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CETATEXT000048452247
J1_L_2023_11_00022PA03147
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA03147, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03147
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
NJOYA
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres exécutoires n° IDF 1 192900004399 et n° IDF 1 192900004404 émis le 13 mai 2019 par la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis pour le recteur de l'académie de Paris et d'un montant respectif de 245,54 et 539,67 euros en remboursement de trop-perçus de rémunération et de la décharger du paiement de ces sommes. Par un jugement n° 2006025 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juillet 2022 et 17 février 2023, Mme A..., représentée par Me Njoya, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler les titres exécutoires n° IDF 1 192900004399 et n° IDF 1 192900004404 émis le 13 mai 2019 par la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis pour le recteur de l'académie de Paris et d'un montant respectif de 245,54 et 539,67 euros en remboursement de trop-perçus de rémunération ; 3°) de lui accorder la remise gracieuse de sa dette ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Njoya au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État. Elle soutient que : - elle aurait dû bénéficier d'un plein traitement pendant l'ensemble de ses congés de maladie dès lors qu'elle n'a jamais été placée en congé de maladie pendant plus d'un mois cumulé par année civile ; - le remboursement du trop-perçu de traitement pendant les périodes de congé de maladie du 10 au 19 novembre 2017 et du 17 au 31 janvier 2018 ne peut être exigé deux fois; - le titre de perception n° IDF 1 192900004404 émis le 13 mai 2019 est dépourvu de fondement légal dès lors qu'elle n'a pas été placée en arrêt maladie pendant la période du 30 mars 2018 au 10 avril 2018 et qu'elle n'a pas perçu d'indemnités journalières de la part de la caisse primaire d'assurance maladie au titre de cette période ; malgré sa demande, son employeur ne lui a pas communiqué les justificatifs concernant cet arrêt maladie ; dans ces conditions, le recteur de l'académie de Paris ne peut lui réclamer un trop-perçu de rémunération au titre de cette période ; - l'administration ne peut légalement émettre deux titres de perception et deux mises en demeure portant sur des sommes différentes mais concernant des périodes identiques ; - la somme qu'elle a indûment perçue s'élève à seulement 245,54 euros et elle a déjà été retenue sur sa rémunération ; - les pénalités qui lui ont été appliquées ne sont pas dues dès lors qu'elle a formé une réclamation contre les titres de perceptions contestés auprès de la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis dès juin 2019 ; - à titre subsidiaire, elle sollicite la remise gracieuse totale de la dette au vu de sa bonne foi, de son état de santé et de sa situation financière. Par un mémoire enregistré le 5 avril 2023, le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de le déclarer hors de cause et conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - le recteur de l'académie de Paris est seul compétent pour conclure en défense, au nom de l'État, en matière de contestations relatives à la régularité du titre de perception, l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité ; - en outre, le comptable public ne peut décider seul d'accorder une remise gracieuse. Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2023, le recteur de l'académie de Paris conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par un courrier du 5 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la cour est susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public, relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par Mme A... tendant à ce que la cour lui accorde une remise gracieuse de sa dette dès lors que le juge administratif ne peut se substituer à l'administration qui seule peut se prononcer en ce sens et dont le refus peut, le cas échéant, être contesté devant le juge administratif. Par une décision du 21 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Njoya, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Le 27 janvier 2017, Mme A... a été recrutée par le recteur de l'académie de Paris pour la période comprise entre le 30 janvier 2017 et le 31 août 2017 en qualité d'accompagnante d'élèves en situation de handicap. Son contrat a été renouvelé du 1er septembre 2017 au 31 août 2018. Pendant la période d'exécution de ces contrats, elle a dû être à plusieurs reprises placée en congés du fait de son état de santé. Diverses retenues sur traitement ont été pratiquées sur ses bulletins de paie d'avril, mai, juin, juillet et août 2018 en raison d'un trop-perçu de traitement. Son contrat étant arrivé à échéance, le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis agissant pour le recteur de l'académie de Paris a émis à son encontre le 13 mai 2019 des titres de perception n° IDF 1 192900004399 et n° IDF 1 192900004404 d'un montant respectif de 245,54 et de 539,67 euros correspondant à un trop-perçu de traitement sur les périodes durant lesquelles l'intéressée était placée en congé de maladie. Par un jugement du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces titres de perception et à la décharge de l'obligation de payer les sommes de 245,54 et de 539,67 euros. Mme A... relève appel de ce jugement et doit être regardée comme demandant également à la cour de prononcer la décharge du paiement de ces sommes. Sur la recevabilité des conclusions tendant à ce que la cour accorde une remise gracieuse de la dette : 2. Les conclusions présentées par Mme A... tendant à ce que la cour lui accorde une remise gracieuse de sa dette sont irrecevables dès lors que le juge administratif ne peut se substituer à l'administration qui seule peut se prononcer en ce sens et dont le refus peut, le cas échéant, être contesté devant le juge administratif. Il appartient le cas échéant à la requérante, si elle s'y croit fondée, de demander au recteur de l'académie de Paris de lui accorder la remise gracieuse de sa dette ou, à tout le moins, un rééchelonnement de celle-ci. Sur les conclusions à fin d'annulation des titres de perception : 3. Aux termes de l'article 12 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'agent non titulaire en activité bénéficie, sur présentation d'un certificat médical, pendant une période de douze mois consécutifs si son utilisation est continue ou au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs si son utilisation est discontinue, de congés de maladie dans les limites suivantes : Après quatre mois de services : - un mois à plein traitement ; - un mois à demi-traitement ; /Après deux ans de services : - deux mois à plein traitement ;- deux mois à demi-traitement ; /Après trois ans de services : - trois mois à plein traitement ; - trois mois à demi-traitement ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La réglementation du régime général de sécurité sociale ainsi que celle relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sont applicables, sauf dispositions contraires, aux agents contractuels visés à l'article 1er du présent décret. (...) Les prestations en espèces versées par les caisses de sécurité sociale en matière de maladie, (...) sont déduites du plein ou du demi-traitement maintenu par l'administration durant les congés prévus aux articles 12 à 15. (...) ". 4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a été recrutée par le recteur de l'académie de Paris à partir du 30 janvier 2017 et qu'elle ne disposait pas d'une durée de service de deux ans à la date de ses congés de maladie. En outre, il ressort du relevé récapitulatif des périodes d'absence pour maladie de Mme A... qu'elle n'a pas été placée en congé de maladie de manière continue. Dans ces conditions, Mme A... bénéficiait, en application des dispositions précitées de l'article 12 du décret du 17 janvier 1986, de congés de maladie d'un mois à plein traitement et d'un mois à demi-traitement au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la requérante a été placée en congé de maladie à plein traitement du 6 juin au 5 juillet 2017, soit pendant la durée d'un mois fixée par les dispositions précitées. Elle a été placée en congés de maladie du 6 au 7 juillet 2017 (deux jours), du 10 au 19 novembre 2017 (dix jours), du 17 au 31 janvier 2018 (quinze jours), soit pendant vingt-sept jours. La requérante soutient qu'elle n'a pas été placée en congé de maladie pendant la période du 30 mars 2018 au 10 avril 2018. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'arrêté du 17 mai 2018 du recteur de l'académie de Paris, que Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement du 30 mars 2018 au 3 avril 2018, soit pendant cinq jours. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... a contesté cet arrêté. Dans ces conditions, pendant la période du 6 juillet 2017 au 3 avril 2018, Mme A... a été placée en congés de maladie pendant un total de trente-deux jours. Au titre de ces congés, elle ne pouvait légalement percevoir qu'un demi-traitement pendant une période équivalente à un mois. Mme A... ayant continué à percevoir un plein traitement, le recteur de l'académie de Paris était fondé à lui demander le remboursement du trop-perçu de rémunération au titre de ces congés de maladie. En outre, le recteur de l'académie de Paris a fait une exacte application des dispositions de l'article 12 du décret du 17 janvier 1986 en estimant que Mme A... avait épuisé ses droits à traitement à partir du 4 avril 2018 et qu'elle devait donc être placée en congé sans traitement. Par un arrêté du 4 juin 2018, il a, par suite, placé l'intéressée en congé de maladie sans traitement pour la période du 4 avril au 10 avril 2018. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... a contesté cet arrêté. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû percevoir un plein traitement pendant l'ensemble de ses congés de maladie. 5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a indûment perçu 160,92 euros au titre de la période du 10 au 19 novembre 2017, 225,29 euros au titre de la période du 17 au 31 janvier 2018, 45,48 euros au titre de la période du 30 mars au 3 avril 2018 et 227,42 euros au titre de la période du 4 au 10 avril 2018. 6. S'agissant du trop-perçu de 160,92 euros, une retenue sur traitement de 53 euros a été effectuée sur le bulletin de paie du mois de juin 2018 de l'intéressée, qui restait donc redevable de la somme de 107,92 euros. Le recteur de l'académie de Paris a ainsi pu mettre à la charge de Mme A... cette somme par le titre exécutoire n° IDF 1 192900004404. En ce qui concerne le trop-perçu de 225,29 euros pour la période du 17 au 31 janvier 2018, il résulte de l'instruction qu'aucune retenue sur traitement n'a été effectuée. Dans ces conditions, la somme de 225,29 euros a été mise à juste titre à la charge de l'intéressée par le titre de perception n° IDF 1 192900004399. S'agissant du trop-perçu de 45,48 euros pour la période du 30 mars au 3 avril 2018, une retenue sur traitement de 33,16 euros a été effectuée sur le bulletin de paie de juillet 2018 de Mme A... qui restait donc redevable d'une somme de 12,32 euros. Cette somme a ainsi été mise à juste titre à sa charge par le titre exécutoire n° IDF 1 192900004404. En ce qui concerne le trop-perçu de 227,42 euros pour la période du 4 au 10 avril 2018, une retenue sur traitement de 28,26 euros a été effectuée sur le bulletin de paie d'août 2018 de Mme A... et le recteur de l'académie de Paris a pu mettre à sa charge le différentiel, c'est-à-dire la somme de la somme de 199,16 euros, par le titre exécutoire n° IDF 1 192900004404. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la somme qu'elle a indûment perçue s'élève à seulement 245,54 euros et que le trop-perçu aurait été intégralement retenu sur sa rémunération. 7. En troisième lieu, si les titres de perception n° IDF 1 192900004399 et n° IDF 1 192900004404 émis à l'encontre de Mme A... le 13 mai 2019 par le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis mentionnent tous deux le remboursement d'un " trop-perçu demi-traitement suite à un congé de maladie demi-traitement " pour la période du 10 au 19 novembre 2018, il résulte de l'instruction que le titre de perception n° IDF 1 192900004399 d'un montant de 245,54 euros concerne le remboursement des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Seine-Saint-Denis au titre de cette période à hauteur de 18,28 euros alors que le titre de perception n° IDF 1 192900004404 d'un montant de 539,67 euros porte sur le remboursement du trop-perçu de traitement au titre de cette même période à hauteur de 107,92 euros. Mme A... ne conteste pas les montants retenus par le recteur de l'académie de Paris au titre du trop-perçu de traitement et des indemnités journalières en matière de maladie versées par la CPAM, dont le montant est au demeurant justifié par l'attestation de paiement des indemnités journalières établie par la CPAM de la Seine-Saint-Denis le 1er mars 2019, et qui, en application des dispositions de l'article 2 du décret du 17 janvier 1986 citées au point 2, doivent être déduites du demi-traitement maintenu par l'administration. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le recteur de l'académie de Paris lui demanderait de rembourser deux fois le trop-perçu de traitement au titre de la période du 10 au 19 novembre 2018. 8. En quatrième lieu, si les titres de perception en litige mentionnent un remboursement d'un " trop-perçu traitement du 17 janvier au 31 janvier 2018 suite à un congé de maladie ", il résulte de l'instruction que le titre de perception n° IDF 1 192900004399 d'un montant de 245,54 euros correspond au remboursement du trop-perçu de traitement au titre de cette période à hauteur de 225,29 euros et que le titre de perception n° IDF 1 192900004404 d'un montant de 539,67 euros concerne le remboursement des indemnités journalières en matière de maladie versées par la CPAM restant dues, soit 141,18 euros sur un montant total justifié par l'attestation de la CPAM de la Seine-Saint-Denis du 1er mars 2019 de 196,08 euros, la somme de 55 euros ayant déjà été précomptée sur le traitement du mois de mai 2018 de l'intéressée. Mme A... ne conteste pas les montants retenus par le recteur de l'académie de Paris au titre du trop-perçu de traitement et des indemnités journalières en matière de maladie versées par la CPAM. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les titres de perception contestés porteraient sur le remboursement du même trop-perçu sur demi-traitement au titre du congé de maladie de Mme A... pour la période du 17 janvier au 31 janvier 2018 doit être écarté. 9. En cinquième lieu, la requérante soutient qu'elle n'a pas été placée en congé de maladie pendant la période du 30 mars 2018 au 10 avril 2018, qu'elle n'a ainsi pas perçu d'indemnités journalières de maladie au titre de cette période et que, dans ces conditions, le titre de perception n° IDF 1 192900004404 émis le 13 mai 2019 est dépourvu de fondement légal. Toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a déjà été dit au point 4, que Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement du 30 mars 2018 au 3 avril 2018 par un arrêté du 17 mai 2018, puis en congé de maladie sans traitement pour la période du 4 avril au 10 avril 2018 par un arrêté du 4 juin 2018. Mme A... ne verse aucune pièce établissant qu'elle aurait repris son activité professionnelle le 4 avril 2018 comme elle le soutient. Il résulte de l'instruction que le titre de perception n° IDF 1 192900004404 d'un montant global de 539,67 euros n'a pas pour objet le remboursement d'indemnités journalières de maladie au titre de la période du 30 mars 2018 au 10 avril 2018 pendant laquelle Mme A... était en congés de maladie. En revanche, il ressort des bulletins de paie d'avril et de mai 2018, que Mme A... a perçu un plein traitement alors qu'elle n'aurait dû percevoir qu'un demi-traitement du 30 mars 2018 au 3 avril 2018 et qu'elle avait épuisé ses droits à traitement à compter du 4 avril 2018. Dans ces conditions, le recteur de l'académie de Paris était fondé à solliciter le remboursement du trop-perçu de traitement pendant ces périodes et de l'application du jour de carence le 30 mars 2017. 10. En sixième et dernier lieu, Mme A... ne peut utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des titres de perception émis le 13 mai 2019, que l'administration ne pouvait légalement lui adresser des mises en demeure de payer des sommes d'un montant différent de celui mentionné sur les titres de perception, ni lui appliquer des majorations sur le fondement de l'article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales alors qu'elle a formé, le 4 juillet 2020, une contestation contre les titres de perception en litige auprès de la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis. Ces moyens qui portent sur les seules mises en demeure sont inopérants et doivent, par suite, être écartés. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copies en seront envoyées pour information au recteur de l'académie de Paris et au directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03147 2
CETATEXT000048452248
J1_L_2023_11_00022PA03172
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA03172, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03172
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
GUILLOT
M. Franck MAGNARD
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Kinor a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, d'autre part, la réduction de la retenue à la source, du prélèvement forfaitaire non libératoire appliqués au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2014915/9 du 12 mai 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 juillet 2022 et 17 janvier 2023, la société Kinor, représentée par Me Jacques Guillot, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 12 mai 2022 ; 2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 893 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le redressement de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 12 500 euros, le rejet d'une charge de 1 995,78 euros, et le rejet de la facture Kechet de 15 000 euros ne sont pas régulièrement motivés ; - une partie des dividendes attribués au titre de l'année 2016 ayant été versée en 2015 sous forme d'avance, celle-ci ne peut être prise en compte pour établir ces impositions en 2016 ; - la doctrine administrative référencée 5 I 321 n° 1 1-12-1997, BOI-RPPM-RCM 20-10-10 n° 1, 20-12-2019 assimile l'inscription au crédit d'un compte à un encaissement ; - la base de calcul de la retenue à la source est erronée ; - les prélèvements sociaux doivent être réduits en conséquence ; - la somme de 12 500,21 euros ne correspond pas à une dette de taxe sur la valeur ajoutée ; - la taxe déductible à régulariser avait été déduite au titre d'une période prescrite ; - une écriture de régularisation n'a pas été prise en compte ; - elle justifie des dépenses de location de salle et de la taxe déductible correspondante ; - elle justifie du caractère déductible des charges remises en cause par le vérificateur au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 ; - elle conteste par voie de conséquence le redressement au titre du profit sur le Trésor ainsi que les pénalités. Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 2 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Kinor, qui exerce une activité de traiteur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, ainsi qu'à la réduction de la retenue à la source et du prélèvement forfaitaire non libératoire appliqués au titre des années 2015 et 2016, à la suite de ce contrôle. Sur la procédure : 2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". 3. La proposition de rectification en date du 22 décembre 2017 notifiée à la société requérante comporte la mention des références des textes et énonce les règles sur le fondement desquelles les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été établis. Le redressement de 12 500,21 euros y est justifié par le fait qu'une partie de la taxe collectée n'a pas été portée dans les déclarations de chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2015. La circonstance que par l'effet d'une erreur matérielle, il a été indiqué que la somme de 12 500,21 euros correspondait à un solde de taxe sur la valeur ajoutée débiteur, au lieu d'un solde créditeur, ne pouvait pas par elle-même faire obstacle à ce que la société puisse formuler utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par un courrier du 26 février 2018. La réintégration dans le résultat taxable à l'impôt sur les sociétés de charges précisément identifiées à l'annexe 1 de la proposition de rectification pour des montants de 1 995,78 euros et de 15 000 euros a été motivée respectivement par le fait que la charge n'avait pas été engagée dans l'intérêt de l'entreprise et qu'elle n'était pas justifiée. La société requérante a ainsi disposé de l'ensemble des informations nécessaires pour contester utilement les impositions en litige, quand bien même certaines informations figurant sur la proposition de rectification seraient erronées. Il suit de là que les dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues. Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne la charge de la preuve : 4. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification (...) le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". 5. Il résulte de l'instruction que par sa lettre d'observations en date du 26 février 2018, la société requérante a expressément accepté les rehaussements figurant dans la proposition de rectification en date du 22 décembre 2017, en tant qu'ils concernent, d'une part, la retenue à la source prévue par l'article 119 bis du code général des impôts, le prélèvement forfaitaire non libératoire à l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux sur les dividendes, d'autre part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée fondés sur un montant de taxe collectée non reversée ainsi que sur un montant de taxe déductible estimée fictive par l'administration et, enfin, les rectifications de la base taxable à l'impôt sur les sociétés fondées sur l'existence d'un profit sur le Trésor limité aux montants de 11 258 euros, 35 598 euros et 25 953 euros respectivement pour chacun des exercices clos en 2014, 2015 et 2016. Dès lors, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales la société requérante supporte, dans cette mesure, la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste. Pour le surplus, la charge de la preuve du bien-fondé des rehaussements appartient à l'administration. En ce qui concerne les impositions résultant de la distribution de dividendes : 6. Il est constant que la SARL Kinor, dont le capital est détenu à parts égales par ses deux associés, M. D... B..., domicilié en France, et Mme C... A... épouse B... domiciliée en Israël, a procédé au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016 à la distribution de dividendes à ses deux associés tout en omettant de déposer auprès des services fiscaux les déclarations se rapportant, en ce qui concerne le premier de ces associés, au prélèvement libératoire de 21 % prévu par l'article 117 quater du code général des impôts et aux prélèvements sociaux constitués par la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale, le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les contributions additionnelles correspondantes et, en ce qui concerne la seconde associée, à la retenue à la source prévue par les dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts. 7. D'une part, la société requérante soutient que, pour ce qui concerne l'année 2016, l'administration ne pouvait calculer ces impositions sur la base de dividendes d'un montant global de 126 775 euros, dès lors qu'en vertu d'une décision de son assemblée générale du 31 mars 2016, et après déduction des sommes de 8 525 euros et de 8 250 euros représentatives de la retenue à la source inscrites au compte n° 45700 " retenue à la source à payer ", une somme de 110 000 euros a été inscrite le 30 septembre 2016 au crédit du compte n° 45710 " acomptes sur dividendes " autorisant ainsi en 2015 la distribution anticipée de dividendes de l'année 2016 à hauteur de 42 232 euros, de sorte que les dividendes versés aux associés en 2016 sont d'un montant de 67 800 euros, réparti également entre eux. Elle fait valoir qu'en conséquence et par application des articles 12 et 156 du code général des impôts, la base d'imposition des dividendes distribués en 2016 doit être de 33 900 euros pour chacun des associés. A l'appui de ses allégations elle se borne toutefois à produire des inscriptions figurant au grand livre général de l'exercice clos en 2016 retraçant les opérations effectuées sur le compte n° 45710. Si ces écritures comptables sont de nature à établir que des opérations de débit ont été effectuées tout au long de cet exercice depuis ce compte, elles ne suffisent pas, en l'absence notamment de production d'une décision de l'assemblée générale de la société autorisant le versement de telles avances, à justifier l'existence de l'avance de distribution invoquée. Au demeurant, il ressort de ces écritures comptables que le plus souvent le bénéficiaire des sommes n'est pas identifié ni identifiable, sous réserve de quelques virements faisant apparaitre que les bénéficiaires sont, selon les cas, l'un ou l'autre des associés. Ainsi, la SARL Kinor n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, que l'assiette de calcul des impositions en litige au titre de l'année 2016 devrait être réduite en défalquant des dividendes distribués par anticipation au cours de l'année précédente. La doctrine administrative référencée 5 I 321 n° 1 1-12-1997 et BOI-RPPM-RCM 20-10-10 n° 1 20-12-2019 qui assimile l'inscription au crédit d'un compte courant d'associé à un encaissement ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et n'est par suite pas invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. 8. D'autre part, aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " 1. Les revenus de capitaux mobiliers entrant dans les prévisions des articles 118, 119, 238 septies B et 1678 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187, lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui ont leur siège en France ou à l'étranger ou qui n'ont pas leur domicile fiscal en France (...) ". Aux termes de l'article 187 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions du 2, le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : / (...) 15 % pour les revenus visés au 1° de l'article 118 (...) ". 9. La SARL Kinor soutient que la retenue à la source déterminée au titre des années 2015 et 2016 aurait dû être calculée sur la base des dividendes effectivement perçus, nets de retenue à la source, soit respectivement les sommes de 16 102,50 euros et de 33 900 euros. Toutefois, pour l'application des dispositions précitées de l'article 119 bis du code général des impôts, si la retenue à la source devait, en l'espèce, être liquidée au taux conventionnel de 15 % sur la somme correspondant au " montant brut des revenus mis en paiement " au sens de l'article 48 de l'annexe II au code général des impôts dès lors qu'il est constant que ce prélèvement n'avait pas été acquitté spontanément par la société Kinor, le montant brut des dividendes mis en paiement devait comprendre, en plus des produits effectivement versés à Mme A..., un montant égal à l'avantage résultant, pour cette dernière, de ce que la somme ainsi reçue n'avait pas supporté la retenue à la source. C'est par suite à bon droit que le taux de la retenue à la source appliqué aux sommes versées pour tenir compte de cet avantage a été fixé à 15/85ème par l'administration. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 7., la société requérante ne justifie pas de la réduction de la base d'imposition qu'elle invoque. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que pour ce motif la retenue à la source aurait été calculée sur une base erronée. En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée : S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée : 10. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué (...) ". 11. L'administration a déduit des écritures comptables de la société requérante que celle-ci avait omis de déclarer et de reverser au Trésor, au titre de l'exercice clos en 2015, un montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 12 500 euros. Si la société requérante soutient que cette dette est inexistante dès lors que le vérificateur a constaté que cette somme constituait un solde débiteur de taxe, il résulte de l'instruction que la constatation d'un solde débiteur de taxe procède d'une erreur matérielle consistant pour l'administration à inverser la colonne débit et la colonne crédit du compte de taxe sur la valeur ajoutée collectée. La société requérante n'apporte dès lors pas la preuve qui lui incombe de ce que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 12 500 euros serait injustifié. S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible : 12. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1- La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. - 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; ". Il résulte de ces dispositions qu'un assujetti ne peut exercer son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les éléments du prix d'une opération imposable que lorsqu'il s'est acquitté du prix demandé pour les biens qui lui ont été livrés ou pour les services qui lui ont été rendus et qu'il détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée. 13. En premier lieu, l'administration a remis en cause au titre respectivement des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 11 257,75 euros, 23 097,82 euros et 25 953,17 euros, estimant, au vu de soldes créditeurs constatés au compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible, lesquels sont de nature à faire présumer que le contribuable a déduit plus de taxe sur la valeur ajoutée qu'il n'était en droit de le faire, que ces montants, qui résultaient d'une majoration de la taxe déductible dont la société requérante disposait au regard des opérations qu'elle avait réalisées, étaient constitutifs d'une taxe sur la valeur ajoutée fictive. Il appartient en conséquence à la société Kinor d'établir que le rappel est exagéré au regard des droits à déduction de taxe dont elle disposait effectivement au cours de cette période. 14. La SARL Kinor soutient d'une part, en ce qui concerne l'exercice clos en 2014, que la taxe sur la valeur ajoutée déductible en cause comprend un montant de 8 076,95 euros, qui figurait en taxe à régulariser lors de l'exercice précédent qui était prescrit lors du contrôle fiscal. Toutefois, en se bornant à produire un extrait du grand livre général sur lequel figure au 1er octobre 2013 un montant de taxe sur la valeur ajoutée à régulariser de 8 076,95 euros inscrit au crédit du compte n° 44566 puis au débit du compte n° 44580, non étayé par des pièces permettant de connaître la nature de cette somme et a fortiori de justifier qu'il s'agissait d'une taxe déduite à tort au titre d'une période prescrite, la société requérante n'établit pas que la somme retenue par le service au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort au cours de l'exercice clos en 2014 aurait été exagérée. 15. La SARL Kinor soutient d'autre part, en ce qui concerne l'exercice clos en 2015, que le solde du compte à régulariser est de 25 823,28 euros, et non 46 855,78 euros, dès lors que l'administration aurait dû prendre en compte une écriture de 21 032,50 euros portée au compte " TVA à régulariser " au 1er octobre 2014. Il résulte toutefois de l'instruction que pour rappeler à hauteur de 23 097,82 euros le montant de taxe déductible en litige, l'administration fiscale s'est fondée sur une opération d'extourne de 34 355,57 euros qui avait artificiellement fait disparaitre le solde créditeur du compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible au 30 septembre 2015, et diminué le rappel d'un " à nouveau " de 11 257,75 euros correspondant à la taxe déduite à tort et déjà redressée au titre de l'exercice précédent. En se bornant à produire un extrait du grand livre général sur lequel figurent au 30 septembre 2015 au crédit du compte n° 44580, un montant de taxe sur la valeur ajoutée à régulariser de 46 855,78 euros ainsi qu'un solde de 25 823,28 euros après déduction d'un montant de 21 032,50 euros qui était inscrit au débit du compte au 1er octobre 2014, sans fournir le moindre élément permettant d'apprécier la consistance de ces écritures au regard du rappel effectué par le service, la société requérante n'établit pas l'exagération des sommes rappelées à ce titre. 16. En second lieu, l'administration a remis en cause au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible qu'elle a estimés dépourvus de pièces justificatives. La SARL Kinor conteste le refus de prise en compte par l'administration au titre de l'exercice clos en 2014 de la taxe ayant grevé une dépense de 22 875 euros hors taxes correspondant à une location de salle. Les duplicatas de factures de l'entreprise Hilton produites à ce titre ne sont pas libellés au nom de la société requérante et ne sauraient suffire à ouvrir à cette dernière un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qu'ils mentionnent. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction, au regard du libellé de ces documents, que les dépenses correspondantes aient été engagées pour les besoins des opérations imposables, les factures produites par la société à destination de ses clients ne permettant pas le recoupement entre la date des prestations fournies à ses derniers et la date des prestations acquises auprès de l'entreprise Hilton. D'autre part, la facture de l'entreprise Marriott a été établie en novembre 2015 et ne comporte aucune mention permettant d'établir ainsi que le soutient la société, qu'il s'agirait d'un duplicata établi à cette date. La société requérante ne disposait par suite pas, au titre de la période allant du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 au titre de laquelle elle a déduit la taxe correspondante, d'une facture lui permettant d'exercer son droit à déduction conformément aux dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit estimer que la dépense de 22 875 euros ne pouvait ouvrir droit à une taxe sur la valeur ajoutée déductible pour la société requérante et remettre en cause par voie de conséquence le montant de taxe déduit à tort. En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés : 17. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration. 18. En premier lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2015, de charges pour un montant de 10 900 euros et 11 750 euros, et, au titre de l'exercice clos en 2016, d'une charge de 8 289,30 euros au motif qu'elle étaient dépourvues de justificatifs. La société requérante soutient que dans sa lettre du 29 mars 2018 en réponse à ses observations l'administration a abandonné les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à ces dépenses. Toutefois, et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur jugement à cet égard, la seule circonstance que l'administration ait renoncé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée concernant les dépenses mentionnées ci-dessus ne suffit pas à établir que celles-ci constitueraient des charges déductibles du résultat imposable. Les observations de la société relatives aux écritures comptables constatées à l'ouverture de l'exercice suivant en ce qui concerne la somme de 11 750 euros ne sont pas de nature à justifier du bien-fondé de l'écriture de charge constatée au titre de l'exercice clos en 2015. Le moyen tiré de ce que " la réception des factures de charges par la société confirme la validité de factures à recevoir à la clôture de l'exercice 2014/2015 " n'est pas assorti des pièces justificatives permettant d'en apprécier le bien-fondé et la portée. 19. En deuxième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre des exercices clos en 2014 et 2015, de charges de montants respectifs de 420,95 euros correspondant à une prestation fournie par l'entreprise Mercedes et de 1 308,60 euros correspondant à une prestation fournie par l'entreprise Regul Family Flor, après avoir relevé que les factures produites pour en justifier étaient libellées au nom de " Kinor Décor ". La société requérante soutient que la première de ces factures a été libellée par erreur au nom de " Kinor Décor " et que la seconde correspond à une prestation de fourniture de fleurs réalisée par l'entreprise Kinor Décor, qu'elle a payée. Toutefois, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir de manière probante qu'elle aurait été bénéficiaire des prestations ainsi facturées, de sorte que tant l'administration que les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point, ont pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable. 20. En troisième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre des exercices clos en 2015 et 2016, de charges de montants respectifs de 18 500 euros et 15 000 euros correspondant à des dépenses engagées auprès de l'entreprise Kechet, après avoir estimé, pour la première de ces dépenses qu'aucun justificatif n'était fourni et, pour la seconde, que la société requérante avait produit une facture qui n'était pas rédigée en langue française. Si la SARL Kinor fait valoir que ces dépenses correspondent à l'achat de produits alimentaires casher nécessaires à son activité de traiteur et produit pour ces deux dépenses des factures assorties d'une traduction, ces factures, dont le destinataire est désigné par la seule formule " dear Kinor France ", ne peuvent en tout état de cause être regardées comme étant libellées au nom de la société requérante, et aucun élément du dossier ne permet de constater que la société requérante a effectivement bénéficié de contreparties en échange du paiement de ces factures. Par suite, l'administration a pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable. 21. En quatrième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre des exercices clos en 2015 et 2016, de charges de montants respectifs de 1 995,78 euros et 1 410,12 euros correspondant à des dépenses de voyages en Israël facturées par l'entreprise Baltard Tourisme 2001, les estimant sans lien avec l'intérêt de la société et ainsi, en tout état de cause, injustifiées. La SARL Kinor soutient que ces dépenses correspondent à des voyages professionnels effectués en Israël afin de rencontrer des fournisseurs et des partenaires dans le cadre de son développement commercial. Toutefois, les factures de cette entreprise de voyages, qu'elle verse aux débats, sont libellées au seul nom de M. D... B..., gérant de la société, et elle ne fournit en outre aucun justificatif permettant d'établir que ces voyages présenteraient un lien avec son activité, et notamment aucune information sur les fonctions exercées dans la société par les autres participants à ces voyages. Par suite, l'administration a pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable. 22. En cinquième lieu, l'administration a remis en cause la déduction de diverses charges correspondant à des dépenses de voyages et de séjours en Espagne, organisés selon les dires de la société requérante lors de la fête religieuse de Pessah afin de fidéliser sa clientèle et de promouvoir son image. La SARL Kinor soutient que la dépense de 1 060 euros engagée auprès de l'opérateur Transavia correspondant à un trajet aller et retour entre Paris et Malaga concerne un séjour effectué par trois membres de son personnel à l'occasion de la fête de Pessah et non par des clients. Toutefois, elle se borne à alléguer qu'elle organise des séjours en Espagne pour fidéliser et développer sa clientèle sans apporter d'éléments permettant de justifier précisément du but de ce voyage, ni d'ailleurs établir que les voyageurs appartiendraient à son personnel. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable. 23. En sixième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2016, de charges de montants de 300 euros et de 10 000 euros correspondant à des dépenses engagées auprès des entreprises Hôtel IPV et Yossi Apport Affaire Hadad, après avoir relevé qu'aucun justificatif n'était fourni. La SARL Kinor soutient qu'il est établi qu'elle a accueilli un groupe à l'hôtel IPV en Espagne, mais sans produire la facture qu'elle prétend avoir fournie. En outre, elle allègue avoir engagé la seconde de ces dépenses pour l'organisation de l'opération " repas casher " lors d'un séjour en Espagne, dans le cadre des fêtes de Pessah, en précisant que le paiement a été effectué par un tiers, qu'elle a remboursé ensuite, mais ne produit pas davantage de justificatif. Dès lors, l'administration a pu à bon droit estimer que ces dépenses ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable. 24. En septième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2016, d'une charge d'un montant de 1 389,84 euros correspondant à une dépense engagée auprès de l'entreprise Shlomo Rent a Car, après avoir relevé qu'aucun justificatif n'était fourni. La SARL Kinor soutient toutefois que cette dépense correspond à une location de voiture en Israël, en se prévalant à ce titre d'une facture datée du 30 août 2016. Toutefois, si elle allègue que cette location est intervenue à l'occasion d'un déplacement professionnel effectué dans ce pays par son gérant, M. B..., elle n'apporte aucun élément pour justifier du lien entre cette location et son activité. Il suit de là que l'administration a pu à bon droit estimer que cette dépense ne constituait pas une charge déductible de son résultat imposable. 25. En huitième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2016, d'une charge d'un montant de 2 421,03 euros correspondant à un ajustement constaté dans ses écritures comptables au 1er octobre 2015, après avoir relevé qu'aucun justificatif n'était fourni. La SARL Kinor ne produit aucune pièce susceptible de justifier la réalité de cette charge et se borne à soutenir que cette somme correspond à une écriture d'opérations diverses qui comporte une contrepartie qui n'a pas été indiquée par le vérificateur. En l'absence du moindre élément concret susceptible de justifier du bien-fondé de cette écriture ou d'établir que l'écriture en cause a été sans effet sur le résultat imposable, la société requérante ne conteste pas valablement le rehaussement litigieux. 26. En dernier lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2014, d'une charge de location de salle d'un montant de 22 875 euros. Si la SARL Kinor soutient que cette charge est justifiée par les factures qui ont été produites, ces documents, ainsi qu'il a été dit au point 16., sont dépourvus de caractère probant. Par suite, l'administration a pu à bon droit estimer qu'une telle dépense ne constituait pas une charge déductible de son résultat imposable. 27. Il résulte de tout ce qui précède que la société Kinor n'est pas fondée à contester par voie de conséquence les prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie, le redressement dont elle a fait l'objet au titre du profit sur le Trésor non plus que les pénalités mises à sa charge, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Kinor est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kinor et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique). Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03172 2
CETATEXT000048452249
J1_L_2023_11_00022PA03294
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA03294, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03294
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
NAS
Mme Emmanuelle TOPIN
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Acropost a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 septembre 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2005166/2-2 du 16 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022, Me Denis Gasnier, liquidateur judiciaire de la société Acropost représenté par Me Louis-François Nas, demande à la Cour : 1°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ; 2°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas respecté la durée de l'examen sur place de la comptabilité prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que le moyen soulevé par la requérante n'est pas fondé. Par une ordonnance du 2 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Topin, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Acropost, qui exploite des établissements de vente de fournitures de bureau d'une part, et de vente de jouets d'autre part, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 septembre 2016, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge. Me Denis Gasnier, liquidateur judiciaire de la société relève appel du jugement du 16 mai 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. 2. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) / III. - En cas de mise en œuvre du I de l'article L. 47 A, le délai de trois mois prévu au I du présent article est suspendu jusqu'à la remise de la copie des fichiers des écritures comptables à l'administration. (...) ". Aux termes du I de l'article L. 47 A du même livre : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général (...) ". 3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les impositions en litige sur la période du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2016 ont été établies suivant une procédure régulière de taxation d'office prévues aux articles L. 66 2° et 3° du livre des procédures fiscales à défaut pour la société requérante d'avoir déposé ses déclarations relatives à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure relative à ces impositions est inopérant. 4. En second lieu, concernant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 poursuivis suivant une procédure contradictoire, il résulte de la proposition de rectification du 31 juillet 2017 que la comptabilité informatisée de l'exercice n'a pas été remise et qu'un procès-verbal de non présentation a été dressé le 5 décembre 2016. Par suite, en application du III du L. 52 du livre des procédures fiscales, le délai de trois mois imparti à l'administration pour procéder sur place à la vérification des livres et documents comptables a été suspendu et, en l'absence de toute remise ultérieure de la comptabilité informatisée, la société Acropost n'est pas fondée à soutenir que les dispositions applicables au litige de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues. 5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Acropost n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. DECIDE : Article 1er : La requête de la SARL Acropost est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Denis Gasnier, liquidateur judiciaire la SARL Acropost et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La présidente-rapporteure, E. TOPINL'assesseur le plus ancien, F. MAGNARD Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03294
CETATEXT000048452252
J1_L_2023_11_00022PA03437
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452252.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA03437, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03437
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
SELARLU BICHET AVOCATS
Mme Aude COLLET
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 5 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 du Val-de-Marne a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire. Par jugement n° 1908982 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Bichet, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1908982 du 20 mai 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler la décision du 5 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé faute de justifier la neutralisation de motif à laquelle se sont livrés les premiers juges ; - le jugement est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation ; - la décision du 5 août 2019 est insuffisamment motivée ; - la décision contestée ne pouvait annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux de son employeur, qui était pour lui créatrice de droits, intervenue à une date qui n'a pas été portée à sa connaissance, pas plus que la prolongation des délais mentionnée dans la décision ; - la décision implicite de rejet n'est pas mentionnée dans la décision attaquée de sorte qu'il lui est impossible de connaitre la date de cette décision implicite ; - il n'a jamais été informé de la prorogation du délai de recours ; - la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie dès lors qu'il n'était pas en situation d'absences injustifiées mais en crédit d'heures de délégation syndicale et que pendant le congé de formation, les absences reprochées correspondent à des arrêts maladie ; - les faits qui lui sont reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier une autorisation de licenciement pour faute grave ; - il y a un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de son mandat, que révèlent tant l'annulation d'une précédente autorisation que les conditions d'exercice de ses fonctions d'opérateur de sécurité définies par son employeur depuis sa réintégration, ainsi que la condamnation de son employeur pour discrimination syndicale prononcée en sa faveur par le conseil des prud'hommes. Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2022, la société ICTS France, représentée par Me Verdier, conclut au rejet de la requête et à ce que M. A... soit condamné à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. La requête a été transmise au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Par courrier du 11 mars 2019, la société ICTS France a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. A..., recruté en contrat à durée indéterminée le 15 novembre 2005, et qui exerçait en dernier lieu les fonctions d'opérateur de sûreté sur le site d'Orly. Il était, à la date de la demande, représentant de la section syndicale au sein de l'établissement d'Orly. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé sur cette demande par l'inspecteur du travail, décision contre laquelle la société ICTS France a formé un recours gracieux le 3 juin 2019, réceptionné le 4 juin 2019. Par décision du 5 août 2019, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 du Val-de-Marne a autorisé le licenciement de M. A... pour faute grave. Par jugement n°1908982 du 20 mai 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 3. Il ressort, en particulier des points 12 et 15 du jugement attaqué, que les premiers juges ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils ont considéré que les dépassements du crédit d'heures de délégation par M. A... constituaient à eux seuls une faute suffisamment grave pour justifier l'autorisation de licenciement sollicitée. Par suite, le tribunal administratif, contrairement à ce que soutient M. A..., a suffisamment motivé son jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour ce motif ne peut donc qu'être écarté. 4. D'autre part, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir pour contester la régularité du jugement attaqué, de ce qu'il serait entaché d'erreurs manifestes d'appréciation. Sur la légalité de la décision du 5 août 2019 de l'inspectrice du travail : 5. En premier lieu, M. A... soulève un moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 5 août 2019 de l'inspectrice du travail. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ce moyen, déjà soulevé devant le tribunal administratif de Melun, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges. Il y a dès lors lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par ces derniers au point 6 du jugement attaqué. 6. En deuxième lieu, les circonstances que la date de la décision implicite de rejet n'ait pas été mentionnée dans la décision attaquée, de sorte qu'il ne sait pas quand cette décision est née et que M. A..., n'ait pas été informé de la prorogation du délai de recours sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée du 5 août 2019. 7. En troisième lieu, la demande d'autorisation de licenciement ayant été reçue par l'inspectrice du travail le 13 mars 2019, une décision implicite de rejet est donc née le 13 mai 2019. En application des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, l'inspectrice du travail disposait d'un délai de quatre mois pour retirer sa décision implicite créatrice de droit, soit jusqu'au 13 septembre 2019. La décision du 5 août 2019 est donc valablement intervenue dans le délai de retrait. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision contestée ne pouvait, pour ce motif, annuler une décision implicite de rejet qui était pour lui créatrice de droits. En ce qui concerne la matérialité des faits et leur gravité : 8. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. 9. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 2142-1-3 du code du travail : " Chaque représentant de la section syndicale dispose d'un temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Ce temps est au moins égal à quatre heures par mois. Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un représentant de section syndicale dispose d'un crédit d'heures de délégation mensuel d'une durée minimale de quatre heures pouvant être dépassé uniquement en cas de circonstances exceptionnelles. 10. La société ICTS France soutient que M. A... a dépassé à plusieurs reprises son quota de quatre heures de délégation notamment au cours des mois de décembre 2018 et de janvier et février 2019 correspondant respectivement à 22,5 heures, 4 heures et 6 heures 30 soit un total de 33 heures sans fournir de justification alors même qu'elle lui avait notifié un avertissement le 25 octobre 2018 pour les mêmes motifs s'agissant des mois d'août et de septembre 2018. Si M. A... soutient que ces 33 heures ont bien été utilisées dans le cadre de sa délégation, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations permettant d'établir que les heures contestées précitées entraient bien dans le cadre de son crédit d'heures de délégation mensuel d'une durée de quatre heures ou que le dépassement de ce crédit serait justifié par des circonstances exceptionnelles. Par suite, les faits qui lui sont reprochés doivent être regardés comme établis et sont, eu égard à leur importance et à leur répétition, d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. A.... 11. D'autre part, l'exécution d'un congé individuel de formation suspend l'exécution du contrat de travail et les obligations qui y sont attachées, à l'exception de l'obligation de loyauté. Le manquement du salarié, bénéficiaire d'un congé individuel de formation, à l'obligation qui lui incombe de suivre la formation dispensée ne constitue pas dans ses rapports avec son employeur une faute justifiant son licenciement, ni un manquement à son obligation de loyauté, mais un manquement à une obligation légale inhérente à l'exécution du congé, distincte de l'exécution du contrat de travail, assorti par la loi d'une sanction spécifique, à savoir la perte du bénéfice du congé lui-même. Le salarié qui bénéficie d'un congé individuel de formation est tenu de justifier de sa présence effective à cette formation à son employeur. 12. La société ICTS France soutient que M. A... n'a pas justifié de sa présence continue au cours de son congé individuel de formation du 4 octobre 2017 au 14 mai 2018. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a fourni aucun justificatif concernant ses absences des 13, 19, 20 et 24 avril 2018 et des 2, 3 et 9 mai 2018 auprès de son employeur et de l'organisme de formation. S'il soutient qu'il était en arrêt maladie pendant lesdites absences, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations permettant d'en justifier le bien-fondé. Néanmoins, cette absence de justification bien que fautive, n'est pas d'une gravité suffisante permettant de justifier légalement que soit autorisé le licenciement pour faute grave de M. A.... 13. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'inspectrice du travail aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur la seule faute liée au non-respect par M. A... du crédit d'heures de délégation mensuel qui lui a été alloué en tant que représentant de section syndicale. Dès lors, le moyen tiré par M. A... de ce que les faits qui lui sont reprochés ne seraient pas d'une gravité suffisante pour justifier une autorisation de licenciement pour faute grave doit être écarté. En ce qui concerne le lien avec le mandat exercé par M. A... : 14. La circonstance que M. A... a fait l'objet d'une autorisation de licenciement le 22 décembre 2011, annulée par la cour administrative de Versailles le 28 janvier 2014, n'est pas de nature à caractériser l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement présentée près de huit ans plus tard, et le mandat syndical exercé par l'intéressé. Si le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges a, dans son jugement du 6 novembre 2019, considéré que la société ICTS France avait fait preuve de résistances dans le processus de réintégration de M. A... et dans son affectation effective sur un poste en prenant en compte son appartenance au syndicat CFTC, caractérisant une discrimination syndicale, ces agissements se sont déroulés entre 2014 et 2016 et ne permettent pas, par eux-mêmes, de caractériser l'existence d'un lien entre le mandat syndical exercé par l'intéressé et l'autorisation de licenciement sollicitée par la société ICTS France le 11 mars 2019 pour des manquements objectifs et graves commis par l'intéressé. Les conditions d'exercice, par M. A..., de ses fonctions d'opérateur de sécurité définies par son employeur depuis sa réintégration n'apparaissent pas davantage caractériser l'existence d'un lien entre l'autorisation sollicitée et l'exercice par l'intéressé de son mandat. Par suite, le moyen tiré de ce que l'inspectrice du travail se serait méprise sur l'existence d'un lien entre l'autorisation de licenciement sollicitée et le mandat syndical qu'il exerçait au moment de la demande ne peut qu'être écarté. 15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement. Sur les frais d'instance : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... une somme au profit de la société ICTS France sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la société ICTS France, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société ICTS France et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERANDLa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03437
CETATEXT000048452253
J1_L_2023_11_00022PA03675
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452253.xml
Texte
CAA de PARIS, 5ème chambre, 10/11/2023, 22PA03675, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03675
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme VINOT
CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
M. Jacques DUBOIS
Mme LESCAUT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Invest Conseils a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés supportée au titre de l'exercice 2017 à hauteur d'un montant de 533 198 euros. Par un jugement n° 2010825 du 9 juin 2022, le tribunal administratif a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 août 2022 et 25 avril 2023, la société Invest Conseils, représentée par Me Vezinhet, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 à hauteur de 533 198 euros ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La société Invest Conseils soutient que : - elle remplit toutes les conditions pour bénéficier du régime des sociétés mères-filiales : elle est soumise à l'IS au taux normal ; sa participation dans la filiale écossaise est de 8,5 % soit plus que le taux minimum exigé de 5 % ; ses titres de participation ont une forme nominative et sont détenus depuis plus de deux ans ; elle a opté pour ce régime par voie de réclamation, comme le permet la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat du 20 décembre 2017 n° 414974 ; - le partnership de droit écossais dont elle a perçu le dividende ayant donné lieu à l'imposition contestée ne peut être considéré comme une société de libre partenariat (SLP), dans la mesure où il a été créé en 2007 avant donc la création en droit français du statut de la SLP, ses caractéristiques ne correspondent pas avec celles d'une société de libre partenariat, dès lors que, d'abord, ses statuts excluent toute participation d'un associé commanditaire, contrairement à ce que prévoit l'article L. 214-162-3 du code monétaire et financier régissant les SLP, ensuite, elle ne présente aucune politique d'investissement, et l'objet de sa structure est de portée relativement étendue alors qu'une SLP est nécessairement constituée en vue de gérer un portefeuille d'actifs et que ses statuts doivent présenter les règles d'investissement et d'engagement, encore, son capital social n'atteint pas celui de 300 000 euros prévu à l'article L. 224-24 code monétaire et financier, enfin, une SLP est soumise à des obligations réglementaires strictes auxquelles elle-même n'est pas soumise. Par un mémoire, enregistré le 28 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Dubois ; - les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ; - et les observations de Me Vezinhet, pour la société Invest Conseils. Considérant ce qui suit : 1. La société par actions simplifiée Invest Conseils exerce l'activité de conseil en gestion, investissement, et prise de participation dans toutes les opérations financières. Elle a notamment perçu en 2017 un versement d'un montant de 1 683 723 euros, versé par un " partnership " de droit écossais dont elle détient 8,5 pourcent des droits. Elle s'est acquittée au titre de l'exercice clos en 2017 d'un impôt sur les sociétés d'un montant de 736 325 euros. Par réclamation du 23 janvier 2019, elle a sollicité la réduction à hauteur de 533 198 euros de l'impôt ainsi acquitté, estimant pouvoir bénéficier du régime des sociétés mère-filiale pour l'imposition de ce versement. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction, à hauteur de la somme de 533 198 euros, de la cotisation d'impôt sur les sociétés acquittée au titre de l'exercice 2017. Sur les conclusions à fin de réduction de l'imposition en litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 145 du code général des impôts : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après (...) ". Aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 214-154 du code monétaire et financier : " Un fonds professionnel spécialisé prend la forme d'une SICAV, d'un fonds commun de placement ou d'une société en commandite simple. Selon le cas, sa dénomination est alors, respectivement, celle de " société d'investissement professionnelle spécialisé ", de " fonds d'investissement professionnel spécialisé " ou de " société de libre partenariat ". L'article 1655 A du code général des impôts dispose : " Pour l'imposition de leurs bénéfices et celle de leurs associés, les sociétés de libre partenariat mentionnées à l'article L. 214-154 du code monétaire et financier sont assimilées à un fonds professionnel de capital investissement constitué sous la forme d'un fonds commun de placement pour l'application du présent code et de ses annexes et elles sont soumises aux mêmes obligations déclaratives que ces fonds ". Aux termes de l'article 137 bis du même code : " I. Les sommes ou valeurs réparties par un fonds commun de placement (...) constituent des revenus de capitaux mobiliers perçus par les porteurs de parts à la date de cette répartition ". 4. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française. 5. Il résulte de l'instruction que la société Invest Conseils a perçu en 2017 des versements d'un " partnership " de droit écossais, la société Mezzanine Management Fund IV Founder Partner SLP. Ainsi que cela ressort des statuts du 12 octobre 2007 dont une traduction a été versée aux débats par la société Invest Conseils, ce " partnership " de droit écossais a été institué sous forme de commandite au sens du " Limited Partnership Act de 1907 " écossais, par une convention du 21 juin 2007 conclue entre la société Mezzanine Management Founder Partner GP Limited, désignée en qualité de " General partner " soit, selon la traduction versée aux débats, " associé commandité " et plusieurs autres associés, dont les sociétés Invest Conseils et Kennedy Conseil, qualifiés de " Limited Partners " soit, selon la même traduction, des associés commanditaires, et est l'" Associé fondateur " de la société en commandite de droit anglais Mezzanine Management Fund IV 'A'. Compte tenu de cette distinction, opérée par ses statuts, entre associés commandités, responsables indéfiniment et solidairement des dettes sociales, et associés commanditaires, responsables à hauteur de leur seul apport en capital dans la société, et ainsi d'ailleurs qu'en conviennent les parties, ledit " partnership " de droit écossais doit être assimilé à une société en commandite simple de droit français. 6. Toutefois, l'administration fiscale considère que la société Mezzanine Management Fund IV Founder Partner SLP exerce une activité de fonds professionnel spécialisé, de sorte qu'elle doit également être assimilée à une société de libre partenariat au sens des dispositions de l'article L. 214-154 du code monétaire et financier, une telle qualification faisant obstacle à l'application du régime des sociétés mère-filiale. La société Invest Conseils soutient que le " partnership " de droit écossais qui lui a versé les sommes en cause ne saurait être assimilé à une société de libre partenariat de droit français. 7. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante sur laquelle repose, en vertu des dispositions du second alinéa de l'article R*. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de démontrer l'exagération de l'impôt qu'elle a acquitté conformément à sa déclaration, la circonstance que le " partnership " de droit écossais a été constitué antérieurement à la création de la catégorie juridique de la société de libre partenariat, par l'article 145 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, n'est pas de nature à faire obstacle à ce qu'il puisse être assimilé à une société de libre partenariat. 8. En deuxième lieu, la circonstance que les statuts du " partnership " de droit écossais excluent les associés commanditaires de la gestion de la société n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article L. 214-162-3 du code monétaire et financier dès lors que, si ces dispositions permettent qu'un associé commanditaire procède à un acte de gestion externe de la société dans l'hypothèse seulement où il dispose de la qualité de gérant, elles n'imposent pas qu'un associé commanditaire puisse disposer de la qualité de gérant. 9. En troisième lieu, la société requérante soutient que les statuts du 12 octobre 2007 du " partnership " écossais ne comportent pas de règles précises d'investissement et d'engagement de sorte qu'ils sont incompatibles avec les dispositions de l'article L. 214-162-7 du code monétaire et financier selon lesquelles " Par dérogation aux articles L. 214-24-55 et L. 214-24-56, les statuts déterminent les règles d'investissement et d'engagement de la société de libre partenariat. (...) ". Cependant, il ressort de ces dispositions qu'elles ont pour objet non pas de faire peser des contraintes spécifiques sur les sociétés de libre partenariat mais de leur permettre de déroger aux règles fixées par les articles L. 214-24-55 et L. 214-24-56 du même code, lesquels déterminent la nature des titres et instruments financiers devant figurer à l'actif d'un fonds d'investissement à vocation générale ouvert à des investisseurs non-professionnels. De plus, la requérante n'apporte aucune précision quant au " Limited Partnership Act de 1907 " écossais qui régit le fonctionnement du " partnership ", ainsi que le précise le B) de l'exposé préalable des statuts du 12 octobre 2007. En outre, elle n'a pas produit, malgré la mesure d'instruction diligentée en ce sens, la convention constitutive en date du 21 juin 2007 ni celle du 19 juillet 2007 procédant à la modification de cette convention, alors qu'il ne résulte pas des statuts du 12 octobre 2007 produits à l'instance, compte tenu notamment des termes du F de leur exposé préalable, que ces conventions, notamment celle du 21 juin 2007, auraient été abrogées dans leur intégralité par les statuts du 12 octobre 2007 et non pas seulement mises à jour, l'article 17.5 de ces statuts indiquant seulement qu'ils annulent et remplacent ceux conclus le 19 juillet 2007 entre la société Mezzanine Management Founder Partner GP, associé commandité, la société Mezzanine Management Found IV Founder Partner Limited et les société Invest Conseils et Kennedy Conseil. Enfin, la société requérante n'apporte aucune précision sur les " Statuts des fonds de la Société " encadrant l'activité des sociétés distinctes, Mezzanine Management Fund IV'A' et Fonds Parallel, au sein desquelles doivent s'accomplir les investissements du " partnership " écossais en vertu des stipulations de l'article 2.2 des statuts du 12 octobre 2017, selon lesquelles " La Société a pour objet d'exercer l'activité d'associé commanditaire des Fonds de la société et de bénéficier de son investissement en qualité d'Associé Fondateur des Fonds de la Société, sous réserve des stipulations des Statuts des Fonds de la société et en conformité avec celles-ci, d'investir dans les Fonds de la société et d'exercer l'ensemble des activités et opérations que le gérant estime nécessaires ou souhaitables au titre de ses fonctions d'Associé Fondateur (...) ", et n'a pas estimé utile de produire les statuts de ces fonds à l'appui de ses prétentions. Il suit de là qu'elle n'est pas fondée à soutenir que les statuts du " partnership " de droit écossais seraient incompatibles avec les dispositions de l'article L. 214-162-7 du code monétaire et financier. 10. En quatrième lieu, la société requérante soutient que les dispositions de l'article L. 214-24 du code monétaire et financier s'opposeraient à ce que le " partnership " écossais puisse être assimilé à une société de libre partenariat, en ce qu'elles imposent aux fonds d'investissement alternatifs français la constitution d'un capital social d'un montant minimum de 300 000 euros lorsqu'ils ne délèguent pas globalement la gestion de leur portefeuille à une société de gestion de portefeuille. Cependant, il ressort des statuts du " partnership " écossais et de l'attestation de paiement du versement versée au dossier que la gestion de celui-ci est en l'espèce déléguée à une société distincte, la société Mezzanine Management Limited qualifiée de " Manager ", c'est-à-dire de gérant selon la traduction fournie par la société, de sorte que le " partnership " n'est ainsi pas soumis à cette règle de détention d'un capital social d'au moins 300 000 euros. 11. Enfin, la seule circonstance que les sociétés de libre partenariat de droit français sont soumises à des obligations réglementaires, telles que l'obligation de désigner un dépositaire chargé de la conservation des actifs, et sont placées sous le contrôle de l'autorité des marchés financiers à laquelle ne saurait, par construction, être soumis le " partnership " écossais, ne saurait en elle-même faire obstacle à l'assimilation à laquelle l'administration fiscale a procédé. A supposer que la société requérante doive être regardée comme faisant également valoir que le " partnership " écossais ne serait soumis à aucune obligation émanant d'un " régulateur " écossais compétent et ne serait pas placé sous le contrôle d'une institution écossaise équivalente à l'autorité des marchés financiers, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé dès lors notamment que la requérante n'expose aucun élément d'analyse du " Limited Partnership Act de 1907 " écossais, ainsi qu'il a été dit. De même, si la société requérante soutient encore que les règles régissant les sociétés de libre partenariat en matière de modalités d'émission et de libération des parts et titres, ou celles permettant à ces sociétés de " comporter un ou plusieurs compartiments qui sont autant de patrimoines distincts ", seraient incompatibles avec les statuts du " partnership " écossais, les moyens ainsi soulevés ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. 12. Il suit de là que la société requérante n'apporte pas d'éléments probants qui tendraient à démontrer que le " partnership " écossais devrait être assimilé en droit français seulement à une société en commandite simple, et non à une société de libre partenariat soumise aux dispositions de l'article 1655 sexies A du code général des impôts et dont les redistributions sont imposables, sur le fondement de l'article 137 bis du code général des impôts, entre les mains des porteurs de parts. Elle n'est, en conséquence, pas fondée à revendiquer l'application du régime mère-filiale prévu par les dispositions précitées de l'article 216 du code général des impôts au titre des sommes versées en 2017 par le " partnership " de droit écossais. 13. Il résulte de tout ce qui précède, et dès lors qu'aucune des stipulations de la convention fiscale franco-britannique ne s'oppose à l'imposition en France du versement perçu par la société Invest Conseils en 2017 du " partnership " de droit écossais, que la requête de la société Invest Conseils doit être rejetée. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Invest Conseils au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Invest Conseils est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Invest Conseils et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Vinot, présidente, - Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure, - M. Dubois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. Le rapporteur, J. DUBOIS La présidente, H. VINOT La greffière, A. MAIGNAN La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03675
CETATEXT000048452254
J1_L_2023_11_00022PA03898
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452254.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA03898, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03898
8ème chambre
plein contentieux
C
Mme MENASSEYRE
ELMOSNINO
Mme Marie-Dominique JAYER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Bourail à lui verser une somme de 55 200 000 francs CFP majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable, en réparation des dommages causés par les ouvrages publics dont la commune a la garde. Par un jugement n°2100364 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 août 2022, Mme A... représentée par Me Elmosnino, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n°2100364 du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ; 2°) de condamner la commune de Bourail à lui verser la somme de 55 200 000 francs CFP portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et capitalisés ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Bourail une somme de 350 000 francs CFP sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal a estimé que sa demande était irrecevable et mal dirigée dès lors, d'une part, que la responsabilité sans faute se relève d'office et, d'autre part, que la route en litige appartient bien à la commune de Bourail ; - la responsabilité sans faute de cette dernière est engagée à son égard, en qualité de tiers au titre de dommages de travaux publics, les inondations affectant sa propriété étant causées par un sous-dimensionnement des radiers OH3 et OH4 dont la commune de Bourail a la garde, à l'origine d'un préjudice anormal et spécial ; - elle est ainsi fondée à réclamer une indemnité à hauteur de la somme totale de 55 000 000 francs CFP correspondant à la valeur vénale de son bien, au titre des troubles de jouissance subis et des frais de destruction et de reconstruction de sa maison nécessaires à la sauvegarde de son habitation, ainsi qu'une somme de 200 000 francs CFP au titre du remboursement des frais d'études techniques et de conseil engagés. La requête a été communiquée à la commune de Bourail qui n'a pas produit de mémoire. Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Selon acte authentique du 6 novembre 2002, Mme A... est devenue propriétaire d'un terrain et d'une maison d'habitation situés dans la zone littorale de Poé, sur le territoire de la commune de Bourail. Par courrier du 1er décembre 2020 reçu par son destinataire le 3 décembre suivant, elle a adressé une réclamation indemnitaire au maire de Bourail en demandant à la commune de lui allouer la somme totale de 52 500 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant pour elle de mentions erronées figurant, selon elle, sur le certificat d'urbanisme délivré avant qu'elle acquière ces biens immobiliers. En l'absence de réponse, elle a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Bourail à lui verser une somme de 55 200 000 francs CFP portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable. Mme A... relève appel du jugement du 19 mai 2022 portant rejet, pour irrecevabilité, de sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être recevable, la demande présentée au juge tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui est lui imputé par l'administration doit être précédée d'une réclamation donnant lieu à une décision liant le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Si la victime est alors recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation, elle ne saurait, en revanche, saisir le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par un fait générateur dont elle n'a pas fait état dans sa réclamation. 3. Il résulte de l'instruction que, dans son courrier du 1er décembre 2020 demandant à la commune réparation des préjudices invoqués, Mme A... a expressément fondé ses prétentions sur la faute constituée, selon elle, par le caractère erroné du certificat d'urbanisme qui lui a été délivré le 8 novembre 2002 dans le cadre de l'acquisition de sa propriété, faisant état de ce que la parcelle qu'elle allait acquérir n'était pas inondable. Elle s'est en revanche abstenue d'y faire état d'un autre fait générateur invoqué devant les premiers juges et de ce que la responsabilité de la commune serait également engagée en raison de dommages de travaux publics causés par les radiers OH3 et OH4, dont elle estime que la garde incombait à cette collectivité. Les responsabilités successivement invoquées l'ont ainsi été, d'une part, sur le fondement de la responsabilité pour faute, du fait de l'irrégularité d'un certificat d'urbanisme et, d'autre part, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à raison de dommages de travaux publics. Alors même que cette dernière est d'ordre public, dès lors que Mme A... se prévaut d'un fait générateur distinct de celui invoqué dans sa réclamation préalable du 1er décembre 2020 sans avoir postérieurement lié le contentieux par une nouvelle réclamation préalable, c'est à bon droit, et sans entacher leur jugement d'irrégularité, que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande dont ils étaient saisis. Sur les frais du litige : 4. Les dispositions énoncées par l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bourail, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme que Mme A... réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Bourail. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, M-D JAYERLa présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERANDLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03898
CETATEXT000048452255
J1_L_2023_11_00022PA03986
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452255.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA03986, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03986
8ème chambre
plein contentieux
C
Mme MENASSEYRE
NITKOWSKI
Mme Marie-Dominique JAYER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun de faire injonction à la Compagnie générale des Eaux-Veolia de procéder aux travaux de réparation de la canalisation défectueuse et du raccordement au " tout-à-l'égout " au droit de sa maison sise 7, rue de Reims à Gentilly sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de condamner la Compagnie générale des Eaux-Veolia et à lui verser la somme de 178 480 euros, à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait du sinistre survenu dans sa maison avec intérêt et capitalisation des intérêts, de condamner solidairement les défendeurs à lui rembourser les frais avancés dans le cadre de la procédure, soit 5 707,86 euros, et de mettre les frais d'expertise, taxés à la somme de 6 600 euros, à la charge solidaire des défendeurs. Par un jugement n° 1909811 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés le 26 août 2022 et le 11 octobre 2022, un mémoire en réplique enregistré le 22 décembre 2022, M. C... représenté par Me Nitkowski, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n°1909811 du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) de condamner solidairement la Compagnie générale des Eaux-Veolia et la société Axa Corporate Solutions à lui verser la somme totale de 192 500 euros, à parfaire, avec intérêts à compter de la première demande ; 3°) de mettre les frais avancés dans le cadre de la procédure, soit la somme de 5 707,86 euros TTC, à la charge solidaire de la Compagnie générale des Eaux-Veolia et de la société Axa Corporate Solutions, avec intérêts à compter de la première demande ; 4°) de mettre les frais d'expertise, soit la somme de 6 600 euros TTC, à la charge solidaire de la Compagnie générale des Eaux-Veolia et de la société Axa Corporate Solutions ; 5°) de condamner solidairement la Compagnie générale des Eaux-Veolia et la société Axa Corporate Solutions au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal n'a pas communiqué le mémoire de la Compagnie générale des Eaux-Veolia réitérant la fin de non-recevoir, enregistré le jour de la clôture de l'instruction, ce qui l'a empêché de produire l'acte notarié établissant sa qualité pour agir, es qualité d'usufruitier ; il établit cette qualité ; - il résulte du rapport d'expertise que la responsabilité de la Compagnie générale des Eaux-Veolia est engagée, l'expert judiciaire ayant conclu, sans réserves, que les dommages affectant l'immeuble situé 7, rue de Reims à Gentilly, étaient imputables à des fuites du réseau géré par la Compagnie générale des Eaux-Veolia, en amont de son pavillon ; celle-ci a au demeurant reconnu sa responsabilité dans la déclaration de sinistre qu'elle a adressée à son assureur, a effectué plusieurs interventions et travaux sur le réseau sans que les premiers juges ne répondent à cette argumentation ; les désordres se sont aggravés au fil du temps ; - son préjudice s'établit comme suit : * 74 000 euros au titre de travaux de structure et d'intérêts sur un emprunt bancaire, * 20 000 euros au titre de travaux d'intérieur à réaliser, * 6 500 euros au titre de travaux extérieurs à réaliser, * 16 500 euros au titre d'un préjudice de jouissance, * 8 000 euros au titre d'un préjudice d'agrément, * 5 000 euros au titre d'un préjudice esthétique, * 30 000 euros au titre de l'immobilisation du bien et de la perte de chance de sa location, * 5 000 euros au titre d'un préjudice moral. Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2022, la société Veolia eau-Compagnie générale des eaux et la société Axa corporate solutions représentées par Me Gourvès, concluent : 1°) à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable ; 2)°à titre subsidiaire, à son rejet au fond ; 3°) à ce que la communauté d'agglomération du Val de Bièvre soit condamnée à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ; 4°) à la condamnation de la partie perdante à payer à la société Veolia la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent, à titre principal, que le requérant n'établit toujours pas son intérêt à agir et, à titre subsidiaire, que la responsabilité de la société Veolia eau-Compagnie générale des eaux n'est pas engagée, que le lien de causalité entre les désordres invoqués avec les dommages subis n'est pas établi, que sa propre faute est opposable à la victime et que les préjudices dont se prévaut M. C... ne sont pas établis. L'établissement public territorial n°12 Grand Orly Seine Bièvre venant aux droits des anciennes communautés d'agglomération du Val-de-Bièvre (CAVB), n'a pas conclu. Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de M. C.... Considérant ce qui suit : 1. Le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande indemnitaire de M. C... comme irrecevable au motif que, si l'intéressé soutenait agir en qualité de représentant de l'indivision des nus-propriétaires -en l'espèce ses enfants- ainsi qu'en sa qualité d'usufruitier du bien subissant les dommages invoqués, en se référant dans ses écritures à un acte notarié du 28 janvier 2013 attestant à son profit de la " donation en usufruit de la maison familiale ", il ne résultait pas de l'instruction que ce document -au demeurant non mentionné dans l'inventaire des pièces communiquées- aurait été produit dans le cadre de l'instance, en dépit du défaut de qualité pour agir opposé au requérant par son contradicteur. Il a ainsi jugé que l'intéressé n'établissait pas sa qualité d'usufruitier ou ne justifiait pas du mandat que lui auraient donné les nus-propriétaires. 2. Un requérant doit justifier de la qualité qui lui donne intérêt pour agir. S'agissant d'un litige relatif à un bien immobilier, il doit ainsi établir un intérêt personnel en qualité de nu-propriétaire ou d'usufruitier, titulaire de droits réels sur le bien objet du litige. Il peut le faire à tout moment de la procédure devant les juges du fond, y compris pour la première fois en appel. 3. Au cas d'espèce, M. C... se prévaut de sa qualité d'usufruitier du bien endommagé en produisant, pour la première fois en appel, un acte notarié du 28 janvier 2013 : en l'espèce un acte rectificatif d'un acte de donation reçu par notaire les 22 et 25 septembre 2000. Il résulte des termes de cet acte que la donatrice du bien situé 7, rue de Reims à Gentilly est Mme A... veuve C..., sa mère, et que les quatre donataires sont les petits-enfants de cette dernière qui sont également les enfants du requérant. Aux termes de l'acte de donation de septembre 2 000, Mme A... veuve C... a fait donation à chacun de ses petits-enfants de la nue-propriété du bien en s'en étant réservé l'usufruit sa vie durant. Aux termes de l'acte notarié du 28 janvier 2013, ledit usufruit a également été réservé, après son décès, sur la tête de son fils, pour que celui-ci en jouisse jusqu'à son propre décès. Cet acte mentionne, au demeurant, que le requérant, devenu usufruitier : " supportera, en sus des réparations dites d'entretien, les grosses réparations telles qu'elles sont définies à l'article 606 du code civil " et qu'il " supportera également seul toutes les réparations et/ou travaux qui découleraient de l'affaissement du sous-sol sur lequel est construite la maison " et précise qu'une importante fuite dans les canalisations d'eau sous la rue serait à l'origine de l'affaissement progressif de la partie extérieure de la maison. M. C... a également produit l'acte de décès de sa mère qui fait apparaître que celle-ci est décédée le 15 décembre 2013. La recevabilité d'un recours s'appréciant à la date de son introduction, il est ainsi désormais établi qu'à la date d'introduction du recours devant le tribunal administratif de Melun, le 31 octobre 2019, le requérant était usufruitier du bien objet du litige et tenu, en outre, au paiement des grosses réparations. Il justifie dès lors de sa qualité lui donnant intérêt à agir pour demander réparation des préjudices dont il se prévaut. 4. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Melun pour que celui-ci statue sur les conclusions de M. C.... 5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions, d'une part, de M. C... et, d'autre part, de la Compagnie générale des Eaux-Veolia et de la société Axa Corporate Solutions, tendant à l'application, au titre de la présente instance, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n°1909811 du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Melun. Article 3 : Les conclusions présentées par les parties devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la société Veolia Eau, à la société Axa Corporate Solutions et à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, M-D JAYERLa présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERANDLa République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03986
CETATEXT000048452256
J1_L_2023_11_00022PA04056
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA04056, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
22PA04056
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
FRAHIER
Mme Emmanuelle TOPIN
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Hair Brea a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2013, 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 avril 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et à titre subsidiaire de la décharger des seules pénalités et majorations. Par un jugement n° 2121044/2-2 du 8 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 septembre et 14 octobre 2022, la SARL Hair Brea, représentée par Me Jean-François Frahier, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement attaqué ; 2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ; 3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la comptabilité a, à tort, été écartée ; - la méthode de reconstitution de la comptabilité est viciée et aboutit à des impositions exagérées. Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que - la requête est irrecevable à défaut de présentation de moyens d'appel nouveaux ou de critiques du jugement attaqué en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 23 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Topin, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Hair Brea, qui exerce une activité de salon de coiffure, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 avril 2016, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge ainsi que des intérêts de retard et des pénalités. La société Hair Brea relève appel du jugement du 8 juillet 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. 2. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration./ Si la comptabilité est tenue en langue étrangère, une traduction certifiée par un traducteur juré doit être représentée à toute réquisition de l'administration. ". Aux termes du I de l'article L. 47 A du même livre : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général (...) ". 3. Il résulte de la proposition de rectification du 27 décembre 2016 que d'une part la société n'a pas présenté les pièces justificatives du détail des recettes journalières pour la période du 1er octobre 2012 au 30 avril 2015, ce que la requérante ne conteste pas utilement en se bornant à faire valoir qu'elle a remis tous les livres et documents comptables exigés par la loi lors de la vérification. Or l'absence de présentation de telles pièces suffit pour que la comptabilité d'une entreprise soit regardée comme dépourvue de valeur probante. D'autre part, la société Hair Brea ne conteste pas avoir fait usage sur la période du 1er mai 2015 au 30 avril 2016, au titre de laquelle la sauvegarde des données du logiciel de caisse a été produite lors de la vérification, d'un logiciel frauduleux lui ayant permis d'effacer de l'enregistrement comptable les recettes réglées en espèce, ce qui est de nature à vicier la comptabilité pour la période considérée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration a, à tort, écarté la comptabilité de l'entreprise doit être écarté. 4. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a reconstitué les recettes en espèces effacées du logiciel de comptabilité du 1er mai au 30 septembre 2015 et a appliqué la moyenne de ces recettes non déclarées ainsi constatée aux chiffres d'affaires déclaré pour les autres périodes contrôlées, au cours desquelles il n'est pas contesté que le logiciel frauduleux a également été utilisé, conduisant à un rehaussement du chiffre d'affaires de 10 695 euros, 10 419 euros et 10 607 euros au titre respectivement des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et de 12 656 euros au titre de la période du 1er octobre 2015 au 30 avril 2016. La société requérante soutient que cette méthode de reconstitution des recettes est radicalement viciée dès lors que les conditions d'exercice de l'activité des exercices 2012 à 2014 ont été différentes de celles de 2015 et qu'il n'a pas été tenu compte des remises et promotions appliquées. Toutefois, au regard de la méthode de reconstitution des seules recettes réglées en espèces, les circonstances ainsi invoquées par la société sont sans incidence sur la méthode utilisée par l'administration. En tout état de cause, si elle fait valoir à ce titre qu'elle a employé moins de salariés qui en outre étaient moins compétents, elle ne l'établit pas par la seule production d'un document manuscrit dépourvu de valeur probante présenté comme un listing du personnel. Elle n'établit pas plus l'incidence de l'absence d'exercice d'activité du gérant qui a été hospitalisé entre août 2012 et janvier 2013 sur le chiffre d'affaires de cette période, alors que l'administration fait valoir, sans être contredite, que le chiffre d'affaires déclaré pour l'exercice 2013 n'a pas connu de variation significative par rapport à ceux déclarés en 2012, 2014 et 2015. Enfin, elle ne justifie pas de l'incidence des promotions et remises de fidélités sur les rehaussements en litige. Par suite, la société Hair Brea, qui ne propose pas par ailleurs d'autre méthode de reconstitution de ses recettes frauduleusement effacées de sa comptabilité, n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution appliquée par l'administration est radicalement viciée. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration, que la société Hair Brea n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Hair Brea est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Hair Brea et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La présidente-rapporteure, E. TOPINL'assesseur le plus ancien, F. MAGNARD Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA04056
CETATEXT000048452257
J1_L_2023_11_00022PA04913
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA04913, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA04913
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
ZEKRI
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de police de Paris lui a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. Par un jugement n° 2214822 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Zekri, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 du préfet de police de Paris ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges n'ont pas répondu de manière suffisamment précise aux moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - l'arrêté contesté, qui est entaché d'un vice de procédure, méconnaît les dispositions des articles L. 432-13 à L. 432-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet de police de Paris aurait dû saisir la commission du titre de séjour ; - il est entaché d'une erreur de fait et méconnaît les dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement n'est pas constitutif d'une menace à l'ordre public ; - il méconnaît les stipulations des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son ancienneté sur le territoire français et de son intégration personnelle et professionnelle ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes motifs ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par ordonnance du 20 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien né le 12 avril 1975, entré en France le 20 août 1996 selon ses déclarations, s'est vu délivrer un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations du b de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, valable du 12 mai 2021 au 11 mai 2022. Par un arrêté du 25 janvier 2022, le préfet de police de Paris a procédé au retrait de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. Par un jugement du 19 octobre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) ". 3. Si les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, les stipulations de cet accord ne font pas obstacle à ce que l'autorité compétente puisse procéder au retrait du certificat de résidence délivré à un ressortissant algérien lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. 4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que pour retirer à M. B... son certificat de résidence, le préfet de police de Paris s'est fondé sur la menace que sa présence en France constituait pour l'ordre public dès lors qu'il avait d'une part, tenté en 2017 d'obtenir frauduleusement une carte d'identité et un passeport français et d'autre part, qu'il avait présenté une fausse facture d'électricité en date du 19 mai 2017 comme justificatif de domicile. Il résulte de l'instruction que le 4 juillet 2017 ont été déposés auprès des services de la mairie d'Orly une déclaration de perte de carte d'identité de nationalité française ainsi qu'un formulaire de demande de délivrance d'une carte nationale d'identité et d'un passeport biométrique français. Ces documents ont été établis au nom de M. A... B... et sont revêtus de la signature de l'intéressé. Les demandes de M. B... ont été rejetées le 7 juin 2018 par les services de la préfecture de Créteil pour fraude documentaire. Il ressort de la fiche de renseignements établie au nom de M. B... versée au dossier par le préfet de police de Paris que ces faits ont fait l'objet d'un signalement auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Créteil le 31 juillet 2018. M. B..., en se bornant à faire valoir que devant sa détresse de ne pas obtenir de titre de séjour, un tiers lui aurait proposé de régulariser sa situation contre une somme d'argent et qu'il aurait seulement signé les documents qui lui ont été présentés, ne conteste pas utilement la matérialité des faits qui lui sont reprochés. En revanche, alors que M. B... soutient ne pas avoir présenté de fausse facture EDF, il ne ressort pas des pièces versées aux débats qu'il aurait produit un faux justificatif de domicile en date du 19 mai 2017. Le requérant est ainsi fondé à soutenir qu'en retenant ce dernier élément, la décision contestée est entachée d'une erreur de fait. Dans ces conditions, eu égard à leur ancienneté et à leur caractère isolé, les faits consistant à souscrire une déclaration de perte d'une carte nationale d'identité et un formulaire dans le but d'obtenir frauduleusement une carte d'identité et un passeport français ne permettent pas à eux-seuls de considérer que la présence en France de M. B..., qui établit résider habituellement sur le territoire français depuis au moins 2011 et auquel un certificat de résidence a été délivré en août 2021, constitue une menace pour l'ordre public. Il s'ensuit qu'en procédant au retrait du certificat de résidence de M. B... pour ce motif, le préfet de police de Paris a commis une erreur d'appréciation. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'illégalité et doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et de celle prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, qui sont ainsi dépourvues de base légale. 5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 6. Eu égard à la nature du certificat de résidence illégalement retiré, la présente décision n'implique pas nécessairement, à la date à laquelle elle est rendue, qu'un certificat de résidence soit délivré à M. B..., mais seulement qu'il soit procédé au réexamen de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer sans délai, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il y a également lieu d'enjoindre au préfet de police de Paris de procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Sur les conclusions au titre des frais liés à l'instance : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2214822 du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 25 janvier 2022 du préfet de police de Paris sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police de Paris. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA04913 2
CETATEXT000048452258
J1_L_2023_11_00022PA05166
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452258.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA05166, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA05166
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
CALVO PARDO
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par un jugement n° 2203626 du 18 novembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 5 décembre 2022, M. B... C..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ; 3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; - la décision contestée est entachée d'erreurs de fait en ce qu'il est entré régulièrement en France et qu'il présente des garanties de représentation dès lors qu'il est en possession d'un passeport en cours de validité et qu'il dispose d'une résidence stable ; - le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ; - sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; - il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment en qualité de salarié ; par suite, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; - il n'a pas pu obtenir un rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis ; - la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence en France, à l'intensité de ses liens personnels et familiaux et à son intégration professionnelle ; - le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation dès lors qu'il est privé de la possibilité de voir sa situation administrative examinée par l'administration au regard de l'ensemble des documents qu'il a en sa possession pour justifier de l'intensité de ses liens personnels, familiaux et professionnels en France ; Sur la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire : - il est entré régulièrement en France et il présente des garanties de représentation dès lors qu'il est en possession d'un passeport en cours de validité et qu'il dispose d'une résidence stable ; dans ces conditions, le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire ; Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de douze mois : - le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire et, par suite, il ne pouvait légalement prendre une décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français ; - la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... C..., ressortissant tunisien né le 2 octobre 1995 à Gabis (Tunisie), est entré en France le 23 juillet 2016 muni d'un visa Schengen de type C. Par un arrêté du 4 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par un jugement du 18 novembre 2022, dont M. B... C... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) / 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail.(...) ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ". 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". 4. La décision contestée vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, ainsi que les articles L. 611-1 à L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que M. A... se disant M. B... C..., né le 2 octobre 1995 à Gabis, de nationalité tunisienne, a déclaré être entré en France en juillet 2016, qu'il n'a pas été en mesure de présenter un document transfrontière au moment de son interpellation, qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français conformément aux dispositions de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Elle mentionne en outre que M. B... C... n'a effectué aucune démarche administrative et n'a pas démontré la volonté de régulariser sa situation au regard du droit au séjour et qu'il a déclaré exercer illégalement une activité professionnelle sans être titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler. Elle indique que l'intéressé a déclaré vivre en France depuis juillet 2016, qu'il ne justifie pas de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France ou de conditions d'existence pérennes ni même d'une insertion particulièrement forte dans la société française et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté. 5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie du visa Schengen de type C valable du 1er juillet 2016 au 1er septembre 2016 délivré à M. B... C... le 24 juin 2016 et de la copie de son passeport que l'intéressé est entré régulièrement en France le 23 juillet 2016. Dans ces conditions, M. B... C... est fondé à soutenir que la décision contestée, qui se fonde notamment sur la circonstance qu'il ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français, est entachée d'erreur de fait. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français après l'expiration de son visa et qu'à la date de la décision contestée, il exerçait l'activité de boulanger depuis le 1er juin 2020 au sein de la société Le Délice sans être muni d'une autorisation de travail. Dans ces conditions, il entrait dans le champ d'application des dispositions du 2° et 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait légalement, pour ces motifs, obliger M. B... C... à quitter le territoire français. 6. En troisième lieu, le requérant soutient que la décision contestée est entachée d'erreur de fait en ce qu'il présente des garanties de représentation dès lors qu'il est en possession d'un passeport en cours de validité et qu'il dispose d'une résidence stable. Cette circonstance, à la supposer établie, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'est pas fondée sur l'absence de garanties de représentation de l'intéressé mais qui est légalement fondée, ainsi qu'il a déjà été dit, sur les motifs tirés de son maintien en situation irrégulière sur le territoire français et sur l'exercice d'une activité professionnelle en étant dépourvu d'autorisation de travail. Par suite, ce moyen doit être écarté. 7. En quatrième lieu, la circonstance que la présence en France de M. B... C... ne constituerait pas une menace pour l'ordre public est, pour le même motif que celui énoncé au point 6, sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 8. En cinquième lieu, lorsque la loi prescrit qu'un ressortissant étranger doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Toutefois, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Par suite, elles ne font pas obstacle, alors même que M. B... C... en remplirait les conditions, à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français. 9. En sixième lieu, si M. B... C... soutient qu'il n'a pas été en mesure de déposer sa demande de titre de séjour faute de pouvoir obtenir un rendez-vous auprès des services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis du fait des dysfonctionnements de la plateforme informatique, il ne produit aucune pièce au soutien de ces affirmations. En tout état de cause, il n'établit pas remplir les conditions lui permettant de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français du fait qu'il pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour ne peut qu'être écarté. 10. En septième lieu, la circonstance que le préfet de la Seine-Saint-Denis a relevé dans sa décision que le requérant ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français au moment de son interpellation, alors ainsi qu'il a déjà été dit, que l'intéressé établit devant le juge être entré en France muni d'un visa ne saurait faire regarder la décision contestée comme entachée d'un défaut d'examen dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et des termes mêmes de la décision contestée, qui font état d'éléments de fait propres à la situation de l'intéressé, que le préfet a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. B... C.... 11. En huitième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... C... est entré régulièrement en France le 23 juillet 2016. Il verse au dossier de nombreuses pièces de différente nature établissant sa résidence habituelle en France à compter de 2016. Cependant, la durée de son séjour n'est que de cinq ans et demi à la date de la décision contestée. M. B... C... est célibataire et sans charge de famille en France. Il se prévaut de ses attaches familiales en France où réside sa sœur en situation régulière ainsi que de ses liens personnels. Toutefois, il n'établit pas l'existence des liens personnels invoqués, ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans. Il verse au dossier notamment un certificat d'affiliation de couverture santé de la société Allianz mentionnant son embauche le 1er juillet 2018 au sein de la société Le Fournil de Venoix, un avis d'impôt sur les revenus 2018 établi en 2020 mentionnant des revenus de 8 606 euros, un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er juin 2020 pour un emploi de vendeur en boulangerie, le formulaire Cerfa de demande d'autorisation de travail pour un emploi de boulanger rempli par son employeur le 26 juillet 2021, la demande de régularisation de la situation administrative de l'intéressé du même jour émanant de son employeur ainsi que des bulletins de salaire pour les mois de juin à août 2020 et d'octobre à décembre 2020, de mars à juin 2021, de septembre à novembre 2021, de février et mars 2022. Cependant, cette activité professionnelle présente un caractère récent à la date de la décision contestée, soit environ trois ans et demi. Les pièces postérieures à la décision contestée sont en outre sans incidence sur sa légalité qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. Au vu de l'ensemble de ces éléments, notamment la durée du séjour de l'intéressé, et même si celui-ci exerce une activité professionnelle, qu'il subviendrait à ses besoins et qu'il maîtrise la langue française, le préfet de la Seine-Saint-Denis en obligeant M. B... C... à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 13. En neuvième et dernier lieu, M. B... C... soutient que la décision contestée fait obstacle à toute possibilité d'obtenir la régularisation de sa situation administrative alors qu'il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour et que, par suite, la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, il ressort notamment des points 9 et 12 que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... C.... Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire : 14. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ". 15. Il ressort des termes de la décision contestée que pour refuser d'accorder à M. B... C... un délai de départ volontaire, le préfet s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que le comportement de l'intéressé, qui a été interpellé pour des faits de conduite sans permis, constitue une menace pour l'ordre public, d'autre part, sur le fait qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisante dans la mesure où il est dépourvu de document de voyage en cours de validité et que s'il a déclaré un lieu de résidence, il n'apporte pas la preuve d'y demeurer de manière stable et effective et, enfin, sur le fait qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. 16. Il ressort des pièces du dossier que M. B... C... est entré régulièrement en France le 23 juillet 2016, qu'il dispose d'un passeport en cours de validité et qu'il justifie, par la production notamment de ses bulletins de salaire de novembre 2021, février et mars 2022, d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dans ces conditions, le préfet ne pouvait retenir ces motifs pour fonder sa décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. Cependant, compte tenu de la menace pour l'ordre public que constitue sa présence en France du fait de la conduite d'un véhicule sans être titulaire du permis de conduire, le préfet pouvait, pour ce seul motif, refuser légalement d'accorder à M. B... C... un délai de départ volontaire. Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de douze mois : 17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". 18. Il ressort du point 16 que le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait légalement refuser d'accorder à M. B... C... un délai de départ volontaire. Il s'ensuit qu'en application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, le préfet pouvait assortir sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français soit prise à en encontre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français. 19. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. B... C... réside habituellement en France depuis son entrée régulière sur le territoire national le 23 juillet 2016, soit depuis cinq ans et demi à la date de la décision contestée. L'intéressé, célibataire et sans charge de famille en France, se prévaut de la présence de sa sœur en situation régulière sur le territoire français et de ses relations personnelles en France. Toutefois, il n'établit pas l'existence des liens personnels invoqués. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et même si l'intéressé exerce l'activité professionnelle de boulanger, en fixant à douze mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a entaché sa décision d'aucune erreur d'appréciation. 20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. No 22PA05166 2
CETATEXT000048452259
J1_L_2023_11_00022PA05364
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452259.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA05364, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA05364
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
SEMAK
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a procédé à un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Par un jugement n° 2221807 du 9 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. A... B... en vue de l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté du 17 octobre 2022 du préfet de la Moselle, enjoint au préfet territorialement compétent d'examiner à nouveau la situation administrative de M. A... B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, le préfet de la Moselle demande à la cour : 1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement du 9 décembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la demande de M. A... B... présentée devant le tribunal administratif de Paris. Il soutient que : - durant son audition, M. A... B... n'a pas évoqué son état de santé et il n'a porté à la connaissance de l'administration aucun élément sérieux et circonstancié concernant son état de santé ; il n'a pas demandé à rencontrer un médecin avant son audition aux fins de vérification de son droit au séjour ; - M. A... B... n'établit pas ne pas pouvoir bénéficier effectivement d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine par la production d'un document relativement ancien et rédigé en espagnol ; il ressort d'un rapport d'ONUSIDA de 2021 que 80 % de la population péruvienne infectée par le VIH bénéficie d'un traitement par des antirétroviraux et de l'article de RFI du 1er décembre 2022 que les traitements sont gratuits au Pérou depuis 2004 ; en tout état de cause, l'absence de traitement médical identique à celui dont il a bénéficié en France ne permet pas d'établir une absence de traitement et de prise en charge médicale adaptés à son état de santé au Pérou ; M. A... B... ne rentrait donc pas dans le champ d'application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; par suite, il n'était pas tenu de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il renvoie à ses écritures de première instance concernant les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le tribunal. La requête a été communiquée à M. A... B... qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., de nationalité péruvienne, né le 6 juillet 1994 à Lambayeque (Pérou), entré en France en septembre 2021 selon ses déclarations, a été interpellé le 17 octobre 2022 par les services de la police aux frontières de Metz à l'issue d'un contrôle d'identité. Par un arrêté du 17 octobre 2022, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a procédé à un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Par un jugement du 9 décembre 2022, dont le préfet de la Moselle relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté. 2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. " 3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat établi le 21 octobre 2022 par un praticien hospitalier de l'hôpital Ambroise Paré, postérieur à la décision contestée mais se référant à une situation antérieure et qui peut donc être pris en compte dans le présent litige, que M. A... B... présente une infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) de stade B diagnostiquée en février 2021, qu'il est pris en charge par le service de médecine interne de l'hôpital Ambroise Paré depuis novembre 2021 et que le traitement médicamenteux quotidien qui lui est prescrit est composé de trois molécules, le bictégravir, le lamivudine et le tenovofir alafenamide. Ce certificat médical mentionne en outre que l'absence de prise en charge médicale " pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité avec une mise en jeu du pronostic vital ". Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... B..., le premier juge a estimé que le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé établit, notamment par la production de ce certificat médical, la nécessité de la prise quotidienne de son traitement et des conséquences d'une exceptionnelle gravité que pourrait entraîner l'interruption de cette trithérapie, que la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou établie par le ministre de la santé le 28 décembre 2018 versée au dossier par l'intéressé ne comprend qu'une des trois molécules composant son traitement médicamenteux et que le préfet de la Moselle n'apportait aucun élément de nature à remettre en cause ni la gravité de la pathologie de l'intéressé, ni l'indisponibilité alléguée des soins dans son pays d'origine. 4. Pour contester le motif d'annulation retenu par le premier juge rappelé au point précédent, le préfet de la Moselle soutient que la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou établie le 28 décembre 2018 est rédigée en espagnol, et serait ainsi difficilement incompréhensible pour les non-hispanophones, et relativement ancienne. Il produit pour la première fois en appel la " fiche pays " du Pérou en date de 2021 établie dans le cadre du programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) qui mentionne notamment que 72 000 adultes sont infectés par le VIH dont 81 % bénéficient d'un traitement antiviral ainsi qu'un article de presse de RFI de 2021 mentionnant que les traitements contre le VIH sont gratuits au Pérou. Toutefois, ces considérations générales ne permettent pas d'établir que M. A... B..., qui présente ainsi qu'il a déjà été dit une infection par le VIH de stade B, pourrait effectivement bénéficier d'un traitement médicamenteux adapté à son état de santé au Pérou alors que deux des trois molécules composant sa trithérapie ne sont pas mentionnées sur la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou du 28 décembre 2018. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle, qui ne conteste pas que l'état de santé de M. A... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'est pas fondé à soutenir que l'intéressé ne rentrait pas dans le champ d'application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, même si M. A... B... n'a pas demandé à rencontrer un médecin avant son audition par les services de police, ni présenté d'éléments d'information suffisamment précis sur son état de santé pendant son audition ainsi que le soutient le préfet de la Moselle, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure portant obligation de quitter le territoire français. 5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 octobre 2022. DÉCIDE : Article 1er : La requête du préfet de la Moselle est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A... B.... Copie en sera adressée au préfet de la Moselle. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA05364 2
CETATEXT000048452260
J1_L_2023_11_00023PA00015
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 23PA00015, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
23PA00015
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
GUILLOU
