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CETATEXT000048457803 | J5_L_2023_11_00021NC01346 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457803.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC01346, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC01346 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & ASSOCIÉS | Mme Sophie ROUSSAUX | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société civile de droit luxembourgeois Alisma SC a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 du préfet de la région Grand Est lui refusant l'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur le territoire des communes de Rodemack, Beistroff-la-Grande, Basse-Renteng, Evrange et Hagen, ensemble la décision du 16 septembre 2019 par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a rejeté le recours hiérarchique qu'elle a présenté contre cet arrêté du 27 mai 2019. Par un jugement n° 1908527 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistré le 7 mai 2021 et 6 juillet 2021, la société Alisma SC, représentée par la SCP Lachaud Mandeville Coutadeur et associes- Drouot Avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1908527 du tribunal administratif de Strasbourg du mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 16 septembre 2019 du ministre chargé de l'agriculture rejetant le recours hiérarchique qu'elle a présenté contre l'arrêté du 27 mai 2019 par lequel le préfet de la région Grand Est lui a refusé l'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur le territoire des communes de Rodemack, Beistroff-la-Grande, Basse-Renteng, Evrange et Hagen ; 3°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 du préfet de la région Grand Est ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier car les premiers juges ont omis de répondre au moyen selon lequel le préfet de la région Grand Est a outrepassé ses compétences en délivrant un rescrit en dehors de toute demande formulée au visa des dispositions de l'article L. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime ; - le signataire du refus d'autorisation était incompétent pour le signer ; -le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 331-2 et R. 331-2 du code rural et de la pêche maritime car son projet n'avait pas à être soumis à la réglementation relative au contrôle des structures ; - c'est à tort que le préfet a examiné sa demande par rapport aux autres demandes concurrentes ; - le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime car les candidats concurrents pour exploiter la parcelle n'ont pas justifié avoir informé par écrit le propriétaire de la parcelle de leur candidature et n'ont pas déposé de dossiers complets ; - le préfet a méconnu l'article L. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime car, en dehors de toute demande de la part des autres candidats concurrents, il leur a notifié spontanément un rescrit ; - le principe du contradictoire a été méconnu car elle n'a pas été informée du dépôt des demandes concurrentes ni de la date d'examen des autres candidatures par la commission départementale d'orientation de l'agriculture dans sa séance du 25 avril 2019 ; - l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation et d'une violation de la loi. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête d'appel de la société Alisma SC. Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime ; - le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Monnier, substituant Me Soyer, représentant la société Alisma SC. Considérant ce qui suit : 1. Le 27 juillet 2018, le préfet de la région Grand Est a demandé à la société Alisma SC, société civile de droit luxembourgeois, de présenter un dossier de demande d'autorisation d'exploiter les terres agricoles situées à Hagen, Rodemack, Beistroff-la-Grande, Basse-Renteng et Evrange. Le 27 août 2018, la société Alisma SC a répondu qu'elle n'était pas soumise au contrôle des structures, et le préfet lui a demandé, le 22 octobre 2018, d'en justifier. C'est dans ces conditions que la société Alisma SC a déposé, le 30 novembre 2018, un dossier de demande d'autorisation d'exploiter, réputé complet le 27 décembre 2018, pour une surface finalement arrêtée à 90 ha 09 a et 28 ca sur le territoire des communes de Rodemack, Beistroff-la-Grande, Basse-Renteng, Evrange et Hagen. Après examen le 25 avril 2019 par la commission départementale d'orientation agricole, le préfet de la région Grand Est a, par arrêté du 27 mai suivant, refusé de faire droit à la demande de la société Alisma SC, qui a contesté ce refus par un recours hiérarchique du 24 juillet 2019. Le ministre de l'agriculture a rejeté ce recours hiérarchique le 19 septembre 2019. La société Alisma relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. A l'appui de sa demande, la requérante soutenait en première instance que le préfet de la région Grand Est avait outrepassé ses compétences en délivrant un rescrit aux candidats concurrents en dehors de toute demande formulée au visa des dispositions de l'article L. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime. Le tribunal de Strasbourg n'a pas visé ce moyen qui n'était pas inopérant et n'y a pas répondu. Par suite, le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Alisma SC devant le tribunal administratif de Strasbourg. Sur l'exception de non-lieu à statuer : 4. La circonstance qu'un changement substantiel soit intervenu dans la composition de la société requérante depuis l'enregistrement du recours devant le tribunal, entraînant le dépôt par la société Alisma SC d'une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter les parcelles visées par les décisions attaquées, n'est pas de nature à priver de son objet la requête en tant qu'elle est dirigée contre le refus d'autorisation d'exploiter notifié à la société requérante, les décisions en litige n'ayant été ni retirées, ni abrogées. Par suite, l'exception de fin de non-lieu à statuer doit être écartée. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 5. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 38 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de région peut donner délégation de signature notamment en matière d'ordonnancement secondaire : 1° En toutes matières, et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs de services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans la région, au secrétaire général pour les affaires régionales et, en cas d'empêchement de celui-ci, aux agents de catégorie A placés sous son autorité ;( ...) ;4° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs ou responsables des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans la région. Ces chefs ou responsables de service peuvent recevoir délégation afin de signer les lettres d'observation valant recours gracieux adressées aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics. Ces chefs ou responsables de service, ainsi que l'adjoint auprès du directeur régional des finances publiques mentionné au 7°, peuvent donner délégation pour signer les actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation aux agents placés sous leur autorité. Le préfet de région peut, par arrêté, mettre fin à tout ou partie de cette délégation. Il peut également fixer, par arrêté, la liste des compétences qu'il souhaite exclure de la délégation que peuvent consentir les chefs ou responsables de service, et l'adjoint auprès du directeur régional des finances publiques, aux agents placés sous leur autorité ; (...) ". D'autre part, il résulte de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime que les décisions relatives aux autorisations d'exploiter sont prises par le préfet de région. 6. Par un arrêté du 6 février 2018, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région Grand Est du 16 février 2018, le préfet de la région Grand Est a donné délégation de signature à M. A..., directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, à effet de signer l'ensemble des actes, décisions et correspondances relatif au contrôle des structures. Par un arrêté du 30 janvier 2019, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région Grand Est le 4 février 2019, M. A... a donné délégation à Mme B..., pour signer l'ensemble des actes, décisions et correspondances en matière d'économie agricole et agroalimentaire, et dans la limite des attributions de son pôle, à l'exception de certaines décisions individuelles au nombre desquelles ne figurent pas la décision contestée, une telle subdélégation ayant été expressément autorisée par les dispositions citées au point précédent. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait limité la portée de la subdélégation que le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt était habilité à consentir, malgré la possibilité que lui en donnait le 4° de l'article 38 du décret du 29 avril 2014 précité. Il résulte de ce qui précède que Mme B... était régulièrement habilitée, par l'effet de la subdélégation du 30 janvier 2019, à signer la décision du 27 mai 2019. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-2 du même code : " I. Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole: a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle fixées par voie réglementaire ; b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant ; c) Lorsque l'exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive, au sens de l'article L. 330-2 ; ( ...) II.-Les opérations soumises à autorisation en application du I sont, par dérogation à ce même I, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies : (...) ". Aux termes de l'article R. 331-2 du même code : " I. - Satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° du I de l'article L. 331-2 le candidat à l'installation, à l'agrandissement ou à la réunion d'exploitations agricoles qui justifie, à la date de l'opération : / 1° Soit de la possession d'un des diplômes ou certificats requis pour l'octroi des aides à l'installation visées aux articles D. 343-4 et D. 343-4-1 ; / 2° Soit de cinq ans minimum d'expérience professionnelle acquise sur une surface égale au tiers de la surface agricole utile régionale moyenne, en qualité d'exploitant, d'aide familiale, d'associé exploitant, de salarié d'exploitation agricole ou de collaborateur d'exploitation au sens de l'article L. 321-5. La durée d'expérience professionnelle doit avoir été acquise au cours des quinze années précédant la date effective de l'opération en cause. (...) " 8. Pour prendre l'arrêté contesté du 27 mai 2019 refusant à la société requérante l'autorisation d'exploiter, le préfet de la région Grand Est s'est fondé sur la circonstance que Mme C..., gérante de la société Alisma SC, ne démontrait pas sa qualité de chef d'exploitation agricole telle que définie à l'article 1er du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), ni la possession de la capacité professionnelle agricole. 9. Il ressort des pièces du dossier que la société requérante a produit un certificat polonais qui précise que Mme C... est enregistrée depuis le 12 juillet 2016 comme producteur agricole. En se bornant à produire ce seul document et alors qu'il ressort du dossier de demande d'autorisation d'exploiter déposé par la société elle-même que celle-ci n'a déclaré aucun de ses membres comme associé exploitant, la société requérante ne démontre pas, par ce seul élément versé au dossier, que l'un de ses membres avait la qualité d'exploitant au sens du SDREA, étant précisé que l'appréciation de cette qualité en tenant compte des dispositions du SDREA ne fait pas l'objet d'une contestation par la société requérante. Pour ce seul motif, le préfet était fondé à considérer que la société était soumise au régime du contrôle des structures, alors que la requérante ne démontre pas, ni même n'allègue que sa situation lui permettait de déroger au régime d'autorisation au titre du II de l'article L. 331-2. Dans ces conditions, la requérante ne démontre pas que le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 331-2 et R. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ou qu'il aurait entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard de ces dispositions. 10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet, saisi d'une demande d'autorisation d'exploiter, est tenu de rejeter cette demande lorsqu'un autre agriculteur, prioritaire au regard des dispositions du schéma directeur régional des exploitations agricoles, soit a également présenté une demande d'autorisation portant sur les mêmes terres, soit, si l'opération qu'il envisage n'est pas soumise à autorisation, a informé la commission départementale des structures agricoles et l'administration de son souhait de les exploiter en établissant la réalité et le sérieux de son projet. Il appartient dès lors au préfet, saisi d'une demande d'autorisation alors qu'un autre agriculteur a informé la commission départementale des structures agricoles et l'administration de son souhait d'exploiter les terres faisant l'objet de cette demande et établi le sérieux de son projet, de vérifier si cet autre agriculteur est prioritaire au regard des dispositions du schéma directeur régional des exploitations agricoles. 11. Alors que le préfet de la région Grand Est a été informé des projets de MM. Longo et Leick entrant en concurrence avec la demande d'autorisation formée par la société Alisma SC, il devait prendre en considération l'ensemble des projets avant d'accorder ou de refuser l'autorisation sollicitée. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet a examiné sa demande par rapport aux autres demandes concurrentes. 12. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime : " La demande de l'autorisation mentionnée au I de l'article L. 331-2 est établie selon le modèle défini par le ministre de l'agriculture et accompagnée des éléments justificatifs dont la liste est annexée à ce modèle. Si la demande porte sur des biens n'appartenant pas au demandeur, celui-ci doit justifier avoir informé par écrit de sa candidature le propriétaire. Le dossier de demande d'autorisation est adressé par envoi recommandé avec accusé de réception au préfet de la région où se trouve le fonds dont l'exploitation est envisagée, ou déposé auprès du service chargé d'instruire, sous l'autorité du préfet, les demandes d'autorisation. (...) ". 13. Ces dispositions, qui fixent les règles applicables à la présentation et à l'instruction des demandes d'autorisation d'exploiter, ne sont pas applicables dans le cas où l'administration estime que la demande dont elle se trouve saisie n'entre pas dans le champ d'application du régime d'autorisation, tel qu'il est défini par l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime. Alors que la requérante ne soutient, ni n'établit que les projets des candidats concurrents auraient relevé du régime de l'autorisation, elle n'est pas fondée à faire valoir que leurs dossiers, qui ne comportaient pas la lettre d'information au propriétaire des parcelles telle que prévue par l'article précité, étaient incomplets. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R.331-4 doit être écarté, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir du principe d'égalité pour soutenir que toutes les candidatures devaient comporter les mêmes pièces. 14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 331-4-1 du même code : " Toute personne envisageant une opération susceptible d'entraîner la modification de la structure d'une exploitation agricole peut demander, préalablement à cette opération, à l'autorité administrative compétente de lui indiquer si l'opération projetée relève de l'un des régimes, d'autorisation ou de déclaration préalable, prévus, respectivement, au I et au II de l'article L. 331-2, ou bien si elle peut être mise en œuvre librement. L'autorité administrative prend formellement position sur cette demande dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. La réponse de l'administration est simultanément notifiée au demandeur et, le cas échéant, au preneur en place. Elle est, en outre, rendue publique lorsqu'elle écarte la procédure de l'autorisation. " 15. La circonstance que le préfet ait notifié spontanément un rescrit aux candidats concurrents alors que ceux-ci n'avaient pas formulé une telle demande conformément à l'article L. 331-4-1 précité est sans incidence sur le fait que le dossier de la requérante devait être apprécié comparativement avec ceux de ces derniers, compte tenu de ce qui a été indiqué au point 10. 16. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 331-5 du même code : " Les demandes d'autorisation d'exploiter sont soumises à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture instituée aux articles R. 313-1 et suivants. Lorsque des candidatures concurrentes ont été enregistrées sur tout ou partie des biens qui font l'objet de la demande, l'ensemble des dossiers portant sur ces biens est soumis à la même séance de la commission. Les candidats, les propriétaires et les preneurs en place sont informés par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé de la date d'examen des dossiers les concernant par la commission. (...) ". 17. Aucune disposition du code rural et de la pêche maritime ne fait obligation au préfet de faire connaître à un candidat les éléments de la situation des autres candidats. Aussi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu au motif qu'elle n'a pas été informée du dépôt des demandes concurrentes ni de la date d'examen des autres candidatures par la commission départementale d'orientation de l'agriculture le 25 avril 2019. 18. Enfin, et alors que la société requérante ne conteste pas l'ordre des priorités retenu par le préfet dans l'arrêté litigieux, elle n'est pas fondée à faire valoir que cet arrêté est entaché d'erreur d'appréciation et d'une violation de la loi, en l'absence de demandes concurrentes valables. 19. Il résulte de ce qui précède que la société Alisma SC n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 mai 2019 ou de la décision du ministre de l'agriculture du 16 septembre 2019 rejetant son recours hiérarchique. Ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1908527 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé. Article 2 : La demande présentée par la société Alisma SC devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alisma SC et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie en sera adressée à la préfète de la région Grand Est. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC01346 |
CETATEXT000048457804 | J5_L_2023_11_00021NC01478 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457804.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC01478, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC01478 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | FRACHET | M. Arthur DENIZOT | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 mars 2016 par lequel le directeur général de l'Office national des forêts l'a réintégré dans un poste d'agent patrimonial à Schoenbourg au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace de l'Office national des forêts. Par un jugement n° 1801855 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mai et 25 novembre 2021, et un mémoire récapitulatif enregistré le 20 mars 2023, M. B... représenté en dernier lieu par Me Lehmann de la Selarl Richard et Lehmann, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 mars 2021 ; 2°) de déclarer nul et non avenu l'arrêté du 24 mars 2016 par lequel le directeur de l'Office national des forêts l'aurait réintégré sur un poste d'agent patrimonial à Schoenbourg ; 3°) d'enjoindre à l'Office national des forêts dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'une part, de reconstituer sa carrière à compter de l'annulation de l'arrêté contesté, d'autre part, de retirer les arrêtés des 24 mars et 20 mai 2016 prononçant sa suspension et lui infligeant une sanction ; 4°) de mettre à la charge le versement à Me Lehmann, avocat de M. B..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement est irrégulier dans la mesure où, contrairement à ce qui est indiqué, il ne s'est pas borné, dans ses écritures de première instance, à demander l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2016 et il n'a pas demandé à ce que les frais de l'instance soient mis à la charge de l'Etat ; le tribunal a omis de statuer et a dénaturé ses conclusions ; - en s'abstenant de viser les différents arguments exposés dans ses mémoires des 25 février et 22 juin 2020 et d'y répondre, le tribunal a entaché son jugement d'une motivation insuffisante et donc d'irrégularité ; - le jugement est irrégulier en tant que, en méconnaissance du droit au procès équitable prévu par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal a inversé la charge de la preuve ; - le tribunal a commis une erreur de droit en se fondant sur les mesures de suspension du 24 mars 2016 et de placement à la retraite d'office du 21 mai 2016 pour apprécier la légalité de la décision du 24 mars 2016 prononçant sa réintégration ; - le tribunal a commis une erreur de droit sur la tardiveté de sa demande de première instance ; - alors que la décision du 24 mars 2016 est nulle et non avenue, sa demande de première instance est recevable ; - il appartient à l'Office national des forêts de justifier qu'il a placé M. B... dans une position statutaire régulière en le nommant et réintégrant effectivement dans ses fonctions sur un poste vacant ; dans le cas contraire, en méconnaissance de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983, il s'agit d'une nomination pour ordre, qui a eu lieu sur un poste inexistant ; par conséquent, la décision du 24 mars 2016 est nulle et non avenue et est inexistante juridique ; aucun délai de recours contentieux ne peut lui être opposé. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2021, l'Office national des forêts, représenté par la SCP Delvolvé-Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la décision de réintégration ne correspondant pas à une nomination pour ordre qui serait inexistante, la demande de première instance est tardive. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, alors en vigueur ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret du 17 décembre 2013 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denizot, premier conseiller, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., technicien forestier, exerçait, en dernier lieu, les fonctions de chef de triage de Schoenbourg au sein de l'unité territoriale de Saverne de l'agence Nord Alsace de l'Office national des forêts (ONF). Par un arrêté du 22 avril 2014, le directeur national de l'ONF lui a infligé la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office avec radiation des cadres à compter du 1er mai 2014. Par un jugement du 25 février 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 22 avril 2014 et a enjoint à l'ONF de réintégrer M. B... ainsi que de procéder à la reconstitution administrative de sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Par un arrêté du 24 mars 2016, M. B... a été réintégré dans un poste d'agent patrimonial à Schoenbourg au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace de l'ONF. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté. Un jugement du 24 janvier 2018 du tribunal administratif de Strasbourg puis un arrêt du 27 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Nancy ont rejeté les demandes de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit déclaré nul et non avenu. M. B... a, de nouveau, demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cet arrêté du 24 mars 2016 et de le déclarer nul et non avenu. Par un jugement du 23 mars 2021 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande. Sur la régularité du jugement attaqué : En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance : 2. En premier lieu, l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que : " Le grade est distinct de l'emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent. / Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle (...) ". Aux termes du I de l'article 3 du décret du 17 décembre 2013 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs forestiers de l'Office national des forêts : " I. - Les membres du corps des techniciens supérieurs forestiers de l'Office national des forêts exercent les fonctions suivantes : / 1° Ils contribuent à la mise en œuvre des missions de protection, de conservation et de surveillance de la forêt et des milieux naturels, dans le cadre du régime forestier ou des missions d'intérêt général qui sont confiées à l'Office national des forêts. Ils constatent les infractions énumérées à l'article L. 161-1 du code forestier. A cet effet, ils sont assermentés et commissionnés conformément à l'article R. 161-2 du code précité. Ils contribuent au bon déroulement des ventes publiques ; / 2° Ils participent, tant au titre du service de gestion que dans le cadre des conventions passées par l'établissement avec l'Etat, les autres personnes morales de droit public et les personnes privées, à toutes les tâches actives de technique forestière, d'exploitation, d'aménagement et d'équipement de la forêt et des milieux naturels associés. / Ils peuvent, pour tout ou partie de leurs fonctions, être en charge d'un secteur forestier dénommé triage et être spécialisés dans les différents domaines de compétence de l'Office national des forêts auprès de chacun de ses niveaux d'organisation. Ils peuvent se voir confier des missions particulières, notamment en matière de formation professionnelle, de recherche et développement, et de santé et sécurité au travail ainsi qu'en matière d'accueil du public dans les milieux naturels et forestiers (...) ". Selon le II de l'article 4 du même décret : " II. - Les techniciens supérieurs forestiers de l'Office national des forêts exercent leurs fonctions dans les différents services de l'Office national des forêts ". 3. L'arrêté du 22 avril 2014 du directeur général de l'ONF portant mise à la retraite d'office de M. B... a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg, du 25 février 2016, devenu définitif, au motif que le délai de convocation de quinze jours au moins avant la séance du conseil de discipline prévu par l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat avait été méconnu, ce qui avait privé M. B... d'une garantie. En exécution de ce jugement qui enjoignait au directeur général de l'ONF de procéder à la réintégration de M. B... au sein de cet établissement, l'intéressé a été réintégré dans un poste d'agent patrimonial au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace à Schoenbourg, par un arrêté du 24 mars 2016. Alors qu'il appartenait à l'ONF, dans le cadre de l'exécution de ce jugement, de placer M. B... dans une position régulière et de le réintégrer effectivement, une telle circonstance faisait obstacle à ce que cette réintégration puisse revêtir, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'une nomination pour ordre. 4. En second lieu, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". 5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que M. B... l'a lui-même indiqué en première instance, que l'intéressé a eu notification de l'arrêté contesté, qui comportait les mentions des voies et délais de recours, le 29 mars 2016. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté puisse revêtir le caractère d'une nomination pour ordre qui puisse être contestée en dehors de tout délai de recours contentieux. M. B... a introduit sa demande le 19 mars 2018 devant le tribunal administratif de Strasbourg, soit plus de deux ans après avoir eu notification de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, cette demande a donc été présentée tardivement et n'était pas recevable. 6. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable. En ce qui concerne les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué : 7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". 8. D'une part, le jugement attaqué vise une conclusion de la demande de M. B... comme tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration de l'intéressé alors que, dans son mémoire complémentaire, M. B... demandait à ce que cet arrêté soit déclaré nul et non avenu. Toutefois, dans ses motifs, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M B... en estimant que l'intéressé ne démontrait pas que " l'arrêté contesté aurait le caractère d'une nomination pour ordre dont la nullité peut être constatée à toute époque ". Par suite, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas omis de statuer sur cette conclusion. 9. D'autre part, le jugement attaqué vise une des conclusions de la demande de M. B... comme tendant à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors que M. B... a demandé à ce qu'une telle somme soit mise à la charge de l'ONF. Toutefois, malgré cette erreur, le jugement attaqué, dans ses motifs, a rejeté les conclusions de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et n'a donc pas omis de statuer sur cette conclusion. 10. En deuxième lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par M. B.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de viser ou de répondre à tous les arguments avancés par M. B..., a répondu au moyen tiré de ce que la décision du 24 mars 2016 constituerait en réalité une nomination pour ordre. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'une motivation insuffisante. 11. En dernier lieu, M. B... soutient que le tribunal administratif de Strasbourg, dans le jugement attaqué, aurait inversé la charge de la preuve, méconnu le droit à un procès équitable protégé par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aurait commis une erreur de droit en se fondant sur des décisions postérieures pour apprécier la légalité de la décision contestée de suspension. De telles allégations, qui sont relatives au bien-fondé du jugement attaqué, sont sans incidence sur sa régularité. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est fondé à soutenir que le jugement attaqué, qui a rejeté sa demande comme irrecevable, serait irrégulier. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte de sa requête doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme que l'ONF demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'Office national des forêts présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'Office national des forêts et à Me Lehmann. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC01478 |
CETATEXT000048457805 | J5_L_2023_11_00021NC02241 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457805.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC02241, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC02241 | 4ème chambre | plein contentieux | C | Mme SAMSON-DYE | CABINET RACINE | Mme Aline SAMSON-DYE | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Laquenexy et la caisse intercommunale d'assurances des départements de l'Est (CIADE) à l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices occasionnés par une chute dans la chaufferie de la mairie et à lui verser une provision de 5 000 euros. Par un jugement n° 1903383 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné une expertise, afin d'évaluer les préjudices de M. A.... Par un jugement n° 1903383 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Laquenexy à verser à M. A... la somme de 127 885,90 euros, à verser à la mutualité sociale agricole (MSA) de Lorraine les sommes de 45 652,26 euros au titre des débours et de 1 098 euros au titre des frais de gestion et à supporter les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 080 euros. Il a également mis à la charge de la commune la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 4 août 2021, la commune de Laquenexy et la CIADE, représentées par Me Fady (SCP Racine Strasbourg), demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 8 juin 2021 en ce qu'il porte condamnation à verser à M. A... des indemnités au titre du déficit permanent, de l'assistance par tierce personne, des frais futurs, et en tant qu'il prévoit l'indemnisation de la MSA de Lorraine au titre des frais de transport et des frais médicaux ; 2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... et la MSA de Lorraine, s'agissant de ces chefs de préjudice ; 3°) de mettre à la charge de M. A... et de la MSA de Lorraine le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au profit de la commune. Elles soutiennent que : - les premiers juges ont statué ultra petit en accordant à M. A... une indemnité de 25 300 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, évalué à 20 % conformément au rapport d'expertise, dès lors que, compte tenu du partage de responsabilité opéré par les premiers juges, cette indemnisation correspond à un montant de 1 897,50 euros par point, très largement supérieur au montant demandé par l'intéressé ; - le tribunal aurait dû rejeter les conclusions tendant à l'indemnisation de l'assistance par tierce personne car elles n'étaient pas chiffrées, s'agissant de l'intervention de l'aide familiale, ni fondées, en l'absence de factures correspondant aux interventions d'aides à domicile et d'aides-soignantes entre la sortie du centre de rééducation et la date du jugement ; - le tribunal a décidé de ne pas retenir les préconisations de l'expert judiciaire quant au nombre d'heures à retenir pour les frais futurs, sans motiver le jugement sur ce point ; les premiers juges n'ont pas motivé et expliqué leur calcul permettant d'aboutir à la somme de 52 293 euros en prenant en compte le partage de responsabilité ; - c'est à tort que la MSA a été indemnisée de ses débours, alors qu'elle n'avait pas communiqué les justificatifs des frais de transport et des frais médicaux. Par un mémoire enregistré le 6 octobre 2021, M. B... A..., représenté par la SCP Schmitzberger-Hoffer et Colette, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 1 500 euros soit mis à la charge de la commune de Laquenexy et de la CIADE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges peuvent faire une évaluation supérieure à celle du demandeur s'agissant de certains chefs de préjudice, pourvu que l'indemnité totale ne dépasse pas les conclusions dont ils sont saisis ; - c'est à bon droit que le tribunal a indemnisé son besoin d'assistance par une tierce personne, qu'il avait chiffré, au regard des principes de réparation intégrale des préjudices, de l'évaluation de l'indemnisation en fonction des besoins de la victime, et non des dépenses, et de l'interdiction de réduire l'indemnisation en cas d'assistance familiale ; il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir isolé l'aide apportée par ses proches au sens de ses prétentions indemnitaires ; - l'indemnisation des frais futurs s'est effectuée sur une base de 365 jours ; les premiers juges n'étaient pas tenus par l'estimation proposée par l'expert, ils ont retenu le même besoin horaire pour toute la période, en l'absence d'évolution de son état de santé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Samson-Dye, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Payet-Blondet, du cabinet Racine, pour la commune de Laquenexy et la CIADE. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., alors âgé de 83 ans, a chuté dans les escaliers menant à la chaufferie de l'hôtel de ville de la commune de Laquenexy le 14 mars 2018. Par un jugement avant dire droit du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a reconnu que cet accident engageait la responsabilité de la commune, à la hauteur des deux-tiers, compte tenu du comportement de la victime, et ordonné avant dire droit une expertise, portant sur l'évaluation des préjudices de la victime. Par un jugement du 8 juin 2021, le tribunal a condamné la commune de Laquenexy à verser à M. A... la somme de 127 885,90 euros, et à verser à la mutualité sociale agricole (MSA) de Lorraine les sommes de 45 652,26 euros au titre des débours et de 1 098 euros au titre des frais de gestion. La commune et la CIADE, son assureur, font appel de ce dernier jugement en tant qu'il condamne la commune à indemniser certains chefs de préjudice. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, les premiers juges n'ont pas accordé à M. A... une indemnité globalement supérieure à celle qu'il avait sollicitée dans ses écritures. La commune et son assureur ne sont donc pas fondés à soutenir que le tribunal aurait statué ultra petita, quand bien même les premiers juges ont indemnisé le préjudice lié au déficit fonctionnel permanent sur une base retenant une réparation par point de déficit supérieure à celle qu'avait invoquée le demandeur. 3. En second lieu, les premiers juges n'étant pas liés par les conclusions du rapport d'expertise, l'obligation de motiver leur jugement ne leur imposait pas d'expliquer spécifiquement pour quels motifs ils avaient décidé de s'en écarter. En outre, pour déterminer la somme que la commune a été condamnée à verser à M. A... au titre de l'indemnisation de son besoin d'assistance par une tierce personne, s'agissant de la période postérieure au jugement, le tribunal a mentionné le nombre d'heures qu'il entendait indemniser ainsi que les montants horaires, soit dix heures hebdomadaires à 18 euros, cinq heures mensuelles à 18 euros, et une heure par jour à 13 euros, avant de préciser le coefficient de capitalisation qu'il utilisait et son origine. Par suite, ce calcul est, d'un point de vue formel, suffisamment motivé. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit donc être écarté, dans ses deux branches. Sur l'indemnisation des préjudices de M. A... : 4. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime. 5. En premier lieu, la commune et son assureur reprochent aux premiers juges d'avoir accordé à M. A..., au titre de la période antérieure au jugement, une indemnité pour son besoin d'assistance par une tierce personne, alors qu'il n'avait pas chiffré précisément le poste correspondant à l'intervention d'une aide familiale et qu'il n'avait pas produit de factures d'aides spécialisées pour les aides à domicile et aides-soignantes intervenues après sa sortie du centre de rééducation. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le montant de l'indemnité doit être déterminé en fonction des besoins de la victime et qu'il n'est pas lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier, de sorte que le défaut de production de factures ne faisait pas obstacle à l'indemnisation d'un besoin en aide spécialisée. En outre, il résulte de l'instruction que le requérant avait chiffré globalement l'indemnité qu'il sollicitait au titre de ce chef de préjudice, en mentionnant le volume horaire correspondant à chaque période et le montant horaire sollicité, qui était de 20 euros. Aucune circonstance ne faisait obstacle à ce que le tribunal distingue, pour déterminer l'indemnité due, les différents types de besoin de l'intéressé, selon qu'ils nécessitent une aide spécialisée ou non, puis qu'il détermine le coût horaire spécifique à chacun de ces besoins. Le tribunal a donc pu, à bon droit, accorder une indemnité correspondant à un besoin en aide non spécialisée, en plus d'une indemnité recouvrant le besoin d'aide spécialisée. Les moyens invoqués ne sont donc pas de nature à mettre en cause la pertinence de l'évaluation par les premiers juges de ce chef de préjudice, pour la période précédant le jugement. 6. En second lieu, s'agissant de la période postérieure au jugement, la commune et son assureur font grief au tribunal d'avoir indemnisé le besoin en assistance par une tierce personne de M. A... en retenant des besoins de dix heures par semaine et cinq heures par mois, pour un montant horaire de 18 euros dans les deux cas, ainsi qu'un besoin supplémentaire d'une heure, pour 13 euros, alors que l'expert désigné à l'issue du jugement avant dire droit avait retenu un besoin de quatre heures par semaines seulement, pour la période postérieure à la consolidation, intervenue le 20 août 2020. 7. Il résulte de l'instruction qu'alors que M. A..., né le 4 novembre 1934, demeurait autonome pour les gestes de la vie courante avant l'accident litigieux, et intervenait même comme aidant au profit de son épouse, les séquelles de sa chute, qui ont engendré un déficit fonctionnel permanent de 20 %, impactent sa capacité à utiliser son bras et sa jambe gauches, l'intéressé se déplaçant en fauteuil roulant ou, à l'intérieur, à l'aide d'un déambulateur. Alors même que des travaux réalisés à son domicile, indemnisés par le jugement attaqué, lui permettent de retrouver un degré d'autonomie supérieur, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert, ainsi que des commentaires de l'ergothérapeute, qu'il nécessite toujours une assistance pour des gestes de la vie quotidienne, et notamment pour la toilette et l'habillement. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de son besoin d'assistance en l'évaluant à deux heures par jour pour la période postérieure au jugement attaqué, cette assistance non spécialisée devant être indemnisée au coût horaire de 15 euros, et sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés. Le besoin total de l'intéressé est ainsi de 12 360 euros par an, de sorte que la commune a vocation à être condamnée à payer les deux-tiers de cette somme, compte tenu du partage de responsabilité, soit 8 240 euros par an. Pour la période de 29 mois séparant la date du jugement de celle du présent arrêt, la commune aurait ainsi vocation à payer 19 913,33 euros, puis, pour l'avenir, et par application du coefficient de capitalisation de la Gazette du Palais pour 2022, applicable à un homme âgé de 89 ans, soit 4,234, une somme de 34 888,16 euros, de sorte que la somme que la commune aurait vocation à lui verser s'établit à 54 801,49 euros. Cette somme s'avère toutefois supérieure à celle que la commune a été condamnée à verser par les premiers juges au titre de ce chef de préjudice, pour la période postérieure au jugement, qui s'élève à 52 293 euros. La commune de Laquenexy et la CIADE ne sont donc pas fondées à demander que le montant de cette condamnation soit revu à la baisse. 8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Laquenexy et la CIADE ne sont pas fondées à contester le jugement attaqué, s'agissant des indemnités dues à M. A..., sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions d'appel de la CIADE. Sur l'indemnisation des débours de la MSA de Lorraine : 9. L'appel doit être regardé comme portant sur la seule condamnation de la commune à rembourser à l'organisme social ses débours s'agissant des frais médicaux et des frais de transport. En dépit de la contestation formulée sur ce point par la commune de Laquenexy, et de la demande de pièce qui lui a été adressée par la cour, la MSA de Lorraine n'a pas produit d'éléments précisément chiffrés et détaillés permettant de justifier des sommes qu'elle demandait sous l'appellation de frais de transport et de frais médicaux, qui ont été indemnisés au point 29 du jugement. La commune de Laquenexy est donc fondée à demander l'annulation du jugement en tant qu'il met à sa charge les sommes de 12 157,40 euros et 9 359,77 euros à ce titre, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel en tant qu'elle émane de la CIADE, dès lors qu'elle est recevable en tant qu'elle émane de la commune. Il suit de là que la somme que la commune de Laquenexy est condamnée à verser à la MSA de Lorraine doit être ramenée de 45 652,26 euros à 24 135,09 euros. Sur les frais de l'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée au profit de la commune de Laquenexy soit mise à la charge de M. A... qui n'a pas la qualité de partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Laquenexy une somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le même fondement. 11. La MSA de Lorraine ayant, en revanche, la qualité de partie perdante à l'encontre de la commune de Laquenexy, il y a lieu de mettre à la charge de l'organisme social la somme de 1 000 euros à verser à la commune, sur le même fondement. D E C I D E : Article 1er : La somme que la commune de Laquenexy est condamnée à verser à la mutualité sociale agricole de Lorraine au titre des débours est ramenée de 45 652,26 euros à 24 135,09 euros. Article 2 : L'article 7 du jugement n° 1903383 du tribunal administratif de Strasbourg du 8 juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La commune de Laquenexy versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La mutualité sociale agricole de Lorraine versera à la commune de Laquenexy la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Laquenexy, à la caisse intercommunale d'assurances des départements de l'Est, à M. B... A... et à la mutualité sociale agricole de Lorraine. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La présidente-rapporteure, Signé : A. Samson-Dye L'assesseure la plus ancienne, Signé : S. Roussaux La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC02241 |
CETATEXT000048457806 | J5_L_2023_11_00021NC02431 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457806.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC02431, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC02431 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | Mme Aline SAMSON-DYE | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 20 juillet 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un jugement n° 2102189 du 4 août 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, renvoyé devant une formation collégiale les conclusions de la demande tendant à l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour et les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, annulé l'arrêté du 20 juillet 2021 du préfet de Meurthe-et-Moselle en tant qu'il fait obligation à M. A... de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, en fixant son pays de destination et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, précisé qu'il était immédiatement mis fin aux mesures de surveillance en application des dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de manière immédiate, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à Me Chaïb, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à M. A... si le bénéfice de l'aide juridictionnelle devait lui être refusé. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er septembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté, au motif que les voies et délais de recours n'étaient pas précisés ; - il renvoie à son mémoire de première instance s'agissant du bien-fondé des moyens. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant kosovar né le 19 octobre 1984, a déclaré être entré pour la dernière fois sur le territoire français au cours de l'année 2000. Par un arrêté du 20 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un arrêté du 28 juillet 2021, le préfet a également ordonné son placement en rétention au centre de rétention administrative de Metz. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2021. Le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée a annulé cet arrêté, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. 2. Le préfet fait grief au premier juge d'avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté, en retenant que la mention des voies et délais de recours était incomplète. Toutefois, en cas de rétention ou de détention, lorsque l'étranger entend contester une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment lorsqu'il entend contester une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, la circonstance que sa requête ait été adressée, dans le délai de recours, à l'administration chargée de la rétention ou au chef d'établissement pénitentiaire, fait obstacle à ce qu'elle soit regardée comme tardive, alors même qu'elle ne parviendrait au greffe du tribunal administratif qu'après l'expiration de ce délai de recours. Depuis l'entrée en vigueur des articles R. 776-19, R. 776-29 et R. 776-31 du code de justice administrative, notamment, pour les étrangers détenus, des dispositions issues du décret n° 2016-1458 du 28 octobre 2016 précité, il incombe à l'administration, pour les décisions présentant les caractéristiques mentionnées ci-dessus, de faire figurer, dans leur notification à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire. De telles précisions ne figuraient pas dans la mention des voies et délais de recours remise à l'intéressé, alors que ce dernier se trouvait en détention. Le préfet n'est donc pas fondé à se plaindre de ce que la première juge a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté. 3. Par ailleurs, le préfet ne développe aucune critique à l'encontre du moyen d'illégalité retenu par le tribunal. S'il renvoie à son mémoire produit devant le tribunal, ce document ne comportait lui-même aucune défense s'agissant du moyen retenu par le jugement attaqué. 4. La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle ne peut donc qu'être rejetée. D E C I D E : Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La présidente-rapporteure, Signé : A. Samson-DyeL'assesseure la plus ancienne, Signé : S. Roussaux La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC02431 |
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CETATEXT000048457807 | J5_L_2023_11_00021NC02606 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457807.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC02606, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 21NC02606 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS SANIAL DENIS ROGER | Mme Aline SAMSON-DYE | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 20 janvier 2020 prononçant sa révocation. Par un jugement n° 2000588 du 26 juillet 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 septembre 2021 et 11 mai 2022, M. B... A..., représentée par Me Roger, de la SCP Badré Hyonne Sens-Salis Denis Roger Daillencourt, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 20 janvier 2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les droits de la défense ont été méconnus, dès lors qu'il n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour organiser sa défense alors notamment qu'il était en détention provisoire et compte tenu du temps nécessaire pour la consultation de son dossier, qui ne pouvait s'effectuer que sur place, des mouvements sociaux et de l'importance des faits reprochés ; le choix de la date de la commission de discipline tenait à la volonté de lui infliger une sanction avant son départ en retraite ; son droit à être entendu par le conseil de discipline et d'obtenir un report a été méconnu, alors que l'administration a bénéficié d'un report ; la convocation devant le conseil de discipline n'indiquait pas les griefs retenus à son encontre ; - la sanction est hors de proportion avec la faute commise. Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Samson-Dye, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., commandant de police, a fait l'objet d'une révocation, par arrêté du ministre de l'intérieur du 20 janvier 2020. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction. Sur la légalité externe de l'arrêté portant révocation : 2. Aux termes de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception./ Ce conseil peut décider, à la majorité des membres présents, de renvoyer à la demande du fonctionnaire ou de son ou de ses défenseurs l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Un tel report n'est possible qu'une seule fois. ". 3. Il est constant que le délai de 15 jours prévu par les dispositions citées au point précédent a été respecté, tant s'agissant de la convocation à la réunion du conseil de discipline initialement prévue le 9 janvier 2020 que pour la seconde convocation à la séance du 14 janvier 2020. Le requérant soutient toutefois que, dans les circonstances de l'espèce, la date retenue ne lui a pas laissé un délai suffisant pour préparer sa défense. Il critique également le rejet de la demande de report formulée par son conseil. 4. La circonstance que M. A... n'ait pas pu être entendu personnellement lors du conseil de discipline, en raison de son placement en détention provisoire, n'a pas pour effet d'entacher, par elle-même, la procédure d'irrégularité, quand bien même il avait exprimé le souhait de présenter ses observations et que les courriers l'informant de la date de ce conseil rappelaient, au titre des droits dont peut bénéficier la personne mise en cause, qu'il pouvait être entendu par la commission. 5. Par ailleurs, le conseil du requérant a sollicité le report de la procédure, par un courrier du 8 janvier 2020. Si l'avocat indiquait avoir pris connaissance seulement à cette date du report de la réunion au 14 janvier, il ressort des pièces du dossier que son client en avait été informé dès le 24 décembre 2019. Si le requérant évoque par ailleurs, pour contester le maintien du conseil de discipline au 14 janvier 2020, les difficultés de déplacement liées au mouvement de grève et aux manifestations qui ont eu lieu au cours de cette journée, ces difficultés ne pouvaient être regardées comme imposant un report de cette réunion, à laquelle les membres du conseil de discipline ont pu participer, à l'exception de ceux qui ont été excusés pour raison de service. De même, si M. A... relève que le conseil de discipline s'est réuni peu après les fêtes de fin d'année, il ne fait état d'aucune circonstance précise ayant rendu impossible pour lui la préparation de sa défense de ce fait, et notamment la consultation de son dossier, par l'intermédiaire de son avocat, quand bien même cette consultation ne pouvait se faire que sur place à Paris. Enfin, le courrier du conseil du requérant sollicitant le report évoquait une impossibilité pour les témoins que son client souhaitait faire entendre de se déplacer en raison de mouvements de grève, tout en mentionnant la " grève dure " des avocats, sans d'ailleurs préciser s'il la suivait lui-même et le conseil du requérant demandait le renvoi " à une date qui ne saurait être moindre que celle de la détention provisoire actuelle ". Au regard de la multiplicité des motifs invoqués, de leur nature et des circonstances de l'espèce, le conseil de discipline a pu légalement rejeter cette demande de report. La circonstance que l'administration ait souhaité achever la procédure disciplinaire avant la retraite de l'intéressé est sans incidence, par elle-même, sur la régularité de cette procédure. De même, M. A... ne saurait se prévaloir d'une rupture d'égalité tenant au fait que sa demande de renvoi a été rejetée alors que l'administration aurait bénéficié d'un tel report, dès lors que les dispositions citées au point 2 n'interdisent nullement à l'autorité qui a déclenché la procédure disciplinaire et qui conduit cette procédure de modifier la date à laquelle le conseil de discipline est appelé à se réunir. 6. Le requérant relève également que les convocations qui lui ont été adressées ne mentionnent pas les griefs retenus à son encontre. Il est vrai que les convocations adressées à l'intéressé indiquaient qu'il était susceptible de faire l'objet d'une des sanctions prévues par l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, et mentionnaient ses droits, et notamment celui d'obtenir communication de l'intégralité de son dossier individuel, mais ne précisaient pas les manquements qui lui étaient reprochés. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de faire mention, dans la convocation devant le conseil de discipline, des faits reprochés à un fonctionnaire de l'Etat. En l'espèce, le requérant a été informé de certains des agissements justifiant l'initiation de la procédure disciplinaire au début de son audition dans le cadre de l'enquête administrative, avant de refuser d'y prendre part tant que la procédure pénale ne serait pas terminée. De plus, il a été mis en mesure de consulter son dossier qui, d'après les éléments transmis par l'administration, comprenait notamment une synthèse de l'enquête administrative énumérant les manquements susceptibles d'être retenus. Dans ces conditions, et comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, l'administration avait mis M. A... en mesure de prendre connaissance des manquements qui lui étaient reprochés et de préparer ainsi utilement sa défense. 7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été porté atteinte aux droits de la défense. Les moyens tirés de l'insuffisance du délai imparti pour assurer sa défense, de la violation des droits d'être entendu et d'obtenir un report du conseil de discipline et de l'absence de mention des motifs de la convocation devant le conseil de discipline doivent être écartés. Sur la légalité interne de l'arrêté portant révocation : 8. La sanction prononcée est motivée par plusieurs faits, dont le ministre de l'intérieur estime qu'ils caractérisent un grave manquement aux obligations statutaires et déontologiques s'imposant aux fonctionnaires de police, en terme d'exemplarité, de protection des personnes, d'obéissance, de loyauté, d'obligation de rendre compte et de respect des règles d'utilisation des fichiers. L'arrêté litigieux retient que ces agissements portent une atteinte grave et publique au crédit et au renom de l'institution policière et sont incompatibles avec les fonctions et la qualité de fonctionnaire de police nationale, justifiant une mesure de révocation. 9. Les manquements reprochés à M. A... tiennent notamment au fait que l'intéressé a profité à plusieurs reprises de ses fonctions pour séduire, ou tenter de séduire, des jeunes femmes, parfois mineures, pour en tirer un avantage personnel, et notamment des faveurs sexuelles. Il est vrai que l'intéressé a été relaxé par les juridictions pénales des faits d'agression sexuelle et de viols, la condamnation prononcée à son égard portant sur les seuls délits de consultation régulière de sites pédopornographiques et de détention d'images pédopornographiques. Toutefois, la relaxe partielle dont il a bénéficié est sans incidence sur l'existence de la faute disciplinaire en question, qui n'est pas conditionnée par une telle qualification pénale. 10. L'arrêté litigieux reproche également à M A... d'avoir autorisé l'accès à des locaux ... à des personnes susceptibles d'être en lien avec des individus radicalisés, pour des motifs personnels, sans contrôle, au mépris des règles de sécurité, d'avoir procédé à des attouchements sur la fille de sa collègue, âgée alors de dix ans, d'avoir consulté sans nécessité de service un fichier confidentiel pour en montrer le fonctionnement à une personne non habilitée et de lui avoir révélé des informations concernant un individu fiché S, d'avoir utilisé son matériel professionnel pour consulter des sites pédopornographiques et télécharger des fichiers pédopornographiques, d'avoir photographié des mineurs à leur insu, d'avoir stocké à son domicile plusieurs ordinateurs contenant de très nombreuses notes et documents classifiés confidentiel défense, d'avoir effacé des données pour se prémunir de l'enquête judiciaire, et enfin d'avoir refusé de répondre aux questions posées dans le cadre de l'audition administrative. Au regard de la nature et du nombre des faits reprochés, dont l'existence n'est pas contestée et est au contraire corroborée par les pièces du dossier, et dont la qualification de fautes disciplinaires n'est pas davantage mise en cause par le requérant, la sanction de révocation infligée par l'administration n'est pas disproportionnée. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, dans toutes ses conclusions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La présidente-rapporteure, Signé : A. Samson-Dye L'assesseure la plus ancienne, Signé : S. Roussaux La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC02606 |
CETATEXT000048457808 | J5_L_2023_11_00022NC02597 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457808.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 22NC02597, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02597 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | NOUDEHOU | M. Arthur DENIZOT | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé. Par un jugement n° 2201487 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Noudehou, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 septembre 2022 ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 mai 2022 pris à son encontre par le préfet de la Marne ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de réexaminer sa situation administrative et, dans l'intervalle, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement n'est pas suffisamment motivé ; s'agissant de la décision de refus de titre de séjour : - la décision n'est pas suffisamment motivée ; - le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ; - dans la mesure où il est avéré qu'il a réussi les épreuves théoriques et académiques de la première session de son master et en raison de l'impossibilité de trouver un stage, en méconnaissance des articles L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 9 de la convention entre la France et le Sénégal, le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation particulière ; s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : - la décision doit être annulée par voie de conséquence. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2023, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 10 août 1988, est entré régulièrement en France le 1er septembre 2017 muni d'un visa long séjour. M. A... s'est vu délivrer un titre de séjour afin de poursuivre ses études en France. Le 11 septembre 2021, M. A... a déposé une demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant. Par un arrêté du 4 mai 2022, le préfet de la Marne a refusé de renouveler le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé. M. A... relève appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a expressément répondu aux moyens présentés dans la demande de première instance. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré du défaut de motivation de la décision refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressé. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité. Sur la décision de refus de titre de séjour : 3. En premier lieu, la décision contestée, qui vise notamment la convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal et qui fait état de l'absence de caractère sérieux des études conduites par l'intéressé, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Cette décision est donc suffisamment motivée contrairement à ce qu'allègue M. A.... En outre, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision en litige que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. ". 5. Aux termes de l'article 9 de la convention conclue entre la France et le Sénégal le 1er août 1995 : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre Etat doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage. Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent, le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants ". Aux termes de l'article 13 de la même convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant par un ressortissant sénégalais, de rechercher, sous le contrôle du juge et à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement ses études. Le renouvellement de ce titre de séjour est ainsi subordonné à la réalité et à la progression des études poursuivies par le bénéficiaire. 6. D'une part, il résulte des stipulations précitées de l'article 13 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 que l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants sénégalais désireux de poursuivre leurs études en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant. 7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à son arrivée en France, M. A... s'est inscrit en première année de master nanosciences optique atmosphère à l'université de Reims Champagne-Ardenne au titre de l'année universitaire 2017/2018. Il a été ajourné avec une moyenne de 9,644/20. Lors de son redoublement en 2018/2019, il a été admis avec une moyenne de 10,431/20. M. A... s'est alors inscrit en deuxième année de master physique, spectrométrie, ingénierie et instrumentation à l'université de Reims Champagne-Ardenne au titre de l'année 2019/2020. Il n'a obtenu, à l'issue de son année universitaire, qu'une moyenne de 5,378/20. Réinscrit pour l'année 2020/2021, il a été à nouveau ajourné avec la même moyenne de 5,378/20. Si M. A... a obtenu, dès l'année 2019/2020, la note de 10,755, son ajournement est justifié par le fait qu'il s'est vu attribuer la note de zéro pour le second semestre en l'absence de stage. Les démarches de M. A... s'étant montrées infructueuses pour obtenir un stage, nécessaire à l'évaluation de son second semestre, l'intéressé a de nouveau obtenu la note de zéro pour ce second semestre. 8. Si le requérant justifie avoir fait acte de candidature à de nombreux postes de stagiaires et que certains refus étaient motivés par les contraintes liées à la crise sanitaire, il ressort toutefois des pièces du dossier que les candidatures de M. A... ne sont pas nécessairement montrées pertinentes et appropriées compte tenu de la nature des fonctions proposées au regard de sa formation. En outre, les nombreuses demandes de stage de M. A... ont principalement été présentées au cours du dernier trimestre 2020 et premier trimestre 2021. M. A... n'apporte aucune explication permettant de justifier les motifs pour lesquels il n'a pas proposé sa candidature à d'autres périodes de l'année. Par suite, M. A... ne démontre pas le caractère réel et sérieux de ses études. Dans ces conditions, le préfet de la Marne a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise, refuser de renouveler le titre de séjour dont il bénéficiait en qualité d'étudiant compte tenu de l'absence de progression dans ses études supérieures. 9. Pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, et alors que l'intéressé se prévaut seulement de ses études, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de M. A.... Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 10. Pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il n'est pas établi que la décision de refus de séjour serait illégale. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Marne. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 22NC02597 |
CETATEXT000048457809 | J5_L_2023_11_00022NC02769 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457809.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 22NC02769, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02769 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | CHERON | M. Arthur DENIZOT | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 17 mars 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée. Par un jugement n° 2201420 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 3 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Cheron, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 septembre 2022 ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 mars 2022 pris à son encontre par le préfet de la Marne; 3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : s'agissant de la décision de refus de titre de séjour : - en n'examinant pas sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ; le jugement est entaché d'une dénaturation des faits ; - au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartenait au préfet, qui a entaché sa décision d'une erreur de droit, d'examiner non seulement l'ancienneté mais également l'intensité et la stabilité des liens familiaux ; - en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; - en méconnaissance de l'article L. 435-1, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation à titre exceptionnel ; - en méconnaissance des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, la décision méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant ; - la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ; s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : - la décision est illégale à l'instar du refus de titre de séjour ; - elle peut obtenir la délivrance d'un titre de séjour au regard de sa vie privée et familiale. Une mise en demeure a été adressée le 25 juillet 2023 au préfet de la Marne. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante de nationalité camerounaise, née le 2 mai 1979 à Douala, est entrée en France le 23 juillet 2015 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est maintenue sur le territoire à l'expiration de la durée de son visa. Le 13 août 2021, Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 mars 2022, le préfet de la Marne a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée. Mme A... relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la décision de refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ne ressort pas de la fiche d'examen de situation du 13 août 2021 que Mme A... aurait sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Au demeurant, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de la Marne a examiné la possibilité de faire bénéficier à Mme A... une mesure d'admission exceptionnelle au séjour. Le moyen tiré de l'absence d'examen de la situation de Mme A... au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté. 3. En deuxième lieu, il ressort expressément des termes de la décision contestée que le préfet de la Marne a recherché, au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si l'intéressée justifiait de liens privés et familiaux stables, anciens et intenses en France. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen par le préfet de la Marne de l'ancienneté et de l'intensité des liens privés et familiaux de la requérante doit être écarté comme manquant en fait. 4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". 5. Mme A... se prévaut de la conclusion d'un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français le 16 décembre 2020. Mme A..., qui établit l'existence d'une communauté de vie avec l'intéressé depuis le mois de mars 2020, justifie également de sa présence, certes irrégulière, en France depuis l'année 2017. Toutefois, l'existence de cette communauté de vie présente un caractère trop récent à la date de la décision contestée pour caractériser, en tant que telle, une ancienneté et une stabilité de liens personnels et familiaux sur le territoire français. En outre, Mme A... n'établit pas l'existence d'autres liens privés et familiaux intenses et stables sur le territoire français dans la mesure où elle a indiqué que son fils, né le 6 janvier 2006, ainsi que ses parents, résident encore au Cameroun. Enfin, la promesse d'embauche et la conclusion d'un contrat à durée indéterminée sont postérieurs à la décision contestée. Ainsi, en dépit de la durée de présence de l'intéressée sur le territoire français et compte tenu du caractère récent d'une communauté de vie avec un ressortissant français, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 7. Mme A... se prévaut de l'inscription de son fils, B..., né le 6 janvier 2006, à l'EDC Business School de Paris, pour la période académique 2022/2023. Toutefois, en l'absence de liens attestés entre la requérante et son fils et au regard de la circonstance que l'intéressée avait mentionné que son fils résidait au Cameroun, la seule attestation d'inscription, au demeurant postérieure à la décision contestée, ne saurait caractériser une atteinte aux stipulations citées au point précédent. 8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire". 9. Mme A... se prévaut d'une promesse d'embauche, postérieure à la décision contestée, qui s'est concrétisée par la conclusion d'un contrat à durée indéterminée le 1er août 2022. Au regard de ce seul élément, et compte tenu de ce qui précède, Mme A... ne peut pas être regardée comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. 10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de A.... Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 11. En premier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il n'est pas établi que la décision de refus de séjour serait illégale. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour. 12. En second lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, Mme A... ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit sur le fondement des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que Mme A... ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ne peut dès lors qu'être écarté. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Marne. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 22NC02769 |
CETATEXT000048457810 | J5_L_2023_11_00022NC02895 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457810.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 22NC02895, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02895 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | ELEOS AVOCATS | M. Arthur DENIZOT | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé. Par un jugement n° 2205291 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Andreini, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 octobre 2022 ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 août 2022 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et dans l'intervalle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : s'agissant de la décision de refus de titre de séjour : - la décision n'est pas suffisamment motivée ; - le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ; - en ne mentionnant pas l'accord franco-marocain, la préfète a commis une erreur de droit ; - il remplit les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ; en tant que ressortissant marocain, l'exigence d'un visa long séjour ne saurait lui être opposé ; - en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation à titre exceptionnel ; - en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : - la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ; s'agissant de la décision fixant le pays de destination : - la décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Une mise en demeure a été adressée le 25 juillet 2023 à la préfète du Bas-Rhin. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant marocain, né le 8 mai 1989 serait entré en France au cours de l'année 2015. Dans le dernier état de la procédure, M. B..., après avoir obtenu un titre de séjour au titre de la période du 6 décembre 2018 au 5 décembre 2019, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, en demandant un changement de statut en qualité de " salarié ". Par un arrêté du 4 août 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé. M. B... relève appel du jugement du 19 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la légalité de l'arrêté contesté : 2. D'une part, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an, renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. (...)". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". D'autre part, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ". 3. Il résulte des stipulations précitées de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Dans la décision contestée, la préfète du Bas-Rhin a indiqué que " l'intéressé a pu travailler uniquement au regard de son admission au séjour en tant que conjoint de français " et que " la présence d'un contrat de travail n'est pas suffisant à lui seul pour justifier une régularisation sur le territoire français au regard du travail ". La préfète du Bas-Rhin en déduit que M. B... " ne peut se prévaloir de l'article L. 421-1 du code précité pour être muni d'un titre de séjour ". En répondant à la demande de titre de séjour de M. B... au motif qu'il ne remplit pas les conditions prévues par ces dispositions alors qu'elles lui sont inapplicables en raison de sa nationalité, l'administration a entaché le refus de séjour d'une erreur de droit, ainsi que le soutient le requérant, étant précisé que les motifs de fait avancés par la préfète du Bas-Rhin dans la décision contestée sont sans rapport avec les conditions de délivrance d'un titre de séjour prévues par l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme d'ailleurs avec celles mentionnées à l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par voie de conséquence, M. B... est également fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. 4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sur l'injonction : 5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ". 6. En application des dispositions précitées, il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de délivrer immédiatement à M. B... une autorisation provisoire de séjour. En outre, compte tenu du motif d'annulation retenu, il y a uniquement lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la situation administrative de M. B... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés à l'instance : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2205291 du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 4 août 2022 de la préfète du Bas-Rhin sont annulés. Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin, d'une part, de délivrer immédiatement à M. B... une autorisation provisoire de séjour, d'autre part, de réexaminer la situation administrative de M. B... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 22NC02895 |
CETATEXT000048457811 | J5_L_2023_11_00022NC02954 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457811.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 22NC02954, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 22NC02954 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | ELSAESSER | M. Arthur DENIZOT | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année[DA1]. Par un jugement n° 2107784 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2021 ; 2°) par jugement avant-dire droit d'enjoindre au préfet de la Moselle la communication de l'entier dossier médical de M. A... ; 3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 septembre 2021 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ; 4°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Elsaesser, avocat de M. A..., de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - il sollicite, par un jugement avant-dire droit, que le préfet de la Moselle se rapproche de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) afin d'obtenir la communication de l'intégralité des pièces constituant son dossier médical ; - il y a une rupture d'égalité des armes dans le débat contradictoire puisque le préfet a accès à des informations médicales auxquelles lui-même n'a pas accès et qui ne lui ont pas été communiquées ; la cour n'est pas en capacité d'analyser la légalité de l'arrêté préfectoral en litige ; en cas de confirmation de la légalité de l'arrêté préfectoral, le principe d'égalité des armes sera méconnu par la juridiction de céans ; s'agissant de la décision de refus de titre de séjour : - en ne prenant pas en compte de pièces médicales postérieures à la décision contestée, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; - en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur dans l'appréciation de la disponibilité du traitement de sa pathologie et de l'effectivité des soins dans son pays d'origine ; - le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation à titre exceptionnel ; s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; s'agissant de la décision fixant le pays de destination : - la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; - la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ; s'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français : - la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; - le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation ; - le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des circonstances humanitaires en prononçant à son encontre une décision d'interdiction de retour ; Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant kosovar, né le 20 février 1965, est entré en France le 7 janvier 2018 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 20 août 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 20 janvier 2019. Le 27 février 2019, M. A... a fait l'objet d'une décision d'éloignement. Le 22 mai 2019, M. A... a sollicité son admission au séjour pour des raisons de santé. Des récépissés de demande de titres de séjour ont régulièrement été délivrés à l'intéressé et renouvelés jusqu'au 8 février 2021. Le 14 janvier 2021, M. A... a de nouveau sollicité son admission au séjour pour des raisons de santé. Par arrêté du 14 septembre 2021, le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance du titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le Kosovo comme pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 31 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la demande de sursis à statuer : 2. Si le demandeur entend contester le sens de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en sollicitant le cas échéant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire. Par suite, dans la mesure où l'avis du collège des médecins de l'OFII et plusieurs pièces médicales produites par la requérante figurent au dossier, il n'y a en tout état de cause pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la communication de l'entier dossier médical par l'OFII. Sur la légalité de l'arrêté contesté : 3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". 4. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. 6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... en raison de son état de santé, le préfet de la Moselle s'est fondé sur l'avis du 24 mars 2021 du collège de médecins du service médical de l'OFII qui a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. 7. En l'espèce, M. A... souffre d'un déficit moteur grave de l'hémicorps droit et d'un syndrome dépressif majeur. Il ressort des différentes pièces versées au dossier, et notamment de certificats médicaux en date du 7 janvier 2021, du 12 mars 2021, du 13 août 2021, du 23 septembre 2021, du 8 octobre 2021 et d'ordonnances en date du 5 août 2021 et du 8 décembre 2021 qu'il fait l'objet d'un suivi neurologique, d'un traitement kinésithérapeutique et d'un traitement médicamenteux à base de Propranolol, de Bactofene, de Pantaprozole, de Paroxitine, de Prégabaline et de Paracétamol. Le requérant produit également un certificat du ministère de la santé du Kosovo, du 15 novembre 2021, attestant de la pénurie de certains médicaments, et notamment du Baclofène, de la Prégabaline et du Propranolol. Par sa nature et les termes de sa rédaction, une telle attestation révèle, ainsi que le souligne le requérant, l'existence d'un état de pénurie de ces médicaments à la date de la décision contestée et est de nature à remettre en cause la présomption qui s'attache à l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII. A cet égard, ni dans ses écritures ni dans les pièces versées au dossier, le préfet de la Moselle ne justifie qu'il existerait, pour M. A..., un traitement de substitution dans son pays d'origine ou que les principes actifs des médicaments cités dans l'attestation existeraient au Kosovo sous une autre appellation commerciale. Dès lors, en l'absence de contestation de cette attestation, le préfet de la Moselle a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A.... 8. Par voie de conséquence, M. A... est également fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année sont illégales en raison de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. 9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sur l'injonction et l'astreinte : 10. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ". 11. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire implique que M. A... soit immédiatement muni d'une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le présent arrêt, n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de la Moselle prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer la situation administrative de M. A... et de prendre une nouvelle décision tenant compte des motifs du présent arrêt dans un délai de deux mois. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés à l'instance : 12. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Elsaesser, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat [BN2][DA3]le versement à Me Elsaesser de la somme de 1 000 euros. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2107784 du 31 décembre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 14 septembre 2021 du préfet de la Moselle sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle, d'une part, de délivrer immédiatement à M. A... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, de réexaminer la situation administrative de M. A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Elsaesser une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Elsaesser renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Elsaesser et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Moselle. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, A. DenizotLa présidente, A. Samson-Dye La greffière, N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso [DA1]L'IRTF n'est pas visée par le TA67 alors qu'il y avait une conclusion en ce sens dans la demande de PI dpi p. 24 [BN2]Ce n'est pas à la charge du préfet ' [DA3R2]Oui, en effet, 2 N° 22NC02954 |
CETATEXT000048457812 | J5_L_2023_11_00023NC00310 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457812.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 23NC00310, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00310 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | ABDELLI - ALVES | Mme Sophie ROUSSAUX | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2201238 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 28 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Abdelli, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2201238 du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Besançon ; 2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; 3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à défaut, dans ce même délai, de procéder au réexamen de sa situation personnelle dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé, notamment au regard du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la loi n° 79-587 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; - il est entaché de nombreuses erreurs de faits ; - il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car sa femme et ses enfants vivent en France ; - la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne pourra pas avoir au Liban le même suivi, ni le même traitement, que celui dont il bénéficie en France ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 % par une décision du 9 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 18 janvier 1959 et de nationalité libanaise, est entré en France sous couvert d'un visa C valable du 10 août 2017 au 9 août 2020 et s'est maintenu sur le territoire français depuis lors. Par une demande du 7 février 2022, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalent de son état de santé. Par un arrêté du 1er juillet 2022, le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement n° 2201238 du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". 3. Il résulte de ces dispositions que la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 4. L'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 juin 2022 indique que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du Liban, l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. 5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est suivi en France depuis 2018 pour une exacerbation de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) de stade III pouvant entraîner dyspnée et douleurs thoraciques associées à des toux et des expectorations et que son état de santé nécessite un traitement médicamenteux, des examens radiologiques deux fois par an et a justifié une rééducation respiratoire. A ce titre, M. A... est suivi par le service de pneumologie, oncologie thoracique et allergologie respiratoire du centre hospitalier universitaire de Besançon. Pour contester l'avis du collège des médecins selon lequel il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays, le requérant produit un certificat médical du 25 juillet 2022 d'un médecin pneumologue libanais certifiant qu'aucune pharmacie au Liban ne peut actuellement fournir son traitement et qu'un arrêt de celui-ci même pour vingt-quatre heures pourrait avoir des conséquences dramatiques. Alors que le requérant apporte un élément de nature à démontrer qu'il n'existerait pas, à la date de l'arrêté litigieux, d'offre de soins de nature à lui délivrer le traitement dont il a besoin dans son pays d'origine, le préfet n'apporte en défense aucun élément de nature à contredire ce certificat d'un médecin spécialisé d'un hôpital libanais. Dans ces conditions, la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article L. 425-9 précité et doit être annulée pour ce motif ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. 6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 7. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ". 8. Eu égard à ses motifs, cette annulation n'implique pas nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à M. A.... En revanche, elle implique qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant cette attente, en application des dispositions de l'article L. 614-16 précité, une autorisation provisoire de séjour. Il n'a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais de l'instance : 9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25%. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Abdelli, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Abdelli de la somme de 1 000 euros. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2201238 du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté du préfet du Doubs du 1er juillet 2022 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Article 3 : L'Etat versera à Me Abdelli une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Abdelli renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Abdelli et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Doubs Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 23NC00310 |
CETATEXT000048457813 | J5_L_2023_11_00023NC00356 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457813.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 23NC00356, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00356 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | SOCIETÉ D'AVOCATS MAUMONT MOUMNI | Mme Sophie ROUSSAUX | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 7 décembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la décision du 24 mars 2020 à laquelle s'est substituée la décision du 24 juin 2020 par laquelle le général de division commandant la gendarmerie outre-mer a décidé de le muter d'office à la brigade de proximité de Pont-de-Roide-Vermodans à compter du 1er juillet 2020 dans l'intérêt du service. Par un jugement n° 2100177 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 7 décembre 2020, enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réintégrer M. D... dans l'emploi qu'il occupait avant l'exécution de cette décision et de reconstituer sa carrière dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour : 1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ; 2°) de rejeter les conclusions d'annulation de la demande de M. D.... Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal s'est fondé, pour annuler la décision du 7 décembre 2020, sur le moyen tiré de ce qu'elle constituerait une sanction disciplinaire déguisée ; - la mutation d'office de M. D... est parfaitement justifiée car elle a été prise dans l'intérêt du service et ne révèle aucune sanction déguisée à l'encontre de celui-ci ; . c'est en violation des dispositions légales et réglementaires relatives au cumul d'activités et en toute connaissance de cause, qu'il a créé et exploité une poissonnerie avec sa compagne également gendarme ; . cette activité et la publicité qui en a été faite, ne permettaient plus de garantir son indépendance et son impartialité dans l'exercice des fonctions de sous-officier de gendarmerie sur le territoire dans lequel il était affecté ; . le comportement de M. D... a porté atteinte à l'honneur et à la dignité de la fonction de gendarme ; . il a perdu la confiance de l'autorité judiciaire pour pouvoir continuer à exercer ses fonctions dans le ressort du tribunal de première instance de Nouméa ; . le maintien dans ses fonctions était de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service ; . ses deux derniers motifs, à savoir la perte de confiance de l'autorité judiciaire ainsi que l'atteinte à l'image de l'institution, suffisaient à eux seuls à justifier la décision litigieuse ; l'autre motif doit être neutralisé ; . la procédure de mutation d'office prise dans l'intérêt du service, qui n'est pas une des sanctions disciplinaires énumérées limitativement à l'article L. 4137-2 du code de la défense, a été conduite parallèlement à la procédure disciplinaire qui a donné lieu à un blâme ; - aucun détournement de pouvoir ne pourra être retenu. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2023, M. D..., représenté par Me Maumont, conclut : 1°) au rejet de la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer ; 2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision de mutation d'office prononcée à son encontre n'a pas été prise dans l'intérêt du service et constitue en réalité une sanction disciplinaire ; . il a été privé de ses droits et garanties dont il pouvait bénéficier dans le cadre d'une procédure disciplinaire ; . l'administration n'a pas tenu compte de ses vœux de mutation ; il a subi une rétrogradation fonctionnelle et une baisse de solde ; - le ministre a commis une erreur d'appréciation : aucune atteinte effective et durable au service n'est démontrée ; . il a seulement participé de manière épisodique à l'activité d'une poissonnerie, dans le cadre d'un cumul d'activité par ailleurs autorisé en tant que tel par l'article R. 4122-26 du code de la défense, et ses compétences professionnelles de gendarme et sa disponibilité, ainsi que son intégrité n'ont jamais sérieusement été remises en question ; . les faits qui fondent la décision litigieuse sont matériellement inexacts et irrégulièrement qualifiés ; . son éloignement n'était pas justifié : il n'y a eu aucune perte de confiance de l'autorité judiciaire, aucune atteinte à l'image de l'institution et aucune répercussion médiatique de l'affaire ; . le procureur n'a jamais recherché sa responsabilité pénale ; sa compagne a été relaxée et le jugement, devenu définitif, précise qu'elle ne s'est pas rendue coupable de travail clandestin par dissimulation d'emploi salarié ; . la mesure infligée est disproportionnée ; - la mesure litigieuse constitue un détournement de pouvoir et de procédure. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Moumni, représentant M. D... et de Mme B..., représentant le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., né à Nouméa, a intégré la gendarmerie nationale en 2003 et était, au moment des faits, affecté à la brigade de recherche de Koné au grade d'adjudant. Il a créé en novembre 2018 avec sa conjointe, également gendarme, un commerce de produits de la mer sous la forme d'une société à responsabilité limitée, sans en avoir informé sa hiérarchie. En 2019, lors d'une visio-conférence, les intéressés ont révélé à leur autorité hiérarchique qu'ils étaient actionnaires de cette structure. Par un courrier du 12 septembre 2019, le commandant de gendarmerie pour la Nouvelle-Calédonie leur a rappelé la règlementation sur les cumuls d'activités et l'interdiction d'intervenir à titre professionnel ou privé dans la gestion ou l'activité commerciale de ce commerce. A la suite d'une émission de télévision présentant l'activité de ce commerce au cours de laquelle M. D... est présenté comme l'exploitant et dans le générique de laquelle sa compagne est citée, une enquête préliminaire est ouverte le 23 septembre 2019 à l'égard des deux fonctionnaires pour des faits susceptibles de constituer des infractions pénales (travail dissimulé). Par un courrier du 17 décembre 2019, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Nouméa a informé le commandant de gendarmerie pour la Nouvelle-Calédonie que " la confiance et la crédibilité de ces militaires, exerçant sur le Territoire " lui paraissaient entamées. Ce dernier a alors établi, le 8 janvier 2020, un rapport dans lequel il a sollicité, au regard de la perte de confiance accordée aux intéressés par leur autorité hiérarchique et le procureur de la République ainsi que du retentissement local de cette affaire mettant en cause leur intégrité et indépendance, la mutation d'office des deux gendarmes hors du territoire calédonien. L'adjudant D... n'a fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire. Une sanction disciplinaire a en revanche été proposée. Le 24 janvier 2020, l'adjudant D... a complété une fiche de vœux d'affectation sur des unités de police judiciaire et spécialisées en métropole. Un premier ordre de mutation est décidé à la brigade de proximité (BP) de Pont-de-Roide-Vermondans dans le département du Doubs en qualité de chef de groupe enquêteurs en gendarmerie départementale à compter du 15 avril 2020. Par ordre de mutation du 24 mars 2020, la prise d'effet de la mutation est reportée au 1er juillet 2020. Le 18 mai 2020, l'adjudant D... forme un recours administratif obligatoire devant la commission de recours des militaires. Si un nouvel ordre de mutation a été édicté le 10 juin 2020 pour une affectation à la BP d'Ornans, il sera retiré le 24 juin 2020 pour une affectation à Pont-de-Roide-Vermondans. Par une décision du 7 décembre 2020, le ministre de l'intérieur, qui a regardé le recours comme dirigé contre le dernier ordre de mutation du 24 juin 2020, l'a rejeté. La sanction disciplinaire de blâme est prononcée à l'encontre de l'adjudant le 5 janvier 2022. Par un jugement du 1er décembre 2022, rectifié par une ordonnance du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a, à la demande de M. D..., annulé la décision du 7 décembre 2020 et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réintégrer l'intéressé dans l'emploi qu'il occupait avant l'exécution de cette décision ainsi que de reconstituer sa carrière dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de l'article 1er de ce jugement, qui annule la décision du 7 décembre 2020. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu (...) ". Il appartient dès lors à l'autorité militaire d'apprécier l'intérêt du service pour prononcer la mutation des personnels. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : 1° Les sanctions du premier groupe sont : a) L'avertissement ; b) La consigne ; c) La réprimande ; d) Le blâme ; e) Les arrêts ; f) Le blâme du ministre ; 2° Les sanctions du deuxième groupe sont : a) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération ; b) L'abaissement temporaire d'échelon ; c) La radiation du tableau d'avancement ; 3° Les sanctions du troisième groupe sont : a) Le retrait d'emploi, défini par les dispositions de l'article L.4138-15 ; b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat ". Enfin, aux termes de l'article L. 4137-1 du même code : " (...) Le militaire à l'encontre duquel une procédure de sanction est engagée a droit à la communication de son dossier individuel, à l'information par son administration de ce droit, à la préparation et à la présentation de sa défense (...) ". 3. La mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle et matérielle de ce dernier. 4. Pour prononcer une mutation d'office dans l'intérêt du service à l'encontre de M. D..., la décision ministérielle du 7 décembre 2020 relève la création d'une société ayant pour objet un commerce de produits de la mer dont le siège social est fixé au logement concédé par nécessité de service sans autorisation préalable de sa hiérarchie au titre du cumul d'activité, l'information de la hiérarchie de la création de cette société le 5 septembre 2019, peu avant la diffusion d'un reportage télévisé dans lequel il apparaît comme l'exploitant, ainsi que l'ouverture d'une enquête préliminaire qui " a permis d'établir que l'adjudant D... et sa compagne le gendarme C... avaient commis des faits susceptibles de constituer des infractions pénales (gestion de fait, conflit d'intérêt et travail dissimulé) ". Elle indique également que les faits commis par M. D... ont porté atteinte à l'honneur et à la dignité de la fonction de gendarme et mentionne un courrier du 17 décembre 2019 du procureur de la République informant le commandement qu'il estimait que l'adjudant D... et le gendarme C... avaient " perdu tout crédit et toute confiance pour pouvoir exercer leurs fonctions dans le ressort du TPI de Nouméa ". Le ministre en déduit que, compte tenu notamment des répercussions médiatiques de l'affaire, le maintien de l'adjudant D... est de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service. 5. D'une part, la décision litigieuse qui éloigne M. D... de près de 17 000 kilomètres de son domicile et de son lieu de naissance, alors que le requérant allègue, sans être efficacement contredit, qu'il existait d'autres postes disponibles plus proches, pour l'affecter sur un poste en métropole alors que le centre de ses intérêts matériels et moraux a été fixé en Nouvelle-Calédonie depuis le 20 octobre 2014, a pour effet d'entraîner une dégradation objective de sa situation professionnelle et matérielle. 6. D'autre part, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, et en particulier des termes mêmes de la décision ministérielle, que la mesure est motivée, notamment, par une atteinte portée à " l'honneur et à la dignité de la fonction de gendarme ". Si l'administration demande que ce motif soit neutralisé, il ne résulte pas de l'instruction que la même décision aurait été édictée uniquement au regard des autres motifs, étant précisé que M. D... a continué à servir sans restrictions jusqu'à son départ en juillet 2020 dans son service d'origine au sein duquel il a donc continué à traiter les enquêtes judiciaires en cours. L'intention poursuivie par l'administration dans ce contexte révèle ainsi une volonté de sanctionner M. D..., lequel a d'ailleurs été affecté en métropole uniquement sur le dixième des onze vœux géographiques qu'il avait formulés, davantage qu'une volonté de préserver le bon fonctionnement du service. 7. Il suit de là que la mesure n'a pas été prise uniquement dans l'intérêt du service mais constitue en réalité une sanction, laquelle était donc subordonnée à l'application des dispositions des articles L. 4137-1 et L. 4137-2 précités du code de la défense. Dès lors qu'il n'est pas contesté que la procédure préalable et les garanties accordées aux militaires faisant l'objet d'une sanction disciplinaire n'ont pas été respectées, le ministre de l'intérieur a entaché sa décision d'un détournement de procédure. 8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 7 décembre 2020. Sur les frais liés au litige : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... D.... Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 23NC00356 |
CETATEXT000048457814 | J5_L_2023_11_00023NC00357 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457814.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 23NC00357, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00357 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | SOCIETÉ D'AVOCATS MAUMONT MOUMNI | Mme Sophie ROUSSAUX | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 7 décembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la décision du 24 mars 2020 à laquelle s'est substituée la décision du 24 juin 2020 par laquelle le général de division commandant la gendarmerie outre-mer a décidé de la muter d'office à la brigade de proximité de Saint-Hyppolyte à compter du 1er juillet 2020 dans l'intérêt du service. Par un jugement n° 2100176 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé la décision du 7 décembre 2020 et, d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réintégrer Mme B... dans l'emploi qu'elle occupait avant l'exécution de cette décision et de reconstituer sa carrière dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour : 1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 1er décembre 2022 ; 2°) de rejeter les conclusions d'annulation de la demande de Mme B.... Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal s'est fondé, pour annuler la décision du 7 décembre 2020, sur le moyen tiré de ce qu'elle constituerait une sanction disciplinaire déguisée ; - la mutation d'office de Mme B... est parfaitement justifiée car elle a été prise dans l'intérêt du service et ne révèle aucune sanction déguisée à l'encontre de celle-ci ; . c'est en violation des dispositions légales et réglementaires relatives au cumul d'activités et en toute connaissance de cause, qu'elle a créé et exploité une poissonnerie avec son compagnon également gendarme ; . cette activité et la publicité qui en a été faite, ne permettaient plus de garantir son indépendance et son impartialité dans l'exercice des fonctions de sous-officier de gendarmerie sur le territoire dans lequel elle était affectée ; . le comportement de Mme B... a porté atteinte à l'honneur et à la dignité de la fonction de gendarme ; . elle a perdu la confiance de l'autorité judiciaire pour pouvoir continuer à exercer ses fonctions dans le ressort du tribunal de première instance de Nouméa ; . le maintien dans ses fonctions était de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service ; . ses deux derniers motifs, à savoir la perte de confiance de l'autorité judiciaire ainsi que l'atteinte à l'image de l'institution, suffisaient à eux seuls à justifier la décision litigieuse ; l'autre motif doit être neutralisé ; - aucune sanction déguisée n'a été prise à son encontre : . la procédure de mutation d'office prise dans l'intérêt du service, qui n'est pas une des sanctions disciplinaires énumérées limitativement à l'article L. 4137-2 du code de la défense, a été conduite parallèlement à la procédure disciplinaire qui a donné lieu à un blâme ; - aucun détournement de pouvoir ne pourra être retenu. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Maumont, conclut : 1°) au rejet de la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer ; 2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision de mutation d'office prononcée à son encontre n'a pas été prise dans l'intérêt du service et constitue en réalité une sanction disciplinaire : . elle a été privée de ses droits et garanties dont elle pouvait bénéficier dans le cadre d'une procédure disciplinaire ; . l'administration n'a pas tenu compte de ses vœux de mutation ; elle a subi une rétrogradation fonctionnelle dans une unité sans spécialisation et une baisse de solde ; - le ministre a commis une erreur d'appréciation : aucune atteinte effective et durable au service n'est démontrée ; . elle a seulement participé de manière épisodique à l'activité d'une poissonnerie, dans le cadre d'un cumul d'activité par ailleurs autorisé en tant que tel par l'article R. 4122-26 du code de la défense, et ses compétences professionnelles de gendarme et sa disponibilité, ainsi que son intégrité n'ont jamais sérieusement été remises en question ; . les faits qui fondent la décision litigieuse sont matériellement inexacts et irrégulièrement qualifiés ; . son éloignement n'était pas justifié : il n'y a eu aucune perte de confiance de l'autorité judiciaire, aucune atteinte à l'image de l'institution et aucune répercussion médiatique de l'affaire ; alors qu'elle n'exerçait pas de fonctions en lien avec la police judiciaire à son poste à la brigade de la prévention et délinquance juvénile (BPDJ), elle a été détachée, de manière totalement incohérente, du 17 décembre 2019 au 30 juin 2020, à la brigade de Koné qui est une unité à vocation judicaire ; . elle a été relaxée et le jugement du tribunal correctionnel de Nouméa, devenu définitif, précise qu'elle ne s'est pas rendue coupable de travail clandestin par dissimulation d'emploi salarié ; le procureur n'a jamais recherché la responsabilité pénale de son compagnon ; . la mesure infligée est disproportionnée ; - la mesure litigieuse constitue un détournement de pouvoir et de procédure. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Moumni, représentant Mme B... et de Mme A..., représentant le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., gendarme, née à Bourail (Nouvelle-Calédonie), a intégré la gendarmerie nationale en 2004 et était, au moment des faits, affectée à la brigade de prévention de la délinquance juvénile de Koné. Elle a créé en novembre 2018 avec son conjoint, également gendarme, un commerce de produit de la mer sous la forme d'une société à responsabilité limitée, sans en avoir informé sa hiérarchie. En 2019, lors d'une visio-conférence les intéressés ont révélé à leur autorité hiérarchique qu'ils étaient actionnaires de cette structure. Par courrier du 12 septembre 2019, le commandant de gendarmerie pour la Nouvelle-Calédonie leur a rappelé la règlementation sur les cumuls d'activités et l'interdiction d'intervenir à titre professionnelle ou privé dans la gestion ou l'activité commerciale de ce commerce. A la suite d'une émission de télévision dans laquelle Mme B... est citée dans le générique et où son conjoint est présenté comme l'exploitant, une enquête préliminaire est ouverte le 23 septembre 2019 à l'égard des deux fonctionnaires pour des faits susceptibles de constituer des infractions pénales (travail dissimulé). Par un courrier du 17 décembre 2019, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Nouméa a informé le commandant de gendarmerie pour la Nouvelle-Calédonie que " la confiance et la crédibilité de ces militaires, exerçant sur le Territoire " lui paraissaient entamées. Ce dernier a alors établi, le 8 janvier 2020, un rapport dans lequel il a sollicité, au regard de la perte de confiance accordée aux intéressés par leur autorité hiérarchique et le procureur de la République ainsi que du retentissement local de cette affaire mettant en cause leur intégrité et indépendance, la mutation d'office des deux gendarmes hors du territoire calédonien. Alors que son compagnon n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale, le gendarme B... a fait l'objet d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qu'elle a refusée. Le 24 janvier 2020, elle a complété une fiche de vœux d'affectation sur des unités spécialisées et Etat-major en métropole. Un premier ordre de mutation est décidé à la brigade de proximité (BP) de Saint-Hyppolyte en qualité d'enquêtrice en gendarmerie départementale à compter du 15 avril 2020. Par ordre de mutation du 24 mars 2020, la prise d'effet de la mutation est reportée au 1er juillet 2020. Le 18 mai 2020, le gendarme B... forme un recours administratif obligatoire devant la commission de recours des militaires. Si un nouvel ordre de mutation a été édicté le 10 juin 2020 pour une affectation à la BP d'Ornans, il sera retiré le 24 juin 2020 pour une affectation à Saint-Hyppolite. Par une décision du 7 décembre 2020, le ministre de l'intérieur, qui a regardé le recours comme dirigé contre le dernier ordre de mutation du 24 juin 2020, l'a rejeté. La sanction disciplinaire de blâme est prononcée à l'encontre du gendarme le 5 janvier 2022. Par un jugement du 1er décembre 2022, rectifié par une ordonnance du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a, à la demande de Mme B..., annulé la décision du 7 décembre 2020 et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réintégrer l'intéressée dans l'emploi qu'elle occupait avant l'exécution de cette décision ainsi que de reconstituer sa carrière dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de l'article 1er de ce jugement, qui annule la décision du 7 décembre 2020. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu (...) ". Il appartient dès lors à l'autorité militaire d'apprécier l'intérêt du service pour prononcer la mutation des personnels. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : 1° Les sanctions du premier groupe sont : a) L'avertissement ; b) La consigne ; c) La réprimande ; d) Le blâme ; e) Les arrêts ; f) Le blâme du ministre ; 2° Les sanctions du deuxième groupe sont : a) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération ; b) L'abaissement temporaire d'échelon ; c) La radiation du tableau d'avancement ; 3° Les sanctions du troisième groupe sont : a) Le retrait d'emploi, défini par les dispositions de l'article L.4138-15 ; b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat ". Enfin, aux termes de l'article L. 4137-1 du même code : " (...) Le militaire à l'encontre duquel une procédure de sanction est engagée a droit à la communication de son dossier individuel, à l'information par son administration de ce droit, à la préparation et à la présentation de sa défense (...) ". 3. La mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle et matérielle de ce dernier. 4. Pour prononcer une mutation d'office dans l'intérêt du service à l'encontre de Mme B..., la décision ministérielle du 7 décembre 2020 relève la création d'une société ayant pour objet un commerce de produits de la mer dont le siège social est fixé au logement concédé par nécessité de service sans autorisation préalable de sa hiérarchie au titre du cumul d'activité, l'information de la hiérarchie de la création de cette société le 5 septembre 2019, peu avant la diffusion d'un reportage télévisé, ainsi que l'ouverture d'une enquête préliminaire qui " a permis d'établir que l'adjudant Ugolini et sa compagne le gendarme B... avaient commis des faits susceptibles de constituer des infractions pénales (gestion de fait, conflit d'intérêt et travail dissimulé) ". Elle indique également que les faits commis par le gendarme B... ont porté atteinte à l'honneur et à la dignité de la fonction de gendarme et mentionne un courrier du 17 décembre 2019 du procureur de la République informant le commandement qu'il estimait que l'adjudant Ugolini et le gendarme B... avaient " perdu tout crédit et toute confiance pour pouvoir exercer leurs fonctions dans le ressort du TPI de Nouméa ". Le ministre en déduit que, compte tenu notamment des répercussions médiatiques de l'affaire, le maintien du gendarme B... est de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service. 5. D'une part, la décision litigieuse qui éloigne Mme B... de près de 17 000 kilomètres de son domicile et de son lieu de naissance, alors que la requérante allègue, sans être efficacement contredite, qu'il existait d'autres postes disponibles plus proches, pour l'affecter sur un poste en métropole alors que le centre de ses intérêts matériels et moraux a été fixé en Nouvelle-Calédonie depuis le 20 octobre 2014, a pour effet d'entraîner une dégradation objective de sa situation professionnelle et matérielle. 6. D'autre part, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, et en particulier des termes mêmes de la décision ministérielle, que la mesure est motivée, notamment, par une atteinte portée à " l'honneur et à la dignité de la fonction de gendarme ". Si l'administration demande que ce motif soit neutralisé, il ne résulte pas de l'instruction que la même décision aurait été édictée uniquement au regard des autres motifs, étant précisé que Mme B... a été détachée du 17 décembre 2019 au 30 juin 2020 à la brigade de Koné, qui est une unité à vocation judicaire alors qu'elle n'exerçait pas de fonctions en lien avec la police judiciaire à son poste à la brigade de la prévention et délinquance juvénile (BPDJ). L'intention poursuivie par l'administration dans ce contexte révèle ainsi une volonté de sanctionner Mme B..., laquelle a d'ailleurs été affectée en métropole uniquement sur le dixième des onze vœux géographiques qu'elle avait formulés, davantage qu'une volonté de préserver le bon fonctionnement du service. 7. Il suit de là que la mesure n'a pas été prise uniquement dans l'intérêt du service mais constitue en réalité une sanction, laquelle était donc subordonnée à l'application des dispositions des articles L. 4137-1 et L. 4137-2 précités du code de la défense. Dès lors qu'il n'est pas contesté que la procédure préalable et les garanties accordées aux militaires faisant l'objet d'une sanction disciplinaire n'ont pas été respectées, le ministre de l'intérieur a entaché sa décision d'un détournement de procédure. 8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 7 décembre 2020. Sur les frais liés au litige : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... B... . Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 23NC00357 |
CETATEXT000048457815 | J5_L_2023_11_00023NC00466 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457815.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 23NC00466, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00466 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | CHAIB | Mme Sophie ROUSSAUX | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Mme F... C... née B... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler respectivement, chacun en ce qui le concerne, les arrêtés du 13 juillet 2021 et du 19 août 2021 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement nos 2103050 et 2103303 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Procédures devant la cour : I/ Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 février 2023 et le 5 avril 2023, sous le n° 23NC00466, M. C..., représenté par Me Chaib, demande à la cour : 1°) d'annuler, en ce qui le concerne, le jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 février 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; 3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont commis une erreur de fait car le caractère non substituable de ses médicaments est confirmé par un certificat médical et non uniquement par une mention manuscrite apposée sur une ordonnance ; - le jugement révèle un défaut d'examen des pièces produites par les juges de première instance qui a entrainé des erreurs sur l'appréciation du critère relatif à l'accessibilité du traitement dans le pays d'origine ; En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour : - la décision est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ; - le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : . il souffre de problèmes cardiaques graves qui nécessitent un suivi régulier et qui ne lui permettent pas de voyager ; . il ne peut pas bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine ; - le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet n'a pas pris en compte sa situation globale ; En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - la décision sera annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ; - le préfet a méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a porté atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - la décision sera annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison de l'absence de prise en charge de sa pathologie. Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2023, le préfet de la Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de M. C... ne sont pas fondés et s'en remet également à ses écritures de première instance. II/ Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 février 2023 et le 5 avril 2023, sous le n° 23NC00467, Mme C..., représentée par Me Chaib, demande à la cour : 1°) d'annuler, en ce qui la concerne, le jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 février 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; 3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges ont commis une erreur de fait car le caractère non substituable des médicaments de son époux est confirmé par un certificat médical et non uniquement par une mention manuscrite apposée sur une ordonnance ; - le jugement révèle un défaut d'examen des pièces produites par les juges de première instance qui a entrainé des erreurs sur l'appréciation du critère relatif à l'accessibilité du traitement dans le pays d'origine ; En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour : - la décision est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ; - le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - la décision sera annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ; - le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a porté atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - la décision sera annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de Mme C... ne sont pas fondés et s'en remet également à ses écritures de première instance. M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions 9 janvier 2023. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère ; - les observations de Me Chaib, représentant M. et Mme C.... Une note en délibéré produite pour M. et Mme C... a été enregistrée le 11 octobre 2023 dans les deux instances. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme C..., nés respectivement le 28 mai 1953 et le 28 février 1955, de nationalité arménienne, ont déclaré être entrés en France le 17 décembre 2012 afin d'y solliciter l'asile. Leur demande a été rejetée en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 février 2014. Par un arrêté du 15 mai 2013, le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français. Par la suite, M. C... a bénéficié le 22 août 2016 d'un titre de séjour d'une durée d'un an en raison de son état de santé et Mme C... d'une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant de son conjoint. Par des demandes enregistrées les 17 et 18 novembre 2020, M. et Mme C... ont sollicité chacun un titre de séjour " vie privée et familiale ", en se prévalant de l'état de santé de M. C.... Par des arrêtés du 13 juillet et 19 août 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits. Par deux requêtes, enregistrées sous les numéros 23NC00466 et 23NC00467, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nancy n° 2103050, 2103303 du 24 février 2022 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Les requérants ne peuvent donc utilement se prévaloir d'une erreur de fait qu'aurait commis le premier juge pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation des arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle des 13 juillet 2021 et 19 août 2021 : S'agissant des décisions portant refus de titre de séjour : 3. En premier lieu, par un arrêté n°20.BCI.17 du 21 juin 2021, publié au recueil des actes administratifs de Meurthe-et-Moselle du 24 juin 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer les décisions relevant des attributions de l'Etat, à l'exception des arrêtés de conflit. Par suite, M. A... était compétent pour signer les décisions en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions litigieuses doit être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 6. Pour refuser le titre de séjour sollicité, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration du 12 février 2021 indiquant que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier, son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. 7. Pour contester l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration, le requérant produit un certificat de son médecin traitant du 3 décembre 2021 indiquant qu'il est dans l'impossibilité de voyager ainsi qu'une ordonnance de ce médecin précisant la mention " non substituable " à côté de cinq médicaments. Toutefois, la circonstance que M. C... ne pourrait pas voyager n'est appuyée par aucun élément médical circonstancié. S'agissant du caractère non substituable de ces médicaments, M. C... produit un courrier du ministère de la santé arménien indiquant que les médicaments qui lui sont prescrits existent sous un autre nom commercial en Arménie. S'il fait valoir que le médicament " Lodoz " n'est pas disponible en Arménie, le préfet de Meurthe-et-Moselle produit une fiche MedCoi précisant que les deux substances actives de ce médicament sont disponibles. En faisant valoir que l'association de ces deux substances est différente de la prise d'un unique médicament, sans assortir cette allégation d'éléments convaincants quant à une différence d'effet selon que les substances sont absorbées par deux médicaments ou de manière combinée, le requérant n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ". 9. S'il ressort des pièces des dossiers que les requérants ont déclaré être entrés en France en 2012, ils ne produisent aucun élément quant à leur insertion en France à l'exception, s'agissant de Mme C..., du suivi de cours de français en 2018 et d'un ancien contrat à durée déterminée comme agent de blanchisserie. La seule circonstance que leur fils vit régulièrement en France n'est pas de nature à leur conférer un droit au séjour. Par ailleurs, il n'est pas établi par les pièces des dossiers que les requérants seraient dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, pays dans lequel ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 59 et 57 ans. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été indiqué au point 7, en leur refusant le séjour en France, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 précité, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". 11. M. et Mme C... ne font état d'aucun élément constituant des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté. 12. En cinquième lieu, il ne ressort pas des termes des décisions litigieuses que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à une appréciation globale de la situation des requérants. S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français : 13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation des refus de titre de séjour. 14. En deuxième lieu, au regard des circonstances rappelées au point 9, le moyen tiré de la méconnaissanc des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". 16. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 7, le moyen soulevé par M. C... et tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. S'agissant des décisions fixant le pays de renvoi : 17. En premier lieu, en l'absence d'illégalité des obligations de quitter le territoire français susmentionnées prises à l'encontre de M. et Mme C..., le moyen sollicitant l'annulation, par voie de conséquence, des décisions fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écarté. 18. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 19. M. C... invoque, au soutien de ce moyen, les conséquences d'un retour en Arménie au regard de sa pathologie. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. 20. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 24 février 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande d'annulation des arrêtés des 13 juillet 2021 et 19 août 2021. Leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent par voie de conséquence être également rejetées. D E C I D E : Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... née B..., à M. D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Chaib. Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 Nos 23NC00466, 23NC00467 |
