce, cette marge est très faible voire négative et en tout état de cause, la société AMDF n'a pas fourni les contrats de commercialisation conclus au niveau du groupe afin d'étudier la répartition des coûts et des marges réalisés. À l'inverse, la méthode transactionnelle qui s'applique au niveau de la marge nette plutôt qu'à celui de la marge brute tient compte de l'ensemble des charges supportées par la société et permet ainsi d'examiner la rémunération globale de l'entreprise au regard des fonctions qu'elle assume et de l'intégralité de l'activité opérationnelle. Après avoir analysé les fonctions de distributeur de la société AMDF, l'administration pouvait valablement retenir le panel de sociétés comparables exerçant sur un marché similaire pour opérer une comparaison des marges nettes sur l'ensemble des activités de la société AMDF. Si comme le soutient la société requérante, certaines des entreprises du panel ont des chiffres d'affaires moindres ou au contraires plus élevés que le sien, il ne résulte pas de l'instruction que compte tenu des taux de marge nette comparés, leur prise en compte lui serait défavorable. En outre, si les deux sociétés ayant l'activité la plus éloignée de la requérante étaient exclues du panel, la médiane recalculée serait supérieure et serait donc défavorable à la société requérante. Enfin, la société requérante ne présente aucune alternative, se bornant à soutenir qu'aucun comparable externe n'est mobilisable. Par suite, la société AMDF n'est pas fondée à remettre en cause le bien-fondé de la méthode transactionnelle de la marge nette. 14. En dernier lieu, la société requérante demande à la Cour, à titre subsidiaire, qu'au lieu de la médiane qui a été retenue par l'administration pour déterminer l'intervalle de pleine concurrence, qui constitue la fourchette de prix acceptable, soit appliqué l'intervalle interquartile bas pour le calcul des rehaussements résultant de l'application de la méthode de la marge transactionnelle de la marge nette. Toutefois, d'une part l'administration a comparé la marge nette de la société avec la médiane interquartile du panel, éliminant ainsi les valeurs extrêmes et les risques d'erreur, et a retenu deux périodes différentes afin de tenir compte des difficultés conjoncturelles invoquées par la société. D'autre part, et en tout état de cause, la société ne justifie pas que l'application d'un intervalle interquartile bas serait plus appropriée pour le calcul des rehaussements. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de retenir l'intervalle interquartile bas pour le calcul desdits rehaussements. 15. Il résulte de tout ce qui précède que la société AMDF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Menarini Diagnostics France est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Menarini Diagnostics France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique). Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La rapporteure, M. FULLANA La présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA06233
CETATEXT000048452236
J1_L_2023_11_00022PA00292
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452236.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA00292, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA00292
8ème chambre
plein contentieux
C
Mme MENASSEYRE
TSOUDEROS
Mme Aude COLLET
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... D... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à leur verser la somme de 5 000 euros et de 15 000 euros chacune au titre de l'indemnisation de leur préjudice moral et d'affection, de 8 263,06 euros au titre des frais funéraires et de 3 000 euros au titre des souffrances endurées par Mme A... C... du fait de sa prise en charge par les services de l'hôpital Sainte-Périne. Par jugement n° 2102908/6-3 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à Mme D... et à Mme F... la somme totale de 5 653 euros en réparation des préjudices subis par leur mère et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 janvier et 20 juin 2022, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2102908 du 19 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la requête de première instance de Mme D... et Mme F.... Elle soutient que : - le lien de causalité entre l'irrégularité de l'alimentation de la patiente durant la période de confinement et le décès de Mme C... n'est pas établi ; - son état de santé était très précaire et son état physique a pu se dégrader du seul fait du retentissement psychique lié à la circonstance qu'à compter du début du confinement, elle n'a plus vu aucun membre de sa famille ; - c'est à tort que le tribunal a estimé que sa responsabilité était engagée alors que le personnel du service ne pouvait nullement pallier l'impossibilité pour les proches de Mme C... de continuer à apporter à celle-ci des repas qu'elle affectionnait, ni se substituer à eux pour obtenir de la patiente qu'elle s'alimente correctement ; - les établissements de santé se sont trouvés confrontés à une situation exceptionnelle avec la crise sanitaire due au coronavirus, qui a impliqué une adaptabilité et une très forte mobilisation des soignants et la suspension des visites imposée à compter du 11 mars 2020 par le gouvernement durant la première vague de pandémie ce qui a eu un retentissement sur les patients mais il serait injuste d'en faire supporter les conséquences néfastes sur le service public hospitalier. Par ordonnance du 7 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 juin 2022. Par une ordonnance du 22 juin 2022, le report de la clôture d'instruction a été fixée au 9 septembre 2022. Par un courrier du 14 mars 2023, Mme D... et Mme F... ont été mises en demeure de produire des observations en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... C..., née le 6 décembre 1933, a été hospitalisée à partir du 27 juillet 2018 en unité de soins de longue durée au sein de l'hôpital Sainte-Périne, dépendant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris en raison d'une perte d'autonomie due à une maladie de Parkinson évoluée avec dénutrition sévère. Une prise en charge diététique a été mise en place, permettant à la patiente de reprendre plus de cinq kilos durant son séjour dans cet établissement. Mme C... est décédée le 5 avril 2020, soit pendant la période du premier confinement lié à la pandémie de covid 19. Par courrier du 14 octobre 2020, Mme D... et Mme F..., filles de Mme C..., ont adressé une demande préalable d'indemnisation à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) laquelle leur a opposé une décision implicite de rejet. Par jugement n°2102908 du 19 novembre 2021, dont l'AP-HP relève appel, le tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à Mme D... et à Mme F..., conjointement, la somme totale de 5 653 euros en réparation des préjudices résultant tant pour leur mère que pour elles-mêmes de la désorganisation fautive du service et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2. Aux termes des dispositions l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ". 3. Il résulte de l'instruction que Mme C..., âgée de 86 ans au moment de son décès, était prise en charge depuis 20 mois au sein de l'établissement de santé Sainte-Périne et que, alors qu'elle avait un poids de 41,9 kilogrammes à son arrivée au sein de l'hôpital, dans un contexte de perte d'autonomie sur maladie de Parkinson évoluée avec troubles cognitifs et dénutrition sévères et troubles de la déglutition, le dernier relevé de poids effectué le 4 mars 2020 atteignait 46,40 kilogrammes. Son décès le 5 avril 2020 a été considéré comme étant survenu " sans pathologie intercurrente notable ". Par ailleurs, il ressort du compte-rendu d'hospitalisation que son entourage assurait une présence quasi quotidienne à ses côtés notamment autour des repas pour l'accompagner dans son alimentation et que durant la période de confinement et d'interdiction des visites, Mme D... a continué à apporter pour sa mère des déjeuners qu'elle déposait à l'accueil. Si l'hôpital Sainte-Périne indique que " la prise alimentaire était irrégulière " il précise avoir essayé de suppléer à la présence de la fille de Mme C... pendant les repas, et des contacts téléphoniques ont été organisés avec sa fille pour essayer de pallier l'absence de visites. Le compte-rendu ajoute que si le processus médical ayant conduit au décès de Mme C... n'a pas été clairement identifié, il est retenu qu'il est " très vraisemblable que le contexte inédit pour tous de l'épidémie et de la suspension des visites à l'hôpital, a eu un retentissement tant sur l'état de santé physique et psychique de Mme C..., que sur la disponibilité des équipes à reconsidérer sa prise en charge dans ce contexte ". Il ressort toutefois du même compte-rendu que le décès s'inscrit dans un processus pathologique caractérisé par une maladie de Parkinson très évoluée avec un état grabataire, une dénutrition sévère et des difficultés d'alimentation très importante, et qu'il ne saurait être exclu qu'une infection à covid asymptomatique ait eu lieu dans les jours précédant le décès. 4. Au vu de ces éléments, et alors que la cause du décès de Mme C... n'est pas établie, la seule circonstance qu'il soit survenu dans le mois qui a suivi les mesures de confinement interdisant le déplacement de toute personne hors de son domicile ne saurait suffire à démontrer qu'il serait imputable à une carence dans la prise en charge de la patiente par l'établissement hospitalier. Si les pièces du dossier font apparaître que l'accompagnement quotidien que ses filles assuraient auprès de Mme C... au moment de la prise de repas était devenu impossible du fait de ces mesures, et que cette rupture a inévitablement été préjudiciable à l'intéressée, ces éléments ne permettent pas de caractériser l'existence d'une faute qui aurait été commise dans l'organisation du service de l'hôpital Sainte-Périne et qui pourrait être regardée comme étant à l'origine du décès de Mme C... survenu le 5 avril 2020, alors que les établissements de santé devaient faire face à une situation exceptionnelle et inédite, sollicitant l'adaptabilité et une très forte mobilisation des soignants. 5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité de jugement, que l'AP-HP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, elle a été condamnée à verser à Mme D... et à Mme F... la somme totale de 5 653 euros en réparation des préjudices subis par leur mère et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit que, d'une part, le jugement attaqué doit être annulé et, d'autre part, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel les conclusions indemnitaires de Mme E... D... et Mme B... F... présentées en première instance doivent être rejetées en l'absence de faute établie dans la prise en charge, par les services de l'hôpital Sainte-Périne, de leur mère, Mme C..., de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2102908 du 19 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé. Article 2 : Les conclusions de la demande présentées par Mme D... et Mme F... devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à Mme E... D... et à Mme B... F.... Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00292
CETATEXT000048452237
J1_L_2023_11_00022PA01658
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452237.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA01658, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA01658
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
ICARD
Mme Marie-Dominique JAYER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au Conseil d'Etat, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Paris par ordonnance du 15 juillet 2021, d'annuler la décision du 13 novembre 2020 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de nomination en qualité de notaire dans un office à créer à la résidence de Quiberon, Chantemerle-sur-la-Soie, Cognac, Olonne-sur-Mer, Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Andernos-les-Bains, Arcachon, Pau, Vieux-Boucau-les-Bains, Cauterets, Saint-Jean-le-Vieux, Poullan-sur-Mer, La Turballe, Talmont-sur-Gironde, Sainte-Marie-de-Ré ou Tonnay-Boutonne, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 2 février 2021. Par une ordonnance n° 2115695/6-2 du 26 août 2021, la vice-présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire additionnel enregistrés les 11 avril 2022 et 24 juillet 2022, M. B... représentée par Me Icard, demande à la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 2115695 du 26 août 2021 de la vice-présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 13 novembre 2020 du garde des Sceaux, ministre de la justice ; 3°) d'enjoindre au garde des Sceaux, ministre de la justice de procéder au réexamen de sa demande sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - ses recours en première instance et en appel sont recevables ; - l'ordonnance attaquée est irrégulière, ne pouvait être prise au motif que sa demande était irrecevable, dès lors qu'une demande de régularisation aurait dû lui être adressée et qu'il a pu valablement motiver sa demande par référence à la lettre adressée le 5 octobre 2020 ; - la décision attaquée est entachée d'une inexacte qualification juridique de sa situation dès lors qu'il remplit les critères d'honorabilité exigés par l'article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ; - elle est également entachée d'une erreur de fait ; - elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le ministre de la justice ne pouvait pas porter une appréciation entre les demandeurs remplissant les conditions générales d'aptitude, lesquels disposent, en vertu de la loi, d'un égal droit à être nommé. Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2022, le garde des Sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient, à titre principal, que l'ordonnance attaquée est régulière et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 12 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; - le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ; - le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui sut : 1. Le 1er février 2019, à la suite de la publication par un arrêté du 3 décembre 2018 du garde des Sceaux, ministre de la justice d'une carte d'offices de notaires créés, M. B... a candidaté en vue de sa nomination dans l'un de seize d'entre eux. Sa candidature aux fins de nomination en qualité de titulaire de l'office notarial créé à la résidence de Rochefort a été tirée au sort en rang utile. Le 28 août 2020, le chef du bureau de gestion des officiers ministériels de la direction des affaires civiles et du sceau l'a informé qu'une décision de rejet de sa candidature était envisagée compte tenu de son comportement au sein d'un autre office ayant donné lieu à un jugement du 5 février 2013 du tribunal de grande instance de Saintes confirmé par un arrêt du 20 février 2014 de la cour d'appel de Poitiers, faisant état de manquements répétés de sa part à ses obligations professionnelles, révélant son inaptitude à exercer de façon normale ses fonctions et portant atteinte aux intérêts de ses clients. Un manquement à l'obligation d'honorabilité exigée par l'article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire a été, en outre, regardé comme caractérisé et comme faisant obstacle à sa nomination en qualité de titulaire d'un office notarial. Invité à présenter des observations, M. B... a adressé un courrier au bureau de gestion des officiers ministériels le 5 octobre suivant. Le 13 novembre 2020, ses demandes de nomination ont été rejetées par le garde des Sceaux, ministre de la justice. Le recours gracieux dirigé contre ce refus ayant été implicitement rejeté, M. B... a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'annulation des décisions du 13 novembre 2020 et portant rejet de recours gracieux. Cette demande a été transmise au tribunal administratif de Paris par ordonnance du 15 juillet 2021 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat. M. B... relève appel de l'ordonnance du 26 août 2021 par laquelle la vice-présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme irrecevable. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ". Aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". 3. Les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 précité permettent ainsi le rejet par ordonnance, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé après la production de ce mémoire, des requêtes qui, bien qu'assorties, avant l'expiration du délai de recours, d'un ou plusieurs moyens, ne peuvent qu'être rejetées, dès lors qu'il est manifeste qu'aucun des moyens qu'elles comportent n'est assorti des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. Une ordonnance rejetant une requête sur ce fondement, à la différence d'une ordonnance prise en vertu de l'article R. 411-1, la rejette comme non fondée et non comme irrecevable. 4. Il ressort des pièces du dossier que la requête adressée par le requérant au tribunal renvoyait aux observations de l'intéressé du 5 octobre 2020 faisant état de ce qu'il n'avait pas été sanctionné, de ce que les juges judiciaires avaient relevé son honnêteté et sa compétence mais nul manquement de sa part à ses obligations d'honneur et de probité. Toutefois, un requérant ne pouvant utilement critiquer une décision administrative en se bornant à renvoyer le juge aux écritures qu'il a présentées lors de la procédure contradictoire préalable à son adoption, une telle argumentation était inopérante ainsi que l'a d'ailleurs relevé le premier juge. Cependant, dès lors qu'une argumentation, même inopérante, était invoquée, la requête ne pouvait être regardée comme ne contenant l'exposé d'aucun moyen et, dès lors, irrecevable. Par suite, si la vice-présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris aurait pu rejeter la requête, comme non fondée, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, elle ne pouvait la rejeter comme irrecevable, sur celui du 4° du même article. Par suite, le requérant est, pour ce motif, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée. 5. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de M. B.... Sur les conclusions aux fins d'annulation : 6. Il ressort des pièces du dossier, qu'en cause d'appel, au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision litigieuse, M. B... invoque, en les assortissant désormais de précisons suffisantes, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de l'inexacte qualification juridique de sa situation au regard des critères d'honorabilité exigés par l'article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973. 