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et les arrêtés des 9 et 19 décembre 2022 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a assigné à résidence. Par un jugement n°s 2217691, 2218151 du 30 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 19 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a, par l'article 3 de ce jugement, rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 3 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Guillou, demande à la cour : 1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil; 2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; 3°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a assigné à résidence ; 4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : S'agissant de la décision du 9 décembre 2022 du préfet d'Eure-et-Loir portant obligation de quitter le territoire français sans délai : - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen personnel de sa situation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; S'agissant de la décision du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant assignation à résidence : - elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle a été abrogée par la décision du 19 décembre 2022 ; c'est à tort que le tribunal n'a pas pris en compte cette abrogation ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations du 1 de l'annexe II relatif à la gestion concertée des flux migratoires annexé à l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, signé à Tunis le 28 avril 2008 dès lors que le préfet n'établit pas qu'il existait un obstacle à ce qu'il puisse regagner immédiatement son pays d'origine, aucun laissez-passer consulaire n'étant nécessaire à la réalisation des formalités de départ ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs. Par un mémoire en défense enregistré le 11 août 2023, le préfet d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie, en matière de séjour et de travail ; - l'accord-cadre franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations du 28 avril 2008, publiés par décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - et les observations de Me Tharkane, représentant M. A... B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 7 janvier 1997, entré en France le 26 janvier 2022 selon ses déclarations, a été interpellé le 9 décembre 2022 démuni de tout document justifiant son droit au séjour lors d'un contrôle routier opéré sur réquisition du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chartres. Par un arrêté du 9 décembre 2022, le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par des arrêtés des 9 et 19 décembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 30 décembre 2022, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 19 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. A... B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet d'Eure-et-Loir et de l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision du 9 décembre 2022 du préfet d'Eure-et-Loir portant obligation de quitter le territoire français sans délai : 2. En premier lieu, la décision contestée vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8, les accords conclus entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 611-1, L. 611-3 et L. 612-1 et suivants. Elle précise l'identité, la date et le lieu de naissance de M. A... B... et mentionne que l'intéressé serait entré irrégulièrement en France le 26 janvier 2022, démuni des documents exigés par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il n'a jamais effectué de démarches en vue de régulariser sa situation administrative et qu'il est ainsi dépourvu de tout droit au séjour sur le territoire français. La décision mentionne en outre que l'intéressé a déclaré travailler en France sans titre de séjour l'y autorisant, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail, qu'il ne possède aucun document d'identité en cours de validité, qu'il a déclaré, lors de son audition le 9 décembre 2022, ne pas vouloir quitter le territoire français et repartir dans son pays d'origine et être célibataire et sans charge de famille en France. La décision porte l'appréciation selon laquelle M. A... B... ne justifie pas de liens privés et familiaux particulièrement stables, intenses et anciens sur le territoire français, qu'au surplus il n'atteste pas être dépourvu d'attaches familiales dans le pays dont il a la nationalité dans lequel il a vécu pendant vingt-quatre ans et où résident ses parents et qu'en conséquence, son éloignement ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle indique qu'il n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne peut pas bénéficier de l'une des protections prévues par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. 3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation exposée ci-dessus, que le préfet d'Eure-et-Loir a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé. 4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ". 5. M. A... B... soutient être entré régulièrement en France le 26 janvier 2022 et verse au dossier une copie du visa qui lui a été délivré par les autorités maltaises et valable du 14 janvier 2022 au 29 avril 2022. Si ce document ne permet pas d'établir la date exacte de l'entrée sur le territoire français de l'intéressé, la durée de sa présence sur le territoire français présente en tout état de cause un caractère très récent, moins de cinq mois, à la date de la décision contestée. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal d'audition du 9 décembre 2022 établi par les services de gendarmerie, que M. A... B... a déclaré être célibataire et sans charge de famille en France. Si le requérant se prévaut de la présence régulière en France de son frère et de sa sœur, chez laquelle il est hébergé, et produit leur titre de séjour en cours de validité, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 25 ans et où résident ses parents. M. A... B... verse également aux débats un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet pour un poste de soudeur conclu le 23 novembre 2022, le bulletin de salaire de novembre 2022 et l'attestation de déclaration préalable à l'embauche reçue par les services de l'URSSAF le 23 novembre 2022. Cependant, ces éléments sont insuffisants pour établir qu'il serait particulièrement inséré dans la société française compte tenu du caractère très récent de cette activité professionnelle. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, en particulier la durée et les conditions de son séjour en France, le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas, en obligeant M. A... B... à quitter le territoire français sans délai, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant assignation à résidence : 6. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. " 7. Aux termes de l'article 3, intitulé : " Réadmission des personnes en situation irrégulière ", du protocole relatif à la gestion concertée des flux migratoires annexé à l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, signé à Tunis le 28 avril 2008 : " 3.1. Conformément au principe d'une responsabilité partagée en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, la France et la Tunisie réadmettent, dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes, leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de l'autre Partie. (...) Dans le respect des procédures et des délais légaux et réglementaires en vigueur en France et en Tunisie, les deux Parties procèdent à l'identification de leurs ressortissants et à la délivrance des laissez-passer consulaires nécessaires à leur réadmission sur la base des documents énumérés à l'annexe II au présent Protocole. ". En outre, aux termes de l'annexe II, intitulée : " Identification des nationaux ", à ce protocole : " 1. La réadmission d'un ressortissant d'une des deux Parties est exécutée par la Partie requérante, sans délivrance d'un laissez-passer consulaire par la Partie requise, lorsque l'intéressé est en possession d'un passeport en cours de validité délivré par la Partie requise. (...). ". 8. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a relevé que M. A... B... était en possession d'une copie d'un passeport en cours de validité, a décidé d'assigner l'intéressé à résidence pour une durée de quarante-cinq jours au motif que l'exécution de la mesure d'éloignement nécessitait des démarches consulaires dans le but d'obtenir un laissez-passer consulaire. Cependant, il ressort des stipulations de l'annexe II du protocole relatif à la gestion concertée des flux migratoires annexé à l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire du 28 avril 2008 citées au point 8 que si le ressortissant tunisien dispose d'un passeport en cours de validité, la délivrance d'un laissez-passer consulaire par les autorités tunisiennes n'est pas requise pour sa réadmission en Tunisie. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement, pour assigner à résidence M. A... B... pour une durée de quarante-cinq jours, se fonder sur le motif tiré de ce que l'obtention d'un laisser-passer consulaire était requis pour permettre l'exécution de la mesure d'éloignement du 9 décembre 2022 prise par le préfet d'Eure-et-Loir. Par suite, l'arrêté du 9 décembre 2022 est entaché d'illégalité et doit être annulé. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis, que M. A... B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Le présent arrêt qui annule seulement l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a assigné à résidence M. A... B... pour une durée de 45 jours n'appelle pas de mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A... B... de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n°s 2217691, 2218151 du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis assignant à résidence M. A... B... pour une durée de 45 jours. Article 2 : L'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis assignant à résidence M. A... B... pour une durée de 45 jours est annulé. Article 3 : L'Etat versera à M. A... B... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir et au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00015 2
CETATEXT000048452261
J1_L_2023_11_00023PA00285
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452261.xml
Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 23PA00285, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
23PA00285
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme TOPIN
SEMAK
Mme Maguy FULLANA
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par un jugement n° 2207297/10 du 18 octobre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Amélie Semak, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros TTC sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : - il est insuffisamment motivé ; - les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit présenté à l'encontre du refus de titre de séjour ; En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : - la décision est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle est entachée d'une erreur de droit liée à la dénaturation de sa demande ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - la décision est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; - elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - la décision est illégale à raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 14 juin 2023, produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 septembre 2023. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près du Tribunal judiciaire de Paris du 8 décembre 2022, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Fullana a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant haïtien né le 31 mars 1956 et entré en France le 18 décembre 2004 sous couvert d'un visa C, a initialement sollicité la délivrance d'une carte de séjour au titre de l'admission exceptionnelle. Par un jugement n° 1903386 du 15 octobre 2019 confirmé par la Cour administrative d'appel de Versailles, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 mars 2019 refusant la délivrance du titre de séjour sollicité et l'a enjoint à réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement. Par un arrêté du 24 septembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, après réexamen de sa situation, rejeté la demande de titre de séjour de M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement n° 2207297/10 du 18 octobre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Le requérant soutient que la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen de sa demande de titre de séjour pour raisons de santé. Il ressort de la lettre que M. A... a adressée au préfet le 8 juin 2021 qu'il a sollicité subsidiairement, dans le cadre du réexamen de sa demande de titre de séjour à la suite des décisions juridictionnelles rappelées au point 1, une demande d'admission au séjour pour soins sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, il ressort de l'arrêté en litige que le préfet de la Seine-Saint-Denis a uniquement examiné la demande au titre de l'admission exceptionnelle. Dès lors, le préfet qui n'a pas subsidiairement examiné la demande de titre de séjour pour raisons de santé a entaché sa décision d'une erreur de droit. A cet égard, la circonstance que l'arrêté en litige a été précédé d'un arrêté du 18 juin 2021 rejetant, dans des termes identiques, la demande d'admission au séjour à la suite de l'injonction de réexamen prononcée par le jugement du 15 octobre 2019, arrêté qui a, au demeurant, été annulé pour la même erreur de droit tirée du défaut d'examen de la demande de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, par un jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 2204769/11 du 29 novembre 2022 devenu définitif, est sans incidence sur l'erreur de droit entachant l'arrêté en litige. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi sont entachés d'illégalité et doivent être annulés. 3. Il résulte ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 4. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt aurait seulement impliqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis procède au réexamen de la situation de M. A.... Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, une injonction de procéder à ce réexamen ayant déjà été prononcée par le Tribunal administratif de Montreuil par jugement n° 2204769/11 du 29 novembre 2022 devenu définitif, il n'y a pas lieu de prononcer à nouveau une telle injonction. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A... doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A..., Me Semak, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Semak renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2207297/10 du 18 octobre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 24 septembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés. Article 2 : L'Etat versera au conseil de M. A..., Me Semak, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à Me Amélie Semak. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La rapporteure, M. FULLANALa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 23PA00285
CETATEXT000048452262
J1_L_2023_11_00023PA00627
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452262.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 23PA00627, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
23PA00627
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
CABINET BARDON & DE FAY
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement (AFCoPSI) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite, née le 10 septembre 2018, par laquelle le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a refusé d'engager une procédure de sanction sur le fondement de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation à l'encontre des éditeurs de services télévisuels M6 et BeIN. Par un jugement n° 1820611/2-3 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision implicite et a enjoint à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de mettre en œuvre ses pouvoirs de sanction à l'encontre des éditeurs de services de télévision M6 et BeIN, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt n° 20PA04187 du 6 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Paris a : - annulé l'article 2 du jugement n° 1820611/2-3 du tribunal administratif de Paris du 12 novembre 2020 ; - enjoint à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de réexaminer la demande présentée par l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement tendant à l'engagement d'une procédure de sanction sur le fondement de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation à l'encontre des éditeurs de services télévisuels M6 et BeIN, et de prendre une décision expresse sur cette demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ; - rejeté les conclusions présentées par l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement. Par des lettres des 24 février 2021, 27 septembre 2021 et 12 juillet 2022, l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement, représentée par Me de Faÿ, a demandé à la cour, dans le dernier état de ses écritures, en application des dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-1 et suivants du code de justice administrative, d'assurer l'exécution de cet arrêt. Par une lettre du 29 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a informé la cour des mesures prises par ses services pour assurer l'exécution de l'arrêt de la Cour du 6 juillet 2021. Par une lettre enregistrée le 17 janvier 2023, l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement estime que l'arrêt susvisé n'est toujours pas exécuté. Par une ordonnance du 14 février 2023, la présidente de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vertu de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la demande d'exécution présentée par l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code monétaire et financier ; - le code de la consommation ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Mme A..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Considérant ce qui suit : 1. Par une lettre du 2 juillet 2018 reçue le 10 juillet suivant, l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement (AFCoPSI) a saisi la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'économie, des finances et de la relance d'une demande de sanction, en application de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation, à l'encontre des éditeurs de services de communication audiovisuelle M6 et BeIN, en indiquant que lors de la diffusion sur ces deux chaînes, le 16 mai 2018, du match de football opposant l'Olympique de Marseille à l'Atlético Madrid, les joueurs de cette dernière équipe arboraient sur leur maillot le logo de la société Plus500, prestataire de services d'investissement proposant des contrats financiers dont la publicité est interdite par l'article L. 533-12-7 du code monétaire et financier. Par une décision implicite née le 10 septembre 2018 du silence gardé sur sa demande, la DGCCRF a rejeté la demande de l'AFCoPSI. Par un jugement n° 1820611 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a enjoint à la DGCCRF de mettre en œuvre ses pouvoirs de sanction à l'encontre des éditeurs de services de télévision M6 et BeIN, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt n° 20PA04187 du 6 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Paris a annulé l'article 2 de ce jugement et a enjoint à la DGCCRF de réexaminer la demande présentée par l'AFCoPSI tendant à l'engagement d'une procédure de sanction sur le fondement de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation à l'encontre des éditeurs de services télévisuels M6 et BeIN, et de prendre une décision expresse sur cette demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et a rejeté les conclusions présentées par l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement. L'AFCoPSI demande à la cour de prescrire les mesures d'exécution qu'appelle cet arrêt. 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution.(...)/Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...) ". 3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite. (...) ". 4. L'exécution de l'arrêt de la cour du 6 juillet 2021, devenu définitif, impliquait que la DGCCRF procède à un nouvel examen de la demande de sanction, en application de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation, à l'encontre des éditeurs de services de communication audiovisuelle M6 et BeIN, présentée le 10 juillet 2018 par l'AFCoPSI et qu'à l'issue de ce réexamen, elle statue sur cette demande par une décision expresse dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Par un courrier du 31 août 2021, la DGCCRF a informé l'AFCoPSI qu'elle procédait au réexamen de sa demande et que " les services d'enquête de la DGCCRF, ayant constaté un manquement aux articles L. 222-16-1 et L. 222-16-2 du code de la consommation, apporteront les suites appropriées dans les meilleurs délais ". Il résulte de l'instruction que le 22 mai 2022, les services du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont adressé aux opérateurs BeIN et M6 des lettres les informant de l'intention du ministre d'engager la procédure d'injonction de cessation de pratiques illicites et de la possibilité de présenter des observations jusqu'au 24 juin 2022. Par un courrier du 24 juin 2022, reçu le 28 juin suivant, l'opérateur BeIN a " contesté fermement les manquements constatés et la position de l'administration ". Le 30 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a, sur le fondement l'article L. 521-1 du code de la consommation, prononcé à l'encontre de la SAS Bein Sports France d'une part, et de la SA Métropole Télévision -M6 et de la SAS M6 Distribution Digital d'autre part, des injonctions de cessation des pratiques illicites de diffusion de diverses publicités visibles sur les maillots de joueurs de l'Atlético de Madrid lors d'une compétition de football pour le sponsor Plus 500. Ces injonctions ont, en outre, été publiées sur les réseaux sociaux de la DGCCRF à compter du 30 décembre 2022 pour une durée d'un mois. Ces mesures de police administrative ont également fait l'objet d'une dépêche de l'Agence France Presse le 20 janvier 2023, publiée le même jour dans le Monde. Par un courrier du 19 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a informé le président de l'AFCoPSI de l'exécution de ces mesures de police administrative. Dans ces conditions, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a exécuté l'article 2 de l'arrêt de la Cour du 6 juillet 2021. 5. Il résulte de ce qui précède que l'article 2 de l'arrêt de la cour du 6 juillet 2021 ayant été entièrement exécuté le 30 décembre 2022, la demande de l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement tendant à ce que la cour prenne les mesures d'exécution qu'appelle cet arrêt doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association française des courtiers et prestataires de services d'investissement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00627 2
CETATEXT000048452263
J1_L_2023_11_00023PA00692
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 23PA00692, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
23PA00692
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
LGAVOCATS
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 10 janvier 2022 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2201377 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 17 février 2023, M. B..., représenté par Me Levildier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler les décisions du 10 janvier 2022 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la préfète du Val-de-Marne aurait dû saisir la commission du titre de séjour eu égard à sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ; - elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - elles sont entachées d'une erreur de fait en ce qu'elles mentionnent qu'il ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date des décisions contestées et que ses enfants résident à l'étranger ; - elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la préfète du Val-de-Marne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle. Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2023, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - et les observations de Me Nourredine, avocate de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant haïtien né en 1979, est entré en France, selon ses déclarations, le 13 mars 2001. Le 6 décembre 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 10 janvier 2022, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 19 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ". La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par ces dispositions a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. L'existence et la transmission de cet avis sont l'un des éléments qui garantissent les droits de la défense de l'étranger en lui permettant de faire valoir auprès de l'autorité qui va prendre la décision ses réactions par rapport à l'avis de la commission du titre de séjour. Il s'agit donc de garanties substantielles. 3. M. B... soutient que la préfète du Val-de-Marne aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision litigieuse dès lors qu'il justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans. Il ressort des pièces du dossier que pour établir sa présence habituelle sur le territoire français au titre de 2017, M. B... verse au dossier des relevés de versements de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour des consultations chez un médecin généraliste et des actes de biologie en février et décembre 2017, des relevés bancaires des 10 juillet 2017 et 9 janvier 2018 établis par la Banque Postale mentionnant notamment des retraits à des distributeurs automatiques en juin 2017 et une remise de chèque en décembre 2017, des courriers des 28 avril et 4 mai 2017 par lesquels ce même établissement bancaire répond respectivement à une réclamation du 30 mars 2017 et à un courrier du 25 avril 2017 adressés par M. B..., des factures d'EDF des 28 mars, 15 mai, 27 septembre et 3 décembre 2017 ainsi que des courriers de relance de cette société des 7 juin et 17 octobre 2017 du fait de retard de paiement. Au titre de 2018, M. B... produit un relevé de versement de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour une consultation chez un médecin généraliste le 22 février 2018, un courrier du ministre des finances du 28 décembre 2018, des relevés bancaires des 9 janvier et 9 mars 2018 établis par la Banque Postale mentionnant notamment des retraits à des distributeurs automatiques en février 2018 ainsi qu'un récépissé de transfert d'argent de décembre 2018, un courrier de cet établissement bancaire du 12 avril 2018, des factures d'EDF des 28 mars et 27 septembre 2018 et des courriers de relance de cette société des 4 janvier, 19 mars et 28 juin 2018 du fait d'un défaut de paiement, une lettre du 13 novembre 2018 par lequel son avocat sollicite des services de la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne un rendez-vous pour déposer sa demande de titre de séjour ainsi qu'un courrier du 10 mai 2018 de la société Free portant sur la résiliation d'un forfait et la relance pour non paiement d'une facture. Au vu de ces nombreuses pièces de nature différente, M. B... doit être regardé comme justifiant de sa résidence habituelle sur le territoire français au titre de 2017 et 2018. 4. Si en reprenant devant la cour la motivation de sa décision de refus de titre de séjour selon laquelle M. B... n'établit pas résider habituellement en France au titre des années 2016, 2017, 2018, 2020 et 2021, la préfète du Val-de-Marne entend contester le jugement en tant que les premiers juges ont estimé que l'intéressé justifie résider habituellement en France au titre de 2016, 2020 et 2021, il ressort des pièces du dossier qu'au titre de 2016, l'intéressé verse aux débats un avis d'opposition administrative du 28 janvier 2016 émanant de la trésorerie du Val-de-Marne du fait du défaut de paiement d'une amende, d'une mise en demeure de payer de la direction générale des finances publiques du 8 août 2016, une déclaration de recette du centre des finances publiques de Créteil attestant d'un versement de 60 euros le 14 novembre 2016, une convocation du 10 mai 2016 du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Créteil dans le cadre d'une médiation, un relevé de versements de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour une consultation chez un spécialiste et des frais de pharmacie du 12 décembre 2016, des relevés bancaires des 11 janvier et 9 février 2016 établis par la Banque Postale mentionnant notamment des retraits à des distributeurs automatiques, un récépissé d'une opération financière du 30 juin 2016, des courriers de la Banque Postale des 14 mars, 27 mai et 19 octobre 2016 portant respectivement mise en demeure avant résiliation de contrat et résiliation de contrat et un avis d'imposition au titre de 2016. Au titre de 2020, M. B... produit un courrier du 11 janvier 2020 lui notifiant une ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Melun, la copie de cette ordonnance par laquelle le juge des référés a enjoint au préfet du Val-de-Marne de lui fixer un rendez-vous en vue du dépôt de sa demande de titre de séjour, des récépissés de demandes de chèques de banque émis par le bureau de la Banque Postale de Vitry-sur-Seine les 22 mai et 27 juin 2020 en cohérence avec la localisation de son lieu de résidence, un récépissé d'opérations financières du 22 août 2020, un avis d'imposition au titre de 2020 et un courrier de l'agence solidarité transports Ile-de-France du 15 septembre 2020. Au titre de 2021, l'intéressé présente un courrier du 26 juillet 2021 des services de la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne lui demandant de compléter son dossier de demande de titre de séjour, une ordonnance émanant du groupe hospitalier Nord-Essonne du 27 mars 2021 et des examens radiologiques du 8 juillet 2021. Il ressort en outre de la lecture de la décision contestée que l'intéressé a été reçu par les services de la préfecture en dernier lieu le 6 décembre 2021. Dans ces conditions, au vu de l'ensemble de ces pièces, M. B... établit sa résidence habituelle en France au titre de 2016, 2020 et 2021. 5. Il résulte des points 3 et 4 que M. B... établit sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Par suite, il est fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision contestée et a, par suite, méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2, privant M. B... d'une garantie. Il s'ensuit que la décision du 10 janvier 2022 de la préfète du Val-de-Marne refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, qui est ainsi dépourvue de base légale. 6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le moyen retenu par le présent arrêt étant le mieux à même de régler le litige à la date de l'arrêté contesté, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2022 de la préfète du Val-de-Marne. Sur les conclusions à fin d'injonction : 7. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour sous astreinte doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance exposés par M. B.... DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2201377 du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Melun et les décisions du 10 janvier 2022 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours sont annulés. Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. B... en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour. Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Melun et à la préfète du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00692 2
CETATEXT000048452264
J1_L_2023_11_00023PA01828
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 23PA01828, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
23PA01828
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme TOPIN
DOOKHY
Mme Maguy FULLANA
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un jugement n° 2300076/8 du 5 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023, M. A..., représenté par Me Parvèz Dookhy, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2023 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2022 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ; 3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour. Il soutient que le préfet a, en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que le moyen unique de la requête n'est pas fondé. Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Fullana a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant bangladais né le 3 juillet 1989, qui soutient être entré en France le 1er août 2017, a sollicité, le 18 octobre 2021, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 21 décembre 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2300076/8 du 5 avril 2023, dont le requérant relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". 3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. 4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui soutient résider habituellement sur le territoire français depuis le mois d'août 2017, exerce depuis le 22 août 2019 une activité de " sushi man " pour le compte de la société " L'Arbre de Vie ", laquelle a établi à son bénéfice une lettre de motivation, bénéficiant depuis le 1er octobre 2021 d'un contrat à durée indéterminée à temps plein pour un salaire d'ailleurs supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance. M. A... ne se prévaut d'aucune attache particulière en France et n'est pas dénué de famille dans son pays d'origine où résident son épouse, ses parents et sa fratrie. Dès lors et en dépit des efforts d'insertion de l'intéressé sur le territoire français, compte tenu de sa situation personnelle et familiale, de sa durée d'emploi limitée, de son absence de qualifications professionnelles, et de sa présence d'environ cinq ans et demi en France, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de police a pu estimer que sa situation ne relevait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens et pour l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La rapporteure, M. FULLANALa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 23PA01828
CETATEXT000048452265
J1_L_2023_11_00023PA01835
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452265.xml
Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 23PA01835, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
23PA01835
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme TOPIN
LASFARGEAS
Mme Maguy FULLANA
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par un jugement n° 2304832/8 du 20 avril 2023, la magistrate désignée du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023, M. D..., représenté par Me Sylvia Lasfargeas, demande à la Cour : 1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 20 avril 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ; 3°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 ; 4°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ; - l'arrêté en litige est entaché d'incompétence ; - il méconnaît son droit d'être entendu et est dès lors entaché d'un vice de procédure ; - il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Fullana a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., né le 16 juillet 2002 et entré sur le territoire français le 12 avril 2019 selon ses déclarations, a présenté une demande d'admission au titre de l'asile le 2 juillet 2020. Par un arrêté du 17 février 2023, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement n° 2304832/8 du 20 avril 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle : 2. Par une décision du 4 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. D.... Il s'ensuit que les conclusions du requérant tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 4. Contrairement à ce que soutient M. D..., il ressort des termes du jugement attaqué que celui-ci est suffisamment motivé, le bien-fondé des réponses apportées au regard des éléments du dossier étant en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-00059 du 23 janvier 2023 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture, le préfet de police a donné à M. E... C..., chef du bureau de l'accueil de la demande d'asile, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté. 6. En deuxième lieu, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute information complémentaire utile. 7. M. D... a été entendu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile et pouvait faire valoir à tout moment auprès de la préfecture les éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle. Si l'intéressé soutient qu'il a tenté en vain de déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour et a été placé dans l'impossibilité de réaliser une telle démarche en ligne avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse, il ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations. Par suite, le préfet de police, qui n'était pas tenu d'inviter M. D... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, ne l'a pas privé de son droit à être entendu. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ". 9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est arrivé en France en avril 2019, y a obtenu un certificat d'aptitude d'électricien en 2022 et était inscrit pour l'année scolaire 2022/2023 en classe de première dans un lycée professionnel afin de poursuivre des études dans les métiers de l'électricité. S'il produit de nombreuses attestations de la part de la communauté éducative, de ses familles d'accueil successives et de relations rencontrées depuis son arrivée sur le territoire français qui font état de ses efforts d'intégration et de ses grandes qualités humaines, M. D... est célibataire et sans enfant à charge et ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays de naissance (A...) où réside sa mère. Dans ces conditions et eu égard notamment à la durée de son séjour en France, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. D.... 10. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Si le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a ni pour objet ni pour effet de contraindre M. D... à retourner dans son pays d'origine, il peut, en revanche, être utilement invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. 11. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. D..., présentée le 2 juillet 2020, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 mai 2021, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 14 décembre 2022 qui a reconnu l'existence de risques auxquels était exposé M. D... en cas de retour en Angola mais estimé que celui-ci pouvait prétendre à la nationalité congolaise (A...), pays dont sa mère a la nationalité, dans lequel il est né et ne fait état d'aucun risque de persécutions ou de craintes pour sa vie et sa sécurité. Dans ces conditions, les risques en cas de retour en Angola au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être regardés comme établis. Par suite, l'arrêté attaqué, en tant qu'il inclut nécessairement l'Angola comme pays de renvoi, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 12. Il résulte de ce qui précède que M. D... est seulement fondé à demander l'annulation de la décision du 17 février 2023 par laquelle le préfet de police a fixé comme pays de destination l'Angola. Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte : 13. Le présent jugement, qui n'annule que la décision fixant le pays de renvoi en tant qu'elle fixe l'Angola comme pays de destination, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées. Sur les frais du litige : 14. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. D... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire présentée par M. D.... Article 2 : L'arrêté du 17 février 2023 du préfet de police est annulé en tant qu'il fixe l'Angola comme pays de destination. Article 3 : Le jugement n° 2304832/8 du 20 avril 2023 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. La rapporteure, M. FULLANALa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 23PA01835
CETATEXT000048452269
J3_L_2023_11_00019BX00877
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452269.xml
Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 19BX00877, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
19BX00877
5ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme JAYAT
SCP CHONG-SIT & DOUTRELONG
Mme Laury MICHEL
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... et Mme F... B... ont demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le maire de Cayenne a accordé à M. E... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée BM 686 située 1222 route de Bourda à Cayenne. Par un jugement n° 1700141 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par un premier arrêt du 9 mars 2021, la cour a annulé le jugement du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guyane et, après avoir écarté les autres moyens soulevés, a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France, de la méconnaissance des dispositions du 1 de l'article U4.7 du règlement du plan local d'urbanisme relatives à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Par un second arrêt du 31 mai 2022, la cour a, après avoir écarté les autres moyens soulevés, de nouveau sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 et celle du permis de construire modificatif délivré le 13 juillet 2021 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Par des mémoires enregistrés les 19 octobre 2022, 11 mai et 4 juillet 2023 M. E..., représenté par Me Bonfait, conclut au rejet de la requête dès lors que le permis de construire modificatif délivré par le maire de Cayenne le 28 juin 2023 et communiqué à l'instance régularise les vices relevés par la cour. Par un mémoire enregistré le 10 mai 2023, le ministre de la culture a présenté ses observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du patrimoine ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme G..., - les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 8 décembre 2015, le maire de Cayenne a accordé à M. E... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée BM 686 située 1222 route de Bourda à Cayenne (Guyane). Saisi d'une requête de M. D... et Mme B..., voisins immédiats du terrain d'assiette du projet, tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande par un jugement du 27 décembre 2018. Par un arrêt du 9 mars 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guyane et, après avoir écarté les autres moyens soulevés, a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France, de la méconnaissance des dispositions du 1 de l'article U4.7 du règlement du plan local d'urbanisme de Cayenne relatives à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Par arrêté du 13 juillet 2021, le maire de Cayenne a accordé à M. E... un permis de construire modificatif. Par un arrêt du 31 mai 2022, la cour a de nouveau sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 et celle du permis de construire modificatif délivré le 13 juillet 2021 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Le 23 juin 2022, M. E... a déposé une nouvelle demande de permis de construire modificatif, qui a fait l'objet d'un refus de l'architecte des bâtiments de France (ABF) le 26 août 2022. M. E... a déposé une troisième demande de permis de construire modificatif le 28 avril 2023. Par un arrêté du 28 juin 2023, le maire de Cayenne lui a accordé le permis de construire modificatif sollicité. Sur la régularisation du permis de construire initial du 8 décembre 2015 et de son modificatif du 13 juillet 2021 : 2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ". 3. Lorsqu'une autorisation d'urbanisme est entachée d'incompétence, qu'elle a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci est compétemment accordée pour le projet en cause, qu'elle assure le respect des règles de fond applicables à ce projet, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Il en va de même dans le cas où le bénéficiaire de l'autorisation initiale notifie en temps utile au juge une décision individuelle de l'autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d'un jugement décidant, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur une demande tendant à l'annulation de l'autorisation initiale. Dès lors que cette nouvelle autorisation assure la régularisation de l'autorisation initiale, les conclusions tendant à l'annulation de l'autorisation initialement délivrée doivent être rejetées. En ce qui concerne l'accord de l'architecte des bâtiments de France : 4. Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine, dans sa version applicable au litige : " (...) Est considéré (...) comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 621-31 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'un immeuble est (...) situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet (...) d'aucune construction nouvelle (...) sans une autorisation préalable (...) ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code, dans sa version alors applicable : " I. - Le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article L. 621-31 si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées qu'un projet de construction situé dans le champ de visibilité d'un immeuble protégé au titre des monuments historiques ne peut être autorisé sans l'accord de l'architecte des bâtiments de France. 5. Ainsi qu'il a été jugé au point 12 de l'arrêt avant dire droit du 9 mars 2021 de la cour, le projet étant situé dans le champ de visibilité de la résidence " Chalet Bourda " protégée au titre des monuments historiques, il ne peut être autorisé sans l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Cayenne a accordé à M. E... le 28 juin 2023 un permis de construire modificatif pour lequel l'architecte des bâtiments de France a donné son accord le 21 juin 2023. Par suite, le vice entachant le permis initial et le permis de construire modificatif du 13 juillet 2021 a été régularisé par le permis modificatif du 28 juin 2023. En ce qui concerne la méconnaissance de l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme : 6. Aux termes de l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la hauteur maximale des constructions : " 1. La hauteur des constructions individuelles ne pourra excéder 7.20 m, cette hauteur étant mesurée à l'égout du toit et 12 m au faîtage (...) ". Aux termes de l'article 5 des dispositions générales du même règlement : " Définition de la hauteur maximale. La hauteur maximale fixée à l'article 10 du règlement de chaque zone, est la différence d'altitude maximale admise entre le point de référence cité dans le règlement et sa projection verticale sur le sol naturel, tel qu'il apparaît au levé altimétrique effectué avant tous les travaux d'adaptation du terrain lié au projet considéré (...) ". 7. Il ressort des pièces du dossier que le projet modifié prévoit trois niveaux, deux niveaux en sous-sol et un niveau en rez-de-chaussée. S'il prévoit un niveau de moins que le projet de 2021, il ressort des plans joints à la demande de permis de construire modificatif que l'égout de toit du projet modifié se porte à une hauteur de 3,97 mètres contre 3,12 mètres dans le projet de 2021. Par suite, le vice retenu dans l'arrêt avant-dire droit du 31 mai 2022 ne peut être regardé comme régularisé, la différence d'altitude entre l'égout du toit et sa projection verticale sur le sol naturel s'élevant désormais à 9,31 mètres (5,34 + 3,97) et restant supérieure à la hauteur maximale de 7,20 mètres prévue pour ce point de référence. Sur les conséquences de l'absence de régularisation de certains des vices retenus : 8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que l'arrêté du 28 juin 2023 n'a pas permis de régulariser le permis de construire initial du 8 décembre 2015 tel que modifié par le permis du 13 juillet 2021. Par suite, les arrêtés des 8 décembre 2015, 13 juillet 2021 et 28 juin 2023 doivent être annulés. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de mettre à la charge d'aucune des parties à l'instance une quelconque somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Les arrêtés du 8 décembre 2015, du 13 juillet 2021 et du 28 juin 2023 sont annulés. Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme F... B..., à la commune de Cayenne et à M. C... E.... Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Guyane. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Héloïse G...La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°19BX00877
CETATEXT000048452273
J3_L_2023_11_00021BX02217
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452273.xml
Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX02217, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX02217
5ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme JAYAT
CABINET LAPUELLE
M. Sébastien ELLIE
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'Association Pour la Protection des Arbres en bord des Routes (ASPPAR) a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le maire de Condom a délivré à la commune de Condom un permis d'aménager portant sur la rénovation des allées De Gaulle. Par un jugement n° 1802900 du 24 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de l'association. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 mai 2021, l'ASPPAR, représentée par la SELAS Cabinet Lapuelle, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Condom la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a rejeté la requête de l'association pour défaut d'intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté en cause ; - le pétitionnaire ne disposait d'aucune qualité pour solliciter le permis d'aménager en cause, en méconnaissance des dispositions des articles R. 423-1 et R. 431-5 du code de l'urbanisme ; - le dossier de demande de permis d'aménager est incomplet, en méconnaissance des dispositions des articles R. 441-2 et R. 441-5 du code de l'urbanisme, en ce qu'il ne comporte pas d'étude d'impact, de plan de l'état actuel du terrain et de plan masse ; en outre, l'avis de la commission départementale de la nature, du passage et des sites n'a pas été demandé ; - l'arrêté en cause méconnait les dispositions de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, en ce qu'il porte atteinte à un alignement d'arbres ; - l'arrêté attaqué méconnait les dispositions générales du plan local d'urbanisme qui identifie, en application des dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, les allées De Gaulle comme une partie d'un chemin de randonnée à préserver. Par un mémoire enregistré le 30 juillet 2021, la commune de Condom, représentée par la SCP Courrech et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'ASPPAR en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - l'association ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir au regard de son objet et de son champ géographique ; - les moyens soulevés sont infondés. Par une ordonnance du 16 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sébastien Ellie ; - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ; - et les observations de Me Laporte représentant la commune de Condom. Considérant ce qui suit : 1. Le maire de la commune de Condom a accordé à cette commune, le 22 octobre 2018, un permis d'aménager autorisant le réaménagement des allées De Gaulle impliquant la suppression ou le remplacement de plusieurs arbres. L'Association Pour la Protection des Arbres en bord des Routes (ASPPAR) demande à la cour d'annuler le jugement du 24 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2018. 2. L'intérêt pour agir d'une association contre un acte administratif est subordonné à une double exigence d'adéquation entre son objet et l'acte attaqué, tant du point de vue de la nature des intérêts qu'elle défend que de son ressort géographique. En l'absence de précisions sur le champ d'intervention d'une association dans les stipulations de ses statuts définissant son objet, il appartient au juge administratif d'apprécier son intérêt à agir contre la décision qu'elle attaque en prenant en compte les indications fournies sur ce point par les autres stipulations des statuts, notamment par le titre de l'association et les conditions d'adhésion, éclairées, le cas échéant, par d'autres pièces du dossier qui lui sont soumises. 3. Aux termes de l'article 3 des statuts de l'ASPPAR : " Cette association a pour objet la défense des droits de ses membres, usagers et usagères des routes, et la promotion de toute action, et de toute initiative tendant à assurer la conservation des arbres plantés en alignement en bord des routes nationales, départementales et communales, la replantation de ceux qui ont été abattus depuis 1980, et d'une façon générale, la protection des sites, des paysages et de l'environnement, et l'amélioration du cadre de vie. / Les moyens d'action de l'association comprennent l'initiation du public et de l'administration, la diffusion d'informations, le débat public et le dialogue avec les élus et l'administration, la collecte des fonds, le financement d'actions judiciaires et de travaux d'expertise, l'identification, la protection, l'aménagement et la plantation des arbres, la publication des comptes rendus d'opinions et d'activités sur l'objectif de l'association ainsi que toute autre action susceptible de protéger et de valoriser les arbres d'alignement en bord des routes ". 4. Il ressort des pièces du dossier que si l'objet social de l'ASPPAR est en adéquation avec l'aménagement des allées De Gaulle qui implique de modifier l'alignement des arbres, le champ géographique d'intervention de l'association n'est pas défini par ses statuts. De nombreux adhérents de l'association sont domiciliés sur tout le territoire français et le titre de l'association ne fait pas ressortir un objectif particulier d'intervention dans le département du Gers. Aucun des éléments versés au dossier d'appel ne permet de regarder le ressort géographique de l'association comme limité à ce département. Dans ces conditions, ce ressort doit être regardé comme national, alors même que l'association entend " recentrer " son activité sur le département du Gers ainsi qu'il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale de l'association du mois de novembre 2018. Ainsi, l'ASPAR ne justifie pas de son intérêt à agir au regard de l'opération autorisée par la décision contestée, qui est d'intérêt communal. La demande de l'ASPPAR est donc irrecevable, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Pau. 5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ASPPAR la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Condom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'ASPPAR est rejetée. Article 2 : L'ASPPAR versera la somme de 1 500 euros à la commune de Condom au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association Pour la Protection des Arbres en bord des Routes et à la commune de Condom. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 où siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, Sébastien Ellie La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21BX02217
CETATEXT000048452274
J3_L_2023_11_00021BX02660
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX02660, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX02660
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme JAYAT
SIRIEZ
Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Signoret Jean-Louis, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014 en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant de 326 695 euros. Par un jugement n° 1902452 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 juin 2021 et 5 juin 2023, la SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Signoret Jean-Louis, représentée par Me Siriez, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1902452 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2021 ; 2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014 en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant de 326 695 euros ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : Sur la régularité du jugement attaqué : - le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le transfert d'une partie du chiffre d'affaires taxable à 19,6% sur le chiffre d'affaires taxable à 5,5 % relevait d'une erreur de plume qui n'a eu aucune conséquence sur les résultats ou sur la TVA ; Sur la régularité de la procédure d'imposition : - la procédure a été menée de manière précipitée par l'administration dès lors que l'avis de vérification du 6 octobre 2014 a été envoyé très rapidement après la fin du délai de deux mois imparti au mandataire pour déposer les déclarations fiscales de 2014 à la suite de la liquidation judiciaire de la société prononcée le 9 juillet 2014 ; elle a été contrôlée le 28 octobre 2014, le mandataire ne pouvant avoir le temps de s'organiser ; en outre, elle n'a pas bénéficié de la procédure de relance amiable à la suite de la mise en demeure ; - l'avis de mise en recouvrement est irrégulier dès lors qu'il est dépourvu de signature ; - en application de la doctrine de l'administration référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 n°150, 18-2-2019, l'avis de mise en recouvrement doit être daté et signé et il doit indiquer la qualité, le nom et le prénom du signataire ; - la proposition de rectification est insuffisamment motivée ; Sur le bienfondé des impositions en litige : En ce qui concerne la TVA collectée : -s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre de l'année 2014, des circonstances permettent de justifier que des encaissements aient été non déclarés ; - s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre des années 2012 et 2013, les calculs présentés par l'administration sont erronés en ce que d'une part, cette dernière a inclus à tort les produits exceptionnels sur opérations en capital dans le chiffre d'affaires HT taxable à la TVA et d'autre part, en ce que le calcul des encaissements est erroné ; - l'écriture relevée dans le journal d'opérations diverses au 31 décembre 2012 comme transférant une partie des résultats taxables à un taux de 19,6% à 5,5% n'est qu'une erreur de plume qui n'a eu aucune conséquence sur le chiffre d'affaires déclaré à la TVA ; En ce qui concerne la TVA déductible : - l'administration ne pouvait lui reprocher d'avoir comptabilisé de la TVA déductible à raison de la TVA inscrite en compte 44586 " TVA sur factures non parvenues ", alors même que qu'elle n'a pas procédé au contrôle des fournisseurs ou des fournitures en cause ; Sur les pénalités : - la pénalité pour manquement délibéré est insuffisamment motivée et n'est pas justifiée. Par des mémoires enregistrés les 22 décembre 2021 et 20 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par ordonnance du 20 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public, - les observations de Me Touche représentant la SARL Malmezat Prat, mandataire liquidateur de la Société Signoret Jean-Louis. Considérant ce qui suit : 1. La société Signoret Jean-Louis, représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL Malzemat Prat, qui avait pour activité la réalisation de travaux publics, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 28 octobre 2014 au 28 janvier 2015. A la suite de cette vérification de comptabilité, l'administration fiscale lui a adressé, le 19 février 2015, une proposition de rectification notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014. Par un avis de mise en recouvrement du 15 avril 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de cette période en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant total de 326 695 euros. Par une réclamation du 28 décembre 2018, la SELARL Malzemat Prat agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Signoret Jean-Louis, a contesté ces rappels. L'administration fiscale a rejeté la réclamation de la société le 20 mars 2019. La SELARL Malzemat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Signoret Jean-Louis, relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge de ces rappels de taxe. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il résulte de l'instruction, et notamment du point 9 du jugement attaqué, que le tribunal administratif a répondu au moyen tiré de ce que le transfert d'une partie du chiffre d'affaires taxable à 19,6% sur le chiffre d'affaires taxable à 5,5 % relevait d'une erreur de plume et de ce que cette erreur n'avait eu aucune conséquence sur les résultats ou sur la TVA. Ainsi et alors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés devant eux, les premiers juges ont statué de manière suffisamment précise sur cet argument, sans entacher leur jugement d'aucune omission. Par suite, ce jugement n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Signoret Jean-Louis, en difficulté financière depuis plusieurs années, s'est déclarée en cessation de paiement en 2014 et que le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé, le 9 juillet 2014, la résolution du plan de redressement judiciaire arrêté en 2005 et son placement en liquidation judiciaire. L'appelante soutient que la procédure d'imposition en litige aurait été " précipitée " dès lors que l'administration lui a adressé un avis de vérification de comptabilité le 6 octobre 2014 et que cette vérification a débuté le 28 octobre 2014, alors même qu'elle venait d'être nommée en tant que mandataire liquidateur. Elle soutient en outre qu'elle n'a pas bénéficié " d'une procédure de relance amiable " après avoir fait l'objet d'une mise en demeure le 14 octobre 2014 de déposer une déclaration de résultats au titre de l'exercice 2014, dès lors qu'elle n'avait pas déposé cette dernière dans les 60 jours suivant le jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire telle que le prévoit le code général des impôts. Cependant, comme l'ont à juste titre retenu les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances, à les supposer établies, auraient été de nature à entacher d'un quelconque vice la procédure de contrôle et de rectification en litige. Par suite, le moyen doit être écarté dans ses deux branches. 4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même code : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressements doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. 5. L'appelante se prévaut des dispositions précitées et soutient que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 19 février 2015 était insuffisamment motivée dès lors que s'agissant des rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier au 9 juillet 2014, l'administration se contente de faire état des encaissements non déclarés d'après les paiements des clients mais ne procède à aucun examen des circonstances qui pourraient justifier que des encaissements ne soient pas considérés comme acquis, et, s'agissant des rappels de TVA au titre de la période correspondant à l'année 2013, l'administration ne précise pas les détails des écritures incriminées reprochant sans autre motif à la société d'avoir comptabilisé de la TVA déductible de manière injustifiée. Or, s'agissant de la TVA déductible et les rappels consécutifs au titre des périodes concernées, le service vérificateur indique les motifs de droit qui ont fondé sa proposition de rectification, les faits constatés et explique les raisons pour lesquelles il considère que les sommes qu'il retient correspondent à un montant de TVA déduit à tort par la société sur les périodes 2013 et 2014. Ainsi, et alors que de manière globale, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la proposition mentionne les impôts concernés par la rectification envisagée et explique la méthode utilisée pour aboutir aux rehaussement proposées, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Aux termes de l'articles L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2017, applicable au litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ". Aux termes de l'article R.*256-3 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement est rédigé en double exemplaire : / a) Le premier, dit " original ", est déposé au service compétent de la direction générale des finances publiques ou à la recette des douanes et droits indirects chargé du recouvrement ; / b) Le second, dit " ampliation ", est destiné à être notifié au redevable ou à son fondé de pouvoir ". Aux termes de l'article R. 256-6 du même livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l'" ampliation " prévue à l'article R. * 256-3. (...) ". 7. La loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a modifié les dispositions citées au point précédent de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, pour prévoir que l'avis de mise en recouvrement " est émis et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret, selon les modalités prévues aux articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration ". Elle a également modifié les dispositions de l'article L. 212-2 de ce dernier code, pour ajouter les avis de mise en recouvrement à la liste, figurant à cet article, des actes dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, quelles que soient les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance des intéressés. L'ensemble de ces nouvelles dispositions s'applique, en vertu du A du V de l'article 90 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, aux avis de mise en recouvrement émis à compter du 1er janvier 2017. Il résulte de ces dispositions que les avis de mise en recouvrement émis à compter du 1er janvier 2017 n'ont pas nécessairement à comporter la signature de leur auteur, dès lors que, par les autres mentions qu'ils comportent, ils sont conformes aux prescriptions de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration. 8. Pour l'application des dispositions antérieures, citées au point 6, applicables au litige, le contribuable auquel a été adressé, avant le 1er janvier 2017, un avis de mise en recouvrement, lequel constitue un titre exécutoire authentifiant la créance de l'administration, doit être à même de vérifier que son signataire est effectivement l'autorité compétente en vertu des dispositions des articles L. 256, L. 257 A et R. 256-8 du livre des procédures fiscales. Si l'ampliation de l'avis de mise en recouvrement adressée au contribuable n'a pas nécessairement à comporter de signature dès lors que l'original déposé au service compétent en est revêtu, il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration qu'elle doit en revanche comporter les mentions de nature à permettre l'identification de son auteur et sa qualité. 9. Il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les pénalités et les intérêts de retard ont été réclamés à la société Signoret Jean-Louis par un avis de mise en recouvrement ampliatif en date du 15 avril 2015, pour un montant de 326 695 euros. Outre la date, ce document comporte l'identification de la 2ème brigade régionale de vérification de Bordeaux, chargée du recouvrement, et, dans le cadre " nom et qualité du signataire ", une mention " Le comptable public " recouvert d'un nom, tous deux difficilement lisibles, sous lequel est indiqué " Contrôleur principal des finances publiques ". Toutefois, le document comporte par ailleurs dans la rubrique " affaire suivie par " l'apposition d'un tampon mentionnant : " Gisèle Poireau - Contrôleur principal des finances publiques ". La comparaison des deux mentions permet de déchiffrer ce même nom, en réalité apposé à l'aide du même tampon, sur la mention " Le comptable public ". Ainsi, l'avis de mise en recouvrement adressé à la société appelante comportait les mentions de nature à lui permettre l'identification de son auteur et de sa qualité. Si, par ailleurs, ce document ne comportait pas la signature de la comptable publique, l'original produit par le ministre en défense la comporte bien. Enfin, la société appelante ne peut utilement se prévaloir de la doctrine de l'administration référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 n°150, 18-2-2019, selon laquelle l'avis de mise en recouvrement doit être daté et signé et indiquer la qualité, le nom et le prénom du signataire, une telle instruction qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale étant exclue du champ de la garantie de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement doit être écarté. Sur le bien-fondé des rappels de TVA : 10. Comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la SELARL Malmezat-Prat, agissant en qualité de mandataire liquidateur pour la société Signoret Jean-Louis, n'ayant pas répondu à la proposition de rectification, il lui appartient, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré des rappels de TVA mis à la charge de cette société au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Il en est de même au titre de la période correspondant à l'année 2014. En ce qui concerne la TVA collectée : 11. Aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " 1. La base d'imposition est constituée : a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ". En outre, aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 3. (Biens usagés) : 1° a. Sous réserve, le cas échéant, des dispositions des 1° et 2° du III de l'article 257, les ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leurs exploitations. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas aux biens qui ont ouvert droit à déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée lors de leur achat, acquisition intracommunautaire, importation ou livraison à soi-même. Les dispositions du deuxième alinéa ne s'appliquent ni aux biens cédés à des personnes qui ont souscrit un contrat de crédit-bail ou de location avec option d'achat avant le 8 septembre 1989, ni aux véhicules destinés à la location simple, inscrits à l'actif des entreprises de location avant le 8 septembre 1989, si ces véhicules sont cédés à des personnes autres que des négociants en biens d'occasion (Loi n° 89-935 du 29 décembre 1989, art. 31 I 2 et 3) ; ". 12. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a constaté que le rapprochement entre le chiffre d'affaires déclaré à la TVA et celui issu de la compatibilité de la société contrôlée mettait en évidence des discordances importantes et non expliquées. Il a reconstitué, au vu de la comptabilité présentée, les encaissements imposables au titre de chaque période à partir du chiffre d'affaires porté au compte de résultats, affecté de la variation des soldes des comptes clients, des avances reçues et des traites escomptées. Il a conclu à une minoration du chiffre d'affaires de 473 563 euros en 2012, de 76 077 euros en 2013 et de 328 221 euros en 2014. 13. D'une part, s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre de la période du 1er janvier au 9 juillet 2014, la société appelante se prévaut, pour contester les rappels effectués à ce titre, de circonstances permettant de justifier que des encaissements aient été non déclarés et notamment le fait qu'ils n'étaient pas définitivement acquis. Toutefois, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite, et alors que comme il a été dit au point 10, la charge de la preuve lui incombe, elle n'est pas fondée à soutenir que ces rappels seraient exagérés. 14. D'autre part, s'agissant de la TVA collectée déclarée au titre de la période correspondant aux années 2012 et 2013, l'appelante soutient que les calculs présentés par l'administration sont erronés en ce que cette dernière a inclus à tort les produits exceptionnels sur opérations en capital dans le chiffre d'affaires HT taxable à la TVA. Elle n'apporte toutefois aucun élément à l'appui de ses allégations. En outre, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, elle ne produit aucun élément permettant de retenir que les cessions d'éléments d'actif intervenues en 2012 et 2013 concerneraient des biens qui n'avaient pas ouvert droit à déduction lors de leur acquisition, et seraient ainsi exonérées de TVA en vertu du a du 1° du 3 de l'article 261 du code général des impôts. 15. En ce qui concerne le calcul des encaissements, la requérante fait valoir que les données chiffrées retenues par l'administration s'agissant des périodes 2012 et 2013 sont erronées et que sur la base de ses propres calculs, l'insuffisance de la TVA collectée ne se porte qu'à hauteur de 49 321 euros contre 88 817 euros pour l'année 2012 et fait apparaître un excédent de déclaration de 70 246 euros contre un rappel de 13 275 euros pour l'année 2013. Cependant, si elle produit sa comptabilité en appel, elle n'apporte aucun élément justificatif des sommes qu'elle avance permettant de remettre en cause les rappels opérés par l'administration. 16. Enfin, la société requérante soutient que l'écriture relevée dans le journal d'opérations diverses au 31 décembre 2012 comme transférant une partie des résultats taxables à un taux de 19,6% à 5,5% n'est qu'une erreur de plume qui n'a eu aucune conséquence sur le chiffre d'affaires déclaré à la TVA dès lors qu'aucun chiffre d'affaires n'a été comptabilisé et déclaré au taux de 5,5%. Toutefois, cette circonstance, à la supposer établie, n'a aucune influence sur le bien-fondé des rappels opérés dès lors qu'il résulte de l'instruction que le service n'a pas tenu compte du taux de taxe erroné inscrit en comptabilité. En ce qui concerne la TVA déduite : 17. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas :/a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ;/c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; (...)/ 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, (...) (...) ". 18. La société requérante soutient que l'administration lui a reproché, à tort, d'avoir comptabilisé de la TVA déductible à raison de la TVA inscrite en compte 44586 " TVA sur factures non parvenues ", pour des sommes de 3 380 euros et 57 400 euros, respectivement au 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013, et ce sans procéder au contrôle des fournisseurs ou des fournitures en cause. Toutefois, et alors qu'elle supporte la charge de la preuve, elle ne justifie pas des factures, ni de tout autre document, de nature à lui permettre de procéder à la déduction de cette TVA. Par suite, ce moyen doit être écarté. Sur les pénalités : 19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; ". 20. D'une part, la société requérante reprend en appel, sans critique du jugement et sans élément nouveau, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des pénalités fiscales qui lui ont été appliquées. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges. 21. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'eu égard à l'importance des sommes rectifiées, au fait que la société a déjà fait l'objet d'une précédente procédure de vérification s'étant soldée par des rappels de TVA pour déduction par anticipation notamment, l'administration a pu légalement faire application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, quand bien même il résulte de l'instruction que la société contrôlée n'a pas eu l'intention de placer une partie des prestations réalisées sous le régime du taux de TVA à 5,5% au lieu d'un taux à 19,6%. 22. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Signoret Jean-Louis, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 9 juillet 2014 en droits, intérêts de retard et pénalités pour un montant de 326 695 euros. Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance : 23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une quelconque somme à la SELARL Malmezat-Prat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1 : La requête de la SELARL Malmezat-Prat agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Signoret Jean-Louis est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SELARL Malmezat-Prat agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Signoret Jean-Louis et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Une copie en sera adressée à la direction régionale du contrôle fiscal du Sud-ouest. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe 21 novembre 2023. La rapporteure, Héloïse A... La présidente, Elisabeth JayatLa greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21BX02660
CETATEXT000048452275
J3_L_2023_11_00021BX02701
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX02701, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX02701
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme JAYAT
HASENOHRLOVA-SILVAIN
Mme Edwige MICHAUD
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Technical Systems SRO a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013. Par un jugement n°1902758 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 juin 2021, la société Technical Systems SRO, représentée par Me Hasenohrlova, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 11 février 2019 par laquelle la direction spécialisée du contrôle fiscal a rejeté sa réclamation formée à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2013. Elle soutient que : - la décision du 11 février 2019 a été prise par une autorité incompétente ; - elle méconnaît les articles 256 A, 259 et 283 du code général des impôts dès lors que son activité n'est pas imposable à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société Technical Systems SRO ne sont pas fondés. Par ordonnance du 10 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste tchécoslovaque tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus, signée à Paris le 1er juin 1973 ; - la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Michaud, - les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La société Technical Systems SRO est une société de droit slovaque, créée en 2008, ayant son siège social déclaré à Pieštany en Slovaquie et dont l'associée unique est une ressortissante slovaque. Le gérant de cette société est un ressortissant slovaque, M. B... A.... Cette société a développé une activité de sous-traitance de pose de panneaux photovoltaïques sur le territoire français pour le compte d'entreprises françaises notamment entre 2010 et 2013. En 2015, elle a fait l'objet d'une vérification générale de comptabilité qui a porté sur la période du 3 janvier 2008 au 31 décembre 2013. À l'issue des opérations de contrôle, le service l'a informée, par une proposition de rectification du 30 mai 2016, de son intention de l'assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des prestations de services réalisées en France entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2013. Au terme de la procédure, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée augmentés de majorations et de pénalités lui ont été réclamés selon la procédure de taxation d'office, pour les montants de 320 665 euros au titre de l'année 2010, 877 918 euros au titre de l'année 2011, 770 177 euros au titre de l'année 2012 et 165 071 euros au titre de l'année 2013, soit un total de 2 133 821 euros. Par une décision du 11 février 2019, l'administration fiscale a rejeté la réclamation formée par la société Technical Systems SRO à l'encontre de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par un jugement du 29 avril 2021, dont la société Technical Systems SRO fait appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces rappels de taxe. 2. En premier lieu, les vices qui entachent la décision par laquelle la réclamation d'un contribuable est rejetée sont sans influence sur le bien-fondé de l'imposition contestée ou sur la régularité de la procédure d'établissement de cette imposition. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du fonctionnaire du signataire de la décision de rejet de la réclamation de la société est inopérant. 3. En second lieu, aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, (...) ". Aux termes de l'article 283 du même code : " 1. Aux termes de l'article 283 du même code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, sous réserve des cas visés aux articles 275 à 277 A où le versement de la taxe peut être suspendu. (...). 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur. (...) ". 4. Il résulte de ces dispositions que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. Dès lors que celles-ci peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire. 5. D'une part, une vérification de comptabilité de la société Technical Systems SRO a été opérée entre le 4 février 2015 et le 25 mai 2016 au domicile du gérant de cette société situé à Lormont en Gironde et une demande d'assistance administrative a été adressée aux autorités administratives slovaques le 19 mars 2015 sur le fondement de l'article 28 de la convention fiscale entre la France et la Tchécoslovaquie signée le 1er juin 1973 à laquelle les autorités slovaques ont répondu le 31 décembre 2015. Les renseignements que l'administration a recueillis à l'occasion de cette opération ont révélé que cette société travaille depuis 2010 sur le territoire français pour des entreprises françaises dans le cadre de contrats de sous-traitance, de sorte qu'entre 2010 et 2013, la part du chiffre d'affaires de l'entreprise réalisé en France était supérieure à 98%. Il en ressort également que le gérant de la société requérante et sa compagne, directrice administrative et commerciale de la société, résidaient ensemble au cours de la période vérifiée à une adresse située à Lormont en Gironde, depuis laquelle étaient rédigés en français les devis, contrats et factures de cette entreprise. Il résulte également de l'instruction et notamment des indications non utilement contredites sur ces points de la proposition de rectification du 30 mai 2016, que selon les statuts de la société, l'organe statutaire de la société est son gérant, seul habilité à agir et à signer des documents au nom de la société de manière autonome, que l'activité de pose de panneaux photovoltaïques en France ne nécessitait aucune structure en Slovaquie, que les entreprises françaises pour le compte desquelles travaillait la société requérante fournissaient sur place l'essentiel des matériaux, que la gestion administrative et commerciale de la société s'exerçait à partir du domicile personnel de M. A... situé à Lormont, que ce dernier signait tous les contrats pour lesquels il s'engageait au nom de la société et qu'en sa qualité de dirigeant de la société, il a exercé de manière permanente sur l'intégralité de la procédure vérifiée, ses pouvoirs de direction depuis la France, et en particulier depuis son adresse personnelle à Lormont. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction que la directrice administrative et commerciale, qui parle couramment le français, était l'interlocutrice des clients de l'entreprise, s'occupait du suivi des documents contractuels, et organisait également l'intervention, le détachement et l'hébergement de salariés slovaques détachés pour réaliser des prestations en France. Les éléments produits par la société requérante concernant la situation personnelle de son gérant et ses intérêts en Slovaquie ne suffisent pas à contredire les affirmations de l'administration fiscale qui ressortent des opérations de vérification, d'autant que le ministre des finances slovaque indique, dans un courrier du 10 mars 2020 adressé à son homologue français, que le gérant de la société requérante a le centre de ses intérêts économiques en France. Dans ces conditions, et alors même que le siège social et le compte bancaire de l'entreprise ont été fixés en Slovaquie, pays dans lequel réside son associé unique et se tiennent ses assemblées générales, que les déclarations fiscales de la société ont été déposées en Slovaquie au titre des exercices 2008 à 2013, que la société fournissait la main d'œuvre d'origine slovaque et aurait acquitté un impôt slovaque sur les sociétés, la société Technical Systems SRO doit être regardée comme disposant d'un établissement stable situé en France présentant un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. 6. D'autre part, il est constant que les entreprises pour le compte desquelles la société requérante a travaillé en France entre 2010 et 2013 ont la qualité de preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ayant le siège de leur activité économique en France au sens du 1° de l'article 289 du code général des impôts. Par ailleurs, il résulte du point précédent que le prestataire, à savoir la société requérante, est établie en France. Il en résulte que la société requérante était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2010 à 2013. 7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 6 que c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la société Technical Systems SRO était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Technical Systems SRO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Technical Systems SRO est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Technical Systems SRO et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige MichaudLa présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX02701
CETATEXT000048452276
J3_L_2023_11_00021BX02702
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX02702, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX02702
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme JAYAT
HASENOHRLOVA-SILVAIN
Mme Edwige MICHAUD
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Technical Systems SRO a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont été réclamés au titre des années 2011 et 2012. Par un jugement n°1902886 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 juin 2021, la société Technical Systems SRO, représentée par Me Hasenohrlova, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 18 février 2019 par laquelle la direction spécialisée du contrôle fiscal a rejeté sa réclamation formée à l'encontre des rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont été réclamés au titre des années 2011 et 2012. Elle soutient que : - la décision du 18 février 2019 a été prise par une autorité incompétente ; - elle méconnaît les articles 1586 ter et 1447 du code général des impôts ; - elle méconnaît les articles 4 et 7 de la convention fiscale entre la France et la Tchécoslovaquie du 1er juin 1973. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société Technical Systems SRO ne sont pas fondés. Par ordonnance du 10 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste tchécoslovaque tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus, signée à Paris le 1er juin 1973 ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La société Technical Systems SRO est une société de droit slovaque créée en 2008 ayant son siège social déclaré à Pieštany en Slovaquie. Elle a exercé une activité de sous-traitance de pose de panneaux photovoltaïques sur le territoire français pour le compte d'entreprises françaises notamment entre 2010 et 2013. Elle a fait l'objet d'une vérification générale de comptabilité entre le 4 février 2015 et le 25 mai 2016 qui a porté sur la période du 3 janvier 2008 au 31 décembre 2013. À l'issue des opérations de contrôle, le service l'a informée, par une proposition de rectification du 30 mai 2016, de son intention de l'imposer à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011 et 2012, à raison des prestations de services réalisées en France. Au terme de la procédure, des rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises ont été mis en recouvrement, pour un total de 26 532 euros. Par une décision du 18 février 2019, l'administration fiscale a rejeté la réclamation formée par la société Technical Systems SRO à l'encontre de ces rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises. Par un jugement n°1902886 du 29 avril 2021, dont la société fait appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société Technical Systems SRO tendant à la décharge de ces rappels. 2. En premier lieu, les vices qui entachent la décision par laquelle la réclamation d'un contribuable est rejetée sont sans influence sur le bien-fondé de l'imposition contestée ou sur la régularité de la procédure d'établissement de cette imposition. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du fonctionnaire signataire de la décision de rejet de la réclamation de la société est inopérant. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1447-0 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " Il est institué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. ". Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I. - Les personnes (...) morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. (...) ". Aux termes de l'article 1447 du même code dans sa version applicable au litige : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes (...) morales, (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...). III. - Les personnes et sociétés mentionnées au I ne sont pas soumises à la cotisation foncière des entreprises à raison de leurs activités qui ne sont assujetties ni à l'impôt sur les sociétés ni à l'impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité propres à ces impôts. ". 4. Il est constant que la société requérante a exercé en France en 2011 et 2012 une activité professionnelle non salariée et que le montant de son chiffre d'affaires pour les opérations réalisées en France au titre de chacune de ces deux années a été supérieur à 152 500 euros. Par suite, le moyen tiré de ce que la société ne remplirait pas les conditions d'assujettissement prévues par les dispositions précitées des articles 1586 ter et 1447 du code général des impôts doit être écarté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste tchécoslovaque tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus, signée à Paris le 1er juin 1973 : " Impôts visés. 1. La présente Convention s'applique aux impôts sur le revenu et sur la fortune perçus dans chacun des deux Etats contractants, quel que soit le système de perception. 2. Sont considérés comme impôts sur le revenu et sur la fortune, les impôts perçus sur le revenu total, sur la fortune totale, ou sur des éléments du revenu ou de la fortune, y compris les impôts sur les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers ou immobiliers, et les impôts sur les plus-values. 3. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : A. - En ce qui concerne la France : a) L'impôt sur le revenu ; b) L'impôt sur les sociétés, y compris toute retenue à la source, tout précompte ou tout versement anticipé afférents aux impôts visés ci-dessus ; c) La contribution des patentes. (...). 4. La Convention s'appliquera aussi aux impôts futurs de nature identique ou analogue qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. Les autorités compétentes des Etats contractants se communiqueront les modifications apportées à leurs législations fiscales respectives. ". Aux termes de l'article 4 de cette même convention : " Domicile fiscal. 1. Pour l'application de la présente Convention, une personne est considérée comme domiciliée dans un Etat contractant quand cette personne est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. (...). Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne autre qu'une personne physique est considérée comme domiciliée dans chacun des Etats contractants, elle est réputée domiciliée dans l'Etat contractant où se trouve son siège de direction effective. ". Aux termes de l'article 5 de cette convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) Un siège de direction ; b) Une succursale ; c) Un bureau ; ". Aux termes de l'article 7 de cette même convention : " Bénéfices des entreprises. 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. (...) ". 6. Les renseignements que l'administration a recueillis à l'occasion de l'opération de vérification rappelée au point 1 ont révélé que la société requérante travaille depuis 2010 sur le territoire français pour des entreprises françaises dans le cadre de contrats de sous-traitance, de sorte qu'entre 2010 et 2013, la part du chiffre d'affaires de l'entreprise réalisé en France était supérieure à 98%. Il en ressort également que le gérant de la société requérante et sa compagne, directrice administrative et commerciale de la société, résidaient ensemble au cours de la période vérifiée, à une adresse située à Lormont en Gironde, depuis laquelle étaient rédigés en français les devis, contrats et factures de cette entreprise. Il résulte de l'instruction et notamment des éléments non utilement contestés sur ces points de la proposition de rectification du 30 mai 2016 que le gérant de la société Technical Sytems SRO signait tous les contrats pour lesquels il s'engageait au nom de la société, que l'activité de pose de panneaux photovoltaïques en France ne nécessitait aucune structure en Slovaquie et que les entreprises françaises pour le compte desquelles travaillait cette société fournissaient sur place l'essentiel des matériaux. Par ailleurs, la directrice administrative et commerciale, était l'interlocutrice des clients de l'entreprise, s'occupait du suivi des documents contractuels, et organisait l'intervention, le détachement et l'hébergement de salariés slovaques pour réaliser des prestations en France. Dans ces conditions, la société requérante doit être regardée comme disposant d'un bureau en France où elle exerce tout ou partie de son activité. Ainsi, et alors même que le siège social et le compte bancaire de l'entreprise ont été fixés en Slovaquie, pays dans lequel réside son associée unique et se tiennent ses assemblées générales, que les déclarations fiscales de la société ont été déposées en Slovaquie au titre des exercices 2008 à 2013, que la société fournissait la main d'œuvre d'origine slovaque et aurait acquitté un impôt slovaque sur les sociétés, la société Technical Systems SRO doit être regardée comme exerçant son activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, au sens des stipulations précitées. C'est donc à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les bénéfices imputables à cet établissement devaient être assujettis à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011 et 2012. 7. Il résulte de ce qui précède que la société Technical Systems SRO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Technical Systems SRO est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Technical Systems SRO et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige A...La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX02702
CETATEXT000048452277
J3_L_2023_11_00021BX02945
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX02945, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX02945
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme JAYAT
GARITEY
M. Sébastien ELLIE
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 ainsi que des intérêts et majorations correspondants. Par un jugement n° 2000580 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande de M. et Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Garitey, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 17 mai 2021 ; 2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de se prononcer sur le moyen tiré du caractère irrégulier de la procédure suivie en méconnaissance du guide pratique des décisions administratives, opposable à l'administration en vertu de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration ; - les propositions de rectification qui leur ont été adressées ne mentionnaient pas la possibilité de former un recours hiérarchique ; - la procédure de vérification de la comptabilité de la SCI Ore est irrégulière, en ce que les garanties générales de la procédure contradictoire n'ont pas été respectées. Par deux mémoires enregistrés le 23 décembre 2021 et le 11 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés. Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sébastien Ellie ; - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations de revenus des années 2014, 2015 et 2016 à l'issue duquel l'administration fiscale a, après envoi de propositions de rectification n° 2120 des 12 décembre 2017 (revenus 2014) et 17 juillet 2018 (revenus 2015 et 2016), rehaussé la base d'imposition sur le revenu en raison de la réintégration de leurs revenus fonciers provenant de la SCI Ore dont ils détiennent chacun 50% des parts, et de pensions alimentaires et réductions et crédits d'impôt estimés non justifiés. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour les années 2014 à 2016 ont été mises en recouvrement pour un montant total de 73 038 euros. M. et Mme A... demandent à la cour d'annuler le jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur requête tendant à la décharge de l'ensemble des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge. Sur la régularité du jugement : 2. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur le moyen, repris en appel, tiré de ce que la procédure suivie était irrégulière en ce que l'administration fiscale n'a pas indiqué au requérant la possibilité de former un recours hiérarchique, en méconnaissance des dispositions du guide pratique de la décision administrative, opposable aux administrés en application de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, les requérants ne peuvent utilement invoquer le " guide pratique de la prise de décision administrative " publiée par la préfecture du Nord qui, s'il indique qu'il convient de mentionner les possibilités de recours hiérarchique contre une décision, ne décrit toutefois pas cette mention comme une condition de la régularité de la décision mais rappelle seulement que l'absence de mention des voies et délais de recours a une incidence sur la recevabilité des recours dirigés contre la décision. Ainsi, le jugement dont il est fait appel n'est pas entaché d'irrégularité faute de s'être expressément prononcé sur ce moyen inopérant. Sur la régularité de la procédure : 3. En premier lieu, l'administration n'est tenue de faire figurer dans la notification de ses décisions que les délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais de recours administratifs préalables obligatoires. Aucune disposition législative ou réglementaire, avant comme après l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales, le 12 août 2018, n'impose à l'administration fiscale de faire mention dans la proposition de rectification, de la possibilité de former un recours hiérarchique. M. et Mme A... ne peuvent non plus utilement invoquer le " guide pratique de la prise de décision administrative ", ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt. Enfin, les requérants ne peuvent invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu du paragraphe n°480 de la doctrine référencée BOI-CF-PGR-30-10 qui est relatif à la procédure administrative et ne peut, par suite, être regardé comme comportant une interprétation du texte fiscal au sens de l'article L. 80 A. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que la procédure suivie par l'administration fiscale était irrégulière en ce que les propositions de rectification qui leur ont été adressées ne mentionnaient pas la possibilité de former un recours hiérarchique. 4. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale aurait procédé à une vérification de comptabilité de la SCI Ore, dès lors qu'aucune pièce du dossier ne fait ressortir un contrôle de la SCI elle-même, la rectification des revenus fonciers des requérants résultant, ainsi que le fait valoir l'administration et ainsi qu'il résulte de l'instruction, du simple rapprochement entre les déclarations de revenus de M. et Mme A..., d'une part, et les déclarations de revenus de la SCI, d'autre part. La seule circonstance que l'administration était en possession des bilans de la SCI Ore, sans qu'elle procède à l'examen des écritures comptables au regard de pièces justificatives des opérations retracées dans la comptabilité afin d'en vérifier la régularité et la sincérité, ne permet pas de considérer qu'elle aurait procédé à la vérification de la comptabilité de cette société. Par suite, les garanties de procédure propres au contrôle de la comptabilité d'une société n'avaient pas à être mises en œuvre par l'administration fiscale. 5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Comme l'ont relevé les premiers juges, les requérants sont réputés avoir tacitement accepté les propositions de rectification en litige, dès lors qu'ils n'ont apporté à l'appui de leur recours, aucun élément de nature à laisser croire qu'ils auraient été reçus par l'administration postérieurement à la notification des propositions de rectification et qu'ils auraient alors manifesté leur désaccord sur les rectifications pour les années 2015 et 2016. L'administration fiscale n'avait donc pas à adresser à M. et Mme A... une lettre en réponse aux observations des contribuables faisant suite à la proposition de rectification. 6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la décharge en droits et pénalités des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Une copie en sera adressée à la direction régionale du contrôle fiscal du Sud-ouest. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 où siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, Sébastien Ellie La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21BX02945
CETATEXT000048452278
J3_L_2023_11_00021BX03331
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX03331, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX03331
5ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme JAYAT
BAROCHE
M. Sébastien ELLIE
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Le Potager Gourmand a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes mis à sa charge au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. M. B... A..., gérant de la SARL Le Potager Gourmand, a demandé au tribunal de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes mis à sa charge au titre de l'année 2013. M. et Mme A... ont demandé au tribunal de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes mis à leur charge au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement n° 1901451, 1901413 et 1901414 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ces trois demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 3 août 2021 et le 15 mars 2022, la SARL Le Potager Gourmand et M. et Mme A..., représentés par la SAS Baroche et Associés, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2021 ; 2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SARL Le Potager Gourmand a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 ; 3°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 ; 4°) de prononcer le paiement des intérêts moratoires en faveur de la SARL Le Potager Gourmand et de M. et Mme A... pour la partie des sommes déjà versée à l'administration ; 5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la procédure de rectification est irrégulière dès lors que : o le chiffre d'affaires de la société a été reconstitué à partir d'éléments correspondant à un exercice qui ne faisait pas l'objet de la vérification et qu'ils n'ont pas bénéficié d'un délai suffisant pour se faire assister par un conseil, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; o les propositions de rectification du 11 octobre 2016 adressées à M. et Mme A... sont insuffisamment motivées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; - la rectification est infondée, dès lors que : o la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la société est sommaire et aboutit à des résultats exagérés ; o l'administration fiscale n'a pas tenu compte du régime des travailleurs non-salariés applicable à M. A..., la partie des revenus dépassant 10% du capital social devant être intégrée dans l'assiette des cotisations sociales dues au titre des revenus d'activité ; - les pénalités sont infondées dès lors que l'administration n'apporte pas la preuve d'un manquement délibéré des requérants dans leurs déclarations d'impôts, en méconnaissance des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts. Par deux mémoires enregistrés le 17 février 2022 et le 3 juillet 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés. Par une ordonnance du 16 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. - Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sébastien Ellie ; - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public Considérant ce qui suit : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Le Potager Gourmand, détenue par M. et Mme A..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité de vente de fruits et légumes pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. À l'issue de ce contrôle, le service vérificateur lui a notifié, par une proposition de rectification du 28 juillet 2016, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 326 612 euros. Il a également notifié à M. et Mme A..., par deux propositions de rectification du 11 octobre 2016, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2013 et des années 2014 et 2015, pour un montant total de 505 643 euros. La SARL Le Potager Gourmand et M. et Mme A... demandent à la cour d'annuler le jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de la Réunion a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions, en droits et pénalités. Sur la régularité de la procédure : 2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification (...) ". 3. En premier lieu, il est constant qu'un avis de vérification a été remis en main propre à M. A..., gérant de la SARL Le Potager Gourmand, le 20 mai 2016, pour l'informer de l'engagement d'une vérification de la comptabilité de la société portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015. Par ailleurs, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la vérification peut sans irrégularité porter sur un exercice non mentionné sur l'avis de vérification, dès lors que ce contrôle s'avère utile à la vérification de la période indiquée sur cet avis et que les redressements notifiés n'ont concerné que cette période. Ainsi, la circonstance que les investigations menées par le service ont porté sur des opérations effectuées au cours des mois de mai et juin 2016 qui n'étaient pas visées par l'avis de vérification n'entache pas d'irrégularité la procédure d'imposition. 4. En deuxième lieu, pour apprécier si le délai s'écoulant entre la réception de l'avis et le début de la vérification fiscale est suffisant pour permettre au contribuable de se faire assister par le conseil de son choix, il y a lieu de ne tenir compte, dans la computation de ce délai, ni du jour de la réception de l'avis, ni de celui marquant le début des opérations de contrôle fiscal. Il y a lieu également d'exclure les samedis, dimanches et jours fériés. Les requérants, qui ont reçu l'avis de vérification le vendredi 20 mai 2016 pour une première opération de contrôle le 27 mai 2016, ont disposé d'un délai de quatre jours ouvrés, du lundi 23 mai au jeudi 26 mai 2016, pour recourir aux services du conseil de leur choix, délai suffisant au sens des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. 5. En dernier lieu, l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse à ses observations, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée. 6. Il résulte de l'instruction que la SARL Le Potager Gourmand s'est vu notifier une proposition de rectification comportant les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils étaient opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la proposition de rectification comporte les bases de calcul des rappels de TVA, année par année ainsi que le taux applicable de 2,10%. 7. Les propositions de rectification adressées à M. et Mme A... le 11 octobre 2016 indiquent que le rehaussement est fondé sur la vérification de comptabilité de la société, faisant ressortir des distributions liées à des recettes non déclarées sur les exercices clos de 2013 à 2015, l'administration ajoutant que la société n'avait pas présenté de comptabilité sincère et probante. Elles mentionnent l'article 109-1-1° du code général des impôts, fondement légal de la rectification et indiquent que ces sommes, précisément détaillées par année, entrent dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (2013 et 2014) et dans les traitements et salaires (2015). M. A... a en outre reconnu les distributions de revenus réalisées par la société à son profit, en sa qualité de gérant, et les époux A... ont déposé des déclarations de revenus rectificatives dont les éléments ont été repris par les propositions de rectification du 11 octobre 2016 adressées par l'administration fiscale. Celles-ci sont par suite suffisamment motivées au regard des exigences des dispositions précitées, M. et Mme A... ayant disposé dans les circonstances particulières de l'espèce, des informations leur permettant de formuler leurs observations ou de faire connaître leur acceptation. Sur le bien-fondé des impositions en litige : En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires de la société : 8. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". L'article L. 13 A du même livre dispose que : " Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à contresigner. Mention est faite de son refus éventuel ". L'article L. 193 du même livre dispose que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Enfin, l'article R. 194-1 du même livre dispose que : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". 9. L'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont, le cas échéant, elle peut remettre en cause l'exactitude. En l'absence de données fiables permettant de déterminer les conditions d'exploitation d'exercices vérifiés, il est loisible tant à l'administration fiscale, dans le cadre des opérations de reconstitution de chiffre d'affaires, qu'au contribuable, pour critiquer la reconstitution ainsi opérée, de se référer aux données de l'activité d'exercices antérieurs ou postérieurs, pourvu que les conditions d'exploitation, établies par tout moyen, de ces exercices n'aient pas varié ou qu'elles puissent être ajustées pour tenir compte de leur évolution. Il appartient à la société d'apporter la preuve de l'exagération de l'évaluation faite par l'administration de ses bases d'impositions sans pouvoir se référer, de manière pertinente, à sa comptabilité pour apporter cette preuve. Par ailleurs, l'absence de présentation des pièces justificatives de recettes suffit pour que la comptabilité d'une entreprise soit regardée comme dépourvue de valeur probante. 10. Au regard des documents présentés par la SARL Le Potager Gourmand, qui ne comportaient aucun inventaire des stocks, fichiers d'écritures comptables et justificatifs de recettes, l'administration a valablement pu dresser un procès-verbal constatant le défaut de présentation de la comptabilité de la société et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires au regard d'autres éléments. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société, l'administration a tout d'abord constaté la faiblesse des paiements en espèces pour ce type de commerces au regard de l'étude des recettes comptabilisées sur la période vérifiée, comparée au ticket récapitulatif dressé par le vérificateur le 1er juin 2016 et du récapitulatif de recettes édités pour le mois de mai 2016. L'administration a ainsi constaté, pour ce dernier mois, une proportion de 69% de paiements en espèces, ces derniers étant 2,21 fois plus importants que les autres modes de paiement. Elle a ainsi appliqué un coefficient de 221,88% aux paiements autres qu'en espèces réalisés sur la période vérifiée. Pour contester la méthode ainsi utilisée, la société se borne à faire valoir que l'administration a procédé à une extrapolation en utilisant des éléments qui ne portent pas sur la période couverte par la vérification, qui reposent sur des constatations réalisées uniquement sur un mois de l'année et sans tenir compte du nombre réel de jours d'ouverture de l'établissement. Ce faisant, elle n'établit pas que cette méthode serait excessivement sommaire ni qu'elle aurait conduit à la détermination d'un coefficient inexact, dès lors que l'administration ne disposait d'aucun document justificatif du détail des recettes journalières, qu'elle est fondée sur l'examen d'un nombre suffisant de ventes au regard des conditions d'exploitation du magasin ouvert tous les jours de l'année et qu'il n'est pas démontré que ces conditions d'exploitation auraient connu une modification sensible entre 2012 et 2016. Dans ces conditions, la société requérante, qui a par ailleurs déposé des déclarations rectificatives d'impôt sur les sociétés mentionnant des bénéfices recalculés au regard de la reconstitution des recettes de la société finalement retenus par l'administration pour établir les impositions en litige, n'apporte pas la preuve que la méthode utilisée par l'administration est excessivement sommaire ni qu'elle aboutit à une évaluation exagérée des bases d'imposition. En ce qui concerne les prélèvements sociaux : 11. L'article L. 136-3 du code de la sécurité sociale soumet les revenus des travailleurs indépendants à la contribution sociale sur les revenus d'activités mentionnée à l'article L. 136-1 du même code, cette contribution étant assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions ainsi que le prévoit l'article L. 136-2 de ce code. Aux termes de l'article L. 131-6 du même code : " Les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles sont assises sur leur revenu d'activité non salarié. (...) Est également prise en compte, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, la part (...) des revenus (...) qui est supérieure à 10 % du capital social ". Aux termes du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, relatif à la contribution sur les revenus du patrimoine, aux dispositions duquel renvoient directement ou indirectement le I de l'article 1600-0 C du code général des impôts relatif à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, l'article 1600-0 G du code général des impôts relatif à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, l'article L. 1600-0 F bis du code général des impôts relatif au prélèvement social, l'article 1600-0 S du code général des impôts relatif à la contribution additionnelle " solidarité autonomie " et l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles relatif au prélèvement de solidarité : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : (...) ". 12. Il résulte de ces dispositions que les revenus tirés d'une activité non salariée sont assujettis à la contribution sociale sur les revenus d'activité dès lors que cette activité est exercée à titre professionnel, que ce soit de manière accessoire ou non. En outre, la part de ces revenus perçue par le gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée, relevant en cette qualité du régime des travailleurs non-salariés non agricoles, doit être regardée, pour son assujettissement aux prélèvements sociaux, comme des revenus d'activité pour leur fraction excédant 10 % du capital social. Cette fraction entrant ainsi dans le champ des contributions portant sur les revenus d'activité, elle ne saurait être soumise à celles assises sur les revenus du patrimoine. 13. En sa qualité de gérant majoritaire d'une SARL, M. A... peut se prévaloir de la qualité de travailleur non-salarié dès lors qu'il ne relève pas des catégories énumérées à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale affiliées au régime général de la sécurité sociale. Il est ainsi assujetti aux cotisations sociales prévues par les dispositions de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dès lors que ses fonctions de gérant caractérisent en l'espèce une activité professionnelle. Si l'administration fait valoir qu'aucun élément ne permet de considérer que M. A... aurait versé la contribution sociale sur les revenus d'activité et de remplacement prévue par l'article L. 136-3 du code de la sécurité sociale pour les revenus distribués au titre des années 2013 et 2014, une telle situation n'autorise pas l'administration fiscale à faire application d'un autre régime social au gérant majoritaire d'une SARL, sauf à établir que ces revenus doivent être qualifiés de revenus du patrimoine ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il en résulte que la part des revenus distribués à M. A... pour les années 2013 et 2014 supérieure à 10% du capital social de la société doit être réintégrée à l'assiette des cotisations sociales du gérant due à la sécurité sociale des indépendants. La part du dividende inférieure à 10% du capital social de la société est quant à elle soumise aux prélèvements sociaux à hauteur de 15,5%, taux en vigueur en 2013 et 2014. M. A... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a imposé les revenus distribués pour les années 2013 et 2014 excédant 10% du capital social comme des revenus du patrimoine. M. A... doit ainsi être déchargé de la somme de 79 042 euros. Sur les pénalités : 14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". La pénalité pour mauvaise foi prévue par ces dispositions a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir cette mauvaise foi, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. 15. Il résulte de l'instruction que M. A... est le principal associé et gérant de la SARL Le Potager Gourmand, laquelle n'a pas été en mesure de produire une comptabilité sincère et probante. Les contrôles réalisés par l'administration fiscale sur cette société ont fait ressortir une sous-évaluation importante des recettes de cette société, les paiements en espèces n'étant pas systématiquement comptabilisés, ce qui a conduit à un redressement de près de 800 000 euros, pénalités et intérêts de retard inclus. La mauvaise foi des contribuables est suffisamment caractérisée en l'espèce par l'administration en raison de l'importance des revenus non déclarés, de l'absence de comptabilité permettant de retracer les recettes réelles, de l'absence d'inventaire des stocks, ces manquements graves n'étant pas isolés mais au contraire répétés sur les trois années vérifiées par l'administration. Le gérant majoritaire d'une SARL ne saurait se prévaloir de sa méconnaissance du fonctionnement normal de ses obligations administratives et fiscales pour se soustraire au paiement de l'impôt. Le fait que les requérants aient finalement déposé des déclarations rectificatives avant la notification des propositions de rectification ne suffit pas pour écarter les autres éléments précédemment évoqués, dès lors que ces déclarations résultent des opérations de contrôle réalisées en 2016. 16. En revanche, la majoration de 40% ne saurait être appliquée aux cotisations sociales telles que calculées par l'administration, dès lors que les revenus distribués en 2013 et 2014 à M. A... ne pouvaient se voir appliquer le taux de 15,5% applicable aux contributions sociales des salariés, ainsi qu'il a été dit au point 14 du présent arrêt. M. A... est ainsi fondé à demander la décharge de la somme de 31 616 euros, correspondant à 40% de 79 042 euros. 17. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander la décharge en droits et pénalités des suppléments de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014 à hauteur de 110 658 euros. 18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : M. A... est déchargé des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes à hauteur de la somme de 110 658 euros. Article 2 : L'État versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le jugement du 15 juin 2021 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Potager Gourmand, à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Une copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal du Sud-ouest. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 où siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre2023. Le rapporteur, Sébastien Ellie La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21BX03331
CETATEXT000048452279
J3_L_2023_11_00021BX03447
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452279.xml
Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX03447, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX03447
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme JAYAT
CABINET KGA AVOCATS
M. Sébastien ELLIE
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association du Sporting Langevin a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la Ligue réunionnaise de football (LRF) à lui verser la somme de 60 653,14 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en raison de la faute commise par la ligue qui s'est abstenue d'exécuter la mesure proposée par le conciliateur du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Par un jugement n° 1901600 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la LRF à verser à l'association du Sporting Langevin la somme de 44 260 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête et trois mémoires enregistrés les 20 août 2021, 1er avril 2022 et 29 juillet 2022 la Ligue réunionnaise de football, représentée par la SELAS KGA avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2021 ; 2°) de rejeter la demande de l'association du Sporting Langevin ; 3°) de mettre à la charge de l'association du Sporting Langevin une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande est irrecevable en ce que l'association ne justifie pas de la qualité de son président pour la représenter en justice ; - elle est tardive ; - elle n'a pas été précédée d'une demande indemnitaire préalable ; - elle n'a pas été précédée de la saisine préalable du CNOSF ; - la requête méconnait le principe de l'autorité de la chose jugée ; - la créance alléguée était prescrite ; - la demande indemnitaire est infondée en l'absence de faute commise par la LRF, de préjudice subi par l'association et de lien de causalité entre la faute et le préjudice allégués. Par deux mémoires enregistrés les 2 mars 2022 et 8 juin 2022, l'association du Sporting Langevin demande à la cour : 1°) de confirmer le jugement du 28 juin 2021 en ce qu'il a mis à la charge de la LRF la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ; 2°) de réformer le jugement du 28 juin 2021 pour le surplus et condamner la LRF à lui verser la somme de 60 653,14 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2014 et de la capitalisation des intérêts ; 3°) de mettre à la charge de la LRF la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens. Elle fait valoir que les moyens soulevés sont infondés. Par une ordonnance du 10 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 août 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du sport ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sébastien Ellie ; - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ; - et les observations de Me Derouesne représentant la ligue Réunionnaise de football. Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 29 avril 2014, le bureau de la Ligue réunionnaise de football (LRF) a retiré l'association du Sporting Langevin des compétitions officielles de la saison 2014 séniors et jeunes à compter du 30 avril 2014. Le 12 mai 2014, la commission régionale de validation des dossiers a indiqué que les licenciés du club étaient libres de signer dans un nouveau club, en étant dispensés du cachet de mutation. Le conciliateur désigné par le Comité national olympique et sportif français, saisi par l'association du Sporting Langevin, a proposé que la LRF rapporte ces deux décisions. Par une décision du 15 septembre 2014, la LRF a rapporté la décision du 29 avril 2014 et autorisé l'association du Sporting Langevin à participer à nouveau aux compétitions, sous réserve du respect de plusieurs conditions. La LRF demande à la cour d'annuler le jugement du 28 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à verser à l'association du Sporting Langevin la somme de 44 260 euros en réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis du fait de l'inexécution de cette conciliation. Par la voie de l'appel incident, l'association demande à la cour de réformer le jugement et de condamner la LRF à lui verser la somme de 60 653,14 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi. 2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction en vigueur à la date de la réclamation préalable de l'association, le 7 octobre 2014 : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". L'article R. 421-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la même date, dispose que : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". L'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par : / 1° Administration : les administrations de l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ; / (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que les articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative s'appliquent aux décisions prises par les personnes privées participant à l'exécution d'une mission de service public administratif, telle qu'une ligue régionale de football. Le délai pour présenter un recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné dans la notification de la décision rejetant la réclamation indemnitaire préalablement adressée à l'administration lorsque cette décision est expresse. Le manquement à l'obligation de mention des voies et délais du recours contentieux a ainsi pour conséquence, en principe, de faire obstacle à ce que le délai à l'intérieur duquel doit être exercé le recours contentieux contre une décision administrative soit opposé au requérant. Toutefois, l'auteur d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative doit être réputé avoir eu connaissance de la décision qu'il attaque au plus tard à la date à laquelle il a formé son recours. Si un premier recours contre une décision notifiée sans mention des voies et délais de recours a été rejeté, son auteur ne peut introduire un second recours contre la même décision que dans un délai de deux mois à compter de la date d'enregistrement du premier au greffe de la juridiction saisie. En revanche, si une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit à nouveau le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur. 4. Il résulte de l'instruction que l'association du Sporting Langevin a formulé auprès de la LRF, association chargée d'une mission de service public administratif, une demande indemnitaire préalable le 7 octobre 2014, par laquelle elle demandait le versement d'une indemnité de 40 000 euros destinée à réparer l'ensemble de ses préjudices. La LRF a rejeté cette demande par un courrier du 28 octobre 2014, lequel ne mentionnait pas les voies et délai de recours. L'association a contesté cette décision dans le cadre du contentieux introduit devant le tribunal administratif de La Réunion puis la cour administrative d'appel de Paris et ayant donné lieu au jugement n° 1500378 du 20 avril 2017 et à l'arrêt n° 17PA22202 du 4 juillet 2019. Par cet arrêt la cour a rejeté définitivement la demande en raison de son irrecevabilité. Ainsi, l'association requérante ne pouvait pas introduire à nouveau un recours contre la décision du 28 octobre 2014 après rejet de son premier recours par la cour administrative d'appel de Paris, en application des textes précités. Par suite, la LRF est fondée à soutenir que la demande de l'association du Sporting Langevin était tardive et, par suite, irrecevable. 5. Il résulte de ce qui précède que la LRF est fondée à demander l'annulation du jugement du 28 juin 2021, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, et que l'appel incident de l'association du Sporting Langevin doit être rejeté. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association du Sporting Langevin la somme de 1 500 euros à verser à la LRF en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1901600 du 28 juin 2021 du tribunal administratif de La Réunion est annulé. Article 2 : La demande présentée par l'association du Sporting Langevin devant le tribunal administratif de La Réunion ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : L'association du Sporting Langevin versera à la Ligue réunionnaise de football la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue régionale de football et à l'association du Sporting Langevin. Copie pour information en sera adressée au Comité national olympique et sportif français. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 où siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, Sébastien Ellie La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne à la ministre des sports en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21BX03447