CETATEXT000048457816 | J5_L_2023_11_00023NC00673 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457816.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 23NC00673, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC00673 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | GANGLOFF | Mme Sophie ROUSSAUX | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2207326 du 1er février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 28 février 2023, Mme B... A..., représentée par la Selarl Dieudonné Gangloff, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2207326 du 1er février 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ; 2°) d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros TTC, à verser à la Selarl Dieudonné Gangloff, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : s'agissant de la décision de refus de titre de séjour : - elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant de la possibilité pour la requérante d'accéder aux soins dans son pays d'origine ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de la requérante ; s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui en constitue le fondement légal ; - elle méconnaît l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; s'agissant de la décision fixant le pays de destination : - elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. La préfète du Bas-Rhin, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense. Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le convention internationale des droits de l'enfant; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., ressortissante bangladaise née le 18 janvier 1982, déclare être entrée en France le 26 décembre 2016 avec son époux et leurs deux enfants. Elle a formé une demande d'asile qui a été rejetée en dernier lieu par la cour nationale du droit d'asile le 13 mars 2018, puis sa demande de réexamen a été déclarée irrecevable le 23 octobre 2018. Elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé et sa demande a été rejetée par décision du 18 septembre 2018. Elle a sollicité à nouveau, le 14 décembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 juillet 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la décision portant refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. [...] ". Il résulte de ces dispositions que la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 3. En l'espèce, si le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a conclu dans son avis du 7 avril 2022 que l'état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il a en revanche considéré qu'elle pourrait bénéficier des soins appropriés dans son pays d'origine. 4. Il ressort des pièces du dossier que la requérante souffre de deux pathologies, un syndrome dépressif post-traumatique et une maladie auto-immune de type connectivite mixte. S'agissant de sa pathologie psychiatrique, la requérante allègue sans produire aucun élément circonstancié, ni aucune preuve, qu'elle subit un stress post-traumatique en lien avec des évènements survenus dans son pays d'origine et qui y rendraient le retour incompatible avec son traitement. S'agissant de sa maladie auto-immune, Mme B... A... fait valoir l'indisponibilité de son traitement médicamenteux au Bangladesh. Toutefois, les pièces qu'elle produit, qui consistent essentiellement en des courriers des hôpitaux universitaires de Strasbourg qui décrivent sa pathologie et son traitement et une analyse du comité pour la santé des exilés (COMEDE) de novembre 2022 sollicitée par le médecin traitant de la requérante précisant que les traitements sont disponibles et accessibles au Bangladesh, mais émettant seulement des réserves quant à la possibilité d'assurer la continuité des soins et de sa prise en charge, ne sont pas suffisantes pour remettre en cause l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 6. Mme B... A... est entrée en France avec son époux en décembre 2016, également en situation irrégulière, et le couple a trois enfants, la première née le 11 mars 2010, la deuxième née le 21 avril 2016 et le troisième né le 19 mai 2020 en France. Si elle invoque la durée de son séjour en France, le suivi de cours de français, la scolarisation de ses enfants et les attestations de ses voisins, ces éléments sont insuffisants pour justifier l'existence de liens en France tels que la décision de refus de titre de séjour porterait à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, les autres membres de sa famille se trouvant au Bangladesh. Par ailleurs, si elle produit également une autorisation de travail du 24 août 2022 délivrée à son époux pour un emploi à durée indéterminée en tant que cuisinier, cette autorisation, postérieure à la décision litigieuse, ne vaut pas titre de séjour, de sorte qu'elle ne saurait se prévaloir, à la date de l'arrêté litigieux, d'une présence régulière en France de son époux. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de lui délivrer le titre demandé. 7. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas non plus fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour. 9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : [...] 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. [...] " Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, la préfète du Bas-Rhin n'a pas méconnu les dispositions précitées en obligeant la requérante à quitter le territoire français. 10. En troisième lieu, au regard des circonstances de fait exposées au point 6, Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que, par la décision contestée, la préfète du Bas-Rhin aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 11. En dernier lieu, l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " 12. Si les enfants de la requérante ont suivi jusqu'à présent leur scolarité en France, aucune circonstance ne s'oppose à ce qu'ils puissent continuer leur scolarité dans leur pays d'origine, de sorte que la décision contestée ne méconnait pas les stipulations précitées. Sur la décision fixant le pays de destination : 13. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 14. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et les conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... A..., à la Selarl Dieudonné Gangloff et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 23NC00673 |
CETATEXT000048457817 | J5_L_2023_11_00023NC01041 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457817.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 23NC01041, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC01041 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | CISSE | Mme Sophie ROUSSAUX | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : M. D... C... et Mme A... C... née B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, chacun en ce qui le concerne, les arrêtés du 20 janvier 2022 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et les a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un jugement nos 2202825 et 2202826 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Procédures devant la cour : I/ Par une requête enregistrée le 1er avril 2023, sous le n° 23NC01041, Mme C... née B..., représentée par Me Cissé, demande à la cour : 1°) d'annuler, en ce qui la concerne, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et, dans l'attente de ce réexamen, de la mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à rester sur le territoire français dans les délais de, respectivement, un mois et quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : Sur la décision portant refus de titre de séjour : - elle est entachée d'un défaut de motivation ; - le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard notamment de la situation médicale de son époux ; Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : - elle est privée de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle est entachée d'un défaut de motivation ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales . Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de Mme C... ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance. II/ Par une requête enregistrée le 1er avril 2023, sous le n° 23NC01042, M. C..., représenté par Me Cissé, demande à la cour : 1°) d'annuler, en ce qui le concerne, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et, dans l'attente de ce réexamen, de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à rester sur le territoire français dans les délais de, respectivement, un mois et quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur la décision portant refus de titre de séjour : - elle est entachée d'un défaut de motivation ; - le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard notamment de sa situation médicale ; - elle méconnaît les stipulations les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard notamment de sa situation médicale ; Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : - elle est privée de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle est entachée d'un défaut de motivation ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de M. C... ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance. M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 27 février 2023. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... et Mme C..., ressortissants arméniens, nés respectivement le 26 décembre 1964 et le 27 octobre 1965, sont entrés en France le 21 décembre 2013 selon leurs déclarations et ont présenté une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié le 14 mars 2014 dont ils ont été définitivement déboutés le 12 avril 2016. Le 9 mai 2016, M. C... a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Une autorisation provisoire de séjour lui a été délivrée, valable du 7 juin 2017 au 6 décembre 2017. L'intéressé a également bénéficié de plusieurs récépissés de demande de titre de séjour avec autorisation de travail du 11 février 2020 au 25 novembre 2020. Le 9 novembre 2018, Mme C... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, devenus les articles L. 423-23 et L. 435-1. Quant à M. C..., le 23 juillet 2020, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des mêmes articles du code précité. Par deux arrêtés du 20 janvier 2022, le préfet de la Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de renvoi, et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par deux requêtes, enregistrées sous les numéros 23NC01041 et 23NC01042, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2202825, 2202826 du 30 juin 2022 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du 20 janvier 2022 du préfet de la Moselle. Sur les décisions portant refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, les décisions comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elles rappellent les parcours des requérants et leur situation personnelle et notamment la présence d'un de leurs fils en situation régulière en France. Par ailleurs, la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de M. C... mentionne qu'il a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en raison de son état de santé du 7 juin 2017 au 6 décembre 2017. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté. 3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment des éléments rappelés dans les décisions litigieuses, qu'elles seraient entachées d'un défaut d'examen préalable et sérieux de la situation des requérants. 4. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 5. M. C... et Mme C... font valoir qu'ils résident de manière habituelle et continue sur le territoire français depuis décembre 2013. Toutefois, M. C... a uniquement bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour, valable du 7 juin 2017 au 6 décembre 2017, et de plusieurs récépissés de demande de titre de séjour avec autorisation de travail du 11 février 2020 au 25 novembre 2020. Si les requérants se prévalent de la présence en France d'un de leurs fils, ce dernier est en France depuis 2005 et a construit sa propre cellule familiale avec son épouse et ses propres enfants. Par ailleurs, un de leurs trois fils se trouve également en situation irrégulière en France. Les requérants n'établissent ni même n'allèguent être dépourvus d'attaches privées et familiales dans leur pays d'origine, dans lequel ils ont vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf et quarante-huit ans et où réside l'un de leurs fils. Si M. C... se prévaut de son état de santé, il n'apporte aucun élément permettant de démontrer qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine, étant précisé au demeurant qu'il n'a pas jugé utile de solliciter, dans sa demande d'admission au séjour reçue le 23 juillet 2020, un titre de séjour au regard de son état de santé. Les éléments versés au dossier ne suffisent pas à établir la stabilité et l'intensité des liens privés et familiaux dont ils se prévalent, ni leur insertion sociale sur le territoire français, alors que M. C... a été condamné à deux mois de prison avec sursis pour des faits de vol en 2019. Dès lors, nonobstant une durée de séjour de huit ans en France et la production par M. C... de justificatifs d'emploi en intérim pour une période de six mois, les décisions litigieuses n'ont pas porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, le préfet de la Moselle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage, au regard des circonstances de l'espèce précédemment rappelées, commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation. 6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 7. M. C... et Mme C... soutiennent qu'il est dans l'intérêt supérieur de leurs petits-enfants qu'ils demeurent en France. Toutefois, les décisions contestées ne font pas obstacle à ce que ces derniers puissent se rendre en Arménie pour leur rendre visite et ils ne font état d'aucune circonstance spécifique de nature à justifier qu'ils soient admis au séjour pour pouvoir demeurer auprès de leurs petits-enfants. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. 8. Enfin, s'ils invoquent la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen n'est pas assorti de précisions pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français : 9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 à 7 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés. Il en est de même s'agissant du moyen tiré de d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des mesures sur la situation personnelle des intéressés qu'aurait commise le préfet de la Moselle. En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français : 10. En premier lieu, en l'absence d'illégalité des obligations de quitter le territoire français prises à l'encontre de M. C... et Mme C..., ces derniers ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français. 11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". 12. Il résulte des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, tenir compte des critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Ainsi, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Par ailleurs, si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. 13. Il résulte des termes des décisions litigieuses que les éléments de la situation personnelle des requérants ont été pris en considération, notamment la circonstance qu'ils sont présents sur le territoire depuis décembre 2013, qu'ils ne justifient pas de liens privés et familiaux stables et durables au regard de ceux qu'ils ont pu tisser en quarante-neuf et quarante-huit ans dans leur pays d'origine. Les décisions précisent également que les intéressés ne font état de l'existence d'aucune circonstance humanitaire particulière qui pourrait justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. Elles mentionnent qu'au regard des antécédents judiciaires de M. C..., il y a lieu de considérer que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Ainsi, la motivation des décisions en litige atteste de la prise en compte de l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut être qu'écarté. 14. En troisième lieu, eu égard aux situations personnelles et familiales de M. C... et Mme C..., telles que décrites aux points 5 à 7, le préfet de la Moselle n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des mesures sur la situation personnelle des intéressés. 15. En quatrième lieu, si Mme C... invoque également la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ces moyens doivent être écartés au regard de sa situation personnelle telle que décrite aux point 5 à 7 de l'arrêt. 16. Enfin, si Mme C... invoque la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. 17. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande d'annulation des décisions du 20 janvier 2022. Leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent par voie de conséquence être également rejetées. D E C I D E : Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... C... née B..., à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Cissé. Copie en sera adressée au préfet de la Moselle. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 Nos 23NC01041, 23NC01042 |
CETATEXT000048457818 | J5_L_2023_11_00023NC02907 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457818.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 23NC02907, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC02907 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | SOCIETÉ D'AVOCATS MAUMONT MOUMNI | Mme Sophie ROUSSAUX | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement n° 2100176 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé la décision du 7 décembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par Mme B... à l'encontre de la décision portant mutation d'office à la brigade de proximité de Saint-Hyppolyte à compter du 1er juillet 2020 et, d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réintégrer Mme B... dans l'emploi qu'elle occupait avant l'exécution de cette décision, sous les réserves exposées au point 6 des motifs du jugement, et de reconstituer sa carrière dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement. Procédure d'exécution : Par une lettre enregistrée le 4 avril 2023 sous le n° 23EX26, Mme C... B..., représentée par Me Maumont, a demandé à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, l'exécution du jugement n° 2100176 rendu le 1er décembre 2022 par le tribunal administratif de Besançon. Elle fait valoir que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'a pas respecté l'injonction prononcée par le tribunal lui imposant de la réintégrer dans l'emploi qu'elle occupait à la suite de l'annulation de sa mutation d'office dans l'intérêt du service à la brigade de proximité de Saint-Hippolyte et n'a pas versé la somme de 1 500 euros mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par lettre du 2 mai 2023, la présidente de la cour a invité le ministre de l'intérieur et des outre-mer à justifier de la nature et de la date des mesures prises pour l'exécution du jugement ou à faire connaître les raisons qui pourraient retarder cette exécution. Par des courriers du 12 juillet 2023 et du 8 août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a précisé avoir exécuté l'injonction lui imposant de réintégrer Mme B... car cette dernière a été affectée au centre d'opérations et de renseignements de la gendarmerie de Nouméa conformément à l'un des choix qu'elle a formulés sur la fiche de vœux adressée à sa hiérarchie. Par une ordonnance du 14 septembre 2023, la présidente de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Maumont, demande à la cour : 1°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de l'affecter à l'unité d'information recrutement et sélection (CIR - CSC - CRCS) à Nouméa, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a bien perçu les frais d'instance de 1 500 euros mis à la charge de l'Etat par le jugement du 1er décembre 2022 ; - le rattrapage de la solde des trois dernières années, versé en un mois par l'administration, lui a entrainé des difficultés financières importantes en terme de taux d'imposition ; elle s'étonne des modalités de versement des cotisations sociales locales ; - la gestion de sa mutation et de son retour en métropole démontre une volonté manifeste de ne pas satisfaire ses choix ; - elle a perdu ses reliquats de congés d'éloignement et le bénéfice de la demi-campagne bien qu'elle ait travaillé en métropole. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire. Vu : - le jugement n° 2100176 du tribunal administratif de Besançon du 1er décembre 2022 ; - les autres pièces du dossier. Vu : - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Moumni, représentant Mme B... et de Mme A..., représentant le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une note en délibéré du ministre de l'intérieur et des outre-mer a été enregistrée le 11 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". L'article R. 921-6 du même code dispose que : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. (...) Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours. L'affaire est instruite et jugée d'urgence. Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet ". 2. Le jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon, après avoir annulé la décision du 7 novembre 2020 du ministre de l'intérieur rejetant le recours administratif préalable obligatoire de Mme B..., a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réintégrer Mme B... dans l'emploi qu'elle occupait avant l'exécution de la décision annulée, sous les réserves exposées au point 6, et de reconstituer sa carrière dans un délai de trois mois à compter de sa notification. Le point 6 du jugement réserve les hypothèses où la réintégration est impossible, soit que cet emploi ait été supprimé ou substantiellement modifié, soit que l'intéressée ait renoncé aux droits qu'elle tient de l'annulation prononcée par le juge ou qu'elle n'ait plus la qualité d'agent public. L'article 3 de ce jugement prévoit que L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 3. Il résulte de l'instruction, d'une part, qu'à la suite de ce jugement, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, conformément à l'article 3 du jugement, versé à Mme B... la somme de 1 500 euros mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D'autre part, Mme B... a été affectée au centre d'opérations et de renseignements de la gendarmerie de Nouméa conformément à l'un des choix qu'elle a formulés sur la fiche de vœux adressée à sa hiérarchie. 4. Si Mme B... critique les modalités selon lesquelles le rattrapage de solde a été réalisé, ainsi que le versement des cotisations sociales locales et si elle évoque la perte d'avantages, elle ne démontre pas que l'administration aurait procédé, sur ce point, à une exécution inexacte ou incomplète du jugement du tribunal administratif de Besançon. 5. Si elle demande également dans le cadre de cette procédure à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de l'affecter à l'unité d'information recrutement et sélection (CIR - CSC - CRCS) à Nouméa, cet emploi est distinct de celui qu'elle occupait préalablement à la décision litigieuse de mutation d'office. L'exécution du jugement ne saurait donc emporter comme conséquence qu'elle soit affectée sur ce poste. Si elle se prévaut de la méconnaissance d'engagements pris par l'administration lors des entretiens préalables à sa réaffectation, cette demande constitue un litige distinct, et donc irrecevable, dont il n'appartient pas au juge de l'exécution de connaitre. 6. En revanche, Mme B..., qui conserve la qualité d'agent public, n'a pas été affectée dans le poste qu'elle occupait préalablement à la décision litigieuse de mutation d'office dans l'intérêt du service. Il ne résulte pas de l'instruction que son ancien poste a été supprimé ou substantiellement modifié. Il n'est pas non plus établi que l'intéressée a renoncé aux droits qu'elle tient de l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Besançon, alors que la seule circonstance que l'intéressée a complété une fiche de vœux n'incluant pas ce poste ne peut être regardée comme susceptible de caractériser une telle renonciation. 7. Dans ces conditions la requérante est fondée à soutenir que l'article 2 du jugement n'a pas été exécuté. Dès lors, il y a lieu de prononcer à l'encontre du ministre de l'intérieur et des outre-mer une astreinte de 100 euros par jour de retard s'il ne justifie pas avoir, dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, exécuté l'article 2 du jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon, sauf à ce que Mme B... renonce expressément au droit, qu'elle tient de l'annulation prononcée par le jugement, de se voir réaffecter sur l'emploi qu'elle occupait avant la décision de mutation dans l'intérêt du service litigieuse. 8. Enfin, il est constant que l'article 3 du jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon, relatif aux frais d'instance a été exécuté. Les conclusions à fin d'exécution de cet article ont, par suite, perdu leur objet et il n'y a plus lieu d'y statuer. 9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B... tendant à l'exécution de l'article 3 du jugement n° 2100176 du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon. Article 2 : Une astreinte de 100 euros par jour de retard est prononcée à l'encontre du ministre de l'intérieur et des outre-mer s'il ne justifie pas avoir, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, exécuté l'article 2 du jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon, sauf à ce que Mme B... renonce au droit de se voir réaffecter sur l'emploi qu'elle occupait avant la décision de mutation dans l'intérêt du service. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. Roussaux La présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 23NC02907 |
CETATEXT000048457819 | J5_L_2023_11_00023NC02908 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457819.xml | Texte | CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 23NC02908, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-07 00:00:00 | CAA de NANCY | 23NC02908 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme SAMSON-DYE | SOCIETÉ D'AVOCATS MAUMONT MOUMNI | Mme Sophie ROUSSAUX | M. MICHEL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement n° 2100177 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé la décision du 7 décembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par M. C... à l'encontre de la décision portant mutation d'office à la brigade de proximité de Pont-de-Roide-Vermodans à compter du 1er juillet 2020 et, d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réintégrer M. C... dans l'emploi qu'il occupait avant l'exécution de cette décision, sous les réserves exposées au point 6 des motifs du jugement, et de reconstituer sa carrière dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement. Procédure d'exécution : Par une lettre enregistrée le 4 avril 2023 sous le n° 23EX25, M. A... C..., représenté par Me Maumont, a demandé à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, l'exécution du jugement n° 2100177 rendu le 1er décembre 2022 par le tribunal administratif de Besançon. Il fait valoir que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'a pas respecté l'injonction prononcée par le tribunal lui imposant de le réintégrer dans l'emploi qu'il occupait suite à l'annulation de sa mutation d'office dans l'intérêt du service à la brigade de proximité de Pont-de-Roide-Vermondans et n'a pas versé la somme de 1 500 euros mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par lettre du 2 mai 2023, la présidente de la cour a invité le ministre de l'intérieur et des outre-mer à justifier de la nature et de la date des mesures prises pour l'exécution du jugement ou à faire connaître les raisons qui pourraient retarder cette exécution. Par des courriers des 12 juillet 2023 et du 8 août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a précisé avoir exécuté l'injonction lui imposant de réintégrer M. C... dans son emploi d'origine puisqu'il a été affecté à la brigade de recherche de Koné où il travaillait précédemment, conformément à l'un des vœux qu'il a formulés. Par une ordonnance du 14 septembre 2023, la présidente de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2023, M. C..., représenté par Me Maumont, demande à la cour : 1°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de l'affecter à la brigade nautique, unité de soutien, à Nouméa, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il a bien perçu les frais d'instance de 1 500 euros mis à la charge de l'Etat par le jugement du 1er décembre 2022 ; - le rattrapage de la solde, des trois dernières années, versé en un mois par l'administration lui a entrainé des difficultés financières importantes en terme de taux d'imposition ; il s'étonne des modalités de versement des cotisations sociales locales ; - la gestion de sa mutation et de son retour de métropole démontre une volonté manifeste de ne pas satisfaire ses choix car il n'a pas eu son 1er choix et a été affecté à son ancienne brigade de Koné ; - il a perdu ses reliquats de congés d'éloignement et le bénéfice de la demi-campagne bien qu'il ait travaillé en métropole ; Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire. Vu : - le jugement n° 2100177 du tribunal administratif de Besançon du 1er décembre 2022 ; - les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Moumni, représentant M. C... et de Mme B..., représentant le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une note en délibéré du ministre de l'intérieur et des outre-mer a été enregistrée le 11 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". L'article R. 921-6 du même code dispose que : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. (...) Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours. L'affaire est instruite et jugée d'urgence. Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet ". 2. Le jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon, après avoir annulé la décision du 7 novembre 2020 du ministre de l'intérieur rejetant le recours administratif préalable obligatoire de M. C... a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réintégrer M. C... dans l'emploi qu'il occupait avant l'exécution de la décision annulée, sous les réserves exposées au point 6, et de reconstituer sa carrière dans un délai de trois mois à compter de sa notification. Le point 6 du jugement réserve les hypothèses où la réintégration est impossible, soit que cet emploi ait été supprimé ou substantiellement modifié, soit que l'intéressé ait renoncé aux droits qu'il tient de l'annulation prononcée par le juge ou qu'il n'ait plus la qualité d'agent public. L'article 3 de ce jugement prévoit que L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 3. Il résulte de l'instruction, d'une part, qu'à la suite de ce jugement, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, conformément à l'article 3 du jugement, versé à M. C... la somme de 1 500 euros mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D'autre part, M. C... a été réintégré dans son emploi d'origine puisqu'il a été affecté à la brigade de recherche de Koné où il travaillait avant la mutation d'office annulée par le tribunal. 4. Si M. C... demande dans le cadre de cette procédure à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de l'affecter à la brigade nautique, unité de soutien à Nouméa, cet emploi est distinct de celui qu'il occupait préalablement à la décision litigieuse de mutation d'office. L'exécution du jugement ne saurait donc emporter comme conséquence qu'il soit affecté sur ce poste. S'il se prévaut de la méconnaissance d'engagements pris par l'administration lors des entretiens préalables à sa réaffectation, cette demande constitue un litige distinct, et donc irrecevable, dont il n'appartient pas au juge de l'exécution de connaitre. 5. Enfin, si M. C... critique les modalités selon lesquelles le rattrapage de solde a été réalisé, ainsi que le versement des cotisations sociales locales et s'il évoque la perte d'avantages, il ne démontre pas que l'administration aurait procédé, sur ce point, à une exécution inexacte ou incomplète du jugement du tribunal administratif de Besançon. 6. Dans ces conditions, le jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon a été exécuté et les conclusions à fin d'exécution du jugement ont, par suite, perdu leur objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer. 7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C... tendant à l'exécution du jugement n° 2100177 du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. Roussaux La présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 23NC02908 |
CETATEXT000048457827 | J6_L_2023_11_00022MA00002 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457827.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA00002, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA00002 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. MARCOVICI | POLETTI | M. Michaël REVERT | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Par une requête enregistrée sous le n° 2000505, M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2019 par lequel le maire de la commune de Conca ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par M. A... C... pour la réhabilitation d'une bergerie sur la parcelle cadastrée section E n° 571, lieudit Cinaja, et de mettre à la charge de la commune de Conca une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un déféré enregistré sous le n° 2000410, le préfet de la Corse-du-Sud a demandé au tribunal d'annuler cet arrêté du 5 novembre 2019. Par des jugements n°s 2000505 et 2000410 rendus le 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté et a mis à la charge de la commune de Conca la somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédures devant la Cour : I - Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 janvier 2022 et le 29 août 2023, sous le n° 22MA00002, M. C..., représenté par Me Poletti, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 2000505 du tribunal administratif de Bastia du 10 novembre 2021 ; 2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la demande de première instance était irrecevable, car tardive compte tenu de l'affichage de l'autorisation en litige sur la voie la plus empruntée et faute pour le demandeur de justifier de la nature de l'occupation des parcelles situées au plus près de la bergerie à réhabiliter et des nuisances liées à un tel ouvrage, comparées à celles causées par une ruine ; - il peut prétendre à bénéficier du droit de reconstruire à l'identique cette ruine dont il reste les murs porteurs, mais qui est dépourvue de toiture et dont l'intérêt patrimonial n'est pas contesté, en application des articles L. 111-23 et L. 111-11 du code de l'urbanisme, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de la loi Littoral, du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse et de la carte communale, seules celles d'un plan local d'urbanisme pouvant exclure la mise en œuvre d'un tel droit. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2023, M. B..., représenté par Me Stéphan de la SELARL Mauduit-Lopasso-Goirand et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 4 000 euros toutes taxes comprises (TTC) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que la requête d'appel est irrecevable car non motivée au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 23 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 septembre 2023, à 12 heures. II - Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2022, sous le n° 22MA00003, M. C..., représenté par Me Poletti, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 2000410 du tribunal administratif de Bastia du 10 novembre 2021, sauf à juger subsidiairement que l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme trouve à s'appliquer ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il appartient au préfet de justifier de la date de réception par ses services du dossier de déclaration pour exercer son contrôle de légalité, alors qu'il a formé son recours contentieux cinq mois après la délivrance de l'autorisation en litige ; - il peut prétendre à bénéficier du droit de reconstruire à l'identique cette ruine dont il reste les murs porteurs, mais qui est dépourvue de toiture et dont l'intérêt patrimonial n'est pas contesté, en application des articles L. 111-23 et L. 111-11 du code de l'urbanisme, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de la loi Littoral, du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse et de la carte communale, seules celles d'un plan local d'urbanisme pouvant exclure la mise en œuvre d'un tel droit. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Le 21 octobre 2019, M. C... a déposé une déclaration préalable à l'effet de réhabiliter une bergerie, sur la parcelle cadastrée section E n° 571, située lieudit Cinaja, sur le territoire de la commune de Conca. Par un arrêté du 5 novembre 2019, le maire de Conca ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable. Par deux jugements du 10 novembre 2021, dont M. C... relève appel par ses requêtes n° 22MA00002 et n° 22MA00003, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté, sur les demandes, respectivement, de M. B..., voisin du projet, et du préfet de la Corse-du-Sud. Sur la jonction : 2. Bien que dirigées contre des jugements différents, les deux requêtes concernent la légalité d'une même autorisation d'urbanisme et présentent à juger des questions communes. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur le bien-fondé des jugements attaqués : En ce qui concerne la recevabilité des demandes de première instance S'agissant du déféré préfectoral : 3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Corse-du-Sud, auquel a été transmis l'arrêté en litige le 9 novembre 2019, a formé contre celui-ci un recours gracieux le 3 janvier 2020, reçu par la commune de Conca le 6 janvier 2020. Un tel recours gracieux, dûment notifié à M. C..., en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, a eu pour effet de proroger à l'égard du préfet le délai de recours contentieux jusqu'à la naissance d'une décision tacite de rejet, le 6 mars 2020, le maire n'y ayant pas répondu expressément, et ce délai a dès lors de nouveau couru à l'encontre de cet arrêté à compter du 7 mars 2020. Ainsi, le déféré du préfet de la Corse-du-Sud, enregistré au greffe du tribunal le 19 avril 2020 sous le n° 2000410, qui tend à l'annulation de l'arrêté en litige, n'était pas tardif, contrairement à ce que soutient M. C... pour la première fois en appel. S'agissant de la demande de M. B... : 4. D'une part, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Le premier alinéa de l'article R. 424-15 du même code dispose quant à lui que : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. Cet affichage n'est pas obligatoire pour les déclarations préalables portant sur une coupe ou un abattage d'arbres situés en dehors des secteurs urbanisés. ". L'article A. 421-8 de ce code précise que : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. ". 5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'affichage du permis de construire sur le terrain d'assiette de la construction autorisée doit être effectué de telle façon que les mentions qu'il comporte soient lisibles de la voie publique ou, lorsque le terrain n'est pas desservi par une voie publique, d'une voie privée ouverte à la circulation du public. Lorsque le terrain d'assiette n'est pas desservi par une telle voie et que l'affichage sur le terrain ne pourrait, dès lors, satisfaire à cette exigence, seul un affichage sur un panneau placé en bordure de la voie publique ou de la voie privée ouverte à la circulation du public la plus proche du terrain fait courir le délai de recours contentieux à l'égard des tiers autres que les voisins qui empruntent la voie desservant le terrain pour leurs besoins propres. 6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux de constat d'huissier établis le 20 décembre 2019 à la demande de M. C... et le 22 juillet 2020 à la demande de M. B..., que le panneau d'affichage de l'autorisation en litige a été apposé à compter du 20 décembre 2019 et pendant un délai de deux mois sur un poteau électrique situé le long de la route départementale 168, à une distance d'1,4 km du terrain d'assiette du projet, accessible depuis cette voie publique par un chemin en terre, rendu pour sa part inaccessible au public par une clôture de barbelés. Il est en outre constant que cette voie publique n'est pas la plus proche du terrain du projet, situé par ailleurs à 140 mètres de la route départementale 168a, en bordure de laquelle aucun affichage de cette autorisation n'a été en revanche réalisé. S'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a affiché son autorisation sur son propre terrain, à un emplacement qui n'est du reste pas précisé, une telle circonstance est sans incidence sur l'information des tiers concernant la délivrance de ce permis, son tènement n'étant pas accessible au public, ni aux voisins, dont M. B.... Dans ces conditions qui ne font pas apparaître un affichage régulier de l'autorisation en litige, l'appelant ne peut utilement soutenir qu'il reviendrait au demandeur de justifier que ce mode d'affichage ne lui a permis d'être suffisamment informé sur son droit au recours. Ainsi, bien que le recours gracieux formé par M. B... le 14 avril 2020 ait manifesté de sa part, au plus tard à cette date, la connaissance de l'autorisation en litige, sa demande tendant à l'annulation de cette décision, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bastia le 29 mai 2020, n'était en tout état de cause pas tardive. C'est donc à bon droit que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir soulevée par M. C... dans l'instance n° 2000505 et tirée de la tardiveté de la demande. 7. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui en justifie en produisant l'acte de partage successoral du 17 juillet 2007, est propriétaire de parcelles boisées supportant une maison d'habitation, et située, au sein d'un secteur naturel, à proximité immédiate de la construction projetée dont il n'est séparé que par un cours d'eau non domanial. Dans la mesure, établie par le procès-verbal de constat d'huissier du 22 juillet 2020, où la construction à réhabiliter, qui à l'état de ruine était inoccupée, est directement visible depuis le terrain de M. B... et a vocation à être habitée, ainsi que celui-ci le soutient, il doit être regardé, en raison de sa qualité de voisin immédiat du projet, comme justifiant d'un intérêt à agir contre l'autorisation en litige, compte tenu de la nature et de la localisation du projet sur lequel elle porte. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a écarté sa fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions législatives citées au point 7. En ce qui concerne la légalité de l'autorisation en litige : 9. En premier lieu, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'une autorisation d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges en application de ces dispositions, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. 10. Au soutien de ses deux requêtes d'appel, M. C... ne conteste pas le motif retenu par le tribunal pour annuler la non-opposition à déclaration préalable en litige, aussi bien sur déféré du préfet qu'à la demande de M. B..., tiré de la soumission de son projet, qui consiste à réhabiliter une ruine et partant à édifier une construction nouvelle de plus de 20 m² de surface de plancher, au régime du permis de construire, et non à celui de la simple déclaration préalable, en application des dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-9 du code de l'urbanisme. 11. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'urbanisation peut être autorisée en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction nouvelle ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. 12. Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), qui précise, en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, les modalités d'application des dispositions citées ci-dessus, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'elle constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Ces prescriptions du PADDUC apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme citées au point précédent. 13. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme : " La restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs peut être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 111-11, lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu permettre la restauration de bâtiments anciens caractéristiques des traditions architecturales et cultures locales laissés à l'abandon mais dont demeure l'essentiel des murs porteurs dès lors que le projet respecte les principales caractéristiques du bâtiment en cause et à condition que les documents d'urbanisme applicables ne fassent pas obstacle aux travaux envisagés. Lorsqu'un projet répond aux conditions définies au point précédent, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de l'autoriser, y compris si le pétitionnaire ne s'est pas expressément prévalu des dispositions de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme précité au soutien de sa demande de permis de construire, à moins que d'autres dispositions applicables y fassent légalement obstacle. 14. Ainsi que l'a jugé de manière non contestée le tribunal, aux points 4 et 10 de ses jugements, qui en constituent le soutien nécessaire, le projet en litige, qui porte sur une ruine dont il ne reste que deux façades et non l'essentiel des murs porteurs, consiste non pas en la simple réhabilitation d'un bâtiment ancien, mais en la réalisation d'une construction nouvelle et doit donc être regardé comme contribuant à l'extension de l'urbanisation au sens et pour l'application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Ni cette disposition, ni aucune autre relative à l'aménagement et à la protection du littoral contenues dans le code de l'urbanisme, ni du reste le PADDUC, ne prévoient que, par exception au principe d'urbanisation en continuité avec l'existant, dont M. C... ne conteste pas la méconnaissance par l'implantation de son projet, sont autorisées les reconstructions de ruines. Il s'ensuit que M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-23, dont son projet ne remplit pas les conditions, pour soutenir que celui-ci ne devait pas respecter les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC. 15. En troisième lieu, il est constant que le terrain d'assiette du projet est rangé dans un secteur délimité par la carte communale de Conca, en application de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme, où les constructions nouvelles ne sont pas admises, à l'exception, notamment, de la réfection des constructions existantes. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le projet en cause porte sur la reconstruction d'une ruine, et ne remplit pas les conditions posées par l'article L. 111-23 de ce code, M. C... ne peut utilement affirmer qu'une carte communale n'est pas au nombre des documents d'urbanisme susceptibles de faire obstacle à l'application de ces dispositions, ni par conséquent, que c'est à tort que le tribunal a annulé l'autorisation en litige pour méconnaissance de la carte communale. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision de non-opposition à sa déclaration préalable. Ses conclusions tendant à l'annulation de ces jugements doivent donc être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M. B.... Sur les frais liés au litige : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de M. B..., qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre de ces mêmes dispositions. DECIDE : Article 1er : Les requêtes de M. C... sont rejetées. Article 2 : M. C... est condamné à verser à M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...,à la commune de Conca, à M. D... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. N° 22MA00002, 22MA000032 |
CETATEXT000048457829 | J6_L_2023_11_00022MA00401 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457829.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA00401, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA00401 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. MARCOVICI | M. Michaël REVERT | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Bastia, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler la décision du 4 février 2019 par laquelle la ministre des armées n'a que partiellement fait droit à sa demande de révision de pension pour aggravation des infirmités dont il est atteint, et de fixer le taux d'invalidité, à compter du 27 février 2017, à 40 % s'agissant de l'infirmité de vertiges et à 35 % s'agissant de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale. Par un jugement n° 1901535 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation des infirmités de vertiges et de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, d'autre part, reconnu au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 40 % s'agissant de l'infirmité liée à des vertiges et un taux de 35 % s'agissant de l'infirmité liée à des séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche et, enfin, rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 1er février 2022, le ministre des armées demande à la Cour de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 décembre 2021. Le ministre soutient que : - au titre de l'infirmité liée aux vertiges, il n'existe aucune aggravation entre 2010 et 2018, l'hyper-réflexie labyrinthique bilatérale aux épreuves caloriques étant déjà présente en 2010 et en jugeant le contraire, le tribunal a dénaturé les éléments du dossier et commis une erreur d'appréciation ; - c'est à tort que le tribunal s'est prononcé sur les conclusions de l'intéressé contestant la décision en litige en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension pour aggravation de l'infirmité dite " séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche ", présentées au-delà du délai posé par l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et constitutives d'une demande nouvelle par rapport à celle enregistrée au greffe du tribunal le 3 juin 2019. Le recours du ministre des armées a été communiqué à M. A... qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 21 août 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 11 septembre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité, au taux de 85 %, du chef des infirmités dénommées " séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche ", " bourdonnements ", " vertiges ", " déviation de la cloison nasale " et " sinusite maxillaire bilatérale ", en a demandé la révision le 27 février 2017, pour aggravation des trois premières infirmités. Par une décision du 12 février 2019, prise après avis de la commission de réforme des pensions du 23 janvier 2019, la ministre des armées a fait droit à cette demande en ce qu'elle concerne l'aggravation de l'infirmité " bourdonnements " en attribuant à ce titre un taux d'invalidité supplémentaire de 10 %, et a rejeté le surplus de la demande. Par un jugement du 7 décembre 2021, dont le ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Bastia a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation des infirmités de vertiges et de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et a reconnu au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 40 % s'agissant de la première de ces infirmités et un taux de 35 % s'agissant de la seconde. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les droits à pension de M. A... au titre de l'infirmité dite " vertiges " : 2. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de révision de pension de M. A... : " La pension militaire d'invalidité est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. ". Par ailleurs, l'article L. 151-4 du même code, alors en vigueur, dispose que : " Le demandeur a la faculté de provoquer l'examen de sa demande par une commission de réforme (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. ". 3. L'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit que le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée, la pension étant révisée lorsque le degré d'invalidité de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. Cette disposition qui exige une aggravation réelle des blessures ou maladies, ne permet pas de remettre en cause, en l'absence d'aggravation effective, les bases de la liquidation initiale notamment en ce qui concerne le libellé des infirmités pensionnées. 4. Il résulte de l'instruction que pour décider le 7 juin 2013, de réviser la pension d'invalidité de M. A..., notamment pour aggravation de son infirmité liée aux vertiges dont il souffre depuis le 5 janvier 1973, et revaloriser en conséquence le taux d'invalidité correspondant à hauteur de 30 %, le ministre chargé de la défense s'était fondé sur l'expertise réalisée le 20 mai 2010 par un oto-rhino-laryngologiste qui avait recueilli les doléances de l'intéressé portant sur une aggravation des sensations de déséquilibre et une augmentation du nombre de crises vertigineuses, lesquelles présentaient alors une durée d'une semaine, à raison de deux fois par mois, sur fond de sensations de déséquilibre permanent, et constaté, au terme d'examens oto-rhino-laryngologiques, une instabilité à l'épreuve dite de Romberg, une marche aveugle ébrieuse et une hyper-réflexie labyrinthique bilatérale aux épreuves caloriques. Le même expert médical, appelé à se prononcer sur la demande de révision de pension pour aggravation de cette infirmité rejetée par la décision en litige, a constaté, le 6 juillet 2018, une aggravation à raison d'un degré supplémentaire d'invalidité de 10 %, en relevant que les crises de vertiges rotatoires vrais dont se plaint M. A... surviennent deux à trois fois par semaine, durant douze heures environ, sur fond de sensations permanentes de déséquilibre, et que l'examen oto-rhino-laryngologique révèle une instabilité à l'épreuve de Romberg, une marche aveugle ébrieuse, ainsi qu'une légère hypo-réflexie labyrinthique bilatérale plus ou moins symétrique aux épreuves caloriques, sans nystagmus spontané ni " DDI ". Si la comparaison de ces deux examens médicaux ne fait pas apparaître, à partir des doléances de M. A..., d'aggravation du nombre de crises de vertiges dont il souffre, ainsi que l'ont indiqué l'avis de la commission consultative médicale du 8 janvier 2019 et l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 11 septembre 2018, ces documents montrent en revanche, contrairement à ce que soutient le ministre, que l'intéressé présente en 2018, non plus une hyper-réflexie labyrinthique bilatérale aux épreuves caloriques, mais une hypo-réflexie labyrinthique bilatérale à ces mêmes épreuves. En se bornant ainsi à relever une amélioration du nombre de crises de vertiges dont se plaint M. A..., mais dont la fréquence n'a pas diminué, sans remettre en cause l'existence d'une hypo-réflexie labyrinthique bilatérale ni son importance sur son état de santé, alors que le médecin expert a conclu à une aggravation de ses vertiges à hauteur de 10 % d'invalidité supplémentaire, le ministre ne conteste pas efficacement le caractère réel et effectif de cette aggravation. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé sa décision du 12 février 2019 refusant de réviser la pension militaire d'invalidité de M. A... pour aggravation de cette infirmité et a reconnu à ce titre au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 40 %. En ce qui concerne les droits à pension de M. A... au titre de l'infirmité dite " séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche " : 5. Aux termes de l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve du cas des recours en révision prévus par l'article L. 154-4, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II du présent code sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions. ". 6. Le délai de recours contre une décision individuelle prise sur une demande de pension militaire d'invalidité commence, en principe, à courir à compter de la notification complète et régulière de cette décision. Toutefois, à défaut, dans le cas où un requérant a saisi le juge des pensions d'un recours tendant à l'annulation d'une décision refusant de réviser une pension militaire d'invalidité en tant qu'elle est relative seulement à certaines des infirmités visées par sa demande de pension, le délai de recours contre cette décision en tant qu'elle concerne la ou les autres infirmités court, au plus tard, à compter, pour ce qui concerne ce requérant, de l'introduction de son recours initial. 7. Il résulte des pièces de la procédure devant le tribunal que M. A... a saisi le tribunal des pensions de Bastia le 3 juin 2019 de conclusions contestant la décision en litige, produite au soutien de ses prétentions, en tant seulement qu'elle refuse de réviser sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation de l'infirmité dite " vertiges ". En application des dispositions réglementaires citées au point 5 et au plus tard à compter du 3 juin 2019, date à laquelle il avait connaissance de la décision litigieuse, M. A... disposait d'un délai de six mois pour demander l'annulation de celle-ci en tant qu'elle rejette sa demande de révision de pension au titre des autres infirmités, dont les séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche. Or, ce n'est que par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Bastia le 13 janvier 2021, soit après l'expiration de ce délai de six mois, que M. A... a présenté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2019 en tant qu'elle refuse la révision de sa pension pour l'aggravation de cette infirmité. De telles conclusions étant ainsi tardives, c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir opposée en ce sens par le ministre des armées et a accueilli ces prétentions. Le ministre des armées est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé sa décision du 12 février 2019 en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et a reconnu à ce titre au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 35 %. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement dans cette mesure et, en évoquant l'affaire dans cette même mesure, de rejeter comme irrecevables les conclusions de M. A... aux fins d'annulation de la décision du 12 février 2019 et d'octroi d'une pension au titre de l'aggravation de cette infirmité. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1901535 rendu le 7 décembre 2021 par le tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a annulé la décision de la ministre des armées du 12 février 2019 rejetant la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et en tant qu'il a reconnu au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 35 % s'agissant de cette infirmité. Article 2 : Les conclusions de M. A... devant le tribunal administratif de Bastia tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2019 refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche et à l'octroi d'un taux d'invalidité de 35 % sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre des armées est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. N° 22MA004012 |
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CETATEXT000048457831 | J6_L_2023_11_00022MA00902 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457831.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA00902, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA00902 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. MARCOVICI | TREVES | M. Stéphen MARTIN | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société civile d'exploitation agricole (SCEA) " Le Mas de l'Air " a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 833 525 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la présence et du fonctionnement d'une déviation routière. Par un jugement n° 1905510 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la SCEA " Le Mas de l'Air ". Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 mars 2022, 18 février, 24 février et 5 mars 2023, la SCEA " Le Mas de l'Air ", représentée par Me Treves, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1905510 du 3 février 2022 ; 2°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 833 525 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, ou la somme de 417 735 euros dans le cas où elle obtiendrait des indemnités suffisantes et adaptées pour pouvoir réduire les troubles et risques divers générés par l'ouvrage public et que le département des Bouches-du-Rhône réaliserait les travaux restant à sa charge ; 3°) subsidiairement et avant dire droit, de diligenter une expertise aux fins d'évaluation des pertes d'exploitation, outre son préjudice commercial ; 4°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et ce, sans préjudice des entiers dépens y compris les frais d'expertise avancés. Elle soutient que : - les travaux présentés lors de l'ouverture à la circulation de la déviation de la route départementale n° 24 le 28 juin 2015 ont fait apparaître une surélévation d'environ 1,50 mètre par rapport au terrain naturel, ce qui était inattendu ; - le fonctionnement de l'ouvrage public occasionne l'impossibilité d'irriguer les parcelles, l'impossibilité d'accéder normalement aux terres agricoles, et génère d'importantes nuisances sonores et un défaut de sécurité incompatible avec l'activité équestre ; - dès lors, la responsabilité du département des Bouches-du-Rhône est engagée à raison de la présence et du fonctionnement de l'ouvrage public ; - elle est fondée à demander la condamnation du département à lui verser les sommes de 87 862 euros pour rendre les parcelles de nouveau irrigables, de 91 233 euros pour permettre un accès normal aux parcelles, de 574 500 euros pour rendre les nuisances sonores compatibles avec l'activité agricole, et de 79 930 euros pour rendre le niveau de sécurité compatible avec l'activité agricole. Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 janvier et 1er mars 2023, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me Phelip, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la requérante avait connaissance des caractéristiques de l'ouvrage à la date à laquelle elle a créé son activité d'exploitation d'un centre équestre, de sorte que le principe de l'antériorité de l'ouvrage fait obstacle à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis ; - elle n'apporte pas la preuve du caractère anormal et spécial de ses préjudices ; - subsidiairement, les sommes réclamées sont disproportionnées et injustifiées. Par une ordonnance du 27 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - les observations de Me Treves pour la SCEA " Le Mas de l'Air ", - et les observations de Me Rivière, substituant Me Phelip, pour le département des Bouches-du-Rhône. Considérant ce qui suit : 1. La SCEA " Le Mas de l'Air ", gérée par Mme B... A..., exerce l'activité d'élevage de chevaux américains et de gestion d'établissement hippique depuis le 1er janvier 2005 sur le domaine du Mas de l'Air situé sur le territoire de la commune de Cabannes, sur une propriété appartenant aux parents de Mme A..., qui ont conclu avec la société un bail rural le 28 décembre 2004. A la suite de l'ouverture à la circulation, le 28 juin 2015, de la déviation de la route départementale n° 24 (RD 24) réalisée sous maîtrise d'ouvrage du département des Bouches-du-Rhône, et dont le projet avait été déclaré d'utilité publique par arrêté préfectoral du 8 avril 2003, la SCEA " Le Mas de l'Air " a adressé à la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, par courrier du 23 avril 2019 reçu le 26 avril suivant, une réclamation indemnitaire préalable, sollicitant le versement de la somme de 833 525 euros, en réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis consécutivement à l'ouverture au trafic de cette voie nouvelle. Cette demande ayant été implicitement rejetée, elle a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une requête tendant à la condamnation du département à lui verser cette somme. Par la présente requête, la SCEA " Le Mas de l'Air " relève appel du jugement du 3 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. D'une part, le maître d'un ouvrage public est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. La mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public ou une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial directement en lien avec cet ouvrage ou cette opération. Ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics. 3. Il résulte de l'instruction que la déviation de la RD 24, implantée de telle manière qu'elle traverse la propriété sur laquelle la société appelante exerce son activité, constitue un ouvrage public à l'égard duquel l'intéressée a la qualité de tiers riveraine. 4. D'autre part, lorsqu'il est soutenu qu'une partie s'est exposée en connaissance de cause au risque dont la réalisation a causé les dommages dont elle demande réparation au titre de la présence ou du fonctionnement d'un ouvrage public, il appartient au juge d'apprécier s'il résulte de l'instruction, d'une part, que des éléments révélant l'existence d'un tel risque existaient à la date à laquelle cette partie est réputée s'y être exposée et, d'autre part, que la partie en cause avait connaissance de ces éléments et était à cette date en mesure d'en déduire qu'elle s'exposait à un tel risque, lié à la présence ou au fonctionnement d'un ouvrage public, qu'il ait été d'ores et déjà constitué ou raisonnablement prévisible. 5. En premier lieu, et d'une part, il résulte de l'instruction que M. et Mme A..., parents de la gestionnaire de la société appelante, ont acquis la propriété agricole dite du " mas de l'air " suivant acte authentique du 6 mai 2003, date à laquelle le projet de déviation de la RD 24 avait été déclaré d'utilité publique par arrêté préfectoral du 8 avril 2003. S'il est constant qu'ils n'avaient pas eu connaissance de cet arrêté à la date de l'acquisition, il résulte néanmoins de l'instruction qu'étaient joints à l'acte de vente un courrier adressé à l'ancien propriétaire lui notifiant la copie de l'arrêté du 25 janvier 2002 prescrivant l'ouverture de l'enquête publique dans le cadre de la procédure de déclaration d'utilité publique et l'informant qu'il pouvait consulter le dossier en mairie et émettre des observations, ainsi qu'un document graphique annexé au plan local d'urbanisme de la commune de Cabannes, matérialisant l'emprise d'un emplacement réservé dédié au projet de déviation. 6. D'autre part, le bail rural à long terme a été conclu le 28 décembre 2004, c'est-à-dire postérieurement à l'enquête publique et à l'enquête parcellaire qui se sont déroulées, dans le cadre de la procédure de déclaration d'utilité publique, entre le 12 mars et le 15 avril 2002, au dépôt du rapport d'enquête publique le 21 mai 2002 et à l'arrêté préfectoral déclarant le projet de déviation d'utilité publique du 8 avril 2003. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la SCEA " Le Mas de l'Air " a débuté son activité d'élevage de chevaux le 1er janvier 2005. Par conséquent, dans la mesure où l'emprise du projet n'a pas été modifiée par la suite, la SCEA " Le Mas de l'Air " était informée, tant à la date à laquelle elle a signé le bail rural avec les propriétaires des parcelles qu'à celle à laquelle elle a débuté son activité, de la nature et de l'importance des travaux projetés. 7. Si l'appelante soutient que rien ne laissait prévoir, à la date de conclusion du bail, de ce que l'ouvrage routier serait surélevé de 1,50 mètre par rapport au terrain naturel, circonstance de nature à majorer les nuisances sonores, augmenter le risque d'inondation, renforcer les difficultés d'accès, notamment par la suppression de points d'accès et la création de dénivelés, ainsi que l'enclavement du bâtiment " le mas de l'air ", et à porter atteinte à la sécurité, soit autant de paramètres de nature à empêcher l'exploitation du centre équestre dans des conditions adaptées, notamment, à l'élevage des chevaux, il résulte toutefois du rapport du 15 avril 2019 de l'expertise diligentée par ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille, qu'il existait un profil type dans le dossier de déclaration d'utilité publique matérialisant cette surélévation, évaluée à environ 1 mètre sur le plan de coupe, et variant, après réalisation des travaux, entre 0,75 mètre et 1,63 mètre, circonstance qui ne peut être regardée comme révélant une modification significative entre le projet initial et la réalisation de l'ouvrage. De même, l'appelante ne peut se prévaloir de ce que l'augmentation de l'emprise a été portée de 8 000 m² en 2003 à 11 000 m² pour permettre la mise en place d'un mur de terre anti-bruit de 160 mètres de long, dès lors que l'étude d'impact de 2009 indique que l'emprise de la déviation est identique à celle présentée lors de l'enquête publique réalisée antérieurement, que la mise en place du mur anti-bruit a eu pour objet de réduire les nuisances sonores de l'ouvrage, et, en tout état de cause, que l'augmentation d'emprise alléguée n'a eu aucune incidence sur la surélévation de l'ouvrage par rapport au terrain naturel. 8. Au surplus et en second lieu, en ce qui concerne d'abord les nuisances sonores résultant du trafic routier sur la déviation, il ne résulte pas de l'instruction que les troubles occasionnés n'auraient pas été raisonnablement prévisibles, compte tenu de la zone d'implantation de l'ouvrage dans le périmètre de la propriété siège de l'exploitation, sa situation dans un axe d'orientation Nord-Sud dans une région exposée à des vents de forte intensité de nature à porter le bruit généré par la circulation étant là encore connue à la date de signature du bail rural. Si l'appelante soutient néanmoins que les travaux ont emporté suppression de végétaux constitutifs de haies brise-vent, elle n'établit toutefois pas que l'ouvrage de protection édifié par le département, en l'occurrence un merlon implanté au droit du mas, serait d'une inefficacité telle que son exploitation serait exposée à un bruit excédant les sujétions susceptibles d'être normalement imposées aux riverains d'un tel ouvrage. Une telle exposition ne ressort pas, en tout état de cause, du second rapport d'expertise diligenté par ordonnance du tribunal administratif de Marseille, remis le 4 juin 2020, qui se borne à constater l'existence de gênes sans établir qu'elles excèderaient les seuils réglementaires. Enfin, les documents généraux produits par l'appelante ne permettent pas d'établir que le bruit occasionné par la circulation routière aurait eu des conséquences directes sur l'état de santé des chevaux ni, par suite, sur une éventuelle perte d'exploitation. 9. En ce qui concerne, ensuite, le risque allégué d'inondation des parcelles, il résulte sans aucune ambiguïté du rapport d'expertise du 15 avril 2019 que la propriété est exposée au risque d'inondation non pas en raison de la présence de la déviation de la RD 24, laquelle ne joue pas le rôle de digue qui piègerait l'eau au détriment des bâtiments du " mas de l'air ", mais du fait de la pente naturelle du terrain, qui a un effet de casier au niveau de la cour située devant le mas, le relevé topographique réalisé par l'expert montrant à cet égard que la zone située devant le mas est plus basse que celle de l'entrée du domaine, que le chemin à l'Ouest et que l'ancien chemin situé au Nord, l'exutoire situé devant le bâti ne pouvant de surcroît fonctionner, compte tenu de sa situation, que si la hauteur d'eau dépasse 20 centimètres. Au demeurant, alors qu'au cours des réunions d'expertise, la gérante de la SCEA " Le Mas de l'Air " a indiqué qu'avant même la déviation, il est arrivé qu'il y ait énormément d'eau s'accumulant devant la maison, seul un épisode d'inondation a été répertorié après la mise en service de la déviation, à la suite d'un évènement climatique survenu le 3 octobre 2015 dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'il aurait entraîné une perte financière pour la société. 10. En ce qui concerne, par ailleurs, les difficultés d'accès à certaines parcelles de l'exploitation, il résulte du rapport d'expertise du 15 avril 2019 que la communication entre les deux identités foncières créées par la présence de l'ouvrage routier a été établie au moyen d'un passage en baïonnette, de sorte qu'aucune des parcelles constituant la propriété sur laquelle la société appelante exerce son activité n'est enclavée. S'il est par ailleurs constant que des véhicules bas peuvent circuler moins aisément, notamment pour franchir la RD 24, une telle difficulté ne concerne pas les véhicules agricoles hauts amenés à circuler entre les parcelles de part et d'autre de la déviation. En tout état de cause, si, selon le rapport d'expertise, l'accès à certaines parcelles semble plus difficile ou plus contraint, il n'est toutefois pas impossible et une telle circonstance ne saurait être regardée comme excédant les sujétions normales pour les riverains de l'ouvrage routier. 11. Si l'appelante soutient, en outre, que l'ouvrage en cause génèrerait des risques pour la sécurité des chevaux, elle ne l'établit pas, en l'absence, notamment, de tout élément de nature à révéler l'existence d'accidents dont auraient été victimes les animaux élevés sur le site de l'exploitation. La société, qui se borne à soutenir que l'indemnité de 24 912 euros qui lui a été octroyée par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 juin 2016 pour la mise en place de clôtures le long de la RD24 afin de limiter le risque de fuite des chevaux vers la rocade serait insuffisante, n'établit pas qu'elle aurait réalisé des travaux indispensables à la sécurisation du site. 12. Enfin, en ce qui concerne les difficultés d'irrigation des parcelles, si, selon le rapport d'expertise remis le 15 avril 2019, l'implantation de l'ouvrage a eu pour effet de perturber les canaux d'irrigation antérieurs de part et d'autre de celui-ci, auparavant reliés entre eux, plus précisément en ce qui concerne la parcelle cadastrée n° 1701, il résulte de ce même rapport, et des déclarations tant de Mme A... que de son père au cours des opérations d'expertise, non seulement que les vergers n'étaient pas irrigués avant même la création de la déviation routière, mais également et de surcroît, que cette parcelle a depuis lors été vendue à un tiers, qui a d'ailleurs fait réaliser un forage pour l'irrigation. De plus, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, alors qu'il résulte du rapport non contradictoire établi en mars 2017, à la demande de la SCEA " Le Mas de l'Air ", que seule une partie des parcelles exploitées, représentant une surface d'environ 2 200 mètres carrés, est concernée par des difficultés d'irrigation, l'indemnité de remploi allouée par jugement du juge de l'expropriation du 7 mars 2012 aux propriétaires du domaine du Mas de l'Air recouvre la réorganisation de l'exploitation des parcelles de la propriété ainsi que le rétablissement des dispositifs d'arrosage internes. Enfin, si la société appelante soutient que les difficultés d'irrigation sont à l'origine d'une impossibilité de récolte de foin à raison de deux à trois coupes par an, destiné à l'alimentation des chevaux, circonstance qui l'aurait contrainte à procéder à des achats de foin à l'origine d'une augmentation de ses charges, et que ces difficultés d'irrigation ont entraîné une perte de récolte de pommes sur 0,6 hectare exploité, elle n'établit ni que les travaux à mener pour établir une irrigation convenable, selon ses affirmations, à hauteur de 87 862 euros, seraient indispensables au maintien de son activité, laquelle demeure effective à ce jour, ni, en tout état de cause, que les difficultés alléguées seraient à l'origine d'un préjudice de perte d'exploitation. 13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise, que la SCEA " Le Mas de l'Air " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 833 525 euros. Par suite, ses conclusions à fin d'indemnisation doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 14. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SCEA " Le Mas de l'Air " au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'appelante une somme de 2 000 euros à verser au département des Bouches-du-Rhône en application des mêmes dispositions. 15. D'autre part, les frais et honoraires d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme globale de 7 953 euros par l'ordonnance n° 1705495 du 27 août 2019 du président du tribunal administratif de Marseille. C'est à bon droit que ces frais et honoraires ont été mis à la charge définitive de la SCEA " Le Mas de l'Air ", en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, par le jugement attaqué. D É C I D E : Article 1er : La requête de la SCEA " Le Mas de l'Air " est rejetée. Article 2 : La SCEA " Le Mas de l'Air " versera au département des Bouches-du-Rhône une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA " Le Mas de l'Air " et au département des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. N° 22MA00902 2 |
CETATEXT000048457833 | J6_L_2023_11_00022MA00907 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457833.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA00907, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA00907 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. MARCOVICI | TREVES | M. Stéphen MARTIN | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Bouches-du-Rhône à leur verser la somme de 682 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la présence et du fonctionnement d'une déviation routière. Par un jugement n° 1905516 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. et Mme B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mars 2022, 26 février 2023 et 5 mars 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Treves, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1905516 du 3 février 2022 ; 2°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à leur verser la somme de 682 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la dévaluation foncière de leur propriété ; 3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et ce, sans préjudice des entiers dépens y compris les frais d'expertise avancés. Ils soutiennent que : - les travaux présentés lors de l'ouverture à la circulation de la déviation de la route départementale n° 24 le 28 juin 2015 ont fait apparaître une surélévation d'environ 1,50 mètre par rapport au terrain naturel, ce qui était inattendu et a accru les risques d'inondation des parcelles, outre la présence d'importantes nuisances sonores, et entraîné une impossibilité d'accéder normalement à leurs parcelles, un défaut de sécurité et un quasi enclavement de leur propriété ; ces perturbations majeures préjudicient gravement à la valeur vénale du foncier ; - lors de l'acquisition de la propriété, il leur était impossible de savoir que les travaux projetés entraineraient la surélévation de 1,50 mètre à 1,80 mètre de l'ouvrage, ni de connaître le risque d'inondation induit par celle-ci ; - dès lors, la responsabilité du département des Bouches-du-Rhône est engagée à raison de la présence et du fonctionnement de l'ouvrage public, à l'origine d'une grave dépréciation de leur propriété ; - ils sont fondés à demander la condamnation du département à leur verser la somme de 682 000 euros en réparation du préjudice subi. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me Phelip, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge des requérants la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - les requérants avaient connaissance des caractéristiques de l'ouvrage à la date à laquelle ils ont acquis le bien, de sorte que le principe de l'antériorité de l'ouvrage fait obstacle à l'indemnisation du préjudice qu'ils estiment avoir subi ; - les requérants n'apportent pas la preuve du caractère anormal et spécial de leur préjudice ; - subsidiairement, les sommes réclamées sont disproportionnées et injustifiées. Par une ordonnance du 27 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2023 à 12 heures. Un mémoire en défense, présenté le 21 mars 2023 par Me Phelip pour le département des Bouches-du-Rhône, après clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - les observations de Me Treves pour M. et Mme B..., - et les observations de Me Rivière, substituant Me Phelip, pour le département des Bouches-du-Rhône. Considérant ce qui suit : 1. A la suite de l'ouverture à la circulation, le 28 juin 2015, de la déviation de la route départementale n° 24 (RD 24) située sur le territoire de la commune de Cabannes, réalisée sous maîtrise d'ouvrage du département des Bouches-du-Rhône et dont le projet avait été déclaré d'utilité publique par arrêté préfectoral du 8 avril 2003, M. et Mme B..., qui ont constaté une surélévation de l'ouvrage d'environ 1,50 mètre par rapport au terrain naturel, à l'origine de désagréments de nature, selon eux, à entraîner une dévaluation de leur propriété, ont saisi le département, par courrier du 23 avril 2019, d'une demande d'indemnisation d'un montant de 682 000 euros correspondant à la perte de valeur vénale de leur bien. Cette demande ayant été implicitement rejetée, ils ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'une requête tendant à la condamnation du département à leur verser cette somme. Par la présente requête, ils relèvent appel du jugement du 3 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. D'une part, le maître d'un ouvrage public est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. La mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public ou une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial directement en lien avec cet ouvrage ou cette opération. Ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics. 3. Il résulte de l'instruction que la déviation de la RD 24, implantée de telle manière qu'elle traverse la propriété des requérants, essentiellement constituée de terres à vocation agricole, constitue un ouvrage public à l'égard duquel les intéressés ont la qualité de tiers riverains. Les parcelles dont les appelants estiment qu'elles subissent une dépréciation de valeur vénale, résultant de nuisances sonores, de difficultés d'accès, d'une atteinte à la sécurité des personnes et des chevaux, de difficultés d'irrigation, et d'un risque accru d'inondation, générés par l'existence et le fonctionnement de cette déviation, sont situées de part et d'autre de la voie en cause, qui a eu pour effet de scinder en deux parties leur propriété. 4. D'autre part, lorsqu'il est soutenu qu'une partie s'est exposée en connaissance de cause au risque dont la réalisation a causé les dommages dont elle demande réparation au titre de la présence ou du fonctionnement d'un ouvrage public, il appartient au juge d'apprécier s'il résulte de l'instruction, d'une part, que des éléments révélant l'existence d'un tel risque existaient à la date à laquelle cette partie est réputée s'y être exposée et, d'autre part, que la partie en cause avait connaissance de ces éléments et était à cette date en mesure d'en déduire qu'elle s'exposait à un tel risque, lié à la présence ou au fonctionnement d'un ouvrage public, qu'il ait été d'ores et déjà constitué ou raisonnablement prévisible. 5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont acquis la propriété agricole dite du " Mas de l'Air " suivant acte authentique du 6 mai 2003, date à laquelle le projet de déviation de la RD 24 avait été déclaré d'utilité publique par arrêté préfectoral du 8 avril 2003. S'il est constant que les requérants n'avaient pas eu connaissance de cet arrêté à la date de l'acquisition, il résulte néanmoins de l'instruction qu'étaient joints à l'acte de vente un courrier adressé à l'ancien propriétaire lui notifiant la copie de l'arrêté du 25 janvier 2002 prescrivant l'ouverture de l'enquête publique dans le cadre de la procédure de déclaration d'utilité publique et l'informant qu'il pouvait consulter le dossier en mairie et émettre des observations, ainsi qu'un document graphique annexé au plan local d'urbanisme de la commune de Cabannes, matérialisant l'emprise d'un emplacement réservé dédié au projet de déviation, emprise qui n'a d'ailleurs pas été modifiée par la suite, de sorte qu'ils étaient informés de la nature et de l'importance des travaux projetés. 6. Si les appelants soutiennent que rien ne laissait prévoir, à la date de l'acquisition, de ce que l'ouvrage routier serait surélevé de 1,50 mètre par rapport au terrain naturel, circonstance de nature à majorer les nuisances sonores, augmenter le risque d'inondation, renforcer les difficultés d'accès, notamment par la suppression de points d'accès et la création de dénivelés, ainsi que l'enclavement du bâtiment " le Mas de l'Air ", et à porter atteinte à la sécurité, il résulte toutefois du rapport du 15 avril 2019 de l'expertise diligentée par ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille, qu'il existait un profil type dans le dossier de déclaration d'utilité publique matérialisant cette surélévation, évaluée à environ 1 mètre sur le plan de coupe, et variant, après réalisation des travaux, entre 0,75 mètre et 1,63 mètre, circonstance qui ne peut être regardée comme révélant une modification significative entre le projet initial et la réalisation de l'ouvrage. De même, les appelants ne peuvent se prévaloir de ce que l'augmentation de l'emprise a été portée de 8 000 m² en 2003 à 11 000 m² pour permettre la mise en place d'un mur de terre anti-bruit de 160 mètres de long, dès lors que l'étude d'impact de 2009 indique que l'emprise de la déviation est identique à celle présentée lors de l'enquête publique réalisée antérieurement, que la mise en place du mur anti-bruit a eu pour objet de réduire les nuisances sonores de l'ouvrage, et, en tout état de cause, que l'augmentation d'emprise alléguée n'a eu aucune incidence sur la surélévation de l'ouvrage par rapport au terrain naturel. 7. Au surplus et en second lieu, en ce qui concerne d'abord les nuisances sonores résultant du trafic routier sur la déviation, il ne résulte pas de l'instruction que les troubles occasionnés n'auraient pas été raisonnablement prévisibles, compte tenu de la zone d'implantation de l'ouvrage dans le périmètre de la propriété des appelants, à la date d'acquisition de celle-ci, sa situation dans un axe d'orientation Nord-Sud dans une région exposée à des vents de forte intensité de nature à porter le bruit généré par la circulation étant là encore connue à la date d'acquisition. Si les requérants soutiennent néanmoins que les travaux ont emporté suppression de végétaux constitutifs de haies brise-vent, ils n'établissent toutefois pas que l'ouvrage de protection édifié par le département, en l'occurrence un merlon implanté au droit du mas, serait d'une inefficacité telle que leur propriété serait exposée à un bruit excédant les sujétions susceptibles d'être normalement imposées aux riverains d'un tel ouvrage. Une telle exposition ne ressort pas, en tout état de cause, du second rapport d'expertise diligenté par ordonnance du tribunal administratif de Marseille, remis le 4 juin 2020, qui se borne à constater l'existence de gênes sans établir qu'elles excèderaient les seuils réglementaires. 8. En ce qui concerne, ensuite, le risque allégué d'inondation des parcelles, il résulte sans aucune ambiguïté du rapport d'expertise du 15 avril 2019 que la propriété des requérants est exposée au risque d'inondation non pas en raison de la présence de la déviation de la RD 24, laquelle ne joue pas le rôle de digue qui piègerait l'eau au détriment des bâtiments du " Mas de l'Air ", mais du fait de la pente naturelle du terrain, qui a un effet de casier au niveau de la cour située devant le mas, le relevé topographique réalisé par l'expert montrant à cet égard que la zone située devant le mas est plus basse que celle de l'entrée du domaine, que le chemin à l'Ouest et que l'ancien chemin situé au Nord, l'exutoire situé devant le bâti ne pouvant de surcroît fonctionner, compte tenu de sa situation, que si la hauteur d'eau dépasse 20 centimètres. Au demeurant, alors qu'au cours des réunions d'expertise, la fille des appelants, par ailleurs gérante de la SCEA " Mas de l'Air " qui exploite une activité commerciale de centre équestre sur le site, a indiqué qu'avant même la déviation, il est arrivé qu'il y ait énormément d'eau s'accumulant devant la maison, seul un épisode d'inondation a été répertorié après la mise en service de la déviation, à la suite d'un évènement climatique survenu le 3 octobre 2015 et qualifié d'exceptionnel selon les affirmations du département, non contredites sur ce point. 9. En ce qui concerne, par ailleurs, les difficultés d'accès à certaines parcelles de l'exploitation, il résulte du rapport d'expertise du 15 avril 2019 que la communication entre les deux identités foncières créées par la présence de l'ouvrage routier a été établie au moyen d'un passage en baïonnette, de sorte qu'aucune des parcelles constituant la propriété des appelants n'est enclavée. S'il est par ailleurs constant que des véhicules bas peuvent circuler moins aisément, notamment pour franchir la RD 24, une telle difficulté ne concerne pas les véhicules agricoles hauts amenés à circuler entre les parcelles de part et d'autre de la déviation. En tout état de cause, si, selon le rapport d'expertise, l'accès à certaines parcelles semble plus difficile ou plus contraint, il n'est toutefois pas impossible et une telle circonstance ne saurait être regardée comme excédant les sujétions normales pour les riverains de l'ouvrage routier. 10. En outre, les appelants ne peuvent utilement soutenir que l'ouvrage en cause génèrerait des risques pour la sécurité des chevaux, le centre équestre établi sur leur propriété étant exploité par la seule SCEA " Le Mas de l'Air " avec laquelle ils ont conclu un bail rural le 28 décembre 2004, précisément pour qu'elle y développe une activité de culture et d'élevage de chevaux. De plus, les risques d'atteinte à la sécurité des personnes, qui résulteraient de l'absence de signalisation adaptée ou de toutes autres mesures pour assurer la sécurité des biens, n'est pas davantage établi en cause d'appel qu'ils ne l'étaient en première instance. 11. Enfin, en ce qui concerne les difficultés d'irrigation des parcelles, si, selon le rapport d'expertise remis le 15 avril 2019, l'implantation de l'ouvrage a eu pour effet de perturber les canaux d'irrigation antérieurs de part et d'autre de celui-ci, auparavant reliés entre eux, plus précisément en ce qui concerne la parcelle cadastrée n° 1701, il résulte de ce même rapport, et des déclarations tant de M. B... que de sa fille au cours des opérations d'expertise, non seulement que les vergers n'étaient pas irrigués avant même la création de la déviation routière, mais également et de surcroît, que cette parcelle a depuis lors été vendue à un tiers, qui a d'ailleurs fait réaliser un forage pour l'irrigation, sans qu'il soit établi ni même allégué que cette cession aurait été réalisée dans des conditions financières préjudiciables aux appelants, à raison d'une perte de valeur résultant de la modification des modalités d'irrigation de leurs parcelles. Dans ces conditions, l'existence d'une telle perte du fait de l'existence de l'ouvrage public routier en cause n'est pas établie. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à leur verser la somme de 682 000 euros. Par suite, leurs conclusions à fin d'indemnisation doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 13. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. et Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme B... une somme globale de 2 000 euros à verser au département des Bouches-du-Rhône en application des mêmes dispositions. 14. D'autre part, les frais et honoraires d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme globale de 9 414 euros par l'ordonnance n° 1900789 du 23 septembre 2020 du président du tribunal administratif de Marseille. C'est à bon droit que ces frais et honoraires ont été mis à la charge définitive de M. et Mme B..., en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, par le jugement attaqué. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée. Article 2 : M. et Mme B... verseront au département des Bouches-du-Rhône une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au département des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. N° 22MA00907 2 |
CETATEXT000048457836 | J6_L_2023_11_00022MA01373 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457836.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA01373, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01373 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. MARCOVICI | SELARL ITINERAIRES AVOCATS CADOZ - LACROIX - REY - VERNE | M. Michaël REVERT | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 6 mars 2020 par laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2019, portant rectification du montant de la dotation d'intercommunalité allouée au titre de l'année 2015 et à la réformation de cet arrêté, et au versement d'une somme de 99 502 euros au titre de cette dotation, et d'autre part de condamner l'Etat à lui verser une somme de 99 502 euros au titre de cette dotation. Par un jugement n° 2003118 du 16 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon, représentée par Me Rey, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 2003118 rendu le 16 mars 2022 par le tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler la décision du 6 mars 2020 par laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2019, portant rectification du montant de la dotation d'intercommunalité allouée au titre de l'année 2015 et à la réformation de cet arrêté, et au versement d'une somme de 99 502 euros au titre de cette dotation ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 99 502 euros correspondant à la différence entre la somme qui doit lui être versée au titre de cette dotation et celle qu'elle a reçue le 13 décembre 2019 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'établissement public soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le montant de la dotation à prendre en compte au titre de l'année 2014 pour l'application du plafonnement de 120%, n'est pas la dotation avant abattement pour contribution au redressement des finances publiques, mais la dotation perçue, conformément à l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales ; - la méthode de calcul retenue par le préfet puis par le tribunal pour déterminer la rectification de la dotation d'intercommunalité pour l'année 2015 méconnaît les textes et la note d'information du ministre de l'intérieur du 13 mai 2015, le montant de cette rectification devant être de 217 684 euros ; - c'est à tort que le tribunal a opposé à sa contestation du montant de la dotation d'intercommunalité qui lui a été attribué pour les années 2012 à 2014, l'autorité relative de chose jugée attachée à son jugement du 13 août 2020 ayant rejeté des conclusions présentant un objet différent ; - le jugement est irrégulier pour ne pas s'être prononcé, en conséquence de l'erreur précédente, sur ses moyens tirés de la nécessaire comparaison des montants bonifiés qui lui sont dus, de l'inapplicabilité de la jurisprudence " Czabaj ", de l'inopposabilité de la prescription quadriennale et de la responsabilité pour faute de l'Etat ; - en procédant à cette comparaison, la somme qui lui est due en réparation de l'illégalité fautive commise par l'Etat, au titre de laquelle aucune tardiveté ni aucune prescription ne peuvent lui être opposées, est de 99 502 euros. La requête de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon a été communiquée au ministre de l'intérieur et des outre-mer qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 29 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Tabarly, substituant Me Rey, représentant la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement du 17 octobre 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 15 janvier 2015 par laquelle le préfet des Alpes-Haute-Provence a informé le président de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye de l'inéligibilité de cet établissement public à la dotation globale de fonctionnement (DGF) bonifiée, prévue à l'article L. 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales, au titre de l'année 2015. Le 12 janvier 2018, la présidente de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) qui vient aux droits de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye, a demandé au préfet, en exécution de ce jugement, de reconnaître l'éligibilité de cet établissement public de coopération intercommunale à la DGF bonifiée à compter du 6 décembre 2006 et de régulariser le versement de cette dotation pour les années 2012 à 2016. Par un arrêté du 17 janvier 2018, pris pour l'exécution du jugement, le préfet a reconnu l'éligibilité de la CCVUSP à la DGF bonifiée pour la seule année 2015 et a décidé de lui verser à ce titre une somme complémentaire de 118 182 euros par un arrêté du 6 décembre 2019. Par un jugement du 16 mars 2022, dont la CCVUSP relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mars 2020 par laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté du 6 décembre 2019 et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 99 502 euros au titre de la bonification de la dotation pour 2015. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. D'une part, pour écarter l'argumentation développée par la CCVUSP au soutien de sa demande, et tendant à discuter le montant de la dotation d'intercommunalité qui lui a été attribué pour les années 2012 à 2014, le tribunal s'est fondé sur l'exception de chose jugée, opposée expressément par le préfet, et tirée du jugement rendu par le tribunal le 13 août 2020, ayant rejeté ses conclusions tendant à l'attribution d'une dotation globale de fonctionnement bonifiée au titre des années 2012 à 2014. Après avoir accueilli cette exception, le tribunal a déduit que la CCVUSP ne pouvait utilement se prévaloir de la circonstance que le montant de la dotation d'intercommunalité pour l'année 2014, à prendre en compte pour le calcul de la dotation devant lui être attribuée pour l'année 2015, aurait dû intégrer la bonification à laquelle elle estime être éligible. Ainsi, l'appelante ne peut valablement prétendre que les premiers juges, qui ont écarté son argumentation comme inopérante, auraient à tort omis de se prononcer sur le bien-fondé de celle-ci consistant à invoquer la nécessaire comparaison des montants des dotations d'intercommunalité perçues depuis 2012, augmentés de la bonification qu'elle aurait dû percevoir selon elle depuis cette même date, et partant à remettre en cause la légalité des décisions prises à ce titre par le préfet sur cette période. 3. D'autre part, dans la mesure où les conclusions indemnitaires de la communauté de communes, fondées sur la responsabilité de l'Etat du fait de l'illégalité fautive entachant la décision du 6 mars 2020, ont été rejetées par le tribunal par voie de conséquence du rejet au fond des conclusions tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser le surcroît de bonification de dotation d'intercommunalité qu'elle estime lui être dû au titre de l'année 2015, c'est sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal ne s'est pas prononcé sur la faute ainsi invoquée par la communauté de communes au soutien de sa demande indemnitaire. 4. Enfin, dès lors que le tribunal a rejeté au fond les conclusions pécuniaires et indemnitaires de la communauté de communes, celle-ci n'est pas fondée à se plaindre de ce qu'il ne s'est pas prononcé sur ses moyens consistant à dénier la prescription des créances qu'elle invoquait et la tardiveté de ses conclusions et moyens dirigés contre les décisions relatives à la dotation d'intercommunalité au titre des années antérieures à 2015. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 5. Les dispositions de l'article L. 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales permettent aux communautés de communes faisant application des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, sous des conditions de population, de localisation géographique, de composition et d'exercice de compétences dont il est constant qu'elles sont remplies en l'espèce, d'être éligibles à la dotation prévue au quatrième alinéa du II de l'article L. 5211-29. Aux termes de cet alinéa, dans sa rédaction applicable en 2015 : " A compter de 2011, la dotation par habitant de la catégorie des communautés de communes qui remplissent les conditions visées à l'article L. 5214-23-1 du présent code est majorée d'une somme lui permettant d'atteindre 34,06 euros ". Selon le quatrième alinéa du I de l'article L. 5211-33 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " A compter de 2012, une communauté de communes ou une communauté d'agglomération qui ne change pas de catégorie de groupement après le 1er janvier de l'année précédant celle au titre de laquelle la dotation d'intercommunalité est perçue ne peut bénéficier d'une attribution par habitant au titre de la dotation d'intercommunalité supérieure à 120 % du montant perçu au titre de l'année précédente ". Aux termes du dernier alinéa du même article, dans sa rédaction alors applicable : " Pour le calcul des garanties et des plafonnements, la dotation à prendre en compte au titre de l'année précédente est celle calculée avant application des minorations prévues à l'article L. 5211-28 ". Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 5211-28 du même code, dans sa rédaction alors applicable, que la dotation d'intercommunalité pour l'année 2014 est minorée des montants dus au titre de la contribution de l'établissement au redressement des finances publiques (CRFP) pour l'année 2014. En ce qui concerne les moyens de l'appelante : 6. En premier lieu, et d'une part, en soutenant, à l'appui de sa demande, que le montant de la dotation d'intercommunalité pour l'année 2014, à prendre en compte pour le calcul de la dotation devant lui être attribuée pour l'année 2015, aurait dû intégrer la bonification à laquelle elle estime être éligible, et qu'il devait d'ailleurs en être ainsi pour les années précédentes, la communauté de communes doit être regardée comme excipant de l'illégalité des décisions par lesquelles le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de lui attribuer la dotation bonifiée pour l'année 2014 et pour les années précédentes. 7. D'autre part, la décision par laquelle l'autorité compétente arrête le montant de la dotation d'intercommunalité due à une communauté de communes pour une année donnée, après prise en compte de son éligibilité à la dotation bonifiée au titre de cette même année, n'est pas prise pour l'application de la décision ayant le même objet, intervenue au titre de l'année précédente, ni ne trouve son fondement dans celle-ci, alors même que, en application des dispositions du quatrième alinéa du I de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales, citées au point 5, l'attribution par habitant au titre de la dotation d'intercommunalité ne peut être supérieure à 120 % du montant perçu au titre de l'année précédente. 8. Il suit de là que l'exception d'illégalité de la décision fixant le montant de la dotation d'intercommunalité due à la communauté de communes au titre l'année 2014 est inopérante au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation du refus du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 6 mars 2020 de revaloriser sa dotation bonifiée au titre de l'année 2015 à hauteur de 217 684 euros et à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme. Il en va de même de sa contestation portant sur les années précédentes. 9. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à l'année en litige, que pour calculer l'attribution par habitant de la dotation d'intercommunalité due à compter du 1er janvier 2012 à une communauté de communes qui n'a pas changé de catégorie de groupement après le 1er janvier de l'année précédant celle au titre de laquelle cette dotation est perçue, par application du plafonnement à 120 % du montant perçu à ce titre l'année précédente, cette dernière dotation à prendre en compte est celle calculée avant application des minorations prévues à l'article L. 5211-28, dont les montants dus au titre de la contribution de l'établissement au redressement des finances publiques pour l'année 2014. Par suite la communauté de communes n'est pas fondée à prétendre que, pour l'application de l'écrêtement de 120 % à la dotation à lui attribuer pour 2015, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence aurait commis une erreur de droit en prenant en compte une dotation d'intercommunalité d'un montant de 590 948 euros attribuée à l'établissement pour l'année 2014, avant application d'une minoration de 65 469 euros au titre de la contribution au redressement des finances publiques. 10. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles énoncées au point précédent, le moyen tiré d'une erreur de calcul qui aurait été commise par le préfet pour déterminer la dotation par habitant au titre de l'année 2014 à retenir pour calculer la bonification au titre de l'année 2015, ne peut qu'être écarté. 11. En quatrième lieu, l'appelante ne démontre pas, au terme d'un calcul de la dotation d'intercommunalité à retenir pour l'année 2014, qu'elle a effectué en soustrayant à celle-ci notamment la contribution au redressement des finances publiques, en méconnaissance de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales ainsi qu'il a été dit au point 9, que la bonification de dotation qui lui était acquise en tout état de cause pour 2015 n'excédait pas le plafond des 120 % prescrit par ces mêmes dispositions. 12. En cinquième lieu, le montant de 217 684 euros retenu par le préfet comme bonification due à la communauté de communes pour 2015, conformément à la méthode de calcul de la dotation de base prescrite par la note d'information du 13 mai 2015 relative à la dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre pour l'exercice 2015, vaut avant application à cette dotation de l'écrêtement de 120 % prévu à l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales. Ainsi et en tout état de cause l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision préfectorale en litige méconnaîtrait une telle méthode. 13. En dernier lieu, dès lors que le présent arrêt rejette au fond les conclusions de la communauté de communes tendant à l'annulation de la décision du préfet du 6 mars 2020 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 99 502 euros, correspondant selon elle au surcroît de bonification de dotation d'intercommunalité qui lui resterait dû, il y a lieu de rejeter par voie de conséquence ses conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la même somme en réparation des conséquences de la prétendue illégalité fautive de l'arrêté du 6 décembre 2019 et de la décision du 6 mars 2020, au titre de laquelle l'appelante ne se prévaut pas d'illégalités distinctes de celles invoquées dans ses autres conclusions. 14. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a, bien que par d'autres motifs, rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. N° 22MA013732 |
CETATEXT000048457838 | J6_L_2023_11_00022MA01564 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457838.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA01564, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01564 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. MARCOVICI | EXPERT | M. Stéphen MARTIN | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble la Tour Sarrasine bâtiments A, C et D, le syndicat des copropriétaires Les Almadies et l'association syndicale libre de l'avenue du Mont Rabeau ont demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 29 novembre 2018 par laquelle la métropole Nice Côte d'Azur a rejeté leur demande de prise en charge du réseau d'assainissement situé sous les avenues du Mont Rabeau et de La Vallière à Nice, d'autre part, d'ordonner à la métropole Nice Côte d'Azur de procéder, à ses frais, aux vérifications et à toutes les opérations rendues nécessaires des réseaux et canalisations d'évacuation des eaux usées situés sous les avenues du Mont Rabeau et de La Vallière, et, enfin, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer la nature des canalisations d'évacuation des eaux usées. Par un jugement n° 1900057 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble la Tour Sarrasine bâtiments A, C et D, du syndicat des copropriétaires Les Almadies et de l'association syndicale libre de l'avenue du Mont Rabeau. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er juin, 3 juin, 20 juin, 20 octobre 2022, et 16 février 2023, ainsi qu'un mémoire récapitulatif enregistré le 23 mars 2023, produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, l'association syndicale libre de l'avenue du Mont Rabeau, représentée par Me Expert, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1900057 du 5 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 29 novembre 2018 par laquelle la métropole Nice Côte d'Azur a rejeté sa demande de prise en charge du réseau d'assainissement situé sous les avenues du Mont Rabeau et de La Vallière à Nice ; 3°) d'ordonner à la métropole Nice Côte d'Azur de procéder, à ses frais, aux vérifications et à toutes les opérations rendues nécessaires, des réseaux et canalisations d'évacuation des eaux usées situés sous les avenues du Mont Rabeau et de La Vallière ; 4°) à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise afin de déterminer la nature des canalisations d'évacuation des eaux usées et de déterminer à qui incombe leur entretien ; 5°) de mettre à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est recevable ; - seule la personne publique est responsable de la santé publique et de sa réalisation ; ainsi, si les canalisations sont effectivement situées sous des voies privées, elles sont indispensables pour permettre l'évacuation des eaux usées pour une population dense et font partie intégrante du réseau d'assainissement de la ville, et les conditions d'assimilation au réseau public d'évacuation des eaux usées sont en l'espèce réunies ; il en résulte que la canalisation située sous l'avenue du Mont Rabeau constitue un complément du réseau public d'assainissement ; - l'intervention de la ville de Nice pour effectuer des travaux sur la canalisation confirme que la canalisation litigieuse est considérée par la personne publique en charge de l'assainissement comme le prolongement du réseau public d'évacuation des eaux usées. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2023, la métropole Nice Côte d'Azur, représentée par Me Capia, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête est irrecevable en l'absence, pour la requérante, de capacité à agir en justice, en raison de sa forclusion, et pour défaut du droit d'agir à son encontre ; - les moyens soulevés par l'association syndicale libre de l'avenue Mont Rabeau ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 23 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 avril 2023. Un mémoire, présenté le 21 avril 2023 par Me Capia pour la métropole Nice Côte d'Azur après clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Expert, représentant l'association syndicale libre de l'avenue du Mont Rabeau. Une note en délibéré présentée par Me Expert, pour l'association syndicale libre de l'avenue du Mont Rabeau, a été enregistrée le 13 novembre 2023. Considérant ce qui suit : 1. Le syndicat des copropriétaires des immeubles de la Tour Sarrasine, le syndicat des copropriétaires Les Almadies et l'association syndicale libre du Mont Rabeau ont sollicité l'intervention de la métropole de Nice Côte d'Azur afin de vérifier le réseau d'évacuation des eaux usées et de procéder aux travaux nécessaires, plus précisément sur la canalisation située sous l'avenue du Mont Rabeau et l'avenue de La Vallière à Nice. Par un courrier du 29 novembre 2018, la métropole Nice Côte d'Azur a refusé de faire droit à cette demande. Par la présente requête, l'association syndicale libre du Mont Rabeau demande à la Cour d'annuler le jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande d'annulation de la décision du 29 novembre 2018. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique : " Le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l'intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en œuvre du réseau public de collecte (...) ". Aux termes de l'article L. 1331-2 du même code : " Lors de la construction d'un nouveau réseau public de collecte ou de l'incorporation d'un réseau public de collecte pluvial à un réseau disposé pour recevoir les eaux usées d'origine domestique, la commune peut exécuter d'office les parties des branchements situés sous la voie publique, jusque et y compris le regard le plus proche des limites du domaine public./ Pour les immeubles édifiés postérieurement à la mise en service du réseau public de collecte, la commune peut se charger, à la demande des propriétaires, de l'exécution de la partie des branchements mentionnés à l'alinéa précédent./ Ces parties de branchement sont incorporées au réseau public, propriété de la commune qui en assure désormais l'entretien et en contrôle la conformité (...) ". Aux termes de l'article L. 1331-3 de ce code : " Dans le cas où le raccordement se fait par l'intermédiaire d'une voie privée (...) les dépenses des travaux entrepris par la commune pour l'exécution de la partie publique des branchements, telle qu'elle est définie à l'article L. 1331-2, sont remboursées par les propriétaires, soit de la voie privée, soit des immeubles riverains de cette voie, à raison de l'intérêt de chacun à l'exécution des travaux (...) ". Et aux termes de l'article L. 1331-4 du même code : " Les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires et doivent être réalisés dans les conditions fixées à l'article L. 1331-1. Ils doivent être maintenus en bon état de fonctionnement par les propriétaires. La commune en contrôle la qualité d'exécution et peut également contrôler leur maintien en bon état de fonctionnement ". 3. Il résulte de ces dispositions que le réseau public d'assainissement, établi sous la voie publique, s'étend jusqu'au branchement en limite de domaine public. Le raccordement qui correspond à la partie des canalisations qui relie l'immeuble particulier au branchement incorporé au réseau public, directement ou par l'intermédiaire d'une propriété privée, est à la charge exclusive des propriétaires, soit de l'immeuble riverain, soit des propriétés privées. Dans ce dernier cas, les travaux à effectuer sous ces propriétés pour assurer leur raccordement jusqu'à la limite du domaine public sont à la charge des propriétaires de ces terrains. 4. En l'espèce, la canalisation au titre de laquelle la demande de vérification et de travaux a été réalisée auprès de la métropole Nice Côte d'Azur, implantée et financée par les riverains propriétaires privés, est située sous l'avenue du Mont Rabeau et l'avenue de La Vallière, dont il est constant qu'elles constituent des voies privées, et ce, indépendamment de la circonstance qu'elles demeurent ouvertes à la circulation publique des piétons. Dans ces conditions, en dépit des obligations qui pèsent sur la collectivité en matière de santé publique, l'entretien de cette canalisation, nécessaire pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement, située sur le boulevard de Cambrai, est à la charge exclusive des propriétaires, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, par l'effet de permis de construire accordés par l'autorité municipale, de nombreuses habitations ont été raccordées au réseau public d'évacuation des eaux usées par branchement sur la canalisation en cause sans autorisation de l'association syndicale libre requérante, les permis de construire étant toujours délivrés sous réserve des droits des tiers. Une telle circonstance ne saurait davantage, par elle-même, faire regarder cette canalisation, quelles que soient ses caractéristiques, comme constituant un complément indispensable au réseau public d'évacuation des eaux usées, ni, à plus forte raison, comme une extension de ce réseau. A cet égard, alors que l'appelante n'établit pas que le règlement sanitaire départemental des Alpes-Maritimes dont elle entend se prévaloir était opposable aux opérations d'édification des immeubles raccordés au réseau, sans son autorisation, par l'intermédiaire de la canalisation objet du litige, l'article 42 dudit règlement n'interdit pas, en tout état de cause, le raccordement au réseau public à défaut de tout branchement sur cette canalisation, dès lors qu'un tel raccordement demeure possible au moyen d'un système de pompe de relevage pouvant être autorisé, le cas échéant, par dérogation du service gestionnaire de l'eau. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance que la commune de Nice a fait réaliser des travaux sur cet ouvrage avant le transfert de compétence à la métropole, son entretien demeure à la charge exclusive des propriétaires. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir ni d'ordonner une expertise, que l'association syndicale libre de l'avenue Mont Rabeau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 29 novembre 2018 par laquelle la métropole Nice Côte d'Azur a rejeté sa demande de prise en charge du réseau d'assainissement situé sous les avenues du Mont Rabeau et de La Vallière. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'association syndicale libre de l'avenue Mont Rabeau au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association syndicale libre de l'avenue Mont Rabeau la somme de 2 000 euros à verser à la métropole Nice Côte d'Azur en application des mêmes dispositions. D É C I D E : Article 1er : La requête de l'association syndicale libre de l'avenue Mont Rabeau est rejetée. Article 2 : L'association syndicale libre de l'avenue Mont Rabeau versera à la métropole Nice Côte d'Azur la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale libre de l'avenue Mont Rabeau et à la métropole Nice Côte d'Azur. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. N° 22MA01564 2 |
CETATEXT000048457844 | J6_L_2023_11_00022MA01886 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457844.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA01886, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01886 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. MARCOVICI | ANT | M. Michaël REVERT | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre de subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente un récépissé portant autorisation de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2108438 du 17 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juillet 2022 et le 30 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Ant, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 janvier 2022 ; 2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 8 juin 2020 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me Ant, la somme de 2 200 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation de ce conseil au bénéfice de l'aide juridictionnelle sur le fondement de l'article 37 de la loi du 1er juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - le refus de titre de séjour est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir saisi au préalable la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il réside en France depuis plus de quinze ans ; - comme il justifie résider en France depuis plus de dix ans, il peut prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence d'un an sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance de l'article 6-5 de cet accord et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, ayant toutes ses attaches familiales en France où il vit depuis plus de vingt ans, et justifie d'une intégration sociale et professionnelle ; - l'obligation de quitter le territoire français est quant à elle illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour, méconnaît elle aussi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. La requête de M. A... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1947, de nationalité algérienne, a demandé le 26 mars 2019 la délivrance d'un certificat de résidence sur le double fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales. Par un arrêté du 8 juin 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à cette demande, a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 17 janvier 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté pris en trois objets. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ". 3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui déclare être entré en France pour la dernière fois en 1989, produit de nombreux documents, notamment des ordonnances et attestations médicales, ainsi que des prises en charge par l'aide médicale d'Etat pour les années 2010 à 2020 sans interruption, des bulletins d'hospitalisation pour 2014 et 2015, des courriers de médecins sur son état de santé et son suivi depuis 2006, des relevés bancaires, des décomptes de droit de sécurité sociale, mentionnant les consultations médicales correspondantes, des factures d'achat, ainsi que des attestations de relations amicales. L'ensemble de ces pièces, qui indiquent toutes la même adresse de M. A..., hébergé sur toute cette période par la même personne, jusqu'à son élection de domicile pour quelques mois au centre communal d'action sociale de l'agence est de Marseille, et son déménagement dans un appartement qu'il loue lui-même depuis le mois d'octobre 2019, attestent de sa présence sur le territoire français pour chaque année depuis le début de l'année 2010. Ainsi M. A..., qui établit avoir résidé habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, est fondé à soutenir que l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien, et à en demander l'annulation pour ce motif. Il y a donc lieu d'annuler cet arrêté et le jugement attaqué. Sur les conclusions à fin d'injonction : 4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". 5. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation du requérant se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté en litige, la délivrance à M. A... d'un certificat de résidence. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ant, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 000 euros à verser à ce conseil. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2108438 du 17 janvier 2022 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 juin 2020 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois. Article 3 : L'Etat versera à Me Ant, son avocat, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Ant et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. N° 22MA018862 |