7. Aux termes de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " I. - Les notaires (...) peuvent librement s'installer dans les zones où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services. / Ces zones sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l'économie, sur proposition de l'Autorité de la concurrence en application de l'article L. 462-4-1 du code de commerce. (...) / A cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l'offre de services, la création de nouveaux offices de notaire (...) apparaît utile. / (...) / II. Dans les zones mentionnées au I, lorsque le demandeur remplit les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommé en qualité de notaire (...), le ministre de la justice le nomme titulaire de l'office de notaire (...) créé. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa. ". Il résulte de ces dispositions qu'un notaire dont la candidature à nomination en tant que titulaire dans un office créé a été retenue conformément aux dispositions du décret du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels, dispose d'un droit à être nommé, sous réserve de souscrire aux conditions tenant notamment à l'honorabilité. 8. Aux termes de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire : " Nul ne peut être nommé notaire s'il ne remplit les conditions suivantes : (...) 2° N'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 49 du même décret : " Peuvent demander leur nomination sur un office à créer les personnes qui remplissent les conditions générales d'aptitude aux fonctions de notaire ". 9. Lorsqu'il vérifie le respect, par un candidat à nomination en qualité de titulaire d'un office notarial, de la condition tenant au fait de n'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité, il appartient ainsi au ministre de la justice d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si l'intéressé a commis des faits contraires à l'honneur et à la probité qui sont, compte tenu notamment de leur nature, de leur gravité, de leur ancienneté ainsi que du comportement postérieur de l'intéressé, susceptibles de justifier légalement un refus de nomination. 10. Il ressort des pièces du dossier qu'une procédure aux fins de démission d'office de M. B..., alors unique associé d'une société titulaire d'un office de notaire, a été mise en œuvre par le garde des Sceaux, ministre de la justice à compter du 17 octobre 2014. Cette procédure a été diligentée en conséquence d'un jugement du 5 février 2013, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 20 février 2014, par lequel le tribunal de grande instance de Saintes, se fondant notamment sur un rapport d'inspection de la chambre des notaires de la Charente-Maritime pour l'année 2012, a constaté l'inaptitude de l'officier public ministériel à assurer l'exercice normal de ses fonctions. La matérialité des faits opposés à l'intéressé par le garde des Sceaux, ministre de la justice avait également été regardée comme établie par la cour d'appel de Poitiers dans un précédent arrêt du 4 juillet 2013. Il résulte notamment de ces décisions du juge judiciaire qu'en percevant de manière injustifiée des émoluments de formalités et d'honoraires, en ne respectant pas des règles concernant l'exécution de formalités de dépôts des actes à la conservation des hypothèques -service de publicité foncière- à l'enregistrement, en étant déficient dans la gestion des comptes clients créditeurs et en ayant donné des procurations à son épouse au mépris des règles légales d'interdiction d'instrumenter, M. B... a manqué à ses obligations professionnelles et a porté atteinte aux intérêts de ses clients en conduisant son étude en état virtuel de cessation de paiement. Des comptes rendus d'inspection ont par ailleurs révélé que plus d'une centaine de clients de l'étude s'était plainte auprès des instances ordinales de carences et de manque de diligence de la part de M. B... dans le règlement de successions, avec parfois pour conséquence des pénalités infligées aux clients de l'étude par l'administration fiscale. De tels manquements ont perduré. Il résulte ainsi clairement des pièces du dossier que, si la procédure de démission d'office initiée fin 2014 n'a pas abouti, c'est au seul motif que dans ce contexte, le requérant avait demandé au garde des Sceaux son retrait de la société titulaire de l'office au sein duquel il exerçait, retrait qui a été accepté par arrêté du 25 novembre 2015. Il s'en infère que, M. B... pouvait être regardé comme ne présentant plus les garanties d'aptitude nécessaires au fonctionnement normal d'un office de notaire et ayant manqué à ses obligations professionnelles et déontologiques d'honneur et de probité, ce quand bien même aucune sanction disciplinaire n'a en définitive prononcée. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur de fait, de droit, de qualification juridique et d'appréciation des faits que le garde des Sceaux, ministre de la justice a refusé de le nommer dans l'office créé à la résidence de Rochefort. 11. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 13 novembre 2020 du garde des Sceaux, ministre de la justice. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles portant sur les frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : L'ordonnance n° 2115695 du 26 août 2021 de la vice-présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris est annulée. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, M-D JAYERLa présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA01658
CETATEXT000048452238
J1_L_2023_11_00022PA01858
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA01858, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
22PA01858
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
SCP AYACHE, SALAMA ET ASSOCIES
Mme Emmanuelle TOPIN
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions des 18 novembre 2019 et 27 décembre 2019 par lesquelles le comptable des finances publiques, responsable du pôle de recouvrement spécialisé parisien 2, a refusé de réaffecter la somme de 211 532,39 euros au paiement d'impositions devenues exigibles au titre des années 2009 et 2010. Par un jugement n° 2002774/2-2 du 21 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 avril 2022, M. A... représenté par Me Jacques Messeca et Me Albane Renard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2022 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) de prononcer l'annulation des décisions sollicitée devant ce tribunal ; 3°) de confirmer l'injonction de réaffectation de la somme de 211 532,39 euros, ou, à titre subsidiaire, de 163 960,51 euros, au paiement des impositions dues au titre des années 2009 et 2010, ou à défaut de prononcer le remboursement de cette somme assortie des intérêts moratoires ; 4°) de confirmer l'injonction de rembourser la différence entre la somme de 211 532,39 euros ou à défaut de 163 960,51 euros, et le montant des acomptes déjà payés au jour de l'ordonnance au titre des rehaussements d'impôts pour les années 2009 et 2010 ; 5°) de confirmer l'injonction de mainlevée des hypothèques légales afférentes à la dette relative aux impositions 2009 et 2010 ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs manifestes d'appréciations ; - les actes de poursuite concernant le paiement des rehaussements d'imposition au titre des années 2009 et 2010 portent atteinte à ses intérêts et droits fondamentaux ; - les sommes recouvrées au titre de l'année 2012 doivent être restituées en application de l'article R. 277-3-1 du livre des procédures fiscales ; - l'administration n'avait pas le pouvoir de refuser discrétionnairement la réaffectation sollicitée. Par un mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les conclusions à fin d'annulation sont irrecevables ; - les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables ; - les conclusions à fin de mainlevée des hypothèques sont présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2023. Par un courrier du 5 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation des décisions des 18 novembre 2019 et 27 décembre 2019, qui doivent être regardées comme tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 163 960,51 euros, en raison de la présentation de la réclamation préalable après l'expiration du délai de deux mois fixé à l'article R.* 281-3-1 du livre des procédures fiscales ou du délai raisonnable, qui ne saurait en principe excéder un an, courant à compter de la date à laquelle l'acte de poursuite a été notifié au requérant. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Topin, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale à l'issue duquel des rehaussements d'impositions sur le revenu et de cotisations sociales au titre des années 2009 et 2010 ont été mis en recouvrement. L'administration a poursuivi le recouvrement de ces impositions après le jugement du 13 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris rejetant leur recours tendant à leur décharge. A la suite d'un autre examen contradictoire de leur situation fiscale, l'administration a mis en recouvrement des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu, aux cotisations sociales et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre des années 2011 et 2012. L'administration a procédé par un avis à tiers détenteur du 3 novembre 2015 à la saisie d'une assurance vie pour un montant de 163 951,63 euros. M. et Mme A... ont par un courrier du 8 décembre 2015 sollicité la décharge de ces impositions au titre de 2011 et 2012 et sollicité le sursis de paiement. Par un courrier du 11 avril 2019, ils ont demandé à l'administration de réaffecter les sommes saisies au titre du paiement de ces impositions aux sommes dues au titre des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre des années 2009 et 2010. L'administration a refusé de faire droit à cette demande pour le montant saisi sur l'assurance vie par l'avis à tiers détenteur du 3 novembre 2015. Les contribuables ont réitéré leur demande par des lettres du 18 septembre et 11 décembre 2019, qui a été rejetée par des courriers des 18 novembre et 27 décembre 2019. Par un jugement du 21 février 2022, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions rejetant leur demande de réaffectation. 2. En premier lieu, M. A... doit être regardé, au regard de ses conclusions et des moyens à leur appui, comme demandant à être déchargé de l'obligation de payer la somme de 163 951,63 euros que l'administration a saisie par l'avis à tiers détenteur du 3 novembre 2015 en vue du paiement des impositions supplémentaires au titre de l'année 2012. 3. En second lieu, en vertu de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Selon l'article R. 281-3-1 du même livre, les réclamations préalables doivent, sous peine d'irrecevabilité, être présentées à l'administration dans un délai de deux mois à partir de la notification de tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ou du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif. Si la notification de la décision ne comporte pas les mentions prévues par l'article R. 421-5 du code de justice administrative ou si la preuve de la notification de cette décision n'est pas établie, le contribuable doit adresser sa réclamation dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle l'acte de poursuite lui a été notifié ou de celle à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, ce délai ne saurait excéder un an. 4. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables (...) d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité (...) ". Aux termes de l'article 118 de ce même décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité (...) En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause (...). / L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois (...). A défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée. ". Aux termes de l'article 119 de ce décret : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118. ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'accusé de réception comportant les mentions prévues par ces dernières dispositions, les délais de recours contentieux contre une décision implicite de rejet ne sont, en principe, pas opposables à son destinataire. 5. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 6. Il résulte de l'instruction que l'avis à tiers détenteur du 3 novembre 2015, qui avait pour objet de recouvrer les impositions supplémentaires au titre de 2012 et dont la copie produite au dossier ne mentionne pas les voies et délais de recours, a été notifié à M. et Mme A... le 7 novembre 2015 et que ces derniers ont formé, pour la première fois, par une lettre du 11 avril 2019 une demande de réaffectation de la somme saisie par cet avis au titre des impositions dues en 2012 sur les sommes dues au titres des impositions des années 2009 et 2010. Cette réclamation, qui visait à contester l'obligation de payer les suppléments d'imposition mis à leur charge au titre de 2012, objet de l'avis, a ainsi été formée au-delà du délai raisonnable d'un an. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre, les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer doivent être rejetées ainsi que par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La présidente-rapporteure, E. TOPINL'assesseur le plus ancien, F. MAGNARD Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA01858
CETATEXT000048452239
J1_L_2023_11_00022PA01904
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA01904, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA01904
8ème chambre
plein contentieux
C
Mme MENASSEYRE
DE BOISBOISSEL
Mme Aude COLLET
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SCI du 10 passage Lisa, Mme E... B... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à leur verser une indemnité de 115 118,50 euros en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi en raison des désordres affectant leur cabinet médical situé au 8 bis passage Lisa à Paris 11ème arrondissement. Par jugement n°s 1711208/5-1 et 1902597/5-1 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 avril et 16 novembre 2022, la SCI du 10 passage Lisa, Mme E... B... et Mme C... D..., représentées par Me de Boisboissel, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures : 1°) d'annuler le jugement n°s 1711208/5-1 et 1902597/5-1 du 11 mars 2022 du tribunal administratif de Paris en tant que leur demande a été rejetée ; 2°) de condamner, après avoir fixé à 70 % la quote-part de la responsabilité lui incombant, la ville de Paris à verser à la SCI du 10 passage Lisa la somme de 113 100,47 euros en réparation des préjudices subis en raison des désordres affectant le cabinet médical ; 3°) de condamner la ville de Paris à verser à Mmes D... et B... la somme de 10 920 euros en réparation du préjudice subi en raison de ces désordres ; 4°) de mettre à la charge de la ville de Paris à verser à la SCI du 10 passage Lisa la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 5°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 5 729,85 euros au titre des frais d'expertise et 70 % de la facture qui sera émise par le médiateur à verser à la SCI du 10 passage Lisa. Elles soutiennent que : - la responsabilité à hauteur de 70 % de la ville de Paris est engagée sans faute pour les désordres causés au cabinet médical en raison d'un dysfonctionnement de canalisations publiques ; - le lien de causalité direct et certain entre les défaillances des canalisations publiques et la survenance des désordres et de leur aggravation est établi ; - la SCI du 10 passage Lisa est fondée à solliciter la réparation intégrale des préjudices subis au titre des coûts induits par les travaux conservatoires et de remise en état ainsi que les pertes de loyers et les troubles subis ; - Mmes D... et B... sont fondées à solliciter une indemnisation intégrale des préjudices qu'elles ont subis au titre des troubles dans leurs conditions d'existence. Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2022, la ville de Paris, représentée par son maire, représenté par Me Phelip, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à un partage de responsabilité, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge solidaire de la SCI du 10 passage Lisa, de Mme B... et de Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. . Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI du 10 passage Lisa, Mme B... et Mme D... ne sont pas fondés et que les constatations de l'expert sont contredites par ses propres constatations, ou procèdent d'erreurs factuelles manifestes, alors que le regard incriminé n'est pas situé sur le domaine public mais dans la cour de la SCI, et que les dommages en cause trouvent leur origine dans les défectuosités de réseaux privatifs, aggravées par l'absence de fondations de l'immeuble et que les prétentions des requérantes sont excessives. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - les observations de Me de Boisboissel, avocat de la SCI du 10 passage Lisa, de Mme B... et de Mme D... ; - et les observations de Me Phelip, avocat de la ville de Paris. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., d'une part, et la société civile immobilière (SCI) du 10 passage Lisa et Mmes D... et B..., d'autre part, sont respectivement propriétaires d'une maison d'habitation et d'un cabinet médical situés au 8 bis et 10 passage Lisa à Paris 11ème arrondissement. Ils ont constaté la présence de plusieurs fissures dans leur propriété mitoyenne et, estimant que ces désordres trouvaient leur origine dans l'écoulement d'eaux pluviales hors des réseaux publics d'évacuation des eaux, ils ont sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris la désignation d'un expert, lequel a rendu son rapport le 10 octobre 2014. Ce dernier a considéré que l'obstruction d'une canalisation et la non étanchéité d'un regard situés tous deux sous la voie publique avaient provoqué des refoulements d'eau importants sur le terrain de la maison de M. A... et du cabinet médical, à l'origine du basculement de l'angle de la maison de M. A... et de l'apparition de nombreuses fissures sur les murs intérieurs et les façades des deux propriétés, et a imputé les dommages en résultant à hauteur de 70 % à la ville de Paris, 25 % à la SCI du 10 passage Lisa et 5 % à M. A.... Par courrier du 4 octobre 2018 reçu le 8 octobre suivant, et qui est demeuré sans réponse, la SCI du 10 passage Lisa et Mmes D... et B... ont demandé à la ville de Paris le versement d'une indemnité en réparation des désordres causés à leur immeuble. Par jugement n°s 1711208 et 1902597 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande d'indemnisation. La SCI du 10 passage Lisa et Mmes D... et B... doivent être regardées comme relevant appel de ce jugement en tant que leur demande enregistrée sous le n°1902597 a été rejetée et elles sollicitent notamment la condamnation de la ville de Paris à leur verser une indemnité de 113 100,47 euros pour la SCI du 10 passage Lisa et de 10 920 euros pour Mmes D... et B... en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis en raison des désordres affectant leur cabinet médical situé au 10 passage Lisa. Sur l'action en réparation : 2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable. 3. Il résulte de l'instruction que des fissures et un basculement de pignon ont été constatés sur les parties mitoyennes de la maison de M. A... et du cabinet médical de la SCI du 10 passage Lisa. L'expert désigné par le tribunal de grande instance de Paris a conclu dans son rapport rendu le 10 octobre 2014 que les désordres survenus dans les deux immeubles ont pour origine, d'une part, un défaut de fonctionnement de la canalisation publique située entre les deux regards qu'il a dénommés " R et R1 ", situés sous la voie publique, canalisation obstruée par une canette de boisson et par de la terre et, d'autre part, un mauvais état des canalisations privatives des propriétés de la SCI du 10 passage Lisa et de M. A.... Il a considéré que le défaut de fonctionnement de la canalisation publique a obligé les eaux pluviales arrivant au regard public R, dont une paroi était cassée, à trouver un autre chemin en étant refoulées dans le terrain sous la cuisine de M. A... jusqu'au cabinet médical. Ce cheminement des eaux pluviales a ainsi, selon lui, créé une cavité très importante entre les deux immeubles dont une partie des murs de refend se sont trouvés sur un vide auquel se sont ajoutées les arrivées d'eau provenant des canalisations privatives de la SCI du 10 passage Lisa et, dans une moindre mesure, de la canalisation privative de M. A.... Il a imputé les dommages en résultant à hauteur de 70 % à la ville de Paris, 25 % à la SCI du 10 passage Lisa et 5 % à M. A.... . 4. Selon le rapport d'expertise précité, le mauvais état de l'ensemble des canalisations enterrées de la SCI du 10 passage Lisa a contribué à la création de l'affouillement sous la maison de M. A... et d'une fissure circulaire constatée sur la canalisation enterrée sous la cuisine de M. A.... Ainsi, la note de l'expert du 19 juillet 2011 a relevé que dans la propriété de la SCI du 10 passage Lisa, deux canalisations en grès qui conduisent les eaux de la propriété vers le regard R1 sont raccordées sans aucun joint sur les éléments en PVC de ce regard et que le dernier tronçon de la canalisation en grès des eaux usées ne pénètre pas dans l'élément PVC de sorte que ces eaux usées se sont accumulées en partie dans le terrain juste devant le regard R1 ce qui explique l'affaissement de terrain sous les pavés derrière la grille. L'expert a également constaté la présence de deux cassures sur la dernière partie de cette canalisation des eaux usées posée directement sur la terre. Par ailleurs, s'agissant de la canalisation des eaux pluviales, il a relevé l'absence de joint au niveau de la jonction des deux éléments de fonte au niveau du sol, de sorte que les eaux pluviales pouvaient ressortir à cet endroit, et la présence, juste derrière la descente de cette canalisation, d'un fontis important semblant s'étendre sous les deux maisons sur une longueur de 1,60 mètre avec une hauteur du vide mesurée à l'entrée du fontis de 70 centimètres. Les photographies prises par le cabinet Érard en juillet 2011 montrent la présence d'un affouillement d'environ 50 centimètres de hauteur et d'environ 80 centimètres de profondeur sous la descente de la canalisation d'évacuation des eaux pluviales de la SCI du 10 passage Lisa ainsi que la présence de cassures ou de déboîtement total au milieu de la cour s'agissant des autres canalisations du cabinet médical qui fuient car elles sont devenues poreuses et qu'elles sont sectionnées. Ce cabinet a également constaté que la partie devant aller sous la grille et se connecter au réseau public avait disparu et que le siphon de sol ainsi que la canalisation privative étaient totalement obstrués. Ces éléments sont confirmés par le rapport technique du 26 mai 2011 et la note aux parties du 29 septembre 2011 adressée par l'expert, desquels il ressort que les canalisations situées sur les parties privatives n'étaient pas étanches et que ce défaut a conduit à un affouillement très important du terrain à l'origine des désordres constatés sur l'immeuble de M. A.... Il résulte, par ailleurs, s'agissant de la maison de M. A..., du rapport établi le 5 octobre 2011 par la société Lavillaugouet que lorsque la canalisation principale a été mise au jour, même si elle était en bon état, une fissure radiale a été localisée en aval de la culotte de raccordement des différentes vidanges de la cuisine. Les tests d'étanchéité réalisés n'ont montré aucune fuite sur la partie située dans la tranchée mais seulement des ruissellements au niveau des évacuations du WC et du lavabo, le caractère fuyard des canalisations apparentes en charge et la présence d'un suintement au droit du lavabo. Ces éléments permettent d'établir que la partie privative des canalisations de la propriété de la SCI du 10 passage Lisa et celles de M. A... était affectée de défectuosités qui pouvaient être à l'origine des fuites ayant entrainé les désordres litigieux. 5. S'agissant de la zone du regard R, se trouvant à proximité de la maison de M. A..., et du regard R1 situé dans la ruelle, ouvrages publics destinés à l'évacuation des eaux pluviales, l'expert a aussi constaté que la canalisation de départ de ces eaux pluviales du regard R en fonte était obstruée par de la terre et que son raccordement sur la canalisation PVC qui aboutit au regard R1 n'était pas conforme aux règles de l'art de sorte que ces regards et cette canalisation enterrée n'étaient, selon lui, pas étanches. L'expert affirme dans son rapport que les deux parois du regard R situées du côté des deux propriétés étaient soit cassées soit affaissées, constat présent aussi dans le rapport du 26 mai 2011 de la société Lavillaugouet indiquant qu'à l'ouverture du regard de visite, la maçonnerie est affaissée, de l'eau stagne au fond et le départ est vraisemblablement écrasé. Toutefois, dans son rapport du 7 avril 2014 faisant suite à la note de synthèse du 28 janvier 2014, le cabinet Érard, mandaté par la ville de Paris, indique qu'aucune cassure n'a été détectée sur les regards R et R1 en produisant plusieurs photographies prises en juillet 2011 venant étayer ses affirmations. Par ailleurs, l'expert a également relevé dans son rapport l'absence d'affaissement de terrain à l'aplomb du regard des eaux pluviales R alors même que la canalisation en fonte chargée d'évacuer ces eaux était complètement bouchée par de la terre et qu'à son extrémité, elle était obstruée par la présence d'une canette qui était enrobée de terre au niveau du raccordement sans joint avec la canalisation PVC qui rejoint le regard R1. Il en a déduit que les eaux pluviales du regard R ne pouvaient pas poursuivre leur chemin dans les égouts publics par cette canalisation bouchée et qu'elles ont ainsi cherché un autre chemin dans le terrain pour se répandre entre les propriétés du 8 bis et du 10 passage Lisa en passant sous la cuisine de M. A... et en créant un affouillement très important. Cette affirmation est toutefois contredite par le cabinet Érard qui a relevé l'absence de tout désordre de sol autour du regard R, l'absence d'affaissement et e cavité et la présence d'un sol sec, ce qui démontre selon ce rapport le caractère non fuyard de ce regard. Il a noté, par ailleurs, que les eaux de ruissellement et d'écoulement provenant des canalisations du cabinet médical se sont chargées en terre provenant de la SCI du 10 passage Lisa et les ont obstruées sans toutefois empêcher le passage des eaux pluviales du regard R vers le regard R1. Si l'expert indique que l'absence d'eau sous le regard R s'explique par l'existence d'un vide permettant à l'eau " d'aboutir directement au fontis et de poursuivre son chemin au-delà du fontis ", cette affirmation ne permet pas d'expliquer comment, dans ces conditions, le défaut d'étanchéité qu'il impute au regard R peut être à l'origine des affouillements en cause. Le rapport du cabinet Erard relève, par ailleurs, les nombreuses défectuosités des canalisations situées sur le réseau privatif du cabinet médical. Il souligne également la proximité immédiate entre les affouillements et les désordres provoqués par les fuites des réseaux privatifs, et souligne que les regards incriminés sont situés " largement en aval " du lieu des affouillements. Ces objections ne sont pas combattues de façon satisfaisante par le rapport d'expertise auquel se réfèrent les requérantes, lequel indique tout à la fois que les désordres trouvent leur origine dans le refoulement, rendu possible par des ouvertures sur les parois du regard R, des eaux pluviales arrivant au regard R et qui se seraient donc répandues entre les deux propriétés du 8 bis et du 10 passage Lisa, et que la création d'un vide permettant à l'eau d'emprunter un chemin plus direct explique simultanément l'absence d'eau sous le regard R. Au vu de ces éléments, une partie importante des conclusions du rapport de l'expert judiciaire désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris se trouve contredite par les pièces produites par la ville de Paris. Eu égard à ces contradictions, à l'absence d'explication satisfaisante tenant au mécanisme par lequel l'obstruction du réseau d'évacuation d'eau pluviales, située à distance des habitations, a pu être à l'origine des désordres incriminés, aux incertitudes affectant l'existence et l'étendue des défectuosités affectant le regard R et aux défectuosités avérées des canalisations et de la descente d'eaux pluviales de la SCI du 10 passage Lisa et des canalisations privatives de M. A..., la ville de Paris est fondée à soutenir que l'existence d'un lien de causalité direct entre les désordres survenus dans la propriété de la SCI du 10 passage Lisa et l'existence ou le fonctionnement des ouvrages publics dont elle a la garde n'est pas établie. 6. Il s'ensuit que la SCI du 10 passage Lisa, Mme B... et Mme D... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions indemnitaires ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à ce que les frais de médiateur soient mis à la charge de la ville de Paris ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la SCI du 10 passage Lisa la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SCI du 10 passage Lisa par application des mêmes dispositions à verser à la ville de Paris la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Sur les dépens : 8. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance d'appel, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SCI du 10 passage Lisa, de Mme B... et de Mme D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du 10 passage Lisa, à Mme E... B..., à Mme C... D... et à la ville de Paris. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA01904
CETATEXT000048452240
J1_L_2023_11_00022PA02386
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA02386, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02386
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
DLA PIPER FRANCE LLP
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une demande enregistrée sous le n° 1901594, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 1 de Seine-Saint-Denis a autorisé la société TNT Express France à procéder à son licenciement, ainsi que la décision implicite née le 8 janvier 2019 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision. Par une demande enregistrée sous le n° 1907260, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite rejetant son recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et autorisé son licenciement. Par un jugement n°s 1901594, 1907260 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande n° 1901594 et a rejeté la demande n° 1907260. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 24 mai 2022 et les 17 juillet et 4 août 2023, M. B..., représenté par Me Cittadini, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 ; 3°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 ; 4°) de mettre à la charge de la société FedEx Express FR la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : S'agissant de la régularité du jugement : - les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 ayant autorisé son licenciement, ainsi que la décision implicite née le 8 janvier 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique ne pouvaient être regardées comme privées d'objet dès lors que l'autorisation de procéder à son licenciement lui a porté préjudice ; en prononçant un non-lieu à statuer sur ces conclusions, le tribunal a méconnu son intérêt à agir et son droit à l'accès au juge ; - les comptes du groupe FEDEX ne lui ayant pas été communiqués, les premiers juges ne pouvaient pas fonder leur jugement sur ces pièces ; - le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés de ce que la ministre du travail était tenue de mener une enquête contradictoire et sa décision du 6 mai 2019 retirant sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique du salarié est tardive et, par suite, illégale ; S'agissant de la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 : - la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 retirant la décision implicite rejetant le recours hiérarchique du salarié est entachée d'illégalité dès lors qu'elle est intervenue après l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois, prévu par la jurisprudence Dame Cachet ; en outre, le retrait de la décision de l'inspecteur du travail n'est pas intervenu dans le délai fixé par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - la ministre du travail était tenue de procéder à une enquête contradictoire ; - la décision contestée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense en ce que la ministre du travail s'est fondée sur des éléments qui ne lui ont pas été communiqués, notamment les éléments comptables permettant de justifier de la situation financière de la société TNT Express National, et qui n'étaient pas joints à la demande de licenciement ; - il n'a pas été invité par la ministre du travail à présenter ses observations écrites, notamment sur les éléments comptables de la société, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail ; il n'a pas en outre été en mesure de présenter ses observations ; - la décision contestée est insuffisamment motivée quant au respect par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement ; - la ministre du travail n'a pas contrôlé, d'une part, si la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique formée par la société TNT Express National, immédiatement avant le transfert total de l'entreprise à effet du 1er septembre 2018, n'avait pas, en réalité, pour objet d'éluder l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail et, d'autre part, si l'obligation de reclassement avait été respectée au sein du groupe FEDEX ; - la ministre du travail n'a pas contrôlé la réalité du motif économique, notamment au regard de la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe ; - en l'absence de communication du registre unique du personnel, la ministre du travail n'a pas été en mesure d'opérer son contrôle sur l'ensemble des postes existants au sein de la société TNT Express National et des autres sociétés du groupe et, par suite, sur les différentes mesures, telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail qui auraient pu lui être proposées ; - elle ne pouvait légalement prendre en compte des éléments nouveaux intervenus postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail ; - la réalité du motif économique de la demande de licenciement n'est pas établie, notamment au regard du périmètre du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise dès lors notamment qu'aucun élément comptable relativement au groupe FEDEX n'a été communiqué à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement ; - la société TNT Express National n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement au sein de la société et des sociétés du groupe auquel elle appartient ; il n'a pas été retenu sur le poste de responsable de relais sur lequel il avait postulé alors qu'il occupait ce poste dans les faits depuis plusieurs mois dans le cadre d'avenants à son contrat de travail ; - la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat ; S'agissant de la décision de l'inspecteur du travail : - la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 ne s'étant pas substituée à la décision de l'inspecteur du travail, il a intérêt à agir contre cette décision qui lui fait grief ; - la demande d'autorisation de licenciement a été présentée par la directrice des ressources humaines acting qui ne justifie pas avoir reçu délégation de pouvoir ; - l'inspecteur du travail par intérim était territorialement incompétent, l'établissement dont il relevait étant situé dans le Val d'Oise ; en outre, le supérieur hiérarchique de l'inspecteur du travail qui a instruit son recours hiérarchique n'était lui-même pas compétent pour mener l'enquête contradictoire dans le cadre de ce recours ; - l'inspecteur du travail par intérim ne justifie pas de la décision lui confiant l'intérim ; par suite, il est incompétent pour prendre la décision contestée ; - la décision contestée n'est pas signée et est antidatée au 6 juillet 2017 ; dans ces conditions, du fait du défaut de cette formalité substantielle, elle n'existe pas juridiquement et ne peut produire d'effets de droit ; - l'inspecteur du travail a méconnu le principe du contradictoire ; - l'inspecteur du travail n'a pas contrôlé si la demande d'autorisation de licenciement n'avait pas en réalité pour objet d'éluder l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail ; - la réalité du motif économique de la demande de licenciement n'est pas établie ; - l'inspecteur du travail n'a pas contrôlé si la société TNT Express National a satisfait à son obligation de recherche de reclassement au sein du groupe auquel elle appartient ; - la société TNT Express National n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement au sein de la société et du groupe auquel elle appartient ; il n'a pas été retenu sur le poste de responsable de relais sur lequel il avait postulé alors qu'il occupait ce poste dans les faits depuis plusieurs mois dans le cadre d'avenants à son contrat de travail ; c'est le dernier poste occupé dans les faits qui doit être retenu pour apprécier le respect de l'obligation de reclassement ; - la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat ; - eu égard à la gravité des motifs d'illégalité dont est entachée la décision de l'inspecteur du travail dont certains ne pouvaient faire l'objet de régularisation, la ministre du travail ne pouvait légalement retirer sa décision implicite rejetant son recours hiérarchique et annulé la décision de l'inspecteur du travail ; - la ministre du travail ne pouvait pas, en tout état de cause, par sa décision du 6 mai 2018 autoriser son licenciement, cette compétence appartenant à l'inspecteur du travail ; en tout état de cause, l'expiration du délai imparti pour annuler la décision de l'inspecteur du travail a eu pour effet de priver la ministre du travail de sa compétence pour autoriser le licenciement. Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2023, la société FedEx Express FR, venant aux droits de la société TNT Express National, représentée par Me Danesi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 6 juillet 2018 et du 8 janvier 2019 ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 25 juillet 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête. Il se réfère à ses écritures de première instance. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du commerce ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Cardon, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. La société TNT Express National - devenue la société FedEx Express FR -, appartenant au groupe FEDEX, dont l'activité est le transport express de colis, de documents et de fret, a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour motif économique M. B..., recruté le 21 octobre 2002, occupant en dernier lieu le poste de chef d'équipe au sein de l'établissement de Bonneuil-en-France et exerçant le mandat de délégué syndical. Par une décision du 6 juillet 2018, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation sollicitée. Par un courrier du 4 septembre 2018, reçu le 7 septembre suivant, M. B... a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Par une décision du 6 mai 2019, la ministre du travail a retiré sa décision implicite née le 8 janvier 2019 rejetant le recours hiérarchique formé par M. B..., annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et autorisé le licenciement du salarié. Par un jugement du 28 mars 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique et a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une décision juridictionnelle rendue par lui-même ou par une autre juridiction qu'il n'y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable. Il en va toutefois différemment lorsque, faisant usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il joint les requêtes pour statuer par une même décision, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations. Dans cette hypothèse, toutes les parties concernées seront, en cas d'exercice d'une voie de recours, mises en cause et celle à laquelle un non-lieu a été opposé, mise à même de former, si elle le souhaite, un recours incident contre cette partie du dispositif du jugement. 3. A ce titre, lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière. 4. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal a été saisi parallèlement d'une première demande présentée par M. B... tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2018 de l'inspecteur du travail accordant à la société TNT Express France l'autorisation de procéder à son licenciement et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique formé contre cette décision et d'une seconde demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2019 de la ministre du travail retirant sa décision implicite rejetant son recours hiérarchique, annulant la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et autorisant son licenciement. Saisi de ces demandes présentées par le même requérant et qui présentaient à juger des questions semblables, le tribunal pouvait faire usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre ces procédures pour statuer par une seule décision. 5. Ayant procédé à la jonction des demandes présentées par M. B..., il appartenait au tribunal de se prononcer d'abord sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 prononçant le retrait de sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par M. B... et annulant la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018. Il ressort des points 9 à 26 du présent arrêt que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 n'est pas entachée d'illégalité et qu'ils ont rejeté, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision. Dans ces conditions, ils pouvaient, sans entacher leur jugement d'irrégularité, ni en tout état de cause méconnaître le droit d'accès au juge garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, juger que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et de la décision implicite de la ministre du travail née le 8 janvier 2019 qui avaient disparu de l'ordonnancement juridique, étaient devenues sans objet et, par suite, constater qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ces conclusions. 6. En deuxième lieu, il ressort du point 16 du jugement attaqué que les premiers juges ne se sont pas fondés sur les comptes consolidés du groupe Fedex pour estimer que la réalité du motif économique tiré de la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité invoqué à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement de M. B... était établie mais se sont bornés à relever qu'il ressortait des pièces du dossier que les comptes consolidés du groupe Fedex avaient été examinés par la ministre du travail qui a notamment retenu que le groupe Fedex présentait un résultat d'exploitation déficitaire de 20,4 millions d'euros sur l'exercice comptable 2016 et de 11 millions d'euros sur l'exercice comptable 2017 pour apprécier le motif tiré de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise au niveau du groupe. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal se serait fondé sur les comptes consolidés du groupe Fedex qu'il ne lui aurait pas communiqués. En outre, il ressort des pièces du dossier que le tribunal a communiqué à M. B... l'ensemble des mémoires et des pièces produits dans les procédures n° 1901594 et n° 1907260. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire par le tribunal doit être écarté. 7. En troisième et dernier lieu, il ressort, d'une part, des points 7 et 8 du jugement et, d'autre part, de ses points 9 et 10 que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par M. B..., ont répondu de manière suffisamment précise aux moyens tirés de la méconnaissance du caractère contradictoire de l'enquête par la ministre du travail et de ce que la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 serait entachée d'illégalité en ce qu'elle est intervenue après l'expiration du délai de deux mois courant à compter de la naissance de la décision implicite, créatrice de droit. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté. 8. Il ressort des points 2 à 7 que le jugement n'est pas entaché d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 6 mai 2019 : S'agissant de la légalité externe : 9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ". Aux termes de l'article R. 2422-1 du même code : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ". 10. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 2421-4 du code du travail que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, doit procéder à une enquête contradictoire. Le caractère contradictoire de l'enquête impose à l'autorité administrative que le salarié protégé puisse notamment être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande. Pour l'application de cette règle, le ministre chargé du travail, saisi d'un recours contre une décision relative au licenciement d'un salarié protégé sur le fondement de l'article R. 2422-1 du code du travail, doit, en application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, communiquer le recours au tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits, et recueillir ses observations. Si, en revanche, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que le ministre soit tenu de procéder à une enquête contradictoire au sens de l'article R. 2421-4 cité, il en va autrement lorsque l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire. 11. Il ressort des pièces du dossier que l'employeur, représenté par la responsable des ressources humaines, a été entendu par l'inspecteur du travail le 19 juin 2018. Le 25 juin 2018, M. B... a été reçu en entretien dans les locaux de l'inspection du travail. Pendant cet entretien, il a été informé de la teneur des échanges qui ont eu lieu avec son employeur, il a pu consulter l'ensemble des documents présents à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement et a été informé de la possibilité de présenter ses observations. Toutefois, l'inspecteur du travail a communiqué à M. B... les explications apportées par l'employeur sur les raisons pour lesquelles il n'a pas été retenu sur le poste de responsable relais situé sur le site de Tremblay-en-France le 5 juillet 2018, soit un jour seulement avant de prendre sa décision. Estimant que M. B... n'avait pas disposé d'un temps suffisant pour présenter ses observations, la ministre du travail a annulé la décision du 6 juillet 2018 de l'inspecteur du travail pour méconnaissance du principe du contradictoire. Dans ces conditions, la ministre du travail était tenue de reprendre l'enquête contradictoire. 12. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 21 septembre 2018, M. B... a été convoqué à un entretien avec le directeur adjoint du travail fixé au 12 octobre 2018. M. B... ainsi pu présenter ses observations orales. Cependant, la ministre du travail ayant été saisie d'un recours hiérarchique formé par M. B... lui-même, elle n'était pas tenue de l'inviter à présenter des observations écrites. Il appartenait à ce dernier, s'il l'estimait utile, de compléter son recours administratif par de nouvelles observations écrites. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations, ni que la ministre du travail aurait méconnu les obligations de l'enquête contradictoire prévue par les dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail. 13. En deuxième lieu, M. B... soutient que la ministre du travail se serait fondée sur des éléments comptables qui ne lui auraient pas été communiqués. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de l'inspecteur du travail établi le 22 octobre 2018 à la suite du recours hiérarchique, que l'ensemble des pièces recueillies pendant l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail ont pu être consultées par M. B... lors de son entretien le 25 juin 2018. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, qu'en dépit d'une référence aux comptes consolidés du groupe FEDEX dans sa décision, la ministre du travail s'est contentée de reprendre les termes de la demande d'autorisation de licenciement. Dans ces conditions, la ministre du travail n'a pas méconnu le principe du contradictoire en ne communiquant pas à M. B... les comptes consolidés du groupe FEDEX. 14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de décision ". Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ". 15. Il résulte des dispositions précitées que le rejet implicite du recours hiérarchique formé par le salarié contre une décision de l'inspecteur du travail, né du silence gardé pendant quatre mois par le ministre du travail, peut être retiré, si celui-ci est illégal, par une décision expresse du ministre prise dans un délai de quatre mois qui suit la naissance de cette décision implicite. Dans ce même délai de quatre mois, le ministre du travail peut également retirer la décision de l'inspecteur du travail, sous réserve de l'illégalité de cette décision, alors même que le délai de quatre mois à compter de la naissance de la décision de l'inspecteur du travail, prévu par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration est expiré. Il suit de là que la ministre du travail a pu légalement, par sa décision expresse du 6 mai 2019, retirer sa décision implicite née le 8 janvier 2019 et la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018, toutes deux entachées d'illégalité. 16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En outre, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail relatif à la motivation de la décision de l'inspecteur du travail à laquelle la décision du ministre s'est substituée : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ". 17. M. B... soutient que la décision de la ministre du travail est insuffisamment motivée quant au respect par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement. La décision contestée vise les articles L. 2411-3 et suivants du code du travail et indique que la recherche des possibilités de reclassement du salarié doit s'effectuer dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Elle mentionne que par courrier du 29 novembre 2017, l'employeur a adressé au salarié une liste de postes dont notamment deux postes de chef d'équipe, de même qualification, de coefficient et de rémunération équivalente et situés au sein de la société TNT Express France, le plus près possible de son domicile et de son ancien lieu de travail, l'un se trouvant sur le site de Tremblay-en-France et l'autre sur le site d'Alfortville et que M. B... n'a pas donné de suite à ces propositions. Dans ces conditions, alors que ces deux offres répondaient parfaitement aux exigences posées par l'article L. 1233-4 du code du travail et qu'en tout état de cause, la ministre du travail n'est pas tenue de mentionner l'ensemble des offres de reclassement proposées à l'intéressé, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles la ministre du travail s'est fondée pour estimer que l'employeur avait proposé à M. B... des postes de nature équivalente à son ancien poste et qu'il devait être regardé comme ayant satisfait à ses obligations en matière de reclassement. S'agissant de la légalité interne : 18. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :(...) 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; (...) /La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. /Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. /Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. /Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché. (...) ". 19. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié protégé d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. A cet égard, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, l'autorité administrative doit s'assurer du bien-fondé d'un tel motif, en appréciant la réalité de la menace pour la compétitivité de l'entreprise, le cas échéant, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe. 20. En premier lieu, la décision de l'inspecteur du travail accordant ou refusant l'autorisation de licencier un salarié protégé est soumise au contrôle hiérarchique dans les conditions du droit commun. Dans le cas où l'inspecteur a autorisé le licenciement, la décision ainsi prise, qui a créé des droits au profit de l'employeur intéressé, ne peut être annulée ou réformée par le ministre compétent que pour des motifs de légalité, compte tenu des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle s'est prononcé l'inspecteur du travail. 21. Il ressort des termes de la décision contestée, ainsi qu'il a déjà été dit au point 11, que la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif qu'en communiquant à M. B... les explications apportées par l'employeur sur les raisons pour lesquelles il n'avait pas été retenu sur le poste de responsable relais situé sur le site de Tremblay-en-France le 5 juillet 2018, soit un jour seulement avant de prendre sa décision, l'inspecteur du travail avait méconnu le principe du contradictoire. Dans ces conditions, la ministre du travail ne s'est pas fondée sur des éléments postérieurs à la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 pour apprécier sa légalité. 22. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande d'autorisation de licencier M. B... adressée à l'inspecteur du travail par la société TNT Express National et de la note sur le projet de réorganisation présentée devant le comité d'établissement Ile-de-France de la société TNT Express National en février 2017, que la société TNT Express National et le groupe Fedex auquel elle appartient exercent leurs activités dans le cadre du même secteur, celui de la livraison expresse de fret, colis et documents, et que ce secteur est très concurrentiel tant au niveau national que mondial. A la concurrence des opérateurs postaux nationaux ou régionaux et des transporteurs logisticiens historiques s'ajoute désormais celle des géants du e-commerce qui souhaitent contrôler leur logistique. Ce contexte très concurrentiel a entraîné une baisse des prix de vente moyens de la société TNT Express National et des autres sociétés du groupe Fedex, soit 13 % en moyenne depuis 2012, ce qui a eu des répercussions sur la rentabilité des sociétés. Au niveau national, dans son secteur historique de la livraison domestique interentreprises, la société TNT Express National a vu ses parts de marché diminuer en 2015. Par ailleurs, le développement du e-commerce du fait des achats des particuliers, exigeants en matière de prix et de maîtrise des conditions de livraison des envois, a pour conséquence une augmentation des volumes des colis (+9,5% entre 2015 et 2016) plus rapide que la valeur du marché (+6,5 % entre 2015 et 2016). Afin de maintenir leurs parts de marché, la société TNT Express National et les sociétés du groupe Fedex ont réduit les coûts de fonctionnement et élargi l'offre commerciale. La société TNT Express National a également décidé de moderniser ses outils et ses sites de production en investissant sur des sites mieux adaptés notamment en infrastructures de tri et davantage automatisés afin de gérer davantage de volumes. Ainsi, dans le cadre de cette réorganisation, la société TNT Express National a décidé de procéder au déménagement de cinq sites de production situés en Ile-de-France, dont celui de Bonneuil-en-France où travaillait M. B..., vers trois nouveaux sites, dont celui de Tremblay-en-France. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors qu'il n'appartient ni à la ministre du travail, ni au juge administratif, d'apprécier la pertinence des choix stratégiques de l'entreprise, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la ministre du travail, qui a exercé son contrôle sur la réalité du motif économique invoqué par l'employeur au regard de la situation de la société TNT Express National mais également au regard de la situation du groupe FEDEX, aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que la réorganisation décidée par la société TNT Express National s'avérait nécessaire afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Par suite, le moyen tiré de ce que le motif économique ne serait pas établi doit être écarté. 23. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel./ Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. /Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure./ L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. /Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". 24. M. B... soutient qu'il exerçait, dans les faits, les fonctions de responsable de relais et que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement au sein de la société TNT Express national et des sociétés du groupe FEDEX. Cependant, le requérant ne verse aux débats aucun élément permettant d'étayer l'affirmation selon laquelle il exerçait les fonctions de responsable de relais. Il ressort de l'avenant à son contrat de travail conclu le 1er octobre 2012 qu'il exerçait les fonctions de chef d'équipe. En outre, il ressort de la liste des offres de reclassement qui lui ont été proposées le 29 novembre 2017 par la société TNT Express national que les propositions de postes de chef de relais correspondaient à des postes de niveau supérieur au poste qu'il occupait et que la prise de fonction nécessitait une formation préalable. Dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme exerçant les fonctions de chef d'équipe et, par suite, le sérieux des offres de reclassement proposées par l'employeur doit être apprécié au regard de cet emploi. 25. Il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier du 29 novembre 2017, que la société TNT Express national a proposé à M. B..., parmi les nombreux postes mentionnés, quinze postes de chef d'équipe, dont deux postes de chef d'équipe, de mêmes qualifications, avec le même coefficient et la même rémunération que ceux de son ancien poste et situés à Tremblay-en-France, soit à une douzaine de kilomètres de son ancien lieu de travail de Bonneuil-en-France, ainsi qu'à Alfortville, c'est-à-dire le plus près possible de son domicile et de son ancien poste. M. B... n'a pas répondu à ces propositions. La société TNT Express national ayant proposé au salarié deux offres de reclassement sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupait assorti d'une rémunération équivalente, conformément aux exigences posées par l'article L. 1233-4 du code du travail, et situés très près de son ancien lieu de travail, la ministre du travail n'a pas méconnu la portée de son contrôle, ni commis d'erreur d'appréciation en estimant, au vu de ces deux seules offres de reclassement, et en tout état de cause sans solliciter la communication du registre unique du personnel, que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement. 26. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... était investi dans son mandat de délégué du personnel puis, à compter de 2015, dans celui de délégué syndical. Il a notamment participé à l'action collective portée en 2013 devant le conseil des prud'hommes et devant la cour d'appel de Versailles en vue d'obtenir le rappel de salaire dû au titre de l'accord sur la réduction des écarts de salaire de 2005 conclu lors des négociations annuelles obligatoires au titre de 2004 et 2005. M. B... soutient que depuis 2012, son employeur a porté atteinte à l'exercice de son mandat à de nombreuses reprises, notamment en ne le convoquant pas aux réunions, en particulier à la réunion au titre de la négociation annuelle obligatoire. Toutefois, il ne verse aucune pièce au soutien de ces allégations. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'exercice actif de son mandat serait en lien avec la mesure de licenciement. Le requérant se prévaut également de ce que son casier aurait été ouvert et vidé de son contenu en son absence et produit un courrier du 22 janvier 2018 adressé au chef du centre de Tremblay-en-France par lequel il demande à récupérer ses effets personnels. Toutefois, à supposer même que le casier de M. B... ait été vidé sans son autorisation du fait du déménagement du site de Bonneuil-en-France à celui de Tremblay-en-France, cette circonstance est insuffisante pour établir l'existence d'une discrimination à son égard en raison de l'exercice de son mandat. Par suite, l'administration, dont il ressort des pièces du dossier qu'elle a exercé son contrôle sur une éventuelle discrimination syndicale, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la demande d'autorisation de licenciement du salarié n'avait pas de lien avec son mandat représentatif. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant le recours hiérarchique : 27. Lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait ou de son annulation et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait ou l'annulation puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière. 28. Ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, les premiers juges, après avoir rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de M. B... et a annulé de manière rétroactive la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 accordant l'autorisation de le licencier, ont prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de première instance tendant à l'annulation de ces deux dernières décisions. Si M. B... persiste à demander en appel l'annulation de ces deux décisions, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 du présent arrêt qu'il n'est pas fondé à contester le non-lieu à statuer prononcé par le tribunal administratif sur ce point. En outre, il résulte des points 9 à 26 du présent arrêt que l'ensemble des moyens invoqués par M. B..., dirigés contre la décision 6 mai 2019, doivent être écartés. Les conclusions présentées par M. B... en appel, tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique, ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. 29. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique et a rejeté le surplus de sa demande Sur les frais liés à l'instance : 30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société FedEx Express FR, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme à la société FedEx Express FR sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la société FedEx Express FR présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société FedEx Express FR et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02386 2
CETATEXT000048452241
J1_L_2023_11_00022PA02508
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA02508, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02508
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
CABINET FIDAL
M. Franck MAGNARD
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de prononcer la décharge de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2016, et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur sa requête dans l'attente du traitement de la plainte pour escroquerie, abus de confiance et faux et usage de faux qu'il a déposée le 26 janvier 2021 auprès du procureur de la République de Paris à l'encontre de M. B... et de son avocat. Par un jugement n° 2102566/2-2 du 11 avril 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er juin et 18 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Alexandre Baux, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses. Il soutient que : - dès lors qu'il n'a pu avoir conscience qu'en 2019 de l'escroquerie dont il a fait l'objet, sa réclamation datant de 2020 est recevable ; - il n'a jamais reçu les sommes déclarées ; - il y a lieu de surseoir à statuer en l'attente de la décision du juge judiciaire relative à l'escroquerie dont il a fait l'objet. Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 2 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - les conclusions de M. Segretain, rapporteur public, - et les observations de Me Baux, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme A... ont été imposés à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2016 sur la base de leur déclaration réalisée le 6 juin 2017, laquelle indiquait la perception, en 2016, d'une somme de 770 000 euros correspondant aux intérêts des placements à revenu fixe encaissés au Royaume-Uni par l'intermédiaire de la société Global World New Invest Limited. L'imposition correspondante a été mise en recouvrement le 31 juillet 2017. Par une réclamation contentieuse adressée au service le 16 novembre 2020, M. A... a contesté cette imposition au motif qu'il avait été victime d'agissements frauduleux de la part de la société Global World New Invest Limited, représentée par M. B.... Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à ce que soit prononcée la décharge de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2016 et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur sa requête dans l'attente du traitement de sa plainte pour escroquerie par l'autorité judiciaire. 2. Aux termes de l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 ". Seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai ainsi prévu les événements qui sont de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition, soit dans son principe, soit dans son montant. 3. M. A... qui a déclaré le 6 juin 2017, au titre de ses revenus pour 2016, une somme de 770 000 euros, soutient avoir été victime d'une escroquerie de la part de M. B... et de M. D..., son avocat. Il fait valoir qu'en raison de cette escroquerie, il n'a pas perçu ladite somme correspondant aux gains attendus du placement du capital de 490 000 euros auprès de la société d'investissement Global World New Invest Limited, dont M. B... est le gérant, et, a en outre perdu le capital investi. Il soutient que cette escroquerie lui a été révélée à la lecture d'un courrier du 2 août 2019 de sa banque, la BNP Paribas, par lequel il a appris que, contrairement à ce que lui avaient assuré MM. B... et D..., la banque portugaise Bankinter SA n'avait jamais émis les virements de 150 000 et 170 000 euros qui lui étaient dus en avance de la somme totale de 770 000 euros oralement promise. Il soutient que le courrier du 2 août 2019 doit être regardé comme un événement au sens des dispositions précitées du c) de l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales de nature à ouvrir, à compter de cette date, le délai de réclamation, lequel expire par suite le 31 décembre 2021, et non le 31 décembre 2019 en application du a) du même article comme le soutient l'administration fiscale en défense. 4. L'événement de nature à fonder l'ouverture du délai de recours à ce titre ne saurait être constitué par la découverte de la fraude dont M. A... soutient avoir été victime, mais par la seule constatation de l'absence de perception de la somme de 770 000 euros en cause. Or, il résulte de l'instruction, que M. A..., qui avait déclaré en 2017 la somme de 770 000 euros, sur la simple base, selon ses propres dires, d'une information orale relative à une promesse de versement, a été informé, dès le 30 novembre 2017, de l'absence de réception, par sa banque, du virement des sommes de 150 000 euros et 170 000 euros censées en représenter une avance. M. A... à qui il était loisible, dans ces circonstances, d'engager, par lui-même, dès l'année 2017, des démarches auprès de la banque Bankinter SA afin de s'assurer que les virements avaient bien été émis, non seulement n'avait en 2017 aucun indice sérieux relatif à la matérialité de ces virements, mais disposait au contraire des éléments de nature à en remettre en cause leur existence. Il était d'ailleurs ainsi en mesure dès l'année 2017, ayant constaté qu'il n'avait pas perçu la somme déclarée au titre de ses revenus 2016, de former une réclamation auprès de l'administration fiscale pour faire modifier sa déclaration. Le courrier du 2 août 2019 par lequel la BNP Paribas l'a informé que la banque Bankinter SA lui avait signalé ne pas avoir émis les virements ne saurait en conséquence constituer un événement au sens des dispositions précitées du c) de l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales de nature à ouvrir, à compter de cette date, le délai de réclamation. Par suite, dès lors que M. A... n'a adressé sa réclamation contentieuse que le 16 décembre 2020, soit à une date postérieure à la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle, sa réclamation était tardive et par suite irrecevable. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de sursoir à statuer, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02508 2
CETATEXT000048452242
J1_L_2023_11_00022PA02550
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452242.xml
Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA02550, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02550
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
SELARL GROUPAVOCATS
M. Franck MAGNARD
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Pacific Press a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française : 1°) à titre principal, de prononcer la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 85 330 319 F CFP dont elle bénéficiait au 1er janvier 2020 ; 2°) à titre subsidiaire, de dire que le crédit de taxe sur la valeur ajoutée reportable après contrôle s'élève à la somme de 35 076 405 F CFP ; 3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 250 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2100204 du 1er mars 2022, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin et 4 novembre 2022, la société Pacific Press, représentée par Me François Quinquis, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 1er mars 2022 ; 2°) de prononcer la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 85 330 319 F CFP dont elle bénéficiait au 1er janvier 2020 ; 3°) de mettre à la charge de la Polynésie française les dépens et une somme de 300 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - les travaux d'impression doivent être regardés comme des opérations de façon de publications de presse au sens de l'article Lp 342-3 du code des impôts ; - la loi métropolitaine telle qu'elle a été interprétée par la doctrine administrative admet l'application du taux réduit pour les opérations de façon ; - les opérations d'impression et de vente forment une opération complexe unique relevant du taux réduit, même si elles sont effectuées par des opérateurs distincts ; - l'opération d'impression constitue une opération accessoire de l'opération de vente qui n'a pas de caractère facultatif ; - l'opération unique procède de l'absence de lien entre celui qui réalise l'opération accessoire et l'acquéreur final ; - elle réalise des prestations accessoires à des publications de presse et non des supports de presse. Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2022, la Polynésie française, représentée par Me Gilles Jourdainne et Me Vasanthi Daviles-Estines conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 5 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - le code des impôts de la Polynésie française ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La Société Pacific Press, qui exerce une activité d'imprimerie et de reprographie consistant en l'impression des périodiques Tahiti Info, la Dépêche et Tiki Mag, qui a sollicité le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 100 976 063 F CFP, a fait l'objet le 19 octobre 2020 d'une proposition de rectification visant à appliquer le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 16 % au lieu de celui de 5 % dont la société estimait bénéficier en qualité d'éditeur de presse. La société Pacific Press relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande de restitution du crédit de TVA de 85 330 319 F CFP dont elle s'estime titulaire au titre du premier trimestre 2020 en raison de l'application du taux de 5 %. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société requérante à l'appui de ses moyens, ont statué sur le moyen tiré de ce que l'opération d'impression d'une publication de presse est indissociable de, et accessoire à, l'opération de publication et relève en conséquence du taux de taxe sur la valeur ajoutée réduit de 5 % dans le cadre d'une opération complexe unique. La société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé. Sur le bien-fondé de la demande de restitution : 3. Aux termes de l'article LP. 341-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Lorsque plusieurs produits ou services sont passibles de taux différents mais sont vendus sous un prix global, chacun doit être soumis à l'imposition à raison de son prix et au taux qui lui est propre ". Aux termes de l'article 342-1 du même code : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 16 % (...) ". Aux termes de l'article LP. 342-3 du même code, dans sa version applicable à l'espèce : " Le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 5 %. (...) / I - Le taux réduit s'applique aux opérations d'importation, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : 6°) publications de presse satisfaisant aux obligations de la loi sur la presse et ayant un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée : instruction, éducation, information, récréation du public ". 4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Pacific Press exerce une activité d'imprimerie, consistant en des travaux d'impression de journaux de presse et de livraison de ces produits notamment à sa cliente, la société " Fenua communication ", laquelle exerce une activité d'éditeur et de publication de presse au sens du 6°) de l'article LP. 342-3 du code des impôts précité. Les travaux d'impression, qui ne sont pas réalisés à partir des matériaux fournis par le client, ne sauraient être regardés comme des opérations de façon de publications de presse au sens de l'article LP. 342-3 du code des impôts. La circonstance que la doctrine administrative applicable en métropole admet, en ce qui concerne les livres, l'application du taux réduit aux opérations de façon et considère, à cet effet, l'impression comme une opération de façon, ne saurait être valablement invoquée, s'agissant de la mise en œuvre des dispositions de l'article LP. 342-3 du code des impôts de la Polynésie française. 5. En second lieu, les travaux d'impression, qui sont réalisés au bénéfice de l'éditeur du journal pour l'exercice de sa propre activité et non au bénéfice de l'acquéreur final, ne sauraient être regardés comme des opérations accessoires de l'opération de publication, alors même qu'ils conditionnent cette opération et que leur coût est pris en compte dans le prix payé par l'acheteur du journal. Ils ne sont par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, pas taxables au taux réduit dans le cadre d'une opération complexe unique. La seule circonstance qu'il n'existe pas de lien contractuel entre l'imprimeur et l'acquéreur final ne saurait suffire à constater l'existence d'une opération unique regroupant la publication du journal et les opérations matérielles réalisées en amont. 6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la Polynésie française tendant à l'application de ces dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Pacific Press est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pacific Press et à la Polynésie française. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, président, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02550 2