CETATEXT000048452280
J3_L_2023_11_00021BX03488
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452280.xml
Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX03488, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX03488
5ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme JAYAT
HUGLO LEPAGE AVOCATS SAS;HUGLO LEPAGE AVOCATS SAS;HUGLO LEPAGE AVOCATS SAS
Mme Edwige MICHAUD
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association des habitants de L'Houmée, Mme E... F..., Mme B... C... et M. D... A..., ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la preuve de dépôt de déclaration de modification d'une installation classée qui a été délivrée à la société civile immobilière (SCI) La Charente par le préfet de la Charente-Maritime le 24 septembre 2019 ainsi que la décision rejetant implicitement leur recours gracieux exercé le 8 décembre 2019 contre cette preuve de dépôt. Par un jugement n°2000196 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la preuve de dépôt de la déclaration de modification déposée le 24 septembre 2019, a mis à la charge de la SCI La Charente une somme globale de 1 200 euros à verser à l'association des habitants de L'Houmée, Mme E... F..., Mme B... C... et M. D... A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 août 2021 et le 22 juillet 2022, la SCI La Charente, représentée par Me Odah, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 juin 2021 ; 2°) de mettre à la charge de l'association des habitants de L'Houmée, de Mme E... F..., de Mme B... C... et de M. D... A..., une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont le tribunal administratif de Poitiers a fait application en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; - le projet n'était pas soumis à une autorisation au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement dès lors que, d'une part, le volume du stockage des deux alinéas de la rubrique 2160 ne devait pas être cumulé, et, d'autre part, les constructions projetées ne forment pas un projet unique avec les constructions existantes : - le projet ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 juin 2022 et le 7 décembre 2022, l'association des habitants de L'Houmée, Mme E... F... et M. D... A..., représentés par la SAS Huglo Lepage avocats, concluent au rejet de la requête et demandent à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la SCI La Charente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - les moyens soulevés par la SCI La Charente ne sont pas fondés ; - le dossier de modification de déclaration est incomplet au regard des exigences de l'article R. 512-47 du code de l'urbanisme et de l'annexe I de l'arrêté du 28 décembre 2007 portant prescriptions générales et faisant l'objet du contrôle périodique applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous la rubrique n° 2160 ; - l'acte attaqué est entaché de détournement de procédure ; - le projet porte atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; - l'exploitation de l'installation projetée est incompatible avec le classement du terrain d'assiette du projet en zone naturelle. Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2023, la SCI La Charente déclare se désister de sa requête et demande à la cour de laisser les frais d'instance à la charge de chacune des parties. Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2023, l'association des habitants de L'Houmée, Mme F... et M. A... demandent à la cour de donner acte du désistement pur et simple de la SCI La Charente et de mettre à la charge de l'Etat et de la SCI La Charente une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La SCI La Charente a déposé le 31 janvier 2018 auprès de la préfecture de la Charente-Maritime un dossier de déclaration initiale au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, en vue de l'installation, sur un terrain situé sur la commune de La Vallée, d'un silo à grains composé de 3 cellules de stockage relevant de l'alinéa 2 de la rubrique 2160 de la nomenclature des installations classées, d'une capacité de 12 801 m3, d'une installation de combustion d'une capacité de 2,6 Mw et de gaz inflammables pour une capacité de 16 tonnes. Le 16 avril 2018, la SCI La Charente a déposé une première déclaration de modification de l'installation augmentant la capacité de l'activité des silos de 12 801 m3 à 14 505 m3. L'exploitant a déposé une seconde déclaration de modification le 15 mai 2018 en vue d'augmenter la capacité de l'activité de gaz inflammables à 30,64 tonnes. Il a déposé le 24 septembre 2019 une nouvelle déclaration de modification en vue d'une nouvelle activité de silos et installations de stockage de céréales relevant de l'alinéa 1 de la rubrique 2160 de la nomenclature des installations classées, d'une capacité de 14 125 m3. La SCI La Charente relève appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé la preuve de dépôt de cette dernière déclaration de modification. 2. La SCI La Charente, par un mémoire enregistré le 25 septembre 2023, a déclaré se désister de sa requête. Ce désistement est pur et simple et rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. 3. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par l'association des habitants de L'Houmée, Mme F... et M. A... sur le fondement l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de la SCI La Charente. Article 2 : Les conclusions présentées par l'association des habitants de L'Houmée, Mme F... et M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Charente, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association des habitants de L'Houmée, désignée en application de l'article R.751-3 du code de justice administrative. Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller. Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige C...La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX03488
CETATEXT000048452281
J3_L_2023_11_00021BX03492
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452281.xml
Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 21BX03492, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX03492
5ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme JAYAT
ODAH SCARLETTE
Mme Edwige MICHAUD
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... F..., Mme B... C... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2019 par lequel le maire de La Vallée a accordé un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) La Charente pour la création d'un silo à grains comprenant cinq cellules de stockage ainsi que la décision du maire de La Vallée du 4 novembre 2019 rejetant leur recours gracieux formé le 6 octobre 2019 contre cet arrêté. Par un jugement n°2000013 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 19 septembre 2019. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 août 2021 et 22 juillet 2022, la société SCI La Charente, représentée par Me Odah, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 juin 2021 ; 2°) de mettre à la charge de Mme F..., Mme C... et M. A... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont le tribunal administratif de Poitiers a fait application, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; - le jugement attaqué méconnaît le 2° de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme dès lors que la construction projetée revêt le caractère d'une installation agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime ; - le jugement attaqué méconnaît le 1° de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme dès lors que la construction projetée constitue bien une extension d'une construction existante. Par un mémoire, enregistré le 1er février 2022, la commune de La Vallée, représentée par la SCP BCJ Brossier-Carré-Joly : 1°) s'associe aux conclusions de la SCI La Charente tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 juin 2021 ; 2°) demande à la cour de mettre à la charge de Mme F..., Mme C... et M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté attaqué méconnaît le 1° de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme dès lors que la construction projetée constitue bien une extension d'une construction existante ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au sens du 1° de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme ; - le jugement attaqué méconnaît le 2° de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme dès lors que la construction projetée revêt le caractère d'une installation agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 juin 2022 et le 29 mars 2023, Mme E... F... et M. D... A..., représentés par la SAS Huglo Lepage Avocats, concluent au rejet de la requête et demandent à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de La Vallée et de la SCI La Charente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - les moyens soulevés par la SCI La Charente ne sont pas fondés ; - l'arrêté du 19 septembre 2019 n'a pas été précédé de l'avis de la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, en méconnaissance de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme ; - l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des risques pour la salubrité et la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; - l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dès lors que le dossier de permis de construire devait comprendre une étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet de l'évaluation environnementale requises par les articles L. 181-14 et R. 181-46 du code de l'environnement. Par ordonnance du 29 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 21 avril 2023. Les parties ont été informées, le 16 août 2023, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer sur la requête de la SCI La Charente en vue de la régularisation du vice tiré de la méconnaissance de la carte communale de la commune de La Vallée et de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme. Mme E... F... et M. D... A... ont présenté leurs observations sur ce moyen par mémoire enregistré le 3 septembre 2023. Les parties ont été informées, le 20 septembre 2023, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer sur la requête de la SCI La Charente en vue de la régularisation du vice tiré de l'absence de consultation de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue par l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme. Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2023, la SCI La Charente déclare se désister de sa requête et demande à la cour de laisser les frais d'instance à la charge de chacune des parties. Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2023, Mme F... et M. A... demandent à la cour de donne acte du désistement pur et simple de la SCI La Charente et de mettre à la charge de la commune de La Vallée et de la SCI La Charente une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2023, la commune de La Vallée déclare accepter le désistement de la SCI La Charente et conclut au rejet des conclusions de Mme F... et M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le 21 juin 2019, la SCI de la Charente a déposé une demande de permis de construire en vue de la création d'un silo à grains comprenant cinq cellules de stockage sur un terrain situé sur la commune de La Vallée (Charente-Maritime). Par un arrêté du 19 septembre 2019, le maire de La Vallée a délivré le permis de construire sollicité. La SCI La Charente relève appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 19 septembre 2019. 2. La SCI La Charente, par un mémoire enregistré le 25 septembre 2023, a déclaré se désister de sa requête. Ce désistement est pur et simple et rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. 3. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par Mme F... et M. A... sur le fondement l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de la SCI La Charente. Article 2 : Les conclusions présentées par Mme F... et M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Charente, à la commune de La Vallée et à Mme E... F... désignée en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige C... La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX03492
CETATEXT000048452282
J3_L_2023_11_00022BX01515
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 22BX01515, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
22BX01515
5ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme JAYAT
COLLET
Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... F... a demandé au tribunal d'annuler la décision du 24 décembre 2020 par laquelle la préfète de la Gironde lui a interdit définitivement l'exercice des fonctions d'enseignant, d'animateur, d'encadrant et d'entraîneur d'activités physiques et sportives, ainsi que la décision du 12 avril 2021 de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 2102713 du 13 avril 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 décembre 2020 et la décision du 12 avril 2021 en tant seulement qu'ils interdisent à M. F... d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport à l'égard d'un public majeur. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er juin 2022, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 avril 2022. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que l'arrêté contesté était entaché d'une erreur d'appréciation en tant qu'il portait sur un public majeur ; l'article L. 212-13 du code des sports ne distingue pas, s'agissant du danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants, selon l'âge de ces pratiquants ; - la gravité des actes reprochés à M F... justifie l'interdiction contestée dès lors qu'il présente un danger pour la santé et la sécurité physique et morale de tous les sportifs qu'il est susceptible d'encadrer, quel que soit leur âge. Par un mémoire et des pièces enregistrés les 7 avril et 29 juin 2023, M. F..., représenté par Me Collet, demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020 dans son ensemble. Il soutient que : - les conditions de l'article L. 212-13 du code du sport ne sont pas réunies dès lors que son maintien en activité ne constitue pas un danger pour la sécurité des pratiquants ; - les moyens de l'appelant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du sport ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ; - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Suite à un signalement et une enquête administrative, la préfète de la Gironde a, par arrêté du 24 décembre 2020 interdit de manière définitive à M. D... F..., éducateur sportif au sein du centre équestre de Quentin, d'exercer toutes fonctions d'enseignant, d'animateur, d'encadrant et d'entraîneur d'activités physiques et sportives, sur le fondement des dispositions de l'article L. 212-13 du code du sport. M. F... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 23 février 2021, rejeté par une décision du 12 avril 2021. Par la présente requête, le ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques relève appel du jugement du 13 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 24 décembre 2020, ensemble la décision du 12 avril 2021, en tant qu'ils interdisent à M. F... d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport à l'égard d'un public majeur. M. F... demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation totale de l'arrêté du 24 décembre 2020. Sur l'appel principal : 2. Aux termes de l'article L. 212-13 du code du sport, dans sa version applicable au litige : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1.(...) Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois. (...). ". 3. Il résulte de ces dispositions que pour assurer la protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive, l'autorité administrative peut interdire à une personne d'exercer une activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une telle activité, une mission arbitrale, une activité de surveillance de baignade ou piscine ouverte au public, ou d'exploiter un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives, lorsque son maintien en activité " constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants ". Le législateur a ainsi défini les conditions d'application de cette mesure de police, que l'autorité compétente est tenue, même en l'absence de disposition explicite en ce sens, d'abroger à la demande de l'intéressé si les circonstances qui ont pu motiver légalement son intervention ont disparu et qu'il est établi qu'il n'existe plus aucun risque pour les pratiquants. 4. Il ressort des pièces du dossier et notamment et de l'information judiciaire ouverte suite à la mise en examen de M. F... du chef d'agression sexuelle sur un mineur de plus de 15 ans par une personne ayant autorité sur la victime et à son placement en qualité de témoin assisté du chef de tentative de corruption de mineur de plus de 15 ans, que le jeune C... E..., âgé de 17 ans lors des faits reprochés et qui pratiquait l'équitation depuis l'âge de 13 ans, a, dans ce cadre, noué une relation amicale avec M. F..., éducateur sportif et de 7 ans son ainé, notamment lors de son intégration au sein de son équipe de horse-ball. Auditionné dans le cadre de l'enquête préliminaire par la brigade de recherches de la gendarmerie de Bouliac, M. E... a indiqué avoir, lors de déplacements de l'équipe de horse-ball encadrés par M. F..., partagé la même chambre que ce dernier. Il a relaté une première tentative de rapprochement de la part de M. F... lors d'un premier déplacement, qu'il avait repoussée. Il a également dénoncé s'être réveillé dans la nuit, lors d'un déplacement à Lamotte-Beuvron au courant de l'été 2000, subissant une fellation de la part de M. F... tandis que ce dernier tentait de lui prendre la main pour se masturber. Entendu sur ces faits, M. F... a reconnu les faits relatés mais a indiqué que la relation sexuelle était consentie. Il a également indiqué avoir, ce soir-là, consommé du cannabis en compagnie du jeune E.... Par ailleurs, M. B... A..., compagnon de l'époque de M. F..., de deux ans son cadet et pratiquant de horse-ball dans son club, a indiqué, lors de son audition, que leur relation avait débuté, alors qu'il était tout juste majeur, par la pratique du même type de faits commis par M. F... et non consentis par M. A.... En outre, il ressort de l'enquête pénale diligentée sous commission rogatoire que l'expertise informatique des différents supports saisis lors de la perquisition du domicile de M. F... a permis de révéler la consultation de nombreuses images pornographiques dont quatre mettant en scène des jeunes hommes pouvant être mineurs ou jeunes adultes. Ainsi, et quand bien même l'information judiciaire n'a pas permis de mettre à jour d'autres passages à l'acte et qu'elle s'est conclue, s'agissant des faits de tentative de corruption de mineur de plus de 15 ans, par un non-lieu à statuer faute de charges suffisantes pour établir la commission de cette infraction, il est constant que M. F... a eu une relation sexuelle avec un mineur dans le cadre de la pratique de son sport et alors qu'il en était l'encadrant. Il ressort également des pièces du dossier que M. F... a, encore, dans le cadre de son activité d'éducateur sportif, consommé du cannabis avec ce mineur, et à d'autres occasions en présence d'autres mineurs. Dans ces conditions, même si les faits remontent à plusieurs années, et alors que M. F... argue principalement du caractère consenti de sa relation sexuelle avec M. E..., sans démontrer aucune prise de conscience ultérieure de la gravité des faits qui lui ont été reprochés, et qu'il ressort des pièces du dossier que le non-lieu à statuer sur ces faits est fondé sur la prescription de l'infraction, c'est à bon droit que la préfète de la Gironde a estimé que le maintien en activité de M. F... constituait un danger pour la sécurité physique ou morale des pratiquants. Par ailleurs, au regard de la nature et de la gravité des faits reprochés, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal de Bordeaux, le danger constitué par le maintien en activité de M. F... concerne, comme le soutient le ministre, tout autant les majeurs, notamment ceux pouvant présenter des fragilités, que les mineurs qu'il serait susceptible d'encadrer. 5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 décembre 2020 et la décision du 12 avril 2021 en tant qu'ils interdisent à M. F... d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport à l'égard d'un public majeur au motif que les faits reprochés à l'intéressé ne présentent pas un danger pour la santé ou sécurité physique ou morale des pratiquants majeurs. 6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... à l'encontre de l'arrêté du 24 décembre 2020 lors de sa demande de première instance ainsi que ceux présentés, par la voie de l'appel incident, devant la cour d'appel de Bordeaux. Sur l'appel incident et les moyens présentée par M. F... dans sa demande de première instance : 7. D'une part, pour les motifs exposés au point 4, M. F... n'est pas fondé à soutenir que son maintien en activité, au regard des faits repris par la préfète pour motiver son arrêté, ne constituait pas un danger pour la sécurité physique ou morale des pratiquants. D'autre part, si M. F... se prévaut de l'ancienneté des faits commis en 2000, soit vingt ans avant l'arrêté contesté, une telle circonstance n'est pas par elle-même de nature à entacher l'arrêté contesté d'illégalité dès lors qu'il n'est pas contesté que la préfète n'a été informée des faits qu'en 2020, les différents protagonistes s'étant jusque-là refusés à les signaler. Enfin, si M. F... soutient que la mesure d'interdiction définitive est disproportionnée, les actes qu'il a commis, en toute connaissance de cause, à l'encontre d'un mineur qu'il encadrait, et comme il a été dit, en l'absence totale de prise de conscience ultérieure de la gravité de ces actes, suffisent à justifier qu'il lui soit interdit de manière pérenne de se trouver, dans l'exercice de son activité professionnelle, tout autant de mineurs que de majeurs. 8. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par le juge attaqué, a annulé pour partie l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2020 et la décision de rejet du recours gracieux de M. F... du 12 avril 2021 et que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit au surplus de ses conclusions en annulation de ces décisions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2102713 du 13 avril 2022 du tribunal administratif de Bordeaux prononçant l'annulation partielle des décisions des 24 décembre 2020 et 12 avril 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe 21 novembre 2023. La rapporteure, Héloïse Pruche-MaurinLa présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°22BX01515
CETATEXT000048452283
J3_L_2023_11_00023BX01445
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 23BX01445, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
23BX01445
5ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme JAYAT
HUGON
Mme Edwige MICHAUD
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n°2300462 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 novembre 2022. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023, le préfet de la Gironde demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 avril 2023 en tant qu'il annule sa décision de refus de séjour et l'enjoint à délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; 2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 200 euros au profit de l'Etat en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué méconnaît l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 47 du code civil dès lors que l'acte de naissance et la carte consulaire que l'intéressé a produits à l'appui de sa demande de titre de séjour ne sont pas authentiques ; - les documents d'état civil présentés par M. B... à l'appui de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 432-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas authentiques. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, M. B..., représenté par Me Hugon, conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 14 novembre 2022, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, à défaut, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes soit 1 813 euros toutes taxes et droits de plaidoirie compris à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et reprend ses moyens de première instance. M. B... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Edwige Michaud, - et les observations de Me Hugon, représentant M. A... B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., de nationalité malienne, est entré irrégulièrement en France le 14 juillet 2019. Il a été placé auprès du service d'aide sociale à l'enfance à compter du 20 septembre 2019. Il a sollicité le 24 février 2022 auprès de la préfète de la Gironde un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 novembre 2022, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 26 avril 2023 dont le préfet relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté. 2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu à l'encontre du refus de titre de séjour, le moyen tiré de ce que les documents d'état civil produits par le requérant à l'appui de sa demande de titre de séjour ne sont pas frauduleux, l'erreur de droit commise par le préfet qui a examiné si la situation de l'intéressé répondait à des motifs exceptionnels alors que cette condition n'est pas prévue par les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'erreur d'appréciation commise par la préfète de la Gironde dans l'application de ces mêmes dispositions. 3. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire (...), l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ". 4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...). / (...) l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...). ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ", Aux termes de l'article 47 du code civil dans sa version applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents. 5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a notamment produit afin d'établir sa minorité lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, un jugement supplétif n°4413 de la République du Mali et un acte de naissance n°337/CRK de la République du Mali. Selon les analyses de la cellule " fraude documentaire et à l'identité " de la direction zonale de la police aux frontières sud-ouest consignées dans un rapport du 6 mai 2022, l'acte de naissance présente le caractère d'un faux document en raison de plusieurs anomalies. En revanche, les auteurs du rapport ont estimé que le jugement supplétif d'acte de naissance présentait toutes les caractéristiques d'un acte conforme. En outre, M. B... produit un constat d'un huissier de justice au Mali du 16 décembre 2022 qui indique que le jugement supplétif n°4413 du 30 octobre 2019 est enregistré dans les registres d'état civil du centre principal de Koussané sous le n°337/CRK du registre spécial 6 novembre 2019. L'huissier a en outre joint à son constat la minute du jugement supplétif. Et le préfet de la Gironde ne conteste pas l'authenticité de cet acte d'huissier. Dans ces conditions, les actes d'état civil produits par M. B... étaient authentiques. Par voie de conséquence, le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu le motif tiré de l'absence de caractère frauduleux de ces actes. 6. En second lieu, le préfet ne conteste pas les autres motifs d'annulation retenus par le tribunal, tirés de l'erreur de droit et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 novembre 2022. 8. Si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge le bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance. En tout état de cause, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le préfet de la Gironde au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, et dès lors que M. B... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, l'avocat du requérant peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Hugon, avocate de M. B..., de la somme de 1 213 euros, droit de plaidoirie compris. DECIDE : Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à Me Hugon la somme de 1 213 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement emportant renonciation à percevoir les sommes correspondantes à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige Michaud La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 23BX01445
CETATEXT000048452284
J3_L_2023_11_00023BX01470
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, , 20/11/2023, 23BX01470, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de BORDEAUX
23BX01470
plein contentieux
C
SELARL CABANES AVOCATS
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société GTM Guadeloupe a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune des Abymes, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser à titre de provision une somme de 130 836,25 euros toutes taxes comprises. Par une ordonnance n° 2300025 du 16 mai 2023, le juge des référés du tribunal a fait droit à la demande de la société GTM Guadeloupe. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 mai 2023 et le 21 juin 2023, la commune des Abymes, représentée par la SELAS Adaltys Affaires Publiques agissant par Me Heymans, demande au juge des référés de la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 2300025 du 16 mai 2023 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe ; 2°) de rejeter la demande de la société GTM ; 3°) à titre subsidiaire, à être garantie des condamnations éventuellement prononcées à son encontre par la société Icade Promotion ; 4°) de mettre à la charge de la société GTM Guadeloupe la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le premier juge a estimé que la créance invoquée par la société GTM Guadeloupe présentait un caractère non sérieusement contestable ; ainsi, la somme réclamée par la société devant le juge des référés était nettement inférieure à celle mentionnée dans le décompte général et définitif du marché ; il existait dès lors une incertitude sur le montant de la créance réclamée ; - elle avait signé une convention de maîtrise d'ouvrage déléguée avec la société Icade Promotion aux termes de laquelle cette dernière était chargée de régler les sommes dues à la société GTM Guadeloupe ; contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés, elle a répondu à l'avance de fonds réclamée par Icade Promotion pour le paiement des entreprises ; il appartenait dès lors au mandataire et à lui seul de procéder à ce règlement ; c'est à tort que le juge des référés a déduit du courrier de la société Icade Promotion du 1er mars 2023 que la commune n'avait pas procédé à l'avance de fonds sollicitée ; le mandataire disposait bien des fonds pour régler les entreprises, et notamment la société GTM Guadeloupe ; - à titre subsidiaire, elle serait fondée à appeler en garantie la société Icade Promotion qui n'a pas respecté les obligations découlant du contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée en ne réglant pas à la société Icade Promotion les sommes dues en dépit des avances de fonds effectuées. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, la société GTM Guadeloupe, représentée par la SELARL Cabanes Avocats agissant par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune des Abymes la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la commande publique ; - la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ; - le code de justice administrative. Le président de la cour a désigné M. B... A... pour statuer comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre d'un marché de travaux publics portant sur la reconstruction de l'école mixte 3 au Raizet, la société GTM Guadeloupe a été attributaire du lot n° 2 " Bâtiment " par un acte d'engagement signé le 7 décembre 2015 avec la société Icade Promotion, mandataire de la commune des Abymes, maître de l'ouvrage. Le montant définitif de ce marché a été fixé, après avenants, à 12 417 943,71 euros toutes taxes comprises. Les travaux du lot n° 2 ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception avec des réserves qui ont été levées le 22 octobre 2020. Le décompte général et définitif du lot n° 2, en date du 15 juin 2021, a fait apparaitre, au profit de la société GTM Guadeloupe, un solde créditeur de 273 164,14 euros toutes taxes comprises. Par un courriel du 13 avril 2022, la société GTM Guadeloupe a demandé à la société Icade Promotion, maître de l'ouvrage délégué, le versement des sommes lui restant dues au titre de l'exécution financière de son marché. En l'absence de réponse à sa demande, la société a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la condamnation de la commune des Abymes à lui verser une provision de 130 836,25 euros toutes taxes comprises. Par une ordonnance du 16 mai 2023, dont la commune des Abymes relève appel, le juge des référés du tribunal a fait droit à la demande de la société GTM Guadeloupe. 2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. 3. Aux termes des dispositions de l'article 3 de la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique, applicables au marché en litige et reprises en substance aux articles L. 2422-6 et suivants du code de la commande publique : " Dans la limite du programme et de l'enveloppe financière prévisionnelle qu'il a arrêtés, le maître de l'ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la convention (...) l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions suivantes de la maîtrise d'ouvrage : (...) 5° Versement de la rémunération (...) des travaux ; (...) Le mandataire n'est tenu envers le maître de l'ouvrage que de la bonne exécution des attributions dont il a personnellement été chargé par celui-ci. Le mandataire représente le maître de l'ouvrage à l'égard des tiers dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées jusqu'à ce que le maître de l'ouvrage ait constaté l'achèvement de sa mission (...) ". Aux termes de l'article 2 du contrat par lequel la commune des Abymes a délégué à la société Icade Promotion la maîtrise d'ouvrage des travaux du marché en litige : " Définition de la mission et des obligations des cocontractants. (...) Le mandat est dit " financier (...) Le mandataire est autorisé à percevoir les subventions allouées à l'opération pour le compte de la ville. Elles seront imputées directement sur le compte de l'opération. Elles seront appelées par le mandataire (...) ". Aux termes de l'article 5 du contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée : " Modalités de règlement des sommes dues à la société (...) Le paiement du solde du coût définitif interviendra dès présentation des décomptes généraux et définitifs ". 4. Il apparaît, au vu des stipulations précitées, que la société Icade Promotion a reçu pour mission, en qualité de maître de l'ouvrage délégué, de régler à la société GTM Guadeloupe les sommes dues au titre des travaux exécutés. A cette fin, la société Icade Promotion doit préalablement adresser à la commune un appel de fonds lui permettant de constituer la trésorerie nécessaire à l'exécution de sa mission. 5. Il résulte de l'instruction que le décompte général et définitif du 15 juin 2021 faisait apparaître que la commune des Abymes restait redevable, envers la société GTM Guadeloupe, des sommes respectives de 168 960,16 euros, 118 167,47 euros et 36 872,21 euros (toutes taxes comprises) au titre des sous-lots " gros œuvre ", " charpente bois " et " serrurerie " du marché. Le 15 juin 2021, la société Icade Promotion a adressé à la commune un appel de fonds n° 30 d'un montant de 722 184,85 euros toutes taxes comprises. Au 12 novembre 2021, la commune des Abymes a établi un état récapitulatif des appels de fonds, au nombre de trente, émanant de la société Icade Promotion pour un montant total de 14 806 819,85 euros, toutes taxes comprises, représentant un taux d'avancement de 97,81 % de l'exécution financière du marché. Cet état récapitulatif incluait l'appel de fonds n° 30, et il apparaît au vu du document intitulé " mémoire des dépenses pour le groupe scolaire du Raizet " que les sommes précitées de 168 960,16 euros, 118 167,47 euros et 36 872,21 euros ont été réglées par la commune à son mandataire le 18 février 2022 au titre de l'appel de fonds n° 30, validé par le comptable public le 5 mai 2022. 6. Par un courriel du 1er mars 2023, la société Icade Promotion a adressé à la commune des Abymes un appel de fonds n° 31 pour lui permettre de procéder au règlement de sommes restant dues au titre des lots du marché. Toutefois, il apparaît que cet appel de fonds ne concernait pas la société GTM mais d'autres intervenants au marché, ainsi que l'établit le document intitulé " AF 31 - mémoire des dépenses pour le groupe scolaire du Raizet ". 7. Dans ces circonstances, il apparaît que la société Icade Promotion disposait, antérieurement à la décision du juge des référés, des fonds lui permettant de régler les sommes restant dues à la société GTM Guadeloupe. En exécution de la convention de maîtrise d'ouvrage déléguée il incombait à la société Icade Promotion, et non à la commune des Abymes, de procéder à ce versement. Dans ces conditions, et quand bien même l'obligation de payer invoquée par la société GTM Guadeloupe n'apparait pas, par elle-même, sérieusement contestable dès lors qu'elle constitue la contrepartie de prestations qu'elle a réalisées au titre de son marché, la créance qu'elle invoquait à l'encontre de la commune ne pouvait être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune des Abymes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée à verser à la société GTM Guadeloupe la somme de 130 836,25 euros. Dès lors, cette ordonnance doit être annulée, et la demande présentée en première instance par la société GTM Guadeloupe doit être rejetée. 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par la société GTM Guadeloupe tendant à ce que la commune des Abymes, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la société GTM Guadeloupe la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens. ORDONNE : Article 1er : L'ordonnance n° 2300025 du 16 mai 2023 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulée. Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de la Guadeloupe par la société GTM Guadeloupe est rejetée. Article 3 : La société GTM Guadeloupe versera à la commune des Abymes la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par la société GTM Guadeloupe au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune des Abymes, à la société GTM Guadeloupe et à la société Icade Promotion. Fait à Bordeaux, le 20 novembre 2023. Le juge des référés, B... A... La République mande et ordonne au préfet de la Réunion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. N° 23BX01470 2
CETATEXT000048452285
J3_L_2023_11_00023BX01481
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/22/CETATEXT000048452285.xml
Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 23BX01481, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
23BX01481
5ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme JAYAT
AUTEF
Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2201265 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 31 mai 2023, M. A..., représenté par Me Autef, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2201265 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 de la préfète de la Gironde ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai à compter de cette notification en lui attribuant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'authenticité de ses actes d'état civil entachant ainsi le jugement attaqué d'insuffisance de motivation ; Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour : - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que : - les éléments mis en lumière par le rapport de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières ne permettent pas de renverser la présomption d'authenticité des actes d'état civil qu'il a produits lors de sa demande de titre de séjour ; - les autorités guinéennes n'ont pas été saisies de la question ; - il établit la réalité de son état civil par les nouveaux actes d'état civil qu'il produit ; - il remplit le critère relatif au suivi d'une formation qualifiante depuis au moins 6 mois, condition qui n'a d'ailleurs pas été examinée par la préfète qui a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit ; - il remplit les autres critères posés par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde ; - la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est irrecevable car tardive ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2022/010134 du 28 juillet 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ; - et les observations de Me Autef représentant M. B... A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité guinéenne, est entré en France en octobre 2018 et a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de la Gironde. Le 13 octobre 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 décembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé cette délivrance et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 1er juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Ces dispositions n'imposent cependant pas au juge administratif de répondre à chacun des arguments des parties. 3. Le tribunal a répondu, de manière suffisamment circonstanciée au regard de l'argumentation dont il était saisi, au moyen soulevé en première instance par M. A... et tiré de l'authenticité des actes d'état civil qu'il a présentés à l'appui de sa demande de titre de séjour. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé. Sur la légalité de l'arrêté du 8 décembre 2021 : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée. 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ", ce dernier disposant que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. 6. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour rejeter la demande de titre de séjour sollicitée par M. A... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Gironde s'est fondée d'une part, sur le caractère frauduleux des documents d'état civil présentés à l'appui de sa demande et d'autre part, sur la circonstance que sa demande ne répond pas à des critères d'admission exceptionnelle au séjour. 7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, pour établir son identité, M. A... a transmis à l'administration, dans le cadre de l'instruction de sa demande, un jugement supplétif du 15 avril 2019 rendu par le juge de paix du tribunal de première instance de Kindia ainsi qu'un extrait de registre d'état civil établi le 23 avril 2019 par l'officier d'état civil de la commune urbaine de Telimélé, indiquant qu'il est né le 9 février 2002, ces deux pièces ayant fait l'objet d'une légalisation. Pour contester l'authenticité de ces différents documents, la préfète de la Gironde s'est appuyée sur un rapport d'analyse technique du 9 juin 2021 établi par la cellule de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières (PAF) qui a rendu un avis très défavorable sur l'authenticité des documents. Selon ce rapport, le jugement supplétif du 15 avril 2019 ne peut qu'être un faux dès lors qu'il mentionne que la requête a été présentée le 15 avril 2019 par le père de l'intéressé alors que celui-ci a déclaré le décès de son père en 2008, que les alignements de texte pré imprimé ne sont pas conformes, des zones non pré-imprimées étant remplies à la machine à écrire et comportant de nombreuses fautes de frappe et de syntaxe. Par ailleurs, selon ce rapport, l'extrait de registre de l'état civil comporte une mention erronée en indiquant " la juge de paix de Téliméle " alors que le juge de paix du tribunal de 1ère instance est un homme. Toutefois, le requérant produit en appel un nouveau jugement supplétif du 22 septembre 2022 rendu par le juge de paix du tribunal de première instance de Kindia portant rectification du jugement supplétif du 15 avril 2019 et attestant de l'exacte même identité, ainsi qu'un jugement rectificatif de la même autorité ordonnant le changement de nom du requérant sur le jugement supplétif du 15 avril 2019 au vu de l'erreur commise, et enfin, un extrait de registre d'état civil établi le 3 octobre 2022 par l'officier d'état civil de la commune urbaine de Telimélé. Ainsi, et alors que les autorités guinéennes n'ont pas été saisies aux fins de contre-vérification des documents d'état civil produits par M. A... lors de l'instruction de sa demande, et que l'authenticité des nouveaux documents produits en appel n'est pas remise en cause, il ressort de l'ensemble des éléments produits par les parties que l'identité du requérant est établie et qu'il justifie avoir été mineur lors de son entrée en France et, en particulier, avoir été âgé de seize à dix-huit ans lorsqu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance. 8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que depuis qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance en octobre 2018, M. A... s'est orienté vers le métier de jardinier-paysagiste. En contrat d'apprentissage depuis 2019, il a obtenu son certificat d'aptitude professionnelle agricole (CAP) le 30 juin 2021, spécialité " Jardinier paysagiste ". Il ressort de l'avis de sa structure d'accueil qu'il s'est montré " volontaire et assidu " dans le suivi de sa formation et que son employeur s'est engagé à le recruter à l'issue de son CAP. Toutefois, si M. A... a toujours déclaré, depuis son arrivée en France et sa prise en charge en structure d'accueil, que son père était décédé en 2008 du paludisme et sa mère en 2013 d'une maladie cardiaque, cette affirmation n'est étayée par aucune pièce du dossier et l'intéressé n'apporte en appel toujours aucun élément permettant d'établir la réalité de ces décès, point pourtant contesté par le préfet. En outre, il ressort des mentions mêmes du jugement supplétif du 22 septembre 2022, qu'il produit en appel, que la mention " feu " précède le nom de son père mais pas celui de sa mère. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé n'aurait conservé, comme il l'affirme, aucun lien avec son pays d'origine. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il aurait noué des liens d'une particulière intensité en France. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Gironde aurait entaché la décision par laquelle elle lui a refusé un titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de l'instruction que la préfète aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif tiré de ce que sa demande ne répond pas aux critères d'admission exceptionnelle au séjour. 9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 10. Si M. A... se prévaut de la formation qualifiante qu'il a suivie et de la validation de son certificat d'aptitude professionnelle, ces seuls éléments relatifs au parcours classique dans le cadre du placement auprès de l'aide sociale à l'enfance d'un jeune mineur, ne traduisent pas pour autant une insertion professionnelle particulière en France. En outre, et alors que M. A... est célibataire et sans charge de famille en France, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme indiqué au point 8, qu'il serait dépourvu, contrairement ce qu'il allègue, de toute attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté. 12. En deuxième lieu, compte tenu des circonstances exposées aux points 8 et 10, le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi pour cause d'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2013 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Héloïse Pruche-Maurin La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°23BX01481
CETATEXT000048452286
J3_L_2023_11_00023BX01639
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 23BX01639, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
23BX01639
5ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme JAYAT
AUTEF
Mme Edwige MICHAUD
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n°2201392 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juin 2023 et le 30 août 2023, M. B... A..., représenté par Me Autef, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 2 février 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le mois suivant la notification de la décision à intervenir, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et de lui délivrer, le temps de l'instruction de son dossier, une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Autef, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - sa requête n'est pas tardive ; Sur la décision de refus de titre de séjour : - la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait au regard des exigences de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - c'est à tort que la préfecture de la Gironde a retenu que les documents justifiant son état civil produits à l'appui de sa demande de titre de séjour étaient entachés de fraude, dès lors qu'en l'absence de saisine par la préfecture de la Gironde des autorités maliennes quant à l'authenticité des actes civils qu'il a produits sur le fondement de l'article 1er du décret n°2015-740 du 24 décembre 2015, le rapport de la direction zonale de la police aux frontières, qui ne lui a pas été communiqué, ne suffit pas à remettre en cause leur présomption d'authenticité garantie par l'article 47 du code civil ; - la décision méconnaît l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'a pas procédé à l'examen du caractère réel et sérieux de sa formation, ni tenu compte de l'avis de la structure d'accueil ; - la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur l'obligation de quitter le territoire français : - la décision est privée de base légale en ce qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour illégale ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur la décision fixant le pays de destination : - la décision est privée de base légale en ce qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français illégales. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 septembre 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Edwige Michaud, - et les observations de Me Autef, représentant M A... B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... est entré irrégulièrement en France le 25 novembre 2018. Il a sollicité le 28 octobre 2020 un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 février 2022, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la légalité du refus de séjour : 2. En premier lieu, l'arrêté attaqué indique que M. A... a sollicité le 28 octobre 2020 son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de la Gironde a rejeté cette demande en exposant que l'intéressé avait produit à l'appui de sa demande des documents d'état-civil entachés de fraude, au visa des articles L. 811-2 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil. Il a également exposé les éléments de la situation personnelle de l'intéressé sur lesquels il s'est fondé, et notamment l'ancienneté de sa présence en France, ses liens en France et dans son pays d'origine, pour considérer que les conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies. Ces motifs permettaient à M. A... de comprendre et de contester les motifs de l'arrêté. A supposer que ces motifs soient erronés au regard des conditions posées par ces dispositions, cette circonstance n'entache pas l'arrêté d'une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de séjour pris à l'encontre de M. A... doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...). / (...) l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil dans sa version applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents. 4. Il ressort des pièces du dossier que pour établir son identité, M. A... a transmis à l'administration dans le cadre de l'instruction de sa demande, un extrait de jugement supplétif n°2087 de la République du Mali, un acte de naissance n°149 de la République du Mali ainsi qu'une carte d'identité consulaire malienne. Pour contester l'authenticité de ces documents, la préfète de la Gironde s'est appuyée sur un rapport d'analyse technique du 2 avril 2021 établi par la cellule de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières. Selon ce rapport, les supports de l'extrait du jugement supplétif et de l'extrait d'acte de naissance sont non conformes, et l'acte de naissance comporte plusieurs anomalies notamment dans le type d'impression, des informations sont absentes de cet acte de naissance comme le nom de l'imprimeur du papier ou encore le numéro en rouge qui permet de relier l'acte à son origine et enfin, cet acte de naissance comporte des fautes d'orthographe, de sorte que l'auteur du rapport estime que cet acte de naissance présente les caractéristiques techniques d'un document contrefait. Le service conclut qu'aucune valeur probante ne peut être accordée à ces deux documents " irréguliers ". 5. Toutefois, M. A... produit un document d'un huissier de justice au Mali du 8 août 2023 qui indique que le jugement supplétif n°2087 du 24 avril 2019 est enregistré dans les registres d'état civil du centre principal de Ambidédi sous le n°149 du registre spécial du 29 avril 2019. L'huissier a en outre joint à son constat la minute du jugement supplétif et la copie du volet n° 1 de l'acte de naissance n° 149 de l'intéressé. Le préfet de la Gironde ne conteste pas l'authenticité de cet acte d'huissier. En outre, le rapport de la cellule fraude ne remet pas en cause le formalisme de l'extrait de jugement supplétif ni celui de l'extrait d'acte de naissance produits par le requérant. M. A... établit ainsi l'authenticité des documents d'état civil qu'il a produits au soutien de sa demande de titre de séjour présentée à l'appui de sa demande. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la préfète de la Gironde ne pouvait légalement rejeter la demande de titre de séjour dont elle était saisie au motif que M. A... ne justifiait pas, à la date de l'acte attaqué, de son identité. 6. En troisième lieu, le préfet, comme il a été dit, a également estimé que les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies. 7. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ". 8. Si le préfet n'a pas remis en cause, dans son arrêté, le caractère réel et sérieux de la formation suivie par M. A... ni fait référence à l'avis de la structure qui le suit, cette circonstance ne traduit, par elle-même, ni une absence d'examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé, ni une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 9. Pour estimer que les conditions des dispositions précitées n'étaient pas remplies, le préfet a considéré que M. A... n'avait pas d'attaches privée ou familiale stables en France, qu'il ne justifiait pas d'une ancienneté de séjour significative sur le territoire, qu'il ne justifiait pas d'une insertion durable en France et qu'il n'était pas isolé dans son pays d'origine où résident sa mère et sa sœur. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance avant ses 16 ans jusqu'à sa majorité, qu'il a bénéficié de contrats de protection jeune majeur puis d'un contrat de professionnalisation et d'un contrat d'apprentissage, que son employeur lui a proposé un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet, en qualité d'employé de commerce et qu'aux termes de l'avis de la structure d'accueil du 17 décembre 2021, il travaille et les retours de ses responsables sont positifs bien qu'il ait encore besoin d'un accompagnement éducatif. Malgré ses efforts d'insertion, il ressort cependant également des pièces du dossier que M. A... n'était en France que depuis 3 ans et 3 mois à la date de la décision contestée, qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine ou résident sa mère et sa sœur et que s'il s'est lié d'amitié avec des collègues ou de jeunes maliens, comme le souligne le rapport de sa structure d'accueil, il ne justifie pas d'attaches privées ou familiales anciennes et stables sur le territoire français. Dans ces conditions, en estimant que les conditions de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies, le préfet n'a pas méconnu ces dispositions. 10. Il résulte de l'instruction, et notamment des écritures en défense devant le tribunal, que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur le caractère frauduleux des documents d'état civil de M. A... mais seulement sur le fait que les conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies. Dès lors que ce motif suffisait à justifier légalement l'arrêté, le caractère erroné du motif tiré de la fraude n'est pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté contesté. 11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 12. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... justifie d'efforts d'insertion professionnelle, il est célibataire et sans charge de famille en France où il séjournait depuis un peu plus de 3 ans seulement à la date de l'arrêté contesté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme indiqué au point 9, qu'il serait dépourvu, contrairement ce qu'il allègue, de toute attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français : 13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté. 14. En deuxième lieu, compte tenu des circonstances exposées aux points 9 et 11, le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination : 15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination pour cause d'illégalité du refus de séjour et de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige MichaudLa présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 23BX01639
CETATEXT000048452289
J4_L_2023_11_00023NT01461
CETAT
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Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 23NT01461, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
23NT01461
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. GASPON
PRELAUD
M. François PONS
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... G... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de leur demande d'asile. Par un jugement n°2304700, 2304702 du 26 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 mai 2023, M. G... et Mme F..., représentés par Me Prélaud, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 26 avril 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ainsi que les arrêtés du 13 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire ; 2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de leur remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai de 7 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de leur conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ils soutiennent que : Sur la régularité du jugement attaqué : - la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013, soulevé indépendamment du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : - la motivation des arrêtés de transfert est insuffisante ; - les arrêtés de transfert sont entachés d'un vice de procédure tiré de l'absence d'habilitation de l'auteur de la consultation du fichier " Visabio ", en méconnaissance de l'article R. 142-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - les arrêtés de transfert méconnaissent les dispositions de l'article 21 du règlement n° 604/2013, en l'absence de décision sur la demande de prise en charge du troisième enfant du couple, le jeune D... : * il n'est pas établi que l'Italie a été saisie d'une requête aux fins de prise en charge de l'enfant D..., né le 22 février 2023 et que cet Etat ait accepté sa responsabilité à l'égard de cet enfant ; - les arrêtés de transfert méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant : * le préfet n'a pas tenu compte de leur vie privée et familiale sur le territoire français ; - les arrêtés de transfert méconnaissent l'article 4 du règlement n°604/2013, faute d'avoir bénéficié de toutes les informations requises, par écrit ou à défaut expliqué oralement, et dans une langue qu'ils comprennent ; - ils n'ont pas bénéficié d'un entretien individuel préalablement à la notification des décisions de transfert, conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement n°604/2013 : * l'entretien n'a pas respecté les règles de confidentialité ; * il n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ; - les arrêtés de transfert méconnaissent l'article 3-2 du règlement n°604/2013 en raison des défaillances systémiques constatées en Italie dans la procédure d'asile et l'accueil des demandeurs d'asile ; - les arrêtés de transfert sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation, elles méconnaissent l'article 17 du règlement n° 604/2013 ; - les arrêtés de transfert méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, dès lors qu'ils sont susceptibles de subir des traitements inhumains et dégradants en Italie ; - les arrêtés de transfert méconnaissent les dispositions de l'article L. 522-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'ils justifient être en situation de particulière vulnérabilité, dès lors que, outre la vulnérabilité intrinsèque liée à leur statut de demandeur d'asile, ils sont accompagnés de leurs trois enfants mineurs, dont le dernier est âgé d'à peine un mois. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation des requêtes et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il a décidé d'abroger les arrêtés portant transfert des intéressés vers l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de M. G... vers l'Italie. M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Dublin III " ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les observations de Me Prélaud, représentant M. G... et Mme F.... Considérant ce qui suit : 1. M. G... et sa conjointe Mme F..., ressortissants arméniens, déclarent être entrés régulièrement en France le 7 décembre 2022. Le 21 décembre 2022, leurs demandes d'asile ont été enregistrées au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Visabio a révélé que les intéressés étaient chacun en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois lors du dépôt de leurs demandes d'asile, délivrés par les autorités italiennes. Saisies par les autorités françaises, le 28 décembre 2022, les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par accords explicites du 22 février 2023. Par deux arrêtés du 13 mars 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de les transférer aux autorités italiennes pour l'examen de leurs demandes d'asile. Par un jugement du 26 avril 2023, dont M. G... et Mme F... relèvent appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Sur l'étendue du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution des décisions de transférer M. G... et Mme F... vers l'Italie a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 26 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que ces arrêtés auraient reçu exécution pendant leur période de validité. Par suite, les arrêtés en cause sont caducs à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc leur délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. G... et de Mme F... tendant à l'annulation des arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités italiennes. Sur les frais liés au litige : 5. M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Prélaud avocate des requérants. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'elle perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes de M. G... et de Mme F... tendant à l'annulation des arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de leur demande d'asile. Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Prélaud en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., à Mme B... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01461
CETATEXT000048452296
J6_L_2023_11_00021MA04801
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 21MA04801, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
21MA04801
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
SELARL MAUDUIT LOPASSO GOIRAND & ASSOCIES
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... E... et Mme K... I... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2017 par lequel le maire de Hyères-les-Palmiers a délivré à M. C... et Mme D... un permis pour la construction d'une surélévation et de toitures terrasses sur un immeuble situé 22 avenue des Hirondelles ainsi que pour la modification du portail de la propriété, ensemble la décision portant rejet de leur recours gracieux, et de condamner les pétitionnaires à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts. Par un jugement n° 1801313 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté en tant qu'il autorisait la surélévation et les toitures terrasses, ensemble et dans cette mesure la décision portant rejet du recours gracieux et a rejeté la demande indemnitaire. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 décembre 2021 et 15 septembre 2022, M. F... C... et Mme G... D..., représentés par Me Lopasso, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2021 en tant qu'il prononce ces annulations ; 2°) de rejeter les demandes d'annulation de M. et Mme I... présentées devant le tribunal administratif ; 3°) de mettre à la charge M. et Mme I... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - leur requête a été introduite dans le délai requis, au regard de la date à laquelle ils n'étaient plus en mesure de contester la décision rejetant leur demande d'aide juridictionnelle ; - le permis avait été régulièrement affiché et le recours administratif, comme la demande de première instance par voie de conséquence, étaient tardifs ; - les consorts I... n'ont pas justifié de leur intérêt à agir ; - aucun élément ne prouve que la construction initiale sur leur propriété aurait dû être régularisée, alors qu'elle figurait à l'identique sur les plans cadastraux de 1960 ; - dès lors que la surélévation intervient sur une construction légalement autorisée, la distance de 3 mètres en limite séparative n'est pas applicable et les dispositions de l'article Uec7 du règlement du plan local d'urbanisme ont été respectées. Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 février et 23 juin 2022, M. et Mme I..., représentés par Me La Balme, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge solidaire de la commune de Hyères-les-Palmiers et des consorts H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la requête est tardive dès lors que la saisine du bureau de l'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat n'est pas susceptible d'avoir interrompu le délai d'appel ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. La demande d'aide juridictionnelle de M. C... et Mme D... a été rejetée par une décision du 1er octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Lopasso, représentant M. C... et Mme D..., et de Me Morvan, substituant Me La Balme, représentant M. et Mme I.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... et Mme D... sont propriétaires d'une maison d'habitation située 22 avenue des Hirondelles à Hyères-les-Palmiers, édifiée sur un terrain cadastré section IM n° 166. Par arrêté du 7 octobre 2017, le maire de la commune leur a délivré un permis pour la construction sur l'immeuble existant d'une surélévation et de toitures terrasses ainsi que pour la modification du portail de leur propriété. Ils relèvent appel du jugement du 18 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon, saisi par leurs voisins, M. et Mme I..., a annulé cet arrêté en tant qu'il autorisait la surélévation et les toitures terrasses, ensemble et dans cette mesure la décision portant rejet du recours gracieux. Sur la fin de non-recevoir opposée en défense : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ". 3. D'une part, aux termes de l'article R. 351-1 du code de justice administrative : " Lorsque le Conseil d'Etat est saisi de conclusions relevant de la compétence d'une autre juridiction administrative, et sous réserve des dispositions de l'article R. 351-4, le président de la section du contentieux, saisi par la chambre chargée de l'instruction du dossier, règle la question de compétence et attribue, le cas échéant, le jugement de tout ou partie de l'affaire à la juridiction qu'il déclare compétente ". Lorsque l'affaire entre dans le cas de transmission des dossiers prévu par cet article, la date à retenir pour apprécier la recevabilité du recours est celle de son enregistrement au secrétariat du Conseil d'Etat qui, incompétemment saisi, procède à la transmission du dossier. 4. D'autre part, aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle (...) est adressée au bureau d'aide juridictionnelle (...) avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". Il ressort de ces dispositions qu'un requérant qui a sollicité dans les délais requis le bénéfice de l'aide juridictionnelle est tenu, à peine de forclusion, d'introduire son recours contentieux dans les deux mois suivant la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, qu'elle soit positive ou négative, ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. 5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle présentée au bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat interrompt le délai d'appel, alors même que le litige relève de la compétence de la cour administrative d'appel. 6. En l'espèce, la demande d'aide juridictionnelle formée pour les requérants devant le bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat le 1er juin 2021, alors d'ailleurs que le courrier du 18 mai 2021 notifiant le jugement du tribunal administratif de Toulon mentionnait par erreur la possibilité de pourvoi devant le Conseil d'Etat, a interrompu le délai d'appel contre ce jugement. Le bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat a transmis cette demande au bureau de la cour administrative d'appel le 31 août 2021. Un nouveau délai de recours a ainsi couru à compter de la notification, par courrier du 15 octobre 2021, de la décision dudit bureau portant rejet de la demande d'aide juridictionnelle. Dès lors, la requête, introduite le 13 décembre 2021, n'était pas tardive et la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus : 7. En premier lieu, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. Il appartient à l'administration de statuer au vu de l'ensemble des pièces du dossier, en tenant compte, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme emportant régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans sous réserve qu'ils ne l'aient pas été sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables. 8. En l'espèce, la demande de permis mentionne que le projet consiste en l'élévation d'un niveau sur le corps principal du bâtiment d'origine, entouré d'une terrasse couverte construite sur l'emprise exacte du bâti restant. Si les requérants entendent justifier de la régularité de la construction d'origine par la mention d'un permis de construire n° PC 5001 délivré le 16 septembre 1969, il ressort des pièces du dossier que ce permis concernait des travaux de " transformation de façade " de ce qui constituait alors le lot n° 48 du lotissement Ayguade, consistant " en une surélévation de l'ancienne toiture de l'annexe pour l'aligner à la toiture du bâtiment principal ". Ce permis ne portait ainsi pas sur la construction de l'annexe elle-même. Les consorts I... soutiennent que cette partie du bâtiment a été édifiée sans autorisation postérieurement à la construction de la partie principale de l'immeuble. Toutefois, pour étayer leur affirmation, ceux-ci se bornent à produire les demandes de permis de construire une habitation, déposées respectivement le 8 juin 1956 sur le lot n° 26 du lotissement, et le 28 avril 1961 sur le lot n° 27, ne faisant apparaître qu'un seul bâtiment rectangulaire, dépourvu d'annexe, sur le lot n° 48 voisin. Il ne ressort pas de ces seuls éléments, sur lesquels le lot litigieux n'apparaît que de façon accessoire, que cette annexe, directement concernée par la surélévation de toiture autorisée en 1969, n'aurait pas été régulièrement édifiée. Si les défendeurs évoquent également un écart de métrage entre le permis délivré en 1969 et le permis litigieux, celui-ci concerne la superficie du terrain et non de la construction elle-même. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que la construction sur laquelle le projet intervient aurait fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises. 9. En second lieu, les dispositions de l'article UE 7 du règlement du plan local d'urbanisme communal prévoient, en secteur UEc dont relève la parcelle litigieuse, que les constructions doivent être implantées en ordre discontinu avec un recul minimum de 3 mètres des limites séparatives. Il résulte toutefois de ce qui vient d'être exposé au point précédent que les requérants peuvent se prévaloir de l'exception ménagée à cette règle pour les cas de " surélévation d'un bâtiment existant légalement autorisé à condition que celle-ci s'effectue en continuité du nu de la façade existante ". L'arrêté litigieux, qui autorise une telle construction en continuité, ne méconnaît dès lors pas ces dispositions. 10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs tirés de l'irrégularité de la construction initiale et de la méconnaissance de l'article UE 7 du règlement du plan local d'urbanisme pour annuler l'arrêté litigieux et la décision portant rejet du recours gracieux. 11. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts I... devant le tribunal administratif de Toulon à fin d'annulation des décisions en litige. En ce qui concerne les autres moyens présentés devant le tribunal administratif : 12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Hyères-les-Palmiers a, par arrêté du 13 mars 2015 régulièrement publié, affiché et transmis au contrôle de légalité, donné délégation à M. François Cornileau, conseiller municipal délégué, à l'effet de signer notamment les autorisations individuelles d'urbanisme. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit dès lors être écarté. 13. En deuxième lieu, l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme prévoit que : " Sont joints à la demande de permis de construire : / (...) / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 421-8 à R. 431-12 ". Aux termes de l'article R. 431-8 de ce code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / (...) ". L'article R. 431-9 du même code précise : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; (...) / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / (...) ". 14. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. 15. En l'espèce, si le plan de la façade nord PCMI 5.3 pouvait laisser penser qu'une distance de plusieurs mètres séparait la construction litigieuse de la limite séparative entre la propriété des requérants et celle des consorts I..., la mitoyenneté d'angle était représentée sans ambiguïté sur les repérages photographiques ainsi que sur les plans de masse PCMI 2b et 2c, de sorte qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que des inexactitudes entacheraient le dossier et auraient été susceptibles de fausser l'appréciation portée par l'administration sur la demande de permis quant à la conformité du projet à la réglementation applicable. 16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme : " Les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu. / De même, lorsqu'une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s'appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, dès l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. / (...) ". 17. Il ressort des pièces du dossier que le cahier des charges du lotissement Ayguade a été approuvé par le préfet du Var le 16 mai 1950. En application des dispositions citées ci-dessus et dès lors que la commune de Hyères-les-Palmiers était couverte par un plan local d'urbanisme, les règles d'urbanisme que ce cahier des charges contenait étaient ainsi nécessairement devenues caduques à la date de la délivrance du permis de construire litigieux. M. et Mme I... ne sont dès lors pas fondés à se prévaloir des dispositions des articles 15 et 18 de ce cahier des charges. 18. Enfin, en quatrième lieu, si M. et Mme I... soutiennent que la construction, d'ores et déjà réalisée, leur porte préjudice et n'est conforme ni au permis litigieux, ni aux prescriptions de l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UE au regard du bardage utilisé en bordure de terrasse et sur l'ensemble de la façade de la surélévation, ces circonstances sont en tout état de cause dépourvues d'incidence sur la légalité dudit permis lui-même. 19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que M. C... et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du maire de la commune de Hyères-les-Palmiers du 7 octobre 2017, en tant qu'il leur a délivré un permis de construire une surélévation et des toitures terrasses, ensemble et dans cette mesure la décision portant rejet du recours gracieux. Sur les frais liés au litige : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. C... et de Mme D... qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, tandis que la commune de Hyères-les-Palmiers n'est pas partie à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme I... une somme de 2 000 euros à ce titre. D É C I D E : Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 mai 2021 sont annulés. Article 2 : La demande d'annulation présentée par M. et Mme I... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée. Article 3 : M. et Mme I... verseront la somme globale de 2 000 euros à M. C... et Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et Mme G... D... et à M. A... E... et Mme K... B.... Copie de la présente décision sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulon et à la commune de Hyères-les-Palmiers. Délibéré après l'audience du 26 octobre2023, à laquelle siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 21MA04801 nb
CETATEXT000048452304
J6_L_2023_11_00022MA02979
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452304.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA02979, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA02979
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
TRAVERSINI
M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 1er avril 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. Par un jugement n° 2202212 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 5 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Traversini, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2022 du tribunal administratif de Nice ; 2°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ; 3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6-1) de l'accord franco-algérien, dans la mesure où il établit sa présence sur le territoire français depuis plus de dix ans ; - elle méconnaît les articles 6-5) de l'accord franco-algérien, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard de sa vie privée et familiale ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît les articles 7-b) de l'accord franco-algérien et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard de son insertion professionnelle ; elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle décision sur sa situation personnelle ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des motifs exceptionnels d'admission au séjour ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par la voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour. La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du 27 janvier 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. Par une ordonnance du 26 avril 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours de M. A... dirigé contre la décision du 27 janvier 2023. La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité algérienne, demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ". 3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 14 mars 2002 sous couvert d'un visa C - Etats Schengen d'une durée de validité de six mois. Il soutient qu'il se maintient de manière continue sur le territoire français depuis cette date. L'intéressé produit à ce titre de nombreux éléments permettant d'établir sa présence, sur la période de dix ans antérieurement à la date de la décision contestée, soit depuis l'année 2012, ces documents étant notamment composés de diverses factures, de cartes d'aide médicale de l'Etat, de documents médicaux et bancaires, de promesses d'embauche ou encore d'attestations d'hébergement ou de connaissances. Il se prévaut également de courriers administratifs ou de son avocat, reçus notamment dans le cadre de ses demandes de titre de séjour ou des recours devant le tribunal administratif exercés à l'encontre des décisions dont il a fait l'objet, s'agissant en particulier de son recours enregistré le 11 février 2019 tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour du 30 mars 2018. L'ensemble des pièces produites par M. A... permettent d'établir de manière suffisamment certaine sa présence sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date du 1er avril 2022 à laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, l'intéressé est fondé à soutenir que cette décision méconnaît les stipulations précitées de l'article 6-1) de l'accord franco-algérien. L'illégalité de cette décision entache d'illégalité, par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination. 4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 5. Eu égard au motif pour lequel le présent arrêt prononce l'annulation de l'arrêté en litige et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y ferait obstacle, l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er avril 2022 implique nécessairement la délivrance à M. A... d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'adresser au préfet une injonction en ce sens, en lui impartissant un délai d'exécution d'un mois. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. A.... Sur les frais liés au litige : 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 novembre 2022 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er avril 2022 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... un titre de séjour d'une durée de validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au tribunal judiciaire de Nice. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 2 N° 22MA02979
CETATEXT000048452314
J7_L_2023_11_00022DA00367
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA00367, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA00367
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heinis
SOCIETE D'AVOCATS HEPTA
M. François-Xavier Pin
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société en commandite par actions (SCA) Viagetic Capital 1 a demandé au tribunal administratif de Lille de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois d'août 2017 d'un montant de 153 704 euros ou, subsidiairement, d'un montant de 146 353 euros. Par un jugement n° 1902818 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 février 2022, la SCA Viagetic Capital 1, représentée par Me Blanquart, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de lui accorder ce remboursement ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision de rejet de sa réclamation est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales ; - elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, combinées à celles du premier alinéa de l'article L. 80 A de ce livre, de la décision de rescrit du 23 mars 2017 prise par l'administration à la suite de demandes formulées par les sociétés Viagetic Capital 2 et 3 et qui lui est opposable ; - en l'absence de réponse dans un délai de trois mois à la demande de rescrit qu'elle avait présentée le 22 janvier 2015, l'administration doit être regardée, en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, comme ayant donné un accord implicite à sa demande ; - elle exerce la seule activité de marchand de biens immobiliers qui ne justifie pas la création de secteurs distincts d'activité ; - en toute hypothèse, les frais généraux doivent être rattachés aux deux secteurs d'activité, de sorte que l'administration aurait dû appliquer un coefficient de taxation forfaitaire en fonction du chiffre d'affaires total en application du 2° du 3 du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts ; - à titre subsidiaire, elle était en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ses frais généraux d'un montant de 146 353 euros, représentant la différence entre le montant de la demande de remboursement et le montant de la taxe déductible correspondant aux frais d'acquisition devant faire l'objet d'un traitement différencié du fait du décalage de la date éventuelle de déduction au jour de la revente des biens. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la SCA Viagetic Capital 1 ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pin, président-assesseur, - les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public, - et les observations de Me Rousseau, représentant la SCA Viagetic Capital 1. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La SCA Viagetic Capital 1, qui exerce une activité de marchand de biens consistant dans l'acquisition de biens immobiliers en viager en vue de leur revente ou, à titre exceptionnel, de leur mise en location au terme d'une convention de viager à défaut de revente, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er octobre 2015 au 31 octobre 2017, au terme de laquelle l'administration a notamment considéré que la taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'était acquittée lors de l'acquisition d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans n'était pas immédiatement déductible. Elle a en conséquence rejeté la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée par la SCA Viagetic Capital 1 au titre du mois d'août 2017 pour un montant de 153 704 euros. La SCA Viagetic Capital 1 relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Sur la régularité de la décision ayant rejeté la réclamation : 2. Les irrégularités qui peuvent entacher les décisions prises par le directeur départemental des finances publiques sur les réclamations contentieuses dont il a été saisi sont sans influence sur la validité de l'imposition contestée ou l'étendue du droit à remboursement revendiqué. 3. La SCA Viagetic Capital 1 a déposé une demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue, au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, une réclamation contentieuse. Ainsi, la société requérante ne peut utilement soutenir que la décision du 6 février 2019 portant rejet de sa réclamation contentieuse était insuffisamment motivée. Sur le bien-fondé du refus de remboursement opposé par l'administration : En ce qui concerne l'application de la loi fiscale : S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée sur les achats d'immeubles : 4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". Aux termes de l'article 261 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 5. (Opérations immobilières) : / (...) 2° Les livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans (...) ". Aux termes de l'article 260 du même code : " Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 5° bis Les personnes qui réalisent une opération visée au 5 de l'article 261 (...) ". Aux termes de l'article 201 quater de l'annexe II à ce code : " L'option prévue au 5° bis de l'article 260 du code général des impôts s'exerce distinctement par immeuble, fraction d'immeuble ou droit immobilier mentionné au 1 du I de l'article 257 de ce code, relevant d'un même régime au regard des articles 266 et 268 du même code. Il doit être fait mention de cette option dans l'acte constatant la mutation ". 5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu'un immeuble achevé depuis plus de cinq ans est acquis en vue de sa revente, la taxe sur la valeur ajoutée ayant éventuellement grevé le prix d'acquisition n'est pas déductible sauf exercice, au moment de la revente, de l'option prévue au 5° bis de l'article 260 du code général des impôts. Par suite, la taxe acquittée lors de l'acquisition du bien n'est pas déductible avant cette date, quand bien même l'immeuble donnerait lieu, dans l'attente de sa revente, à des opérations de location soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. 6. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 30 mars 2018, que la SCA Viagetic Capital 1, dans le cadre de son activité de marchand de biens, a acquis auprès de particuliers des immeubles à usage d'habitation achevés depuis plus de cinq ans dans l'intention de les revendre. Elle a ainsi entendu lier directement et immédiatement ces acquisitions à des opérations de revente d'immeubles achevés depuis de plus de cinq ans, lesquelles sont exonérées, sauf exercice de l'option au moment de la revente, de taxe sur la valeur ajoutée. Ces biens immobiliers ne pouvaient par suite être regardés, avant la date d'exercice de cette option, comme affectés à une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe grevant leur coût d'acquisition n'était dès lors pas déductible avant cette date. 7. D'autre part, il est constant que la SCA Viagetic Capital 1 n'avait revendu aucun de ces biens immobiliers lorsqu'elle a sollicité le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois d'août 2017. Il suit de là que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par la société dans le cadre de son activité de marchand de biens, lors de l'acquisition des immeubles en cause, ne pouvait être déduite qu'au moment de leur revente en cas d'exercice de l'option prévue au 5° bis de l'article 260 du code général des impôts, et non immédiatement. 8. Enfin, si la SCA Viagetic Capital 1 fait valoir qu'elle devait être regardée comme n'exerçant qu'une activité de marchand de biens et que c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle exerçait également une activité de refacturation de prestations intra-groupe relevant d'un secteur distinct d'activité, une telle circonstance demeure sans incidence sur le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les acquisitions d'immeubles. S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée sur les frais généraux : 9. Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Aux termes de l'article 206 de cette annexe : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III. - 1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre :/ a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée ; / 2° Lorsqu'un assujetti a constitué des secteurs distincts d'activité en application de l'article 209, le chiffre d'affaires à retenir pour le calcul du rapport mentionné au 1° est celui du ou des secteurs pour lesquels le bien ou le service est utilisé (...) / IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4 ". Aux termes du I de l'article 209 de la même annexe : " Les opérations situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et les opérations imposables doivent être comptabilisées dans des comptes distincts pour l'application du droit à déduction. / Il en va de même pour les secteurs d'activité qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ". 10. La SCA Viagetic Capital 1 fait valoir qu'à supposer même, comme l'a indiqué, par un courrier du 19 juillet 2018, le supérieur hiérarchique du vérificateur à l'issue de l'entretien du 13 juillet précédent, que l'activité d'acquisition d'immeubles de plus de cinq ans en vue de leur revente et celle de refacturation de prestations aux sociétés Viagetic Capital 2, 3, 4 et 5 aient constitué des secteurs distincts pour les besoins de la taxe sur la valeur ajoutée, ses dépenses constitutives de frais généraux et qui entretiennent ainsi un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, étaient, quant à elles, immédiatement déductibles. 11. Toutefois, si la requérante indique que ces frais généraux s'élèvent à la somme de 146 353 euros, après avoir retranché du montant du crédit d'impôt dont elle demande le remboursement une somme de 7 351 euros correspondant à la taxe acquittée sur les frais d'acquisition d'immeubles qui n'était pas immédiatement déductible ainsi qu'il a été dit, elle n'apporte aucun élément, ainsi que l'oppose le ministre en défense, de nature à justifier que la somme au titre de laquelle elle sollicite le bénéfice d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée se rattacherait à des frais généraux. Elle n'est, ainsi, pas fondée à soutenir que l'administration aurait dû tenir compte des frais allégués pour lui appliquer un coefficient de taxation calculé en fonction de son chiffre d'affaires total sur le fondement du 2° du 3 du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts. 12. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a remis en cause, sur le terrain de la loi fiscale, le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société requérante se prévaut. En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative : 13. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ". 14. Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ". Peuvent se prévaloir de cette garantie, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou ont participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité. 15. Toutefois, la garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, auquel renvoie l'article L. 80 B du même livre, ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration. Le rejet par le service d'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne constitue pas un rehaussement d'impositions permettant à un contribuable de se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, de l'interprétation administrative de la loi fiscale. 16. Il résulte de ce qui précède que la SCA Viagetic Capital 1 ne peut utilement, en tout état de cause, se prévaloir des décisions de rescrit du 23 mars 2017 rendues par les services de la direction régionale des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord et concernant la situation des sociétés Viagetic Capital 2 et Viagetic Capital 3. 17. Pour le même motif, la requérante ne peut utilement, en tout état de cause, invoquer l'absence de réponse, dans le délai de trois mois prévu au 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, à sa demande de rescrit présentée par un courrier du 22 mars 2015, pour se prévaloir d'une prise de position tacite de l'administration fiscale sur l'existence d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée restituable. 18. Il résulte de tout ce qui précède que la SCA Viagetic Capital 1 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de la SCA Viagetic Capital 1 est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA Viagetic Capital 1 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : F.-X. Pin Le président de chambre, Signé : M. A...La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 2 N°22DA00367
CETATEXT000048452315
J7_L_2023_11_00022DA00701
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA00701, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA00701
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heinis
GUEY BALGAIRIES
M. François-Xavier Pin
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement no 1902439-1910419 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a, à son article 1er , constaté un non-lieu à statuer à concurrence des sommes dégrevées en cours d'instance, à l'article 2, déchargé M. A... des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la taxation des revenus de capitaux mobiliers ayant résulté de la reconstitution des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de la SARL Hallal Meat services au titre des exercices clos en 2014 et en 2015, ainsi que des pénalités s'y rapportant, à l'article 3, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, à l'article 4, rejeté de surplus des demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 mars 2022, 24 janvier 2023 et 13 mars 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour : 1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ; 2°) de remettre à la charge de M. A... les impositions, en droits et pénalités, dont la décharge a été prononcée par ce jugement. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la proposition de rectification adressée à M. A... était insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; - à titre subsidiaire, l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 21 septembre 2016 doit être qualifiée d'erreur non substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; - l'appel incident présenté par M. A... est irrecevable en ce qu'il porte sur des impositions non contestées par l'appel principal ; en tout état de cause, il n'est pas fondé ; - M. A... ne justifie pas des charges, à hauteur de 220 249,62 euros, qui auraient été supportées par la société Hallal Meat services au titre de l'exercice clos en 2014 alors, au demeurant, que l'administration a admis, au titre de cet exercice, la déduction de charges d'un montant supérieur. Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 29 novembre 2022 et le 13 février 2023, M. A..., représenté par Me Guey Balgairies, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué ; 3°) à la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015 ; 4°) à ce que la somme de 2 400 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne sont pas fondés ; - il justifie de la réalité, du montant et du bien-fondé de la déduction, au titre des charges de la société Hallal Meat services de l'exercice clos en 2014, de dépenses d'acquisition de matériels de petit outillage et d'ingrédients nécessaires à son activité de boucherie, de salaires et cotisations sociales, ainsi que de cotisations au régime social des indépendants ; - à titre incident, il sollicite la décharge totale des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015 ; - la proposition de rectification du 21 septembre 2016 n'a pas été envoyée à l'adresse qu'il avait transmise à l'administration, de sorte que la procédure est irrégulière ; - le rôle n'a pas été homologué par un agent disposant d'une délégation de signature régulière. Par une ordonnance du 13 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2023. Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 26 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pin, président-assesseur, - les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public, - et les observations de Me Guey Balgairies, représentant M A.... Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La SARL Hallal Meat services et la SASU Boucherie C..., qui exploitaient chacune un commerce de détail de viande et de produits à base de viande et dont M. A... était le gérant et l'unique associé, ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les périodes, respectivement, du 1er janvier 2013 au 5 mai 2015 et du 1er juin 2013 au 30 juin 2015, à l'issue de laquelle le vérificateur, après avoir dressé un procès-verbal d'absence de présentation de comptabilité, a procédé à une reconstitution des chiffres d'affaires et des résultats de ces deux sociétés. En conséquence, M. A... a été assujetti, au titre des années 2013 à 2015, à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la réintégration dans ses bases imposables à l'impôt sur le revenu, selon la procédure contradictoire, d'omissions de recettes que l'administration a regardées comme des revenus distribués imposables entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts s'agissant des distributions de la SARL Hallal Meat services et sur le fondement du a de l'article 111 de ce code s'agissant des distributions de la SASU Boucherie C.... 2. M. A... a demandé la décharge de ces impositions au tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 16 décembre 2021, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 44 964 euros prononcé par l'administration en cours d'instance au titre de l'année 2014, a déchargé le contribuable des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondant à la taxation des revenus de capitaux mobiliers ayant résulté de la reconstitution des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de la société Hallal Meat services au titre des exercices clos en 2014 et en 2015, ainsi que des pénalités s'y rapportant, et a rejeté le surplus de la demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement déchargé M. A... des impositions en litige. Par la voie de l'appel incident, M. A... conclut à l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a fait intégralement droit à sa demande de décharge. Sur la recevabilité de l'appel incident : 3. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal, portant notamment sur des années d'imposition différentes. Les conclusions de M. A... formées par la voie d'un appel incident enregistré le 29 novembre 2022, postérieurement au délai d'appel, en ce qu'elles concernent les impositions mises à sa charge au titre de l'année 2013, soulèvent un litige distinct de celui soulevé par l'appel formé par le ministre qui est relatif aux impositions établies au titre des années 2014 et 2015. Par suite, cet appel incident qui concerne, pour partie, une année d'imposition autre que celles sur lesquelles porte l'appel principal du ministre, est irrecevable en tant qu'il concerne l'année 2013, comme l'oppose à bon droit le ministre, et doit, dès lors, être rejeté dans cette mesure. Sur le motif de décharge retenu par le tribunal administratif : 4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ". 5. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification, l'administration peut satisfaire à cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification consécutive à un autre contrôle et qui a été régulièrement notifiée au contribuable, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée. 6. D'autre part, une proposition de rectification doit, en principe, pour satisfaire aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, être notifiée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l'administration fiscale aux fins d'y recevoir ses courriers. Cette adresse est celle connue de l'administration fiscale à la date d'envoi du pli contenant la proposition de rectification. 7. Il n'est pas contesté que la proposition de rectification du 21 septembre 2016 relative à la situation de M. A..., notifiée par une lettre recommandée dont l'avis de réception comporte la mention " présenté / avisé le 26/9/16 " avec la case " pli avisé et non réclamé " cochée sur l'étiquette adhésive " restitution de l'information à l'expéditeur ", n'a pas exposé la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires et résultats de la SARL Hallal Meat services. 8. Toutefois, pour le calcul des bases d'imposition, cette proposition de rectification s'est référée aux rehaussements envisagés par l'administration dans la proposition de rectification du 19 septembre 2016 destinée à cette société à la suite de la vérification de sa comptabilité. Pour la première fois en appel, le ministre justifie qu'une copie de la proposition de rectification du 19 septembre 2016 destinée à la société Hallal Meat services a été expédiée le 20 septembre 2016 à l'adresse de M. A... puis retournée au service le 10 octobre 2018 à l'issue du délai de mise en instance, accompagnée de la mention " pli avisé et non réclamé ". Il n'est pas soutenu, ni même allégué, que cette proposition de rectification était insuffisamment motivée. 9. Si M. A... soutient qu'il avait alors déménagé et que la proposition de rectification concernant sa situation personnelle et la copie de la proposition de rectification concernant la société Hallal Meat services n'ont pas été envoyées à l'adresse qu'il avait mentionnée dans ses déclarations de revenus au titre des années 2014 et 2015, il résulte de l'instruction, notamment de ces déclarations, que l'intéressé n'établit pas avoir communiqué à l'administration une autre adresse que celle à laquelle ces documents ont été notifiés. Par suite, le service apporte la preuve que la copie de la proposition de rectification concernant la société Hallal Meat services a été régulièrement adressée à M. A... concomitamment à la proposition de rectification qui lui a été adressée personnellement. 10. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant disposé des informations lui permettant de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. 11. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a estimé que la procédure d'imposition suivie était irrégulière au motif que la proposition de rectification adressée personnellement à M. A... était insuffisamment motivée s'agissant des revenus distribués ayant résulté de la rectification du résultat imposable de la société Hallal Meat services au titre des exercices clos en 2014 et 2015. 12. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 13. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, M. A... n'établit pas que l'adresse à laquelle le pli contenant la proposition de rectification qui lui était personnellement adressée a été envoyé n'était pas la dernière adresse connue des services fiscaux à cette date. 14. En second lieu, aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture. ". 15. Pour l'application de ces dispositions, l'article 376-0 bis de l'annexe II au code général des impôts précise que le grade mentionné au second alinéa de l'article 1658 de ce code est celui d'administrateur des finances publiques adjoint. L'article 1659 du même code dispose : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables ". 16. Il résulte de l'instruction, et, notamment des avis d'imposition produits par M. A... en première instance, que les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre des années 2014 et 2015 ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2016. Il résulte en outre des décisions d'homologation du rôle d'impôt sur le revenu et de contributions sociales n° 933 produit par le ministre afférent aux années 2014 et 2015, dont sont extraits les avis d'imposition adressés à M. A..., ainsi qu'il résulte du numéro de rôle qu'ils visent, que les rôles dans lesquels sont comprises les impositions contestées ont été homologués par une décision du 1er décembre 2016, laquelle indique que la date de mise en recouvrement a été fixée au 31 décembre 2016. 17. Si M. A... soutient que cette décision d'homologation du rôle a été signée par une personne incompétente, il résulte des pièces produites par l'administration d'une part que le préfet du Nord a donné délégation de pouvoir, par un arrêté du 21 février 2012 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, aux fins de rendre exécutoires les rôles d'impôts directs, aux collaborateurs du directeur régional des finances publiques de la région la région Nord-Pas-de-Calais et du département du Nord ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, à l'exclusion de ceux ayant la qualité de comptable, et d'autre part que le signataire de la décision d'homologation du rôle, qui a le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, et dont il est constant qu'il n'exerçait pas la fonction de comptable, était au nombre des agents ayant régulièrement reçu délégation pour signer la décision en cause. Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne les revenus distribués par la SARL Hallal Meat services : 18. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". 19. Il est constant que M. A... n'a pas fait parvenir d'observations au service dans le délai de trente jours prévu par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales en réponse à la proposition de rectification du 21 septembre 2016 qui lui a été régulièrement notifiée. Dès lors, il doit être regardé comme ayant accepté ces redressements et, de ce fait, supporte, devant le juge de l'impôt, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions. 20. Aux termes des dispositions du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II à ce code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées. ". 21. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL Hallal Meat services, dont M. A... était le gérant et l'unique associé, l'administration a, en l'absence de comptabilité, reconstitué les chiffres d'affaires et résultats de cette société et a estimé que les recettes non déclarées par cette société, s'élevant à la somme de 128 575 euros et de 20 593 euros au titre des exercices clos respectivement les 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015, n'ayant été ni mises en réserve ni incorporées au capital, devaient être considérées comme des revenus distribués imposables au titre des années 2014 et 2015 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, entre les mains de M. A..., en sa qualité de maître de l'affaire qu'il ne conteste pas. 22. Pour reconstituer les chiffres d'affaires et résultats des exercices clos en 2014 et 2015 de la société Hallal Meat services, qui n'avait présenté aucun document comptable ou pièce justificative, le vérificateur a déterminé les montants d'achats de marchandises tels qu'ils avaient pu être révélés par l'exercice du droit de communication auprès des fournisseurs de la société, soit respectivement 869 525 euros et 139 266 euros. Le vérificateur a ensuite appliqué à ces montants le coefficient de marge de 1,211 résultant du rapport entre le chiffre d'affaires déclaré par la société au titre de l'exercice 2013 et le montant d'achat de marchandises au cours de cet exercice. Selon cette méthode retenue par le service, le chiffre d'affaires de la société s'est établi, au titre des exercices 2014 et 2015, à respectivement 998 100 euros et 159 859 euros. Enfin, pour déterminer le résultat imposable, le vérificateur a admis comme charges le montant des achats reconstitués. 23. Au vu des factures produites au contentieux par M. A..., l'administration a admis, en première instance, la déduction de charges complémentaires d'un montant de 53 832 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et a prononcé le dégrèvement correspondant le 7 février 2020. Pour les autres dépenses considérées comme injustifiées par l'administration, M. A... conteste l'imposition entre ses mains des sommes réputées distribuées par la société Hallal Meat services, dont il était le gérant et l'unique associé, au motif qu'il s'agissait d'achats de matériaux, de produits alimentaires et de charges salariales et patronales justifiés par les besoins de l'exploitation. 24. Le contribuable justifie tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. 25. Toutefois, d'une part, M. A... n'a apporté aucun élément de nature à établir que les factures d'achats d'outillages, d'équipements et de matériaux de construction, dont certaines ne sont d'ailleurs pas libellées au nom de la société Hallal Meat services, ont été exposées pour les besoins de cette société qui exerçait une activité de boucherie ou que des factures émises au nom de la société Boucherie C... ont en réalité constitué des dépenses engagées dans l'intérêt de la société Hallal Meat services et supportées par cette dernière. 26. D'autre part, M. A..., en s'abstenant de présenter des factures ou tout autre justificatif, n'a pas davantage justifié de l'achat par la société Hallal Meat services d'épices destinées à l'assaisonnement des viandes. 27. Enfin, si M. A... soutient que la société Hallal Meat services a employé quatre salariés au cours de l'exercice 2014 et que le montant des salaires et charges sociales s'est élevé à la somme totale de 68 740 euros, il n'a pas produit les déclarations annuelles de données sociales remplies par la société et n'a pas justifié de la réalité de l'engagement des charges alléguées par la seule production de bordereaux de cotisations de charges salariales afférents aux premier et troisième trimestres de l'année 2014 et de bulletins de paie concernant les seuls mois de janvier et septembre 2014. L'échéancier prévisionnel de cotisations pour l'année 2014, établi le 14 décembre 2013 par le régime social des indépendants, n'est pas davantage de nature à justifier du caractère certain de la dette alléguée par M. A... tant dans son principe que dans son montant. 28. Dans ces conditions, M. A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bénéfices reconstitués par l'administration au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et réintégrés dans ses revenus imposables en tant que revenus distribués. 29. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que la méthode de reconstitution du chiffres d'affaires de la SARL Hallal Meat services retenue par l'administration était entachée d'erreurs. Par suite, c'est à bon droit que le service a rectifié les résultats imposables de cette société et a imposé entre les mains de M. A... les bénéfices distribués correspondants. En ce qui concerne l'application de la majoration de 1,25 aux contributions sociales : 30. Si M. A... soutient que la majoration des contributions sociales prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts n'est pas applicable, compte tenu de la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel, il résulte de l'instruction que le dégrèvement de cette majoration a été prononcé le 27 février 2018 par l'admission partielle de la réclamation. Le moyen tiré de la méconnaissance de la réserve d'interprétation donnée par cette décision du Conseil constitutionnel doit donc être écarté. 31. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers résultant de revenus distribués par la société Hallal Meat Service et, d'autre part, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de sa demande. Sur les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement no 1902439, 1910419 du tribunal administratif de Lille du 16 décembre 2021 sont annulés. Article 2 : Les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et dont le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, sont remises à sa charge à raison de l'intégralité des droits et pénalités, restant en litige, qui lui ont été assignés. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lille relatives aux impositions et pénalités mentionnées à l'article 2 ainsi que l'ensemble de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : F.-X. Pin Le président de chambre, Signé : M. B...La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 2 N°22DA00701
CETATEXT000048452316
J7_L_2023_11_00022DA01136
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01136, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01136
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heinis
CABINET ASEA
M. François-Xavier Pin