CETATEXT000048457846 | J6_L_2023_11_00022MA01953 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457846.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA01953, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA01953 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. MARCOVICI | PELLEGRI | M. Michaël REVERT | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Pietracorbara a refusé de faire droit à sa demande du 4 août 2020, confirmée le 7 septembre 2020, tendant à la remise en état de la parcelle cadastrée section A n° 1338 dont il est copropriétaire, d'autre part d'enjoindre à la commune de procéder à cette remise en état dans un délai de dix jours sous astreinte de 300 euros par jour de retard et enfin de mettre à la charge de la commune de Pietracorbara la somme de 1 227,80 euros TTC sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2001109 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 juillet 2022 et le 23 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Pellegri, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 11 mai 2022 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de remise en état de sa parcelle cadastrée section A n° 1338 ; 3°) d'enjoindre à la commune de Pietracorbara de procéder à la remise en état de cette parcelle dans un délai de dix jours sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Pietracorbara la somme de 1 227,80 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du même code. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier pour avoir dénaturé les pièces du dossier dont le tribunal était saisi, en ce qui concerne la balance des intérêts en présence, dès lors d'une part que ne sont pas établis les inconvénients d'une remise en état tenant au coût des travaux correspondants et aux troubles pour la circulation qu'ils causeraient, d'autre part qu'il aurait fallu tenir compte de l'interdiction de réaliser un parc de stationnement dans la bande des cent mètres en application de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, et enfin que l'imperméabilisation de la parcelle génère des inconvénients d'écoulement des eaux pour les parcelles voisines ; - la réalisation du parc de stationnement sans droit ni titre constitue une emprise irrégulière au regard du droit de l'urbanisme, et notamment de la protection due aux espaces remarquables du littoral corse, mais aussi du droit de propriété et du droit de la commande publique, sans qu'y fasse obstacle l'institution d'un emplacement réservé ; - la commune ne peut se prévaloir d'une prescription acquisitive ; - le bilan des intérêts est favorable à une remise en état de la parcelle, qu'il y a lieu d'enjoindre à la commune ; - celle-ci devra rembourser la somme de 1 226, 38 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des frais d'huissier, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2022, et un mémoire enregistré le 24 octobre 2023, et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la commune de Pietracorbara, représentée par Me Antoniotti, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, subsidiairement en cas d'annulation du jugement attaqué, au sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge judiciaire à saisir sur la question de la propriété de la parcelle A n° 1338, au constat que la parcelle en cause est le support d'une servitude d'utilité publique, très subsidiairement, à ce que la remise en état se résume à un repositionnement des clous d'arpentage, et en tout état de cause à ce que soit mise à la charge de l'appelant la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune fait valoir que : - les moyens d'appel ne sont pas fondés ; - à titre principal, elle est devenue propriétaire de la parcelle en cause par l'effet de la prescription acquisitive ; - subsidiairement, cette parcelle est grevée d'une servitude d'emplacement réservé au futur plan local d'urbanisme, l'ayant été au titre du plan local d'urbanisme intercommunal avant son annulation contentieuse ; - très subsidiairement, si la demande de remise en état devait prospérer, elle ne pourrait porter que sur le repositionnement des clous d'arpentage. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., co-indivisaire de la parcelle cadastrée section A n° 1338 sise lieu-dit Padula à Pietracorbara, en Corse, a constaté en novembre 2019 et en juillet 2020 la réalisation sur ce terrain, qui jouxte des parcelles communales affectées à l'usage de stationnement public, de travaux consistant dans le creusement de tranchées, la pose d'un enrobé et la matérialisation de places de stationnement automobile. Par une lettre du 4 août 2020, reçue le 5 août, et confirmée le 7 septembre 2020, M. A... a demandé au maire de la commune de procéder à la remise en état de sa parcelle. Par un jugement du 11 mai 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande qu'il a regardée comme tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Pietracorbara de procéder à la remise en état de sa parcelle dans un délai de dix jours sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, qui découlerait de la dénaturation des pièces du dossier par le tribunal administratif, est inopérant. Sur la propriété de la parcelle cadastrée section A n° 1338 : 3. Il n'appartient en principe qu'à l'autorité judiciaire de constater l'éventuelle prescription acquisitive sur un terrain privé. Néanmoins un tel principe doit être concilié tant avec l'exigence de bonne administration de la justice qu'avec les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable. Il suit de là que si, en cas de contestation sérieuse portant sur l'acquisition par une personne publique d'un bien privé par prescription trentenaire, le juge administratif doit surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la propriété de ce bien soit tranchée par la juridiction judiciaire, il en va autrement lorsqu'il apparaît clairement, au vu notamment d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal. 4. En vertu d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation (3e Civ., 17 juin 2011, pourvoi n° 11-40.014 ; 4 janvier 2023, n° 21-18993) la propriété s'acquiert par la prescription qui est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession, dont le bénéfice n'est pas réservé aux seules personnes privées et qui est un mode d'acquisition répondant à un motif d'intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable, caractérisée par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. 5. Si la commune de Pietracorbara affirme posséder et entretenir depuis 1961 la parcelle A n°1338, pourtant cédée par elle la même année à l'auteur de M. A..., les premiers actes matériels de possession dont elle se prévaut et dont elle justifie, à supposer qu'ils se rattachent à ce terrain, remontent à 1994, soit en tout état de cause depuis moins de trente ans à la date à laquelle elle invoque la prescription acquisitive de l'article 2272 du code civil. L'attestation établie le 22 avril 2021 par un membre du conseil municipal, élu de 1983 à 2020, selon laquelle cette parcelle, proche de la plage, a toujours été entretenue et utilisée comme aire de stationnement pour les usagers, n'est de nature, sans autre précision, à justifier que d'une tolérance, insuffisante à fonder une possession. La circonstance, quant à elle, que l'acte portant transfert de la propriété d'une partie indivise de cette parcelle le 31 octobre 2001 au bénéfice de M. A... n'a pas reçu la publicité requise par les articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, est sans incidence sur les droits revendiqués par la commune sur ce bien. 6. Il suit de là que, la question de l'acquisition par prescription acquisitive de la parcelle cadastrée section A n° 1338 ne soulevant pas de difficulté sérieuse mais procédant d'une contestation manifestement infondée, la commune de Pietracorbara, qui n'est ainsi pas fondée à soutenir être devenue propriétaire de ce bien, ne l'est pas davantage à demander qu'il soit sursis à statuer sur l'appel de M. A... en application de l'article R. 771-2 du code de justice administrative. Sur l'emprise irrégulière : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 7. La réalisation, par une personne publique, de travaux dans le sol et le sous-sol d'une propriété privée, qui dépossède les propriétaires de la parcelle concernée d'un élément de leur droit de propriété, ne peut être régulièrement réalisée qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes légales, soit l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires de cette parcelle. 8. Par ailleurs, lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l'écoulement du temps, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général. En ce qui concerne la régularité de l'emprise : 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et plus particulièrement des procès-verbaux de constat d'huissier établis le 4 novembre 2019 et le 9 juillet 2020, que la parcelle A n° 1338, alors revêtue d'un ciment dégradé et aménagé à des fins de stationnement public, comme le reste des parcelles attenantes et appartenant quant à elles à la commune, a été l'objet de travaux consistant non seulement en la réalisation de tranchées, mais encore en la pose d'une nouvelle couche d'enrobé avec matérialisation en peinture de places de stationnement. 10. Ces travaux, dont il est constant qu'ils ont été réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la commune de Pietracorbara, n'ont donné lieu ni à l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, ni à l'institution d'une servitude légale, et n'ont pas reçu l'accord des propriétaires indivis de la parcelle. Pour prétendre justifier de la régularité de ces travaux, la commune de Pietracorbara ne peut utilement invoquer l'existence d'une servitude d'emplacement réservé au plan local d'urbanisme intercommunal, lequel a été définitivement annulé par jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 avril 2014, ni celle d'une servitude de même nature, dont l'affectation n'est pas précisée, à son plan local d'urbanisme en cours d'élaboration. Ces travaux, qui traduisent une prise de possession de la parcelle sans droit ni titre, sans qu'y fasse obstacle la double circonstance que le fonds était déjà artificialisé à la date de ces travaux et laissé à l'usage du public comme aire de stationnement, constituent donc une emprise irrégulière sur cette propriété, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal. 11. En deuxième lieu, les allégations de M. A..., selon lesquelles la réalisation de tels travaux sur sa parcelle méconnaît le droit de la commande publique et n'a pas donné lieu à la délivrance d'une autorisation administrative " de type permis de construire " ne sont pas assorties des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, alors que ces travaux ne portent sur aucune construction. 12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement.". Ces dispositions n'ont pas pour objet d'interdire tout aménagement des constructions ou installations déjà existantes. 13. Il résulte de l'instruction que le bien, qui compte tenu des caractéristiques essentiellement naturelles de l'ensemble dont il dépend physiquement, ne relève pas d'un espace déjà urbanisé, est compris dans la bande des cent mètres depuis la limite haute du rivage où toute construction ou installation, autre que celles nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau, est interdite en application des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme, le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse n'y apportant aucune précision ni aucun complément. Néanmoins, ainsi qu'il a été dit au point 12, ces dispositions n'interdisent pas les travaux en litige, qui portent sur la réfaction du profilé de l'aire de stationnement déjà existante, le réaménagement de son accès et le règlement du problème hydraulique, et qui ne se traduisent pas par une extension de la surface de cet équipement. 14. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu du revêtement cimenté dont était déjà recouverte la parcelle A n° 1338 avant les travaux en litige, et de sa contiguïté à la voie publique, ce terrain puisse être regardé, malgré la proximité de la plage et d'une zone humide et son inclusion dans une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type I, comme relevant d'un espace remarquable du littoral au sens des articles L. 121-23 et R. 121-4 du code de l'urbanisme, et spécialement comme comprise dans l'espace caractéristique du littoral délimité par le plan d'aménagement et de développement durable, " entre Porticciolo et la Marine de Siscu, versant de Polu Grecu, Punta à I Ghjunoni, Saltu Caninu, Santa Catarina ". En ce qui concerne la régularisation et la remise en état sollicitée : 15. Il est constant qu'aucune procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique n'est envisagée par la commune de Pietracorbara pour acquérir la parcelle n° 1338. Alors que l'opposition du requérant rend inenvisageable en l'état du dossier l'acquisition amiable du terrain par la commune, celle-ci, en se prévalant de la procédure d'établissement de son plan local d'urbanisme et de l'institution d'une servitude d'emplacement réservé devant grever cette propriété, ne fait pas état d'une servitude d'utilité publique qui, par elle-même, serait propre à l'habiliter à réaliser les travaux en litige, les dispositions de l'article L. 151-42 du code de l'urbanisme se bornant à rendre les parcelles grevées d'une telle servitude insusceptibles de recevoir des constructions ou installations incompatibles avec la finalité en vue de laquelle cette charge d'urbanisme a été imposée. Ainsi, aucune régularisation appropriée de l'emprise en litige n'est envisageable. 16. Néanmoins, avant les travaux en litige qui ont eu pour objet de reboucher les nombreux trous jonchant l'ensemble de l'aire de stationnement de la plage, dont la parcelle n° 1338, ainsi que de corriger la pente de celle-ci et partant, contrairement à ce qu'affirme M. A... sans en justifier utilement, de réduire les inondations préexistantes, il est constant que le terrain couvert d'un ciment accidenté depuis nombreuses années était déjà affecté à l'usage du stationnement du public usager de la plage, qui s'en trouve de la sorte amélioré. Ainsi, la remise en état sollicitée par M. A..., qui exigerait l'enlèvement du nouveau revêtement et la suppression des tranchées, emporterait un retour à un état du terrain de moindre qualité paysagère et partant une atteinte aux intérêts publics attachés à l'application des dispositions citées au point précédent. Dans ces conditions, et eu égard à l'atteinte limitée au droit de propriété de l'intéressé causée par l'emprise irrégulière, une remise en état de sa parcelle, conforme à sa demande, entraînerait une atteinte excessive à l'intérêt général. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de M. A... tendant à ce qu'il soit ordonné à la commune de Pietracorbara de remettre en état la parcelle A n° 1338. 17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, celles présentées au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. 18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Pietracorbara présentées au titre de ses frais liés au litige. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Pietracorbara présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Pietracorbara. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse et à la direction départementale des territoires de Haute-Corse. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. N° 22MA019532 |
CETATEXT000048457850 | J6_L_2023_11_00022MA02034 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457850.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA02034, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA02034 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. MARCOVICI | CONSALVI | M. Stéphen MARTIN | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée (SAS) François Lanteaume Investissement a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 11 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Puget-Ville a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur la parcelle située rue de la Libération et cadastrée section C n° 574 sur le territoire communal. Par un jugement n° 1904401 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la société François Lanteaume Investissement. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 juillet 2022, 12 avril et 2 juin 2023, la société François Lanteaume Investissement, représentée par Me Consalvi, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1904401 du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Toulon ; 2°) d'annuler la délibération du 11 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Puget-Ville a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur la parcelle située rue de la Libération et cadastrée section C n° 574 ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Puget-Ville le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la délibération du conseil municipal du 11 juillet 2019 est intervenue en violation des articles L. 2121-10, L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales en raison du caractère insuffisant de l'information donnée aux conseillers municipaux ; - cette délibération est également entachée d'illégalités internes dès lors que le projet n'avait aucune réalité et ne s'inscrivait nullement dans le cadre global d'une politique d'ensemble déjà engagée par la commune de Puget-Ville et qu'il ne présente pas une ampleur suffisante ; - c'est par une dénaturation des pièces du dossier que le tribunal a jugé que la société n'établissait pas le caractère irréalisable de l'opération, dès lors que le projet auquel fait référence la commune est difficilement réalisable ou, du moins, se heurte à de sérieuses contraintes. Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er février et 12 mai 2023, la commune de Puget-Ville, représentée par Me Marchesini, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés. Un courrier du 16 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 21 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu - le code de l'urbanisme ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Gonzalez-Lopez, substituant Me Marchesini, représentant la commune de Puget-Ville. Une note en délibéré présentée par Me Consalvi, pour la société François Lanteaume, a été enregistrée le 13 novembre 2023. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 11 juillet 2019, le conseil municipal de la commune de Puget-Ville a décidé d'exercer son droit de préemption concernant un immeuble à usage de petite remise, situé rue de la Libération sur la parcelle cadastrée section C n° 574, ayant fait l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner pour un montant de 30 000 euros. La société François Lanteaume Investissement, acquéreur évincé du bien préempté, a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer l'annulation de cette délibération. Par la présente requête, elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. En premier lieu, l'appelante ne peut utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une dénaturation des pièces du dossier, s'agissant d'un moyen de cassation et non d'appel quand il vise une décision juridictionnelle. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est transmise de manière dématérialisée ou, si les conseillers municipaux en font la demande, adressée par écrit à leur domicile ou à une autre adresse. ". L'article L. 2121-12 de ce même code dispose que : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) ". Enfin, selon l'article L. 2121-13 dudit code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ". 4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose toutefois pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises. 5. Il ressort des pièces du dossier que la convocation, adressée aux conseillers municipaux de la commune de Puget-Ville avant la séance du 11 juillet 2019 au cours de laquelle la délibération en litige a été approuvée, était accompagnée d'une notice explicative dont le point n° 6 était relatif à l'acquisition de la parcelle cadastrée section C n° 574 par application du droit de préemption urbain rue de la Libération. Cette notice, après avoir indiqué le cadre juridique applicable et visé tant la délibération du 21 juin 2017 relative à l'instauration du droit de préemption des zones U et AU du plan local d'urbanisme que la déclaration d'intention d'aliéner en vue de la vente moyennant le prix de 30 000 euros, d'une remise sise rue de la Libération d'une superficie au sol totale de 72 m² appartenant à l'établissement " Petites Sœurs des Pauvres ", précisait que la préemption projetée devait s'insérer dans la réflexion globale que mène le conseil municipal pour favoriser le développement économique du centre-village, et qu'elle avait pour but de faciliter l'implantation de nouveaux commerces de proximité par la création d'un local correspondant aux nouvelles habitudes de vie professionnelle notamment en proposant un espace commercial qui pourrait être éventuellement partagé (activités commerciales, de services et de télétravail etc.). La circonstance qu'au cours de la séance du 11 juillet 2019, une élue a interrogé le maire sur l'existence d'un projet précis ne permet pas d'établir, compte tenu de l'objet de la délibération, qui n'avait pas nécessairement à détailler les caractéristiques précises de ce projet, une insuffisante information des membres de l'assemblée délibérante, lesquels ont disposé de suffisamment d'éléments tant sur l'objet de la délibération que sur son incidence financière, et ont ainsi été mis à même de délibérer de manière éclairée et d'exercer, en tant que de besoin, la faculté dont ils disposent de solliciter des documents ou explications complémentaires. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante information des élus avant la délibération du 11 juillet 2019 doit être écarté. 6. En troisième et dernier lieu, l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. ". Et aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. ". 7. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant. 8. Il ressort de la délibération attaquée que le conseil municipal de la commune de Puget-Ville a décidé d'exercer le droit de préemption urbain de la commune sur la parcelle cadastrée section C n° 574 en vue de faciliter l'implantation de nouveaux commerces de proximité par la création d'un local correspondant aux nouvelles habitudes de vie professionnelle, notamment en proposant un espace commercial qui pourrait être éventuellement partagé (activités commerciales, de service et de télétravail, etc.). 9. D'une part, un tel projet s'inscrit dans l'objectif d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques en centre-ville poursuivi par la commune, qui justifie la réalisation d'actions concrètes dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique depuis plus de six ans à la date de la délibération en litige, par exemple, avec l'acquisition, dès l'année 2013, d'un local commercial désaffecté également situé rue de la Libération en vue de l'ouverture d'un salon d'esthétique, ou encore l'ouverture en 2020 d'un nouveau commerce dans le local communal de l'ancienne poste situé place de l'église, à proximité de l'avenue de la Libération et dans le périmètre de préemption défini par la délibération du 11 juin 2017. Par conséquent, ce projet s'inscrit dans une politique communale cohérente de développement économique du centre-ville, plus particulièrement rue de la Libération, qui trouve sa traduction, notamment, dans le projet d'aménagement et de développement durables, dont la première orientation est d'encourager le maintien et le développement des commerces et services de proximité, ainsi que dans le plan local d'urbanisme, approuvé antérieurement à la délibération attaquée, dont le rapport de présentation indique qu'afin de préserver le commerce de proximité dans le village, en zone UA, il est instauré un linéaire, de part et d'autre de la rue de la Libération, le long duquel le commerce de proximité doit être préservé ou développé. 10. D'autre part, il ressort des fiches techniques produites par la commune, et nécessairement élaborées avant la délibération en litige par les services de la communauté de communes " Cœur du Var " dont elle est membre, que des axes de développement du centre de Puget-Ville ont été définis avec pour objectif de compléter l'offre commerciale du centre-ville. Ces fiches, quelles qu'aient été, par ailleurs, les qualités ou fonctions de leur rédacteur, décrivent avec précision tant les objectifs à atteindre que les moyens d'action et partenariats institutionnels à développer pour y parvenir. En outre, elles envisagent expressément l'installation d'un espace de travail partagé et d'une boutique à l'essai afin de permettre l'implantation de nouvelles entreprises et éviter la fuite d'activités professionnelles vers de grandes agglomérations dans le centre de Puget-Ville. Enfin, parmi les moyens d'action envisagés, elles préconisent l'utilisation par la commune de son droit de préemption dans le périmètre défini en 2017, à l'intérieur duquel figure la rue de la Libération où se situe le local objet de la décision de préemption contestée par la société François Lanteaume Investissement. 11. Enfin, au regard tant de la nature et de l'ampleur du projet poursuivi sur l'immeuble préempté, d'une superficie de seulement 72 m², que des offres de stationnement à proximité immédiate, ainsi que des possibilités d'aménagement des modalités de circulation des piétons sur la rue de la Libération, dont il n'est au demeurant ni établi, et notamment pas par le procès-verbal d'huissier dressé le 17 décembre 2019 à la demande de la société requérante, ni même allégué qu'elle serait particulièrement accidentogène, il n'apparaît pas que celui-ci serait soumis à des contraintes d'une ampleur telle que sa réalisation en serait obérée. 12. Dans ces conditions, contrairement à ce qui est soutenu, l'ensemble de ces éléments étaient de nature à démontrer, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, que la commune justifiait, à la date à laquelle elle a exercé son droit de préemption, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, et ce, quand bien même les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la société François Lanteaume Investissement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions d'appel à fin d'annulation de ce jugement et de la délibération du conseil municipal de la commune de Puget-Ville du 11 juillet 2019 doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Puget-Ville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame l'appelante sur leur fondement. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société François Lanteaume Investissement, sur le fondement de ces mêmes dispositions, le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Puget-Ville au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de la société François Lanteaume Investissement est rejetée. Article 2 : La société François Lanteaume Investissement versera une somme de 2 000 euros à la commune de Puget-Ville en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS François Lanteaume Investissement et à la commune de Puget-Ville. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. N° 22MA02034 2 |
CETATEXT000048457854 | J6_L_2023_11_00022MA02989 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457854.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA02989, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 22MA02989 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. MARCOVICI | BELAHOUANE | M. Stéphen MARTIN | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis la requête au tribunal administratif de Marseille, d'annuler la décision du 13 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour ses troubles lombaires et d'enjoindre à la ministre des armées, à titre principal, de reconnaître sa pathologie " lombo cruralgie et sciatalgie droite " comme étant imputable au service, d'en fixer le taux à 50 % et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 21 novembre 2020, à titre subsidiaire, de fixer le taux d'invalidité de sa pathologie " atteinte du nerf sciatique " à 10 % et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 21 novembre 2020. Par un jugement n° 2003850 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2022, 14 août et 17 août 2023, M. B..., représenté par Me Belahouane, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 2003850 du 11 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille et, par voie de conséquence, d'annuler la décision du 13 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 2°) en conséquence, de faire droit à sa demande de révision et de fixer le taux d'invalidité pour l'infirmité " lombo cruralgie et sciatalgie droite " à 30 % à compter de la demande du 7 juin 2006 puis à 50 % à compter du 21 novembre 2017 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le tribunal a omis de statuer, s'agissant de l'autorité de la chose jugée, sur la jurisprudence Galmard versée dans l'instance ; en outre, une telle autorité ne saurait s'appliquer au jugement du 3 juillet 2014 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille ; - la pathologie au titre de laquelle il a demandé la révision de sa pension, à savoir une lombo-cruralgie et sciatalgie droite, est intégralement imputable à l'accident subi en service le 23 octobre 2000 et non à l'accident de ski survenu le 4 avril 2002 ; - le rejet de sa demande, à laquelle il ne peut être opposée l'autorité de la chose décidée, repose sur une erreur de diagnostic commise par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité dans son avis du 12 décembre 2018 ; - l'inexistence d'un lien de cause à effet entre son infirmité et l'accident de ski du 3 avril 2002 est établie ; - sa requête de première instance était recevable dès lors que le jugement du 3 juillet 2014 n'a pas autorité de la chose jugée et que l'erreur de diagnostic médical constitue un fait nouveau ; - les jugements du tribunal des pensions militaires du 3 juillet 2014 et du tribunal administratif de Marseille du 11 octobre 2022 sont entachés d'erreurs d'appréciation et d'une insuffisance de motivation. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête de M. B... est irrecevable dès lors que la décision attaquée est confirmative de la décision du 18 février 2008, devenue définitive, qui a fixé à 5 % la part de l'imputabilité en lien avec l'évènement du 23 octobre 2000 ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 28 avril 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 21 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire, enregistré le 21 septembre 2023, présenté par le ministre des armées après notification de l'ordonnance de clôture d'instruction, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 9 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - les observations de Me Belahouane, représentant M. B..., - et les observations de M. B... lui-même. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 4 janvier 1942, s'est engagé dans l'armée française le 1er octobre 1962 et a été radié des contrôles le 5 janvier 2001. Titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée en dernier lieu par arrêté du 3 juillet 2017 au taux global de 100 % + 19°, ainsi que de l'allocation au titre de la qualité de grand mutilé pour neuf infirmités, il a sollicité une révision de pension, par une demande déposée le 21 novembre 2017, pour l'infirmité nouvelle " séquelles d'un double traumatisme lombaire : sciatiques invalidantes à répétition. Demande déjà adressée le 7 juin 2006 - rejet car inférieure à 10 % ". Par une décision du 13 juin 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. M. B... relève appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que le tribunal administratif de Marseille aurait omis de statuer sur les arguments qu'il a développés en réplique au mémoire en défense de l'administration, tirés de ce que l'autorité de la chose jugée ne saurait s'appliquer au jugement du 3 juillet 2014 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, dès lors que, pour rejeter sa demande, le tribunal administratif de Marseille ne s'est pas fondé sur une telle autorité. A supposer que M. B... ait entendu se prévaloir d'une insuffisante motivation du jugement contesté, en ce qui concerne les arguments qu'il a développés en réplique au moyen de défense de l'administration, tiré de ce que, par une précédente décision du 18 février 2008, ayant acquis autorité de chose décidée, une demande identique de l'intéressé avait été rejetée, il ressort toutefois des mentions dudit jugement que les premiers juges ont expressément considéré que la circonstance que le taux d'invalidité de l'infirmité au titre de laquelle M. B... a demandé la révision de sa pension se soit aggravée était sans incidence sur le taux d'imputabilité au service de 5 % qui avait été fixé par l'arrêté du 18 février 2008, lequel avait acquis un caractère définitif à la date de la demande. Ce faisant, le tribunal, qui n'était au demeurant pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés par les parties, a implicitement mais nécessairement écarté l'argument de M. B... tiré ce que l'autorité de la chose décidée ne pouvait lui être opposée. 3. En second lieu, si le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs d'appréciation ou d'une erreur manifeste d'appréciation, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, M. B... ne peut utilement soutenir devant la Cour que le jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 3 juillet 2014, lequel, en tout état de cause, ne s'est pas prononcé sur l'imputabilité au service de l'infirmité lombo-cruralgie et sciatalgies droites, serait entaché d'erreur d'appréciation. 5. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Et aux termes de l'article L. 121-2-3 de ce code : " (...) la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'origine ou l'aggravation de son infirmité et une blessure reçue, un accident subi ou une maladie contractée par le fait du service. Cette preuve ne peut pas résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, d'une hypothèse médicale, d'une vraisemblance ou d'une probabilité ou encore des conditions générales du service. 6. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 18 février 2008, le ministre des armées a, notamment, rejeté une demande de majoration de pension militaire d'invalidité déposée par M. B... au titre de l'infirmité lombo-cruralgie et sciatalgies droites, au motif que cette invalidité, au taux global de 30 %, n'était imputable au service qu'à hauteur de 5 %. Se prévalant d'une aggravation de ses gênes fonctionnelles, M. B... a déposé, le 21 novembre 2017, une nouvelle demande de majoration de sa pension, laquelle a été rejetée par arrêté du 13 juin 2019. Il résulte de l'instruction que, pour prendre cette décision, l'administration s'est appuyée sur l'expertise médicale du 6 novembre 2018 et sur l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité du 12 décembre 2018, aux termes desquels, si les gênes fonctionnelles résultant de l'infirmité en cause se sont aggravées, de telle sorte que le taux global de celle-ci doit être porté de 30 % à 50 %, la part imputable au service, à raison d'un accident survenu le 23 octobre 2000, demeure de 5 % seulement, soit à un taux inférieur à celui de 10 % ouvrant droit à pension. D'une part, selon ces médecins, l'atteinte sensitivomotrice du nerf sciatique poplité externe est en lien non pas avec l'accident de service, mais avec les séquelles de la fracture du fémur subi par M. B... à l'occasion d'un accident de ski survenu le 3 avril 2002 hors service. D'autre part, ces mêmes médecins relèvent que, si la chute survenue en service le 23 octobre 2000, au titre de laquelle aucun bilan radiologique n'a été réalisé, a occasionné des lombalgies basses diffuses invalidantes avec irritation sciatique droite, cet épisode s'est amendé après un simple traitement antalgique et anti-inflammatoire sur une durée de trois semaines. Ils ajoutent en revanche que la violence du traumatisme subi lors de l'accident de ski du 3 avril 2002, qui a par ailleurs entraîné une fracture du fémur droit, pourrait expliquer à elle seule la survenue des épisodes lombo-sciatalgiques postérieurs. Ces constatations sont par ailleurs corroborées par les conclusions de l'expertise médicale diligentée par le tribunal des pensions militaires du Var le 24 mars 2011, selon lesquelles, à la suite de l'accident de service du 23 octobre 2000, le seul examen paraclinique concernant le rachis lombaire a été réalisé le 17 avril 2003 seulement, soit trente mois après l'accident, de sorte que la relation de cause à effet directe, certaine et exclusive entre cet accident et le tableau de lombosciatalgie droite ne peut être établie. La seule attestation produite par l'appelant, au demeurant assez peu circonstanciée et rédigée le 14 septembre 2019 par un neurochirurgien des hôpitaux des armées, selon laquelle tant le bilan radiologique du 17 avril 2003, sur le fondement duquel une erreur de diagnostic aurait été commise, que le discret trouble de la statique dorso-lombaire, ne permettraient pas d'établir un lien entre l'accident de ski du 3 avril 2002 et l'infirmité au titre de laquelle la demande a été déposée, ne saurait suffire à établir que celle-ci serait totalement ou partiellement, à un taux supérieur à 5 %, imputable à l'accident de service du 23 octobre 2000. Dans ces conditions, et alors que la charge de la preuve pèse sur l'appelant, celui-ci n'établit pas que le taux d'imputabilité de l'infirmité lombo-cruralgie et sciatalgies droites lui ouvrait un droit à pension à la date de sa demande. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 13 juin 2019 de la ministre des armées. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ainsi que celles tendant à ce qu'il soit fait droit à sa demande de révision doivent être rejetées, ainsi que ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais de l'instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Belahouane et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. N° 22MA02989 2 |
CETATEXT000048457857 | J6_L_2023_11_00023MA00010 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457857.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 23MA00010, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA00010 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. MARCOVICI | HARUTYUNYAN;HARUTYUNYAN;SCP D'ASSOMPTION-HUREAUX-POLETTO | M. Stéphen MARTIN | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité de sa pathologie au service, et, d'autre part, d'enjoindre à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service à compter du 3 septembre 2013 et de régulariser sa situation à partir de cette date en ce qui concerne la reconstitution de sa carrière et ses droits à la retraite. Par un jugement n° 2002033 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision implicite par laquelle la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté la demande du 12 novembre 2019 de Mme B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité de sa pathologie, et a enjoint à la région de reconnaître l'imputabilité de la pathologie de Mme B... au service à compter du 3 septembre 2013, de procéder à la reconstitution de sa carrière et à la régularisation de ses droits à la retraite dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2023, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me Jean-Pierre, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2002033 du 8 novembre 2022 et de rejeter les demandes présentées par Mme B... ; 2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a renversé la charge de la preuve dès lors qu'en matière d'imputabilité au service de la maladie, c'est à l'agent de démontrer l'existence d'un lien direct et certain entre la pathologie qu'il invoque et l'exercice de ses fonctions, et ce, indépendamment de l'existence d'une situation de harcèlement moral ; - le tribunal a fait une inexacte appréciation des pièces qui lui ont été soumises puisqu'il apparaît très clairement que la pathologie de Mme B... se trouve dans sa personnalité et n'est pas en lien direct et certain avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Harutyunyan, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle fait valoir que les moyens soulevés par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne sont pas fondés. Un courrier du 31 août 2023, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 25 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - les observations de Me Chavalarias, substituant Me Jean-Pierre, représentant la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; - et les observations de Me Harutyunyan, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., qui exerçait les fonctions d'adjointe technique territoriale de deuxième classe au sein de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), affectée au lycée Pasquet à Arles, a été placée en congé de maladie ordinaire pour un état dépressif à compter du 3 septembre 2013 puis, par un arrêté du 5 octobre 2015, en disponibilité à compter du 25 août 2015, position qui a été prolongée par arrêtés successifs jusqu'au 24 mai 2017. L'intéressée, qui a obtenu le bénéfice de la protection fonctionnelle par arrêté du 29 juillet 2019, après que le tribunal administratif de Marseille a annulé une précédente décision de la région lui refusant le bénéfice de cette protection, qui avait été demandée à raison de faits de harcèlement moral perpétrés à son encontre, a également obtenu du tribunal administratif de Marseille, par un jugement définitif du 15 juillet 2019, la condamnation de la région à l'indemniser des préjudices imputables à ces mêmes faits. Entre temps, elle a sollicité de la région qu'elle reconnaisse l'imputabilité au service de l'ensemble de ses arrêts maladies à compter du 3 septembre 2013. Par jugement du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la région a rejeté cette demande de reconnaissance d'imputabilité. Il s'agit du jugement dont la région PACA relève appel dans la présente instance. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Il ressort des pièces du dossier que la pathologie dépressive de la requérante est apparue consécutivement aux difficultés et tensions observées dans son cadre de travail, s'agissant plus particulièrement des agissements du chef de cuisine du lycée où elle exerçait ses fonctions qui avait, sous l'emprise d'un état d'ébriété habituel, un comportement autoritaire, colérique, voire menaçant et agressif, et tenait des propos injurieux et dévalorisants dans des conditions qui ont été jugées constitutives de harcèlement moral par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juillet 2019, devenu définitif. En outre, en dépit de la circonstance que la commission de réforme a émis un avis défavorable sur la demande de reconnaissance d'imputabilité au service présentée par Mme B..., et que, selon l'avis du médecin agréé du 13 janvier 2017, l'arrêt de travail à compter du 3 septembre 2013 n'a pas de rapport direct avec son conflit professionnel mais est en lien avec sa personnalité, l'expert se borne à relever, pour en justifier, qu'il existe chez l'intéressée un état préexistant comme " chez tout le monde " sans autre forme d'explication. A rebours de cette expertise, il ressort des différents avis médicaux produits par Mme B..., notamment des expertises psychiatriques des 30 août 2016 et 24 mai 2017, ainsi que de l'expertise du 6 février 2017 diligentée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale des Bouches-du-Rhône, qu'aucun élément ne permet d'évoquer des antécédents personnels pouvant entrer en relation avec les faits, l'intimée n'ayant jamais consulté de praticiens spécialisés dans le domaine psychiatrique ni suivi de traitement pour une pathologie dépressive ou anxieuse, et qu'elle ne présente, de surcroît, aucune symptomatologie pouvant faire évoquer une pathologie caractérielle. Selon ces praticiens, si un trouble du caractère s'est progressivement installé, et que celui-ci pourrait éventuellement révéler un trouble de la personnalité, aucun élément ne permet de le rattacher à un état pathologique antérieur. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la maladie contractée par Mme B... présentait un lien direct avec le service, ce lien n'ayant, au demeurant, pas à être certain contrairement à ce que soutient la région. 5. Il résulte de ce qui précède que la région PACA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision implicite par laquelle elle a rejeté la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie présentée par Mme B.... Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 6. D'une part, Mme B... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la région PACA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. 7. D'autre part, Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Harutyunyan, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Harutyunyan d'une somme de 2 000 euros. D É C I D E : Article 1er : La requête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est rejetée. Article 2 : La région Provence-Alpes-Côte d'Azur versera à Me Harutyunyan une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Harutyunyan renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, à Mme C... A... épouse B..., et à Me Harutyunyan. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. N° 23MA00010 2 |
CETATEXT000048457860 | J6_L_2023_11_00023MA00217 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457860.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 23MA00217, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA00217 | 4ème chambre | exécution décision justice adm | C | M. MARCOVICI | GIANSILY | M. Michaël REVERT | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 25 septembre 2017 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Corse l'a informée du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée en date du 4 décembre 2014, la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé le 16 novembre 2017, ainsi que la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'économie et des finances et celui de l'action et des comptes publics ont mis fin à ses fonctions à compter du 2 janvier 2018 et d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de lui proposer un contrat à durée indéterminée dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et ce sous astreinte de 100 euros par jours de retard. Par un jugement n° 1800085 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse et du ministre de l'économie et des finances portant non-renouvellement du contrat de travail de Mme B... et mettant fin à son contrat à compter du 2 janvier 2018 et a enjoint au ministre de l'économie et des finances de proposer à Mme B... la signature d'un contrat à durée indéterminée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt n° 19MA02432, 19MA02433 du 8 juillet 2020, la Cour, saisie de l'appel du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, a en premier lieu réformé ce jugement en ce qu'il a ordonné au ministre de l'économie et des finances de proposer à Mme B... la signature d'un contrat à durée indéterminée, en deuxième lieu enjoint au ministre de l'économie et des finances ainsi qu'au ministre de l'action et des comptes publics de procéder à la réintégration juridique de Mme B..., en tenant compte de la requalification du contrat de l'intéressée en contrat à durée indéterminée à compter de la date d'effet de son licenciement et de rechercher les possibilités de reclassement de l'intéressée dans un poste vacant compatible avec ses compétences professionnelles et sa situation statutaire telle que requalifiée par cet arrêt, dans le délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci, et en dernier lieu mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 mars 2021 et les 16 février, 12 et 15 mai 2023 et le 3 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Giansily, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de faire assurer l'exécution de l'arrêt du 8 juillet 2020 par sa réintégration juridique et la reconstitution de ses droits sociaux, incluant ses droits à pension ; 2°) d'enjoindre de régulariser sa carrière dans un délai de trente jours, sous astreinte de cent euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - si un contrat à durée indéterminée lui a été proposé, aucune réintégration ni aucune reconstitution de sa carrière ne sont intervenues, notamment pour reconstituer ses droits sociaux, dont ses droits à pension ; - cette inexécution justifie le prononcé d'une astreinte. Par une ordonnance du 16 janvier 2023, la présidente de la Cour a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution du jugement n° 1800085 du 25 mars 2019 du tribunal administratif de Bastia, réformé par l'arrêt n° 19MA02432, 19MA02433 rendu le 8 juillet 2020 par la cour administrative d'appel de Marseille. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au rejet de la requête. Le ministre fait valoir que : - les décisions juridictionnelles en cause ont été exécutées en cela que l'intéressée a été réintégrée juridiquement sur un emploi vacant à compter du 2 janvier 2018, pour exercer à partir du 1er octobre 2020 les fonctions de chargée de mission ; - la régularisation de ses droits à pension est en cours ; - une procédure de rupture conventionnelle, à la demande de l'intéressée, a été menée à terme le 31 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé la décision du 25 septembre 2017 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Corse a informé Mme B... du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée, la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé contre cette décision le 16 novembre 2017, ainsi que la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'économie et des finances et celui de l'action et des comptes publics ont mis fin à ses fonctions à compter du 2 janvier 2018 et a, d'autre part, enjoint au ministre de l'économie et des finances de proposer à Mme B... la signature d'un contrat à durée indéterminée. Par un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour, saisie de l'appel du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement, a réformé celui-ci en tant qu'il a ordonné au ministre de l'économie et des finances de proposer à Mme B... la signature d'un contrat à durée indéterminée et a enjoint aux ministres de procéder à la réintégration juridique de l'intéressée, en tenant compte de la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée à compter de la date d'effet de son licenciement et, de rechercher les possibilités de reclassement de cet agent dans un poste vacant compatible avec ses compétences professionnelles et sa situation statutaire telle que requalifiée par l'arrêt, dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce dernier. Compte tenu de son argumentation, Mme B... doit être regardée comme demandant à la Cour de faire assurer l'exécution de ce jugement tel que réformé par cet arrêt, en enjoignant aux ministres chargés de l'économie et des finances, et des comptes publics de la réintégrer juridiquement et de reconstituer sa carrière. 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte.". 3. L'annulation d'une décision licenciant illégalement un agent public implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale. 4. D'une part, il résulte de l'instruction que le ministre de l'économie, de l'industrie et de la relance a proposé à Mme B..., qui l'a accepté le 7 novembre 2020, un contrat à durée indéterminée, qui prend effet le 2 janvier 2018, par lequel elle est réintégrée juridiquement dans les effectifs du ministère à compter de cette même date et doit exercer, à compter du 1er octobre 2020, les fonctions de chargée de mission de développement économique Corse du sud au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse, devenue direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Corse. Il n'est ni établi ni même allégué par Mme B... que ce poste n'est pas compatible avec ses compétences professionnelles et sa situation statutaire. Ainsi le ministre chargé de l'économie a assuré la complète exécution de l'arrêt de la Cour en ce qu'il lui a ordonné de réintégrer juridiquement Mme B... à compter de la date de son licenciement, le 2 janvier 2018, sur un emploi compatible avec ses compétences professionnelles, au terme de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée. La circonstance que ce contrat à durée indéterminée n'a été signé par le ministre le 6 novembre 2020 et par Mme B... que le 7 novembre, soit après l'expiration du délai de deux mois imparti par la Cour pour exécuter cette injonction, est sans incidence sur l'exécution de son arrêt pris dans cette mesure, et n'est pas de nature à justifier le prononcé d'une astreinte. 5. D'autre part, le ministre de l'économie et des finances affirme avoir engagé des démarches auprès de la caisse de retraite compétente et de l'Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) pour la reconstitution des droits sociaux et à pension de Mme B... depuis le 2 janvier 2018. Pour en justifier, le ministre produit un courriel de ses services du 23 février 2023 indiquant que la demande adressée à l'URSSAF était à cette date en cours de traitement, pour la période du 2 janvier 2018 au 30 décembre 2020. Ce faisant, le ministre a pris des mesures relatives à la reconstitution des droits sociaux de Mme B... depuis le 2 janvier 2018, qui constituent un commencement sérieux d'exécution de l'arrêt de la Cour, dont l'aboutissement dépend désormais des diligences de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur. Dans ces circonstances qui manifestent la volonté de l'Etat de procéder à l'exécution complète de l'arrêt précité, il n'y a pas lieu, en l'état du dossier, de prononcer à ce titre une astreinte. En revanche, alors que Mme B... affirme sans être contredite que l'arrêt de la Cour n'est toujours pas exécuté en ce qu'il porte sur la reconstitution de ses droits à pension depuis le 2 janvier 2018, le ministre de l'économie et des finances, auquel une mesure d'instruction a pourtant été adressée par la Cour en ce sens, ne livre pas d'éléments suffisamment sérieux, de nature à justifier que cet arrêt est en cours d'exécution sur ce point. Il y a donc lieu en l'espèce de prononcer une astreinte, qui courra à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, s'il n'est pas justifié par le ministre de l'économie et des finances de toutes les mesures qu'il aura prises pour assurer cette reconstitution en saisissant la caisse de retraite compétente pour liquider les droits à pension de Mme B..., pour la période du 2 janvier 2018, date de son licenciement, au 1er octobre 2020, date de sa réintégration effective dans un poste compatible avec ses compétences professionnelles. Le taux de cette astreinte est fixé à 50 euros par jour de retard. 6. Enfin, il y a lieu en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans cette instance, la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Une astreinte est prononcée contre l'Etat, si le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification du présent arrêt, procédé à la reconstitution des droits à pension de Mme B..., pour la période allant du 2 janvier 2018 au 1er octobre 2020. Le taux de cette astreinte est fixé à 50 euros par jour de retard à compter du lendemain de l'expiration de ce délai et jusqu'à la date de cette exécution. Article 2 : Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique communiquera à la Cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'article 1er du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué, chargé des comptes publics. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. N° 23MA002172 |
CETATEXT000048457867 | J6_L_2023_11_00023MA01368 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457867.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 23MA01368, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA01368 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. MARCOVICI | GONAND | M. Laurent MARCOVICI | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 31 mai 2022 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixé le pays de destination. Par une décision n° 2206298 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : I - Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023 sous le n° 23MA01368, M. A..., représenté par Me Gonand, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 17 novembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 31 mai 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance ; 5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais engagés à hauteur d'appel. Il soutient que : - le jugement est irrégulier en tant qu'il relève un moyen d'office étranger à la catégorie des moyens d'ordre public et soulevé en méconnaissance du principe du contradictoire ; - le jugement est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il ne tient pas compte de la décision du tribunal correctionnel de Marseille ; - c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ; - l'arrêté est entaché d'erreur de droit en ce qu'il est fondé sur l'absence de communauté de vie, alors que cette condition ne lui est pas opposable. Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens du requérant sont infondés. Par une décision du 31 mars 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de l'appel du jugement n° 2206298 par le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. II - Par une requête enregistrée le 31 mai 2023 sous le n° 23MA01369, M. A... représenté par Me Gonand, demande à la Cour : 1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 17 novembre 2022, n° 2206298 ; 2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ; - les moyens d'annulation qu'il présente dans sa requête au fond revêtent un caractère sérieux. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens du requérant sont infondés. Par une décision du 31 mars 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la procédure de sursis à exécution par le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Marcovici. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité algérienne, est entré sur le territoire national le 31 août 2015, muni d'un visa court séjour délivré par les autorités maltaises. Le 11 juin 2021, il a sollicité un titre de séjour en qualité de conjoint de français, demande à laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a opposé un refus par arrêté en date du 31 mai 2022, portant également obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, et fixant le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral. Sur la jonction : 2. Les requêtes enregistrées sous les n° 23MA01368 et n° 23MA01369 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision. Sur la requête n° 23MA01368 : En ce qui concerne la régularité du jugement : 3. Il ressort de l'arrêté du 31 mai 2022 que le préfet des Bouches-du-Rhône a fondé sa décision de refus de délivrance du certificat de résidence sur l'absence de vie commune entre M. A... et son épouse. Pour rejeter la requête, le tribunal administratif de Marseille a considéré que le préfet des Bouches-du-Rhône devait être regardé comme établissant que le mariage avait un caractère frauduleux, sans toutefois informer les parties de son intention de soulever ce moyen sur le fondement de l'artcle R. 611-1-7 du code de justice administrative. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a retenu un moyen qu'il a, au demeurant à tort, soulevé d'office, et sur lequel il n'a pas invité les parties à présenter leurs observations. Le jugement doit être annulé. 4. Il y a lieu, pour la Cour, et dans les circonstances de l'espèce, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. A... en première instance. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation : 5. M. A... s'est marié à Marseille le 29 octobre 2016 avec une ressortissante française, Mme C.... Il a bénéficié d'un premier certificat de résidence à ce titre, dont le renouvellement a été refusé par une décision du 28 janvier 2020 obligeant l'intéressé à quitter le territoire. Le 11 juin 2021, il a de nouveau sollicité un titre de séjour en qualité de conjoint de français. 6. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2°) Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ". 7. Il résulte de ces stipulations que le certificat de résidence délivré au conjoint de français a pour objet de permettre la vie commune des époux. Le préfet est en droit d'opposer à l'étranger qui sollicite un certificat de résidence la condition tenant à l'existence d'une vie commune lorsque qu'il s'est déjà vu refuser le renouvellement d'un précédent certificat, bien que la demande qui lui est adressée n'ait pas la nature d'un renouvellement. 8. En l'espèce, M. A... s'est vu accorder, sur première demande, un certificat de résidence en tant que conjoint de français en 2017, dont il a sollicité le renouvellement sans succès en 2018. Il a présenté une nouvelle demande de certificat de résidence sur le même fondement en 2021, qui a donné lieu au refus de séjour attaqué. Il ressort des pièces du dossier, notamment de deux enquêtes de police diligentées par le préfet des Bouches-du-Rhône en mars et en avril 2022, que les époux ne vivaient plus ensemble depuis plusieurs mois à la date de l'arrêté attaqué, Mme C... résidant chez sa mère, et M. A... chez sa sœur. M. A..., qui soutient que cette rupture dans la communauté de vie serait due à un dégât des eaux, ne verse par ailleurs aucun élément permettant de démontrer qu'elle aurait repris postérieurement à l'arrêté, ni même qu'elle aurait été établie sur une période antérieure. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation des faits, en rejetant la demande de certificat de résidence pour ce motif. Sur la requête n° 23MA01369 : 9. La présente décision statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 2206298 du tribunal administratif de Marseille du 17 novembre 2022, les conclusions de la requête n° 23MA01369 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer. 10. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2206298 rendu par le tribunal administratif de Marseille le 17 novembre 2022 est annulé. Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel enregistrées sous le n° 23MA01368 de M. A... sont rejetées. Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23MA01369. Article 4 : Les conclusions de la requête n° 23MA01369 présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Gonand. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. 2 N° 23MA01368, 23MA01369 |
CETATEXT000048457872 | J6_L_2023_11_00023MA01657 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457872.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 23MA01657, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA01657 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. MARCOVICI | JEGOU-VINCENSINI | M. Laurent MARCOVICI | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 octobre 2022 lui refusant l'admission au séjour et l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Par un jugement n° 2210063 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Vincensini, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - la motivation du jugement attaqué est inopérante ; - la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations du 1° et du 5° de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; - la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en ce qu'elle refuse d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours. Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Marcovici a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., épouse A..., de nationalité algérienne, née le 17 décembre 1981, qui déclare être régulièrement entrée sur le territoire le 26 octobre 2011 et s'y être maintenue depuis, a sollicité l'admission au séjour sur le fondement de la vie privée et familiale le 11 février 2022. Par arrêté du 26 octobre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixé le pays de destination. Par un jugement du 9 mars 2023 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Marseille a répondu aux moyens soulevés par la requérante, et notamment aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par conséquent, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité. Sur les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour : 3. Aux termes de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ". 4. Mme B... soutient s'être maintenue habituellement sur le territoire français depuis 2011. Toutefois, et alors qu'elle ne produit pas de document de voyage pour la période antérieure à décembre 2016, les pièces qu'elle verse au dossier pour l'année 2014, qui consistent en un courrier de la banque de l'intéressée en octobre l'informant de la résiliation de son adhésion suite à un impayé, un courrier de la caisse d'allocations familiales de novembre attestant de l'absence de paiement, le certificat de scolarité de son fils démarrant au 5 novembre, et une échographie réalisée le 1er décembre, ne permettant pas d'établir la présence de Mme B... sur le territoire national de janvier à octobre 2014, soit une interruption de neuf mois dans la continuité de sa présence en France. Ainsi, compte tenu de leur nombre, de leur nature et de leur teneur, les éléments produits n'établissent pas que l'appelante résidait en France depuis plus de dix ans, à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté. Mme B..., ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Marseille, ne satisfait pas aux conditions fixées par le 1) de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien susvisé. Ce moyen doit dès lors être écarté. 5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié stipule : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". 6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... réside en France avec son époux, également en situation irrégulière, et leurs trois enfants, nés à Marseille les 9 janvier 2012, 14 janvier 2016 et 27 avril 2020. Si Mme B... produit des certificats de scolarité pour les deux aînés, inscrits à l'école primaire à la date de l'arrêté, aucune pièce ne permet toutefois d'attester du sérieux et de la régularité dans le suivi de la scolarité de ses enfants en France. Mme B..., qui a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement qu'elle n'a pas exécutées, ne fait par ailleurs état d'aucune insertion socio-professionnelle significative, comme l'a relevé le tribunal administratif de Marseille. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors que Mme B... n'établit ni être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni l'impossibilité pour la cellule familiale de se reconstituer en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis, et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur d'appréciation en méconnaissance des stipulations de l'article 6-1, 5° de l'accord franco-algérien susvisé, et c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté ces moyens. Sur les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours : 7. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ". 8. Il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que Mme B... aurait dû bénéficier d'un délai de départ supérieur à trente jours, que l'appelante réitère en cause d'appel sans apporter d'éléments nouveaux, ni critique utile du jugement à cet égard. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B..., épouse A..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par conséquent, être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme B..., épouse A..., est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., épouse A..., à Me Vincensini, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. 2 N° 23MA01657 |
CETATEXT000048457875 | J6_L_2023_11_00023MA02468 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457875.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 23MA02468, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-21 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 23MA02468 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. MARCOVICI | VIDAL | M. Laurent MARCOVICI | Mme BALARESQUE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 juin 2023 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse lui a infligé la sanction de blâme. Par une décision n° 2307082 du 1er août 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Vidal, demande à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du 1er août 2023 ; 2°) de transmettre la requête déposée devant le tribunal administratif à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins. Il soutient que l'ordonnance est entachée d'erreur de droit, le juge ayant méconnu son office, ainsi que les articles R. 222-1 et R. 351-3 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marcovici, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article R. 351-3 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat, son président, ou le magistrat qu'il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu'il estime compétente ". 2. Il résulte des dispositions de l'article L. 4122-3 du code de la santé publique que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins connaît en appel des décisions rendues par les chambres disciplinaires de première instance. 3. Pour rejeter la requête de M. A... B... tendant à l'annulation de la décision du 27 juin 2023 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse lui a infligé une sanction de blâme, la présidente de la 8ème chambre du tribunal administratif de Marseille a considéré qu'elle était portée devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître. Dès lors que, en application des dispositions citées au point 1, il a rejeté sa requête, sans la transmettre à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, compétente pour en connaître, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que la présidente de la 8ème chambre a rejeté sa requête. L'ordonnance du 1er août 2023 doit par conséquent être annulée, et il y a lieu de transmettre la requête de M. B... à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins. D É C I D E : Article 1er : L'ordonnance n° 2307082 du 1er août 2023 est annulée. Article 2 : La requête d'appel de M. B... est transmise à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. 2 N° 23MA02468 |
CETATEXT000048457889 | JG_L_2023_11_000000469399 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457889.xml | Texte | Conseil d'État, 1ère chambre, 23/11/2023, 469399, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-23 00:00:00 | Conseil d'État | 469399 | 1ère chambre | Plein contentieux | C | SCP PIWNICA & MOLINIE ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL | M. Eric Buge | M. Thomas Janicot | Vu la procédure suivante : Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 juin 2020 par laquelle la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de remise gracieuse de dette correspondant à un indu de solidarité active d'un montant de 2 201,78 euros. Par un jugement n° 2005604 du 5 octobre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 décembre 2022 et 6 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme C... et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Hauts-de-Seine ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., bénéficiaire du revenu de solidarité active, divorcée et mère de deux enfants dont elle a la charge, a déclaré, dans sa demande de revenu de solidarité active du 13 septembre 2017, puis dans ses déclarations trimestrielles de ressources, et en dernier lieu celle du 3 septembre 2018, portant sur les mois de juin, juillet et août 2018, percevoir, en son nom propre, une pension alimentaire de 509 euros mensuels versée par son ex-mari pour la garde de son fils B... A.... Dans sa déclaration trimestrielle du 4 décembre 2018, portant sur les mois de septembre, octobre et novembre 2018, elle a déclaré cette pension non plus en son nom propre mais au nom de son fils B... A.... A la suite d'un contrôle de sa situation ayant mis en évidence qu'elle continuait de percevoir cette pension sur son compte bancaire, la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine a, par décision du 5 février 2020, mis à sa charge un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 2 250,78 euros. Mme C... se pourvoit en cassation contre le jugement du 5 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 4 juin 2020 du président du conseil départemental des Hauts-de-Seine rejetant la demande de remise gracieuse de sa dette d'un montant de 2 201,78 euros. 2. D'une part, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, l'ensemble des ressources du foyer est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active. 3. D'autre part, l'article L. 262-17 du même code dispose que : " Lors du dépôt de sa demande, l'intéressé reçoit, de la part de l'organisme auprès duquel il effectue le dépôt, une information sur les droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active (...) " et l'article R. 262-37 de ce code prévoit que : " Le bénéficiaire de l'allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l'un ou l'autre de ces éléments ". 4. Enfin, aux termes de l'article L. 262-46 du même code : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / (...) La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil départemental en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d'une manœuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration ". Il résulte de ces dispositions qu'un allocataire du revenu de solidarité active ne peut bénéficier d'une remise gracieuse de la dette résultant d'un paiement indu d'allocation, quelle que soit la précarité de sa situation, lorsque l'indu trouve sa cause dans une manœuvre frauduleuse de sa part ou dans une fausse déclaration, laquelle doit s'entendre comme désignant les inexactitudes ou omissions qui procèdent d'une volonté de dissimulation de l'allocataire caractérisant de sa part un manquement à ses obligations déclaratives. 5. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision rejetant une demande de remise gracieuse d'un indu de revenu de solidarité active, il appartient au juge administratif d'examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise. Lorsque l'indu résulte de ce que l'allocataire a omis de déclarer certaines de ses ressources, il y a lieu, pour apprécier la condition de bonne foi de l'intéressé, hors les hypothèses où les omissions déclaratives révèlent une volonté manifeste de dissimulation ou, à l'inverse, portent sur des ressources dépourvues d'incidence sur le droit de l'intéressé au revenu de solidarité active ou sur son montant, de tenir compte de la nature des ressources ainsi omises, de l'information reçue et de la présentation du formulaire de déclaration des ressources, du caractère réitéré ou non de l'omission, des justifications données par l'intéressé ainsi que de toute autre circonstance de nature à établir que l'allocataire pouvait de bonne foi ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises. A cet égard, si l'allocataire a pu légitimement, notamment eu égard à la nature du revenu en cause et de l'information reçue, ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises, la réitération de l'omission ne saurait alors suffire à caractériser une fausse déclaration. 6. Pour rejeter le recours de Mme C... contre le refus de remise gracieuse de l'indu dont le remboursement lui était demandé, le tribunal administratif a relevé qu'il n'était pas contesté que cet indu était lié à une omission déclarative notamment d'une pension alimentaire qu'elle touchait pour la garde de son fils et que, admettant elle-même que ce versement devait être déclaré, faute d'apporter le moindre justificatif à cette omission déclarative, elle devait être regardée comme l'ayant sciemment dissimulé. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., ainsi qu'il a été dit au point 1, a déclaré cette pension dans sa déclaration trimestrielle du 4 décembre 2018, non pas en son nom propre mais au nom de son fils B... A... dont elle avait la garde, et qu'elle soutenait avoir fait de même dans ses déclarations trimestrielles de 2019 sans qu'il en soit rapporté la preuve contraire. Cette circonstance n'ayant aucune incidence sur le montant de l'allocation qui lui était dû dès lors que l'ensemble des ressources du foyer est pris en compte pour son calcul conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 262-3 mentionnées au point 2, Mme C... ne pouvait être regardée comme ayant sciemment dissimulé cette ressource. Par suite, elle est fondée à soutenir que le tribunal administratif a dénaturé les faits de l'espèce et les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant qu'elle ne saurait être regardée comme justifiant de sa bonne foi. 7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme C... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine une somme de 1 500 euros à verser à Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 5 octobre 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Article 3 : Le département des Hauts-de-Seine versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par le département des Hauts-de-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme D... C... et au département des Hauts-de-Seine. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités, et des familles. Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2023 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Célia Verot, conseillère d'Etat et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 23 novembre 2023. Le président : Signé : M. Jean-Luc Nevache Le rapporteur : Signé : M. Eric Buge Le secrétaire : Signé : M. Mickaël Lemasson |
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CETATEXT000048457893 | JG_L_2023_11_000000470641 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457893.xml | Texte | Conseil d'État, 1ère chambre, 23/11/2023, 470641, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-23 00:00:00 | Conseil d'État | 470641 | 1ère chambre | Excès de pouvoir | C | SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL | M. Eric Buge | M. Thomas Janicot | Vu la procédure suivante : Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 19 janvier et le 29 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des entreprises de transport et de logistique de France (TLF), la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), l'Union nationale des industries de l'impression et de la communication (UNIIC), la fédération Organisation des transports routiers européens (OTRE) et l'Union des transformateurs de polymères (POLYVIA) demandent au Conseil d'État : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 novembre 2022 abrogeant l'arrêté du 18 août 2022 portant publication des taux de séparation médians par secteur pris en compte pour le calcul du bonus-malus et fixant de nouveaux taux de séparation médians par secteur ; 2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code du travail ; - le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de l'Union des entreprises de transport et de logistique de France, de la Fédération nationale des transports routiers, de l'Union nationale des industries de l'impression et de la communication, de la Fédération Organisation des transports routiers européens et de l'Union des transformateurs de polymères ; Considérant ce qui suit : 1. L'article L. 5422-9 du code du travail dispose que l'assurance chômage est notamment financée par des contributions des employeurs. Le taux de contribution de chaque employeur peut, en vertu de l'article L. 5422-12 du même code, être minoré ou majoré en fonction notamment " 1° Du nombre de fins de contrat de travail et de contrats de mise à disposition mentionnés au 1° de l'article L. 1251-1, à l'exclusion des démissions, des contrats de travail et des contrats de mise à disposition conclus avec une structure d'insertion par l'activité économique mentionnée à l'article L. 5132-4 et des contrats de mission mentionnés au 2° de l'article L. 1251-1, et sous réserve de l'inscription des personnes concernées par ces fins de contrat sur la liste des demandeurs d'emploi mentionnée à l'article L. 5411-1 ; (...) / 5° Du secteur d'activité de l'entreprise ". Le règlement d'assurance chômage figurant en annexe A du décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage prévoit, à ses articles 50-2 à 50-15, les modalités de mise en œuvre de cette modulation, laquelle dépend du taux de séparation de l'entreprise et du taux de séparation médian du secteur d'activité dont elle relève. Les requérantes demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 17 novembre 2022 abrogeant l'arrêté du 18 août 2022 portant publication des taux de séparation médians par secteur pris en compte pour le calcul du bonus-malus et fixant de nouveaux taux de séparation médians par secteur. Sur l'intervention de l'Union inter-secteur papiers cartons pour le dialogue et l'ingénierie sociale : 2. L'Union inter-secteur papiers cartons pour le dialogue et l'ingénierie sociale justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, son intervention est recevable. Sur la requête : 3. En premier lieu, si les dispositions de l'article L. 5422-20 du code du travail, qui prévoient qu'en l'absence d'accord entre les organisations représentatives de salariés et d'employeurs, les mesures d'application du régime d'assurance chômage sont déterminées par décret en Conseil d'Etat, ne font pas obstacle à ce que ce décret renvoie à des arrêtés ministériels le soin de détailler les règles qu'il fixe, c'est à la condition qu'il en encadre suffisamment le contenu. 4. Les modalités de calcul de la modulation du taux de contribution des employeurs en fonction de leur taux de séparation sont prévues par les articles 50-2 à 50-15 du règlement d'assurance chômage, établi par décret en Conseil d'Etat. L'article 50-10 de ce règlement précise la formule de calcul de ce taux, pour chaque entreprise entrant dans le champ de la modulation, lequel dépend notamment du taux de séparation médian du secteur d'activité dont relève l'entreprise. En renvoyant à un arrêté annuel du ministre chargé de l'emploi la fixation des seuls taux de séparation médians de chaque secteur, l'article 50-9 du même règlement, qui précise les modalités de calcul de ces taux, encadre suffisamment le contenu de cet arrêté. Par suite, les organisations professionnelles requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence. 5. En deuxième lieu, l'annexe de l'arrêté attaqué fixe les taux de séparation médians par secteur d'activité pour la période de référence comprise entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022, lesquels sont assortis de la mention de la source des données et de la méthodologie. D'une part, aucun texte ni aucun principe n'imposait que l'arrêté, qui revêt un caractère règlementaire et n'avait donc pas à être motivé, précise les modalités et éléments de calcul de ces taux. Au demeurant, outre que les modalités selon lesquelles doivent être calculés ces taux de séparation médians par secteur sont précisées par l'article 50-9 du règlement d'assurance chômage, l'annexe de l'arrêté comporte la mention des sources de données utilisées et détaille la méthodologie employée pour calculer les taux de séparation médians figurant à cette annexe. La circonstance tenant à ce que l'arrêté litigieux abroge un premier arrêté, du 18 août 2022, ayant fixé des taux de séparation médians erronés à la suite d'une erreur informatique, est, pour regrettable que soit cette erreur, sans incidence sur l'absence d'obligation de motiver l'arrêté litigieux. D'autre part, si les requérantes soutiennent que ces nouveaux taux sont également inexacts, elles n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause les taux de séparation moyens figurant à cette annexe. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ou méconnaîtrait le principe de sécurité juridique faute que les taux qu'il fixe soient vérifiables et exacts. 6. En troisième lieu, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté litigieux, qui se borne à fixer les taux de séparation médians par secteur d'activité, porterait atteinte au droit à un recours effectif. 7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée, y compris en ce qu'elle comporte des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par l'Union inter-secteur papiers cartons pour le dialogue et l'ingénierie sociale ne peuvent en conséquence qu'être rejetées. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'intervention de l'Union inter-secteur papiers cartons pour le dialogue et l'ingénierie sociale est admise. Article 2 : La requête de l'Union des entreprises de transport et de logistique de France et autres est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par l'Union inter-secteur papiers cartons pour le dialogue et l'ingénierie sociale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Union des entreprises de transport et de logistique de France (TLF), première dénommée, pour l'ensemble des requérantes, à l'Union inter-secteur papiers cartons pour le dialogue et l'ingénierie sociale (UNIDIS) et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2023 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Célia Verot, conseillère d'Etat et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 23 novembre 2023. Le président : Signé : M. Jean-Luc Nevache Le rapporteur : Signé : M. Eric Buge Le secrétaire : Signé : M. Mickaël Lemasson |
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CETATEXT000048457897 | JG_L_2023_11_000000489282 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457897.xml | Texte | Conseil d'État, Juge des référés, 22/11/2023, 489282, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-22 00:00:00 | Conseil d'État | 489282 | Juge des référés | Excès de pouvoir | C | SCP PIWNICA & MOLINIE | Vu la procédure suivante : M. B... A..., agissant tant en son nom propre qu'au nom de son fils mineur, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à titre principal, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 10 octobre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie les a mis en demeure de quitter l'appartement situé 16, rue du Clos Fleury, à Annemasse, dans un délai de dix jours sous peine d'expulsion par la force publique et, à titre subsidiaire, de leur accorder un délai de six mois pour quitter ce logement. Par une ordonnance n° 2306793 du 23 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de l'arrêté du 10 octobre 2023 du préfet de la Haute-Savoie. Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. A.... Il soutient que : - la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors, d'une part, que contrairement à ce qui a été retenu par le juge des référés du tribunal administratif, M. A... ne saurait être regardé comme " exposé à une situation irréversible ", eu égard à ses ressources importantes qui lui permettent de trouver rapidement une solution d'hébergement pour lui et son fils, et, d'autre part, que l'urgence alléguée est imputable à son seul comportement et notamment à ses manœuvres pour s'introduire et se maintenir illégalement dans le logement qu'il occupe ; - il n'est pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; - le préfet de la Haute-Savoie a pris en compte la situation personnelle de M. A... et la présence dans le logement occupé de son enfant âgé de 7 ans, portées à sa connaissance par les mentions du procès-verbal de constat du 6 octobre 2023, pour adopter l'arrêté du 10 octobre 2023 de mise en demeure de quitter les lieux, qu'il a assorti d'un délai d'exécution de dix jours afin de lui permettre d'organiser leur départ dans les meilleures conditions, pour tenir compte de ces circonstances particulières ; - cet arrêté ne saurait être regardé comme manifestement illégal dès lors que les conditions prévues au premier alinéa de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable sont réunies. La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit de mémoire mais indique, dans un courrier enregistré le 16 novembre 2023, avoir une perspective de relogement à brève échéance. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 modifiée ; - le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer et, d'autre part, M. A... ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 17 novembre 2023, à 11 heures : - la représentante du ministre de l'intérieur et des outre-mer ; à l'issue de laquelle la juge des référés a clos l'instruction ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". Il appartient à toute personne demandant au juge administratif d'ordonner des mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Il appartient au juge des référés d'apprécier, au vu des éléments que lui soumet le requérant comme de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 est satisfaite, en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu'il entend défendre mais aussi l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des mesures prises par l'administration. 2. Aux termes de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale : " En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui, qu'il s'agisse ou non de sa résidence principale ou dans un local à usage d'habitation, à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé, toute personne agissant dans l'intérêt et pour le compte de celle-ci ou le propriétaire du local occupé peut demander au représentant de l'Etat dans le département de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile ou sa propriété et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire, par le maire ou par un commissaire de justice. / (...) La décision de mise en demeure est prise, après considération de la situation personnelle et familiale de l'occupant, par le représentant de l'Etat dans le département dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Seule la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa ou l'existence d'un motif impérieux d'intérêt général peuvent amener le représentant de l'Etat dans le département à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision sont, le cas échéant, communiqués sans délai au demandeur. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur, ce délai est porté à sept jours et l'introduction d'une requête en référé sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de justice administrative suspend l'exécution de la décision du représentant de l'Etat. (...) / Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le représentant de l'Etat dans le département doit procéder sans délai à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition de l'auteur de la demande dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure ". 3. Pour faire droit à la demande de M. A..., agissant tant en son nom propre qu'au nom de son fils mineur, tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 10 octobre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie les a mis en demeure de quitter l'appartement qu'ils occupent sans titre au 16, rue du Clos Fleury, à Annemasse, dans un délai de dix jours sous peine d'expulsion par la force publique, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a jugé la condition d'urgence remplie au motif que cet arrêté était " susceptible de produire une situation irréversible pour les personnes qui en sont l'objet ". Toutefois, il résulte de l'instruction que M. A... occupe un emploi stable en Suisse et perçoit à ce titre un salaire mensuel de plus de 6 000 euros qui le met à l'évidence à l'abri du besoin, y compris pour trouver rapidement une solution de relogement convenant à son fils de 7 ans. Dans ces conditions, en l'absence d'autres éléments susceptibles de caractériser une situation d'urgence, le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a jugé que la condition d'urgence pouvait être regardée comme satisfaite. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, qu'en l'absence de la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 du code de justice administrative il y a lieu, d'une part, d'annuler l'ordonnance du 23 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble et, d'autre part, de rejeter les demandes présentées sur le fondement de ces dispositions par M. A..., ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du même code. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : L'ordonnance du 23 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est annulée. Article 2 : Les conclusions présentées en première instance par M. A... sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A.... Fait à Paris, le 22 novembre 2023 Signé : Suzanne von Coester |
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CETATEXT000048157009 | JG_L_2023_10_000000467121 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/15/70/CETATEXT000048157009.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 04/10/2023, 467121 | 2023-10-04 00:00:00 | Conseil d'État | 467121 | 6ème - 5ème chambres réunies | Excès de pouvoir | B | SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET | Mme Catherine Moreau | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 février 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de nomination en qualité de notaire associé au sein de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée à associé unique " B... Notaires ". Par un jugement n° 2107098/6-3 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au réexamen de la demande de M. B..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt nos 22PA00379 et 22PA00401 du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur la demande de sursis à exécution et l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice, a annulé ce jugement. Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 août 2022 et le 18 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 ; - le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ; - le décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 ; - le code de justice administrative. Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., nommé notaire en résidence à Paris par un arrêté du garde des sceaux du 28 octobre 1999, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 février 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'accepter sa démission en qualité de notaire titulaire d'un office et a rejeté sa demande de nomination en qualité de notaire associé de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée à associé unique " B... Notaires ", constituée afin de remplacer l'intéressé dans son office. Par un jugement du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer la demande de M. B.... Par un arrêt du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement, sur appel du garde des sceaux, ministre de la justice, et rejeté la demande de M. B.... M. B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt. Sur le pourvoi en cassation : 2. Lorsque le juge d'appel, saisi par le défendeur de première instance, censure le motif retenu par les premiers juges, il lui appartient, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par le requérant en première instance, alors même qu'ils ne seraient pas repris dans les écritures produites, le cas échéant, devant lui, à l'exception de ceux qui auraient été expressément abandonnés en appel. 3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel, après avoir censuré le motif par lequel le tribunal administratif de Paris avait fait droit au moyen soulevé par M. B..., tiré de l'erreur d'appréciation entachant le refus de nomination qui lui avait été opposé, a estimé qu'il y avait lieu de faire droit à l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice tendant à l'annulation de ce jugement et au rejet du recours de M. B.... Toutefois, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que, devant le tribunal administratif, M. B... avait soulevé d'autres moyens à l'appui de son recours, tirés de l'insuffisante motivation de la décision attaquée, de l'atteinte excessive à la liberté d'entreprendre, de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée et du principe non bis in idem. Par suite, en statuant sans se prononcer sur ces moyens, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'irrégularité. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 5. En application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond. Sur le règlement au fond : 6. Aux termes de l'article 3 du décret du 13 janvier 1993 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé : " II. - Lorsque l'un au moins des associés est titulaire d'un office, la société d'exercice libéral peut être nommée dans un ou plusieurs offices relevant des catégories suivantes : / 1° L'office dont un associé est titulaire, en remplacement de celui-ci (...) / III. - Une personne physique remplissant les conditions requises pour exercer la profession peut également constituer une société d'exercice libéral à associé unique nommée titulaire d'un office existant ou d'un office créé ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire : " Nul ne peut être notaire s'il ne remplit les conditions suivantes : / (...) 2° N'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité ; / 3° N'avoir pas été l'auteur d'agissements de même nature ayant donné lieu à mise à la retraite d'office ou à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, retrait d'agrément ou d'autorisation (...) ". 7. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 6 que lorsqu'une personne physique entend constituer une société d'exercice libéral à associé unique pour être titulaire d'un office notarial, y compris d'un office existant, elle doit remplir les conditions requises pour exercer la profession de notaire, notamment celle de n'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité. Lorsqu'il vérifie le respect de cette condition, il appartient au ministre de la justice d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si l'intéressé a commis des faits contraires à l'honneur et à la probité qui sont, compte tenu notamment de leur nature, de leur gravité, de leur ancienneté, ainsi que du comportement postérieur de l'intéressé, susceptibles de justifier légalement un refus de nomination. 8. D'une part, les dispositions du 2° de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 étaient applicables à la demande de nomination de M. B... en qualité de notaire associé de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée à associé unique " B... Notaires ", alors même qu'il exerçait auparavant la profession de notaire et était titulaire de l'office que devait reprendre cette société. 9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est fondée sur les manquements de M. B... à ses obligations professionnelles, constatés en 2011, relatifs à la conclusion de conventions de séquestre amiable avec la République de Côte-d'Ivoire pour trois comptes séquestres, à partir desquels M. B... a perçu une rémunération d'un montant total de 300 262 euros alors qu'il n'était pas fondé à accepter ces sommes reposant sur des actes ne relevant pas de son office public. La circonstance que ces faits sont anciens, isolés et que le comportement de M. B... dans l'exercice de son office n'a donné lieu, postérieurement à ces faits et à la sanction disciplinaire d'interdiction d'exercice pendant deux ans qui lui a été infligée par jugement du 6 juin 2012 du tribunal de grande instance de Paris, statuant en matière disciplinaire, à aucun manquement à ses obligations, ne fait pas obstacle à ce que le ministre de la justice puisse estimer que la condition posée par les dispositions de 2° de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 n'est pas remplie. Or, il est constant que les agissements commis par M. B..., qui constituent des faits contraires à l'honneur et à la probité, sont, compte tenu de leur nature et de leur particulière gravité, et alors même qu'ils sont relativement anciens et qu'ils n'auraient donné lieu à aucune sanction pénale, de nature à justifier le refus de sa nomination au sein de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée à associé unique " B... Notaires ". Par suite, c'est à tort que tribunal administratif a estimé que le garde des sceaux, ministre de la justice avait entaché la décision du 8 février 2021 d'une erreur d'appréciation. 10. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris. 11. En premier lieu, l'arrêté du 8 février 2021 mentionne les circonstances de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne peut dès lors qu'être écarté. 12. En deuxième lieu, si M. B... soutient que les dispositions du 2° de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 ne sauraient être opposées à des notaires déjà installés dont la demande tend uniquement à la modification de la forme juridique de leur activité, ces dispositions, qui sont applicables à toutes les demandes de nomination en qualité de notaire, poursuivent l'objectif d'intérêt général de s'assurer de l'honorabilité des membres de cette profession exerçant cette activité réglementée. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'elles porteraient une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre. 13. En troisième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, refusant la nomination d'un notaire n'a pas le caractère d'une sanction disciplinaire. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait le principe non bis in idem et l'autorité de la chose jugée par le jugement du 6 juin 2012 du tribunal de grande instance de Paris ayant prononcé une sanction disciplinaire à l'encontre de M. B... ne peut qu'être écarté. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 février 2021. Le jugement du 26 novembre 2021 doit dès lors être annulé. Les conclusions du ministre à fins de sursis à exécution du jugement du 26 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris sont par suite devenues sans objet et il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer. 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 30 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 26 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris sont annulés. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête du garde des sceaux, ministre de la justice. Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée. Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 4 octobre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz La rapporteure : Signé : Mme Catherine Moreau La secrétaire : Signé : Mme Valérie Peyrisse |
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CETATEXT000048206415 | JG_L_2023_10_000000467113 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/20/64/CETATEXT000048206415.xml | Texte | Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 13/10/2023, 467113 | 2023-10-13 00:00:00 | Conseil d'État | 467113 | 4ème - 1ère chambres réunies | Excès de pouvoir | B | SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP BOUZIDI, BOUHANNA | Mme Camille Belloc | M. Raphaël Chambon | Vu la procédure suivante : La société Chaumeil Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 3 de la troisième unité de contrôle des Hauts-de-Seine a refusé de l'autoriser à licencier M. C... A... B..., ainsi que la décision de rejet née le 18 septembre 2017 du silence gardé par la ministre chargée du travail sur le recours hiérarchique formé contre cette décision, et la décision expresse du 17 janvier 2018 par laquelle la ministre a confirmé le rejet de son recours hiérarchique. Par un jugement n°s 1710594 et 1801957 du 19 mars 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 20VE01282 du 6 octobre 2020, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Chaumeil Ile-de-France contre ce jugement. Par une décision n° 447261 du 13 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Versailles. Par un arrêt n° 21VE02857 du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur renvoi du Conseil d'Etat, rejeté l'appel formé par la société Chaumeil Ile-de-France contre le jugement du 19 mars 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août et 29 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Chaumeil Ile-de-France demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. A... B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code du travail ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Camille Belloc, auditrice, - les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Chaumeil Ile-de-France et à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A... B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Chaumeil Ile-de-France, spécialisée dans le secteur de la photocopie et de la préparation de documents, a sollicité l'autorisation de licencier M. A... B..., délégué du personnel, employé depuis le 1er mars 2011 en qualité d'agent de production confirmé. Par une décision du 27 avril 2017, l'inspecteur du travail de la section 3 de la troisième unité de contrôle des Hauts-de-Seine a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... B.... Par une décision implicite du 18 septembre 2017, confirmée par une décision expresse du 17 janvier 2018, la ministre chargée du travail a rejeté le recours hiérarchique formé par la société Chaumeil Ile-de-France contre cette décision. Par un jugement du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société Chaumeil Ile-de-France tendant à l'annulation de ces trois décisions. Par une décision du 13 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'ordonnance du 6 octobre 2020 par laquelle le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Chaumeil Ile-de-France contre ce jugement. Cette société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, sur renvoi du Conseil d'Etat, de nouveau rejeté son appel. 2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. A ce titre, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, l'autorité administrative doit, notamment, s'assurer de la régularité de la procédure de licenciement suivie avant sa saisine et, à cet égard, vérifier en particulier que le salarié était pleinement informé des modalités d'assistance auxquelles il avait droit, en fonction de la situation de l'entreprise, pour son entretien préalable. 3. Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. (...) L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ". L'article L. 1232-4 du même code dispose que : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. / La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. " Enfin, aux termes de l'article R. 1232-1 de ce code : " La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 (...) rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié ". 4. Il résulte de ces dispositions que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit mentionner les modalités d'assistance du salarié applicables en fonction de la situation de l'entreprise. A ce titre, lorsque le salarié concerné est le seul représentant du personnel dans l'entreprise, cette situation étant assimilable pour l'intéressé à celle d'une entreprise dépourvue de représentant du personnel, elle doit mentionner la possibilité pour le salarié convoqué de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou par un conseiller du salarié. Toutefois, la procédure n'est pas entachée d'irrégularité s'il est établi que le salarié a été pleinement informé, en temps utile, des modalités d'assistance auxquelles il avait droit, en fonction de la situation de l'entreprise, pour son entretien préalable. 5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en jugeant que, dans l'hypothèse où le salarié convoqué à un entretien préalable à son licenciement est le seul représentant du personnel dans l'entreprise, la lettre de convocation à cet entretien que lui adresse l'employeur doit mentionner qu'il peut se faire assister par un conseiller du salarié, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. 6. En second lieu, il ressort des énonciations non contestées sur ce point de l'arrêt attaqué que, d'une part, la lettre de convocation de M. A... B... à l'entretien préalable à son licenciement ne l'informait pas de la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié, d'autre part, l'intéressé n'a pas été informé en temps utile des modalités d'assistance auxquelles il avait droit, n'ayant obtenu l'information quant à la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié que la veille de son entretien. En en déduisant que, alors même que M. A... B... s'était présenté à l'entretien accompagné d'un conseiller du salarié, la procédure de licenciement avait été irrégulière de sorte que l'autorité administrative avait à bon droit refusé d'autoriser ce licenciement, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit. 7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Chaumeil Ile-de-France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qu'elle attaque. 8. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bouzidi, Bouhanna, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la société Chaumeil Ile-de-France une somme de 3 000 euros à verser à l'intéressé. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A... B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de la société Chaumeil Ile-de-France est rejeté. Article 2 : La société Chaumeil Ile-de-France versera à la SCP Bouzidi, Bouhanna une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... B..., à la société Chaumeil Ile-de-France et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. |
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CETATEXT000048373075 | JG_L_2023_10_000000456091 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/37/30/CETATEXT000048373075.xml | Texte | Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 31/10/2023, 456091 | 2023-10-31 00:00:00 | Conseil d'État | 456091 | 4ème - 1ère chambres réunies | Excès de pouvoir | B | DESCORPS-DECLÈRE ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY | Mme Catherine Brouard-Gallet | M. Jean-François de Montgolfier | Vu la procédure suivante : M. O... F..., Mme M... E..., M. B... A..., M. L... I..., M. P... G..., M. J... H..., M. N... K... et M. Q... R... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 14 octobre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société IOC Print. Par un jugement n° 2010410 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision. Par un arrêt n° 21PA02439 et n° 21PA02581 du 30 juin 2021 la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les appels formés contre ce jugement par Maître Alain-François Souchon, en qualité de liquidateur de la société IOC Print, la société IOC Print et la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 août et 30 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Me Souchon, en qualité de liquidateur judiciaire de la société IOC Print et la société IOC Print demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ; 3°) de mettre à la charge de M. F..., Mme E..., M. A..., M. I..., M. G..., M. H..., M. K... et M. R... la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code du travail ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Descorps-Declère, avocat de Me Souchon et de la société IOC Print et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. F..., de Mme E..., de M. I..., de M. G..., de M. H... et de M. R... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 14 octobre 2020, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société IOC Print, élaboré par son liquidateur judiciaire dans le cadre du plan de cession de cette société à la société Koramic Holding, arrêté par le tribunal de commerce de Créteil par un jugement du 30 septembre 2020. Par un arrêt du 30 juin 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les appels formés, d'une part, par le liquidateur de la société IOC Print et la société IOC Print, d'autre part, par le ministre chargé du travail contre le jugement du 12 mars 2021 du tribunal administratif de Melun ayant, à la demande de plusieurs salariés de cette société, annulé la décision du 14 octobre 2020. Me Souchon, liquidateur judiciaire de la société IOC Print et celle-ci demandent au Conseil d'Etat l'annulation de cet arrêt. Sur le cadre juridique du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1°Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; / 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article (...) ". 3. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 1233-58 du code du travail : " En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, (...) le liquidateur (...), qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-24-2 du même code : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social économique (...) ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; (...) ". L'article 1233-57-3 du même code prévoit qu'en l'absence d'accord collectif, ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ". 4. En vertu de ces dispositions, en premier lieu, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, de s'assurer, en l'absence d'accord collectif ayant fixé les critères d'ordre des licenciements, que le document unilatéral recourt aux quatre critères mentionnés à l'article L. 1233-5 du code du travail. A cet égard, tel n'est pas le cas s'il prévoit, pour un ou plusieurs des critères d'ordre légaux, d'affecter la même valeur pour tous les salariés, empêchant ainsi par avance que ce ou ces critères puissent être effectivement pris en compte au stade de la détermination de l'ordre des licenciements. 5. En second lieu, il incombe à l'administration de contrôler que les éléments, déterminés par l'employeur, sur la base desquels ces critères seront mis en œuvre pour déterminer l'ordre des licenciements, ne sont ni discriminatoires, ni dépourvus de rapport avec l'objet même de ces critères. L'administration prend en compte à cet effet l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment les échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation préalable à l'adoption du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, ainsi que les justifications objectives et vérifiables fournies par l'employeur. 6. A ce titre, s'agissant du critère d'ordre relatif aux qualités professionnelles, dont les éléments d'appréciation, à la différence de ceux des autres critères d'ordre, peuvent différer selon les catégories professionnelles définies par le plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient en particulier à l'administration de vérifier que les éléments d'appréciation de ce critère, retenus par l'employeur, ne sont pas insusceptibles de permettre de prendre en compte les qualités professionnelles des salariés de la ou des catégories professionnelles afférentes et n'ont pas été définis dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou à leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée. A cet égard, les résultats de l'évaluation professionnelle des salariés, lorsqu'ils existent, peuvent être utilement retenus par l'employeur. Sur les moyens du pourvoi : 7. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le document unilatéral prévoyant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société IOC Print retenait, au titre du critère d'ordre permettant de prendre en compte les qualités professionnelles des salariés, prévu au 4° de l'article L. 1233-5 du code du travail cité au point 2, des éléments d'appréciation communs à toutes les catégories professionnelles qu'il définissait par ailleurs. Elle a ainsi constaté qu'il prévoyait, au titre de ce critère, la prise en compte, d'une part, du " présentéisme " des salariés, apprécié au regard de leurs absences injustifiées au cours des douze derniers mois précédant la date du 15 mars 2020 - à raison de zéro point pour un nombre de jours d'absence injustifiée supérieur ou égal à trois jours, un point pour un nombre de jours d'absence injustifiée d'un à trois jours, deux points dans les autres cas - et d'autre part, la détention d'un ou plusieurs certificats d'aptitude à la conduite en sécurité, dits " permis CACES ", lesquels permettent la conduite d'équipements de travail mobiles automoteurs et d'équipements servant au levage, à raison de trois points pour les salariés titulaires d'un tel certificat, à jour au 1er janvier 2020. 8. La cour administrative d'appel de Paris a ensuite jugé que si le liquidateur judiciaire de la société IOC Print, qui ne disposait pas de comptes rendus récents d'évaluation professionnelle, pouvait se fonder sur d'autres éléments d'appréciation pour appréhender les qualités professionnelles des salariés, il ne pouvait à ce titre légalement prévoir de prendre en compte, pour la totalité des catégories professionnelles définies par le plan, la détention d'un " permis CACES " , alors qu'un tel élément d'appréciation est sans rapport avec les fonctions afférentes à nombre des catégories professionnelles qu'il avait définies, peu important à cet égard, au regard de l'objet des critères d'ordre, que la détention d'un tel permis paraisse correspondre aux besoins du repreneur de la société IOC Print. Elle en a déduit que la décision en litige, homologuant le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société IOC Print, était illégale. Ce faisant, la cour, qui n'a pas soulevé d'office ce moyen sur lequel, dès lors qu'il était invoqué en première instance, il lui appartenait de se prononcer au titre de l'effet dévolutif de l'appel, n'a pas insuffisamment motivé son arrêt ni, eu égard à ce qui a été dit au point 6, commis d'erreur de droit. Enfin, dès lors que la cour a retenu que cet élément d'appréciation du critère des qualités professionnelles par catégorie professionnelle était sans rapport avec les fonctions afférentes à nombre de catégories professionnelles, les requérants ne peuvent utilement lui reprocher de ne pas avoir fait application des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail. 9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Par suite, leur pourvoi doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Me Souchon, en qualité de liquidateur de la société IOC Print, et de la société IOC Print le versement solidaire d'une somme de 500 euros, respectivement à M. F..., à Mme E..., à M. I..., à M. G..., à M. H... et à M. R..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de Me Souchon et de la société IOC Print est rejeté. Article 2 : Me Souchon et la société IOC Print verseront solidairement une somme de 500 euros respectivement à M. F..., à Mme E..., à M. I..., à M. G..., à M. H... et à M. R... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à Me Alain-François Souchon, en qualité de liquidateur judiciaire de la société IOC Print, à la société IOC Print et à M. O... F..., premier défendeur dénommé. Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. |
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CETATEXT000048386353 | JG_L_2023_11_000000459079 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386353.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10/11/2023, 459079 | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 459079 | 6ème - 5ème chambres réunies | Excès de pouvoir | B | SARL CABINET BRIARD | M. Bruno Bachini | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : La société WP France 23 a demandé à la cour administrative d'appel de Douai d'annuler l'arrêté de la préfète de la Somme du 8 juillet 2019 refusant de lui délivrer une autorisation unique en vue de l'exploitation d'un parc de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de La Neuville-Sire-Bernard (Somme), en tant que ce refus portait sur les éoliennes E1 à E4 du projet, et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer l'autorisation unique sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et, à tout le moins, de réexaminer sa demande, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Par un arrêt n° 19DA02104 du 28 septembre 2021, la cour administrative d'appel a fait droit à cette requête et accordé à la société WP France 23 l'autorisation unique demandée, en enjoignant à la préfète d'assortir cette autorisation des prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 décembre 2021 et 2 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de la société WP France 23. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'environnement ; - l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ; - l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société WP France 23 ; Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 8 juillet 2019, la préfète de la Somme a refusé de délivrer à la société WP France 23 l'autorisation unique qu'elle demandait pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de La Neuville-Sire-Bernard (Somme). Par un arrêt du 28 septembre 2021, contre lequel la ministre de la transition écologique se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a annulé cet arrêté, délivré à la société WP France 23 une autorisation unique portant sur quatre éoliennes et enjoint à la préfète de la Somme d'assortir cette autorisation des prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et notamment du respect du plan de bridage renforcé évoqué au point 23 de son arrêt. 2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". 3. La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de produire, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de cet article. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents. 4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que pour écarter l'existence d'un effet de saturation visuelle susceptible de faire regarder le projet litigieux comme présentant des inconvénients excessifs pour la commodité du voisinage, la cour administrative d'appel, après avoir relevé que soixante-douze éoliennes avaient déjà été construites ou autorisées dans un rayon de dix kilomètres autour du village du Plessier-Rozainvilliers et seize dans un rayon de trois kilomètres, s'est fondée sur ce que si le projet avait pour effet de porter le cumul des angles occupés par des machines à un total de 167,5 degrés, il ne résultait pas de l'instruction que les éoliennes seraient toutes simultanément visibles depuis un même point. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la circonstance que les éoliennes ne seraient pas toutes simultanément visibles depuis un même point n'était pas, par elle-même, de nature à permettre d'écarter l'existence d'un effet de saturation et sans tenir compte, d'autre part, de l'effet d'encerclement lié à la réduction de l'angle de respiration qu'invoquaient les parties, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la ministre de la transition écologique est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 28 septembre 2021 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai. Article 3 : Les conclusions présentées par la société WP France 23 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société WP France 23. Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 10 novembre 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Bruno Bachini La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline Allain |