CETATEXT000048452243
J1_L_2023_11_00022PA02627
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452243.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA02627, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02627
8ème chambre
plein contentieux
C
Mme MENASSEYRE
S.E.L.A.F.A. CABINET CASSEL
Mme Aude COLLET
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé, suite à la demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, de lui verser une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité et de condamner l'Etat à lui verser cette somme. Par ordonnance du 10 juillet 2019, le président du tribunal administratif de Melun a transmis le dossier de la requête au tribunal administratif de Paris. Par jugement n° 1914709/5-3 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 juin 2022, M. B..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1914709 du 18 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé, suite à la demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, de lui verser une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité ; 3°) de condamner le ministre des armées à lui verser la somme de 21 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé le retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité, somme assortie des intérêts légaux à compter de la date de sa demande préalable ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal s'est mépris sur ses conclusions dès lors qu'il n'a pas attaqué une décision implicite de rejet de la commission de recours des militaires mais une décision expresse de rejet du 18 mai 2017 prise par le président de cette commission ; - dès lors que la décision attaquée du 18 mai 2017 ne mentionnait pas les voies et délais de recours, ces derniers ne lui étaient pas opposables de sorte que c'est à tort que le jugement attaqué lui a opposé une forclusion ; - le président de la commission de recours des militaires a entaché son ordonnance rejetant son recours pour incompétence d'une erreur de droit dès lors que la commission était compétente pour se prononcer sur sa demande ; - le retard mis par le ministre de la défense pour traiter sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité constitue une carence fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; - ce retard lui a causé un préjudice financier en raison des difficultés qu'il a rencontrées pour rembourser un crédit bancaire qu'il évalue à 1 000 euros ; - il lui a causé un préjudice moral qu'il évalue à 20 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé de faire droit à sa demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, tendant au versement d'une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard fautif avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité, et de condamner l'Etat à lui verser cette somme. Par jugement n° 1914709 du 18 mai 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande au motif qu'elle était tardive. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 de ce code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable. 3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 4. Ce délai raisonnable est opposable au destinataire de la décision lorsqu'il saisit une juridiction incompétente, alors que la juridiction administrative était compétente, dès lors qu'il a introduit cette instance avant son expiration. Ce requérant est ensuite recevable à saisir la juridiction administrative jusqu'au terme d'un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction saisie s'est, de manière irrévocable, déclarée incompétente. 5. M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires des Hauts-de-Seine le 7 juin 2017 d'une contestation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des armées sur sa demande d'indemnisation préalable, décision implicite à laquelle s'est postérieurement substituée la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre le refus implicite de réparer les préjudices résultant pour lui du retard fautif avec lequel lui a été concédée sa pension militaire d'invalidité. Par jugement du 28 novembre 2017, ce tribunal s'est déclaré incompétent et l'a renvoyé à mieux se pourvoir. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Melun le 27 février 2018. Pour juger que sa requête était tardive, les premiers juges ont considéré que le tribunal avait été saisi plus de deux mois après la notification du jugement du tribunal des pensions des Hauts-de-Seine, intervenue selon eux le 28 novembre 2017. En se bornant à soutenir qu'en l'absence de mention des voies et délais de recours dans la décision du 18 mai 2017 précitée, aucun délai de recours ne lui était opposable, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, en cas de saisine d'une juridiction incompétente, le justiciable dispose d'un délai de deux mois à la suite de la décision par laquelle le premier juge qu'il a saisi s'est déclaré incompétent pour connaître de ce recours pour former un recours contre une décision administrative non assortie de la mention des voies et délais de recours, M. B... ne conteste pas utilement la forclusion qui lui a été opposée par le tribunal administratif de Paris. 6. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02627
CETATEXT000048452244
J1_L_2023_11_00022PA02854
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452244.xml
Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA02854, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02854
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
TETZLAFF
M. Franck MAGNARD
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme B... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015. Par un jugement n° 1809519/2 du 21 avril 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ces demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juin et 28 octobre 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Alain Tetzlaff, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 21 avril 2022 du Tribunal administratif de Melun ; 2°) de prononcer la décharge et la restitution, assortie des intérêts de droit des impositions litigieuses ; 3°) d'ordonner l'application du système du quotient prévu à l'article 163-0 A du code général des impôts à leurs revenus exceptionnels imposés initialement au titre de l'année 2015. Ils soutiennent que : - en sa qualité de membre du groupe familial du dirigeant des sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière ", Mme B... était en droit de bénéficier, sur le fondement de l'instruction 5 C-1-07 du 22 janvier 2007, au même titre que son époux qui était le dirigeant en droit de ces sociétés, des abattements remis en cause par le service ; - Mme B... doit être regardée comme ayant été dirigeante des sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière " ; - l'administration ne peut exiger rétroactivement que Mme B... respecte des conditions qui n'étaient pas exigées par la doctrine administrative entre 2010 et 2015 ; - une telle exigence est contraire aux dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et à la volonté du législateur de favoriser les transmissions d'entreprise ; - le changement en 2015 de l'interprétation administrative des dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, qui est plus restrictive que celle résultant de l'instruction 5 C-1-07 du 22 janvier 2007, encore applicable jusqu'au 14 octobre 2014, méconnaît le principe d'égalité devant la loi ainsi que le principe d'égalité devant les charges publiques ; - ils doivent en conséquence pouvoir bénéficier de l'abattement proportionnel renforcé ; - les parts de Mme B... étaient détenues depuis plus de 8 ans et elle peut en tout état de cause se prévaloir d'un abattement à ce titre. Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - les conclusions de M. Segretain, rapporteur public, - et les observations de Me Tetzlaff, représentant M. et Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a cédé le 9 juillet 2015 les parts qu'elle détenait dans les sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière " à la société " Quartz Management ". A l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal personnel de M. et Mme B..., le service a remis partiellement en cause le bénéfice des abattements sur les plus-values réalisées à cette occasion, dont Mme B... avait estimé pouvoir bénéficier en application des dispositions des articles 150-0 D ter et 150-0 D du code général des impôts. Les requérants relèvent appel du jugement du 21 avril 2022 en tant que le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales qui en ont découlé. 2. D'une part, aux termes du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des cessions en litige : " 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions prévues au même article retirés de la cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement fixe de 500 000 € et, pour le surplus éventuel, de l'abattement prévu au 1 quater dudit article 150-0 D lorsque les conditions prévues au 3 du présent I sont remplies / (...) / 3. Le bénéfice des abattements mentionnés au 1 est subordonné au respect des conditions suivantes : / (...) / 2° Le cédant doit : / a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° / (...) ". Aux termes de l'article 885 O bis de ce code, dans sa rédaction applicable à la date des cessions en litige : " Les parts et actions de sociétés (...) sont (...) considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : / 1° Etre, soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions / Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des cessions en litige : " (...) / Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux ou retirés du rachat d'actions, de parts de sociétés, de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés à l'article 150-0 A (...) sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article / (...) / 1 quater. A.- Par dérogation au 1 ter, lorsque les conditions prévues au B sont remplies, les gains nets sont réduits d'un abattement égal à : / 1° 50 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins un an et moins de quatre ans à la date de la cession / 2° 65 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de la cession / 3° 85 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession / B.- L'abattement mentionné au A s'applique : / (...) / 2° Lorsque le gain est réalisé dans les conditions prévues à l'article 150-0 D ter / (...) ". 4. Il résulte des dispositions mentionnées au 2. qui, compte tenu de leur caractère dérogatoire, doivent être interprétées strictement, que le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter est subordonné au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, tenant notamment à l'exercice effectif de fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société dont les titres sont cédés et à ce qu'il ait cessé toute fonction au sein de cette même société et fait valoir ses droits à la retraite au cours d'une période de quatre années allant de deux ans avant à deux ans après la cession. S'agissant de la condition relative à la nature des fonctions exercées par le cédant, le 1° de l'article 885 O bis, auquel renvoie l'article 150-0 D ter, ne prévoit, dans le cas où la société dont il s'agit est une société par actions, aucune autre condition que l'exercice des fonctions de président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire. Par suite, le respect de ces conditions s'apprécie nécessairement, dans le cas d'un couple marié, au niveau de chaque conjoint pris isolément. Si les dispositions du 1 de l'article 6 du code général des impôts soumettent les personnes mariées à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles, cette règle n'implique pas, par elle-même, d'apprécier au niveau du foyer fiscal le respect des conditions d'éligibilité à l'abattement pour durée de détention applicable aux cessions réalisées par les dirigeants de sociétés lors de leur départ en retraite. Il résulte également de la combinaison de ces dispositions, qui, ainsi qu'il vient d'être dit, doivent être interprétées strictement, que le bénéfice de l'avantage fiscal prévu par l'article 150-0 D ter du code général des impôts est réservé, dans le cas où la société dont il s'agit est une société par actions, aux présidents, directeurs généraux, présidents du conseil de surveillance ou membres du directoire nommés conformément aux statuts de ces sociétés, à l'exclusion, notamment, des personnes qui en auraient exercé ces fonctions en fait. 5. Il est constant que Mme B... n'a pas exercé au sein des sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière ", qui étaient des sociétés par actions, l'une des fonctions visées au 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts pendant les cinq années précédant la cession des parts qu'elle détenait dans ces sociétés. Dans ces conditions, et alors même que M. et Mme B... s'attachent à démontrer que Mme B... aurait dans les faits dirigé ces sociétés aux côtés de son époux qui en était le dirigeant légal, c'est à bon droit que le service a considéré que l'abattement fixe de 500 000 euros prévu par les dispositions du 1. du I. de l'article 150-0 D ter du code général des impôts ainsi que, par voie de conséquence, l'abattement proportionnel de 85 % pour durée de détention prévu au A du 1 quater de l'article 150-0 D du même code n'étaient pas applicables à la cession des parts de ces sociétés. 6. Enfin, si les requérants font valoir que les parts de Mme B... étaient détenues depuis plus de 8 ans et qu'un abattement de droit commun de 65 % était applicable à ce titre, il résulte en tout état de cause de l'instruction qu'à l'issue de l'acceptation partielle le 19 septembre 2018 de leurs réclamations préalables, l'abattement demandé a été appliqué à la plus-value en cause et le dégrèvement correspondant accordé. Les moyens développés à cet égard sont par suite inopérants à l'appui d'une contestation des impositions restant en litige. Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale : 7. D'une part, aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ". Lorsque sont contestées, sur le fondement d'une interprétation plus favorable de l'administration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu frappant la plus-value résultant d'une cession de titres ou de droits, il convient de se placer, pour déterminer l'interprétation invocable, à la date du fait générateur de cette plus-value, c'est-à-dire à la date à laquelle est intervenue la cession, et non pas au 31 décembre de l'année d'imposition, date du fait générateur de l'impôt sur le revenu. 8. D'autre part, selon l'instruction du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 5 C-1-07 du 22 janvier 2007 : " (...) / 142. En principe, seul le cédant qui remplit les conditions énoncées au B de la présente sous-section peut bénéficier des dispositions de l'article 150-0 D ter. Les dispositions de l'article 150-0 D ter ne s'appliquent donc pas aux cessions réalisées par les autres membres du groupe familial (...), dès lors qu'ils ne remplissent pas eux-mêmes les conditions précitées / 143. Il est toutefois admis que les dispositions de l'article 150-0 D ter s'appliquent également aux gains nets de cession de titres de sociétés réalisés par certains ou par tous les autres membres du groupe familial, lorsque les conditions suivantes sont remplies : / - les cessions réalisées par les autres membres du groupe familial portent sur l'intégralité des actions, parts ou droits qu'ils détiennent dans la société concernée / - les cessions réalisées par les autres membres du groupe familial interviennent à la même date que la cession effectuée par le ou les cédants qui remplissent les conditions mentionnées au B de la présente sous-section / - en cas de cession à une entreprise, les autres membres du groupe familial ne doivent pas détenir, directement ou indirectement, de participation (droits de vote ou droits financiers) dans la société cessionnaire / - les cessions réalisées par l'ensemble des membres du groupe familial (cédants remplissant les conditions prévues au B de la présente sous-section et autres membre de la famille) doivent porter sur plus de 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société concernée / (...) ". Cette instruction, par dérogation à la loi fiscale, permet à un cédant qui n'a pas exercé des fonctions de direction mais qui fait partie du même groupe familial qu'une personne qui les a exercées et qui cède, le même jour, ses propres parts, de bénéficier de l'abattement prévu par les dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts. 9. En premier lieu, M. et Mme B... ne peuvent utilement se prévaloir du bénéfice du paragraphe 143 de l'instruction référencée 5 C-1-07 du 22 janvier 2007 dès lors que, si ce paragraphe a été repris au paragraphe 260 de l'instruction référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40 du 12 septembre 2012, ce dernier paragraphe a été, en tout état de cause, rapporté par l'instruction référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40 du 14 octobre 2014, soit avant la date de cession des parts détenues par Mme B... dans les sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière ". Si les requérants se prévalent d'un document se présentant comme une " lettre d'intention " du 5 février 2015 par laquelle la société " Quartz Management " leur a manifesté son intérêt à acquérir les sociétés " Etablissements Semanaz et Compagnie " et " Semanaz Financière ", ce document, dont la date, qui n'est pas certaine, est au demeurant postérieure au 14 octobre 2014, est sans incidence sur l'issue du litige dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que c'est au jour de la cession des parts à l'origine de la plus-value qu'il convient de se placer pour déterminer l'interprétation administrative de la loi fiscale applicable au présent litige. 10. En second lieu, les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qui instituent un mécanisme de garantie au profit du redevable qui se prévaut de l'interprétation de la loi formellement admise par l'administration et dont il respecte les termes, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit, ne permettent pas, contrairement à ce qui est soutenu, de se prévaloir d'une interprétation de la loi fiscale qui a été rapportée à la date du fait générateur de l'impôt et cela alors même que l'interprétation rapportée a pu déterminer les choix du contribuable. Contrairement à ce qui est également soutenu, dès lors qu'à la date du fait générateur de l'impôt, l'instruction référencée 5 C-1-07 du 22 janvier 2007 a été rapportée, la circonstance qu'elle ne puisse plus être invoquée n'est pas constitutive d'une application rétroactive de la doctrine publiée le 14 octobre 2014, et ne saurait en tout état de cause, eu égard à la situation différente de contribuables dont l'imposition a été établie du chef de faits générateurs intervenus à une date différente, révéler une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ni du principe d'égalité devant les charges publiques. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la loi fiscale prévoit que le respect des conditions relatives à la nature des fonctions exercées par le cédant s'apprécie nécessairement, dans le cas d'un couple marié, au niveau de chaque conjoint pris isolément, les requérants ne sauraient en tout état de cause valablement invoquer la volonté du législateur pour demander l'application d'une doctrine, au demeurant rapportée, qui ajoutait à la loi fiscale. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. DECIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02854 2