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La commune de Noyelles-Godault a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 53 461 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi, au titre des années 2018 et 2019, en raison de l'absence de mise en œuvre du dispositif de compensation prévu au III de l'article 48 de la loi de finances rectificative n°2016-1918 du 29 décembre 2016. Par un jugement n° 1909747 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 31 mai 2022, la commune de Noyelles-Godault, représentée par Me Sevino, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 87 713 euros correspondant au préjudice qu'elle estime avoir subi au titre des années 2019 à 2021 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - en omettant de mettre en œuvre le système de compensation prévu au III de l'article 48 de la loi de finances rectificative n°2016-1918 du 29 décembre 2016 alors que le gouvernement est à l'initiative de la procédure budgétaire, l'Etat a fait preuve d'une carence fautive ; - les mesures de compensation prévues par l'article 48 de la loi de finances rectificative n°2016-1918 du 29 décembre 2016 n'ont pas été reprises à l'article 1388 quinquies B du code général des impôts lors de sa codification ; la responsabilité de l'Etat est engagée à raison de cette erreur de codification ; - les informations erronées qui lui ont été données par le préfet du Pas-de-Calais quant à la compensation de la mesure d'abattement par une majoration de la dotation globale de fonctionnement l'ont induite en erreur de sorte que l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; il existe un lien de causalité entre la perte de recettes non compensée et la faute de l'Etat à avoir diffusé des informations erronées ; - l'Etat a commis une faute lourde d'une part, en s'abstenant, dans le cadre du contrôle de légalité, de censurer la délibération qui a mis en œuvre l'abattement alors que cette délibération était dépourvue de base légale en ce qu'elle indiquait que cet abattement ferait l'objet d'une compensation et, d'autre part, en ne censurant pas son budget alors même que, pour le même motif, ce budget n'avait pas été adopté à l'équilibre réel ; - les conséquences financières subies s'élèvent à la somme de 87 713 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Noyelles-Godault ne sont pas fondés. La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur et des outre-mer qui n'a pas produit de mémoire. Par ordonnance du 12 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution ; - le code général des impôts ; - le code de l'urbanisme ; - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, notamment son article 48 ; - loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019, notamment son article 16 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pin, président-assesseur, - les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public, - et les observations de Me Bennani, représentant la commune de Noyelles-Godault. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. L'article 1388 quinquies B du code général des impôts, issu de l'article 48 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, a prévu la possibilité, sur délibération d'une collectivité ou d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d'instituer un abattement de 50 % de la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties situées dans le périmètre d'un projet d'intérêt général, justifié par la pollution de l'environnement. 2. Par une délibération du 28 septembre 2017, le conseil municipal de la commune de Noyelles-Godault a décidé d'instituer, à compter de l'imposition de l'année 2018, l'abattement prévu à l'article 1388 B quinquies du code général des impôts pour les propriétés bâties situées dans le périmètre du site de l'ancienne usine Metaleurop Nord, qualifié de projet d'intérêt général, au sens de l'article L. 102-1 du code de l'urbanisme, par un arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 7 octobre 2015, et justifié par la pollution de l'environnement. 3. Estimant avoir droit à la réparation d'une perte de recettes fiscales ayant résulté de l'absence de mise en œuvre par l'Etat du mécanisme de compensation prévu aux III et IV de l'article 48 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 et après avoir vainement formé une réclamation indemnitaire auprès du préfet du Pas-de-Calais, la commune de Noyelles-Godault a demandé au tribunal administratif de Lille de l'indemniser du préjudice financier qu'elle estime avoir subi à hauteur de 53 461 euros au titre des années 2018 et 2019. La commune de Noyelles-Godault relève appel du jugement du 21 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande et sollicite de la cour qu'elle condamne l'Etat à lui payer désormais la somme totale de 87 713 euros à raison des pertes de recettes fiscales qu'elle estime avoir supportées de 2018 à 2021. Sur le cadre juridique du litige : 4. D'une part, aux termes de l'article 1388 quinquies B du code général des impôts, issu du I de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 : " Sur délibération de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, prise dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A bis, la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties situées dans le périmètre d'un projet d'intérêt général, au sens de l'article L. 102-1 du code de l'urbanisme, justifié par la pollution de l'environnement, peut faire l'objet d'un abattement de 50 %. Pour bénéficier de l'abattement prévu au premier alinéa du présent article, le propriétaire doit adresser aux services des impôts du lieu de situation des biens, avant le 1er janvier de chaque année, une déclaration conforme au modèle établi par l'administration et comportant tous les éléments d'identification des biens ". 5. D'autre part, aux termes de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, dans sa rédaction initiale : " I.- Après l'article 1388 quinquies A du code général des impôts, il est inséré un article 1388 quinquies B ainsi rédigé : / " Art. 1388 quinquies B.-Sur délibération de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, prise dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A bis, la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties situées dans le périmètre d'un projet d'intérêt général, au sens de l'article L. 102-1 du code de l'urbanisme, justifié par la pollution de l'environnement, peut faire l'objet d'un abattement de 50 %. / " Pour bénéficier de l'abattement prévu au premier alinéa du présent article, le propriétaire doit adresser aux services des impôts du lieu de situation des biens, avant le 1er janvier de chaque année, une déclaration conforme au modèle établi par l'administration et comportant tous les éléments d'identification des biens. " / II- Par dérogation au I de l'article 1639 A bis du code général des impôts, les collectivités territoriales et leurs établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent délibérer jusqu'au 5 février 2017 afin d'instituer l'abattement prévu à l'article 1388 quinquies B du même code pour les impositions dues à compter de 2017. / III.- La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement. / IV.- La perte de recettes résultant pour l'Etat du III est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ". Les III et IV de cet article ont été abrogés par le 3° du 8 du G du I de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Sur la responsabilité de l'Etat pour faute : En ce qui concerne l'absence de dépôt d'un projet de loi nécessaire à la mise en œuvre du mécanisme de compensation prévu au III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 : 6. La commune de Noyelles-Godault soutient que le gouvernement a commis une faute en s'abstenant de soumettre au Parlement, en application des dispositions de l'article 39 de la Constitution, un projet de loi tendant à majorer la dotation globale de fonctionnement dans le but, conformément au III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016, de compenser la perte de recettes fiscales pour les collectivités territoriales. 7. Toutefois, la question ainsi soulevée touche aux rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels, échappe, par là-même, à la compétence de la juridiction administrative et n'est, par suite, pas susceptible, par sa nature, de servir de fondement à une action en responsabilité. 8. En tout état de cause, le législateur ne pouvant lui-même se lier, une disposition législative posant le principe de l'intervention d'une loi ultérieure ne saurait constituer une promesse dont le non-respect constituerait une faute susceptible d'engager, devant le juge administratif, la responsabilité de l'Etat. En ce qui concerne l'erreur de codification : 9. Il résulte de l'économie générale et de la rédaction de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 cité au point 5 que si le législateur a prévu, au paragraphe I de cet article, de créer l'article 1388 quinquies B du code général des impôts, il n'a pas prévu que les paragraphes II à IV de ce même article 48 feraient l'objet d'une codification. 10. Par suite, et en tout état de cause, la commune de Noyelles-Godault n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée à défaut de codification du III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 au sein de l'article 1388 quinquies B du code général des impôts. En ce qui concerne la communication d'informations erronées : 11. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 6 septembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a rappelé aux communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre situés dans le périmètre du projet d'intérêt général lié au site de l'ancienne usine Metaleurop l'existence de l'abattement prévu à l'article 1388 quinquies B du code général des impôts, a précisé que les collectivités concernées avaient la faculté d'instituer cet abattement, a rappelé les modalités de compensation telles qu'elles figuraient au III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016 et a joint à ce courrier une note de la direction départementale des finances publiques du Pas-de-Calais indiquant aux collectivités la procédure à suivre si elles entendaient instaurer un tel abattement. 12. Contrairement à ce que soutient la commune de Noyelles-Godault, ce courrier du préfet du Pas-de-Calais, qui se bornait à reproduire les dispositions législatives alors applicables, ne contenait pas d'informations erronées de nature à l'avoir induite en erreur dans le choix d'instaurer cet abattement. En ce qui concerne l'exercice du contrôle de légalité : 13. Aux termes de l'article 72 de la Constitution : " Les collectivités territoriales de la République (...) s'administrent librement par des conseils élus (...). Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, (...), a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ". Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité (...) ". 14. Les carences de l'Etat dans l'exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales ne sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat que si elles présentent le caractère d'une faute lourde. 15. Par la délibération du 28 septembre 2017, le conseil municipal de Noyelles-Godault a institué, à compter de l'imposition de l'année 2018, l'abattement prévu à l'article 1388 quinquies B du code général des impôts, après avoir rappelé les termes du courrier du préfet du Pas-de-Calais du 6 septembre 2017 évoqué au point 11 quant à la compensation des pertes de recettes fiscales prévue au III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016. 16. Le conseil municipal de Noyelles-Godault s'est ainsi borné à reprendre le texte du III de l'article 48 de la loi du 29 décembre 2016. Sa délibération n'était donc pas entachée d'illégalité même si ce III ne précisait pas les modalités de la compensation des pertes de recettes pour les collectivités ayant opté pour la mise en place de l'abattement prévu à l'article 1388 quinquies B du code général des impôts. 17. Dans ces conditions, la commune de Noyelles-Godault n'est pas fondée à soutenir que l'exercice du contrôle de la légalité de cette délibération par le préfet du Pas-de-Calais révèle une carence caractérisant une faute lourde susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat. En ce qui concerne l'exercice du contrôle budgétaire : 18. Aux termes de l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales : " Le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre, les recettes et les dépenses ayant été évaluées de façon sincère, et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section d'investissement, ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion du produit des emprunts, et éventuellement aux dotations des comptes d'amortissements et de provisions, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice ". Aux termes de l'article L. 1612-5 de ce ode : " Lorsque le budget d'une collectivité territoriale n'est pas voté en équilibre réel, la chambre régionale des comptes, saisie par le représentant de l'Etat dans un délai de trente jours à compter de la transmission prévue aux articles L. 2131-1, L. 3131-1 et L. 4141-1, le constate et propose à la collectivité territoriale, dans un délai de trente jours à compter de la saisine, les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire et demande à l'organe délibérant une nouvelle délibération. (...) ". 19. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la commune de Noyelles-Godault, aucun vote en déséquilibre de son budget ou de chacune des sections de fonctionnement et d'investissement n'est intervenu au cours de la période en cause, de sorte que le préfet du Pas-de-Calais n'avait pas à saisir la chambre régionale des comptes en application de l'article L. 1612-5 du code général des collectivités territoriales. 20. Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que la responsabilité pour faute lourde de l'Etat se trouve engagée à raison de manquements aux obligations du préfet du Pas-de-Calais en matière de contrôle budgétaire, au cours de la période dont il s'agit. 21. Il résulte de ce qui précède que la commune de Noyelles-Godault n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de la commune de Noyelles-Godault est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Noyelles-Godault, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : F.-X. Pin Le président de chambre, Signé : M. A...La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 2 N°22DA01136
CETATEXT000048452317
J7_L_2023_11_00022DA01638
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01638, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01638
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heinis
GUEY BALGAIRIES
M. Bertrand Baillard
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2009. Par un jugement n° 1504529 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Procédure devant la cour avant renvoi : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 juin 2018, le 19 décembre 2019 et le 24 août 2020, M. B..., représenté par Me Guey, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2009. Il soutient que : - sa requête est recevable dès lors qu'il disposait, en application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter sa réclamation, lequel était de dix années ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 176 du même livre ; - la procédure d'imposition méconnaît l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors que la proposition de rectification ne mentionne pas la réponse apportée par les autorités belges à la demande d'assistance administrative internationale présentée par le service vérificateur ; - il ne disposait pas d'un établissement stable en France mais exerçait son activité de vente de cartes téléphoniques en Belgique ; - il a auto-liquidé la taxe sur la valeur ajoutée en Belgique ; - la pénalité de 80 % n'est pas fondée dès lors qu'il a rempli ses obligations fiscales en Belgique. Par des mémoires, enregistrés le 22 novembre 2018 et les 6 janvier et 27 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par un arrêt n°18DA01134 du 28 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel de M. B... contre ce jugement. Par une décision n° 451206 du 22 juillet 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur la demande de M. B..., annulé l'arrêt du 28 janvier 2021 et a renvoyé l'affaire à la cour. Procédure devant la cour après renvoi : Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 août 2022, 15 février 2023 et 20 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de M. B.... Il soutient que : - il entend se référer à ses précédentes écritures et abandonner le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de M. B... ; - le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales est inopérant ; - la charge de la preuve pèse sur M. B... ; - l'activité de M. B... est imposable à la taxe sur la valeur ajoutée en France ; - la pénalité de 80 % est fondée ; - à titre subsidiaire, il y a lieu de substituer à la pénalité de 80 % celle de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. Par des mémoires, enregistrés les 1er octobre 2022 et 19 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Guey, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 mars 2018 ; 2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2009. Il soutient que : - l'administration a utilisé des éléments communiqués à la suite de la demande d'assistance administrative internationale sans le mentionner dans la proposition de rectification ; - il ne disposait pas d'un établissement stable en France mais exerçait son activité de vente de cartes téléphoniques en Belgique ; - il a auto-liquidé la taxe sur la valeur ajoutée en Belgique ; - la pénalité de 80 % n'est pas fondée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, - les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public, - et les observations de Me Guey, représentant M. B.... Une note en délibéré, présentée par M. B..., a été enregistrée le 26 octobre 2023. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. M. B... exploitait à titre personnel une entreprise immatriculée en Belgique ayant notamment pour activité le négoce de cartes téléphoniques prépayées. Estimant que M. B... disposait d'un établissement stable pour l'exercice de cette activité en France, l'administration a procédé à une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 28 février 2009, à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification en date du 9 juin 2010, le service a notamment mis à la charge de l'intéressé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en raison de l'exercice, en France, d'une activité occulte de vente de cartes téléphoniques du 1er janvier 2008 au 28 février 2009, lesquels ont été assortis de la majoration de 80 % prévue au c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. 2. Par un jugement du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté comme irrecevable la demande de M. B... tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités afférentes, au motif que sa réclamation, formée le 29 décembre 2014, était tardive. Par un arrêt du 28 janvier 2021, la cour a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par une décision n° 451206 du 22 juillet 2022 le Conseil d'Etat a, sur la demande du contribuable, annulé cet arrêt au motif que la réclamation de M. B... ne pouvait pas être regardée comme tardive dès lors que le contribuable exerçant une activité occulte disposait, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt, lequel expirait le 31 décembre de la dixième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui avait été régulièrement notifiée. Le Conseil d'Etat a en conséquence renvoyé l'affaire à la cour. Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Lille du 29 mars 2018 : 3. D'une part, aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ". 4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts ". Le troisième alinéa du même article, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". En vertu des dispositions de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, la prescription est interrompue, notamment, par la notification d'une proposition de rectification. 5. Il résulte des dispositions rappelées aux points 3 et 4 que le contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt, lequel expire, s'agissant des taxes sur le chiffre d'affaires et lorsque le contribuable exerce une activité occulte, le 31 décembre de la dixième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée. 6. Pour rejeter la demande de M. B... comme irrecevable, le tribunal a d'abord estimé que si les dispositions précitées de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales prévoient, par exception, un délai dérogatoire de reprise de dix ans lorsque le contribuable exerce une activité occulte, ces dispositions n'ont pas pour effet de porter le délai de réclamation d'un contribuable exerçant une telle activité à dix ans lorsque l'administration a mis en œuvre son droit de reprise, à son égard, dans le délai de droit commun de trois ans. Il en a déduit que la réclamation de M. B... était tardive au regard des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration n'avait pas fait usage du délai de reprise prolongé et a fait droit à la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale en défense. 7. Toutefois, il résulte de ce qui été dit au point 5 qu'en rejetant pour ce motif comme irrecevable la demande de M. B..., le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. M. B... est donc fondé à en demander l'annulation. 8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 9. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". 10. L'obligation ainsi faite à l'administration d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie. 11. La proposition de rectification du 9 juin 2010 a d'abord indiqué que le service vérificateur avait procédé, le 12 février 2010, à une demande d'assistance administrative auprès de l'administration fiscale belge qui " visait notamment une demande de copie des relevés bancaires de votre compte professionnel n° (...) détenu auprès de la succursale de la banque Fortis à Mouscron pour l'ensemble de la période vérifiée " puis a relevé, parmi les indices d'une domiciliation de M. B... en France, la circonstance que " en ce qui concerne les ordres de virement effectués auprès de la banque Fortis en faveur de la société Avenir Telecom, il ressort que l'adresse de correspondance était celle de votre habitation principale en France ". 12. Il résulte du rapprochement des indications ainsi fournies par la proposition de rectification que, contrairement à ce que soutient M. B..., l'administration a informé le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle avait utilisés pour procéder à des rectifications. En tout état de cause, les ordres de virement ainsi exploités émanaient de M. B... lui-même de sorte qu'il en avait nécessairement connaissance. Dès lors et en tout état de cause, le contribuable n'a pas été privé de la garantie instituée par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Sur le lieu d'exercice de l'activité de M. B... : 13. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. ". 14. Pour l'application des dispositions citées au point précédent, il convient de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présentant un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. 15. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 9 juin 2010, que M. B... qui était domicilié à Roubaix, a débuté, en juin 2008, une activité de négoce de cartes téléphoniques prépayées émanant d'opérateurs de télécommunication français et utilisables uniquement sur le réseau de télécommunication français. A ce titre, les cartes téléphoniques étaient commandées au moyen d'une adresse électronique française auprès d'une société domiciliée à Marseille, et revendues en France. 16. En deuxième lieu, si M. B... a créé, le 1er mai 2008, une entreprise immatriculée en Belgique et conclu un bail commercial à la même date pour un local situé à Mouscron (Belgique), qui était selon lui le lieu d'exercice de son activité, les factures de location d'un terminal de paiement et d'abonnement de téléphonie et d'internet produites à l'instance ne sont relatives qu'au mois de février 2009, soit le dernier mois d'activité de l'entreprise. Par ailleurs, les factures d'électricité produites pour la période allant d'octobre 2008 à février 2009, qui sont au demeurant établies au nom de M. D... B... et pas à celui de M. C... B..., sont d'un montant identique et très faible. De même, si M. B... se prévaut d'une facture relative à la pose d'une enseigne lumineuse en date du 5 janvier 2008, d'une part à cette date l'intéressé n'avait pas encore conclu de bail locatif à cette adresse et, d'autre part, ainsi que le fait valoir l'administration, l'enseigne installée sur l'immeuble en 2008 était sans lien avec l'activité exercée par le contribuable. 17. En troisième lieu, si les opérations relatives à l'activité de M. B... étaient réalisées par le biais d'un compte détenu dans une banque située en Belgique, l'administration fait valoir sans être contredite que l'adresse de correspondance figurant sur les ordres de virement émis pour les achats des cartes téléphoniques était l'adresse personnelle de M. B... et les mentions des relevés bancaires produits par l'intéressé, lequel n'a produit aucune facture relative aux opérations de vente réalisées, ne permettent pas de considérer que, comme il l'affirme, les opérations de ventes auraient été réalisées dans le local loué à Mouscron. 18. Dans ces conditions, le rattachement à l'adresse située à Mouscron de l'activité de M. B... de négoce de cartes téléphoniques prépayées conduirait à une solution qui n'est pas rationnelle du point de vue fiscal. En revanche, M. B..., qui exerçait seul son activité, disposait d'une adresse stable en France qui présentait un degré suffisant de permanence pour dispenser les prestations de service en cause. 19. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que M. B... disposait d'un établissement stable en France au sens de l'article 259 du code général des impôts et qu'il y avait lieu d'y rattacher les prestations de négoce de cartes téléphoniques prépayées au titre de l'année 2008 et de la période du 1er janvier au 28 février 2009. Sur l'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée en Belgique : 20. Si M. B... soutient qu'il a procédé en Belgique à l'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée sur les acquisitions de cartes téléphoniques prépayées, il n'en justifie pas, en tout état de cause, par la production d'une attestation fiscale belge du 20 décembre 2019 selon laquelle M. B... " ne doit aucun montant à titre d'impôt et taxe, amendes, intérêts, frais de poursuites ou accessoires ". Sur les pénalités : 21. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. /(...) ". 22. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. 23. L'administration a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts. Pour justifier cette majoration, le service a fait valoir, dans la proposition de rectification adressée le 10 juin 2010 à M. B..., d'une part, que celui-ci n'avait jamais porté à la connaissance du service l'exercice de son activité, d'autre part, que l'intéressé n'avait souscrit aucune des déclarations fiscales qui lui incombaient pour l'année 2008 et la période allant du 1er janvier au 28 février 2009, enfin, que cette activité présentait un caractère occulte, en l'absence de telles déclarations et dès lors que M. B... ne s'était fait connaître, à raison de l'exercice de cette activité, ni d'un centre de formalités des entreprises ni du greffe du tribunal de commerce territorialement compétent. 24. Il résulte de ces éléments, au demeurant non contestés, que l'administration justifie de la preuve qui lui incombe de l'exercice occulte de l'activité professionnelle exercée par M. B.... Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette carence dans ses obligations déclaratives a résulté d'une simple erreur. C'est donc à bon droit que l'administration a mis à sa charge la majoration de 80 % prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. 25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2009. Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 26. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1504529 du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Lille et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : B. BaillardLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA01638 1 3 N°"Numéro"
CETATEXT000048452318
J7_L_2023_11_00022DA01732
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01732, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01732
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heinis
SELARL DUCELLIER-WIELGOSIK
M. Bertrand Baillard
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Euromed Voyages a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, pour un montant, en droits et pénalités, de 113 760 euros. Par un jugement no 1904129 du 9 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 août 2022, 16 décembre 2022, 8 mars 2023 et 5 juillet 2023, la SARL Euromed Voyages, représentée par la SELARL Ducellier Avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur l'ensemble des questions et pièces fournies par elle ; - elle justifie de la réalité des prestations réalisées pour son compte par la société Medvision Voyages ; - la somme versée de 180 000 versée à cette société en contrepartie des prestations fournies n'est pas excessive ; - elle est donc fondée à déduire cette charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 sur le fondement de l'article 238 A du code général des impôts. Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 17 novembre 2022, 3 février 2023, 21 avril 2023 et 19 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Euromed Voyages, qui exerce une activité d'agence de voyages, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. A l'issue de cette vérification, par une proposition de rectification du 31 mai 2017, l'administration a remis en cause la déduction d'une facture de 180 000 euros émise par la société de droit marocain Medvision Voyages, le 30 décembre 2014, somme qu'elle a réintégrée en conséquence dans le bénéfice de la SARL Euromed Voyages. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés d'un montant de 60 000 euros, majorées de la pénalité de 80 % prévue au c de l'article 1728 du code général des impôts, d'un montant de 53 760 euros, ont été mises en recouvrement le 15 décembre 2017. Ses réclamations ayant été rejetées, la société a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens qui, par un jugement du 24 décembre 2019 dont la SARL Euromed Voyages relève appel, a rejeté cette demande. Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires : 2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Aux termes de l'article 239 A du même code dans sa rédaction alors applicable : " Les (...) rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. /(...)/ ". 3. Pour remettre en cause le caractère de charge déductible de la facture de 180 000 euros émise le 30 décembre 2014 par la société Medvision Voyages à raison de la mise à disposition de la SARL Euromed Voyages de téléconseillers de janvier à décembre 2014 et qui n'a été réglée qu'en mars 2017, l'administration s'est fondée sur les informations communiquées par les autorités marocaines, le 9 décembre 2018, dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale, selon lesquelles l'activité de la société Medvision Voyages, qui n'avait disposé d'une licence d'exploitation provisoire qu'à compter du 1er juillet 2014, n'avait généré aucun chiffre d'affaires en 2014, son résultat fiscal étant nul au titre de la même année et aucune imposition n'ayant été à ce titre acquittée par la société. Par ailleurs, les autorités marocaines ont indiqué que cette société n'avait employé aucun salarié en 2014 et n'avait donc versé aucune rémunération. Enfin, il s'est avéré que les associés de la société Medvision Voyages étaient les mêmes que ceux de la SARL Euromed Voyages. L'administration, qui a en outre relevé qu'aucun contrat au titre des prestations facturées n'avait été produit, a en conséquence estimé que la réalité des prestations facturées n'était pas établie. 4. Pour apporter la preuve qui lui incombe de ce que la dépense de 180 000 euros correspond à une opération réelle, la SARL Euromed Voyages se prévaut d'abord de relevés d'heures établis par une société tierce prestataire de la société requérante, la société Viadialog, et d'une liste mentionnant les téléconseillers employés par la société Medvision Voyages qui auraient assuré des prestations au bénéfice de la société Euromed Voyages. Toutefois, ces seuls éléments ne sont pas suffisants pour démontrer la réalité des prestations en litige, alors que l'administration fait valoir sans être sérieusement contredite que certaines informations figurant dans ces documents sont en contradiction avec d'autres informations qui lui avaient été communiquées. 5. Par ailleurs, si la production d'exemples de tickets de télépaiement peut justifier la réalité d'opérations de ventes réalisées par la SARL Euromed Voyages, elle n'est pas de nature à démontrer que ces ventes ont été réalisées par l'intermédiaire de la société Medvision Voyages. De même, si une autre société tierce, la société Centrecom, a recensé informatiquement l'ensemble des transactions réalisées par la société requérante en 2014 et si un expert en informatique a attesté, dans un rapport du 20 novembre 2017, de la fiabilité de ce traitement informatique, ces documents ne se prononcent aucunement sur la réalité des prestations facturées par la société de droit marocain. 6. Enfin, si la SARL Euromed Voyages, qui admet que la société Medvision Voyages n'était pas en règle au plan fiscal en 2014, soutient que la situation de cette société a depuis été régularisée, ainsi que le démontreraient une attestation d'affiliation à la caisse nationale de la sécurité sociale marocaine émise le 20 mars 2019, une attestation de régularité fiscale établie par les autorités marocaines le 13 décembre 2022 et un récépissé de dépôt du résultat fiscal de cette société et de sa liasse fiscale de l'exercice 2014 datant du 13 décembre 2022, ces documents sont bien postérieurs tant à l'exercice vérifié qu'aux opérations de vérification et en tout état de cause ils ne démontrent en rien la réalité des prestations en litige. 7. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SARL Euromed Voyages n'apporte pas la preuve de la réalité des prestations facturées par la société Medvision Voyages et que c'est donc à bon droit que l'administration a remis en cause le caractère déductible de la somme de 180 000 euros sur le fondement des articles 39 et 239 A du code général des impôts. Sur les pénalités : 8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ". 9. Pour justifier l'application de la majoration de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fait valoir que, pour les mêmes motifs que ceux évoqués ci-dessus, la SARL Euromed Voyages a comptabilisé une facture fictive de la société Medvision Voyages. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la SARL Euromed Voyages de restreindre ou d'égarer le pouvoir de contrôle de l'administration, justifiant l'application de la majoration prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts. 10. Il résulte de ce qui précède que la SARL Euromed Voyages n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice 2014. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SARL Euromed Voyages est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Euromed Voyages et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : B. BaillardLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA01732 1 3 N°"Numéro"
CETATEXT000048452319
J7_L_2023_11_00022DA01755
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01755, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01755
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heinis
VAN DEN SCHRIECK
M. Jean-François Papin
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) WRA, représentée par Me Christian Wiart, agissant en tant que liquidateur judiciaire de la SARL Ferme du Paradis, a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période de janvier 2012 à septembre 2014, d'autre part, de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'année 2012 sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910523 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL Ferme du Paradis de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts, appliquée aux droits ayant résulté de la remise en cause de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la vente de chevaux vivants au cours des périodes couvrant les années 2013 et 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, Me Wiart, agissant en tant que liquidateur judiciaire de la SARL Ferme du Paradis, représenté par Me Van den Schrieck, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas donné entière satisfaction à sa demande ; 2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés restant en litige, ainsi que la décharge de l'amende contestée ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la proposition de rectification, à la suite d'une erreur d'adresse commise par l'administration, ne lui est pas parvenue, ce qui l'a privée de la garantie de procédure tenant à la possibilité de présenter d'utiles observations ; - l'administration a retenu à tort qu'elle avait déduit par anticipation la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la facture émise, au cours de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, par M. B..., en sa qualité de négociant en viande, alors que ce fournisseur était soumis au régime des débits ; - la somme de 60 192,06 euros versée à la SARL Rôtisserie du Calaisis ne correspond pas au règlement d'une facture émise par cette société, avec laquelle elle n'entretenait aucune relation commerciale, mais à une avance de trésorerie consentie en exécution d'une convention conclue avec cette autre entité du groupe auquel elle appartient ; elle persiste dans sa demande de dégrèvement d'une somme de 9 864,25 euros à ce titre ; - la taxe sur la valeur ajoutée d'une montant de 9 800 euros ayant grevé la facture émise par la société Dausque et qui correspond à la refacturation de services entre sociétés appartenant au même groupe, devait être admise en déduction ; - c'est à tort que l'administration a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, au taux de 20 %, la vente de chevaux qu'elle a facturée à la SARL Haras du Prince ; cette vente, qui avait pour but de permettre à cette société de développer son activité hippique, n'ayant, en définitive, pas été réalisée, elle est fondée à solliciter un dégrèvement de 13 990 euros à ce titre ; - l'administration a estimé à tort que le changement de son fournisseur de viande habituel au profit de la société Groupe B..., autre entité du groupe auquel elle appartient, procédait d'un acte anormal de gestion et justifiait la réintégration, dans ses bénéfices imposables, d'une partie des sommes versées à cette société au titre des achats de viande ; - la seule erreur de montant affectant l'enregistrement, en tant que charges, de frais d'hypothèque afférents à une dation de paiement ne pouvait suffire à remettre en cause la déductibilité de cette dépense ; - elle justifie de la déductibilité, en tant que charge, de la prestation de transport facturée par la société Prince C... ; - les factures portant sur des locations de terres et sur la mise à disposition de personnel, qui lui ont été délivrées en 2012, ont été à bon droit comptabilisées en tant que charges de l'exercice clos en 2012, alors même que leur intitulé mentionnerait les années 2010 et 2011 ; - l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts n'est pas fondée, dès lors qu'elle a déposé, dans les délais impartis par la loi, ses déclarations annuelles des données sociales, à la seule exception de celle afférente à l'année 2012, ce qui, s'agissant d'une première infraction, ne pouvait justifier une telle sanction. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence des remises prononcées, en cours d'instance, sur le fondement de l'article 1756 du code général des impôts et au rejet du surplus des conclusions de cette requête. Il soutient que : - le service chargé du recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des suppléments d'impôt sur les sociétés et de l'amende en litige ayant prononcé, en application de l'article 1756 du code général des impôts, la remise des intérêts de retard et de l'amende restant à la charge de la SARL Ferme du Paradis à la date de son placement en redressement judiciaire, les conclusions de la requête tendant à la décharge de ces pénalités et de cette amende sont devenues sans objet ; - le pli recommandé contenant la proposition de rectification du 15 décembre 2015 ayant été expédié à l'adresse du siège social de la SARL Ferme du Paradis, telle qu'elle était connue du service et telle qu'elle était, d'ailleurs, mentionnée au registre du commerce et des sociétés, et ce pli ayant été réceptionné à cette adresse le 18 décembre suivant, il ne peut être soutenu que cette société, qui n'a effectué aucune diligence auprès du service pour que son courrier lui soit expédié à une autre adresse, n'a pas été destinataire de ce document ; - la SARL Ferme du Paradis n'ayant pas formulé d'observations sur les chefs de rectification portés à sa connaissance dans la proposition de rectification qui lui a été adressée le 15 décembre 2015 et une partie de ces chefs de rectification lui ayant été notifiés dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, l'appelant supporte, en application des articles R. 194-1, L. 193 et R. 193-1 du même livre, la charge de la preuve du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de cette société ; - la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la facture émise par M. B..., négociant en viandes, en contrepartie de la location de terres, ainsi que de matériels agricoles et de la mise à disposition de personnel, a été déduite par anticipation, avant même la date de son règlement, de sorte que le service était fondé à remettre en cause cette déduction ; en se bornant à produire une copie de la première page d'une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée souscrite par M. B..., l'appelant n'établit pas que celui-ci a opté pour les débits pour son activité de prestataire de services ; - l'administration était fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la facture émise par la société Dausque et comptabilisée le 1er juillet 2012, payée par compensation avec des créances détenues sur cette société, dès lors que le libellé de cette facture, dans sa version remise à la vérificatrice, ne comportait aucune précision sur la nature de la prestation facturée ; la facture versée à l'instruction par l'appelant, laquelle n'est pas numérotée et comporte des mentions qui diffèrent de celles figurant sur la pièce justificative remise à la vérificatrice, n'est pas probante, tandis qu'aucune convention concernant la mise en disposition de personnels de la société Dausque n'a été produite ; - le service était fondé à remettre en cause l'application, par la SARL Ferme du Paradis, des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % et de 10 % à des ventes d'équidés à la SARL Haras du Prince, dès lors que ces taux n'étaient pas applicables à ces opérations, en l'absence de tout élément de nature à établir que les chevaux vendus étaient destinés à la production de denrées alimentaires ; - l'administration était fondée à réintégrer au résultat imposable de la SARL Ferme du Paradis la somme de 78 000 euros hors taxes, facturée par la société Prince C..., dès lors que le libellé de la facture ne permettait pas de déterminer que la dépense correspondante a été engagée dans l'intérêt de l'exploitation ; la facture versée au dossier, qui n'est d'ailleurs pas numérotée, ne correspond pas à la pièce justificative remise au cours du contrôle et doit, dès lors, être écartée comme non probante ; - le service était fondé à remette en cause la déduction, en tant que charges, de frais d'hypothèques, en l'absence de justificatif de nature à appuyer cette écriture comptable, passée pour des montants différents de ceux figurant dans l'état versé au soutien de la requête ; - en renonçant, au profit de la société Groupe B..., qui s'est positionnée en tant qu'intermédiaire, à la marge qu'elle réalisait dans le cadre de ses activités d'achat et de revente de viande, la SARL Ferme du Paradis, qui n'a produit aucun élément de nature à justifier de la contrepartie qu'elle aurait pu retirer de cette renonciation, a commis un acte anormal de gestion ; dès lors, l'administration était fondée à réintégrer la marge commerciale afférente à ces transactions dans le résultat imposable de l'exercice 2013 concerné ; - en l'absence, d'ailleurs, de production de la facture correspondante, qui justifierait, selon l'appelant, leur enregistrement comptable au titre de l'exercice clos en 2012, les prestations de location de terres et de mise à disposition de personnel engagées, ainsi qu'il ressort des pièces communiquées lors du contrôle, au titre des exercices clos en 2010 et 2011 devaient être comptabilisées au titre de ces exercices, de sorte que la déduction des dépenses correspondantes en tant que charges de l'exercice clos en 2012 a été à bon droit remise en cause. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, - les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public, - et les observations de Me Van den Schrieck, représentant Me Wiart. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Ferme du Paradis, qui était membre d'un groupe familial informel comportant plusieurs autres sociétés, exerçait une activité de commerce de détail de viande et de produits à base de viande en magasin spécialisé. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, étendue au 30 septembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. 2. A l'issue de ce contrôle, au cours duquel la comptabilité présentée à la vérificatrice a été regardée comme entachée de plusieurs irrégularités de nature à en altérer le caractère probant, l'administration a entendu remettre en cause des déductions de taxe sur la valeur ajoutée opérées par anticipation en ce qui concerne des achats de prestations de services et rectifier des insuffisances de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée. Ces rectifications ont conduit à un rehaussement des bénéfices imposables réalisés par la SARL Ferme du Paradis au titre des exercices correspondants, par la prise en compte d'un profit sur le Trésor. En outre, le service a entendu, notamment, remettre en cause la déduction, en tant que charges de ces exercices, de dépenses dont l'engagement n'était pas apparu correspondre à un intérêt pour l'entreprise, non appuyées par des justificatifs ou se rattachant à un autre exercice comptable. L'administration a fait connaître à la SARL Ferme du Paradis sa position sur ces différents points par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 15 décembre 2015. 3. La SARL Ferme du Paradis n'ayant pas présenté d'observations, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les suppléments d'impôt sur les sociétés résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 15 mars 2016, à hauteur des sommes respectives de 293 870 euros et de 153 682 euros, en droits et pénalités. S'y est ajoutée, au titre de l'année 2012, une amende, prononcée sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts, pour un montant total de 43 203 euros, pour absence de souscription, dans les délais légaux, de déclarations annuelles des données sociales. 4. La SARL Ferme du Paradis a été placée, à compter du 23 septembre 2016, en procédure de redressement judiciaire, laquelle a été convertie, le 18 novembre 2016, en liquidation judiciaire. Sa réclamation ayant été rejetée, la SARL WRA, représentée par Me Wiart, agissant en liquidateur judiciaire de la SARL Ferme du Paradis, a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant, d'une part, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période de janvier 2012 à septembre 2014, d'autre part, de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'année 2012 sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 5. Par un jugement du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a déchargé la SARL Ferme du Paradis de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, appliquée aux droits ayant résulté de la remise en cause de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la vente de chevaux vivants au cours des périodes couvrant les années 2013 et 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Me Wiart relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas donné entière satisfaction à sa demande. Sur l'étendue du litige : 6. Par une décision du 19 janvier 2023, prise en cours d'instance d'appel, le comptable public chargé du recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des suppléments d'impôt sur les sociétés et de l'amende en litige a, eu égard au placement de la SARL Ferme du Paradis en procédure de redressement judiciaire, prononcé, en application de l'article 1756 du code général des impôts, la remise, pour une somme totale de 70 333,90 euros, des intérêts de retard dont avaient été assortis ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et ces suppléments d'impôt sur les sociétés, ainsi que de l'amende infligée à cette société sur le fondement de l'article 1736 du même code. Dans cette mesure, les conclusions de la requête ont perdu leur objet et il n'y a donc pas lieu d'y statuer. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 7. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. 8. D'une part, il ressort des éléments versés à l'instruction par le ministre que l'administration a envoyé à la SARL Ferme du Paradis, le 15 décembre 2015, sous pli recommandé libellé à l'adresse, telle que connue du service, du siège social de cette société situé rue Costes et Bellonte à Calais, la proposition de rectification destinée à lui faire connaître les rehaussements envisagés en ce qui concerne son chiffre d'affaires taxable et son bénéfice imposable pour la période vérifiée. 9. D'autre part, il ressort des mêmes éléments, et notamment de l'avis de réception postal correspondant, que ce pli a été effectivement reçu le 18 décembre 2015 à cette adresse par une personne qui a apposé sa signature sur cet avis et dont il n'est pas allégué qu'elle n'était pas habilitée à le faire. Il appartenait à la SARL Ferme du Paradis, si elle estimait préférable, pour des raisons pratiques, de recevoir le courrier afférent à ce contrôle à une autre adresse, de le faire savoir en temps utile au service, ce qu'elle ne conteste pas n'avoir pas fait. 10. Dans ces conditions, la SARL Ferme du Paradis est réputée avoir reçu cette proposition de rectification, dont les mentions lui sont opposables, et, si elle n'a pas formulé d'observations sur les rectifications qui lui ont ainsi été notifiées, elle n'a pas été empêchée de le faire, ni n'a été privée de la garantie correspondante. 11. Par suite, le moyen tiré, par Me Wiart, de ce que la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard de la SARL Ferme du Paradis est entachée d'une irrégularité ayant privé cette société d'une garantie offerte par la loi au contribuable doit être écarté. Sur le bien-fondé des impositions en litige : En ce qui concerne la charge de la preuve : 12. D'une part, ainsi qu'il a été dit, il est constant que la SARL Ferme du Paradis n'a pas formulé d'observations sur la proposition de rectification qui lui a régulièrement été adressée le 15 décembre 2015 et qu'elle a reçue le 18 décembre suivant. Par suite, Me Wiart supporte, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants de ce livre. 13. D'autre part, il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période couvrant le mois de mai 2014, ainsi que les suppléments d'impôt sur les sociétés se rapportant à l'exercice clos en 2013 ont été établis selon la procédure de taxation d'office, conformément aux dispositions, respectivement, du 3° et du 2° de l'article L. 66 du même livre. Il suit de là qu'en application des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, l'appelant supporte également la charge de la preuve du caractère exagéré de ces rappels de taxe et de ces suppléments d'impôt. En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée : S'agissant de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée par anticipation : 14. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, en vertu du 2 de l'article 269 de ce code, la taxe est exigible, en ce qui concerne les prestations de service, envisagées au c) de ce même 2, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. Quant à la déduction de la somme de 79 856,41 euros : 15. L'administration a remis en cause, à l'issue de la vérification de comptabilité dont la SARL Ferme du Paradis a fait l'objet, la déduction, par cette société, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des factures non payées par elle se rapportant à des prestations de service. 16. S'agissant d'abord de la réalité de ces prestations, si Me Wiart fait observer que ces factures ont été émises par le fournisseur de viandes de la SARL Ferme du Paradis, la société B... Henri Bernard, il résulte des éléments avancés par le ministre et non contestés que ces factures, présentées à la vérificatrice, se rapportaient, selon leurs mentions mêmes, à la location de terres et de matériels agricoles, ainsi qu'à la mise à disposition de personnel. 17. Et en tout état de cause, en se bornant à produire la copie de la première page d'une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée souscrite par ce fournisseur qui ne comporte aucune mention sur ce point, Me Wiart, qui supporte la charge de la preuve ainsi qu'il a été dit, n'établit pas que ce fournisseur a, pour ce qui concerne son activité de prestataire de services, souscrit l'option pour les débits visée au 2 de l'article 269 du code général des impôts. 18. Dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause cette déduction anticipée de taxe sur la valeur ajoutée. Quant à la déduction de la somme de 9 864,25 euros : 19. Le service vérificateur a constaté que la SARL Ferme du Paradis avait porté en déduction, au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, la taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 9 864,25 euros, se rapportant à un paiement de 60 192,06 euros reçu de la SARL Rôtisserie du Calaisis, autre entité du groupe informel auquel elle appartient. Après avoir estimé que cette déduction de taxe n'était pas justifiée, le service l'a remise en cause. 20. La SARL Ferme du Paradis soutient que la somme de 60 192,06 euros qu'elle a reçue de la SARL Rôtisserie du Calaisis se rapporte non pas à une facture mais à une avance de trésorerie consentie par cette société en exécution d'une convention conclue entre elles et dans le but de lui permettre de financer l'acquisition d'un camping-car pour les besoins de son activité. 21. Toutefois, à supposer même l'existence d'une telle avance suffisamment établie par la convention remise à la vérificatrice, une telle opération non grevée de taxe sur la valeur ajoutée ne serait, en tout état de cause, pas de nature à justifier la déduction de cette taxe opérée par la SARL Ferme du Paradis en 2013, alors au demeurant que le véhicule en cause a été acquis en 2007. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de taxe opérée à ce titre. S'agissant de la taxe déduite sur une prestation non justifiée : 22. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) ". 23. Au cours du même contrôle, il a été constaté que la SARL Ferme du Paradis avait déduit, au cours de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, pour une somme de 9 800 euros, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé une facture émise par la société Dausque pour un montant de 59 800 euros toutes taxes comprises, comptabilisée par la SARL Ferme du Paradis le 1er juillet 2012 en tant que charge de l'exercice clos en 2012 et payée par elle par compensation avec des créances détenues sur la société Dausque. 24. La vérificatrice a regardé le libellé de cette facture comme ne permettant pas d'identifier la nature de la prestation correspondante et le service a donc remis en cause cette déduction de taxe, après avoir estimé que l'utilisation, pour les besoins des opérations taxables de la SARL Ferme du Paradis, de l'achat réalisé ne pouvait être tenue pour établie. 25. D'une part, si Me Wiart a joint à sa requête la copie d'une facture émise le 31 juillet 2012 par une société dénommée " Duasque Traiteur ", pour le montant de 59 800 euros toutes taxes comprises et portant sur des prestations de mise à disposition de personnel dont le détail a été joint en annexe, le ministre soutient, sans être contredit, que ce document ne correspond pas à la pièce justificative présentée à la vérificatrice au cours du contrôle. 26. D'autre part, si l'appelant a aussi produit un extrait du grand livre comptable de la société Dausque présentant le détail des opérations portées en comptabilité au titre du mois de juillet 2012, ce document, qui permet seulement d'identifier la somme de 59 800 euros facturée à la SARL Ferme du Paradis comme correspondant à une prestation de services, ne comporte aucune précision sur la nature de la prestation et précise que l'opération a été comptabilisée le 1er juillet 2012, ce qui est cohérent avec la comptabilité de la SARL Ferme du Paradis, mais pas avec la copie de facture versée à l'instruction, qui indique qu'elle a été émise le 31 juillet 2012. 27. Dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause, comme non justifiée, la déduction de taxe sur la valeur ajoutée opérée à ce titre. S'agissant de la taxe collectée sur des ventes de chevaux : 28. En vertu de l'article 278 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2014, le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 %. Dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2014, ce même article fixe le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée à 20 %. En outre, en vertu du 3° de l'article 278 bis de ce code, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2014, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % en ce qui concerne notamment les opérations d'achat, de vente, de livraison portant sur les produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture n'ayant subi aucune transformation. Ces dispositions précisent toutefois qu'elles ne s'appliquent pas aux opérations relatives aux équidés lorsque ceux-ci ne sont normalement pas destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ou dans la production agricole. Dans leur rédaction applicable à compter du 1er janvier 2014, ces dispositions du 3° de l'article 278 bis du code général des impôts sont rédigées dans les mêmes termes, le taux réduit désormais applicable étant toutefois porté à 10 %. 29. En vertu du 1° du A de l'article 278-0 bis de ce code, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux, dit " super réduit ", de 5,5 % en ce qui concerne, notamment, les opérations d'achat, de vente ou de livraison portant sur les produits destinés à l'alimentation humaine. 30. Au cours de la vérification de la comptabilité de la SARL Ferme du Paradis, il a été constaté que celle-ci avait porté en comptabilité, au titre des exercices clos en 2013 et en 2014, des produits correspondant à des ventes de chevaux vivants facturées à la SARL Haras des Princes. La vérificatrice a constaté que ces ventes avaient été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée aux taux de 10 % pour ce qui concerne la vente enregistrée le 31 décembre 2013 et au taux de 5,5 % pour ce qui concerne la vente comptabilisée le 2 janvier 2014. 31. Après avoir retenu que le taux dit " super réduit " de 5,5% prévu au 1° du A de l'article 278-0 bis du code général des impôts n'était pas applicable à la vente de chevaux vivants et constaté qu'en dépit des demandes de la vérificatrice, la SARL Ferme du Paradis n'avait fourni aucune précision quant au nombre de chevaux vendus, à leurs caractéristiques et à la finalité de ces ventes, le service a remis en cause l'application à ces opérations à la fois du taux de 5,5 %, mais aussi du taux dit " réduit " de 10 % visé au 3° de l'article 278 bis du code général des impôts, dès lors qu'il n'était pas établi que les animaux vendus étaient destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires. 32. D'une part, Me Wiart a versé à l'instruction l'extrait du registre du commerce et des sociétés se rapportant à la SARL Haras des Princes, ainsi que les statuts de cette dernière, documents desquels il ressort que cette société exploite un centre d'insémination pour chevaux et que son objet social inclut toutes activités liées à l'élevage des chevaux. Toutefois, ces éléments ne donnent aucune précision sur les caractéristiques des chevaux présents dans l'exploitation et ne permettent en particulier pas d'établir que les chevaux ayant fait l'objet des deux ventes en cause, réalisées par la SARL Ferme du Paradis, étaient destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires, ce que Me Wiart ne soutient d'ailleurs pas puisqu'il indique que ces ventes avaient pour objet de relancer l'activité hippique de la SARL Haras des Princes. 33. D'autre part, si Me Wiart soutient, devant la cour, que ces ventes n'ont, en définitive, pas été réalisées, il n'apporte aucun élément au soutien de cette assertion et ne fait, en particulier, aucunement état de ce que cette situation a donné lieu à une constatation comptable. 34. Dans ces conditions, Me Wiart n'est pas fondé à demander la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant. En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés : 35. En vertu du 1 de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les frais généraux de toute nature. Il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. S'agissant de la déduction d'une charge non justifiée : 36. Au cours de la vérification de la comptabilité de la SARL Ferme du Paradis, il a été constaté que celle-ci avait porté en charge de l'exercice clos en 2012, par une écriture comptable enregistrée le 1er juillet 2012, une prestation facturée par la société Prince C... pour un montant de 78 000 euros hors taxes. 37 Après avoir constaté que les mentions de cette facture ne permettaient pas de déterminer la nature de la prestation facturée, ni de justifier de son caractère de charge de l'exercice concerné, le service a remis en cause cette déduction et réintégré la somme en cause au résultat imposable de cet exercice. 38. Si, au soutien de sa contestation de ce chef de rectification, Me Wiart a produit une facture établie le 31 juillet 2012 par une société dénommée " Prince ", portant sur le montant en cause de 78 000 euros hors taxes et concernant, selon le détail joint, la location de véhicules, le ministre fait valoir, sans être contredit, que cette facture ne correspond pas à la pièce justificative présentée à la vérificatrice, que, établie à la date du 31 juillet 2012, elle est insusceptible d'appuyer une écriture comptable enregistrée le 1er juillet 2012 et qu'aucun contrat de location n'a été fourni par la SARL Ferme du Paradis. 39. Dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause le caractère de charge déductible de cette dépense. S'agissant de la déduction en charge de frais d'hypothèque : 40. Au cours du même contrôle, la vérificatrice a constaté que l'enregistrement, dans la comptabilité de la SARL Ferme du Paradis, le 31 décembre 2013, au compte de charges 6275 " Frais bancaires ", des sommes de 54 701,07 euros et de 51 506,02 euros n'était appuyées par aucun justificatif. En conséquence, le service a remis en cause ces écritures de charges et a réintégré les sommes en cause dans le résultat imposable de l'exercice 2013. 41. Pour contester ce chef de rectification, Me Wiart soutient que ces déductions correspondent à des frais d'hypothèque se rapportant à un acte de dation en paiement daté du 23 août 2013. Il verse à l'instruction, pour en justifier, un état de frais établi par une étude notariale le 27 septembre 2018, qui fait mention, au 22 août 2013 et au 11 septembre 2013, d'une dation en paiement concernant la SARL Ferme du Paradis, mais pour des montants qui ne correspondent pas à ceux inscrits, plusieurs mois plus tard, en comptabilité. 42. Dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément produit à l'instance, l'administration était fondée à remettre en cause le caractère de charge déductible des sommes correspondant à ces inscriptions comptables. S'agissant de l'acte anormal de gestion : 43. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. 44. La SARL Ferme du Paradis a exercé, au cours des exercices clos en 2012 et 2013, une activité d'achat de viande de cheval et de revente de cette marchandise à la société Opale Hippo. Pour les besoins de cette activité, elle avait pour fournisseur, jusqu'au 30 juin 2013, la société de droit britannique Potter et appliquait une marge commerciale de 13,43 % lors de la revente, à la société Opale Hippo, de la viande achetée auprès de ce fournisseur. 45. Il a cependant été constaté, au cours de la vérification de la comptabilité de la SARL Ferme du Paradis, que celle-ci avait, à compter du 1er juillet 2013, changé sa pratique commerciale, en se fournissant désormais en viande de cheval auprès de la SARL Groupe B..., puis en revendant cette marchandise, sans réaliser de marge commerciale, à la société Opale Hippo. Il est en réalité apparu que la SARL Groupe B..., entité du groupe auquel appartenait la SARL Ferme du Paradis, s'était entremise, à compter du 1er juillet 2013, entre le fournisseur britannique de la SARL Ferme du Paradis et cette dernière, en bénéficiant désormais de la marge commerciale jusqu'alors réalisée, sur ces opérations, par la SARL Ferme du Paradis, lors de la revente de la viande à la société Opale Hippo. 46. L'administration a analysé cette situation comme une renonciation, par la SARL Ferme du Paradis, à sa marge commerciale, sans qu'aucun élément n'ait été fourni pour justifier d'une contrepartie à cet abandon. Ayant regardé ce changement de pratique de la SARL Ferme du Paradis comme constitutif d'un acte anormal de gestion, le service a réintégré, dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2013, la marge commerciale ainsi abandonnée. 47. Pour contester ce chef de rehaussement, Me Wiart soutient que, dans le cadre d'une réorganisation du groupe informel dont faisait partie la SARL Ferme du Paradis, la SARL Groupe B..., créée le 1er juin 2013, a été chargée, à compter du 1er juillet 2013, de réaliser les ventes de viande chevaline à la société Opale Hippo. Il ajoute que la SARL Ferme du Paradis a cependant été contrainte de continuer à prendre part à ces transactions le temps nécessaire à l'obtention, par la SARL Groupe B..., des autorisations sanitaires nécessaires. 48. Toutefois, Me Wiart n'apporte aucun élément au soutien de ses assertions, dans une situation dans laquelle le ministre fait valoir qu'aucune cession de fonds de commerce ou de clientèle entre la SARL Ferme du Paradis et la SARL Groupe B... n'a été portée à la connaissance de l'administration au cours de l'année 2013. 49. Enfin, si Me Wiart soutient que cette nouvelle organisation répondait à l'intérêt du groupe, cette circonstance, à la supposer avérée, demeurerait sans incidence sur l'appréciation de l'intérêt propre de la SARL Ferme du Paradis dans la renonciation à sa marge commerciale à laquelle elle a consenti à compter du 1er juillet 2013. 50. En l'absence d'élément de nature à justifier d'une contrepartie réelle et directe pour la SARL Ferme du Paradis à cet appauvrissement, l'administration doit être regardée comme ayant apporté suffisamment d'indices de nature à établir que cette société a agi contre son intérêt et que ce changement dans sa pratique commerciale a procédé d'un acte anormal de gestion. 51. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans le résultat imposable de la SARL Ferme du Paradis, au titre de l'exercice clos en 2013, la marge commerciale à laquelle cette société avait renoncé. S'agissant du rattachement de charges : 52. La vérification de comptabilité de la SARL Ferme du Paradis a révélé que cette société avait comptabilisé, en tant que charges de l'exercice clos en 2012, des dépenses qui, au vu des pièces présentées à la vérificatrice, avaient, en réalité, été engagées au cours des exercices clos en 2010 et 2011. 53. Me Wiart soutient que, dès lors que la facture correspondant à ces dépenses n'a été établie qu'au cours de l'année 2012, elles ne pouvaient être portées en comptabilité qu'au cours de l'exercice clos cette année. Toutefois, le ministre fait valoir, sans être contredit, que les pièces justificatives présentées au cours du contrôle pour appuyer cette écriture comptable se rapportent à une mise à disposition de personnel intervenue en 2010 et à une location de terre agricoles consentie au titre de l'année 2011, de sorte que les dépenses correspondantes devaient, en l'absence d'élément contraire, être regardées comme ayant été engagées au cours des exercices clos en 2010 et en 2011. 54. La SARL Ferme du Paradis n'ayant pas, à la clôture de chacun de ces deux exercices, enregistré en comptabilité ces dépenses en tant que charges avec, pour contrepartie, une inscription au crédit du compte 408 " Fournisseurs - Factures non parvenues " comme il lui appartenait de le faire, afin d'assurer le rattachement de ces charges aux exercices au titre desquels elles avaient été effectivement engagées, pour ensuite solder ce compte en début d'exercice suivant, afin de neutraliser l'incidence fiscale de l'enregistrement de la facture à sa réception en 2012, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de ces dépenses du résultat imposable de l'exercice clos en 2012. 55. Il résulte de tout ce qui précède que Me Wiart n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, après avoir déchargé la SARL Ferme du Paradis de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts, appliquée aux droits ayant résulté de la remise en cause de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la vente de chevaux vivants au cours des périodes couvrant les années 2013 et 2014, a, moyennant ce qui a été dit au point 6, rejeté le surplus des conclusions de cette demande. 56. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par Me Wiart et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : A concurrence de la remise de 70 333,90 euros, prononcée en cours d'instance par le comptable public, en matière d'intérêts de retard et d'amende de l'article 1736 du code général des impôts, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Me Wiart. Article 2 : Le surplus des conclusions de cette requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Wiart, agissant en tant que liquidateur judiciaire de la SARL Ferme du Paradis, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-F. PapinLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA01755 1 3 N°"Numéro"
CETATEXT000048452320
J7_L_2023_11_00022DA01820
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01820, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01820
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heinis
DELATTRE
M. Jean-François Papin
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) AME a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, d'autre part, de lui accorder la décharge des intérêts de retard appliqués sur ces rappels, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, enfin, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1909495 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de cette demande à concurrence du dégrèvement de 5 432 euros intervenu, en matière d'intérêts de retard, en cours d'instance, a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés, ainsi que la décharge des intérêts de retard restant en litige, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 18 août 2022, et par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2023 et qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ; 2°) de remettre à la charge de l'EURL AME les fractions de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que la majoration de 40 % dont elles ont été assorties sur le fondement du b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, dont la décharge a été prononcée par ce jugement. Il soutient que : - pour prononcer une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, le tribunal administratif a accueilli à tort un moyen qui, étant afférent au contentieux du recouvrement, au sens du 2° de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, était inopérant au soutien de conclusions, relevant du contentieux d'assiette, tendant à la réduction de ces impositions ; - en tout état de cause, la solution retenue par les premiers juges méconnaît les dispositions de l'article 1256 du code civil, transférées, à compter du 1er octobre 2016, à l'article 1342-10 de ce code, dès lors qu'en l'absence de souscription, par l'EURL AME, de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour la période en litige, l'administration ne pouvait identifier l'objet des paiements spontanés effectués par cette société et était fondée à imputer ces versements sur les créances fiscales détenues sur cette société conformément aux règles d'imputation prévues par ces dispositions ; - au surplus, le tribunal administratif n'a pu valablement prononcer la décharge de sommes correspondant à un paiement ayant déjà donné lieu à une imputation par le service vérificateur sur le montant du rappel dû au titre de l'année 2017, telle celle de 2 000 euros versée le 19 juillet 2017, ou ayant fait l'objet d'un remboursement par le service comptable, telle celle de 3 890 euros versée le 21 avril 2015. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2022, l'EURL AME, représentée par Me Delattre, conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction, enfin, à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - dès lors que, pour déterminer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, l'administration a pris en compte l'imputation, par le comptable public, des paiements qu'elle avait spontanément effectués, elle pouvait utilement contester, devant les premiers juges, la pertinence de cette analyse ; - en tout état de cause, à supposer que la cour estime que son moyen relevait du contentieux du recouvrement, elle devrait alors le regarder comme procédant d'une contestation de l'existence même de l'obligation de payer mise à sa charge et retenir que le tribunal administratif était compétent pour en connaître ; - dès lors qu'elle avait indiqué, sur ses ordres de virement, à quel titre elle effectuait ces paiements, c'est-à-dire pour le règlement de la taxe sur la valeur ajoutée à reverser dans le cadre de son activité durant la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, le comptable public devait les affecter au règlement de cette taxe due, ce qu'il était en mesure de faire en dépit du fait qu'elle n'avait pas souscrit les déclarations y afférentes ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, le versement de 3 500 euros effectué le 23 août 2016 avec le libellé " acompte 2016 " ne pouvait concerner que la taxe sur la valeur ajoutée, seule susceptible d'être payée par acomptes, de sorte que cette somme doit être déduite des rappels en litige ; - si le ministre soutient que le tribunal administratif n'a pu valablement prononcer la décharge de la somme de 3 890 euros versée le 21 avril 2015 et qui aurait fait l'objet d'un remboursement par le service comptable, il ne justifie par aucune pièce ce remboursement ; - les énonciations de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-REC-PART-10-20-10 confortent, en son paragraphe n°40, sa position quant aux règles d'imputation des paiements. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) AME, qui a son siège à Roubaix (Nord), exerce une activité de transport routier de proximité de marchandises. Elle est soumise, selon l'option qu'elle a souscrite, au régime réel normal, pour l'imposition, entre les mains de son associé unique, des bénéfices industriels et commerciaux générés par cette activité et elle est donc soumise, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'obligation de souscrire mensuellement des déclarations de chiffre d'affaires. 2. L'EURL AME a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. A l'issue de ce contrôle, au cours duquel aucune comptabilité conforme aux règles applicables ne lui a été présentée, le vérificateur a opéré, à partir des encaissements figurant sur les relevés de compte bancaire de la société vérifiée et des quelques justificatifs produits par elle, une reconstitution de ses recettes taxables et il en est, notamment, résulté des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée, selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, l'EURL AME ne s'étant pas conformée à ses obligations déclaratives. 3. L'administration a fait connaître sa position à l'EURL AME par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 17 juillet 2018. Ce document l'informait également du prononcé d'une amende pour non présentation de comptabilité informatisée et de ce que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée seraient augmentés de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts en cas d'absence ou de retard de déclaration malgré une mise en demeure, ainsi que de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du même code. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 15 novembre 2018, à hauteur d'un montant de 149 284 euros, en droits, intérêts de retard et majoration. 4. L'EURL AME a introduit, le 1er février 2019, une réclamation par laquelle elle demandait une réduction de 80 789 euros, en droits, intérêts de retard et majoration, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge. L'administration n'ayant pas apporté de réponse expresse, dans le délai de six mois prévu par les dispositions de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, à la réclamation qu'elle avait formée, l'EURL AME a, comme l'y autorisaient les dispositions de l'article R. 199-1 de ce livre, porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant, d'une part, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, d'autre part, de lui accorder la décharge des intérêts de retard appliqués sur ces rappels, ainsi que de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, enfin, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 5. Par un jugement du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de cette demande, à concurrence du dégrèvement de 5 432 euros intervenu, en matière d'intérêts de retard, en cours d'instance, a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés, ainsi que la décharge des intérêts de retard restant en litige, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement, en tant qu'il a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. L'EURL AME, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du même jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction. Sur l'appel principal : 6. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, en vertu du 2 de l'article 269 de ce code, la taxe est exigible, en ce qui concerne les prestations de service, envisagées au c) de ce même 2, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. Enfin, selon le 2 de l'article 287 du code général des impôts, les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1 du même article, indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables, la taxe exigible étant acquittée tous les mois. 7. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 17 juillet 2018 à l'EURL AME que, pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, l'administration, après avoir constaté que cette entreprise n'avait pas souscrit, en dépit d'une mise en demeure, les déclarations mensuelles de chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle était tenue, en vertu des dispositions du 2 de l'article 287 du code général des impôts, en ce qui concerne la période vérifiée s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, a reconstitué ses recettes taxables à partir des crédits inscrits sur ses relevés de compte bancaire. Il en est résulté, au titre des périodes couvrant, respectivement, les années 2015, 2016 et 2017, des montants de taxe sur la valeur ajoutée collectée reconstitués à hauteur de 49 983 euros, 52 491 euros et 52 872 euros. L'administration a ensuite procédé, au vu des quelques justificatifs produits par l'EURL AME pour ce qui concerne les périodes couvrant les années 2015 et 2016, à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de ces deux périodes, qu'elle a fixée, après avoir écarté quelques justificatifs consistant en des factures non libellées à l'adresse de l'EURL AME, aux sommes respectives de 8 924 euros et 6 941 euros. 8. Cependant, ayant constaté que, bien que ne s'étant pas conformée à ses obligations déclaratives, l'EURL AME avait néanmoins procédé, de façon spontanée, en 2015, 2016 et 2017, à des virements bancaires, auprès du service des impôts des entreprises, de sommes représentant les montants de 19 389 euros au titre de l'année 2015, de 22 000 euros au titre de l'année 2016 et de 35 900 euros au titre de l'année 2016, le service a regardé ceux de ces virements dont le libellé autorisait un tel rattachement comme effectués au titre de la taxe sur la valeur ajoutée à reverser pour les périodes en litige et en a tenu compte pour déterminer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à mettre à la charge de l'EURL AME au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. En ce qui concerne la nature du moyen invoqué par l'EURL AME : 9. Il résulte de ce qui précède que, en contestant l'imputation de ses paiements, à laquelle s'est livré le service, entre les différentes périodes au titre desquelles elle était redevable de taxe sur la valeur ajoutée à reverser, l'EURL AME, qui a d'ailleurs exclusivement introduit une réclamation d'assiette telle que visée par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, n'a pas soulevé, devant le tribunal administratif, un moyen relevant du contentieux du recouvrement, au sens de l'article L. 281 du même livre, qu'il aurait appartenu aux premiers juges d'écarter comme inopérant, mais a, en réalité, contesté le montant des rappels de taxe mis à sa charge. En ce qui concerne le bien-fondé du moyen invoqué par l'EURL AME : 10. En vertu de l'article 1256 du code civil, dont les dispositions ont été transférées, à compter du 1er octobre 2016, à l'article 1342-10 du même code, lorsque le débiteur n'a donné aucune indication, son paiement doit être imputé d'abord sur les dettes échues et, parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. Selon ces dispositions, à égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la dette la plus ancienne ou, toutes choses égales, elle se fait proportionnellement. 11. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ressort des mentions mêmes de la proposition de rectification adressée le 17 juillet 2018 à l'EURL AME que le service vérificateur n'a, pour déterminer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à mettre à la charge de cette entreprise, tenu compte des paiements effectués par celle-ci auprès du service des impôts des entreprises que lorsque le libellé de ces opérations autorisait l'affectation de ces virements bancaires au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due par l'EURL AME au titre de la période en litige. Il résulte, en effet, de l'instruction, et notamment des relevés de comptes bancaires versés au dossier, qu'un grand nombre de ces opérations comportait, à titre de libellé, des mentions telles que " TVA 2016 ", " TVA août 2016 ", " TVA " ou encore " acompte TVA ". 12. Il résulte également de l'instruction, et notamment des mentions du tableau annexé à la proposition de rectification, que le service vérificateur n'a, en revanche, pas tenu compte, pour déterminer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à mettre à la charge de l'EURL AME, des virements, tous effectués en 2017, qui ne comportaient pas de libellé ou qui comportaient un libellé ne permettant pas un rattachement évident avec la taxe sur la valeur ajoutée à reverser due par l'entreprise au titre de la période en cause, le montant total des règlements qui n'ont, ainsi, pu être affectés s'élevant à 27 000 euros. 13. Pour prononcer la réduction, contestée par le ministre, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'EURL AME, le tribunal administratif a identifié d'autres virements effectués par l'EURL AME au service des impôts, le 21 avril 2015 pour un montant de 3 890 euros avec le libellé " TVA 1er Trimestre 2015 ", le 16 juin 2016 pour un montant de 3 000 euros avec le libellé " TVA 2016 ", le 23 septembre 2016 pour un montant de 2 500 euros avec le libellé " TVA Août 2016 ", le 20 mars 2017 pour un montant de 3 600 euros avec le libellé " TVA " et enfin le 19 juillet 2017 pour un montant de 2 000 euros avec le libellé " Acompte TVA ". Après avoir estimé que les libellés ainsi mentionnés par l'EURL AME sur ces opérations permettaient de rapprocher ces paiements de la taxe sur la valeur ajoutée due par cette entreprise au titre des périodes indiquées ou dans lesquelles s'inscrivaient ces paiements, et en avoir tiré la conséquence que l'EURL AME devait être regardée comme ayant apporté la preuve lui incombant de l'exagération des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, le tribunal administratif a fait droit, dans cette mesure, aux conclusions de la demande à fin de réduction de ces rappels de taxe. 14. En imputant les seuls paiements pour lesquels la société débitrice avait, par le libellé correspondant, donné une indication suffisamment précise de l'affectation qu'elle entendait leur donner, les premiers juges, qui n'ont pas été empêchés d'identifier ces virements en dépit de l'absence de souscription, par l'EURL AME, de ses déclarations mensuelles, n'ont pas méconnu, pas davantage d'ailleurs que l'administration pour établir les rappels en litige, les dispositions, rappelées de l'article 1256 du code civil, qui ont été transférées, à compter du 1er octobre 2016, à l'article 1342-10 de ce code. 15. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le ministre, il ne résulte d'aucune des pièces versées à l'instruction que le virement opéré par l'EURL AME le 19 juillet 2017 pour une somme de 2 000 euros aurait donné lieu à une imputation par le service vérificateur sur le montant du rappel dû au titre de l'année 2017, le tableau joint à la proposition de rectification du 17 juillet 2018 révélant, au contraire, que ce versement figure parmi ceux que le service n'a pas été en mesure d'affecter. 16. Enfin, si le même tableau mentionne que, comme le fait valoir le ministre, la somme de 3 890 euros versée par l'EURL AME le 21 avril 2015 au service des impôts des entreprises a fait l'objet d'un remboursement par le service comptable à une date antérieure au jugement attaqué, l'EURL AME conteste que ce remboursement ait été effectué et le ministre, qui n'a pas répliqué au mémoire présenté par l'entreprise, n'a apporté aucun justificatif à ce titre. 17. Ainsi, le ministre n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont inclus à tort les deux sommes mentionnées au point précédent dans la réduction en droits et, par voie de conséquence, en pénalités, qu'ils ont prononcée. 18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'EURL AME au titre de la période s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. Sur l'appel incident : En ce qui concerne la charge de la preuve : 19. Ainsi qu'il a été dit, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été établis selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Il s'ensuit que l'EURL AME, qui ne conteste pas la régularité de cette procédure, supporte, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve et qu'il lui appartient, en vertu de l'article R. 193-1 de ce livre, d'établir que ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée présentent un caractère exagéré. En ce qui concerne le bien-fondé des rappels demeurant en litige : S'agissant de l'application de la loi fiscale : 20. L'EURL AME soutient que les virements bancaires qu'elle a adressés au service des impôts des entreprises les 23 août 2016 et 19 mai 2017, pour des montants respectifs de 3 500 euros et 2 500 euros, ne pouvaient être écartés comme insusceptibles de venir en paiement de la taxe sur la valeur ajoutée reversée due au titre de la période d'imposition en litige, alors même que ces opérations comportaient à titre de libellé, les mentions " acompte 2016 " et " acompte ", dès lors que ces mentions faisaient, à ses yeux, nécessairement référence à la taxe sur la valeur ajoutée, qu'elle regarde comme le seul impôt susceptible d'être acquitté par acomptes. 21. Toutefois, dès lors que les mentions que l'EURL AME a ainsi portées en tant que libellé de ces opérations ne comportent aucune précision de l'impôt et de la période concernés, c'est à bon droit que l'administration n'a pas regardé cette société comme ayant donné une indication suffisamment précise de ce qu'elle entendait affecter ces virements au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due par elle au titre de la période en litige. 22. Par suite, l'EURL AME n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif ne lui a pas accordé une réduction supplémentaire tenant compte des sommes correspondantes. S'agissant du bénéfice de la doctrine administrative : 23. L'EURL AME n'est pas fondée à invoquer les énonciations du paragraphe n°40 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-REC-PART-10-20-10, lesquelles, selon l'intitulé même de cette doctrine, concernent la mise en recouvrement ainsi que le paiement des impôts des particuliers et sont, par suite, étrangères au contentieux d'assiette des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. En ce qui concerne les amendes infligées sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts : 24. Si l'EURL AME conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction, elle n'invoque, en cause d'appel, aucun moyen contre les amendes qui lui ont été infligées, sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts, pour défaut de présentation d'une comptabilité informatisée et elle ne conteste pas davantage la fin de non-recevoir que les premiers juges ont accueillie pour rejeter ses conclusions tendant à la décharge de ces amendes, tirée de ce que l'EURL AME n'avait pas justifié, malgré la demande qui lui avait été adressée à cette fin par le tribunal administratif, de l'introduction d'une réclamation contre ces amendes. Il suit de là qu'en tout état de cause, ces conclusions ne peuvent, en cause d'appel, qu'être rejetées. 25. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL AME n'est pas fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé une réduction insuffisante, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. 26. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par l'EURL AME et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée. Article 2 : Les conclusions d'appel incident de l'EURL AME, ainsi que celles qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL AME, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-F. PapinLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA01820 1 3 N°"Numéro"
CETATEXT000048452321
J7_L_2023_11_00022DA01860
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452321.xml
Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA01860, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01860
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heinis
SOCIETE D'AVOCATS FIDAL
M. Jean-François Papin
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge de son obligation solidaire de paiement de la somme globale de 3 656 166,30 euros correspondant, en principal et accessoires, à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie avec son époux au titre des années 2009 à 2016 et à des cotisations de taxe d'habitation établies au titre des années 2016 et 2017, d'autre part, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2002090 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de cette demande à concurrence de la remise de l'obligation solidaire de paiement en principal et accessoires, prononcée en cours d'instance, des cotisations de contributions sociales établies au titre des années 2009 à 2011 et de la moitié, représentant une somme de 421 652,50 euros, des cotisations de contributions sociales établies au titre des années 2012 à 2016, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 29 août 2022, et par un mémoire, enregistré le 20 octobre 2023 et qui n'a pas été communiqué, Mme C..., représentée par Me Wibaut, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction ; 2°) de prononcer la décharge de l'obligation solidaire de paiement de la dette fiscale restant en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - pour écarter ses moyens tirés de l'invocation des dispositions de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de même que le moyen tiré de ce que l'imposition commune des époux ne s'étend pas aux contributions sociales, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement ; - le tribunal administratif a retenu à tort, en se méprenant sur les règles de dévolution de la charge de la preuve, qu'elle n'avait apporté aucun élément de nature à établir l'absence de manœuvres frauduleuses de sa part pour se soustraire au paiement de la dette fiscale en cause, alors d'ailleurs que la donation de la nue-propriété du logement familial, qui lui est reprochée, a été effectuée par elle, dans un seul but de gestion patrimoniale, plusieurs années avant la mise en recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu constituant cette dette et à une date à laquelle elle n'avait pas connaissance des procédures de contrôle fiscal dont faisaient l'objet les sociétés civiles immobilières détenues par son ex-époux ; - dès lors que de telles manœuvres ne résultent pas de l'instruction et qu'il existe une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale en cause et, à la date de sa demande, sa situation financière et patrimoniale nette de charges, elle pouvait prétendre de plein droit à la décharge d'obligation solidaire de paiement qu'elle sollicitait ; les termes de la réponse apportée par le ministre le 5 octobre 2021 à M. A..., député, confortent son analyse sur ce point ; - le refus opposé par l'administration à sa demande est contraire aux dispositions de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi qu'aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la dette fiscale dont le paiement lui est réclamé présente un caractère confiscatoire ; - dès lors que le principe de l'imposition commune des couples mariés, prévu à l'article 6 du code général des impôts, ne s'étend pas aux prélèvements sociaux, c'est à tort et en méconnaissance du droit communautaire et conventionnel que le tribunal administratif a refusé de faire droit à ses conclusions en décharge de l'obligation solidaire de payer la part de la dette en cause correspondant aux contributions sociales établies au titre des années 2012 à 2016, relevant essentiellement de revenus personnels de son ex-époux ; le paragraphe n°50 de la doctrine administrative BOI-CTX-DRS-20 conforte son analyse sur ce point. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - si l'administration n'entend plus contester que la condition tenant à la rupture de la vie commune, prévue par les dispositions du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, était remplie à la date de la demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement formée par Mme C..., il résulte en revanche de l'instruction que l'intéressée a tenté de se soustraire frauduleusement au paiement de la dette fiscale en cause, de sorte que ces dispositions faisaient obstacle à ce qu'il soit fait droit à sa demande, comme l'a retenu, à bon droit et sans se méprendre sur la dévolution de la charge de la preuve, le tribunal administratif ; à cet égard, à la date des opérations de contrôle des sociétés civiles immobilières détenues par l'ex-époux de Mme C..., à celle à laquelle leur foyer fiscal a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et à celle à laquelle les rehaussements en résultant ont été notifiés, les intéressés étaient encore mariés et résidaient ensemble, de sorte qu'en l'absence d'élément contraire, Mme C... doit être présumée avoir eu connaissance de ces procédures ; dans ces conditions, le seule circonstance que la donation, par Mme C..., de la nue-propriété du logement familial, ait été opérée plusieurs années avant la mise en recouvrement des impositions constituant la dette fiscale en cause n'est pas de nature à mettre en doute cette analyse, dans un contexte dans lequel l'administration avait relevé de graves manquements des époux à leurs obligations fiscales et alors que Mme C... a en outre clôturé le 11 août 2020, après la mise en recouvrement des impositions, un contrat d'assurance-vie inconnu de l'administration ; - la demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement formée par Mme C... ne comportait pas un état exhaustif de l'état des ressources et du patrimoine immobilier de l'intéressée à la date à laquelle cette demande avait été établie ; - dès lors que la dette fiscale en cause est constituée d'impositions établies de façon proportionnelle aux revenus du foyer fiscal alors formé par Mme C... et son ex-époux, l'appelante, qui ne présente pas un état exhaustif de ses ressources et de son patrimoine, n'est fondée à se prévaloir ni des dispositions de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - eu égard aux règles gouvernant l'imposition des époux mariés sous le régime de la communauté universelle, Mme C... n'est pas fondée à demander la décharge de son obligation de paiement solidaire de la part de la dette en cause correspondant à la quote-part de 50 % qui lui a été attribuée des contributions sociales établies au titre des années 2012 à 2016. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code civil ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. Mme C... née B... a formé, le 6 décembre 2018, une demande en décharge de son obligation solidaire de paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que de taxe d'habitation, établies, respectivement, au titre des années 2009 à 2016 et au titre des années 2016 et 2017, au nom du foyer fiscal qu'elle formait avec son ex-époux, cette dette fiscale représentant une somme totale de 3 656 166,30 euros. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 14 janvier 2020, aux motifs que Mme C... n'établissait pas la rupture effective de la vie commune avec son ex-époux et qu'elle s'était livrée à une manœuvre frauduleuse destinée à échapper au paiement de la dette fiscale en cause. 2. Sans attendre l'issue du recours hiérarchique qu'elle a exercé contre cette décision, Mme C... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge de son obligation solidaire de paiement. En cours d'instance, en réponse au recours hiérarchique formé par Mme C..., le ministre a déchargé l'intéressée de l'obligation de payer les contributions sociales afférentes aux années 2009 à 2011, dès lors qu'elles se rattachaient aux seuls revenus de son ex-époux, et a laissé à sa charge l'obligation solidaire de payer la moitié des prélèvements sociaux des années 2012 à 2016, résultant de ses revenus personnels et des revenus communs du foyer fiscal. 3. Par un jugement du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande à concurrence de la remise de l'obligation solidaire de paiement en principal et accessoires, prononcée en cours d'instance, des cotisations de contributions sociales établies au titre des années 2009 à 2011 et de la moitié, soit une somme de 421 652,50 euros, des cotisations de contributions sociales établies au titre des années 2012 à 2016, a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. D'une part, il ressort des motifs énoncés au point 6 du jugement attaqué, lesquels motifs tirent les conséquences de ceux énoncés au point 5 de ce jugement, que le tribunal administratif a apporté une réponse suffisante aux moyens tirés, par Mme C..., de l'invocation des dispositions de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 5. D'autre part, il ressort des motifs énoncés au point 8 de ce jugement que la réponse apportée par les premiers juges au moyen de Mme C... tiré de ce que l'imposition commune des époux ne s'étend pas aux contributions sociales a été suffisamment précise, un tel moyen étant d'ailleurs inopérant dans le cadre d'un litige afférent à un refus de décharge d'obligation solidaire de paiement. 6. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est, sur ces points, irrégulier comme insuffisamment motivé. Sur le bien-fondé de la demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement : 7. En vertu de l'article 6 du code général des impôts, les personnes mariées sont, en principe, soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge. 8. Par ailleurs, aux termes de l'article 1691 bis de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Les époux (...) sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ; / 2° De la taxe d'habitation lorsqu'ils vivent sous le même toit. / II. - 1. Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I (...) lorsque, à la date de la demande : / (...) / c) Les intéressés ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; / d) L'un ou l'autre des époux (...) a abandonné le domicile conjugal ou la résidence commune. / 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. Elle est alors prononcée selon les modalités suivantes : / a) Pour l'impôt sur le revenu, la décharge est égale à la différence entre le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie pour la période d'imposition commune et la fraction de cette cotisation correspondant aux revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs du demandeur et de son conjoint (...). / (...) / b) Pour la taxe d'habitation, la décharge est égale à la moitié de la cotisation de taxe d'habitation mise à la charge des personnes mentionnées au I ; / (...) / 3. (...) / La décharge de l'obligation de paiement ne peut pas être accordée lorsque le demandeur et son conjoint (...) se sont frauduleusement soustraits, ou ont tenté de se soustraire frauduleusement, au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I (...), soit en organisant leur insolvabilité, soit en faisant obstacle, par d'autres manœuvres, au paiement de l'impôt. / (...) ". En ce qui concerne la soustraction frauduleuse au paiement de la dette fiscale : 9. Il résulte de l'instruction que, par un acte notarié de donation-partage établi le 28 février 2013, Mme C... a décidé d'attribuer la nue-propriété de l'immeuble d'habitation situé à Lens, constituant son domicile, à ses trois enfants nés d'un premier mariage, ainsi qu'aux enfants de ceux-ci, l'acte précisant que la valeur de la nue-propriété transmise a été estimée à 300 000 euros. 10. Pour refuser de faire droit à la demande de décharge de l'obligation de paiement de la dette fiscale faisant l'objet du présent litige, l'administration a estimé que cet acte de donation-partage procédait d'une organisation volontaire, par Mme C..., de son insolvabilité, dans le but de se soustraire frauduleusement au paiement de la dette du foyer fiscal qu'elle avait formé avec son ex-époux, dans une situation dans laquelle il n'était pas formellement établi que la communauté de vie avait cessé entre les intéressés. 11. Au soutien de cette appréciation, le ministre, qui admet désormais, en cause d'appel, l'absence de communauté de vie entre Mme C... et son ex-époux à la date de demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement, fait cependant valoir que les revenus fonciers perçus par l'ex-époux de Mme C... des sociétés civiles immobilières dont il détenait la majorité des parts avaient, dès avant la date de l'acte de donation-partage du 28 février 2013, fait l'objet de rectifications ayant donné lieu à la notification à l'intéressé, en main propre le 30 janvier 2013, d'une proposition de rectification datée du 27 décembre 2012, qui faisait aussi état d'autres rectifications en matière de revenus de capitaux mobiliers. 12. Mme C... ne conteste pas cette situation, mais soutient que les dissensions déjà fortes, à la date de l'acte de donation-partage, avec son ex-époux ont fait obstacle à ce qu'elle ait connaissance de ces rehaussements afférents à des sociétés gérées en propre par son ex-époux et dans lesquelles elle ne détenait elle-même aucune participation. 13. Toutefois, si la donation-partage du 28 février 2013 n'est postérieure que de quelques semaines à la remise en main propre de la proposition de rectification du 27 décembre 2012 à M. C... et est aussi antérieure à la mise en recouvrement des impositions, cette proposition de rectification a procédé de la vérification, opérée antérieurement, de la comptabilité de sociétés civiles immobilières dont M. C... était l'associé et de l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de locataires de ces sociétés. 14. Il résulte de cette proposition de rectification que, lors de cette vérification de comptabilité, des contrôles sur place ont été réalisés au siège de deux sociétés qui était alors situé à l'adresse même du domicile conjugal de Lens. Le 28 février 2013, date de l'acte de donation-partage, à la conclusion duquel celui qui était encore l'époux de Mme C... était au demeurant présent en tant qu'intervenant, Mme C... et ce dernier étaient encore mariés, d'ailleurs sous le régime de la communauté universelle des biens présents et à venir, et résidaient toujours ensemble à l'adresse du domicile conjugal à Lens. Mme C... doit ainsi être réputée avoir eu connaissance, à la date à laquelle elle a consenti la donation-partage, de la rectification des revenus fonciers de son ex-époux. 15. Enfin, Mme C... n'a apporté aucune précision quant à l'objectif de gestion patrimoniale qu'elle aurait poursuivi en consentant la donation-partage en cause. 16. Ainsi, en réduisant son patrimoine de droits immobiliers valorisés à 300 000 euros, alors que l'administration venait d'informer son époux qu'elle envisageait de mettre à la charge du foyer fiscal un supplément de droits d'impôt sur le revenu de 577 298 euros, Mme C..., qui ne peut utilement soutenir que cette diminution du patrimoine du couple représente moins de 10 % de la dette fiscale dont le paiement a ensuite été demandé, doit être regardée comme ayant frauduleusement tenté de soustraire une partie de ses avoirs au paiement de sa dette fiscale. 17. Dans ces conditions, l'administration était fondée à rejeter, pour ce motif, la demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement que lui avait présentée Mme C.... En ce qui concerne la proportion entre la dette fiscale et la situation de l'intéressée : 18. Mme C... soutient que les ressources qu'elle percevait, à la date de sa demande de décharge d'obligation solidaire de paiement, étaient sans commune mesure avec le montant de la dette fiscale dont il lui est demandé le paiement, laquelle s'élève, compte tenu de la remise intervenue en première instance, à la somme de 2 886 403,80 euros. 19. Toutefois, il n'y a pas lieu de rechercher s'il existe une disproportion entre les revenus du contribuable et le montant de sa dette fiscale lorsque ce contribuable est regardé, ce qui est le cas en l'espèce ainsi qu'il a été dit, comme ayant organisé volontairement son insolvabilité, compte tenu de la rédaction de l'article 1691 bis du code général des impôts et aussi puisque la disproportion qui serait mise en évidence est alors artificielle. Le moyen soulevé à ce titre par Mme C... doit donc être écarté comme inopérant. 20. En tout état de cause, il résulte de l'état que Mme C... a joint à sa demande de décharge que celle-ci estimait à la somme mensuelle de 6 667 euros le montant net de ses salaires de l'année 2019 et qu'elle y ajoutait un revenu annuel de 7 500 euros provenant de valeurs mobilières et de la location d'immeubles et de fonds de commerce. En regard, Mme C... faisait mention, dans le même état, de charges courantes qu'elle évaluait à la somme totale de 103 155 euros au titre de l'impôt sur le revenu, de la taxe foncière et de la taxe d'habitation correspondant à sa résidence principale de Lens, et à la somme de 5 000 euros au titre des charges de toutes natures liées à cet immeuble, telles les charges de copropriété, d'électricité, de gaz, de téléphone ou d'assurance. 21. Cependant, les capacités contributives de Mme C... ne peuvent être appréciées qu'en tenant également compte de ce qui était alors son patrimoine personnel. Il résulte, à cet égard, du même état que ce patrimoine était exclusivement constitué de la résidence principale de l'intéressée, qu'elle évaluait à la somme de 500 000 euros, ainsi que de parts dans les sociétés SHM et INF Consulting, que Mme C... évaluait à la somme totale de 100 000 euros. 22. Toutefois, le ministre fait valoir, sans être sérieusement contredit, que l'état ainsi dressé par Mme C... ne présente pas une situation exhaustive du patrimoine de l'intéressée à la date de sa demande de décharge, dès lors, d'une part, que Mme C... et son ex-époux demeuraient, en dépit de leur divorce, propriétaires indivis de plusieurs immeubles situés à Lens et dans les environs de cette ville et, d'autre part, que Mme C... a omis de faire mention, dans l'état produit, de ce qu'elle est la dirigeante et l'associée de la société civile immobilière (SCI) Nolymo, elle-même détentrice de la majorité des parts d'une autre SCI propriétaire de plusieurs immeubles. 23. Enfin, Mme C... n'a pas fait mention de ce qu'elle avait souscrit un contrat d'assurance vie d'un montant de 136 359 euros non porté à la connaissance de l'administration et qui a, au demeurant, été clôturé par elle le 11 août 2022 soit après la notification, par le comptable public le 10 août 2020, d'un avis à tiers détenteur à l'établissement détenteur. 24. Dans ces conditions, le moyen tiré, par Mme C..., de la disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale dont il lui est demandé le paiement et sa situation financière et patrimoniale, nette de charges, ne peut qu'être écarté. 25. Les moyens de Mme C... tirés de la violation de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent également être écartés, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que la dette fiscale dont le paiement est réclamé ne peut pas être regardée comme présentant un caractère confiscatoire. En ce qui concerne les contributions sociales : S'agissant de l'application de la loi fiscale : 26. D'une part, Mme C... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 6 du code général des impôts dans le cadre du présent litige, relatif au bien-fondé du refus, opposé par l'administration, à sa demande de décharge de l'obligation de paiement de la dette fiscale en cause, dès lors que ces dispositions, qui énoncent une règle afférente à l'établissement de l'impôt dû par les personnes mariées, ne peuvent être valablement invoquées que dans le cadre d'un contentieux d'assiette. 27. D'autre part, il résulte de l'instruction que les contributions sociales dont l'administration a, après la remise prononcée en première instance, laissé le paiement à la charge de Mme C... correspondent à la moitié des contributions sociales auxquelles le foyer fiscal formé par l'intéressée et son ex-époux a été assujetti au titre des années 2012 à 2016, c'est-à-dire à la somme de 421 625,50 euros en droits et pénalités. Pour les motifs ci-dessus énoncés, Mme C... ne peut, en tout état de cause, être déchargée de son obligation solidaire de paiement pour ce qui concerne cette part de contributions laissées à sa charge. S'agissant du bénéfice de la doctrine administrative : 28. Mme C... invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations du paragraphe n°50 de la doctrine administrative publiée le 14 octobre 2015 sous la référence BOI-CTX-DRS-20, qui se rapportent à la décharge de responsabilité solidaire prévue au II de l'article 1691 bis du code général des impôts, selon lesquelles : " Les revenus communs du demandeur et de son conjoint (...) s'entendent des bénéfices ou revenus que le couple a réalisés ou dont il a disposé au cours de la période d'imposition commune. / (...) / Toutefois, ces revenus peuvent ne pas être considérés comme des revenus communs si le demandeur apporte la preuve que les biens, source de ces revenus, sont la propriété exclusive de l'ex-conjoint (...) ". 29. Toutefois, ces énonciations, qui s'insèrent dans une doctrine administrative dont l'objet est d'expliciter les dispositions applicables en ce qui concerne la forme et le contenu de la demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement ainsi que les modalités de détermination, par le service, du montant de la décharge accordée, ne peuvent être regardées comme comportant, s'agissant des conditions requises pour prétendre à une telle décharge, une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit susceptible d'être valablement opposée à l'administration, dans le présent litige, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Mme C... n'est, par suite, pas fondée à s'en prévaloir. 30. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa demande à concurrence du montant sur lequel portait la remise prononcée par le comptable public en cours de première instance, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. 31. Par voie de conséquence, les conclusions que Mme C... présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., à la direction départementale des finances publiques du Pas-de-Calais et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-F. PapinLe président de chambre, Signé : M. D... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA01860 1 3 N°"Numéro"
CETATEXT000048452322
J7_L_2023_11_00022DA02130
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA02130, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA02130
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heinis
RIGHI
M. Bertrand Baillard
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Dovre France a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et d'autre part des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2010 au 30 novembre 2013. Par un jugement n° 1706119 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Procédure devant la cour avant renvoi : Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2019, la SARL Dovre France, représentée par Me Righi et Me Lieutier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, d'une part des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et d'autre part des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2010 au 30 novembre 2013 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'administration a méconnu l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; - la réponse aux observations du contribuable était insuffisamment motivée ; - les créances détenues sur la société Le Fleuron 47, dont le service n'a pas admis la déductibilité en perte, n'avaient pas à figurer à l'actif du bilan des exercices contrôlés en raison de la prescription intervenue au cours d'exercices antérieurs et le bilan d'ouverture était donc surestimé ; elle est fondée à demander la correction de cette erreur ; - l'administration n'a pas apporté la preuve de l'acte anormal de gestion ; - elle sollicite la compensation entre, d'une part, la réintégration notifiée par le service des pertes sur créances irrécouvrables et, d'autre part, l'annulation de la reprise des provisions correspondantes constatées au titre du même exercice ; - elle maintient l'argumentation développée dans son mémoire introductif concernant la déductibilité de la provision sur stock ; l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il y aurait une irrégularité concernant les stocks ; - les pénalités dont ont été assortis les droits en litige ne sont pas fondées. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Dovre France ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 22 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 octobre 2021. Par un arrêt n°19DA02129 du 2 décembre 2021, la cour, sur appel formé par la société Dovre France, a prononcé, d'une part, la réduction de ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012 à hauteur de la somme de 74 150,80 euros correspondant à la reprise d'une provision, et, d'autre part, la décharge de la majoration pour manquement délibéré appliquée aux rectifications ayant procédé de la réintégration au résultat imposable des pertes sur des créances irrécouvrables. Par une décision n° 461039 du 18 octobre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur la demande du ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annulé les articles 1er à 5 de l'arrêt 2 décembre 2021 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour. Procédure devant la cour après renvoi : Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de la SARL Dovre France et à ce que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dont la cour a prononcé la décharge par son arrêt du 2 décembre 2021 soient remises à la charge de cette société. Il maintient les observations développées dans son précédent mémoire et soutient que : - la SARL Dovre France n'est pas fondée à solliciter une compensation ; - la majoration pour manquement délibérée mentionnée dans la proposition de rectification n'a pas été mise en recouvrement. Par des courriers, enregistrés les 25 novembre et 6 décembre 2022, Me Righi et Me Coste, représentant la SARL Dovre France, font part de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de cette société et soutiennent que l'affaire n'est pas en état d'être jugée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de commerce ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Dovre France, qui exerce une activité de distribution pour le compte de sa société mère située en Belgique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause les déficits initialement déclarés par cette société au titre des exercices clos en 2011 et 2013. En conséquence, l'administration a rappelé des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 novembre 2013 et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 en suivant la procédure de redressement contradictoire. 2. Par un jugement du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des suppléments d'imposition ayant procédé de cette réintégration et des pénalités correspondantes. Par un arrêt du 2 décembre 2021, la cour a partiellement fait droit à l'appel formé par la société Dovre France contre ce jugement en réduisant ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012 de la somme de 74 151 euros et en prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes. Par une décision du 18 octobre 2022, sur la demande du ministre de l'économie, des finances et de la relance, le Conseil d'Etat a annulé les articles 1er à 5 de cet arrêt faisant partiellement droit aux conclusions d'appel de la société Dovre France et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour. Sur le non-lieu à statuer : 3. Par un jugement du 18 mars 2022, postérieur à l'enregistrement de la requête d'appel de la SARL Dovre France, le tribunal de commerce de Lille a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de cette société, ce qui a entraîné la radiation de la société, la perte de sa personnalité morale et la fin du mandat de ses différents mandataires. Toutefois, des échanges de mémoires ont préalablement eu lieu entre les parties, dont il résulte que l'affaire est en état d'être jugée. 4. Dans ces conditions, à supposer même que la SARL Dovre France ait entendu présenter des conclusions à fin de non-lieu à statuer en l'état, il n'y a pas lieu d'y faire droit. Sur la recevabilité de la demande de première instance de la SARL Dovre France : 5. Si la proposition de rectification adressée à la société Dovre France le 30 juin 2015 a fait état de l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts aux rehaussements ayant procédé de la réintégration de la perte sur créance irrécouvrable d'un montant de 74 151 euros au titre de l'exercice clos en 2012, il résulte de l'instruction qu'une telle pénalité n'a finalement pas été mise à la charge de la société, seuls des intérêts de retard ayant été mis en recouvrement le 31 mars 2016. Dès lors, ainsi que le fait valoir le ministre dans son mémoire produit après renvoi, les conclusions de la SARL Dovre France présentées devant le tribunal administratif de Lille étaient irrecevables en ce qu'elles tendaient à la décharge de cette majoration. 6. Dans ces conditions, la SARL Dovre France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a refusé de faire droit, dans cette mesure, à ses conclusions aux fins de décharge. Sur la demande de compensation relative à la somme de 74 150,80 euros : 7. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les comptes de l'exercice (...) ". 8. Lorsqu'une provision a été constituée dans les comptes de l'exercice, et sauf si les règles propres au droit fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de cet article limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions, le résultat fiscal du même exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d'un ou de plusieurs exercices ultérieurs, entraîne en revanche une augmentation de l'actif net du ou des bilans de clôture du ou des exercices correspondants. 9. D'autre part, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ". 10. Il résulte des dispositions précitées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts qu'une provision ne saurait être déduite du résultat de l'exercice si elle n'a pas été effectivement constatée dans les écritures comptables à la clôture de l'exercice. Le défaut de constitution d'une provision n'est ainsi pas susceptible de faire l'objet d'une correction demandée par voie de réclamation ou, après l'expiration du délai de réclamation, par voie de compensation à l'occasion d'un rehaussement. 11. Il résulte de l'instruction que la provision d'un montant de 74 151,80 euros que la société Dovre France avait constituée en 2011 en raison du placement en liquidation judiciaire de la société Le Fleuron 47, sur laquelle elle détenait une créance de ce montant, a été reprise à la suite de la comptabilisation de cette somme en perte sur créances irrécouvrables au cours de l'exercice 2012 et qu'elle ne figurait donc plus au bilan de clôture de cet exercice. 12. Il résulte de ce qui précède que l'absence de déduction de cette provision du résultat imposable de cet exercice 2012 ne peut pas être regardée comme caractérisant une surtaxe commise au détriment de la société Dovre France ou une double imposition de nature à ouvrir droit à une demande de compensation à l'occasion de la réintégration par l'administration de la perte sur créance irrécouvrable. La demande de compensation de la SARL Dovre France ne peut donc pas être accueillie. 13. Il résulte de ce tout ce qui précède que la SARL Dovre France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions en ce qu'elles tendaient à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ayant fait l'objet de la réduction des bases d'imposition mentionnée au point 2 et, d'autre part, de la majoration de 40 % mentionnée au point 5. Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SARL Dovre France tendant à l'application de cette disposition ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Les conclusions de la SARL Dovre France sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Dovre France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : B. BaillardLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA02130 1 3 N°"Numéro"
CETATEXT000048452323
J7_L_2023_11_00022DA02286
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA02286, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA02286
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heinis
SCP DHALLUIN
M. Jean-François Papin