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CETATEXT000048386360 | JG_L_2023_11_000000460684 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386360.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10/11/2023, 460684, Publié au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 460684 | 6ème - 5ème chambres réunies | Plein contentieux | A | BOUTHORS ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH | Mme Catherine Moreau | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : Par une décision du 16 avril 2019, la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de la Réunion, saisie d'une plainte de M. B... C... dirigée contre Mme D... A... et la société KPMG Tartaroli, a dit n'y avoir pas lieu à sanction disciplinaire. Par une décision du 10 décembre 2021, la chambre nationale de discipline auprès du conseil national de l'ordre des experts-comptables a rejeté l'appel de M. C... contre cette décision. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 22 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette décision ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des experts-comptables la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ; - le décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Bouthors, avocat de M. C..., à la SCP Bauer-Violas-Feschotte-Desbois-Sebagh, avocat du conseil national de l'Ordre des experts-comptables et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société KPMG SA et autre ; Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 16 avril 2019, la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de la Réunion a rejeté la plainte formée par M. C... contre Mme A... et la société KPMG Tartaroli à raison de comportements contraires au principe d'indépendance et de probité susceptibles de créer un conflit d'intérêts qu'il leur imputait dans la cadre de la cession qu'il avait réalisée en 2007 des parts qu'il détenait dans une société civile immobilière, en disant n'y avoir lieu à sanction disciplinaire. Par une décision du 10 décembre 2021, la chambre nationale de discipline auprès du conseil national de l'ordre des experts-comptables a rejeté l'appel formé par M. C... contre cette décision en estimant, d'une part, que les poursuites dirigées contre la société KPMG Tartaroli, devenue KPMG SA, étaient irrecevables, d'autre part, qu'il n'y avait pas lieu à sanction disciplinaire à l'encontre de Mme A.... M. C... se pourvoit en cassation contre cette décision. Sur la décision de la chambre nationale de discipline en tant qu'elle concerne la société KPMG Tartaroli, devenue KMPG SA : 2. Aux termes de l'article 53 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable : " En dehors de l'avertissement dans le cabinet du président de la chambre régionale de discipline ou de la commission prévue à l'article 49 bis pour les faits qui ne paraissent pas justifier d'autre sanction, les peines disciplinaires sont : / 1° La réprimande ; / 2° Le blâme avec inscription au dossier ; / 3° La suspension pour une durée déterminée avec sursis ; / 4° La suspension pour une durée déterminée ; / 5° La radiation du tableau comportant interdiction définitive d'exercer la profession. / En outre, pour les associations de gestion et de comptabilité, la commission peut également prononcer la déchéance du mandat d'un ou de plusieurs dirigeants ou administrateurs. / La réprimande, le blâme et la suspension peuvent comporter, en outre, pour le membre de l'ordre, la privation, par la décision qui prononce la peine disciplinaire, du droit de faire partie des conseils de l'ordre pendant une durée n'excédant pas dix ans ". 3. Le principe de la personnalité des peines ne fait pas, par lui-même, obstacle à ce qu'une sanction disciplinaire, justifiée par les manquements commis par une société ayant par la suite fait l'objet d'une absorption ou d'une fusion, soit prononcée à l'encontre de la société absorbante ou issue de la fusion. Il appartient, dans un tel cas, à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'apprécier, dans le respect du principe de proportionnalité des peines, la nature et le quantum de la sanction qu'il convient d'infliger à la société absorbante en tenant compte des principes dont elle est chargée d'assurer le respect, de la nature des manquements commis par la société ayant fait l'objet de l'absorption ou de la fusion et des circonstances dans lesquelles ces manquements ont été commis. 4. Il ressort des pièces du dossier soumis à la chambre nationale de discipline que la société KPMG SA, qui avait acquis en 2012 des actions de la société KPMG Tartaroli, a décidé le 16 janvier 2019, en sa qualité d'associé unique, de procéder à la dissolution anticipée sans liquidation de la société KPMG Tartaroli et que cette dissolution a entraîné la transmission universelle de son patrimoine au profit de la société KMPG SA et la perte de sa personnalité juridique. 5. Contrairement à ce qu'a retenu la chambre nationale de discipline, il résulte de ce qui été dit au point 3 que le principe de la personnalité des peines ne faisait pas, par lui-même, obstacle à ce que l'une des sanctions disciplinaires prévues par l'article 53 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 puisse être prononcée à l'encontre de la société absorbante au titre de manquements qui auraient été commis par la société absorbée. Par suite, en décidant que les poursuites disciplinaires dirigées contre la société absorbante KPMG SA étaient, pour ce motif, irrecevables, la chambre nationale de discipline a entaché sa décision d'une erreur de droit. Sur la décision de la chambre nationale de discipline en tant qu'elle concerne Mme A... : 6. Aux termes de l'article 22 de l'ordonnance 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable : " (...) Il est en outre interdit aux membres de l'ordre, aux succursales et aux associations de gestion et de comptabilité, ainsi qu'à leurs salariés mentionnés à l'article 83 ter et à l'article 83 quater d'agir en tant qu'agent d'affaires, d'assumer une mission de représentation devant les tribunaux de l'ordre judiciaire ou administratif, d'effectuer des travaux d'expertise comptable, de révision comptable ou de comptabilité pour les entreprises dans lesquelles ils possèdent directement ou indirectement des intérêts substantiels ". Aux termes de l'article 145 du décret du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable : " Les personnes mentionnées à l'article 141 exercent leur activité avec compétence, conscience professionnelle et indépendance d'esprit. Elles s'abstiennent, en toutes circonstances, d'agissements contraires à la probité, l'honneur et la dignité. / Elles doivent en conséquence s'attacher : (...) / 5° A ne jamais se trouver en situation de conflit d'intérêts (...) ". Aux termes de l'article 146 du même décret : " Les personnes mentionnées à l'article 141 évitent toute situation qui pourrait faire présumer d'un manque d'indépendance. Elles doivent être libres de tout lien extérieur d'ordre personnel, professionnel ou financier qui pourrait être interprété comme constituant une entrave à leur intégrité ou à leur objectivité ". 7. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que, pour estimer que la circonstance que la sœur de Mme A... avait été l'épouse de l'un des cessionnaires des parts de société civile immobilière cédées par M. C... en 2007 ne caractérisait pas l'existence d'intérêts substantiels de l'expert-comptable dans cette société, la chambre nationale de discipline s'est fondée sur ce que de tels intérêts s'entendent uniquement d'intérêts économiques. En statuant ainsi, alors qu'il découle des dispositions précitées du décret du 30 mars 2012 que les situations de conflit d'intérêts dont doivent se garder les experts-comptables dans l'exercice de leurs missions peuvent résulter aussi bien de liens d'ordre personnel que d'ordre professionnel ou financier, la chambre nationale de discipline a commis une erreur de droit. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la décision du 10 décembre 2021 de la chambre nationale de discipline auprès du conseil national de l'ordre des experts-comptables doit être annulée. 9. Le conseil national de l'ordre des experts-comptables n'ayant pas la qualité de partie à la présente instance, les conclusions de M. C... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : -------------- Article 1er : La décision du 10 décembre 2021 de la chambre nationale de discipline auprès du conseil national de l'ordre des experts-comptables est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la chambre nationale de discipline auprès du conseil national de l'ordre des experts-comptables. Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... C..., à Mme D... A..., à la société KPMG SA, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au conseil national de l'ordre des experts-comptables. Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 10 novembre 2023. |
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CETATEXT000048386368 | JG_L_2023_11_000000467645 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386368.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10/11/2023, 467645 | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 467645 | 6ème - 5ème chambres réunies | Excès de pouvoir | B | SARL CABINET BRIARD | M. David Gaudillère | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 septembre 2022, 15 novembre 2022 et 28 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine et l'association des magistrats du tribunal judiciaire de Nanterre demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note du garde des sceaux, ministre de la justice du 27 juillet 2022 relative à la localisation des emplois de magistrats et fonctionnaires des services judiciaires pour l'année 2022 ainsi que son annexe n° 1, en tant qu'elles concernent les créations de postes de magistrats au sein du tribunal judiciaire de Nanterre ; 2°) d'enjoindre à l'Etat d'affecter des postes de magistrats au tribunal judiciaire de Nanterre sur la base de critères objectifs et pertinents, tenant notamment compte de la nature des affaires soumises à cette juridiction et susceptibles de permettre le jugement des affaires dans un délai raisonnable ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son article 65 ; - l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de l'association des magistrats du tribunal judiciaire de Nanterre ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 octobre 2023, présentée par l'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine ; Considérant ce qui suit : 1. L'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine et l'association des magistrats du tribunal judiciaire de Nanterre demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la note du garde des sceaux, ministre de la justice du 27 juillet 2022 relative à la localisation des emplois de magistrats et fonctionnaires des services judiciaires pour l'année 2022 ainsi que son annexe n° 1, en tant qu'elles concernent les postes de magistrats au sein du tribunal judiciaire de Nanterre. 2. Il ressort des pièces du dossier que la note attaquée, intitulée " circulaire de localisation des emplois ", constitue un document de programmation par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice informe, chaque année, les chefs de juridictions et les procureurs généraux de la répartition envisagée, entre les juridictions judiciaires de métropole et d'outre-mer, des effectifs de magistrats du siège et du parquet ainsi que de fonctionnaires des services judiciaires prévus en loi de finances. Si, comme le font valoir les requérants, cette note constitue, pour l'administration, un outil annuel de gestion et de répartition prévisionnelle des effectifs de magistrats, les objectifs chiffrés qu'elle mentionne ne revêtent qu'un caractère indicatif, ce document n'ayant pas pour objet et ne pouvant avoir pour effet de lier le Président de la République dans l'exercice de son pouvoir de nomination individuelle des magistrats, dans les conditions prévues par l'article 65 de la Constitution et l'article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Cette note, qui est dépourvue de caractère décisoire, ne saurait, eu égard à son objet et à sa portée, contrairement à ce que soutiennent les requérants, être regardée comme ayant, par elle-même, des effets sur les droits ou la situation des usagers du service public de la justice justifiant qu'elle puisse faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. 3. La requête de l'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine et de l'association des magistrats du tribunal judiciaire de Nanterre doit par suite être rejetée comme irrecevable. Les interventions formées au soutien de cette requête par l'association " ACE-Avocats, ensemble ", le Syndicat des avocats de France (SAF), l'Union des jeunes avocats du barreau des Hauts-de-Seine et la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA), l'Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature ne peuvent, par voie de conséquence, être admises. D E C I D E : -------------- Article 1er : Les interventions présentées par l'Union syndicale des magistrats (USM), l'association " ACE-Avocats, ensemble ", le Syndicat des avocats de France (SAF), l'Union des jeunes avocats du barreau des Hauts-de-Seine et la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA) ainsi que le Syndicat de la magistrature ne sont pas admises. Article 2 : La requête de l'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine et de l'association des magistrats du tribunal judiciaire de Nanterre est rejetée. Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine, à l'association des magistrats du tribunal judiciaire de Nanterre, au garde des sceaux, ministre de la justice, à l'Union syndicale des magistrats (USM), à l'association " ACE-Avocats, ensemble ", au Syndicat des avocats de France (SAF), à l'Union des jeunes avocats du barreau des Hauts-de-Seine et à la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA), ainsi qu'au Syndicat de la magistrature. Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 10 novembre 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. David Gaudillère La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline Allain |
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CETATEXT000048386390 | JG_L_2023_11_000000474431 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386390.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10/11/2023, 474431, Publié au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 474431 | 6ème - 5ème chambres réunies | Autres | A | SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; BALAT ; SAS HANNOTIN AVOCATS | M. Cédric Fraisseix | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : L'association Limousin nature environnement, M. A... G... et Mme D... G..., M. C... K... et Mme B... K..., M. N... T..., M. H... M... et Mme U... M..., Mme F... M..., M. I... J... et M. L... X... ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a délivré à la société à responsabilité limitée ENEDEL 7 un permis de construire une unité de méthanisation située lieu-dit " Le Francour " sur le territoire de la commune de Saint-Junien-les-Combes (Haute-Vienne), d'autre part, l'arrêté du 3 novembre 2017 du préfet de la Haute-Vienne portant enregistrement d'une unité de méthanisation située au lieu-dit " Le Francour " sur le territoire de la commune de Saint-Junien-les-Combes et de ses sites de stockage de digestats situés sur le territoire des communes de Saint-Junien-les-Combes et Berneuil (Haute-Vienne) au titre des installations classées pour la protection de l'environnement. Par un jugement nos 1800191, 1800324 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé les arrêtés des 8 août 2017 et 3 novembre 2017. Par un arrêt n° 21BX00134 du 23 mai 2023, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Bordeaux, avant de statuer sur la requête de la société ENEDEL 7 tendant à l'annulation de ce jugement, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes : 1°) Les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, issues de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, qui confèrent de nouveaux pouvoirs au juge, notamment lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de la décision mais qui peut être régularisé par une décision modificative, sont-elles applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-7 du même code, faisant seulement l'objet d'un enregistrement et qui, n'étant pas soumises à évaluation environnementale, ne constituent pas un projet mentionné au deuxième alinéa du II de l'article L. 122-1-1 ' 2°) Dans la négative, lorsque le juge constate que le vice dont est entachée la décision d'enregistrement est tiré de ce que la demande d'enregistrement aurait dû être instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, les dispositions de l'article L. 181-18 de ce code sont-elles cependant applicables ' 3°) Enfin, doit-on considérer que ces dispositions sont applicables lorsque le préfet a décidé, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, de soumettre une demande d'enregistrement aux règles de procédures prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales ' Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 ; - la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 ; - la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ; - l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; - La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Enedel 7, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de l'association Limousin nature environnement et autres et à Me Balat, avocat de M. et Mme M... et autre ; REND L'AVIS SUIVANT : 1. En application des articles L. 511-2 et L. 512-7 du code de l'environnement, les installations classées pour la protection de l'environnement sont soumises à un régime d'autorisation, d'autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, ou de déclaration en fonction de leur inscription dans les rubriques correspondantes de la nomenclature des installations classées établie par décret, et suivant la gravité des dangers et des inconvénients que peut présenter leur exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code. 2. En vertu de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code. L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier, issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale (...) est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / (...) 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1. / Elle est également applicable aux projets mentionnés au deuxième alinéa du II de l'article L. 122-1-1 lorsque l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation est le préfet, ainsi qu'aux projets mentionnés au troisième alinéa de ce II (...) ". Aux termes de l'article L. 181-2 du même code : " I.- L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : / (...) 7° Récépissé de déclaration ou enregistrement d'installations mentionnées aux articles L. 512-7 ou L. 512-8, à l'exception des déclarations que le pétitionnaire indique vouloir effectuer de façon distincte de la procédure d'autorisation environnementale, ou arrêté de prescriptions applicable aux installations objet de la déclaration ou de l'enregistrement (...) ". 3. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, l'autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction. En outre, aux termes de l'article L. 181-18 du même code, dans sa rédaction applicable aux litiges engagés à compter du 11 mars 2023, date de publication de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, même après l'achèvement des travaux : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, limite à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demande à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle ou de sursis à statuer est motivé. / II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ". Ces dispositions précisent les pouvoirs dont dispose le juge de l'autorisation environnementale. D'une part, les dispositions du paragraphe I prévoient que lorsqu'il est saisi de conclusions contre cette autorisation, le juge, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit sursoit à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés, soit limite la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d'instruction. D'autre part, les dispositions du paragraphe II permettent au juge de prononcer la suspension de l'exécution de parties non viciées de l'autorisation environnementale. 4. En vertu de l'article L. 512-7 du code de l'environnement, sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. Les activités relevant de ce régime concernent les secteurs ou technologies dont les enjeux environnementaux et les risques sont bien connus, lorsque les installations ne sont soumises ni à la directive du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles au titre de son annexe I, ni à une obligation d'évaluation environnementale systématique au titre de l'annexe I de la directive du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Conformément aux articles L. 512-7-1 et L. 512-7-3 du code de l'environnement, le dossier de demande d'enregistrement est mis à disposition du public avant que le préfet prenne, après avis des conseils municipaux intéressés, un arrêté d'enregistrement qu'il peut assortir de prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l'installation. L'article L. 512-7-5 du même code permet au préfet d'imposer, par arrêté complémentaire, de telles prescriptions particulières après la mise en service de l'installation. L'article L. 512-7-2 du même code prévoit, en outre, que le préfet peut décider que la demande d'enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales, c'est-à-dire selon le régime de l'autorisation : " (...) 1° Si, au regard de la localisation du projet (...), la sensibilité environnementale du milieu le justifie ; / 2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ; / 3° Ou si l'aménagement des prescriptions générales applicables à l'installation, sollicité par l'exploitant, le justifie. / Dans les cas mentionnés au 1° et au 2°, le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 3° et ne relevant pas du 1° ou du 2°, le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale ". Conformément au premier alinéa de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, les décisions prises en application des articles L. 512-7-3 et L. 512-7-5 de ce code sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. 5. Les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, qui concernent les pouvoirs du juge de l'autorisation environnementale, sont applicables aux recours formés contre une décision d'enregistrement d'une installation classée dans le cas où le projet fait l'objet, en application du 7° du paragraphe I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, d'une autorisation environnementale tenant lieu d'enregistrement ou s'il est soumis à évaluation environnementale donnant lieu à une autorisation du préfet en application du troisième alinéa du II de l'article L. 122-1-1 du même code. 6. Dans les autres cas où le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision relative à l'enregistrement d'une installation classée, y compris si la demande d'enregistrement a été, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, instruite selon les règles de procédure prévues pour les autorisations environnementales, les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ne sont pas applicables. Cependant, en vertu des pouvoirs qu'il tient de son office de juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement, le juge administratif, s'il estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d'être régularisée, peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le juge peut préciser, par sa décision avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. En outre, le juge peut limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision. 7. Enfin, lorsque l'annulation n'affecte qu'une partie seulement de la décision, le juge administratif peut déterminer s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties non viciées de cette décision. Et lorsqu'il prononce l'annulation, totale ou partielle, d'une décision relative à une installation classée soumise à enregistrement, il a toujours la faculté, au titre de son office de juge de plein contentieux, d'autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions et pour un délai qu'il détermine, la poursuite de l'exploitation de l'installation en cause, dans l'attente de la régularisation de sa situation par l'exploitant. Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Bordeaux, à la société à responsabilité limitée (SARL) ENEDEL 7, à l'association Limousin nature environnement, première dénommée, à M. H... M..., premier dénommé, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Il sera publié au Journal officiel de la République française. Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 10 novembre 2023 Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Cédric Fraisseix La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline Allain |
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CETATEXT000048392439 | JG_L_2023_11_000000469628 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/39/24/CETATEXT000048392439.xml | Texte | Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 13/11/2023, 469628 | 2023-11-13 00:00:00 | Conseil d'État | 469628 | 8ème - 3ème chambres réunies | Plein contentieux | B | SCP LYON-CAEN, THIRIEZ | Mme Alianore Descours | Mme Karin Ciavaldini | Vu la procédure suivante : La société à responsabilité limitée (SARL) Cesco a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1700932 du 29 mars 2019, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 19MA02490 du 13 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Cesco contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 décembre 2022 et 14 mars, 11 avril et 17 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cesco, représentée par Monsieur B..., son mandataire judiciaire, demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Cesco ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Cesco, société mère d'un groupe fiscalement intégré, l'administration fiscale a notamment réintégré dans son bénéfice, au titre des exercices clos en 2011 et 2012, des revenus réputés distribués par sa filiale à 100%, la société Bastide du Cours. La société a formé une réclamation contre les impositions supplémentaires mises en recouvrement en conséquence de cette rectification et a demandé, à titre subsidiaire, le bénéfice du report en arrière d'un déficit qu'elle estimait pouvoir constater au titre de son exercice clos en 2013. Après le rejet de sa réclamation, elle a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande en décharge, que ce tribunal a rejetée par un jugement du 29 mars 2019. La société Cesco se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 octobre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement. Sur la régularité de l'arrêt attaqué : 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la requérante a mentionné, dans ses écritures devant le tribunal administratif, sans au demeurant se prévaloir à cet égard de la garantie contre les changements de doctrine de l'administration prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-IS-GPE-20-20-40-10, elle ne mentionnait plus ces commentaires dans son argumentation d'appel. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait omis de répondre à un moyen tiré du bénéfice de l'interprétation de la loi donnée par ces commentaires ne peut qu'être écarté. Sur le bien-fondé de l'arrêt en tant qu'il statue sur la neutralisation des revenus distribués à la société requérante par sa filiale : 3. Aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 223 B du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun (...) ". Le sixième alinéa de ce même article, alors applicable, dispose que : " L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe (...) n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble (...) ". 4. Aux termes de l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La subvention indirecte mentionnée au sixième alinéa de l'article 223 B et au premier alinéa de l'article 223 R du code général des impôts s'entend des renonciations à recettes qui proviennent des prêts ou d'avances sans intérêt ou à un taux d'intérêt inférieur au taux du marché. Elle s'entend également de la livraison de biens ou de la prestation de services sans contrepartie ou pour un prix inférieur à leur prix de revient ou, s'agissant de biens composant l'actif immobilisé, pour un prix inférieur à leur valeur réelle. / Constituent également une subvention indirecte au sens des articles 223 B et 223 R déjà cités les excédents de charges qui proviennent des emprunts contractés, des avances reçues qui sont assortis d'un taux d'intérêt plus élevé que celui du marché. Il en est de même des achats de biens ou de services pour un prix plus élevé que leur valeur réelle ". 5. L'option pour le régime dit de " l'intégration fiscale " ne dispense pas chacune des sociétés du groupe fiscal intégré de déterminer son résultat dans les conditions de droit commun, ainsi que le prévoit le premier alinéa de l'article 223 B du code général des impôts précité, sous la seule réserve des dérogations expressément autorisées par les dispositions propres à ce régime d'exception. Aucune de ces dispositions n'autorise une société membre du groupe à déclarer selon des règles différentes des règles de droit commun un abandon de créance ou une subvention qu'elle a consentie ou dont elle a bénéficié. La neutralisation d'un tel abandon de créance ou d'une subvention consentie entre sociétés du même groupe est effectuée, conformément aux dispositions du sixième alinéa de ce même article 223 B, pour la détermination du résultat d'ensemble, après l'établissement des résultats individuels des sociétés membres du groupe. 6. La cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits non arguée de dénaturation, que les rehaussements de bénéfices de la société Bastide du Cours, regardés comme des revenus distribués en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et dont la société Cesco avait été désignée comme la bénéficiaire par la société Bastide du Cours à la suite d'une demande formée par l'administration sur le fondement de l'article 117 du même code, procédaient de la réintégration dans les résultats de la société Bastide du Cours de recettes non comptabilisées au titre des exercices clos en 2011 et 2012. 7. Pour juger que les sommes ainsi réintégrées aux résultats de la société Cesco ne pouvaient être neutralisées pour le calcul du résultat d'ensemble du groupe fiscal intégré que cette société formait avec sa filiale, la société Bastide du Cours, la cour s'est fondée, en premier lieu, sur ce que la circonstance que la seconde avait désigné la première comme étant la bénéficiaire des revenus réputés distribués en litige ne permettait pas de regarder la filiale comme ayant procédé au versement effectif d'une quelconque somme au bénéfice de sa société mère, de sorte que les distributions ne pouvaient être regardés comme ayant la nature d'une subvention directe consentie par la première à la seconde au sens des dispositions précitées du sixième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts. La cour s'est fondée, en second lieu, sur ce que le rehaussement des bénéfices de la société Bastide du Cours dont découlent les distributions en litige ne procédait pas de la remise en cause d'une opération constitutive d'un acte anormal de gestion ayant pour effet un transfert de bénéfice à sa mère, ce dont elle a déduit que ces distributions ne pouvaient pas davantage être regardées comme des subventions indirectes au sens des mêmes dispositions. En statuant ainsi, la cour administrative d'appel n'a pas donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique. Sur le bien-fondé de l'arrêt en tant qu'il statue sur le report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2013 : 8. Aux termes du I de l'article 220 quinquies du code général des impôts, applicable aux sociétés mères d'un groupe de sociétés en vertu de l'article 223 G du même code : " Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'exercice précédent (...) ". 9. Les comptes de tiers inscrits au bilan de clôture d'un exercice doivent exprimer les situations débitrices ou créditrices de ces derniers telles qu'elles sont résultées des créances et des dettes nées au profit ou à la charge de la société vis-à-vis de ces tiers dès lors que lesdites créances et dettes sont devenues certaines, au cours de cet exercice, dans leur principe et dans leur montant. Après la clôture de l'exercice, ces comptes ne peuvent être modifiés rétroactivement, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification, que pour corriger les erreurs comptables dont ils sont entachés et qui entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise. 10. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours de l'année 2011, le gérant et associé de la société Cesco lui a consenti un abandon de créance avec clause de retour à meilleure fortune pour un montant de 2 450 000 euros et que, malgré la reconstitution de ses capitaux propres au cours de l'année 2012, la société n'a pas constaté dans le bilan de clôture de son exercice clos en 2013 le rétablissement d'une dette de 2 450 000 euros. 11. En jugeant qu'en s'abstenant de constater cette dette au passif de son bilan, la société requérante avait non pas commis une erreur comptable mais pris une décision de gestion qui lui était opposable, pour en déduire qu'elle n'était pas fondée à demander, au soutien de sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, le report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2013 qui découlerait de ce passif, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce. 12. Il résulte de ce qui précède que la société Cesco n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de la société Cesco est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Cesco, à M. A... C..., son mandataire judiciaire et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré à l'issue de la séance du 23 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, président de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, M. Vincent Mahé, conseillers d'Etat et Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 13 novembre 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin La rapporteure : Signé : Mme Alianore Descours La secrétaire : Signé : Mme Magali Méaulle |
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CETATEXT000048448403 | JG_L_2023_11_000000466680 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448403.xml | Texte | Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21/11/2023, 466680 | 2023-11-21 00:00:00 | Conseil d'État | 466680 | 5ème - 6ème chambres réunies | Excès de pouvoir | B | M. Christophe Barthélemy | M. Florian Roussel | Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'assurer l'exécution du jugement n° 098520 du 27 avril 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé la décision référencée " 48 SI " du 31 août 2009 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul. Par un jugement n° 2005864 du 14 juin 2022, le tribunal administratif a enjoint au ministre de l'intérieur de rétablir six points au capital du permis de conduire de M. A... à la suite des infractions commises par l'intéressé les 9 mai 2008 et 31 octobre 2008, et d'en tirer toutes conséquences sur le calcul du capital de points de l'intéressé. Par un pourvoi, enregistré le 12 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande d'exécution de M. A.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la route ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision référencée " 48 SI " du 31 août 2009, le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité du permis de conduire de M. A... pour solde de points nul et lui a enjoint de restituer ce titre. Par un jugement du 27 avril 2012 devenu définitif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles, se fondant sur l'illégalité des deux retraits de trois points chacun consécutifs aux infractions commises les 9 mai et 31 octobre 2008 par M. A..., a annulé cette décision. M. A... a saisi le 27 février 2020 le tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à obtenir l'exécution de ce jugement. Par ordonnance du 10 septembre 2020, le président par intérim du tribunal a ordonné l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. Par un jugement du 14 juin 2022, le tribunal administratif a enjoint au ministre de l'intérieur de rétablir les six points illégalement retirés du capital de points du permis de conduire de l'intéressé et d'en tirer toutes conséquences en ce qui concerne le calcul de son capital de points. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation contre ce jugement. 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution (...) ". En vertu de l'article R. 921-5 du même code : " Le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-4, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes diligences qu'ils jugent utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande. Lorsque le président estime qu'il a été procédé à l'exécution ou que la demande n'est pas fondée, il en informe le demandeur et procède au classement administratif de la demande. " Enfin, selon l'article R. 921-6 du même code : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. (...) ". 3. Il résulte des dispositions des articles R. 921-5 et R. 921-6 du code de justice administrative que, lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-4 du même code, le caractère contradictoire de l'instruction de la demande ne s'applique qu'à la phase juridictionnelle ouverte, le cas échéant, par ordonnance du président de la juridiction. Ainsi, les écritures produites, notamment par l'administration, pendant la phase d'instruction administrative ne constituent pas des mémoires devant, lorsqu'une procédure juridictionnelle a été ouverte, être visés et analysés par la décision statuant sur la demande d'exécution en application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Il appartient en revanche au juge, après l'ouverture de la procédure juridictionnelle, de les verser au dossier de cette procédure et de permettre ainsi aux parties d'en débattre contradictoirement. 4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, durant la phase d'instruction administrative de la demande d'exécution présentée par M. A..., le ministre de l'intérieur a produit le 16 juillet 2020, avant l'ouverture de la procédure juridictionnelle par le président du tribunal administratif par intérim, des observations tendant à établir qu'il avait entièrement exécuté le jugement du 27 avril 2012, ainsi que le relevé d'information intégral relatif au permis de conduire de M. A..., arrêté au 9 juillet 2020, dont il ressortait que l'administration avait rétabli les six points illégalement retirés par la décision " 48 SI " du 31 août 2009 du capital de points du permis de conduire de l'intéressé. 5. Il résulte de ce qui est dit au point 3 que le ministre de l'intérieur et des outre-mer qui, après l'ouverture de la procédure juridictionnelle, n'a pas produit de mémoire en défense malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier au motif qu'il ne vise pas les éléments qu'il a transmis le 16 juillet 2020, pendant la phase d'instruction administrative de la demande d'exécution. Il appartenait toutefois au juge, après l'ouverture de la procédure juridictionnelle, de verser ces éléments au dossier de cette procédure et, compte tenu des échanges contradictoires, d'en tenir compte. En s'abstenant de verser ces éléments au dossier de la procédure juridictionnelle afin qu'ils puissent être débattus contradictoirement et pris en compte, le tribunal administratif a, en conséquence, méconnu son office. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, et de statuer sur la demande de M. A... tendant à ce qu'en exécution du jugement du 27 avril 2012, il soit enjoint à l'administration de lui restituer son permis de conduire. 8. Aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) / Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité. / (...) ". En vertu de l'article L. 223-5 du même code : " I.- En cas de retrait de la totalité des points, l'intéressé reçoit de l'autorité administrative l'injonction de remettre son permis de conduire au préfet de son département de résidence et perd le droit de conduire un véhicule. / II.- Il ne peut obtenir un nouveau permis de conduire avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de remise de son permis au préfet et sous réserve d'être reconnu apte après un examen ou une analyse médicale, clinique, biologique et psychotechnique effectué à ses frais. Ce délai est porté à un an lorsqu'un nouveau retrait de la totalité des points intervient dans un délai de cinq ans suivant le précédent ". 9. Lorsque la décision du ministre de l'intérieur constatant la perte de validité d'un permis de conduire pour solde de points nul est annulée par le juge administratif, cette décision est réputée n'être jamais intervenue. Pour déterminer si l'intéressé peut, en exécution du jugement, prétendre à la restitution du permis par l'administration, il y a lieu de vérifier que son solde de points n'est pas nul. Le solde doit être calculé en tenant compte, en premier lieu, des retraits de points sur lesquels reposait la décision annulée qui n'ont pas été regardés comme illégaux par le juge, en deuxième lieu, des retraits justifiés par des infractions qui n'avaient pas été prises en compte par cette décision, y compris celles que l'intéressé a pu commettre en conduisant avec un nouveau permis obtenu dans les conditions prévues au II de l'article L. 223-5 du code de la route et, enfin, des reconstitutions de points prévues par les dispositions applicables au permis illégalement retiré. 10. Une même personne ne saurait disposer de plus d'un permis de conduire. Par suite, le requérant qui obtient l'annulation d'une décision constatant la perte de validité de son permis alors qu'il s'est vu délivrer un nouveau permis ne peut prétendre à la restitution par l'administration du permis initial, sous réserve que son solde calculé comme indiqué au point 9 ne soit pas nul, qu'à la condition que lui-même restitue le nouveau permis. Le jugement prononçant l'annulation doit l'en informer en précisant que, s'il souhaite qu'il soit procédé à cet échange, il doit le faire savoir à l'administration dans un délai qu'il fixe et qu'à défaut l'intéressé sera regardé comme ayant définitivement opté pour la conservation du nouveau permis. 11. Lorsque le jugement qui a prononcé l'annulation de la décision constatant la perte de validité du permis initial ne comportait pas cette information, l'administration saisie par l'intéressé d'une demande d'échange du nouveau permis contre le permis initial doit faire droit à cette demande dès lors que le solde de points du permis initial n'est pas nul. Si aucune demande d'échange n'a été formée, il appartient à l'administration, lorsqu'elle constate la perte de validité du nouveau permis pour solde de points nul, de vérifier le solde de points du permis initial déterminé conformément aux règles indiquées au point 9. Si ce solde est positif, elle doit restituer ce permis à l'intéressé ; si le solde est nul, elle doit lui notifier une décision constatant qu'il a perdu le droit de conduire. 12. Il ressort du relevé d'information intégral de M. A... arrêté au 5 juillet 2022, produit par le ministre de l'intérieur devant le Conseil d'Etat, que, postérieurement à la décision référencée " 48 SI " du 31 août 2009 ayant illégalement invalidé le permis de conduire initial de M. A..., celui-ci avait obtenu un nouveau permis de conduire, affecté d'un capital de six points, et qu'il a notamment commis, les 23 septembre 2010 et 5 février 2011, deux infractions ayant entraîné le retrait de six points au total et par conséquent l'invalidation de ce nouveau titre de conduite pour solde de points nul pendant le délai probatoire, par une décision référencée " 48 SI " du 9 septembre 2011. 13. Il résulte de ce qui est dit au point 5 ainsi qu'aux points 8 à 12 que, pour établir le solde du permis de conduire initial de M. A..., à l'origine affecté d'un capital de douze points, il y a lieu de tenir compte, d'une part des retraits de points sur ce permis qui n'ont pas été jugés illégaux, soit six points au total, et, d'autre part des six points retirés à la suite d'infractions qu'il a commises les 23 septembre 2010 et 5 février 2011 en conduisant avec son nouveau permis. Le solde ainsi recalculé étant nul, M. A... ne peut prétendre à la restitution de son permis initial. 14. Il résulte de tout ce qui précède que, l'exécution du jugement du 27 avril 2012 n'appelant plus aucune mesure, la demande de M. A... doit être rejetée. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 14 juin 2022 est annulé. Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A.... Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz Le rapporteur : Signé : M. Christophe Barthélemy Le secrétaire : Signé : M. Bernard Longieras |
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CETATEXT000048448405 | JG_L_2023_11_000000470308 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448405.xml | Texte | Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21/11/2023, 470308 | 2023-11-21 00:00:00 | Conseil d'État | 470308 | 5ème - 6ème chambres réunies | Recours en révision | B | SCP FOUSSARD, FROGER | M. Christophe Barthélemy | M. Florian Roussel | Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 2 février 2019 par laquelle le président du conseil départemental du Var a décidé la récupération auprès d'elle d'une somme globale de 12 658,09 euros correspondant à un indu de revenu de solidarité active pour la période du 1er septembre 2017 au 30 juin 2018 et à un indu de revenu de solidarité active complémentaire pour la période du 1er février 2016 au 30 septembre 2016, ainsi que la décision du 13 novembre 2019 rejetant son recours préalable contre cette décision et, d'autre part, d'enjoindre au département du Var de lui rembourser les retenues opérées sur ses allocations, de la rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active à compter du mois de juin 2018, majorés des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts échus, et de lui verser le rappel de revenu de solidarité active qui lui est dû. Par un jugement n° 1904436 du 22 avril 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Statuant sur renvoi de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille et par application du 3ème alinéa de l'article R. 822-5 du code de justice administrative, la présidente de la 1ère chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, par une ordonnance n° 465404 du 3 novembre 2022, refusé d'admettre le pourvoi formé par Mme B... contre ce jugement. Par une requête enregistrée le 6 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) de réviser ou, subsidiairement, de rectifier pour erreur matérielle et, en tout état de cause, de déclarer nulle et non avenue cette ordonnance ; 2°) statuant à nouveau sur son pourvoi, d'annuler le jugement n° 1904436 du 22 avril 2022 du tribunal administratif de Toulon ; 3°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 4°) de mettre à la charge du département du Var une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public. La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 23 avril 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme B... relative à une récupération d'indu de revenu de solidarité active et de revenu de solidarité active complémentaire. Ce jugement ayant été rendu, en vertu du 1° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, en premier et dernier ressort, la présidente de la cour administrative d'appel a, par une ordonnance prise en application de l'article R. 351-2 du même code, transmis au Conseil d'Etat le jugement des conclusions dirigées contre lui par Mme B.... Celle-ci demande la révision et, à titre subsidiaire, la rectification pour erreur matérielle de l'ordonnance du 3 novembre 2022 par laquelle la présidente de la 1ère chambre de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a fait application des dispositions du 2° de l'article R. 822-5 du code de justice administrative pour refuser d'admettre en raison de son irrecevabilité, faute d'avoir été introduit par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, son pourvoi contre ce jugement. Sur le recours en révision : 2. Aux termes, d'une part, de l'article R. 834-1 du code de justice administrative, un recours en révision contre une décision contradictoire du Conseil d'Etat peut être présenté : " (...) / 3° Si la décision est intervenue sans qu'aient été observées les dispositions du présent code relatives à la composition de la formation de jugement, à la tenue des audiences ainsi qu'à la forme et au prononcé de la décision ". 3. Aux termes, d'autre part, de l'article R. 821-3 du code de justice administrative : " Le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est obligatoire pour l'introduction, devant le Conseil d'Etat, des recours en cassation, à l'exception de ceux dirigés contre les décisions des juridictions de pension ". Aux termes de l'article R. 822-5 du même code : " Lorsque le pourvoi est irrecevable pour défaut de ministère d'avocat (...), le président de la chambre peut décider par ordonnance de ne pas l'admettre ". Enfin, aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser ". Il résulte de ces dispositions que l'irrecevabilité tirée de ce qu'un pourvoi en cassation a été introduit sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ne peut être opposée à des conclusions soumises à cette obligation que si le requérant, invité à régulariser son pourvoi, s'est abstenu de donner suite à cette invitation. Si une copie de cette demande de régularisation peut être adressée à un mandataire du requérant, y compris un avocat autre qu'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui l'aurait représenté avant l'introduction du pourvoi devant le Conseil d'Etat, une demande adressée à un tel mandataire ne saurait tenir lieu de demande de régularisation adressée au requérant. 4. Il résulte des pièces du dossier que l'invitation à régularisation pour défaut de ministère d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation imposée par les dispositions rappelées ci-dessus pour que le pourvoi de Mme B... puisse être rejeté pour ce motif a été adressée seulement à l'avocat qui avait présenté en son nom, devant la cour administrative d'appel de Marseille, des conclusions dirigées contre le jugement du 23 avril 2022, et non à Mme B.... Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ce pourvoi ne pouvait, faute pour la requérante d'avoir été invitée à le régulariser, être regardé comme irrecevable et, pour ce motif, faire l'objet d'une ordonnance refusant son admission par application du 2° de l'article R. 822-5 du code de justice administrative. L'ordonnance attaquée ayant ainsi méconnu les dispositions du code de justice administrative relatives à la composition de la formation de jugement, le recours en révision est fondé et il y a lieu de statuer à nouveau sur le pourvoi de Mme B.... Sur le pourvoi en cassation n° 465404 de Mme B... : 5. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'État fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 6. Dans les circonstances de l'espèce, il convient de soumettre à nouveau le pourvoi de Mme B... à la procédure d'admission des pourvois en cassation prévue à l'article L. 822-1 du code de justice administrative. Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Var une somme de 3 000 euros à verser à Mme B... au titre de ces dispositions. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le recours en révision formé par Mme B... est admis. Article 2 : L'ordonnance du 3 novembre 2022 est déclarée non avenue. Article 3 : Le pourvoi initialement enregistré sous le n° 465404 est à nouveau soumis à la procédure d'admission des pourvois en cassation sous le numéro du présent recours. Article 4 : Le département du Var versera à Mme B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au département du Var. Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz Le rapporteur : Signé : M. Christophe Barthélemy Le secrétaire : Signé : M. Bernard Longieras |
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CETATEXT000048448411 | JG_L_2023_11_000000473372 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/84/CETATEXT000048448411.xml | Texte | Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21/11/2023, 473372 | 2023-11-21 00:00:00 | Conseil d'État | 473372 | 5ème - 6ème chambres réunies | Excès de pouvoir | B | SCP CAPRON | Mme Amel Hafid | M. Florian Roussel | Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 mars 2023 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a suspendu son permis de conduire pour une durée de dix mois et d'ordonner au préfet de lui restituer ce titre dans un délai de huit jours, sous astreinte. Par une ordonnance n°2300867 du 5 avril 2023, le juge des référés a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 avril, 26 avril, 22 juin et 27 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la route ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public. La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Capron, avocat de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". 2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la suite d'un accident de la circulation mortel survenu le 12 mars 2023, le préfet des Deux-Sèvres a prononcé par arrêté du 13 mars 2023 la suspension du permis de conduire de M. A... pour une durée de 10 mois. M. A... demande l'annulation de l'ordonnance du 5 avril 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté. 3. Aux termes de l'article L. 224-2 du code de la route, dans sa rédaction applicable : " I. - Le représentant de l'Etat dans le département peut, dans les soixante-douze heures de la rétention du permis prévue à l'article L. 224-1, ou dans les cent vingt heures pour les infractions pour lesquelles les vérifications prévues aux articles L. 234-4 à L. 234-6 et L. 235-2 ont été effectuées, prononcer la suspension du permis de conduire lorsque : (...) 4° Le permis a été retenu à la suite d'un accident de la circulation ayant entraîné la mort d'une personne ou ayant occasionné un dommage corporel, en application du 6° du I de l'article L. 224-1, en cas de procès-verbal constatant que le conducteur a commis une infraction en matière d'usage du téléphone tenu en main, de respect des vitesses maximales autorisées ou des règles de croisement, de dépassement, d'intersection et de priorités de passage ; (...) II.- La durée de la suspension du permis de conduire ne peut excéder six mois. Cette durée peut être portée à un an en cas d'accident de la circulation ayant entraîné la mort d'une personne". 4. Il résulte de ces dispositions que le représentant de l'Etat dans le département ne peut prononcer, sur leur fondement, une suspension de permis de conduire à la suite d'un accident de la circulation ayant entraîné la mort d'une personne que si un procès-verbal établi par un officier ou par un agent de police judiciaire justifie de façon suffisamment probante, quels que soient son intitulé ou sa formulation, de la commission par le conducteur en cause d'une des infractions qu'elles énumèrent. 5. Par suite, en se fondant seulement sur un avis de rétention immédiate du permis de conduire établi par les services de gendarmerie, qui se bornait à indiquer que les conditions de cette rétention immédiate étaient réunies, sans précision sur les circonstances de l'accident et l'implication de M. A..., pour estimer que le moyen qu'il invoquait, tiré de ce que l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 13 mars 2023 ne se fondait sur aucune infraction constatée à son encontre par procès-verbal n'était pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté, alors qu'un tel avis de rétention ne pouvait être regardé comme un procès-verbal constatant une infraction au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 224-2 du code de la route, le juge des référés a commis une erreur de droit qui justifie, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi l'annulation de son ordonnance. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Aux termes de l'article R. 415-7 du code de la route : " A certaines intersections indiquées par une signalisation dite "cédez le passage", tout conducteur doit céder le passage aux véhicules circulant sur l'autre ou les autres routes et ne s'y engager qu'après s'être assuré qu'il peut le faire sans danger. / Le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. / Tout conducteur coupable de cette infraction encourt également la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle. / Cette contravention donne lieu de plein droit à la réduction de quatre points du permis de conduire ". 8. Il ressort du courrier accompagnant la notification à M. A... de l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 13 mars 2023 que celui-ci s'est fondé, pour suspendre son permis de conduire, sur un procès-verbal établi par la brigade de gendarmerie de Saint-Varent, produit en défense par le ministre de l'intérieur et des outre-mer dans le cadre de la présente instance devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux. Il ressort des énonciations et des illustrations de ce document intitulé " procès-verbal de transport, constatation et mesures prises ", dressé par un agent de police judiciaire et un officier de police judiciaire au vu de constats immédiatement consécutifs à l'accident mortel impliquant M A..., que cet accident est consécutif à une manœuvre effectuée par M. A... en méconnaissance d'une règle de priorité matérialisée par un panneau lui imposant de céder le passage. Il résulte de ce qui été dit ci-dessus au point 4 qu'un tel document doit être regardé, alors même qu'il ne renvoie pas aux dispositions citées ci-dessus de l'article R. 415-7 du code de la route et qu'il ne procède pas à la qualification expresse d'une infraction à ces dispositions, comme un procès-verbal satisfaisant aux conditions posées par l'article L. 224-2 du code de la route. 9. Le seul moyen soulevé par M. A..., tiré de ce que l'arrêté attaqué ne serait fondé sur aucune infraction constatée à son encontre par procès-verbal, en méconnaissance de l'article L. 224-2 du code de la route n'est, par suite, pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté. L'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, M. A... n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution de cet arrêté. 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. A... soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du 5 avril 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers est annulée. Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz La rapporteure : Signé : Mme Amel Hafid Le secrétaire : Signé : M. Bernard Longieras |
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CETATEXT000048457887 | JG_L_2023_11_000000467841 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457887.xml | Texte | Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21/11/2023, 467841 | 2023-11-21 00:00:00 | Conseil d'État | 467841 | 5ème - 6ème chambres réunies | Plein contentieux | B | Mme Amel Hafid | M. Florian Roussel | Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 septembre 2021 par lequel le préfet de la Mayenne a prononcé la suspension de son permis de conduire pour une durée de six mois. Par un jugement n° 2105322 du 27 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a fait droit à sa demande. Par un pourvoi, enregistré le 28 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B... ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la route ; - le code de justice administrative. Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B... a fait l'objet d'une rétention de son permis de conduire par la gendarmerie le 29 août 2021, à la suite d'un dépistage positif à la cocaïne confirmé par un rapport d'expertise toxicologique du 1er septembre 2021. Par un arrêté du 2 septembre 2021, le préfet de la Mayenne a suspendu le permis de conduire de l'intéressé pour une durée de six mois. Le ministre de l'intérieur demande l'annulation du jugement du 27 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté pour excès de pouvoir. 2. Aux termes des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 235-2 du code de la route : " Les officiers ou agents de police judiciaire de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétents à leur initiative et, sur l'ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire adjoints, peuvent également, même en l'absence d'accident de la circulation, d'infraction ou de raisons plausibles de soupçonner un usage de stupéfiants, procéder ou faire procéder, sur tout conducteur ou tout accompagnateur d'élève conducteur, à des épreuves de dépistage en vue d'établir si cette personne conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. / Si les épreuves de dépistage se révèlent positives ou lorsque le conducteur refuse ou est dans l'impossibilité de les subir, les officiers ou agents de police judiciaire font procéder à des vérifications consistant en des analyses ou examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir si la personne conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. A cette fin, l'officier ou l'agent de police judiciaire peut requérir un médecin, un interne en médecine, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang ". Aux termes de l'article R. 235-5 du même code : " Les vérifications mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 235-2 comportent une ou plusieurs des opérations suivantes : / - examen clinique en cas de prélèvement sanguin ; / - analyse biologique du prélèvement salivaire ou sanguin ". Aux termes du I de l'article R. 235-6 de ce code : " Le prélèvement salivaire est effectué par un officier ou agent de police judiciaire de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétent à l'aide d'un nécessaire, en se conformant aux méthodes et conditions prescrites par l'arrêté prévu à l'article R. 235-4. / A la suite de ce prélèvement, l'officier ou l'agent de police judiciaire demande au conducteur s'il souhaite se réserver la possibilité de demander l'examen technique ou l'expertise prévus par l'article R. 235-11 ou la recherche de l'usage des médicaments psychoactifs prévus au même article. / Si la réponse est positive, il est procédé dans le plus court délai possible à un prélèvement sanguin dans les conditions fixées au II ". Aux termes du II du même article : " Le prélèvement sanguin est effectué par un médecin ou un étudiant en médecine autorisé à exercer à titre de remplaçant, dans les conditions fixées à l'article L. 4131-2 du code de la santé publique, requis à cet effet par un officier ou un agent de police judiciaire. Le prélèvement sanguin peut également être effectué par un biologiste requis dans les mêmes conditions. / Ce praticien effectue le prélèvement sanguin à l'aide d'un nécessaire mis à sa disposition par un officier ou un agent de police judiciaire, en se conformant aux méthodes prescrites par un arrêté pris dans les conditions prévues à l'article R. 235-4. / Un officier ou un agent de police judiciaire assiste au prélèvement sanguin ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 235-11 de ce code : " Dans un délai de cinq jours suivant la notification des résultats de l'analyse de son prélèvement salivaire ou sanguin, à condition, dans le premier cas, qu'il se soit réservé la possibilité prévue au deuxième alinéa du I de l'article R. 235-6, le conducteur peut demander au procureur de la République, au juge d'instruction ou à la juridiction de jugement qu'il soit procédé à partir du tube prévu au second alinéa de l'article R. 235-9 à un examen technique ou à une expertise en application des articles 60, 77-1 et 156 du code de procédure pénale ". 3. Il résulte de ces dispositions que la personne soupçonnée, à la suite d'un prélèvement salivaire de dépistage, d'un usage de stupéfiants, peut se réserver la possibilité de demander l'examen technique, l'expertise ou la recherche de l'usage des médicaments psychoactifs prévus par l'article R. 235-11 du code de la route. La circonstance que le conducteur n'a pas été mis à même de se réserver une telle possibilité ou qu'un souhait exprimé en ce sens n'a pas été pris en compte est de nature à entacher la régularité de la procédure engagée à son encontre. En revanche, elle ne saurait l'autoriser à se prévaloir, pour contester les résultats du prélèvement salivaire, des résultats d'une expertise réalisée de sa propre initiative, en-dehors de la procédure organisée par les dispositions citées au point 2 du code de la route. 4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour prononcer l'annulation de l'arrêté préfectoral contesté, le tribunal administratif s'est fondé sur la production par M. B... de résultats d'analyses qu'il a fait réaliser de sa propre initiative dans un laboratoire et qui concluent à l'absence de cocaïne dans ses prélèvements sanguins et urinaires, remettant ainsi en cause les résultats du prélèvement salivaire initial. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en se fondant sur les résultats de cet examen, réalisé en-dehors de la procédure organisée par le code de la route, le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. B... ne peut utilement se prévaloir des résultats de l'examen privé qu'il a produits. 7. M. B... se borne par ailleurs à alléguer, sans apporter un commencement de justification, que le dépistage salivaire positif à la cocaïne ne révélerait pas un usage de stupéfiants de sa part mais la présence fortuite d'une substance cocaïnique dans sa salive, dont l'origine proviendrait de substances laissées par un consommateur de cocaïne sur un verre dans lequel il aurait également bu. 8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2021 du préfet de la Mayenne qui a suspendu son permis de conduire. Sa demande doit, par suite, être rejetée. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 juillet 2022 est annulé. Article 2 : La demande B... présentée devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée. Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B.... Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 21 novembre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz La rapporteure : Signé : Mme Amel Hafid Le secrétaire : Signé : M. Bernard Longieras |
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CETATEXT000047720771 | J6_L_2023_06_00021MA01145 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/47/72/07/CETATEXT000047720771.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 22/06/2023, 21MA01145, Inédit au recueil Lebon | 2023-06-22 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 21MA01145 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. PORTAIL | SCP SVA | M. Marc-Antoine QUENETTE | M. ROUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Grameyer a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 août 2015 par lequel le maire de Sénas lui a retiré le permis de construire accordé le 13 mai 2015. Par un jugement n° 1508141 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté. La commune de Sénas a demandé à la Cour administrative d'appel de Marseille d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 et de rejeter la demande de la SCEA Grameyer présentée devant le tribunal administratif de Marseille. Par un arrêt n° 18MA02297 du 17 juillet 2020, la Cour a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête en tierce-opposition et des mémoires enregistrés le 18 mars 2021, le 28 juin 2021 et le 29 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Gras, demande à la Cour : 1°) de déclarer non avenu cet arrêt de la Cour du 17 juillet 2020 ; 2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 ; 3°) de rejeter la demande de la SCEA Grameyer présentée devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 août 2015 retirant le permis de construire délivré le 13 mai 2015 à la SCEA Grameyer ; 4°) de mettre à la charge de la SCEA Grameyer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la tierce-opposition est recevable ; - l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence en ce qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme ; - le projet architectural est incomplet en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ; - le projet méconnait les dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement sur l'étude d'impact ; - il méconnait les dispositions de l'article R. 431-18-1 du code de l'urbanisme ; - il méconnait les dispositions de l'article R. 111-11 du code de l'urbanisme ; - il méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; - il méconnait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme. Par des mémoires en défense enregistrés le 10 mai 2021, 15 juillet 2021 et 12 août 2021, la SCEA Grameyer, représentée par Me Versini Campinchi, conclut au rejet de la requête en tierce-opposition, de mettre en œuvre à titre subsidiaire les dispositions de l'article L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser le permis et demande en tout état de cause que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête en tierce-opposition est irrecevable ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Quenette, - les conclusions de M. Roux, rapporteur public - et les observations de Me Djabali, représentant M. A..., et de Me Louis, représentant la SCEA Grameyer. Une note en délibéré, présentée par Me Muller et Me Gras pour M. A..., a été enregistrée le 9 juin 2023. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 13 mai 2015, le maire de la commune de Sénas a délivré à la SCEA Grameyer un permis de construire une serre équipée de panneaux photovoltaïques destinée à la culture des asperges, au motif que la construction projetée était nécessaire à l'exercice de la profession agricole exercée par le pétitionnaire. A la suite de deux recours gracieux des 1 er et 17 juillet 2015 formés par des riverains et le préfet des Bouches-du-Rhône à l'encontre du projet, le maire de Sénas a, par un arrêté du 11 août 2015, retiré le permis de construire au motif que le projet de construction d'une serre photovoltaïque en vue de la culture d'asperges n'est pas compatible avec une activité agricole pérenne et ainsi méconnaît la vocation agricole de la zone sur laquelle il est implanté, et que l'autorisation initiale est illégale car non conforme à l'article 2NC du règlement du plan d'occupation des sols, alors en vigueur. Par un arrêt n° 18MA02297 du 17 juillet 2020, la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Sénas contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 qui a annulé l'arrêté de retrait du 11 août 2015 du permis de construire initial. M. A... forme tierce opposition à cet arrêt. Sur la recevabilité de la tierce-opposition : 2. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". 3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... dispose d'une habitation à proximité immédiate du projet de construction de serres agricoles présentant 16 983 mètres carrés de surface et 6,30 mètres de hauteur, susceptible de troubler les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de sa propriété et que le retrait a été prononcé à sa demande. 4. D'autre part, M. A..., dont les intérêts privés ne peuvent être regardés comme convergeant avec les intérêts publics de la commune alors même que cette dernière aurait fait droit à son recours gracieux en retirant le permis initialement octroyé à la SCEA Grameyer, n'a pas été présent ou régulièrement appelé à l'instance contestée. 5. Par suite, la tierce-opposition formée par M. A... est recevable. Sur le bienfondé du jugement attaqué : 6. En premier lieu, une substitution de motifs ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'administration auteur de la décision attaquée. Par suite, les motifs de retrait soulevés par M. A... seul, tirés de ce que le permis initial serait entaché d'incompétence, qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 431-18-1 du code de l'urbanisme, qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 111-11 du code de l'urbanisme, qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, ne peuvent utilement être invoqués par M. A.... 7. En second lieu, dans sa requête d'appel, la commune a soutenu, au terme d'une substitution de motif, que le permis de construire octroyé méconnaissait les dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement sur l'étude d'impact. 8. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, relatif aux pièces complémentaires devant être jointes à la demande de permis de construire en fonction de la situation ou de la nature du projet : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du Code de l'environnement (...) ". Selon l'article R. 122-2 du code de l'environnement : " I. - Les travaux, ouvrages ou aménagements énumérés dans le tableau annexé au présent article sont soumis à une étude d'impact soit de façon systématique, soit après un examen au cas par cas, en fonction des critères précisés dans ce tableau. / (...) ". Il ressort de la rubrique 26 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement que sont systématiquement soumis à étude d'impact les ouvrages de production électrique à partir de l'énergie solaire installée sur le sol pour les puissances égales ou supérieures à 250 kWc. La rubrique 36 du même tableau prévoit que sont systématiquement soumis à étude d'impact les travaux ou constructions réalisés en une ou plusieurs phases, lorsque l'opération crée une surface hors œuvre nette supérieure ou égale à 40 000 mètres carrés et, au cas par cas, les travaux ou constructions réalisées en une ou plusieurs phases, lorsque l'opération crée une SHON supérieure ou égale à 10 000 mètres carrés et inférieure à 40 000 mètres carrés. Selon l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, la surface de plancher d'une construction est la somme des surfaces de planchers de chaque niveau clos et couvert. L'article R. 122-3 du même code dans sa version alors applicable, dispose que : " I.- Pour les projets relevant d'un examen au cas par cas en application de l'article R. 122-2, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement, définie à l'article R. 122-6, examine, au regard des informations fournies par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage, si le projet doit faire l'objet d'une étude d'impact. / Les informations demandées au pétitionnaire sont définies dans un formulaire de demande d'examen au cas par cas dont le contenu est précisé par arrêté du ministre chargé de l'environnement. Ce formulaire comprend notamment : / une description des caractéristiques principales du projet, notamment sa nature, sa localisation et ses dimensions ; / une description succincte des éléments visés aux 2° et 3° du II de l'article R. 122-5 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet. (...) IV.-L'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement dispose d'un délai de trente-cinq jours à compter de la réception du formulaire complet pour informer, par décision motivée, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage de la nécessité ou non de réaliser une étude d'impact. L'absence de réponse au terme de ce délai vaut obligation de réaliser une étude d'impact. (...) / V.- Tout recours contentieux contre la décision imposant la réalisation d'une étude d'impact doit, à peine d'irrecevabilité, être précédé d'un recours administratif préalable devant l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement qui a pris la décision. / (...) ". 9. Le projet en litige ne constitue par un ouvrage de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installée sur le sol mais sur des serres. En outre, la décision en litige est antérieure à la date du 16 mai 2017 impartie aux états membres pour se conformer à la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011. La circonstance à la supposer établie que la rubrique 26 dans sa version applicable au litige, en se bornant à ne viser que les installations de production d'électricité au sol, méconnaitrait les objectifs de cette directive, est dès lors sans influence sur la légalité du permis de construire attaqué. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les constructions de serres agricoles envisagées sur une surface de près de 17 000 mètres carrés sont d'une part pourvues d'une toiture partiellement recouverte de panneaux photovoltaïques et d'autre part de murs des façades composés de films plastiques escamotables par un système d'enroulement permettant une aération de la serre par les côtés. Cependant, le système de fermeture souple et amovible, dépourvu de toute fondation ou fermeture hermétique, ne peut être regardé, dans le cas d'espèce, comme constituant un espace clos. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le permis initialement délivré était soumis à étude d'impact, le cas échéant au cas par cas, en application des dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement. 10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêt n° 18MA02297 du 17 juillet 2020 est non avenu, et à demander l'annulation du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 11 août 2015 du maire de Sénas retirant le permis de construire accordé le 13 mai 2015 à la SCEA Grameyer. Sur les frais liés au litige : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au profit de la SCEA Grameyer au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. A... soient mises à la charge de la SCEA Grameyer, qui n'est pas la partie perdante. D É C I D E : Article 1er : La tierce opposition de M. A... est admise. Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées. Article 3 : M. A... versera une somme de 2 000 euros à la société civile d'exploitation agricole Grameyer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A..., à la société civile d'exploitation agricole Grameyer et à la commune de Sénas. Copie sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Quenette, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2023. 2 N° 21MA01145 |
CETATEXT000047857575 | J2_L_2023_07_00021LY04226 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/47/85/75/CETATEXT000047857575.xml | Texte | CAA de LYON, 1ère chambre, 06/07/2023, 21LY04226 | 2023-07-06 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY04226 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C+ | Mme MEHL-SCHOUDER | GRISEL | M. François BODIN-HULLIN | M. LAVAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 juillet 2018, le 9 août 2018, le 11 octobre 2018 et le 25 juin 2020, sous le n° 1804848, la société civile immobilière (SCI) L'Eau Vive, M. A... et Mme F... G..., Mme D... K..., Mme E... J... et M. B... G... ont demandé au tribunal d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 février 2018 par lequel le maire de la commune de Megève a délivré un permis de démolir et de construire un chalet d'habitation à M. C... et à Mme H... ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, et, d'autre part, l'arrêté du 13 juillet 2018 par lequel il leur a délivré un permis de construire modificatif. Par un jugement avant-dire-droit du 13 juillet 2021, pris sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur ces demandes, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, dans l'attente de la notification au tribunal d'une mesure de régularisation des vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. Par un jugement n°s 1804848 et 1805857 du 9 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la SCI L'eau Vive et autres en annulant les permis de construire des 8 février et 13 juillet 2018. Procédure devant la cour I) Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2021 sous le n° 21LY04227, la commune de Megève, représentée par Me Antoine, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 ; 2°) de rejeter les demandes de première instance de la SCI L'eau Vive et autres ; 3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la SCI L'eau Vive et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier, la délivrance du permis modificatif constituant une circonstance de droit nouvelle imposant la réouverture de l'instruction ; - le permis modificatif du 4 octobre 2021 régularise les vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. La requête a été communiquée à la SCI L'eau Vive et autres, qui n'a pas produit de mémoire. Par ordonnance du 17 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2023. II) Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2021 sous le n° 21LY04226, la commune de Megève, représentée par Me Antoine, demande à la cour : 1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 ; 2°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la SCI L'eau Vive et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en l'absence de réouverture de l'instruction ; - le permis modificatif du 4 octobre 2021 régularise les vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. La requête a été communiquée à la SCI L'eau Vive et autres, qui n'a pas produit de mémoire. Par ordonnance du 17 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2023. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ; - les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ; - les observations de Me Chaussat pour la commune de Megève ainsi que celles de Me Grisel pour la SCI L'eau Vive et autres. Une note en délibéré, présentée pour la commune de Megève, a été enregistrée le 23 mars 2023. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 8 février 2018, le maire de la commune de Megève a délivré à M. C... et à Mme H..., sur une parcelle cadastrée section AP n°..., au lieu-dit Glaise Est, un permis de construire portant sur la construction d'un chalet d'habitation d'une surface de plancher de 230,75 m², valant permis de démolir un mazot de 6,51 m². Il a accordé le 13 juillet 2018 un permis modificatif portant sur une création supplémentaire de surface de plancher de 12,30 m², une modification de l'emprise au sol et un abaissement de la toiture. La SCI L'Eau vive, M. A... G..., Mme F... G..., Mme D... K..., Mme E... J... et M. B... G... ont présenté un recours gracieux, reçu le 4 avril 2018 par la commune, tendant au retrait du permis initial, qui a été implicitement rejeté. Par une première requête, enregistrée sous le n° 1804848, ils ont demandé l'annulation de ces permis, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1805857, ils ont demandé l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2018 portant permis de construire modificatif. Par un jugement avant dire droit du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur ces requêtes jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, dans l'attente d'une mesure régularisant les vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. Le maire de la commune de Genève a délivré une mesure de régularisation M2 par un arrêté du 4 octobre 2021, qui porte sur la suppression de la rampe d'accès au garage enterré et la création de deux places de stationnement extérieures en gravier, mais qui n'a été produit devant le tribunal administratif que par une note en délibéré. Par un jugement du 9 décembre 2021, le tribunal administratif a annulé les permis de construire des 8 février et 13 juillet 2018 en retenant l'absence de régularisation des vices dans son jugement avant-dire-droit. La commune de Megève relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 qui a fait droit à la demande de la SCI L'eau Vive et autres en annulant les arrêtés du 8 février 2018 et du 13 juillet 2018. Elle demande également, dans une requête distincte, le sursis à exécution de ce jugement. 2. Les deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt. Sur la requête n° 21LY04227 : En ce qui concerne la régularité du jugement du 9 décembre 2021 : 3. D'une part, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme: " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ". A l'issue du délai qu'il a fixé dans sa décision avant dire droit pour que lui soient adressées la ou les mesures de régularisation du permis de construire attaqué, le juge peut à tout moment statuer sur la demande d'annulation de ce permis et, le cas échéant, y faire droit si aucune mesure de régularisation ne lui a été notifiée. Il ne saurait toutefois se fonder sur la circonstance que ces mesures lui ont été adressées alors que le délai qu'il avait fixé dans sa décision avant dire droit était échu pour ne pas en tenir compte dans son appréciation de la légalité du permis attaqué. 4. D'autre part, lorsque le juge est saisi d'un recours dirigé contre un permis de construire et qu'est produit devant lui, postérieurement à la clôture de l'instruction, un permis modificatif qui a pour objet de modifier des éléments contestés du permis attaqué et qui ne pouvait être produit avant la clôture de l'instruction, il lui appartient, sauf si ce permis doit en réalité être regardé comme un nouveau permis, d'en tenir compte et de rouvrir en conséquence l'instruction. Lorsqu'il s'agit d'un permis de régularisation, sa production après la clôture de l'instruction rend le vice susceptible d'être régularisé inopérant contre le permis initial et constitue, si la partie qui le produit n'était pas en mesure d'en faire état avant la clôture de l'instruction, une circonstance nouvelle susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire imposant dès lors d'en tenir compte et, en conséquence, de rouvrir l'instruction. 5. En l'espèce, si, postérieurement au jugement avant-dire-droit du 13 juillet 2021, une mesure de régularisation a été prise le 4 octobre 2021, elle n'a toutefois été produite que dans le cadre d'une note en délibéré, enregistrée au greffe du tribunal administratif postérieurement à l'audience du 15 novembre 2021. La commune de Megève n'apporte aucune explication sur l'impossibilité de produire cette décision avant cette date. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que le tribunal administratif, en prononçant l'annulation des permis en litige sans rouvrir l'instruction pour prendre en compte cette mesure de régularisation, a statué au terme d'une procédure irrégulière. En ce qui concerne les vices fondant l'annulation des permis de construire : 6. L'examen de la légalité des permis de construire des 8 février 2018 et 13 juillet 2018 impose d'examiner si, comme le soutient la commune de Megève en appel, la mesure de régularisation du 4 octobre 2021 produite dans le dossier d'appel et communiquée par la cour, a régularisé les vices relevés par le tribunal dans son jugement d'annulation. S'agissant de la méconnaissance des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : 7. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / (...) ". 8. Le sursis à statuer prononcé par le jugement avant-dire-droit du 13 juillet 2021 était fondé sur l'absence de production, dans le dossier de demande de permis de construire modificatif, du plan de coupe de la façade nord-ouest, ne permettant pas aux services instructeurs de se prononcer sur l'appréciation des règles d'implantation, de volume et de hauteur. Ce vice a toutefois été régularisé par la production de ce plan dans le dossier de la mesure de régularisation du 4 octobre 2021. S'agissant de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme : 9. Aux termes de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme : " 11.2 Dispositions particulières à l'ensemble de la zone UH concernant les constructions : / a. Implantation et volume : / (...) / Dans les secteurs UH2, UH3 et UH3p, - dans le cas d'une construction nouvelle ou d'extensions d'une construction existante, le rapport entre la hauteur maximum telle que définie à l'article 10 et la longueur de la façade pignon (hors éléments de débord) des constructions principales doit être au maximum de 0,65. " Aux termes de l'article 10 UH du règlement du plan local d'urbanisme : " HAUTEUR MAXIMALE / 10.1 Dispositions générales à l'ensemble de la zone UH : / (...) / La hauteur maximum des bâtiments est mesurée entre tout point situé sur la ligne de faîtage la plus haute de l'ensemble immobilier indivisible, projeté sur le point le plus bas du terrain fini après travaux d'exhaussement ou d'affouillement de sol nécessaires pour la réalisation du projet, pris dans le périmètre d'emprise au sol au droit des façades (hors balcons) dudit ensemble immobilier indivisible. / (...)/ 10.2 Dispositions particulières à l'ensemble de la zone UH : / La hauteur maximum telle que définie ci-dessus doit, en premier lieu s'intégrer à l'environnement bâti existant et en second lieu, ne pas excéder : / (...) / - dans le secteur UH2 : 13 m / (...) / ". 10. Il ressort de la mesure de régularisation du 4 octobre 2021 qu'en supprimant la rampe d'accès au garage enterré en façade nord-ouest et le garage enterré, le point le plus bas du terrain fini après travaux ne correspond plus au point situé à ce niveau mais au point d'altitude 1098,80 au niveau du rez-de-chaussée. La longueur de la façade pignon du projet litigieux dans la mesure de régularisation du 4 octobre 2021 est de 13 mètres avec une hauteur de 8,45 mètres, le rapport s'établissant ainsi désormais à 0,65, en conformité avec les dispositions précitées de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme. Le vice retenu par le tribunal tiré de la méconnaissance, par les permis de construire des 8 février et 13 juillet 2018, des dispositions de cet article 11.2 UH a, dès lors, été régularisé. 11. Il résulte de tout ce qui précède que les vices retenus par le tribunal administratif dans son jugement avant-dire-droit ont été régularisés. La commune de Megève est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à la demande de la SCI L'eau Vive et autres. Sur la requête n° 21LY04226 : 12. Le présent arrêt ayant statué sur la requête de la commune de Megève tendant à l'annulation du jugement du 9 décembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21LY04226 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution. Sur les frais liés au litige : 13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SCI L'eau Vive et autres la somme que demande la commune de Megève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 est annulé. Article 2 : Les conclusions en annulation présentées par la SCI l'Eau Vive et autres sont rejetées. Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21LY04226. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Megève sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) L'Eau Vive, à M. A... et Mme F... G..., à Mme D... K..., à Mme E... J..., à M. B... G..., à la commune de Megève. Copie en sera adressée à M. C... et à Mme H.... Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre, Mme Camille Vinet, présidente-assesseure, M. François Bodin-Hullin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023. Le rapporteur, F. Bodin-Hullin La présidente, M. I... La greffière, F. Prouteau La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N°s 21LY04226-21LY04227 |
CETATEXT000048147010 | J2_L_2023_09_00021LY02876 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/14/70/CETATEXT000048147010.xml | Texte | CAA de LYON, 6ème chambre, 29/09/2023, 21LY02876 | 2023-09-29 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY02876 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C+ | M. POURNY | SELARL SISYPHE | M. Bernard GROS | Mme COTTIER | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... a demandé au Tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 29 novembre 2019 par laquelle l'université Jean Moulin - Lyon 3 l'a ajournée à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats et d'enjoindre à l'université Jean Moulin - Lyon 3 de réexaminer sa situation. Par un jugement n° 2002605 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 29 novembre 2019 par laquelle le jury de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats a ajourné Mme D... à cet examen et enjoint à l'université Jean Moulin - Lyon 3 de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 août 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 23 juin 2022, l'université Jean Moulin-Lyon 3, représentée par la SELARL Sisyphe Avocats, agissant par Me Gardien, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2002605 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Lyon et de rejeter la demande de Mme D... présentée devant le tribunal administratif de Lyon ; 2°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'université soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier pour être insuffisamment motivé, ne faisant en effet pas apparaître les motifs pour lesquels le défaut d'impartialité reproché au jury aurait exercé une influence déterminante sur la note qui a été attribuée à Mme D... ; - aucun manquement au principe d'impartialité du jury ne peut être retenu dès lors que l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 2016 interdit uniquement aux membres du jury des épreuves de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats d'enseigner dans une formation publique et une formation privée préparant à l'examen ; - après évocation, la cour constatera que les moyens soulevés par Mme D... dans sa demande de première instance ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense enregistrés les 20 avril 2022 et 2 septembre 2022, Mme D..., représentée par Me François, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'université Jean Moulin - Lyon 3 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme D... soutient que : - le jury était irrégulièrement composé car un membre du jury était également directrice de l'institut d'études judiciaires de Lyon et enseignante dans la préparation à l'examen d'entrée organisé par l'université Jean Moulin - Lyon 3, en méconnaissance de l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 2016 ; - compte-tenu de l'écart relevé entre sa moyenne générale et celle requise pour l'admission, cette irrégularité a été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision finale. Vu : - le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié organisant la profession d'avocat ; - le décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016 modifiant les conditions d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats ; - l'arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : * le rapport de M. Gros, premier conseiller, * les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique, * les observations de Me François représentant Mme D... et celles de Me Gardien pour l'université Jean Moulin - Lyon 3. Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., candidate à l'examen d'entrée de l'école des avocats de la région Rhône-Alpes organisé par l'université Jean Moulin - Lyon 3 en septembre 2019 a, par décision du 29 novembre 2019, été ajournée à l'issue des épreuves d'admission avec une moyenne générale de 139,50 sur 280. Elle a demandé l'annulation de cette décision. Par un jugement du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé ladite décision et enjoint à l'université Jean Moulin - Lyon 3 le réexamen de la situation de Mme D.... L'université Jean Moulin - Lyon 3 relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce qu'allègue l'université Jean Moulin - Lyon 3, le tribunal a suffisamment exposé les motifs de fait et de droit de sa décision. La circonstance qu'il n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles l'irrégularité dans la composition du jury a pu exercer une influence sur le sens de la délibération du jury qui a ajourné Mme D... ne caractérise pas en elle-même un défaut de motivation. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lyon : 3. Aux termes du troisième alinéa de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 17 octobre 2016, les membres de la commission nationale chargée d'élaborer les sujets des épreuves écrites d'admissibilité et d'harmoniser les critères de correction : " (...) ne peuvent enseigner dans une formation publique ou privée préparant à l'examen d'accès dans les centres régionaux de formation professionnelle d'avocats, ni être membres d'un jury de l'examen de l'année au titre de laquelle les sujets sont élaborés. (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 4 du même arrêté : " Les examinateurs et les membres du jury ne peuvent enseigner simultanément dans une formation publique et privée préparant à l'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats au cours de l'année universitaire au titre de laquelle l'examen est organisé et l'année universitaire précédant celle-ci ". 4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... C..., directrice de l'institut d'études judiciaires de Lyon et intervenante, dans cet institut, dans la préparation à l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats dans la matière " droits et libertés fondamentaux - aspects droit pénal " a également été nommée, la même année 2019, membre du sous-jury de l'épreuve du grand oral de l'examen d'entrée à l'école des avocats de la Région Rhône-Alpes qui a évalué la prestation de Mme D... et membre du jury de cet examen. Toutefois, les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 2016 ne permettent pas qu'un enseignant dans une formation, publique ou privée, préparant à l'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats soit, l'année de l'examen ou l'année précédant celui-ci, également examinateur ou membre de ce jury. Dès lors, les dispositions de l'article 4 de l'arrêté précité qui visent à garantir l'application des principes d'impartialité des membres du jury à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats et d'égalité de traitement entre tous les candidats à cet examen, ont été méconnues. Cette irrégularité, qui ne constitue pas un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable mais concerne la composition du jury ayant pris la décision d'ajournement litigieuse, emporte l'annulation de la décision d'ajournement contestée. 5. Il résulte de ce qui précède que l'université Jean Moulin - Lyon 3 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 29 novembre 2019 par laquelle le jury de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats a ajourné Mme D.... Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université Jean Moulin - Lyon 3 une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de l'université Jean Moulin - Lyon 3 est rejetée. Article 2 : L'université Jean Moulin - Lyon 3 versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'université Jean Moulin - Lyon 3 et à Mme A... D.... Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pourny, président de chambre, M. Gros, premier conseiller, Mme Vergnaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023. Le rapporteur, B. GrosLe président, F. Pourny La greffière, F. Abdillah La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY02876 |
CETATEXT000048206437 | JG_L_2023_10_000000473321 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/20/64/CETATEXT000048206437.xml | Texte | Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13/10/2023, 473321, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-13 00:00:00 | Conseil d'État | 473321 | 3ème - 8ème chambres réunies | Excès de pouvoir | C | SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SARL LE PRADO – GILBERT | M. Aurélien Caron | Mme Marie-Gabrielle Merloz | Vu la procédure suivante : 1° M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 24 août 2018 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain a rejeté sa demande tendant à l'application pour l'avenir le concernant de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, de condamner le SDIS de l'Ain, à titre principal, à lui verser une somme égale au traitement correspondant aux 9 105 heures de gardes ou astreintes effectuées en sa qualité de sapeur-pompier volontaire pendant les années 2014 à 2017, déduction faite des indemnités perçues à ce titre, assortie des intérêts capitalisés ou, à titre subsidiaire, à lui verser une indemnité représentative de cette perte de rémunération assortie des intérêts capitalisés et de condamner le SDIS de l'Ain à l'indemniser des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'organisation de son travail, représentant 20 % des sommes allouées au principal et assortie des intérêts capitalisés. Par un jugement n° 1807900 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes de M. E.... Par un arrêt n° 20LY01494 du 15 février 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. E... contre ce jugement. Sous le n° 473321, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 avril et 17 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par deux mémoires distincts, enregistrés les 17 juillet et 8 septembre 2023, M. E... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 723-15 du code de la sécurité intérieure. Il soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 88-1 de la Constitution du fait de l'absence de transposition de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 à la situation des sapeurs-pompiers volontaires et de la méconnaissance par ces dispositions législatives de cette directive de 2003. Par un mémoire, enregistré le 2 août 2023, le SDIS de l'Ain conclut à ce que la question de constitutionnalité ne soit pas renvoyée au Conseil constitutionnel. Il fait valoir que la question soulevée par M. E... n'est ni nouvelle ni sérieuse. Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut à ce que la question soulevée ne soit pas transmise au Conseil constitutionnel. Il soutient que cette question n'est ni nouvelle, ni sérieuse. Les deux mémoires distincts ont été communiqués à la Première ministre qui n'a pas produit de mémoire. 2° M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 24 août 2018 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain a rejeté sa demande tendant à l'application pour l'avenir le concernant de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, de condamner le SDIS de l'Ain à lui verser une somme égale au traitement correspondant aux 12 520 heures de gardes ou astreintes effectuées en sa qualité de sapeur-pompier volontaire pendant les années 2015 à 2018 déduction faite des indemnités perçues à ce titre, assortie des intérêts capitalisés ou, à titre subsidiaire, à lui verser une indemnité représentative de cette perte de rémunération assortie des intérêts capitalisés et de condamner le SDIS de l'Ain à l'indemniser des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'organisation de son travail, représentant 20 % des sommes allouées au principal et assortie des intérêts capitalisés. Par un jugement n° 1807901 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes de M. F.... Par un arrêt n° 20LY01496 du 15 février 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. F... contre ce jugement. Sous le n° 473322, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 avril et 17 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par deux mémoires distincts, enregistrés les 17 juillet et 8 septembre 2023, M F... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 723-15 du code de la sécurité intérieure. Il soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 88-1 de la Constitution du fait de l'absence de transposition de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 à la situation des sapeurs-pompiers volontaires et de la méconnaissance par ces dispositions législatives de cette directive de 2003. Par un mémoire, enregistré le 2 août 2023, le SDIS de l'Ain conclut à ce que la question de constitutionnalité ne soit pas renvoyée au Conseil constitutionnel. Il fait valoir que la question soulevée par M. F... n'est ni nouvelle ni sérieuse. Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut à ce que la question soulevée ne soit pas transmise au Conseil constitutionnel. Il soutient que cette question n'est ni nouvelle, ni sérieuse. Les deux mémoires distincts ont été communiqués à la Première ministre qui n'a pas produit de mémoire. .................................................................................... 3° M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 septembre 2018 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental-métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône a rejeté sa demande tendant à l'application pour l'avenir le concernant de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, de condamner le SDMIS du Rhône à lui verser une somme égale au traitement correspondant aux 19 089 heures de gardes ou astreintes effectuées en sa qualité de sapeur-pompier volontaire pendant les années 2014 à 2017 déduction faite des indemnités perçues à ce titre, assortie des intérêts capitalisés ou, à titre subsidiaire, à lui verser une indemnité représentative de cette perte de rémunération assortie des intérêts capitalisés et de condamner le SDMIS du Rhône à l'indemniser des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'organisation de son travail, représentant 20 % des sommes allouées au principal et assortie des intérêts capitalisés. Par un jugement n° 1808159 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes de M. C.... Par un arrêt n° 20LY01495 du 15 février 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement. Sous le n° 473323, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 avril et 17 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge du service départemental métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par deux mémoires distincts, enregistrés les 17 juillet et 8 septembre 2023, M C... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 723-15 du code de la sécurité intérieure. Il soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 88-1 de la Constitution du fait de l'absence de transposition de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 à la situation des sapeurs-pompiers volontaires et de la méconnaissance par ces dispositions législatives de cette directive de 2003. Par un mémoire, enregistré le 2 août 2023, le SDMIS du Rhône conclut à ce que la question de constitutionnalité ne soit pas renvoyée au Conseil constitutionnel. Il fait valoir que la question soulevée par M. C... n'est ni nouvelle ni sérieuse. Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut à ce que la question soulevée ne soit pas transmise au Conseil constitutionnel. Il soutient que cette question n'est ni nouvelle, ni sérieuse. Les deux mémoires distincts ont été communiqués à la Première ministre qui n'a pas produit de mémoire. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 ; - la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 ; - la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Aurélien Caron, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de MM. A... E..., D... F... et B... G..., à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du service départemental d'incendie et de secours de l'Ain et du service départemental-métropolitain d'incendie et de secours du Rhône ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 octobre 2023, présentée par MM. E..., F... et C... ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 2. Les mémoires de MM. E..., F... et C... soulevant la même question prioritaire de constitutionnalité, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision. 3. Aux termes de l'article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure : " L'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres ". Aux termes de l'article L. 723-6 de ce code : " Le sapeur-pompier volontaire prend librement l'engagement de se mettre au service de la communauté. Il exerce les mêmes activités que les sapeurs-pompiers professionnels. Il contribue ainsi directement, en fonction de sa disponibilité, aux missions de sécurité civile de toute nature confiées aux services d'incendie et de secours ou aux services de l'Etat qui en sont investis à titre permanent ". Aux termes de l'article L. 723-15 du code de la sécurité intérieure : " Les activités de sapeur-pompier volontaire, de membre des associations de sécurité civile et de membre des réserves de sécurité civile ne sont pas soumises aux dispositions législatives et réglementaires relatives au temps de travail ". 4. Les dispositions de l'article L. 723-15 du code de la sécurité intérieure sont applicables au litige, contrairement à ce que soutiennent le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain et le service départemental-métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône dans leurs observations, et elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 6. Les requérants soutiennent que l'article L. 723-15 du code de la sécurité intérieure, cité au point 3, méconnaît le principe d'égalité devant la loi en ce qu'il exclut les activités des sapeurs-pompiers volontaires des dispositions législatives relatives au temps de travail, alors que de telles dispositions encadrent l'activité des sapeurs-pompiers professionnels, dont la situation, selon eux, ne présente pas avec celle des sapeurs-pompiers volontaires une différence telle qu'elle justifie cette différence de traitement. Toutefois, cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet des dispositions régissant la situation des sapeurs-pompiers volontaires, citées au point 3, qui visent à assurer la continuité des missions de sécurité civile de toute nature confiées aux services d'incendie et de secours et aux services de l'Etat investis de ces missions à titre permanent, en permettant d'associer aux sapeurs-pompiers professionnels, agents de la fonction publique territoriale, des sapeurs-pompiers susceptibles d'exercer la même activité, mais à titre non professionnel, et dans le cadre d'un engagement volontaire et bénévole dont ils déterminent eux-mêmes l'ampleur en fonction de leurs disponibilités. Par suite, le grief tiré de l'atteinte portée au principe d'égalité devant la loi ne présente pas un caractère sérieux. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Le principe d'égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l'objet d'un traitement différent, sous réserve que le législateur se fonde sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose et qu'il ne fasse pas peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs capacités contributives. 8. Les requérants n'invoquent aucun argument à l'appui du grief tiré de la méconnaissance par les dispositions en litige du principe d'égalité devant les charges publiques. Dès lors, il ne présente pas un caractère sérieux. 9. En troisième lieu, aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ". 10. Il résulte des dispositions de l'article L. 723-6 du code de la sécurité intérieure, citées au point 3, que, ainsi qu'il a été dit au point 6, les sapeurs-pompiers volontaires exercent leur activité dans le cadre d'un engagement volontaire dont ils déterminent eux-mêmes l'ampleur en fonction de leurs disponibilités, la loi ne prévoyant à cet égard aucune obligation minimale, et dont ils peuvent demander à tout moment la suspension ou la résiliation. Il résulte en outre de l'article L. 723-11 du même code que l'employeur d'un sapeur-pompier volontaire peut conclure avec le service d'incendie et de secours une convention afin de préciser les modalités de la disponibilité de l'intéressé, et se voit communiquer, s'il le demande, la programmation des gardes. Eu égard aux caractéristiques de cet engagement volontaire et bénévole, le législateur n'a pas méconnu les garanties découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et en particulier le droit au repos et aux loisirs, en excluant les sapeurs-pompiers volontaires du champ d'application des dispositions législatives relatives au temps de travail. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de ces garanties ne présente pas un caractère sérieux. 11. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que les dispositions de l'article L. 723-15 du code de la sécurité intérieure méconnaissent l'exigence constitutionnelle de transposition des directives résultant de l'article 88-1 de la Constitution en l'absence de transposition de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail à la situation des sapeurs-pompiers volontaires, cette exigence n'est pas au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit, au sens de son article 61-1. Elle ne saurait, par suite, être invoquée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité. 12. En cinquième lieu, si les requérants soutiennent que les dispositions de l'article L. 723-15 du code de la sécurité intérieure sont contraires à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, le moyen tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative aux engagement européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité. Un tel moyen ne saurait par suite être utilement invoqué au soutien d'une question prioritaire de constitutionnalité. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MM. E..., F... et C.... Article 2 : La présente décision sera notifiée à MM. A... E..., D... F... et B... C..., au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain et au service départemental-métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré à l'issue de la séance du 27 septembre 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Aurélien Caron, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 13 octobre 2023. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé Le rapporteur : Signé : M. Aurélien Caron La secrétaire : Signé : Mme Elsa Sarrazin |
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CETATEXT000048236320 | J7_L_2023_10_00022DA01892 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/23/63/CETATEXT000048236320.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 17/10/2023, 22DA01892, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-17 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01892 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme Viard | SCP BOUTET-HOURDEAUX | M. Frédéric Malfoy | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision du 18 juin 2020 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a refusé de lui accorder la carte du combattant, d'autre part, d'enjoindre à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre de lui délivrer cette carte. Par un jugement n° 2002723 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 18 juin 2020 de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et lui a enjoint de délivrer à M. A... la carte du combattant dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Procédure devant la cour : Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires enregistrés le 6 septembre 2022, le 24 octobre 2022, le 31 mai 2023 et le 12 juillet 2023, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, représenté par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... ; 3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; le tribunal n'a pas précisé les circonstances très particulières sur lesquelles il se fonde pour exonérer M. A... de justifier qu'il remplit les critères des articles L. 311-2 et R. 311-14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; c'est à tort que le tribunal a considéré que le devoir de discrétion qui s'impose aux fonctionnaires justifie que le demandeur ne soit pas en mesure de rapporter la preuve qu'il remplit les conditions nécessaires à l'attribution de la carte du combattant ; l'article D. 311-25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre impose au fonctionnaire de produire au service compétent de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) les pièces justifiant de sa qualité de combattant de sorte qu'il est expressément prévu par un texte qu'il puisse être dérogé à l'obligation de discrétion ; l'Office peut se voir communiquer ces éléments quant à la mission dès lors qu'il s'agit d'un établissement public placé sous la tutelle du ministre de la défense et que ses agents sont soumis au même devoir de discrétion et de secret professionnel ; - en n'imposant pas au ministre des armées, pour statuer en toute connaissance de cause, de préciser la nature des missions confiées à M. A... lorsqu'il était affecté dans la région du golfe persique, le tribunal a méconnu son office ; le tribunal pouvait demander au ministre des armées d'apporter les précisions nécessaires sans que le devoir de discrétion ou un quelconque secret protégé par la loi n'y fasse obstacle ; - M. A... ne satisfait pas aux conditions prévues par les articles L. 311-2 et R. 311-14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour la délivrance de la carte du combattant ; s'il a exercé des missions pendant plus de quatre mois dans la région du golfe persique, aucune pièce n'établit qu'il aurait servi dans une unité combattante impliquée dans une opération extérieure au sens de l'arrêté du 12 janvier 1994 ; les deux attestations qu'il a produites sont insuffisantes à établir sa participation à des opérations au sens de ces dispositions ; - la circonstance qu'il a obtenu le titre de reconnaissance des services rendus à la France pour sa participation aux opérations du Golfe ne permet pas de présumer qu'il satisfait aux conditions requises pour la délivrance de la carte du combattant. Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 décembre 2022, le 23 juin 2023 et le 31 août 2023, M. A..., représenté par la SCP Boutet-Hourdeaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés ; - les premiers juges ont exposé la nature des circonstances particulières permettant de regarder comme satisfaites, les conditions de délivrance de la carte du combattant ; ce faisant ils ont satisfait à l'obligation de motivation du jugement ; - contrairement à ce que soutient l'Office, les premiers juges n'ont pas retenu que le devoir de discrétion et de respect du secret professionnel auquel il est soumis, impliquait de facto la délivrance de la carte du combattant ; faute pour le demandeur de pouvoir apporter des éléments plus précis sur la nature de la mission, le tribunal a toutefois pu se fonder sur d'autres éléments de preuve permettant d'attester de la réalité de cette mission tels que le titre de reconnaissance de la Nation et les deux attestations de la direction de l'administration des armées ; ces pièces suffisent à démontrer sa participation aux opérations extérieures ; - il résulte des éléments constitutifs du dossier de première instance, que le tribunal était en mesure de statuer ; en n'imposant pas au ministre des armées, par une mesure d'instruction, de préciser la nature de ses missions, les premiers juges n'ont ainsi pas méconnu leur office ; - l'appartenance à une unité combattante, s'agissant des personnels civils, n'est pas une condition impérative pour l'attribution de la carte du combattant. Par une ordonnance du 12 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 août 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Amsallem-Aidan pour l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, et de Me Boutet pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé en tant qu'agent personnel civil dans les services du ministère des armées à compter du 1er février 1986 puis en qualité de fonctionnaire à partir du 15 mars 1987. Durant sa carrière, M. A... a notamment été affecté en mission dans la région du Golfe du 3 octobre 1988 au 31 juillet 1991. En 2020, M. A... a sollicité la reconnaissance de la qualité de combattant pour ses services effectués en zone du Golfe lors du conflit de 1991, qui lui a été refusée par une décision du 18 juin 2020 de la directrice de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). A la demande de M. A..., par un jugement du 7 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ce refus et a enjoint à l'ONACVG de lui délivrer la carte du combattant. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur. 3. Pour retenir, au point 3 du jugement attaqué, que M. A... doit être regardé comme une personne civile ayant, en vertu des décisions des autorités françaises, participé au sein d'unités françaises à des missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France et effectué au moins quatre mois de services au titre des opérations extérieures au sens de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, les premiers juges se sont fondés sur des attestations du chef du service du personnel du ministère de la défense et du chef du service de gestion des ressources humaines du ministère des armées, selon lesquelles l'intéressé a servi en qualité de fonctionnaire du ministère des armées au cours d'une mission longue dans la région du Golfe du 3 octobre 1988 au 31 juillet 1991. Ils se sont également fondés sur la circonstance, non contestée, que les fonctions exercées par l'intéressé le soumettant à un devoir de discrétion, il ne peut apporter aucun élément supplémentaire concernant la nature de sa mission. En se fondant sur ces circonstances très particulières, sans exiger de M. A... qu'il apporte davantage de précisions quant à la nature de sa mission, le tribunal, qui s'est estimé suffisamment informé sans mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction, n'a pas méconnu les principes énoncés au point précédent. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort du point 3 du jugement, que les premiers juges ont exposé la nature des circonstances particulières qui justifient, selon eux, que la qualité de combattant soit reconnue à M. A.... Ce faisant, ils ont suffisamment motivé leur jugement. 5. En dernier lieu, si l'ONACVG reproche au tribunal d'avoir déduit des seuls éléments cités au point 3 que la qualité de combattant de M. A... était établie, ce moyen a trait au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. 6. Il résulte de ce qui précède que l'ONACVG n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté est irrégulier. Sur le bien-fondé du jugement : 7. Aux termes de l'article L. 311-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ont vocation à la qualité de combattant les militaires des armées françaises qui ont participé à la guerre 1939-1945, aux guerres d'Indochine et de Corée, à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc, les membres des forces supplétives françaises, les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d'unités françaises, ainsi que les Français ayant pris une part effective aux combats aux côtés de l'armée républicaine espagnole durant la guerre civile. / La reconnaissance de la qualité de combattant dans les conditions prévues par le présent chapitre donne lieu à l'attribution de la carte du combattant ". Aux termes de l'article L. 311-2 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Ont également vocation à la qualité de combattant les militaires des forces armées françaises qui ont participé à des actions de feu et de combat ainsi que les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales, soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France. / Une durée d'au moins quatre mois de service effectuée au titre des conflits, opérations ou missions mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat mentionnées à cet alinéa. / Un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du budget fixe notamment les périodes à prendre en considération pour chacun de ces conflits, opérations ou missions. Il fixe également les bonifications attachées le cas échéant à ces périodes ". En outre aux termes de son article R. 311-14 : " Pour les opérations ou missions, définies à l'article L. 311-2 et sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de cet article, sont considérés comme combattants les militaires des forces armées françaises ainsi que les personnes civiles qui : / 1° Soit ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ; pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations et missions mentionnées au présent article ; / 2° Soit ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; / 3° Soit ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; / 4° Soit ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante sans condition de durée de séjour dans cette unité ; / 5° Soit ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ; / 6° Soit ont été détenus par l'adversaire pendant quatre-vingt-dix jours au moins, sous réserve d'avoir appartenu antérieurement à leur capture ou postérieurement à leur détention, sans condition de durée de séjour, à une unité combattante pendant la période où celle-ci avait cette qualité ; toutefois, aucune condition de durée de captivité n'est opposable aux personnes détenues par l'adversaire et qui auraient été privées de la protection des conventions de Genève ". Par ailleurs, aux termes de l'article D. 311-25 de ce code : " La carte est établie sur justification de l'identité du demandeur et remise de la photographie mentionnée à l'article D. 311-23 auprès du service de l'Office national mentionné à l'article R. 347-4, après vérification de ses services militaires ou civils en temps de guerre ou en opérations extérieures. / (...) ". Enfin, l'arrêté susvisé du 12 janvier 1994 modifié, pris en application de l'article L. 311-2 précité et fixant la liste des opérations extérieures ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant, mentionne les opérations militaires dans le golfe persique et le golfe d'Oman pour la période du 30 juillet 1990 au 29 juillet 2003. 8. Il ressort des mentions de la décision du 18 juin 2020 attaquée, que pour refuser de reconnaître à M. A... la qualité de combattant, la directrice de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre s'est fondée sur le motif que l'intéressé " n'a pas effectué de services pendant les périodes de guerre, conflits ou opérations tels que définis par les textes en vigueur ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier d'une première attestation datée du 22 juillet 1998 du chef du service du personnel du ministère de la défense et d'une seconde, datée du 6 août 2020 du chef du service de gestion des ressources humaines du ministère des armées, que M. A... a été en mission dans la région du Golfe du 3 octobre 1988 au 31 juillet 1991. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, que pour avoir participé aux opérations du Golfe durant cette période, M. A... s'est vu délivrer, le 19 novembre 1998, le titre de reconnaissance de la Nation, prévu par les dispositions alors en vigueur de l'article D. 266-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui en conditionnait la délivrance à une participation aux opérations et missions mentionnées à l'article R. 224 du même code précisant les conditions de délivrance de la carte du combattant. Si les dispositions alors applicables de l'article D. 266-4 de ce code prévoyaient que la carte du combattant ouvrait droit à la délivrance du titre de reconnaissance de la Nation, aucune disposition ne prévoyait la réciproque en cas de délivrance d'un tel titre, il n'en demeure pas moins que les critères d'attribution étaient identiques à l'exception de la condition de durée de service. Il est constant qu'à l'instar de la carte du combattant, le titre de reconnaissance de la Nation était alors délivré et l'est encore aujourd'hui en vertu des dispositions des articles L. 331-1 et D. 331-1 désormais applicables, aux militaires des forces armées françaises et aux personnes civiles ayant servi dans une formation ayant notamment participé aux opérations et missions figurant à l'arrêté précité du 12 janvier 1994. Il s'ensuit qu'étant titulaire depuis le 19 novembre 2019, du titre de reconnaissance de la Nation pour sa participation aux opérations du Golfe, M. A... doit nécessairement être regardé comme ayant participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales, à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France au sens de l'article L. 311-2 cité au point précédent. Dans ces circonstances, compte tenu des deux attestations citées plus haut qui établissent que M. A... était en mission dans la région du Golfe du 3 octobre 1988 au 31 juillet 1991 mais également de la demande formulée par le ministre des armées dans son courrier du 31 août 2020, adressé à l'ONACVG, sollicitant le réexamen de la situation de l'intéressé à la suite du refus qui lui a été opposé par la décision attaquée du 18 juin 2020, la condition de service d'au moins quatre mois exigée par le deuxième alinéa de cet article, doit être regardée comme satisfaite. 9. Il résulte de tout ce qui précède que l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 18 juin 2020 de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et lui a enjoint de délivrer à M. A... la carte du combattant dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, une somme de 2 000 euros, à verser à M. A... sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre est rejetée. Article 2 : L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et au ministre des armées. Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023. Le rapporteur, Signé : F. Malfoy La présidente de chambre, Signé :M-P. Viard La greffière, Signé : C. Marécalle La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, C. Marécalle N° 22DA01892 2 |