CETATEXT000048452245
J1_L_2023_11_00022PA02889
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452245.xml
Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA02889, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02889
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
Cabinet Z
M. Franck MAGNARD
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015. Par un jugement n° 1914181/10 du 22 février 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juin et 18 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Cédric de Kervenoaël, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 22 février 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de lui accorder la déduction des frais réels pour le calcul de l'impôt sur le revenu 2015 pour un montant de 133 365,95 euros et de prononcer en conséquence le remboursement du trop versé d'impôt sur le revenu ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - les justificatifs adressés à la société civile de droit allemand Scorpions GbR qui est une société civile de personnes, fiscalement transparente, doivent être regardés comme des frais déductibles du revenu imposable au nom de ses associés ; - les frais dont la déduction est demandée ont un caractère nécessaire ; - il a fourni la copie des factures, la méthode de répartition par concert pour les factures qui concernaient plusieurs concerts, la preuve du paiement desdites factures, et le récapitulatif intégral des postes de charges de l'année 2015, pour les concerts en France et à l'étranger ; - le montant total des revenus générés par l'activité sur le sol français en 2015 de la société civile de droit allemand Scorpions GbR s'élève à 2 287 224 euros et les charges pour l'exercice de l'activité en 2015 s'élèvent à 436 607,85 euros ; - cette société a respecté ses obligations comptables et fiscales en Allemagne ; - les recettes perçues en France et les charges y afférentes étant exclues pour la détermination du résultat de la société Scorpions GbR imposable à son nom en Allemagne, la prise en compte des charges litigieuses à son niveau n'entraîne pas de double déduction des dépenses réalisées pour les concerts en France ; - l'égalité de traitement des contribuables face à l'administration lorsque ceux-ci sont dans une situation identique a été méconnue. Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant et résident allemand, est musicien, membre du groupe " Scorpions ", et détient un tiers des parts de la société civile de droit allemand " Scorpions GbR ". L'intéressé a déclaré des revenus de source française, dans la catégorie des traitements et salaires, d'un montant de 828 516 euros au titre de l'année 2015. Ces revenus ont été soumis à la retenue à la source, sur le fondement de l'article 182 A bis du code général des impôts, ainsi qu'à l'impôt sur le revenu à l'exception de la fraction libératoire, d'un montant de 41 867 euros. La cotisation d'impôt sur le revenu, d'un montant total de 244 979 euros, établie selon les déclarations de l'intéressé, a été mise en recouvrement le 31 octobre 2017. Par une réclamation du 19 décembre 2017, M. A... a sollicité la déduction des frais réels exposés au cours de l'année 2015, s'élevant, selon la déclaration rectificative déposée, à 165 653 euros. L'administration fiscale a rejeté cette réclamation le 21 août 2019. Par la présente requête M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015. 2. Aux termes de l'article 83 du code général des impôts : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, après défalcation des cotisations, contributions et intérêts mentionnés aux 1° à 2° quinquies et à l'article 83 bis ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. Elle est limitée à 12 170 € pour l'imposition des rémunérations perçues en 2015 (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels, soit dans la déclaration visée à l'article 170, soit sous forme de réclamation adressée au service des impôts dans le délai prévu aux articles R* 196-1 et R* 196-3 du livre des procédures fiscales (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir déduire ses frais réels, le contribuable doit fournir des éléments justificatifs suffisamment précis pour permettre d'apprécier le montant des frais effectivement exposés par lui à l'occasion de l'exercice de sa profession. Il ne peut ni se borner à présenter un calcul théorique de ces frais, ni à faire état de dépenses réelles sans établir qu'elles constituent une charge inhérente à son activité professionnelle. 3. M. A... a été imposé en France sur les salaires perçus en contrepartie des prestations artistiques qu'il a personnellement réalisées sur le territoire et peut donc seulement déduire les frais qu'il a personnellement exposés et qui sont inhérents à l'exercice de son activité professionnelle en France. Il résulte de l'instruction que les factures produites sont libellées au nom de la société " Scorpions GbR ", qui s'est acquittée de leur paiement ainsi qu'en attestent les relevés bancaires produits qui se rapportent au compte ouvert au nom de cette société. Il appartient à M. A... d'établir dans quelle proportion ces factures ont été payées pour son compte et dans quelle mesure elles sont nécessaires à l'activité salariée personnelle de l'intéressé sur le territoire français. En se bornant à fournir l'intégralité des factures supportées par la société " Scorpions GbR " et la preuve de leur paiement par cette dernière, un tableau de répartition de l'ensemble des factures non assorti des éléments permettant à la Cour de vérifier la justesse de la clé de répartition utilisée, la copie des factures afférentes à un seul des concerts donné en France, sans qu'il soit possible d'identifier les dépenses spécifiquement imputables à l'activité salariée personnelle de M. A..., M. A... n'apporte pas la preuve qui lui incombe. Par suite, M. A..., qui ne saurait utilement se prévaloir, pour justifier du caractère déductible des sommes litigieuses en application des dispositions précitées du code général des impôts, de ce que les recettes perçues en France et les charges y afférentes étaient exclues pour la détermination du résultat de la " Scorpions GbR " imposable à son nom en Allemagne et de ce que la prise en compte des charges litigieuses à son niveau n'entraine pas de double déduction des dépenses réalisées pour les concerts en France, n'établit pas avoir personnellement exposé, à l'occasion de l'exercice de sa profession, au titre des représentations données en France en 2015, des frais excédant le montant de 12 170 euros, déduit forfaitairement en application du 3° de l'article 83 du code général des impôts. Le requérant étant taxé en France en qualité de salarié, dans la catégorie des traitements et salaires et selon les règles applicables à cette catégorie de revenus, les modalités d'imposition, au niveau de ses associés, des résultats de la société Scorpions GbR en Allemagne et la circonstance que cette société y aurait respecté ses obligations comptables et fiscales sont sans influence sur l'issue du litige. 4. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'imposition contestée a été établie conformément à la loi fiscale. Par suite, M. A..., qui ne soulève par mémoire distinct aucune question prioritaire de constitutionnalité, ne peut utilement se prévaloir du principe d'égalité des citoyens devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. M. A... n'ayant pas fait l'objet d'un rehaussement d'impositions antérieures, la décision par laquelle l'administration fiscale a partiellement admis la réclamation présentée par un autre associé de Scorpions GbR ne constitue en tout état de cause pas une prise de position formelle invocable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction des impôts des non-résidents. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02889 2
CETATEXT000048452246
J1_L_2023_11_00022PA03101
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA03101, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03101
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
CABINET GRIFFITHS DUTEIL ASSOCIES
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " a demandé au tribunal administratif de Rouen : 1°) d'annuler le courrier de l'Agence nationale des fréquences (Anfr) du 24 octobre 2019 lui accordant l'aide à la réception pour les travaux de l'immeuble André Malraux situé allée Jean de la Varende à Oissel, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 17 janvier 2020 ; 2°) d'annuler la décision de l'Anfr du 27 février 2020 en tant qu'elle a limité à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception accordée pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu ; 3°) d'annuler la décision implicite du 23 février 2020 par laquelle l'Anfr lui a refusé le remboursement intégral des frais qu'il a engagés au titre de l'aide à la réception dans les 730 autres logements dont il assure la gestion ; 4°) d'enjoindre à l'Anfr de réexaminer les 731 demandes d'aide à la réception dans un délai de trois semaines, sous astreinte de 150 euros par jour de de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Anfr une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 18 septembre 2020, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rouen a, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Melun la demande de l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 ". Par un jugement n° 2007477 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 juillet et 27 octobre 2022 et le 5 avril 2023, l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 ", représenté par Me Griffiths, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler la décision de l'Anfr du 24 octobre 2019, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 17 janvier 2020 ; 3°) d'annuler la décision de l'Anfr du 27 février 2020 en tant qu'elle a limité à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre accordée pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu ; 4°) d'annuler les 729 décisions implicites de l'Anfr en tant qu'elles ont limité à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre accordée pour les travaux de chaque immeuble dont il assure la gestion ; 5°) d'enjoindre à l'Anfr de réexaminer ses 731 demandes d'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre dans un délai de trois semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 6°) de mettre à la charge de l'Anfr la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - en l'absence de réponse au moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique, pourtant invoqué devant le tribunal, le jugement est irrégulier ; - le courrier du 24 octobre 2019 est une décision lui faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir ; en outre, il s'agit de la première décision de principe dans le cadre de l'opération complexe constituée par les 731 décisions de l'Anfr refusant d'accorder l'aide à la réception des services de télévision pour la totalité des travaux effectués dans le cadre du changement des fréquences de la télévision numérique terrestre ; dans ces conditions, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 octobre 2019, et de la décision du 17 janvier 2020 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision sont recevables ; - la condition selon laquelle le montant de l'aide doit couvrir les seules dépenses utiles et indispensables à l'adaptation de l'antenne n'est pas prévue par le décret du 19 novembre 2015 qui prévoit au contraire, en son article 7, que " le montant de l'aide est égal aux frais réellement engagés " pour les travaux réalisés pour assurer la continuité de réception ; l'Anfr ne pouvait donc légalement limiter le montant de l'aide qui lui a été accordée au seul coût de la main d'œuvre nécessaire au réglage du matériel au motif qu'il n'était pas en mesure d'établir que le remplacement des modèles de stations WISI VS 21 et AVAT 3 TELEVES était indispensable ; - l'Anfr n'établit pas que le simple réglage du matériel existant suffisait pour remédier aux perturbations de réception des services de télévision dues au changement de fréquence de la télévision numérique terrestre ; en revanche, il produit des pièces justifiant que le remplacement de stations WISI VS 21 et AVAT 3 TELEVES était indispensable et qu'en l'absence de filtres disponibles pour régler par anticipation les nouvelles fréquences, tout changement par anticipation des fréquences était exclu sous peine d'entraîner la perte de fréquences du plan de fréquence existant et de causer l'absence de réception de certaines chaînes jusqu'au jour du changement effectif du plan de fréquences ; la solution consistant à la pose du système VS référencé en avril 2019 sur le site de l'Anfr est la solution la plus pérenne et la moins onéreuse afin de répondre à l'évolution télévisuelle future et de respecter les règles fixées par l'Anfr ; - le revirement de position de l'Anfr consistant à ne rembourser que les frais de réglages et la main-d'œuvre méconnaît le principe d'égalité par rapport aux demandes présentées lors de phases précédentes de réaménagement pour lesquelles elle a accordé l'aide à la réception des services de télévision pour financer les rénovations ou les remplacements des stations de réception ; - ce revirement de position de l'Anfr, soudain, imprévisible et injustifié, méconnaît le principe de sécurité juridique. Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2022 et 17 mars 2023, l'Agence nationale des fréquences, représentée par Me Weigel, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un courrier du 10 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la cour est susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public, relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2020 de l'Agence nationale des fréquences ont été présentées pour la première fois dans le mémoire enregistré le 28 février 2022 au greffe du tribunal administratif de Melun, soit au-delà du délai raisonnable fixé par la décision d'Assemblée du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016, M. A... , n°387763, sont tardives. Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2023, l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des postes et des communications électroniques ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ; - le décret n° 2015-1500 du 19 novembre 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Maerten, représentant l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 ", et de Me Brun, représentant l'Agence nationale des fréquences. Considérant ce qui suit : 1. L'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime (OPH) " Habitat 76 " a présenté à l'Agence nationale des fréquences (Anfr) des demandes d'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre à la suite des travaux d'adaptation d'antenne en vue de remédier aux perturbations de réception des services de télévision dues au changement de fréquence de la télévision numérique terrestre (TNT), réalisés sur les immeubles dont il assure la gestion pour un montant total de 309 176,45 euros, soit un montant par logement de 422,95 euros. Par une décision du 24 octobre 2019, l'Anfr a informé l'OPH " Habitat 76 " que l'aide à la réception des services de télévision lui était accordée pour couvrir tout ou partie des frais engagés pour effectuer les travaux nécessaires de l'immeuble André Malraux situé allée Jean de la Varende à Oissel et a indiqué que seuls les travaux indispensables pour assurer la continuité de la réception des services de télévision seraient pris en charge, conformément à l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 relatif à l'aide à la réception instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Par un courrier du 20 décembre 2019, reçu le 23 décembre suivant par l'Anfr, l'OPH " Habitat 76 " a sollicité le retrait de la décision du 24 octobre 2019 au motif qu'elle n'indiquait pas le montant de l'aide qui serait accordée et a demandé le remboursement intégral des frais qu'il avait engagés dans les travaux pour l'ensemble des immeubles dont il assurait la gestion. Par une décision du 17 janvier 2020, l'Anfr a rejeté son recours formé contre la décision du 24 octobre 2019 ainsi que sa demande de remboursement intégral des travaux sans toutefois préciser le montant de l'aide à la réception des services de télévision qui lui serait allouée. Par une décision du 27 février 2020, l'Anfr a accordé une somme de 144,10 euros au titre de cette aide pour les travaux effectués sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu. Elle a effectué directement des versements d'un montant de 144,10 euros pour les travaux effectués sur les autres immeubles. Ces versements révèlent les décisions par lesquelles l'Anfr a refusé d'accorder, au titre de l'aide à la réception des services de télévision, le remboursement intégral des frais engagés par l'OPH " Habitat 76 " dans les 730 autres logements dont il assure la gestion. Par un jugement du 12 mai 2022, dont l'OPH " Habitat 76 " relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Anfr du 24 octobre 2019, de sa décision du 17 janvier 2020, de sa décision du 27 février 2020 en tant qu'elle limite à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception des services de télévision accordée pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu et de la décision implicite née le 23 février 2020 par laquelle l'ANFR a refusé le remboursement intégral des frais engagés par l'OPH " Habitat 76 " dans les 730 autres logements dont il assure la gestion. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des pièces du dossier que l'OPH " Habitat 76 " a présenté devant le tribunal administratif un mémoire complémentaire le 28 février 2022 dans lequel il soulevait le moyen tiré de l'atteinte au principe de sécurité juridique du fait du revirement de position de l'Anfr dans le traitement des demandes d'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre. Ce moyen soulevé à l'encontre de décisions individuelles et d'une éventuelle doctrine de l'Anfr est inopérant. Cependant, le tribunal n'a pas analysé ce moyen inopérant. Contrairement à ce que soutient l'Anfr, le moyen tiré de l'atteinte au principe de sécurité juridique ne se confond pas avec celui tiré de la méconnaissance du principe d'égalité. Par suite, en l'absence de réponse à ce moyen, qui n'a pas été analysé, l'OPH " Habitat 76 " est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de l'OPH " Habitat 76 " présentée devant le tribunal administratif de Melun. Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 octobre 2019 et de la décision du 17 janvier 2020 rejetant le recours gracieux de l'OPH " Habitat 76 " : 4. Il ressort des termes de la décision du 24 octobre 2019 que l'Anfr a décidé d'accorder à l'OPH " Habitat 76 " l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre pour couvrir tout ou partie des frais engagés pour effectuer les travaux nécessaires et a précisé, en se livrant à une interprétation de l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 relatif à l'aide à la réception instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, que seuls les travaux indispensables pour assurer la continuité de la réception des services de télévision pourront être pris en charge. L'OPH " Habitat 76 " ayant sollicité le remboursement des frais correspondant à l'intégralité des travaux réalisés en vue de remédier aux perturbations de réception des services de télévision dues au changement de fréquence de la TNT, cette interprétation de l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 est susceptible de lui faire grief. Dans ces conditions, la décision du 24 octobre 2019 de l'Anfr et la décision rejetant le recours formé par l'OPH " Habitat 76 " contre cette décision sont des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, la fin de non-recevoir opposée devant la cour par l'Anfr, tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de ces décisions doit être écartée. Sur l'étendue du litige : 5. Si l'Anfr invoque l'existence d'une décision implicite, née selon elle le 23 février 2020 du silence gardé sur la demande de remboursement de l'intégralité des travaux effectués présentée le 23 décembre 2019 par l'OPH " Habitat 76 ", elle a cependant expressément rejeté cette demande par une décision du 17 janvier 2020. En outre, par une décision du 27 février 2020, l'Anfr a accordé la somme de 144,10 euros au titre de l'aide à la réception pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu et a rejeté le surplus de la demande. Ces décisions expresses se sont substituées à la décision implicite du 23 février 2020. Par ailleurs, les versements effectués en faveur de l'OPH " Habitat 76 " d'un montant de 144,10 euros pour chacun des 730 sites concernés révèlent les décisions de l'Anfr refusant d'accorder la totalité du montant sollicité au titre de l'aide à la réception des services de télévision qui se sont également substituées à la décision implicite qui serait intervenue le 23 février 2020. Dans ces conditions et eu égard à ce qui a également été dit au point 4, les conclusions à fin d'annulation présentées par l'OPH " Habitat 76 " doivent être regardées comme dirigées contre les décisions de l'Anfr du 24 octobre 2019, des 17 janvier et 27 février 2020 ainsi que contre les décisions révélées par les versements effectués à hauteur seulement de 144,10 euros pour les 730 immeubles autres que celui de la rue des Bas Jardins à Canteleu gérés par le requérant. Sur les conclusions à fin d'annulation : . Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...). 7. En premier lieu, la décision du 24 octobre 2019 vise le décret n° 2015-1500 du 19 novembre 2015 et précise que l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre sollicitée par l'OPH " Habitat 76 " est accordée pour couvrir tout ou partie des frais engagés pour effectuer les travaux nécessaires de l'immeuble André Malraux situé allée Jean de la Varende à Oissel mais toutefois que seuls les travaux indispensables pour assurer la continuité de la réception des services de télévision seront pris en charge conformément à l'article 1er du décret du 19 novembre 2015. La décision renvoie également à son site internet à fin de suivre l'état d'avancement des demandes. Dans ces conditions, et alors que l'Anfr n'avait pas encore instruit la demande d'aide et n'était donc pas en mesure de préciser le montant de l'aide accordée, elle a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 24 octobre 2019 doit être écarté. 8. En deuxième lieu, par sa décision du 27 février 2020, l'Anfr a accordé à l'OPH " Habitat 76 " l'aide à la réception des services de télévision pour les travaux effectués dans l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu à hauteur de 144,10 euros. L'article 7 du décret du 19 novembre 2015 visé ci-dessus prévoit un plafond au montant de l'aide à la réception des services de télévision, sans ouvrir un droit automatique à l'obtention de ce montant maximal. Dans ces conditions, quand bien même le montant de l'aide accordée ne correspond pas au montant sollicité par le requérant, cette décision ne saurait être regardée comme une décision défavorable au sens des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, cette décision n'étant pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions précitées, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté. 9. En troisième lieu, pour le même motif que celui énoncé au point 8, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions de l'Anfr accordant à l'OPH " Habitat 76 " l'aide à la réception des services de télévision pour les travaux effectués dans les 730 immeubles autres que celui de la rue des Bas Jardins à Canteleu dont il assure la gestion, à hauteur de 144,10 euros chacun, et révélées par le versement de cette aide, doit être écarté. En ce qui concerne la légalité interne : 10. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique procède à un réaménagement de fréquences pour tenir compte d'une réaffectation des fréquences en application de l'article 21, une aide est également attribuée, sans condition de ressources, aux foyers dont le local d'habitation se situe dans une zone géographique dans laquelle la continuité de la réception des services de télévision en clair ne peut être assurée par voie hertzienne terrestre sans une intervention sur le dispositif de réception ou la modification du mode de réception, dans des cas définis par décret. En habitat collectif, cette aide est attribuée au représentant légal d'un immeuble collectif, d'une copropriété ou d'un ensemble locatif. ". 11. Aux termes de l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 relatif à l'aide à la réception instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " L'aide instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée visant à contribuer à la continuité de la réception des services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne terrestre couvre tout ou partie des frais engagés par un foyer ou le représentant légal d'un immeuble collectif, d'une copropriété ou d'un ensemble locatif : - soit pour adapter l'antenne, individuelle ou collective, permettant la réception des services de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre ;/- soit pour accéder à l'offre d'un distributeur de services ou d'un opérateur de réseau satellitaire qui propose la reprise des services en cause ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Pour bénéficier de l'aide, le foyer doit satisfaire aux conditions suivantes : 1° Il ne reçoit dans sa résidence principale des services de télévision que par voie hertzienne terrestre ; 2° Il détient un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé dans sa résidence principale située dans une zone géographique arrêtée par le conseil d'administration de l'Agence nationale des fréquences et où la réception des services de télévision mentionnés à l'article 1er est perturbée ou susceptible de l'être ; 3° Il déclare à l'agence être en situation régulière au regard de l'administration fiscale s'agissant de la contribution à l'audiovisuel public ". Aux termes de l'article 5 de ce même décret : " La demande est adressée à l'Agence nationale des fréquences au plus tard six mois après la perturbation de la réception des services de télévision. En habitat collectif, la demande peut être formulée par le représentant légal de l'immeuble collectif, de la copropriété ou de l'ensemble locatif dans lequel se situe le ou les foyers en cause. L'Agence nationale des fréquences précise les modalités de dépôt de la demande d'aide et les pièces permettant d'apprécier les conditions d'éligibilité mentionnées à l'article 3 ". Aux termes de l'article 6 de ce même décret : " Le montant de l'aide est établi sur la base du justificatif d'achat ou du service fait fourni par le demandeur ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " (...) En habitat collectif toutefois, le montant maximal de l'aide, qui ne peut excéder 500 euros, est fixé par le conseil d'administration de l'Agence nationale des fréquences ". 12. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles 1er , 6 et 7 du décret du 19 novembre 2015 précitées que l'aide à la réception des services de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre a pour objet de couvrir tout ou partie des frais engagés pour adapter l'antenne, individuelle ou collective, permettant la réception de ces services ou pour accéder à l'offre d'un distributeur de services ou d'un opérateur de réseau satellitaire qui propose la reprise des services en cause, en cas de réaménagement de fréquences, que le montant de cette aide est établi sur la base du justificatif d'achat ou du service fait fourni par le demandeur et que ce montant ne peut excéder en tout état de cause, en cas d'habitat collectif, 500 euros. Il s'ensuit que l'Anfr n'a pas ajouté une condition à l'attribution de cette aide qui ne serait pas fixée par les dispositions réglementaires en estimant que les travaux ouvrant droit à cette aide étaient en l'espèce les seuls travaux destinés à adapter l'antenne collective afin de permettre la réception des services de télévision, ce qui devait la conduire à vérifier la nature de ces travaux et, par suite, à contrôler nécessairement leur caractère utile au regard de la seule opération d'adaptation de l'antenne de l'immeuble permettant la réception des services de télévision au vu des pièces justificatives présentées par le demandeur. Par suite, l'OPH " Habitat 76 " n'est pas fondé à soutenir que l'Anfr aurait commis une erreur de droit en n'accordant l'aide sollicitée que pour les seuls travaux utiles ou indispensables à l'adaptation des antennes des immeubles dont il assure la gestion. 13. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'Anfr a refusé d'accorder l'aide à la réception des services de télévision en vue du remboursement des frais engagés par l'OPH " Habitat 76 " pour le remplacement des stations WISI VS21 et AVANT TELEVES par la station VS 50. Il ressort du courriel du 9 décembre 2019 du responsable de la société Sogire et de l'attestation du 12 mars 2020 du directeur France de la société Wisi communications Gmbh et Co. KG que les stations WISI VS21 nécessitent, pour leur reprogrammation, un clavier de programmation et une télécommande permettant de régler ces stations qui ne sont plus commercialisés depuis respectivement 2012 et 2011. Cependant, cette circonstance, et à supposer même que la société Sogire n'aurait plus qu'un seul clavier de reprogrammation comme elle l'a indiqué, ne permet pas d'établir que d'autres sociétés d'antennistes ne disposeraient plus de tels outils et qu'il ne serait ainsi plus possible de reprogrammer les stations WISI VS21 situées sur les immeubles gérés par le requérant lors du changement de fréquences de la télévision numérique terrestre. En outre, il ressort du courriel du 4 février 2020 du directeur général de la société Televes France que la programmation différée des stations AVANT 3 TELEVES est possible en rajoutant des canaux grâce " à l'entrée de couplage pour raccordement d'autres centrales ", ce qui permet ainsi une programmation différée du changement de fréquences, et que " l'ajout de canaux ne nécessite pas forcément l'ajout d'un filtre mécanique ". Dans ces conditions, même si ces dernières stations sont obsolètes et à supposer même que l'ajout d'une nouvelle station à ces stations déjà installées afin de pouvoir ouvrir de nouveaux canaux serait une solution technique moins pertinente à terme que leur remplacement par une station programmable qui constitue la solution la plus pérenne et, sur le long terme, la moins onéreuse afin de répondre à l'évolution télévisuelle future, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ouverture de nouveaux canaux serait techniquement impossible sans remplacement des anciennes stations. Par ailleurs, si l'Anfr a pu conseiller aux sociétés d'antennistes d'installer des stations pérennes et moins onéreuses, dont la station VS 50, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait indiqué qu'une telle installation serait nécessairement prise en charge dans le cadre de l'aide à la réception des services de télévision. Dans ces conditions, l'Anfr n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le remplacement des stations WISI VS21 et AVANT TELEVES par la station VS 50 sur les immeubles gérés par le requérant n'était pas utile ou indispensable à la réception des nouvelles fréquences de la TNT et en limitant, par suite, le montant de l'aide à la réception des services de télévision au remboursement des seuls frais de réglages et de la main-d'œuvre associée. 14. En troisième lieu, l'appelant soutient qu'en refusant d'accorder l'aide à la réception des services de télévision pour la totalité des travaux qu'il a engagés sur les immeubles dont il assure la gestion au motif qu'une partie de ces travaux n'étaient pas utiles ou indispensables pour la seule opération d'adaptation de l'antenne de l'immeuble permettant la réception des services de télévision, l'Anfr a méconnu le principe d'égalité de traitement entre les demandeurs de l'aide, dès lors qu'elle avait accordé cette aide par le passé, notamment à l'office d'HLM de Béziers en 2018, pour l'ensemble des travaux effectués quand bien même ces derniers portaient sur un changement de la station collective TNT. Toutefois, le motif de refus opposé par l'Anfr découle des dispositions du décret du 19 novembre 2015 lui-même ainsi qu'il a été dit au point 12. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté. 15. En quatrième lieu, l'OPH " Habitat 76 " ne saurait utilement soulever le principe de sécurité juridique pour contester les décisions prises par l'Anfr accordant ou refusant d'accorder l'aide à la réception des services de télévision, qui ne revêtent pas de caractère réglementaire. En outre, à supposer que l'Anfr ait élaboré puis modifié une doctrine en matière d'attribution de l'aide en litige, le changement de cette doctrine n'entre pas davantage dans le champ d'application de ce principe. Par suite, ce moyen est inopérant et doit être écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que l'OPH " Habitat 76 " n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions de l'Anfr lui accordant l'aide à la réception des services de télévision au titre des travaux effectués sur les 371 immeubles dont il assure la gestion à hauteur seulement de 144,10 euros chacun. Sur les conclusions à fin d'injonction : 17. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par l'OPH " Habitat 76 " n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par l'OPH " Habitat 76 ". Sur les frais liés à l'instance : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Anfr qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que l'OPH " Habitat 76 " demande au titre des frais liés à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'OPH " Habitat 76 " la somme sollicitée par l'Anfr sur le fondement de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2007477 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé. Article 2 : La demande présentée par l'OPH " Habitat 76 " devant le tribunal administratif de Melun et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Les conclusions de l'Agence nationale des fréquences présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " et à l'Agence nationale des fréquences. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03101 2