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) SOS Le Havre Intérim a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prononcer la décharge ou sinon une réduction de la contribution minimum de cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social, situés à Evreux, au titre de l'année 2020, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance no 2101457 du 27 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a donné acte du désistement de la SARL SOS Le Havre Intérim des conclusions de sa demande à fin de décharge ou de réduction de l'imposition en litige, ainsi que de celles afférentes aux dépens, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2022, la SARL SOS Le Havre Intérim, représentée par Me Dhalluin, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de prononcer la décharge sinon la réduction de l'imposition en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code. Elle soutient que : - c'est à tort que le premier juge a donné acte du désistement des conclusions de sa demande à fin de décharge ou de réduction de l'imposition en litige, ainsi que de celles afférentes aux dépens, alors qu'elle avait expressément maintenu, en réponse à la demande que le tribunal administratif lui avait adressée, les conclusions de sa demande ; il appartenait, dans ces conditions, au premier juge de constater qu'il n'y avait pas lieu, à concurrence du dégrèvement prononcé en première instance, de statuer sur les conclusions de sa demande aux fins de décharge ou de réduction de l'imposition en litige ; - c'est à tort que le premier juge a refusé de faire droit à ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors que l'administration lui avait accordé le dégrèvement partiel de l'imposition en litige. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - le premier juge n'a pas omis de statuer sur les conclusions présentées par la SARL SOS Le Havre Intérim sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, mais a estimé qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'y faire droit ; - les conclusions afférentes à la charge des dépens sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) SOS Le Havre Intérim, qui exerce une activité de recrutement et de placement de personnel intérimaire, a été assujettie, au titre de l'année 2020, à la cotisation foncière des entreprises dans les rôles de la commune d'Evreux (Eure), selon la base d'imposition minimale en vigueur dans cette commune, à raison de locaux dans lesquels est établi son siège social. Elle relève appel de l'ordonnance du 27 septembre 2022 par laquelle la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a donné acte du désistement des conclusions de sa demande à fin de décharge ou de réduction de l'imposition en litige, ainsi que de celles afférentes aux dépens, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions. ". 3. A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile. Il appartient, en outre, au juge d'appel d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. 4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une demande adressée le 19 juillet 2022, par l'application Télérecours, au conseil de la SARL SOS Le Havre Intérim, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rouen a informé cette société, au regard du dégrèvement, intervenu en cours d'instance, de la majeure partie de l'imposition en litige, que l'examen de l'affaire l'avait conduit à s'interroger sur l'intérêt que conservait, pour cette société, la demande qu'elle avait introduite et l'a invitée à confirmer, dans un délai d'un mois, si elle entendait maintenir celle-ci. 5. Par un courrier établi, en réponse à cette demande, le 19 juillet 2022 et enregistré au greffe du tribunal administratif de Rouen le 20 juillet 2022, par l'application Télérecours, le conseil de la SARL SOS Le Havre Intérim a indiqué maintenir les conclusions de sa demande, dont il rappelait les références, en précisant qu'il entendait, par ce maintien, que le tribunal se prononce sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 6. En estimant que la SARL SOS Le Havre Intérim devait être réputée s'être désistée des conclusions de sa demande, à l'exception de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le premier juge n'a pas fait une exacte application des dispositions précitées de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative. Il a ainsi entaché son ordonnance d'une irrégularité de nature à en justifier l'annulation en ce que cette ordonnance a donné acte du désistement des conclusions de la SARL SOS Le Havre Intérim aux fins de décharge ou de réduction de l'imposition en litige, ainsi que de celles relatives aux dépens. 7. En revanche, contrairement à ce que soutient la SARL SOS Le Havre Intérim, le premier juge n'a pas omis de statuer sur les conclusions présentées par elle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, mais, selon les termes mêmes de son ordonnance, a décidé qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'y faire droit, ce qu'il a pu faire sans méconnaître son office. 8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par la SARL SOS Le Havre Intérim devant le tribunal administratif de Rouen tendant à la décharge ou à la réduction de l'imposition en litige, ainsi que sur celles afférentes aux dépens, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions. Sur l'étendue du litige : 9. Par une décision du 27 avril 2022, le directeur par intérim des finances publiques de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime a accordé à la SARL SOS Le Havre Intérim un dégrèvement de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie, au titre de l'année 2020, dans les rôles de la commune d'Evreux, à hauteur de 1 170 euros, l'administration ayant admis que le principal établissement de la SARL SOS Le Havre Intérim, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1467 D du code général des impôts, se situe dans les locaux de son agence du Havre, dans lesquels elle exerce son activité économique. 10. Dans cette mesure, les conclusions de la demande présentée par la SARL SOS Le Havre Intérim devant le tribunal administratif de Rouen et tendant à la décharge ou à la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2020 à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social, situés à Evreux, sont devenues sans objet. Sur le bien-fondé de la cotisation foncière des entreprises demeurant en litige : 11. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / (...) ". Aux termes de l'article 1473 du même code : " La cotisation foncière des entreprises est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1647 D de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - 1. Les redevables de la cotisation foncière des entreprises sont assujettis à une cotisation minimum établie au lieu de leur principal établissement ; (...) ". Ce même article précise que cette cotisation est établie à partir d'une base dont le montant est fixé par le conseil municipal selon un barème qui est fonction du montant du chiffre d'affaires ou des recettes réalisées. 12. Le principal établissement, au sens et pour l'application des dispositions du 1 du I de l'article 1647 D du code général des impôts, correspond à celui des établissements dont le redevable dispose pour l'exercice de son activité professionnelle dans lequel il réalise son activité à titre principal. 13. Dans le dernier état de ses écritures, l'administration ne conteste pas que le principal établissement de la SARL SOS Le Havre Intérim, au sens et pour l'application des dispositions du 1 du I de l'article 1647 D du code général des impôts, est situé, ainsi que cette société le soutient, dans les locaux de son agence situés au Havre, et non dans ceux de son siège social, situés à Evreux. En outre, le service, comme il a été dit ci-dessus, a admis que cette société avait été assujettie à tort à la cotisation foncière des entreprises, au titre de l'année 2020, selon la base d'imposition minimale en vigueur dans la commune d'Evreux, à raison des locaux de son siège social, situés dans cette ville, et a prononcé le dégrèvement partiel de cette imposition. 14. Le ministre soutient, toutefois, que la SARL SOS Le Havre Intérim doit être soumise à la cotisation foncière des entreprises, dans les rôles de la commune d'Evreux, à raison des locaux de son siège social, selon une valeur locative ajustée en fonction de la quote-part d'utilisation de ces locaux par cette société, ce qui justifie que l'administration n'ait pas prononcé le dégrèvement de l'intégralité de l'imposition en litige. La SARL SOS Le Havre Intérim conteste, par son argumentation principale, cette position. 15. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SARL SOS Le Havre Intérim a fixé son siège social dans des locaux dont elle a la disposition à Evreux et que la SAS Société Optima Service, société holding, a, elle aussi, fixé son siège social à l'adresse de ces locaux. Cette dernière, qui a le même dirigeant que la SARL SOS Le Havre Intérim, dont elle détient l'intégralité du capital social, est la société mère du groupe auquel la SARL SOS Le Havre Intérim appartient. 16. S'il résulte également de l'instruction que la SARL SOS Le Havre Intérim exerce l'essentiel de son activité économique au sein des locaux de son agence du Havre, où sont affectés la majeure partie de ses salariés et qui est mentionnée au registre du commerce et des sociétés comme constituant son établissement principal, il n'est pas contesté que cette société est dirigée depuis son siège d'Evreux, où sont effectuées les tâches administratives et financières relevant de sa gestion et où elle recommande d'ailleurs à ses clients d'adresser leurs règlements. 17. Si la SARL SOS Le Havre Intérim fait état des services qui lui sont rendus par la SAS Société Optima Service, il ne résulte pas de l'instruction que cette société assurerait intégralement, en lieu et place de la société appelante, les tâches administratives et financières relevant de sa gestion, dans le cadre de l'exécution de la convention de prestations de service et d'assistance conclue le 13 janvier 2016, puis renouvelée le 25 octobre 2019, entre la SAS Société Optima Service et ses filiales, dont la SARL SOS Le Havre Intérim. 18. En effet, si cette convention versée à l'instruction, qui a fait l'objet d'un avenant le 21 décembre 2020 rédigé dans des termes proches de la précédente, stipulait que la SAS Société Optima Service apporterait à ses filiales une assistance juridique et fiscale, une aide pour la négociation avec des tiers et la rédaction des contrats, un appui pour la gestion des contentieux, une assistance comptable et financière, une aide pour le suivi de la facturation et des paies, la mise à disposition d'un service de téléprospection, un appui pour la négociation avec les organismes sociaux et une assistance informatique courante, en revanche cette convention excluait expressément l'accomplissement de prestations relevant des missions du mandat du gérant de chacune des filiales, c'est-à-dire de leur gestion sociale propre. 19. Il suit de là que la SARL SOS Le Havre Intérim a été assujettie à bon droit à la cotisation foncière des entreprises à raison des activités qu'elle exerce dans les locaux de ce siège social d'Evreux, en tenant compte, selon ses propres indications, de sa quote-part d'occupation effective de locaux. La SARL SOS Le Havre Intérim n'est donc pas fondée à demander la décharge de la cotisation foncière des entreprises pour la fraction maintenue à sa charge par l'administration. 20. En deuxième lieu, si la SARL SOS Le Havre Intérim soutient que la SAS Société Optima Service a été imposée au titre de l'année 2020, selon la base d'imposition minimale, dans les rôles de la commune d'Evreux, à raison des activités administratives qu'elle exerce au sein de son principal établissement situé à l'adresse du siège social de la SARL SOS Le Havre Intérim, une telle circonstance n'est pas de nature à révéler qu'une même activité aurait été soumise deux fois à une même imposition, dès lors qu'il n'est pas établi que les deux sociétés n'auraient pas exercé chacune, dans ces locaux et avec leurs propres moyens, les tâches relevant de leur gestion administrative. 21. De même, si la SARL SOS Le Havre Intérim a été soumise, au titre de la même année, à la cotisation foncière des entreprises à raison de l'activité qu'elle exerce dans son établissement du Havre, son assujettissement au même impôt à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social d'Evreux ne constitue pas davantage une double imposition dès lors que l'établissement principal du Havre et le siège social d'Evreux ont chacun une fonction économique distincte et entrent, à raison des activités relevant de chacune de ces fonctions, dans le champ d'application des dispositions précitées des articles 1447 et 1473 du code général des impôts. 22. Dans ces conditions, le moyen de la SARL SOS Le Havre Intérim tiré de l'existence d'une double imposition doit être écarté. 23. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL SOS Le Havre Intérim n'est pas fondée à demander la décharge de la fraction de cotisation foncière des entreprises laissée à sa charge, au titre de l'année 2020, à raison des locaux de son siège social situé à Evreux. 24. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme la partie perdante, une somme globale de 500 euros au titre des frais exposés par la SARL SOS Le Havre Intérim et non compris dans les dépens. 25. En revanche, l'instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, au sens de l'article R. 761-1 du même code, les conclusions de la SARL SOS Le Havre Intérim relatives aux dépens sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables, ainsi que le relève, à bon droit, le ministre. DÉCIDE : Article 1er : L'ordonnance no 2101457 du 27 septembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen est annulée en tant qu'elle a donné acte du désistement de la SARL SOS Le Havre Intérim des conclusions de sa demande à fin de décharge ou de réduction de l'imposition en litige, ainsi que de celles afférentes aux dépens. Article 2 : A concurrence du dégrèvement prononcé, au cours de la première instance, à hauteur d'un montant de 1 170 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de la SARL SOS Le Havre Intérim tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social, situés à Evreux, au titre de l'année 2020. Article 3 : L'Etat versera à la SARL SOS Le Havre Intérim la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la SARL SOS Le Havre Intérim devant le tribunal administratif de Rouen et de sa requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SOS Le Havre Intérim et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-F. PapinLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA02286
CETATEXT000048452324
J7_L_2023_11_00022DA02701
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 22DA02701, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA02701
4ème chambre
plein contentieux
C
M. Heu
SCP DHALLUIN
M. Bertrand Baillard
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) La Grange de Fontenay a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1903674 du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la SARL La Grange de Fontenay et non compris dans les dépens. Procédure devant la cour : Par un arrêt n°20DA1626 du 27 octobre 2022, la cour a annulé le jugement n° 1903674 du 24 août 2020 du tribunal administratif de Rouen, remis à la charge de la SARL La Grange de Fontenay des rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016 dont la décharge avait été prononcée par ce jugement et rejeté la demande présentée par la SARL La Grange de Fontenay devant le tribunal administratif de Rouen. Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2022, la SARL La Grange de Fontenay, représentée par Me Dhalluin, demande à la cour de rectifier une erreur matérielle ayant entaché l'arrêt n°20DA01626 du 27 octobre 2022. Elle soutient que le ministre n'avait pas demandé à la cour de remettre à sa charge la majoration de 40 % pour manquement délibéré et qu'elle-même avait indiqué avoir pris acte du dégrèvement de la majoration prononcée par l'administration. Par un mémoire enregistré le 15 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer. Il soutient que la société La Grange de Fontenay a été déchargée de la majoration litigieuse de sorte que la requête de la société est dépourvue d'objet. Par une ordonnance en date du 15 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Baillard, premier conseiller, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification ". 2. Par un jugement du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels la société à responsabilité limitée (SARL) La Grange de Fontenay avait été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016 puis a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros. 3. Par un arrêt du 27 octobre 2022 n°20DA01626, la cour, saisie par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annulé ce jugement et a remis à la charge de la société les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ainsi que la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts. 4. La SARL La Grange de Fontenay expose que c'est à la suite d'une erreur matérielle que cet arrêt du 27 octobre 2022 a remis cette majoration de 40 % à sa charge. 5. D'une part, la circonstance que, postérieurement à l'enregistrement de cette requête en rectification d'erreur matérielle, un dégrèvement portant sur cette majoration de 40 % pour manquement délibéré a été prononcé n'a pas rendu ce recours sans objet. 6. D'autre part, il résulte des écritures de l'instance n° 20DA01626 que le ministre avait renoncé, en cours de procédure d'appel, à demander que cette majoration soit remise à la charge du contribuable. L'arrêt de la cour est donc entaché d'une erreur matérielle qui n'est pas imputable à la requérante. Par suite, la requête présentée par la SARL La Grange de Fontenay tendant à la rectification de cette erreur est recevable. 7. Enfin, il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer nul et non avenu l'arrêt n° 20DA01626 du 27 octobre 2022 en tant qu'il a statué sur la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts et de modifier l'article 2 du dispositif de cet arrêt pour ne remettre à la charge de la SARL La Grande de Fontenay que les droits de taxe sur la valeur ajoutée assignés pour la période du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016, à l'exclusion de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. DÉCIDE : Article 1er : Le recours en rectification d'erreur matérielle présenté par la SARL La Grange de Fontenay est admis. Article 2 : L'arrêt n°20DA01626 du 27 octobre 2022 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il a statué sur la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Article 3 : L'article 2 du dispositif de l'arrêt en date du 27 octobre 2022 est modifié comme suit : " Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016, dont la décharge a été prononcée par ce jugement, sont remis à la charge de la SARL La Grange de Fontenay ". Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Grange de Fontenay et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : B. BaillardLe président de chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°22DA02701
CETATEXT000048452325
J7_L_2023_11_00023DA00411
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 23DA00411, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00411
4ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Heinis
BEHRA
M. Jean-François Papin
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 9 septembre 2022 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai d'un an, d'autre part, de faire injonction au préfet du Pas-de-Calais de procéder à l'abrogation de sa décision du 9 septembre 2022 et à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2207284 du 10 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision du préfet du Pas-de-Calais du 9 septembre 2022, a enjoint à cette autorité de mettre en œuvre, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, la procédure d'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le SIS, a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 6 mars 2023, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a annulé sa décision du 9 septembre 2022, lui fait injonction de mettre fin du signalement de Mme A... au fichier SIS et a mis la somme de 900 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille, de même que les conclusions qu'elle formule en cause d'appel. Il soutient que : - le premier juge a retenu à tort que la décision faisant interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an avait été prise en méconnaissance du droit de l'intéressée à être préalablement entendue, tel que protégé par le droit de l'Union européenne ; - les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Behra, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le premier juge a retenu à juste titre que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an avait été prise en méconnaissance de son droit à être préalablement entendue, tel que protégé notamment par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la décision portant interdiction de retour a été prise par une autorité incompétente ; - elle est insuffisamment motivée en droit ; - elle est entachée d'une erreur de fait, en ce que ses motifs omettent de faire état de ce qu'elle avait contesté, devant la cour administrative d'appel de Douai, l'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille donnant acte du désistement d'office de sa requête tendant à l'annulation du refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français précédemment prononcé à son égard ; - elle méconnaît des dispositions des articles L. 612-7 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que les critères sur lesquels ces dispositions imposent à l'autorité préfectorale de se prononcer sont cumulatifs et alors que sa présence ne représente pas une menace pour l'ordre public ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - elle est contraire à l'intérêt supérieur de ses enfants, tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme F... A..., ressortissante sénégalaise née le 21 décembre 1980 à Dakar, est entrée en France le 1er avril 2016, munie d'un titre de séjour italien en cours de validité, en compagnie de ses trois enfants mineurs, nés en 2005, 2008 et 2014. S'étant maintenue, depuis lors, sur le territoire français, Mme A... a sollicité, le 7 juin 2021, du préfet du Pas-de-Calais la régularisation de sa situation administrative, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 28 avril 2022, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Lille, qui a donné acte du désistement de sa demande, puis devant la cour administrative d'appel de Douai. Entre-temps, par une décision du 9 septembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais a fait interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 10 février 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé cette décision du 9 septembre 2022, lui a enjoint de mettre en œuvre, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, la procédure d'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen (SIS) et a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge : 2. Aux termes du paragraphe 7 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 7 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...) ". 3. Le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, notamment protégé par les dispositions précitées de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, se définit comme celui de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Toutefois, ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. 4. Pour annuler, par le jugement attaqué, la décision du 9 septembre 2022 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a fait interdiction, à Mme A..., de retourner sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a estimé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis, au nombre desquelles ne figurait pas le procès-verbal d'audition de Mme A..., que cette dernière avait été informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français et que, partant, elle n'avait pas été à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une interdiction de retour. Le premier juge a tiré de ces constats la conclusion que le droit de Mme A... à être entendue, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avait été méconnu. 5. Toutefois, ainsi que le fait observer le préfet du Pas-de-Calais au soutien de sa requête, sa décision du 9 septembre 2022 portant interdiction de retour fait suite à son arrêté du 28 avril 2022 par lequel il avait fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français et lui avait imparti un délai de trente jours pour se soumettre spontanément à cette mesure. Or, l'article 4 de cet arrêté, que le préfet du Pas-de-Calais verse au dossier d'appel et que Mme A... a elle-même produit devant le tribunal administratif, indique que " L'intéressée est informée que si elle se maintient irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative pourra édicter une interdiction de retour sur le territoire français ; qu'elle est invitée dans le même délai à faire valoir ses observations auprès de l'autorité administrative, et plus particulièrement les circonstances qui feraient obstacle à la mesure envisagée. ". Cette disposition de l'arrêté du 28 avril 2022, dont Mme A... n'allègue pas ne pas avoir reçu notification et qu'elle a d'ailleurs contesté le 9 juin 2022 devant le tribunal administratif de Lille, a ainsi mis l'intéressée à même de formuler des observations, tant à l'écrit que, si elle l'estimait nécessaire, à l'oral, dans le cadre d'un rendez-vous à solliciter avec le service préfectoral compétent, sur l'interdiction de retour qui était susceptible d'être prononcée à son égard, en temps utile avant que n'intervienne cette mesure. 6. Ainsi qu'il a été rappelé au point 3, il n'incombait pas au préfet du Pas-de-Calais d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressée, ni, alors même que le prononcé d'une telle mesure d'interdiction de retour n'est qu'une faculté, de lui adresser, à l'expiration du délai de départ volontaire, un courrier pour l'inviter à produire ses observations. 7. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a accueilli à tort le moyen tiré, par Mme A..., de la méconnaissance de son droit à être préalablement entendue pour annuler la décision lui ayant fait interdiction de retour sur le territoire français. 8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que ceux que l'intéressée invoque en cause d'appel. 9. Il ressort des mentions de la décision du 9 septembre 2022 portant interdiction de retour que celle-ci a été signée par M. G... D..., chef du bureau du contentieux et du droit des étrangers de la préfecture du Pas-de-Calais. Par un arrêté n° 2022-10-84 du 10 août 2022, publié au n° 97 spécial du 10 août 2022 du recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. E... C..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture, à l'effet notamment de signer les décisions relatives aux interdictions de retour et de circulation sur le territoire français, cet arrêté précisant qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. C..., cette délégation pourra être exercée par les chefs de bureau placés sous son autorité et notamment par M. D.... Il ne ressort pas des pièces du dossier ni n'est même allégué que M. C... n'aurait pas été absent ou empêché à la date d'intervention de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré, par Mme A..., de ce que cette décision aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté. 10. La décision contestée, dont les motifs reproduisent les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au cas dans lequel l'autorité préfectorale peut prononcer une interdiction de retour sur le territoire français, à l'encontre d'un étranger qui s'est maintenu irrégulièrement en France au-delà du délai de départ volontaire qui lui a été imparti pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, de même que celles de l'article L. 612-10 de ce code, relatives à la fixation de la durée de cette mesure, ainsi que les dispositions de l'article L. 613-5 du même code, relatives au signalement au SIS des ressortissants étrangers faisant l'objet d'une interdiction de retour, comporte l'énoncé des considérations de droit, mais aussi de fait, justifiant le prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, prise à l'égard de Mme A.... 11. En outre, les motifs de cette décision, qui visent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, révèlent que la situation personnelle et familiale de Mme A... a été prise en compte par l'autorité préfectorale, de même que la présence, auprès d'elle, de ses trois enfants mineurs et la circonstance que ceux-ci sont scolarisés en France, quand bien même la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est pas visée. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée en droit ne peut qu'être écarté. 12. Les mentions de la décision contestée comportent le visa de l'ordonnance du 26 juillet 2022 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a donné acte du désistement d'office de la requête que Mme A... avait introduite, devant ce tribunal, contre l'arrêté du 28 avril 2022 du préfet du Pas-de-Calais refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, sans préciser que cette ordonnance a fait l'objet d'un appel introduit par l'intéressée le 12 août 2022 devant la cour administrative d'appel de Douai, qui était pendant à la date de la décision en litige. Toutefois, en ne faisant pas état de l'exercice de ce recours non suspensif par Mme A..., lequel ne faisait, par lui-même, pas légalement obstacle à ce qu'il soit fait interdiction à l'intéressée de retour sur le territoire français, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts. 13. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Et aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ". 14. Si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. 15. Il ressort des motifs mêmes de la décision contestée que, pour décider de faire interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français et fixer à un an la durée de cette mesure, le préfet du Pas-de-Calais a tenu compte de la durée de la présence en France de l'intéressée, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, et de la circonstance que Mme A... ne s'était pas conformée, dans le délai de départ volontaire de trente jours qui lui avait été imparti, à l'obligation de quitter le territoire français dont elle faisait l'objet. Si ces motifs révèlent aussi que le préfet a estimé que rien ne permettait de retenir que la présence de Mme A... sur le territoire français pourrait représenter une menace pour l'ordre public, cette appréciation ne pouvait, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, faire légalement obstacle, par elle-même, à ce qu'une interdiction de retour avant l'expiration d'un délai d'un an soit prononcée à l'égard de Mme A.... Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 612-7 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 16. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 17. Mme A..., qui, comme il a été dit au point 1, est entrée en France le 1er avril 2016, fait état de la présence, auprès d'elle, de ses trois enfants mineurs, dont le plus âgé est né au Sénégal en 2005 et dont les deux cadets sont nés, respectivement en 2008 et en 2014, en Italie. Elle précise que ses enfants sont scolarisés en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est, selon ses propres déclarations lors de son audition par l'agent de police judiciaire, en instance de divorce et qu'elle n'apporte aucun élément de nature à justifier d'une contribution effective de son époux, qui a fait état d'une adresse en région parisienne, à une distance de 200 kilomètres du domicile de Mme A..., à l'éducation, ni même à l'entretien de ses enfants. Par ailleurs, Mme A..., qui ne justifie pas avoir noué des liens d'une particulière intensité depuis son arrivée en France, n'établit pas, par ses seules allégations, qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident, selon ses déclarations, sa mère, ainsi que ses trois frères et quatre sœurs et où elle a elle-même habituellement vécu durant vingt-sept ans, avant de s'établir durant neuf années en Italie. Enfin, l'exercice, durant huit mois, d'un emploi d'agent d'entretien ne suffit pas à justifier de perspectives sérieuses d'insertion professionnelle de Mme A..., pas davantage que la promesse d'embauche qui lui a été consentie, le 19 octobre 2022, c'est-à-dire à une date postérieure à celle de la décision contestée, sur un emploi d'esthéticienne. 18. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de Mme A..., la décision lui faisant interdiction de retour sur ce territoire avant l'expiration d'un délai d'un an n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, en dépit de son engagement de bénévole dans une association caritative, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, pour prendre cette décision, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme A.... 19. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation. 20. Dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, Mme A... ne justifie pas d'une contribution effective de son époux à l'éducation, ni même à l'entretien de ses trois enfants mineurs et que, en cas de mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont Mme A... fait l'objet, ceux-ci ont vocation à accompagner leur mère dans son pays d'origine, où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales et où ils seront à même, en l'absence de justification du contraire, de poursuivre leur scolarité, la décision portant interdiction de retour ne peut, en tout état de cause, être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur des trois enfants de Mme A..., tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. 21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 9 septembre 2022 ayant fait interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an et lui a enjoint de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le SIS. 22. Dans ces conditions, c'est également à tort que, par le même jugement, le magistrat désigné, après avoir estimé que l'Etat devait être regardé comme la partie perdante dans l'instance sur laquelle il a statué, a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille doit être rejetée et il doit en être de même des conclusions qu'elle présente en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2207284 du 10 février 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du 9 septembre 2022 du préfet du Pas-de-Calais ayant fait interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, a enjoint à cette autorité de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le SIS et mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que les conclusions qu'elle présente, en appel, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Pas-de-Calais, ainsi qu'à Mme F... A.... Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-F. PapinLe président de chambre, Signé : M. B... La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 1 2 N°23DA00411
CETATEXT000048452326
J7_L_2023_11_00023DA00700
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 23DA00700, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00700
4ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Heinis
ELATRASSI-DIOME;ELATRASSI-DIOME;ELATRASSI-DIOME
M. François-Xavier Pin
M. Arruebo-Mannier
Vu les procédures suivantes : Procédures contentieuses antérieures : M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... H... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2203843-2203844 du 3 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a, après les avoir jointes, rejeté ces demandes. Procédures devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 17 avril 2023, sous le numéro 23DA00700, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 29 septembre 2023, M. C..., représenté par Me Elatrassi-Diome, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2023 et cet arrêté du 23 août 2022 ; 2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour : - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée du vice d'incompétence de son signataire ; - le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée du vice d'incompétence de son signataire ; - le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée du vice d'incompétence de son signataire ; - elle méconnaît le 3° de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023. II. Par une requête, enregistrée le 17 avril 2023, sous le numéro 23DA00701, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 29 septembre 2023, Mme C..., représentée par Me Elatrassi-Diome, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2023 et cet arrêté du 22 août 2022 ; 2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soulève les mêmes moyens que ceux présentés dans la requête n° 23DA00700. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : Sur l'objet du litige : 1. M. et Mme C..., ressortissants congolais nés respectivement le 26 mars 1952 et le 28 mai 1956, sont entrés en France le 10 octobre 2021 muni d'un visa court séjour pour rendre visite à leur fille. A la suite du décès de cette dernière, ils ont sollicité, le 22 février 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés des 22 et 23 août 2022, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté leurs demandes de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 3 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Sur les moyens communs aux décisions contestées : 2. M. et Mme C... réitèrent leurs moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés attaqués et de l'insuffisance de motivation de l'ensemble des décisions contestées. Toutefois, ils n'apportent en appel aucun élément nouveau, de fait ou de droit, de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens. Sur les autres moyens : En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour : 3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme C... avant de prendre les décisions de refus de titre de séjour attaquées. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 5. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 6. M. et Mme C... font valoir que leur présence en France est indispensable aux côtés de leurs deux petites-filles, E..., de nationalité congolaise, et I..., de nationalité française, nées respectivement en 2013 et 2015, qu'ils ont prises en charge à la suite du décès de leur fille survenu le 11 octobre 2021. 7. Toutefois, d'une part, il ressort du rapport d'évaluation établi le 1er mars 2022 par les services du département de la Seine-Maritime que ces enfants ont indiqué ne pas connaître leurs grands-parents avant le décès de leur mère et les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent, avoir entretenu des liens avec leurs petites-filles avant le décès de la mère de celles-ci. 8. D'autre part, M. et Mme C... n'ont pas l'autorité parentale sur ces enfants, dont il est constant qu'elle n'a pas été retirée à leurs pères respectifs. Il ressort des pièces du dossier que M. G..., ressortissant congolais, père de E... et époux de sa mère, a maintenu des liens affectifs avec cet enfant. Il revendique également être le père de I..., qui a été conçue en République Démocratique du Congo, qui est née pendant le mariage et dont l'un des prénoms reprend son nom de famille. Si M. F..., ressortissant français, a reconnu I... à sa naissance, il a indiqué au tribunal judiciaire de Rouen, le 20 juin 2022, ne pas être le père de cet enfant et il n'a contribué ni à son éducation ni à son entretien. 9. Enfin, M. et Mme C... ont vécu la majeure partie de leur vie en République Démocratique du Congo. Ils sont entrés en France récemment, à l'âge respectivement de soixante-neuf et soixante-cinq ans. Détournant l'objet de leur visa court séjour, ils se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français. Ils sont sans ressources pérennes et ne justifient pas y disposer d'autres attaches privées ou familiales que leurs petits-enfants. 10. Dans ces conditions, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elles poursuivent et n'ont ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale. 11. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Maritime, dont les décisions opposées à M. et Mme C... n'ont pas eu pour objet et n'ont pas pour effet de les séparer de leurs petites-filles puisque le père de celles-ci souhaite les élever en République Démocratique du Congo, n'ont pas porté à leur intérêt supérieur une atteinte méconnaissant les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. 12. Dans ces circonstances, les décisions en litige ne sont pas entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants. 13. En troisième lieu, pour les motifs qui ont été exposés précédemment, M. et Mme C... ne justifient pas de circonstances exceptionnelles ou humanitaires impliquant que leur soit délivré un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français : 14. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces refus à l'encontre des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français. 15. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme C... avant de prendre les mesures d'éloignement contestées. 16. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance, par les décisions portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle des intéressés, doivent être écartés. En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination : 17. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces mesures d'éloignement à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions désignant le pays de renvoi. 18. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 19. M. et Mme C... ne font état d'aucune crainte en cas de retour dans leur pays d'origine en se bornant à soutenir que le préfet n'établit pas qu'ils n'encourraient aucun risque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 20. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes. 21. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, en l'absence de dépôt de demande d'aide juridictionnelle, de l'article 37 de la loi du 19 juillet 1991 doivent également être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A... H..., épouse C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime et à Me Elatrassi-Diome. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président-assesseur, - M. Bertrand Baillard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : F.-X. Pin Le président de chambre, Signé : M. B...La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak 2 N°23DA00700, 23DA00701
CETATEXT000048452327
J7_L_2023_11_00023DA01407
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 23DA01407, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA01407
4ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Heinis
M. Marc Heinis
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 15 avril 2020 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Par un jugement n° 2003432 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer le titre de séjour demandé. Procédure devant la cour : Par un arrêt n°21DA00373, 21DA00374 du 23 septembre 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel du préfet contre ce jugement et condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à Me Marie Verilhac sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un courrier du 8 mars 2023, Me Verilhac a demandé à la cour d'assurer l'exécution de cette condamnation. Par une ordonnance du 19 juillet 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a ouvert une procédure juridictionnelle en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Par des mémoires enregistrés les 31 juillet et 18 septembre 2023, Me Verilhac demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de condamner l'Etat, sous astreinte, à lui verser d'une part la somme de 1 166,67 ou 1 200 euros en exécution de l'arrêt du 23 septembre 2021 et d'autre part la somme de 1 000 ou 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le préfet a abusivement résisté à sa demande d'exécution de l'arrêt et que la condamnation aux frais irrépétibles s'entend hors taxes. Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, - les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'étendue du litige : 1. Il résulte de l'instruction qu'une somme de 1 099,81 euros correspondant à un principal de 1 000 euros et des intérêts de retard de 99,81 euros a été versée à Me Verilhac le 30 juin 2023. Dans cette mesure il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête. Sur le calcul de la somme due par l'Etat : 2. Il résulte des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative qu'en l'absence de définition, par la décision de justice dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 de ce code d'y procéder lui-même, notamment quand cette décision ne fixe pas précisément le montant de la somme due ou lorsque le calcul de celle-ci soulève une difficulté sérieuse. 3. Aux termes de l'article 267 du code général des impôts : " I. - Sont à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que la SELARL Eden Avocats dont Me Verilhac est associée est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et ne bénéficie pas de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 293 B du code général des impôts. 5. Lorsqu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée réalise une affaire moyennant un prix ne mentionnant pas cette taxe dans des conditions ne faisant pas apparaître qu'un supplément de prix égal à la taxe applicable à l'opération doit être ajouté à ce prix, la taxe due au titre de cette affaire doit être assise sur une somme égale au prix indiqué diminué du montant de cette taxe. Or l'arrêt dont l'exécution est demandée a condamné l'Etat à verser à Me Verilhac, pour rémunérer sa prestation, " une somme de 1 000 euros " sans mentionner la taxe sur la valeur ajoutée. 6. Dans ces conditions, même si la somme mise par le juge à la charge de la partie perdante en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne saurait être inférieure au montant de la part contributive de l'Etat au financement de l'aide juridictionnelle tel qu'il est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée, Me Verilhac n'est pas fondée à soutenir qu'une somme complémentaire de 200 euros doit lui être versée en sus de la somme mentionnée au point 1. 7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête relatives au calcul de la somme due par l'Etat doivent être rejetées. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 8. La demande présentée par Me Verilhac, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à concurrence de la somme mentionnée au point 1. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Marie Verilhac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime et au tribunal administratif de Rouen. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. A... Le magistrat assesseur, Signé : F-X. Pin La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak N°23DA01407 2
CETATEXT000048452328
J7_L_2023_11_00023DA01408
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 23DA01408, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA01408
4ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Heinis
M. Marc Heinis
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 11 avril 2018 portant rejet de sa demande de regroupement familial pour sa femme et son fils mineur. Par un jugement n° 1804228 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet d'autoriser ce regroupement familial. Procédure devant la cour : Par un arrêt n°20DA01518, 20DA01913 du 9 mars 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel du préfet contre ce jugement et condamné l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à Me Maître Eglantine Mahieu sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un courrier du 21 mars 2023, Me Mahieu a demandé à la cour d'assurer l'exécution de cette condamnation. Par une ordonnance du 19 juillet 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a ouvert une procédure juridictionnelle en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Par un mémoire enregistré le 1er août 2023, Me Mahieu demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de condamner l'Etat, sous astreinte, à lui verser d'une part la somme complémentaire de 250 ou 300 euros en exécution de l'arrêt du 9 mars 2021 et d'autre part la somme de 1 000 ou 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le préfet a abusivement résisté à sa demande d'exécution de l'arrêt et que la condamnation aux frais irrépétibles s'entend hors taxes. Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, - les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'étendue du litige : 1. Il résulte de l'instruction qu'une somme de 1 696,66 euros correspondant à un principal de 1 500 euros et des intérêts de retard de 196,66 euros a été versée à Me Mahieu le 30 juin 2023. Dans cette mesure il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête. Sur le calcul de la somme due par l'Etat : 2. Il résulte des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative qu'en l'absence de définition, par la décision de justice dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 de ce code d'y procéder lui-même, notamment quand cette décision ne fixe pas précisément le montant de la somme due ou lorsque le calcul de celle-ci soulève une difficulté sérieuse. 3. Aux termes de l'article 267 du code général des impôts : " I. - Sont à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que la SELARL Eden Avocats dont Me Mahieu est associée est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et ne bénéficie pas de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 293 B du code général des impôts. 5. Lorsqu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée réalise une affaire moyennant un prix ne mentionnant pas cette taxe dans des conditions ne faisant pas apparaître qu'un supplément de prix égal à la taxe applicable à l'opération doit être ajouté à ce prix, la taxe due au titre de cette affaire doit être assise sur une somme égale au prix indiqué diminué du montant de cette taxe. Or l'arrêt dont l'exécution est demandée a condamné l'Etat à verser à Me Mahieu, pour rémunérer sa prestation, " une somme de 1 500 euros " sans mentionner la taxe sur la valeur ajoutée. 6. Dans ces conditions, même si la somme mise par le juge à la charge de la partie perdante en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne saurait être inférieure au montant de la part contributive de l'Etat au financement de l'aide juridictionnelle tel qu'il est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée, Me Mahieu n'est pas fondée à soutenir qu'une somme complémentaire de 300 euros doit lui être versée en sus de la somme mentionnée au point 1. 7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête relatives au calcul de la somme due par l'Etat doivent être rejetées. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 8. La demande présentée par Me Mahieu, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à concurrence de la somme mentionnée au point 1. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Eglantine Mahieu et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime et au tribunal administratif de Rouen. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. A...Le magistrat assesseur, Signé : F-X. Pin La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak N°23DA01408 2
CETATEXT000048452329
J7_L_2023_11_00023DA01409
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452329.xml
Texte
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 16/11/2023, 23DA01409, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA01409
4ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Heinis
M. Marc Heinis
M. Arruebo-Mannier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 7 avril 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Par un jugement n° 2102947 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer le titre de séjour demandé. Procédure devant la cour : Par un arrêt n°21DA02923 du 7 avril 2022, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement et cet arrêté, enjoint au préfet de délivrer le titre de séjour demandé et condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à Me Eglantine Mahieu sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un courrier du 21 mars 2023, Me Mahieu a demandé à la cour d'assurer l'exécution de cette condamnation. Par une ordonnance du 19 juillet 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a ouvert une procédure juridictionnelle en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Par un mémoire enregistré le 1er août 2023, Me Mahieu demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de condamner l'Etat, sous astreinte, à lui verser d'une part la somme complémentaire de 166,67 ou 200 euros en exécution de l'arrêt du 7 avril 2022 et d'autre part la somme de 1 000 ou 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le préfet a abusivement résisté à sa demande d'exécution de l'arrêt et que la condamnation aux frais irrépétibles s'entend hors taxes. Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, - les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : Sur l'étendue du litige : 1. Il résulte de l'instruction qu'une somme de 1 066,47 euros correspondant à un principal de 1 000 euros et des intérêts de retard de 66,47 euros a été versée à Me Mahieu le 30 juin 2023. Dans cette mesure il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête. Sur le calcul de la somme due par l'Etat : 2. Il résulte des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative qu'en l'absence de définition, par la décision de justice dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 de ce code d'y procéder lui-même, notamment quand cette décision ne fixe pas précisément le montant de la somme due ou lorsque le calcul de celle-ci soulève une difficulté sérieuse. 3. Aux termes de l'article 267 du code général des impôts : " I. - Sont à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que la SELARL Eden Avocats dont Me Mahieu est associée est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et ne bénéficie pas de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 293 B du code général des impôts. 5. Lorsqu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée réalise une affaire moyennant un prix ne mentionnant pas cette taxe dans des conditions ne faisant pas apparaître qu'un supplément de prix égal à la taxe applicable à l'opération doit être ajouté à ce prix, la taxe due au titre de cette affaire doit être assise sur une somme égale au prix indiqué diminué du montant de cette taxe. Or l'arrêt dont l'exécution est demandée a condamné l'Etat à verser à Me Mahieu, pour rémunérer sa prestation, " une somme de 1 000 euros " sans mentionner la taxe sur la valeur ajoutée. 6. Dans ces conditions, même si la somme mise par le juge à la charge de la partie perdante en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne saurait être inférieure au montant de la part contributive de l'Etat au financement de l'aide juridictionnelle tel qu'il est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée, Me Mahieu n'est pas fondée à soutenir qu'une somme complémentaire de 200 euros doit lui être versée en sus de la somme mentionnée au point 1. 7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête relatives au calcul de la somme due par l'Etat doivent être rejetées. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 8. La demande présentée par Me Mahieu, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à concurrence de la somme mentionnée au point 1. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Eglantine Mahieu et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime et au tribunal administratif de Rouen. Délibéré après l'audience publique du 26 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. François-Xavier Pin, président assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. A...Le magistrat assesseur, Signé : F-X. Pin La greffière, Signé : E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, Elisabeth Héléniak N°23DA01409 2
CETATEXT000048452330
JG_L_2023_11_000000489212
CETAT
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Texte
Conseil d'État, Juge des référés, 20/11/2023, 489212, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
Conseil d'État
489212
Juge des référés
Excès de pouvoir
C
SCP PIWNICA & MOLINIE
Vu les procédures suivantes : M. B... C... a demandé à la juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui restituer son attestation de demande d'asile en cours de validité, sous astreinte. Par une ordonnance n° 2309806 du 23 octobre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. I. Sous le n° 489212, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 et 14 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de renouveler son attestation de demande d'asile en procédure Dublin, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il entre dans l'office du juge des référés d'enjoindre à l'autorité préfectorale la restitution de l'attestation de demande d'asile illégalement retirée ou son renouvellement à la date d'expiration de la précédente ; - la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le retrait de l'attestation de demande d'asile ne lui permet plus de justifier de la régularité de son séjour et le place ainsi que sa famille dans une situation de très grande vulnérabilité ; - il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de circuler librement, à son droit de solliciter l'asile à l'issue de la procédure de détermination de l'Etat membre responsable de cette demande, à son droit de mener une vie privée et familiale normale ainsi qu'à l'intérêt supérieur de sa fille ; - le retrait de son attestation de demande d'asile est illégal dès lors qu'il n'a pas entendu faire obstacle à son transfert vers l'Italie, ni se soustraire de manière systématique aux convocations préfectorales dont il a fait l'objet et qu'il ne peut donc pas être regardé comme étant en fuite. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Mme A... C... a demandé à la juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui restituer son attestation de demande d'asile en cours de validité, sous astreinte. Par une ordonnance n° 2309808 du 23 octobre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande II. Sous le n° 489213, par une requête, enregistrée le 2 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande à la juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de renouveler son attestation de demande d'asile en procédure Dublin, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle présente des moyens identiques à ceux visés sous le premier numéro. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. C... et Mme C... et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 15 novembre 2023, à 10 heures 30 : - Me Molinié, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. et Mme C... ; - les représentantes du ministre de l'intérieur et des outre-mer ; à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. (...) ; / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté (...) à dix-huit-mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. (...) ". 3. La notion de fuite au sens des dispositions précitées de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. 4. D'autre part, l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 311-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention ". Aux termes de l'article R. 573-2 du même code : " L'attestation de demande d'asile peut être retirée ou ne pas être renouvelée lorsque l'étranger se soustrait de manière intentionnelle et répétée aux convocations ou contrôles de l'autorité administrative en vue de faire échec à l'exécution d'une décision de transfert ". 5. Il résulte de l'instruction que M. C... et Mme C..., son épouse, ressortissants turcs d'origine kurde, entrés en France le 6 décembre 2022, ont présenté une demande d'asile le 22 décembre 2022 auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui les a orientés en procédure " Dublin " et leur a délivré chacun une attestation de demande d'asile. Une fille est née en France le 31 janvier 2023. Après avoir obtenu, le 14 avril 2023, des autorités italiennes un accord pour leur prise en charge, le préfet des Bouches-du-Rhône a, le 22 mai 2023, par arrêtés, prononcé le transfert des intéressés à destination de l'Italie et les a, dans cette attente, assignés à résidence. Par deux jugements du 5 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces arrêtés. Constatant que ni M. C... ni Mme C... ne s'étaient rendus aux convocations des 30 mars, 2 juin et 4 juillet 2023 sans apporter de justifications, le préfet a, le 1er août suivant, signalé aux autorités italiennes qu'il les déclarait " en fuite ", prolongeant ainsi le délai de transfert initialement de six mois, expirant le 6 décembre 2023, à dix-huit mois, expirant le 29 mai 2024. Après avoir prolongé par des arrêtés du 27 juillet 2023, l'assignation à résidence des intéressés jusqu'au 10 septembre suivant, le préfet a, prononcé, le 20 septembre 2023, le retrait de leur attestation de demande d'asile dont la validité expirait le 25 octobre 2023, et a cessé de les placer en assignation à résidence. M. et Mme C... relèvent chacun appel de l'ordonnance du 23 octobre 2023 par laquelle la juge des référés désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de leur réattribuer le bénéfice de leur attestation de demande d'asile. Il y a lieu de joindre ces requêtes qui présentent à juger les mêmes questions pour qu'il y soit statué par une seule ordonnance. 6. Il résulte de l'instruction et des échanges à l'audience que si M. et Mme C... se sont, depuis leurs arrêtés de transfert et d'assignation à résidence du 22 mai 2023, abstenus, sans justification, de se rendre aux convocations en préfecture des 2 juin et 4 juillet, en revanche, ils se sont rendus à celle du 26 juin, puis sans discontinuité à celles des 27 juillet, 7 août, 29 août et 20 septembre 2023. Il résulte également de l'instruction que ces deux absences n'ont pu avoir par elles-mêmes pour effet de faire échec à une décision de transfert, faute pour la préfecture d'avoir mis en place les éléments matériels d'exécution. S'il est vrai que le ministre fait valablement valoir à l'audience que des pratiques d'absence ponctuelles et discontinues peuvent contribuer à perturber l'organisation de ces procédures, il n'apparaît pas, au regard des pièces du dossier, notamment de la chronologie des faits et des échanges à l'audience, que l'attitude de M. et Mme C... ait eu pour objet et encore moins pour effet de contrarier, en l'espèce, ces opérations. En particulier, lorsque le préfet a signalé, le 1er août, à l'Italie que le couple était en fuite, il est constant que celui-ci s'était pourtant présenté trois jours auparavant en préfecture et s'y était vu remettre un nouvel arrêté d'assignation à résidence de 45 jours. De même, et alors que le couple s'était également présenté régulièrement aux quatre convocations successives qui leur avait été adressées, le préfet a néanmoins décidé, le 20 septembre, de retirer leur attestation de demande d'asile. Par suite, M. et Mme C... sont fondés à soutenir que, dans les circonstances de l'espèce, faute de pouvoir être regardés, notamment au 20 septembre, comme s'étant soustraits de manière intentionnelle et répétée aux convocations ou aux contrôles de l'autorité administrative en vue de faire échec à l'exécution d'une décision de transfert, le préfet des Bouches-du-Rhône a, dans l'exercice du pouvoir de retrait de l'attestation de la demande d'asile qu'il tient de l'article R. 573-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile pour l'exercice duquel l'attestation est délivrée. 7. Toutefois, compte tenu de leurs écritures et des échanges à l'audience, et bien qu'ils soient privés, à la date de la présente ordonnance, depuis près de deux mois du bénéfice de leur attestation de demande d'asile, les intéressés, qui se bornent à faire état de quelques considérations générales, n'apportent aucun élément de nature à établir que leur demande de rétablissement de cette attestation serait, en ce qui les concerne, justifiée par une situation d'urgence. Par suite, il n'y a pas lieu, en l'état de l'instruction, pour le juge du référé du Conseil d'Etat de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, afin qu'il ordonne, à très bref délai, au préfet des Bouches-du-Rhône de leur délivrer les documents sollicités. Il s'ensuit que M. et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre que, par les ordonnances attaquées, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. et Mme C... qui sont les parties perdantes. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de M. C... et celle de Mme C... sont rejetées. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... C..., à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Fait à Paris, le 20 novembre 2023 Signé : Olivier Yeznikian
CETATEXT000048452331
J_L_2023_11_00021TL03822
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452331.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 21TL03822, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
21TL03822
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. REY-BÈTHBÉDER
AURAVOCATS
M. Eric REY-BÈTHBÉDER
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 19 mars 2019 lui interdisant d'accéder au site du Commissariat à l'énergie atomique situé à Marcoule, et la décision du 25 avril 2019 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté le recours administratif qu'il a formé contre cette décision Par un jugement n° 1902203 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par un arrêt avant-dire droit du 4 avril 2023, la présente cour avant de statuer sur la requête de M. B... a procédé à un supplément d'instruction tendant, après avoir appelé à la cause le ministre des armées en qualité d'observateur, à la production par lui des éléments mentionnés au point 10 de cet arrêt et, à défaut, a ordonné à la ministre de la transition écologique de communiquer à la cour les informations définies par les motifs de l'arrêt. Par un mémoire, enregistré le 27 juillet 2023, le ministre de la transition écologique a exposé qu'il ne détenait pas d'autres éléments que ceux déjà transmis et qui proviennent d'un service rattaché au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Par lettre du 6 octobre 2023, le président de la 3ème chambre a demandé au ministre de l'intérieur et des outre-mer de communiquer à la cour, après avoir sollicité l'avis de la Commission du secret de la défense nationale dans les conditions prévues par le code de la défense et, le cas échéant, déclassifié les informations en cause, toutes précisions sur les motifs ayant justifié la décision du 25 avril 2019 opposée à M. B... et, dans l'hypothèse où ce ministre estimerait que certaines de ces informations ne pourraient pas être communiquées à la cour, il lui a été demandé de lui transmettre tous les éléments relatifs à la nature des informations écartées et aux raisons pour lesquelles elles sont classifiées, de façon à permettre à la cour de se prononcer en connaissance de cause, sans porter directement ou indirectement atteinte au secret de la défense nationale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur, - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique, Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ingénieur en génie mécanique au sein de la société Orano Projets, a sollicité, le 28 janvier 2019, une autorisation d'accès afin de pouvoir exercer ses fonctions au sein du site du Commissariat à l'énergie atomique à Marcoule (Gard), qui constitue un point d'importance vitale et une zone protégée au titre du secret de la défense nationale. Elle lui a été refusée le 19 mars 2019, après qu'a été émis un avis défavorable, le 11 mars précédent, par le Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire. En application de l'article R. 1332-33 du code de la défense, il a formé, le 20 mars 2020, un recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de cette décision, qui a été rejeté, le 25 avril suivant, par décision de la ministre de la transition écologique et solidaire. 2. M. B... relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 25 avril 2019 de la ministre de la transition écologique et solidaire. 3. Par un arrêt avant-dire droit du 4 avril 2023 la présente cour a ordonné un supplément d'instruction afin de pouvoir statuer sur la requête de M. B.... 4. D'une part, en application des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense, les centres nucléaires de production d'électricité constituent des installations d'importance vitale, c'est-à-dire des établissements dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation. Les articles L. 1332-2-1 et R. 1332-22-1 du même code prévoient que l'opérateur d'un de ces établissements doit expressément en autoriser l'accès aux personnes physiques ou morales appelées à y intervenir, après une enquête administrative destinée à vérifier, notamment par la consultation de traitements automatisés de données personnelles que les caractéristiques de ces personnes ne sont pas incompatibles avec un tel accès. L'article R. 1332-33 du code précité institue un recours administratif préalable obligatoire devant le ministre coordonnateur du secteur d'activités concerné, en l'espèce le ministre de la transition écologique et solidaire. 5. D'autre part, aux termes de l'article R. 2311-2 du code de la défense : " Les informations ou supports protégés font l'objet d'une classification comprenant trois niveaux : \ 1° Très Secret-Défense ; \ 2° Secret-Défense ; \ 3° Confidentiel-Défense ". L'article R. 2311-3 du même code prévoir que : " (...) Le niveau Confidentiel-Défense est réservé aux informations ou supports protégés dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale classifié au niveau Très Secret-Défense ou Secret-Défense ". Et aux termes de l'article 413-9 du code pénal : " Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès. / (...) ". 6. Enfin, aux termes de l'article L. 2312-1 du code de la défense : " La Commission du secret de la défense nationale est une autorité administrative indépendante. Elle est chargée de donner un avis sur la déclassification et la communication d'informations ayant fait l'objet d'une classification en application des dispositions de l'article 413-9 du code pénal (...). / L'avis de la Commission du secret de la défense nationale est rendu à la suite de la demande d'une juridiction française (...) ". L'article L. 2312-4 de ce code dispose que : " Une juridiction française dans le cadre d'une procédure engagée devant elle (...) peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification. / Cette demande est motivée. / L'autorité administrative saisit sans délai la Commission du secret de la défense nationale ". 9. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la note blanche produite par la ministre de la transition écologique et solidaire, établie par la direction générale de la sécurité intérieure le 21 octobre 2020, que M. B... a entretenu des contacts réguliers, de 2014 à 2016, avec un individu radicalisé et a eu un contact avec un velléitaire au djihad. Le Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire, qui a réalisé l'enquête administrative ayant donné lieu à un avis défavorable du 11 mars 2019, indique, de plus, que les renseignements classifiés font état de " liens personnels, réguliers et non fortuits " avec cette personne radicalisée. Ainsi qu'exposé dans l'arrêt avant-dire droit précité, ces éléments ne sont pas davantage circonstanciés, alors que l'appelant explique que les contacts qui lui sont reprochés n'ont eu lieu qu'à l'occasion de parties de football qu'il a concouru à organiser dans la Manche, avec le soutien de la ville de Cherbourg, qu'il n'a plus eu ensuite aucune relation avec ces personnes, et qu'il a produit, en outre, de nombreuses attestations dont il ressort que son comportement ne s'apparente en rien à celui d'un individu radicalisé. 10. Le ministre de la transition écologique a répondu à la cour qu'il n'avait pas d'autres éléments à communiquer que ceux qui ont déjà été produits à l'instance et que ces derniers provenaient de la direction générale de la sécurité intérieure, ce qui implique que seul le ministre de l'intérieur peut saisir la Commission du secret de la défense nationale d'une demande de déclassification des éléments recueillis lors de l'enquête menée par le service précité et qui ont été classifiés au niveau " confidentiel défense ". 11. Ni le ministre de la transition écologique, ni celui de l'intérieur et des outre-mer, à qui un supplément d'instruction a été adressé le 6 octobre 2023, n'ont apporté aucun élément relatif à la nature des informations écartées et aux raisons pour lesquelles elles sont classifiées ni aucun élément de nature à justifier, dans le respect des exigences liées à la sécurité nationale, la décision en litige. Dans ces conditions, il y a lieu de regarder la décision du 25 avril 2019 de la ministre de la transition écologique et solidaire comme n'étant fondée que sur les éléments portés dans la note blanche du 21 octobre 2020, dont le contenu est, ainsi qu'il a été dit plus haut, insuffisamment précis pour établir que l'appelant devait se voir refuser l'accès au site du Commissariat à l'énergie atomique à Marcoule. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et à en demander l'annulation. 12. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. 13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. DÉCIDE: Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 juin 2021 et la décision du 25 avril 2019 de la ministre de la transition écologique et solidaire sont annulés. Article 2 : L'État versera à M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre de la transition écologique, au ministre des armées et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la société Orano. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le président-assesseur, P. Bentolila Le président-rapporteur, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21TL03822
CETATEXT000048452332
J_L_2023_11_00021TL03894
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452332.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 21TL03894, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
21TL03894
3ème chambre
plein contentieux
C
M. REY-BÈTHBÉDER
SELARL LYSIS AVOCATS
Mme Karine BELTRAMI
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'État du fait de l'illégalité des décisions du ministre de la santé des 15 octobre 2009 et 5 novembre 2013 lui refusant l'autorisation d'exercer en France la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale ", au paiement d'une indemnité d'un montant total de 615 741 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement n° 2001770 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'État à lui verser la somme de 32 000 euros en réparation de ses préjudices. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, un mémoire, enregistré le 3 mars 2023 et des pièces complémentaires, enregistrées le 13 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Girard, demande : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 juillet 2021 en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation de l'État à lui verser la somme de 515 741 euros ; 2°) de condamner l'État au paiement de la somme de 515 741 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de la perte de revenus ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il existe un lien de causalité entre les décisions ministérielles illégales lui refusant l'autorisation d'exercer en France la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale " et ses pertes de revenus au titre de la période du 15 octobre 2009 au 31 octobre 2019 dès lors que ces décisions ont empêché son retour à l'emploi jusqu'en 2019 et l'exercice de la profession de médecin généraliste libéral ou de praticien hospitalier ; le harcèlement subi sur son lieu de travail et le refus d'exercice de la profession de médecin en France ont été à l'origine de son état dépressif pathologique ; - elle a subi un préjudice financier du fait de la perte de ses revenus au titre de la période de 2009 à 2019 ; de 2011 à 2019, ses revenus ayant été composés d'indemnités journalières et de sa rente d'invalidité de catégorie II, son manque à gagner, calculé à partir du revenu net annuel qu'elle aurait dû percevoir en tant que praticien attaché, s'élève pour la période de 2009 à 2019 à la somme de 515 741 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la perte de revenus alléguée par l'appelante ne présente pas de caractère certain ; les décisions ministérielles litigieuses ne l'empêchaient pas de poursuivre son activité en qualité de praticien attaché associé en tant que contractuelle ; de plus, il n'est ni établi, ni même allégué, que l'appelante aurait engagé, depuis le 31 octobre 2019, des démarches réelles et sérieuses afin de s'inscrire à un tableau départemental de l'ordre des médecins, cette dernière ayant quitté définitivement la profession de médecin en septembre 2008, à compter de son placement en congé de longue durée ; - les décisions litigieuses ne sont aucunement à l'origine de la perte de revenus de Mme B... en lien avec son état de santé, résultant du potentiel harcèlement vécu par cette dernière qui ne peut être imputable qu'à l'hôpital. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Beltrami, première conseillère, - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique, - et les observations de Me Bequain de Coninck, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... est titulaire d'un diplôme de docteur en médecine délivré en 1994 par l'université d'Istanbul (Turquie) dont la valeur scientifique a été certifiée équivalente à celle du diplôme français de docteur en médecine par une décision de 2004 du ministre français chargé de l'enseignement supérieur. Elle a été recrutée en dernier lieu par le centre hospitalier de Carcassonne en tant que praticienne attachée associée à compter du 1er juillet 2006 et classée, par un avenant à son contrat de travail du 31 mars 2008, au 4ème échelon. Par une décision du 15 octobre 2009 le ministre chargé de la santé a refusé d'accorder à Mme B... l'autorisation d'exercer en France la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale ", en application du I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique. La cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 25 juin 2013, devenu définitif, a annulé cette décision et a enjoint au ministre de procéder au réexamen de la demande de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification de son arrêt et, par une nouvelle décision du 5 novembre 2013, la ministre des affaires sociales et de la santé, après avoir procédé au réexamen de la demande de Mme B..., lui a de nouveau refusé cette autorisation. Cependant, par une décision du 18 septembre 2019, le Conseil d'État a annulé l'arrêt du 13 octobre 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 12 janvier 2016 du tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté les demandes de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2013 et a annulé cette décision, pour méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Marseille du 25 juin 2013. Le 31 octobre 2019, en exécution de l'injonction dont était assortie la décision du Conseil d'État, la ministre des solidarités et de la santé a délivré à Mme B... l'autorisation d'exercer la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale ". Mme B... relève appel du jugement du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation de son préjudice financier, chiffré à 515 741 euros. Sur les conclusions indemnitaires : 2. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les illégalités des décisions ministérielles des 15 octobre 2009 et 5 novembre 2013, constatées par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 25 juin 2013, devenu définitif, et par une décision du Conseil d'État du 18 novembre 2019, sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État. La responsabilité de l'État s'étend sur la période courant du 15 octobre 2009, date du refus initial, au 31 octobre 2019, date de l'autorisation d'exercer la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale " délivrée en exécution de la décision du Conseil d'État. En ce qui concerne le préjudice financier : 3. Mme B... soutient qu'elle a subi du fait des décisions ministérielles illégales lui refusant l'autorisation d'exercer la profession de médecin dans la spécialité " médecine générale " un préjudice financier lié à la perte de ses revenus professionnels sur la période du 15 octobre 2009 au 31 octobre 2019. 4. Mme B... a présenté en février 2006 une symptomatologie dépressive sévère évoquant un syndrome d'épuisement psychique et physique. Elle a ainsi été en arrêt de travail continu à partir du 12 septembre 2008 et a été placée rétroactivement en congé de longue maladie à compter de cette date puis en congé de longue durée jusqu'au terme de son contrat de praticien attaché associé intervenu le 1er juillet 2011. À cet égard, le rapport du 26 mars 2010 du comité médical réuni en vue de l'attribution d'un congé de longue durée relève qu'au jour de l'examen de Mme B..., il persiste un état dépressif majeur ne lui permettant pas de reprendre ses activités professionnelles. Malgré une amélioration de son état dépressif, M. C..., médecin psychiatre, atteste, le 9 mars 2012, de l'incapacité de Mme B... à reprendre le travail et que son état de santé justifie qu'elle soit mise en invalidité. Par une décision du 24 juin 2013, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier constatant qu'elle présentait à la date du 11 octobre 2011, une invalidité la rendant incapable d'exercer une quelconque activité, a déclaré qu'elle devait être classée dans la 2ème catégorie des assurés invalides avec service de la pension correspondante à compter de cette date. Mme B... a alors perçu à compter du 11 octobre 2011 une pension d'invalidité d'un montant brut annuel de 16 727,99 euros. Au titre de la période de 2011 à 2019, ses revenus ont été composés de sa pension d'invalidité et des indemnités journalières perçues. 5. Il résulte ainsi de l'instruction que du fait de son état de santé, l'intéressée était dans l'incapacité de reprendre une quelconque activité sur la période de 2009 à 2019. Dès lors, même si le ministre chargé de la santé lui avait accordé l'autorisation sollicitée, elle aurait été dans l'incapacité d'exercer la profession de médecin généraliste libéral ou de praticien hospitalier. La perte de revenus de Mme B... au cours de la période de 2009 à 2019 n'est, en conséquence, pas en lien avec les décisions litigieuses. Au demeurant, Mme B... calcule le montant de son préjudice financier sur la base de la grille de revenus perçus annuellement par les praticiens attachés en fonction de leur échelon. Or, les décisions ministérielles litigieuses n'avaient ni pour objet ni pour effet de lui refuser l'exercice de cette profession. Par suite, Mme B..., qui n'établit pas le lien de causalité entre l'illégalité fautive des décisions litigieuses de l'administration et le préjudice financier résultant de la perte de revenus, n'est pas fondée à être indemnisée à ce titre. 6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur l'indemnisation de son préjudice financier. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme B..., l'État n'étant pas la partie perdante à l'instance. DÉCIDE: Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de la santé et de la prévention. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, K. Beltrami Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21TL03894
CETATEXT000048452334
J_L_2023_11_00021TL04789
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452334.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 21TL04789, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
21TL04789
3ème chambre
plein contentieux
C
M. REY-BÈTHBÉDER
CABINET NORAY-ESPEIG AVOCATS
Mme Karine BELTRAMI
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée unipersonnelle Assurances Pilliot a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire n° 2020-32-173 émis à son encontre le 29 avril 2020 à la demande du centre communal d'action sociale du Sud Minervois pour le recouvrement de la somme de 805 001,82 euros correspondant au remboursement d'indemnités journalières et de rejeter les conclusions reconventionnelles de ce dernier tendant à ce qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 940 872,98 euros, assortie des intérêts de retard et de leur capitalisation, et la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi. Par un jugement n° 2002449 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 29 avril 2020 et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 13 mars 2023, le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois, représentée par Me Nora-Espeig, doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2021 ; 2°) de rejeter la demande de la société Assurances Pilliot ; 3°) de condamner la société Assurances Pilliot à lui rembourser les primes versées à hauteur de 635 950 euros ; 4°) de condamner cette société, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui verser une somme de 940 872,98 euros en réparation de son inexécution fautive et une indemnité de 10 000 euros en réparation de sa résistance fautive ; 5°) de mettre à la charge de la société Assurances Pilliot la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la fin de non-recevoir soulevée en première instance devait être accueillie par les premiers juges ; en effet, la société Assurances Pilliot ne pouvait contester le titre exécutoire litigieux sans mettre en œuvre au préalable la procédure de médiation prévue à l'article 23 des conditions générales du contrat d'assurance ; - la société Assurances Pilliot, qui a encaissé les primes d'assurances pour un montant de 254 380 euros annuels, était en réalité l'exécutant de la prestation d'assurance, objet du marché public en litige ; en qualité de mandataire de la société CBL Insurance Europe Dac, la société Assurances Pilliot doit répondre des défaillances de son mandant ; en tant que mandataire d'un groupement conjoint, elle s'est engagée financièrement pour le groupement ; - sur le terrain de la responsabilité contractuelle, du fait de l'inexécution fautive du contrat par la société Assurances Pilliot, il est en droit de réclamer une indemnité de 940 872,98 euros correspondant aux sommes dues au titre du contrat d'assurances souscrit et une indemnité de 10 000 euros compte tenu de la résistance fautive du contractant dès lors qu'il ressort du courriel du 6 février 2020 que la société Assurances Pilliot devait continuer à honorer les paiements. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2022, la société Assurances Pilliot, représentée par Me Delozière, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les conclusions de l'appelant tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 635 950 euros au titre du remboursement des primes d'assurance constituent des conclusions nouvelles irrecevables ; ces conclusions ne sont pas, en tout état de cause, fondées dès lors que cette demande de remboursement ne pouvait être formée qu'à l'encontre de l'assureur et non de son mandataire ; - l'appelant, qui n'a pas respecté la clause de conciliation préalable prévue à l'article 23 du contrat, était mal venu de soulever à son encontre devant les premiers juges la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de cette procédure préalable à la saisine du juge ; - elle était contractuellement désignée comme courtier et gestionnaire du contrat ; ainsi, seule la société CBL Insurance Europe est contractuellement débitrice de l'indemnité d'assurance à l'égard de l'assuré et elle ne saurait être considérée comme solidairement tenue de son paiement avec l'assureur à l'égard de l'assuré ; - elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat ; en sa qualité de mandataire, elle n'est pas débitrice de l'indemnité d'assurance qui repose exclusivement sur l'assureur ; elle n'a pas commis de faute dans l'exécution de son mandat et de sa gestion pour le compte de la société CBL Insurance. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des assurances ; - le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Beltrami, première conseillère, - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique, - et les observations de Me Santin, représentant le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois. Une note en délibéré a été présentée le 7 novembre 2023 pour le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois. Considérant ce qui suit : 1. Le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois a conclu, à effet du 1er janvier 2017 et pour une durée de trois ans, un marché public de service relatif à l'assurance des risques statutaires de ses personnels avec le groupement composé des sociétés Assurances Pilliot et CBL Insurance Europe Dac. Ces dernières l'ont informé, par courrier reçu le 3 octobre 2018, de leur décision de résilier le contrat au 31 décembre 2019. Le 25 octobre, le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois a refusé cette résiliation. Par courriers des 20 décembre 2018 et 11 février 2019, il a mis en demeure le groupement de reprendre les relations contractuelles. Par une ordonnance du 28 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier saisi par le centre intercommunal, a ordonné la poursuite provisoire des relations contractuelles et l'exécution des prestations dues à hauteur de 53 637,51 euros, sous astreinte de 500 euros par jour de retard une fois passé le délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance. Le 29 avril 2020, la trésorerie de Narbonne agglomération a émis, à la demande du centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois, un titre exécutoire n° 2020-32-173 à l'encontre de la société Assurances Pilliot, pour la somme de 805 001,82 euros correspondant au remboursement d'indemnités journalières pour la période de juillet 2017 à février 2020. Le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois relève appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 29 avril 2020 et a rejeté le surplus des demandes des parties. Il demande, en outre, que la société Assurances Pilliot soit condamnée à lui rembourser les primes versées à hauteur de 635 950 euros. Sur la fin de non-recevoir-opposée en défense : 2. Les conclusions tendant à la condamnation de la société Assurances Pilliot à lui rembourser les primes versées à hauteur de 635 950 euros, qui sont présentées pour la première fois en appel, constituent des conclusions nouvelles. Par suite et en tout état de cause, elles doivent être rejetées comme étant irrecevables. Sur les conclusions en annulation du titre exécutoire : 3. En premier lieu, la contestation d'un titre exécutoire émis sur la base d'un contrat n'a pas à être précédée des procédures de règlement amiable prévues par ce contrat. Par suite, le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa fin de non-recevoir tirée de ce que la demande de la société Assurances Pilliot était irrecevable faute d'avoir mis en œuvre, préalablement à la saisine du juge, la procédure de médiation prévue par l'article 23 du contrat. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code des assurances , dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. - L'intermédiation en assurance ou en réassurance est l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d'assurance ou de réassurance ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion. (...). Est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne qui, contre rémunération, exerce une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance (...) ". En vertu de l'article R. 511-2 du même code, l'activité d'intermédiation en assurance peut être assurée par un courtier d'assurances. Dans un marché public d'assurance, le courtier se trouve dans la position de mandataire de l'assureur. 5. Aux termes de l'article 45 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I. - Les groupements d'opérateurs économiques peuvent participer aux procédures de passation de marchés publics. Pour la présentation d'une candidature ou d'une offre, l'acheteur ne peut exiger que le groupement d'opérateurs économiques ait une forme juridique déterminée. Le groupement est conjoint lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement s'engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché public. Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché public. Les candidatures et les offres sont présentées soit par l'ensemble des membres du groupement, soit par un mandataire qui justifie des habilitations nécessaires pour représenter les autres membres du groupement. Un même opérateur économique ne peut pas être mandataire de plus d'un groupement pour un même marché public. (...) " 6. L'acte d'engagement du marché en litige stipule que " l'ensemble des membres du groupement s'engagent sur la base de l'offre de groupement " et concernant la répartition des prestations exécutées par les membres du groupement conjoint, la société Assurances Pilliot s'engage à réaliser une prestation de courtier et la société CBL Insurance Europe Dac une prestation d'assureur à hauteur de 100 %. Par ailleurs, dans la lettre de candidature et de désignation du mandataire par ses co-traitants, le candidat se présente comme un groupement d'entreprises conjoint et non pas solidaire, composé de la société Assurances Pilliot et de la compagnie CBL Insurance Europe Dac en charge, pour la première, de l'exécution des prestations de gestion de la police et des sinistres et, pour la seconde, de l'exécution des prestations d'assurance. De plus, la société Assurances Pilliot, désignée comme mandataire de ce groupement, se présente comme n'étant pas un mandataire solidaire. Enfin, le contrat d'assurances n° 17272GST11 garantissant les risques statutaires des agents souscrit par le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois à l'issue de la procédure de consultation, désigne la société CBL Insurance Europe Dac comme ayant la qualité d'assureur, la société Assurances Pilliot étant mentionnée en tant que courtier et gestionnaire du contrat. 7. Au vu de ces documents le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois ne pouvait ignorer que seule la société CBL Insurance Europe Dac était titulaire de la prestation d'assurance et avait la qualité d'assureur à son égard. En outre, en l'absence de solidarité contractuellement prévue entre les membres du groupement, la société Assurances Pilliot ne s'était pas engagée à garantir financièrement le souscripteur du contrat en cas de défaillance de l'assureur dans l'exécution de sa prestation d'assurance. Enfin, s'il résulte de l'instruction que la société Assurances Pilliot a, notamment, établi et signé le marché pour le compte de l'assureur, centralisé et recouvré les primes dues à l'assureur et le montant de l'indemnité due par cet assureur à l'assuré et résilié le marché pour le compte de l'assureur, ces prestations s'inscrivaient dans le cadre de l'exécution de sa propre prestation de gestion de la police et des sinistres. Par conséquent, la société Assurances Pilliot ne peut être considérée comme redevable de la somme de 805 001,82 euros mise à sa charge par le titre exécutoire émis le 29 avril 2020 au titre du paiement des indemnités d'assurances dues par l'assureur au centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois. 8. Il résulte de ce qui précède que le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 29 avril 2020 à l'encontre de la société Assurances Pilliot pour un montant de 805 001,85 euros. Sur les conclusions indemnitaires : 9. Le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois présente des conclusions indemnitaires sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société Assurances Pilliot du fait de son inexécution fautive du contrat d'assurance et lui réclame, en réparation, le versement d'une indemnité correspondant au montant de l'indemnité d'assurance due par l'assureur. Mais comme cela a déjà été exposé, en sa seule qualité de mandataire, la société Assurances Pilliot n'était pas débitrice de l'indemnité d'assurance sollicitée dont la charge reposait exclusivement sur l'assureur. Dès lors, l'établissement public appelant n'est pas fondé à rechercher sa responsabilité contractuelle au titre de l'inexécution de la prestation d'assurance qui ne se rattachait pas à sa mission contractuelle. 10. Si l'appelant se prévaut de la résistance fautive de la société Assurances Pilliot dès lors qu'aux termes du courriel du 6 février 2020, cette dernière devait continuer à honorer les paiements des indemnités d'assurance, il résulte au contraire de ce message que la Banque centrale d'Irlande avait ordonné à CBL Europe Insurance Dac de cesser immédiatement de payer les indemnités. De plus, il résulte de l'instruction que la société Assurances Pilliot avait reçu, le 13 décembre 2019, la directive de l'administrateur provisoire de la société CBL Insurance Europe Dac de n'effectuer aucun paiement à un titulaire d'une police de la compagnie. Dès lors et en tout état de cause, l'appelant n'est pas fondé à engager la responsabilité contractuelle de la société Assurances Pilliot au titre de sa résistance fautive à payer les indemnités d'assurances. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Assurances Pilliot, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE: Article 1er : La requête du centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois est rejetée. Article 2 : Le centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois versera à la société Assurances Pilliot une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Assurances Pilliot, au centre intercommunal d'action sociale du Sud Minervois. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, K. Beltrami Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au préfet de l'Aude, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21TL04789
CETATEXT000048452337
J_L_2023_11_00021TL04818
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452337.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 21TL04818, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
21TL04818
3ème chambre
plein contentieux
C
M. REY-BÈTHBÉDER
SCP DECOSTER - CORRET - DELOZIERE - LECLERCQ
Mme Karine BELTRAMI
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée unipersonnelle Assurances Pilliot a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire n° 2019-98-988 émis à son encontre le 31 décembre 2019 à la demande de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Clermont-L'Hérault pour la somme de 86 261,74 euros correspondant au remboursement d'indemnités journalières. Par un jugement n° 2001550 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 31 décembre 2019 à l'encontre de la société Assurances Pillliot. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier, représentés par Me Moreau, demandent : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2021 ; 2°) de rejeter la demande de la société Assurances Pilliot ; 3°) de mettre à la charge de la société Assurances Pilliot la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - eu égard à la formulation de l'acte d'engagement, le groupement des opérateurs économiques devait être considéré comme solidaire ; la société Assurances Pilliot, en tant que membre de ce groupement, pouvait être destinataire du titre contesté, non seulement en tant qu'interlocuteur unique du pouvoir adjudicataire mais aussi en tant que mandataire solidaire du second membre du groupement. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2022, la société Assurances Pilliot, représentée par Me Delozière, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des établissements publics requérants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - elle était contractuellement désignée comme courtier et gestionnaire du contrat ; seule la société CBL Insurance Europe est contractuellement débitrice de l'indemnité d'assurance à l'égard de l'assuré et elle ne saurait être considérée comme solidairement tenue de son paiement avec l'assureur à l'égard de l'assuré ; - la solidarité d'un groupement ne se présume pas ; l'acte d'engagement stipule que la nature du groupement était conjointe et non solidaire ; cette absence de solidarité résulte également de la lettre de candidature. Par une ordonnance du 19 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 févier 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des assurances ; - le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Beltrami, première conseillère, - et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier a conclu, à effet du 1er janvier 2017 et pour une durée de cinq ans, un marché public de service relatif à l'assurance des risques statutaires de ses personnels avec le groupement composé des sociétés Assurances Pilliot et CBL Insurance Europe Dac. Le 31 décembre 2019, la trésorerie de Clermont-L'Hérault a émis à la demande de l'établissement Léon Ronzier un titre exécutoire n° 2019-97-988, à l'encontre de la société Assurances Pilliot pour la somme de 76 261,74 euros correspondant au remboursement d'indemnités journalières pour la période allant jusqu'au 31 décembre 2018. Le centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier relèvent appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 31 décembre 2019. Sur les conclusions en annulation du titre exécutoire : 2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code des assurances du code des assurances, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. - L'intermédiation en assurance ou en réassurance est l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d'assurance ou de réassurance ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion. (...). Est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne qui, contre rémunération, exerce une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance (...) ". En vertu de l'article R. 511-2 du même code, l'activité d'intermédiation en assurance peut être assurée par un courtier d'assurances. Dans un marché public d'assurance, le courtier se trouve dans la position de mandataire de l'assureur. 3. Aux termes de l'article 45 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics susvisé : " I. - Les groupements d'opérateurs économiques peuvent participer aux procédures de passation de marchés publics. Pour la présentation d'une candidature ou d'une offre, l'acheteur ne peut exiger que le groupement d'opérateurs économiques ait une forme juridique déterminée. Le groupement est conjoint lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement s'engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché public. Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché public. Les candidatures et les offres sont présentées soit par l'ensemble des membres du groupement, soit par un mandataire qui justifie des habilitations nécessaires pour représenter les autres membres du groupement. Un même opérateur économique ne peut pas être mandataire de plus d'un groupement pour un même marché public. (...) " 6. L'acte d'engagement du marché en litige stipule que la société Assurances Pilliot, représentée par M. A..., et la société CBL Insurance, représentée par M. C... B..., s'engagent, en qualité de contractant, à exécuter les missions objet du présent marché, dans les conditions ci-après définies. La société Assurances Pilliot est désignée comme le mandataire du groupement conjoint non solidaire formé par les deux cocontractants et il est précisé par l'acte d'engagement que la société CBL Insurance a confié la gestion de ce contrat à son intermédiaire d'assurance M. A.... Si l'acte indique, à tort, dans la rubrique " désignation de l'intermédiaire d'assurance " que M. A... représentait la société CBL Insurance, cette indication erronée constitue une simple erreur de plume. Par ailleurs, dans la lettre de candidature et de désignation du mandataire par ses co-traitants, le candidat se présente comme un groupement d'entreprises conjoint et non pas solidaire, composé de la société Assurances Pilliot et de la compagnie CBL Insurance Europe Dac en charge, pour la première, de l'exécution des prestations de gestion de la police et des sinistres et, pour la seconde, de l'exécution des prestations d'assurance. De plus, la société Assurances Pilliot, désignée comme mandataire de ce groupement, se présente comme n'étant pas un mandataire solidaire. Enfin, le contrat d'assurances n° 17293GST34 garantissant les risques statutaires des agents souscrit par l'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes de Clermont-L'Hérault à l'issue de la procédure de consultation, désigne la société CBL Insurance Europe Dac comme ayant la qualité d'assureur, la société Assurances Pilliot étant mentionnée en tant que courtier et gestionnaire du contrat. 7. Au vu de ces pièces du marché ainsi que des stipulations du contrat d'assurances souscrit, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier ne pouvait ignorer que seule la société CBL Insurance Europe Dac était titulaire de la prestation d'assurance et avait la qualité d'assureur à son égard. En outre, en l'absence de solidarité contractuellement prévue entre les membres du groupement, la société Assurances Pilliot ne s'était pas engagée à garantir financièrement le souscripteur du contrat en cas de défaillance de l'assureur dans l'exécution de sa prestation d'assurance. Enfin, s'il résulte de l'instruction que la société Assurances Pilliot a, notamment, établi et signé le marché pour le compte de l'assureur, centralisé et recouvré le montant de l'indemnité due par cet assureur à l'assuré, résilié le marché pour le compte de l'assureur, ces prestations s'inscrivaient dans le cadre de l'exécution de sa propre prestation de gestion de la police et des sinistres. Par conséquent, la société Assurances Pilliot ne peut être considérée comme redevable de la somme de 86 261,74 euros mise à sa charge par le titre exécutoire émis le 31 décembre 2019 au titre du paiement des indemnités d'assurances dues par l'assureur à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Rozier. 8. Il résulte de ce qui précède que le centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 31 décembre 2019 à l'encontre de la société Assurances Pilliot pour un montant de 86 261,745 euros. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Assurances Pilliot, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier une somme de 750 euros, chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE: Article 1er : La requête du centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier est rejetée. Article 2 : Le centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier verseront chacun à la société Assurances Pilliot une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Assurances Pilliot, au centre intercommunal d'action sociale de Clermont-L'Hérault et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Ronzier. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, K. Beltrami Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21TL04818
CETATEXT000048452340
J_L_2023_11_00022TL00616
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452340.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL00616, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL00616
3ème chambre
plein contentieux
C
M. REY-BÈTHBÉDER
SELARL PLANTAVIN ET REINA
Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'enjoindre à la commune de Puissalicon de réaliser, sous astreinte, les travaux de réfection complète de la descente d'évacuation des eaux pluviales traversant sa propriété suivant les préconisations de l'expert judicaire et de remettre en état les sols après travaux afin de mettre fin à la présence d'humidité dans sa propriété. Par un jugement n° 1901019 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 18 février 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires enregistrés les 15 mars et 19 mai 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Cambon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) d'enjoindre à la commune de Puissalicon de réaliser les travaux de nature à assurer la bonne évacuation des eaux pluviales traversant sa propriété suivant les préconisations de l'expert désigné par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Béziers du 14 octobre 2016 et à remettre en état les sols dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Puissalicon une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa propriété est traversée par deux canalisations distinctes, l'une récente, qui figure sur le plan local d'urbanisme de la commune de Puissalicon et relève du réseau d'assainissement des eaux usées, de sorte qu'elle est étrangère aux débats, et l'autre, en pierre, extrêmement ancienne, qui remonte à la période d'édification du château et des maisons qui le ceinturent ; - cette dernière canalisation constitue un ouvrage public dès lors qu'elle sert d'exutoire aux eaux pluviales en provenance des ruelles et des toitures d'immeubles se trouvant en amont de sa propriété ; un important débit se déverse dans cette seconde canalisation lors de fortes pluies ce qui génère une humidité importante dans sa maison, en raison de sa vétusté et de son sous-dimensionnement. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 février et 21 avril 2023, la commune de Puissalicon, représentée par Me André-Cianfarani, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle ne saurait être tenue pour responsable des désordres subis par l'appelant dès lors que la canalisation en litige n'a pas le caractère d'ouvrage public en l'absence de raccordement au réseau d'évacuation des eaux pluviales de sorte que son entretien ne lui incombe pas ; - la canalisation en litige, qui ne figure pas sur le plan local d'urbanisme, correspond à l'assiette de la servitude réelle et perpétuelle instituée, par les deux actes authentiques de vente du 29 juin 2006 et du 5 juin 2014, sur le fonds servant de l'appelant cadastré section B n° 2236 au profit du fonds dominant cadastré section B n° 2235 portant sur deux canalisations situées dans la cave de la propriété de M. A..., l'une destinée à recueillir les eaux pluviales en provenance du fonds dominant, et l'autre destinée au passage des canalisations d'eau potable ; - selon ces deux mêmes actes authentiques, l'entretien de ces canalisations incombe au propriétaire du fonds dominant. Par une ordonnance du 21 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 23 mai 2023 à 12 heures. Par un courrier du 24 octobre 2023, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'injonction dès lors qu'elles n'ont pas été présentées en complément de conclusions indemnitaires. Une réponse à ce moyen d'ordre public, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 2 novembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme El Gani-Laclautre, - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique, - et les observations de Me Dech, représentant la commune de Puissalicon. Considérant ce qui suit : 1. M. A... est propriétaire d'une maison ancienne cadastrée section B n° 2236 à Puissalicon (Hérault) dont il a fait l'acquisition par un acte authentique du 5 juin 2014, mitoyenne d'une autre maison cadastrée section B n° 2235. En raison de la déclivité des terrains d'emprise, la maison de M. A... est située en contrebas de cette propriété. À la suite d'un important orage survenu le 31 août 2015, à l'origine d'infiltrations et d'une forte humidité dans les murs de son habitation, l'expert désigné par son assureur a découvert l'existence d'un puisard et d'une canalisation destinée à la collecte des eaux pluviales. Estimant que la présence de ces ouvrages hydrauliques lui avait été cachée lors de la vente par le vendeur et par l'agence immobilière, M. A... a, après l'échec d'une phase amiable, obtenu la désignation d'un expert par une ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Béziers du 14 octobre 2016. Par une ordonnance de référé de ce même tribunal du 7 juillet 2017, les opérations d'expertise ont été étendues à la commune de Puissalicon et aux propriétaires de la parcelle cadastrée section B n° 2235. M. A... relève appel du jugement du 20 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder aux travaux de réfection du réseau d'eaux pluviales qui traverse sa propriété pour mettre fin à la présence d'humidité dans sa maison suivant les préconisations de l'expert judiciaire. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel. 3. La qualification d'ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère d'ouvrage public notamment les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui sont directement affectés à un service public y compris s'ils appartiennent à une personne privée. 4. Il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport de l'expertise judiciaire diligentée entre les parties par le tribunal de grande instance de Béziers, qui a, en tout état de cause, été communiqué aux parties dans le cadre de la procédure, lesquelles ont pu, dès lors, en débattre contradictoirement, que la propriété de M. A..., cadastrée section B n° 2236, implantée en contrebas de la rue du château, comporte un puisard ainsi qu'une canalisation d'eaux pluviales très ancienne, construite sous la forme d'un ouvrage maçonné en pierre, composé d'une chute verticale dotée d'une section de 20 cm par 20 cm qui se poursuit par une canalisation horizontale traversant sa propriété dotée d'une section de 15 cm par 8 à 10 cm qui se déverse dans la rue de la Barbacane au moyen d'un exutoire en pierre situé sous la porte d'entrée. Il résulte également de l'instruction qu'en cas d'épisodes orageux, cet ouvrage hydraulique, qui est doté d'une section insuffisante pour recueillir le débit d'eaux pluviales s'y déversant, est mis en charge sur sa partie verticale, ce qui provoque des infiltrations et la présence d'humidité dans la maison de l'appelant en raison du défaut d'étanchéité de la descente. 5. Il est constant, ainsi que cela résulte des mentions contenues dans les actes authentiques de vente successifs de la parcelle cadastrée section B n° 2236 en date du 29 juin 2006 et du 5 juin 2014, que la maison de M. A... est grevée de deux servitudes réelles perpétuelles au profit du fonds cadastré section B n° 2235 portant respectivement sur le passage et l'entretien, à la charge du fonds dominant, d'une part, de canalisations d'eau potable chaude et froide et, d'autre part, d'une canalisation en polychlorure de vinyle destinée au recueil des eaux pluviales en provenance de ce fonds, en particulier de sa toiture. Toutefois, contrairement à ce que soutient la commune de Puissalicon, ces canalisations ne se confondent pas avec l'ouvrage hydraulique maçonné mentionné au point précédent tandis que la circonstance que ce dernier ne soit pas mentionné sur les documents d'urbanisme de la commune n'est pas de nature à lui retirer, par principe, le caractère d'ouvrage public eu égard au principe rappelé au point 3. 6. Or, il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise précité ainsi que par le rapport technique de la société Visiotarn, laquelle a pratiqué un test d'écoulement d'eau teintée de fluorescéine et procédé à une inspection visuelle par passage de caméra, que la canalisation maçonnée en pierre en litige, qui traverse à la verticale puis à l'horizontale la propriété de M. A... et se trouve obstruée par des pierres, sert, au moins pour partie, à l'écoulement des eaux de pluie, lesquelles y sont recueillies à partir d'un avaloir doté d'une grille métallique situé dans l'impasse donnant sur la rue du Château et se déversent rue de la Barbacane au moyen d'un exutoire en pierre implanté sous la porte d'entrée de sa maison. Il résulte également de l'instruction que la canalisation maçonnée en litige est obstruée par des pierres et qu'elle est sous-dimensionnée pour recueillir le débit d'eau du bassin versant. 7. Dès lors que cette canalisation maçonnée en pierre, son avaloir et son exécutoire, sont destinés à l'écoulement, au moins pour partie, des eaux pluviales en provenance des ruelles en contrebas desquelles est implantée la maison de M. A... et qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas davantage démontré que ces ruelles ne relèveraient pas du domaine public de la commune de Puissalicon, M. A..., qui a la qualité de tiers par rapport à ces ouvrages dont le dysfonctionnement occasionne des infiltrations à répétition dans sa propriété revêtant, en l'espèce, un caractère accidentel, est fondé à engager la responsabilité de la commune de Puissalicon, alors même qu'elle ne serait pas propriétaire de cet ouvrage hydraulique, lequel doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme ayant une utilité publique. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que la responsabilité de la commune de Puissalicon n'était pas engagée. 8. Le juge administratif ne peut être saisi, dans le cadre d'une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu'en complément de conclusions indemnitaires. 9. En demandant au tribunal d'engager la responsabilité de la commune de Puissalicon en raison du caractère défectueux de la canalisation d'eaux pluviales qui traverse sa propriété et en lui demandant d'ordonner à cette commune de réaliser les travaux de réfection de cet ouvrage hydraulique et de remise en état de sa propriété, M. A... doit être regardé comme ayant formulé des conclusions principales de plein contentieux tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Puissalicon de réaliser des travaux de remise en état des ouvrages en litige, lesquelles ne sont, en application du principe rappelé au point précédent, recevables que si elles sont formulées en complément de conclusions indemnitaires . 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Puissalicon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par la commune de Puissalicon, au même titre. DÉCIDE: Article 1 : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Puissalicon présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Puissalicon. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. LanouxLa République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL00616
CETATEXT000048452343
J_L_2023_11_00022TL20711
CETAT
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Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL20711, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL20711
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. REY-BÈTHBÉDER
SCHOEGJE
Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A..., veuve C..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 13 mai 2019 par laquelle le président du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle. Par un jugement n° 1903942 du 27 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er mars et 21 septembre 2022, Mme C..., représentée en dernier lieu par Me Schoegje, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler la décision du 13 mai 2019 par laquelle le président du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle ; 3°) d'enjoindre au syndicat mixte de lui octroyer la protection fonctionnelle dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte qu'il appartiendra à la cour de définir ; 4°) de mettre à la charge du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas la signature des membres de la formation de jugement ni celle du greffier d'audience ; - il est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'une dénaturation des pièces du dossier ; - il méconnaît l'office du juge et la charge de la preuve en matière de harcèlement moral ; - il est entaché d'une erreur de droit tirée d'une confusion entre le département du Tarn et le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte, lequel constitue un établissement public distinct du département doté de la personnalité morale quand bien même il serait présidé par la même personne de sorte que c'est à tort que le tribunal a regardé le directeur général des services du département du Tarn comme pouvant exercer un pouvoir hiérarchique sur le personnel de ce syndicat ; - il méconnaît l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires en ce qu'il subordonne la caractérisation d'une situation de harcèlement moral à l'imputabilité des faits à une personne déterminée alors que ces dispositions n'envisagent que la victime de tels agissements et non leur source ; - la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle méconnaît les articles 6 quinquies et 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - elle est entachée d'inexactitude matérielle quant aux agissements constitutifs de harcèlement dont elle a fait l'objet, révélés par la perte de ses responsabilités, elle-même à l'origine d'une perte d'efficacité dans son travail et d'un alourdissement de sa charge de travail sans disposer des moyens nécessaires pour accomplir ses missions, par les remarques désobligeantes du directeur général des services du département du Tarn à son endroit et par l'envoi de convocations injustifiées de dernière minute dépourvues d'utilité. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2022, le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte, représenté par Me Lecarpentier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est régulier ; - les autres moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés. Un mémoire produit pour le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte a été enregistré le 4 janvier 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 28 septembre 2022, à 12 heures, par une ordonnance du 28 juillet 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme El Gani-Laclautre ; - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ; - les observations de Me Schoegje, représentant Mme C..., et de Me Lecarpentier, représentant le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte. Une note en délibéré a été présentée le 9 novembre 2023 pour Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., attachée territoriale principale, a été recrutée, par voie de mutation, en qualité de directrice générale des services du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte (Tarn), le 16 mars 2016. Le 13 février 2019, l'intéressée a été victime d'un malaise au cours d'une réunion sur son lieu de travail dont elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service au titre d'un accident de service. S'estimant victime de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions, l'intéressée a, par une lettre du 1er avril 2019, notifiée à ce syndicat, le 2 avril suivant, sollicité le bénéfice de la protection instituée par les dispositions de l'article 11 de la loi 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Par une décision du 13 mai 2019, le président du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte a rejeté sa demande. Mme C... relève appel du jugement du 27 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaquée est revêtue de la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et de la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait et doit donc être écarté. 3. En deuxième lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient tenus ni de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la demande ni de mentionner l'ensemble des documents produits à l'appui de celle-ci, ont suffisamment répondu, aux points 4 à 16, aux moyens soulevés par Mme C.... Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point. 4. En troisième et dernier lieu, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme C... ne peut utilement soutenir que le tribunal aurait dénaturé les pièces du dossier, entaché son jugement d'irrégularité en méconnaissant l'office du juge et la charge de la preuve en matière de harcèlement moral, commis une erreur de droit tirée de la confusion entre le département du Tarn et le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte et, enfin, méconnu les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction alors applicable à la date de la décision refusant d'octroyer à Mme C... le bénéfice de la protection fonctionnelle : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- À raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) / IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". 6. Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances. 7. Si la protection résultant du principe rappelé au point précédent n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 8. Des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre à l'agent public qui en est l'objet d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. 9. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 10. Pour faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral de nature à ouvrir droit à la protection instituée par les dispositions alors en vigueur de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, Mme C... soutient que le directeur général des services du département du Tarn, qui ne dispose d'aucune autorité hiérarchique sur les services du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte, a fait preuve d'une immixtion systématique dans le fonctionnement de cet établissement public, qu'il n'a eu de cesse de la convoquer à des réunions en urgence sans fournir d'explication quant à leur objet. Elle indique, en outre, avoir été destinataire de commandes urgentes sur des éléments déjà évoqués lors de réunions précédentes tandis que, dans le même temps, lui étaient adressées des commandes importantes et inutiles car le président du conseil départemental du Tarn, son cabinet et le directeur général des services de ce département n'avaient pas travaillé sur ces questions. Elle soutient, enfin, avoir été privée de moyens humains pour assurer le bon fonctionnement du syndicat et avoir fait l'objet de procédures de vérifications juridiques supplémentaires injustifiées de la part des services du département alors que la présidence de l'établissement était erratique et ne respectait pas les décisions votées par le conseil syndical. Selon l'intéressée, le président du syndicat mixte, par ailleurs président du conseil départemental du Tarn, et le directeur général des services de ce département ont commis des agissements répétés de nature à dégrader ses conditions de travail et à avoir des effets sur son état de santé en lui imposant une charge de travail supplémentaire indue alors même que l'établissement faisait l'objet d'une lourde réorganisation sur le plan de son fonctionnement, du personnel et des procédures internes, que sa manière de servir a toujours donné satisfaction et qu'elle a pris en charge de nombreux chantiers de réorganisation de ce syndicat dans un contexte complexe de menaces de mort et de licenciements d'agents se plaçant en opposition de principe. 11. Il est constant que c'est de manière erronée que les premiers juges ont estimé que le directeur général des services du département du Tarn exerçait une autorité hiérarchique sur l'appelante alors que le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte constitue un établissement public distinct. Toutefois, par les seuls éléments mentionnés au point précédent, Mme C..., qui occupe un emploi de directrice générale des services d'un syndicat mixte, lequel se trouvait déjà dans une situation administrative et financière délicate lors de sa prise de fonctions, n'apporte pas d'éléments, ainsi que cela lui incombe, susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. En effet, s'il est constant que les éléments mentionnés au point précédent traduisent un contexte professionnel délicat, ils ne permettent pas, notamment en l'absence d'emploi de termes dégradants à l'endroit de l'appelante ou de la caractérisation de comportements inappropriés précis et circonstanciés à son égard, de faire présumer l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. À l'inverse, il ressort des pièces du dossier que l'appelante a rencontré des difficultés d'ordre personnel de nature à la fragiliser sur le plan professionnel et qu'elle a été confrontée au décès brutal de l'ancien président de ce syndicat mixte. Eu égard à son appartenance à l'encadrement supérieur du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte et à son positionnement hiérarchique dans un contexte financier et administratif difficile, les éléments invoqués par Mme C... ne peuvent être regardés comme excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors, le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte n'a ni fait une inexacte application de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ni entaché sa décision d'inexactitude matérielle des faits en refusant d'accorder à Mme C... la protection instituée par ces dispositions. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2019 par laquelle le président du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle. Sur les conclusions à fin d'injonction : 13. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des demandes de Mme C... par le tribunal administratif, n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'appelante doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros à verser au syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE: Article 1 : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Mme C... versera au syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., veuve C..., et au syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL20711