CETATEXT000048276077 | JG_L_2023_10_000000471086 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/27/60/CETATEXT000048276077.xml | Texte | Conseil d'État, 4ème chambre, 26/10/2023, 471086, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-26 00:00:00 | Conseil d'État | 471086 | 4ème chambre | Excès de pouvoir | C | M. Edouard Solier | M. Raphaël Chambon | Vu la procédure suivante : Par une ordonnance n° 2300336 du 3 février 2023, le président du tribunal administratif de Rouen a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, une requête, enregistrée le 25 janvier 2023 au greffe de ce tribunal, présentée par Mme D... B... - de C.... Par cette requête et un mémoire en réplique, enregistré le 19 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... de C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le président de l'université Le Havre-Normandie a refusé de l'inscrire sur la liste des candidats dont la nomination est proposée au titre de la voie temporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs des universités, au poste de professeur des universités en sociologie et démographie ouvert par l'université Le Havre-Normandie ; 2°) d'enjoindre au président de l'université Le Havre-Normandie de demander au comité d'audition de procéder à un nouvel examen de sa candidature ; 3°) de mettre à la charge de l'université Le Havre-Normandie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ; - le décret n° 2021- 1722 du 20 décembre 2021 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes, - les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... B... de C..., maîtresse de conférences en sociologie, a présenté sa candidature, par la voie temporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs des universités, au poste de professeur des universités en sociologie et démographie ouvert par l'université Le Havre-Normandie. Par une ordonnance du 3 février 2023, le président du tribunal administratif de Rouen a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande de Mme B... de C... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision, notifiée par un courrier du président de l'université Le Havre-Normandie du 12 décembre 2022, par laquelle ce dernier a refusé de l'inscrire sur la liste des candidats dont la nomination est proposée. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat alors en vigueur, désormais codifié à l'article L. 523-1 du code général de la fonction publique : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration ou à une organisation internationale intergouvernementale, non seulement par voie de concours selon les modalités définies au troisième alinéa (2°) de l'article 19 ci-dessus, mais aussi par la nomination de fonctionnaires ou de fonctionnaires internationaux suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, l'autorité chargée d'établir la liste d'aptitude tient compte des lignes directrices de gestion prévues à l'article 18. / Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes ". Aux termes de l'article 1er du décret du décret du 20 décembre 2021 créant une voie temporaire d'accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés : " Il est créé, au titre des années 2021 à 2025, une voie temporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs des universités au bénéfice des maîtres de conférences régis par le décret du 6 juin 1984 susvisé (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " I.- (...) /. Les candidats déposent leur candidature auprès du chef de l'établissement, accompagnée d'une lettre de motivation et du rapport d'activité mentionné à l'article 7-1 du décret du 6 juin 1984 susvisé, selon un calendrier et des modalités définis par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Pour chaque candidat, le conseil académique ou, dans les établissements non dotés d'un conseil académique, le conseil d'administration en formation restreinte désigne deux rapporteurs membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé dont l'un au moins est choisi parmi les spécialistes de la discipline du candidat (...) /. Au vu de leur rapport, le conseil académique délibère en formation restreinte sur l'ensemble des activités des candidats pour apprécier, d'une part, leur aptitude professionnelle et, d'autre part, les acquis de leur expérience professionnelle en distinguant, dans chaque cas, leur investissement pédagogique, la qualité de leur activité scientifique et leur investissement dans des tâches d'intérêt général. Sur chacun de ces critères, l'avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé. Les avis du conseil académique en formation restreinte et les rapports d'activité précités sont ensuite adressés par le président de l'établissement à la section compétente du Conseil national des universités (...) /. II. - Après avoir entendu deux rapporteurs membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé désignés par le bureau de la section compétente, le collège compétent pour le corps des professeurs des universités ou des corps assimilés rend un avis sur le dossier du candidat. Cet avis porte, d'une part, sur l'aptitude professionnelle et d'autre part, sur les acquis de son expérience professionnelle en distinguant, dans chaque cas, son investissement pédagogique, la qualité de son activité scientifique et son investissement dans des tâches d'intérêt général. Sur chacun de ces critères, l'avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé (...) /. III. - Les dossiers ainsi complétés par l'avis du collège compétent sont adressés au chef de l'établissement d'affectation de l'agent. Dans la limite de quatre candidats par emploi ouvert dans la discipline concernée à cette voie d'accès par promotion interne, les candidats ayant reçu les avis les plus favorables par les instances consultatives mentionnées au troisième alinéa du I et au II du présent article sont entendus par un comité d'audition. Celui-ci est composé du chef de l'établissement ou de son représentant et de trois membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé, désignés par le chef de l'établissement ou par son représentant, dont deux au moins choisis parmi les spécialistes de la discipline concernée (...) /. L'audition a pour objet d'éclairer la décision du chef de l'établissement sur la motivation du candidat et sur son aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités ou des corps assimilés. IV. - A l'issue des auditions le chef de l'établissement établit la liste des candidats dont la nomination est proposée. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, il tient compte des trois avis consultatifs émis en application du quatrième alinéa du I, du II et du III, respectivement, par le conseil académique, par la section compétente et par le comité d'audition ainsi que des lignes directrices de gestion relatives aux orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours édictées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et par les autorités compétentes de l'établissement d'affectation (...)/. Les lauréats sont ensuite nommés dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er par décret du Président de la République (...) / ". 3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 4. Il ressort des pièces du dossier que le comité d'audition qui a entendu Mme B... de C..., après que le conseil académique réuni en formation restreinte et le collège compétent pour le corps des professeurs des universités ou des corps assimilés ont rendu respectivement leur avis, était constitué d'un seul membre du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé désigné par le président de l'université Le Havre-Normandie spécialiste de sa discipline, la privant ainsi de la garantie prévue par les dispositions du III de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 cité au point 4, en vertu desquelles le comité d'audition, chargé d'entendre les candidats à l'emploi ouvert de la discipline concernée par la voie d'accès par promotion interne dans le but d'éclairer la décision du chef d'établissement, sur la motivation du candidat et sur son aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités ou des corps assimilés, doit être constitué de trois membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé, dont deux au moins choisis parmi les spécialistes de cette discipline. Par suite, Mme B... de C... est fondée à soutenir que la décision par laquelle le président de l'université Le Havre-Normandie a refusé de l'inscrire sur la liste des candidats dont la nomination est proposée a été prise au terme d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation. Sur les conclusions à fin d'injonction : 5. L'exécution de la présente décision implique, si l'emploi de poste de professeur des universités en sociologie et démographie ouvert par la voie de promotion interne est maintenu, de reprendre la procédure au stade de la constitution du comité d'audition. Il y a lieu d'enjoindre à l'université Le Havre-Normandie de reprendre la procédure à ce stade dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université Le Havre-Normandie la somme de 3 000 euros à verser à Mme B... C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B... de C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : La décision par laquelle le président de l'université Le Havre-Normandie a refusé d'inscrire Mme B... de C... sur la liste des candidats dont la nomination est proposée est annulée. Article 2 : Il est enjoint à l'université Le Havre-Normandie, si l'emploi de poste de professeur des universités en sociologie et démographie ouvert par la voie de promotion interne est maintenu, de constituer un nouveau comité d'audition afin qu'il entende à nouveau Mme B... de C... sur sa candidature, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Article 3 : L'université Le Havre-Normandie versera à Mme B... de C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de l'université Le Havre-Normandie présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme D... B... de C... et à l'université Le Havre-Normandie. Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. |
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CETATEXT000048300385 | J4_L_2023_10_00022NT00359 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/30/03/CETATEXT000048300385.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00359, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT00359 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | INGELAERE | Mme Valérie GELARD | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 par lequel la directrice générale des douanes et des droits indirects a prononcé à son encontre un blâme. Par un jugement n° 2000935 du 13 décembre 2021, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 février 2022 et 5 juin 2023, M. A..., représenté par Me Ingelaere, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Caen du 13 décembre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 ; 3°) d'enjoindre à la direction générale des douanes et des droits indirects d'effacer le blâme de son dossier ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en se bornant à indiquer qu'" il est apprécié au sein de son travail " sans ajouter que ses compétences professionnelles sont reconnues par ses chefs de service, le président du tribunal administratif a insuffisamment apprécié son moyen ; le jugement attaqué est irrégulier à raison de ce motif ; - la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que le courriel transmis à son supérieur hiérarchique contrevient à l'obligation de loyauté due par l'employeur public lors du prononcé des sanctions disciplinaires, qu'il n'a pas été formellement convoqué pour son entretien " écrit " et que le rapport sur l'interrogatoire portait des appréciations subjectives ; - les faits qui lui sont reprochés ne sont matériellement pas établis dans la mesure où il n'est pas démontré qu'ils seraient de nature à perturber le bon déroulement du service ou à jeter le discrédit sur l'administration ; les agents publics disposent d'une liberté d'expression ; les faits litigieux ne constituent pas une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; - la sanction est disproportionnée dès lorsqu'il s'agit de la première sanction disciplinaire prise à son encontre, qu'il a reçu plusieurs appréciations favorables au cours de sa carrière. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-163 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., contrôleur à la direction générale des douanes et des droits indirects depuis le 1er octobre 2016, a été affecté à compter du 31 décembre 2018 à la brigade de surveillance intérieure de Caen puis à compter du 1er décembre 2019 à la brigade de surveillance extérieure de Caen à Ouistreham. A titre privé, il a été condamné à un forfait post-stationnement, qu'il n'a pas acquitté. Le 10 janvier 2019, une saisie à tiers détenteur a été opérée sur son compte bancaire pour un montant de 70 euros. Par un courrier du 18 janvier 2019, M. A... a sollicité auprès de la trésorerie de " Caen Amendes " le remboursement de cette somme. Ce courrier a été communiqué au directeur régional des douanes et droits indirects de Caen. A l'issue d'une enquête administrative diligentée au sein des services des douanes, une procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de M. A.... Par un arrêté du 13 février 2020, la directrice générale des douanes et des droits indirects a prononcé un blâme à l'encontre de cet agent. M. A... relève appel du jugement du 13 décembre 2021 par lequel le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si le président du tribunal administratif a seulement indiqué dans les visas du jugement attaqué que M. A... " était apprécié au sein de son travail ", il a expressément jugé dans les motifs du jugement que la sanction en litige n'était pas disproportionnée. Il a ajouté que la circonstance que l'agent avait reçu des appréciations favorables au cours de sa carrière ne l'exonérait pas des faits reprochés. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir le président du tribunal administratif de Caen aurait insuffisamment analysé et répondu au moyen qu'il avait soulevé et que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité à raison de ce motif. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée : 3. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires ". Aux termes de l'article 25 de cette loi : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité " et en application de son article 29 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Par ailleurs, selon les dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du courrier adressé le 18 janvier 2019 par M. A... à la trésorerie de " Caen Amendes ", une fiche de signalement a été rédigée le 22 janvier 2019 à l'attention des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail commun à la direction départementale des finances publiques du Calvados et à la direction régionale des douanes et droits indirects de Caen. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en communiquant son courrier à son supérieur hiérarchique, le 28 janvier 2019, le directeur du pôle ressources humaines de la direction départementale des finances publiques du Calvados aurait violé le secret professionnel et que la sanction litigieuse aurait été prononcé en méconnaissance de l'obligation de loyauté due aux agents publics. Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. A... a pu faire valoir sa défense préalablement à la décision contestée, notamment le 3 avril 2019. Enfin, le requérant ne produit aucun élément permettant de douter de l'impartialité des auteurs des rapports et comptes rendus relatant les faits qui lui sont reprochés. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté. 5. En deuxième lieu, par un courrier du 18 janvier 2019 adressé à la trésorerie de " Caen Amendes ", M. A... a sollicité le remboursement de la somme prélevée sur son compte bancaire " sans délai " en menaçant son destinataire de poursuites pour " concussion et/ ou extorsion ". Par suite, quand bien même cette lettre n'était pas adressée à un agent en particulier, elle constituait une menace personnelle à destination de tout agent de la trésorerie amené à en prendre connaissance dans le cadre de ses fonctions. M. A... menaçait en outre les services de la direction générale des finances publiques (DGFIP) de faire l'objet " d'une campagne virale particulièrement humiliante, d'une ampleur et d'un acharnement sans précédent, dans le respect scrupuleux de la loi ". Il précisait que sa communauté virale avait activement participé au développement du sentiment collectif de " dégagisme " et au mouvement des " gilets jaunes ". Il menaçait ce service de nouvelles actions. Ces menaces doivent être regardés comme des faits matériellement établis par les termes de la lettre précitée. La décision contestée reproche à M. A... un manquement à son devoir de réserve, une " atteinte au renom de l'administration des douanes " et d'avoir terni l'image de ce service auprès de la DGFIP. Compte tenu des termes du courrier rappelés ci-dessus, les propos de M. A... excèdent la simple liberté d'expression dont jouissent les fonctionnaires, laquelle doit au demeurant s'exercer dans la limite de leur devoir de neutralité et de réserve. Ils ont justifié un signalement aux membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Ils sont fautifs et de nature à justifier une sanction disciplinaire alors même qu'ils n'ont pas été rapportés dans la presse, ni diffusés en dehors des services concernés. 6. En troisième lieu, il n'est pas contesté que M. A... avait de bonnes évaluations professionnelles et n'avait, depuis sa nomination en 2016, fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire. Par ailleurs, les faits qui lui sont reprochés présentent un caractère isolé. L'intéressé, contrôleur des finances publiques amené à exercer des fonctions de chef d'équipe, a toutefois proféré des intimidations et menaces graves à l'encontre d'agents relevant du même ministère et affectés dans le même département. Par suite, et compte tenu de leur caractère particulièrement intimidant et menaçant y compris pour le service de la trésorerie qui avait subi des dégradations dans le cadre des mouvements contestataires évoqués par le requérant, la sanction litigieuse, qui fait partie du premier groupe, ne présente pas un caractère disproportionné. 7. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées pour les mêmes motifs. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00359 |
CETATEXT000048300386 | J4_L_2023_10_00022NT00537 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/30/03/CETATEXT000048300386.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00537, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT00537 | 6ème chambre | plein contentieux | C | M. GASPON | CABINET ERWAN BARICHARD | M. François PONS | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler : I - l'arrêté du 30 août 2017 par lequel le président du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Loire-Atlantique a mis fin à ses fonctions de pharmacien gérant ainsi que l'arrêté du 6 septembre 2017 par lequel le président du SDIS de Loire-Atlantique l'a affectée sur un poste de pharmacien chef adjoint ; II - l'arrêté n°2018-917 du 31 août 2018 par lequel le président du SDIS de Loire-Atlantique l'a affectée, à compter du 1er septembre 2018, sur le poste de pharmacien chef adjoint ; - l'arrêté n°2018-918 du 31 août 2018 par lequel le président du SDIS de Loire-Atlantique a abrogé, à compter du 1er septembre 2018, l'arrêté du 6 septembre 2017 l'affectant sur le poste de pharmacien chef adjoint ; - l'arrêté n°2018-919 du 31 août 2018 par lequel le président du SDIS de Loire-Atlantique a abrogé, à compter du 1er septembre 2018, l'arrêté du 30 août 2017 ayant mis fin à ses fonctions de pharmacien gérant de la pharmacie à usage intérieur (PUI) ; - l'arrêté n°2018-920 du 31 août 2018 par lequel le président du SDIS de Loire-Atlantique a mis fin, à compter du 1er septembre 2018, à ses fonctions de pharmacien gérant de la PUI. Par un jugement n°1709848, 1811793 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 février 2022 et le 4 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Barichard, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 décembre 2021 ; 2°) d'annuler les arrêtés n°2017-2006 du 30 août 2017 et n°2017-2068 du 6 septembre 2017 par lesquels le président du SDIS de Loire-Atlantique a mis fin à ses fonctions de pharmacien gérant et l'a affectée sur un poste de pharmacien chef adjoint, ainsi que les arrêtés n°2018-917, n°2018-918, n°2018-919 et n°2018-920 du 31 aout 2018 du président du SDIS de Loire-Atlantique ; 3°) d'enjoindre au président du SDIS de Loire-Atlantique, sous astreinte de 200 euros par jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de la réintégrer sur son poste de pharmacien chargé de la gérance de la pharmacie à usage intérieur et de procéder au rappel des primes non versées ; 4°) de mettre à la charge du SDIS de Loire-Atlantique une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal a estimé que son changement d'affectation présentait le caractère d'une mesure d'ordre intérieur qui ne lui faisait pas grief : * elle a subi une perte de responsabilités dès lors qu'elle est passée d'un poste de pharmacien gérant de la PUI, où elle assurait seule les fonctions de la gérance, à un poste de pharmacie chef adjoint dépourvu de fonctions de gérance ; * elle a subi une perte de rémunération à hauteur de 236,59 euros, le taux de son indemnité de responsabilité est passé de 34 % à 31% et elle a perdu le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) ; - il n'est pas justifié de la compétence des signataires des arrêtés contestés ; - les arrêtés contestés ne sont pas motivés ; - sa réaffectation a provoqué une modification de sa situation professionnelle, laquelle ne pouvait, en vertu de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984, être régulièrement prononcée sans que le SDIS ait préalablement consulté pour avis la commission administrative paritaire ; - elle n'a pas pu consulter son dossier individuel ; - la procédure de création d'emploi et de déclaration de vacance, prévue par l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984, a été méconnue ; - le délai entre la date de publicité de la déclaration de création ou de vacance d'emploi et la décision de l'autorité territoriale a été trop court ; - le comité technique n'a pas été consulté sur la suppression de son emploi, en méconnaissance de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 ; - les deux arrêtés d'affectation de 2017 et 2018 ne visent pas la saisine du comité technique du 23 mai 2017 ; - le poste de pharmacien chef adjoint créé ne correspond pas aux statuts particuliers du cadre d'emploi des pharmaciens de sapeurs-pompiers professionnels, l'agent placé sur le poste de pharmacien chef ne peut assurer un temps complet ; - sa mutation interne aboutit à un déclassement et constitue une sanction déguisée et un détournement de pouvoir ; - la réorganisation du service santé de la PUI et notamment la suppression des emplois de pharmacien chef et pharmacien gérant afin qu'ils soient regroupés, a méconnu l'article R. 5126-19 du code de la santé publique qui précise qu'une modification de la PUI suppose une nouvelle procédure d'autorisation administrative. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le SDIS de Loire-Atlantique, représenté par Me Bernot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n°2016-1236 du 20 septembre 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Me William, substituant Me Bernot, représentant le SDIS de Loire-Atlantique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été recrutée, en octobre 2008, par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Loire-Atlantique, en qualité de sapeur-pompier professionnel titulaire, au grade de pharmacien de classe normale. Par un premier arrêté du 30 août 2017, le président du SDIS de Loire-Atlantique a mis fin à ses fonctions de pharmacien gérant à compter du 1er septembre 2017, et par un deuxième arrêté du 6 septembre 2017, a affecté l'intéressée sur un poste de pharmacien chef adjoint à compter du 1er septembre 2017. Par courrier du 25 septembre 2017, Mme B... a sollicité le retrait de ces deux arrêtés. Par deux arrêtés, n° 2018-918 et n° 2018-919 du 31 août 2018, le président du SDIS de Loire-Atlantique a abrogé, à compter du 1er septembre 2018, les deux arrêtés précités. Par deux autres arrêtés n°2018-917 et n° 2018-920, du 31 août 2018, le président du SDIS de Loire-Atlantique a mis fin aux fonctions de pharmacien gérant de la pharmacie à usage intérieur de Mme B... et affecté cette dernière sur le poste de pharmacien chef adjoint, à compter du 1er septembre 2018. Par courrier du 4 décembre 2018, Mme B... a sollicité le retrait de ces quatre arrêtés. Elle a ensuite saisi le tribunal administratif de Nantes de demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 30 août 2017 et du 6 septembre 2017, ainsi que des quatre arrêtés du 31 août 2018. Par un jugement du 22 décembre 2021, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable. 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., pharmacien sapeur-pompier titulaire, en fonction SDIS de Loire-Atlantique, a été affectée, par un arrêté n°2018-917 du 31 août 2018, à la pharmacie du SDIS de Loire-Atlantique pour exercer les fonctions de pharmacien chef adjoint. Cette mesure a été prise, dans l'intérêt du service, en vue de réorganiser le service de santé et de secours médical du SDIS, afin de renforcer l'unité de fonctionnement et la cohérence des missions de la pharmacie. 4. En premier lieu, ce changement d'affectation est intervenu au sein du même service, sans modification du lieu d'exercice professionnel ou d'atteinte aux droits et libertés fondamentaux de la requérante. Il ne présente pas, au regard des éléments du dossier, le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ou d'un détournement de pouvoir, ni ne traduit une discrimination, ni établie, ni même alléguée. 5. En deuxième lieu, si la requérante fait valoir qu'elle a subi une perte de responsabilités dès lors qu'elle est passée d'un poste de pharmacien gérant de la pharmacie à usage interne, où elle assurait seule les fonctions de la gérance, à un poste de pharmacien chef adjoint dépourvu de fonctions de gérance, il ressort des pièces du dossier, notamment de la délibération du conseil d'administration du SDIS en date du 13 juin 2017 et de la nouvelle fiche de poste de l'intéressée, que le poste de pharmacien-chef adjoint comprend l'exercice de fonctions de gérance, puisqu'il assiste le pharmacien-chef chargé de la gérance de la pharmacie à usage interne. En outre, les fonctions de pharmacien chef adjoint de la pharmacie départementale du SDIS comportent une dimension managériale correspondant, notamment, à la conduite et à l'animation d'une équipe technique pluridisciplinaire, à l'accompagnement des agents dans l'exercice de leur mission ainsi qu'à la coordination de l'activité des agents de l'unité pharmaco-secouriste. Enfin, les nouvelles fonctions de Mme B..., en qualité de pharmacien chef adjoint, se traduisent par une extension de ses missions, cette dernière étant amenée à intervenir dans tous les domaines relevant de la compétence d'un pharmacien chef pour le fonctionnement du service départemental en cause. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'a pas vu de diminution de ses responsabilités à l'occasion de son changement d'affectation. 6. En dernier lieu, ce changement d'affectation n'a entraîné pour Mme B... aucune perte de rémunération globale. Il a été l'occasion d'un changement de grade favorable, cette dernière étant passée du grade de pharmacien de classe normale à celui de pharmacien hors classe. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'augmentation de la rémunération de l'intéressée serait une conséquence statutaire du déroulement de sa carrière et ne serait pas liée à sa prise de poste de pharmacien-chef adjoint. Mme B... ne produit aucun élément permettant d'attester que ce changement d'affectation ce serait traduit pas une perte du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire. Dans ces conditions, les arrêtés contestés n'entraînent, pour la requérante, ni réduction de sa rémunération ou de ses perspectives de carrière, ni atteinte aux droits et prérogatives qu'elle tient de son statut. Par suite, ces mesures présentent le caractère de mesures d'ordre intérieur, qui ne font pas grief et ne sont donc pas susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Dès lors, la demande de Mme B... est irrecevable et doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes comme irrecevables. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS de Loire-Atlantique, qui n'est pas dans la présente instance partie perdante, la somme demandée par Mme B..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du SDIS de Loire-Atlantique présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de Loire-Atlantique tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Mme A... B... et au service départemental d'incendie et de secours de Loire-Atlantique. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT00537 |
CETATEXT000048300387 | J4_L_2023_10_00022NT00548 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/30/03/CETATEXT000048300387.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00548, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT00548 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | SIZARET | M. François PONS | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler : 1 - la décision du 18 novembre 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 000 euros ; 2 - les titres de perception émis le 24 décembre 2019 à son encontre pour le recouvrement la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n°2000933, 2004626 du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les titres de perception émis le 24 décembre 2019, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et rejeté le surplus des conclusions de Mme C.... Procédures devant la cour : I. Par une première requête, enregistrée le 23 février 2022 sous le n°22NT00548, l'OFII, représenté par Me Schegin, doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne le 24 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C... ; 2°) de rejeter la demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Rennes ; 3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a relevé l'incompétence de l'ordonnateur des titres de perception émis le 24 décembre 2019 ; - les autres moyens soulevés par Mme C... dans sa demande initiale devant le tribunal ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, Mme C... doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019 et le surplus de ses conclusions ; 2°) le rejet de la requête de l'OFII ; 3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la décision du 18 novembre 2019 est entachée d'une erreur de fait et que les autres moyens soulevés par l'OFII ne sont pas fondés. II. Par une seconde requête et un mémoire, enregistrés le 3 mars 2022 et le 4 juillet 2023, sous le n°22NT00682, Mme C... doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019 et le surplus de ses conclusions ; 2°) l'annulation de la décision du 18 novembre 2019 par laquelle l'OFII a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 000 euros ; 3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'ordonnateur des titres de perception émis le 24 décembre 2019 était incompétent pour émettre les titres en cause ; - ni le courrier de l'OFII du 14 octobre 2019, ni celui du 18 novembre 2019 ne lui précise qu'elle a la possibilité de solliciter la communication du procès-verbal établi le 4 avril 2019 par les services de police de l'Ille-et-Vilaine, sur lequel l'OFII s'est fondé pour prononcer les sanctions contestées, et que cette absence d'information préalable constitue un vice de procédure, une méconnaissances des dispositions de l'article L. 122-2 code des relations entre le public et l'administration constitutif d'une violation des droits de la défense ; - la décision du 18 novembre 2019 est entachée d'une erreur de fait. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, l'OFII doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne le 24 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C... ; 2°) le rejet de la requête de Mme C... ; 3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que c'est à tort que le tribunal a relevé l'incompétence de l'ordonnateur des titres de perception émis le 24 décembre 2019 et que les autres moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code du travail ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le décret n° 2020-163 du 26 février 2020 ; - l'arrêté du 18 juillet 2019 relatif au recouvrement des recettes des ordonnateurs principaux de l'Etat ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Les services de police de l'Ille-et-Vilaine ont réalisé, le 4 avril 2019, un contrôle du garage "Auto Occas 35" situé à Saint-Jacques-de-la-Lande et exploité par Mme C.... Ils y ont constaté la présence d'un ressortissant arménien qui ne disposait pas de titre de séjour l'autorisant à travailler en France. Par courrier du 18 novembre 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a notifié à Mme C... sa décision de mettre à sa charge une somme de 18 100 euros au titre de la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et une somme de 2 398 euros au titre de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ramenées à la somme totale de 15 000 euros. Les titres de perception correspondants ont été émis le 24 décembre 2019. L'intéressée a formé une réclamation contre ces titres le 24 février 2020. Par une première requête, Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la décision du 18 novembre 2019 et, par une seconde requête, celle des titres de perception et de la décision rejetant implicitement sa réclamation. Par un jugement du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les titres de perception émis le 24 décembre 2019, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C..., et rejeté le surplus des demandes de l'intéressée. L'OFII demande l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne le 24 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C.... Cette dernière demande, quant à elle, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019 et le surplus de ses conclusions. 2. Les requêtes n°22NT00548 et n°22NT00682 concernent le même jugement et présentent à juger des questions liées. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a annulé les titres de perception émis le 24 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C... : 3. Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " (...) l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale (...). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'Etat comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. ". Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...)/ Sont applicables à la contribution forfaitaire prévue au premier alinéa les dispositions prévues aux articles L. 8253-1 à L. 8253-5 du code du travail en matière de recouvrement et de privilège applicables à la contribution spéciale (...) ". Aux termes de l'article R. 5223-24 du code du travail relatif à l'organisation de l'OFII : " Le directeur général est ordonnateur secondaire à vocation nationale pour l'émission des titres de perception relatifs à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 et de ceux relatifs à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". L'article R. 8253-4 de ce même code dispose : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ". Enfin, en vertu de l'article 10 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les ordonnateurs prescrivent l'exécution des recettes et des dépenses. La qualité d'ordonnateur est conférée, pour les personnes morales mentionnées aux 1°, 4°, 5° et 6° de l'article 1er, dans les conditions prévues aux titres II et III. Pour les personnes morales mentionnées aux 2° et 3° de l'article 1er, elle est régie par la loi. Les ordonnateurs sont principaux ou secondaires. Les ordonnateurs peuvent déléguer leur signature et se faire suppléer en cas d'absence ou d'empêchement. Les ordonnateurs, leurs suppléants ainsi que les personnes auxquelles ils ont délégué leur signature sont accrédités auprès des comptables publics assignataires relevant de leur compétence, selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé du budget. ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " Les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. / Ils transmettent au comptable public compétent les ordres de recouvrer (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si les services de l'Etat assurent pour le compte de l'OFII le recouvrement des créances afférentes aux contribution spéciale et forfaitaire dues par l'employeur d'un travailleur étranger non autorisé à travailler, il n'appartient qu'au directeur général de l'Office, après avoir constaté et liquidé la contribution, d'émettre le titre de perception correspondant qui est ensuite transmis, conformément à l'article 11 du décret du 7 novembre 2012, au comptable public chargé du recouvrement. 4. En l'espèce, les titres de perception litigieux ont été émis le 24 décembre 2019 par M. B..., nommé directeur de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier du ministère de l'intérieur à compter du 19 septembre 2016, par décret du 15 septembre 2016, régulièrement publié au Journal officiel de la République française. Ces titres de perception n'ont pas été émis par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sa qualité d'ordonnateur secondaire, mais par le ministre de l'intérieur. Par suite, les titres de perception en litige, qui, en contradiction avec ce qui a été dit au point précédent, n'ont pas été émis par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou par une personne relevant de son autorité à laquelle il aurait délégué sa signature, ont été pris par une autorité incompétente et doivent, par suite être annulés. 5. Il résulte de ce qui précède que l'OFII n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne le 24 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C.... Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019 : 6. Si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. 7. Par ailleurs, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. 8. En l'espèce, ni le courrier de l'OFII du 14 octobre 2019, ni celui du 18 novembre 2019 n'ont précisé à Mme C... qu'elle avait la possibilité de solliciter la communication du procès-verbal établi le 4 avril 2019 par les services de police de l'Ille-et-Vilaine, sur lequel l'OFII s'est fondé pour prononcer les sanctions contestées. La seule mention de l'existence d'un procès-verbal est insuffisante à considérer que Mme C... a été mise à même de demander la communication de ce document. Cette absence d'information préalable constitue un vice de procédure et a privé l'intéressée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration et du principe général des droits de la défense doit être accueilli. 9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019. Par suite, il y a lieu d'annuler la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019 et de décharger Mme C... du paiement de la somme de 15 000 euros ainsi mise à sa charge Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'OFII une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n°2000933, 2004626 du 3 janvier 2022 du tribunal administratif de Rennes, en tant qu'il a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019, est annulé. Article 2 : La décision du 18 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'OFII a mis à la charge de Mme C... la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est annulée. Article 3 : Mme C... est déchargée de l'obligation de payer la somme de 15 000 euros mise à sa charge par la décision annulée à l'article 2. Article 4 : L'OFII versera à Mme C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de Mme C... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Mme A... C.... Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT00548 - N°22NT00682 |
CETATEXT000048300388 | J4_L_2023_10_00022NT00818 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/30/03/CETATEXT000048300388.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00818, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT00818 | 6ème chambre | plein contentieux | C | M. GASPON | LE BROUDER | M. Olivier COIFFET | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser une provision de 19 883,73 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2016, d'autre part, à réparer son préjudice moral et enfin d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'intégrer la période de sanction annulée dans le calcul de sa pension de retraite. Par une ordonnance n° 2101341 du 29 octobre 2021 le juge des référés du tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à M. B... une provision de 9 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 17 mars 2022 et le 25 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Le Brouder, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 29 octobre 2021 en tant qu'elle a limité la provision qui lui a été accordée à la somme de 9000 euros ; 2°) de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser une provision de 24 883,73 euros, assortie des indemnités de retard à compter du 29 juin 2016 ; 3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'intégrer la période de sanction annulée dans le calcul de sa pension de retraite dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de par jour de retard. 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - l'ordonnance est entachée de plusieurs irrégularités : * le juge des référés a méconnu son office en n'usant pas de ses pouvoirs d'instruction ; * le principe de l'acquiescement aux faits résultant des dispositions de l'article R.612-6 du code de justice administrative a été méconnu en limitant la provision accordée à la somme de 9000 euros dès lors que l'administration qui n'avait pas défendu ne contestait le caractère " non contestable " de l'obligation pesant sur elle ; * enfin, le juge des référés a statué " infra petita " dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'intégrer la période de sanction annulée dans le calcul de sa pension de retraite ; - l'ordonnance est mal fondée ; l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et a causé un préjudice financier et moral à hauteur de 24 883,73 euros. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 juin 2023 et 31 juillet 2023, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés et qu'il n'est pas recevable à demander l'indemnisation de son préjudice moral qu'il évalue pour la première fois en appel à la somme de 5000 euros. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ; - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., professeur d'éducation physique et sportive depuis 1993, a, par un arrêté du 6 juillet 2012, été affecté au lycée ... à ... (76). Le 13 mars 2014, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonction d'une durée de neuf mois dont trois mois avec sursis. Cette sanction a été annulée pour erreur d'appréciation par le tribunal administratif de Rouen par un jugement du 28 avril 2015, rectifié par une ordonnance du 28 avril 2015, devenu définitif. Par un courrier du 18 juin 2015, M. B... a sollicité de son administration le versement d'une indemnité compensatrice concernant les traitements non perçus pendant la période de son exclusion temporaire effective du 15 mars au 15 septembre 2014. Toutefois, aucune suite n'a été donnée à sa demande. Par un arrêté du 30 septembre 2015, le recteur de l'académie d'Amiens a prononcé à l'encontre de M. B... la sanction de l'abaissement du 11ème au 10ème échelon avec un report d'ancienneté de 3 ans, 11 mois et deux jours à compter du 24 septembre 2015. 2. M. B... a, le 18 juin 2021 et sur le fondement de l'article R.541-1 du code de justice administrative, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Caen d'une demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 19 883,73 euros, assortie des intérêts de retard à compter du 29 juin 2016, et à l'indemnisation de son préjudice moral en réparation des préjudices résultant de son éviction illégale du service du 15 mars au 15 septembre 2014. Il a, d'autre part, également demandé qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'intégrer la période pendant laquelle il a été sanctionné illégalement dans le calcul de sa pension de retraite. M. B... relève appel de l'ordonnance du 29 octobre 2021 par laquelle le juge des référés a limité la provision qui lui a été accordée à la somme de 9000 euros et a rejeté le surplus de sa demande. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 3. En premier lieu, il appartient au juge administratif, en application des dispositions de l'article R.611-10 du code de justice administrative, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, et notamment de requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, la communication des documents qui lui permettent de vérifier les allégations des requérants et d'établir sa conviction. 4. M. B... soutient que le juge des référés aurait dû, pour fixer le montant de l'indemnité qui lui a été allouée, mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction et interroger ainsi les parties sur l'intervention d'une nouvelle sanction. Toutefois, il était loisible au demandeur de la provision de faire état de cet élément. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas entaché d'irrégularité son ordonnance en ne procédant pas à cette mesure d'instruction, qui est une faculté et non une obligation. Si M. B... entend également critiquer le fait que le juge des référés, en l'absence de toute mesure d'instruction, a estimé à tort " compte tenu des faits commis par lui, que l'administration aurait pu prendre à son encontre une sanction disciplinaire de même nature mais d'une durée moindre ", cette critique relève du bien-fondé du litige et est sans incidence sur la régularité de l'ordonnance contestée. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". M. B... soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Caen s'est, pour limiter à 6000 euros le montant de la provision accordée, abstenu de tirer les conséquences de l'acquiescement aux faits par le ministre de l'éducation nationale, lequel n'a pas produit de mémoire en défense et n'a pas contesté le montant de la provision sollicitée d'un montant de 19 883,73 euros. 6. Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit. Il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier. 7. Il ne résulte pas de l'instruction, d'une part, des pièces composant le dossier de première instance, et contrairement à ce que soutient M. B..., que le tribunal administratif aurait mis en demeure l'administration de produire un mémoire en défense de sorte que cette dernière ne peut être réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la demande de provision en application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative. D'autre part, pour le surplus et ainsi qu'il a été rappelé plus haut, M. B... n'avait à aucun moment, dans ses écritures, indiqué qu'il avait fait l'objet d'une nouvelle sanction et, en tout état de cause, l'appréciation du montant de la provision à accorder en cas d'une obligation non sérieusement contestable n'affecte pas la régularité de l'ordonnance attaquée mais relève du bien-fondé de celle-ci. Le moyen sera, en tout état de cause, écarté. 8. En troisième et dernier lieu, le juge des référés du tribunal qui a, au point 6 de l'ordonnance attaquée, indiqué " qu'il sera fait une juste appréciation de l'obligation non sérieusement contestable dont peut se prévaloir M. B... au titre de l'ensemble des préjudices dont il se prévaut en la fixant à 9 000 euros pour solde de tout compte ", doit être regardé comme s'étant, ce faisant, également prononcé sur le préjudice découlant de " la non intégration de la période de sanction annulée dans le calcul de sa pension de retraite " et les conclusions d'injonction présentées à cet effet. M. B... n'est, par suite pas fondé à soutenir que le juge des référés se serait prononcé infra petita. Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée : 9. Aux termes, d'une part, de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant. 10. En vertu, d'autre part, des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge n'est, en revanche, jamais tenu, pour apprécier l'existence ou l'étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l'administration. 11. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a cependant lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi perçues au cours de la période d'éviction. 12. M. B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant total de 19 883, 73 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de l'absence de toute rémunération pendant sa période d'éviction illégale du service, ainsi que du préjudice moral l'affectant, qu'il n'avait pas précisément chiffré. Il demande désormais à la cour de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, au titre de son préjudice financier la somme totale de 19 883, 73 euros correspondant à 18 280, 38 euros au titre de son traitement brut, de 753,20 euros au titre des heures supplémentaires, de 699,51 euros au titre de l'indemnité de suivi et d'orientation et de 150,64 euros au titre de la majoration des heures supplémentaires et d'autre part, une somme de 5000 euros au titre du préjudice moral subi. 13. En premier lieu, M. B... soutient qu'en l'absence de sanction il aurait perçu un traitement de 18 220 euros pour la période d'éviction illégale du service. Il résulte de l'instruction, s'agissant du préjudice financier subi et indemnisable, que M. B..., du fait de la sanction d'exclusion temporaire de fonction d'une durée de neuf mois dont trois mois avec sursis du 13 mars 2014, sanction définitivement jugée illégale pour erreur d'appréciation, n'a pas perçu son traitement pour les mois de mars 2014 à septembre 2014. Dans de telles circonstances, le préjudice financier subi par M. B... du fait de son éviction illégale du service pendant une période de six mois doit être intégralement réparé. Il sera fait, en l'espèce une juste appréciation de l'indemnité représentative de perte de traitement en la fixant à la somme de 18 200 euros. En revanche, il ne peut prétendre à aucune indemnité au titre des heures supplémentaires, de l'indemnité de suivi et d'orientation et de la majoration des heures supplémentaires, liées à l'exercice effectif des fonctions. 14. En second lieu, si M. B... soutient que l'illégalité de la sanction d'exclusion temporaire du service a eu des répercussions importantes sur sa vie personnelle et professionnelle et qu'il a dû s'investir activement pour faire valoir ses droits, il n'apporte cependant aucun élément permettant d'étayer l'existence du préjudice moral invoqué et qu'il évalue pour la première fois en appel à la somme de 5000 euros. Cette demande indemnitaire, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre de l'éducation nationale, sera en tout état de cause rejetée. 15. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... peut prétendre à obtenir une provision d'un montant total de 18 220 euros qui sera mise à la charge de l'Etat. Sur les intérêts : 16. M. B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme globale de 18200 euros à compter du 4 juillet 2016, date de réception par l'administration de sa réclamation préalable. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 17. M. B... sollicite qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'intégrer dans le calcul de sa pension de retraite les sommes versées au titre de l'indemnité à laquelle il peut prétendre s'agissant de sa période d'éviction illégale du service. Toutefois, la question de la reconstitution des droits à pension de la retraite de M. B... relève, ainsi que le souligne le ministre de l'éducation nationale en opposant une fin de recevoir sur ce point, d'un litige distinct de celui soumis à la Cour, et demeure en tout état de cause étranger à l'office du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article R.541-1du code de justice administrative. Les conclusions seront rejetées. 18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que la provision qui lui a été accordée a été insuffisamment évaluée et que l'ordonnance attaquée doit être réformée dans cette mesure, la somme de 9000 euros étant portée à 18 200 euros, cette somme portant intérêts à compter du 4 juillet 2016. Sur les frais de l'instance : 19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui est dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... d'une somme de 1500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La provision que l'Etat a été condamné à verser à M. B... est portée à la somme de 18 200 euros. Article 2 : La somme de 18 200 euros portera intérêts à compter du 4 juillet 2016. Article 3 : L'ordonnance n° 2101341 du 29 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Caen est réformée en ce qu'elle a de contraire aux articles 1er et 2. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale. Une copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Normandie. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023 à laquelle siégeaient : M. Gaspon, président de chambre ; M. Coiffet, président assesseur ; Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I.PETTON La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22NT00818 2 |
CETATEXT000048300392 | J4_L_2023_10_00022NT01652 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/30/03/CETATEXT000048300392.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT01652, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT01652 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | SCP MARION LEROUX SIBILLOTTE ENGLISH | M. Olivier COIFFET | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, tout d'abord, d'annuler la décision du 16 juillet 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 5 000 euros en application de l'article L. 4752-1 du code du travail, ensuite, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1904796 du 4 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 31 août 2022, M. B..., représenté par Me Sibillotte demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2022 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision du 16 juillet 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 5 000 euros ; 3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende administrative ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation ; s'agissant de la motivation en droit, les textes régissant le travail en hauteur ne sont pas visés (articles R4323-58, R4534-85, R4323-59, R 4323-77, R4323-84, R4534-86 et L4311-7du code du travail) ni même ceux relatifs aux modalités du contrôle de la législation applicable (L4731- 1, L4731-2, L8112-1, L4111-6 ou L4321-4 du code du travail) ; ainsi, il est impossible à la lecture de la décision de la DIRECCTE de connaître les textes qui n'auraient pas été respectés ; s'agissant de la motivation en fait, la date des évènements litigieux n'est pas visée, le salarié concerné par le risque de chute non plus et il n'est pas précisé en quoi l'échafaudage et les équipements mis à disposition ne répondent pas aux impératifs fixés par le code du travail ; - la décision contestée est entachée d'un vice de procédure à défaut de procédure contradictoire en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle est entachée d'une erreur de droit faute pour l'administration de lui avoir notifié sa décision d'arrêt de travaux dans les formes prescrites par l'article R. 4731-2 du code du travail ; il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté une décision qui ne lui avait pas encore été valablement notifiée ; - elle est entachée d'une erreur de droit en méconnaissance des articles L. 8113-7 et L. 8115-1 du code du travail dès lors qu'un procès-verbal a été dressé le 7 janvier 2019 à son encontre et transmis au procureur de la République pour l'engagement de poursuites pénales ; la DIRECCTE ne pouvait, en sus des poursuites pénales, prononcée une amende administrative sans contrevenir aux textes précités ; - l'amende prononcée présente un caractère disproportionné. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Mme C..., représentant la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Considérant ce qui suit : 1. Le 21 novembre 2018, les agents de contrôle de l'inspection du travail ont effectué un contrôle sur le chantier de construction du lotissement " Domaine Saint-Hélier " situé à Saint-Brieuc. Ils ont constaté que les protections collectives contre le risque de chute de hauteur installées sur le chantier par l'entreprise ... n'étaient pas conformes à la réglementation alors que deux travailleurs - le gérant de l'entreprise et une salariée - étaient en train d'effectuer des travaux de couverture en hauteur et de soudure sur une gouttière. Cette situation étant de nature à caractériser un " danger grave et imminent ", les agents de contrôle ont alors demandé aux salariés concernés de quitter leur poste de travail. A la suite d'un échange avec les agents de contrôle, le gérant de la société leur a indiqué qu'aucune protection supplémentaire ne serait installée. Informé qu'une décision d'arrêt temporaire des travaux serait prise, M. B... et sa salariée ont cependant repris les travaux, le gérant invectivant et menaçant les agents qui rédigeaient la décision en cause. Le lendemain, soit le 22 novembre 2018, lors d'une nouvelle visite sur le chantier, les agents de contrôle ont constaté que le travail se poursuivait dans les mêmes conditions. Par une décision du 16 juillet 2019, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne, a prononcé à l'encontre de M. B..., couvreur, une amende administrative d'un montant de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 4752-1 du code du travail à défaut pour celui-ci de s'être conformé à une décision d'arrêt de travaux. 2. M. B... a, le 24 septembre 2019, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2022 et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l'amende administrative. Il relève appel du jugement du 11 mars 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande. Sur la contestation de l'amende administrative : 3. Aux termes, d'une part, de l'article L. 4731-1 du code du travail : " L'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 peut prendre toutes mesures utiles visant à soustraire immédiatement un travailleur qui ne s'est pas retiré d'une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, constituant une infraction aux obligations des décrets pris en application des articles L. 4111-6, L. 4311-7 ou L. 4321-4, notamment en prescrivant l'arrêt temporaire de la partie des travaux ou de l'activité en cause, lorsqu'il constate que la cause de danger résulte : / 1° Soit d'un défaut de protection contre les chutes de hauteur ; (...) ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 4752-1 du code du travail : " Le fait pour l'employeur de ne pas se conformer aux décisions prises par l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 en application des articles L. 4731-1 ou L. 4731-2 est passible d'une amende au plus égale à 10 000 euros par travailleur concerné par l'infraction ". En ce qui concerne la motivation de la décision contestée et la régularité de la procédure suivie : 4. M. B... soutient qu'il est impossible, à la lecture de la décision de la DIRECCTE, de connaître les textes qui n'auraient pas été respectés et que, s'agissant de la motivation en fait, la date des évènements litigieux n'est pas visée, le salarié concerné par le risque de chute non identifié et il n'est pas précisé en quoi l'échafaudage et les équipements mis à disposition ne répondent pas aux impératifs fixés par le code du travail. 5. En premier lieu, aux termes, de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction ; (...) ". Cette motivation consiste, selon l'article L.211-5 du même code, en " l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision ". 6. Il ressort des pièces versées au dossier que la décision contestée du 16 juillet 2019 vise expressément les articles 4731-1 et 4731-2 du code du travail, relatifs aux mesures et procédures d'urgence, dont les arrêts temporaires d'activité, l'article L.4752-1 prévoyant l'amende dont est passible l'employeur qui ne se conforme pas aux décisions prises par l'inspecteur du travail en matière de santé et de sécurité au travail et, enfin, les articles 4721-1, L.8115-4 à L.8115-7, R.8115-1, R.8115-9 et R.8115-10 du même code relatifs à la procédure d'édiction des amendes administratives. Elle précise en ses points 1, 2 et 3, la date - le 21 novembre 2018 - le nom de la salariée concernée par le manquement - Mme B... - et les motifs ayant conduit l'agent de contrôle à prendre une décision d'arrêt de travaux soit l'insuffisance de protection contre les chutes en hauteur - gardes corps non fixés, absence de gardes corps latéraux, absence de protection en rives - les conditions dans lesquelles la décision a été notifié à M. B..., et en particulier - point 6 de la décision - les difficultés rencontrées par les agents de contrôle pour remettre cette décision en mains propres à l'intéressé, les constats portants sur le non-respect de ces dispositions par le gérant de l'entreprise qui a poursuivi les travaux. La décision du 16 juillet 2019 qui énonce précisément les considérations de fait et les motifs de droit est suffisamment motivée. Le moyen sera écarté. 7. En second lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Aux termes de l'article L. 4751-1 du code du travail : " Les amendes prévues au présent titre sont prononcées et recouvrées par l'autorité administrative compétente dans les conditions définies aux articles L. 8115-4, L. 8115-5 et L. 8115-7, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1. (...) ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 8115-5 du même code : " Avant toute décision, l'autorité administrative informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, ses observations. / A l'issue de ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende et émettre le titre de perception correspondant. (...) ". Il résulte de l'article R. 8115-2 de ce même code que le délai prévu par l'article L. 8115-5 est fixé à quinze jours. Enfin, aux termes de l'article L. 8113-7 du code du travail : " Les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1 et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ". 8. M. B... soutient que la procédure contradictoire préalable au prononcé de la sanction n'aurait pas été respectée dès lors qu'il n'a pas été invité à présenter ses observations, contrairement à ce qui est indiqué dans la décision litigieuse. 9. Il ressort des pièces versées au dossier que M. B... a, par un courrier du 25 février 2019, été informé du grief qui lui était reproché - à savoir le non-respect d'une décision administrative d'arrêt des travaux et de la procédure de reprise des travaux -, de ce que ces manquements étaient passibles d'une amende d'un montant maximal de 10 000 euros et de la possibilité de présenter ses observations sur la procédure de sanction administrative en cours à son encontre. S'il soutient n'avoir jamais reçu ce courrier, il est cependant établi que ce dernier lui a bien été présenté mais qu'il n'est pas allé le retirer ainsi que l'atteste le formulaire de retour du courrier renvoyé par les services postaux à l'inspection du travail le 26 février 2019, portant la mention " pli avisé et non réclamé ". Dans ces conditions, alors même qu'il n'a pas retiré le pli qui lui était adressé, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la DIRECCTE de Bretagne n'aurait pas satisfait à son obligation d'engager une procédure contradictoire. D'autre part, si le courrier de retour renvoyé à l'administration par les services postaux mentionne effectivement, s'agissant de la date de présentation de ce pli du 25 février 2019, deux dates différentes - les 26/02/2019 et 26/02/2018 - il s'agit d'une erreur matérielle sans incidence. Il n'est pas contesté au demeurant que l'administration a réitéré sa démarche le 15 mars 2019 par lettre simple qui précisait notamment que M. B... y trouverait la copie du courrier recommandé avec accusé de réception qui lui avait été adressé le 25 février 2019. Le moyen tiré du vice de procédure sera écarté dans toutes ses branches. En ce qui concerne le bien fondé de l'amende administrative prononcée : 10. En premier lieu, M. B... soutient que la décision de la DIRECCTE de Bretagne du 16 juillet 2019 est entachée d'une première " erreur de droit " faute pour l'administration de lui avoir notifié sa décision d'arrêt de travaux dans les formes prescrites par l'article R. 4731-2 du code du travail. Il fait valoir qu'aucune décision ne lui a été remise en main propre le jour du contrôle et que celle-ci ne lui a été notifié par courrier que le 23 novembre 2018. 11. Aux termes de l'article R. 4731-1 du code du travail : " Pour l'application de l'article L. 4731-1, l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 relève les éléments caractérisant la situation de danger grave et imminent et précise les mesures qu'il prend pour y remédier. / Sa décision, qui est d'application immédiate, fait l'objet d'un écrit ". Aux termes de l'article R. 4731-2 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Lorsque l'employeur ou son représentant est présent sur le chantier, la décision lui est remise directement contre récépissé. / A défaut, elle est adressée d'urgence à l'employeur par tous moyens appropriés et confirmée au plus tard dans le délai d'un jour franc par lettre recommandée avec avis de réception. / Toutefois, cette décision, ou copie de celle-ci dans le cas où elle lui a déjà été adressée dans les formes prévues au premier alinéa, est remise directement, contre récépissé, à l'employeur qui s'est porté à la rencontre de l'inspecteur du travail. Cette procédure se substitue alors à celle définie au deuxième alinéa ". Enfin, aux termes de l'article R.4731-4 du même code : " L'employeur informe, par tout moyen donnant date certaine à la réception de cette information, l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 des mesures qu'il a prises pour faire cesser la situation de danger grave et imminent. ". 12. Il résulte de l'instruction, en particulier du procès-verbal de contrôle, que l'inspecteur du travail a établi le 7 janvier 2019 à l'attention du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, ainsi qu'il est énoncé à l'article L. 8113-7 du code du travail précité, que, le 21 novembre 2018, M. B... a mis fin à la discussion engagée avec les agents de contrôle qui lui avaient signifié une situation de " danger grave et imminent " pour la sécurité des travailleurs, a refusé de mettre en place toute protection supplémentaire sur le chantier, a enjoint à son employée de regagner son poste de travail, a lui-même regagné son chantier et a ensuite proféré des insultes et des menaces à l'encontre des agents qui lui avaient signifié qu'ils prenaient une décision d'arrêt temporaire des travaux dans l'attente de mise en place de protections collectives. L'inspecteur du travail a également relevé dans ce procès-verbal que M. B... avait alors expressément refusé de recevoir notification, contre récépissé, de la décision d'arrêt des travaux établie par cet inspecteur. Alors qu'il a accepté une composition pénale pour avoir porté outrage aux agents de contrôle de l'inspection du travail, il ne saurait sérieusement nier les faits circonstanciés exposés dans le procès-verbal. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail était fondé à lui remettre cette décision par tous moyens appropriés. M. B... ne saurait enfin se borner à affirmer ne pas avoir trouvé la décision d'arrêt des travaux sur le pare-brise de son véhicule utilitaire alors qu'il est indiqué dans ce procès-verbal que la décision d'arrêt des travaux de l'inspecteur du travail a finalement été posée sur ce pare-brise à titre de notification. Il résulte également de l'instruction que cette décision d'arrêt des travaux a été notifiée à l'intéressé par courrier daté du 21 novembre 2018 adressé dans le délai d'un jour franc mentionné par l'article R. 4731-2 du code du travail. Enfin, M. B... ne saurait utilement se prévaloir du fait qu'il aurait mis en place des protections après avoir reçu notification de la décision contestée le 23 novembre 2022 dès lors que les dispositions de l'article R.4731- 4 du code du travail lui imposent, ce qu'il n'a pas fait, de solliciter l'autorisation de l'inspection du travail avant de reprendre les travaux sur le chantier litigieux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de dispositions rappelées au point précédent sera écarté. 13. M. B... soutient, en second lieu, que la décision de la DIRECCTE de Bretagne du 16 juillet 2019 serait entachée d'une seconde " erreur de droit " du fait de l'existence de poursuites pénales concomitantes pour des manquements identiques. 14. Aux termes, d'une part, du second alinéa de l'article L. 8113-7 du code du travail, les procès-verbaux, qui constatent les infractions relevées, : " sont transmis au procureur de la République. Un exemplaire est également adressé au représentant de l'Etat dans le département. (...) / Lorsqu'il constate des infractions pour lesquelles une amende administrative est prévue au titre V du livre VII de la quatrième partie ou à l'article L. 8115-1, l'agent de contrôle de l'inspection du travail peut, lorsqu'il n'a pas dressé un procès-verbal à l'attention du procureur de la République, adresser un rapport à l'autorité administrative compétente, dans le cadre de la procédure prévue au chapitre V du présent titre ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 8115-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 5° Aux dispositions prises pour l'application des obligations de l'employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l'hébergement prévues au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie, ainsi qu'aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l'exécution des travaux de bâtiment et génie civil prévues au chapitre IV du titre III du livre V de la même partie pour ce qui concerne l'hygiène et l'hébergement. ". 15. Il résulte de l'instruction que les agents de contrôle ont, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, procédé le 7 janvier 2019 à un signalement au Procureur de la République pour des faits d'outrage et de menaces à l'encontre de deux agents de contrôle de l'inspection du travail dans l'exercice de leur mission, signalement qui a fait l'objet d'une composition pénale validée le 4 septembre 2019. Cette procédure, qui n'avait ainsi pas trait aux manquements à la réglementation du travail constatés en matière d'hygiène et de sécurité, porte sur des faits distincts de la procédure administrative engagée par la DIRECCTE de Bretagne pour non-respect d'une décision d'arrêt de travaux représentant " une situation de danger grave et imminent " pour les travailleurs ayant conduit, par la décision du 16 juillet 2019, au prononcé de l'amende administrative en litige. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette amende aurait été prononcée contre lui en méconnaissance du dernier alinéa de l'article L. 8113-7 du code du travail. En ce qui concerne le montant de l'amende : 16. Aux termes de l'article L. 8115-4 du code du travail : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ". 17. D'une part, la DIRECCTE fait valoir, sans que M. B... remette en cause ces éléments, qu'elle a, pour fixer le montant de l'amende en litige, et indépendamment de la gravité et de la persistance des manquements constatés, tenu compte également des antécédents du requérant en matière de non-respect des règles de sécurité et d'hygiène sur les chantiers et notamment le fait qu'il avait déjà fait l'objet au cours de l'année 2015 d'une mesure d'arrêt des travaux, de son comportement menaçant lors des opérations de contrôle alors que l'administration avait tenté de renouer le dialogue, comme dans les suites de ce contrôle. La DIRRECTE de Bretagne justifie en effet qu'elle lui a préalablement demandé de présenter ses observations et de s'expliquer quant à la teneur des propos tenus envers les agents de contrôle de l'inspection du travail et il est constant que M. B... s'est abstenu alors de présenter toute justification. D'autre part, alors que le requérant s'était abstenu également de transmettre au service des éléments relatifs à ses charges et à ses ressources et ce, malgré deux demandes faites en ce sens les 25 février et 15 mars 2019, il verse désormais aux débats des éléments d'ordre financier - emprunt personnel d'un montant de 20 000 euros souscrit le 2 février 2022, prêt professionnel de 92 000 euros contracté le 5 juin 2006 dont le terme est venu à échéance le 5 juin 2023, factures EDF Entreprise pour des montants allant de 37 à 65 euros par mois et une facture de la compagnie des eaux d'un montant de 232 euros pour le mois de novembre 2021 - qui ne permettent pas de considérer que le montant de l'amende administrative prononcée à son encontre, soit 5 000 euros pour une salariée alors que le maximum légal est fixé à 10 000 euros, présenterait un caractère disproportionné. Ses demandes tendant à l'annulation, comme à titre subsidiaire, à la minoration de l'amende en litige ne peuvent qu'être rejetées. 18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. Une copie en sera adressée pour information à la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de Bretagne. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22NT01652 2 |
CETATEXT000048313335 | J7_L_2023_10_00022DA01616 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/31/33/CETATEXT000048313335.xml | Texte | CAA de DOUAI, 2ème chambre, 31/10/2023, 22DA01616, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01616 | 2ème chambre | plein contentieux | C | M. Sorin | DENYS | M. Guillaume Vandenberghe | Mme Regnier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a ordonné une expertise avant dire droit en vue de se prononcer sur l'imputabilité et l'étendue des préjudices allégués par Mme B..., avant de statuer sur les conclusions de sa requête tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Lille, du centre hospitalier de Valenciennes et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Par un mémoire complémentaire après expertise, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'ordonner avant dire droit une nouvelle expertise, ou à défaut, un complément d'expertise, de condamner solidairement le centre hospitalier de Valenciennes et le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser la somme globale de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis et d'ordonner l'exécution provisoire du jugement. Par un jugement n° 1910594 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), a rejeté la requête de Mme B... et a mis à sa charge définitive les frais d'expertise pour la somme de 1 500 euros. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022 et des mémoires, enregistrés les 7 et 23 juin 2023, Mme A... B..., représentée par Me Ludivine Denys puis par Me Alexia Navarro, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'ordonner, avant dire droit, une nouvelle expertise médicale ou à défaut un complément d'expertise, et de condamner solidairement le centre hospitalier de Valenciennes et le centre hospitalier universitaire de Lille à lui verser une provision de 20 000 euros ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement le centre hospitalier de Valenciennes et le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser la somme globale de 150 000 euros en réparation de ses préjudices ; 4°) d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille et du centre hospitalier de Valenciennes, outre les dépens, le versement à Mme B... de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le rapport d'expertise du Dr C... est entaché de nullité et de partialité dès lors qu'il méconnaît le principe du contradictoire ; - une contre-expertise serait utile, ou à défaut, une expertise complémentaire dès lors que la première expertise devra être annulée et que l'expert a manqué de discernement et d'impartialité ; - elle est fondée à solliciter le versement d'une provision au regard de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux ; - à titre subsidiaire, s'il n'était pas fait droit à sa demande de nouvelle expertise avant dire droit, elle est fondée à demander l'indemnisation des préjudices résultant des manquements dans sa prise en charge par le centre hospitalier de Valenciennes et le centre hospitalier universitaire de Lille. Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier et 21 juin 2023, le centre hospitalier de Valenciennes et le centre hospitalier régional universitaire de Lille, représentés par Me Didier Le Prado, concluent au rejet de la requête. Ils font valoir que l'expertise est régulière et qu'ils n'ont commis aucune faute dans la prise en charge médicale de la requérante. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Samuel Fitoussi, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de le mettre hors de cause ; 3°) de mettre à la charge de tout succombant le paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing qui n'a pas produit de mémoire. Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Hubert Demailly, représentant les centres hospitaliers de Lille et de Valenciennes. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., née le 31 juillet 1995, s'est présentée aux urgences du centre hospitalier de Valenciennes dans la soirée du 27 août 2016 en raison de douleurs intenses de l'œil gauche avec rougeur, œdème, larmoiement, photophobie et céphalées. Une kératite aiguë de l'œil gauche post-traumatique a alors été diagnostiquée et prise en charge. Les 28, 29 et 30 août 2016, alors que son état s'était dégradé, elle s'est rendue au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille où a alors été diagnostiqué un ulcère cornéen de l'œil gauche par herpès. Elle a ensuite été hospitalisée en raison d'une infection bactérienne consécutive à la lésion de l'œil. Mme B..., estimant que les deux centres hospitaliers précités avaient commis des manquements durant sa prise en charge, a saisi le tribunal administratif de Lille, qui, par un jugement avant dire droit du 7 avril 2021, a ordonné une expertise afin d'apprécier la réalité des manquements allégués et d'évaluer l'étendue des préjudices subis. Mme B... relève appel du jugement du 25 mai 2022, par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à titre principal, à ce que soit ordonnée une contre-expertise, et à titre subsidiaire à la condamnation solidaire du centre hospitalier de Valenciennes et du centre hospitalier régional universitaire de Lille à l'indemniser en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Sur la régularité du rapport d'expertise : 2. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier. 3. Il résulte de l'instruction que la requérante, qui soutient ne pas avoir eu connaissance de toutes les pièces du dossier médical d'expertise, n'a pas demandé la communication des comptes rendus partiel et complet d'examen bactériologiques alors même que ces documents étaient mentionnés dans le pré-rapport d'expertise dont elle a eu connaissance et que l'expert, a, en réponse à son dire, assuré que la procédure avait été contradictoire. Par ailleurs et en toute hypothèse, Mme B... avait connaissance des résultats des analyses bactériologiques, qu'elle ne conteste pas, dès lors que le contenu des comptes rendus est cité par l'expert et dans des pièces qu'elle a elle-même fournies, de telle sorte qu'elle était à même d'en discuter la teneur devant l'expert. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du rapport d'expertise doit être écarté. 4. Mme B... soutient également que l'expert a manqué d'impartialité et de discernement dès lors qu'il aurait porté un jugement sur son port de faux-ongles. Toutefois, il résulte des termes du rapport que l'expert s'est borné à souligner, dans le cadre de sa mission et dans des termes objectifs, les dangers que comportait le port de faux ongles lors de la manipulation des lentilles de contact, en raison des risques de lésions oculaires et du réservoir bactériologique présent sous l'ongle. En outre, eu égard au contenu précis et détaillé du rapport, qui répond à l'ensemble des questions posées, ainsi que des pièces jointes, la cour dispose des éléments nécessaires à la résolution du litige, de telle sorte qu'une autre expertise ne serait pas utile. 5. Il résulte de ce qui précède que l'expertise étant régulière, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats non plus que de procéder à une expertise complémentaire. Sur la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes : 6. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ". Aux termes de l'article L. 1110-5 du même code : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. / (...). " 7. Il résulte de l'instruction, que Mme B... s'est présentée le 27 août 2016 au service des urgences du centre hospitalier de Valenciennes en raison d'une douleur oculaire gauche majeure, de céphalées, de larmoiement réactionnel et de photophobie causées par une lésion de l'œil gauche don l'origine est liée au retrait sans précaution d'une lentille oculaire alors que Mme B... était parée de faux ongles. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'examen pratiqué alors par le médecin urgentiste, lequel disposait des compétences requises et n'avait pas à se référer à un médecin ophtalmologue, était complet compte tenu des signes cliniques que présentait son œil gauche à ce stade, le médecin ayant ainsi cherché des signaux locaux de gravité tel qu'un cercle périkératique et ayant pratiqué un test à la fluorescéine. Par ailleurs, dans son expertise non utilement contredite sur ce point, le docteur C... qualifie l'examen d'exhaustif et souligne qu'il n'existait aucun signe clinique d'infection bactérienne à ce stade de sorte que des examens bactériologiques ne s'imposaient pas contrairement à ce que prétend la requérante ; de plus, le diagnostic d'ulcération cornéenne a bien été porté et un traitement qualifié de logique a été prescrit conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science au regard de l'ensemble de ces constations cliniques. Par suite, il y a lieu de considérer, à la suite de l'expert, que le centre hospitalier de Valenciennes n'a pas commis de faute dans la prise en charge de la requérante lors de son admission le 27 août 2016. 8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander la condamnation de centre hospitalier de Valenciennes à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Sur la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille : 9. Il résulte de l'instruction que Mme B... s'est rendue, les 28 et 29 août 2016, au centre hospitalier régional universitaire de Lille en raison de la persistance et de l'aggravation de ses symptômes oculaires. L'intéressée, qui a d'abord été diagnostiquée comme porteuse d'une ulcération cornéenne herpétique le 28 août, a été hospitalisée le jour suivant en raison de l'apparition tant d'un abcès à la cornée de l'œil gauche que d'une infection par bactérie. Un traitement antibactérien lui a alors été prescrit en attendant les résultats de la mise en culture des prélèvements effectués le même jour. Il est constant que les traitements et examens doivent être adaptés aux constations cliniques, une antibiothérapie précoce non adaptée devant être évitée au risque de développer une résistance bactérienne, ainsi que le relève l'expert sans être contredit. En l'espèce, la requérante n'a présenté des signes localisés et infectieux graves, tels qu'un œdème palpébral et des sécrétions purulentes, que le 29 août 2016. Avant cette date, et contrairement à ce qu'elle allègue, les signes cliniques qu'elle présentait ne justifiaient pas d'utiliser un traitement antibiotique intensif et renforcé, le compte rendu de prise en charge du 28 août 2016 ne faisant apparaître, par exemple, aucun signe d'un état purulent de l'œil. Ainsi que le souligne l'expertise, le diagnostic d'ulcère herpétique ainsi que la prescription finale antiherpétique ont été logiques et adaptés aux constations cliniques. Par ailleurs et en tout état de cause, et alors même qu'aucun signe évocateur n'était apparu, les résultats des examens de mise en évidence de bactéries dépendent de la densité bactérienne, un prélèvement précoce le 28 août 2016 n'aurait ainsi pu mettre en évidence la présence de bactéries qu'avec une mise en culture, dont les résultats n'auraient été obtenus que le lendemain, soit le 29 août 2016, date à laquelle Mme B... avait déjà été hospitalisée et avait reçu une antibiothérapie renforcée et intensive. Dès lors, la démarche thérapeutique du centre hospitalier universitaire de Lille correspond aux connaissances acquises de la science médicale et était appropriée à l'évolution rapide de l'état de santé de Mme B... entre le début de son affection le 27 août et son hospitalisation le 29 août 2016. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier régional universitaire de Lille a commis une faute ou un retard fautif lors de sa prise en charge dans cet établissement. 10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans donc qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que Mme B... n'est pas fondée à invoquer la responsabilité solidaire du centre hospitalier de Valenciennes et du centre hospitalier régional universitaire de Lille ni, par suite, à demander leur condamnation tant au titre du versement d'une provision qu'au titre de l'indemnisation de ses préjudices. Sur les conclusions aux fins d'exécution provisoire : 11. Les arrêts des cours administratives d'appel étant, par application des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative, exécutoires de plein droit, les conclusions tendant à ce que soit prescrite l'exécution provisoire de la présente décision sont dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et a mis à sa charge définitive les frais d'expertise. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce dernier fondement par l'ONIAM. DÉCIDE : Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au centre hospitalier de Valenciennes, au centre hospitalier régional universitaire de Lille, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing. Une copie en sera adressée, pour information, au docteur C..., expert. Délibéré après l'audience publique du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023 Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : Anne-Sophie Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette N°22DA01616 2 |
CETATEXT000048380968 | JG_L_2023_10_000000489051 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/09/CETATEXT000048380968.xml | Texte | Conseil d'État, Juge des référés, 31/10/2023, 489051, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | Conseil d'État | 489051 | Juge des référés | Excès de pouvoir | C | Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, de suspendre l'exécution des décisions du 22 septembre 2023 par lesquelles le ministre de l'intérieur et des outre-mer l'a placé en zone d'attente et a refusé de l'autoriser à entrer sur le territoire français et, en dernier lieu, d'enjoindre à l'administration de l'autoriser à entrer sur le territoire français. Par une ordonnance n° 2311779 du 11 octobre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, rejeté sa requête. Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2023 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris et transmise au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, par une ordonnance du 23 octobre 2023 de la présidente de cette cour, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) de suspendre l'exécution des décisions du 22 septembre 2023 lui refusant l'entrée sur le territoire français et le maintenant en zone d'attente ; 3°) d'enjoindre à la police aux frontières de le laisser entrer sur le territoire français ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision de refus d'entrée sur le territoire est entachée d'incompétence et d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, les décisions du 22 septembre 2023 préjudicient de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation et, d'autre part, qu'il ne doit être maintenu en zone d'attente que pour la durée strictement nécessaire à son départ en application de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile ; - il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ; - les décisions de refus d'entrée sur le territoire et de maintien en zone d'attente méconnaissent sa liberté d'aller et venir dès lors qu'il a obtenu un visa d'entrée de court séjour et qu'il a rempli les conditions de court séjour en France ; - elles méconnaissent son droit au respect de sa vie privée et familiale. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. 2. M. B..., ressortissant libanais né le 3 mai 1954, relève appel de l'ordonnance du 11 octobre 2023 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution des décisions du 22 septembre 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer l'a placé en zone d'attente et lui a refusé l'entrée sur le territoire français et, d'autre part, à enjoindre à l'administration de l'autoriser à entrer sur le territoire français. 3. M. B... n'apporte en appel aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par la juge des référés du tribunal administratif de Montreuil qui a considéré, dès lors que M. B... n'avait pas fourni les documents requis par l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour être autorisé à entrer sur le territoire français, que la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer lui refusant l'entrée sur le territoire français ne pouvait être regardée comme ayant portée une atteinte manifestement illégale aux droits et libertés invoqués par M. B.... Il est manifeste que l'appel de M. B... ne peut être accueilli. Sa requête doit donc être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du même code, sans qu'il y ait lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B.... Fait à Paris, le 31 octobre 2023 Signé : Jérôme Marchand-Arvier |
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CETATEXT000048386350 | JG_L_2023_11_000000449213 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386350.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10/11/2023, 449213, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 449213 | 6ème - 5ème chambres réunies | Excès de pouvoir | C | SARL CABINET BRIARD | M. Bruno Bachini | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 29 janvier 2021 et le 4 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EcoDDS demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-1455 du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs ; 2°) d'enjoindre à l'Etat de mettre en conformité l'article R. 541-114 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de ce décret, avec l'article 8 bis de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution ; - la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 ; - la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ; - la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 ; - la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015 ; - le code de commerce ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société EcoDDS ; Considérant ce qui suit : 1. Par la présente requête, la société EcoDDS, éco-organisme intervenant dans la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs en tant qu'il introduit dans le code de l'environnement ou modifie les articles R. 131-26-1, R. 131-26-2 à R. 131-26-4, D. 541-90 à D. 541-98, R. 541-86, R. 541-87, R. 541-99, R. 541-100, R. 541-107, R. 541-110, R. 541-112, R. 541-113, R. 541-114, R. 541-115, R. 541-116, le 3° de l'article R. 541-119, l'article R. 541-121, le 2° de l'article R. 541-123, les articles R. 541-124, R. 541-127, R. 541-129, R. 541-130, R. 541-131 et R. 541-174. Sur les moyens tirés de la méconnaissance de la directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur : 2. En premier lieu, si le paragraphe 7 de l'article 15 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur dispose que " les Etats membres notifient à la Commission toute nouvelle disposition législative, réglementaire ou administrative qui prévoit des exigences visées au paragraphe 6 ainsi que les raisons qui se rapportent à ces exigences ", ce même paragraphe précise expressément que " la notification n'empêche pas les Etats membres d'adopter les dispositions en question ". Dès lors, le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance de ces dispositions, ni le 1° et le 5° de l'article R. 541-86 du code de l'environnement, ni les articles D. 541-90 à D. 591-98, ni l'article R. 541-107 ni le 4° du nouvel article R. 541-110, introduits dans le code de l'environnement par le décret attaqué, n'ont été notifiés à la Commission européenne ne peut qu'être écarté. 3. En deuxième lieu, l'article 9 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, relatif aux régimes d'autorisation, dispose que " la présente section ne s'applique pas aux aspects des régimes d'autorisation qui sont régis directement ou indirectement par d'autres instruments communautaires ". Le régime des agréments des éco-organismes étant régi par la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, qui définit le régime des autorisations et enregistrements auxquels sont soumis les opérateurs du traitement des déchets, ne peut qu'être écarté le moyen tiré de ce que la redevance mise à la charge des éco-organismes, prévue par l'article R. 131-26-2 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué, constituerait une condition financière préalable dans le cadre d'une procédure d'autorisation méconnaissant la finalité générale de facilitation de l'accès aux activités de services découlant de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les moyens tirés de ce que les articles R. 541-86, R. 541-87 du même code, dans leur rédaction issue du décret attaqué, et l'article R. 541-107, introduit par le décret attaqué, méconnaîtraient les objectifs fixés par les articles 9 et 10 de la directive du 12 décembre 2006 ne peuvent qu'être écartés pour le même motif. 4. En troisième lieu, si la société requérante soutient que les articles D. 541-90 à D. 541-98 introduits dans le code de l'environnement par le décret attaqué, ainsi que les dispositions de l'article L. 541-10 du même code relatives au comité des parties prenantes, sur le fondement duquel ils ont été pris, porteraient atteinte aux objectifs de l'article 15 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, ce moyen ne peut qu'être également écarté dès lors que ces dispositions, qui mettent en œuvre des exigences issues de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, relèvent du champ du d) du paragraphe 2 de cet article 15 qui prévoit une dérogation en cas d'exigences prévues dans d'autres instruments communautaires réservant l'accès à l'activité de service concernée à des prestataires particuliers en raison de la nature spécifique de l'activité. Sur l'article R. 131-26-1 du code de l'environnement : 5. Aux termes de l'article R. 131-26-1 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué, relatif à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) : " La mission de suivi et d'observation des filières à responsabilité élargie prévue au V de l'article L. 131-3 comprend les prestations suivantes : / 1° Au titre de l'accompagnement des éco-organismes et systèmes individuels, la réalisation des études et évaluations préalables à leur agrément ou renouvellement d'agrément ; / 2° La collecte, le traitement et l'analyse des données et informations mentionnées aux articles L. 541-10-13 et L. 541-10-14 nécessaires au suivi et à l'observation des filières de responsabilité élargie du producteur ; / 3° La mise à disposition du public des informations mentionnées à l'article L. 541-10-14, dans les conditions prévues à cet article. / L'agence est l'autorité administrative mentionnée aux articles L. 541-10-13 et L. 541-10-14 ". 6. Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces dispositions, prises sur le fondement de l'article L. 131-3 du code de l'environnement et qui sont d'application immédiate, ne font pas obstacle à ce que les articles L. 541-10-13 et L. 541-10-14 du même code relatifs aux filières soumises à la responsabilité élargie du producteur n'entrent en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2022. Elles n'ont, par suite, pas méconnu l'article 130 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire prévoyant l'entrée en vigueur différée, à cette date, de ces dispositions législatives. Sur les articles R. 131-26-2 et R. 131-26-4 du code de l'environnement : 7. Aux termes du deuxième alinéa du V de l'article L. 131-3 du code de l'environnement l'ADEME " assure le suivi et l'observation des filières à responsabilité élargie du producteur. / Les coûts supportés par l'agence pour assurer la mission mentionnée au premier alinéa du présent V sont couverts par une redevance versée par les producteurs ou leur éco-organisme, dont le montant est fixé par décret. / Le pôle de l'agence réalisant ces actions dispose de l'autonomie financière dans la limite du produit des contributions reçues. Son budget constitue un budget annexe de l'agence. ". 8. L'article R. 131-26-2 relatif à l'ADEME, introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué, dispose que " La redevance prévue au deuxième alinéa du V de l'article L. 131-3 est perçue par l'agence en contrepartie des prestations mentionnées à l'article R. 131-26-1. Elle est due, selon les cas, par les producteurs qui ont mis en place un système individuel ou les éco-organismes. Le montant de la redevance est fixé par l'agence conformément à des tarifs établis par elle et homologués par le ministre chargé de l'environnement, dans les conditions fixées à l'article R. 131-26-4 ". Aux termes de ce nouvel article R. 131-26-4 : " L'agence notifie au ministre chargé de l'environnement les tarifs établis en application de l'article R. 131-26-3 quatre mois au moins avant le début de chaque période tarifaire. Cette notification est accompagnée des éléments ayant servi de base à la détermination des tarifs. Le ministre peut demander à l'agence tout élément permettant de justifier sa proposition tarifaire. / Les tarifs sont réputés homologués à défaut d'opposition motivée du ministre chargé de l'environnement dans un délai de deux mois à compter de cette notification. Dans le cas contraire, l'agence propose de nouveaux tarifs dans un délai d'un mois, en prenant en compte les observations formulées par le ministre. Ils sont alors adoptés dans les conditions prévues à la phrase précédente. En cas de nouvelle opposition ou en l'absence de notification les tarifs précédemment en vigueur demeurent applicables (...) ". 9. En premier lieu, la redevance en litige ayant été instituée par la loi, ne peut qu'être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce qu'eu égard aux opérations qu'il est appelé à financer, ce prélèvement aurait la nature non d'une redevance pour service rendu mais d'une imposition de toute nature que le pouvoir réglementaire n'avait pas compétence pour instituer. 10. En deuxième lieu, le décret attaqué a défini, à l'article R. 131-26-1 qu'il a inséré dans le code de l'environnement, les prestations que comprend la mission de suivi et d'observation des filières à responsabilité élargie du producteur confiée à l'ADEME. Il a précisé, au I de l'article R. 131-26-3, que les tarifs de la redevance devaient couvrir les coûts de fonctionnement et d'investissement inhérents à ces prestations en tenant compte de celles qui sont spécifiques à chacune des filières et de celles dont le service est commun à plusieurs filières. Il a déterminé, au II du même article, les modalités de répartition de ces coûts entre les différents producteurs en système individuel et éco-organismes. Si l'article L. 131-3 du code de l'environnement a renvoyé à un décret le soin de fixer le montant de la redevance mise à la charge des producteurs et des éco-organismes en vue de couvrir les coûts supportés par l'ADEME à raison de la mission qui lui est confiée, le décret attaqué, qui a fixé les modalités de détermination du produit de cette redevance et de répartition de la charge correspondante entre les redevables, a pu, contrairement à ce qui est soutenu, sans méconnaître les dispositions législatives dont il faisait application, renvoyer à l'ADEME la fixation du montant de la redevance sur la base de tarifs proposés par cette agence et homologués par le ministre chargé de l'environnement. Sur l'article R. 131-26-3 du code de l'environnement : 11. Aux termes du deuxième alinéa du 2° du III de l'article R. 131-26-3 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Les tarifs annuels de redevance déterminés chaque année en application des dispositions des précédents alinéas peuvent être augmentés de 20 % au plus afin de couvrir le coût d'investissements devant être réalisés l'année suivante et nécessaires à la réalisation des prestations mentionnées à l'article R. 131-26-1. Ce complément de redevance donne lieu à régularisation au plus tard l'année suivant la réalisation des investissements, compte tenu des dépenses effectivement réalisées ". 12. Pour les motifs indiqués au point 9, ne peuvent qu'être écartés les moyens tirés de ce que qu'eu égard aux charges que cette majoration a vocation à couvrir et à l'absence de régularisation prévue dans l'hypothèse où l'éco-organisme ne serait plus agréé à la date de la réalisation des investissements, la majoration prévue par ces dispositions serait dépourvue de contrepartie pour les redevables, ce qui ferait obstacle à ce que le prélèvement ait, dans cette mesure, la nature d'une redevance pour service rendu. Sur l'article R. 541-86 du code de l'environnement : 13. Les dispositions du II de l'article L. 541-10 prévoient, d'une part, que " Les éco-organismes et les systèmes individuels sont agréés pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques, de la gouvernance et des moyens financiers et organisationnels pour répondre aux exigences d'un cahier des charges " et, d'autre part, que " ce cahier des charges précise les objectifs et modalités de mise en œuvre des obligations mentionnées à la présente section ". 14. En prévoyant, d'une part, à l'article R. 541-86 du code de l'environnement, dans la rédaction qu'il lui a donnée, l'obligation de faire figurer dans la demande d'agrément une description des mesures prévues pour respecter les dispositions de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l'environnement et des textes réglementaires pris pour leur application et, d'autre part, en subordonnant la délivrance de l'agrément à une évaluation des mesures susceptibles d'être mises en œuvre pour atteindre des performances supérieures à chacun des objectifs, le décret attaqué s'est borné à préciser les critères de mise en œuvre des dispositions du II de l'article L. 541-10 citées au point précédent qu'il n'a, par suite, pas méconnues et n'a pas davantage méconnu le principe de proportionnalité. Sur l'article R. 541-87 du code de l'environnement : 15. Aux termes du l'article R. 541-87 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue du décret attaqué : " Les ministres chargés de l'environnement et de l'économie se prononcent sur la demande d'agrément dans un délai de six mois à compter de la date de dépôt du dossier de demande d'agrément. Au terme de ce délai, la demande est réputée acceptée en l'absence de réponse de leur part. / Ces ministres peuvent fixer une durée d'agrément plus brève que celle qui est sollicitée par le demandeur, sans qu'elle puisse être inférieure à un an, en motivant leur décision au regard des éléments présentés dans le dossier de demande d'agrément et de la maturité de la filière. Dans ce cas, le demandeur met à jour les éléments de son dossier de demande mentionnés au 2° et au 4° de l'article R. 541-86 qui le nécessitent et au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la date de son agrément. / La décision de refus d'agrément est motivée ". 16. En premier lieu, en prévoyant la possibilité pour les ministres compétents de fixer une durée d'agrément plus brève que celle qui est sollicitée par le demandeur, sans que celle-ci puisse être toutefois inférieure à un an, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article L. 541-10, citées au point 13, lesquelles se bornent à indiquer que les éco-organismes et les systèmes individuels sont agréés pour une durée maximale de six ans. 17. En second lieu, en prévoyant que la décision fixant une durée d'agrément inférieure à celle demandée est motivée, pour partie, au regard de la " maturité de la filière ", le pouvoir réglementaire, qui s'est borné, ce faisant, à préciser les conditions de mise en œuvre de la faculté offerte aux ministres de moduler la durée de l'agrément qu'ils accordent, n'a pas ajouté de critère supplémentaire par rapport à ceux définis par la loi pour la délivrance de l'agrément et n'a, dès lors, pas excédé sa compétence. Sur les articles D. 541-90, D. 541-92 et D. 541-93 du code de l'environnement : 18. Aux termes des quatrième à huitième alinéas de L'article L. 541-10 du code de l'environnement : " Chaque éco-organisme crée un comité des parties prenantes, composé notamment de producteurs, de représentants des collectivités territoriales compétentes en matière de gestion des déchets, d'associations de protection de l'environnement agréées en application de l'article L. 141-1 et d'associations de protection des consommateurs ainsi que d'opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets, dont ceux de l'économie sociale et solidaire. / Ce comité rend un avis public préalable à certaines décisions de l'éco-organisme, en particulier celles qui portent sur les engagements pris en application du II de l'article L. 541-9-6, sur le montant de la contribution financière mentionnée à l'article L. 541-10-2 et sur le barème prévu au même article L. 541-10-2, sur les modulations prévues à l'article L. 541-10-3, sur l'attribution de financements en application de l'article L. 541-10-5 et sur les conditions des marchés initiés par l'éco-organisme en application de l'article L. 541-10-6. En l'absence d'avis dans un délai d'un mois, l'avis est réputé avoir été rendu. / Le comité peut également émettre des recommandations à destination de l'éco-organisme portant notamment sur l'écoconception des produits relevant de la filière. / Le comité a accès aux informations détenues par l'éco-organisme pour l'accomplissement de sa mission, dans le respect des secrets protégés par la loi. / La composition du comité, la procédure suivie devant lui et les types de projets de décisions préalablement soumis pour avis au comité sont précisés par décret. Ils peuvent être adaptés pour tenir compte des spécificités de chaque filière ". 19. En premier lieu, en prévoyant à l'article D. 541-90 du code de l'environnement, pris pour l'application de ces dispositions, que le comité des parties prenantes est composé de quatre collèges composés respectivement de représentants des producteurs des catégories de produits pour lesquels l'éco-organisme est agréé, de représentants d'opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets issus des produits relevant de son agrément, de représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements compétents en matière de planification ou de gestion des déchets et de représentants des associations de protection de l'environnement et en n'y associant un représentant des distributeurs que lorsqu'une obligation de reprise des produits usagés s'applique à eux et sans que ce représentant puisse prendre part aux votes, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu les dispositions du a) du paragraphe 1 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, qui se bornent à prévoir que les Etats membres définissent clairement les rôles et les responsabilités de tous les acteurs concernés. 20. En deuxième lieu, en permettant, à l'article D. 541-92, aux quatre collèges d'émettre des avis sur tous les projets, y compris ceux qui ne concernent que certains d'entre eux, le décret attaqué n'a pas davantage méconnu ces dispositions de la directive du 19 novembre 2008. 21. En troisième lieu, en prévoyant, à l'article D. 541-93, une obligation pour l'éco-organisme d'informer le comité des parties prenantes, le pouvoir réglementaire s'est borné à définir les conditions de mise en œuvre des dispositions du septième alinéa précité de l'article L. 541-10 du code de l'environnement et n'a, par suite, pas excédé sa compétence. Sur les articles R. 541-99 et R. 541-100 du code de l'environnement : 22. Aux termes du b) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les contributions financières versées par le producteur du produit pour se conformer à ses obligations de responsabilité élargie : / (...) b) lorsque les obligations de responsabilité élargie des producteurs sont remplies collectivement, soient modulées, lorsque cela est possible, pour chaque produit ou groupe de produits similaires, compte tenu notamment de la durabilité, de la réparabilité, des possibilités de réemploi et de la recyclabilité de ceux-ci ainsi que de la présence de substances dangereuses, en adoptant pour ce faire une approche fondée sur le cycle de vie et conforme aux exigences fixées par le droit de l'Union en la matière et, lorsqu'ils existent, sur la base de critères harmonisés afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur ". 23. Aux termes de l'article L. 541-10-3 du code de l'environnement, pris pour la transposition de ces dispositions : " Les contributions financières versées par les producteurs qui remplissent collectivement les obligations mentionnées à l'article L. 541-10 sont modulées, lorsque cela est possible au regard des meilleures techniques disponibles, pour chaque produit ou groupe de produits similaires, en fonction de critères de performance environnementale, parmi lesquels la quantité de matière utilisée, l'incorporation de matière recyclée, l'emploi de ressources renouvelables gérées durablement, la durabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi ou de réutilisation, la recyclabilité, la visée publicitaire ou promotionnelle du produit, l'absence d'écotoxicité et la présence de substances dangereuses telles que définies par le décret prévu à l'article L. 541-9-1, en particulier lorsque celles-ci sont susceptibles de limiter la recyclabilité ou l'incorporation de matières recyclées (...) / La modulation est soumise à l'avis du ministre chargé de l'environnement. Elle peut être fixée par arrêté du ministre chargé de l'environnement après avis de la commission inter-filières (...) ". 24. Aux termes de l'article R. 541-99 introduit par le décret attaqué dans le code de l'environnement : " Pour l'application de l'article L. 541-10-3 relatif aux modulations des contributions financières versées par les producteurs, dans un délai de six mois à compter de la date de son agrément, l'éco-organisme détermine les critères de performance environnementale pertinents pour les produits ou groupes de produits relevant de son agrément et dont l'usage est similaire. Pour chacun de ces critères, il estime les performances pouvant être atteintes au regard des meilleures techniques disponibles et les différentiels de coûts correspondants. Il élabore une proposition de programme pluriannuel d'évolution des primes et pénalités fondée sur cette estimation ou sur d'autres critères de référence qu'il propose. / Chaque éco-organisme transmet les éléments mentionnés au précédent alinéa pour accord au ministre chargé de l'environnement, après consultation de son comité des parties prenantes. L'accord est réputé acquis en l'absence d'opposition dans un délai de deux mois suivant la réception de la proposition. / L'éco-organisme peut réviser ces modulations dans les conditions fixées à l'alinéa précédent. / Lorsque les modulations sont fixées par l'arrêté prévu au troisième alinéa de l'article L. 541-10-3, leurs critères et amplitudes s'appliquent à l'identique à chacun des éco-organismes agréés pour une même catégorie de produits ". 25. Aux termes de l'article R. 541-100 introduit par le décret attaqué dans le code de l'environnement : " Pour l'application de la quatrième phrase du troisième alinéa de l'article L. 541-10-3, l'éco-organisme réalise une évaluation de l'impact des critères et montants des modulations et de leur adéquation au regard des objectifs atteints, au plus tard trois ans à compter de la date de son agrément. L'éco-organisme propose, si besoin est, une révision des critères de performance environnementale au regard de l'évolution des meilleures techniques disponibles et une révision du programme pluriannuel d'évolution des primes et pénalités. Ces modulations sont adoptées dans les conditions fixées à l'article R. 541-99 ". 26. En premier lieu, en s'abstenant de réitérer la précision selon laquelle la modulation des contributions financières n'a lieu que " lorsque cela est possible ", l'article R. 541-99 ne méconnaît pas les dispositions législatives dont il fait application. 27. En deuxième lieu, l'article L. 541-10-3 du code de l'environnement, prévoit que la modulation des contributions s'opère en fonction de " critères de performance environnementale ", au nombre desquels les critères de " durabilité, de réparabilité, de possibilités de réemploi et de recyclabilité " des produits. L'article R. 541-99 du code de l'environnement se bornant, en prescrivant, pour la mise en œuvre de la modulation des contributions financières, la détermination de " critères de performance environnementale pertinents ", à faire application de ces dispositions législatives, la société requérante ne peut utilement soutenir que ces dispositions réglementaires méconnaîtraient l'objectif de prise en compte du cycle de vie du produit énoncé au b) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008. 28. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que ce même article méconnaîtrait l'objectif de mise en œuvre, lorsqu'ils existent, de critères harmonisés posé par l'article 8 bis de la directive ne peut qu'être écarté dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que de tels critères n'existaient pas à la date de son adoption. 29. En quatrième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 541-10-3 du code de l'environnement citées au point 23 que si la modulation doit être soumise à l'avis du ministre chargé de l'environnement, ce dernier a le pouvoir de fixer celle-ci par arrêté, après avoir recueilli l'avis de la commission inter-filières. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article R. 541-99 méconnaîtrait l'article L. 541-10-3 en prévoyant qu'il appartient à chaque éco-organisme de transmettre, pour accord, ses critères d'évaluation et propositions de programme au ministre chargé de l'environnement et que l'absence d'opposition de celui-ci dans un délai de deux mois suivant la réception de la proposition vaut accord. 30. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 5 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information : " Sous réserve de l'article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit (...) ". La détermination de critères de performance environnementale prévue par l'article R. 541-99 du code de l'environnement procédant d'une transposition intégrale des dispositions du b) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait méconnu les obligations découlant de l'article 5 de la directive du 9 septembre 2015 en s'abstenant de prévoir une procédure assurant la notification préalable de ces critères à la Commission doit, en tout état de cause, être écarté. Sur l'article R. 541-107 du code de l'environnement : 31. Aux termes du II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement : " Les éco-organismes et les systèmes individuels sont agréés pour une durée maximale de six ans renouvelable (...) / lorsque plusieurs éco-organismes sont agréés pour une même catégorie de produits, il peut être imposé aux producteurs de mettre en place un organisme coordonnateur agréé dans les conditions prévues au même premier alinéa ". 32. En prévoyant, d'une part, que l'organisme coordonnateur mentionné par l'article L. 541-10 précité est mis en place par les éco-organismes, lesquels agissent pour le compte des producteurs, lorsque le cahier des charges le leur impose et, d'autre part, que cet organisme est agréé pour une durée de six ans renouvelable, qui correspond à la durée maximale fixée par ce même article, l'article R. 541-107 du code de l'environnement, introduit par le décret attaqué, ne méconnaît pas ces dispositions législatives, ni, en tout état de cause, ne porte atteinte aux principes de nécessité et de proportionnalité découlant du droit de l'Union européenne. Sur les articles R. 541-112, R. 541-113, R. 541-114, R. 541-115 et R. 541-116 du code de l'environnement : 33. En premier lieu, aux termes de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement : " Les contributions financières versées par le producteur à l'éco-organisme couvrent les coûts de prévention, de la collecte, du transport et du traitement des déchets, y compris les coûts de ramassage et de traitement des déchets abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre, lorsque le cahier des charges mentionné à l'article L. 541-10 le prévoit, les coûts relatifs à la transmission et la gestion des données nécessaires au suivi de la filière ainsi que ceux de la communication inter-filières et, le cas échéant, les autres coûts nécessaires pour atteindre les objectifs quantitatifs ou qualitatifs fixés par le cahier des charges (...) ". 34. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, les articles R. 541-112 et R. 541-113 introduits dans le code de l'environnement par le décret attaqué, pris pour l'application de ces dispositions, ne les méconnaissent pas du seul fait qu'elles ne rappellent pas que les contributions financières versées par le producteur à l'éco-organisme ne couvrent les coûts de ramassage et de traitement des déchets abandonnés illégalement que si le cahier des charges le prévoit. 35. En deuxième lieu, l'article R. 541-137 du code de l'environnement dispose que " sauf lorsque le cahier des charges en dispose autrement, les objectifs applicables au système individuel pour la collecte et le traitement des déchets issus de ses produits sont ceux qui sont fixés aux éco-organismes pour la même catégorie de produits ". Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées porteraient atteinte au principe d'égalité de traitement entre producteurs relevant de la responsabilité élargie des producteurs qui découle de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 en mettant les opérations de gestion de déchets relatives à la résorption d'un dépôt illégal à la charge exclusive des éco-organismes, sans les faire également peser sur les producteurs relevant d'un système individuel, ne peut qu'être écarté. 36. En troisième lieu, les dispositions attaquées, qui s'appliquent en cas de dépôts illégaux de déchets issus de produits relevant de filières pour lesquelles le cahier des charges prévoit leur prise en charge et dont il découle du 1° de l'article R. 541-111 du code de l'environnement qu'elles portent uniquement sur les dépôts dont la quantité totale estimée dépasse 100 tonnes ou 50 tonnes après déduction des déchets pouvant faire l'objet d'une valorisation, n'ont ni pour objet ni pour effet de mettre en œuvre un principe de responsabilité illimitée des producteurs dans la prise en charge financière des opérations de gestion des dépôts de déchets dits " sauvages ". Le moyen tiré de ce qu'elles porteraient atteinte, pour ce motif, au principe de proportionnalité doit donc être écarté. 37. En quatrième lieu, la prise en charge par les producteurs des coûts de résorption des dépôts de déchets dits " sauvages " étant prévue par la loi, la requérante ne saurait utilement soutenir que les dispositions réglementaires attaquées, qui se bornent à préciser les modalités de mise en œuvre de cette obligation, méconnaîtraient les dispositions du paragraphe 1 de l'article 8 et de l'article 14 de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets. 38. En cinquième lieu, si les articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne interdisent les restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation entre les États membres ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 541-112, qui se bornent, ainsi qu'il a été dit, à préciser les modalités d'organisation et de fonctionnement du régime de prise en charge de dépôts de déchets illégaux, qu'elles pourraient avoir, par elles-mêmes, pour effet d'entraver l'accès d'opérateurs étrangers au marché national. Le moyen tiré de la violation des articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit par suite être écarté. 39. Enfin, si l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets dispose, au c) de son paragraphe 4, qu'il appartient aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que les contributions financières versées par le producteur du produit pour se conformer à ses obligations de responsabilité élargie " n'excèdent pas les coûts nécessaires à la fourniture de services de gestion des déchets présentant un bon rapport coût-efficacité ", ces coûts devant être " établis de manière transparente entre les acteurs concernés ", les dispositions des articles R. 541-114 et R. 541-116 introduits dans le code de l'environnement par le décret attaqué, qui prévoient avec précision les modalités suivant lesquelles les coûts de résorption des dépôts illégaux sont imputés et répartis entre éco-organismes, avec la possibilité de recourir à un tiers expert, ne méconnaissent pas les objectifs de ces dispositions. Sur l'article R. 541-119 du code de l'environnement : 40. L'article L. 541-10-7 du code de l'environnement dispose que " L'agrément d'un éco-organisme est subordonné à la mise en place d'un dispositif financier destiné à assurer, en cas de défaillance de l'éco-organisme, la couverture des coûts mentionnés à l'article L. 541-10-2 supportés par le service public de gestion des déchets ". Il précise que " En cas de défaillance, le ministre chargé de l'environnement peut désigner un éco-organisme agréé pour une autre filière afin que ce dernier prenne à sa charge les coûts supportés par le service public de gestion de ces déchets en disposant des fonds du dispositif financier prévus à cet effet " et que " les coûts liés aux opérations de gestion des déchets soutenues par l'éco-organisme sont également couverts par le dispositif financier et par la prise en charge mentionnés au premier alinéa du présent article dans le cas où ledit éco-organisme n'est pas détenteur des déchets ". L'article R. 541-123 du même code dispose, s'agissant du dispositif financier mentionné à l'article L. 541-10-7, que " le montant garanti par ce dispositif financier est calculé de façon à assurer la prise en charge, pendant deux mois, des coûts de collecte, de transport et de traitement des déchets qui seraient supportés, en cas de défaillance de l'éco-organisme, par les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre du service public de gestion des déchets et par les autres personnes auxquelles il apporte un soutien financier à la prise en charge des coûts de gestion des déchets en application d'une disposition législative ou réglementaire ". 41. Aux termes du nouvel article R. 541-119 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Tout éco-organisme établit un contrat type destiné aux producteurs qui souhaitent lui transférer leur obligation de responsabilité élargie, qui prévoit notamment : / 1° Le montant des contributions financières mentionnées à l'article L. 541-10-2, ainsi que les modulations prévues en application de l'article L. 541-10-3 ; / 2° Les modalités de mise en œuvre des mesures mentionnées au premier alinéa du III de l'article L. 541-10 et de celles relatives à la transmission pour le compte du producteur des données prévues à l'article L. 541-10-13 ; / 3° L'obligation pour le producteur de verser la contribution financière à un autre éco-organisme agréé désigné selon les modalités prévues à l'article L. 541-10-7 dans les cas de défaillance mentionnés à l'article R. 541-124. / L'éco-organisme est tenu de contracter avec tout producteur qui en fait la demande dès lors que celui-ci accepte les clauses du contrat type. / Pour des produits identiques, les contributions prévues par le barème mentionné au 1° du présent article sont les mêmes, quel que soit leur lieu de mise sur le marché sur le territoire national. Toutefois, l'éco-organisme peut décider que la contribution financière prévue à l'article L. 541-10-2 prend la forme d'un forfait pour les producteurs qui mettent sur le marché de petites quantités de produits. Dans ce cas, il s'assure périodiquement que le montant du forfait permet de couvrir les coûts mentionnés au même article ". 42. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 541-10-7 précitées du code de l'environnement que le législateur a nécessairement habilité le pouvoir réglementaire à prévoir que l'éco-organisme désigné pour se substituer à un éco-organisme défaillant perçoive les contributions financières correspondantes des producteurs concernés. Le moyen tiré de ce que les dispositions précitées du 1er alinéa du 3° de l'article R. 541-119 méconnaîtraient, pour ce motif, l'article L. 547-10-7 doit, dès lors, être écarté. Le pouvoir réglementaire s'étant ainsi borné à préciser les modalités d'application de cette disposition législative, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article R. 541-119 du code de l'environnement aurait pour effet de créer une obligation civile nouvelle à la charge des producteurs, en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution et de l'article 125 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. 43. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées des articles L. 541-10-7, R. 541-119 et R. 541-123 du code de l'environnement que le dispositif financier qu'elles instituent a pour seul objet de garantir, pendant une période transitoire de deux mois, la continuité des prestations assurées par l'éco-organisme défaillant. Le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires attaquées méconnaîtraient le principe, posé par l'article le III de l'article L. 541-10, en vertu duquel les activités agréées des éco-organismes ne peuvent être exercées dans un but lucratif doit, dès lors, être écarté. 44. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions de l'article R. 541-119, qui ne font pas obstacle à ce que les producteurs concernés contractent avec un autre éco-organisme agréé pour la même filière à la place de celui désigné pour se substituer à l'éco-organisme défaillant, ne portent pas atteinte à la liberté des producteurs, découlant des dispositions de l'article L. 541-10, de mettre en place les éco-organismes de leur choix et d'y adhérer aux fins de leur déléguer leurs obligations dans le cadre du régime de responsabilité élargie, ni ne sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation. 45. En quatrième lieu, les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 541-119, en vertu desquelles il y a lieu, pour des produits identiques, de prévoir les mêmes contributions régies par le barème national résultant de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement indépendamment du lieu de mise sur le marché sur le territoire national, ne contreviennent pas, par elles-mêmes, à l'objectif énoncé au a) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, exigeant que les contributions financières versées par le producteur couvrent les coûts de collecte séparée des déchets et de leur transport et traitement ultérieurs. 46. Enfin, si l'article L. 462-2 du code de commerce prévoit que l'Autorité de la concurrence est obligatoirement consultée sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet, notamment, " d'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente ", le moyen tiré de ce que ces mêmes dispositions du dernier alinéa de l'article R. 541-119 seraient illégales faute d'avoir été précédées d'une telle consultation doit, en tout état de cause, être écarté dès lors que ces dispositions n'ont pas pour effet d'imposer de telles pratiques. Sur l'article R. 541-121 du code de l'environnement : 47. En prévoyant que les contributions perçues par les éco-organismes " sont utilisées dans leur intégralité pour les missions agréées et pour les frais de fonctionnement afférents à ces missions ", l'article R. 541-121 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué ne fait, contrairement à ce qui est soutenu, pas obstacle à la prise en charge des frais de mise en place des éco-organismes. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que ces dispositions méconnaîtraient, pour ce motif, les dispositions de l'article L. 541-10-2 du même code citées au point 33, ni, en tout état de cause, le droit de la concurrence. Sur l'article R. 541-123 du code de l'environnement : 48. Aux termes de l'article R. 541-123 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Le dispositif financier mentionné à l'article L. 541-10-7 résulte, au choix de l'éco-organisme : / 1° De l'engagement écrit d'un établissement de crédit, d'une société de financement, d'une entreprise d'assurance ou d'une société de caution mutuelle ; / 2° D'une consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations ; / 3° D'un fonds de garantie privé, qui peut être mis en place par l'organisme coordonnateur prévu au dernier alinéa du II de l'article L. 541-10 ; / 4° De l'engagement écrit, portant garantie autonome au sens de l'article 2321 du code civil, d'une ou plusieurs personnes morales présentes au capital de l'éco-organisme. Dans ce cas, le ou les garants doivent eux-mêmes être bénéficiaires de l'engagement, de la consignation, ou d'un fonds de garantie tels que mentionnés aux 1°, 2° et 3° ci-dessus. / Le montant garanti par ce dispositif financier est calculé de façon à assurer la prise en charge, pendant deux mois, des coûts de collecte et de traitement des déchets qui seraient supportés, en cas de défaillance de l'éco-organisme, par les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre du service public de gestion des déchets et par les autres personnes auxquelles il apporte un soutien financier à la prise en charge des coûts de gestion des déchets. Ce montant est fixé à hauteur de ses obligations de responsabilité élargie du producteur et dans la limite d'un plafond de 50 millions d'euros. L'éco-organisme estime ce montant lors de sa demande d'agrément et l'actualise lorsque les hypothèses prises en compte pour l'établir le modifient de 20 % ou plus et tous les trois ans au moins ". 49. En premier lieu, en instaurant un plafonnement, à hauteur de 50 millions d'euros, du montant garanti par le dispositif financier destiné à assurer, en cas de défaillance de l'éco-organisme, la couverture des coûts mentionnés à l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement supportés par le service public de gestion des déchets, le pouvoir réglementaire n'a pas excédé la compétence qu'il tenait de l'article L. 541-10-7 cité au point 40. 50. En deuxième lieu, si la requérante soutient que les dispositions précitées de l'article R. 541-123 méconnaîtraient le d) du paragraphe 1 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets ainsi que le principe d'égalité devant les charges publiques et le droit de la concurrence au motif que le plafonnement du dispositif de garantie s'appliquerait éco-organisme par éco-organisme et non agrément par agrément, il résulte des termes mêmes de l'article L. 541-10-7 que l'octroi de chaque agrément est subordonné à la mise en place d'un dispositif de garantie financière, avec toutes les conséquences qui en découlent. 51. Enfin, le moyen tiré de ce que ces dispositions contreviendraient aux objectifs fixés par l'article 14 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur en imposant, pour la mise en œuvre du dispositif financier mentionné à l'article L. 541-10-7, le recours à une consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignation ne peut qu'être écarté dès lors que les dispositions contestées ne mentionnent une telle consignation que comme une possibilité parmi d'autres, laissées au choix de l'éco-organisme concerné. Sur l'article R. 541-124 du code de l'environnement : 52. Aux termes de l'article R. 541-124 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Le contrat établi par l'éco-organisme en application de l'article R. 541-123 prévoit que le montant garanti par le dispositif financier mentionné à l'article L. 541-10-7 est transmis à un autre éco-organisme agréé désigné dans les conditions prévues au même article, en cas : / 1° D'arrêt de l'activité soumise à agrément, quelle qu'en soit la cause, y compris en cas de suspension ou de retrait de l'agrément ; / 2° De non-renouvellement de l'agrément à son échéance, lorsque les producteurs qui en assurent la gouvernance ne mettent pas en place un nouvel éco-organisme ou n'adhèrent pas à un autre éco-organisme agréé à cette échéance. / L'éco-organisme est libéré de l'obligation mentionnée à l'article L. 541-10-7, en cas de non-renouvellement de son agrément, dans un délai de deux mois à compter de son échéance. / En cas d'événement imprévu susceptible de conduire à une défaillance de l'éco-organisme, l'autorité administrative peut suspendre l'obligation mentionnée à l'article L. 541-10-7 pendant une période qui ne peut excéder douze mois, afin de lui permettre d'assurer la continuité de ses autres obligations de responsabilité élargie ". 53. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 541-10-7 du code de l'environnement, citées au point 40, qu'en se référant à la " défaillance " de l'éco-organisme, le législateur a entendu n'exclure aucun type de défaillance et viser toutes les situations susceptibles de compromettre la continuité du service public de gestion des déchets. Dès lors, le moyen tiré de ce que les cas d'arrêt de l'activité soumise à agrément, pour tout motif et en particulier en cas de suspension ou de retrait de l'agrément, ainsi que les cas de non-renouvellement d'agrément sans que les producteurs concernés aient mis en place un nouvel éco-organisme ou adhéré à un autre éco-organisme, visés respectivement par les 1° et 2° de l'article R. 541-124, ne relèveraient pas du champ de l'article L. 541-10-7 doit être écarté. 54. En deuxième lieu, les dispositions contestées de l'article R. 541-124, prises pour l'application de l'article L. 541-10-7, n'ont pu, eu égard à leur objet qui ne saurait être de créer un régime de responsabilité, méconnaître ni le principe général du droit de la responsabilité en vertu duquel le droit à réparation ne saurait excéder le préjudice subi, ni les dispositions du a) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 déterminant les coûts dont les contributions financières versées par le producteur du produit soumis à obligation de responsabilité élargie doivent assurer la couverture. 55. En troisième lieu, en imposant, dans un but d'intérêt général, aux éco-organismes dont l'agrément n'a pas été renouvelé de continuer de se soumettre à l'obligation de garantie financière dans les deux mois qui suivent l'échéance, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu la compétence qu'il tenait de l'article L. 541-10-7. 56. Enfin, en prévoyant, au dernier alinéa de l'article R. 541-124, la possibilité, en cas d'événement imprévu entraînant une défaillance provisoire de l'éco-organisme concerné, d'une suspension de son obligation financière pendant une période limitée ne pouvant dépasser un an, afin de lui permettre d'assurer la continuité de ses autres obligations de responsabilité élargie, le pouvoir réglementaire n'a pas davantage méconnu l'article L. 541-10-7, qui vise à garantir, en toute circonstance, la continuité du service public de gestion des déchets. Sur les articles R. 541-127 et R. 541-129 du code de l'environnement : 57. Le II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement dispose que " les éco-organismes et les systèmes individuels sont également soumis à un autocontrôle périodique reposant sur des audits indépendants réguliers réalisés au moins tous les deux ans, permettant notamment d'évaluer leur gestion financière, la qualité des données recueillies et communiquées ainsi que la couverture des coûts de gestion des déchets ". 58. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions des articles R. 541-127 et R. 541-129 introduits dans le code de l'environnement par le décret attaqué, qui se bornent à préciser les conditions de mise en œuvre du régime d'autocontrôle, ne méconnaissent pas les dispositions précitées du II de l'article L. 541-10. Sur l'article R. 541-130 du code de l'environnement : 59. Le VII de l'article L. 541-10 du code de l'environnement dispose que " tout éco-organisme élabore et met en œuvre un plan de prévention et de gestion des déchets dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution (...) ayant pour objectif d'améliorer les performances de collecte et de traitement des déchets dans ces territoires afin qu'elles soient identiques à celles atteintes, en moyenne, sur le territoire métropolitain dans les trois ans qui suivent la mise en œuvre du plan. Ce plan est présenté à la commission inter-filières et aux collectivités concernées avant sa mise en œuvre par l'éco-organisme. Il est rendu public par ce dernier ". 60. Aux termes de l'article R. 541-130 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué, prévoyant en application des dispositions précitées des dispositions spécifiques relatives à l'outre-mer : " Chaque éco-organisme élabore le plan prévu au VII de l'article L. 541-10 dans un délai de six mois à compter de la date de son agrément. Il transmet le projet de plan pour accord à l'autorité administrative, après consultation de son comité des parties prenantes et des collectivités d'outre-mer compétentes en matière de planification ou de gestion des déchets concernées. L'accord de l'autorité administrative est réputé acquis en l'absence d'opposition dans un délai de deux mois suivant la réception du projet de plan. / Dans les trois ans qui suivent la mise en œuvre du plan, l'éco-organisme élabore un bilan de sa mise en œuvre et évalue les progrès en matière de collecte et de traitement des déchets dans chacun des territoires concernés. Lorsque la performance reste inférieure à celle atteinte, en moyenne, sur le territoire métropolitain, l'éco-organisme révise les mesures du plan dans les conditions prévues au II de l'article L. 541-9-6, après consultation de son comité des parties prenantes et des collectivités qui sont compétentes en matière de planification ou de gestion des déchets. / L'éco-organisme peut déroger aux dispositions du présent article pour ceux des territoires d'outre-mer mentionnés au VII de l'article L. 541-10 dont il justifie que les performances de collecte et de traitement des déchets issus des produits relevant de son agrément sont au moins égales à celles atteintes, en moyenne, sur le territoire métropolitain. Dans ce cas, il présente ces éléments à l'autorité administrative dans les conditions mentionnées au premier alinéa ". 61. Si la requérante excipe, à l'encontre de ces dispositions réglementaires, de ce que les dispositions de l'article L. 541-10 dont elles font application méconnaîtraient les articles 29 et 30 de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets en ce qu'elles confient aux éco-organismes le soin d'arrêter les plans de prévention et de gestion des déchets dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution alors que la directive exige des Etats membres qu'ils veillent à ce que leurs autorités compétentes établissent un ou plusieurs plans de gestion des déchets à l'échelle de l'ensemble du territoire géographique et arrêtent eux-mêmes des programmes de prévention des déchets, ces dispositions de la directive ont été entièrement transposées par les articles L. 541-11 à L. 541-15-2 du code de l'environnement relatifs aux plans de prévention et de gestion des déchets. Ce moyen ne peut par suite qu'être écarté. Contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions précitées de l'article L. 541-10 n'ont pu, par elles-mêmes, davantage méconnaître les objectifs de la directive du parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement. Sur l'article R. 541-110 du code de l'environnement : 62. En vertu du c) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008, il appartient aux États membres de prendre les " mesures nécessaires pour que les contributions financières versées par le producteur du produit pour se conformer à ses obligations de responsabilité élargie n'excèdent pas les coûts nécessaires à la fourniture de services de gestion des déchets présentant un bon rapport coût-efficacité ", ces coûts devant, par ailleurs, être " établis de manière transparente entre les acteurs concernés ". 63. Le quatrième alinéa de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement dispose que " la prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion des déchets est définie par un barème national ". Aux termes de l'article R. 541-110 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Le cahier des charges peut préciser les modalités d'application du présent paragraphe, notamment : / 1° Les montants du barème national prévu au quatrième alinéa de l'article L. 541-10-2 (...) ". 64. Si la société requérante soutient que ces dernières dispositions contreviendraient aux objectifs fixés par celles précitées de l'article 8 bis de la directive au motif que les coûts du service public des déchets à la charge des producteurs ne seraient pas établis entre les acteurs concernés de manière transparente ni ne respecteraient l'exigence de " bon rapport coût-efficacité ", il résulte des missions de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, telles qu'énoncées notamment à l'article R. 131-26-1, que celle-ci est amenée, pour l'élaboration de la proposition de barème national, à consulter l'ensemble des parties prenantes, tandis que le projet de cahier des charges soumis au ministre est soumis pour avis à la commission inter-filières de responsabilité élargie des producteurs ainsi qu'au conseil national d'évaluation des normes, ainsi qu'à la participation du public au titre de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement. Dès lors, eu égard aux garanties de transparence offertes par cette procédure d'élaboration qui ne saurait, par ailleurs, être de nature à porter atteinte au principe de " bon rapport coût-efficacité ", le moyen tiré de la méconnaissance des exigences de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 doit être écarté. Sur l'article R. 541-131 du code de l'environnement : 65. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement : " (...) Dans chaque collectivité régie par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce barème est majoré pour assurer, tant que les performances de collecte et de traitement constatées dans la collectivité sont inférieures à la moyenne nationale, une couverture de la totalité des coûts optimisés de prévention, de collecte, de transport et de traitement des déchets, y compris les coûts de ramassage et de traitement des déchets abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre, lorsque le cahier des charges mentionné à l'article L. 541-10 du présent code le prévoit, supportés par ces collectivités, en tenant compte de l'éloignement, l'insularité et la maturité des dispositifs de collecte et de traitement des déchets propres à chaque territoire ". 66. Aux termes de l'article R. 541-131 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Le barème majoré prévu à la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article L. 541-10-2 est fixé en tenant compte : / 1° Des surcoûts de gestion des déchets résultant de l'éloignement et, le cas échéant, de l'insularité propres à chaque collectivité d'outre-mer, estimés par comparaison aux coûts moyens observés sur le territoire métropolitain ; / 2° Des surcoûts liés à la maturité des installations de collecte et de traitement des déchets propres à chaque collectivité d'outre-mer, estimés au regard des investissements nécessaires pour atteindre, compte tenu de l'objectif mentionné au VII de l'article L. 541-10, un niveau de performances comparable à celui des installations implantées sur le territoire métropolitain ". 67. D'une part, le pouvoir réglementaire n'était pas tenu, à peine d'illégalité, de reprendre l'indication figurant dans la loi selon laquelle la majoration du barème vise à couvrir la totalité des coûts optimisés de prévention et de gestion des déchets. D'autre part, il résulte des termes mêmes de l'article R. 541-131 que le pouvoir réglementaire n'a pas entendu limiter le champ des différences de coûts de gestion des déchets entre l'outre-mer et la métropole à prendre en compte pour majorer le barème national aux seuls surcoûts d'éloignement et d'insularité, le 2° de cet article faisant également mention, conformément aux prescriptions de l'article L. 541-10-2, des surcoûts résultant de la maturité des installations de collecte et de traitement des déchets propres à chaque collectivité. Le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 541-131 méconnaîtraient, pour ces motifs, l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement doit, par suite, être écarté. 68. En outre, en mentionnant, au 2° de l'article R. 541-131 relatif aux surcoûts liés aux installations de collecte et de traitement des déchets dont le niveau ne dépend pas uniquement de la taille des installations considérées, l'objectif à atteindre d'un niveau de performances comparable à celui des installations implantées sur le territoire métropolitain, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le principe de proportionnalité. Sur l'article R. 541-174 du code de l'environnement : 69. D'une part, l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 dispose, à son paragraphe 5, que " chaque État membre autorise les producteurs de produits établis dans un autre État membre qui commercialisent des produits sur son territoire à désigner une personne physique ou morale établie sur son territoire en tant que mandataire chargé d'assurer le respect des obligations qui incombent à un producteur sur son territoire en vertu des régimes de responsabilité élargie des producteurs " et qu'" afin de suivre et de vérifier le respect des obligations qui incombent au producteur de produits en vertu des régimes de responsabilité élargie des producteurs, les États membres peuvent définir des exigences, comme l'enregistrement, l'information et la communication des données, qui doivent être remplies par une personne physique ou morale désignée comme mandataire sur son territoire ". 70. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 541-10 du code de l'environnement : " En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation à toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication, dite producteur au sens de la présente sous-section, de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent (...) Les producteurs s'acquittent de leur obligation en mettant en place collectivement des éco-organismes agréés dont ils assurent la gouvernance et auxquels ils transfèrent leur obligation et versent en contrepartie une contribution financière (...) ". 71. Aux termes de l'article R. 541-174 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Tout producteur de produits, qu'il soit établi en France, dans un autre Etat membre de l'Union Européenne ou un pays tiers, peut désigner une personne physique ou morale établie en France en tant que mandataire chargé d'assurer le respect de ses obligations relatives au régime de responsabilité élargie des producteurs. Cette personne est subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur dont elle accepte le mandat. / Lorsque les producteurs transfèrent leur obligation de responsabilité élargie à un éco-organisme, le contrat de mandat prévoit que les contributions et modulations prévues en application des articles L. 541-10-2 et L. 541-10-3 répercutées par le mandataire sur les producteurs concernés ne peuvent faire l'objet d'une réfaction ". 72. En prévoyant que le mandataire désigné par le producteur pour assurer le respect de ses obligations relatives au régime de responsabilité élargie des producteurs est " subrogé " dans toutes les obligations de celui dont il a accepté le mandat, alors que ni l'article L. 541-10 du code de l'environnement, ni aucune autre disposition législative ne prévoit la possibilité d'une telle subrogation, le pouvoir réglementaire a excédé sa compétence. La société requérante est, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés contre cet article, fondée à en demander l'annulation pour ce motif. 73. Compte tenu de tout ce qui précède, la société EcoDDS est seulement fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque en tant qu'il introduit l'article R. 541-174 dans le code de l'environnement. Il n'y a pas lieu, eu égard à ses conséquences, de différer les effets de cette annulation. 74. Les conclusions tendant à l'annulation du décret en tant qu'il insère dans le code de l'environnement l'article R. 541-114 étant rejetée, les conclusions tendant à ce que cette annulation soit assortie d'une injonction ne peuvent qu'être rejetées. 75. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la société EcoDDS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le décret du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs est annulé en tant qu'il introduit l'article R. 541-174 dans le code de l'environnement. Article 2 : L'Etat versera à la société EcoDDS une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société EcoDDS, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la Première ministre. Copie en sera adressée au Secrétariat général du gouvernement. Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 10 novembre 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Bruno Bachini La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline Allain |
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CETATEXT000048386351 | JG_L_2023_11_000000454476 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386351.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10/11/2023, 454476, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 454476 | 6ème - 5ème chambres réunies | Excès de pouvoir | C | M. Antoine Berger | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : Par une ordonnance n° 2101838 du 12 juillet 2021, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Dijon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 7 juillet 2021 au greffe de ce tribunal, présentée par Mme A... B.... Par cette requête et un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique, un mémoire récapitulatif et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er février, 16 mai, 30 juin et 7 août 2022, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 octobre 2020 par laquelle le premier président de la Cour des comptes l'a informée du rejet de sa candidature à l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, ensemble le décret du 16 octobre 2020 du président de la République portant intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, en tant que son nom n'y figure pas ; 2°) d'enjoindre au premier président de la Cour des comptes de procéder à un nouvel examen de sa candidature. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des juridictions financières ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Antoine Berger, auditeur, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., administratrice territoriale, a été détachée en 2017 auprès de la chambre régionale des comptes Grand Est, avant d'être mutée à la chambre régionale des comptes de Bourgogne-Franche-Comté. En 2020, Mme B... s'est portée candidate à l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, en application de l'article L. 221-9 du code des juridictions financières. L'intéressée a été entendue, à l'instar des autres candidats, par une commission d'intégration. Dans le rapport qu'elle a remis au conseil supérieur des chambres régionales des comptes, cette commission a estimé qu'il n'y avait pas lieu de retenir la candidature de Mme B.... A l'issue de sa séance du 1er octobre 2020, le conseil supérieur a rendu un avis favorable à la demande d'intégration de 7 candidatures parmi les 28 reçues, sans retenir celle de Mme B.... Par un courrier du 13 octobre 2020, le premier président de la Cour des comptes l'a informée du rejet de sa candidature. Mme B... sollicite l'annulation de ce courrier ainsi que du décret du Président de la République en date du 16 octobre 2020 portant intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, en tant que son nom n'y figure pas. Sur les conclusions dirigées contre le courrier du 13 octobre 2020 du premier président de la Cour des comptes : 2. Aux termes de l'article L. 221-1 du code des juridictions financières : " Les nominations dans le corps des magistrats des chambres régionales des comptes sont prononcées par décret du Président de la République (...) ". L'article L. 221-9 du même code dispose que : " Peuvent être intégrés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes : / - les magistrats de l'ordre judiciaire et les fonctionnaires détachés en application de l'article L. 221-10, justifiant de huit ans de services publics effectifs, dont trois ans en détachement dans les chambres régionales des comptes ; ces intégrations sont prononcées après avis de leur président de chambre régionale et du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes ; / - les magistrats de l'ordre judiciaire et les fonctionnaires exerçant ou ayant exercé la fonction de rapporteur à temps plein à la Cour des comptes justifiant de huit ans de services publics effectifs, dont trois ans à la Cour des comptes ; ces intégrations sont prononcées après avis de leur président de chambre et du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 212-33 du même code : " Le premier président de la Cour des comptes, président du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, assure la gestion des magistrats et des personnels des chambres régionales des comptes ainsi que celle des moyens matériels de ces juridictions. Il prend, sur proposition du secrétaire général, les actes relatifs à la gestion et à l'administration des fonctionnaires relevant des corps des juridictions financières, à l'exclusion des nominations dans un corps, des titularisations, des décisions entraînant la cessation définitive de fonctions, des mises en position hors cadres et des sanctions disciplinaires des troisième et quatrième groupes définies à l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (...) ". Il résulte de ces dispositions que les nominations dans le corps des magistrats des chambres régionales des comptes sont prononcées par décret du Président de la République et que le premier président de la Cour des comptes, s'il est chargé de la gestion des magistrats des chambres régionales des comptes, n'est pas compétent pour statuer sur leur nomination dans ce corps. Son courrier du 13 octobre 2020 n'avait pour objet, et ne pouvait avoir légalement pour effet, que d'informer Mme B... du rejet de sa candidature par l'autorité compétente. Ce courrier ne revêtant pas le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir, les conclusions de Mme B... tendant à son annulation sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées pour ce motif. Sur les conclusions dirigées contre le décret du 16 octobre 2020 : 3. Ainsi qu'il est dit au point 2, l'article L. 221-9 du code des juridictions financières dispose que l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes est prononcée après avis, notamment, du conseil supérieur des chambres régionales des comptes. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 220-16 du même code : " Le conseil supérieur établit son règlement intérieur, qui détermine notamment les modalités de fixation de l'ordre du jour, l'organisation de ses travaux ainsi que les conditions dans lesquelles il prend les décisions et rend les avis prévus par le présent code ". L'article 30 du règlement intérieur du conseil supérieur des chambres régionales des comptes, adopté le 18 octobre 2018, dispose que : " L'avis du Conseil supérieur prévu à l'article L. 221-9 du code des juridictions financières sur les demandes d'intégration de magistrats et de fonctionnaires dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, est rendu une fois par an. / Les candidatures sont examinées au préalable par une commission dont la composition est fixée par un arrêté du Premier président pris après avis du Conseil supérieur. Cette commission et présidée par un membre du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes désigné par le Premier président. Elle comprend par ailleurs quatre membres du Conseil supérieur dont deux représentants du corps désignés par leurs pairs ainsi qu'un représentant du Premier président et un représentant du Procureur général près la Cour des comptes. Afin de rendre l'avis prévu à l'article L. 221-9 précité, les membres du Conseil supérieur disposent, en plus du dossier individuel constitué par les candidats, de l'avis rendu sur leur candidature par le président de leur chambre d'affectation, du rapport présenté par le président de la commission susmentionnée chargée par le Conseil supérieur d'examiner les candidatures et d'un état actualisé des effectifs cibles et réels des chambres régionales et territoriales des comptes, à la date de la délibération. / Avant de rendre son avis, le Conseil supérieur peut demander à entendre tout ou partie des candidats ". 4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et de ce qui est dit aux points 1 et 3 que la procédure qui a été suivie pour statuer sur les demandes d'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes reçues au titre de l'année 2020 est conforme aux dispositions législatives et réglementaires du code des juridictions financières, lesquelles prévoient une procédure spécifique comprenant notamment un avis du conseil supérieur des chambres régionales des comptes. Contrairement à ce que soutient Mme B..., le conseil supérieur peut, en tant que de besoin, préciser les conditions dans lesquelles il se prononce sur les candidatures qui lui sont soumises et aucune disposition ni aucun principe ne fait obstacle à ce qu'il confie à une commission le soin de l'assister pour examiner les candidatures à l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes. L'appréciation de cette commission ne saurait lier le conseil supérieur des chambres régionales des comptes, qui délibère sur chacune des candidatures pour émettre son avis. 5. Par suite, et alors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le conseil supérieur des chambres régionales des comptes se serait estimé lié par l'appréciation de la commission ayant examiné les candidatures à l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'intervention de cette commission aurait vicié la procédure ni, en tout état de cause, qu'en fixant sa composition par un arrêté du 8 avril 2020, la doyenne des présidents de chambre de la Cour des comptes, faisant fonction de Première présidente, aurait méconnu les dispositions du code des juridictions financières. A la supposer établie, la circonstance que le règlement intérieur du conseil supérieur prévoyant l'existence et la composition de cette commission n'aurait pas été publié est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. 6. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que la procédure suivie est entachée d'irrégularité au motif que la commission d'intégration n'aurait pas utilisé de grille d'analyse pour évaluer les mérites respectifs des candidatures et qu'elle aurait insuffisamment motivé son rapport au conseil supérieur des chambres régionales des comptes, faute de se prononcer sur les mérites individuels de chaque candidat, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que cette commission aurait été soumise à de telles obligations. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté. 7. En dernier lieu, si les dispositions de l'article L. 221-9 du code des juridictions financières permettent aux fonctionnaires détachés en chambres régionales des comptes d'être intégrés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, il résulte également de ces dispositions que cette intégration ne constitue pas un droit pour le fonctionnaire qui en sollicite le bénéfice. Pour accorder ou refuser une telle intégration, le Président de la République dispose d'un large pouvoir d'appréciation. 8. S'il est constant que Mme B... a fait l'objet, depuis le début de son détachement au sein des juridictions financières, d'appréciations positives de la part de ses supérieurs hiérarchiques et que le président de la chambre régionale des comptes de Bourgogne-Franche-Comté a émis un avis favorable à son intégration, il ne ressort pas des pièces du dossier que le président de la République aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas sa candidature à l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes. 9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du président de la République en date du 16 octobre 2020 portant intégration dans le corps des magistrats de chambres régionales des comptes en tant que son nom n'y figure pas. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., à la Cour des comptes et à la Première ministre. Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur. Rendu le 10 novembre 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Antoine Berger La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline Allain |
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CETATEXT000048386352 | JG_L_2023_11_000000458347 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386352.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10/11/2023, 458347, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 458347 | 6ème - 5ème chambres réunies | Excès de pouvoir | C | M. Bruno Bachini | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 novembre 2021 et 4 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Adjutorium informatique demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du président du conseil supérieur du notariat du 27 octobre 2021 rejetant sa demande tendant à l'abrogation de la résolution de l'assemblée générale du conseil supérieur du notariat du 3 juin 2020 relative au plan visioconférence ; 2°) d'enjoindre au conseil supérieur du notariat d'abroger cette résolution et d'assurer la publicité de sa décision, sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge du conseil supérieur du notariat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de commerce ; - le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 ; - le décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Par un courrier du 18 octobre 2021, la société Adjutorium informatique a demandé au président du conseil supérieur du notariat d'abroger la résolution de l'assemblée générale du conseil supérieur du notariatdu 30 juin 2020 relative au " plan visioconférence ". Par la présente requête, elle demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 octobre 2021 par laquelle le président du conseil supérieur du notariat a refusé de faire droit à cette demande. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 16 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires : " Le notaire qui établit un acte sur support électronique utilise un système de traitement et de transmission de l'information agréé par le Conseil supérieur du notariat et garantissant l'intégrité et la confidentialité du contenu de l'acte ". Aux termes de l'article 20-1 du même décret, dans sa version issue du décret du 20 novembre 2020 instaurant la procuration notariée à distance : " Le notaire instrumentaire peut établir une procuration sur support électronique, lorsqu'une ou les parties à cet acte ne sont pas présentes devant lui. / L'échange des informations nécessaires à l'établissement de l'acte et le recueil, par le notaire instrumentaire, du consentement de la ou des parties à l'acte qui ne sont pas présentes s'effectuent au moyen d'un système de traitement, de communication et de transmission de l'information garantissant l'identification des parties, l'intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au Conseil supérieur du notariat, auquel il incombe d'agréer les systèmes de traitement, de communication et de transmission de l'information utilisés pour l'établissement d'actes sur support électronique, de définir les conditions dans lesquelles les dispositifs proposés à cette fin satisfont à l'obligation de garantir l'identification des parties ainsi que l'intégrité et la confidentialité des contenus. 3. Il ressort des pièces du dossier que par une résolution du 30 juin 2020 relative au plan visioconférence, l'assemblée générale du conseil supérieur du notariat a demandé à la direction du numérique et des systèmes d'information du conseil supérieur du notariat, d'une part, d'établir, au plus tard le 15 septembre 2020, un cahier des charges pour l'ouverture à la concurrence de l'installation et de la distribution des salles de visioconférence et du matériel permettant le recours au logiciel Lifesize, d'autre part, de définir, au plus tard le 31 décembre 2020, un cahier des charges permettant à tout opérateur présentant les garanties de fiabilité requises de proposer des dispositifs de visioconférence présentant le même degré de préservation du secret professionnel que celui requis pour la comparution à distance, sous réserve d'une parfaite interopérabilité. Par la même résolution, l'assemblée générale du conseil supérieur du notariat a en outre demandé à l'association pour le développement du service notarial (ADSN) de permettre à sa filiale commerciale, la société ADNOV, et à toute autre entreprise qui respecterait le cahier des charges précité d'installer des salles de visioconférence et de déployer le logiciel Lifesize, dès lors que les paramétrages seraient assurés par l'ADSN. 4. En premier lieu, en prévoyant, par cette résolution, aux fins de garantir l'identification des parties ainsi que l'intégrité et la confidentialité des contenus, l'établissement d'un cadre de référence devant être respecté par les dispositifs utilisés pour l'établissement d'actes sur support électronique mettant en œuvre un système de traitement, de communication et de transmission de l'information soumis à son agrément au titre des dispositions précitées des articles 16 et 20-1 du décret du 26 novembre 1971, l'assemblée générale du conseil supérieur du notariat n'a pas excédé sa compétence. 5. En second lieu, cette résolution, qui se borne à prévoir la définition d'un cadre de référence pour les dispositifs proposés par les opérateurs, sans instituer de régime d'agrément de ces derniers, ne méconnait pas, par elle-même, l'article L. 420-1 du code de commerce, qui prohibe les actions concertées, telles que les ententes, ayant pour effet ou pouvant avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché. 6. Il résulte de ce qui précède que la société Adjutorium informatique n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 7. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Adjutorium informatique une somme de 3 000 euros à verser au conseil supérieur du notariat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de la société Adjutorium Informatique est rejetée. Article 2 : La société Adjutorium informatique versera au conseil supérieur du notariat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Adjutorium informatique et au conseil supérieur du notariat. Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 10 novembre 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Bruno Bachini La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline Allain |
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CETATEXT000048424025 | J0_L_2023_11_00021VE01911 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424025.xml | Texte | CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 16/11/2023, 21VE01911, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de VERSAILLES | 21VE01911 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | M. EVEN | JULIENNE | Mme Barbara AVENTINO | M. FREMONT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La commune de Bois d'Arcy a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande du maire de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant de la fermeture du parking ouvert aux visiteurs des détenus de la maison d'arrêt, d'enjoindre, à titre principal, à la garde des sceaux, ministre de la justice de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou d'enjoindre, à titre subsidiaire, à la garde des sceaux, ministre de la justice d'étudier les modalités de réalisation d'une nouvelle aire de stationnement, dans le même délai et sous la même astreinte et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G..., ont présenté un mémoire en intervention au soutien de la demande de la commune de Bois d'Arcy concluant à l'annulation de la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, portant rejet de la demande du maire de la commune de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à leur verser à chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1905100 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 juin 2021 et le 15 mars 2023, la commune de Bois d'Arcy, représentée par Me Julienne, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande du maire de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant de la fermeture du parking ouvert aux visiteurs des détenus de la maison d'arrêt ; 3°) d'enjoindre, à titre principal, au garde des sceaux, ministre de la justice de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder à la réalisation d'une nouvelle aire de stationnement ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de Bois d'Arcy soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas pris en compte ses observations relatives à son intérêt à agir produites à la suite de la communication par le tribunal administratif d'un moyen d'ordre public ; - elle dispose d'un intérêt à agir dès lors que les difficultés de stationnement engendrées par la fermeture du parking ont une incidence sur les intérêts dont elle a la charge et ses pouvoirs de police ; elle est lésée par l'Etat dans le cadre de la convention du 5 décembre 1979 ; - la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la dégradation de la situation du stationnement aux abords du centre pénitentiaire liée à la fermeture du parking aux visiteurs. Par des mémoires enregistrés le 17 novembre 2022 et le 8 août 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que la commune ne dispose pas d'un intérêt à agir et que les moyens ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 septembre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Aventino, - les conclusions de M. Frémont, rapporteur public, - et les observations de Me Samandjeu représentant la commune de Bois d'Arcy. Considérant ce qui suit : 1. Le maire de la commune de Bois d'Arcy a, par un courrier reçu le 21 mars 2019, demandé à la garde des sceaux, ministre de la justice de rouvrir aux familles et visiteurs des détenus le parking du centre pénitentiaire situé dans cette commune, afin de faire cesser la situation aux abords de l'établissement provoquée par l'insuffisance des possibilités de stationnement. La commune de Bois d'Arcy fait appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 4 mai 2021 rejetant ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet de la garde des sceaux, ministre de la justice de sa demande, aux fins d'injonction, à titre principal, de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'étudier les modalités de réalisation d'une nouvelle aire de stationnement, dans le même délai et sous la même astreinte. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si la commune de Bois d'Arcy se prévaut des troubles de voisinage existant aux abords de l'établissement pénitentiaire en raison des problèmes liés au stationnement des visiteurs et de l'atteinte aux droits des détenus résultant de la fermeture du parking au public, elle fait également état de ce que ces difficultés portent atteinte à ses intérêts propres, en particulier ses pouvoirs de police du stationnement, lesquels ne permettent pas selon elle, compte tenu de la gravité de la situation, d'assurer la sécurité et la salubrité aux abords de cet établissement. 3. Par suite, la commune de Bois d'Arcy est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable faute pour elle de justifier d'un intérêt à agir contre la décision implicite de rejet de sa demande par la garde des sceaux, ministre de la justice, aux fins d'injonction, à titre principal, de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'étudier les modalités de réalisation d'une nouvelle aire de stationnement, dans le même délai et sous la même astreinte. Ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de régularité, ce jugement du tribunal administratif de Versailles du 4 mai 2021 doit être annulé. 4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Bois d'Arcy devant le tribunal administratif de Versailles. Sur l'intervention en première instance de M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... : 5. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. (...) ". 6. M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... ont intérêt à l'annulation de la décision attaquée. Par suite, leur intervention au soutien de la demande de première instance de la commune, qui tend aux mêmes fins par les mêmes moyens, présentée par mémoire distinct, est recevable. Sur la légalité de la décision contestée : 7. Lorsque le juge administratif est saisi d'une requête tendant à l'annulation du refus opposé par l'administration à une demande tendant à ce qu'elle prenne des mesures pour faire cesser la méconnaissance d'une obligation légale lui incombant, il lui appartient, dans les limites de sa compétence, d'apprécier si le refus de l'administration de prendre de telles mesures est entaché d'illégalité et, si tel est le cas, d'enjoindre à l'administration de prendre la ou les mesures nécessaires. Cependant, et en toute hypothèse, il ne lui appartient pas, dans le cadre de cet office, de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire. 8. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que des difficultés de stationnement existent aux abords du centre pénitentiaire de Bois d'Arcy au moment des jours de visite aux personnes détenues, de nombreux véhicules stationnant de façon anarchique dans les rues de la zone pavillonnaire située alentour, occasionnant des troubles du voisinage. Si cette situation parait exister de longue date, comme en atteste un courrier du député des Yvelines daté du 16 janvier 1990 figurant au dossier, la commune de Bois d'Arcy soutient qu'elle s'est aggravée depuis la fermeture récente au public de l'aire de stationnement existante au sein de l'enceinte, qui est réservée au personnel de la prison et aux auxiliaires de justice, comme le mentionne le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté de juillet 2010 rédigé à la suite d'une visite des lieux. 9. Cependant, aucune obligation législative ou réglementaire ne s'impose à l'Etat, en tant que gestionnaire du domaine public accueillant un centre pénitentiaire, pour garantir et organiser le stationnement des véhicules des visiteurs de cette prison, et notamment aménager une aire de stationnement spécifique à leur usage. 10. En outre, si la commune de Bois d'Arcy fait état de ce qu'elle a déployé en vain d'importants moyens dans le cadre de ses pouvoirs de police de la circulation routière, elle n'établit pas, par la seule production d'une attestation du maire de la commune non circonstanciée, une mobilisation particulière des agents municipaux les jours de visite, ni qu'elle aurait assumé des coûts supplémentaires en équipement ou en personnel, alors en outre qu'un des courriers des riverains fait état de ce que la police municipale est parfois sollicitée en vain. Par ailleurs, la commune n'établit pas davantage ni même n'allègue avoir mis en place des mesures d'interdiction de stationnement aux non riverains dans les rues concernées, afin d'inciter ces derniers à se rendre sur les aires de stationnement publiques situées à proximité, ni avoir renforcé la verbalisation des contrevenants. 11. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la dégradation de la situation du stationnement aux abords du centre pénitentiaire liée à la fermeture du parking aux visiteurs doit être écarté. Il en est de même du moyen tiré de la rupture du principe d'égalité entre les collectivités territoriales compte tenu de la charge supplémentaire et anormale que cette situation fait peser sur la commune. Par suite, la commune de Bois d'Arcy n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande du maire de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant de la fermeture du parking ouvert aux visiteurs des détenus de la maison d'arrêt. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1905100 du 4 mai 2021 est annulé. Article 2 : L'intervention de M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... est admise en première instance. Article 3 : La demande présentée par la commune de Bois d'Arcy devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée. Article 4 : Les conclusions présentées par M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Versailles sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bois d'Arcy, au garde des sceaux, ministre de la justice, et à M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G.... Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Even, président de chambre, Mme Aventino, première conseillère, M. Cozic, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, B. AVENTINOLe président, B. EVEN La greffière, I. SZYMANSKI La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 21VE01911 |
CETATEXT000048424039 | J0_L_2023_11_00022VE02860 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424039.xml | Texte | CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 16/11/2023, 22VE02860, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de VERSAILLES | 22VE02860 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. ALBERTINI | ANNOOT | M. Paul-Louis ALBERTINI | Mme VILLETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le président de la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne a prononcé à son encontre la sanction de révocation, sanction disciplinaire du 4ème groupe, alors qu'il était adjoint technique pour la collectivité. Par un jugement n° 2102887 en date du 27 octobre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Annoot, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ; 2°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière en ce que le tribunal administratif n'a pas enregistré et pris connaissance du mémoire en triplique produit le 23 mai 2022 et n'a par suite pas pu apprécier l'opportunité de le communiquer ou de faire droit à la demande d'instruction qu'il contenait ; - la sanction litigieuse a été prononcée sur le fondement d'un avis émis par un conseil de discipline qui s'est tenu au terme d'une procédure irrégulière en ce que son droit d'y être entendu n'a pas été respecté ; - l'autorité ayant arrêté la sanction litigieuse a procédé à une matérialisation inexacte des faits qui lui sont reprochés ; - la sanction attaquée est disproportionnée eu égard aux faits reprochés. Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2023, la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne, représentée par Me Rainaud, avocat, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement entrepris et à la mise à la charge de M. A... de la somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Un mémoire non communiqué a été présenté pour M. A... le 15 octobre 2023 à 21 heures 46. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi du 26 janvier 1984 ; - le décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Albertini, - les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique, - et les observations de Me Annoot, pour M. A..., et de Me Halle, pour la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., adjoint technique territorial employé en tant qu'agent du service de collecte des ordures ménagères de la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne occupait les fonctions de chauffeur-ripeur, jusqu'à ce qu'il fasse l'objet d'une sanction de révocation, prononcée par un arrêté du président de la communauté de communes en date du 21 juin 2021. M. A... relève appel du jugement du 27 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés (...) ". Aux termes de l'article 6 de ce même décret : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de la réunion de ce conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il peut, devant le conseil de discipline, présenter des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...) ". Aux termes enfin de l'article 8 dudit décret : " Le report de l'affaire peut être demandé par le fonctionnaire poursuivi ou par l'autorité territoriale : il est décidé à la majorité des membres présents. Le fonctionnaire et l'autorité territoriale ne peuvent demander qu'un seul report ". 3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été informé de l'engagement à son encontre d'une procédure de révocation par un courrier en date du 26 février 2021 mentionnant son droit à la communication de son dossier individuel, qu'il a consulté le 13 avril 2021, de l'existence d'un mémoire en défense établi à son encontre répertoriant les faits qui lui étaient reprochés, dont il a pris connaissance le 17 mars 2021, ainsi que son droit d'être assisté par les conseillers de son choix dans le cadre de cette procédure. Si l'intéressé a été informé par un courrier en date du 30 avril 2021, notifié le 3 mai 2021, de la tenue le 31 mai 2021 de la séance du conseil de discipline de la fonction publique territoriale destinée à se prononcer sur la procédure enclenchée à son encontre, il est constant que seul son conseil s'est présenté à cette séance pour indiquer que M. A..., cas contact d'une personne atteinte du virus du Covid-19, ne pouvait être présent, et en demander par conséquent le report. Celui-ci n'ayant pas été accordé, le conseil de M. A..., arguant en outre n'avoir reçu qu'un mandat d'assistance et non de représentation pour défendre les intérêts de son client, a quitté la séance, qui s'est ainsi poursuivie. Par un arrêté du 21 juin 2016, le président de cette communauté de communes a ensuite prononcé sa révocation en raison d'un comportement conflictuel avec ses collègues et irrespectueux à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques. 4. M. A... soutient que la sanction contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière méconnaissant le principe du contradictoire en ce qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu lors de la séance du conseil de discipline appelé a formuler un avis sur la sanction. Il ressort des pieces du dossier qu'il a demandé un report de la séance prévue le 31 mai 2021 en raison de son signalement comme " cas contact " le 29 mai 2021, soit 48 heures auparavant, et à une date à laquelle cette situation impliquait un isolement de sa part. M. A... sera d'ailleurs testé positif le 31 mai 2021, en milieu de journée. Ce report a été refusé par le conseil de discipline par 9 voix contre 4. 5. Il ressort des dispositions citées au point 2 que le report du conseil de discipline n'est pas de droit sur simple demande. En revanche, eu égard au droit dont dispose le fonctionnaire de se présenter en personne devant cette instance pour présenter des observations orales, il doit être fait droit à une demande qui ne repose pas sur un motif dilatoire ou imputable à l'agent poursuivi. Pour s'opposer au report, le conseil de discipline a relevé que M. A... était informé depuis plus de deux mois de la procédure disciplinaire engagée contre lui, qu'il avait consulté son dossier en avril 2021 et avait effectivement reçu sa convocation au conseil de discipline début mai. Il aurait ainsi eu le temps de préparer sa défense et son conseil était d'ailleurs présent le jour de la séance. Toutefois, la date à prendre en compte n'est pas la date à laquelle M. A... a pu consulter son dossier, mais celle à laquelle il a été informé de son signalement en tant que " cas contact ", dès lors que l'agent poursuivi dispose du droit de présenter des observations orales ou écrites devant le conseil de discipline. A cet égard, un agent qui s'est préparé pour des observations orales et qui apprend moins de 48 heures avant la reunion qu'il ne pourra être présent physiquement ne dispose alors que d'un délai inuffisant pour rédiger ses observations écrites s'il n'avait pas prévu de le faire. En l'espèce, le signalement a été fait un samedi, alors que le conseil de discipline se tenait dès le lundi suivant à 10 heures. Par ailleurs, demander au conseil de M. A... de présenter des observations écrites en un temps aussi restreint aurait également été excessivement contraignant. En outre et surtout, en présence d'un motif non dilatoire à l'époque des faits et non imputable à l'agent, il n'appartenait pas au conseil de discipline de contraindre l'agent quant à la possibilité de se présenter en personne devant lui. 6. Le conseil de discipline a également relevé, pour refuser le report de sa séance, qu'aucune attestation de l'assurance-maladie quant à l'obligation d'isolement de M. A... n'avait été produite devant lui. Toutefois, l'appelant indique qu'il n'a été informé de sa qualité de "cas contact" que par télephone et qu'il ne disposait pas non plus d'un compte Ameli auquel il aurait eu accès, mais il a produit au dossier une attestation de la Caisse nationale d'assurance-maladie du 31 mai 2021, dont on ignore la date de notification, et par un courrier du 3 juin 2021, son avocate a fait parvenir ce document et le certificat de test positif de M. A... à la communauté de communes. Celle-ci ne pouvait dans ces conditions que constater à la date de l'arrêté en litige l'absence de motif dilatoire de la demande de report du conseil de discipline ainsi qu'un motif imposant son absence, fondant la demande de report de M. A... et par suite le caractère irrégulier de la séance du 31 mai 2021, ce qui rendait nécessaire une nouvelle séance du conseil de discipline pour régulariser ce vice avant l'édiction de la sanction. 7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans et de l'arrêté en litige du 21 juin 2021. Sur les frais liés à l'instance : 8. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme sollicitée par la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2102887 en date du 27 octobre 2022 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le président de la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne a prononcé à l'encontre de M. A... la sanction de révocation sont annulés. Article 2 : La communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Albertini, président de chambre, M. Pilven, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-assesseur, J.-E. PILVENLe président-rapporteur, P.-L. ALBERTINILa greffière, S. DIABOUGA La République mande et ordonne à la préfète du Loiret en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 22VE02860 2 |
CETATEXT000048424046 | J0_L_2023_11_00023VE01104 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424046.xml | Texte | CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 16/11/2023, 23VE01104, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de VERSAILLES | 23VE01104 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. ALBERTINI | SELARL EQUATION AVOCATS | M. Paul-Louis ALBERTINI | Mme VILLETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 février 2023 du préfet d'Indre-et-Loire l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant la République Démocratique du Congo comme pays de destination de sa reconduite et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 2300937 du 24 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, Mme B..., représenté par Me Rouille-Mirza, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation par celui-ci de la part contributive de l'Etat. Elle soutient que : - sa requête d'appel est recevable ; - l'obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : - elle méconnait aussi l'article 33 de la convention de Genève et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision fixant le pays de renvoi n'est pas motivée et n'a pas fait l'objet d'une analyse personnalisée de sa situation ; - elle méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire ; - la décision lui interdisant le retour sur le territoire français sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de renvoi et elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2023, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention de Genève du 28 juillet 1951 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 4 avril 1984, a déclaré être entrée en France le 6 mai 2022 sans pouvoir justifier d'une entrée régulière. Le 12 mai 2022, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 28 juillet 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis le 9 janvier 2023 par la Cour nationale du droit d'asile. Par l'arrêté attaqué du 13 février 2023, le préfet d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 24 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :/ (...)/ 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. /. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin (...) Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ". 3. Le préfet d'Indre-et-Loire a pris l'obligation de quitter le territoire attaquée au motif que la demande d'asile de la requérante, présentée le 12 mai 2022, avait fait l'objet d'une décision du 28 juillet 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par une décision du 9 janvier 2023 de la Cour nationale du droit d'asile et qu'au regard des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code précité, l'intéressée ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. 4. En premier lieu, la requérante soutient encore en appel que le préfet d'Indre-et-Loire a méconnu les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève et celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant valoir que le préfet n'a pu s'assurer du respect de ces conventions internationales sans connaître lui-même les éléments qu'elle a présentés dans sa demande d'asile, ainsi que les risques qu'elle encourt en cas de retour en République démocratique du Congo en raison de son orientation sexuelle. Toutefois, la qualité de réfugiée politique n'a pas été reconnue à Mme B..., dont la demande d'asile a été rejetée dans les conditions rappelés au point 3, à la date de la décision attaquée. Elle ne peut donc, et en tout état de cause, se prévaloir des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève qui n'est applicable qu'aux seuls étrangers auxquels cette qualité a été reconnue. De même, l'obligation de quitter le territoire n'a pas pour objet de fixer le pays de destination de l'étranger, lequel est déterminé par une décision distincte et, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques encourus en cas de retour en République démocratique du Congo est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire. 5. En second lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de mentionner dans l'arrêté attaqué les risques invoqués par la requérante au soutien de sa demande d'asile et à l'entendre avant de prendre sa décision et il pouvait, en vertu des dispositions citées au point 2, prendre cette décision au seul constat du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Au demeurant, si Mme B... fait encore valoir en appel qu'elle n'a pas été entendue en préfecture sur les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'assortit pas ce moyen de précision permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Sur la décision fixant le pays de renvoi : 6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant les dispositions de l'ancien article L. 513-2 du même code : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 8. La requérante soutient encore en appel qu'elle craint pour sa vie et sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine en invoquant son orientation sexuelle. Toutefois, les déclarations confuses, succinctes et peu personnalisées de Mme B..., sont par suite non convaincantes sur les faits à l'origine de son départ de son pays et sur ses craintes d'être exposée à des persécutions ou à une atteinte grave. Elle produit la copie d'un rapport du Département d'Etat des Etats Unis d'Amérique de 2021, d'ailleurs non traduit, portant sur les droits de l'homme dans le monde, un point d'actualité sur l'homosexualité en République Démocratique du Congo des autorités belges, daté du 24 juin 2021, un article du Monde publié le 16 janvier 2023 intitulé " Dans l'est de la RDC, les homosexuels contraints à la clandestinité ", un article des services de l'immigration du Canada sur le traitement réservé par la société et les autorités de la République Démocratique du Congo aux personnes en raison de leur orientation sexuelle de février 2022, un article sur la situation des femmes seules à Kinshasa du 15 janvier 2016 du département fédéral de justice et de police du secrétariat d'Etat aux migrations suisse et un rapport de mission en République Démocratique du Congo de juillet 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, mais ces documents, d'ordre général, sont insuffisants pour établir qu'elle serait personnellement l'objet de persécutions ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo, alors qu'elle ne verse au dossier en appel aucun élément nouveau. Sa demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. La décision fixant le pays de renvoi ne méconnait pas, dès lors, les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Sur l'interdiction de retour sur le territoire français : 9. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 621-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". Aux termes de l'article L. 613-2 du code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ". 10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de renvoi. 11. En deuxième lieu, Mme B... soutient que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en faisant valoir que si la décision fait apparaître les quatre critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet en tire une conclusion totalement contradictoire de leur application car, d'une part, sa présence en France ne représente aucune menace pour l'ordre public et, d'autre part, qu'elle n'a jamais déclaré une identité différente de celle connue dans le système VISABIO. Toutefois, en faisant état de ce que la requérante était récemment entrée en France, le 6 mai 2022, qu'elle n'établissait pas non plus avoir des attaches familiales en France, puisqu'elle a indiqué que ses deux filles mineures résident en Afrique du Sud et que ses neuf frères et sœurs résident en République démocratique du Congo, qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'elle a aussi tenté d'induire en erreur les autorités françaises en déclarant une identité différente de celle connue sur le système VISABIO, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, et qu'ainsi, une interdiction de retour d'un an ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au regard de sa vie privée et familiale, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas pris une mesure disproportionnée en prononçant cette interdiction de retour de la requérante sur le territoire français à supposer même qu'elle ne constituerait pas une menace à l'ordre public comme elle le soutient et qu'elle n'aurait pas déclaré une fausse identité lors de l'enregistrement de sa demande d'asile. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Albertini, président de chambre, M. Pilven, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-assesseur, J.-E. PILVENLe président-rapporteur, P.-L. ALBERTINILa greffière, S. DIABOUGA La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 23VE01104 2 |
CETATEXT000048424048 | J0_L_2023_11_00023VE01251 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424048.xml | Texte | CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 16/11/2023, 23VE01251, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de VERSAILLES | 23VE01251 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. ALBERTINI | SANDO;SANDO;SANDO | M. Paul-Louis ALBERTINI | Mme VILLETTE | Vu la procédure suivante : ... Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2206478 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet du Val-d'Oise, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédures devant la cour : I. Par une requête enregistrée le 8 juin 2023, sous le n° 23VE01251, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande de M. B.... Il soutient que : - les premiers juges ont omis de répondre à un moyen qu'il a soulevé, tiré de ce que le requérant pouvait être soigné dans son pays d'origine par orthèse mandibulaire et de la circonstance que son état de santé ne cessait de se dégrader, malgré les soins reçus en France ; - ils ont ainsi entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le jugement contesté a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des mémoires, enregistrés les 14 août et 5 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Sando, avocat, conclut au rejet de la requête et du mémoire de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet du Val-d'Oise ainsi qu'à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par un mémoire d'observations enregistré le 27 septembre 2023, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration soutient que le syndrome d'apnée-hypopnée obstructive du sommeil dont est atteint M. B... n'est pas une pathologie à risque d'une exceptionnelle gravité, que l'hypertension artérielle dont il est atteint, sans caractère de malignité, est traitée par des spécialités disponibles en Centrafrique et que sa pathologie cardiaque mineure ne fait pas l'objet d'un traitement spécifique. II. Par une requête enregistrée le 8 juin 2023, sous le n° 23VE01250, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2206478 du 22 mai 2023. Il soutient que : - la juridiction de première instance a omis de répondre à un moyen qu'il a soulevé ; - le jugement du 22 mai 2023 a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Sando, avocat, conclut au rejet des requêtes du préfet du Val-d'Oise tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 22 mai 2023 et à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 avril 2022 et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet du Val-d'Oise ne sont pas fondés. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Albertini, - les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique, - et les observations de Me Sando, pour M. B..., en présence de l'intéressé. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant centrafricain né le 28 septembre 1956, est entré sur le territoire français le 18 septembre 2019, sous couvert d'un passeport muni d'un visa Schengen. Il a sollicité le 12 octobre 2021 le renouvellement de son titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 7 avril 2022, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution forcée de cette mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2206478 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet du Val-d'Oise et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet du Val-d'Oise relève appel de ce jugement. Sur la requête n° 23VE01251 : 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ". En outre, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale [...] sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences./Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante./Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine. ". 3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. 4. Dans son avis du 28 mars 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en précisant néanmoins qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il pouvait voyager sans risque. Pour rejeter la demande de renouvellement de son titre de séjour qui lui était soumise par M. B..., le préfet du Val-d'Oise s'est approprié les termes de cet avis. 5. Le préfet du Val d'Oise remet en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur la violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par le sens de cet avis. M. B..., en contestant cet avis devant le tribunal administratif, a levé le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication et en versant d'autres éléments au débat contradictoire. A la demande de la cour, l'Office, qui a été mis à m^me de présenter des observations, a transmis l'entier dossier sur la base duquel son collège de médecins s'était prononcé. 6. Il était soutenu, sans contradiction devant les premiers juges, que l'apnée du sommeil dont souffre M. B... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux établis par le docteur A... les 12 mai 2022 et 25 février 2023, plus de dix mois après la décision contestée, que l'état de santé de M. B... nécessitait à cette époque un traitement par pression positive continue, et que le requérant est atteint d'une pathologie grave, pour laquelle le défaut de soins entraine des conséquences d'une extrême gravité, à laquelle sont associées plusieurs comorbidités cardio-vasculaires. M. B... avait également produit un certificat médical du 5 mai 2022, du docteur C..., néphrologue exerçant au sein du groupe médical Laennec à Bangui, certifiant qu'il n'existe pas à Bangui, capitale de la Centrafrique, de traitement du syndrome de l'apnée obstructive du sommeil par pression positive continue (PPC), le requérant produisant, par ailleurs, des articles de presse en ligne qui font état des difficultés à accéder à Bangui à l'électricité nécessaire au branchement de l'appareil de pression positive continue prescrit dans le traitement de son état de santé et les conséquences graves de l'interruption de la fourniture d'électricité aux établissements hospitaliers dans la capitale. En se bornant à avancer en appel, au demeurant sans aucun avis médical au soutien de cette appréciation, que M. B... est seulement atteint d'une apnée obstructive du sommeil modérée et qu'une trachéotomie constituerait pour lui un traitement médical approprié, tout en relevant que les soins dont il a bénéficié en France jusqu'à présent ne permettent pas une amélioration de son état de santé, le préfet du Val-d'Oise ne conteste pas utilement l'appréciation portée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui s'est assuré, au regard de la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié en Centrafrique et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir effectivement accès, et n'a pas recherché si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. Le débat en première instance s'est donc focalisé sur l'existence d'un traitement adapté à cette pathologie et effectivement disponible en République centrafricaine. Les premiers juges y ont apporté une réponse négative en raison des coupures de courant récurrentes en Centrafrique y compris à Bangui, la capitale, affectant la possibilité de mise en place d'un traitement par pression positive continue, seul traitement réellement adapté à l'apnée sévère dont souffre le requérant au vu des éléments médicaux personnalisés comme généraux figurant au dossier. 7. Il ressort en outre des pièces du dossier et particulièrement des avis médicaux soumis au collège de médecins que l'apnée dont est atteint M. B... est associée à une hypertension artérielle, qui, à l'époque de la décision attaquée, était à l'origine d'une faiblesse cardio-vasculaire, et que ce n'est qu'une fois que les atteintes cardio-vasculaires se sont manifestées que l'état de santé de l'intimé a pu être regardé comme l'exposant à des conséquences d'une exceptionnelle gravité à défaut de traitement. Ainsi, alors même qu'il ressort de la liste des médicaments essentiels produite par l'Office que le traitement contre l'hypertension du défendeur est disponible en République centrafricaine, le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise, en refusant d'admettre le renouvellement du titre de séjour du requérant en qualité d'étranger malade, a entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 en litige, et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur la requête n° 23VE01250 : 9. Le présent arrêt statuant sur la requête n° 23VE01251 du préfet du Val-d'Oise tendant à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la requête de M. B..., les conclusions de la requête n° 23VE01250 tendant à la suspension de l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer. Sur les frais liés aux litiges : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a seulement été appelé à présenter des observations et n'a pas relevé appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, une somme à verser à M. B... au titre des mêmes dispositions. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23VE01250 du préfet du Val-d'Oise. Article 2 : La requête n° 23VE01251 du préfet du Val-d'Oise est rejetée. Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. B... à l'encontre de l'Office français de l'immigation et de l'intégration au titre des mêmes dispositions sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... B.... Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise et au directeur génral de l'Office français de l'immigation et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Albertini, président de chambre, M. Pilven, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-assesseur, J.-E. PILVENLe président-rapporteur, P.-L. ALBERTINILa greffière, S. DIABOUGA La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, Nos 23VE01251-23VE01250002 |
CETATEXT000048424051 | J1_L_2023_11_00021PA06186 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424051.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 21PA06186, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 21PA06186 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | SELARL LOREAL AVOCATS | M. Vladan MARJANOVIC | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source d'un montant total de 1 007 394 euros prélevés au titre des années 2006 et 2007 sur ses dividendes de source française. Par un jugement n° 1710930 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, et des mémoires, enregistrés les 18 février et 1er avril 2022, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L et représentée par Me Loréal et Me Hong-Rocca, avocats, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1710930 rendu le 14 octobre 2021 par le tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'ordonner la restitution des retenues à la source d'un montant total de 1 007 394 euros prélevés au titre des années 2006 et 2007 sur ses dividendes de source française ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a considéré à tort que ses réclamations des 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008 étaient irrecevables au motif qu'elles ne comportaient aucun chiffrage, alors qu'elles devaient être regardées comme tendant à la restitution de l'ensemble des retenues à la source prélevées par les établissements payeurs en 2006 et 2007 ; en tout état de cause, sa demande chiffrée, adressée au tribunal, a régularisé ses réclamations contentieuses conformément aux dispositions du 2ème alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales ; par ailleurs, conformément aux dispositions du d) de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales et aux principes dégagés par la décision n° 344678 rendue le 23 mai 2011 par le Conseil d'Etat, ses demandes étaient assorties des pièces justifiant du versement des retenues litigieuses ; - l'administration fiscale, en première instance, a expressément admis la comparabilité du fonds Axa Equity L avec un OPCVM français et reconnu que la demande devait être accueillie sur le fond ; - les justificatifs fournis établissent le versement de retenues à la source à hauteur de 37 233 euros au titre de l'année 2006 et 970 161 euros au titre de l'année 2007. Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 janvier 2022, 29 mars 2022 et 24 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que la demande est irrecevable et fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marjanovic ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Hong-Rocca, représentant la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH. Considérant ce qui suit : 1. La société allemande Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L, a fait l'objet d'une imposition en France par voie de retenue à la source sur des dividendes de source française distribués pour les années 2006 et 2007. Par lettres des 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008, la société requérante a demandé, pour le fonds Axa Equity L, la restitution de ces retenues à la source. Par une décision du 11 août 2017, l'administration fiscale a rejeté ces réclamations comme irrecevables. La société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L, demande à la Cour l'annulation du jugement du 14 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté, pour ce même motif, ses demandes de remboursement de l'imposition sur les dividendes de source française retenues à la source, au titre des années 2006 et 2007, ainsi que le remboursement de ces impositions, à hauteur des sommes respectives de 37 233 euros et 970 161 euros. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : / a) Mentionner l'imposition contestée ; / b) Contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie ; / c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l'administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours ; / d) Être accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / (...) ". Aux termes de l'article R. 200-2 dudit livre : " (...) / Les vices de forme prévus aux a, b et de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. / (...) ". 3. Il résulte de l'instruction que, par des courriers en date des 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L, a demandé au centre des impôs des non-résidents le remboursement des retenues à la source opérées sur les dividendes de source française qui lui ont été versés au titre des années 2006 et 2007. Eu égard au motif fondant ces demandes de remboursement, tiré de l'inconventionnalité du " dispositif français de retenue à la source sur les dividendes sortants ", celles-ci doivent être regardées comme portant sur l'intégralité des retenues à la source opérées au titre des années concernées. Si, lors du dépôt de ses réclamations, la contribuable, dans l'attente de données exactes provenant de sa banque de dépôt, a indiqué n'être " malheureusement pas en possession du montant exact de remboursement " et n'a donc pas précisément chiffré ses prétentions, cette carence, en l'espèce, n'est ainsi pas constitutive d'un vice de forme affectant la recevabilité de ses réclamations, et a, en tout état de cause, été régularisée par sa demande adressée au tribunal administratif, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales. Au demeurant, il ressort de la lettre de réclamation du 17 décembre 2008 qu'elle comportait, en pièce jointe, des justificatifs des retenues à la source dont le remboursement était demandé. Dans ces conditions, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH est fondée à soutenir que c'est à tort que cette demande a été rejetée au motif que ses réclamations contentieuses des 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008 ne comportaient aucun chiffrage. Par suite, le jugement du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil doit être annulé. 4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH devant le tribunal administratif de Montreuil et devant la Cour. Sur les conclusions tendant à la restitution des retenues à la source en litige : 5. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Les dividendes figurent au nombre des produits visés aux articles 108 à 117 bis de ce code. En application de l'article 187 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, le taux de la retenue à la source est fixé à 25 % du montant de ces revenus. Il est réduit à 15 % par l'article 9 de la convention fiscale conclue le 21 juillet 1959 entre la France et l'Allemagne. 6. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, les réclamations préalables, présentées par courriers des 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008 mentionnaient les retenues à la source contestées et devaient, eu égard à leurs termes, être regardées comme tendant au remboursement de la totalité de ces retenues, alors même qu'elles ne les chiffraient pas préciséement. En outre, la demande de la société requérante devant le tribunal administratif mentionnait les impositions dont le remboursement était demandé et déterminait précisément l'étendue des conclusions présentées à cette fin. Par suite, la demande de la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH est recevable au regard des dispositions précitées du livre des procédures fiscales. La fin de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être écartée. 7. En second lieu, dans l'arrêt du 10 mai 2012 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le tribunal administratif de Montreuil l'avait saisie, à titre préjudiciel, le 1er juillet 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un Etat membre qui prévoit l'imposition, au moyen d'une retenue à la source, des dividendes d'origine nationale lorsqu'ils sont perçus par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) résidents d'un autre Etat, alors que de tels dividendes sont exonérés d'impôts dans le chef des organismes de placement collectif en valeurs mobilières résidents du premier Etat. 8. D'une part, il est admis, en l'espèce, par l'administration fiscale que le fonds Axa Equity L, pour le compte duquel la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agit, est comparable à un OPCVM français. 9. D'autre part, il résulte de l'instruction, et n'est au demeurant pas contesté par l'administration fiscale, que la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH produit les justificatifs permettant d'établir la chaîne de paiement au titre des années 2006 et 2007 à hauteur, respectivement, des sommes de 37 233 euros et 970 161 euros dont elle demande la restitution. Par suite, elle a droit à la restitution de la somme de 1 007 394 euros qu'elle demande pour le compte du fonds Axa Equity L. Sur les frais liés au litige : 10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1710930 du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : Il est accordé à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L, le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française distribués au cours des années 2006 et 2007 à hauteur d'un montant total de 1 007 394 euros. Article 3 : L'Etat versera à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agissant pour le compte du fonds Axa Equity L une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agissant pour le compte du fonds Axa Equity L et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des impôts des non-résidents. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. Le rapporteur, V. MARJANOVICLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 21PA06186 |
CETATEXT000048424052 | J1_L_2023_11_00021PA06191 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424052.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 21PA06191, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 21PA06191 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée (SAS) Pierre Rénovation Tradition a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014 et des cotisations supplémentaires de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014. Par un jugement n° 2013569 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande en la déchargeant en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012, à hauteur du montant résultant de la diminution de l'avantage consenti à M. B... lors de la vente de l'ensemble immobilier situé 161 avenue Victor Hugo à Paris 16ème arrondissement à raison d'un avantage estimé à 197 850 euros et a rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, la SAS Pierre Rénovation Tradition, représentée par Me Foissac et Me Pernoud, avocats, demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement n° 2013569 du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande en la déchargeant, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ; 2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige en matière d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au titre des années 2012, 2013 et 2014 ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société soutient que : - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit et erreurs manifeste d'appréciation ; - l'administration ne démontre pas l'existence d'un acte anormal de gestion dans la cession d'un bien immobilier situé 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris (16ème arrondissement) à un prix par mètre carré de 7 480 euros le m² : la valeur retenue par l'administration fiscale est supérieure à celle figurant dans la base d'informations économiques notariales " BIEN " ; elle a agi dans son propre intérêt, la simple insuffisance de prix ne pouvant qualifier la cession d'acte anormal de gestion et, en l'espèce, le prix de vente tenant compte des caractéristiques physiques et juridiques des biens en litige, dépourvus de commercialité ; cette cession a permis de limiter les risques financiers liés à l'emprunt bancaire nécessité pour l'acquisition du bien en cause et à la caution prise par M. B..., cessionnaire ; - c'est à tort que l'administration a rejeté la déductibilité à l'impôt sur les sociétés des commissions sur ventes versées aux sociétés Leclinvest, Europromo et SIPBG, qui ont été engagées dans l'intérêt de la société et conformément à l'objet social de ces sociétés ; - la somme de 55 000 euros versée à M. A... dans le cadre d'un protocole d'accord du 10 juillet 2013 était déductible de son résultat imposable, dès lors qu'elle a été engagée dans l'intérêt de l'entreprise ; - l'administration ne démontre pas l'existence d'un acte anormal de gestion s'agissant des avances sans intérêts ; - la société pouvait constater une charge exceptionnelle d'un montant de 41 500 euros résultant de la perte irrécouvrable sur la créance détenue sur la société Foncière de la Comète, dès lors que cette dernière était en liquidation judiciaire lors de l'exercice clos en 2013 ; - l'administration n'était pas fondée à réintégrer à l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises les commissions sur ventes versés aux sociétés Leclinvest, Europromo et SIPBG et la minoration du prix de vente du bien immobilier situé 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris ; - les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - et les observations de Me Chicano, substituant Mes Foissac et Pernoud, pour la SAS Pierre Rénovation Tradition. Considérant ce qui suit : 1. La SAS Pierre Rénovation Tradition, qui exerce une activité de marchand de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015. Par deux propositions de rectification du 14 décembre 2015 et du 6 juin 2016, le service lui a notamment notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012 à 2014 et des cotisations supplémentaires de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2013 et 2014. Par un jugement n° 2013569 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de la société en la déchargeant, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 et rejeté le surplus. La SAS Pierre Rénovation Tradition interjette régulièrement appel du jugement précité en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Sur la régularité du jugement : 2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SAS Pierre Rénovation Tradition ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreurs de droit et d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne la cession à prix minoré d'un appartement situé 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris (16ème arrondissement) : 3. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie. 4. Par acte du 15 décembre 2010, la SAS Pierre Rénovation Tradition a acquis auprès de la société Groupe immobilier Montaverde, sous le régime des marchands de biens, un ensemble immobilier situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris (16ème) et tous droits indivis avec les autres immeubles riverains du square Thiers dans un immeuble non bâti pour un prix hors droits et hors frais de 39 000 000 euros. Le 13 novembre 2014, la société a revendu un lot à M. et Mme B... à usage mixte (n° 5) situé au 3ème étage de l'immeuble, d'une superficie de 461,25 m2 au prix de 3 450 000 euros, soit 7 479,60 euros le m2. M. B... est gérant et associé à 98 % de la SAS Pierre Rénovation Tradition. 5. Constatant que quatorze biens similaires, tous situés dans le même arrondissement, avaient été vendus entre janvier et octobre 2014 pour un prix moyen de 11 283,57 euros le m², l'administration a estimé que la valeur vénale réelle du bien concerné s'élevait à 5 204 745 euros, soit un écart de prix de 33 % et a regardé la différence entre ce dernier montant et le prix stipulé au contrat de vente, soit 1 754 745 euros comme procédant d'un acte anormal de gestion de l'entreprise et a réintégré la somme aux résultats imposables de la société. 6. Il résulte de l'instruction que la valeur vénale du bien a été établie selon une méthode fiable reposant sur la comparaison de ventes de quatorze biens situés dans le 16ème arrondissement de Paris dans des secteurs résidentiels comparables et de consistance similaire. Pour remettre en cause l'écart de prix ainsi caractérisé, la société soutient, en premier lieu, que le prix au mètre carré retenu par l'administration n'est pas représentatif de l'état du marché immobilier pour des biens répondant aux caractéristiques du bien en litige, appartement d'une grande surface comportant en outre une part prépondérante de locaux à usage professionnel. A cet égard, si la société fait état d'une vente intervenue, le 7 mars 2011, dans le même ensemble immobilier, pour le prix de 9 703 euros le m2, cette vente, réalisée par la société requérante elle-même, ne saurait être regardée comme représentative de l'état du marché immobilier, à la date de la transaction en litige, portant sur le bien en cause. Par ailleurs, si la société requérante oppose les informations contenues dans la base notariale " BIEN " pour le 16ème arrondissement de Paris, et, notamment les secteurs Auteuil et Chaillot, les données mentionnées, non nominatives et tirées de moyennes, ne permettent pas de remettre en cause l'ampleur de l'écart résultant des termes de comparaison de l'administration, de nature à permettre de présumer de l'anormalité du prix de vente en litige. 7. En deuxième lieu, la société requérante soutient que, eu égard à ses caractéristiques physiques (appartement de 461,25 m2 non doté d'un emplacement à usage de parking et comportant de nombreux dégagements ainsi qu'une majorité de locaux à usage de bureau), impliquant une difficulté de vendre le bien en cause à usage d'habitation, et à l'absence de commercialité reconnue, le prix de vente doit nécessairement tenir compte d'une décote justifiée notamment par l'acquisition d'un droit à commercialité estimé à 1 800 euros par m2. Toutefois, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le prix d'achat de ce bien aurait tenu compte d'une telle décote, la SAS Pierre Rénovation Tradition ne justifie pas que sa revente, réalisée à usage d'habitation, devait s'accompagner d'une transformation de la partie de ses locaux à usage d'habitation en locaux à usage de bureau. 8. En dernier lieu, la société requérante fait valoir qu'elle a agi dans son intérêt au motif qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de faire face aux échéances de remboursement de l'emprunt bancaire contracté lors de l'acquisition de l'ensemble immobilier, devant être remboursé au terme d'un délai de trois ans expirant fin 2013. En outre, elle fait valoir que le cessionnaire, M. B..., gérant de la société, s'était porté caution. Cependant, alors qu'il ressort de l'acte de vente de l'immeuble que la société s'était engagée à revendre l'immeuble dans le délai maximum de cinq ans à compter du 28 décembre 2006, soit au plus tard le 28 décembre 2011, elle ne justifie pas de l'impossibilité, pour résoudre ses difficultés financières, de vendre un autre lot du même ensemble immobilier le cas échéant à une autre personne, ni de ce que M. B... aurait été amené à lever sa caution en vue du règlement de l'emprunt. 9. Ainsi, dans ces conditions, la SAS Pierre Rénovation Tradition ne justifiant pas de la nécessité de procéder à la vente du bien en litige au prix convenu, ou d'une contrepartie obtenue, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe d'un acte anormal de gestion résultant d'un écart significatif, soit de 33 %, entre le prix de vente du lot et leur valeur réelle correctement évaluée par le service. L'administration était par suite fondée à réintégrer dans les bénéfices imposables de la société Pierre Rénovation Tradition la somme de 1 754 745 euros correspondant à la différence hors taxes entre la valeur vénale du bien cédé et le prix de vente déclaré. En ce qui concerne les commissions de vente : 10. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". 11. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend, en application du I de l'article 39 du code général des impôts précité, déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. 12. Au cours de l'exercice clos 2013, la SAS Pierre Rénovation Tradition a payé des honoraires à trois sociétés au titre de commissions pour la vente de biens immobiliers faisant partie de l'ensemble immobilier situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris (16ème arrondissement), soit le 1er mars à la société Leclinvest pour un montant de 195 000 euros toutes taxes comprises, le 31 mars à la société SIPBG pour un montant de 200 000 euros toutes taxes comprises et le 13 juillet à la société Europromo pour un montant de 80 000 euros toutes taxes comprises. Pour rejeter la déductibilité des prestations en litige, l'administration soutient que la société requérante ne justifie pas de la réalité de la contrepartie des prestations fournies au motif que les sociétés Leclinvest et Europromo ne possèdent pas les moyens humains et matériels pour réaliser les prestations facturées et que la société SIPBG n'a pas déclaré la commission facturée. Si la société Pierre Rénovation Tradition soutient qu'elle-même ne dispose pas des moyens d'effectuer directement les ventes en cause, que les prestations ont été réalisées conformément à l'objet social des sociétés mentionnées, que l'administration a méconnu le principe de non-immixtion dans la gestion des entreprises, et que l'action de M. B..., gérant ou actionnaire des trois sociétés mentionnées ou de leurs sociétés mères à 100 %, est incontestable, elle n'apporte ce faisant aucun élément de nature à justifier de la réalité des prestations ainsi remises en cause, tels des éléments relatifs aux diligences menées par les sociétés prestataires en vue de la vente des lots concernés. Par suite, la SAS Pierre Rénovation Tradition, qui ne saurait utilement soutenir que ses liens d'affaires avec les sociétés concernées obligeraient l'administration à apporter la preuve de l'absence de contrepartie, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre en déduction de son résultat imposable les sommes facturées par les sociétés Leclinvest, SIPBG et Europromo. 13. En outre, et contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale ne s'est pas prononcée sur l'opportunité de son choix de confier aux sociétés précitées certaines prestations de service, mais s'est bornée à remettre en cause la réalité de ces prestations. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe de non-immixtion de l'administration dans la gestion des entreprises a été méconnu doit être écarté. En ce qui concerne les sommes versées dans la cadre du protocole d'accord avec M. A... : 14. Il résulte de l'instruction que la SAS Pierre Rénovation Tradition a versé une somme de 55 000 euros à titre de dédommagement à M. A... conformément à un protocole d'accord conclu, le 10 juillet 2013, destiné à éviter la survenance d'un contentieux induit par l'absence de jouissance d'un parking lors de l'achat, le 31 mars 2011, d'un bien sis 161 avenue Victor Hugo à Paris (16ème arrondissement). Le service a relevé, à la lecture de l'acte de cession, que l'engagement de fournir un emplacement individualisé à M. A... n'avait pas été mentionné et qu'il était contraire au règlement de copropriété. Il a, par conséquent, estimé que ce dédommagement ne pouvait être regardé comme justifié et a réintégré la somme de 55 000 euros au résultat de l'exercice 2013. Si la SAS Pierre Rénovation Tradition fait valoir que M. A... pouvait prétendre à la jouissance personnelle d'un emplacement de parking, eu égard aux modalités d'usage du parking situé dans le square Thiers, elle ne justifie d'aucune obligation de dédommager M. A..., notamment à raison d'une action que ce dernier aurait engagée sur le fondement du protocole conclu entre les parties, ou d'actions de tiers engagées contre l'intéressé, nonobstant la circonstance que des protocoles similaires auraient été conclus avec d'autres copropriétaires. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, faute de justifier de l'absence de contrepartie, l'administration a réintégré le montant en litige à la base imposable de la société requérante. En ce qui concerne l'absence de rémunération des créances détenues : 15. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Le fait, pour une entreprise, de consentir une avance sans intérêts au profit d'un tiers ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. 16. Lors de la procédure de vérification, l'administration fiscale a relevé que la société Pierre Tradition Rénovation avait consenti des avances à titre gratuit à plusieurs sociétés qui étaient directement ou indirectement détenus par M. B... et sa famille pour un montant de 6 329 825 euros en 2013 et 7 759 768 euros en 2014. Il est apparu qu'au titre de l'exercice 2013, seules 22 % des créances de la société étaient rémunérées alors que les dettes de la société l'étaient à hauteur de 90 % et que, pour l'exercice 2014, seules 19 % des créances de la société étaient rémunérées alors que les dettes de la société l'étaient à hauteur de 70 %. 17. La société requérante conteste les rectifications correspondant aux avances rémunérées consenties aux diverses sociétés en faisant valoir que ses liens capitalistiques et les difficultés financières de ces sociétés justifiaient les avantages consentis. Toutefois, alors qu'elle ne justifie pas d'un lien capitalistique avec les sociétés débitrices, elle n'invoque aucune contrepartie commerciale et n'établit pas l'existence d'actifs financiers détenus dans ces sociétés dans des conditions susceptibles de justifier qu'une aide leur soit apportée. Ainsi, elle n'apporte pas la preuve lui incombant que les décisions litigieuses aient été prises dans son intérêt propre. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que cette renonciation à percevoir des intérêts sur les avances consenties présentait le caractère d'un acte anormal de gestion et a réintégré une rémunération calculée au taux de 3% mentionné par la société dans les conventions d'avances et de trésorerie qu'elle a conclues avec plusieurs sociétés débitrices. En ce qui concerne la minoration d'actifs : 18. Le 19 décembre 2005, la société Pierre Rénovation Tradition a acquis auprès de la société La Perla World une créance d'un montant de 265 000 euros qu'elle détenait sur la société Foncière de la Comète, pour un prix de 40 000 euros. Le 11 février 2013, le tribunal de commerce a condamné la société requérante à payer à la société La Perla World la somme de 40 000 euros. La société Pierre Rénovation Tradition a comptabilisé le 31 décembre 2013 une charge exceptionnelle d'un montant de 41 500 euros correspondant au prix de rachat de cette créance majorée de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comptabilisée sous l'intitulé " La Perla perte sur rachat de créances ". 19. Or, une perte sur créance ne peut être constatée à la clôture d'un exercice que si, à cette date, une créance est certaine et définitivement irrécouvrable. Si la SAS Pierre Rénovation Tradition fait valoir que la société Foncière de la Comète a été mise en cessation de paiement 17 octobre 2011 et placée en liquidation judiciaire le 17 avril 2013, il n'est pas contesté par la société requérante qu'aucune créance sur la société Foncière de la Comète ne figurait à l'actif de son bilan d'ouverture au titre de l'exercice 2013 ou lors des exercices suivants. Par suite, en l'absence d'élément d'actif au bilan de l'exercice 2013, correspondant à la créance en cause, aucune minoration d'actif ne pouvait être constatée et ouvrir droit à déduction du bénéfice imposable. Sur les pénalités : 20. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". 21. L'administration a appliqué la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration de la minoration du prix des cessions des biens immobiliers situés 161 avenue Victor Hugo et 77-79 avenue Raymond Poincaré, des commissions de vente non déductibles, de l'indemnité de dédommagement versée à M. A... et de la minoration d'actif, visésci-dessus. 22. Tout d'abord, pour justifier le bien-fondé de l'application d'une telle majoration, l'administration fait valoir que la société Pierre Rénovation Tradition est un professionnel reconnu de l'immobilier en qualité de marchand de biens depuis 2002, que son gérant, M. B..., est actionnaire de plusieurs sociétés immobilières et président du groupe Pierre Valorisation Développement dont l'expérience est reconnue dans l'activité immobilière. La société avait donc une parfaite connaissance du marché concurrentiel du secteur immobilier de l'habitation de Paris et, en évaluant les biens immobiliers précités à une valeur très nettement minorée, la société ne pouvait ignorer qu'elle consentait, en cédant ces biens à M. B..., une libéralité constitutive d'un acte anormal de gestion, d'autant que des rectifications analogues avaient été notifiées à la société au cours de la vérification de comptabilité effectuée au titre des années 2010 et 2011. 23. Par ailleurs, l'administration fait également valoir que les commissions de vente en litige ont été versées à des sociétés liées à la société requérante et qui ne disposaient ni de moyens matériels, ni de moyens humains suffisants, que la SAS Pierre Tradition Rénovation ne pouvait ignorer, en versant une indemnité de dédommagement, pour compenser l'absence de jouissance prétendue d'un emplacement de parking, d'une valeur de 11 % du prix du bien auquel il était annexé, à M. A..., beau-frère du président de la société, qu'elle commettait un acte anormal de gestion, et, enfin, qu'elle ne pouvait ignorer que la créance détenue sur la société Foncière de la Comète, sur laquelle elle a comptabilisé une perte exceptionnelle au titre de l'exercice 2013, ne figurait pas à l'actif du bilan d'ouverture de ce même exercice. 24. Ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère délibéré des manquements reprochés à la société. 25. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Pierre Rénovation Tradition n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge d'impôt, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D E C I D E :Article 1er : La requête de la SAS Pierre Rénovation Tradition est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Pierre Rénovation Tradition et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France.Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERELa greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 21PA06191 2 |
CETATEXT000048424053 | J1_L_2023_11_00022PA00145 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424053.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA00145, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA00145 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | ICLEK | M. Stéphane DIEMERT | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 18 avril 2019 et la décision du 21 septembre 2021 par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger son arrêté d'expulsion du 4 octobre 1994, et d'enjoindre à ce ministre de d'abroger cet arrêté d'expulsion et de lui délivrer un visa de retour et un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1913537 du 19 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022, des mémoires enregistrés les 8 septembre 2022 et 12 juin 2023, une pièce enregistrée le 15 juin 2023, et un mémoire récapitulatif produit le 7 juillet 2023 après l'invitation prévue par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, M. B... A... représenté par Me Iclek, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures résultant de son mémoire récapitulatif : 1°) d'annuler le jugement n° 1913537 du 19 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision implicite du 18 avril 2019 et la décision du 21 septembre 2021 par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger son arrêté d'expulsion du 4 octobre 1994 ; 3°) d'enjoindre à ce ministre d'abroger cet arrêté d'expulsion, et de lui délivrer un visa de retour et un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; Il soutient que : - la décision litigieuse est insuffisamment motivée ; - le ministre de l'intérieur n'a pas examiné la situation personnelle du requérant ; - la procédure est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la commission d'expulsion a été saisie tardivement et sans qu'il ait été informé qu'il était susceptible de bénéficier de l'aide juridictionnelle ; - la décision litigieuse méconnait l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence d'une menace grave pour l'ordre public de nature à justifier le rejet de la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion et alors qu'il présente des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale en Algérie ou en France ; - la décision litigieuse méconnait les stipulations de l'article 8 Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense enregistré le 1er juin 2023, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une décision du 17 mai 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Diémert, - et les conclusions de M. Doré, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 6 octobre 1967 et de nationalité algérienne, est entré régulièrement sur le territoire français en 1971. Il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion du 4 octobre 1994, et en a demandé l'abrogation à plusieurs reprises. Par un jugement du 12 octobre 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de rejet de sa demande, en date du 10 mars 2017, d'abrogation dudit arrêté et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer cette demande dans un délai de trois mois. Par une décision du 18 avril 2019, le ministre de l'intérieur a, implicitement, refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion puis, par une décision du 15 octobre 2020, contestée durant le cours de la première instance, il a procédé au retrait de cette décision et a repris l'examen de la situation de M. A.... En l'absence de décision expresse de rejet, une nouvelle décision implicite de rejet de la demande du requérant est née au plus tard le 23 août 2021, laquelle a ensuite été confirmée par une décision expresse du 21 septembre 2021. Les premiers juges ont à bon droit considéré que M. A... doit être regardé comme demandant tant l'annulation de la décision de retrait du 15 octobre 2020 que du refus exprès d'abrogation qui lui a été opposé le 21 septembre 2021. 2. Aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au présent litige : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter. ". L'article L. 524-2 du même code dispose que : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. / À défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours. Le réexamen ne donne pas lieu à consultation de la commission prévue à l'article L. 522-1 ". Aux termes de l'article L. 524-3 dudit code : " Il ne peut être fait droit à une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée plus de deux mois après la notification de cet arrêté que si le ressortissant étranger réside hors de France. / (...) ". L'article R. 524-1 de ce code dispose en outre que : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé par l'autorité qui l'a pris. L'abrogation d'un arrêté d'expulsion pris, avant l'entrée en vigueur du décret n° 97-24 du 13 janvier 1997, par le ministre de l'intérieur, sur le fondement des dispositions de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, désormais codifiées à l'article L. 521-1, et après accomplissement des formalités prévues par les dispositions de l'article 24 de la même ordonnance, désormais codifiées à l'article L. 522-1, relève de la compétence du préfet du département dans le ressort duquel l'étranger avait sa résidence à la date de l'arrêté d'expulsion. À Paris, le préfet compétent est le préfet de police. " et, en vertu de l'article R. 524-2 du même code, le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion vaut décision de rejet. 3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public sont de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée. 4. En premier lieu, et comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la décision de refus d'abrogation du 21 septembre 2021 mentionne les éléments de fait et de droit sur lesquels elle est fondée ; elle est donc suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté comme manquant en fait. 5. En deuxième lieu, et comme l'ont également relevé à bon droit les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé. Le moyen tiré du défaut d'examen de la situation du requérant doit donc également être écarté comme manquant en fait. 6. En troisième lieu, et comme l'ont aussi relevé à bon droit les premiers juges, d'une part, il ressort des pièces du dossier que la commission d'expulsion, réunie le 4 mars 2021 a rendu un avis défavorable à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 4 octobre 1994 et, d'autre part, la circonstance que l'administration n'a pas respecté le délai de trois mois qui lui était imparti pour statuer sur la demande en vertu des dispositions, alors applicables, de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2 est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; enfin, si le requérant soutient qu'il n'aurait pas été informé de pouvoir bénéficier de l'aide juridictionnelle dans le cadre de la procédure devant la commission d'expulsion, cette allégation est démentie par le bulletin, en date du 16 février 2021, de convocation à la réunion de cette instance prévue pour le 4 mars suivant, qui comporte expressément la mention de la possibilité de bénéficier de cette aide. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission d'expulsion doit donc être écarté dans ses différentes branches. 7. En quatrième lieu, M. A..., entré régulièrement sur le territoire français en 1971 à l'âge de quatre ans, a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales entre 1988 et 1992 pour des faits d'usage de stupéfiants, de recel d'objet enlevé, détourné ou obtenu à l'aide d'un crime ou d'un délit, de vol, de refus, par un conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter et contrefaçon ou falsification d'un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, et pour vol avec violence en récidive et attentat à la pudeur commis avec violence ou surprise, pour un quantum total de peines de neuf ans et dix mois d'emprisonnement ; il a en outre été condamné le 29 janvier 1996 à trois mois d'emprisonnement pour soustraction à l'exécution d'un arrêté d'expulsion. Si le requérant n'a pas fait l'objet ultérieurement de condamnations en Algérie, il ressort des pièces du dossier qu'il ne présente aucune garantie de réinsertion professionnelle ou sociale en France, dès lors qu'il ne justifie d'aucun élément démontrant qu'il y exercerait une quelconque activité professionnelle. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté des faits à l'origine de l'expulsion, qui révèlent néanmoins la réitération d'infractions répétées et de gravité croissante, la menace pour l'ordre public que la présence de l'intéressé en France est susceptible de constituer n'a pas diminué. Ainsi, et comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion. 8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 9. D'une part, Il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé d'Algérie à l'âge de quatre ans en France où il a vécu jusqu'à son expulsion en 1996, avant de s'établir de nouveau en Algérie où il s'est marié en 2000 et a eu un enfant en 2002. S'il ressort des pièces du dossier que le requérant a en France huit frères et sœurs de nationalité française ou disposant d'un titre de séjour en France, sa vie familiale peut se poursuivre en Algérie avec son épouse et son enfant. Dans ces conditions, en prononçant une mesure d'expulsion à son encontre, le ministre de l'intérieur n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant au regard des buts en vue desquels la décision attaquée a été prise. 10. D'autre part, et en tout état de cause, la persistance de la menace contre l'ordre public susceptible de résulter de la présence en France de l'intéressé est de nature, en application du second alinéa de l'article 8 précité de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, à fonder la décision de refus d'abrogation de la mesure d'expulsion prise à son encontre. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 18 avril 2019 et la décision du 21 septembre 2021 par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger son arrêté d'expulsion du 4 octobre 1994 et d'enjoindre à ce ministre d'abroger cet arrêté d'expulsion, et de lui délivrer un visa de retour et un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement et de ces décisions doivent donc être rejetées. 12. Dès lors que M. A... est la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la requête fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative et sur l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, S. DIÉMERTLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00145 |