CETATEXT000048452345
J_L_2023_11_00022TL20886
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452345.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL20886, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL20886
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. REY-BÈTHBÉDER
GOUTAL ALIBERT & Associés
M. Pierre BENTOLILA
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux demandes distinctes, l'annulation, d'une part, des arrêtés des 6 mai et 17 juin 2019 par lesquels le maire de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de faits survenus les 16 et 17 avril 2014, et, d'autre part, de l'avis défavorable de la commission de réforme du 19 avril 2019. Par un jugement n°s 1902751-1903629 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a constaté l'existence d'un non-lieu à statuer sur ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 6 mai 2019 et a rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er et 12 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Hirtzlin-Pinçon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 17 juin 2019 ; 2°) l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2019 par laquelle le maire de Toulouse a refusé de reconnaître le caractère d'accident de service aux faits s'étant produits les 16 et 17 avril 2014; 3°) d'enjoindre au maire de Toulouse de prendre une nouvelle décision dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 2 500 euros hors taxes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il n'est pas justifié de la délégation de signature accordée à l'auteur de la décision attaquée ; - la décision du 17 juin 2019 n'est pas motivée ; - les premiers juges ont confondu les notions de maladie professionnelle et d'accident de service ; en l'espèce, elle a été victime d'un accident de service, du fait d'une agression subie le 16 avril 2014, s'inscrivant dans le cadre d'un harcèlement, dont la conséquence a été un malaise cardiovasculaire attesté par des certificats médicaux ; - la commune n'a pas diligenté d'enquête interne, la procédure administrative relative à l'agression dont elle a été victime, s'étant semble-t-il perdue ; - la commune devait, ainsi que le prévoit l'article 11 de la loi 13 juillet 1983, la protéger de l'agression dont elle a été victime dans le cadre de son action syndicale ; l'article 6 quater de cette loi a ainsi prévu la mise en place d'un dispositif de signalement et d'ailleurs une " procédure agression " a été mise en place par la charte de la commune de Toulouse ; -l'activité syndicale est liée au travail et elle n'avait aucun lien d'amitié avec l'agent qui a commis une agression à son encontre ; le lien exclusif de l'agression avec le service est donc établi ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, des propos acerbes peuvent caractériser une agression, laquelle doit être regardée comme établie ; - la réalité de l'agression qu'elle a subie, n'est remise en cause ni par la commune ni par M. C..., lequel s'est rendu l'auteur de harcèlement moral à son encontre ; - le lien avec le service est donc établi, alors qu'elle a été victime de faits de discrimination syndicale signalés à de nombreuses reprises, sans réponse de la collectivité à cet égard. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2023, la commune de Toulouse, représentée par Me Aveline, conclut au rejet de la requête de Mme B... et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Bentolila, président-assesseur, - les conclusions de Mme Perrin rapporteure publique - et les observations de Me Hirtzlin-Pinçon représentant Mme B... et celles de Me Aveline, représentant la commune de Toulouse. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., animatrice territoriale, a été affectée en septembre 2009 à l'office de la tranquillité de la commune de Toulouse pour y exercer la fonction de régulatrice. Elle était par ailleurs représentante du personnel au titre du syndicat Force Ouvrière. Mme B... a demandé à la commune de Toulouse la reconnaissance de l'imputabilité au service des faits constitués par son altercation avec M. C..., survenue le 16 avril 2014, et par le message adressé par ce dernier par courriel du 17 avril 2014 aux agents de l'office de la tranquillité. Le 19 avril 2019, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la reconnaissance d'un accident de service et le maire de Toulouse, par un arrêté du 6 mai 2019, a refusé de reconnaître cette imputabilité au service. Par un arrêté du 17 juin 2019 le maire a retiré cet arrêté et a pris une nouvelle décision de refus de reconnaissance d'un accident de service. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation des décisions des 6 mai et 17 juin 2019, ainsi que de l'avis du 19 avril 2019 de la commission de réforme. 2. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 1er février 2022 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2019 du maire de Toulouse portant refus de reconnaissance d'un accident de service. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, entrée en vigueur le 21 janvier 2017 : " (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions (...)". 4. Les droits des agents publics en matière d'accident de service sont réputés constitués à la date à laquelle les faits invoqués au titre d'un accident sont survenus, soit en l'espèce les 16 et 17 avril 2014. Dès lors, les dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne sont pas applicables en l'espèce et seules se trouvent applicables les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. 5. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 6. En premier lieu, l'arrêté du 17 juin 2019 refusant d'admettre l'imputabilité au service des faits des 16 et 17 avril 2014 a été signé par M. de Lagoutine, conseiller municipal délégué, lequel a reçu, par arrêté du 8 juillet 2015, délégation permanente du maire de Toulouse à l'effet de signer notamment les décisions concernant le personnel de la collectivité, cet arrêté mentionnant qu'il a été publié par affichage en mairie le 9 juillet 2015. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté. 7. En deuxième lieu, si l'appelante soutient que l'arrêté du 17 juin 2019 serait insuffisamment motivé, ce dernier vise les textes dont il fait application ainsi que l'avis de la commission de réforme du 19 avril 2019. De plus, il mentionne la demande de reconnaissance d'un accident de service présentée par Mme B... et les motifs de cette demande et comporte le détail des échanges verbaux et par courriels intervenus les 16 et 17 avril 2014 entre les deux agents. Par suite et comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, cet arrêté doit être regardé comme suffisamment motivé. 8. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe se rapportant aux droits de la défense n'imposait à la commune d'organiser une enquête interne sur les faits pour lesquels elle fait valoir qu'elle aurait été victime d'un accident de service. Au demeurant, la commune par l'instruction de la demande d'accident de service présentée par Mme B..., notamment par le rapport très détaillé établi le 4 avril 2018 par l'élu chargé des ressources humaines à l'adresse des membres de la commission de réforme peut être regardée comme ayant en réalité diligenté une telle enquête interne. 9. En quatrième lieu, si l'appelante soutient que la commune de Toulouse ne lui a pas accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement de l'article 11 de la loi 13 juillet 1983, elle n'a pas sollicité le bénéfice d'une telle protection, de sorte que ce moyen ne peut qu'être écarté. 10. En cinquième lieu, tout d'abord, les faits allégués par Mme B... à raison de l'altercation qui aurait été la sienne avec M. C... son superviseur, puis du message adressé par ce dernier à l'ensemble des agents de l'office de la tranquillité, se rapportent à la situation du service, même s'ils ont trait également à des sujets d'ordre syndical. Ces faits sont donc susceptibles d'être qualifiés d'accidents de service. Si certains des faits, qui se seraient produits lors d'une altercation le 16 avril 2014, sont, dans les termes qui sont rapportés par Mme B..., d'une violence verbale excédant les relations entre collègues et l'exercice du pouvoir hiérarchique, ils ne sont pas établis par les pièces du dossier. Par ailleurs, pour ce qui est du courriel du 17 avril 2014 adressé par M. C... à l'ensemble des agents de l'Office de la tranquillité, il se présente comme une interrogation doublée d'une remise en cause de la légitimité de Mme B... à représenter l'organisation syndicale dont elle se dit être la représentante. Il ne peut pour autant être regardé comme caractérisant un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. Dès lors, en refusant de regarder comme imputables au service les évènements survenus les 16 et 17 avril 2014, la commune de Toulouse n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2019 du maire de Toulouse portant refus de reconnaissance d'un accident de service. Sur les conclusions en injonction et les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Compte tenu du rejet des conclusions en annulation présentées par Mme B..., ses conclusions en injonction et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. 13. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Toulouse et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Mme B... versera la somme de 1 500 euros à la commune de Toulouse. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Toulouse. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, P. Bentolila Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière C. Lanoux La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL20886 2
CETATEXT000048452347
J_L_2023_11_00022TL20949
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452347.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL20949, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL20949
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. REY-BÈTHBÉDER
ARMAND
Mme Karine BELTRAMI
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, la décision implicite née le 3 octobre 2019 par laquelle la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, d'autre part, l'arrêté du 24 août 2021 par lequel cette préfète a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2102721, 2103029 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de refus et a annulé l'arrêté du 24 août 2021. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 avril 2022, un mémoire complémentaire, enregistré le 1er septembre 2022 et des pièces complémentaires, enregistrées le 13 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Armand, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 25 février 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de refus du 3 octobre 2019 ; 2°) d'annuler la décision implicite de refus du 3 octobre 2019 ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - la décision attaquée est insuffisamment motivée ; - la procédure contradictoire n'a pas été respectée préalablement à l'adoption de cette décision ; - elle est entachée d'une erreur de droit en refusant d'appliquer les dispositions des articles 150 et 151 du nouveau code malien des personnes et de la famille ; - elle est entachée d'erreur de fait s'agissant des documents d'état civil censés présenter de nombreuses anomalies et irrégularités ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ; - elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'un détournement de pouvoir ou de procédure. Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juillet 2022 et le 18 janvier 2023, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que la requête est irrecevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par une décision du 9 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu le rapport de Mme Beltrami, première conseillère, au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante malienne, déclare être entrée en France en avril 2016, à l'âge de 15 ans. Le 3 juin 2019, elle a sollicité la délivrance, auprès des services de la préfecture du Gard, d'un titre de séjour. En l'absence de réponse de la préfète du Gard, une décision implicite de refus de délivrance d'une carte de séjour est née le 3 octobre 2019 de cette demande. À la demande de la préfète, Mme B... a réactualisé sa demande le 25 février 2021. Par arrêté en date du 24 août 2021, la préfète a toutefois expressément refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a prononcé une mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 25 février 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet du 3 octobre 2019. Sur la recevabilité de la requête : 2. Aux termes de l'article R* 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 de ce code, alors en vigueur : " La décision implicite mentionnée à l'article R.* 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ". Il résulte des dispositions combinées de ces articles que le silence gardé par l'administration au terme d'un délai de quatre mois sur les demandes de titre de séjour vaut décision implicite de rejet. 3. Lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première. 4. Les conclusions de la demande dirigée contre la décision implicite de rejet née le 3 octobre 2019 du silence gardé par l'administration pendant quatre mois, présentée par Mme B... devant les premiers juges le 19 août 2021, devaient être regardées comme dirigées contre la décision expresse de rejet de la préfète du Gard du 24 août 2021 qui s'y est substituée. Dans ces conditions, Mme B... est dépourvue d'un intérêt à contester par la voie de l'appel la décision implicite de rejet du 3 octobre 2019. Par suite, sa requête doit être rejetée comme étant irrecevable. 5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Dès lors, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE: Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Gard. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, K. Beltrami Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL20949
CETATEXT000048452349
J_L_2023_11_00022TL21094
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452349.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL21094, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL21094
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. REY-BÈTHBÉDER
BAUTES GEORGIA
Mme Karine BELTRAMI
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans. Par un jugement n° 2200921 du 29 mars 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022 et des pièces complémentaires, enregistrées le 17 août 2022, M. C..., représenté par Me Bautes, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes du 29 mars 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 25 mars 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, si besoin sous astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle est insuffisamment motivée ; - la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la menace grave à l'ordre public n'est pas établie ; cette menace ne peut pas résulter de la seule inscription de son nom dans le fichier des personnes recherchées et dans le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour de l'étranger et du droit d'asile dès lors qu'il apporte la preuve de sa communauté de vie depuis 2019 avec Mme B... ; - elle est entachée d'une erreur de fait s'agissant de sa présence en Syrie en juillet 2012 ; - elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - en ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, elle est insuffisamment motivée ; - elle est dépourvue de base légale ; - elle présente un caractère disproportionné ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par une ordonnance du 13 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 juillet 2023 à 12 heures. Par une décision du 16 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu le rapport de Mme Beltrami, première conseillère, au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., de nationalité algérienne, né le 29 avril 1990, a fait l'objet d'un arrêté du 25 mars 2022 du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, avec interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et fixant l'Algérie comme pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". 4. En application de l'article 95 de loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " Aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de la personnalité de cette personne. Aucune autre décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ou l'affectant de manière significative ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à prévoir ou à évaluer certains aspects personnels relatifs à la personne concernée. (...) ". Ainsi, pour établir l'atteinte à l'ordre public qui constitue le motif de l'obligation de quitter le territoire français adoptée en vertu du 5° de l'article L. 611-1 précité, l'administration ne peut se fonder sur les seules données recueillies dans un fichier automatisé. Ces données peuvent toutefois constituer un des éléments de son appréciation. 5. Pour considérer que le comportement de M. C... constituait du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, le préfet s'est fondé sur son placement en garde à vue pour des faits de " faux et usage de faux " et sur son inscription au fichier des personnes recherchées au motif de son départ pour la Syrie en juillet 2012 pour combattre dans les rangs d'une organisation terroriste islamiste internationale susceptible de se déplacer en France ou à l'étranger et de son implication dans des actes susceptibles de troubler gravement l'ordre public. 6. Les faits de faux et d'usage de faux pour lesquels M. C... a été placé en garde à vue, n'ont cependant pas été établis par l'enquête de flagrance puisqu'ils ont donné lieu à un classement sans suite pour absence d'infraction. Il ressort d'ailleurs de l'enquête de flagrance que le brigadier de la police aux frontières de Sète a attesté aux enquêteurs de l'authenticité du passeport algérien présenté par le gardé à vue. S'agissant de l'interpellation sur le quai des chantiers à Agde, le 10 décembre 2021, d'un individu ayant remis un passeport italien paraissant être un faux au nom de Ritcini Adam et ayant pris la fuite, la main courante déposée par les agents de police ne permet cependant pas d'attester, avec certitude, que l'identité de cet individu serait celle de M. C.... D'ailleurs, ces faits n'ont donné lieu à aucune poursuite judiciaire. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelant ait fait l'objet d'une quelconque condamnation pénale à la date de la décision attaquée. 7. Cependant, le préfet se fonde également sur les motifs contenus dans les fiches de recherche dont M. C... fait l'objet. L'appelant, qui conteste s'être rendu en juillet 2012 en Syrie, produit lui-même une attestation de l'ambassade de Turquie en Algérie indiquant qu'il a bénéficié d'un visa d'entrée en Turquie délivré le 9 juillet 2012 et que son entrée sur le territoire turc a été enregistré le 26 juillet 2012. Ces faits accréditent les informations contenues dans la fiche de renseignement en ce qui concerne son entrée en Syrie en juillet 2012 après avoir transité par la Turquie. Dans les circonstances de l'espèce, l'inscription de l'appelant dans le fichier des personnes recherchées permet de caractériser la gravité et l'actualité de la menace à l'ordre public que faisait encourir le comportement de M. C... à la date de la décision attaquée. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés. 8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, le dossier de demande de délivrance d'un titre de séjour n'était pas complet. Dès lors, l'administration ne peut être regardée comme étant, à cette date, saisie d'une demande de certificat de résidence. De plus, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent pas être invoquées par un ressortissant algérien dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée au regard des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté. 9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 10. À la date de la décision attaquée, M. C..., âgé de 32 ans, résidait irrégulièrement sur le territoire français. En outre, il est constant qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet des Bouches-du-Rhône le 17 janvier 2014. Par ailleurs, s'il a épousé le 4 octobre 2021 une ressortissante française, il ne justifie pas par les pièces qu'il produit de la stabilité et de l'ancienneté de la communauté de vie. De plus, il fait état de l'état de santé de son épouse qui requiert au quotidien un aidant familial pour les activités courantes de la vie. Toutefois, le certificat médical sur lequel repose ce diagnostic est postérieur à la décision attaquée. Quant au certificat médical du 4 novembre 2020, il ne concerne pas l'épouse de l'appelant. Enfin, il ressort des déclarations de l'appelant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où ses parents y résident. Quant à son intégration en France, l'appelant ne justifie ni de son insertion professionnelle ni de compétences ou de formations en lien avec un projet professionnel. Compte tenu de l'ensemble de ses éléments, et en particulier, du caractère récent de son mariage, le préfet de l'Hérault n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour pour une durée de trois ans : 11. En premier lieu, l'appelant n'établissant pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français serait privée de sa base légale. 12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L.612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 13. Pour interdire à M. C... de revenir sur le territoire français et fixer à trois ans la durée de cette interdiction, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise le même jour à l'encontre de l'intéressé. Cette décision précise les éléments de droit sur lesquels elle se fonde en rappelant le contenu des dispositions de l'article L. 612-6 précité, et le fait que l'intéressé, qui déclare être arrivé en France pour la dernière fois le 16 mars 2022, se maintient en situation irrégulière malgré une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécuté, ne justifie pas avoir établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France et que son comportement représente une menace à l'ordre public. Dans ces conditions, la motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans prononcée à l'encontre de M. C... atteste de la prise en compte par le préfet de l'Hérault de l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté. 15. En dernier lieu, M. C... dont le mariage avec une ressortissante française présentait un caractère récent, ne justifie pas de l'ancienneté et de la stabilité de la communauté de vie avec son épouse. Par ailleurs, il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et, pour les motifs exposés au point 7, son comportement représentait une menace grave et actuelle à l'ordre public. Dans ces conditions, l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans prononcée à l'encontre de l'appelant, n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation et ne présente pas un caractère disproportionné. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 mars 2022. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE: Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme Beltrami, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, K. Beltrami Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL21094
CETATEXT000048452351
J_L_2023_11_00022TL21124
CETAT
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Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL21124, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL21124
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. REY-BÈTHBÉDER
DUGUET JOSE
Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise le 24 septembre 2018 par la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne pour un montant de 16 500 euros, incluant 1 500 euros de majoration, en vue du recouvrement de la contribution spéciale, prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, mise à sa charge pour un montant de 15 000 euros par une décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 avril 2017 et, d'autre part, de le décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement n° 1903647 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 9 mai et 8 juillet 2022 et le 31 mars 2023, M. A..., représenté par Me Duguet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise le 24 septembre 2018 par la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne, pour un montant de 16 500 euros, incluant 1 500 euros de majoration, en vue du recouvrement de la contribution spéciale mise à sa charge par une décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 avril 2017 ; 3°) de le décharger de l'obligation de payer cette somme ; 4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne n'est pas fondée à soutenir qu'il n'a pas contesté le titre exécutoire émis le 12 juin 2017 dans le délai de deux mois suivant sa notification alors qu'il n'a jamais reçu la notification de ce titre tandis que la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 avril 2017 ne lui a pas été notifiée ; - conformément aux dispositions de l'article 118 du décret n° 2012-1346 du 7 novembre 2012, il a, avant de saisir le tribunal, contesté la mise en demeure de payer par une lettre du 25 octobre 2018, reçue le 29 octobre suivant, dont la direction régionale des finances publiques d'Occitanie a accusé réception le 14 novembre 2018 ; - dès lors que M. D... C... n'a pas été employé en qualité de salarié mais en qualité de simple stagiaire du 9 au 19 février 2016 et qu'il disposait de la nationalité française, il n'était tenu ni d'effectuer une déclaration préalable à l'embauche ni de respecter la législation relative à l'emploi de travailleurs étrangers, en particulier l'article L. 8253-1 du code du travail, contrairement à ses deux autres salariés de nationalité étrangère qui disposent d'un titre de séjour et d'une autorisation de travail ; - c'est à tort que le tribunal a jugé que la convention de stage de M. C... était constitutive d'un faux et qu'il lui appartenait de solliciter les services préfectoraux en vue de vérifier l'authenticité du document d'identité produit par ce stagiaire alors que ce dernier disposait d'une carte nationale d'identité française et d'une convention de stage dont aucun élément particulier ne permettait de douter de l'authenticité ; - c'est également à tort que le tribunal a exigé qu'il établisse l'inexistence d'une relation salariale avec l'intéressé ; - les infractions pénales qui lui sont reprochées ont été classées sans suite par le procureur de la République le 28 avril 2016 au motif qu'elles sont insuffisamment caractérisées. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2022, le directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la mise en demeure de payer en litige a été régulièrement notifiée à son destinataire ; - l'administration est fondée à poursuivre le recouvrement des créances dues à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il n'a pas à apporter la preuve du caractère intentionnel de l'infraction, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail étant constituée du seul fait de l'emploi d'un travailleur étranger démuni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français ; - l'employeur ne peut se prévaloir de sa bonne foi qu'à la double condition d'avoir procédé aux vérifications qui lui incombaient et de ne pas avoir été en mesure de déceler la fraude commise par son salarié ; - la bonne foi de l'employeur ne peut être retenue et la matérialité des faits doit être regardée comme établie dès lors que si l'employeur avait fait preuve d'un minimum de vigilance, il aurait décelé que la personne se présentant devant lui n'était pas la même que celle figurant en photographie sur la carte nationale d'identité française qui lui a été remise ; - en vertu du principe d'indépendance des procédures administrative et judiciaire prévu aux articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la contribution spéciale est due par l'employeur sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'existence d'un classement sans suite étant sans incidence dès lors que la matérialité des faits est établie. Par une ordonnance du 3 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le livre des procédures fiscales ; - le code du travail ; - la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - l'arrêté ministériel du 1er juillet 2013 fixant la liste des personnes morales de droit public relevant des administrations publiques mentionnées au 4° de l'article 1er du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme El Gani-Laclautre ; - les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ; - et les observations de Me Duguet, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. À la suite d'un contrôle de police opéré le 11 février 2016, au sein du salon de coiffure " Look coiffure " à Toulouse (Haute-Garonne), une personne se trouvant dans l'établissement a pris la fuite. Le même jour, la direction départementale de la police aux frontières de la Haute-Garonne a ouvert une enquête préliminaire pour emploi d'un étranger sans titre de travail, travail dissimulé et aide au séjour avant de procéder à l'audition du gérant de ce salon les 15 et 22 février 2016 et à celle de deux autres salariés, le 7 mars suivant. À l'issue de ces investigations, la première vice-procureure près la section économique et financière du tribunal de grande instance de Toulouse a décidé de classer sans suite ce dossier au motif que ces infractions étaient insuffisamment caractérisées. Par une décision du 18 avril 2017, notifiée le 20 avril suivant, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de M. A..., gérant de ce salon de coiffure, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 17 600 euros, ramené à 15 000 euros, pour l'emploi de Nordine alias D... C..., ressortissant étranger dépourvu d'un titre de séjour l'autorisant à travailler en France. Un titre de perception a été émis le 12 juin 2017 par la direction régionale des finances publiques du Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées en vue du recouvrement de la somme de 15 000 euros. Le 24 septembre 2018, la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne a adressé une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer et appliqué une majoration de 1 500 euros. Par une lettre du 25 octobre 2018, reçue le 29 octobre suivant, dont il a été accusé réception par une lettre du 14 novembre 2018, M. A... a formé une réclamation en demandant le dégrèvement de ces sommes. Cette réclamation a été transmise au ministère de l'intérieur le même jour. M. A... relève appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer du 24 septembre 2018 et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 16 500 euros. Sur le cadre juridique applicable au litige : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'État, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". 3. D'autre part, l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, rendu applicable à l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur renvoi de l'arrêté du 1er juillet 2013 fixant la liste des personnes morales de droit public relevant des administrations publiques mentionnées au 4° de l'article 1erde ce même décret, dispose, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : / 1° Soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité ; / 2° Soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la régularité de la forme d'un acte de poursuite. L'opposition à l'exécution et l'opposition à poursuites ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance ". L'article 118 de ce même décret dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité : / 1° En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause ; / 2° En cas d'opposition à poursuites, dans les deux mois qui suivent la notification de l'acte de poursuite. / L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois dans le cas prévu au 1° et dans un délai de deux mois dans le cas prévu au 2°. À défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée ". L'article 113 de ce décret prévoit, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Le recouvrement des ordres de recouvrer relevant de la présente sous-section s'effectue comme en matière d'impôts directs (...) ". 4. Enfin, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, applicable aux instances qui n'ont pas donné lieu à un jugement sur le fond avant le 1er janvier 2019 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Lorsque les contestations portent sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l'État, par un de ses groupements d'intérêt public ou par les autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, ces contestations sont adressées à l'ordonnateur de l'établissement public, du groupement d'intérêt public ou de l'autorité publique indépendante pour le compte duquel l'agent comptable a exercé ces poursuites. / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° À l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : (...) / b) Pour les créances non fiscales de l'État, des établissements publics de l'État, de ses groupements d'intérêt public et des autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, devant le juge de droit commun selon la nature de la créance (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de l'État est de la compétence du juge de l'exécution, le contentieux portant sur l'obligation au paiement, le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée relevant de la compétence du juge de droit commun compétent pour en connaître sur le fond. 6. Il résulte également de ces dispositions que les contestations relatives à la régularité en la forme des actes de poursuite doivent être portées devant les tribunaux de l'ordre judiciaire. En conséquence, un moyen tenant à la régularité en la forme d'un tel acte ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de l'obligation de payer, portée devant le juge administratif. 7. Il résulte de l'instruction que la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer émise le 24 septembre 2018 par la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne en vue du recouvrement de la contribution spéciale mise à la charge de M. A... par la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 avril 2017 a été précédée de l'émission d'un titre exécutoire le 12 juin 2017, ces deux dernières décisions n'ayant pas fait l'objet d'un recours administratif ni contentieux. Contrairement au titre de perception émis le 12 juin 2017, cette mise en demeure ne constitue pas, ainsi qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, un titre exécutoire mais un acte de poursuites. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation : 8. À l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la mise en demeure de payer émise à son encontre, M. A... conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés, le classement sans suite de l'enquête préliminaire ouverte à son endroit des chefs d'emploi d'un étranger sans titre de travail, de travail dissimulé et d'aide au séjour. Il se prévaut également de l'absence de fraude de volonté de fraude de sa part, de l'absence de relation salariale et, enfin, de la circonstance que la personne qui se trouvait en action de travail au sein du salon de coiffure dont il est gérant avait la qualité de simple stagiaire disposant de la nationalité française tandis qu'il ne disposait d'aucune raison de douter de la validité de la convention de stage et du document d'identité produits par ce dernier à l'appui de sa demande de stage pas plus qu'il ne disposait des moyens de détecter une éventuelle fraude les affectant. Toutefois, ces moyens, qui ne portent pas sur l'obligation au paiement mais tendent à remettre en cause le bien-fondé de la contribution spéciale dont le recouvrement a été poursuivi par l'acte de recouvrement en litige, doivent être écartés comme inopérants, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales selon lesquelles les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux d'audition des 11 et 15 février 2016, lesquels font foi jusqu'à preuve du contraire, que la convention de stage dont se prévalait M. A..., pour justifier de l'emploi de la personne qui s'est enfuie lors du contrôle en qualité de stagiaire, laquelle se nommait Nordine alors que la photocopie de la carte nationale d'identité produite par ses soins mentionne le nom de M. D... C..., ne constitue pas un document authentique et que l'intéressé ne justifie pas, ainsi que cela lui incombait, avoir procédé aux vérifications d'usage auprès des services préfectoraux pour s'assurer de la validité des documents produits par cette personne et de la régularité de sa situation au regard du droit au séjour et au travail. En conséquence, les faits d'emploi d'un ressortissant étranger dépourvu d'un titre de séjour l'autorisant à travailler en France doivent être regardés comme étant matériellement établis et comme étant de nature à justifier l'application d'une contribution spéciale, la circonstance que la procédure judiciaire a été classée sans suite étant sans incidence sur la légalité de la décision mettant à la charge de M. A... le versement de la contribution spéciale. En ce qui concerne les conclusions à fin de décharge : 9. Les conclusions à fin de décharge présentées pour M. A..., qui portent sur le bien-fondé de la créance en litige, doivent être rejetées pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la mise en demeure de payer qui lui a été adressée le 24 septembre 2018 et la décharge de l'obligation de payer la contribution spéciale mise à sa charge. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE: Article 1 : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : M. A... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL21124
CETATEXT000048452353
J_L_2023_11_00022TL21588
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452353.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL21588, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL21588
3ème chambre
C
M. REY-BÈTHBÉDER
DEMOURANT
Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un jugement n° 2203448 du 21 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Demourant, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ; 3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle. Il soutient que : - les décisions contenues dans l'arrêté en litige sont entachées d'incompétence de leur auteur ; - elles sont insuffisamment motivées ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ; - la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle est illégale dès lors que le risque de fuite n'est pas établi ; - la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle. La requête a été communiquée au préfet des Pyrénées-Orientales qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, par un courrier du 29 juin 2023, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative. Par une décision du 8 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... le 19 juillet 2022. Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience. Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant togolais, né le 10 novembre 1990, déclare être entré irrégulièrement en France en décembre 2015 où il a séjourné sous couvert d'un titre de séjour temporaire délivré par la préfecture des Alpes-Maritimes valable du 12 décembre 2017 au 11 décembre 2018. Le 16 juin 2022, l'intéressé a été contrôlé par les services de police dans l'enceinte de la gare de Perpignan. À l'issue de son audition dans le cadre d'une procédure de retenue aux fins de vérification du droit au séjour intervenue le même jour, le préfet des Pyrénées-Orientales a, par un arrêté du 17 juin 2022, fait obligation à M. A... de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, cette même autorité a prononcé son placement en rétention. Saisi d'une demande tendant à la prolongation du placement en rétention de l'intéressé prononcé par un arrêté préfectoral du 17 juin 2022, le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse a, par une ordonnance du 19 juin 2022, ordonné la prolongation de cette mesure pour une durée de vingt-huit jours. M. A... relève appel du jugement du 21 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 17 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Sur les moyens communs aux décisions en litige : 2. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contenues dans l'arrêté doit être écarté par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse au point 3 du jugement attaqué. 3. En second lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de M. A..., notamment les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles du 3° de l'article L. 612-2 et celles des 2°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du même code. En outre, il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative et personnelle de l'intéressé en rappelant les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français. Par ailleurs, il rappelle le principe posé à l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel l'obligation de quitter le territoire français est assortie d'une interdiction de retour d'une durée maximale de trois ans dès lors qu'aucun délai de départ volontaire n'est accordé à l'étranger éloigné et mentionne que le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une telle mesure. En outre, il mentionne que M. A... se maintient illégalement en France depuis l'expiration de son titre de séjour dont il n'a jamais sollicité le renouvellement contrairement à ses déclarations, qu'il s'est opposé à son retour dans son pays d'origine, qu'il est célibataire et sans charges de famille, qu'il dispose de liens familiaux au Togo où vivent ses parents ainsi que son frère et sa sœur et que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas intenses et stables. Enfin, l'arrêté en litige mentionne la nationalité de M. A... en précisant qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte est, par suite, suffisamment motivé. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 4. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. 5. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été édictée à la suite de l'interpellation de M. A..., le 16 juin 2022, dans le cadre d'une procédure de vérification du droit de circulation ou de séjour. Au cours de son audition administrative par les services de la police aux frontières le même jour, l'intéressé a été mis en mesure de présenter des observations au sujet de sa situation administrative, personnelle et médicale et des risques encourus en cas de renvoi dans son pays d'origine tandis qu'il n'établit ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, qu'en dépit de son entrée en France en 2015 et de l'expiration de son titre de séjour le 11 décembre 2018, M. A..., n'établit pas avoir sollicité le renouvellement de son titre de séjour de sorte qu'il ne pouvait ignorer, du fait même de l'absence d'accomplissement de cette démarche qui lui aurait permis de régulariser son droit au séjour, qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement assortie, le cas échéant, de décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la motivation exhaustive de l'arrêté en litige, que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de M. A.... 7. En troisième lieu et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et des déclarations de l'intéressé lors de son audition dans le cadre de la procédure de retenue aux fins de vérification de son droit au séjour, d'une part, que M. A... se maintient irrégulièrement en France depuis l'expiration de son titre de séjour le 11 décembre 2018 sans en avoir sollicité le renouvellement et, d'autre part, qu'il dispose de solides attaches au Togo, pays qu'il a quitté à l'âge de 25 ans et où il a résidé la majeure partie de son existence et dans lequel vivent ses parents ainsi que son frère et sa sœur. En outre, l'intéressé ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire particulière de nature à faire obstacle à son éloignement, hormis son souhait de poursuivre ses études en France et ne justifie, à l'exception de la production de certificats de scolarité délivrés par l'université de Nice Sophia-Antipolis, au titre de l'année 2016-2017, et par une école spécialisée dans le " web " et le " digital business ", au titre de l'année 2018-2019, de l'obtention d'aucun diplôme particulier ni insertion socio-professionnelle depuis son entrée en France à la fin de l'année 2015. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé en faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français. Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire : 8. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 7, le moyen tiré de ce que la décision refusant à M. A... un délai départ volontaire serait, par voie de conséquence, illégale doit être écarté. 9. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ". 10. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. A... s'est maintenu en France de manière irrégulière en dépit de l'expiration de son titre de séjour le 11 décembre 2018 sans en avoir demandé le renouvellement de sorte que sa situation n'entrait pas dans le champ des dispositions du 2° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'intéressé a expressément déclaré lors de son audition par les services de la police aux frontières ne pas vouloir se conformer à son éloignement et, d'autre part, qu'il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il n'a pas été en mesure de présenter un titre d'identité ou de voyage en cours de validité, son passeport étant périmé depuis le 1er juillet 2020 et qu'il ne dispose pas d'une domiciliation stable. Dès lors que M. A... ne justifie pas de circonstances humanitaires particulières, l'autorité préfectorale pouvait, pour ces deux derniers motifs, seuls de nature à caractériser un risque de soustraction à son éloignement, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se fondant sur les dispositions du 4° et du 8° de l'article L. 612-3 du même code pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M A.... Sur la décision fixant le pays de renvoi : 11. L'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 7, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel l'appelant est susceptible d'être éloigné serait, par voie de conséquence, illégale doit être écarté. Sur la décision portant interdiction de retour : 12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". 13. En application de ces dispositions, l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. 14. Si M. A... se prévaut de sa présence en France depuis l'année 2015, soit sept années, des études qu'il a suivies au Togo et en France et de son souhait de poursuivre celles-ci, ces éléments ne permettent toutefois pas de regarder l'intéressé comme justifiant de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui se déclare célibataire et sans charges de famille, vit en France de manière précaire et isolée et a, ainsi qu'il a été dit, indiqué ne pas vouloir déférer à son éloignement. Dès lors que M. A... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et que sa situation ne fait pas apparaître de motifs humanitaires particuliers et alors même que sa présence sur le territoire français ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé en édictant une interdiction de retour d'un an à son encontre. 15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 17 juin 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. DÉCIDE: Article 1 : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. LanouxLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL21588
CETATEXT000048452355
J_L_2023_11_00022TL21700
CETAT
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Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL21700, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL21700
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. REY-BÈTHBÉDER
DERBALI ASSIA
Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2103682 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et trois productions de pièces, enregistrées les 28 juillet et 12 décembre 2022 et les 11 juillet et 28 août 2023, Mme A..., représentée par Me Derbali, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou toute autre mention dès la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail. Elle soutient que : - la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient, en se référant à ses écritures et pièces de première instance, que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 29 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 5 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme El Gani-Laclautre, - et les observations de Me Derbali, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante tunisienne née le 7 octobre 1985, est entrée en France le 13 juillet 2018, sous couvert d'un visa de type touristique de quinze jours, valable du 10 juillet au 9 août 2018. Le 25 mai 2020, l'intéressée a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Mme A... relève appel du jugement du 29 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de Mme A..., en particulier, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, l'article L. 313-14 et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquels a été examinée sa demande de titre de séjour et l'article L. 511-1 du même code alors en vigueur. Il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, familiale et personnelle de l'intéressée en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français, les raisons de fait pour lesquelles sa demande d'admission exceptionnelle au séjour doit être rejetée sans que l'autorité préfectorale soit tenue de les détailler. La décision en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement des décisions est, dès lors, suffisamment motivée. 3. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision en litige qu'elle n'aurait pas été précédée d'un examen réel et sérieux de la situation personnelle de Mme A.... 4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code, dans sa codification alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Le 7° de l'article L. 313-11 du même code, dispose, dans sa codification applicable au litige, que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". 5. Si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. 6. Mme A... soutient apporter une assistance à sa sœur, résidant en situation régulière en France, qui a la qualité de travailleur handicapé et qui souffre d'un diabète de type 1, diagnostiqué en 2010, traité par pompe à insuline externe depuis 2014 et d'un pan-hypopipuitarisme consécutif à la nécrose d'un adénome hypophysaire diagnostiqué lors de sa grossesse en 2014, pour lequel elle bénéficie d'un traitement endocrinien. Elle indique, en outre, s'occuper de son neveu, né en 2014, qui présente un trouble du spectre autistique nécessitant une prise en charge spécialisée et dont les parents sont séparés de corps en le conduisant à ses différents rendez-vous médicaux. Elle se prévaut, enfin, de son insertion sociale et de sa parfaite maîtrise de la langue française. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des certificats médicaux des 23 septembre 2019 et 3 février 2020 que la situation médicale de la sœur de Mme A... est désormais stabilisée, les pathologies endocriniennes étant équilibrées par l'observance de ses différents traitements tandis que l'intéressée a été orientée sur le marché de l'emploi par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Par ailleurs, s'il est constant que Mme A... réside au domicile de sa sœur, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas davantage démontré ni que la sœur de Mme A... et son neveu nécessiteraient une assistance quotidienne dans tous les actes de la vie courante rendant indispensable la présence continue d'une tierce personne ni que cette assistance, à la supposer nécessaire, ne pourrait pas être apportée par le père de l'enfant, qui dispose d'un droit de garde et exerce l'autorité parentale ou, en tout état de cause, en recourant à la solidarité nationale. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France de manière récente, en 2018, et s'est maintenue au-delà de l'expiration de son visa tandis qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, pays dans lequel elle occupait l'emploi d'administratrice des ventes et où résident ses parents ainsi que son frère. Dès lors, en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de Mme A..., le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de l'appelante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 7. La décision portant refus d'admission exceptionnelle au séjour n'étant pas illégale, ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 6, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait, par voie de conséquence, illégale, doit être écarté. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020 du préfet de La Haute-Garonne. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction. DÉCIDE: Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, N. El Gani-LaclautreLe président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22TL21700
CETATEXT000048452358
J_L_2023_11_00022TL21993
CETAT
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Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL21993, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL21993
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. REY-BÈTHBÉDER
SELARL Sylvain LASPALLES
M. Pierre BENTOLILA
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2020, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2100702 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Laspalles, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2020, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins, de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros toutes taxes comprises à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation en droit dès lors qu'elle se borne à se référer à l'article 5 de la convention franco-ivoirienne sans faire état des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à sa situation et notamment de son article L. 313-10 relatif à la demande de titre de séjour en qualité de salarié ; - cette décision est intervenue sur une procédure irrégulière dans la mesure où elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle méconnaît le droit à être entendu prévu par les principes généraux du droit communautaire ; - le refus de séjour est entaché d'un défaut d'examen sérieux et personnel de sa situation, le préfet n'ayant pas usé de son pouvoir de régularisation, qu'il peut exercer en toute opportunité ; - le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée au regard de l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; - le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit pour méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors qu'il ne se fonde que sur l'article 5 de la convention franco-ivoirienne alors que sa demande relève de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - c'est à tort que les premiers juges ont procédé à une substitution de base légale, en substituant aux stipulations de l'article 5 de la convention franco-ivoirienne sur lesquelles se fondait l'arrêté de refus de séjour, les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette substitution de base légale n'avait pas été demandée par le préfet ; - le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation au regard de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ; - cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes raisons que celles exposées concernant le refus de séjour ; -elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de sa concubine, au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision fixant à un mois le délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle n'indique pas les raisons pour lesquelles il ne lui a pas été accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; - cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - cette décision qui est dépourvue de base légale et entachée d'une erreur de droit faute d'avoir été prise sur le fondement des critères applicables et notamment ceux de la directive " retour " et d'un défaut d'examen particulier de sa situation, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une décision du 23 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 23 décembre 1992, a sollicité le 22 août 2019 le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant puis, le 3 octobre 2019, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 31 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer les titres de séjour demandés, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le refus de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 3.Il ressort des termes de l'arrêté de refus de séjour que le préfet de la Haute-Garonne a visé les articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 et des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a entendu faire application. Il mentionne, en outre, les conditions de l'entrée en France, de façon régulière, de l'intéressé, ainsi que les différents titres de séjour obtenus par lui depuis son entrée en France, l'avis défavorable émis le 6 février 2020 par le directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, sur sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, et sa situation familiale caractérisée par sa situation de concubinage en France, et par la présence dans son pays d'origine, à minima, de ses parents. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de séjour doit être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". La décision de refus de séjour ayant été prise à la suite d'une demande présentée par M. A..., ce dernier ne peut utilement se prévaloir, en tout état de cause, des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. 5. En troisième lieu, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il implique que le préfet, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision défavorable à ses intérêts, mette l'intéressé à même de présenter ses observations, de sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure avant qu'elle n'intervienne. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il présente cette demande et à produire tous éléments susceptibles de venir à son soutien. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs même pas soutenu que le requérant aurait été empêché de porter à la connaissance des services préfectoraux toutes les informations pertinentes susceptibles de venir au soutien de sa demande. Par suite, le droit de l'intéressé d'être entendu a bien été satisfait avant que n'intervienne le refus litigieux. 6. En vertu de l'article 5 de la convention franco-ivoirienne : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet État, justifier de la possession : / 1. D'un certificat de contrôle médical établi dans les deux mois précédant le départ et visé : - en ce qui concerne l'entrée en France, par le consulat de France compétent, après un examen subi sur le territoire de la Côte d'Ivoire devant un médecin agréé par le consulat, en accord avec les autorités ivoiriennes ; (...) / 2. D'un contrat de travail visé par l'autorité compétente dans les conditions prévues par la législation de l'État d'accueil ". Enfin, aux termes de l'article 10 de cette convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants ivoiriens doivent posséder un titre de séjour. / (...) / Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ". Et l'article R. 5221-20 du code du travail dispose : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule. / (...) / 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle/ (...) ". 7. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges, qui ont invité les parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative à présenter des observations à cet égard, n'ont pas commis d'erreur de droit en substituant aux stipulations de l'article 5 de la convention franco-ivoirienne sur lesquelles se fondait l'arrêté de refus de séjour, qui sont seulement relatives aux conditions d'entrée sur le territoire de l'un des deux États de ceux des ressortissants de l'autre État qui souhaitent y exercer une activité salariée, les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables aux ressortissants ivoiriens sollicitant un titre de séjour en qualité de salarié. Dans ces conditions, le moyen d'erreur de droit invoqué par l'appelant tiré de ce que la décision de refus de séjour se fondait à tort sur l'article 5 de la convention franco-ivoirienne, est inopérant et doit être écarté. 8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet, qui n'a pas méconnu son pouvoir de régularisation, ne s'est pas placé en situation de compétence liée pour rejeter sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, le préfet s'étant fondé sur le fait que M. A... travaillait sans autorisation de travail depuis le 20 mai 2019 à temps plein en dépassant la quotité horaire prévue par son titre de séjour en qualité d'étudiant et que par ailleurs, s'il avait signé un contrat de professionnalisation, il ne répondait pas à la condition d'âge posée par ce dispositif. 9. En troisième lieu, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, faute pour M. A... de contester utilement le motif du refus de séjour en qualité de salarié, tenant à la circonstance selon laquelle il ne répondait pas aux conditions d'âge exigées pour la signature du contrat de professionnalisation à raison duquel il a présenté une demande de titre de séjour, il n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 10. En quatrième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 11. La circonstance invoquée par M. A..., qui ne résidait à la date de la décision attaquée régulièrement en France que depuis trois ans, selon laquelle il vit en concubinage avec une ressortissante guinéenne bénéficiaire de la protection subsidiaire, est insuffisante pour établir que la décision de refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que la vie commune n'est établie que depuis le mois de novembre 2019, soit depuis un an à la date de l'arrêté attaqué, et que le pacte civil de solidarité est antérieur de seulement deux mois à cet arrêté, alors que, par ailleurs, il ne justifie pas ainsi qu'il l'allègue, être impliqué dans l'entretien et dans l'éducation de la fille de sa concubine. 12. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point précédent, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire : 13. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article L. 211-2. En l'espèce, ainsi qu'il est dit au point 3 du présent arrêt, l'arrêté préfectoral est motivé en ce qui concerne le refus de séjour. L'obligation de quitter le territoire français qui vise, notamment, le 3° du I de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est donc suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit donc être écarté. 14. En deuxième lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédures administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, notamment celles des articles L. 121-1 et L. 122-1, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le délai de départ volontaire. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du code des relations entre le public et l'administration, relative à la procédure contradictoire préalable, doit donc être écarté. 15. En troisième lieu, dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment à un refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement de cette décision de refus. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'autorité administrative ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite et compte tenu de ce qui a été exposé au sujet de la décision de refus de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 16. En quatrième lieu, en l'absence d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français. 17. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au sujet de la décision de refus de séjour, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 18. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants. En l'espèce, faute, ainsi qu'il est dit au point 11 du présent arrêt, pour l'appelant de justifier qu'il serait impliqué dans l'entretien et dans l'éducation de la fille de sa concubine, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. 19. En septième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au sujet de la décision de refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision fixant à un mois le délai de départ volontaire : 20. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa codification applicable au litige : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. (...) ". 21. L'arrêté en litige vise les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique, dans son article 3, que le délai d'un mois qui est accordé est susceptible de faire l'objet d'une prolongation pour " tenir compte de circonstances propres à l'intéressé ". Si, tout d'abord, M. A... soutient que cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation en droit faute pour le préfet d'avoir examiné sa situation au regard des éléments afférents à sa situation personnelle qu'il devait prendre en compte au regard de la directive " retour ", il ne saurait utilement se prévaloir de la directive du 16 décembre 2008 sans contester sa correcte transposition en droit français. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, faute pour M. A... d'avoir sollicité l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à un mois ou d'avoir fait valoir des éléments particuliers, qui auraient justifié l'octroi à son profit d'un délai de départ volontaire supérieur à un mois, cette décision doit être regardée comme se trouvant suffisamment motivée. 22. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14 du présent arrêt, M. A... ne peut utilement soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire d'un mois pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît les dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives à la procédure contradictoire préalable. 23. En troisième lieu, compte tenu du rejet des conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire, le moyen invoqué par voie d'exception d'illégalité de ces deux décisions, à l'encontre de la décision de fixation du délai de départ volontaire doit être écarté. 24. En quatrième lieu, alors que le préfet de la Haute-Garonne a accordé à M. A... le délai de départ volontaire de trente jours prévu par les dispositions du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni d'aucune des pièces du dossier que l'autorité administrative, alors que M. A... n'établit ni même n'allègue avoir présenté une demande au préfet tendant à ce que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, aurait commis une erreur de droit notamment au regard de la directive du 16 décembre 2008 en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à un mois et méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant tenue de fixer un tel délai et aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen préalable de la situation de l'intéressée. 25. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au sujet de la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision qui accorde un délai de départ volontaire de trente jours à M. A... n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle 26. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Laspalles et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, P. Bentolila Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22TL21993 2
CETATEXT000048452360
J_L_2023_11_00022TL22049
CETAT
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Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL22049, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL22049
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. REY-BÈTHBÉDER
SELARL Sylvain LASPALLES
M. Pierre BENTOLILA
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2020, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2100701 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Laspalles, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 7 janvier 2022 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins, de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation ; - cette décision est intervenue sur une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - son droit à être entendu, garanti par les principes généraux du droit communautaire, a été méconnu ; - le refus de séjour est entaché d'un défaut d'examen sérieux et personnel de sa situation, le préfet n'ayant pas usé de son pouvoir de régularisation, qu'il peut exercer en toute opportunité ; - le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée au regard du fait qu'elle ne disposait pas d'un visa de long séjour ; - le refus de séjour est entaché d'une erreur d'appréciation quant à la question de la réalité et du sérieux de ses études ; - le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ; - cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; elle méconnait également le droit à être entendu prévu par les principes généraux du droit communautaire. - elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes raisons que celles exposées concernant le refus de séjour ; - elle est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision fixant à un mois le délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle n'indique pas, au regard notamment de la directive " retour ", les raisons pour lesquelles il ne lui a pas été accordé un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours ; - cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; -cette décision est dépourvue de base légale et entachée d'une erreur de droit faute pour le préfet d'avoir examiné sa situation au regard de l'ensemble des critères applicables et notamment de ceux de la directive " retour " ; - cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est entachée d'un défaut de motivation quant à l'existence des risques encourus dans le pays d'origine. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une décision du 16 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la directive 2008/115/UE du 16 décembre 2008 ; - la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante ivoirienne, née le 9 mai 1994, est entrée en France le 3 octobre 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour " étudiant " valant titre de séjour valable du 1er octobre 2015 au 1er octobre 2016. Elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelée jusqu'au 1er octobre 2019. Le 26 septembre 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ". Il n'a pas été donné suite à cette demande en raison de son caractère incomplet. Le 3 novembre 2020, elle a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante. Par un arrêté du 23 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui attribuer le titre demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 7 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le refus de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 3. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Haute-Garonne a visé les articles, et notamment son article 9, de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a entendu faire application. Il mentionne en outre les conditions de l'entrée en France de façon régulière, de l'intéressée, rappelle les différents titres de séjour obtenus par elle en qualité d'étudiante, ainsi que les éléments afférents à son cursus universitaire à raison desquels le préfet a estimé que la condition tenant au caractère réel et sérieux des études suivies par Mme A... n'était pas justifiée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de séjour doit être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". La décision de refus de séjour ayant été prise à la suite d'une demande présentée par Mme A..., cette dernière ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. 5. Le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il implique que le préfet, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision défavorable à ses intérêts, mette l'intéressé à même de présenter ses observations, de sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure avant qu'elle n'intervienne. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il présente cette demande et à produire tous éléments susceptibles de venir à son soutien. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs même pas soutenu que l'appelante aurait été empêchée de porter à la connaissance des services préfectoraux toutes les informations pertinentes susceptibles de venir au soutien de sa demande. Par suite, le droit de l'intéressée d'être entendu a bien été satisfait avant que n'intervienne le refus litigieux. 6. En troisième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code applicable au litige, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre État d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable ". Aux termes de l'article 14 de la même convention : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux États ". 7. Il ressort des stipulations précitées de l'article 14 de la convention franco-ivoirienne que l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants ivoiriens désireux de poursuivre leurs études en France, dès lors que leur situation est entièrement régie par l'article 9 de cet accord. 8. Pour l'application des stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour présentée en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi. 9. À cet égard, il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme A... s'est inscrite, au cours des années universitaires 2015-2016 à 2018-2019, en master I " droit notarial immobilier et du patrimoine ", à l'université Jean-François Champollion d'Albi et les trois années suivantes à l'université Toulouse 1 Capitole, sans réussir à valider une première année de master et qu'elle s'est prévalue à l'appui de sa demande de titre de séjour, à une date à laquelle elle était au demeurant en situation irrégulière et donc soumise, ainsi que lui oppose le préfet par la décision attaquée, à la présentation d'un visa de long séjour, d'une cinquième inscription dans un établissement d'enseignement supérieur, en première année de master " manager de l'assurance. Si, comme en première instance, Mme A... attribue la cause de ses échecs à des problèmes de santé, elle ne produit à cet égard qu'un certificat médical diagnostiquant le 25 janvier 2016, une maladie tuberculeuse, mais sans pour autant alléguer ni à fortiori justifier de l'importance du caractère invalidant de cette affection, alors qu'elle produit un grand nombre de fiches de paie et d'attestations d'emploi sur la période au cours de laquelle elle était autorisée à travailler en qualité d'étudiante, dont certaines remontent à l'année 2016 . Si par ailleurs, elle fait état de difficultés financières qui auraient notamment pour cause, le chantage dont elle aurait été victime de la part d'un proche, elle ne justifie ni des difficultés financières ni du chantage allégués. L'appelante se prévaut par ailleurs des résultats qu'elle a obtenus au titre de l'année universitaire 2021-2022, mais un tel moyen est inopérant dès lors que ces résultats ont été obtenus postérieurement à la décision attaquée. 10. Par ailleurs, à supposer que l'appelante ait entendu invoquer, au regard de la question de la réalité et du sérieux de ses études, la circulaire du 7 octobre 2008 du ministre de l'intérieur, elle ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans cette circulaire, qui est dépourvue de valeur réglementaire. 11. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de progression notable de nature à démontrer le caractère réel et sérieux de ses études, le préfet de la Haute-Garonne aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante. 12. En quatrième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 13. En l'espèce, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, le préfet de la Haute-Garonne s'étant exclusivement fondé, pour rejeter la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme A..., sur l'absence de caractère réel et sérieux de ses études, et ne lui ayant opposé l'absence d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée qu'à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, le moyen tiré de la violation de ces stipulations est inopérant à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour. 14. En cinquième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelante, le refus de séjour n'est pas entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, compte tenu de sa qualité, à la date de la décision attaquée de célibataire sans enfant et du fait qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Côte d'Ivoire . En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire : 15. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article L. 211-2. En l'espèce, ainsi qu'il est dit au point 3 du présent arrêt, l'arrêté préfectoral est motivé en ce qui concerne le refus de séjour. L'obligation de quitter le territoire français qui vise, notamment, le 3°du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est donc suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit donc être écarté. 16. En deuxième lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédures administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, notamment celles des articles L. 121-1 et L. 122-1, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le délai de départ volontaire. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du code des relations entre le public et l'administration, relative à la procédure contradictoire préalable, doit donc être écarté. 17. En troisième lieu, dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment à un refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement de cette décision de refus. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'autorité administrative ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite et compte tenu de ce qui a été exposé au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 18. En quatrième lieu, dès lors que par le présent arrêt, les conclusions en annulation du refus de séjour sont rejetées, le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, par voie d'exception d'illégalité du refus de séjour, doit être écarté. 19. En cinquième lieu, compte tenu de la qualité de célibataire sans enfant de Mme A... à la date de la décision attaquée, et du fait qu'elle ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, de l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'obligation de quitter le territoire ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé .Pour les mêmes raisons, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision fixant à un mois le délai de départ volontaire : 20. En premier lieu et aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa codification applicable au litige : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. (...) ". 21. L'arrêté en litige vise les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique dans son article 3, que le délai d'un mois qui est accordé est susceptible de faire l'objet d'une prolongation pour " tenir compte de circonstances propres à l'intéressé ". Si Mme A... soutient que cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation en droit faute pour le préfet d'avoir examiné sa situation au regard des éléments afférents à sa situation personnelle qu'il devait prendre en compte au regard de la directive " retour ", elle ne saurait utilement se prévaloir de la directive du 16 décembre 2008 sans contester sa correcte transposition en droit français. En outre, faute pour Mme A... d'avoir sollicité l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à un mois ou d'avoir fait valoir des éléments particuliers qui auraient justifié l'octroi à son profit d'un délai de départ volontaire supérieur à un mois, cette décision doit être regardée comme se trouvant suffisamment motivée. 22. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, Mme A... ne peut utilement soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire d'un mois pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît les dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives à la procédure contradictoire préalable. 23. En deuxième lieu, compte tenu du rejet des conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire, le moyen invoqué par voie d'exception d'illégalité de ces deux décisions à l'encontre de la décision de fixation du délai de départ volontaire doit être écarté. 24. En troisième lieu, alors que le préfet de la Haute-Garonne a accordé à Mme A... le délai de départ volontaire de trente jours prévu par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni d'aucune des pièces du dossier que l'autorité administrative, alors que Mme A... n'établit ni même n'allègue avoir présenté une demande au préfet tendant à ce que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, aurait commis une erreur de droit, notamment au regard de la directive du 16 décembre 2008, en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à un mois et méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant tenue de fixer un tel délai, et aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen préalable de la situation de l'intéressée. 25. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment au sujet de la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision qui accorde un délai de départ volontaire de trente jours à Mme A... n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. En ce qui concerne la décision de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement : 26. La décision fixant le pays de destination, contrairement à ce que soutient Mme A..., est suffisamment motivée, ainsi que l'ont estimé les premiers juges. 27. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Laspalles et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne ; Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, P. Bentolila Le président, É. Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22TL22049 2
CETATEXT000048452362
J_L_2023_11_00022TL22166
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/23/CETATEXT000048452362.xml
Texte
CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 21/11/2023, 22TL22166, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de TOULOUSE
22TL22166
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. REY-BÈTHBÉDER
ROSE
M. Pierre BENTOLILA
Mme PERRIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2105436 du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B.... Procédure devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2022 sous le n° 22TL22166, et un mémoire en réplique du 11 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Rosé, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; 3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir, et au besoin, sous astreinte et dans l'attente d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'État, une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de Français, est entaché d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir consulté la commission du titre de séjour contrairement à ce qu'impose l'article L. 423-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ainsi qu'il est précisé par la circulaire du 7 mai 2003 du ministre de l'Intérieur qui préconise la saisine de la commission dans le cas d'un étranger victime de violences conjugales ; - les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit, dès lors que les dispositions des articles L. 423-1 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne requièrent pas, pour démontrer la réalité de violences conjugales, ni que l'auteur de ces violences ait été condamné par une juridiction pénale, ni qu'un divorce ait été prononcé aux torts de l'époux violent ; l'appréciation du préfet quant à la question de la réalité des violences conjugales doit s'opérer sur la base d'un faisceau d'indices ; - les premiers juges ont commis une erreur de droit en procédant à une substitution de base légale, en substituant aux dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile les stipulations des articles 3 et 9 de l'accord franco-marocain ; - les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail selon lesquelles la rémunération mensuelle proposée à l'étranger doit être au moins égale au montant mensuel du salaire minimum de croissance ne peuvent en l'espèce être regardées comme ayant été méconnues dès lors que ces dispositions ne permettent pas d'exiger que l'étranger qui sollicite une autorisation de travail exerce son activité à temps complet et qu'en l'espèce, son salaire est bien calculé sur la base du salaire minimum de croissance ; - le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet lui avait précédemment délivré un titre de séjour ; - le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain dès lors qu'elles excluent l'application des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle remplit les conditions de cet accord, dans la mesure où elle a présenté un contrat de travail pour lequel elle bénéficiait d'une autorisation de travail, et effectué le contrôle médical ; le préfet ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour en qualité de salarié sans saisir le directeur régional du travail ; - l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu de l'absence de prise en compte des violences conjugales subies, du fait qu'elle travaille en France, et du fait qu'elle a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ; - la décision de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement est entachée d'illégalité par voie d'exception d'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2023, et un mémoire complémentaire du 26 octobre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme B.... Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. II. Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2022, sous le n° 22TL22167, Mme B... demande à la cour : - de surseoir à l'exécution du jugement du jugement du 30 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; - d'enjoindre au préfet de l'Hérault, dans l'attente de l'arrêt au fond, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ; - de mettre à la charge de l'État, une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que les conditions d'octroi du sursis à exécution de ce jugement sont remplies dès lors qu'elle justifie dans sa requête au fond, de moyens sérieux d'annulation du jugement et à l'appui de ses conclusions en annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 du préfet de l'Hérault, et que l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables à son égard. Par une décision du 9 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour les requêtes n°s 22TL22166 et n°22TL22167 Vu les autres pièces de ces deux dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code du travail ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., de nationalité marocaine, née le 3 juillet 1992, s'est mariée le 3 février 2017 au Maroc avec un ressortissant français. Elle est entrée en France le 23 septembre 2017 munie d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " conjoint de Français " valable du 11 septembre 2017 au 11 septembre 2018. Elle a obtenu, le 4 décembre 2018, le renouvellement de ce titre de séjour pour la période du 12 septembre 2018 au 11 septembre 2020. Le 29 septembre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de Français et a demandé par ailleurs un titre de séjour en qualité de salariée. Par un arrêté du 11 octobre 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler le titre de séjour sollicité, tant en qualité de conjoint de Français qu'en qualité de salariée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. 2. Par un jugement du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de Mme B.... 3. Par les présentes requêtes, Mme B... relève appel de ce jugement du 30 décembre 2021 et en demande le sursis à exécution. 4. Les requêtes précitées concernent la situation de Mme B.... Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour en qualité de conjoint de Français : 5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Selon l'article L. 423-3 du même code : " Lorsque la rupture du lien conjugal ou la rupture de la vie commune est constatée au cours de la durée de validité de la carte de séjour prévue aux articles L. 423-1 ou L. 423-2, cette dernière peut être retirée. Le renouvellement de la carte est subordonné au maintien du lien conjugal et de la communauté de vie avec le conjoint qui doit avoir conservé la nationalité française ". Et aux termes de l'article L. 423-5 de ce code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales. En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies ". 6. Les dispositions précitées ont créé un droit particulier au séjour au profit des personnes victimes de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune avec leur conjoint de nationalité française. Dans ce cas, le renouvellement du titre de séjour n'est pas conditionné au maintien de la vie commune. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'existence de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune du demandeur avec son conjoint de nationalité française. 7. Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, le préfet n'a fondé son refus de séjour ni sur la circonstance selon laquelle son mari n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale pour violences conjugales ni sur le fait que le tribunal judiciaire de Montpellier par son jugement du 28 janvier 2021 a prononcé le divorce aux torts partagés, mais sur le fait que Mme B... s'était mariée uniquement pour obtenir un titre de séjour en France. Dans ces conditions, et dès lors que Mme B... ne conteste pas le motif de cette décision, elle n'est pas fondée, en dépit de la reconnaissance par le préfet, dans la décision de refus de séjour, de l'existence de violences conjugales, à soutenir que le refus de séjour serait entaché d'une erreur de fait, de droit ou d'appréciation au regard des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ; / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Et aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour (...) ". 9. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés par ces dispositions auxquels il envisage néanmoins de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent. Dès lors que Mme B..., ainsi qu'il est indiqué au point 7 du présent arrêt, ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-1 , L. 423-2 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas fondée à soutenir que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie en application de cet article avant l'intervention de la décision de refus du titre de séjour, Mme B... ne pouvant utilement invoquer à cet égard la circulaire ministérielle du 7 mai 2003, qui est dépourvue de valeur réglementaire. 10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 11. Si l'appelante se prévaut de sa présence en France depuis plus de quatre ans, à la date des décisions attaquées, elle ne justifie ni de l'existence du lien matrimonial, ni de l'existence d'attaches familiales ou privées particulières en France, alors qu'au contraire, ainsi que lui oppose la décision de refus de séjour et comme l'ont relevé les premiers juges, ses attaches familiales se trouvent au Maroc où résident ses parents et trois membres de sa fratrie. Par suite, alors même que Mme B... dispose d'un logement, et exerce une activité professionnelle, la décision de refus de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au regard des stipulations précitées de l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à son droit au respect de sa vie privée et familiale. 12. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 du préfet de l'Hérault en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de Français. En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié : 13. Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail dans sa rédaction applicable en l'espèce issue du décret n° 2021-360 du 31 mars 2021 , entré en vigueur le 1er mai 2021 : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : (...) 4° La rémunération proposée est conforme aux dispositions du présent code sur le salaire minimum de croissance ou à la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable à l'employeur ou l'entreprise d'accueil (...) ". Si l'article R. 5221-20 du code du travail dans sa rédaction antérieure subordonnait la délivrance de l'autorisation de travail à la condition que le salaire proposé à l'étranger soit " même en cas d'emploi à temps partiel " au moins équivalent " à la rémunération minimale mensuelle ", cette condition n'est plus opposable par la rédaction de cet article issue du décret n° 2021-360 du 31 mars 2021 qui exige donc désormais que la rémunération proposée soit " conforme aux dispositions du présent code sur le salaire minimum de croissance ou à la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable à l'employeur ou l'entreprise d'accueil ". Cette nouvelle rédaction implique seulement le respect du taux horaire minimum de rémunération et de la durée minimale de travail fixée par la convention collective, ces conditions étant en l'espèce remplies par Mme B... à la date de la décision attaquée. Dès lors, cette dernière est fondée à soutenir que l'arrêté du 11 octobre 2021 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée est entachée d'une erreur de droit, et à en demander l'annulation pour ce motif, ainsi que par voie de conséquence, des décisions du même jour par lesquelles le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. 14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement. Sur les conclusions en injonction : 15. Compte tenu du motif retenu pour annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 en tant qu'il refuse à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée et de ce qu'aucun autre moyen de légalité interne n'est de nature à faire droit aux conclusions en injonction présentées par Mme B..., il y a lieu seulement d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de l'intéressée en qualité de salariée, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les conclusions à fin de sursis à exécution : 16. Dès lors qu'il est statué au fond par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier, les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Sur les frais liés au litige : 17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État au bénéfice du conseil de Mme B..., la somme totale de 1200 euros au titre des deux requêtes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête en sursis à exécution n° 22TL222167 présentée par Mme B.... Article 2 : L'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à Mme B... un titre de séjour en qualité de salariée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault, de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de Mme B... en qualité de salariée, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : Le jugement du 30 décembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : L'État versera la somme totale de 1 200 euros à Me Rosé en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Rosé, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Rey-Bèthbéder, président, M. Bentolila, président-assesseur, Mme El Gani-Laclautre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur P. Bentolila Le président, É-Rey-Bèthbéder La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°s 22TL22166 et 22TL22167 2
CETATEXT000048457752
J0_L_2023_11_00019VE02747
CETAT
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Texte
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 23/11/2023, 19VE02747, Inédit au recueil Lebon
2023-11-23 00:00:00
CAA de VERSAILLES
19VE02747
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme SIGNERIN-ICRE
D4 AVOCATS ASSOCIES
M. Gildas CAMENEN
Mme JANICOT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Martin Bravo (SBM) a demandé au tribunal administratif de Versailles : - sous le n° 1605619, d'annuler la décision implicite du 2 juin 2016 par laquelle la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Essonne aménagement a, en sa qualité de maître d'ouvrage délégué, rejeté son mémoire en réclamation contestant l'ordre de service n° 1 notifié le 21 mars 2016, d'enjoindre au maître d'ouvrage délégué de conclure avec elle un avenant dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, visant à prendre acte de l'augmentation du montant de son marché résultant des travaux supplémentaires notifiés par l'ordre de service n° 1 du 21 mars 2016, de la prolongation de la durée d'exécution du marché d'un mois et quatre semaines et de la renonciation explicite à l'application de toute pénalité de retard du fait de l'exécution des travaux supplémentaires notifiés par l'ordre de service n° 1 du 21 mars 2016, de condamner la région Ile-de-France en sa qualité de maître de l'ouvrage, à lui payer la somme de 111 947,71 euros HT, sauf à parfaire, correspondant aux travaux supplémentaires réalisés par elle ; - sous le n° 1704080, de condamner la région Ile-de-France à lui verser la somme de 348 092 euros HT au titre du règlement du solde de son marché, augmentée des intérêts de droit et moratoires depuis le 24 janvier 2017, ainsi que de leur capitalisation. Par un jugement nos 1605619, 1704080 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Versailles a condamné la région Ile-de-France à verser à la société SBM la somme de 297 472,79 euros HT, assortie de la TVA correspondante, au titre des travaux supplémentaires prévus par les devis n° 1B, 8, 9B, 4C, 5B et 7B, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel en exécution de l'ordonnance du juge des référés de la cour en date du 20 avril 2018, le solde restant dû à la société requérante étant assorti des intérêts moratoires à compter du 6 avril 2017 et les intérêts échus à la date du 6 avril 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2019 et le 19 avril 2021, la région Ile-de-France, représentée par Me Mokhtar, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande n° 1605619 de la société SBM comme irrecevable ; 3°) de fixer définitivement la créance de la société SBM à la somme totale de 78 726,25 euros HT ; 4°) de constater que la région s'est acquittée de ces sommes en exécution de l'ordonnance rendue par la cour le 20 avril 2018 ; 5°) de rejeter le surplus des conclusions de la requête de la société SBM comme mal fondé ; 6°) de mettre à la charge de la société SBM la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; - la demande n° 1605619 de la société SBM était irrecevable au regard du principe d'unicité du décompte général ; - la réfaction sur le devis n° 4C était justifiée, la société SBM ayant pratiqué des prix six fois supérieurs à ceux habituellement du marché et les travaux de rehaussement ne comportant pas de difficulté technique particulière ; - la réfaction sur le devis n° 7B était justifiée dès lors que la prestation de pose a été comptabilisée à deux reprises ; - le décompte général n'est pas devenu définitif en ce que le premier projet de décompte final établi par la société SBM a été refusé et que le second projet de décompte transmis le 23 juin 2017 ne répondait pas aux prescriptions de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ; - la réfaction opérée sur le devis n° 5B était justifiée en ce que la société SBM a pratiqué des prix d'ensemble et non des prix unitaires. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 6 mars 2020 et le 21 mai 2021, la société SBM, représentée par Me Le Mière, avocat, demande à la cour : 1°) à titre principal, de rejeter la requête de la région Ile-de-France avec toutes conséquences de droit ; 2°) de confirmer le jugement attaqué ; 3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du maître d'ouvrage délégué en date du 2 juin 2016 rejetant implicitement le mémoire en réclamation présenté par la société SBM le 18 avril 2016 contestant l'ordre de service n° 1 notifié le 21 mars 2016 ; 4°) de condamner la région Ile-de-France à payer à la société SBM la somme de 111 947,71 euros HT correspondant aux travaux supplémentaires réalisés par la société SBM au titre des devis n° 4C, 5B et 7B ; 5°) de condamner la région Ile-de-France à payer à la société SBM la somme de 348 092 euros HT due au titre du règlement du solde du marché, augmentée de tous les intérêts de droit et moratoires depuis le 24 janvier 2017, ainsi que leur capitalisation à chaque date anniversaire ; 6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - à titre principal, la demande n° 1605619 est recevable en ce que le principe d'unicité du décompte ne fait pas obstacle au règlement, par le juge, de litiges partiels, préalablement à l'intervention du décompte ; - la réfaction opérée sur le devis n° 4C portant sur la surélévation des acrotères n'est pas justifiée ; elle a proposé un prix unitaire de 365,82 euros/ml pour ces travaux et non de 428,17 euros/ml comme retenu à tort par le bureau technique choisi par la région ; les conditions de chantier lors de l'exécution des travaux supplémentaires présentaient une réelle difficulté ; la comparaison avec des chantiers prétendument similaires est inopérante ; - la réfaction opérée sur le devis n° 7B portant sur les travaux de canalisation des eaux d'infiltration de la nappe et la réalisation d'un cuvelage en béton n'est pas justifiée ; aucun élément dans ce devis ne permet d'aboutir à la conclusion selon laquelle la même prestation de fourniture et de pose aurait été comptée deux fois ; ces travaux supplémentaires ont été demandés en urgence et ont dû être exécutés dans des conditions particulièrement difficiles ; - à titre subsidiaire, elle est fondée à solliciter la somme de 348 092 euros HT au titre du solde du marché ; le décompte général établi par la société SBM notifié le 27 juin 2017 est devenu définitif le 8 juillet 2017 du fait du silence gardé pendant le délai de dix jours visé à l'article 13.4.4 du CCAG Travaux ; il est intangible ; - la réfaction opérée sur le devis n° 5B portant sur les travaux de surélévation d'ascenseur n'est pas justifiée dans la mesure où le devis ne propose pas qu'un prix d'ensemble et que les prix pratiqués tiennent compte des contraintes liées à une notification tardive. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des marchés publics ; - l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Camenen, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - et les observations de Me Bajn, pour la région Ile-de-France, et celles de Me Silva-Delaquaize, pour la société SBM. Considérant ce qui suit : 1. La région Ile-de-France relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 27 mai 2019 la condamnant à verser à la société SBM la somme de 297 472,79 euros HT, assortie de la TVA correspondante, au titre des travaux supplémentaires prévus par les devis n° 1B, 8, 9B, 4C, 5B et 7B, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel en exécution de l'ordonnance du juge des référés de la cour du 20 avril 2018. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si la région Ile-de-France soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en retenant la recevabilité de la demande n° 1605619 et une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les réfactions sur le devis n° 4C et sur le devis n° 7B étaient injustifiés, de tels moyens sont relatifs au bien-fondé du jugement attaqué et sont sans influence sur sa régularité. Par suite, ils doivent être écartés comme inopérants. Sur la recevabilité de la demande n° 1605619 : 3. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. 4. La région Ile-de-France soutient que la demande n° 1605619 de première instance de la société SBM serait irrecevable conformément au principe d'unicité du décompte général. Toutefois, si ce principe interdit au cocontractant de la personne publique d'obtenir du juge la condamnation du maître d'ouvrage à lui payer une somme de manière définitive tant que le décompte général n'a pas été établi, il ne fait pas par lui-même obstacle à l'existence d'une réclamation financière entre les cocontractants avant l'établissement de ce décompte. Par suite, la demande de la société SBM tendant à la condamnation de la région Ile-de-France à lui verser la somme de 111 947,71 euros HT était recevable. La région Ile-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a admis sa recevabilité. Sur les réfactions opérées sur les devis n° 4C et n° 7B : 5. Par un ordre de service n° 1 du 17 mars 2016, le mandataire du maître d'ouvrage a demandé à la société SBM d'effectuer les travaux supplémentaires correspondant notamment à ses devis n° 4C et 7B, sur lesquels des réfactions ont été opérées, les prix ayant été estimés trop élevés par la maîtrise d'œuvre. Ainsi, le devis n° 4C correspondant à la surélévation des acrotères des toitures terrasses d'un montant de 125 928 euros HT a été ramené à 48 586,75 euros HT et le devis n° 7 B correspondant à la canalisation des eaux d'infiltration de la nappe et à la réalisation d'un cuvelage en béton pour recevoir le bac à graisse, d'un montant de 45 309,44 euros HT, a été ramené à la somme de 20 549,50 euros HT. Il est constant que ces travaux ont été réalisés par la société SBM qui a cependant contesté les réfactions opérées sur ses devis. En ce qui concerne le devis n° 4C : 6. Il résulte de l'instruction que ce devis comporte neuf postes, seul le prix de trois d'entre eux ayant été remis en cause par la maîtrise d'œuvre, à savoir le scellement d'attente, la création d'un muret d'acrotère en béton armé et la " préparation des JD ". 7. Pour les scellements d'attente, ce devis retient un temps d'exécution de 0,30 h, un taux horaire de 55 euros, un prix de l'acier de 2,50 euros/kg et un prix de la résine de 135,30 euros pour dix unités. La région Ile-de-France conteste l'évaluation de ce poste et soutient que le taux horaire doit être ramené à 40 euros, le prix de l'acier à 2 euros et le prix de la résine à 85 euros pour dix unités. Elle refuse en outre la prise en compte de frais de location d'une perceuse et de mèches au motif que ce type d'outillage fait nécessairement partie du parc de l'entreprise. Toutefois, si elle produit un tableau faisant apparaître les minimas applicables dans le bâtiment en Ile-de-France au 1er janvier 2019, cet élément ne suffit nullement à établir que l'estimation du taux horaire retenu par la société SBM serait exagéré et ne correspondrait pas à celui pratiqué dans cette entreprise. En particulier, la région Ile-de-France n'établit pas le motif pour lequel la société SBM devrait impérativement rémunérer ses employés au taux horaire minimal applicable dans le bâtiment en Ile-de-France. En outre, la société SBM fait valoir, sans être sérieusement contestée, avoir été contrainte de faire revenir du matériel sur le site après la réalisation du gros œuvre et avoir dû louer du matériel du fait de la notification tardive de l'ordre de service n° 1, près de huit mois après avoir elle-même signalé la nécessité de réaliser des travaux supplémentaires. Enfin, aucune justification n'est apportée par la région, en particulier dans les différentes analyses de la maîtrise d'œuvre produites en première instance et en appel, concernant les réfactions opérées sur le prix des matériaux. Aucun élément ne permet d'établir que les prix proposés par la société SBM sont exagérés par rapport à ceux habituellement pratiqués sur le marché au cours de la période en litige. Ainsi, il n'est pas établi que ce poste, chiffré dans le devis de la société SBM à la somme de 49 967,50 euros, devrait être ramené à la somme de 20 625 euros. 8. Pour la création d'un muret d'acrotère, le devis de la société SBM détaille le temps d'exécution de chacune des dix tâches que comportent ces travaux et retient le même taux horaire que celui appliqué pour le poste précédent. Les éléments d'analyse de la maîtrise d'œuvre ne permettent nullement de justifier du bien-fondé des réfactions opérées sur ces différentes tâches. Au demeurant, ces réfactions n'apparaissent pas sur le devis de la société SBM rectifié par la maîtrise d'œuvre. En effet, ce devis rectifié à la main se borne à évaluer ces travaux à 11 m3 pour un prix global de 1 000 euros. Ainsi, il n'est pas établi que ce poste, chiffré dans le devis de la société SBM à la somme de 44 481,25 euros, devrait être ramené à la somme de 11 000 euros. 9. Pour la " préparation des JD ", les rectifications manuscrites opérées sur le devis de la société SBM sont du même ordre que celles effectuées sur les deux postes précédents et la région n'apporte pas davantage de justification permettant de remettre en cause l'évaluation effectuées par l'entreprise. 10. D'une manière plus générale, s'appuyant sur l'analyse de la maîtrise d'œuvre, la région soutient les prix pratiqués par la société SBM seraient plus de six fois supérieurs aux prix du marché au cours de la même période, soit 428,17 euros HT par ml pour un acrotère de 0,20 mètre contre un prix moyen du marché de 133,32 euros HT pour un acrotère rehaussé de 0,40 mètre. Toutefois, il n'est pas établi que ce prix moyen serait applicable à des travaux de la nature de ceux visé par le devis n° 4C. Si la maîtrise d'œuvre a relevé dans une analyse du 21 septembre 2016 que les offres récentes d'entreprises lors d'une consultation pour une prestation similaire font apparaître des prix compris entre 96 euros HT par ml et 177,98 euros HT par ml, il n'est pas établi que ces offres, qui présentent d'ailleurs entre elles des écarts significatifs et qui concernent la réhabilitation de 105 logements, sont transposables à des travaux tels que ceux en litige qui portent sur la rénovation en site occupé d'un bâtiment accueillant le service de restauration d'un lycée après l'achèvement du gros œuvre. Par suite, cet élément de comparaison n'est pas opérant. Enfin et en tout état de cause, il n'est pas sérieusement contesté que le prix proposé par la société SBM tient compte des difficultés techniques inhérentes à la rénovation de cet établissement scolaire, en termes d'accès, de bruit ou de sécurité. Ainsi, la réfaction opérée par la région Ile-de-France sur le devis n° 4C n'est pas justifiée. En ce qui concerne le devis n° 7B : 11. Il résulte de l'instruction que ce devis comporte quatre postes, le quatrième poste concernant la réalisation d'un cuvelage en béton armé étant lui-même divisé en neuf sous-postes. Il détaille pour plusieurs de ces sous-postes l'estimation du temps de réalisation des travaux. 12. La région Ile-de-France soutient que la réfaction opérée sur le devis n° 7B est justifiée en ce que la prestation de fourniture et de pose est comptabilisée deux fois. Toutefois, si ce devis fait apparaître pour plusieurs tâches non seulement une estimation du temps de travaux nécessaire, lequel est valorisé à hauteur de 55 euros de l'heure, mais aussi un chiffrage du prix des matériaux et de location de matériel permettant leur réalisation, cette circonstance ne suffit pas à établir que la société SBM a ainsi valorisé deux fois la réalisation de ces travaux. En outre, cette explication apportée par la région ne concerne qu'une partie des réfactions manuscrites opérées sur le devis de la société SBM. Au surplus, il résulte des termes mêmes de l'ordre de service n° 1 qu'il a été demandé à la société SBM de réaliser immédiatement ces travaux supplémentaires. Enfin, il n'est pas sérieusement contesté, ainsi qu'il résulte notamment d'une photographie produite, que ces travaux de reprise en sous-œuvre ont été réalisés dans des conditions d'accès difficiles et que l'entreprise a dû faire faire à présence d'eau, ces contraintes justifiant également le prix figurant dans son devis. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la région Ile-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser la somme de 297 472,79 euros HT, assortie de la TVA correspondante, au titre des travaux supplémentaires prévus par les devis n° 1B, 8, 9B, 4C, 5B et 7 B, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel. Sur les frais liés à l'instance : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SBM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la région Ile-de-France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la région Ile-de-France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société SBM et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la région Ile-de-France est rejetée. Article 2 : La région Ile-de-France versera à la société SBM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Ile-de-France, à la SAEM Essonne aménagement et à la société Martin Bravo. Délibéré après l'audience du 6 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Camenen, président, M. Tar, premier conseiller, Mme Houllier, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023. Le président rapporteur, G. Camenen L'assesseur le plus ancien, G. Tar La greffière, C. Fourteau La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 19VE02747 2
CETATEXT000048457754
J0_L_2023_11_00019VE02863
CETAT
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Texte
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 23/11/2023, 19VE02863, Inédit au recueil Lebon
2023-11-23 00:00:00
CAA de VERSAILLES
19VE02863
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme SIGNERIN-ICRE
SCP VAILLANT & ASSOCIES
Mme Sarah HOULLIER