CETATEXT000048424054 | J1_L_2023_11_00022PA01087 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424054.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA01087, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA01087 | 1ère chambre | plein contentieux | C | M. LAPOUZADE | SIMON | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu les conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait et d'enjoindre à l'OFII de la rétablir dans ses droits à compter d'octobre 2019 ; d'autre part, d'annuler la décision implicite par laquelle l'OFII a suspendu, à compter du mois de juillet 2020, les conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait et d'enjoindre à l'OFII de la rétablir dans ses droits à compter de juillet 2020 ; enfin, d'annuler la décision par laquelle l'OFII a suspendu, à compter du mois de février 2021, les conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait et d'enjoindre à l'OFII de la rétablir dans ses droits à compter de février 2021. Par un jugement n°s 2001350, 2021593, 2119359/4-2 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du 26 novembre 2019 et de juillet 2020 et a enjoint à l'OFII de rétablir Mme A... dans ses droits à compter de manière rétroactive d'octobre 2019 jusqu'en février 2021. Le tribunal a, dans les circonstances de l'espèce, rejeté les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 8 mars 2022, Me Lucie Simon, avocate de Mme A..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 7 février 2022 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il rejette les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; 2°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement d'une somme de 1 500 euros, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; 3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le refus de lui accorder une somme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 est mal fondé, dès lors qu'elle a effectué toutes les diligences nécessaires en tant que conseil de Mme A... et a obtenu l'annulation des décisions contestées ainsi que le rétablissement de la requérante dans le bénéfice des conditions matérielles d'accueil qu'elle sollicitait. La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin, - et les conclusions de M. Doré, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par le jugement n°s 2001350, 2021593, 2119359/4-2 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Paris a jugé qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur la requête tendant à l'annulation de la décision implicite retirant à Mme A... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à compter de mars 2021, a annulé les décisions du 26 novembre 2019 et de juillet 2020, a enjoint à l'OFII de rétablir Mme A... dans ses droits à compter de manière rétroactive d'octobre 2019 jusqu'en février 2021 et a, dans les circonstances de l'espèce, rejeté les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Me Simon, avocate qui a assuré la défense de Mme A..., relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. 2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle perçoit une rétribution ". Selon le deuxième alinéa de l'article 37 de cette loi : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l'aide juridictionnelle, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". D'autre part, aucune disposition de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 n'interdit au juge administratif de condamner une partie à verser à l'autre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens dans le cas où elle constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions principales de la requête. 3. Me Simon soutient que les premiers juges ont, à tort, rejeté ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dès lors qu'elle a obtenu l'annulation des décisions contestées ainsi que le rétablissement de la requérante dans le bénéfice des conditions matérielles d'accueil qu'elle sollicitait. 4. Il résulte de l'instruction que, s'agissant de la requête n° 2001350, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande de Mme A... par une décision du 25 novembre 2020 et que l'intéressée n'a présenté aucune demande d'aide juridictionnelle en ce qui concerne la requête n° 2021593. Il résulte également de l'instruction que, concernant la requête n° 2119359, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er décembre 2021. Il est constant que le tribunal administratif de Paris a estimé qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur les conclusions de cette requête tendant à l'annulation de la décision retirant à Mme A... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à compter de mars 2021, dès lors que l'OFII avait versé la somme correspondant à la somme du montant de ces conditions pour les mois de mars à septembre 2021 inclus et que les versements ont ensuite perduré. Me Simon justifie avoir produit, pour la défense des intérêts de Mme A..., deux mémoires et cette dernière a été représentée par un avocat à l'audience du 24 janvier 2022. Par suite, Me Simon est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII une somme de 1 000 euros en application de ces dispositions. Dès lors, l'OFII versera à Me Simon la somme de 1 000 euros, ce versement entraînant pour celle-ci renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Sur les frais liés à l'instance : 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII le versement à Me Simon d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E: Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 février 2022 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 2 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à Me Simon une somme de 1 000 euros, ce versement entraînant pour celle-ci renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à Me Simon une somme de 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me Lucie Simon et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Le président, I. JASMIN-SVERDLIN J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA01087 |
CETATEXT000048424055 | J1_L_2023_11_00022PA01277 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424055.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 22PA01277, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA01277 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | SELARL LOREAL AVOCATS | M. Vladan MARJANOVIC | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source d'un montant total de 625 771 euros prélevés au titre des années 2005, 2006 et 2007 sur les dividendes de source française. Par un jugement n° 1710948 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 17 mars 2022, et des mémoires, enregistrés le 20 juin 2022, 25 octobre 2022 et 1er février 2023, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L et représentée par Me Loréal et Me Hong-Rocca, avocats, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 1710948 rendu le 20 janvier 2022 par le tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'ordonner la restitution des retenues à la source d'un montant total de 622 780,80 euros prélevés au titre des années 2005, 2006 et 2007 sur ses dividendes de source française ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a considéré à tort que ses réclamations des 20 décembre 2006, 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008 étaient irrecevables au motif qu'elles ne comportaient aucun chiffrage, alors qu'elles devaient être regardées comme tendant à la restitution de l'ensemble des retenues à la source prélevées par les établissements payeurs en 2005, 2006 et 2007 ; en tout état de cause, sa demande chiffrée, adressée au tribunal, a régularisé ses réclamations contentieuses conformément aux dispositions du 2ème alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales ; par ailleurs, conformément aux dispositions du d) de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales et aux principes dégagés par la décision n° 344678 rendue le 23 mai 2011 par le Conseil d'Etat, ses demandes étaient assorties des pièces justifiant du versement des retenues litigieuses ; - l'administration fiscale, en première instance, a expressément admis la comparabilité du fonds Axa Euro Dividend L avec un OPCVM français et que la demande devait être accueillie sur le fond ; - les justificatifs fournis établissent le versement de retenues à la source à hauteur de 187 409,61 euros au titre de l'année 2005, 12 401,03 euros au titre de l'année 2006 et 422 970,16 euros au titre de l'année 2007. Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mai 2022, 25 juillet 2022, 3 janvier 2023 et 18 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marjanovic ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Hong-Rocca, représentant la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH. Considérant ce qui suit : 1. La société allemande Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L, a fait l'objet d'une imposition en France par voie de retenue à la source sur des dividendes de source française distribués pour les années 2005, 2006 et 2007. Par lettres des 20 décembre 2006, 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008, la société requérante a demandé, pour le fonds Axa Euro Dividend L, la restitution de ces retenues à la source. Par une décision du 9 août 2017, l'administration fiscale a rejeté ces réclamations comme irrecevables. La société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L, demande à la Cour l'annulation du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté, pour ce même motif, ses demandes de remboursement de l'imposition sur les dividendes de source française retenues à la source, au titre des années 2005, 2006 et 2007, ainsi que le remboursement de ces impositions, à hauteur des sommes respectives de 187 409,61 euros, 12 401,03 euros et 422 970,16 euros. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : / a) Mentionner l'imposition contestée ; / b) Contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie ; / c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l'administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours ; / d) Être accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / (...) ". Aux termes de l'article R. 200-2 dudit livre : " (...) / Les vices de forme prévus aux a, b et de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. / (...) ". 3. Il résulte de l'instruction que, par des courriers en date des 20 décembre 2006, 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L, a demandé au centre des impôs des non-résidents le remboursement des retenues à la source opérées sur les dividendes de source française qui lui ont été versés au titre des années 2005, 2006 et 2007. Eu égard au motif fondant ces demandes de remboursement, tiré de l'inconventionnalité du " dispositif français de retenue à la source sur les dividendes sortants ", celles-ci doivent être regardées comme portant sur l'intégralité des retenues à la source opérées au titre des années concernées. Si, lors du dépôt de ses réclamations, la contribuable, dans l'attente de données exactes provenant de sa banque de dépôt, a indiqué n'être " malheureusement pas en possession du montant exact de remboursement " et n'a donc pas précisément chiffré ses prétentions, cette carence, en l'espèce, n'est ainsi pas constitutive d'un vice de forme affectant la recevabilité de ses réclamations, et a, en tout état de cause, été régularisée par sa demande adressée au tribunal administratif, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales. Au demeurant, il ressort de la lettre de réclamation du 20 décembre 2006 qu'elle comportait, en pièce jointe, des justificatifs des retenues à la source dont le remboursement était demandé. Dans ces conditions, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH est fondée à soutenir que c'est à tort que cette demande a été rejetée au motif que ses réclamations contentieuses des 20 décembre 2006, 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008 ne comportaient aucun chiffrage. Par suite, le jugement du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Montreuil doit être annulé. 4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH devant le tribunal administratif de Montreuil et devant la Cour. Sur les conclusions tendant à la restitution des retenues à la source en litige : 5. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Les dividendes figurent au nombre des produits visés aux articles 108 à 117 bis de ce code. En application de l'article 187 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, le taux de la retenue à la source est fixé à 25 % du montant de ces revenus. Il est réduit à 15 % par l'article 9 de la convention fiscale conclue le 21 juillet 1959 entre la France et l'Allemagne. 6. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, les réclamations préalables, présentées par courriers des 20 décembre 2006, 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008, mentionnaient les retenues à la source contestées et devaient, eu égard à leurs termes, être regardées comme tendant au remboursement de la totalité de ces retenues, alors même qu'elles ne les chiffraient pas préciséement. En outre, la demande de la société requérante devant le tribunal administratif mentionnait les impositions dont le remboursement était demandé et déterminait précisément l'étendue des conclusions présentées à cette fin. Par suite, la demande de la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH est recevable au regard des dispositions précitées du livre des procédures fiscales. La fin de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être écartée. 7. En second lieu, dans l'arrêt du 10 mai 2012 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le tribunal administratif de Montreuil l'avait saisie, à titre préjudiciel, le 1er juillet 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un Etat membre qui prévoit l'imposition, au moyen d'une retenue à la source, des dividendes d'origine nationale lorsqu'ils sont perçus par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) résidents d'un autre Etat, alors que de tels dividendes sont exonérés d'impôts dans le chef des organismes de placement collectif en valeurs mobilières résidents du premier Etat. Il convient de faire application de ces principes alors même que la convention fiscale applicable, en l'espèce, entre la France et la République Fédérale d'Allemagne du 21 juillet 1959 modifiée exclut de son champ les demandes présentées par un fonds non doté de la personnalité morale, en tant qu'il ne constitue pas un résident au sens des stipulations de cette convention, comme en l'espèce, le fonds Axa Equity L au nom duquel agit la société requérante. 8. D'une part, il est admis, en l'espèce, par l'administration fiscale que le fonds Axa Euro Dividend L, pour le compte duquel la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agit, est comparable à un OPCVM français. 9. D'autre part, il résulte de l'instruction, et n'est au demeurant pas contesté par l'administration fiscale, que la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH produit les justificatifs permettant d'établir la chaîne de paiement au titre des années 2005, 2006 et 2007 à hauteur, respectivement, des sommes de 187 409,61 euros, 12 401,03 euros et 422 970,16 euros dont elle demande la restitution. Par suite, elle a droit à la restitution de la somme de 622 780,80 euros qu'elle demande pour le compte du fonds Axa Equity L. Sur les frais liés au litige : 10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1710948 du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : Il est accordé à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L, le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française distribués au cours des années 2005, 2006 et 2007 à hauteur d'un montant total de 622 780,80 euros. Article 3 : L'Etat versera à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des impôts des non-résidents. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. Le rapporteur, V. MARJANOVICLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 22PA01277 |
CETATEXT000048424056 | J1_L_2023_11_00022PA01779 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424056.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 22PA01779, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA01779 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | SCP MEIER-BOURDEAU LECUYER & ASSOCIES | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : I- Par une requête n° 1926622, Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 octobre 2019 portant révision de son " dossier annuel d'activité 2019 " et d'enjoindre au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de procéder à une nouvelle rédaction de son compte-rendu d'évaluation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de maintenir a minima le régime indemnitaire dont elle bénéficiait au titre de son évaluation 2018 et de la rétablir dans ses droits à la promotion au grade. II- Par une requête n° 2003670 Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 septembre 2019 portant mutation dans l'intérêt du service, ensemble la décision du 13 décembre 2019 rejetant son recours administratif, et d'enjoindre au CNRS de procéder à son affectation sur un poste de niveau équivalent, en termes de responsabilité et de régime indemnitaire, à celui qu'elle occupait précédemment, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de maintenir a minima le régime indemnitaire dont elle bénéficiait au titre de son évaluation 2018 et de le réactualiser à l'aune du nouveau régime indemnitaire mis en place, et de procéder à un examen plus favorable de son groupe de fonction. Par un jugement n° 1926622, 2003670 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 13 septembre 2019 portant mutation dans l'intérêt du service et la décision du 13 décembre 2019 rejetant le recours administratif de Mme D..., enjoint au CNRS de réintégrer Mme D... dans ses fonctions de directrice-adjointe administrative au sein de l'Institut national de physique (INP) et de procéder à la reconstitution de ses droits, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sauf à ce que l'intéressée accepte d'être affectée dans un emploi équivalent correspondant à son grade actuel ou renonce à une telle affectation en raison de l'évolution de sa situation, condamné le CNRS à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions de ses requêtes. Procédure devant la Cour : Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique enregistrés les 20 avril et 13 juin 2022 et 31 août 2023, le CNRS, représenté par Me Meier-Bourdeau Lécuyer, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1926622, 2003670 du 22 février 2022 en tant que le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de Mme D... en annulant la décision du 13 septembre 2019 portant mutation dans l'intérêt du service et la décision du 13 décembre 2019 rejetant le recours administratif de l'intéressée, en faisant injonction au CNRS de réintégrer Mme D... dans ses fonctions de directrice-adjointe administrative au sein de l'INP et de procéder à la reconstitution de ses droits dans un délai de deux mois, sauf à ce que l'intéressée accepte d'être affectée dans un emploi équivalent correspondant à son grade actuel ou renonce à une telle affectation en raison de l'évolution de sa situation ; 2°) de rejeter les conclusions de Mme D... ; 3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le CNRS soutient que : - le tribunal n'a pas pris en compte et n'a pas répondu à l'ensemble des moyens qu'il a développés au soutien de ses écritures en défense de première instance, de sorte que le jugement est insuffisamment motivé ; - le jugement est entaché de dénaturation des faits ; - le jugement est entaché d'erreurs de droit ; - la procédure de mutation d'office n'est entachée d'aucune irrégularité ; aucune atteinte aux droits de la défense de Mme D... n'est établie ; - l'injonction de réintégration de Mme D... dans ses anciennes fonctions de directrice adjointe de l'INP du CNRS ne peut être exécutée, le changement d'affectation ayant été prononcé dans l'intérêt du service ; - l'appel incident de Mme D... est irrecevable pour cause de tardiveté. Par deux mémoires en défense et en appel incident, enregistrés les 12 avril et 5 octobre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme D..., représentée par Me Mokhtar, conclut au rejet de la requête du CNRS et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 4 du jugement en ce qu'il rejette les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 11 octobre 2019 portant révision du " dossier annuel d'activité 2019 ", à l'annulation de la décision précitée, à ce qu'il soit enjoint au CNRS de maintenir, a minima, le régime indemnitaire (IFSE et CIA) dont elle bénéficiait au titre de son évaluation 2018 en le réactualisant à l'aune du nouveau régime mis en place, et à ce que soit mise à la charge du CNRS la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle est recevable à demander, par la voie du recours incident, l'annulation du jugement attaqué dans la mesure où il ne lui a donné satisfaction que de manière partielle ; - le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et de dénaturation des faits ; - elle n'a pas été destinataire de la totalité de l'" enquête RPS " concomitante tant à sa mutation d'office qu'à son évaluation 2019 ; - son évaluation annuelle 2019 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de faire valoir ses observations ; - elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - elle est entachée de détournement de pouvoir. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi du 22 avril 1905 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 ; - le décret n° 84-1185 du 27 décembre 1984 ; - le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - les observations de Me Cathelineau, substituant Me Meier-Bourdeau Lécuyer pour le CNRS ; - et les observations de Me Bajn, substituant Me Mokhtar, pour Mme D.... Une note en délibéré, enregistrée le 7 novembre 2023, a été produite pour le CNRS par Me Meier-Bourdeau Lécuyer. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... D..., recrutée par le CNRS en 1994 et titulaire du grade d'ingénieure de recherche de 1ère classe depuis le 1er juin 2013, a exercé, de juin 2015 à septembre 2019, les fonctions de directrice-adjointe administrative (DAA) de l'INP rattachée à la délégation régionale Paris Michel-Ange du Centre. Par un courrier du 8 juillet 2019, l'intéressée a saisi la déléguée régionale de Paris Michel-Ange d'une demande de révision de son appréciation annuelle puis, par un courrier du 22 août 2019, elle a saisi la commission administrative paritaire (CAP) de cette même demande. Parallèlement, la directrice de l'INP a sollicité, le 2 juillet 2019, la mutation d'office de l'intéressée dans l'intérêt du service. La CAP réunie le 12 septembre 2019 a proposé la suppression partielle ou totale de certains paragraphes de l'appréciation portée sur la manière de servir de Mme D... pour 2019 et elle s'est prononcée sur la mutation d'office de l'intéressée dans l'intérêt du service. Par une décision du 13 septembre 2019, notifiée le même jour, le président du CNRS a muté Mme D..., dans l'intérêt du service, au sein du secrétariat général du comité national, en qualité d'adjointe de la secrétaire générale. Le 12 novembre 2019, l'intéressée a formé à l'encontre de cette décision un recours administratif, qui a été rejeté par le CNRS le 13 décembre 2019. Par ailleurs, le CNRS a transmis à Mme D..., par une décision du 11 octobre 2019, le compte-rendu annuel d'évaluation révisé après avis de la CAP. Le CNRS demande l'annulation du jugement n° 1926622, 2003670 du 22 février 2022 en tant qu'il a annulé la décision du 13 septembre 2019 portant mutation dans l'intérêt du service de Mme D... et la décision du 13 décembre 2019 rejetant son recours administratif et l'a enjoint de la réintégrer dans ses fonctions de directrice-adjointe administrative au sein de l'INP et de procéder à la reconstitution de ses droits dans un délai de deux mois, sauf à ce que l'intéressée accepte d'être affectée dans un emploi équivalent correspondant à son grade actuel ou renonce à une telle affectation en raison de l'évolution de sa situation. Mme D... demande, pour sa part, l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2019 portant révision du dossier annuel d'activité 2019. Sur la recevabilité de l'appel incident présenté par Mme D... : 2. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge d'appel un litige distinct de celui qui a été soulevé par l'appel principal. 3. Le CNRS, par l'appel principal qu'il a formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 22 février 2022, demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 13 septembre 2019 portant mutation dans l'intérêt du service de Mme D... ainsi que la décision du 13 décembre 2019 rejetant son recours administratif. Par son appel incident, formé après l'expiration du délai d'appel, Mme D... a, pour sa part, demandé l'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il rejeté sa demande d'annulation de la révision du dossier annuel d'activité 2019. 4. Il ressort des pièces du dossier que la procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service de la requérante est distincte de la procédure de révision de son " dossier annuel d'activité 2019 " et que les deux décisions en ayant résulté sont indépendantes. En saisissant le tribunal administratif après le refus qui avait été opposé globalement par l'administration à l'ensemble de ses demandes, Mme D... a soumis au tribunal des litiges distincts tenant, d'une part, à la procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service et, d'autre part, à la révision de son " dossier annuel d'activité 2019 ". Dès lors que l'appel principal que le CNRS a formé ne porte pas sur le " dossier annuel d'activité 2019 ", litige distinct pour lequel le tribunal administratif a donné satisfaction au CNRS, ce dernier est fondé à soutenir que l'appel incident formé par Mme D... après l'expiration du délai d'appel, et dirigé contre le jugement non en tant qu'il avait fait droit aux conclusions relatives à la mutation d'office dans l'intérêt du service, mais en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la révision de son " dossier annuel d'activité 2019 ", n'est pas recevable. Il y a donc lieu d'accueillir la fin de non-recevoir soulevée par le CNRS et de rejeter les conclusions de Mme D... demandant la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de révision de son " dossier annuel d'activité 2019 ". Sur l'appel principal formé par le CNRS : En ce qui concerne la régularité du jugement : 5. En premier lieu, si le CNRS soutient que les premiers juges ont insuffisamment répondu aux moyens soulevés à l'appui de sa défense, il ressort toutefois du point 13 de ce jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par le CNRS, ont implicitement mais nécessairement répondu à ses moyens en relevant que la décision de mettre fin aux fonctions de Mme D... a été prise, notamment, au vu d'un rapport élaboré le 3 juillet 2019 sur la situation de l'INP en matière de risques psycho-sociaux et réalisé à l'initiative de la déléguée régionale Paris Michel-Ange. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté. 6. En second lieu, si le CNRS soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et de dénaturation des faits et des pièces du dossier, ces moyens, qui relèvent du bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité. Au surplus, ces moyens relèvent du contrôle de cassation et sont inopérants en tant que tels devant le juge d'appel. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement : S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal : 7. En vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier. 8. Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête, font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de parties de ce rapport ou de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné. Dans ce cas, l'administration doit informer l'agent public, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur, de telle sorte qu'il puisse se défendre utilement. 9. Le CNRS fait valoir d'une part, que la procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service de Mme D... a été mise en œuvre le 2 juillet 2019, soit antérieurement à celle de l'enquête administrative, et observe que le rapport de demande de mutation rédigé par la directrice de l'INP en date du 2 juillet ainsi que le rapport de saisine de la CAP en date du 28 août 2019 et la décision en litige ne font nullement mention du rapport d'enquête administrative en date 3 juillet 2019, établi suite à des signalements de souffrance au travail au sein de l'établissement et, d'autre part, que ce rapport d'enquête n'a pas servi de fondement, explicite ou même implicite, aux différents actes de la procédure suivie et, ainsi, à la décision de mutation d'office prise dans l'intérêt du service à l'encontre de Mme D.... 10. Toutefois, par une note en date du 2 juillet 2019 à l'attention de Mme A..., déléguée régionale de la délégation Paris Michel-Ange, Mme C..., directrice de l'INP, a sollicité le remplacement de Mme D..., notamment, au motif que cette dernière n'a pas montré une attitude positive pour co-piloter les changements d'organisation au sein de l'équipe administrative de l'INP initiés à la suite de plusieurs séminaires de travail collectifs et n'a pas su proposer et mettre en place des procédures de travail efficientes permettant de fluidifier la gestion des différentes tâches à accomplir au sein de l'institut et d'accroître la rigueur dans la mise en œuvre des projets et dans le suivi de la gestion notamment financière, mais indique également qu'elle a été alertée tant par les agents de l'équipe administrative que par certains des directeurs scientifiques adjoints de tensions et difficultés relationnelles rencontrées avec son adjointe. Cette dernière circonstance est, en outre, reprise dans le rapport établi le 28 août 2019 à l'attention des membres de la CAP des ingénieurs de recherche sur la situation de Mme D.... 11. Il ressort également des pièces du dossier que la directrice de l'institut a, au cours d'un entretien en date du 21 mai 2019 avec les membres du groupe de travail participant à l'élaboration du document unique d'évaluation des risques professionnels, fait mention des relations professionnelles difficiles qu'elle entretenait avec Mme D... et précisé que plusieurs personnels administratifs et scientifiques s'étaient également plaints des difficultés rencontrées avec celle-ci. Au vu de ces déclarations, une enquête administrative a été diligentée. Le rapport de synthèse de l'enquête administrative menée au sein de l'établissement établi le 3 juillet 2019 fait état des difficultés rencontrées parMme D... pour assurer la cohésion de l'équipe et une ambiance de travail sereine et précise que la rupture du lien de confiance entre Mme C... et Mme D... semble caractérisée. Au regard de la chronologie des événements, il apparaît que la procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service initiée à l'encontre de Mme D... a été déclenchée notamment au vu des conclusions du rapport du 3 juillet 2019, nonobstant la circonstance que celui-ci ne soit pas expressément mentionné dans les différents actes de la procédure. 12. Si Mme D... a été destinataire dudit rapport, celui-ci ne lui a été communiqué, à sa demande, que le 28 octobre 2019, soit postérieurement à la décision attaquée. En outre, il ne comportait pas l'ensemble des comptes-rendus d'audition annexés au rapport. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré queMme D... était fondée à soutenir qu'elle n'avait pas reçu l'ensemble des pièces qu'elle était en droit d'obtenir en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, afin de préparer utilement sa défense, et que, par suite, la procédure préalable à l'édiction de la décision du 13 septembre 2019 a été entachée d'irrégularité. S'agissant de l'injonction prononcée : 13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". 14. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le bien-fondé de l'injonction prononcée par le tribunal administratif en tenant compte, le cas échéant après une mesure d'instruction, de la situation de droit et de fait existant à la date de sa propre décision. 15. Le CNRS soutient que Mme D... ne peut être réintégrée dans ses fonctions de directrice adjointe de l'INP au motif qu'il existe toujours un intérêt du service à ce que l'intéressée soit éloignée de celui-ci, le jugement du tribunal ne s'étant fondé que sur l'existence d'un vice de procédure. 16. Or, l'annulation d'une décision ayant illégalement muté un agent public, quelle que soit son motif, oblige l'autorité compétente à replacer l'intéressé, à la date de sa mutation, dans l'emploi qu'il occupait précédemment et à reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière tenant compte des droits et prérogatives attachés à un statut. Si, à l'issue d'un réexamen de la situation de l'intéressé, une nouvelle mesure de mutation dans l'intérêt du service peut être prise, celle-ci ne saurait avoir d'effet rétroactif. Si le CNRS soutient que le poste précédemment occupé par Mme D... est occupé par un titulaire depuis plusieurs années, cette circonstance est sans incidence sur ce qui précède. Dans ces conditions, le CNRS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris lui a enjoint de réintégrer Mme D... dans ses fonctions de directrice-adjointe administrative au sein de l'INP et de procéder à la reconstitution de ses droits. Au demeurant, par ce même article, le Tribunal réservait la circonstance que l'intéressée accepte d'être affectée dans un emploi équivalent correspondant à son grade actuel, ou puisse renoncer à une telle affectation en raison de l'évolution de sa situation. Sur les frais applicables au litige en appel : 17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 18. D'une part, Mme D... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions du CNRS tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CNRS une somme de 1 500 euros à verser à Mme D... au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative. 19. Il résulte de tout ce qui précède que le CNRS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme D... relative à la mutation d'office dans l'intérêt du service dont elle a fait l'objet. D E C I D E :Article 1er : La requête du CNRS est rejetée.Article 2 : Le CNRS versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme D... est rejeté.Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à Mme B... D....Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 22PA01779 2 |
CETATEXT000048424057 | J1_L_2023_11_00022PA02125 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424057.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 22PA02125, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA02125 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2014 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1919889 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge à hauteur de la somme totale de 171 915 euros, en ce qui concerne les rappels d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mis à la charge de M. B... au titre de l'année 2012, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la Cour : Par un mémoire enregistré le 6 mai 2022, M. B..., représenté par Mes Foissac et Chicano, avocats, demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement n° 1919889 du 10 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2014, et des pénalités correspondantes ; 2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que la société Pierre Rénovation Tradition lui avait cédé un bien immobilier à un prix minoré, entraînant des rehaussements d'impôts sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et que les pénalités ne sont pas fondées. Par un mémoire en défense enregistré le 22 août 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - et les observations de Me Chicano pour M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... est associé majoritaire et gérant de la société par actions simplifiée (SAS) Pierre Rénovation Tradition, laquelle a fait l'objet en 2015 et 2016 d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, les rehaussements mis à la charge de la société, correspondant à des ventes à prix minorés de biens situé 77-79, avenue Raymond Poincaré et 161, avenue Victor Hugo à Paris (75016), ont été regardés par le service comme des distributions consenties à M. B... et imposées à son nom, comme avantage occulte, à l'impôt sur le revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et aux prélèvements sociaux, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts. Par un jugement n° 1919889 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge à hauteur de la somme totale de 171 915 euros, en ce qui concerne les rappels d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mis à la charge de M. B... au titre de l'année 2012 suite à la décision de l'administration fiscale, prise postérieurement à l'introduction de la requête, le 8 décembre 2021, de procéder au dégrèvement de la somme susvisée, et a rejeté le surplus des demandes de l'intéressé. M. B... demande régulièrement l'annulation du jugement précité en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes. 2. En premier lieu, aux termes de l'article 111 c du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c) les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas de vente par une société d'un bien à un prix que les parties ont délibérément minoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices, au sens des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts et d'un acte anormal de gestion. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'elle établit l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession. Lorsque l'administration fiscale procède, en vue d'établir l'existence d'une vente à prix minoré, à l'évaluation de la valeur vénale du bien immobilier cédé en se référant à des transactions qui ont porté sur des immeubles situés à proximité du lieu de situation de ce bien, il lui appartient de retenir des termes de comparaison relatifs à des ventes qui ont porté sur des biens similaires, intervenues à une date peu éloignée dans le temps de celle du fait générateur de l'avantage occulte. 3. En l'espèce, le 11 juin 2012, la société Pierre Rénovation Tradition, dont M. B... est gérant et associé majoritaire, a revendu à M. et Mme B..., un appartement de 106 m2, une cave et la moitié indivise d'un palier situé au 1er étage de l'immeuble situé 161 avenue Victor Hugo à Paris 16ème arrondissement au prix de 750 000 euros, soit 7 062 euros le m2. Le 13 novembre 2014, cette même société a vendu à M. et Mme B... un appartement de 461 m2 situé au 3ème étage d'un immeuble situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré au prix de 3 450 000 euros, soit 7 480 euros le m2. 4. En premier lieu, pour établir l'existence d'une minoration du prix de cession de ces deux appartements à M. et Mme B... par rapport à leur valeur vénale, l'administration s'était initialement référée au prix de vente moyen pondéré au mètre carré, s'établissant à 11 284 euros le m2 pour le bien situé au 161 avenue Victor Hugo à Paris 16ème résultant de cessions intervenues entre le 3 novembre 2010 et le 26 janvier 2012 de neuf appartements de superficie comparable situés dans le même secteur après un abattement de 10 % pour tenir compte de la situation du bien au premier étage de l'immeuble, les autres biens servant de référence se trouvant en étages élevés, mais également pour prendre en compte les nuisances liées au bruit et au manque de luminosité de biens situés en étages inférieurs, pour ramener le prix à 10 000 euros le m2 avant de ne retenir, à la suite de l'avis du 22 janvier 2018 de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qu'un prix de 8 500 euros après une décote supplémentaire de 15 % destinés à prendre en compte les incertitudes pesant sur le bien, induites par l'existence d'une procédure en annulation de vente qui a eu pour effet de retarder la commercialisation du bien et gelant les ventes en cours et en faisant obstacle à la finalisation de nouvelles ventes. S'agissant du bien situé 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris 16ème, elle a évalué le prix moyen du m2 à 11 284 euros en tenant compte de cessions intervenues entre le 20 janvier et le 30 octobre 2014 de quatorze appartements de consistance similaire. 5. S'agissant de l'appartement situé au 161 avenue Victor Hugo, si M. et Mme B... font valoir que l'administration fiscale n'a pas pris en compte l'ensemble des caractéristiques physiques du bien et que les données issues de la base d'information économiques notariales (BIEN) sont plus pertinentes pour déterminer la valeur vénale du bien, il résulte de l'instruction que le service a retenu cinq biens situés dans le même immeuble que l'appartement en litige et que les quatre autres biens se trouvent à proximité du bien à évaluer et que les requérants ne démontrent pas que les inconvénients résultants notamment de l'absence d'une place de parking et de sa situation en étage inférieur seraient de nature à justifier un abattement de la valeur de l'appartement supérieur à celui retenu par l'administration. En outre, en se bornant à faire valoir que la méthode de comparaison utilisée par l'administration reposerait sur des affirmations erronées au regard des éléments contenus dans la base d'information économiques notariales, M. et Mme B... ne contestent pas valablement les éléments de comparaison retenus par le service dès lors que les éléments de comparaison qui ont été mentionnés dans la proposition de rectification du 14 décembre 2015 correspondent à des biens de consistance similaire. 6. S'agissant de l'appartement situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré, si les requérants soutiennent que l'appartement présente de nombreux défauts, tenant notamment à la circonstance qu'il n'a pas de cave ni de parking ou de chambre de service, ces circonstances ne sont pas de nature à justifier l'écart de prix constaté par l'administration. A cet égard, si M. B... fait état d'une vente intervenue, le 7 mars 2011, dans le même ensemble immobilier, pour le prix de 9 703 euros le m2, cette vente, réalisée par la SAS Pierre Rénovation Tradition elle-même, ne saurait être regardée comme représentative de l'état du marché immobilier, à la date de la transaction en litige, portant sur le bien en cause. Par ailleurs, si M. B... oppose les informations contenues dans la base notariale " BIEN " pour le 16ème arrondissement de Paris, et, notamment les secteurs Auteuil et Chaillot, les données mentionnées, non nominatives et tirées de moyennes, ne permettent pas de remettre en cause l'ampleur de l'écart résultant des termes de comparaison de l'administration, de nature à permettre de présumer de l'anormalité du prix de vente en litige. Il en va de même de l'absence de droit de commercialité ou de l'obligation de procéder à une compensation au titre du changement de destination du bien, composé pour une partie de locaux à usage professionnel, le bien en cause, vendu à usage d'habitation, étant occupé par M. et Mme B... au titre de leur résidence principale et aucun élément de l'instruction ne justifiant que la revente du bien devait s'accompagner d'une transformation d'une partie de sa surface en locaux à usage de bureau. 7. Il résulte ainsi de l'instruction que l'écart entre la valeur vénale des biens immobiliers en cause et le prix de cession, soit 26 % pour le bien situé au 161 avenue Victor Hugo, et 33 % pour le bien situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré, selon l'évaluation non sérieusement remise en cause par les requérants, est significatif. L'administration établit ainsi, en l'espèce, l'existence d'un avantage occulte au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts. 8. En second lieu, il est constant que M. B... est dirigeant et associé majoritaire de la société Pierre Rénovation Tradition, ce qui laisse présumer l'intention conjointe du vendeur d'accorder un avantage sans contrepartie et de l'acquéreur de recevoir cet avantage consenti à titre gratuit. Si les requérants soutiennent que les sommes issues de la vente du bien situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré ont permis de solder le prêt attaché aux opérations d'acquisition de l'immeuble situé à cette même adresse, l'urgence de cette vente n'est pas justifiée. De plus, il n'est pas démontré que la société a essayé de rechercher un acquéreur lui offrant de meilleures conditions. Par ailleurs, si M. B... soutient s'être porté caution de l'emprunt contracté en vue de l'opération d'acquisition de l'ensemble immobilier dont fait partie le bien, il ne justifie pas avoir été amené à lever sa caution en vue du règlement de l'emprunt. En outre, en sa qualité de marchand de biens, M. B... avait une parfaite connaissance du marché immobilier et des risques inhérents. Dans ces conditions, l'administration établit l'intention pour la société d'octroyer, et, pour M. et Mme B..., de recevoir, une libéralité du fait de la vente par cette société, à son gérant, d'éléments de son actif circulant à un prix significativement minoré. Dès lors, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé entre leurs mains des sommes au titre d'une insuffisance de prix de vente des biens en litige constitutives de revenus distribués sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts. Sur les pénalités pour manquement délibéré : 9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant 1'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou/a liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40% en cas de manquement délibéré (...) ". 10. Il résulte de l'instruction que, pour assortir les droits litigieux de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration s'est fondée sur la qualité de professionnel de l'immobilier du requérant, qui est associé depuis 2002 de la SAS Pierre Rénovation Tradition, détient des parts dans d'autres sociétés immobilières et préside le groupe Pierre Valorisation Développement. En relevant ces éléments, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que l'intéressé a minoré le prix de vente des biens litigieux en connaissance de cause. Elle établit par suite le bien-fondé de l'application des majorations pour manquement délibéré. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de leurs demandes. Par voie de conséquence ne peuvent qu'être rejetées leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 22PA02125 2 |
CETATEXT000048424058 | J1_L_2023_11_00022PA02472 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424058.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 22PA02472, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA02472 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | VOLTAIRE AVOCATS | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l'espace naturel (SNUPFEN solidaires) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 25 septembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office national des forêts (ONF) a rejeté sa demande tendant à ce que soit mis fin aux affectations de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soient titularisés les salariés actuellement affectés sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soit communiqué le nombre de salariés de droit privé affectés sur des postes de techniciens forestiers territoriaux ainsi que la liste des postes concernés par ce type d'affectation, et que soit mis en place en 2019 des concours pour l'accès au grade de technicien forestier territorial. Par un jugement n° 1920567 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 30 mai, 14 juillet et 25 novembre 2022, le SNUPFEN solidaires, représenté par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocats au Conseil d'Etat, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1920567 du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 25 septembre 2018 par laquelle le directeur général de l'ONF a rejeté sa demande tendant à ce que soit mis fin aux affectations de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soient titularisés les salariés actuellement affectés sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soit communiqué le nombre de salariés de droit privé affectés sur des postes de techniciens forestiers territoriaux ainsi que la liste des postes concernés par ce type d'affectation, et que soit mis en place en 2019 des concours pour l'accès au grade de technicien forestier territorial ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le syndicat soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, faute d'être signé ; - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit ; - l'affectation de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux constitue une violation des disposions du code forestier et du décret n° 2013-1173 du 17 décembre 2013 ; l'ONF a confié à des salariés de droit privé des missions ressortissant de prérogatives de puissance publique et relevant des missions de service public administratif de l'établissement. Par deux mémoires en défense enregistrés les 3 octobre 2022 et 11 avril 2023, l'ONF, représenté par Me Guillouet, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est tardive ; - les moyens soulevés par le syndicat ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code forestier ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code général de la fonction publique ; - le décret n° 2005-1779 du 30 décembre 2005 ; - le décret n° 2013-1173 du 17 décembre 2013 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Coudray pour le SNUPFEN solidaires. Considérant ce qui suit : 1. Par un courrier du 21 juillet 2018, réceptionné le 25 juillet suivant, le Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l'espace naturel (SNUPFEN) a signifié au directeur de l'Office national des forêts (ONF) son opposition au recrutement de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux. Faisant valoir que ces recrutements contrevenaient aux dispositions du code forestier dès lors que, à défaut de pouvoir être commissionnés et assermentés, ces agents non-titulaires ne pouvaient remplir l'intégralité des fonctions dévolues aux techniciens forestiers territoriaux, le SNUPFEN solidaires demandait que soit mis fin aux affectations de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soient titularisés les salariés actuellement affectés sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soit communiquée la liste des postes concernés par ce type d'affectation et que soit mis en place, en 2019, des concours pour l'accès au grade de technicien forestier territorial. Par un jugement n° 1920567 du 29 mars 2022 dont le syndicat interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 25 septembre 2018 par laquelle le directeur général de l'ONF a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement a été signée par la présidente de la formation de jugement, le rapporteur et la greffière d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 751-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement sur ce point doit être écarté. 3. Par ailleurs, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le syndicat ne peut donc utilement soutenir, pour contester la régularité du jugement entrepris, que les premiers juges ont entaché leur décision d'erreur de droit. 4. Enfin, à supposer même que le tribunal ait retenu à tort la recevabilité de la demande du SNUPFEN solidaires, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, le moyen invoqué sur ce point par l'ONF devant être examiné dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la recevabilité de la demande première instance : 5. En l'absence d'accusé de réception comportant les mentions prévues par l'article R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration, les délais de recours contentieux contre une décision implicite de rejet ne sont, en principe, pas opposables à son destinataire. 6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance 7. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 8. Les règles énoncées au point précédent, relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions citées au point 7 du présent arrêt, dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision. 9. Il ressort des pièces du dossier que le SNUPFEN solidaires a formé, le 21 juillet 2018, un recours pour demander au directeur de l'ONF de mettre fin aux affectations de recrutement de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux qui a été réceptionné le 25 juillet suivant. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur son recours au terme d'un délai de deux mois. Moins d'un an s'étant écoulé à la date à laquelle elle a saisi le tribunal administratif soit le 23 septembre 2019, sa demande n'était pas tardive, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le SNUPFEN solidaires aurait acquis connaissance de la décision attaquée par un accusé de réception ou tout autre élément d'information. Ainsi, l'ONF n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance du syndicat était tardive et irrecevable. En ce qui concerne le fond : 10. Aux termes de l'article L. 222-5 du code forestier : " Le directeur général de l'Office nomme à tous les emplois sous réserve des dispositions particulières applicables à certains emplois dont la liste est déterminée par décret. ". Aux termes de l'article 3 du décret n° 2005-1779 du 30 décembre 2005 : " Pour l'exercice de fonctions participant à des missions autres que celles de service public administratif, l'Office national des forêts peut employer des salariés de droit privé dans les conditions prévues par le code du travail ". 11. Lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, ses activités présentent un caractère industriel et commercial, à l'exception de celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique et ne peuvent donc être exercées que par un service public administratif. 12. Par ailleurs, afin de se prononcer sur la légalité des recrutements de salariés de droit privé sur des postes de technicien forestier mis à la disposition d'un responsable d'unité territoriale au cours de la période en litige, il convient de rechercher si les intéressés, dans l'exercice de leurs fonctions au sein de l'ONF, participaient directement à l'exécution des missions de service public administratif dont se trouve également investi l'Office nonobstant sa qualification par la loi d'établissement public à caractère industriel et commercial. 13. Il ressort de la fiche métier de technicien forestier territorial mis à la disposition d'un responsable d'unité territoriale, communiquée par les parties, que les agents de droit privé recrutés pour un tel poste ont principalement en plus d'une activité commerciale, trois grands domaines d'intervention à savoir la production de bois, la préservation de la biodiversité et l'accueil du public. L'agent a ainsi notamment un rôle d'organisation et d'encadrement du travail des agents techniques forestiers et des ouvriers comme le marquage des bois à prélever en vue de leur coupe, la coupe et la commercialisation des arbres tombés, les travaux d'entretien des plantations et de leurs accès. Il est également responsable de la santé des arbres et du suivi de la chasse et de la pêche et assure un travail de gestion du matériel de chantier, d'entretien et d'amélioration de l'équipement forestier (routes, canaux, chemins de halage...). Enfin, l'accueil du public sur l'espace forestier (domanial ou communal) constitue une autre de ses missions (entretien des équipements mis à disposition du public, signalétique, stabilisation des chemins...). Ces activités n'impliquent pas la mise en œuvre de prérogative de puissance publique. Les techniciens forestiers territoriaux ainsi mis à la disposition d'un responsable d'unité territoriale doivent être regardés comme assurant à titre principal des missions de service public à caractère industriel et commercial, les activités de réglementation, de police ou de contrôle qui impliquent par leur nature des prérogatives de puissance publique étant uniquement confiées à des techniciens forestiers issus du corps des techniciens supérieurs forestiers de l'ONF. Ainsi, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en confiant les missions précitées à des salariés de droit privé l'ONF aurait entaché les recrutements litigieux d'illégalité. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le SNUPFEN solidaires n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Sur les conclusions à fin d'injonction : 15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l'espace naturel, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par le syndicat appelant doivent, par suite, être rejetées. Sur les frais liés au litige : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le SNUPFEN solidaires demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête du SNUPFEN solidaires est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l'espace naturel (SNUPFEN solidaires) et à l'Office national des Forêts. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02472 2 |
CETATEXT000048424059 | J1_L_2023_11_00022PA03342 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424059.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA03342 | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA03342 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C+ | M. LAPOUZADE | BARTHELEMY | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. G... H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 août 2020 par laquelle la société de requalification des quartiers anciens a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur un bien situé 2 rue André-Del-Sarte à Paris (18ème arrondissement). Par un jugement n° 2017279/4-3 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires en réplique enregistrés les 20 juillet 2022, 7 décembre 2022, 20 janvier 2023 et 27 février 2023, M. G... H..., représenté par Me Personnaz, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2017279/4-3 du 20 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 17 août 2020 de la société de requalification des quartiers anciens ; 3°) de mettre à la charge de la société de requalification des quartiers anciens le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) de condamner la société de requalification des quartiers anciens au paiement des entiers dépens. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a relevé le jugement, il avait intérêt à agir contre la décision de préemption, en application des dispositions des articles 815-2, 815-3 et 1583 du code civil, dès lors que la vente n'était pas parfaite, que son action ne constitue pas un acte de disposition et doit être regardée comme une mesure conservatoire destinée à soustraire le bien indivis du péril causé par l'illégalité de la décision de préemption ; - la décision de préemption a été prise par une autorité incompétente pour ce faire ; - il n'est pas justifié de l'institution du droit de préemption ; - la décision contestée ne vise ni l'avis du service des Domaines ni la date de consultation ni la date de l'avis ni le montant de l'estimation mentionné dans l'avis ; - il n'est pas établi que l'avis du service des Domaines est arrivé au siège de la société de requalification des quartiers anciens ; - la décision n'est pas suffisamment motivée ; - la préemption était tardive, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme ; - la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la réalité du projet n'est pas établie ; - le projet n'entre pas dans les prévisions des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Par des mémoires en défense enregistrés le 16 novembre 2022, 28 décembre 2022 et 13 février 2023, la société de requalification des quartiers anciens, représentée par Me Caralp-Delion, conclut, dans le dernier état de ses écritures : 1°) au rejet de la requête de M. H... ; 2°) au rejet des demandes et des moyens de Mme E..., de Mmes H..., de MM. J... et de Mme D... ; 3°) à la mise à la charge de M. H... du versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) à la condamnation de M. H... au paiement des entiers dépens. Elle soutient que : - l'action de Mme E..., de Mmes H..., de MM. J..., et de Mme D... est tardive dès lors que leur mémoire a été introduit postérieurement au délai d'appel ; - il n'est pas établi que M. H... n'est pas sous curatelle ; - M. H... ne dispose pas d'un intérêt à agir concernant ce bien en indivision ; - les moyens soulevés à l'encontre de la décision contestée ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 24 janvier 2023, Mme L... E..., Mme C... H..., Mme F... H..., M. K... J..., M. M... J..., M. B... J... et Mme A... D..., représentés par Me Barthélemy, déclarent " s'associer pleinement aux demandes et à l'argumentaire " du conseil de M. H.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gobeill, - les conclusions de M. Doré, rapporteur public, - les observations de Me Personnaz, représentant M. H..., - et les observations de Me Fornacciari substituant Me Caralp-Delion, représentant la société de requalification des quartiers anciens. Considérant ce qui suit : 1. M. H... est propriétaire indivis d'un ensemble de lots d'un immeuble situé 2 rue André-Del-Sarte à Paris (18ème arrondissement) qui a fait l'objet, le 17 août 2020, d'une décision de préemption de la société de requalification des quartiers anciens. M. H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision. Il relève appel du jugement du 20 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande. Sur la recevabilité de l'appel de M. H... : 2. Aux termes des dispositions de l'article 468 du code civil : " (...) La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur conclure un contrat de fiducie ni faire emploi de ses capitaux. / Cette assistance est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre. ". La fin de non-recevoir opposée par la société de requalification des quartiers anciens et tirée de ce que M. H... n'est pas assisté de son curateur en appel, ne peut qu'être écartée dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que sa curatelle a pris fin. Sur les conclusions à fin d'annulation : 3. Aux termes de l'article 815-2 du code civil : " Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence. / Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers. (...) ". Aux termes de l'article 815-3 du même code : " Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité : / 1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ; / 2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ; / 3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ; / 4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. / Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers. / Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°. (...) ". 4. Pour contester le jugement, lequel a rejeté sa demande au motif qu'il n'avait pas qualité pour agir seul contre la décision, M. H... soutient que sa demande d'annulation de la décision de préemption constitue une mesure de conservation du bien au sens de l'article 815-2 du code civil et que l'accord des autres indivisaires n'était dès lors pas nécessaire. S'il fait valoir que le prix de 124 000 euros prévu par la promesse de vente a été fixé en tenant compte d'une clause contenue dans cette dernière et prévoyant la prise en charge par l'acquéreur, Mme I..., de travaux à hauteur de 35 000 euros, une telle stipulation ne figure toutefois pas dans la promesse de vente du 23 octobre 2019, laquelle comportait au titre des conditions suspensives, celle de l'exercice du droit de préemption, cette préemption ayant été exercée au prix de 124 000 euros par la décision contestée. Dans ces conditions, l'action de M. H..., qui maintient dans ses écritures être le seul appelant, ne peut être assimilée à un acte de conservation. Cette action qui aurait ainsi pour effet de remettre en cause la décision des indivisaires de conclure la promesse de vente ainsi décrite, doit dès lors, et en tout état de cause, être regardée comme un acte de disposition qu'il ne pouvait réaliser sans recueillir l'accord de ces derniers, comme le prévoient les dispositions de l'article 815-3 du code civil. M. H... était ainsi dépourvu de qualité pour agir. 5. Il résulte de ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées, ainsi qu'en tout état de cause, les conclusions de Mme E..., de Mmes H..., de MM. J..., et de Mme D.... Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société de requalification des quartiers anciens qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. G... H... demande au titre des frais exposés par lui. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. G... H... une somme de 1 500 euros à verser à la société de requalification des quartiers anciens au titre des mêmes dispositions. Sur les dépens : 7. La présente instance ne comportant aucun dépens, les conclusions des parties relatives aux dépens ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. G... H... est rejetée, ainsi que, par voie de conséquence les conclusions présentées par Mme L... E..., Mme C... H..., Mme F... H..., M. K... J..., M. M... J..., M. B... J... et Mme A... D.... Article 2 : M. G... H... versera une somme de 1 500 euros à la société de requalification des quartiers anciens. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H..., à Mme L... E..., première dénommée en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la société de requalification des quartiers anciens. Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03342 |
CETATEXT000048424060 | J1_L_2023_11_00022PA04211 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424060.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA04211, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA04211 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | AARPI CHERMAK ELIAKIM | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un jugement n° 2207306 du 5 août 2022, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 15 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Chermak-Felonneau et Me Eliakim, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2207306 du 5 août 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 de la préfète du Val-de-Marne ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : S'agissant des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination : - elles sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ; - elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 611-3 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 611-1 5° du même code ; - elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen : - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation : - elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen doit être effacé en conséquence de l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gobeill ; - et les observations de Me Eliakim, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante surinamienne née en décembre 1997, a fait l'objet par un arrêté du 21 juillet 2022 de la préfète du Val-de-Marne, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Mme A... relève appel du jugement du 5 août 2022 par lequel la magistrate désignée par le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. L'intéressée soutient qu'elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle réside habituellement en France depuis l'âge de treize ans, en application des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui disposent que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) ". 3. Il ressort des pièces du dossier, certaines ayant été produites en appel, qu'elle a été scolarisée de 2009 à 2017, à l'école Etienne Ribal de Cayenne puis au collège Auxence Contou à Cayenne puis au collège Eugène Nonnon à Cayenne puis au collège Le Landry à Rennes puis en institut médico-éducatif, que lui ont été délivrées par le préfet de l'Île-et-Vilaine des cartes de séjour temporaire " vie privée et familiale " entre 2017 et 2019, qu'elle a travaillé ainsi qu'en attestent les bulletins de salaire en qualité d'hôtesse de restauration et d'employée en 2019 et 2020 et enfin qu'elle a été incarcérée de juin 2021 à juillet 2022. Née le 23 décembre 1997, elle justifie ainsi résider habituellement en France depuis qu'elle a atteint au plus l'âge de treize ans et ne pouvait de ce fait, en application des dispositions précitées, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Celle-ci doit donc être annulée. 4. L'obligation de quitter le territoire français étant ainsi entachée d'illégalité, les décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français, dont elle est assortie, doivent, par voie de conséquence, également être annulées. 5. Il résulte de ce qui précède, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 6. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de procéder à l'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... de la somme de 1 000 euros. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2207306 du 5 août 2022 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 21 juillet 2022 de la préfète du Val-de-Marne sont annulés. Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de procéder à l'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Article 3 : L'État versera à Mme A... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, J-F. GOBEILLLe président, J. LAPOUZADE La greffière, C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA04211 2 |
CETATEXT000048424061 | J1_L_2023_11_00022PA04408 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424061.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA04408, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA04408 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | SELAS DS AVOCATS | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 9 octobre et 21 novembre 2022 ainsi que le 3 septembre 2023, l'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", et l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", représentées par Me Cofflard, demandent à la Cour : 1°) d'annuler la décision par laquelle la maire de Paris a implicitement rejeté leur recours gracieux déposé le 8 juin 2022 dirigé contre le permis d'aménager n° PA 075 116 20 V0005 du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société publique locale PariSeine pour l'aménagement de la place Varsovie, du pont d'Iéna, ainsi que de la place et du quai Branly, ensemble ledit permis ; 2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - l'étude d'impact est insuffisante au regard des dispositions du 4° et du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, ces insuffisances ayant nui à l'information du public ; la Cour peut le cas échéant surseoir à statuer sur la requête et enjoindre au maître d'ouvrage d'entreprendre des mesures de régularisation du dossier de demande d'autorisation ; - le permis d'aménager méconnaît l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme compte tenu de l'insuffisance de sa notice explicative en particulier sur l'impact du projet sur la circulation automobile autour du site ; - il méconnaît l'article L. 421-6 de ce code, car la société PariSeine aurait dû solliciter la délivrance d'un permis de construire, le projet faisant partie d'un ensemble immobilier unique; - il méconnaît l'article R. 111-2 du même code, car les modifications de la circulation automobile envisagées comportent un risque pour la sécurité publique. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 6 septembre 2023, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge solidaire des requérantes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 6 septembre 2023, la société PariSeine, représentée par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge des requérantes une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 22PA04149 du 7 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin, - les conclusions de M. Doré, rapporteur public, - les observations de Me Cofflard, représentant l'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", et l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", - les observations de Me Froger, représentant la Ville de Paris, - et les observations de Me Cuny substituant Me Ceccarelli-Le Guen, représentant la société PariSeine. Les associations requérantes ont produit le 25 octobre 2023 une note en délibéré. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre du projet de l'opération de réaménagement des espaces s'étendant de la place du Trocadéro, au Champ-de-Mars, jusqu'à l'Ecole Militaire, lancée par la Ville de Paris en décembre 2018, et ayant abouti au choix du projet de maîtrise d'œuvre dit " A... B... ", la société publique locale PariSeine a déposé une demande de permis d'aménager le 6 novembre 2020 pour les aménagements du secteur de la place Varsovie, du pont d'Iéna, ainsi que de la place et du quai Branly. Par décision du 7 avril 2022, la maire de Paris lui a accordé, sous prescriptions, ce permis, qui comprend, la rénovation des abords de la fontaine de Varsovie ; le nivellement des trottoirs des voies ceinturant la fontaine ; la piétonisation de la place Varsovie avec création d'un carré central de pelouse surélevée qui marque l'axe central ; l'implantation de nouveaux kiosques de part et d'autre de l'axe après démolition des existants ; la reconversion du passage souterrain sous l'avenue des Nations Unies Est en sanitaires publics ; la fermeture du pont d'Iéna à la circulation des véhicules privés avec installation d'alcôves formées par des bacs plantés ; la piétonisation partielle de la place Branly avec création d'un carré de pelouse surélevé marquant l'axe central ; la réduction en largeur des voies de circulation le long du quai Branly afin de permettre la création d'une promenade plantée ; le réaménagement des carrefours entre le quai Branly, les boulevards Suffren et Bourdonnais afin d'assurer le bon fonctionnement de la circulation des véhicules et des mobilités douces ainsi que l'implantation de 13 nouveaux kiosques, la plantation de 118 arbres après abattage de 5 arbres, pour une surface de plancher créée de 175,5 m² et une surface de plancher démolie de 290,21 m². L'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", et l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France " ont saisi la maire de Paris d'un recours gracieux déposé le 8 juin 2022 à l'encontre de ce permis d'aménager. En l'absence de réponse, ce recours a implicitement été rejeté par la maire de Paris le 8 août 2022. Les associations requérantes demandent l'annulation de cette décision implicite de rejet de leur recours par la maire de Paris ainsi que l'annulation de ce permis d'aménager. Sur les conclusions à fin d'annulation du permis d'aménager du 7 avril 2022 : En ce qui concerne la régularité de la procédure de consultation préalable du public : 2. Il est constant que les associations requérantes, qui critiquent le choix d'une procédure de participation du public dérogatoire, ne soulèvent aucun moyen à l'encontre de cette procédure, les moyens soulevés étant énumérés dans son mémoire récapitulatif du 3 septembre 2023. En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact : 3. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / Ce contenu tient compte, le cas échéant, de l'avis rendu en application de l'article R. 122-4 et inclut les informations qui peuvent raisonnablement être requises, compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existantes. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 2° Une description du projet (...) / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; (...) ". 4. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. 5. Conformément aux dispositions précitées du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact expose les principales solutions de substitution examinées, sur les sites majeurs concernés par le projet, comme la place du Trocadéro, ou pour ce qui concerne le secteur du permis d'aménager en cause, l'aménagement de la fontaine et de la place de Varsovie, ainsi que celui du pont d'Iéna. Les requérantes estiment que les différentes variantes n'ont pas été examinées sur certains aménagements, en se fondant sur les remarques faites par l'autorité environnementale dans son avis sur le projet, sur les choix faits pour l'organisation des circulations automobiles, notamment au niveau des quais, qu'elle a estimés insuffisamment explicités ou étayés par des études précises. Il ressort toutefois du mémoire en réponse du maître d'ouvrage à cet avis, qui a été soumis à la procédure de consultation du public par voie électronique, que sur ce point, ce dernier a diligenté une nouvelle étude, annexée à son mémoire, de nature à apprécier finement l'impact du projet sur la circulation. Il en ressort qu'à l'exception de certaines modifications portant sur les largeurs des voies, la nouvelle organisation des circulations proposée par le projet a été validée comme présentant des conditions satisfaisantes par cette étude, et ne nécessitant donc pas d'autres variantes. Par ailleurs, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que le projet litigieux ne pourra être mis en œuvre avant les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, en raison de la décision du préfet de police de refuser les modifications de circulation sollicitées, qui ne portent, en tout état de cause, pas sur ce projet. 6. Les requérantes relèvent également que l'autorité environnementale a estimé que les choix de gestion de l'usage du site et de sa fréquentation n'étaient pas suffisamment explicités eu égard aux préoccupations du public sur la capacité de la Ville de Paris à assurer le bon entretien du site. Sur ce point, d'une part, il ressort de la note de présentation du projet que l'entretien du site est une ambition de ce dernier : " Intégrer dès la conception les conditions d'un entretien ultérieur optimum et d'une maintenance facilitée du site et des ouvrages réalisés (exploitation de la Tour Eiffel, des jardins, de la voirie, collecte des déchets, etc.), afin qu'il soit toujours respectable et respecté ", et, d'autre part, le mémoire en réponse du maître d'ouvrage, fait état de ce qu'un plan de gestion est en cours d'élaboration avec les différentes directions gestionnaires de la Ville de Paris et a pour objectif de permettre de développer et de tenir dans le temps les intentions paysagères du projet et la richesse de la composition, en fournissant un cadre de référence. Ce mémoire en réponse fait état de certains principes d'ores et déjà retenus, tel que, pour l'accueil d'évènements, celui de la recherche d'un équilibre dans leur répartition sur le site, en privilégiant pour leur localisation les zones piétonnes et minérales créées par le projet, tandis que l'accès aux zones végétales doit faire l'objet de restrictions. Ce même mémoire fait état de plusieurs études menées sur les flux piétons sur le site, qui y sont annexées, afin de vérifier la robustesse de l'aménagement prévu, qui concluent que les aménagements projetés sont suffisamment capacitaires pour accueillir les flux, et suggère un travail sur la signalétique ou la gestion des feux lorsque certaines surdensités ont pu être mises en évidence, notamment sur le quai Branly. Dès lors que le mémoire répond ainsi à la recommandation émise par l'autorité environnementale de l'intégration des conditions de mise en œuvre et de suivi du projet, en particulier pour ce qui concerne les usages du site, dans un plan de gestion, notamment pour ses parties végétalisées, et fait état de l'engagement et des avancées de l'élaboration de ce plan, l'étude d'impact ne peut être regardée comme étant insuffisante sur ce point. 7. Dans ces conditions, l'exposé par l'étude d'impact des choix faits pour le projet par rapport à des variantes envisageables, n'a pas été susceptible de vicier la procédure, ou de nuire à l'information du public. 8. Si les requérantes soutiennent encore que l'étude d'impact est insuffisante sur l'analyse de l'intégration paysagère du projet, cette branche du moyen n'est pas assortie de précisions permettant d'en apprécier la portée. En ce qui concerne l'insuffisance de la notice explicative du projet : 9. Aux termes de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme : " Le projet d'aménagement comprend une notice précisant : (...) / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) / b) La composition et l'organisation du projet, la prise en compte des constructions ou paysages avoisinants, le traitement minéral et végétal des voies et espaces publics et collectifs et les solutions retenues pour le stationnement des véhicules ; / c) L'organisation et l'aménagement des accès au projet; ". 10. La circonstance que le dossier de demande de permis d'aménager ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis d'aménager qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. 11. Les requérantes estiment que la notice du projet est insuffisante en ce qui concerne l'impact des changements apportés sur la circulation automobile autour du site. Il ressort de la note de présentation du projet qu'il a pour objectif de favoriser les modes actifs, piétons et cycles, tout en optimisant la circulation des autres modes sur voiries, et en donnant la priorité à la circulation des transports en commun. L'organisation des circulations a fait l'objet d'une étude de trafic à l'échelle de l'Ile-de-France pour évaluer les effets, locaux et à distance, du projet, dont l'étude d'impact expose les conclusions. Il ressort du mémoire en réponse du maître d'ouvrage à l'avis de l'autorité environnementale, d'une part, que, comme le recommandait cet avis, les effets du projet sur les conditions de trafic, comportant des indicateurs de remontées de files et de retards simulés, ont été étudiés dans une étude microscopique de trafic complémentaire annexée à ce mémoire, déjà mentionnée au point 5, évoquant notamment les incidences du projet sur le débit de véhicules par rapport à une situation au fil de l'eau en 2024, non seulement sur les différents axes du secteur du projet, mais également sur les voiries et ponts en limite de projet. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les impacts du projet sur la circulation automobile sur le site et les reports de trafic en limite du projet n'auraient pas été examinés. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme doit donc être écarté. En ce qui concerne la nécessité de présenter une demande unique de permis d'aménager : 12. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ". S'il résulte de ces dispositions qu'une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l'objet d'un seul permis de construire, elles ne font pas obstacle à ce que, lorsque l'ampleur et la complexité du projet le justifient, notamment en cas d'intervention de plusieurs maîtres d'ouvrage, les éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l'objet de permis distincts, sous réserve que l'autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés. 13. Les requérantes estiment que la présentation de deux demandes de permis d'aménager, l'une relative à l'aménagement du Trocadéro et l'autre, objet de la présente instance, concernant l'aménagement de la place de Varsovie, du pont d'Iéna et de la place du quai Branly, méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elle n'a pas permis à l'autorité administrative d'apprécier le projet de manière globale, notamment au regard des interactions entre les voies de circulation. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les deux demandes ont été déposées le 6 septembre 2020 par la société PariSeine et ont fait l'objet, s'agissant de la circulation, d'une consultation commune de la préfecture de police le 13 novembre 2020. Par conséquent, la maire de Paris a pu porter une appréciation globale sur le projet, la seule circonstance que le préfet de police ait, dans une décision du 10 mai 2022, retenu une approche d'ensemble pour refuser de co-signer les mesures règlementaires formalisant les modifications de circulation automobile sollicitées ne suffisant pas à justifier d'une nécessité de procéder à une demande de permis unique pour les deux projets d'aménagement. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme doit être écarté. En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : 14. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. 15. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police (sous-direction de la sécurité du public) a émis, le 31 août 2021, un avis favorable au projet d'aménagement litigieux, sous réserve de l'exécution de plusieurs prescriptions. Ainsi, les requérantes, qui se bornent à faire référence à l'arrêt susvisé par lequel la Cour a rejeté la requête à fin d'annulation de la décision du préfet de police du 10 mai 2022 refusant de co-signer les mesures réglementaires formalisant une modification de la police de la circulation automobile sollicitées dans le cadre du " projet A... " et ne font état d'aucun élément permettant d'établir l'existence d'un risque d'atteinte à la sécurité publique, ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions sera écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " France Nature environnement Paris " et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation du permis d'aménager du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société PariSeine pour les aménagements du secteur de la place Varsovie, du pont d'Iéna, ainsi que de la place et du quai Branly. Sur les frais liés à l'instance : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association " France Nature environnement Paris " et autres demandent au titre des frais qu'elles ont exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'association " France Nature environnement Paris " et autres une somme totale de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris et une somme totale de 1 500 euros à verser à la société publique locale PariSeine. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'association " France Nature environnement Paris " et autres est rejetée. Article 2 : L'association " France Nature environnement Paris " et autres verseront à la Ville de Paris, une somme totale de 1 500 euros et à la société PariSeine, une somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " France Nature environnement Paris ", première requérante dénommée, pour l'ensemble des requérants, à la Ville de Paris et à la société publique locale PariSeine. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA04408 |
CETATEXT000048424062 | J1_L_2023_11_00022PA04596 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424062.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA04596, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA04596 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | TCHIAKPE | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2211570 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 24 octobre 2022, M. B... A..., représenté par Me Tchiakpé, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2211570 du 15 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 du préfet de police ; 3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 70 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir ; 4°) d'enjoindre au préfet d'examiner sa demande de titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors qu'il avait bien déposé sa demande sur le double fondement des articles L. 425-9 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision ne comporte pas les motifs du refus au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ; - il ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Sénégal, le médicament qui lui est prescrit en France n'étant disponible au Sénégal que dans une dose potentiellement dangereuse pour lui ; - la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 4 mai 2022, le préfet de police a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 15 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. M. A... soutient, en premier lieu, que le préfet de police n'a examiné sa demande de titre de séjour que sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il l'avait également présentée au titre de l'article L. 435-1 du même code relatif à l'admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, et en dépit des mentions portées sur la confirmation de consommation d'un timbre fiscal électronique et des mentions de la décision qui, au demeurant, se bornent à constater qu'il a présenté des fiches de paie, il ressort des mentions de la convocation du 11 octobre 2021 et de la fiche de salle renseignée et signée par l'intéressé le 22 novembre 2021 que ce dernier a présenté une demande de titre de séjour sur le seul fondement de son état de santé. Il en résulte que la décision contestée n'est entachée ni d'un défaut d'examen ni d'un défaut de motivation. 3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". 4. La décision, prise après un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 16 mars 2022, a relevé que si M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Sénégal. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une hépatite B chronique. Pour contester l'affirmation du préfet de police selon lequel la liste des médicaments essentiels disponibles au Sénégal comporte bien le Tenfovir qui lui est prescrit, il fait valoir que le dosage existant au Sénégal, soit 300 mg, est supérieur au dosage qui lui est prescrit, soit 245 mg, et que la prise d'un dosage supérieur est susceptible de l'exposer à des risques graves ainsi que l'atteste un certificat médical d'un praticien hospitalier du 23 juin 2022. Toutefois, outre que ce certificat est postérieur à la décision attaquée, le préfet de police soutient, document médical à l'appui et sans être contesté sur ce point, qu'un comprimé comportant 300 mg de fumarate de ténofovir disoproxil équivaut à 245 mg de ténofovir disoproxil. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 5. En dernier lieu, la circonstance qu'il résiderait en France depuis 2019 et qu'il travaille depuis 2020 n'est pas de nature à entacher la décision d'erreur manifeste d'appréciation. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA04596 |
CETATEXT000048424063 | J1_L_2023_11_00022PA05187 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424063.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA05187, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA05187 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | MAILLARD | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 février 2022 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2211792/6-3 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 6 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Maillard, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2211792/6-3 du 19 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2022 du préfet de police ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail durant la durée de confection du titre de séjour sous les mêmes conditions d'astreinte ; 4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail durant cet examen ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat (préfet de police) le versement d'une somme de 1 500 euros HT (soit 1 800 euros TTC) à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L.9 du code de justice administrative, s'agissant de la pathologie dont il souffre, de ses conséquences en cas d'arrêt du traitement et de sa situation professionnelle ; En ce qui concerne la décision de refus de séjour : - elle n'est pas suffisamment motivée en fait ; - le préfet de police s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; - le préfet de police ne démontre pas que le procédé d'apposition de la signature des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sous la forme d'un fac simile numérisé, ce procédé étant proscrit par l'article R. 4127-76 du code de la santé publique, permettrait d'identifier les auteurs de l'avis et de garantir l'authenticité de l'avis ; - le caractère collégial de la délibération du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas établi ; - elle méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français : - elle a été prise sur le fondement d'une décision de refus de séjour illégale, notamment en ce qu'elle a été prise à la suite d'une procédure irrégulière ; - elle méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire : - elle est prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire illégale ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - elle a été prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire illégale. Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 15 février 2022, le préfet de police a refusé d'octroyer à M. B..., ressortissant malien, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 19 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement contesté : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". 3. La circonstance que le jugement attaqué ne ferait pas état de l'ensemble des éléments de la pathologie dont souffre M. B... et qu'il ne mentionnerait pas plus sa situation professionnelle n'est pas de nature à l'entacher d'une insuffisance de motivation. Sur le bien-fondé du jugement contesté : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 4. En premier lieu, en relevant que M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut n'est pas susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers le Mali, le préfet de police a suffisamment motivé sa décision. Il ne ressort pas des termes de cette dernière qu'il se serait considéré en situation de compétence liée par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...). ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313 22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ". 6. D'une part, l'avis du collège des médecins du 21 octobre 2021 est revêtu de la signature des 3 médecins composant le collège prévu par les dispositions précitées, la circonstance qu'elles soient apposées sous forme de fac-simile n'étant pas de nature à remettre en cause leur authenticité. 7. D'autre part, l'avis commun rendu par trois médecins, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance, à la supposée avérée, que ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. 8. Enfin, le préfet de police a considéré que le défaut de prise en charge de sa pathologie n'était pas susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. B... pouvant voyager sans risque vers le Mali. Les éléments communiqués par M. B..., à savoir des certificats médicaux des 18 mars 2022 et 25 mai 2023, postérieurs à la décision attaquée mais confirmant le diagnostic réalisé antérieurement par un certificat du 24 septembre 2021, attestant qu'il est atteint d'une neurofibromatose de type 1 compliquée de neurofibromes internes, que cette pathologie nécessite une surveillance clinique annuelle et par imagerie métabolique spécialisée tous les 2-3 ans ou moindre symptôme, la complication potentielle n'étant pas certaine, ne sont pas toutefois de nature à infirmer l'appréciation portée par le préfet de police. 9. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 10. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France en 2019 à l'âge de 27 ans, est célibataire, sans charge de famille en France, et que son intégration professionnelle, établie à partir de 2021 par un contrat à durée déterminée et des certificats d'intérim, est encore récente. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Il n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 11. Il résulte de ce qui précède que la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire : 12. En premier lieu, et pour les motifs rappelés au point 8 du présent arrêt, la décision contestée n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose que " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". 13. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés pour les mêmes motifs que ceux rappelés aux points 10 et 11 du présent arrêt. 14. En dernier lieu, la décision de refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne la décision accordant le délai de départ volontaire : 15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". 16. Pour les motifs rappelés aux points 8 et 10, la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. 17. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision accordant le délai de départ volontaire serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 18. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. 19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA05187 |
CETATEXT000048424064 | J1_L_2023_11_00022PA05416 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424064.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA05416, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA05416 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 2214431 du 23 novembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 21 septembre 2022, a enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. D... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de prendre toute mesure propre à faire cesser son signalement dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant de la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 21 décembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2214431 du 23 novembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de rejeter la requête présentée par M. D... en première instance. Il soutient que : - c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a estimé que l'arrêté attaqué était entaché d'une erreur de fait alors que le dossier AGDREF du requérant ne comportait pas la mention d'une demande de titre de séjour et qu'en tout état de cause, l'intéressé, entré irrégulièrement en France et s'y étant maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, entrait dans le champ d'application du 1°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté litigieux a été signé par une autorité compétente ; - la décision d'obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée ; - cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ; - la décision refusant d'accorder au requérant un délai de départ volontaire est suffisamment motivée ; - cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ; - la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée ; - cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur d'appréciation. La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas présenté de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., ressortissant tunisien, né le 23 février 1994 et entré en France, selon ses déclarations, en 2018, a demandé au président du tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet des Hauts-de-Seine fait appel du jugement du 23 novembre 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 21 septembre 2022, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de prendre toute mesure propre à faire cesser son signalement dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant de la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. La magistrate désignée a annulé l'arrêté du 21 septembre 2022 au motif qu'il était entaché d'une erreur de fait, dès lors que, pour obliger M. D... à quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine avait considéré que le requérant s'était maintenu sur le territoire national sans avoir accompli de démarches en vue de la régularisation de sa situation administrative alors que M. D... avait déposé le 3 juin 2022 une demande de titre de séjour et que la vérification de sa situation administrative était aisée. 3. Cependant, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que, pour obliger M. D... à quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a relevé que l'intéressé avait déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français en 2018 et qu'il s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Si l'arrêté litigieux mentionne que M. D... n'a pas accompli de démarches en vue de la régularisation de sa situation administrative, il est constant que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Il suit de là que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté en litige du 21 septembre 2022 au motif tiré de ce qu'il serait entaché d'une erreur de fait. 4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil. Sur la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français : 5. En premier lieu, par un arrêté PCI n° 2022-078 du 31 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 1er septembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a donné délégation à M. B... C..., adjoint au chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, signataire des décisions contestées, pour signer notamment les décisions d'obligation de quitter le territoire français assorties ou non d'un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté. 6. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine aurait omis de procéder à un examen particulier de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. D.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation du requérant dont serait entaché la décision litigieuse doit être écarté. 7. En dernier lieu, si M. D... soutient qu'entré en France en 2018, il travaille sous contrat à durée indéterminée depuis le 25 novembre 2020, il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans charge de famille, qu'il ne justifie pas d'une intégration particulière en France et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé en l'obligeant à quitter le territoire français. Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : 8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 9. Le préfet des Hauts-de-Seine a pu légalement prononcer une interdiction de retour à l'encontre de M. D... dès lors qu'aucun délai de départ ne lui a été accordé pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire national prononcée à son encontre. Compte tenu notamment de la faible ancienneté de la présence en France du requérant et des éléments mentionnés au point 7, le préfet a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation décider de prononcer une interdiction de retour d'une durée d'un an. 10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 21 septembre 2022, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. D... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de prendre toute mesure propre à faire cesser son signalement dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2214431 du 23 novembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : La demande n° 2214431 présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA05416 2 |
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CETATEXT000048424065 | J1_L_2023_11_00022PA05418 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424065.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA05418, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA05418 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | BECHIEAU | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 avril 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2106601 du 5 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée les 21 décembre 2022, Mme C..., représentée par Me Bechieau, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2106601 du 5 octobre 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2021 de la préfète du Val-de-Marne ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " membre de famille de citoyen européen " ou " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : S'agissant de la décision de refus de séjour : - elle est entachée d'un défaut de motivation ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; - elle méconnaît les stipulations des articles 6.5 de l'accord franco-algérien, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde ; - elle est illégale au regard des mêmes moyens que ceux soulevés contre la décision de refus de titre de séjour. Par un mémoire complémentaire enregistré le 22 septembre 2023, Mme C... a informé la Cour qu'elle s'est vu délivrer, le 4 mai 2023, un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 3 mai 2024 et qu'elle maintient ses conclusions à fin d'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense. La requérante a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 17 janvier 1977, est entrée en France le 2 août 2017 sous couvert d'un visa valable du 3 juillet 2017 au 2 juillet 2018. Par un arrêté du 16 avril 2021, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme C... fait appel du jugement du 5 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Il ressort des pièces du dossier que la préfète du Val-de-Marne a délivré à Mme C..., le 4 mai 2023, un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 3 mai 2024. L'arrêté du 16 avril 2021 ayant de ce fait été abrogé, les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par la requérante sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer. Sur les frais liés à l'instance : 3. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à l'avocate de Mme C..., Me Béchieau, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2106601 du 5 octobre 2022 du tribunal administratif de Melun et de l'arrêté du 16 avril 2021 de la préfète du Val-de-Marne. Article 2 : L'Etat versera à Me Béchieau la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA05418 2 |
CETATEXT000048424066 | J1_L_2023_11_00022PA05419 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424066.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA05419, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA05419 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | ANGLADE & PAFUNDI A.A.R.P.I | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé de son transfert aux autorités bulgares, d'enjoindre à ce préfet d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 2222702/8 du 23 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 18 octobre 2022, a enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 100 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 décembre 2022 et le 12 janvier 2023, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2222702/8 du 23 novembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la requête présentée par M. B... en première instance. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, au regard des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; - la décision contestée a été signée par une autorité compétente ; - elle est suffisamment motivée ; - la situation de l'intéressé a été examinée de manière complète ; - la procédure de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 a été respectée, car l'entretien individuel a été réalisé avec un interprète en langue pachtou, que le requérant a déclaré comprendre et le résumé de cet entretien lui a été remis ; - le principe du contradictoire a été respecté, car le requérant a pu formuler des observations avant l'édiction de la mesure ; - les dispositions des articles 24 et 25 de ce règlement n'ont pas été méconnues, car les autorités bulgares ont tacitement accepté leur responsabilité et ont été informées de cette acceptation ; - le moyen tiré de la violation de l'article 26 du même règlement est inopérant, car les irrégularités qui affectent la notification de cette décision sont sans incidence de celle-ci ; - il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en œuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ; - la décision litigieuse n'a pas été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le requérant n'établit pas qu'elle l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain et dégradant ; - cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2023, M. B..., représenté par Me Parfundi, demande à la Cour : 1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) de rejeter la requête présentée par le préfet des Hauts-de-Seine ; 3°) de confirmer le jugement n° 2222702/8 du 23 novembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le jugement attaqué est bien fondé ; - la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des défaillances systémiques des autorités bulgares dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, prévues à l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; - cette décision a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au regard du risque de traitements inhumains ou dégradants encouru par le requérant en cas de transfert ; - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en œuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Par une lettre du 9 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'existence d'un éventuel non-lieu à statuer sur les recours du préfet des Hauts-de-Seine, dans la mesure où l'arrêté de transfert de M. B... en date du 18 octobre 2022 n'est plus susceptible d'exécution à l'expiration d'un délai de six mois ayant couru à compter de la notification du jugement du tribunal administratif de Paris du 23 novembre 2022 au préfet des Hauts-de-Seine. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ; - le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant afghan, né le 10 juin 1992 est entré irrégulièrement en France et y a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 2 septembre 2022. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités bulgares le 30 juin 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge de M. B... en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités bulgares ont acceptée. Le préfet des Hauts-de-Seine a décidé du transfert de M. B... aux autorités bulgares par un arrêté du 18 octobre 2022, lequel a été annulé par un jugement du 23 novembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris. Le préfet des Hauts-de-Seine fait appel de ce jugement. Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire : 2. Par une décision du 17 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions présentées par ce dernier tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer : " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) / Lorsqu'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Le président du tribunal administratif statue dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours (...) ". 5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 6. Si le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 a été interrompu par l'introduction, par M. B..., d'un recours contre l'arrêté du 18 octobre 2022, un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter de la notification au préfet des Hauts-de-Seine le 23 novembre 2022, du jugement du même jour rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application du paragraphe 2 de l'article 29, en raison de l'emprisonnement ou de la fuite de l'intéressé, ou que la décision de transfert aurait été exécutée à la date d'expiration de ce délai de six mois. Dès lors, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. B.... 7. Par suite, la requête du préfet des Hauts-de-Seine tendant à l'annulation du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 octobre 2022 décidant le transfert de M. B... aux autorités bulgares est devenue sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer. 8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme qu'il demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet des Hauts-de-Seine tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris du 23 novembre 2022. Article 2 : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions de M. B... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA05419 2 |
CETATEXT000048424067 | J1_L_2023_11_00023PA00044 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424067.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA00044, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00044 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | BROCARD | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2211982 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressé. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 5 janvier 2023 M. A..., représenté par Me Brocard, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2211982 du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 15 mars 2022 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, la mention " salarié " dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur de droit. En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : - elle est irrégulière en raison du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ; - elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - par voie d'exception, elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur la décision de refus de titre qui est entachée d'illégalité. Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2023 le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 21 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 5 juin 1965 à Fadiar, est entré en France le 13 septembre 2006 selon ses déclarations. Par un arrêté en date du 7 juin 2021, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois. Par un jugement n° 2112187 en date du 26 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité pour défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... et enjoint au préfet de police de statuer à nouveau sur sa situation. A l'issue de ce réexamen, le préfet de police a, par un arrêté du 15 mars 2022, refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2211982 du 20 septembre 2022 dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions. Sur la régularité du jugement : 2. M. A... soutient que le jugement est entaché d'une erreur de droit. Ce moyen, qui relève du bien-fondé de la décision juridictionnelle attaquée, ne constitue pas un moyen touchant à sa régularité. En tout état de cause, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 3. En premier lieu, dès lors que M. A... ne faisait valoir aucun élément nouveau à l'appui de sa demande de réexamen, autre que la durée de la présence en France de l'intéressé, le préfet n'était pas tenu de saisir à nouveau la commission du titre de séjour qui avait rendu un avis, au demeurant favorable, le 20 septembre 2018 au regard de ces mêmes éléments. Aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation au préfet, dans le cadre de l'examen d'une nouvelle demande de titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle, de saisir de nouveau la commission du titre de séjour du cas de M. A.... C'est ainsi à juste titre que le tribunal administratif, au point 4 de son jugement, a écarté le moyen tiré du vice de procédure dont aurait été entachée la décision litigieuse. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". 5. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. 6. M. A... soutient qu'il est présent en France depuis 2006. Toutefois, l'ancienneté du séjour en France, ne constitue pas, à elle seule, un motif exceptionnel d'admission au séjour ou une considération humanitaire au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il est sans charges de famille sur le territoire français, qu'il n'établit l'existence d'aucun lien particulier qu'il y aurait noué et que son épouse et ses enfants majeurs vivent dans son pays d'origine. Par ailleurs, la production d'un bulletin de salaire pour le mois d'août 2009 en qualité d'agent d'entretien, de fiches de paie pour la période comprise entre avril 2011 et juin 2012 en qualité de manœuvre et enfin d'un bulletin de salaire pour le mois de décembre 2021 en qualité de plongeur ne permet pas d'établir une insertion professionnelle notable. En outre, l'intéressé ne fait état d'aucune perspectives d'évolution professionnelle. Dans ces conditions, l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ne se justifiait ni par des considérations humanitaires, ni au regard de motifs exceptionnels. M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer à titre exceptionnelle une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ". 7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". 8. Si M. A... se prévaut de sa présence en France depuis 2016 et soutient disposer d'attaches familiales sur le territoire national, dont il n'établit pas la réalité, le requérant conserve des attaches dans son pays d'origine où résident son épouse et ses enfants et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans. Il est en outre sans emploi et ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Par suite, et alors au demeurant qu'il n'établit pas avoir présenté de demande de titre sur le fondement de l'article L. 423-23 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en prenant la décision contestée. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire : 9. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit par suite être écarté. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de la justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00044 2 |
CETATEXT000048424068 | J1_L_2023_11_00023PA00070 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424068.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA00070, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00070 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | SELARL AEQUAE | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2103172 du 9 décembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 6 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Vitel, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2103172 du 9 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil; 2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : - elle n'est pas suffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen ; - le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'une erreur de fait sur sa durée de présence en France ; - elle méconnait les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû régulariser sa situation ; - elle est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation ; En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire : - elle est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour ; - elle est entachée d'un défaut d'examen, le préfet s'étant considéré en situation de compétence liée par le refus de séjour ; - elle ne pouvait être légalement prise dès lors qu'il remplit les conditions d'octroi d'un titre de séjour de plein droit ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire : - elle est fondée sur des décisions illégales de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire ; - elle n'est pas suffisamment motivée ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - elle est fondée sur une décision illégale d'obligation de quitter le territoire ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus, au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gobeill, - et les observations de Me Charles, substituant Me Vitel, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 27 janvier 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'octroyer à M. A..., ressortissant algérien, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 9 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 2. En premier lieu, la décision contestée, prise au visa de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, fondement de sa demande de titre de séjour, mentionne qu'il est célibataire, père de deux enfants, qu'il ne justifie ni de l'intensité ni de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France et que rien ne l'empêche de poursuivre le centre de ses intérêts en Algérie. Elle est ainsi suffisamment motivée, le préfet n'étant pas tenu de viser les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ni l'ensemble des éléments de fait relatifs à sa situation personnelle. 3. En deuxième lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que l'arrêté contesté serait entaché d'un défaut d'examen. 4. En troisième lieu, aux termes des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 5. Outre que M. A... soutient sans l'établir qu'il est entré en France en 1995, il ressort des pièces du dossier qu'il a été expulsé du territoire en 2009, et qu'il y est de nouveau entré irrégulièrement en 2014 à l'âge de 29 ans, conformément à ce que relève sans erreur de fait la décision. A supposer même qu'il vive habituellement sur le territoire français depuis cette date, ce qui ne ressort pas des pièces produites, notamment des quelques relevés d'opérations bancaires, des attestations d'élections de domicile et des documents médicaux parcellaires produits, il est séparé de la mère de ses enfants et n'établit pas l'intensité des relations qu'il a nouées avec ces derniers, nés en 2009 et en 2017, par la seule production des documents d'identité de ces derniers, d'une attestation de leur mère, du jugement du 9 novembre 2021 du juge aux affaires familiales de Bobigny, de la preuve du paiement de la pension alimentaire prévue par ce jugement, du bulletin scolaire de l'aînée et de quelques photographies ponctuelles. Il en résulte qu'en prenant la décision contestée, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit à la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi et n'a pas plus méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. La décision n'est ainsi pas plus entachée d'erreurs manifestes d'appréciation. 6. En quatrième lieu, il ne ressort pas de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû régulariser la situation de l'intéressé. 7. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ".L'article L 312-2 dispose : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du seul cas des ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues , notamment , à l'article 6 de l'accord franco-algérien , équivalentes à celles de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité , et non celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. 8. Or il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... ne justifie pas satisfaire aux dispositions, notamment, de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, équivalant à celles prévues par l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour. En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire : 9. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, en conséquence, être écarté. 10. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait considéré en situation de compétence liée par le refus de séjour. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut donc qu'être écarté. 11. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt. 12. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 13. En dernier lieu, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait légalement prendre la décision contestée dès lors que M. A... ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour de plein droit. En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire : 14. En premier lieu, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant entachées d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision la décision fixant le délai de départ volontaire doit, en conséquence, être écarté. 15. En deuxième lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus au point 14 du jugement attaqué. 16. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt. 17. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 18. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision la décision fixant le pays de destination doit, en conséquence, être écarté. 19. En deuxième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 5 du présent arrêt, cette décision n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. 20. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation. 21. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision 2 N° 23PA00070 |
CETATEXT000048424069 | J1_L_2023_11_00023PA00260 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424069.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA00260, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00260 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | CANTON-FOURRAT | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de police lui a retiré son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2221418/8 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 juillet 2022 du préfet de police et lui a enjoint de restituer à Mme A... sa carte de résident dans un délai de trois mois. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2023, le préfet de police demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2221418/8 du 28 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A.... Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté du 19 juillet 2022 est entaché d'une erreur de droit. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Canton-Fourrat conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui restituer son titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de condamner l'Etat aux dépens. Par une décision du 24 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., née le 10 mai 1984, de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 13 mai 2011. Mme A..., mère de trois enfants dont l'un de nationalité française, a bénéficié de plusieurs titres de séjour temporaires avant de se voir octroyer une carte de résidence " vie privée et familiale " d'une durée de 10 ans valable du 12 septembre 2017 au 11 septembre 2027, sur le fondement de l'article L. 423-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 2 septembre 2021, Mme A... a fait l'objet d'un signalement par la direction de la coopérative internationale de sécurité du service de sécurité intérieur de la Côte d'Ivoire pour avoir tenté d'introduire dans l'espace Schengen un enfant mineur en usurpant la carte nationale d'identité de son fils français contre rémunération, et ce à l'occasion d'un vol reliant Abidjan et Istanbul, et dont la destination finale était l'Allemagne. Après avoir eu connaissance de ce signalement, le préfet de police, a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mai 2022, d'une part, informé Mme A... qu'il envisageait de procéder au retrait de sa carte de résident et d'autre part, invité l'intéressée à présenter ses observations écrites. Le courrier lui a été retourné avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Par un arrêté du 19 juillet 2022, le préfet de police lui a retiré sa carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif : 2. Aux termes de l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré. ". 3. Il ressort des dispositions précitées qu'un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors que les délais encadrant le retrait d'un acte individuel créateur de droit sont écoulés, il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte que de l'intention du demandeur de la tromper, pour procéder à ce retrait. 4. Pour annuler la décision contestée, le tribunal administratif de Paris a retenu que le préfet avait commis une erreur de droit dès lors que le motif exposé dans l'arrêté litigieux, soit, la tentative d'introduction d'un mineur dans l'espace Schengen au moyen de la carte nationale d'identité du fils français de l'intéressée, n'était pas par lui-même de nature à justifier le retrait de la carte de résident de Mme A... dès lors que cette utilisation frauduleuse n'a pas été de nature à induire en erreur l'administration en vue de la délivrance de son titre de séjour. Si le préfet soutient que Mme A... a commis une fraude de nature à justifier le retrait de son titre de séjour pour le motif exposé, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, les faits commis par l'intéressée, pour gravement répréhensibles qu'ils soient, ne sont pas de nature à démontrer l'intention de Mme A... de tromper le préfet quant à l'octroi d'un tel titre de séjour. Au surplus, la circonstance que Mme A... ait fait l'objet de signalements pour des faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France en 2018 n'est pas de nature à justifier le retrait de son titre de séjour, dès lors que le préfet n'a motivé son arrêté qu'au seul motif de la fraude. 5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé, pour erreur de droit, son arrêté du 19 juillet 2022 prononçant à l'encontre de Mme A... le retrait de sa carte de résident d'une durée de dix ans. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 6. Dès lors que, par le présent arrêt, la Cour rejette les conclusions dirigées contre le jugement d'annulation, celui-ci demeure exécutoire et la décision prise pour son exécution, produit toujours ses effets. Dès lors, les conclusions présentées par Mme A... à fin d'injonction sont sans objet. Il appartient au préfet de police, s'il s'y croit fondé, de se prononcer à nouveau sur la situation de la requérante au regard de son droit au séjour. Sur les dépens : 7. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées à ce titre par Mme A... doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée. Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Mme B... A.... Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA00260 |
CETATEXT000048424070 | J1_L_2023_11_00023PA00488 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424070.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA00488, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00488 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | BREVAN | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2214984/6-2 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 3 février 2023, Mme A..., représentée par Me Brevan, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2214984/6-2 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) à titre principal, d'annuler les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français du 31 mars 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) à titre subsidiaire, d'annuler l'obligation de quitter le territoire français ; 5°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous astreinte de 150 euros par jour de retard durant cet examen ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement n'a pas statué sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation soulevé à l'encontre l'obligation de quitter le territoire français ; En ce qui concerne la décision de refus de séjour : - elle n'est pas suffisamment motivée ; - le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'elle résidait en France depuis plus de 10 ans, fondement sur lequel elle avait déposé sa demande de titre de séjour ; - elle méconnait les dispositions des articles L. 313-11 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français : - elle a été prise sur le fondement d'une décision de refus de séjour illégale ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la même convention ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 31 mars 2022, le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A..., ressortissante malienne, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 2 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement contesté : 2. Alors que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation affectant l'obligation de quitter le territoire avait été soulevé par Mme A..., il ne ressort pas des mentions du jugement attaqué que ce dernier aurait statué sur ce moyen qui n'est au demeurant pas visé. Il s'ensuit qu'il est entaché d'une omission à statuer. 3. Mme A... est donc fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier et doit être annulé. Il y a donc lieu pour la Cour, statuant par la voie de l'évocation, d'examiner les moyens articulés à l'encontre de l'arrêté en litige. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 4. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les textes applicables et mentionne notamment que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Mali et qu'elle peut voyager sans risque vers ce pays. Elle est ainsi suffisamment motivée. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...). ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313 22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ". 6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police justifie avoir recueilli l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel a rendu un avis le 23 décembre 2021, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant la transmission de l'avis au demandeur. 7. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, l'arrêté attaqué mentionne que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Mali et qu'elle peut voyager sans risque vers ce pays. Mme A..., qui souffre d'une hépatite B chronique, conteste l'appréciation portée par le préfet de police et soutient que les soins dont elle a besoin ne sont pas disponibles au Mali. Toutefois, les ordonnances et les certificats médicaux qu'elle produit, attestant que l'hépatite B chronique dont elle souffre nécessite une surveillance régulière de la PCR et selon lesquels ne sont disponibles au Mali ni les dosages de PCR ni les traitements antiviraux, ne sont pas de nature à remettre en cause les motifs de la décision du préfet de police, ce dernier faisant valoir en défense et sans être utilement contesté qu'il existe au Mali des structures hospitalières prenant en charge les pathologies hépatiques. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code précité ne peut qu'être écarté, ainsi que celui de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 du même code, en tout état de cause abrogées à la date de la décision attaquée. 8. En troisième lieu, Mme A... n'établissant pas avoir déposé sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour, ainsi que l'établit la fiche de salle du 5 août 2021, laquelle comporte la mention " titre de séjour demandé : santé ", elle ne peut utilement invoquer la circonstance qu'elle résiderait en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée pour soutenir que le préfet aurait dû soumettre son cas à la commission du titre de séjour, une telle obligation étant seulement prévue par les dispositions de l'article L. 435-1 du code précité qui ne constituent pas le fondement du titre de séjour demandé. 9. En dernier lieu, si Mme A... fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis l'année 2012, qu'une partie de sa famille réside régulièrement en France dont le père de son enfant né en 2018 dont elle est séparée, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est entrée en France qu'à l'âge de 23 ans. De plus, et nonobstant les dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 19 janvier 2021, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'à la date de la décision, le père de son enfant, qui ne dispose pas de l'autorité parentale, contribuerait effectivement à son entretien et aurait noué avec son fils une relation affective, les quelques photographies et les virements bancaires réalisés par le père postérieurement à la décision attaquée n'étant pas de nature à démontrer la réalité de ces liens. Il en résulte que la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire : 10. En premier lieu, la décision de refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. 11. En deuxième lieu, et pour les mêmes faits que ceux mentionnés au point 9, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 12. En troisième lieu, et pour les motifs rappelés au point 7 du présent arrêt, la décision contestée n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose que " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". 13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Compte tenu de ce qui a été rappelé au point 9 du présent arrêt, la décision n'a pas méconnu les stipulations précitées et n'est pas plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation. 14. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article 2 de la même convention stipule que : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ". Mme A... n'établissant pas que les soins nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles au Mali, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté. 15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2214984/6-2 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA00488 |
CETATEXT000048424071 | J1_L_2023_11_00023PA00747 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424071.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA00747, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00747 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | LENDREVIE | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2221781/2-2 du 23 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 21 février 2023 et un mémoire complémentaire enregistré le 11 octobre 2023, M. A... C... B..., représenté par Me Lendrevie, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2221781/2-2 du 23 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 du préfet de police ; 3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et de lui délivrer, durant la durée de confection du titre de séjour, un récépissé l'autorisant à travailler sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant le temps du réexamen, un récépissé l'autorisant à travailler sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : - elle n'est pas suffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; - elle méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il vit en France depuis plus de 10 ans à la date de la décision contestée, et non depuis 2018 qui est sa dernière date d'entrée en France alors qu'il bénéficiait d'un titre de séjour ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français : - elle a été prise sur le fondement d'une décision de refus de séjour illégale, notamment en ce qu'elle a été prise à la suite d'une procédure irrégulière ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - elle a été prise sur le fondement d'un refus de séjour illégal ; - elle n'est pas suffisamment motivée ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus, au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gobeill, - et les observations de Me Lendrevie, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 31 août 2022, le préfet de police a refusé de délivrer à M. A... C... B..., ressortissant égyptien, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 23 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 1. En premier lieu, en relevant que l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut n'est pas susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers l'Egypte, le préfet de police a suffisamment motivé sa décision et ne l'a pas entachée d'un défaut d'examen de sa situation. 2. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". 3. Le préfet de police, en se fondant sur l'avis des collèges des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a considéré que le défaut de prise en charge de sa pathologie n'était pas susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait voyager sans risque vers l'Egypte. S'il ressort des pièces du dossier que le requérant est atteint d'une histiocytose langerhansienne qui entraîne pour lui des conséquences pulmonaires, les certificats médicaux produits attestent seulement que l'atteinte pulmonaire observée est actuellement stabilisée et que le patient est vu tous les six mois seulement pour des examens radiologiques. Dans ces conditions, en considérant que le défaut de prise en charge de l'intéressé ne devrait pas entraîner, pour lui, de conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 4. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". S'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que mentionne la décision attaquée qui relève que l'intéressé ne vit en France que depuis l'année 2018, il vit en France depuis l'année 2011 comme il le soutient, il n'est en tout état de cause entré sur le territoire national qu'à l'âge de 30 ans seulement, il est célibataire, sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Egypte où résident ses parents selon les mentions non contestées de la décision et son intégration professionnelle, attestée seulement entre les années 2018 et 2019 par des bulletins de salaire et un contrat à durée déterminée, est encore récente. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Il n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire : 5. En premier lieu, la décision de refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. 6. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 4 du présent arrêt. 7. Le requérant ne peut, en troisième lieu, utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision d'éloignement, laquelle ne fixe pas de pays de destination. 8. En dernier lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 9. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. 10. En deuxième lieu, la décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée. 11. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la décision n'a pas méconnu les stipulations précitées. Elle n'est pas plus entachée d'erreur d'appréciation. 12. Il résulte de ce qui précède que M. A... C... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... C... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA00747 |
CETATEXT000048424072 | J1_L_2023_11_00023PA00772 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424072.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA00772, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00772 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | BEN AMMAR | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2207308 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 février 2023, M. A... D..., représenté par Me Ben Ammar, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2207308 du 7 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil; 2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou " salarié " au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir. Il soutient que : - la décision a été prise par une autorité incompétente pour ce faire ; - il satisfait aux conditions d'admission sur le territoire français prévues par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû saisir la commission du titre de séjour ; - la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 7 avril 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à M. D..., ressortissant serbe, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement du 7 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-1827 du 19 juillet 2021 régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. C... B..., sous-préfet du Raincy, à l'effet de signer les décisions prises en matière de police des étrangers, lorsqu'elles concernent des ressortissants résidant dans l'arrondissement du Raincy. Par un arrêté n° 2021-1828 du 19 juillet 2022 régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a consenti cette même délégation à M. Mame Abdoulaye Seck, secrétaire général de la sous-préfecture du Raincy, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B.... Par suite, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... n'était ni absent ni empêché, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". 4. D'une part, le requérant n'établit par aucune pièce résider habituellement en France depuis plus de dix ans de sorte que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que son épouse se maintient en France en situation irrégulière, que la demande de titre de séjour de leur fils né en 1999, et majeur à la date de la décision attaquée, n'avait pas encore fait l'objet d'une décision du préfet de police et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et un autre membre de sa fratrie. Enfin, son intégration professionnelle, en qualité de menuisier depuis le mois de mai 2020, est encore très récente. Il en résulte que sa situation ne relève ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels. 5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, la décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 6. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA00772 |
CETATEXT000048424073 | J1_L_2023_11_00023PA00781 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424073.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA00781, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00781 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | SELARL COHEN LILTI COHEN | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016. Par un jugement n° 1907353 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 février 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Cohen, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1907353 du 23 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 ; 2°) à titre principal, de prononcer la décharge sollicitée ; 3°) à titre subsidiaire, de prononcer une réduction correspondant à la limitation du " loyer dû " à la valeur locative normale de 174 803 euros par an concernant les rehaussements des loyers " abandonnés " ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. et Mme A... soutiennent que : - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit et erreurs manifeste d'appréciation ; - la réponse aux observations du contribuable du 23 février 2018 est insuffisamment motivée ; le non-respect d'une garantie substantielle des droits de la défense constitue à lui seul un motif de décharge en vertu des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; - l'administration aurait dû tenir compte de la valeur locative normale du bien situé 190 bis boulevard de Charonne à Paris (75020) fixée par les parties ; - les loyers dus par la SARL ITIC n'ont pas été abandonnés, dès lors qu'ils ont fait l'objet de relances régulières et d'un accord amiable dans le cadre du protocole transactionnel du 24 novembre 2017 ; - l'administration a retenu un montant erroné au titre des loyers encaissés ; le montant du loyer fixé dans le protocole transactionnel repose sur des critères économiques normaux ; - s'agissant de l'immeuble situé 36 avenue de Rosny à Villemomble, le mandat de location présenté à l'administration fiscale est valable, la société mandataire étant toujours active selon l'INSEE ; - s'agissant du bien situé 11 rue de Mayenne à Créteil, les travaux relatifs à la piscine étaient déductibles du revenu foncier car ils ne sont pas dissociables de travaux de reconstruction de l'immeuble ; - les pénalités pour dépôt tardif de déclaration ne sont pas applicables, s'agissant d'un retard dans le dépôt de la déclaration 2072-C ; - les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées. Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2023, M. et Mme A... déclarent se désister de leur requête. Le mémoire en désistement a été communiqué au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui, par mémoire enregistré le 21 septembre 2023, a indiqué demander à la Cour d'en prendre acte. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme A... se sont vus notifier, à la suite du contrôle sur place de la SCI MR 36 dont M. A... possède 20 % des parts, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2014 à 2016, par une proposition de rectification du 5 décembre 2017. Par un jugement dont ils interjettent régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande de décharge, en droits et pénalités, de ces impositions. 2. Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2023, M. et Mme A... déclarent se désister de leur requête. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. D E C I D E : Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. et Mme A.... Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD). Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00781 2 |
CETATEXT000048424074 | J1_L_2023_11_00023PA00782 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424074.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA00782, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00782 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | SELARL COHEN LILTI COHEN | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016. Par un jugement n° 1909473 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 février 2023, M. B... représenté par Me Cohen demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1909473 du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016 ; 2°) à titre principal, de prononcer la décharge sollicitée ; 3°) à titre subsidiaire, de prononcer une réduction correspondant à la limitation du " loyer dû " à la valeur locative normale de 174 803 euros par an concernant les rehaussements des loyers " abandonnés " ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. B... soutient que : - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit et erreurs manifeste d'appréciation ; - la réponse aux observations du contribuable du 23 février 2018 est insuffisamment motivée ; le non-respect d'une garantie substantielle des droits de la défense constitue à lui seul un motif de décharge en vertu des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; - l'administration aurait dû tenir compte de la valeur locative normale du bien situé 190 bis boulevard de Charonne à Paris (75020) fixée par les parties ; - les loyers dus par la SARL ITIC n'ont pas été abandonnés, dès lors qu'ils ont fait l'objet de relances régulières et d'un accord amiable dans le cadre du protocole transactionnel du 24 novembre 2017 ; - l'administration a retenu un montant erroné au titre des loyers encaissés ; le montant du loyer fixé dans le protocole transactionnel repose sur des critères économiques normaux ; - s'agissant de l'immeuble situé 36 avenue de Rosny à Villemomble, le mandat de location présenté à l'administration fiscale est valable, la société mandataire étant toujours active selon l'INSEE ; - s'agissant du bien situé 11 rue de Mayenne à Créteil, les travaux relatifs à la piscine étaient déductibles du revenu foncier car ils ne sont pas dissociables de travaux de reconstruction de l'immeuble ; - les pénalités pour dépôt tardif de déclaration ne sont pas applicables, s'agissant d'un retard dans le dépôt de la déclaration 2072-C ; - les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées. Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2023, M. B... déclare se désister de sa requête. Le mémoire en désistement a été communiqué au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui, par mémoire enregistré le 21 septembre 2023, a indiqué demander à la Cour d'en prendre acte. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... s'est vu notifier, à la suite du contrôle sur place de la SCI MR 36 dont M. B... possède 20 % des parts, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2014 à 2016, par une proposition de rectification du 5 décembre 2017. Par un jugement dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, de ces impositions. 2. Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2023, M. B... déclare se désister de sa requête. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. D E C I D E : Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. B.... Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD). Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00782 2 |
CETATEXT000048424075 | J1_L_2023_11_00023PA01244 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424075.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA01244, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA01244 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | NUNES | M. Stéphane DIEMERT | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement n° 1803723 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil, saisi par Mme C... A..., épouse B..., a, notamment mis à la charge de l'État le versement au conseil de cette dernière, Me Jean-Emmanuel Nunes, d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Me Jean-Emmanuel Nunes a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'enjoindre à l'autorité compétente de prendre les mesures qu'implique l'exécution de ce jugement en lui versant la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les intérêts y afférents, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard. Par une ordonnance du 2 avril 2021, le président du tribunal administratif de Montreuil a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2109297 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 24 mars 2023, Me Jean-Emmanuel Nunes demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2109297 du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler la décision implicite du préfet de la Seine Saint-Denis refusant d'exécuter le jugement n° 1803723 du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Montreuil ; 3°) de condamner l'État à verser la somme de 1 500 euros, et les intérêts y afférents, à Me Jean Emmanuel Nunes, sous une astreinte définitive de 100 euros par jour de retard. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, et a été rendu en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dès lors que des pièces produites n'ont pas été transmises à la partie défenderesse ni prises en compte par la juridiction ; - le comptable assignataire a été effectivement saisi d'une demande de paiement et n'y a pas donné suite ; - le préfet de Seine-Saint-Denis ne peut légalement exiger la production d'un relevé d'identité bancaire afférent au compte de son conseil à la caisse des règlements pécuniaires des avocats, alors qu'un tel compte ne peut recevoir que des fonds destinés à être remis aux seuls clients d'un avocat, et en aucun cas des fonds ayant vocation à rémunérer directement ce dernier en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. La requête a été communiquée au préfet de Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté d'observations en défense. Vu les autres pièces du dossier. Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 août 2023 à 12 heures. Vu : - la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; - la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; - l'arrêté du 5 juil. 1996 fixant les règles applicables aux dépôts et maniements des fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats pour le compte de leurs clients ; - le code de justice administrative. Vu le jugement n° 1803723 du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Montreuil. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Diémert, - et les conclusions de M. Doré, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement n° 1803723 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil a condamné l'État à verser à Me Jean-Emmanuel Nunes, conseil de Mme A... épouse B..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Les diligences accomplies auprès de l'administration en vue d'obtenir l'exécution du jugement n'ayant pas abouti, une phase juridictionnelle a été ouverte par une ordonnance du premier vice-président du tribunal du 2 avril 2021. 2. Eu égard au droit propre reconnu à l'avocat auquel la juridiction a accordé le versement d'une somme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'intéressé peut saisir lui-même le juge administratif, dans le cadre du livre IX du code de justice administrative, aux fins d'obtenir l'exécution de la décision juridictionnelle dont s'agit. Ainsi qu'en dispose le dernier alinéa de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Les demandes d'exécution d'un arrêt de la cour administrative d'appel ou d'un jugement rendu par un tribunal administratif situé dans le ressort de la cour et frappé d'appel devant celle-ci sont dispensées de ministère d'avocat. ". Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Me Nunes soutient que le jugement attaqué est irrégulier, et a été rendu en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dès lors que des pièces produites n'ont pas été transmises à la partie défenderesse ni prises en compte par la juridiction. 4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande de première instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montreuil le 20 septembre 2020, était accompagnée d'un bordereau qui se limite à mentionner deux pièces jointes, lesquelles ne correspondent pas aux documents dont il est allégué qu'ils auraient été produits à l'instance. " L'historique de Télérecours " invoqué dans la requête et sensé établir cette allégation n'est pas produit devant la Cour. Il s'ensuit que le moyen manque en tout état de cause en fait et ne peut qu'être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / (...) ". Aux termes de l'article R. 921-5 du même code : " Le président (...) du tribunal administratif saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-4, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes diligences qu'ils jugent utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 921-6 de ce code : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle (...) le président (...) du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle (...). L'affaire est instruite et jugée d'urgence. ". 6. Toutefois, d'autre part, aux termes de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci-après reproduites, sont applicables : " Art. 1er. - I. Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'État au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. / À défaut d'ordonnancement dans les délais mentionnés aux alinéas ci-dessus, le comptable assignataire de la dépense doit, à la demande du créancier et sur présentation de la décision de justice, procéder au paiement." ". 7. Il résulte de ces dispositions législatives, reprises à l'article L. 911-9 du code de justice administrative, qu'il appartient au requérant, en l'absence d'ordonnancement de la somme d'argent qu'une personne publique a été condamnée à lui verser par une décision passée en force de chose jugée, constatée à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la décision de justice, de saisir le comptable assignataire de la dépense afin qu'il procède au paiement de cette somme. Dès lors que ces dispositions permettent à la partie gagnante, en cas d'inexécution d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, d'obtenir du comptable public assignataire le paiement de la somme que l'État est condamné à lui verser à défaut d'ordonnancement dans le délai prescrit, il n'y a, en principe, pas lieu de faire droit à une demande tendant à ce que le juge prenne des mesures pour assurer l'exécution de cette décision. Il en va toutefois différemment lorsque le comptable public assignataire, bien qu'il y soit tenu, refuse de procéder au paiement. 8. Me Nunes produit, pour la première fois en appel, sa demande, adressée au directeur régional des finances publiques le 13 décembre 2019, afférente au règlement de la somme à lui due, au titre du jugement n° 1803723 du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Montreuil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qui n'a reçu aucune réponse et dont est ainsi née une décision implicite de rejet. Dans ces conditions, l'intéressée établit que le comptable public assignataire, dûment saisi à cette fin, a implicitement refusé de procéder au paiement auquel il était tenu. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande au motif que l'intéressé, qui pouvait obtenir le mandatement d'office de la somme due en saisissant le comptable assignataire de la dépense afin qu'il procède au paiement de cette somme, n'établit pas qu'il aurait effectué une telle demande. Le jugement attaqué doit ainsi être annulé. 9. En second lieu, et en tout état de cause, il résulte des dispositions combinées de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, des articles 240 et 241 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat et des articles 8, 12 et 13 de l'arrêté du 5 juillet 1996 fixant les règles applicables aux dépôts et maniements des fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats pour le compte de leurs clients, que la caisse des règlements pécuniaires des avocats ne peut être destinataire que des fonds reçus par les avocats pour le compte de leurs clients et destinés à leur être remis, et non des fonds à verser directement à l'avocat en application, notamment, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dès lors que, comme en l'espèce, les sommes dues à Me Nunes en application du jugement du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Montreuil n'ont pas vocation à être remises à un client de l'intéressé, le préfet de Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement subordonner leur versement à la production d'un relevé d'identité bancaire afférent au compte ouvert à la caisse des règlements pécuniaires des avocats. 10. À la date du présent arrêt, le préfet de Seine-Saint-Denis n'a pas pris de mesures propres à assurer l'exécution du jugement n° 1803723 du 20 juin 2019. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer à l'encontre de l'État, à défaut pour lui de justifier de cette exécution dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 100 euros par jour jusqu'à la date à laquelle le jugement précité aura reçu exécution. 11. Par ailleurs, aux termes de l'article 1153-1 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. (...) " ; ainsi, alors même que le jugement du 20 juin 2019 ne l'a pas prévu explicitement, la somme de 1 500 euros allouée au titre des frais non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 est productive d'intérêts. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2109297 du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'État (ministère de l'intérieur et des Outre-mer) s'il ne justifie pas avoir, à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification de la présente décision, exécuté le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1803723 du 20 juin 2019, et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 100 euros par jour. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Jean-Emmanuel Nunes et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Seine-Saint-Denis et au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, S. DIÉMERTLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA01244 |
CETATEXT000048424076 | J1_L_2023_11_00023PA01798 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424076.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA01798, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA01798 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | BROCARD | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2106448 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de l'intéressée. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 28 avril 2023 Mme B..., représentée par Me Brocart, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2106448 du 16 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 19 avril 2021 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de procéder au réexamen de sa situation administrative, dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle a méconnu les dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 16 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., de nationalité comorienne, née le 31 décembre 1986, a été admise au séjour en France au titre du regroupement familial et est entrée à ce titre sur le territoire français le 26 décembre 2017. Elle a sollicité le 8 février 2019 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 19 avril 2021, pris sur le fondement de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande au motif que l'intéressée ne justifie plus d'une communauté de vie avec son époux et ne remplit donc plus les conditions du regroupement familial pour continuer à séjourner en France. Par voie de conséquence, le préfet l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2106448 du 16 novembre 2022 dont elle interjette régulièrement appel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté précité. 2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas examiné la situation de la requérante au regard des éléments dont il avait connaissance, quand bien même la décision en litige ne mentionne pas les violences conjugales alléguées par la requérante dans le courriel du 10 novembre et le courrier du 14 novembre 2018 adressés par l'association La Cimade à la préfecture de la Seine-Saint-Denis antérieurement à sa demande de renouvellement de titre de séjour. En outre, si la requérante soutient avoir annexé à sa demande de renouvellement de titre de séjour déposée le 8 février 2019 un courrier où elle exposait de manière précise et détaillée les violences conjugales dont elle a été victime de la part de son époux, elle n'établit pas que ce courrier aurait été reçu par les services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la situation de la requérante doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Les membres de la famille entrés en France régulièrement au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire, dès qu'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour ". Aux termes de l'article L. 431-2 du même code : " 1. En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. / (...) 4 En outre, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". 4. Pour l'application des dispositions précitées, la notion de violences conjugales inclut non seulement les violences physiques et sexuelles mais également les violences psychologiques et économiques, au nombre desquelles figurent la privation de ressources financières et la privation d'accès au domicile conjugal. 5. Par ailleurs, si ces dispositions ouvrent droit à un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un étranger, vivant en France dans le cadre d'un regroupement familial et victime de violences conjugales, il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie la délivrance du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, des éléments probants relatifs aux violences conjugales. 6. Mme B... soutient avoir été victime de comportements humiliants et injurieux de la part de son époux et que la vie commune a été rompue en raison des violences psychologiques que lui aurait fait subir celui-ci qui l'ont obligée à quitter le domicile conjugal. Comme il a été indiqué au point 4 du présent arrêt, des violences psychologiques peuvent constituer des violences conjugales au sens de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au même titre que des violences physiques. Pour étayer ses dires, la requérante produit une main courante en date du 10 juillet 2018 mentionnant que son époux l'a obligée à quitter le domicile familial le 22 juin 2018 et que, depuis cette date, elle réside chez une amie, deux attestations en date des 22 janvier et 30 novembre 2018 établies par la sage-femme coordinatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis qui précisent que Mme B... bénéficie d'un suivi médical et psychologique ainsi qu'un accompagnement personnalisé au regard des humiliations dont elle s'est déclarée victime de la part de son époux, ainsi qu'une attestation en date du 26 octobre 2018 rédigée par l'équipe du lieu d'accueil et d'orientation SOS Femmes 93 faisant état de sa participation à l'accueil collectif depuis juin 2018, un courrier du 1er juin 2018 établi par la coordinatrice de consultation pour femmes victimes de violence de la Maison des femmes qui mentionne que l'époux de Mme B... refuse de lui fournir les documents nécessaires à ses démarches administratives et de subvenir à ses besoins quotidiens, et des certificats médicaux en date du 29 octobre 2018 et du 22 novembre 2018, le premier établi par un médecin généraliste - au demeurant presque identiques à l'attestation précitée, le second par une psychologue de l'unité médico-judiciaire. Toutefois, ces certificats et attestations, lesquels se bornent à reprendre les affirmations de la requérante, ne permettent de tenir pour établie la réalité des violences qu'elle n'allègue ni de vérifier leur imputabilité au comportement adopté par son époux en l'absence de tout autre élément de nature à établir l'existence des violences conjugales alléguées. Dès lors, la communauté de vie entre Mme B... et son conjoint ne peut être regardée comme ayant été rompue en raison de violences conjugales au sens de l'article L. 431-2, de sorte que Mme B... ne remplissait pas la condition de communauté de vie entre époux prévue tant par l'article L. 431-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. 7. En dernier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit par suite être écarté. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de la justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA01798 2 |
CETATEXT000048424077 | J1_L_2023_11_00023PA02074 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424077.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA02074, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA02074 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | JASLET | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'ordonner la communication de l'ensemble des documents sur lesquels le préfet a fondé sa décision conformément à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait. Par un jugement n° 2207553 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de l'intéressé. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 12 mai 2023, et des pièces, enregistrées le 25 octobre 2023 et non communiquées, M. A..., représenté par Me Jaslet, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2207553 du 20 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 29 mars 2022 lui refusant la délivrance d'un titre séjour ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard suivant l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ces stipulations. La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par décision du 5 juin 2023, la demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par le bureau d'aide juridictionnelle compétent. Cette décision a été confirmée par une ordonnance du 22 juin 2023 de la présidente de la cour administrative d'appel de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant sénégalais né en 1974, est entré en France, selon ses déclarations, en mai 2010. Il a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un jugement n° 2207553 du 20 avril 2023 dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait. 2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné, le 18 octobre 2016, par la cour d'assises du Val-de-Marne, à une peine de quatorze ans de réclusion criminelle pour violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur un mineur de quinze ans par ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime. Par un jugement du 11 juillet 2022 du tribunal judiciaire de Melun, il a été admis au bénéfice de la détention à domicile sous surveillance électronique à compter du 19 juillet 2022 jusqu'au 19 mars 2023 en raison des efforts importants engagés en détention dans le travail d'introspection pour comprendre les raisons de son geste. Au regard notamment de cet élément, M. A... fait valoir que son comportement s'est avéré exemplaire au cours de sa détention pendant laquelle il a travaillé notamment dans différentes activités, témoignant ainsi de son implication, qu'il s'est investi de manière régulière dans un suivi psychologique pour s'interroger sur son passage à l'acte, ses réactions et les éléments de sa personnalité et qu'il a obtenu durant son incarcération différentes qualifications professionnelles (un certificat de compétences de citoyen sécurité civile - PSC1, un titre professionnel d'agent magasinier et de vendeur-conseil magasin, un certificat d'aptitudes professionnelles métiers de la blanchisserie et une habilitation à conduire des chariots automoteurs de manutention à conducteur porté). L'intéressé se prévaut également des efforts de réinsertion qu'il aurait démontrés durant sa détention en occupant un emploi en prison et en remboursant la partie civile. 3. Si l'expertise psychiatrique et l'attestation produites au dossier en date des 7 janvier 2020 et 30 mars 2022 font état de ce que M. A..., qui bénéficiait depuis le 1er août 2017 d'un suivi psychologique régulier, a pris conscience de la gravité des faits pour lesquels il a été condamné et des conséquences pour la victime et son entourage, que sa dangerosité criminologique, et le risque de récidive paraissent significativement plus réduites, il ressort de l'expertise mentionnée que la poursuite du travail psychologique peut générer de nouvelles prises de conscience et donner lieu à des phases d'affaissement face aux difficultés d'intégration et à l'isolement affectif auxquels il risque de se confronter à la sortie. Par ailleurs, le jugement d'admission au bénéfice de la libération conditionnelle avec détention à domicile sous surveillance électronique probatoire précité relève que le refus de l'intéressé de se soumettre à l'expertise dernièrement ordonnée pour des motifs particulièrement obscurs interroge de même que l'absence de transparence dont il semble avoir fait l'objet à l'égard de l'association chargée du suivi de sa réinsertion. Ce jugement pose notamment comme conditions que l'intéressé se soumette à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, y compris sous le régime de l'hospitalisation, au titre du suivi psychologique. Au vu de la nature et de la gravité des faits, le préfet de Seine-et-Marne a pu légalement estimer que la présence en France de M. A... constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, les moyens tirés de la violation des dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doivent être écartés. 4. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 5. M. A... fait valoir qu'il réside en France de manière stable et continue depuis le 23 mai 2010, que la pathologie dont il est atteint nécessite un suivi annuel en chirurgie ainsi qu'un traitement médicamenteux et qu'il a entrepris de nombreuses démarches de réinsertion sociale et professionnelle. S'il fait état de la durée de sa résidence en France, il a passé la majeure partie de ce temps en prison pour des faits particulièrement graves. Par ailleurs, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales à l'étranger, seule la présence d'une cousine étant avérée en France. De plus, les démarches d'insertion entreprises ne sont pas de nature à diminuer la gravité de la menace qu'il représente pour l'ordre public au regard des éléments mentionnés au point 3. Enfin, il ne démontre pas, par les pièces médicales produites au dossier, ni l'indisponibilité de traitements appropriés aux pathologies dont il souffre au Sénégal, ni que les institutions de santé existantes dans ce pays ne seraient pas à même de lui offrir une qualité de soins au moins équivalente à celle qui lui serait dispensée en France. Eu égard à la gravité des faits reprochés à M. A... qu'au but poursuivi, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision contestée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA02074 2 |
CETATEXT000048424078 | J1_L_2023_11_00023PA02371 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424078.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA02371, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA02371 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | SANGUE | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mai 2023 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un récépissé de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par une ordonnance n° 2311062/2-2 du 26 mai 2023, le vice-président de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 30 mai 2023, M. A..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 2311062/2-2 du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du préfet de police refusant de lui délivrer un récépissé de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans le délai de 3 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge du préfet de police le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : -l'acte attaqué a été considéré à tort comme une décision inexistante par l'ordonnance contestée ; - la décision méconnait les dispositions de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que son dossier était complet. Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 23 octobre 1992, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mai 2023 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un récépissé de sa demande de titre de séjour. Il relève appel de l'ordonnance par laquelle le vice-président de la 2ème section a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. Pour rejeter la requête de M. A..., au visa du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le premier juge s'est fondé sur la circonstance qu'était sollicitée l'annulation d'une décision inexistante dès lors que le préfet ne pouvait être regardé comme ayant refusé de lui délivrer un récépissé de sa demande de titre de séjour. 3. Aux termes des dispositions de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code. ". Aux termes de l'article R. 431-3 du même code : " La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2, est effectuée à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture. ". L'article R. 431-12 du même code, applicable à la demande d'admission exceptionnelle au séjour déposée par M. A..., dispose que : " " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. Ce document est revêtu de la signature de l'agent compétent ainsi que du timbre du service chargé, en vertu de l'article R. 431-20, de l'instruction de la demande. ". 4. Il ressort des pièces du dossier que suite à son passage à la préfecture de police, M. A... s'est vu remettre un document intitulé " confirmation de dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour ", mentionnant qu'il a " déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour auprès de la préfecture de police de Paris ", que ce document " constitue la preuve du dépôt de votre demande ", qu'il " ne constitue pas une preuve de régularité du séjour et ne permet pas l'ouverture des droits associés à un séjour régulier " et que le demandeur sera informé de l'avancement et de la suite donnée dans un délai indicatif de quatre mois. 5. Le document en cause ne constitue toutefois pas le récépissé prévu par les dispositions précitées de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, et alors que M. A... soutient que son dossier était complet, sans être explicitement contredit par le préfet de police qui, bien que disposant dudit dossier, se borne à soutenir sans plus de précisions que l'intéressé allègue sans le justifier que son dossier est complet, le préfet de police doit être regardé, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme ayant tacitement refusé de délivrer à l'intéressé ledit récépissé en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-12 précité. Il y a lieu, par suite, d'annuler sa décision ainsi que l'ordonnance du 26 mai 2023. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 6. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à M. A... un récépissé de sa demande de titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à la délivrance de ce récépissé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État (ministre de l'intérieur et des outre-mer) le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A.... D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance n° 2311062/2-2 du 26 mai 2023 est annulée. Article 2 : La décision par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer à M. A... un récépissé de demande d'admission exceptionnelle au séjour est annulée. Article 3 : Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à la délivrance de ce récépissé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat (ministre de l'intérieur et des outre-mer) versera à M. A... une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02371 |
CETATEXT000048424079 | J1_L_2023_11_00023PA02373 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424079.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA02373, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA02373 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | KORAYTEM | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D..., agissant par l'ATFPO Paris Nord et Mme B... C..., en qualité de tuteur, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2302054/1-3 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 30 mai 2023, M. D..., agissant par l'ATFPO Paris Nord et Mme B... C..., en qualité de tuteur, représenté par Me Koraytem, demande à la Cour : 1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle à titre provisoire ; 2°) d'annuler le jugement n° 2302054/1-3 du 26 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ; 3°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 du préfet de police ; 4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou à défaut une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 7 jours suivant la notification de la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - son recours devant le tribunal administratif était recevable dès lors que la décision n'avait pas été notifiée à son tuteur ; - la décision n'est pas suffisamment motivée ; - il ne peut quitter la France sans l'autorisation ou l'accompagnement de son tuteur ; - la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 20 octobre 2022, le préfet de police a refusé de délivrer à M. D..., ressortissant comorien, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 26 avril 2023 par laquelle le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire : 2. Par une décision du 6 juillet 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Sur les conclusions à fin d'annulation : 3. En premier lieu, la décision comporte des éléments de fait sur la situation médicale du requérant et est ainsi suffisamment motivée, quand bien même elle ne ferait pas mention de la circonstance qu'il a été placé sous tutelle par jugement du tribunal judiciaire de Paris. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". 5. Pour refuser d'octroyer à M. D... le titre de séjour sollicité, le préfet de police a relevé que si l'état de santé de ce dernier nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement médical approprié aux Comores. 6. Pour contester les motifs de la décision, le requérant ne produit qu'un certificat médical du 28 février 2023, postérieur à la décision attaquée mais relatif à un état de fait antérieur, qui ne fait pas mention des soins disponibles aux Comores, ainsi que des extraits de sites internet de l'ambassade de France aux Comores, de la Croix Rouge et de la Banque Mondiale qui se bornent à décrire de façon générale le système de santé aux Comores, la circonstance qu'il soit sous tutelle n'étant pas de nature à établir qu'il ne pourrait pas y bénéficier d'un traitement. 7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. A supposer que M. D... réside en France depuis l'année 2016 comme il le soutient et que son frère de nationalité française y vivrait également, la preuve du lien familial ne découlant pas nécessairement de la similitude du patronyme du père, il n'y serait en tout état de cause entré qu'à l'âge de 32 ans alors qu'il est célibataire, sans charge de famille et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. S'il fait valoir qu'un jugement du tribunal judiciaire l'a placé sous tutelle et qu'il ne peut pas être éloigné seul de la France, une telle circonstance relève de l'exécution de la mesure d'éloignement et non de sa légalité. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Il n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 9. En dernier lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... agissant par l'ATFPO Paris Nord et Mme B... C..., en qualité de tuteur et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02373 |
CETATEXT000048424080 | J1_L_2023_11_00023PA02646 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424080.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA02646, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA02646 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement n° 2300258 du 24 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 15 juin 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2300258 du 24 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Montreuil. Il soutient que : - c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de ce que M. A... bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant bangladais né le 20 juillet 1987, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), par une décision du 24 juin 2022, confirmée par une décision de la Cour national du droit d'asile (CNDA) du 23 novembre 2022 notifiée le 24 novembre 2022. Par un arrêté du 23 décembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par la présente requête, le préfet de la Seine-Saint-Denis relève régulièrement appel du jugement n° 2300258 du 24 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal : 2. Aux termes des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision./ Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". L'article R. 532-57 du même code dispose que : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ". 3. En l'espèce, le premier juge a estimé que, faute de toute justification du préfet de la Seine-Saint-Denis, M. A... est fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement tant que la décision de la CNDA n'avait pas été régulièrement lue en audience publique ou ne lui avait pas été notifiée. Or par la présente requête d'appel, le préfet produit le fichier informatique de la base de données " Telemofpra " établissant que la décision de la CNDA du 23 novembre 2022 lui a été notifiée le 24 novembre suivant. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré du défaut de notification de la décision de la CNDA pour annuler son arrêté du 23 décembre 2022. Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. A... examinés par l'effet dévolutif de l'appel : 4. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M. C... D..., adjoint à la cheffe du bureau de l'asile, qui a reçu délégation de signature du préfet de la Seine-Saint-Denis par un arrêté n° 2022-0979 du 25 avril 2022 régulièrement publié. Le moyen tiré de l'incompétence doit donc être écarté. 5. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux énonçant les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté. De même, il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet et sérieux de la situation de l'intéressé. 6. En troisième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. 7. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. 8. M. A..., dont la demande d'asile a été définitivement rejetée par la CNDA dans les conditions mentionnées au point 1, ne pouvait ignorer qu'il ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier qu'il s'est présenté personnellement en préfecture pour l'enregistrement de sa demande d'asile, où il a pu présenter les observations qu'il estimait utiles sur sa situation. En outre, l'intéressé ne conteste pas avoir été entendu à plusieurs reprises tant par l'OFPRA que par la CNDA et ne soutient ni même n'allègue avoir de nouveaux éléments en sa possession qu'il aurait tenté en vain de porter à la connaissance de l'administration avant l'intervention de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu tel que reconnu par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 532-54 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'informe dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend du caractère positif ou négatif de la décision prise. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ". 10. Si M. A... soutient que la décision de la CNDA ne lui aurait pas été valablement notifiée, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, de nature à remettre en cause l'exactitude des indications figurant sur le relevé " Telemofpra ", lequel fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions précitées de l'article R. 532-57 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, cette décision est réputée lui avoir été régulièrement notifiée. 11. En cinquième lieu, M. A... est célibataire sans charges de famille et il est dépourvu de toute attache familiale en France. En outre, il ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Enfin, si l'intéressé soutient que l'obligation de pointage prise à son encontre est disproportionnée au regard de son droit à la vie privée, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué qu'une telle mesure aurait été prise à son encontre. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent donc être écartés. 12. En sixième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être rejeté. 13. En dernier lieu, par ses seules affirmations, le requérant n'établit pas qu'il serait exposé à des risques actuels, personnels et réels de peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Bangladesh. L'intéressé est d'ailleurs débouté du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés, ainsi que le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 23 décembre 2022 obligeant M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu en conséquence d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter les conclusions de la demande de M. A... auxquelles il a été fait droit en première instance. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2300258 du 24 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA02646 2 |
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CETATEXT000048424081 | J1_L_2023_11_00023PA03811 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424081.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA03811, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA03811 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | BOURDON ET ASSOCIES | M. Stéphane DIEMERT | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... C... et M. B... F... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 avril 2021 par lequel le Premier ministre, exerçant les attributions du garde des sceaux, ministre de la justice a renouvelé l'agrément de l'association Anticor en vue de l'exercice des droits reconnus à la partie civile. Par un jugement n° 2111821 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la seule demande de M. C... et prononcé l'annulation de l'arrêté contesté. Procédure devant la Cour : I. Par une requête enregistrée le 22 août 2023 sous le n° 23PA03811, l'association Anticor, représentée par Me Brenghart et Me Claoué Heylliard, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2111821 du 23 juin 2023 du tribunal administratif de Paris en tant que, après avoir jugé recevable la demande de M. C..., il a prononcé l'annulation de l'arrêté litigieux et refusé de moduler dans le temps les effets de cette annulation ; 2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. E... C... et M. B... F... ; 3°) à titre subsidiaire, de moduler les effets de l'annulation en différant son entrée en vigueur à l'expiration d'un délai de trois mois suivant l'arrêt à intervenir et de juger que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de l'arrêt à intervenir, les effets produits par l'agrément du 2 avril 2021 antérieurement à son annulation seront regardés comme définitifs ; 4°) de mettre à la charge de MM. C... et F..., individuellement, le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, comme méconnaissant le principe du contradictoire de la procédure ; - la demande de première instance est irrecevable à raison du défaut d'intérêt à agir de MM. F... et C... qui ne sont pas directement affectés par la décision litigieuse ; - la décision litigieuse est légale dès lors que les conditions de renouvellement de l'agrément étaient réunies ; - il y a lieu de procéder à une substitution de motifs dès lors qu'elle remplit effectivement les conditions posées pour le renouvellement de son agrément ; - à titre subsidiaire, la modulation de l'annulation de la décision litigieuse s'impose eu égard à l'intérêt général qui s'attache au maintien des procédures engagées devant le juge pénal. Le Premier ministre, exerçant les attributions du garde des sceaux, ministre de la justice a présenté des observations, enregistrées le 3 octobre 2023. Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2023, M. E... C... et M. B... F..., représentés par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, concluent : 1°) au rejet de la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté comme irrecevables, pour défaut d'intérêt à agir, les conclusions présentées par M. F... ; 3°) à ce que le versement de la somme de 2000 euros à M. C... et de la somme de 3 000 euros à M. F... soit mis à la charge de l'association requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils font valoir que : - aucun des moyens de la requête n'est fondé ; - M. F... justifie d'un intérêt à agir. II. Par une requête enregistrée le 22 aout 2023 sous le n° 23PA03813, l'association Anticor, représentée par Me Brenghart et Me Claoué Heylliard, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2111821 du 23 juin 2023 du tribunal administratif de Paris. Elle soutient que : - la requête au fond est fondée sur des moyens sérieux ; - le jugement attaqué est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables. Le Premier ministre, exerçant les attributions du garde des sceaux, ministre de la justice a présenté des observations, enregistrées le 3 octobre 2023. Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2023, M. E... C... et M. B... F..., représentés par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, concluent au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros à M. C... et de la somme de 3 000 euros à M. F... soit mis à la charge de l'association requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une ordonnance en date du 13 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 octobre 2023 à 12h dans ces deux instances. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code pénal ; - le code de procédure pénale ; - le décret n° 2014-327 du 12 mars 2014 relatif aux conditions d'agrément des associations de lutte contre la corruption en vue de l'exercice des droits reconnus à la partie civile ; - les décrets n° 2020-1293 du 23 octobre 2020 et n° 2022-847 du 2 juin 2022 pris en application de l'article 2-1 du décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Diémert, - les conclusions de M. Doré, rapporteur public, - les observations de Me Brengarth et de Me Claoué Heylliard, avocats de l'association Anticor, et de Me Thiriez, avocat de MM. F... et C.... Une note en délibéré a été présentée le 25 octobre 2023 pour l'association Anticor. Considérant ce qui suit : 1. L'association Anticor a demandé, le 28 septembre 2020, le renouvellement de l'agrément mentionné à l'article 2-23 du code de procédure pénale, en vue de l'exercice des droits reconnus à la partie civile. Par un arrêté du 2 avril 2021, le Premier ministre, exerçant en l'espèce, en application du décret n° 2020-1293 du 23 octobre 2020 pris en application de l'article 2-1 du décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres, les attributions du garde des sceaux, ministre de la justice, a renouvelé cet agrément pour une durée de trois ans à compter du même jour. M. E... C..., ancien membre de l'association Anticor et dont le renouvellement de son adhésion a été refusé par le bureau de l'association pour l'année 2021, et M. B... F..., membre de cette association, ont alors saisi le tribunal administratif de Paris aux fins d'annulation de cet arrêté. Ce tribunal, après avoir refusé d'admettre l'intervention de M. A... D... et regardé en outre la demande de M. F... comme irrecevable faute d'intérêt à agir de l'intéressé, a néanmoins fait droit à la demande en tant qu'elle émane de M. C... et a prononcé l'annulation de l'arrêté dont s'agit, par un jugement du 23 juin 2023. 2. Par sa requête n° 23PA03811, l'association Anticor relève appel de ce jugement, en tant que, après avoir jugé recevable la demande de M. C..., il a prononcé l'annulation de l'arrêté litigieux et refusé de moduler dans le temps les effets de cette annulation. Par sa requête n° 23PA03813, elle demande à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution dudit jugement. Le Premier ministre n'a pas relevé appel de ce jugement dans le délai de deux mois suivant sa notification mais a seulement présenté, à la suite de la communication de la requête d'appel de l'association Anticor, des observations par lesquelles la Cour ne peut être saisie ni de conclusions ni de moyens. M. C... et M. F... ont également formé un appel incident contre ce jugement, en tant seulement qu'il a rejeté comme irrecevables, pour défaut d'intérêt à agir, les conclusions présentées par M. F.... 3. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes dirigées contre le même jugement et qui ont fait l'objet d'une instruction commune. Sur les conclusions à fins de sursis à l'exécution du jugement attaqué : 4. Dès lors qu'il est statué au fond sur les conclusions de la requête n° 23PA03811, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué deviennent sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer. Sur la régularité du jugement attaqué : En ce qui concerne la méconnaissance du principe du contradictoire : 5. L'association requérante soutient que le jugement attaqué méconnait le principe du contradictoire dès lors qu'elle n'a disposé que d'un délai de sept mois pour assurer la défense de ses intérêt directs dans une procédure qui aura duré 24 mois devant le premiers juges, dans la mesure où la demande de MM. F... et C..., trois mémoires complémentaires et un mémoire en défense, transmis au tribunal plusieurs mois auparavant (les 2 juin 2021, 21 janvier 2022, 24 mars 2022, 25 mars 2022 et 1er juillet 2022), ne lui ont été communiqués que le 7 décembre 2022 et que l'affaire a été audiencée le 12 juin 2023. 6. Pour regrettable que soit le caractère tardif de la transmission, par le greffe du tribunal administratif à l'association défenderesse, de la demande d'annulation de l'arrêté portant renouvellement de son agrément et de celle, concomitante, de l'ensemble des autres écritures des parties, le délai de sept mois dont elle a ainsi bénéficié pour présenter sa défense ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant porté atteinte au principe du contradictoire. Le moyen doit donc être écarté. En ce qui concerne le refus de reconnaître à M. F... un intérêt pour agir : 7. Par la voie de l'appel incident, les demandeurs de première instance contestent la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté comme irrecevables, faute d'intérêt pour agir, les conclusions de M. F.... 8. En première instance, M. F..., membre de l'association Anticor, faisait uniquement valoir que son recours avait pour objectif de défendre les intérêts moraux de l'association au motif que son fonctionnement ne lui permet pas d'exercer son action conformément à son objet. Il ne justifiait pas, à ce seul titre, d'un intérêt suffisamment personnel et direct à agir à l'encontre d'une décision renouvelant l'agrément qui permet à ladite association, par l'exercice des droits qui lui sont reconnus par l'article 2-23 du code de procédure pénale, de remplir la mission de lutte contre la corruption que lui assignent ses statuts. 9. En revanche, en appel, M. F... invoque un intérêt moral personnel, résultant des dissensions importantes ayant vu le jour au sein de l'association et de la méconnaissance des principes défendus par cette dernière. Il justifie ainsi d'un intérêt direct à contester un acte qui, dans ce contexte, l'affecte personnellement. 10. Il y a donc lieu d'accueillir les conclusions à fin d'appel incident dirigées contre le jugement attaqué, en tant qu'il a regardé les conclusions de la demande de première instance présentées par M. F... comme irrecevables, et d'en prononcer l'annulation dans cette mesure. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance : - S'agissant de l'intérêt à agir de M. C... : 11. Les anciens membres d'une association en conflit avec cette dernière relativement aux modalités de son fonctionnement interne ou aux conditions dans lesquelles elle remplit son objet social ont en principe un intérêt moral à demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation d'une décision d'agrément qui lui est favorable, lorsqu'elle présente un lien suffisant avec le différend qui les oppose. 12. Ainsi que l'on relevé à bon droit les premiers juges, il est constant que M. C... est ancien vérificateur des comptes de l'association et membre de son comité d'éthique, qu'il avait, avant sa saisine du tribunal administratif de Paris, alerté le ministère de la justice sur des dysfonctionnements de l'association par un courrier du 16 juin 2020, puis été exclu de l'association le 17 septembre 2020 en raison des modalités selon lesquelles il avait dénoncé des dérives de fonctionnement. Dans ces conditions, et alors qu'il a au demeurant fait l'objet d'une plainte pour dénonciation calomnieuse de la part de l'association en décembre 2021, il doit être regardé comme ayant un intérêt personnel suffisamment direct et certain à contester la décision d'agrément attaquée, dont la délivrance est subordonnée à l'absence de dysfonctionnements tels que ceux qu'il avait dénoncés. En ce qui concerne la légalité de la décision litigieuse : 13. Aux termes de l'article 2-23 du code de procédure pénale : " Toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions suivantes : / 1° Les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, réprimées aux articles 432-10 à 432-15 du code pénal ; / 2° Les infractions de corruption et trafic d'influence, réprimées aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 du même code ; / 3° Les infractions de recel ou de blanchiment, réprimées aux articles 321-1, 321-2, 324-1 et 324-2 dudit code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ; 4° Les infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral. / Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles les associations mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent être agréées. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2014-327 du 12 mars 2014 relatif aux conditions d'agrément des associations de lutte contre la corruption en vue de l'exercice des droits reconnus à la partie civile : " L'agrément prévu à l'article 2-23 du code de procédure pénale peut être accordé à une association se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption lorsqu'elle remplit les conditions suivantes : / 1° Cinq années d'existence à compter de sa déclaration ; / 2° Pendant ces années d'existence, une activité effective et publique en vue de lutter contre la corruption et les atteintes à la probité publique, appréciée notamment en fonction de l'utilisation majoritaire de ses ressources pour l'exercice de cette activité, de la réalisation et de la diffusion de publications, de l'organisation de manifestations et la tenue de réunions d'information dans ces domaines ; / 3° Un nombre suffisant de membres, cotisant soit individuellement, soit par l'intermédiaire d'associations fédérées ; / 4° Le caractère désintéressé et indépendant de ses activités, apprécié notamment eu égard à la provenance de ses ressources ; / 5° Un fonctionnement régulier et conforme à ses statuts, présentant des garanties permettant l'information de ses membres et leur participation effective à sa gestion. ". 14. Le Premier ministre, après avoir notamment rappelé, dans les motifs de l'arrêté litigieux, diverses circonstances afférentes tant au renouvellement du conseil d'administration de l'association qu'à des dons reçus par elle, dans des conditions contestées, a considéré que : " ces éléments, et en particulier l'absence de transparence sur ce don conséquent, sont de nature à faire naitre un doute sur le caractère désintéressé et indépendant des activités passées de l'association, et (...) l'absence de formalisation, par les statuts de l'association, des procédures d'information du conseil d'administration conjuguée à la non-information effective de celui-ci n'ont pas, par le passé, garanti l'information de ses membres et leur participation effective à la gestion de l'association ; (...) toutefois (...) l'association a, dans le cadre de la procédure d'instruction de sa demande de renouvellement d'agrément, manifesté l'intention de recourir à un commissaire aux comptes pour accroitre la transparence de son fonctionnement financier, ainsi qu'une refonte de ses statuts et de son règlement intérieur ". 15. En premier lieu, il ressort ainsi des termes mêmes de l'arrêté litigieux, et comme l'ont relevé les premiers juges, de première part, que l'administration a entendu relever que l'absence de transparence sur les dons conséquents réalisés par une personne physique à l'association, sont de nature à faire naitre un doute sur le caractère désintéressé et indépendant des activités passées de l'association, et, en outre, que l'absence de formalisation, par les statuts de l'association, des procédures d'information du conseil d'administration conjuguée à la non-information effective de celui-ci n'ont pas, par le passé, garanti l'information de ses membres et leur participation effective à la gestion de l'association et, de seconde part, que pour accorder le renouvellement malgré ces éléments témoignant du non-respect des conditions prévues aux termes des dispositions précitées des 4° et 5° de l'article 1er du décret du 12 mars 2014, le Premier ministre a considéré que l'association avait, dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande de renouvellement, manifesté l'intention de se doter d'un commissaire aux comptes pour accroitre la transparence de son fonctionnement financier et de procéder à une refonte de ses statuts et de son règlement intérieur. 16. Les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 12 mars 2014 ne permettent pas à l'administration d'accorder l'agrément à une association qui n'en remplit pas les conditions. Dès lors, le Premier ministre ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, se fonder sur la circonstance que l'association se serait engagée à prendre des mesures correctives visant à se mettre en conformité avec ses obligations postérieurement à la date de la décision d'agrément. Le moyen ainsi articulé par l'association requérante doit donc être écarté. 17. En deuxième lieu, l'association requérante sollicite qu'il soit procédé à une substitution de motifs, en soutenant que les réserves émises dans les motifs de l'arrêté litigieux ne sont pas fondées et qu'elle satisfait à l'ensemble des conditions posées par le décret du 12 mars 2014. 18. Une substitution de motifs ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'administration auteur de la décision attaquée. La demande de l'association doit donc être écartée. 19. En troisième lieu, eu égard aux finalités poursuivies par le législateur avec l'instauration du régime d'agrément prévu à l'article 2-23 du code de procédure pénale, l'association requérante ne peut utilement ni même sérieusement soutenir que l'annulation d'une décision lui renouvelant cet agrément méconnaitrait son droit à l'accès à un juge. 20. Il résulte de ce qui précède que l'association Anticor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, fait droit aux conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du Premier ministre du 2 avril 2021 renouvelant l'agrément de cette association au titre de l'article 2-23 du code de procédure pénale. En ce qui concerne la modulation dans le temps des effets de l'annulation de la décision litigieuse : 21. L'association requérante conteste le refus des premiers juges de différer les effets de l'annulation de l'agrément et demande à la Cour d'y procéder, pour un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir, afin de laisser au Premier ministre, dans cet intervalle, le temps nécessaire pour reprendre un arrêté d'agrément, et de juger que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de l'arrêt à intervenir, les effets produits par l'agrément du 2 avril 2021 antérieurement à son annulation sont regardés comme définitifs. Elle soutient que l'annulation de l'agrément a pour effet de fragiliser les procédures pénales engagées à sa demande, en particulier celles qui ont été introduites malgré l'inertie du parquet et qu'elle pourrait créer un effet d'aubaine pour toutes les personnes mises en cause pour des faits d'atteinte à la probité, en l'empêchant de se constituer partie civile dans de nouvelles affaires afin de pallier à l'inertie du parquet ou d'interrompre la prescription, de se constituer partie civile lors des prochaines audiences, ou encore de former de nouvelles demandes d'actes en cours d'instruction et de formuler des observations à la suite de l'avis de fin d'information, et en faisant courir un risque d'annulation de ses constitutions de partie civile et des actes subséquents dans le cadre des procédures d'instruction depuis le 2 avril 2021. 22. D'une part, l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine. 23. D'autre part, lorsque la juridiction d'appel est saisie d'un jugement ayant annulé un acte administratif et qu'il rejette l'appel formé contre ce jugement en ce qu'il a jugé illégal l'acte administratif, la circonstance que l'annulation ait été prononcée par le tribunal administratif avec un effet rétroactif ne fait pas obstacle à ce que le juge d'appel, saisi dans le cadre de l'effet dévolutif, apprécie, à la date à laquelle il statue, s'il y a lieu de déroger en l'espèce au principe de l'effet rétroactif de l'annulation contentieuse et détermine, en conséquence, les effets dans le temps de l'annulation, en réformant le cas échéant sur ce point le jugement de première instance. 24. En l'espèce, eu égard à la finalité poursuivie par les auteurs d'une constitution de partie civile, il n'apparaît pas, alors que l'association requérante n'invoque qu'un nombre très limité de procédures judiciaires en cours susceptibles d'être affectées par un risque de prescription ou de nullité, dans des situations où le ministère public avait décidé ou décidera de ne pas poursuivre, que les conséquences de l'annulation du renouvellement d'agrément emporte des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, après avoir au demeurant précisément analysé les conséquences procédurales de cette annulation, ont refusé de différer son entrée en vigueur. Il n'y a pas davantage lieu pour la Cour de procéder à la modulation sollicitée. La demande présentée en ce sens par l'association requérante doit être rejetée. 25. Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des conclusions d'appel de l'association Anticor doivent être rejetées. Sur les frais du litige : 26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association Anticor, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge, sur le même fondement, le versement d'une somme globale de 1 500 euros à M. C... et à M. F.... DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23PA03813. Article 2 : Le jugement n° 2111821 du 23 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par M. B... F.... Article 3 : Les conclusions de la requête n° 23PA03811 de l'association Anticor sont rejetées. Article 4 : L'association Anticor versera à M. E... C... et à M. B... F... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Anticor, au Premier ministre, à M. E... C... et à M. B... F.... Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, S. DIÉMERTLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 Nos 23PA03811, 23PA03813 |
CETATEXT000048424086 | J2_L_2023_11_00021LY00179 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424086.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 21LY00179, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY00179 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | CARNOT AVOCATS | Mme Emilie FELMY | M. DELIANCOURT | Vu les procédures suivantes : Procédures contentieuses antérieures Par une première requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 janvier 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue de la prise en charge des frais et honoraires relatifs à ses plaintes pour diffamation et harcèlement des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019, et de le réintégrer dans une équipe de permanence, dans ses fonctions de chef d'équipe et le convoquer à nouveau aux réunions d'encadrement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1904789 du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 30 janvier 2019 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Ain et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. B..., et a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la demande de protection fonctionnelle de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par une seconde requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à l'administration de lui accorder le bénéfice de cette protection fonctionnelle en vue d'assurer la prise en charge des frais et honoraires consécutifs à ses plaintes des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019 et à la requête dirigée contre le refus d'octroi de la protection fonctionnelle, et tendant à sa réintégration dans ses fonctions de chef d'équipe et sa participation aux réunions d'encadrement du centre d'incendie et de secours de Lagnieu, enfin de condamner le SDIS de l'Ain à lui verser les sommes respectives de 8 500 euros et de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel et de son préjudice moral. Par un jugement n° 2101823 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B.... Procédures devant la cour I- Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2021 sous le n° 21LY00179, et un mémoire, enregistré le 21 juin 2022, le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain, représenté par Me Prouvez, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020. Il soutient que : - sa décision était justifiée par l'imprécision des faits au soutien de la demande de protection fonctionnelle ; - aucun fait relevant de diffamation ou d'injure n'est caractérisé ; - une substitution de motifs est de nature à justifier la décision en l'absence d'atteinte caractérisée ; - les conclusions à fin d'injonction de réintégration constituent un litige distinct. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 mars 2022 et 11 juillet 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A... B..., représenté par Me Bacha, conclut, dans le dernier état de ses écritures : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce qu'il soit enjoint au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain, d'une part, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue de la prise en charge des frais et honoraires relatifs à ses plaintes pour diffamation et harcèlement des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019 et ceux consécutifs à la présente procédure, d'autre part, de le réintégrer dans une équipe de permanence, dans ses fonctions de chef d'équipe et de le convoquer à nouveau aux réunions d'encadrement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 3°) à ce qu'il soit procédé à la rectification d'erreur matérielle de l'omission, dans le dispositif du jugement, de la condamnation du SDIS de l'Ain au paiement des frais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de l'Ain sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens présentés par le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain ne sont pas fondés. II- Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2022 sous le n° 22LY02087, M. B..., représenté par Me Bacha, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juin 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; 3°) d'enjoindre au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue d'assurer la prise en charge des frais et honoraires consécutifs à ses plaintes des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019 et à la requête dirigée contre le refus d'octroi de la protection fonctionnelle, sa réintégration dans ses fonctions de chef d'équipe et sa participation aux réunions d'encadrement du centre d'incendie et de secours de Lagnieu ; 4°) de condamner le SDIS de l'Ain à lui verser les sommes respectives de 8 500 euros et de 5 000 euros en réparation du préjudice matériel et du préjudice moral qu'il estime avoir subis ; 5°) de mettre à la charge du SDIS de l'Ain une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le fait que la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Lyon ait classé sans suite sa plainte relative aux faits du 29 septembre 2018 ne suffit pas à considérer que les propos tenus les 26 juin 2018 et les 29 septembre 2018 ne constituent pas des " atteintes, injures ou outrages " au sens de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; - les faits dénoncés sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; - les mesures de rétorsion qu'il a subies ne peuvent en aucun cas se rattacher à un exercice " normal " du pouvoir hiérarchique et constituent des " attaques " ouvrant droit au bénéfice de la protection fonctionnelle. Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2023, le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain, représenté par Me Prouvez, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés ; - les conclusions indemnitaires doivent être rejetées en l'absence de faute et d'établissement des préjudices allégués. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Rey, représentant le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain, et celles de Me Bacha, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., sapeur-pompier volontaire au sein du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain, également sapeur-pompier professionnel auprès du service départemental-métropolitain d'incendie et de secours du département du Rhône et de la Métropole de Lyon, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 janvier 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain a rejeté sa demande de protection fonctionnelle présentée le 3 décembre 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 20 février 2019. Par une première requête, le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain relève appel du jugement rendu le 18 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 30 novembre 2019 et a enjoint au président de son conseil d'administration de procéder au réexamen de la demande de protection fonctionnelle de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. A la suite de l'injonction ainsi décidée par le tribunal, le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain a de nouveau refusé d'accorder à M. B... le bénéfice de la protection fonctionnelle par une décision du 15 janvier 2021 dont celui-ci a demandé l'annulation au tribunal administratif de Lyon. Par le jugement du 7 juin 2022 dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. 2. Les requêtes du SDIS de l'Ain et de M. B... concernent la situation de ce dernier, en particulier une même demande d'octroi de la protection fonctionnelle formée par lui, et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 3. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, rendu applicable aux sapeurs-pompiers volontaires par l'article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure, désormais codifié aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique : " (...) / IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". 4. Les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge des collectivités publiques, au profit des fonctionnaires et des agents publics non titulaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'agent concerné dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi. 5. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais repris aux articles L. 133-2 et L. 133-3 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser l'existence de tels agissements. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au regard de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. En outre, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte de l'ensemble des faits qui lui sont soumis, y compris des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés, lorsqu'ils émanent des responsables de l'agent, doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 6. Pour refuser d'accorder, par la décision en litige du 30 janvier 2019, le bénéfice de la protection fonctionnelle demandée le 3 décembre 2018 par M. B... pour des faits dénoncés comme relevant de l'injure ou de la diffamation, ainsi que du harcèlement, le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain s'est fondé sur le défaut de précision desdits faits, notamment les injures et diffamations alléguées, et l'absence d'éléments relatifs à la procédure consécutive à la plainte déposée à l'encontre du directeur du SDIS. Toutefois, l'administration ne conteste pas que la demande de M. B... du 3 décembre 2018 faisait référence au courrier du 3 juillet 2018 adressé par son conseil au directeur départemental du SDIS et à celui du 1er août 2018, adressé par lui-même au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain, qu'elle a reçus, même tardivement comme elle l'allègue sans cependant le démontrer, et qui exposent les griefs exprimés par l'agent à l'encontre du directeur départemental du SDIS, en particulier le caractère " diffamatoire " des propos tenus par celui-ci. Au surplus, il ressort du recours gracieux formé le 18 février 2019 par M. B... à l'encontre de la décision du 30 janvier 2019 que celui-ci précisait les éléments de faits justifiant la demande de protection fonctionnelle, notamment son dépôt de plainte du 9 novembre 2018 à la suite de " propos injurieux portant atteinte à son honneur et sa dignité ", et l'adoption de la délibération du 14 décembre 2018 du bureau du conseil d'administration du SDIS qui accordait le bénéfice de la protection fonctionnelle au directeur départemental de cet établissement public. Dans ces conditions, le SDIS de l'Ain n'établit pas que M. B... n'aurait pas suffisamment précisé les dénonciations pour lesquelles il sollicitait le bénéfice de la protection fonctionnelle ni qu'il ne pouvait par suite apprécier utilement l'opportunité d'une telle demande. Dès lors, ainsi que les premiers juges l'ont retenu, le motif d'imprécision de la demande de protection fonctionnelle présentée par M. B..., opposé par le SDIS de l'Ain dans la décision en litige, est entaché d'erreur d'appréciation. 7. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. 8. En premier lieu, s'il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental du SDIS de l'Ain a tenu le 26 juin 2018 des propos à l'intérieur de la caserne de Lagnieu évoquant notamment " un volontaire au centre de secours de Lagnieu, professionnel au SDMIS et représentant syndical qui est indigne d'être pompier et de composer l'encadrement de la caserne de Lagnieu...", puis lors de la clôture du congrès national des sapeurs-pompiers le 29 septembre 2018, que M. B... " n'a rien à faire chez les pompiers, s'il n'a pas les valeurs de l'organisation, il n'a qu'à la quitter ", il résulte de la décision de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Lyon du 2 avril 2020 qui s'est prononcée à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 9 novembre 2018 par M. B... sur la qualification des propos tenus le 29 septembre 2018 par le directeur départemental du SDIS, que ceux-ci ne présentaient pas un caractère diffamatoire. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... aurait été nommément désigné lorsque le directeur a tenu les propos dénoncés par celui-ci en juin 2018. Ainsi, dès lors que l'ensemble des propos incriminés, tenus en juin et septembre 2018, ne visent pas un fait imputé à M. B..., en particulier un hypothétique mauvais agissement qui lui serait reproché, ceux-ci ne peuvent être qualifiés d'injures ou d'affirmations portant atteinte à son honneur ou à sa réputation. Enfin, si par délibération du 14 décembre 2018, le SDIS de l'Ain a accordé au directeur départemental de l'établissement le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison de l'information judiciaire ouverte à son encontre à la suite de la plainte pour diffamation de M. B..., il ressort des pièces du dossier que le bénéfice de cette protection lui a été retiré par délibération du bureau du conseil d'administration du 13 septembre 2019. Par suite, les faits à l'origine de la demande de M. B... ne relèvent pas du champ d'application des dispositions rappelées au point 4, et le motif tiré de l'absence de fait d'injure ou de diffamation doit être accueilli au titre de la substitution demandée par le SDIS. 9. En deuxième lieu, M. B... fait état, au titre du harcèlement qu'il dénonce, de la dégradation des conditions d'exercice de ses fonctions et des conditions dans lesquelles, dans un contexte marqué par sa présentation d'une demande indemnitaire préalable puis d'une requête contentieuse fondées sur la méconnaissance par le SDIS des règles relatives aux obligations de service et à la rémunération des sapeurs-pompiers volontaires et résultant selon lui de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il a été amené à déposer plainte à raison de propos tenus publiquement à son égard par le directeur du SDIS les 26 juin et 29 septembre 2018 et des décisions prises à son encontre aux mois de septembre et de novembre 2018, constitutives selon lui de mesures de rétorsion, consistant en particulier à lui interdire de dormir en caserne, à lui retirer ses fonctions de chef d'équipe et à l'exclure des équipes de permanence et des réunions d'encadrement. Toutefois, il ne ressort ni des appréciations critiques portées au sujet de M. B... par le directeur du SDIS, ni de la circonstance que le SDIS aurait procédé à un rappel du régime des nuitées en caserne ou à l'organisation d'un planning des gardes, que M. B... ferait l'objet d'un traitement particulier de la part de ses supérieurs. Ainsi, le SDIS expose sans être utilement contesté, notamment par l'attestation produite par M. B..., que seuls les sapeurs-pompiers de garde la nuit et affectés à ce titre à une activité opérationnelle conservent la possibilité de dormir à la caserne. En outre, le SDIS justifie avoir fait droit à la demande de son agent de ne plus être affecté à des disponibilités programmées, gardes et astreintes, qu'il considérait non conformes au droit européen et préjudiciables à sa santé et sa sécurité, lui permettant ainsi, dès lors que cette demande impliquait le retrait des permanences et des fonctions d'encadrement, de relever d'un état de disponibilité ou de renfort compatible avec son emploi du temps professionnel. Par suite, il ne résulte pas des éléments apportés par M. B... au soutien de sa requête que les faits qu'il dénonce seraient susceptibles de caractériser des agissements de harcèlement moral au sens des dispositions rappelées au point 5, traduisant notamment un exercice anormal du pouvoir hiérarchique. 10. S'il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. B... à l'encontre de cette décision, il ne ressort ni des mémoires d'appel ni des mémoires de première instance que ce dernier aurait invoqué d'autres moyens à l'appui de ses conclusions. Il résulte ainsi de ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 30 novembre 2019 par laquelle le président de son conseil d'administration a rejeté la demande de protection fonctionnelle de M. B..., ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux. Ce jugement doit dès lors être annulé et les conclusions présentées par ce dernier en première instance doivent être rejetées. 11. Il n'y a par suite pas lieu d'une part, alors au surplus que de telles conclusions présentées par M. B... sont irrecevables, de faire procéder à la rectification des erreurs matérielles qui entacheraient ce jugement. D'autre part, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... dans l'instance n° 21LY00179 ne peuvent qu'être rejetées dès lors que le présent arrêt annule le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020 et rejette les conclusions de M. B... présentées en première instance. 12. Il résulte des motifs retenus aux points 8 et 9 que le nouveau refus de protection fonctionnelle opposé à M. B... par la décision en cause du 15 janvier 2021, fondé sur les circonstances que celui-ci n'établissait pas les faits d'injures dénoncés, que les propos dénoncés ne relevaient ni de la diffamation ni du harcèlement, et enfin qu'il ne justifiait d'aucune atteinte au sens des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2021 et, par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires. Par suite, l'ensemble de ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction, de condamnation du SDIS de l'Ain au versement de sommes et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020 est annulé. Article 2 : La requête de M. B..., ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2019 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Ain et ses conclusions accessoires présentées tant devant le tribunal administratif qu'en appel dans l'instance n° 21LY00179 sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours de l'Ain. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY00179, 22LY02087 |
CETATEXT000048424089 | J2_L_2023_11_00021LY01825 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424089.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 21LY01825, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY01825 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | JARS PAPPINI & ASSOCIES | Mme Emilie FELMY | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La société Keller Dorian Graphics a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a imposé des prescriptions complémentaires à la suite de la cessation des activités de l'établissement situé 10 bis rue Saint-Eusèbe dans le 3ème arrondissement de Lyon. Par un jugement n° 1907748 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 30 juillet 2021, la ministre de la transition écologique demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 avril 2021 ; 2°) de rejeter la demande de la société Keller Dorian Graphics. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier à défaut de signature de la minute par le président de la formation de jugement et le greffier d'audience ; - il est insuffisamment motivé ; - les prescriptions imposées à la société Keller Dorian Graphics n'excédaient pas les mesures de remise en état pouvant être mises à sa charge. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, la société Keller Dorian Graphics, représentée par Me Jars, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête de la ministre est irrecevable ; - à titre subsidiaire, les moyens présentés par la ministre ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 22 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, - et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La société Keller Dorian Graveurs, spécialisée dans les activités d'impression de sols plastiques et papiers peints, a exploité entre 1919 et 2000 un site industriel soumis à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement au 10 bis rue Saint-Eusèbe dans le 3ème arrondissement de Lyon. La société Keller Dorian Graphics, ayant pour activité la fourniture de cylindres gravés, a repris l'ensemble des activités du site, à l'exception de celle relative au traitement de surface utilisant le chrome, la société Keller Dorian Graveurs restant propriétaire du terrain. A la suite de l'arrêt des activités de la société Keller Dorian Graphics en 2004 et de l'instruction de sa demande de cessation d'activité, des pollutions aux chrome, solvants chlorés, hydrocarbures et polychlorobiphényles (PCB) ont été relevées sur le site. Le préfet du Rhône a fixé, par plusieurs arrêtés en 2006 et 2007, des prescriptions de remise en état du site. Par courrier du 27 octobre 2009, la société Keller Dorian Graveurs lui a indiqué reprendre les obligations de la société Keller Dorian Graphics dans le cadre de la procédure de cessation d'activité et vouloir rendre compatible le site avec un usage d'habitation. Par un arrêté du 9 novembre 2012, le préfet du Rhône a prescrit à la société Keller Dorian Graveurs les travaux de dépollution du site. Par un jugement du 5 novembre 2015, que la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé le 27 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé et réformé cet arrêté en considérant que seuls les seuils de dépollution relatifs au chrome étaient susceptibles d'être rendus opposables à la société Keller Dorian Graveurs. Par un arrêté du 31 juillet 2019, le préfet du Rhône a fixé à l'encontre de la société Keller Dorian Graphics des prescriptions complémentaires, lui imposant de surveiller pendant un an, de manière trimestrielle, la qualité de l'air intérieur et des gaz de sols au droit du bâtiment A de la résidence d'habitation édifiée en lieu et place du site industriel anciennement exploité. La ministre de la transition écologique relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ce nouvel arrêté. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Contrairement à ce que soutient la société défenderesse, la ministre, qui a au demeurant produit un mémoire ampliatif à sa requête régulièrement communiqué à la partie défenderesse, a présenté au soutien de celle-ci des moyens et conclusions conformes aux prescriptions imposées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Il y a par suite lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la société Keller Dorian Graphics. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.". L'article L. 512-6-1 du même code dispose : " Lorsque l'installation soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation ". Selon l'article R. 512-31 de ce code : " Des arrêtés complémentaires peuvent être pris sur proposition de l'inspection des installations classées et après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ils peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 rend nécessaires ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié. (...) ". Son article R. 512-39-4 prévoit que : " I. - A tout moment, même après la remise en état du site, le préfet peut imposer à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 181-45, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / En cas de modification ultérieure de l'usage du site, l'exploitant ne peut se voir imposer de mesures complémentaires induites par ce nouvel usage sauf s'il est lui-même à l'initiative de ce changement d'usage. (...) ". Enfin selon son article R. 512-39-5 : " Pour les installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, le préfet peut imposer à tout moment à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 512-31, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, en prenant en compte un usage du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation. ". 4. En application des dispositions de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de 'l'environnement, reprises aux articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement, l'obligation de remise en état du site prescrite pour les installations soumises à autorisation, aux articles R. 512-39-1 et suivants du même code, pèse sur le dernier exploitant de l'installation ou sur son ayant-droit. Cette obligation est applicable aux installations de la nature de celles soumises à autorisation en application du titre 1er du livre V du code de l'environnement, dès lors que ces installations demeurent susceptibles de présenter les dangers ou inconvénients énumérés à l'article L. 511-1 de ce code. Dans cette hypothèse, l'obligation de remise en état du site pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant-droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant-droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant. Il incombe ainsi à l'exploitant d'une installation classée, à son ayant-droit ou à celui qui s'est substitué à lui, de mettre en œuvre les mesures permettant la remise en état du site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement. L'autorité administrative peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et, en cas de défaillance de celles-ci, y faire procéder d'office et à leurs frais. 5. D'une part, ainsi que le tribunal administratif de Lyon l'a retenu dans un jugement n° 1300498 du 5 novembre 2015 que la Cour a confirmé par un arrêt n° 16LY00158 du 27 mars 2018, la société Keller Dorian Graveurs, antérieurement responsable d'une pollution au chrome, ne pouvait se voir imputer les obligations de surveillance du site précédemment exploité dès lors qu'elle ne s'était pas formellement substituée à la société Keller Dorian Graphics, responsable d'une pollution aux solvants chlorés, en sa qualité d'ancien exploitant. Par suite, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le procès-verbal de recollement du 14 avril 2016 adressé à la société Keller Dorian Graveurs, évaluant les seules mesures de dépollution relatives au chrome mises à la charge de cette société pour un usage de type industriel, ne permet pas d'établir que les mesures prises par elle afin de procéder à la reconversion des lieux en site affecté à l'habitation auraient été suffisantes au regard des obligations, nécessairement de nature différente, incombant à la société Keller Dorian Graphics. 6. D'autre part, si la société Keller Dorian Graphics, en sa qualité de dernier exploitant connu, est soumise à une obligation de remise en état en vertu des dispositions des articles L. 511-1 et suivants et de l'article R. 512-39-5 du code de l'environnement et demeure tenue de satisfaire aux prescriptions additionnelles liées à l'apparition ou à la persistance des risques ou inconvénients que son ancienne activité suscite, une telle obligation ne s'étend qu'aux mesures de réhabilitation pour un usage du site comparable à l'usage industriel qu'elle en faisait à la date à laquelle elle a cessé son activité et non pas ses futurs usages possibles, et notamment un usage d'habitation. Toutefois, en l'espèce, le préfet a limité les obligations imposées à la société à une surveillance du site. Sur ce point, la ministre fait valoir que des pollutions en composés organiques volatiles halogénés et en hydrocarbures volatils (COHV) ont été identifiées au sein de l'emprise foncière de l'ancienne installation exploitée par la société Keller Dorian Graphics et que des incertitudes sur la teneur et sur la concentration de ces substances nocives dans l'air intérieur du bâtiment d'habitation édifié sur l'emprise du site ne permettent en tout état de cause pas de déterminer si l'état actuel du site est conforme à un usage industriel. Pour établir que le site est compatible avec l'usage qui en était fait lorsque celle-ci y exploitait son établissement, la société Keller Dorian Graphics produit une étude de fin de travaux de réhabilitation réalisée par le bureau d'étude Arcadis en 2014 ainsi qu'un courrier de la société AECOM, apportant des réponses à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Auvergne-Rhône-Alpes dans le cadre d'une réunion de novembre 2018, indiquant que la situation à la date de fin des travaux révélait l'absence d'impact significatif en COHV dans les sols à l'aplomb des bâtiments, en particulier la faible présence de ces composés dans les gaz du sol à l'aplomb du bâtiment A, et l'absence d'impact dans l'air ambiant du logement. Il ressort cependant du rapport de la DREAL du 22 mars 2019 que cette étude est affectée de carences méthodologiques concernant notamment l'évaluation des pollutions des sols, du fait de l'imprécision de l'emplacement et des modalités des prélèvements dans les fouilles, la quasi-absence d'investigation au-delà de trois mètres lors du diagnostic initial, l'absence de production des procès-verbaux d'analyse, le caractère fragmentaire et l'absence de contexte des analyses réalisées après les excavations, l'absence de contrôle de plusieurs mailles impactées significativement en COHV et de représentativité des résultats d'analyse fournis pour une maille concernée par les pollutions en COHV identifiées avant les travaux dans la même zone et, en ce qui concerne les gaz présents dans les sols, l'absence de recherche d'hydrocarbures volatils. Si l'étude d'analyse de risques résiduels de 2014 conclut que les investigations réalisées à l'issue des travaux de dépollution semblent montrer la présence, sous le bâtiment A, d'une pollution diffuse aux COHV, l'inspection retient que cette conclusion n'est pas fiable et qu'il existe un impact important de ces composés sur la qualité de l'air des sols, d'un ordre de grandeur ne permettant pas d'exclure a priori un risque inacceptable vis-à-vis de l'usage retenu pour le site. Concernant enfin la qualité de l'air intérieur dans le bâtiment A, la DREAL estime que les résultats relatifs à la pollution des sols, présentés comme ayant un impact inférieur aux valeurs de référence, ne sont pas fiables en raison de la campagne menée en période hivernale, de nature à minimiser significativement les résultats obtenus, et de l'absence de campagnes complémentaires destinées à garantir la représentativité de ces résultats. Par suite, à supposer même que l'étude produite par la société en 2014 ait été complète, compte tenu des connaissances scientifiques à cette date et des obligations règlementaires en vigueur, l'arrêté litigieux du 31 juillet 2019 qui retient que la société Keller Dorian Graphics n'est pas en mesure de fournir un état des lieux précis des pollutions résiduelles en solvants chlorés dont elle est responsable, n'est entaché ni d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation. 7. Dans ces conditions, compte tenu non de la destination d'habitation du site retenue par l'arrêté attaqué aux termes d'un motif surabondant faisant référence à l'impact sur la santé des résidents de l'immeuble, mais des incertitudes sur les mesures réalisées et l'état des lieux de la pollution résiduelle en solvants chlorés dont elle est responsable, et alors même que la société Keller Dorian Graphics ne conteste pas qu'une telle pollution présente des dangers ou des inconvénients notamment pour la protection de la nature et de l'environnement, les mesures de surveillance imposées par le préfet, qui visent à assurer une meilleure connaissance des sources de pollution et de leur impact sur les milieux, n'excèdent pas, ainsi que la ministre le fait valoir, les prescriptions nécessaires et utiles à la protection des intérêts écologiques et sanitaires auxquels se réfère l'article L. 511-1 du code de l'environnement, au sens de l'article R. 512-39-5 précité. Par suite, l'arrêté litigieux n'est pas entaché d'illégalité de ce fait. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni de se prononcer sur la substitution de base légale demandée par l'appelante, que la ministre de la transition écologique est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 31 juillet 2019. 9. Dans le cadre de l'examen incombant à la cour ainsi saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, il résulte de la demande présentée par la société Keller Dorian Graphics devant le tribunal administratif de Lyon que celle-ci n'a soulevé aucun autre moyen. Par conséquent, le jugement du tribunal administratif doit être annulé et les conclusions de la société devant le tribunal administratif de Lyon doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société Keller Dorian Graphics demande au titre des frais qu'elle a exposés dans la présente instance. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 avril 2021 est annulé. Article 2 : La demande de la société Keller Dorian Graphics est rejetée. Article 3 : Les conclusions de la société Keller Dorian Graphics présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Keller Dorian Graphics. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra BertrandLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY01825 |