Mme JANICOT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La région Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Versailles : 1°) à titre principal, de condamner la société par actions simplifiée (SAS) Eliez à lui verser une indemnité de 2 468 263,97 euros TTC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de cette entreprise, en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par un sous-traitant de la SAS Eliez dans l'exécution d'un marché de finition des travaux de restructuration et d'extension du lycée Mansart à Saint-Cyr-l'Ecole (Yvelines) ; 2°) de mettre à la charge définitive de la SAS Eliez les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Versailles et de condamner cette société à lui verser en conséquence la somme de 21 474 euros ; 3°) de mettre à la charge de la SAS Eliez la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la SAS Eliez, la société à responsabilité limitée (SARL) Pro-Net, l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, la SAS Ingénierie coordination études techniques (INCET) et la SARL Francis Klein à lui verser une indemnité de 2 468 263,97 euros TTC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en réparation des mêmes préjudices ; 5°) de mettre à la charge solidaire et définitive de la SAS Eliez, de la SARL Pro-Net, de l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, de la SAS INCET et de la SARL Francis Klein les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le tribunal, et de condamner solidairement ces parties à lui verser en conséquence la somme de 21 474 euros ; 6°) de mettre à la charge solidaire de la SAS Eliez, de la SARL Pro-Net, de l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, de la SAS INCET et de la SARL Francis Klein la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 7°) à titre très subsidiaire, de condamner solidairement l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, la SAS INCET et la SARL Francis Klein à lui verser une indemnité de 2 468 263,97 euros TTC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en réparation des mêmes préjudices ; 8°) de mettre à la charge solidaire et définitive de l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, de la SAS INCET et de la SARL Francis Klein les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Versailles et de condamner solidairement ces parties à lui verser en conséquence la somme de 21 474 euros ; 9°) de mettre à la charge solidaire de l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, de la SAS INCET et de la SARL Francis Klein la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 10°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la SAS L'Industrielle du froid et de la cuisson (IDFC) à lui verser une indemnité de 437 030,40 euros TTC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en réparation du préjudice résultant du remplacement des équipements fournis et installés par cette entreprise, à la suite du même sinistre ; 11°) de condamner la SAS Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France à lui verser une indemnité de 462 412,02 euros TTC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en réparation du préjudice résultant du remplacement des équipements périphériques fournis et installés par cette entreprise, à la suite du même sinistre ; 12°) de condamner solidairement la SAS IDFC et la SAS Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France à lui verser une indemnité de 1 568 821,55 euros TTC, en réparation d'autres préjudices résultant du même sinistre ; 13°) de mettre à la charge solidaire et définitive de la SAS IDFC et de la SAS Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Versailles, et de condamner solidairement ces parties à lui verser en conséquence la somme de 21 474 euros ; 14°) de mettre à la charge solidaire de la SAS IDFC et de la SAS Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 15°) en toute hypothèse, de majorer le montant des indemnités demandées, d'une part, des intérêts au taux légal à compter de la date de l'introduction de la requête et, d'autre part, de la capitalisation de ces intérêts. Par un jugement n° 1607865 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Versailles a : 1°) refusé d'admettre les interventions de la SA Axa France IARD et de la SA Allianz IARD ; 2°) condamné la SAS Eliez à verser à la région Ile-de-France la somme de 1 709 870,41 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2016, les intérêts échus à la date du 2 novembre 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date devant être capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts ; 3°) mis à la charge définitive de la SAS Eliez les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 42 948 euros ; 4°) mis à la charge de la SAS Eliez la somme de 800 euros à verser, respectivement, à la SARL Pro-Net, à l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, à la SAS INCET, à la SARL Francis Klein, à la SAS IDFC et à la SAS Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 5°) rejeté le surplus des conclusions des parties et des intervenantes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er août 2019 et le 27 août 2021, la SAS Eliez, représentée par Me Vaillant, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il : - l'a condamnée à verser à la région Ile-de-France la somme de 1 709 870,41 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; - a mis à sa charge les frais d'honoraires et d'expertise, liquidés et taxés à hauteur de 42 948 euros ; - a rejeté les appels en garantie formés par elle à l'encontre de la SARL Pro-Net, de l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, de la SAS INCET, de la SARL Francis Klein, de la SAS IDFC et de la SAS Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France. 2°) de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La SAS Eliez soutient que : - sa requête est recevable à l'égard de l'atelier Jean-François Laurent dès lors qu'elle a été introduite dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement attaqué, nonobstant l'absence de notification de cette requête à l'atelier Jean-François Laurent dans ce délai ; - le jugement attaqué est entaché d'une dénaturation du rapport de l'expert et de son additif puisqu'il considère, à tort, que l'expert judiciaire concluait à la responsabilité de la société exposante et de son sous-traitant ; - c'est à tort que les juges de première instance ont retenu qu'aucune consigne n'avait été donné par l'exposante à son sous-traitant s'agissant des produits à utiliser pour le nettoyage de la cuisine ; - l'expertise réalisée par le laboratoire CETIM fait clairement apparaître le caractère corrosif de la solution " IDOS DP PIN " utilisée par la société Pro-Net ; il en résulte que le produit utilisé par la société AG'Net Multiservices n'était pas déterminant dans l'origine des désordres ; cette dernière n'a ainsi pas utilisé de produit qui aurait favorisé la corrosion des carreaux et des plaques d'inox ; - il existe une incertitude quant à l'origine des désordres et donc leur imputabilité à la société AG'Net Multiservices ; il n'est pas établi que l'utilisation du produit " Pro'Tartre " serait impliquée dans la survenance des désordres ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il retient que la déclaration de sinistre effectuée par AG'Net Multiservices le 25 février 2014 vaut reconnaissance de responsabilité de cette dernière dans la survenance des désordres ; - le jugement attaqué est entaché d'une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce et d'une qualification juridique des faits inexacte ; les juges de première instance ont mal apprécié la chronologie et la nature des interventions effectuées par la société AG'Net Multiservices dans la cuisine du lycée Mansart ; - c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les photographies produites par la société Pro-Net ; - aucun transfert de garde n'a eu lieu s'agissant des équipements de cuisine qui restaient sous la garde de la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France ; - le lien de causalité entre les désordres constatés et l'intervention de la société AG'Net Multiservices ne peut être établi ; - le jugement attaqué est entaché d'une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en ce qu'il a rejeté ses appels en garantie ; o la responsabilité civile et décennale du cabinet Francis Klein est engagée dès lors que les désordres constatés révèlent un manquement manifeste de ce cabinet à sa mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination des différents intervenants, ainsi que cela a été relevé par la région Ile-de-France ; il doit être condamné à relever et garantir indemne la société exposante de toute condamnation ; o la responsabilité civile et décennale de la société Pro-Net est engagée dès lors qu'elle seule avait la charge des travaux de désinfection sans qu'elle ne puisse s'en exonérer ; la société Pro-Net est en outre responsable de l'aggravation des désordres et doit donc être condamnée à relever et garantir indemne la société exposante ; o la responsabilité civile et décennale de l'atelier d'architecture Jean-François Laurent et de la société INCET est engagée dès lors qu'ils ont manqué à leur obligation de contrôle et de surveillance des travaux ; - le jugement attaqué est insuffisamment motivé quant au quantum des postes de préjudice alloués à la région Ile-de-France ; - le jugement attaqué est entaché d'une inexacte appréciation des faits s'agissant de la détermination du quantum des postes de préjudices ; o elle n'a pas à supporter le coût du remplacement à neuf de tous les équipements dès lors que certains pouvaient être nettoyés et récupérés ; le coût de remise en état de la cuisine devra être limité à 123 294,84 euros TTC ; o les sommes correspondant aux honoraires du maître d'œuvre relèvent de prestations que ce dernier aurait dû accomplir dans le cadre de sa mission initiale et ne peuvent donc être incluses dans le quantum du préjudice ; o le surcoût de 83 988,82 euros TTC lié à la remise en état des équipements périphériques n'est pas justifié et la somme versée à ce titre ne peut donc excéder 136 870,34 euros TTC ; o les coûts liés à l'installation et à la location d'une cuisine provisoire ne sont pas justifiés et ne pourront donc être pris en charge ; o les sommes versées au titre des frais d'analyse et de nettoyage des matériels pour les besoins de l'expertise relèvent des dépens et sont soumis à l'appréciation souveraine de la cour ; o le coût d'un distributeur de plateaux est soumis à l'appréciation souveraine de la cour ; - elle n'a pas à supporter l'intégralité des frais d'expertise. Par des mémoires, enregistrés le 5 novembre 2019 et le 23 décembre 2021, la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France, représentée par le cabinet Signature Litigation AARPI, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) à titre subsidiaire, de rejeter toute demande formée par la région Ile-de-France tendant à sa condamnation ; 3°) à titre infiniment subsidiaire, de limiter à 315 352,66 euros la somme à laquelle elle serait condamnée en réparation du préjudice subi par la région Ile-de-France et de condamner in solidum les société Eliez, Pro-Net, atelier d'architecture Jean-François Laurent, INCET et Francis Klein à la garantir intégralement des condamnations pouvant être prononcées à son encontre ; 4°) de limiter le préjudice subi par la région Ile-de-France à un montant de 1 147 740,22 euros TTC ; 5°) de mettre à la charge des parties perdantes la somme de 20 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à bon droit que les juges de première instance n'ont prononcé aucune condamnation à son encontre ; - la contradiction au détriment d'autrui emporte l'irrecevabilité des demandes de la région Ile-de-France à son encontre, sur le fondement du principe de l'estoppel ; la région Ile-de-France ne pouvait, sans se contredire, lui demander de fournir de nouveaux équipements périphériques puis lui demander le remboursement de ce marché sans invoquer de faute à son encontre ; - l'action de la région Ile-de-France à son encontre est infondée ; sa responsabilité n'a jamais été mise en cause par le rapport d'expertise ; - sa responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement de la garde dès lors que les désordres n'ont pas été causés à un ouvrage mais à des équipements, que ces équipements sont greffés sur des lots distincts attribués à d'autres sociétés s'agissant notamment de leur nettoyage et qu'elle ne saurait être regardée comme gardienne d'éléments d'équipement se trouvant physiquement sous l'emprise de titulaires de lots distincts ; - à supposer que sa responsabilité puisse être engagée, elle ne serait que partielle compte tenu des fautes commises par la société Pro-Net, sous-traitant de la société Eliez, et ne saurait excéder la somme de 315 352,66 euros HT ; - à titre subsidiaire, les sociétés Eliez et Pro-Net, le groupement atelier d'architecture Jean-François Laurent et INCET et le cabinet Francis Klein seront condamnés, solidairement, à la garantir intégralement de toute condamnation ; - les sommes sollicitées par la région Ile-de-France ont été unilatéralement établies à un montant excédant celui fixé par le rapport d'expertise ; la région ne rapporte pas la preuve d'une baisse de fréquentation du lycée Mansart. Par des mémoires, enregistrés le 13 février 2020 et le 13 novembre 2021, la société Ingénierie Coordination Etudes Techniques (INCET), représentée par Me Cadix, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) à titre subsidiaire, de limiter le préjudice subi par la région Ile-de-France à un montant de 1 147 740,22 euros TTC ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société Eliez, la société Pro-Net, la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France, la société L'Industrielle du Froid et de Cuisson (IDFC), la société Francis Klein, l'atelier d'architecture Jean-François Laurent et la société Axa France IARD à la relever et garantir indemne des condamnations ; 4°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il ne lui a attribué que la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 5°) en tout état de cause, de mettre à la charge solidaire de la région Ile-de-France, la société Eliez et toute partie perdante la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens de première instance et d'appel. Elle soutient que : - il n'existe aucun lien contractuel entre elle et la société Eliez ; - la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil est inapplicable dès lors que le sinistre est antérieur à la réception ; - le maître d'œuvre n'est débiteur que d'une simple obligation de moyens ; - le rapport d'expertise n'a pas retenu la responsabilité de la maîtrise d'œuvre et notamment de la société exposante ; la validation des matériaux ne concerne que la phase de travaux et pas celle de nettoyage de fin de chantier ; les désordres sont liés à l'utilisation du produit plutôt qu'à son choix ; - à titre subsidiaire, elle s'associe aux moyens et observations de la société Eliez sur le montant réclamé par la région Ile-de-France ; la région Ile-de-France ne démontre pas l'existence d'un préjudice indemnisable ; seuls les travaux strictement nécessaires peuvent être indemnisés ; seule la rémunération des missions strictement nécessaires de la maîtrise d'œuvre, du contrôle technique et du coordonnateur " sécurité et protection de la santé " (SPS) peut être indemnisée ; le surcoût lié à certaines dépenses n'est pas justifié ; l'atteinte à l'image de la région n'est pas établie ; - à titre incident, le montant versé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le jugement attaqué est insuffisant et doit être évalué à 10 000 euros. Par des mémoires, enregistrés le 17 février 2020, le 25 mai 2021 et le 13 janvier 2022, l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, représenté par Me Thouzéry, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de limiter le préjudice subi par la région Ile-de-France à un montant de 1 147 740,22 euros TTC ; 3°) de mettre à la charge solidaire de la société Eliez et toute partie perdante une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les conclusions de la requête d'appel dirigées à son encontre sont irrecevables dès lors que la requête ne lui a pas été communiquée dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement attaqué mais le 10 janvier 2020, près de sept mois après la notification du jugement attaqué ; - à titre subsidiaire, sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors que la région Ile-de-France ne précise pas quelle faute, ni quel manquement à une obligation contractuelle il aurait commis ; les désordres résultent de la responsabilité exclusive de la société Eliez et de son sous-traitant, la société AG'Net Multiservices, et non d'un défaut de surveillance du chantier ; l'architecte n'est soumis qu'à une obligation de moyens ; - il ne saurait être condamné, en l'absence de toute faute, à garantir la société Eliez. Par un mémoire, enregistré le 23 mars 2021, la société Francis Klein, représentée par Me Clavier, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) à titre subsidiaire, de limiter à un montant de 123 294,84 euros les demandes au titre du remplacement des matériels endommagés et à un montant de 378 423,20 euros les demandes au titre de la remise en état des équipements périphériques ; 3°) de condamner la société Eliez à la relever et garantir de toutes les condamnations éventuellement prononcées à son encontre ; 4°) de mettre à la charge de la société Eliez la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa responsabilité ne peut être engagée en l'absence de faute ou de manquement à ses obligations contractuelles ; les désordres constatés sont exclusivement imputables aux produits appliqués qui n'ont pas été utilisés conformément aux prescriptions prévues par le mode d'emploi ; il n'est pas établi que la cuisine n'était pas en état d'être nettoyée, ni que la société Pro-Net se serait trouvée dans l'impossibilité d'effectuer sa prestation ; les dommages ne résultent pas d'un défaut d'ordonnancement ou de coordination ; - à titre subsidiaire, la somme demandée par la région Ile-de-France devra être limitée au montant fixé par le rapport d'expertise ; o le montant alloué au titre du remplacement des équipements de cuisine sera limité à 123 294,84 euros TTC dès lors qu'un remplacement à neuf n'était pas impératif ; o le montant alloué au titre de la remise en état des équipements périphériques sera limité à 378 423,20 euros TTC dès lors que le montant de 462 412 euros demandé n'est pas justifié ; o le montant alloué au titre de la maîtrise d'œuvre sera réduit à de plus justes proportions, la somme demandée n'étant pas justifiée ; o la demande tendant à l'indemnisation du surcoût des repas journaliers devra être rejetée dès lors que la réalité de ces surcoûts n'est pas établie ; o la somme demandée au titre de l'atteinte à la réputation n'est pas justifiée. Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 avril 2021 et le 8 novembre 2021, la région Ile-de-France, représentée par Me Levain et Me Prats-Denoix, avocats, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident : - de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes portant sur la réparation des préjudices liés à la prise en charge du surcoût journalier des repas servis aux élèves et aux personnels du lycée, aux autres prestations de travaux directement imputables au sinistre et à l'atteinte portée à son image ; - de condamner la société Eliez à lui verser la somme complémentaire de 758 393,56 euros TTC en réparation de son préjudice, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2016 et de la capitalisation des intérêts ; 3°) de mettre à la charge de la société Eliez la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à bon droit que les juges de première instance ont estimé que l'intervention de la société Axa France était irrecevable ; - le rapport d'expertise n'a pas été dénaturé par le tribunal administratif ; - le jugement attaqué n'est entaché d'aucune erreur de droit dès lors que les juges de première instance n'ont pas retenu que la déclaration de sinistre valait reconnaissance de responsabilité ; - la société Eliez n'a apporté, en première instance, aucun élément susceptible de remettre en cause les conclusions de l'expert sur l'engagement de sa responsabilité dans la réalisation des désordres ; - le tribunal a correctement apprécié la chronologie des faits ; - la société Eliez est contractuellement responsable des désordres commis par son sous-traitant, la société AG'Net Multiservices ; - c'est à bon droit que le tribunal administratif lui a alloué la somme de 437 030,40 euros TTC au titre du remplacement des cuisines ; - c'est à bon droit que les juges de première instance lui ont alloué la somme de 462 412,02 euros TTC au titre du remplacement des équipements périphériques ; - c'est à bon droit que le tribunal administratif a indemnisé le préjudice correspondant aux frais de maîtrise d'œuvre, de contrôle technique des travaux et de la mission sécurité et protection de la santé (SPS) nécessaires pour assurer la préparation et le suivi de l'exécution des marchés complémentaires visant la remise en état de la cuisine ; - c'est à bon droit que les juges de première instance lui ont alloué la somme de 703 675,50 euros TTC au titre de l'installation d'une cuisine provisoire ; - c'est à bon droit que les juges de première instance lui ont alloué la somme de 3 918 euros TTC au titre de l'installation d'un distributeur de plateaux ; - le tribunal n'a commis aucune erreur de droit en jugeant que les frais d'analyse et de nettoyage des matériels pour les besoins de l'expertise pouvaient être indemnisés et a correctement évalué ce préjudice à hauteur de 4 392,49 euros TTC ; - c'est à bon droit que les juges de première instance ont mis à la charge de la société Eliez les frais d'expertise liés au litige ; - au titre de l'appel incident : o le surcoût journalier des repas servis aux élèves et au personnel du lycée a été établi dès la première instance pour un montant total de 236 102,04 euros TTC et aurait dû être indemnisé par le tribunal ; o les travaux de mise en place d'un cloisonnement provisoire, d'aménagement d'un local vestiaire et de remise en état du fond de forme ont été rendus nécessaires par les désordres constatés et devaient donc être indemnisés ; o l'atteinte à son image doit être indemnisée à hauteur de 500 000 euros ; - à titre subsidiaire : o en l'absence d'état des lieux ou de réception, la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France doit être regardée comme ayant conservé la garde des équipements malgré l'intervention d'un autre corps d'état sur ces derniers ; les désordres étant intervenus avant réception ou état des lieux, la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France était responsable des équipements et des désordres survenus ; o le principe d'estoppel n'existe pas devant la juridiction administrative et doit être écarté ; o les désordres constatés auraient pu être évités si la maîtrise d'œuvre s'était assurée du respect, par la société Eliez, de ses obligations contractuelles ; l'atelier d'architecture Jean-François Laurent et la société INCET ont ainsi manqué à leur obligation de contrôle et de surveillance des travaux ; o il appartenait au cabinet Francis Klein, OPC, de contrôler que la cuisine était en état pour que la société AG'Net puisse effectuer normalement son nettoyage et la société Pro-Net intervenir à l'issue de ce nettoyage ; une incertitude quant à la chronologie des faits révèlerait un manquement du cabinet Francis Klein. Par des mémoires, enregistrés le 26 juillet 2021 et le 10 janvier 2022, la SARL Pro-Net, représentée par Me Gauthier, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de rejeter les appels en garantie formés par les sociétés Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France et INCET à son encontre ; 3°) de mettre à la charge de la société Eliez la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué n'est pas entaché de contradiction concernant les produits utilisés par la société exposante ; le rapport réalisé par le laboratoire CETIM ne conclut pas à sa responsabilité ; ce n'est pas le produit qu'elle a utilisé qui est à l'origine des désordres, ce dernier ayant été utilisé conformément aux prescriptions prévues par le mode d'emploi ; - les photographies ont été prises le vendredi 21 février au soir ; elles attestent de la survenance des désordres à cette date. Par des mémoires en intervention, enregistrés le 8 avril 2021, le 21 mai 2021 et le 14 décembre 2021, la société AXA France IARD, représentée par Me Blangy, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a refusé d'admettre son intervention ; 2°) d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a fait droit aux demandes de la région Ile-de-France ; 3°) de mettre à la charge de la région Ile-de-France ou toute partie perdante la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté son intervention volontaire dès lors qu'elle est l'assureur de la société AG'Net dont la responsabilité est mise en cause ; - le tribunal a dénaturé le rapport de l'expert judiciaire ainsi que son additif ; - aucun élément ne permet d'établir l'existence d'une faute de la société AG'Net dans l'utilisation du produit de nettoyage ; - les juges de première instance ont dénaturé la chronologie des travaux et des interventions successives ; - les déclarations de sinistre ne valent pas reconnaissance de responsabilité ; - la société AG'Net ne saurait être regardée comme responsable des désordres constatés ; - c'est à bon droit que le tribunal a rejeté l'appel en garantie formé par la société INCET à son encontre. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des marchés publics ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Houllier, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - et les observations de Me Le Moullec, substituant Me Vaillant, pour la société Eliez, Me Levain, pour la région Ile-de-France, Me Celet, substituant Me Blangy, pour la SAS AXA France IARD et Me Gauthier pour la société Pro-Net. Considérant ce qui suit : 1. En vue de travaux de restructuration et d'extension du lycée Mansart situé à Saint-Cyr-l'Ecole (Yvelines), la région Ile-de-France a confié un mandat de maîtrise d'ouvrage à la société d'économie mixte SEMAEST. La société Eliez, attributaire du lot n° 3 " Finitions " demande à la cour d'annuler le jugement du 27 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à la région Ile-de-France une somme de 1 709 870,41 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2016 et capitalisation des intérêts à compter du 2 novembre 2017, en réparation du préjudice résultant des désordres constatés dans la cuisine du lycée pendant l'exécution des travaux. Sur l'intervention de la compagnie d'assurance AXA France IARD : 2. Dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui peuvent se prévaloir d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier. L'assureur d'un constructeur dont la responsabilité est recherchée ne peut être regardé comme pouvant, dans le cadre d'un litige relatif à l'engagement de cette responsabilité, se prévaloir d'un droit de cette nature. Par suite, l'intervention de la compagnie d'assurance AXA France IARD en qualité d'assureur de la société AG'Net Multiservices ne peut être admise et c'est à bon droit que les juges de première instance ont également refusé d'admettre son intervention devant le tribunal administratif. Sur l'appel principal de la société Eliez : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : 3. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient. 4. La société Eliez soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé quant à la détermination du quantum du préjudice relatif aux travaux de remise en état et à l'intégration, dans ce chef de préjudice, des frais de maîtrise d'œuvre et des honoraires du contrôleur technique et du coordinateur sécurité et protection de la santé (SPS). Toutefois, il ressort du point 16 du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, a suffisamment motivé sa réponse sur ce point. Par suite, ce moyen doit être écarté. 5. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La société requérante ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit, d'appréciation et de qualification juridique des faits ainsi que de la dénaturation des faits commises par les juges de première instance pour demander l'annulation du jugement attaqué. En ce qui concerne la responsabilité de la SAS Eliez : 6. Aux termes de l'article 113 du code des marchés publics, dans sa version alors en vigueur : " En cas de sous-traitance, le titulaire demeure personnellement responsable de l'exécution de toutes les obligations résultant du marché ". 7. Il résulte du rapport de l'expert mandaté par le juge des référés du tribunal administratif que le lundi 24 février 2014, le maître d'ouvrage a été alerté de l'altération de plusieurs équipements de cuisine, ces derniers présentant d'importants désordres se manifestant par des " cratères, rayures, piqûres, développement de rouille " visibles tant sur le matériel en inox neuf que sur les bas de porte, pieds des huisseries, vannes, clapets anti-retour des alimentations d'eau et siphons de sols. L'expert a conclu que ces désordres étaient la conséquence d'une mauvaise utilisation du produit " Pro-Tartre " utilisé par la société AG'Net Multiservices, sous-traitant de la SAS Eliez, qui, par l'intermédiaire d'éclaboussures, de bidons posés, de gants, de chiffons ou de brosses imbibés de produit, a touché les équipements et provoqué les désordres. 8. La société Eliez soutient qu'elle ne saurait être tenue pour responsable des désordres constatés sur plusieurs équipements de la cuisine du lycée Mansart eu égard tant à la chronologie des faits qu'à l'implication et l'utilisation du produit " Pro-Tartre ". S'agissant de la chronologie des faits : 9. Il résulte de l'instruction que, le vendredi 21 février 2014, la société Pro-Net s'est présentée sur le site pour y procéder, conformément au marché passé avec la SEMAEST, à la désinfection de la cuisine. Toutefois, constatant que les travaux de nettoyage étaient insuffisamment avancés et que les équipements de cuisine étaient encore revêtus de leur film protecteur, la société Pro-Net n'a pu intervenir, ainsi qu'elle l'indique dans un courrier adressé au maître d'ouvrage délégué le même jour. Il résulte également de l'instruction que ce même jour, les équipes de la société AG'Net Multiservices ont procédé au nettoyage des sols et des faïences et il est constant que cette mission a été achevée le jour même. 10. En premier lieu, si la SAS Eliez soutient que son sous-traitant s'est borné à procéder à une opération de nettoyage des sols et faïences, conformément aux stipulations du marché du lot n°3, et qu'elle n'aurait ainsi pas procédé au retrait des films de protection des équipements de cuisine, il résulte de l'instruction qu'en raison de la carence de la société IDFC, en charge du lot n°4 " Equipements restauration cuisine ", ce jour-là, le cabinet Francis Klein, OPC, a demandé à la société Eliez de pallier cette carence, sans que cette dernière n'apporte la preuve qu'elle n'aurait pas répondu favorablement à cette demande. 11. En deuxième lieu, la SAS Eliez soutient avoir achevé le nettoyage des sols et des faïences et quitté les lieux aux alentours de 16 heures sans qu'aucun désordre ne puisse être alors constaté. Elle fait ainsi valoir que la société Pro-Net, revenue sur les lieux le soir même puis le lendemain, aurait causé les désordres lors de son intervention pour la désinfection de la cuisine. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que la société Pro-Net, n'ayant pu intervenir le vendredi 21 février comme initialement convenu, devait revenir le samedi 22 février pour procéder à la désinfection de la cuisine et que son gérant est également revenu sur le site le vendredi 21 février aux alentours de 18 heures après le départ des autres entrepreneurs, les photographies prises à ce moment-là, qui comportent un tampon de la date et de l'heure à laquelle elles ont été prises sans que leur authenticité ne soit contestée, font déjà apparaître d'importants désordres sur les équipements en acier inoxydable, notamment des tâches brunâtres et des traces de corrosion, en particulier sur les parties inférieures de ces meubles. Il en résulte que le vendredi 21 février à 18 heures, les désordres ultérieurement constatés par huissier pouvaient déjà être observés dans la cuisine du lycée Mansart. Le constat dressé à partir de ces photographies concorde en outre avec le témoignage d'un représentant du cabinet Francis Klein, présent sur les lieux le jour-même et qui a affirmé qu'une " forte odeur émanait de la zone cuisine, où le personnel de l'entreprise de nettoyage enlevait à l'aide d'une raclette une eau rougeâtre issue du nettoyage des sols et de la faïence ". 12. En dernier lieu, si la déclaration d'un sinistre auprès de son assureur ne saurait, à elle-seule, faire regarder la société AG'Net Multiservices et la société Eliez comme ayant admis leur responsabilité dans ce sinistre, il résulte de l'instruction, notamment du compte rendu de la réunion du 25 février 2014 ainsi que des mentions manuscrites portées sur la déclaration de sinistre d'AG'Net Multiservices, que la société Eliez a reconnu que les désordres provenaient d'une mauvaise application des produits de nettoyage des sols et faïences par la société AG'Net Multiservices. En outre, la société Eliez a rapidement accepté de passer commande à la société Pro-Net afin qu'elle tente d'éliminer toute trace d'acide et de corrosion dans la cuisine du lycée. 13. Ainsi, il résulte de l'instruction que la société AG'Net Multiservices, chargée du nettoyage des sols et des faïences, était présente sur le site des travaux le vendredi 21 février 2014 et que d'importantes traces de corrosion ont été constatées sur les équipements le même jour dès 18 heures. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que d'autres entreprises seraient intervenues dans ce même secteur avant l'enclenchement de ce phénomène d'oxydation. S'agissant du produit impliqué dans les désordres : 14. La société Eliez tente également de faire valoir que seul le produit utilisé par la société Pro-Net, nommé " Idos DP Pin ", pouvait causer de tels désordres mettant ainsi hors de cause le produit " Pro Tartre " utilisé par son sous-traitant. 15. En premier lieu, s'il ressort des rapports réalisés par le Centre technique des industries mécaniques (CETIM) et par le cabinet Chem'In que le produit " Idos DP Pin " est le plus corrosif des deux produits, ces rapports ne permettent pas d'établir lequel des deux produits a causé les dommages dès lors que, correctement utilisés, aucun des deux n'est susceptible de causer de tels désordres. En outre, ainsi que l'admet l'expert, les conditions exactes dans lesquelles les personnels de la société AG'Net Multiservices ont utilisé ou dilué le produit " Pro Tartre " lors de leur intervention de nettoyage restent indéterminées en l'absence de témoignages ou d'attestations des personnes présentes ce jour-là. 16. En second lieu, s'il est constant que la société Pro-Net était présente sur site le vendredi 21 février après le départ de la société AG'Net Multiservices, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait, entre cette date et le constat des désordres par le maître d'ouvrage le lundi 24 février, entrepris de désinfecter les lieux au moyen du produit " Idos DP Pin " susmentionné et ce alors même que le courriel de l'OPC du 21 février 2014 indiquait qu'elle interviendrait dès le matin du samedi 22 février 2014. 17. Il résulte de ce qui précède que, si ni l'expertise, ni les analyses réalisées par le laboratoire CETIM ne permettent d'attribuer formellement la responsabilité des désordres à l'un des deux produits, elles n'écartent pas la responsabilité de la société AG'Net Multiservices faute de savoir dans quelles conditions elle a effectivement utilisé le produit " Pro Tartre ". 18. Dans ces conditions, compte tenu de la chronologie des faits rappelée ci-dessus, la société AG'Net Multiservices doit être regardée comme responsable des désordres occasionnés. Par suite, eu égard aux obligations contractuelles du titulaire du lot n° 3, c'est à bon droit que le tribunal administratif a reconnu la responsabilité de la société Eliez qui, en vertu des dispositions précitées de l'article 113 du code des marchés publics, doit répondre de l'exécution défectueuse des travaux de nettoyage confiés à son sous-traitant, la société AG'Net Multiservices. En ce qui concerne les préjudices : S'agissant du remplacement des équipements de cuisine : 19. La société Eliez se fonde sur le rapport de l'expert pour faire valoir qu'elle ne pouvait être condamnée à indemniser la région Ile-de-France du coût d'un remplacement à neuf de tous les équipements dès lors que l'expert indiquait qu'un nettoyage de certains équipements était possible. Toutefois, d'une part, il ne ressort pas du rapport de l'expert que le nettoyage au " Polacid " proposé par la société IDFC, qui n'a pas été testé de manière exhaustive, aurait été suffisamment efficace pour garantir le bon fonctionnement des équipements, en particulier en milieu alimentaire, alors, en outre, que la région Ile-de-France était en droit de disposer d'équipements ne présentant aucun défaut, même seulement esthétiques ou minimes. D'autre part, si la société IDFC a accepté d'étendre sa garantie à tous les équipements nettoyés au Polacid, cet engagement demeurait conditionné au succès de ce nettoyage. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les juges de première instance ont condamné la société Eliez à verser à la région Ile-de-France la somme 437 030,40 euros TTC en réparation de ce préjudice. S'agissant de la remise en état des équipements périphériques : 20. D'une part, si la société Eliez conteste chaque poste du devis établi par la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France en indiquant que les prix affichés sont excessifs, elle ne produit aucune pièce de nature à établir le bien-fondé de ses allégations. 21. D'autre part, la société Eliez conteste la différence de 83 988,82 euros TTC constatée entre le devis initial établi par la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France et le marché exécuté. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce montant correspond à l'exécution de travaux supplémentaires rendus nécessaires compte tenu des désordres constatés dans la cuisine. En outre, la circonstance que ce montant n'aurait pas été soumis au débat contradictoire lors de l'expertise ne suffit pas à en établir le caractère exagéré alors que la société Eliez se borne à affirmer que ces travaux n'étaient pas nécessaires sans le démontrer. S'agissant de l'installation d'une cuisine provisoire : 22. Il ressort de son rapport que l'expert a estimé qu'il était nécessaire d'installer une cuisine provisoire. Or, si la société Eliez soutient que les coûts avancés par la région Ile-de-France sont surévalués, elle ne produit aucune pièce de nature à l'établir alors que tous les justificatifs correspondant à cette location ont été produits par la région Ile-de-France. S'agissant du distributeur de plateaux : 23. Il ne résulte pas de l'instruction que le coût de cet équipement, d'un montant de 3 918 euros, serait surévalué et ne serait pas justifié. S'agissant des honoraires de maîtrise d'œuvre : 24. La passation de plusieurs marchés complémentaires en vue de réparer les désordres constatés dans la cuisine a nécessairement engendré des besoins supplémentaires de maîtrise d'œuvre dont les justificatifs sont versés à l'instance. Si la société Eliez soutient que ces sommes n'auraient pas été dues si la maîtrise d'œuvre avait correctement effectué sa mission de contrôle et de surveillance lors du marché initial, il ne résulte, en tout état de cause, pas de l'instruction que les entreprises chargées de la maîtrise d'œuvre lors de la survenance du sinistre auraient commis une faute dans l'exercice de leur mission. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné la société Eliez à verser au maître d'ouvrage la somme totale de 98 436 euros TTC au titre des honoraires de maîtrise d'œuvre. S'agissant des frais d'analyse et de nettoyage pour les besoins de l'expertise : 25. Si la société Eliez soutient que la somme correspondant à ces frais ne devait pas être mise à sa charge, il résulte de l'instruction que la région Ile-de-France a engagé plusieurs dépenses en vue de faire analyser, par le cabinet CETIM et le laboratoire Toxi Labo, les matériaux endommagés lors du sinistre ainsi qu'aux fins de nettoyage de la cuisine à la demande de l'expert avant la visite des lieux par les parties à l'expertise. Cette somme, qui atteint un montant total de 4 398,49 euros TTC et ne fait pas partie des dépens, pouvait ainsi faire l'objet d'une indemnisation. C'est à bon droit que les juges de première instance ont condamné la société Eliez à la rembourser. 26. Il résulte de ce qui précède que la société Eliez n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à la région Ile-de-France la somme totale de 1 709 870,41 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. En ce qui concerne les appels en garantie : 27. En premier lieu, à supposer que la société Eliez soutienne que la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France, titulaire du lot n°1 " Ossatures ", doit la garantir de ses condamnations dès lors qu'en l'absence de toute réception ou état des lieux, elle avait la garde des équipements périphériques endommagés lors du sinistre, il résulte de ce qui précède que l'origine des désordres constatés sur les équipements périphériques est attribuable au nettoyage des sols et faïences par la société AG'Net Multiservices, sous-traitant de la société Eliez. Dans ces conditions, la responsabilité ne saurait être portée par la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France. 28. En deuxième lieu, il ne ressort pas des stipulations du marché conclu entre la SEMAEST et le cabinet Francis Klein, OPC, que ce dernier aurait dû contrôler les produits utilisés par l'entreprise de nettoyage et de désinfection et notamment les conditions de leur utilisation. En outre, la seule circonstance que ce cabinet était chargé de la coordination des entreprises et de la surveillance des travaux ne permet pas d'établir qu'elle n'aurait pas normalement accompli cette mission, qui n'implique pas une surveillance continue et aussi précise des entreprises, et alors que le rapport de l'expert ne conclut qu'à la faute de l'entreprise de nettoyage. 29. En troisième lieu, l'atelier d'architecture Jean-François Laurent et la société INCET, chargés de la maîtrise d'œuvre, n'étaient pas tenus de contrôler les produits utilisés par l'entreprise de nettoyage et ne sauraient, en l'absence de toute faute dans l'exercice de leurs missions de direction de l'exécution des contrats de travaux, être tenus pour responsables des désordres constatés dans la cuisine. Par suite, les conclusions formées par la requérante à leur encontre doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'atelier d'architecture Jean-François Laurent. 30. Enfin, si la société Eliez fait valoir que la société Pro-Net doit la garantir des condamnations prononcées à son encontre, il résulte de ce qui a été exposé aux points 6 à 18 qu'il n'est pas établi que la société Pro-Net aurait commis une faute et ainsi contribué aux désordres constatés. 31. Il résulte de ce qui précède que la société Eliez n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses appels en garantie. En ce qui concerne les frais d'expertise : 32. Eu égard aux circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal administratif a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à un montant de 42 948 euros, à la charge de la société Eliez. Sur l'appel incident de la région Ile-de-France : 33. En premier lieu, la région Ile-de-France soutient que la société Eliez aurait dû être condamnée à l'indemniser du surcoût des repas journaliers pour la période allant du 1er avril 2014 au 30 juin 2016. Toutefois, si la région Ile-de-France produit plusieurs pièces de nature à établir une différence entre les sommes versées par les usagers de la cantine et le prix payé à la société Elior pour la préparation de ces repas, elle n'établit pas que ce différentiel serait la conséquence directe des désordres causés à ces équipements et de la nécessité de prévoir une solution temporaire de cantine dans l'attente de la remise en état de ces derniers, ni que ce montant serait supérieur à ce qu'elle aurait dû payer si la cantine avait été mise en service à la date initialement convenue. Par suite, les conclusions qu'elle présente sur ce fondement doivent être rejetées. 34. En deuxième lieu, la région Ile-de-France soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de condamner la société Eliez à la rembourser des sommes engagées pour la réalisation de plusieurs aménagements provisoires. Toutefois, d'une part, s'agissant de l'aménagement d'un cloisonnement provisoire, la région Ile-de-France ne produit aucune pièce de nature à établir que cet aménagement aurait été indispensable en raison du sinistre constaté dans la cuisine. De même, elle n'établit pas la nécessité de réaliser un local vestiaire provisoire. D'autre part, si la région Ile-de-France soutient que l'installation de la cuisine provisoire a causé des dommages au sol alors que ce dernier avait été tout juste remis en état après le démantèlement des locaux provisoires initialement installés, elle n'établit pas la réalité de cette remise en état, ni des travaux supplémentaires dont elle se prévaut. Par suite, elle n'est pas fondée à réclamer une indemnité à ce titre. 35. Enfin, la région Ile-de-France soutient qu'elle a subi un préjudice de réputation et une atteinte à son image en raison du retard pris dans l'ouverture de la cantine définitive du lycée Mansart. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que certaines associations de parents d'élèves ont exprimé leur mécontentement quant aux conditions d'accueil des lycéens pour le déjeuner, ce mécontentement portait autant sur les conditions d'accueil que sur la qualité des repas servis. Il résulte, en outre, de l'instruction que la région Ile-de-France a répondu de manière circonstanciée afin d'expliquer les raisons de ce retard, sans que cela ne provoque de nouvelles contestations de la part de ces associations. Dans ces conditions, la région Ile-de-France n'établit pas avoir subi un préjudice réputationnel et une atteinte à son image devant être indemnisés. 36. Il résulte de ce qui précède que la région Ile-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a condamné la société Eliez à lui verser une somme limitée à 1 709 870,41 euros TTC. Sur l'appel incident de la société INCET : 37. Si la société INCET soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a condamné la société Eliez à lui verser une somme limitée à 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative compte tenu des frais engagés, il ne résulte pas de l'instruction que, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal aurait fait une inexacte application de ces dispositions en fixant à 800 euros cette somme. Sur les frais liés au litige : 38. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région Ile-de-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Eliez et la société AXA demandent à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Eliez une somme de 800 euros à verser respectivement à la région Ile-de-France, à la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France, à la société INCET, à l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, au cabinet Francis Klein et à la SARL Pro-Net, sur le fondement des mêmes dispositions. 39. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : L'intervention de la SAS AXA France IARD n'est pas admise. Article 2 : La requête de la SAS Eliez est rejetée. Article 3 : Les conclusions incidentes de la région Ile-de-France et de la société INCET sont rejetées. Article 4 : La SAS Eliez versera respectivement à la région Ile-de-France, la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France, la société INCET, l'atelier d'architecture Jean-François Laurent, le cabinet Francis Klein et la SARL Pro-Net une somme de 800 euros chacun. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Eliez, à la région Ile-de-France, à la SARL Pro-Net, à la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France, à la société Industrielle du froid et de cuisson (IDFC), à la société Ingénierie Coordination Etudes Technique (INCET), au cabinet Francis Klein, à l'atelier d'architecture Jean-François Laurent et à la SAS AXA France IARD. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Houllier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023. La rapporteure, S. HoullierLa présidente, C. Signerin-IcreLa greffière, C. Fourteau La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 19VE02863
CETATEXT000048457756
J0_L_2023_11_00020VE00495
CETAT
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Texte
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 23/11/2023, 20VE00495, Inédit au recueil Lebon
2023-11-23 00:00:00
CAA de VERSAILLES
20VE00495
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme SIGNERIN-ICRE
SELARL GRIFFITHS DUTEIL ASSOCIES
M. Gildas CAMENEN
Mme JANICOT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Pinto a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre le 29 et 30 mars 2018 par la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise (CACP) pour un montant de 54 400 euros correspondant aux pénalités de retard mises à sa charge à raison de l'exécution d'un marché de travaux pour la réhabilitation des ouvrages d'assainissement en amont du siphon de Neuville à Jouy-le-Moutier. Par un jugement no 1806023 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement les 14 février 2020, 14 janvier 2022 et 21 juillet 2023, la société Pinto, représentée par Me Griffith, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler ces titres exécutoires ; 3°) de mettre à la charge de la CACP la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les pénalités de retard ne sont pas justifiées dès lors que le retard est dû à des sujétions techniques imprévues liées à la coactivité ; - ce retard est dû également à des prestations de reconnaissance et sondages supplémentaires non prévues qui résultent d'erreurs dans les documents contractuels et sont la faute du maître d'œuvre ; les prestations supplémentaires en résultant ont entraîné un décalage de son intervention d'une semaine ; - le retard est aussi dû à des inondations qui ne lui sont pas imputables et qui ont entraîné un décalage dans l'exécution de ses travaux d'une semaine ; - il est enfin dû à des prestations supplémentaires de surveillance du pompage ; - le maître d'ouvrage a sollicité des équipements complémentaires qui ont entraîné un allongement des délais d'exécution de trois semaines ; - l'état d'accueil du dégrilleur n'étant pas conforme au plan de récolement fourni au dossier de consultation des entreprises, des modifications ont été nécessaires ; - elle a retiré l'ancienne vanne et en a installé une nouvelle ; - les travaux supplémentaires ayant donné lieu à l'ordre de service n° 4 prolongeant le délai contractuel ont occasionné des coûts et délais supplémentaires ; - les travaux ont subi des intempéries au sens des stipulations de l'article 6.2 du cahier des clauses administratives particulières ; elles ont eu lieu le 13 septembre, le 31 octobre, le 7 novembre, le 23 novembre et le 19 décembre 2017. Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement le 8 novembre 2021 et le 25 février 2022, le syndicat intercommunautaire pour l'assainissement de la région de Cergy-Pontoise et du Vexin (SIARP) venant aux droits de la CACP, représenté par Me Symchowicz, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter de la requête ; 2°) de mettre à la charge de la société Pinto la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, les moyens de la requête de la société Pinto ne sont pas fondés ; - à titre subsidiaire, la demande de première instance était tardive. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des marchés publics ; - l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Camenen, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - les observations de Me Maerten-Ullmo, pour la société Pinto et celles de Me Chaves-Guillon, pour le SIARP. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre de la réhabilitation des ouvrages d'assainissement en amont du siphon de Neuville à Jouy-le-Moutier, la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise (CACP), aux droits de laquelle vient le syndicat intercommunautaire pour l'assainissement de la région de Cergy-Pontoise et du Vexin (SIARP), a conclu avec la société Pinto, le 24 février 2017, un marché de travaux d'un montant total de 885 756 euros. Le délai d'exécution des travaux de la tranche ferme était fixé à quatre mois et devait en principe s'achever le 12 octobre 2017. Il a été prolongé pour une période de trois semaines par l'ordre de service n° 4 du 10 octobre 2017. Les travaux ont finalement été achevés le 10 janvier 2018. La CACP a émis trois titres exécutoires les 29 et 30 mars 2018 mettant à la charge de la société Pinto la somme de 54 400 euros au titre des pénalités de retard dans l'exécution des travaux. La société Pinto relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces titres exécutoires. 2. Aux termes de l'article 6.3.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché litigieux relatif aux pénalités pour retard dans l'exécution des travaux : " Les pénalités seront appliquées par simple constatation sans mise en demeure préalable. / En cas de retard dans l'exécution des travaux (achèvement de chaque phase ou de l'ensemble des travaux ou du corps d'état concerné ou tranche concernée), le titulaire subira, par jour de retard, une pénalité de 800,00 euros par calendaire de retard ". 3. La société Pinto soutient que les pénalités de retard mises à sa charge sur le fondement de ces stipulations ne sont pas dues dès lors que plusieurs circonstances non prévues au marché justifient ces retards. 4. En premier lieu, au nombre des contraintes particulières liées à l'exécution du marché prévues par les stipulations de l'article 1.1 du CCAP figure notamment : " continuité de service à assurer sur le siphon avec impossibilité de bypasser les eaux usées transitant dans le diamètre 1400 ". En outre, l'article 0.0.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) mentionne dans un tableau les interventions courantes réalisées sur le poste du siphon de Neuville et notamment en ce qui concerne l'exploitant, la " collecte des déchets d'assainissement " deux fois par semaine. 5. A l'appui de sa requête, la société Pinto soutient que la co-activité sur site constitue une sujétion technique imprévue. Elle fait valoir que les arrêts de travail imposés au groupement chaque semaine pour permettre l'évacuation des déchets a entraîné des surcoûts et des délais complémentaires d'exécution non prévus au marché. Toutefois, il résulte des stipulations précitées que la société Pinto a été préalablement informée de l'existence d'une contrainte liée à la nécessité d'assurer la continuité du service et, notamment, de permettre l'évacuation des déchets d'assainissement par l'exploitant. Cette contrainte a ainsi été prise en compte dans le prix global et forfaitaire du marché. D'ailleurs, la société Pinto n'établit nullement avoir dû interrompre chaque semaine ses travaux pour permettre l'évacuation des déchets par l'exploitant et dans des conditions pouvant avoir un impact sur le délai d'exécution du chantier. Par suite, le moyen tiré de ce que le retard sanctionné par les titres exécutoires litigieux serait imputable à une co-activité non prévue au marché doit être écarté. 6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 0.3.7.2 du CCTP : " L'entrepreneur devra faire parvenir aux différentes administrations susceptibles d'avoir des canalisations ou des conduites dans la zone sur laquelle des travaux doivent être entrepris, une déclaration d'intention de commencement des travaux (D.I.C.T.) conforme aux prescriptions de l'arrêté préfectoral en vigueur et cela dix jours au moins avant la date prévue pour le début des travaux (...) ". Aux termes de l'article 1.9 du même cahier : " L'entrepreneur devra la réalisation de sondages de reconnaissance de réseaux soit par fouille à la main soit par détection sans fouille afin de déterminer ou confirmer l'implantation d'un réseau ou d'un équipement (...) / L'objectif sera notamment de passer l'ensemble des réseaux recensé à la suite des demandes de DICT en classe de précision classe A ". 7. La société Pinto soutient avoir dû effectuer des prestations supplémentaires de reconnaissance et de sondage, les réseaux n'étant pas identifiés dans le dossier de consultation des entreprises (DCE) et dans les déclarations d'intention de commencement des travaux (DICT) et les plans de récolement existants étant erronés. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'il existait des erreurs dans les plans de récolement des ouvrages dans leur état d'origine ayant pu être fournis à la société Pinto. En outre, si les réseaux n'ont pas été identifiés à la suite des DICT adressées par l'entrepreneur aux différents concessionnaires, il résulte des stipulations précitées de l'article 1.9 du CCTP que la société Pinto avait en tout état de cause la charge d'identifier elle-même les réseaux soit par fouille soit par détection. Ainsi, elle ne peut utilement se prévaloir d'un prétendu décalage de ses interventions lié à la découverte de réseaux ou à des erreurs dans les documents qui lui ont été communiqués, pour justifier le retard sanctionné par les pénalités en litige. 8. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 4.2 du CCTP : " L'entrepreneur devra le remplacement, comprenant dépose et évacuation du dégrilleur existant, et la fourniture, pose et raccordement d'un dégrilleur vertical 6 000 m3/h (...) L'entrepreneur devra notamment : / l'ensemble des éléments de fixations et serrureries nécessaires à la pose, raccordement et mise en service des équipements / Les travaux de génie civil nécessaire à l'implantation du dégrilleur (...) ". 9. La société Pinto soutient qu'en raison d'erreurs dans les plans de récolement des ouvrages existants, il a été nécessaire de réaliser une recharge en béton de calfeutrement pour la réadaptation des dimensions du nouveau dégrilleur. Les écarts constatés ont entraîné, selon elle, la mise à jour du plan du dégrilleur, la fourniture et la pose de deux déflecteurs en bas de la grille, la fourniture et la pose de deux poutres et de trois plaques supplémentaires à la suite de la baisse au plus bas du canal existant. Toutefois, si les comptes rendus de chantier produits en appel par la société indiquent que la " forme du nouveau dégrilleur n'est pas conforme à la réalité ", ce décalage ayant nécessité des corrections et ajustements, il n'est pas établi par ces seuls éléments que cette situation serait imputable à des erreurs dans les plans fournis à l'entrepreneur. Ces erreurs ne sont notamment pas établies par la notification de prix nouveaux pour le dégrilleur par l'ordre de service n° 5. Ainsi, les prestations de génie civil nécessaires à l'implantation du dégrilleur faisant partie des obligations contractuelles de l'entreprise comprises dans le prix global et forfaitaire du marché, la société Pinto n'est pas fondée à soutenir que les corrections et ajustements qu'elle a effectués pour installer le nouveau dégrilleur justifieraient en tout ou partie le retard qui lui a été reproché. 10. En quatrième lieu, la société Pinto se prévaut d'inondations intervenues dans la nuit du 28 septembre au 29 septembre 2017 ainsi que le 6 octobre 2017. Il résulte de l'instruction, en particulier des comptes rendus de chantiers, que l'inondation survenue dans la nuit du 28 au 29 septembre 2017 est imputable à la chute du batardeau en amont du dégrilleur qui a empêché les effluents d'atteindre le siphon, un rejet dans l'Oise ayant été observé. Toutefois, l'agent d'astreinte n'a pu intervenir dans le local concerné, la nouvelle ouverture ayant été scellée par la société Pinto. Les comptes rendus de chantier relèvent que la société Pinto avait " la garde de l'ouvrage durant cette période et qu'il était de son devoir d'assurer l'accessibilité aux équipements dans des conditions de sécurité satisfaisantes d'exploitation ". Il n'est pas établi ni même allégué que la société Pinto a contesté ce constat. En outre, il résulte de l'instruction que l'inondation survenue à partir du 6 octobre 2017 est imputable à une panne des groupes électrogènes qui alimentaient les pompes de la société Pinto. Par un ordre de service n° 3 du 10 octobre 2017, il a été ordonné à la société Pinto d'interrompre les pompages tant qu'elle ne démontrerait pas sa capacité à mettre en sécurité les installations afin d'éviter des dégradations en domaine public ou privé. Il n'est pas établi, ni même allégué, que cet ordre de service a été contesté par la société Pinto. Ainsi, la société Pinto n'est pas fondée à soutenir que le retard faisant l'objet des pénalités litigieuses serait justifié par les inondations survenues en cours de chantier. 11. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 4.0.4 du cahier des clauses techniques particulières : " (...) L'entrepreneur devra prendre toutes les dispositions pour assurer la déviation, l'épuisement et l'évacuation de l'eau en permanence 24 heures sur 24 (...) ". 12. La société Pinto reconnaît que les stipulations du marché impliquaient de réaliser les travaux de dévoiement des effluents par pompage et le rabattement de la nappe, qui nécessitaient un pompage et une astreinte 24 heures sur 24 heures. Cependant, elle fait valoir que la présence de conglomérats solides a nécessité, en raison du risque d'obstruction des pompes, une surveillance complémentaire non prévue au marché. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société Pinto a été confrontée en cours d'exécution du marché à la présence d'effluents comportant des agrégats solides en quantité ou qualité excédant ceux dont elle pouvait raisonnablement anticiper la présence lorsqu'elle a souscrit le marché. Elle ne précise d'ailleurs pas en quoi ces prestations supplémentaires de surveillance auraient pu impacter le délai d'exécution des travaux. Par suite, le moyen tiré de ce que les pénalités de retard ne seraient pas justifiées compte tenu des prestations complémentaires de surveillance du pompage mises en œuvre par la société Pinto doit être écarté. 13. En sixième lieu, si dans deux devis des 3 juillet 2017 et 19 décembre 2017, le groupement a proposé le remplacement de deux sondes radar et l'ajout d'un bloc autonome de sécurité et si ces devis faisaient état d'un délai supplémentaire d'une semaine et de deux semaines, l'allongement de la durée d'exécution du chantier ne peut être regardée comme ayant été validée par le dernier compte rendu de chantier. En tout état de cause, les délais supplémentaires figurant dans ces devis sont sans rapport avec la nature même de ces travaux. Ils ne peuvent justifier en tout ou partie le retard reproché à la société Pinto. 14. En septième lieu, aux termes de l'article 4.3.1 du CCTP relatif à la vanne guillotine Dn 1400 : " L'entrepreneur devra le remplacement, comprenant la dépose et évacuation de la vanne à l'arrachement existante, par la fourniture, pose et raccordement d'une vanne au plaquage (...) ". 15. La société Pinto soutient que les retards sont en partie imputables à la commande d'une nouvelle vanne. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier de l'ordre de service n° 4, que la pose de la vanne était prévue le 4 septembre 2017. Par un courrier du 22 novembre 2017, la société Pinto a été mise en demeure de procéder à la pose définitive et conforme de cette vanne dans un délai de quinze jours, des détériorations ayant été constatées sur l'opercule. Par un courrier du 30 novembre 2017, la société Pinto a informé le maître d'ouvrage qu'elle avait décidé de faire fabriquer une vanne neuve, sa réception étant prévue la deuxième semaine de janvier 2018. Cette commande ayant été faite à la seule initiative de la société Pinto, cette dernière n'est nullement fondée à soutenir que le retard qui en résulterait sur le délai d'exécution des travaux serait ainsi en tout ou partie justifié. 16. En huitième lieu, il n'est pas établi que les difficultés ayant justifié la prolongation du délai d'exécution des travaux de trois semaines par l'ordre de service n° 4 auraient occasionné des coûts et des délais complémentaires pour la société Pinto et auraient ainsi insuffisamment été pris en compte. 17. En neuvième lieu, si la société Pinto a été invitée à manipuler les équipements d'exploitation, en particulier la vanne manuelle sur le diamètre 1 000 ainsi qu'il résulte du compte rendu de chantier du 9 octobre 2017, il n'est pas établi que ces prestations ont eu une incidence quelconque sur le délai d'exécution des travaux et sur le retard qui lui est reproché. 18. En dixième lieu, aux termes de l'article 19.2.3 de l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) : " (...) Dans le cas d'intempéries non visées par une disposition légale ou réglementaire ainsi que dans le cas d'autres phénomènes naturels entravant l'exécution des travaux, si les documents particuliers du marché prévoient la prolongation du délai d'exécution en fonction de critères qu'il définit, cette prolongation de délai est notifiée au titulaire en récapitulant les constatations faites. (...) ". L'article 6.2 du CCAP du marché litigieux fixe les seuils d'intensité et de durée des phénomènes naturels entraînant une prolongation des délais d'exécution des travaux. 19. Si la société Pinto a produit un relevé météorologique pour la période de l'exécution des travaux, ce relevé ne suffit pas, à lui seul, à démontrer que ceux-ci ont effectivement été entravés pendant cette période. Ainsi, la société n'est pas fondée à soutenir que des intempéries intervenues sur le chantier sont susceptibles de prolonger les délais d'exécution. Le moyen doit, par suite, être écarté. 20. Enfin, les moyens tirés de ce que la société Pinto aurait réalisé des injections complémentaires et des adaptations de fondations spéciales ou le raccordement de VRD au-delà des limites du chantier pour son alimentation sont dépourvus de toute précision ou justification suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé. 21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pinto n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du SIARP au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pinto la somme de 2 000 euros à verser au SIARP sur le fondement de ces mêmes dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Pinto est rejetée. Article 2 : La société Pinto versera au syndicat intercommunautaire pour l'assainissement de la région de Cergy-Pontoise et du Vexin (SIARP) venant aux droits de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise (CACP) la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pinto et au syndicat intercommunautaire pour l'assainissement de la région de Cergy-Pontoise et du Vexin (SIARP) venant aux droits de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise (CACP). Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Houllier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023. Le rapporteur, G. CamenenLa présidente, C. Signerin-IcreLa greffière, C. FourteauLa République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 No 20VE00495
CETATEXT000048457758
J0_L_2023_11_00020VE01760
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457758.xml
Texte
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 23/11/2023, 20VE01760, Inédit au recueil Lebon
2023-11-23 00:00:00
CAA de VERSAILLES
20VE01760
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme SIGNERIN-ICRE
CABINET LAPISARDI AVOCAT
M. Gildas CAMENEN
Mme JANICOT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Locam a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les Oiseaux à lui verser la somme de 118 287,18 euros au titre de l'indemnité de résiliation des contrats de location de photocopieurs nos 1191091 et 1249105 conclus avec cet établissement, à titre subsidiaire, la somme de 90 519 euros au titre de son manque à gagner et, à titre infiniment subsidiaire, la somme de 78 373,68 euros au titre de l'enrichissement sans cause, ces sommes étant assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement no 1802041 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'EHPAD Les Oiseaux à lui verser les sommes de 10 369,80 euros et 9 280,80 euros au titre des loyers impayés et les sommes de 1 037 euros et 928 euros au titre de la clause pénale, ces sommes étant assorties des intérêts et de la capitalisation, et a rejeté le surplus des conclusions de la société Locam. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 27 juillet 2020 et le 30 juin 2021, l'EHPAD Les Oiseaux, représenté par Me Lapisardi, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par la société Locam devant le tribunal administratif ; 3°) de condamner la société Locam à lui verser la somme de 26 503,2 euros TTC ; 4°) de mettre à la charge de la société Locam la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a retenu un moyen d'ordre public tiré de l'application de l'article 7 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 sans en informer les parties ; - le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit ; - le tribunal administratif a retenu une conception extensive de la loyauté des relations contractuelles en la faisant prévaloir sur les graves irrégularités entachant les contrats ; - les contrats comportaient une clause de reconduction tacite et une clause résolutoire irrégulières ; - les contrats étaient dépourvus de cause, l'exposant disposant déjà de six photocopieurs à la date de leur conclusion et ses besoins étant déjà largement satisfaits ; le contrat conclu en janvier 2016 concernait exactement les mêmes prestations que le contrat conclu en avril 2015 ; - l'absence totale de publicité et de mise en concurrence doit conduire à l'annulation des contrats ; - le loyer des contrats a été très largement surfacturé ; il ne correspond à aucune réalité économique ; il s'agit d'une libéralité illicite qui entache de nullité ces contrats ; - la société Locam a volontairement vicié son consentement ; compte tenu de son expérience, elle a commis des manœuvres dolosives ayant conduit l'exposant à conclure des contrats dans des conditions extrêmement désavantageuses ; elle est seule responsable de ce vice, étant le seul interlocuteur de l'exposant, qu'elle a démarché ; les clauses contractuelles ne lui ont pas été fournies et étaient, en tout état de cause, illisibles ; - les contrats ont prévu une clause de reconduction tacite illicite ; - la clause de résiliation avec indemnisation stipulée dans les contrats est nulle, l'application de cette clause conduisant à une indemnité manifestement disproportionnée et l'indemnité ne tenant pas compte des charges dont elle est libérée et des bénéfices que peuvent lui procurer la revente ou la relocation du matériel ; - l'indemnisation ne peut intervenir sur le fondement de clauses irrégulières ; en l'absence d'élément justificatif, aucune indemnité n'est due ; il ne peut être fait application des intérêts au taux légal en cas de contrat nul ; - la société Locam ne peut prétendre à une indemnité au titre de ses dépenses utiles dès lors qu'elle a intentionnellement vicié le consentement de l'exposant ; - les sommes dont elle demande l'indemnisation n'ont pas été utiles ; la valeur réelle du matériel était largement amortie avant la résiliation ; la société Locam a tardé à demander la restitution du matériel ; elle aurait pu le revendre ou le recommercialiser ; - les calculs effectués par la société Locam sont erronés ; la valeur réelle du matériel est bien inférieure au prix d'achat ; la somme due serait au maximum de 49 927 euros et non 78 373,68 euros ; - la société Locam ne peut prétendre à aucune autre indemnisation ; la faute qu'elle a commise est la seule cause de son préjudice ; en tout état de cause, elle n'établit pas sa marge nette et son chiffrage est erroné ; seuls quatorze loyers et non dix-huit n'ont pas été payés pour le contrat n° 1191091 ; - il entend demander la condamnation de la société Locam à lui verser la somme de 26 503,20 euros au titre de sa faute quasi-délictuelle ou de l'enrichissement sans cause. Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 3 mars 2021 et 30 septembre 2021, la société Locam, représentée par Me Vacheron, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) à titre subsidiaire, de condamner l'EHPAD Les Oiseaux à lui verser la somme de 118 287,18 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, augmentée des intérêts et de la capitalisation ; 3°) à titre très subsidiaire, de condamner l'EHPAD Les Oiseaux à lui verser la somme de 90 519 euros au titre du manque à gagner, augmentée des intérêts et de la capitalisation ; 4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner l'EHPAD Les Oiseaux à lui verser la somme de 78 373,68 euros au titre de l'enrichissement sans cause, augmentée des intérêts et de la capitalisation ; 5°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'EHPAD Les Oiseaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est régulier ; elle a présenté une demande au titre des intérêts moratoires ; le tribunal administratif a substitué le texte applicable ; - les contrats conclus avec l'EHPAD ne sont pas nuls ; les précédents invoqués par la commune ne peuvent conduire à reconnaître cette nullité ; le tribunal n'a pas fait une application extensive du principe de loyauté des relations contractuelles ; l'EHPAD ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'il disposait déjà de photocopieurs ; les deux contrats de 2015 et 2016 ne portaient pas sur deux matériels identiques ; l'absence de mise en concurrence ne peut conduire à l'annulation des contrats compte tenu du principe de loyauté des relations contractuelles ; le prix des contrats n'était pas illicite ; la preuve de manœuvres dolosives pour vicier le consentement de l'EHPAD n'est pas apportée ; les clauses sont parfaitement lisibles et le locataire a reconnu en avoir pris connaissance ; - elle est fondée à demander une indemnité de 118 287,18 euros en application des stipulations des contrats ; - son manque à gagner s'élève au total à la somme de 90 519 euros correspondant aux loyers non perçus ; - l'indemnité au titre de l'enrichissement sans cause s'élève à la somme de 78 373,68 euros correspondant à la différence entre le prix d'acquisition du matériel et les loyers perçus ; - elle s'en rapporte au jugement pour les intérêts moratoires ; - les conclusions indemnitaires de l'EHPAD sont irrecevables et infondées. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la commande publique ; - le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Camenen, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - et les observations de Me Obrero, pour l'EHPAD Les Oiseaux. Considérant ce qui suit : 1. L'EHPAD Les Oiseaux relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 en tant que le tribunal l'a condamné à verser à la société Locam les sommes de 10 369,80 euros et 9 280,80 euros au titre des loyers impayés de deux contrats de location de photocopieurs résiliés par cette dernière ainsi que les sommes de 1 037 euros et 928 euros au titre de la clause pénale de 10 % stipulée dans ces contrats. Il demande en outre à la cour de condamner la société Locam à lui verser la somme de 26 503,20 euros. Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Locam : 2. Les conclusions de l'EHPAD Les Oiseaux tendant à la condamnation de la société Locam à lui verser la somme de 26 503,20 euros, présentées directement devant la cour, sont irrecevables comme nouvelles en appel. Elles doivent, par suite, être rejetées. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. En premier lieu, il ressort de l'examen du jugement attaqué que, la société Locam ayant sollicité le versement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article R. 2192-31 du code de la commande publique, inapplicable en l'espèce, le tribunal administratif a substitué d'office les dispositions équivalentes antérieurement applicables résultant des articles 7 et 8 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. Le tribunal s'est ainsi borné à exercer son office en se plaçant sur le terrain juridiquement approprié pour accorder à la société Locam les intérêts qui lui étaient dus. Alors même qu'aucune partie n'avait cité les dispositions du décret du 29 mars 2013, le tribunal n'a pas soulevé d'office un moyen d'ordre public qu'il aurait dû préalablement communiquer aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative et n'a, par suite, pas entaché son jugement d'irrégularité de ce chef. 4. En second lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreurs de droit au motif que le tribunal administratif aurait fait une application erronée du principe de loyauté des relations contractuelles et que plusieurs irrégularités graves auraient dû le conduire à écarter l'application des contrats, est sans incidence sur la régularité de ce jugement et doit, dès lors, être écarté. Au fond : 5. Pour condamner l'EHPAD Les Oiseaux à verser à la société Locam les sommes correspondant aux loyers échus antérieurement à la date de résiliation des contrats, majorées de 10 %, le tribunal administratif a, d'une part, écarté l'exception de nullité de ces contrats opposée en défense par l'établissement, et, d'autre part, écarté l'exception d'illicéité de la clause de résiliation figurant dans ces contrats en tant qu'elle concerne ces loyers. En ce qui concerne la nullité des contrats : 6. Lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent, en principe, invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va toutefois autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat. 7. En premier lieu, une convention peut être déclarée nulle lorsqu'elle est dépourvue de cause ou qu'elle est fondée sur une cause qui, en raison de l'objet de cette convention ou du but poursuivi par les parties, présente un caractère illicite. 8. En l'espèce, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats litigieux conclus avec la société Locam sont dépourvus de cause dès lors, d'une part, que ses besoins étaient amplement satisfaits avant leur conclusion et, d'autre part, que le contrat conclu en janvier 2016 concernait exactement les mêmes prestations que celui conclu en avril 2015. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que l'EHPAD Les Oiseaux disposait déjà, à la date de conclusion des contrats litigieux, de six autres photocopieurs, il est constant que ces derniers ont été loués auprès d'autres entreprises que la société Locam dans des conditions différentes de celles ayant fait l'objet des contrats litigieux. De même, les quatre photocopieurs loués auprès de la société Locam en 2015 et 2016 étaient au moins en partie différents, les conditions financières de ces deux contrats n'étant d'ailleurs pas les mêmes. En outre et en tout état de cause, la seule circonstance que la passation des deux contrats litigieux auprès de la société Locam a résulté d'une mauvaise appréciation de ses besoins par l'EHPAD, ceux-ci étant déjà satisfaits par les six photocopieurs déjà loués auprès d'autres entreprises, n'est pas, à elle seule, de nature à faire regarder ces contrats comme dépourvus de cause, ceux-ci ayant d'ailleurs été exécutés pendant plus d'un an sans que l'établissement n'en remette en cause l'utilité. Dès lors, le moyen tiré de la nullité des contrats litigieux en raison de leur absence de cause doit être écarté. 9. En deuxième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que l'absence totale de publicité et de mise en concurrence préalable entache les contrats de location litigieux de nullité. Toutefois, si compte tenu de leur montant, la passation de ces contrats devait être précédée de procédures de publicité et de mise en concurrence, un tel vice, qui est d'ailleurs au moins en partie imputable à l'administration, n'est pas, en l'espèce, compte tenu de sa gravité ou des circonstances dans lesquels il est intervenu, de nature à entraîner l'annulation des contrats litigieux. 10. En troisième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats de location litigieux comportent une libéralité illicite de nature à entraîner leur annulation. Il se prévaut, au soutien de ce moyen, d'un rapport sur les conditions financières de location de photocopieurs par l'EHPAD Les Oiseaux établi à sa demande le 20 juillet 2020 selon lequel, d'une part, le prix auquel la société Locam a acheté les matériels faisant l'objet des contrats litigieux aurait été surfacturé de 183,9 % à 762 % par rapport à leur valeur réelle et, d'autre part, les loyers pratiqués par la société Locam auraient eux-mêmes été surfacturés de 576,9 % à 1 426,5 % par rapport aux loyers réels constatés. Toutefois, la société Locam a produit les factures d'achat des photocopieurs concernés de son fournisseur ainsi que la preuve de leur acquittement. Il n'est pas établi ni même allégué que la société Locam et son fournisseur se seraient entendus pour surfacturer cet achat et en répercuter le coût auprès de l'EHPAD Les Oiseaux. Ainsi, les loyers résultant des contrats litigieux n'étant pas sans rapport avec le coût d'acquisition du matériel par la société Locam, l'EHPAD Les Oiseaux n'est pas fondé à soutenir que les contrats de location litigieux comportaient une libéralité illicite en faveur de son cocontractant. 11. En quatrième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient également que la société Locam a volontairement vicié son consentement lors de la signature des contrats litigieux, en lui louant en toute connaissance de cause des matériels à des prix entre trois et quinze fois supérieurs à leur valeur réelle, en effectuant un démarchage auprès de lui et en ne lui permettant pas d'avoir connaissance de l'étendue de son engagement. Toutefois, il résulte de ce qui précède que la société Locam ne peut être regardée comme ayant loué du matériel à l'EHPAD Les Oiseaux pour un prix entre trois et quinze fois supérieur à sa valeur réelle dès lors que ce prix n'est pas sans rapport avec le montant des factures d'achat qu'elle a acquittées. En outre, si la société Locam a effectué un démarchage commercial auprès de l'EHPAD Les Oiseaux et lui a fait souscrire des contrats conformes à un modèle type sans respecter les règles de publicité et de mise en concurrence applicables, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle se serait livrée à des manœuvres dolosives pour obtenir leur signature malgré les conditions financières particulièrement désavantageuses qu'ils impliquaient pour l'établissement. Par ailleurs, il résulte des termes mêmes des contrats litigieux que l'EHPAD Les Oiseaux a accepté les conditions générales des contrats conclus avec la société Locam en signant la première page de chacun de ces deux contrats qui mentionnait notamment que " le locataire déclare avoir pris connaissance, reçu et accepte les conditions particulières et générales figurant au recto et verso ". Ainsi, le signataire ne pouvait ignorer le contenu et la portée des conditions générales et particulières de location. Si les parties n'ont pas paraphé les conditions générales de location et si ces conditions générales étaient rédigées en caractères de petite taille au verso du contrat signé, cette circonstance ne peut cependant être regardée comme ayant affecté le consentement de l'EHPAD. Par suite, le moyen tiré de ce que le consentement de l'EHPAD Les Oiseaux aurait été volontairement vicié par la société Locam manque en fait et doit être écarté. 12. Enfin, en cas de divisibilité de clauses illicites d'un contrat, le juge peut régler le litige dans le cadre contractuel en écartant l'application de ces seules clauses. 13. A l'appui de sa requête, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats litigieux comportent notamment deux clauses illicites, l'une relative à la clause de reconduction tacite illimitée et l'autre concernant les conditions de leur résiliation. En effet, d'une part, les clauses de tacite reconduction contenues dans des contrats de la commande publique sont entachées d'illégalité. D'autre part, sont également illicites les clauses de résiliation amiable allouant au cocontractant de l'administration une indemnisation excédant le montant du préjudice qu'il a subi résultant du gain dont il a été privé ainsi que des dépenses qu'il a normalement exposées et qui n'ont pas été couvertes en raison de la résiliation du contrat. Toutefois, si les contrats litigieux comportaient effectivement de telles clauses illicites dans leurs articles 3 et 12, une part de l'indemnité de résiliation stipulée par ces articles 12 excédant le préjudice subi par la société Locam du fait de la résiliation, celles-ci n'affectent pas l'économie générale de ces contrats, sont divisibles de ceux-ci et peuvent être écartées. Par suite, l'illégalité de ces clauses n'entraîne pas la nullité de ces contrats. 14. Les contrats litigieux n'étant pas entachés de nullité, l'EHPAD Les Oiseaux n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les condamnations ne pouvaient être assorties des intérêts moratoires. En ce qui concerne les loyers échus impayés : 15. Aux termes des articles 12 des conditions générales des contrats litigieux : " (...) 2) Outre la restitution du matériel, le locataire devra verser au loueur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 % ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 % (sans préjudice de tous dommages et intérêts qu'il pourrait devoir) (...) ". 16. L'EHPAD soutient que cette clause ne tient pas compte des charges dont la résiliation dispense le bailleur, des profits qu'il peut tirer du matériel restitué, qu'elle empêche la personne publique de résilier le contrat avant son terme et est disproportionnée. Toutefois, à supposer que cette clause puisse être regardée, dans son ensemble, comme conduisant à faire supporter à l'administration une indemnité disproportionnée en cas de résiliation, elle doit être regardée comme divisible en ce qu'elle stipule, d'une part, le versement des loyers impayés au jour de la résiliation majorés de 10 % et, d'autre part, une indemnité égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin des contrats également majorée de 10 %. Il n'est, en tout état de cause, pas davantage établi ni même allégué que l'indemnité correspondant aux seuls loyers impayés à la date de la résiliation, majorés de 10 %, serait excessive. Ainsi, cette indemnité n'est pas elle-même illicite. Les modalités de calcul du tribunal administratif n'étant pas contestées en appel, le moyen tiré de ce que la société Locam ne pouvait être indemnisée au titre des loyers échus impayés sur le fondement d'une clause nulle doit être écarté. 17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'EHPAD Les Oiseaux n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser les sommes litigieuses à la société Locam. Sur les frais liés à l'instance : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Locam, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EHPAD Les Oiseaux la somme de 2 000 euros à verser à la société Locam sur ce fondement. DECIDE : Article 1er : La requête de l'EHPAD Les Oiseaux est rejetée. Article 2 : L'EHPAD Les Oiseaux versera la somme de 2 000 euros à la société Locam au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Oiseaux et à la société Locam. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Houllier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023. Le rapporteur, G. CamenenLa présidente, C. Signerin-IcreLa greffière, C. FourteauLa République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 20VE01760 2
CETATEXT000048457760
J0_L_2023_11_00020VE01761
CETAT
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CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 23/11/2023, 20VE01761, Inédit au recueil Lebon
2023-11-23 00:00:00
CAA de VERSAILLES
20VE01761
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme SIGNERIN-ICRE
CABINET LAPISARDI AVOCAT
M. Gildas CAMENEN
Mme JANICOT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Siemens Lease Services a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les Oiseaux à lui verser la somme de 88 685,60 euros au titre de l'indemnité de résiliation des contrats de location de photocopieurs conclus avec cet établissement, avec intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter du 16 mars 2018, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, la somme de 72 149,55 euros sur le terrain extracontractuel. Par un jugement no 1804155 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'EHPAD Les Oiseaux à lui verser la somme de 29 710,80 euros TTC au titre des loyers échus, la somme de 480 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, ces sommes étant assorties des intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de la date d'échéance de chaque loyer impayé et la somme de 10 948,98 euros au titre de l'indemnité de privation de jouissance et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 27 juillet 2020 et le 30 juin 2021, l'EHPAD Les Oiseaux représenté par Me Lapisardi, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par la société Siemens Lease Services devant le tribunal administratif ; 3°) de condamner la société Siemens Lease Services à lui verser la somme de 2 250,40 euros TTC ; 4°) de mettre à la charge de la société Siemens Lease Services la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen selon lequel la demande de constatation d'acquisition de la clause résolutoire était sans objet, les contrats ayant été résiliés unilatéralement par la société Siemens et ces conclusions, qui relèvent d'une logique de droit privé, étant sans objet ; - le jugement attaqué est également irrégulier en ce que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de signature et de paraphe des conditions générales de location ; - le tribunal a commis une erreur de droit en faisant application d'un contrat nul ; - il a retenu une conception extensive de la loyauté des relations contractuelles en la faisant prévaloir sur les graves irrégularités entachant les contrats ; - les contrats étaient dépourvus de cause, l'établissement exposant disposant déjà de huit photocopieurs à la date de leur conclusion et ses besoins étant déjà largement satisfaits ; le jugement est entaché d'erreur de fait dès lors qu'aucun élément ne permet d'établir que ces contrats allaient se substituer à des contrats antérieurs ; il n'avait nullement besoin de trois photocopieurs supplémentaires, ses besoins étant en réalité de six photocopieurs ; le contrat conclu en mars 2016 concernait exactement les mêmes prestations que le contrat conclu en 2015 ; - la clause de prix prévue aux contrats constitue une libéralité illicite au profit de la société Siemens qui entache de nullité ces contrats ; le prix d'acquisition des photocopieurs et les loyers ont été très largement surfacturés ; la clause de prix, qui ne repose sur aucune réalité économique, constitue une libéralité ; elle entraîne la nullité des contrats dès lors qu'elle n'est pas divisible de ces contrats ; - la société Siemens Lease Services a volontairement vicié le consentement de l'exposant ; elle a commis des manœuvres dolosives en louant des matériels à des prix quatorze fois supérieurs à leur valeur réelle ; le contrat a été signé à la suite d'une action de démarchage de la société Siemens alors que l'exposant n'avait pas défini ses besoins et fait jouer la concurrence ; il n'a pas eu connaissance de l'étendue de son engagement avant de signer les contrats qui se présentaient sous la forme de contrats types ; les conditions générales de location n'ont été ni signées, ni paraphées ; les clauses contractuelles étaient, en tout état de cause, illisibles ; - l'absence totale de publicité et de mise en concurrence doit conduire à l'annulation des contrats ; - les contrats ont prévu une date d'effet antérieure à leur signature ; - plusieurs clauses sont irrégulières, en particulier la clause de tacite reconduction, la clause de cession de contrat et la clause d'indemnisation pour privation de jouissance qui est disproportionnée ; - le tribunal ne pouvait accorder le paiement des loyers échus impayés à la société Siemens sur le fondement d'une clause nulle ; - le tribunal ne pouvait accorder une indemnité de privation de jouissance sur le fondement d'une clause nulle et alors que la société Siemens était seule responsable de la reprise tardive des matériels ; - le tribunal ne pouvait pas accorder une indemnité forfaitaire de recouvrement à la société Siemens ; elle ne peut en obtenir six fois le paiement ; elle ne justifie pas avoir engagé des frais de recouvrement ; la demande d'indemnité de recouvrement étant fondée sur une clause d'indemnisation nulle, elle ne peut prospérer ; - le tribunal a commis une erreur de droit en accordant des intérêts moratoires, l'indemnisation au titre des loyers échus étant fondée sur une clause nulle et ces intérêts ne pouvant s'ajouter à l'indemnité forfaitaire de recouvrement ; - l'indemnisation sollicitée au titre des dépenses utiles doit être rejetée dès lors que le consentement de l'exposant a été vicié ; - les sommes dont la société Siemens demande l'indemnisation n'ont pas été utiles ; la valeur réelle des matériels était déjà amortie avant la résiliation ; en tout état de cause, il a cessé d'utiliser le matériel faisant l'objet des contrats en litige depuis le mois de janvier 2018 ; à cette date, la société Siemens aurait pu récupérer ce matériel ce qu'elle n'a pas fait ; elle aurait pu le revendre ; - en tout état de cause, le calcul des dépenses utiles est erroné dès lors qu'il a versé 17 612,34 euros en exécution des contrats et non 12 391,50 euros ; - la société Siemens n'a droit à aucune autre indemnité dès lors que la faute qu'elle a commise est la seule cause directe de son préjudice ; - elle ne justifie pas d'un gain manqué ; - il sollicite la condamnation de la société Siemens sur un fondement extracontractuel à lui verser la somme de 2 250,40 euros correspondant au montant des loyers versés moins la valeur réelle des matériels ; elle a commis une faute, les contrats étant nuls en raison d'une surfacturation exorbitante. Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 16 novembre 2020 et 30 septembre 2021, la société Siemens Lease Services, représentée par Me Cam, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions et porter la somme que l'EHPAD est condamné à lui verser à la somme de 88 685,60 euros ou, à titre subsidiaire, en cas de nullité des contrats, à la somme de 72 149,55 euros sur un terrain quasi-contractuel ; 3°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de l'EHPAD Les Oiseaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est suffisamment motivé ; - la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire n'était pas sans objet ou inutile ; - le tribunal administratif n'a pas retenu une conception extensive du principe de loyauté des relations contractuelles ; - les contrats n'étaient pas entachés de nullité ; - la clause résolutoire doit être appliquée ; l'indemnité de résiliation doit lui être versée ; le cas échéant, elle pourrait être réduite à concurrence de la valeur d'occasion du matériel ; - les loyers échus et l'indemnité de recouvrement sont dus ; - à titre subsidiaire, en cas de nullité des contrats pour absence de cause, l'EHPAD a commis une faute et son préjudice s'établit au montant des loyers à percevoir moins celui des loyers payés et des pré-loyers, soit 72 149,55 euros ; - en cas de nullité pour non-respect des règles de publicité et de mise en concurrence, elle doit également recevoir la même indemnité ; - l'EHPAD ne démontre pas que son consentement a été vicié et l'existence des manœuvres qu'il impute à la société exposante ; les dépenses ont été utiles à l'EHPAD ; l'indemnisation est due lorsque le contrat est annulé ; le quantum de l'indemnité est justifié. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Camenen, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - et les observations de Me Obrero, pour l'EHPAD Les Oiseaux. Considérant ce qui suit : 1. L'EHPAD Les Oiseaux relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 en tant que le tribunal l'a condamnée à verser à la société Siemens Lease Services les sommes de 29 710,80 euros TTC au titre des loyers échus et impayés des deux contrats de location de photocopieurs conclus entre eux en 2015 et 2016, la somme de 480 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, ces deux sommes étant assorties des intérêts moratoires, et la somme de 10 948,98 euros au titre de l'indemnité de privation de jouissance. Il demande en outre à la cour de condamner la société Siemens Lease Services à lui verser la somme de 2 250,40 euros en réparation de son préjudice. Par la voie de l'appel incident, la société Siemens Lease Services demande à la cour de porter la somme que l'EHPAD Les Oiseaux est condamné à lui verser à la somme de 88 685,60 euros au titre des indemnités prévues par les stipulations contractuelles ou, à titre subsidiaire, si la cour constatait la nullité des contrats, à la somme de 72 149,55 euros sur un fondement quasi-contractuel. Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires de l'EHPAD Les Oiseaux : 2. Les conclusions de l'EHPAD Les Oiseaux tendant à la condamnation de la société Siemens Lease Services à lui verser la somme de 2 250,40 euros TTC, présentées directement devant la cour, sont irrecevables comme nouvelles en appel. Elles doivent, par suite, être rejetées. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que la société Siemens Lease Services ayant demandé au tribunal administratif de " constater l'acquisition de la clause résolutoire ", l'EHPAD a soutenu qu'elle avait elle-même résilié les contrats et que ces conclusions relevaient d'une " logique de droit privé " et étaient " sans objet devant le juge administratif ". Si l'EHPAD soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen, il résulte toutefois des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal n'a pas " constaté l'acquisition de la clause résolutoire " mais a implicitement regardé, dans le cadre de son office, les conclusions de la société Siemens Lease Services comme tendant à l'application des stipulations de l'article 9 des contrats de location litigieux relatives à la clause résolutoire et a examiné dans quelle mesure cette dernière pouvait être indemnisée sur ce fondement. Il a ainsi suffisamment motivé sa décision, alors même qu'il n'a pas expressément répondu à l'argument invoqué en défense par l'EHPAD Les Oiseaux. 4. En deuxième lieu, si dans ses écritures en défense, l'EHPAD Les Oiseaux a soutenu que " les conditions générales de location ne sont signées ou paraphées ni par l'EHPAD, ni par la société Siemens ", le tribunal administratif a suffisamment répondu à ce moyen en relevant au point 7 du jugement attaqué que " l'EHPAD Les Oiseaux a accepté les conditions générales des contrats conclus avec la SAS Siemens Lease Services en signant leur première page où il est mentionné que son signataire a pris connaissance des conditions générales de location figurant à la page suivante ". Ainsi, le moyen doit être écarté. 5. Enfin, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreur de droit au motif que le tribunal administratif a fait une application erronée du principe de loyauté des relations contractuelles et que plusieurs irrégularités graves auraient dû le conduire à écarter l'application des contrats, est sans incidence sur la régularité de ce jugement et doit être écarté. Au fond : En ce qui concerne la nullité des contrats : 6. Lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent, en principe, invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va toutefois autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat. 7. En premier lieu, une convention peut être déclarée nulle lorsqu'elle est dépourvue de cause ou qu'elle est fondée sur une cause qui, en raison de l'objet de cette convention ou du but poursuivi par les parties, présente un caractère illicite. 8. En l'espèce, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats litigieux conclus avec la société Siemens Lease Services sont dépourvus de cause dès lors, d'une part, que ses besoins étaient amplement satisfaits et, d'autre part, que le contrat conclu en janvier 2016 concernait exactement les mêmes prestations que celui conclu en avril 2015. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que l'EHPAD Les Oiseaux disposait déjà, à la date de conclusion du premier des deux contrats litigieux, le 8 juin 2015, de huit autres photocopieurs, il est constant que ces derniers ont été loués auprès d'autres entreprises que la société Siemens Lease Services et que ces locations ont été souscrites dans des conditions différentes de celles ayant fait l'objet des contrats litigieux. De même, les trois photocopieurs loués auprès de la société Siemens Lease Services en 2015 et 2016 étaient au moins en partie différents, les conditions financières de ces deux contrats n'étant d'ailleurs pas les mêmes. En outre et en tout état de cause, la seule circonstance que la passation des deux contrats litigieux auprès de la société Siemens Lease Services a résulté d'une mauvaise appréciation de ses besoins par l'EHPAD, ceux-ci étant déjà satisfaits par les huit photocopieurs déjà loués auprès d'autres entreprises, n'est pas, à elle seule, de nature à faire regarder ces contrats comme dépourvus de cause, ceux-ci ayant d'ailleurs été exécutés pendant plus quelques mois sans que l'établissement n'en remette en cause l'utilité. Dès lors, le moyen tiré de la nullité des contrats litigieux en raison de leur absence de cause doit être écarté. 9. En deuxième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats de location litigieux comportent une libéralité illicite de nature à entraîner leur annulation. Il se prévaut, au soutien de ce moyen, d'un rapport sur les conditions financières de location de photocopieurs par l'EHPAD Les Oiseaux établi à sa demande le 20 juillet 2020 selon lequel, d'une part, le prix auquel la société a acheté les matériels faisant l'objet des contrats litigieux aurait été surfacturé de 258 % à 793 % par rapport à leur valeur réelle et, d'autre part, les loyers pratiqués par la société Siemens Lease Services auraient eux-mêmes été surfacturés de 458,4 % à 1 462 % par rapport aux loyers réels constatés. Toutefois, la société Siemens Lease Services a produit les factures d'achat des photocopieurs concernés de son fournisseur. Si elle ne justifie pas avoir acquitté ces factures, il n'est pas établi ni même allégué que ces factures sont fictives ou que la société Siemens Lease Services et son fournisseur se seraient entendus pour surfacturer ces achats et en répercuter le coût auprès de l'EHPAD Les Oiseaux. Ainsi, les loyers résultant des contrats litigieux n'étant pas sans rapport avec le coût d'acquisition du matériel par la société Siemens Lease Services, l'EHPAD Les Oiseaux n'est pas fondé à soutenir que les contrats de location litigieux comportaient une libéralité illicite en faveur de son cocontractant. 10. En troisième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient également que la société Siemens Lease Services a volontairement vicié son consentement lors de la signature des contrats litigieux, en lui louant en toute connaissance de cause des matériels à des prix jusqu'à quatorze fois supérieurs à leur valeur réelle, en effectuant un démarchage auprès de lui alors qu'il n'avait pas défini ses besoins et fait jouer la concurrence et en ne lui permettant pas d'avoir connaissance de l'étendue de son engagement. Toutefois, il résulte de ce qui précède que la société Siemens Lease Services ne peut être regardée comme ayant loué du matériel à l'EHPAD Les Oiseaux pour un prix jusqu'à quatorze fois supérieur à sa valeur réelle dès lors que ce prix n'est pas sans rapport avec le montant des factures d'achat de son fournisseur. En outre, si la société Siemens Lease Services a effectué un démarchage commercial auprès de l'EHPAD Les Oiseaux et lui a fait souscrire des contrats conformes à un modèle type sans respecter les règles de publicité et de mise en concurrence applicables, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle se serait livrée à des manœuvres dolosives pour obtenir leur signature malgré les conditions financières particulièrement désavantageuses qu'ils impliquaient pour l'établissement. Par ailleurs, il résulte des termes mêmes des contrats litigieux que l'EHPAD Les Oiseaux a accepté les conditions générales des contrats conclus avec la société Siemens Lease Services en signant la première page de chacun de ces deux contrats qui mentionnaient notamment que " le locataire déclare avoir pris connaissance des conditions générale de location ". Ainsi, le signataire ne pouvait ignorer le contenu et la portée des conditions générales et particulières de location. Si les parties n'ont pas paraphé les conditions générales de location et si ces conditions étaient rédigées en caractères de petite taille au verso du contrat signé, cette circonstance ne peut cependant être regardée comme ayant affecté le consentement de l'EHPAD. Par suite, le moyen tiré de ce que le consentement de l'EHPAD Les Oiseaux aurait été volontairement vicié par la société Siemens Lease Services manque en fait et doit être écarté. 11. En quatrième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que l'absence totale de publicité et de mise en concurrence préalable entache les contrats de location litigieux de nullité. Toutefois, si compte tenu de leur montant, la passation de ces contrats devait être précédée de procédures de publicité et de mise en concurrence, un tel vice, qui est d'ailleurs au moins en partie imputable à l'administration, n'est pas, en l'espèce, compte tenu de sa gravité ou des circonstances dans lesquels il est intervenu, de nature à entraîner l'annulation des contrats litigieux. 12. En cinquième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux fait valoir que les contrats ont prévu une date de prise d'effet antérieure à leur signature, ceux-ci étant ainsi entachés de rétroactivité illégale. Toutefois, cette rétroactivité n'entraîne pas la nullité de ces contrats mais conduit seulement le juge, le cas échéant, à reporter la date d'effet des contrats litigieux lors de leur signature. 13. Enfin, en cas de divisibilité de clauses illicites d'un contrat, le juge peut régler le litige dans le cadre contractuel en écartant l'application de ces seules clauses. 14. A l'appui de sa requête, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats litigieux comportaient plusieurs clauses illicites, en particulier une clause de reconduction tacite, une clause de cession de contrat au profit du bailleur et une clause de privation de jouissance sans rapport avec le préjudice subi par ce dernier. Toutefois, si les contrats litigieux comportaient effectivement de telles clauses illicites dans leurs articles 3, 8 et 10, celles-ci n'affectent pas l'économie générale de ces contrats, sont divisibles de ceux-ci et peuvent être écartées. Par suite, l'illégalité de ces clauses n'entraîne pas la nullité de ces contrats. En ce qui concerne les loyers échus impayés : 15. Aux termes de l'article 9.2 des conditions générales contrats litigieux : " En cas de résiliation du contrat pour quelle cause que ce soit, le locataire restituera l'équipement sur simple demande du bailleur et versera immédiatement au bailleur, sans mise en demeure préalable, outre les loyers échus impayés et tous leurs accessoires, une indemnité égale à la somme des loyers restant à courir jusqu'au terme du contrat, taxes en sus (...) ". 16. L'EHPAD Les Oiseaux soutient que cette clause est nulle en ce qu'elle conduit à accorder au bailleur une indemnité disproportionnée par rapport au préjudice subi et que le tribunal administratif ne pouvait en faire application pour l'indemniser au titre des loyers échus impayés. Toutefois, à supposer que cette clause puisse être regardée, dans son ensemble, comme conduisant à faire supporter à l'administration une indemnité disproportionnée en cas de résiliation, elle est divisible en ce qu'elle stipule, d'une part, le paiement des loyers impayés au jour de la résiliation et, d'autre part, une indemnité égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin des contrats. Les modalités de calcul du tribunal administratif n'étant pas contestées en appel, le moyen tiré de ce que la société Siemens Lease Services ne pouvait être indemnisée au titre des loyers échus impayés sur le fondement d'une clause doit être écarté. En ce qui concerne l'indemnité de privation de jouissance : 17. Aux termes de l'article 10.2 des conditions générales des contrats litigieux : " A défaut de restitution immédiate de l'équipement en fin de contrat ou après résiliation, le bailleur pourra mettre en recouvrement auprès du locataire, sans mise en demeure préalable, une somme égale au montant du dernier loyer facturé pour une période équivalente, à titre d'indemnité de privation de jouissance, sans que son paiement entraîne pour autant remise dans le bénéfice du bail (...) ". 18. Cette indemnité de privation de jouissance ne tient pas compte de la valeur résiduelle des matériels loués à la date de résiliation du contrat et donc des profits qu'il serait possible de tirer des matériels récupérés. Ainsi, elle excède le montant du préjudice subi par la société Siemens Lease Services. Dans ces conditions, la clause d'indemnisation prévue à l'article 10.2 des contrats en cause, qui est divisible des autres clauses du contrat, doit être regardée comme entachée de nullité. Par suite, son application doit être écartée. En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement : 19. Aux termes de l'article 14.5 des conditions générales des contrats litigieux : " Tout retard de règlement donnera également lieu de plein droit et sans qu'aucune mise en demeure ne soit nécessaire au paiement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros ". 20. Il résulte de l'instruction que la société Siemens Lease Services a sollicité le versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement pour chacun des six loyers impayés par l'EHPAD Les Oiseaux entre le 31 octobre 2016 et le 1er avril 2018, date à laquelle les contrats ont été résiliés. Alors même qu'il s'agit d'une indemnité forfaitaire, l'EHPAD était ainsi fondé à en demander le versement pour chacun de loyers impayés, soit au total à concurrence de la somme de 240 euros par contrat, soit 480 euros au total. L'absence de justificatif des frais de recouvrement effectivement exposés par la société Siemens Lease Services est sans incidence sur le bien-fondé de cette indemnité. Cette dernière étant fondée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à solliciter le versement des loyers échus impayés, elle était également fondée à solliciter le versement de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement y afférente. En ce qui concerne les intérêts moratoires : 21. Aux termes de l'article 14.4 des conditions générales des contrats litigieux : " Toute somme due au titre du titre du contrat par le locataire au bailleur ou cessionnaire du contrat, portera intérêt au taux conventionnel de 1,50 % par mois à compter du jour de sa date d'exigibilité, sans qu'il soit besoin de mise en demeure, et il sera fait application de l'article 1154 du code civil ". 22. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la société Siemens Lease Services étant fondée à demander le versement des loyers échus impayés, elle est également fondée à solliciter le versement des intérêts moratoires y afférents. 23. En second lieu, les intérêts moratoires stipulés à l'article 14.4 des conditions générales des contrats litigieux ne s'ajoutent pas à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement stipulée à l'article 14.5 précitée. Par suite, leur application doit être écartée en ce qui concerne cette indemnité. En ce qui concerne l'indemnité contractuelle de résiliation : 24. Aux termes de l'article 9.2 précité des conditions générales des contrats litigieux, cette indemnité est " égale à la somme des loyers restant à courir jusqu'au terme du contrat, taxes en sus (...) A titre de pénalité pour inexécution du contrat, le locataire paiera en sus au bailleur une somme égale à 10 % du montant hors taxe de l'indemnité de résiliation stipulée ci-dessus (...) ". 25. Les parties à un contrat conclu par une personne publique peuvent déterminer l'étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation amiable du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment de la personne publique, l'allocation au cocontractant d'une indemnisation excédant le montant du préjudice qu'il a subi résultant du gain dont il a été privé ainsi que des dépenses qu'il a normalement exposées et qui n'ont pas été couvertes en raison de la résiliation du contrat. 26. En l'espèce, l'indemnité prévue par l'article 9.2 des conditions générales des contrats litigieux ne tient compte ni des éventuelles charges dont la résiliation des contrats a dispensé la société Siemens Lease Services, ni des profits qu'il lui était possible de tirer de la location des matériels récupérés. Par suite, une telle indemnité excède le préjudice subi par cette société du fait des deux résiliations litigieuses. Cette clause d'indemnisation, qui est divisible des autres stipulations de ces contrats, doit ainsi être regardée comme entachée de nullité. La société Siemens Lease Services n'est pas donc fondée à demander le versement d'une indemnité de résiliation sur ce fondement contractuel. 27. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'EHPAD Les Oiseaux est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser à la société Siemens Lease Services une indemnité de privation de jouissance d'un montant de 10 948,98 euros ainsi que des intérêts moratoires sur l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. Par ailleurs, les conclusions d'appel incident de la société Siemens Lease Service doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'EHPAD Les Oiseaux, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Siemens Lease Service la somme de 2 000 euros sur ce fondement. DECIDE : Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1804155 du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 est annulé. Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1804155 du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 est annulé en tant qu'il assortit la somme de 480 euros du versement d'intérêts moratoires. Article 3 : La société Siemens Lease Services versera la somme de 2 000 euros à l'EHPAD Les Oiseaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EHPAD Les Oiseaux et les conclusions d'appel incident de la société Siemens Lease Services sont rejetés. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Oiseaux et à la société Siemens Lease Services. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Houllier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023. Le rapporteur, G. CamenenLa présidente, C. Signerin-IcreLa greffière, C. FourteauLa République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 20VE01761 2
CETATEXT000048457762
J0_L_2023_11_00020VE02654
CETAT
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Texte
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 23/11/2023, 20VE02654, Inédit au recueil Lebon
2023-11-23 00:00:00
CAA de VERSAILLES
20VE02654
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme SIGNERIN-ICRE
SCP BILLEBEAU - MARINACCE
Mme Sarah HOULLIER
Mme JANICOT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Sade a demandé au tribunal administratif de Versailles : 1°) de condamner la commune de Saint-Cyr-l'Ecole (Yvelines) à lui verser la somme de 8 412,39 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 11 décembre 2017, au titre du règlement des marchés de travaux dont elle était titulaire ; 2°) d'annuler les titres de recettes n° 910, 911, 13 et 14, d'un montant respectif de 2 414,52 euros, 1 302,37 euros, 804,84 euros et 434,13 euros, émis et rendus exécutoires le 5 juillet 2016 par le maire de la commune de Saint-Cyr-l'Ecole ; 3°) de condamner la commune de Saint-Cyr-l'Ecole à lui rembourser la somme de 4 955,86 euros indument versée suite à la réception des titres de recettes précités, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2018 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyr-l'Ecole la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n° 1803419 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a : 1°) constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la société Sade tendant à la décharge des sommes réclamées par les titres de recettes n° 910 et 911 et au remboursement des sommes correspondantes ; 2°) déchargé la société Sade de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par les titres de recettes n° 13 et n° 14 émis et rendus exécutoires le 5 juillet 2016 par la commune de Saint-Cyr-l'Ecole à l'effet de recouvrer les sommes respectives de 804,84 euros et de 434,13 euros ; 3°) condamné la commune de Saint-Cyr-l'Ecole à verser à la société Sade la somme de 804,84 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2018 ; 4°) rejeté le surplus des conclusions de la société Sade. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 octobre 2020 et 22 juillet 2021, la société Sade, représentée par la SCP Billebeau-Marinacce, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement ; 2°) de condamner la commune de Saint-Cyr-l'Ecole à lui verser la somme de 3 096,96 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 13 mars 2018 ; 3°) de condamner la commune de Saint-Cyr-l'Ecole à lui payer les intérêts moratoires sur la somme de 9 419,27 euros, du 21 décembre 2017 au 13 mars 2018 ; 4°) de condamner la commune de Saint-Cyr-l'Ecole à lui payer la somme de 1000,98 euros, avec intérêts, à compter du 2 février 2017, calculés sur la somme de 3 219,36 euros et, à compter du 17 janvier 2018, sur la somme de 1 498,51 euros ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyr-l'Ecole une somme de 3 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - elle a notifié, le 13 juin 2017, un décompte final, respectivement pour le marché initial et le marché complémentaire, faisant apparaître un reste à charge total de 8 412,39 euros TTC ; la commune de Saint-Cyr-l'Ecole n'ayant pas notifié de décompte général, un décompte général et définitif tacite a été acquis en application de l'article 13.4.4. du cahier des clauses administratives générales Travaux ; - les décomptes finaux transmis respectaient les conditions prévues par l'article 13.4.4. du cahier des clauses administratives générales Travaux ; - si la commune de Saint-Cyr-l'Ecole fait valoir qu'elle a déjà remboursé, en mars 2018, une somme de 6 876,30 euros, cette somme résulte de deux virements non identifiés de 4 830,49 euros et 1 491,72 euros, soit un montant total de 6 322,21 euros ; il reste donc à lui payer la somme de 3 096,96 euros ainsi que les intérêts moratoires ; - les titres de recette n° 910, n° 911, n° 13 et n° 14 sont illégaux dès lors qu'ils ont été établis antérieurement à l'établissement du décompte général et définitif et qu'ils ne portaient pas sur des créances publiques liquides et exigibles ; - la commune est toujours débitrice d'une somme de 1000,98 euros ainsi que des intérêts moratoires, somme dont il sera retranché les montants de 804,84 euros et de 18 euros versés par la commune le 14 octobre 2020, respectivement au titre du titre exécutoire n°13 et des intérêts moratoires. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2021, la commune de Saint-Cyr-l'Ecole, représentée par Me Alonso Garcia, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de prononcer une amende pour recours abusif sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ; 3°) de mettre à la charge de la société Sade une somme de 3 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les projets de décomptes notifiés ne constituent pas des décomptes généraux et définitifs ; ces projets de décompte contiennent des incohérences quant au montant des sommes dues ; aucun des éléments nécessaires à la qualification de décompte général, prévus par l'article 13.4.4. du cahier des clauses administratives générales, ne sont présents ; la société Sade n'a pas communiqué le projet d'état du solde hors révision de prix définitive faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 du cahier des clauses administratives générales pour les acomptes mensuels, ni le projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive ; - il n'est pas établi que la société Sade aurait versé la somme de 434,13 euros fixée par le titre exécutoire n° 14 ; par suite, cette somme ne saurait lui être remboursée ; - il appartiendra à la cour de tirer toutes les conséquences du caractère abusif de la requête en faisant application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code des marchés publics ; - la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ; - le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ; - l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Houllier, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - et les observations de Me Lecomte, substituant Me Alonso Garcia, pour la commune de Saint-Cyr-l'Ecole. Considérant ce qui suit : 1. La société Sade, à laquelle la commune de Saint-Cyr-l'Ecole avait confié deux marchés de travaux portant sur les réseaux d'assainissement, relève appel du jugement du 17 décembre 2020 en tant que le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation de cette commune à lui verser la somme de 3 096,96 euros au titre des intérêts moratoires qu'elle estime lui être dus et la somme de 1 000,98 euros au titre des paiements effectués en exécution des titres exécutoires n° 13 et n° 14 émis par la commune à l'effet de recouvrer des révisions de prix négatives. Sur les conclusions tendant au paiement de la somme de 3 096,96 euros : En ce qui concerne l'existence d'un décompte définitif : 2. Aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009, dans sa version issue de l'arrêté du 3 mars 2014 : " Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. / Le projet de décompte final est établi à partir des prix initiaux du marché, comme les projets de décomptes mensuels, et comporte les mêmes parties que ceux-ci, à l'exception des approvisionnements et des avances. Ce projet est accompagné des éléments et pièces mentionnés à l'article 13.1.7 s'ils n'ont pas été précédemment fournis. (...) ". Selon l'article 13.3.2 de ce cahier des clauses administratives générales : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3(...) ". L'article 13.4.2 prévoit également : " (...) Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. (...) ". Selon l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales : " Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé, composé : / - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ; / - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; / - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. / Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l'article 13.4.3. / Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. Le délai de paiement du solde, hors révisions de prix définitives, court à compter du lendemain de l'expiration de ce délai. / Le décompte général et définitif lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les montants des révisions de prix et des intérêts moratoires afférents au solde. Le cas échéant, les révisions de prix sont calculées dans les conditions prévues à l'article 13.4.2. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 13.2.1 : " A partir du décompte mensuel, le maître d'œuvre détermine le montant de l'acompte mensuel à régler au titulaire. Le maître d'œuvre dresse à cet effet un état d'acompte mensuel faisant ressortir : / a) Le montant de l'acompte mensuel établi à partir des prix initiaux du marché : ce montant est la différence entre le montant du décompte mensuel dont il s'agit et celui du décompte mensuel précédent ; / b) Le montant de la TVA ; / c) Le montant des pénalités, le cas échéant ; / d) L'effet de l'actualisation ou de la révision des prix ; les parties de l'acompte actualisables ou révisables sont majorées ou minorées en appliquant les coefficients prévus. Si, lors de l'établissement de l'état d'acompte, les index de référence ne sont pas tous connus, cet effet est déterminé provisoirement à l'aide des derniers coefficients calculés et il est fait mention de cette circonstance dans l'état d'acompte ; / e) Le cas échéant, le montant de l'avance à attribuer au titulaire ; / f) Le cas échéant, le montant de l'avance à rembourser par le titulaire ; / g) Le montant de la retenue de garantie s'il en est prévu une par les documents particuliers du marché et qu'elle n'a pas été remplacée par une autre garantie. (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, même si elle intervient après l'expiration du délai de trente jours prévu à l'article 13.3.2 du CCAG Travaux, courant à compter de la réception des travaux, la réception, par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, du projet de décompte final, établi par le titulaire du marché, est le point de départ du délai de trente jours prévu à l'article 13.4.2, dont le dépassement peut donner lieu à l'établissement d'un décompte général et définitif tacite dans les conditions prévues par l'article 13.4.4. Toutefois, dès lors qu'en application de l'article 13.4.2, l'expiration du délai de trente jours prévu par celui-ci est appréciée au regard de la plus tardive des dates de réception du projet de décompte final respectivement par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, ce délai ne peut pas courir tant que ceux-ci n'ont pas tous deux reçus le document en cause. 4. Il résulte de l'instruction que, par courriers du 13 juin 2017, la société Sade a notifié à la société IRH, maître d'œuvre, ses projets de décompte final, faisant apparaître une somme qui lui serait due d'un montant total de 8 412,39 euros au titre des intérêts moratoires. Par courriers du 29 août 2017, la société Sade a notifié à la société IRH deux nouveaux projets de décompte final faisant désormais apparaître une somme en sa faveur de 9 419,27 euros au titre des intérêts moratoires. Enfin, par courriers du 11 décembre 2017, la société requérante a notifié à la commune de Saint-Cyr-l'Ecole, maître d'ouvrage, ces mêmes documents pour une même somme de 9 149,27 euros. 5. Si la société Sade soutient qu'en l'absence de notification du décompte général par le maître d'ouvrage, ces projets de décompte final sont devenus définitifs, il résulte de l'instruction que ces projets ne respectent pas la procédure d'établissement du décompte prévu par les dispositions précitées de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales. En particulier, ces projets font état de montants de travaux qui diffèrent entre le tableau retraçant les sommes engagées par situation et celui récapitulant les montants correspondant aux factures émises et les encaissements perçus. Par ailleurs, ces documents ne permettent pas d'apprécier le solde réclamé, ni de comprendre les modes de calcul retenus pour établir les soldes des marchés. Par suite, la société Sade n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence d'un décompte général et définitif pour réclamer le paiement de la somme de 3 096,96 euros qu'elle estime lui être due au titre des soldes des deux marchés. En ce qui concerne les intérêts moratoires : 6. Si la société Sade demande la condamnation de la commune de Saint-Cyr-l'Ecole à lui verser les intérêts moratoires qui lui sont dus au titre des soldes des marchés, elle fonde sa demande uniquement sur l'existence d'un décompte général et définitif. Or, dès lors qu'il résulte de ce qui a été exposé au point précédent qu'aucun décompte général et définitif n'a été établi, la société Sade n'est pas fondée à solliciter le versement de cette somme. Sur les conclusions tendant au paiement de la somme de 1 000,98 euros : 7. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondant aux titres exécutoires n° 13 et n° 14 émis par la commune de Saint-Cyr-l'Ecole, sans que ce point ne soit plus contesté en appel. La société Sade demande désormais la condamnation de la commune de Saint-Cyr-l'Ecole à lui rembourser la somme de 1 000,98 euros correspondant au solde de ce qu'elle a payé les 17 janvier 2018 et 2 février 2019 en exécution de ces titres exécutoires. Toutefois, il résulte de l'instruction, qu'en exécution du jugement attaqué, la commune de Saint-Cyr-l'Ecole a remboursé à la société Sade la somme de 804,84 euros correspondant intégralement au titre exécutoire n° 13, ainsi que 18 euros au titre des intérêts au taux légal. Par suite, la société Sade n'est plus fondée à demander le remboursement de cette somme. Il ne résulte pas de l'instruction que le solde restant, s'établissant désormais à 196,14 euros et qui ne correspond pas au montant du titre exécutoire n° 14, émis pour un montant de 434,13 euros, aurait donné lieu à un quelconque paiement de la part de la société Sade. Par suite, la société Sade n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune de Saint-Cyr-l'Ecole à lui verser la somme de 196,14 euros demeurant encore à sa charge. 8. Il résulte de tout ce qui précède que société Sade n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa demande. Sur l'application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : 9. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". 10. La requête ne présentant pas un recours abusif, les conclusions de la commune de Saint-Cyr-l'Ecole présentées sur ce fondement doivent être rejetées, ces dernières étant au demeurant, irrecevables dès lors que la faculté prévue par ces dispositions constitue un pouvoir propre du juge. Sur l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Cyr-l'Ecole, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Sade demande à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sade la somme que la commune de Saint-Cyr-l'Ecole demande sur le fondement des mêmes dispositions. 12. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la société Sade est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Cyr-l'Ecole présentées sur le fondement des articles R. 741-12 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sade et à la commune de Saint-Cyr-l'Ecole. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Houllier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023. La rapporteure, S. HoullierLa présidente, C. Signerin-IcreLa greffière, C. Fourteau La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 20VE02654
CETATEXT000048457764
J0_L_2023_11_00021VE00851
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457764.xml
Texte
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 23/11/2023, 21VE00851, Inédit au recueil Lebon
2023-11-23 00:00:00
CAA de VERSAILLES
21VE00851
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme SIGNERIN-ICRE
CABINET SEBAN & ASSOCIES
Mme Sarah HOULLIER
Mme JANICOT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société AXA France a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement le département du Val-d'Oise, la commune d'Osny et son assureur, la SMACL, et la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise à lui verser la somme, à parfaire le cas échéant, de 1 600 480,32 euros, la rente mensuelle de 2 186,67 euros à compter du 21 septembre 2017 et le solde de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise au titre des sommes versées à Mme E... C..., M. B... C... et à M. D... C... en réparation des préjudices subis par ces derniers, de surseoir à statuer sur les indemnités restant à verser aux consorts C... dans l'attente de la liquidation définitive de leurs préjudices par le juge judiciaire et de la subrogation légale en résultant et de mettre à la charge solidaire du département du Val-d'Oise, de la commune d'Osny et de son assureur, la SMACL, et de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1706157 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande et mis à la charge de la société AXA France une somme de 1 500 euros à verser, respectivement, à la commune d'Osny, au département du Val-d'Oise et à la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 mars 2021 et le 24 mars 2023, la société AXA France, représentée par Me Soublin, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner solidairement le département du Val-d'Oise, la commune d'Osny et la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise à lui verser la somme, à parfaire le cas échéant, de 1 600 480,32 euros, la rente mensuelle de 2 186,67 euros à compter du 21 septembre 2017, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, et le solde de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie, ainsi que les intérêts à compter de la demande indemnitaire et leur capitalisation ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement le département du Val-d'Oise, la commune d'Osny et la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise à lui verser 50 % de la somme, à parfaire le cas échéant, de 1 600 480,32 euros, 50 % de la rente mensuelle de 2 186,67 euros à compter du 21 septembre 2017, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, et 50 % du solde de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie, ainsi que les intérêts à compter de la demande indemnitaire et leur capitalisation ; 4°) de mettre à la charge du département du Val-d'Oise, de la commune d'Osny et son assureur, la SMACL, et de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise la somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de la carence de l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs de police ; cette omission traduit, en tout état de cause, une insuffisance de motivation ; - le jugement attaqué est fondé sur un raisonnement erroné ; - la route départementale n° 92 est une voie dangereuse et sinueuse sur laquelle la chicane, située au niveau du n° 70 de la rue des Patis, était mal signalée au moment de l'accident en cause, en raison, notamment, de l'absence du panneau limitant la vitesse à 30 km/h dans le sens de circulation Osny-Pontoise ; cette portion de route est connue pour son caractère accidentogène ; ces circonstances traduisent un défaut d'entretien normal de la voie publique ; - ces circonstances révèlent également une carence dans l'exercice des pouvoirs de police de la circulation par le président de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise ; - elle traduisent également une carence dans l'exercice des pouvoirs de police municipale par le maire de la commune d'Osny ; - à supposer que la route départementale n° 92 soit située à l'extérieur de l'agglomération, cela traduirait une carence du département du Val-d'Oise ; - la vitesse du conducteur n'excédait pas 50 km/h et ne saurait donc être tenue pour responsable des dommages causés à M. C... ; - le conducteur étant un tiers, son comportement n'est pas exonératoire de la responsabilité des personnes publiques responsables de l'entretien normal de la voie et titulaires des pouvoirs de police de la circulation ; la victime n'a commis aucune faute ; - le conducteur connaissait le trajet mais ce n'était pas un chemin d'habitude ; - le comportement du conducteur n'est pas la cause exclusive de l'accident ; l'absence de signalisation adaptée l'a privé d'une opportunité de réduire sa vitesse pour aborder la chicane dans de meilleures conditions ; le taux de perte de chance pourra être fixé à 50 % ; - les fautes des intimés ont contribué à la réalisation du préjudice à hauteur de 50 % ; - subrogée dans les droits du conducteur du véhicule, elle a versé un total de 1 600 480,32 euros au titre des préjudices subis par les consorts C.... Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 juillet 2021 et le 26 avril 2023, le département du Val-d'Oise, représenté par Me Di Francesco, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de la société AXA France une somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le raisonnement suivi par le tribunal administratif n'est pas erroné ; - l'accident en litige est uniquement imputable au comportement du conducteur, fait exonératoire de toute responsabilité pour le département du Val-d'Oise ; - aucun lien de causalité ne peut être établi entre l'accident et l'absence du panneau de signalisation limitant la vitesse à 30 km/h ; - les autres moyens de la requête ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2021, la commune d'Osny et son assureur, la SMACL, représentés par Me Taurand, avocate, demandent à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de la société AXA France une somme de 3 000 euros à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la requête est irrecevable à leur égard dès lors qu'elle est fondée sur le défaut d'entretien normal d'une voie qui est gérée par le département du Val-d'Oise et sur la carence dans l'exercice de pouvoirs de police qui appartiennent à la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise ; - le moyen tiré de la responsabilité de la commune à raison de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police municipale devra être écarté comme étant dépourvu des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; - aucune des conclusions dirigées contre la SMACL n'a été assortie de moyens suffisants ; - la requérante invoque, pour la première fois en appel, le fondement de la perte de chance qui doit être regardé comme nouveau et, par conséquent, irrecevable ; - les autres moyens de la requête ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 novembre 2021 et le 16 mai 2023, la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise, représentée par Me Gauch, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de la société AXA France une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le raisonnement du tribunal n'est pas erroné ; - le jugement attaqué n'est entaché d'aucune omission à statuer ; - aucun défaut d'entretien normal de la voie ne peut être relevé ; - seul le comportement du conducteur est responsable de l'accident ; - les pouvoirs de police de la circulation restaient attribués au maire de la commune d'Osny et une carence dans leur exercice ne saurait donc être attribuée au président de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la route ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Houllier, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - et les observations de Me Soublin, pour la société AXA France, de Me Palmer, substituant Me Di Francesco, pour le département du Val-d'Oise et de Me Rasamoelina, substituant Me Gauch, pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise. Considérant ce qui suit : 1. La société AXA France demande à la cour d'annuler le jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du département du Val-d'Oise, de la commune d'Osny, et son assureur la SMACL, et de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise à l'indemniser des sommes qu'elle a versées aux consorts C... en réparation des préjudices qu'ils ont subis à la suite de l'accident de circulation dont a été victime M. D... C... le 11 avril 2013, vers 15 heures, alors qu'il circulait à bord du véhicule conduit par M. A..., son assuré, rue des Patis à Osny (Val-d'Oise). Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient. 3. La société AXA France soutient que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen, soulevé en première instance, tiré de ce que l'accident subi par M. D... C... trouvait sa source dans une carence de l'exercice des pouvoirs police de la circulation par l'autorité compétente. Toutefois, il ressort du jugement attaqué qu'après avoir rappelé les circonstances de l'accident et la configuration des lieux, le tribunal a estimé, à l'exclusion de toute autre considération, que seul le comportement du conducteur était la cause de l'accident exonérant ainsi de toute responsabilité la commune d'Osny, le département du Val-d'Oise et la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise. Il a en particulier relevé que l'absence d'un panneau limitant la vitesse à 30 km/h à l'entrée de la dernière chicane présente sur la chaussée avait été sans incidence sur la survenance de l'accident. Dans ces conditions, si le jugement attaqué n'a pas expressément répondu au moyen, néanmoins correctement visé, de la carence dans l'exercice des pouvoirs de police, ce dernier doit être regardé comme ayant été implicitement mais nécessairement écarté par le tribunal. Ainsi, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce fondement doit être écarté. 4. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La requérante ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de raisonnement prétendument commises par le tribunal administratif pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur la responsabilité du département du Val-d'Oise pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public : 5. D'une part, l'assureur de l'auteur d'un dommage ayant indemnisé la victime d'un accident de circulation, à la suite d'une décision de la juridiction judiciaire ou par une transaction, peut saisir la juridiction administrative d'un recours en vue de faire supporter la charge de la réparation par la personne tenue d'y répondre sur le fondement du régime de responsabilité pour dommages de travaux publics. Cette action revêt un caractère subrogatoire, l'assureur étant subrogé dans les droits de la victime par l'effet successif de la subrogation dans les droits du conducteur responsable, son assuré, et de sa subrogation dans les droits de la victime d'un dommage de travaux publics à l'encontre du maître de l'ouvrage ou de la personne devant répondre de son entretien. 6. D'autre part, il appartient à l'usager d'un ouvrage public, victime d'un dommage, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure. En revanche si les dommages sont également imputables, pour partie, au fait d'un tiers, cette circonstance n'est pas de nature à atténuer la responsabilité encourue par le maître de l'ouvrage public, qui peut seulement, s'il s'y croit fondé, exercer devant les juridictions compétentes tels recours que de droit contre le tiers responsable du fait qu'il invoque. 7. Enfin, aux termes de l'article R. 413-17 du code de la route : " I. - Les vitesses maximales autorisées par les dispositions du présent code, ainsi que celles plus réduites éventuellement prescrites par les autorités investies du pouvoir de police de la circulation, ne s'entendent que dans des conditions optimales de circulation : bonnes conditions atmosphériques, trafic fluide, véhicule en bon état. / II. - Elles ne dispensent en aucun cas le conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles. (...). ". 8. Le 11 avril 2013, alors qu'il circulait sur la rue des Patis dans le sens Osny-Pontoise, le véhicule conduit par M. A... a heurté avec sa roue avant droite le trottoir puis, le conducteur ayant perdu le contrôle de ce véhicule, a traversé le terre-plein central et fait un tonneau avant de venir s'immobiliser contre un poteau électrique et le muret de l'habitation située au numéro 70 de cette rue. Son passager, M. D... C..., a été très grièvement blessé dans l'accident. La société AXA, subrogée dans les droits de M. A... et des consorts C..., se prévaut du défaut d'entretien normal de la voie sur laquelle l'accident s'est déroulé. 9. Il résulte de l'instruction que l'accident s'est produit, en plein jour, sur la rue des Patis à la sortie d'une chicane sur laquelle la vitesse maximale autorisée était limitée à 30 km/h ainsi que cela ressort sans ambigüité des déclarations des services de la mairie d'Osny aux policiers le jour de l'accident. Si le panneau de signalisation fixant la vitesse maximale à 30 km/h avait disparu et était absent le jour de l'accident, la chicane, qui faisait suite à deux autres chicanes en amont, était parfaitement visible et située dans une zone urbaine, où la vitesse est limitée à 50 km/h, marquée par des passages piétons, des intersections et des sorties de véhicules invitant à la prudence. Toutefois, M. A... a déclaré, lors de son audition par les services de police, qu'il roulait à une vitesse comprise entre 50 et 60 km/h et qu'il n'était pas suffisamment attentif dès lors qu'il bavardait avec son passager. Si plusieurs voisins font état du caractère dangereux de cette voie, ils l'imputent majoritairement à la vitesse excessive des véhicules qui ne ralentissent pas à l'abord de la chicane, ainsi que cela ressort d'ailleurs du relevé de passages produit par la commune, qui indique que de nombreux usagers empruntent cette chicane à une vitesse avoisinant les 50 km/h sans toutefois que la commune ne fasse état d'accidents, notamment corporels, à cet endroit. Ainsi, eu égard à la configuration des lieux, le défaut de signalisation de la limitation de vitesse à 30 km/h ne faisait pas obstacle à ce que le conducteur, qui reconnaît avoir déjà emprunté cette route, adapte sa vitesse à la configuration de la voie. Dans ces conditions, l'accident dont ont été victimes M. A... et M. C... n'est imputable qu'à la faute de conduite commise par le conducteur et non à un défaut d'entretien normal de la voie, la circonstance qu'un ralentisseur ait depuis été installé étant sans incidence à cet égard. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette faute lui est opposable en sa qualité de subrogée aux droits du conducteur. En outre, pour les mêmes motifs, l'absence du panneau de signalisation n'est pas de nature à caractériser une perte de chance d'éviter l'accident. Sur la carence dans l'exercice des pouvoirs de police de la circulation : 10. Aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la date de l'accident : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations (...). ". Aux termes de l'article L. 3221-4 du même code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code (...). ". 11. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que l'autorité titulaire du pouvoir de police ait eu connaissance de l'existence d'un danger particulier sur cette voie aménagée de telle sorte à réduire la vitesse des véhicules. En particulier, il résulte de ce qui a été exposé au point 9 que le caractère dangereux de la voie résulte principalement de la vitesse excessive des véhicules et non de sa configuration. Dans ces conditions, nonobstant l'absence du panneau fixant la vitesse maximale autorisée à 30 km/h, dont les services municipaux étaient informés, il ne résulte pas de l'instruction que l'autorité compétente aurait dû faire usage de ses pouvoirs de police de la circulation. Sur la carence dans l'exercice des pouvoirs de police générale du maire : 12. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, (...) ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; (...) ". 13. A supposer que la société AXA France puisse être regardée comme ayant entendu soutenir que le maire d'Osny aurait dû faire usage de ses pouvoirs de police générale, ce moyen n'est assorti d'aucune précision de nature à en apprécier le bien-fondé alors, au surplus, qu'il résulte de ce qui a été exposé au point 11 qu'une telle carence n'est pas établie. 14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Osny et son assureur, la SMACL, la société AXA France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Osny, et son assureur la SMACL, le département du Val-d'Oise et la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la société AXA France demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société AXA France une somme de 500 euros à verser à la commune d'Osny et son assureur la SMACL, pris conjointement, au département du Val-d'Oise et à la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la société AXA France est rejetée. Article 2 : La société AXA France versera à la commune d'Osny et son assureur la SMACL, pris conjointement, au département du Val-d'Oise et à la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise une somme de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société AXA France, à la commune d'Osny, et son assureur la SMACL, au département du Val-d'Oise et à la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Houllier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023. La rapporteure, S. HoullierLa présidente, C. Signerin-IcreLa greffière, C. Fourteau La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 21VE00851
CETATEXT000048457766
J0_L_2023_11_00021VE00947
CETAT
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Texte
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 23/11/2023, 21VE00947, Inédit au recueil Lebon
2023-11-23 00:00:00
CAA de VERSAILLES
21VE00947
5ème chambre
plein contentieux
C
Mme SIGNERIN-ICRE
LECOURT
Mme Sarah HOULLIER
Mme JANICOT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 24 mai 2018 par lequel le maire de la commune de Jouy-le-Moutier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 25 juillet 2018, d'enjoindre au maire de Jouy-le-Moutier de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 8 mars 2009, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de condamner la commune de Jouy-le-Moutier à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens, y compris le droit de plaidoirie. Par un jugement n° 1812246 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande ainsi que les conclusions présentées par la commune de Jouy-le-Moutier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mars 2021 et le 19 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Lecourt, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler cet arrêté, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre à la commune de Jouy-le-Moutier de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 8 mars 2009, dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de condamner la commune de Jouy-le-Moutier à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Jouy-le-Moutier la somme de 3 026 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que l'arrêté attaqué était entaché d'une erreur de droit en ce qu'il fait application des dispositions de l'article 32 du décret du 14 mars 1968, alors que ce dernier n'est pas applicable aux agents de la fonction publique territoriale ; - la substitution de motifs opérée par le tribunal la prive d'une garantie procédurale dès lors que le tribunal a estimé que la commission de réforme s'était fondée sur un rapport d'expertise insuffisant ; si tel est le cas, la procédure suivie par l'administration doit être regardée comme irrégulière et, par suite, le tribunal ne pouvait procéder à une substitution de motifs sans priver l'exposante d'une garantie ; - c'est à tort que les juges de première instance ont estimé que la commission de réforme ne s'était fondée que sur le rapport d'expertise psychiatrique du 8 février 2017 alors qu'elle avait également été destinataire du rapport de l'enquête administrative du 26 janvier 2017 ; la commission de réforme était donc parfaitement en mesure d'apprécier si les caractéristiques du milieu professionnel étaient de nature à susciter le développement de la maladie, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ; - le jugement attaqué méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le tribunal n'a repris, dans son jugement, que les passages du rapport d'expertise qui sont favorables à l'administration ; - l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et le maire aurait dû reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ; - l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie lui cause un préjudice estimé à 10 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2023, la commune de Jouy-le-Moutier, représentée par Me de Soto, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le motif substitué par le tribunal figurait déjà dans les motifs de l'arrêté attaqué et les juges de première instance auraient pu procéder à une simple neutralisation du motif illégal ; - s'agissant de la demande indemnitaire de Mme A..., le contentieux n'est lié qu'à hauteur de 2 000 euros, montant indiqué dans la demande indemnitaire préalable ; la commune exposante n'a commis aucune faute ; Mme A... n'établit ni la réalité du préjudice qu'elle allègue, ni le lien de causalité entre ce préjudice et la décision de refus d'imputabilité, ni le quantum qu'elle sollicite à ce titre ; - les autres moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 89-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Houllier, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - et les observations de Me Lecourt, pour Mme A..., et de Me Wullschleger, substituant Me de Soto, pour la commune de Jouy-le-Moutier. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., adjoint technique territorial, fait appel du jugement du 4 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Jouy-le-Moutier du 24 mai 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 25 juillet 2018, et à la condamnation de cette commune à l'indemniser des préjudices subis du fait de ce refus. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. A supposer que Mme A... ait entendu soulever un moyen tiré de la partialité du tribunal administratif, en méconnaissance des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte de l'examen du jugement attaqué, qui fait référence tant au contenu des certificats médicaux produits par Mme A... qu'aux rapports établis dans le cadre de la procédure administrative et à l'avis de la commission de réforme sans omettre de citer les éléments susceptibles de venir au soutien de l'argumentation de la requérante, que le tribunal a suffisamment motivé sa décision et ne l'a pas entaché de partialité. Par suite, un tel moyen doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la substitution de motif : 3. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". Selon l'article 16 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987, dans sa version alors en vigueur : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme (...) est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. / (...). ". 4. D'autre part, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. 5. Pour rejeter la demande de Mme A..., le tribunal administratif, après avoir censuré le motif exposé par l'arrêté attaqué, tiré de ce que la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... était prescrite faute d'avoir été présentée dans un délai de quatre ans à compter de la première constatation médicale de cette maladie, a procédé, à la demande de la commune de Jouy-le-Moutier, à une substitution de motif. Il a ainsi jugé que l'arrêté attaqué était légalement justifié par l'absence de lien entre la maladie de Mme A... et le service et que cette substitution n'était pas de nature à priver cette dernière d'une garantie procédurale. 6. Mme A... soutient, devant la cour, que cette substitution de motif l'a privée d'une garantie procédurale dès lors que le tribunal aurait estimé que la commission de réforme a rendu un avis au terme d'une procédure irrégulière faute pour cette commission d'avoir été suffisamment informée par les certificats médicaux et rapports d'enquête produits. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les juges de première instance n'ont pas estimé que la commission de réforme a été insuffisamment informée et aurait ainsi rendu son avis au terme d'une procédure irrégulière mais ont porté une appréciation, ainsi que cela relève de leurs pouvoirs et conformément au moyen qui était soulevé devant eux, sur l'imputabilité au service de la maladie de Mme A.... A ce titre, ils ont apprécié le caractère probant des différents certificats médicaux produits ainsi que le contenu des rapports d'enquête administrative, sans toutefois conclure à l'irrégularité de la procédure suivie, contrairement à ce que soutient Mme A.... Au contraire, il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme a été régulièrement saisie, conformément aux dispositions précitées de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 et a émis un avis ainsi que cela ressort du procès-verbal de la séance du 29 mars 2018. Dans ces conditions, Mme A..., qui au demeurant ne se prévaut pas de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme et soutient à l'inverse que la commission de réforme était suffisamment informée pour rendre un avis, n'est pas fondée à soutenir que la substitution de motifs opérée par le tribunal l'a privée d'une garantie attachée à la procédure administrative. En ce qui concerne l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... : 7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 8. Mme A... soutient que l'état anxio-dépressif dont elle souffre trouverait son origine dans ses conditions de travail, notamment la dégradation de ses relations avec l'institutrice de la classe de l'école du Village dans laquelle elle était agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) en 2009, puis la décision de la réaffecter, en 2013, à l'issue de son congé de longue maladie, comme agent de cuisine à l'école de la Côte des Carrières et le comportement de l'équipe de cette école au sein de laquelle elle estime ne pas avoir été bien traitée. En l'espèce, les certificats médicaux, établis le 26 février 2016, le 18 septembre 2016 et 25 novembre 2016 par deux médecins psychiatres, attestent que Mme A... souffre d'un épisode dépressif chronique d'intensité moyenne, peu susceptible d'évoluer. Si ces certificats médicaux font également état de l'existence d'un lien entre cet état et les conditions de travail de Mme A... en 2009 puis 2013, ils se bornent à relater l'appréciation réalisée par cette dernière sans détailler les évènements et circonstances professionnels ayant causé ce trouble, l'intéressée ne donnant aucune autre précision quant à la nature et la teneur de ces faits dans ses écritures de première instance et d'appel à l'exception de l'interdiction lui ayant été faite d'appeler ses enfants pendant le temps scolaire. De même, le rapport d'expertise psychiatrique établi le 8 février 2017, qui conclut que les troubles " sont survenus dans les suites d'évènements au niveau de son travail ", se fonde uniquement, pour former cette qualification, sur les propos de Mme A..., sans, là encore, caractériser les conditions de travail, ni préciser les agissements ou évènements qui auraient été à l'origine du développement de la maladie. 9. En outre, si Mme A... soutient qu'elle a été victime de faits de harcèlements moral dès 2009 à l'école du Village puis ensuite en 2013 lors de sa réaffectation à l'école de la Côte des Carrières, elle n'apporte aucun élément de nature à faire présumer l'existence de ce harcèlement. Au contraire, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'alerte initiée par Mme A... en 2017, la commune de Jouy-le-Moutier a réalisé une enquête administrative au cours de laquelle il a été mis en évidence que l'intéressée entretenait des relations difficiles avec l'institutrice de sa classe notamment parce que cette dernière ne lui permettait pas d'appeler ses enfants pendant le temps de travail. En 2013, après son retour de congé longue maladie, Mme A... a indiqué vouloir changer d'affectation en indiquant être " épuisée par cette ambiance : aucune relation, stress dans le travail, sollicitation exagérée " sans toutefois caractériser ou même préciser les difficultés auxquelles elle faisait référence. A cet égard, la seule circonstance qu'elle a été, à son retour de congé de longue maladie en 2013, affectée comme agent de cuisine et non plus comme ATSEM ne peut suffire à faire présumer un harcèlement moral dès lors que les nouvelles circulaires en vigueur invitaient au recrutement de personnes titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle " petite enfance " dont Mme A... n'était pas titulaire, ce qui lui a été indiqué à plusieurs reprises. Par ailleurs, aucun des anciens collègues de la requérante n'a indiqué, lors de l'enquête administrative, avoir été témoin de faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral à son encontre, alors que la commune de Jouy-le-Moutier a témoigné de sa volonté, dès 2009, d'accommoder Mme A..., notamment en lui accordant des changements d'affectation. 10. Dans ces conditions, si Mme A... entretenait des relations difficiles avec l'institutrice de sa classe en 2009 puis avec certains de ses collègues en 2013, ces difficultés, très peu étayées, voire même circonstanciées, ne révèlent pas des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause et ce, alors même que l'intéressée ne présentait pas d'état pathologique préexistant. Par suite, en dépit de l'avis de la commission de réforme, le lien de causalité entre les conditions de travail de Mme A... et sa maladie n'est pas avéré. 11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Jouy-le-Moutier du 24 mai 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées Sur les conclusions indemnitaires : 12. Il résulte de ce qui précède que le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... était légalement justifié. Par suite, ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice que ce refus lui aurait causé doivent être rejetées. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter également les conclusions présentées par la commune de Jouy-le-Moutier sur ce même fondement. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Jouy-le-Moutier présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Jouy-le-Moutier. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Houllier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023. La rapporteure, S. HoullierLa présidente, C. Signerin-IcreLa greffière, C. Fourteau La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 21VE00947
CETATEXT000048457768
J1_L_2023_11_00022PA00833
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA00833, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA00833
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
SCP MATUCHANSKY- POUPOT - VALDELIEVRE
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une demande enregistrée sous le n° 1904495, M. A... H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 octobre 2018 par laquelle la sous-directrice des personnels de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 25 juin 2018 et de ses arrêts de travail du 26 juin 2018 au 11 novembre 2018, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision. Par une demande enregistrée sous le n° 1919123, M. A... H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 4 mars 2019 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 27 juin 2019, ainsi que la décision du 27 décembre 2019 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a explicitement rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif. Par un jugement n°s 1904495, 1919123 du 21 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 février et 27 octobre 2022, M. H..., représenté par le cabinet Cassel, demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions : 1°) d'annuler le jugement du 21 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 25 octobre 2018 du ministre de la transition écologique et solidaire refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 25 juin 2018 et de ses arrêts de travail du 26 juin au 11 novembre 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ; 3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 4 mars 2019 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 27 juin 2019 contre cette décision, ensemble la décision du 27 décembre 2019 du ministre de la transition écologique et solidaire rejetant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif ; 4°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 25 juin 2018 et de prendre en charge les soins et arrêts de travail en découlant, et en toute hypothèse de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 5°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif et de prendre en charge les soins et arrêts de travail en découlant, et en toute hypothèse de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : Sur le refus de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 25 juin 2018 : - la décision du 25 octobre 2018 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été informé de son droit à obtenir communication du rapport du médecin agréé par l'administration ; - les éléments relatifs à une prise en charge psychothérapique depuis 2007 et à la prescription d'un traitement médicamenteux par Effexor depuis 2011 mentionnés dans le rapport du 10 octobre 2018 du Dr D..., qui est placé dans une relation de subordination vis-à-vis de l'administration, sont erronés ; - la décision contestée est entachée d'erreur dans la qualification juridique des faits et d'erreur d'appréciation dès lors que l'accident dont il a été victime le 25 juin 2018, dans l'exercice de ses fonctions, sur son lieu et aux heures de travail, est imputable au service ainsi que les arrêts de travail subséquents ; Sur le refus de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif : - le refus de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif est entaché d'erreur dans la qualification juridique des faits et d'erreur d'appréciation dès lors que les arrêts de travail dont il fait l'objet depuis le 26 juin 2018 sont imputables à un syndrome anxio-dépressif, lui-même imputable à ses conditions de travail et du harcèlement moral dont il a été victime, d'une part, et à son accident de service du 25 juin 2018, d'autre part. Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, représenté par la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Larsonnier, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Joly, représentant le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Considérant ce qui suit : 1. M. H..., attaché d'administration de l'Etat, est affecté depuis 2011 à la direction de la sécurité de l'aviation civile, service rattaché à la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et exerce, depuis juillet 2015, les fonctions de chef du pôle achats et logistiques. Après avoir été placé en arrêt de travail le 26 juin 2018, il a adressé à son employeur, le 11 juillet 2018, une déclaration d'accident de service en raison d'une dépression sévère réactionnelle consécutive à une altercation survenue sur son lieu de travail le 25 juin 2018. Le 19 octobre 2018, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la demande présentée par M. H.... Par une décision du 25 octobre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 26 juin 2018 de l'intéressé ainsi que la prise en charge des arrêts de travail y afférents. Le 6 novembre 2018, M. H... a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été implicitement rejeté. Par un courrier du 28 février 2019, reçu le 4 mars 2019, M. H... a sollicité de l'administration la reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif. Le 25 juin 2019, il a formé un recours gracieux contre la décision implicite rejetant sa demande. Par une décision du 27 décembre 2019, prise après avis défavorable de la commission de réforme du 15 novembre 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif. Par un jugement du 21 janvier 2022, dont M. H... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande à fin d'annulation de ces décisions. Sur le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 25 juin 2018 et de prise en charge des arrêts de travail subséquents : 2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version applicable à la date du litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 35. /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". 3. En premier lieu, M. H... se borne à reproduire en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen, qu'il a développé dans sa demande de première instance, tiré de ce que la décision du 25 octobre 2018 serait entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'aurait pas été informé de son droit à obtenir communication du rapport du médecin agréé qui l'a examiné. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 4 du jugement, d'écarter ce moyen repris en appel par M. H.... 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 11-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, dans sa version applicable à la date du litige : " Le médecin de prévention exerce son activité médicale, en toute indépendance et dans le respect des dispositions du Code de déontologie médicale fixé par le décret du 28 juin 1979 susvisé et du Code de la santé publique. Il agit dans l'intérêt exclusif de la santé et de la sécurité des agents dont il assure la surveillance médicale. Le médecin de prévention doit être distinct des médecins chargés des visites d'aptitude physique au sens des dispositions de l'article 20 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et des médecins de contrôle. ". Aux termes de l'article R. 4127-95 du code de la santé publique : " Le fait pour un médecin d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à un autre médecin, une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n'enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance de ses décisions. /En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part du médecin, de l'entreprise ou de l'organisme qui l'emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l'intérêt de la santé publique et dans l'intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce. ". 5. M. H... soutient pour la première fois en appel que, d'une part, le Dr D..., en sa qualité de médecin de prévention de la direction générale de l'aviation civile, serait placée dans un lien de subordination vis-à-vis de l'administration, notamment à l'égard de son supérieur hiérarchique, M. E..., avec lequel il est en conflit, qui de par ses fonctions de directeur de la gestion des ressources déciderait de l'attribution des moyens financiers au service de médecine de prévention et, d'autre part, le rapport du Dr D..., établi le 10 octobre 2018, comporte des mentions erronées quant à une prise en charge psychothérapique qui aurait débuté en 2007 et à la prescription d'un traitement par Effexor en 2011. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le Dr D..., qui est soumise à des obligations déontologiques garantissant son impartialité et son indépendance en vertu des dispositions de l'article 11-1 du décret du 28 mai 1982 et de l'article R. 4127-95 du code de la santé publique citées au point 4, aurait méconnu son obligation professionnelle tenant à l'indépendance de ses décisions et qu'elle aurait agi en méconnaissance de l'intérêt de l'intéressé et de sa sécurité au sein de son service. La circonstance que ni le Dr C... dans son rapport d'expertise du 12 octobre 2018, ni même le Dr G... dans son rapport du 6 novembre 2019 n'ont repris les éléments mentionnés par le Dr D... tenant à une prise en charge psychothérapique débutée en 2007 et à la prescription d'un antidépresseur en 2011 n'est pas de nature à établir que ces éléments seraient erronés alors que les mentions de ces rapports d'expertise concernant l'historique de la maladie et ses traitements sont issues des déclarations de l'intéressé. En outre, le requérant ne verse au dossier aucune pièce permettant d'établir que ces éléments relevés par le médecin de prévention à partir également de ses propres déclarations lors de consultations et repris dans son rapport du 10 octobre 2018 seraient erronés. Dans ces conditions, le rapport du Dr D... du 10 octobre 2018, qui constitue une des pièces du dossier, doit être retenu à titre d'élément d'information. 6. En troisième lieu, si le requérant entend soutenir que le rapport du 12 octobre 2018 du Dr C..., psychiatre agréé désigné par l'administration, est intervenu trop tardivement pour pouvoir apprécier la gravité des conséquences pour sa santé de l'événement survenu le 25 juin 2018, ce rapport a été établi au vu de l'examen de l'intéressé le 12 octobre 2018, de la déclaration de l'intéressé le 11 juillet 2018 sur l'accident de travail, des certificats médicaux du Dr F... des 11 juillet, 21 août et 17 septembre 2018 et de la déclaration de l'accident de service du 1er août 2018. Dans ces conditions, même si son rapport est intervenu plus de trois mois après l'événement du 25 juin 2018, le Dr C... disposait des éléments suffisants pour remplir sa mission préalablement à la réunion de la commission de réforme du 19 octobre 2018. Il s'ensuit que ce rapport, qui comme le rapport du Dr D... du 10 octobre 2018 constitue une des pièces du dossier, doit être retenu à titre d'élément d'information. 7. En quatrième lieu, constitue un accident de service, pour l'application des dispositions citées au point 2, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 8. Il ressort des pièces du dossier que le 25 juin 2018, alors que le supérieur hiérarchique de M. H..., M. E..., qui sortait d'un conseil de direction, se trouvait dans le couloir devant le bureau de l'intéressé, un vif échange a eu lieu entre les deux agents au sujet d'une agent intérimaire qui aurait été en conflit avec M. H... et son équipe. M. H... soutient que le comportement de M. E... a excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Cependant, la déclaration d'accident de service présentée par M. H... le 11 juillet 2018 et la main courante qu'il a déposée le 20 août 2018 sont peu circonstanciées quant au déroulé et à la teneur des propos tenus lors de cet échange qui ne sont, par ailleurs, étayés par aucun témoignage ni par aucune autre pièce du dossier. Dans ces conditions, l'événement survenu le 25 juin 2018 ne saurait être regardé comme ayant donné lieu à un comportement ou à des propos de M. E... excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs, il ressort des écritures de M. H... qu'il entretenait des relations conflictuelles, ou à tout le moins tendues, avec M. E... depuis la fin de l'année 2015, dans un contexte de travail marqué par un sous-effectif au sein du pôle achats et logistiques dont il est le responsable. Il ressort également du rapport du 12 octobre 2018 du Dr C..., psychiatre agréé, que le requérant présente une " pathologie anxio-dépressive avec des éléments de gravité évoluant depuis plusieurs mois, l'altercation avec son chef apparaissant comme l'élément déclenchant de la décompensation de cet état antérieur ". En outre, le Dr D... a mentionné dans son rapport du 10 octobre 2018 qu'à la fin de l'année 2017, M. H... a été reçu en état de souffrance " liée à son travail ". Il ressort donc des rapports médicaux que le requérant avait manifesté des troubles révélant la constitution progressive d'un état dépressif dans les six mois ayant précédé l'altercation du 25 juin 2018. Dans ces conditions, et même si cette altercation est survenue sur le lieu de travail, dans le temps du service et dans l'exercice des fonctions de l'intéressé, et qu'elle a provoqué chez lui une grande souffrance psychologique, elle ne présente cependant pas un caractère de soudaineté permettant de la qualifier d'accident imputable au service à l'origine de sa dépression sévère et de sa tentative de suicide commise le 26 juin 2018. Par suite, M. H... n'est pas fondé à soutenir que le ministre de la transition écologique et solidaire aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'altercation survenue le 25 juin 2018 et la prise en charge des arrêts de travail subséquents. Sur le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif de M. H... : 9. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, entré en vigueur à la date de l'entrée en vigueur de son décret d'application du 21 février 2019, et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " (...) IV.-Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 11. M. H... soutient que les arrêts de travail dont il fait l'objet depuis le 26 juin 2018 sont dus à un syndrome anxio-dépressif imputable à ses conditions de travail et au harcèlement moral dont il a été victime, d'une part, et à son accident de service du 25 juin 2018, d'autre part. Il se prévaut notamment de plusieurs éléments médicaux dont le rapport du 12 octobre 2018 du Dr C..., médecin psychiatre agréé, qui a réalisé l'expertise médicale demandée par la commission de réforme dans le cadre de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 25 juin 2018, qui mentionne " qu'on retrouve dans les huit mois qui ont précédé l'incident professionnel la constitution progressive d'un état dépressif (...) dans un contexte de souffrance morale avec associé un hyper investissement professionnel tous éléments pour aboutir à un épuisement psychique et à un état dépressif réactionnel sévère avec un acte impulsif de prise excessive de médicaments sans risque léthal, mais vécu par le patient comme tel " et qu'il ne retrouve aucun antécédent personnel ou familial chez M. H... en lien avec cette pathologie. Dans son rapport du 6 novembre 2019, le Dr G..., missionné par le médecin chef de la direction générale de l'aviation civile, indique que l'intéressé présente un " état dépressif sévère, associé à une anxiété importante, réactionnel à une situation professionnelle douloureuse " et qu'il n'a jamais eu d'état antérieur en psychiatrie jusqu'au 25 juin 2018. 12. M. H... soutient que son supérieur hiérarchique lui aurait fixé des objectifs inatteignables dans l'exercice de ses fonctions, qu'il lui aurait ordonné de réaliser des tâches informatiques et techniques exclues de sa fiche de poste sans lui accorder de moyens afin de pouvoir les mener à bien et qui étaient dévolues auparavant aux attachés d'administration analystes, qu'il l'aurait empêché de participer à des formations et aurait attribué à son adjointe des notes de service rédigées par lui. 13. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que des objectifs inatteignables, dont la nature n'est au demeurant pas précisée, auraient été fixés à M. H... par son supérieur hiérarchique. Il ressort des pièces du dossier, notamment des courriels des 5 avril et 14 mai 2018 de M. B..., chef de programme Direction générale de l'aviation civile - Direction de la sécurité de l'aviation civile - Mission Systèmes d'information, et du 23 avril 2018 de M. E... que M. B... a apporté son aide au pôle achats et logistiques, alors en sous-effectif, pour piloter l'activité de configuration des iPads et des iPhones et qu'à la suite du recrutement de personnel intérimaire, cette intervention a pris fin et que M. E..., directeur de la gestion des ressources, a alors attribué à M. H... en sa qualité de chef du pôle achats et logistiques ainsi qu'à son adjointe la gestion du matériel informatique et des logiciels incluant le pilotage de l'activité de configuration des iPad et des iPhone. Il ressort de la fiche de poste de chef du pôle achats et logistiques de la direction générale de l'aviation civile que ces activités font partie des attributions dévolues au chef du pôle achats et logistiques dont la mission principale est de " contribuer à coordonner l'ensemble des activités du pôle en liaison en tant que de besoin avec les directions interrégionales, le secrétariat général et la DSI " et qui doit notamment superviser " le traitement des moyens logistiques " ainsi que " la programmation et la réalisation des achats ". Si le requérant soutient qu'il n'aurait pas disposé des moyens lui permettant de mener à bien ces missions, ces affirmations ne sont pas étayées par les pièces du dossier, alors notamment que du personnel intérimaire avait été recruté pour renforcer son équipe. 14. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des formulaires des besoins individuels de formation de l'agent au titre de l'année 2017, signés par M. H... et M. E... les 19 et 20 janvier 2017, que le requérant a demandé à bénéficier de neuf formations dispensées sur un total de vingt-deux jours répartis par modules de deux à trois jours sur la période comprise entre le 13 mars et le 13 octobre 2017. M. H... soutient qu'il n'a pu se rendre qu'à la seule formation du 13 mars 2017, son supérieur hiérarchique s'étant opposé oralement à ce qu'il suive les formations sollicitées au motif qu'il y avait des " urgences dans la gestion des déplacements professionnels ". Il ressort du tableau retraçant les formations suivies par l'intéressé, versé au dossier par l'administration, que celui-ci n'a suivi que deux formations au titre de 2017 : la formation Co-traitance et sous-traitance des 13 et 14 mars 2017 et la formation " aux gestes qui sauvent " le 20 juin 2017. En outre, le requérant produit un courriel du 3 mai 2017 de la chargée de formation confirmant qu'il n'a pas pu assister à la formation " Perfectionnement à la réglementation et à la gestion des marchés publics " prévue du 4 au 5 mai 2017 ainsi qu'un courriel du 6 mars 2017 de cette même chargée de formation dont il ressort qu'à la date du 6 mars 2017, la participation de l'intéressé à la formation " La veille du marché fournisseur et du sourcing " des 6 et 7 avril 2017 n'était pas validée. Si l'administration reconnaît que le requérant n'a pas pu assister à une formation prévue à l'automne 2017 dans l'intérêt du service afin que la rédaction du guide des procédures d'achats puisse être achevée avant l'audit de renouvellement ISO prévu en mars 2018, il ressort des pièces du dossier que M. H... n'a pas pu assister à huit formations sollicitées au titre de 2017. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que depuis la prise de fonctions de M. E..., le requérant a bénéficié de nombreuses formations : neuf formations au titre de 2013, onze formations en 2014, trois formations au titre de 2015 et trois formations en 2016. En outre, si le requérant soutient que les formations sollicitées étaient nécessaires afin de lui permettre d'actualiser le guide des procédures d'achats en tenant compte de la nouvelle réglementation, il lui appartenait en tout état de cause en sa qualité de chef du pôle achats et logistiques de mettre en place une veille juridique dans son domaine de compétences. Dans ces conditions, le refus d'accorder à l'intéressé les formations sollicitées au titre de 2017 ne peut être regardé comme révélant une volonté de l'humilier ou de le traiter de manière discriminatoire. 15. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des versions successives du guide des procédures d'achats, que le nom de M. H... qui apparaissait sur ce document en sa qualité de rédacteur a été supprimé dans la version finale du document du 12 mars 2018 et a été remplacé par le nom de son adjointe au motif que cette dernière a dû terminer la rédaction de ce guide alors que l'intéressé était en congés. Cependant, il ressort de la comparaison des deux dernières versions, c'est-à-dire, la version du 22 février mentionnant M. H... et celle du 12 mars 2018 comportant le nom de son adjointe, que seul un travail d'allégement du point 3. " L'évaluation des fournisseurs " a été effectué et que la suppression du nom du requérant ne peut donc trouver sa justification dans un travail de remaniement en profondeur du guide ou de rédaction de parties de ce guide effectué par son adjointe. Toutefois, cet événement isolé, pour regrettable qu'il soit, ne saurait être regardé comme caractérisant un agissement de nature à provoquer chez le requérant l'apparition de troubles anxio-dépressifs. 16. Par ailleurs, il ressort du point 8 que l'altercation survenue le 25 juin 2018 entre M. H... et M. E..., dont le déroulé et la teneur exacte des propos échangés ne sont pas étayés par les pièces du dossier ainsi qu'il a déjà été dit, ne saurait être regardée comme ayant donné lieu à un comportement ou à des propos de M. E... excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient le requérant, que M. E... aurait eu pour habitude de hausser le ton. 17. Enfin, la seule mention de son poste parmi les postes vacants mentionnés sur la liste du 25 septembre 2018 des postes pour la campagne 2018, alors qu'il était placé en congés de maladie ordinaire depuis le 26 juin 2018, ne peut être regardée comme ayant pu à provoquer chez le requérant l'apparition ou l'aggravation de troubles anxio-dépressifs alors que cette liste a été publiée trois mois après son premier arrêt de maladie ordinaire et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son poste aurait été effectivement attribué à un autre agent pendant ses congés de maladie ordinaire. En outre, le requérant soutient qu'il a été placé d'office en congé longue durée au lieu d'être placé en congé longue maladie. Cependant, en se bornant à soutenir qu'une telle mesure s'apparente à une mutation d'office et qu'il s'agissait pour l'administration de " libérer son poste ", il n'établit pas que ce placement en congé longue durée serait entaché d'illégalité. 18. Il ressort des points 10 à 17 que le contexte professionnel et les conditions de travail de l'intéressé ne peuvent être regardés comme étant directement à l'origine de la dépression sévère présentée par M. H... ou de son aggravation, dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. Par suite, la ministre de la transition écologique et solidaire n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant sa demande. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des décisions de la ministre de la transition écologique et solidaire, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. H... doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. H... au titre des frais liés à l'instance. 22. En l'absence de dépens, les conclusions présentées par le requérant sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. H... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... H... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22PA00833 2
CETATEXT000048457769
J1_L_2023_11_00022PA01500
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457769.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA01500, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA01500
8ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MENASSEYRE
Mme Virginie LARSONNIER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par une ordonnance du 2 février 2022, le président du tribunal administratif de Melun a transmis le dossier de la demande de M. D... au tribunal administratif de Montreuil. Par un jugement n° 2202117 du 25 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 26 janvier 2022. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 1er avril 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 25 février 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de rejeter la demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif de Montreuil. Il soutient que : - il pouvait légalement prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de M. D... quand bien même le motif tiré de ce que son comportement constitue une menace à l'ordre public ne serait pas retenu ; - l'arrêté contesté a été signé par une personne compétente ; - il est suffisamment motivé ; - il a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. D... ; - il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation de M. D.... La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., de nationalité moldave, né le 15 juillet 1987, a été interpellé le 25 janvier 2022 par les services de police et placé en garde en vue pour conduite sans permis et sans assurance. Par un arrêté du 26 janvier 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par un jugement du 25 février 2022, dont le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté. Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal : 2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) /5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. (...) ". 3. Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. D..., le premier juge a estimé que celui-ci réside depuis au moins deux années sur le territoire français, qu'il établit poursuivre en France depuis le 1er novembre 2019 une vie commune avec son épouse, Mme C... D... - ressortissante moldave, enceinte de deux mois, qu'il a épousée le 6 juin 2014 -, qu'il n'est donc pas isolé sur le territoire français, comme l'affirme le préfet et qu'au regard de cette situation, le comportement qui lui est reproché de conduite sans permis - M. D... ayant négligé, de façon réitérée, de demander l'échange de son permis moldave contre un permis français - et de défaut d'assurance, alors qu'il conduisait le véhicule confié par son employeur, n'apparaissait pas de nature à constituer un trouble de nature à caractériser une menace réelle, grave et immédiate pour l'ordre public. Toutefois, il ressort des termes de la décision contestée que pour obliger M. D... à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance que M. D... ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français, n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, n'avait effectué aucune démarche administrative pour régulariser sa situation et avait déclaré exercer illégalement une activité professionnelle sans être titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler. Il a ainsi entendu fonder sa décision sur les dispositions du 1° et du 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. La décision en litige n'étant ainsi pas fondée sur le motif tiré de ce que le comportement de M. D... caractérisait une menace réelle, grave et immédiate pour l'ordre public, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a estimé que ce motif n'était pas fondé pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, les décisions refusant d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. 4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif. Sur les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal : En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige : 5. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-3658 du 3 janvier 2022 publié au bulletin d'informations administratives de la Seine-Saint-Denis du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à M. B... A..., attaché principal d'administration de l'Etat et chef du bureau de l'éloignement, délégation à l'effet de signer, notamment, les obligation de quitter le territoire français, les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et les décisions fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été pris. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige, M. B... A..., doit être écarté comme manquant en fait. 6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à l'examen particulier de la situation de M. D... avant de prendre les décisions contestées. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et qu'il n'a pas effectué de démarche administrative pour régulariser sa situation. En outre, il ressort du procès-verbal d'audition établi le 26 janvier 2022 que M. D... a déclaré travailler illégalement en tant que couvreur et qu'il a été interpellé alors qu'il conduisait le véhicule que lui avait prêté son employeur. Dans ces conditions, M. D... entrait dans le champ d'application des dispositions du 1° et du 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2. Par suite, le préfet pouvait légalement prendre la décision contestée en se fondant sur ces dispositions. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". 9. La décision contestée vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, ainsi que les articles L. 611-1 à L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que M. D..., né le 15 juillet 1987 à Singureni, de nationalité moldave, a déclaré être entré en France le 16 novembre 2021, qu'il n'a pas été en mesure de présenter un document transfrontière au moment de son interpellation, qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français conformément aux dispositions de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Elle mentionne en outre que M. D... n'a effectué aucune démarche administrative et n'a pas démontré la volonté de régulariser sa situation au regard du droit au séjour et qu'il a déclaré exercer illégalement une activité professionnelle sans être titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler. Elle indique que l'intéressé a déclaré vivre en France depuis le 16 novembre 2021, qu'il ne justifie pas de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France ou de conditions d'existence pérennes ni même d'une insertion particulièrement forte dans la société française et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le préfet a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté. 10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 11. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal établi le 26 janvier 2022, que lors de son audition par les services de police, M. D... a déclaré être entré en France le 16 novembre 2021. Cependant, ainsi que l'a relevé le premier juge, l'intéressé a versé au dossier un contrat de bail établi à son nom ainsi qu'à celui de son épouse le 1er novembre 2019, des quittances de loyer pour la période comprise entre novembre 2019 et janvier 2022, et des avis d'impôts établis en 2021 au nom du couple pour les années 2019 et 2020 mentionnant respectivement 12 615 euros et 17 711 euros au titre des salaires. Dans ces conditions, à supposer même que M. D... puisse être regardé comme établissant résider habituellement en France depuis novembre 2019, il ne serait ainsi présent sur le territoire français que depuis un peu plus de deux ans à la date de la décision en litige. En outre, si son épouse, également de nationalité moldave, exerce une activité professionnelle depuis novembre 2018, elle était en situation irrégulière sur le territoire français à la date de la décision contestée. M. D... ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce que sa vie familiale avec son épouse, qui aurait été enceinte de deux mois à la date de la décision contestée, se reconstitue en Moldavie, où il n'établit pas être dépourvu de toute attache et où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Par ailleurs, même si M. D... exerce une activité professionnelle, il ne justifie pas d'une particulière intégration à la société française. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... au regard des buts poursuivis par la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 12. En quatrième lieu, au vu des éléments énoncés au point 11, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D.... 13. En cinquième et dernier lieu, M. D... n'assortit pas le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire : 14. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...)/4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...). ". 15. En premier lieu, la décision contestée vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 612-2 et L. 612-3. Elle mentionne que M. D... a été interpellé pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis et circulation avec un véhicule sans assurance, qu'il est connu au fichier automatique des empreintes digitales pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis et qu'il constitue ainsi par son comportement une menace à l'ordre public. Elle indique en outre qu'il ne présente pas de garanties de représentation dans la mesure où il est dépourvu d'un document de voyage en cours de validité, que s'il a déclaré un lieu de résidence, il n'apporte pas la preuve d'y demeurer de manière stable et effective, qu'il a déclaré vouloir rester en France et qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Enfin, elle mentionne que l'intéressé a déclaré vivre en France depuis le 16 novembre 2021, qu'il ne justifie pas de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France ou de conditions d'existence pérennes ni même d'une insertion particulièrement forte dans la société française et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le préfet a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision refusant d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté. 16. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. D... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. En outre, il ressort du procès-verbal d'audition établi le 26 janvier 2022 que M. D... a déclaré qu'il souhaitait demeurer sur le territoire français pendant la grossesse de son épouse et qu'il n'a pas présenté de document de voyage en cours de validité. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu légalement considérer qu'il existait un risque que M. D... ne se conforme pas à l'obligation de quitter le territoire français en litige. Par suite, à supposer même que le comportement de M. D... ne constitue pas une menace pour l'ordre public, ce dernier entrait dans le champ d'application du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait, en se fondant sur ce seul motif, refuser à l'intéressé de lui accorder un délai de départ volontaire de trente jours. 17. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 et alors qu'aucune pièce n'est versée au dossier concernant l'état de santé de Mme D... qui aurait été enceinte de deux mois à la date de la décision en litige, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D.... 18. En quatrième et dernier lieu, M. D... n'assortit pas le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 19. En premier lieu, la décision contestée vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 8 et 3, et les articles L. 612-12 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne la nationalité de M. D... et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Enfin, elle indique qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, le préfet a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision fixant la Moldavie comme le pays à destination duquel M. D... pourra être éloigné. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté. 20. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D.... 21. En troisième et dernier lieu, M. D... n'assortit pas les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur de droit de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français : 22. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 23. En premier lieu, la décision prononçant à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8, et les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet a, pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, précisé les principaux aspects de la situation personnelle de M. D..., notamment ceux relatifs à sa durée de séjour en France, à ses liens personnels et familiaux sur le territoire ainsi que la circonstance que son comportement représente une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté. 24. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 et alors qu'aucune pièce n'est versée au dossier concernant l'état de santé de Mme D... qui aurait été enceinte de deux mois à la date de la décision en litige, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D.... 25. En troisième et dernier lieu, M. D... n'assortit pas le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. 26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 26 janvier 2022. Par suite, il y a lieu de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2202117 du 25 février 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : La demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. E... D.... Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, V. LARSONNIER La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA01500 2
CETATEXT000048457770
J1_L_2023_11_00022PA02135
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457770.xml
Texte
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA02135, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02135
8ème chambre
plein contentieux
C
Mme MENASSEYRE
SCP FGB
Mme Marie-Dominique JAYER
Mme BERNARD
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Mitry-Mory au paiement d'indemnités de 1 049 euros au titre des dépenses médicales engagées et de 5 000 euros au titre du préjudice moral, financier et physique, résultant de la chute dont elle a été victime, le 5 octobre 2018, au niveau du 14 de l'avenue Franklin Roosevelt à Mitry-Mory. Par un jugement n° 2003790 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a déclaré la commune de Mitry-Mory responsable à hauteur de 80 % des conséquences dommageables résultant pour Mme A... de l'accident dont elle a été victime le 5 octobre 2018, a sursis à statuer sur la demande d'indemnisation du préjudice de la requérante et a ordonné une expertise médicale en vue de déterminer l'étendue de son préjudice. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 mai 2022, la commune de Mitry-Mory et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales représentées par Me Clavier, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2003790 du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) de rejeter la demande de Mme A... ; 3°) de mettre à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, Elles soutiennent que : - la réalité du dommage et le lien de causalité entre celui-ci et l'ouvrage incriminé ne sont pas établis par la victime, en qualité d'usagère de la voie publique ; - aucun défaut d'entretien normal n'est caractérisé ; - sa propre faute, totalement exonératoire de responsabilité, est opposable à la victime. Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 15 juillet 2022, Mme A... représentée par Me Trennec, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à la réformation du jugement en tant que les premiers juges ont estimé qu'elle était responsable à hauteur de 20 % des conséquences dommageables de l'accident ; 3°) à ce que la commune de Mitry-Mory soit déclarée responsable de la totalité de ces conséquences dommageables ; 4°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de la commune de Mitry-Mory au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par les appelantes ne sont pas fondés et qu'aucune imprudence fautive ne peut lui être reprochée. Par un mémoire enregistré le 9 novembre 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de la commune de Mitry-Mory ; 2°) de réformer le jugement en tant que les premiers juges ont estimé que Mme A... était responsable à hauteur de 20 % des conséquences dommageables de l'accident ; 3°) de déclarer la commune de Mitry-Mory responsable de la totalité des conséquences dommageables de la chute dont Mme A... a été victime ; 4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 8° Sauf en matière de contrat de la commande publique sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. / (...). L'article R. 222-14 du même code dispose que : " Les dispositions du 10° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros. " et l'article R. 222-15 que : " Ce montant est déterminé par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d'instance. Les demandes d'intérêts et celles qui sont présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 sont sans effet sur la détermination de ce montant. (...) ". 2. Pour l'application des dispositions précitées et la détermination du montant des indemnités demandées, seules doivent être prises en considération les conclusions présentées en première instance et à titre principal. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'une action indemnitaire qui ne se rapporte pas à un contrat de la commande publique, Mme A... a demandé au tribunal de condamner la commune de Mitry-Mory à lui payer la somme de 6 049 euros, toutes causes de préjudices confondues, soit une somme inférieure à 10 000 euros. Cette action relevait donc de la compétence du tribunal administratif statuant en premier et dernier ressort, quand bien même la lettre de notification du jugement mentionne, à tort, que celui-ci est susceptible d'appel. Il s'ensuit que la cour administrative d'appel n'est pas compétente pour connaître du recours interjeté par la commune de Mitry-Mory et son assureur, qui a le caractère d'un recours en cassation dont il appartient au Conseil d'Etat de connaître et auquel il convient de transmettre le jugement de l'affaire. DÉCIDE : Article 1er : L'affaire est transmise au Conseil d'Etat. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la commune de Mitry-Mory, à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne et au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023. La rapporteure, M-D JAYERLa présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERANDLa République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02135
CETATEXT000048457773
J1_L_2023_11_00022PA03521
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457773.xml
Texte
CAA de PARIS, 2ème chambre, 22/11/2023, 22PA03521, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03521
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme TOPIN
DUMORTIER MEYNIER
M. Franck MAGNARD
M. SEGRETAIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015. Par un jugement n° 2005582/2-2 du 30 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, Mme C..., représentée par Me Isabelle Dumortier Meynier, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard des impositions litigieuses ; 3°) d'assortir le remboursement des sommes versées d'intérêts moratoires ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros. Elle soutient que : - la rémunération de 5 000 dollars nets mensuels qu'elle a perçue au titre de ses fonctions de membre du comité d'administration de la société de droit turc Hurriyet doit être regardée comme des jetons de présence et, par conséquent, ne saurait être imposée en France en application des stipulations de l'article 16 de la convention franco-turque du 18 février 1987 destinée à éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu ; - le droit d'imposer des jetons de présence est dévolu à la Turquie ; - sa situation vis-à-vis des autorités fiscales turques est sans influence sur le caractère non imposable en France des sommes litigieuses ; - elles ont fait l'objet d'une retenue à la source en Turquie ; - le quotient familial qui lui a été appliqué pour le calcul de son revenu imposable au titre de l'impôt sur le revenu 2015 doit être porté à 2,5 parts dès lors que ses enfants ont principalement résidé à son domicile en 2015 et qu'elle s'acquitte de 80 % des frais inhérents à leur charge ; - cette prise en charge est conforme à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 18 septembre 2018 ; - aux termes de l'instruction administrative du 20 janvier 2004 (5 B-3-04), les majorations de quotient familial pour enfants sont désormais attribuées en fonction du critère de la charge effectivement supportée au titre de leur entretien et de leur éducation. Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 2 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention franco-turque du 18 février 1987 en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Magnard, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... a fait l'objet d'impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre des années 2013, 2014 et 2015, décidées par l'administration fiscale à la suite d'un contrôle sur pièces. Par des réclamations préalables du 1er février 2018 et du 18 décembre 2019, Mme C... a contesté partiellement ces impositions supplémentaires. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement du 30 mai 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015. Sur les revenus de source turque : 2. Aux termes de l'article 15 de la convention franco-turque du 18 février 1987 : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 16, 18, 19, 20 et 21, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat ". Aux termes de l'article 16 de la même convention : " Les tantièmes, jetons de présence et autres rétributions similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit en sa qualité de membre du conseil d'administration ou de surveillance d'une société qui est un résident de l'autre Etat contractant, sont imposables dans cet autre Etat ". 3. Mme C..., qui est résidente fiscale en France et qui est à ce titre imposable sur son revenu mondial sauf disposition contraire d'une convention internationale, a été nommée le 1er juin 2012, pour une durée de six ans, au sein du conseil d'administration de la société de droit turc Hurriyet en tant que membre indépendant. Elle soutient que la rémunération de 5 000 dollars américains nets mensuels qu'elle a perçue au titre de ses fonctions de membre indépendant du comité d'administration de cette société doit être regardée comme des jetons de présence et ne saurait dès lors être imposée en France en application des stipulations précitées de l'article 16 de la convention franco-turque du 18 février 1987. L'attestation de la société en date du 7 août 2015, rédigée en anglais, et qui indique que Mme C... est administratrice indépendante et que la rémunération en cause lui est versée " in return of her duties ", ne mentionne pas expressément le versement de jetons de présence, ne précise pas la nature exacte ni des rémunérations attribuées, ni des fonctions effectivement exercées par l'intéressée, n'indique pas les modalités de détermination de ces sommes et ne lie pas sa qualité d'administratrice indépendante aux fonctions exercées contre rémunération. Or il résulte des documents émanant de la société que la requérante était également membre du comité d'audit et qu'elle était susceptible à ce titre d'être en charge de la réalisation de travaux particuliers et d'être rémunérée en contrepartie. Dans ces conditions, et quelle que soit la situation de la requérante vis-à-vis des autorités fiscales turques et alors même que les sommes en cause auraient fait l'objet d'une retenue à la source en Turquie, ce qui n'est d'ailleurs pas établi par la mention figurant dans l'attestation précitée selon laquelle la rémunération versée serait " nette ", Mme C..., qui est seule en mesure le faire, n'établit pas que les sommes versées par la société Hurriyet représenteraient des jetons de présence dont l'imposition serait réservée à la Turquie par les stipulations précitées. L'attestation rédigée par la requérante elle-même à l'intention des autorités fiscales turques est en tout état de cause dépourvue de valeur probante. Sur le quotient familial qui a été appliqué à Mme C... au titre de l'année d'imposition 2015 : 4. Aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit (...) ". Aux termes de l'article 194 du même code : " I. Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est déterminé conformément aux dispositions suivantes : (...) / Lorsque les époux font l'objet d'une imposition séparée en application du 4 de l'article 6, chacun d'eux est considéré comme un célibataire ayant à sa charge les enfants dont il assume à titre principal l'entretien. Dans cette situation, ainsi qu'en cas de divorce, de rupture du pacte civil de solidarité ou de toute séparation de fait de parents non mariés, l'enfant est considéré, jusqu'à preuve du contraire, comme étant à la charge du parent chez lequel il réside à titre principal. (...) / Lorsque les enfants sont réputés être à la charge égale de chacun des parents, ils ouvrent droit à une majoration de : / a) 0,25 part pour chacun des deux premiers et 0,5 part à compter du troisième, lorsque par ailleurs le contribuable n'assume la charge exclusive ou principale d'aucun enfant ; / b) 0,25 part pour le premier et 0,5 part à compter du deuxième, lorsque par ailleurs le contribuable assume la charge exclusive ou principale d'un enfant ; / c) 0,5 part pour chacun des enfants, lorsque par ailleurs le contribuable assume la charge exclusive ou principale d'au moins deux enfants ". 5. Mme C... était séparée de M. C..., avec lequel elle a eu deux enfants. L'administration fiscale a revu l'imposition de Mme B... au titre de l'année 2015 en lui faisant application des dispositions précitées du a du I de l'article 194 du code général des impôts. Pour solliciter l'application d'un quotient familial supérieur, Mme B... fait valoir que ses enfants ont principalement résidé à son domicile cette année et qu'elle s'est acquittée de 80 % des frais inhérents à leur charge. 6. Suite à la requête en divorce déposée le 10 juillet 2015 par M. C..., les époux se sont accordés sur diverses mesures provisoires, dont l'exercice conjoint de l'autorité parentale et la mise en place d'une résidence alternée pour les enfants, entérinées par l'ordonnance de non-conciliation rendue le 26 février 2016. Si cette ordonnance constate une mise à la charge de Mme C... d'un pourcentage de dépenses de 80 %, ce pourcentage ne concerne qu'une partie des dépenses. Ni l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 18 septembre 2018, ni aucun autre document ne permettent de démontrer qu'au 31 décembre 2015 la charge de ses deux enfants incombait à la requérante à hauteur de 80 %. L'instruction administrative du 20 janvier 2004 (5 B-3-04), aux termes de laquelle les majorations de quotient familial pour enfants sont attribuées en fonction du critère de la charge effectivement supportée au titre de leur entretien et de leur éducation, ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et n'est par suite pas invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens DECIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - Mme Fullana, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, F. MAGNARDLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03521 2
CETATEXT000048457780
J3_L_2023_11_00021BX01846
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457780.xml
Texte
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/11/2023, 21BX01846, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX01846
6ème chambre
exécution décision justice adm
C
Mme MARKARIAN
MAILLOT
M. Julien DUFOUR
M. DUPLAN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement n° 1800620 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du président du conseil d'administration du SDIS de La Réunion du 6 juin 2018 refusant de faire droit à la demande de recrutement de M. C... A... au grade de sapeur dans le cadre d'emploi des sapeurs-pompiers professionnels et a enjoint au SDIS d'intégrer M. A... en qualité de sapeur-pompier professionnel et de reconstituer sa carrière dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Procédure devant la Cour : Par une ordonnance n° 19BX04701 du 25 mai 2020, le président de la 6ème chambre de la Cour a rejeté la requête du SDIS tendant au sursis à exécution du jugement n° 1800620 du 26 septembre 2019. Par une ordonnance n° 21BX01846 en date du 12 mai 2021, la présidente de la Cour a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures qui seraient nécessaires à l'exécution du jugement n° 1800620 du 26 septembre 2019. Par un arrêt n° 19BX04700 du 14 décembre 2021, la Cour a rejeté la requête d'appel du SDIS. Par des mémoires, enregistrés les 14 mars 2023 et 18 septembre 2023, le syndicat départemental d'incendie et de secours (SDIS) de La Réunion conclut au rejet de la demande de M. A.... Il soutient que M. A... a été intégré par un arrêté du 30 juillet 2020 au grade de sapeur dans le cadre d'emploi des sapeurs-pompiers professionnels et sa carrière reconstituée par un arrêté du même jour, et que les sommes dues ont fait l'objet de mandats de paiement. Par des mémoires, enregistrés les 13 avril 2023, 2 mai 2023 et 21 août 2023, M. C... A..., représenté par Me Maillot, demande à la cour d'ordonner la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée à l'encontre du SDIS de la Réunion à hauteur de 107 600 euros, et de mettre à la charge du SDIS de la Réunion une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les sommes de 1 000 et 1 500 euros mises à sa charge du SDIS par le jugement du 26 septembre 2019 et l'arrêt du 14 décembre 2021 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne lui ont pas été versées ; - il maintient sa demande de liquidation d'astreinte à hauteur de 22 000 euros correspondant à la période allant de septembre 2019 à juillet 2020 ; - en outre, il a été intégré au SDIS en juillet 2020 en qualité de stagiaire et non de titulaire et est resté dans ce grade jusqu'en novembre 2022 et a droit à la liquidation d'astreinte de juillet 2020 à novembre 2022 à hauteur de 85 600 euros. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-6 du même code : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts ". Et aux termes de l'article L. 911-7 de ce code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". 2. Par un jugement n°1800620 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 6 juin 2018 par laquelle le service d'incendie et de secours (SDIS) de La Réunion avait refusé de faire droit à la demande de recrutement de M. A... au grade de sapeur des sapeurs-pompiers professionnels et a enjoint au SDIS d'intégrer l'intéressé en qualité de sapeur-pompier professionnel à compter du 20 février 2015 et de reconstituer sa carrière depuis cette date dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Le tribunal a également mis à la charge du SDIS de la Réunion une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un arrêt n°19BX04700 du 14 décembre 2021, la Cour a rejeté la requête d'appel du SDIS de La Réunion dirigée contre ce jugement, et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le pourvoi formé contre l'arrêt du 14 décembre 2021 n'a pas été admis devant le Conseil d'Etat. M. A... demande à la Cour d'ordonner la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 26 septembre 2019. 3. D'une part, le SDIS de la Réunion établit avoir effectivement versé à M. A... les sommes mises à sa charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 4. D'autre part, M. A... soutient qu'il n'a été intégré dans les effectifs du SDIS en juillet 2020 qu'en qualité de stagiaire, et qu'il a conservé cette qualité jusqu'en novembre 2022. Toutefois, le SDIS de La Réunion établit que M. A... a été titularisé dans le cadre d'emploi des sapeurs et caporaux de sapeurs-pompiers professionnels au grade de sapeur rétroactivement à compter du 20 février 2015, par la production de son arrêté d'intégration en date du 30 juillet 2020 ainsi que d'un bulletin de paye du mois d'août 2020 mentionnant son grade de sapeur titulaire. Le 30 juillet 2020, le président du conseil d'administration du SDIS a également reconstitué sa carrière et l'a notamment nommé à compter du 1er août 2020 au 6ème échelon du grade de sapeur, avec une ancienneté de 10 mois et 27 jours. Dès lors, en admettant même que M. A... a été convoqué, ainsi qu'il le soutient, à des formations réservées à des sapeurs-pompiers volontaires, l'injonction prononcée par l'article 2 du jugement du 26 septembre 2019 doit être regardée comme entièrement exécutée le 30 juillet 2020. Alors même que le délai accordé au SDIS pour exécuter le jugement notifié le 27 septembre 2019 a été dépassé, il n'y a pas lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, dès lors notamment que la demande de sursis à exécution de ce jugement présentée par le SDIS a été rejetée par une ordonnance de la Cour en date du 25 mai 2020, de procéder à la liquidation de l'astreinte provisoire sollicitée par M. A.... 5. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de liquider l'astreinte prononcée à l'encontre du SDIS de la Réunion ni de prendre de nouvelles mesures d'exécution du jugement du 26 septembre 2019 et de l'arrêt du 14 décembre 2021. Article 2 : Le surplus de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au service départemental d'incendie et de secours de la Réunion. Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, président, M. Frédéric Faïck, président assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2023 Le rapporteur, Julien B... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21BX01846 2
CETATEXT000048457781
J3_L_2023_11_00021BX03246
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457781.xml
Texte
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/11/2023, 21BX03246, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX03246
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme MARKARIAN
SCP CHARREL & ASSOCIES
M. Frédéric FAÏCK
M. DUPLAN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Island Architecture a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner le département de La Réunion à lui verser la somme de 146 604,76 euros au titre des prestations supplémentaires qu'elle a réalisées durant l'exécution d'un marché de maîtrise d'œuvre portant sur la mise en accessibilité de collèges aux personnes en situation de handicap, et la somme de 398 360,15 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement n° 1900951 du 25 mai 2021, le tribunal a condamné le département de La Réunion à verser à la société Island Architecture la somme de 22 000 euros au titre de ses prestations supplémentaires et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2021 et le 23 novembre 2022, la société Island Architecture, représentée par Me Balladur, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 1900951 du tribunal administratif de La Réunion du 25 mai 2021 ; 2°) de condamner le département de La Réunion à lui verser la somme de 177 125,71 euros au titre de ses prestations supplémentaires et la somme de 387 196 euros en réparation de ses préjudices ; 3°) de rejeter les conclusions du département de La Réunion tendant à sa condamnation à verser une somme de 15 000 euros au titre de pénalités de retard ; 4°) de mettre à la charge du département de La Réunion une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne son droit au paiement de ses prestations supplémentaires : - sa demande de rémunération n'est pas irrecevable au-delà de la somme de 22 000 euros mentionnée dans son mémoire en réclamation dès lors que celui-ci mentionnait expressément son acceptation à percevoir cette somme sous réserve que ses autres réclamations soient satisfaites ; - sa demande doit être satisfaite sur le terrain de l'enrichissement sans cause ; elle doit également être satisfaite au regard du principe selon lequel des prestations supplémentaires exigées par le maître de l'ouvrage et non prévues au contrat doit faire l'objet d'une rémunération ; le caractère forfaitaire du marché ne fait pas obstacle à ce qu'elle obtienne une rémunération pour de telles prestations ; - lors d'une réunion de chantier qui s'est tenue le 21 mai 2015, le maître de l'ouvrage a demandé au groupement de maîtres d'œuvre de prendre en compte, dans le cadre de leur mission diagnostic, les évolutions réglementaires introduites par l'arrêté du 8 décembre 2014, et de remplir une fiche de synthèse pour chacun des sites prévus au marché afin d'aider l'assistant au maître de l'ouvrage dans sa mission de réalisation de l'agenda accessibilité programmé pour les établissements recevant du public ; ces demandes constituent des prestations supplémentaires que le département de La Réunion a pourtant refusé de rémunérer et que le tribunal a évaluées à 22 000 euros, somme ne correspondant pas à l'étendue réelle des missions réalisées compte tenu du nombre important de non-conformités relevées dans certains collèges par les maîtres d'œuvre ; aussi, la cour fixera à 146 604,76 euros hors taxes le montant exact, et justifié au dossier, de ces prestations supplémentaires. En ce qui concerne l'indemnisation de ses préjudices causés par la faute du département : - le département de La Réunion a commis une faute dans la conception du marché qui engage sa responsabilité ; le département a fait savoir à son cocontractant qu'un schéma directeur immobilier du handicap avait été réalisé, à sa demande, en 2010, par le cabinet Accessmétrie et que ce document comportait la liste exhaustive des non-conformités affectant les bâtiments concernés par le marché ; elle devait exécuter son marché en se fondant sur le diagnostic effectué par ce schéma directeur ; le département a ainsi chiffré le coût prévisionnel du marché en fonction de ce diagnostic ; or celui-ci a sous-estimé de façon importante le nombre de non-conformités, ce qui constitue une faute du maître de l'ouvrage ; elle a subi un préjudice lié à la perte de rémunération de l'architecte-gérant qui a dû réduire sa rémunération pour faire face à l'explosion du nombre de non-conformités tout en respectant les délais contractuels d'achèvement des prestations ; elle a dû recourir à du personnel supplémentaire, et en conséquence supporté des coûts supplémentaires ; son préjudice total doit être évalué à 387 196 euros. Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 janvier 2022 et le 25 novembre 2022, le département de La Réunion, représenté par la SELAS Charrel et Associés, agissant par Me Gaspar, demande à la Cour : 1°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a limité à 22 000 euros la somme allouée à la société Island Architecture au titre des prestations supplémentaires et en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la société Island Architecture à lui verser une somme au titre des pénalités de retard et de condamner cette société à lui verser à ce titre la somme de 15 000 euros ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner le cabinet Accesmetrie à le garantir des condamnations excédant le montant précité de 22 000 euros qui seraient éventuellement prononcées à son encontre ; 4°) de mettre à la charge de la société Island Architecture la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'en application de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG/PI), la demande de rémunération des prestations supplémentaires est limitée au montant formulé dans le mémoire en réclamation, soit 22 000 euros demandés par la société dans son mémoire du 8 avril 2019 ; la société Island Architecture n'est dès lors pas recevable à demander la somme de 146 604,76 euros hors taxes invoquée dans ses écritures ; au fond, que tous les autres moyens de la requête doivent être écartés comme infondés ; enfin, la société doit être condamnée à lui verser une somme de 15 000 euros à titre de pénalités compte tenu du retard avec lequel elle a exécuté des prestations. Par ordonnance du 25 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ; - l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, notamment son annexe II ; - l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ; - l'arrêté du 8 décembre 2014 fixant les dispositions prises pour l'application des articles R. 111-19-7 à R. 111-19-11 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 14 du décret n° 2006-555 relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public, situés dans un cadre bâti existant et des installations existantes ouvertes au public ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Faïck, - les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public, - et les observations de Me Balladur pour la société Island Architecture et de Me Thareau, substituant Me Gaspar, pour le département de La Réunion. Considérant ce qui suit : 1. Le 22 janvier 2014, le département de La Réunion a conclu avec un groupement solidaire de maîtrise d'œuvre, dont la société Island Architecture était la mandataire, cinq marchés publics pour un forfait de rémunération total de 746 038,27 euros hors taxes, portant sur la mise en accessibilité de 22 collèges aux personnes en situation de handicap comportant les missions DIAG, APS, APD, PRO, ACT, VISA, DET, AOR, OPC et DUEM. Au titre de ses missions, le groupement était notamment chargé d'effectuer, dans un délai de quatre semaines à compter de l'ordre de service de démarrage, un diagnostic préalable de la situation des collèges au regard de la législation sur l'accès des personnes handicapées aux établissements recevant du public. 2. Par un mémoire en réclamation du 8 septembre 2017, la société Island Architecture a sollicité du département de La Réunion, en sa qualité de mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, le paiement de prestations supplémentaires que le groupement aurait réalisées et l'indemnisation des préjudices financiers qu'il aurait subis au cours de l'exécution du marché. Le président du conseil départemental, qui est resté taisant sur cette demande, a, par une décision du 15 novembre 2018, résilié le marché à l'issue de la phase de diagnostic confiée au groupement de maîtrise d'œuvre en application des stipulations de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marches de prestations intellectuelles (CCAG-PI). Le 9 avril 2019, la société Island Architecture a adressé au département un nouveau mémoire en réclamation réévaluant ses prétentions financières, accompagné d'une mise en demeure d'établir un décompte de résiliation. 3. Ses demandes ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, la société Island Architecture a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une requête tendant à la condamnation du département de La Réunion à lui verser la somme de 146 604,76 euros hors taxes au titre de ses prestations supplémentaires ainsi que la somme de 398 360,15 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement rendu le 25 mai 2021, le tribunal a condamné le département de La Réunion à verser à la société une somme de 22 000 euros en rémunération de ses prestations supplémentaires et a rejeté le surplus de la demande. Par ce même jugement, le tribunal a rejeté les conclusions reconventionnelles du département de La Réunion tendant à ce que la société lui verse une somme correspondant aux pénalités de retard prévues au marché. 4. La société Island Architecture relève appel de ce jugement et demande à la Cour, d'une part, de porter à 146 604,76 euros hors taxes la somme due au titre des prestations supplémentaires, et, d'autre part, de condamner le département de La Réunion à lui verser la somme de 397 196 euros à titre de dommages et intérêts. Le Département, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que la société Island Architecture lui verse la somme de 15 000 euros au titre des pénalités de retard. Sur l'appel principal de la société Island Architecture : En ce qui concerne le paiement de prestations supplémentaires : 5. Le droit à indemnisation du cocontractant sur le terrain de l'enrichissement sans cause, lequel présente un caractère subsidiaire, ne peut être reconnu qu'en cas de nullité d'un contrat ou en l'absence d'un tel contrat. Les prestations dont la société Island Architecture sollicite le paiement ont été réalisées en exécution des contrats qu'elle a signés, comme mandataire du groupement, avec le département de La Réunion le 22 janvier 2014 et la société Island Architecture n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la responsabilité du maître de l'ouvrage serait engagée sur le terrain quasi-contractuel de l'enrichissement sans cause. 6. En revanche, si le titulaire d'un contrat de maîtrise d'œuvre est en principe rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. 7. L'article 2 des actes d'engagement des lots n° 7, 8, 16, 17 et 19 du marché en litige ont confié au groupement de maîtrise d'œuvre une mission " diagnostic " au sens de l'article 12 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre pour les opérations de réutilisation ou de réhabilitation d'ouvrage de bâtiments, et de l'annexe II à l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé. Selon l'annexe II de l'arrêté du 21 décembre 1993, les études de diagnostic, qui doivent permettre de renseigner le maître de l'ouvrage sur l'état du bâtiment et sur la faisabilité de l'opération, incluent la réalisation des relevés nécessaires à l'état des lieux du bâtiment, la définition d'un programme fonctionnel d'utilisation, la réalisation d'une estimation financière permettant de mesurer la faisabilité de l'opération, et le cas échéant des études complémentaires d'investigation des existants. 8. L'article 3.2 du programme " mise en accessibilité des sites du département de La Réunion ", lequel fait partie des pièces du marché en application de l'article 2.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de ce marché, a attribué au groupement de maîtrise d'œuvre la réalisation d'un diagnostic détaillé et exhaustif des non conformités des 22 collèges du Département à la réglementation sur l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public, et la mission de proposer pour chacune d'elles des actions de mise en conformité. 9. Il résulte de l'instruction que lors d'une réunion du 21 mai 2015, le département de La Réunion a demandé au groupement de maîtrise d'œuvre de prendre en compte, au titre de ses missions de diagnostic, les évolutions introduites par l'arrêté du 8 décembre 2014 relatif à l'accessibilité des établissements recevant du public. Au cours de cette même réunion, le Département a également demandé à son cocontractant d'établir, pour chacun de 22 collèges, une fiche de synthèse afin d'aider le nouvel assistant à maîtrise d'ouvrage à réaliser un agenda d'accessibilité des établissements concernés. 10. Le programme " mise en accessibilité ", inclus dans les pièces du marché, stipulait que le groupement devrait, dans l'exercice de sa mission diagnostic, " intégrer les récentes évolutions réglementaires d'accessibilité du règlement de sécurité incendie ERP, non prises en compte " dans le schéma directeur immobilier du handicap réalisé en 2010 et " traiter les parties règlementaires " qui ne l'avaient pas été dans ce document. Par suite, la prise en compte des évolutions introduites par l'arrêté du 8 décembre 2014 était incluse dans le diagnostic détaillé des non-conformités que le groupement devait établir en exécution du contrat afin que le maître d'ouvrage puisse connaître précisément l'ensemble des travaux à effectuer pour tendre vers l'objectif de mise en conformité maximale de chaque site. Dans ces conditions, la prise en compte des évolutions réglementaires postérieures à la conclusion du marché, notamment celles issues de l'arrêté du 8 décembre 2014 relatif à l'accessibilité des établissements recevant du public, ne constitue pas une prestation supplémentaire ouvrant droit à paiement pour la société. 11. En revanche l'élaboration de documents synthétisant pour chacun des collèges visités les non-conformités relevées constitue une prestation supplémentaire non prévue au marché, ce que le département de La Réunion ne conteste d'ailleurs pas. Il s'ensuit que la société Island Architecture est en droit d'obtenir une rémunération supplémentaire pour ce travail. 12. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas sérieusement contesté par la société requérante, que la réalisation des fiches de synthèse a simplement consisté en un travail de compilation des données sur l'état des sites recueillies au cours du diagnostic. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la prestation réalisée, compte tenu de sa nature, devrait être évaluée à 146 604,76 euros hors taxes comme le soutient la société Island Architecture en produisant un simple tableau dénué d'éléments explicatifs. Dans ces conditions, et alors même qu'il existe une forte disparité entre certains collèges quant au nombre de non-conformités existantes, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation des prestations supplémentaires réalisées en les évaluant à 1 000 euros par fiche, soit 22 000 euros au total. Par suite, les conclusions de la société appelante, tendant ce que la somme due soit portée à 146 604,76 euros hors taxes, doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée à leur encontre ni d'ordonner une expertise. En ce qui concerne la faute du maître de l'ouvrage : 13. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché peuvent ouvrir droit à indemnité au profit du titulaire dans la mesure où celui-ci justifie qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'estimation de ses besoins ou dans la conception même du marché. 14. Aux termes de l'article 2 du CCAP applicable au marché en litige : " Documents constitutifs du contrat. 2.1 Documents contractuels particuliers (...) l'acte d'engagement (...) le présent CCAP, le programme + ses annexes, le rapport SDIH (schéma directeur immobilier du handicap) ... ". Selon le programme " mise en accessibilité des sites du département de La Réunion ", lequel fait partie des pièces du marché en application de l'article 2.1 précité du CCAP, " un schéma directeur immobilier du handicap a été formalisé fin 2010 par le cabinet Accesmetrie. Les objectifs de cette mission ont été les suivants : - faire un bilan de la réglementation en matière d'accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées - faire un diagnostic de la situation des sites départementaux, mettre en évidence les non-conformités - par site, élaborer un plan d'action à mettre en œuvre pour le mettre en conformité au regard de l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap - formaliser, sous forme de schéma directeur immobilier du handicap, le scenario global faisant la synthèse des actions à mener par site. Pour chaque site à diagnostiquer, le département dispose d'un rapport " SDIH " établissant une liste exhaustive des non conformités, des solutions prévisionnelles et de leurs coûts associés (...) ". Le 2 intitulé " Objectifs de l'opération " du programme précise que " les rapports SDIH [sont] des documents de niveau global (préprogramme). Le département souhaite à présent réaliser une opération de mise en accessibilité complète en se rapprochant le plus possible d'une accessibilité à 100 %. Pour cela un diagnostic détaillé est nécessaire afin de proposer un scenario de mise en conformité maximal pertinent. ". Aux termes de l'article 3.2 du programme de mise en accessibilité : " Contraintes à prendre en compte - Approfondir le diagnostic des non conformités : compte tenu du niveau des documents remis par Accesmetrie, le prestataire devra faire un diagnostic détaillé et exhaustif des non conformités, et proposer pour chacune d'elles les actions de mise en conformité à préconiser - Intégrer les récentes évolutions réglementaires d'accessibilité du règlement de sécurité incendie ERP non prises en compte dans le rapport " SDIH " - Traiter les parties réglementaires qui ne l'ont pas été dans les rapports SDIH : l'éclairage : il faudra atteindre les valeurs réglementaires (...), la signalétique (...) autres points (...) ". 15. Il résulte des stipulations contractuelles précitées que le SDIH réalisé en 2010 par le cabinet Accesmetrie, dont l'objet était d'établir un diagnostic des non-conformités des sites départementaux à la réglementation en matière d'accessibilité aux personnes handicapées, constitue un document " de niveau global (préprogramme) " et que le Département, souhaitant garantir une accessibilité complète à ses bâtiments, a prévu la réalisation d'un " diagnostic détaillé " afin de concevoir " un scenario de mise en conformité maximal ". C'est pourquoi l'article 3.2 du programme " mise en accessibilité des sites du département de La Réunion ", qui fait partie des pièces contractuelles, prévoit la réalisation par le maître d'œuvre d'un " diagnostic détaillé et exhaustif des non conformités ", lui impose d'y intégrer les récentes évolutions du règlement d'accessibilité de sécurité incendie des établissements recevant du public, lesquelles ne pouvaient être prises en compte par le SDIH, et lui demande encore d'effectuer ce diagnostic au regard des dispositifs réglementaires non pris en compte dans ce dernier document. 16. Il résulte du contrat que le rapport SDIH devait servir, pour le groupement de maîtrise d'œuvre, de base de travail à sa mission qui consistait, ainsi qu'il a été dit, à établir un diagnostic détaillé de chaque collège afin de permettre au maître de l'ouvrage de connaître précisément les travaux à effectuer pour tendre vers l'objectif de mise en conformité maximale de ses bâtiments. Dans ces conditions, la société Island Architecture n'est pas fondée à se prévaloir de la circonstance que le nombre de non-conformités recensées au cours de sa mission diagnostic est très supérieur à celui figurant dans le SDIH pour soutenir que le département aurait, de ce fait, sous-estimé la mission de la maîtrise d'œuvre, et ainsi commis une faute, au stade de la conception du marché, de nature à engager sa responsabilité. Il s'ensuit que les conclusions de la société appelante, tendant à ce que le département soit condamné à lui verser une somme en réparation de ses préjudices financiers allégués, ne peuvent qu'être rejetées. 17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Island Architecture n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a limité à 22 000 euros le montant de la rémunération due au titre des prestations supplémentaires réalisées, et a rejeté le surplus de sa demande. Sur l'appel incident présenté par le département de La Réunion : 18. Il résulte des articles 4-1 et 4-1-2 des actes d'engagement des lots n° 7, 8, 16, 17 et 19 en litige que le délai maximum de réalisation de la mission diagnostic est fixé à quatre semaines à compter de la notification au cocontractant d'un ordre de service de démarrage. Aux termes de l'article 4-1-1 de chacun des actes d'engagement : " en cas de non-respect des délais d'études objet de l'article 4-1, il sera fait application des pénalités prévues à l'article 4-3 du CCAP. ". Il résulte de l'article 4-3 du CCAP, et de l'article 4-1 des actes d'engagement, qu'en cas de retard dans la remise de ses prestations, le groupement de maîtrise d'œuvre était redevable d'une pénalité journalière de 150 euros. 19. Les pénalités prévues par les clauses d'un contrat de la commande publique ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer à l'acheteur le non-respect, par son cocontractant, de ses obligations contractuelles. Elles sont applicables au seul motif qu'une inexécution des obligations contractuelles est constatée et alors même que la personne publique n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge de son cocontractant qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. 20. Lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un contrat de la commande publique, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat. Il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché ou aux recettes prévisionnelles de la concession, y inclus les subventions versées par l'autorité concédante, et compte tenu de la gravité de l'inexécution constatée. 21. Il résulte de l'instruction que la société Island Architecture a reçu notification des ordres de services de démarrage des prestations en juillet, septembre et novembre 2014 et qu'à l'issue du délai de quatre semaines, prévu au contrat, le groupement de maîtrise d'œuvre avait rendu ses diagnostics pour 5 sites seulement au lieu des 22 attendus. Il résulte également de l'instruction que les prestations restantes n'avaient toujours pas été effectuées au 21 mai 2015, date à laquelle le Département a demandé à son cocontractant la réalisation de fiches de synthèse qui constituaient, ainsi qu'il a été dit, des prestations supplémentaires. Toutefois, les premiers juges ne pouvaient rejeter les conclusions du département de La Réunion, tendant à la condamnation de son cocontractant à verser des pénalités de retard, au seul motif que la demande du 21 mai 2015 avait prolongé le délai d'achèvement des prestations, dès lors qu'à cette date les diagnostics manquants n'avaient toujours pas été remis en méconnaissance des stipulations du contrat relatives au délai d'exécution des prestations. 22. Les pénalités de retard dont est redevable le groupement de maîtrise d'œuvre au titre de la mission DIAG courent à compter de l'expiration du délai de quatre semaines à compter de la notification de l'ordre de service de démarrage des prestations et leur terme doit être fixé au 21 mai 2015, date à laquelle le Département a imposé à son cocontractant des prestations supplémentaires. En appel, le département de La Réunion, fait valoir que le montant des pénalités de retard dont la maîtrise d'œuvre serait redevable envers lui s'élève ainsi à la somme 25 650 euros pour quatre sites, soit pour 171 jours du 1er décembre 2014 au 21 mai 2015 à raison de 150 euros par jour de retard, mais que ce montant étant disproportionné par rapport au montant total de la mission DIAG d'un montant de 59 683,08 euros hors taxes, il sollicite une pénalité d'un montant de 15 000 euros correspondant à 25 % de la mission DIAG. 23. Dès lors que les contrats, auxquels le maître d'ouvrage est partie, fixent la part qui revient à chaque membre du groupement solidaire dans l'exécution des prestations, et que la société Island architecture présente pour son compte ses demandes indemnitaires et conteste en réplique les pénalités mises à sa charge en raison des retards dans l'exécution des prestations lui incombant, les pénalités doivent être appréciées par rapport à la seule part du marché attribué à la société requérante, soit 31 088,51 euros hors taxes. Les pénalités, qui représentent alors plus de 50 % de sa part du marché, atteignant un montant manifestement excessif, leur montant doit être fixé à 10 000 euros, somme qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante. Sur les frais d'instance : 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de La Réunion, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance d'appel, la somme demandée par la société Island Architecture au titre de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département de La Réunion et non compris dans les dépens. DECIDE Article 1er : La requête de la société Island Architecture est rejetée. Article 2 : La société Island Architecture versera une somme de 10 000 euros au département de La Réunion au titre des pénalités de retard. Article 3 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : La société Island Architecture versera une somme de 1 500 euros au département de La Réunion au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Island Architecture et au département de La Réunion. Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, Frédéric Faïck La présidente, Ghislaine MarkarianLa greffière, Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21BX03246 2
CETATEXT000048457782
J3_L_2023_11_00021BX04449
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/11/2023, 21BX04449, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX04449
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MARKARIAN
FPF AVOCATS
Mme Caroline GAILLARD
M. DUPLAN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle le maire de la commune de Saint-Martin-de-Coux a exercé son droit de rétractation sur la convention de rupture conventionnelle conclue le 11 mai 2020. Par un jugement n° 2002128 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2021, la commune de Saint-Martin-de-Coux, représentée par la société d'avocats FPF Avocats, agissant par Me Petit, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 12 octobre 2021 précité ; 2°) de rejeter la demande de Mme A.... Elle soutient que : - le tribunal a écarté à tort la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête méconnaissait les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative en l'absence de précision quant à l'objet du recours et l'acte contesté et à défaut de conclusions claires et a à tort requalifié la demande ; - dès lors que la requête était irrecevable, le tribunal ne pouvait ainsi qu'il y a procédé, soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance du champ d'application de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus ; - les moyens de légalité externe soulevés par Mme A... en première instance sont inopérants. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2022, Mme B... A... représentée par la SELARL Grimaldi et associés, agissant par Me Grimaldi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Coux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 1er septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2019-828 du 6 aout 2019 de transformation de la fonction publique ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifiée notamment par l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 ; - le décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 ; - la circulaire du 17 avril 2020 du garde des sceaux de présentation des dispositions du titre I de l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de Covid -19 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de Mme C..., - et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A... a été recrutée le 1er janvier 2008 par la commune de Saint-Martin-de-Coux située dans le département de Charente-Maritime par un contrat à durée indéterminée en qualité d'adjoint administratif territorial principal de 1ère classe, pour y exercer les fonctions de secrétaire de mairie. Par un courrier du 25 mars 2020, le maire de Saint-Martin-de-Coux a proposé à Mme A... une rupture conventionnelle de ses fonctions et l'a invitée à un entretien le 15 avril 2019. L'intéressée a ainsi conclu une convention de rupture conventionnelle avec la commune le 11 mai 2020. Par un courrier du 29 juin 2020, le maire de Saint-Martin-de-Coux, nouvellement élu, a usé de son droit de rétractation. Par courrier du 10 juillet 2020, Mme A... a contesté cette décision et a sollicité du maire de Saint-Martin-de-Coux qu'il lui adresse l'arrêté de radiation des cadres de la collectivité la concernant et qu'il procède au mandatement de l'indemnité de rupture conventionnelle prévue à la convention du 11 mai 2020. Par courrier du 24 juillet 2020, le maire de Saint-Martin-de-Coux a rejeté sa demande. Le tribunal a regardé Mme A... comme ayant contesté la décision du 29 juin 2020. La commune de Saint-Martin-de-Coux relève appel du jugement par lequel le tribunal a fait droit à sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en première instance par la commune de Saint-Martin-de-Coux : 2. La demande de Mme A..., présentée sans ministère d'avocat, précise, en première page, qu'elle a pour objet un " recours pour excès de pouvoir ". Il ressort de ses écritures que Mme A... demandait au tribunal de " bénéficier des effets de la rupture conventionnelle " et visait le courrier du 29 juin 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Martin-de-Coux a usé de son droit de rétractation. En outre, Mme A... faisait valoir que la décision du 29 juin 2020 ne comporte pas les mentions relatives au nom et à la qualité de son signataire, est fondée sur le code du travail et n'a pas été précédée d'un entretien individuel. Dans ces conditions, le tribunal a estimé à bon droit que la requête de Mme A... comportait des conclusions et des moyens dirigés contre la décision du 29 juin 2020, dont elle demandait l'annulation. Par suite, le moyen tiré de ce que la requête de Mme A... devant le tribunal était irrecevable, faute de satisfaire aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écarté. En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges : 3. Aux termes de l'article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'administration et le fonctionnaire mentionné à l'article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, l'autorité territoriale et le fonctionnaire mentionné à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée et les fonctionnaires de ces établissements peuvent convenir en commun des conditions de la cessation définitive des fonctions, qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire. La rupture conventionnelle, exclusive des cas mentionnés à l'article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. La rupture conventionnelle résulte d'une convention signée par les deux parties. La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, qui ne peut pas être inférieur à un montant fixé par décret. (...) ". Aux termes de l'article 6 du décret du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique : " Chacune des deux parties dispose d'un droit de rétractation. Ce droit s'exerce dans un délai de quinze jours francs, qui commence à courir un jour franc après la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, sous la forme d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise en main propre contre signature. ". 4. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, modifiée notamment par l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. (...) Le présent article n'est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d'argent en cas d'exercice de ces droits. (...) ". 5. Selon la circulaire du 17 avril 2020 du garde des sceaux de présentation des dispositions du titre I de l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de Covid 19 : " l'article 2 de l'ordonnance du 15 avril n° 2020-427 précise, à titre interprétatif, que les délais de réflexion, de rétractation et de renonciation sont exclus du champ de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020./ La faculté de rétractation, également dénommée renonciation dans certains textes, est définie à l'article 1122 du code civil comme le délai avant l'expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement à un contrat. L'exercice d'une telle faculté de rétractation ou de renonciation n'est pas " prescrit " par la loi " à peine " d'une sanction ou de la déchéance d'un droit. Le délai de rétractation ou de renonciation est seulement le délai avant l'expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement. A l'expiration de ce délai, le bénéficiaire est définitivement engagé dans un contrat auquel il a consenti. Une lecture contraire signifierait que toutes les conventions pour lesquelles un tel délai est prévu sont paralysées. " 6. Pour annuler la décision du 29 juin 2020 en litige le tribunal, après avoir relevé d'office le moyen d'irrecevabilité tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi, a considéré que le maire de la commune de Saint-Martin-de-Coux ne pouvait user de son droit de rétractation de la convention de rupture conventionnelle au-delà des quinze jours légalement prévus pour le faire, en se prévalant de la prorogation des délais échus résultant de l'ordonnance du 25 mars 2020. 7. Il est constant que la convention de rupture conventionnelle signée entre Mme A... et la commune de Saint-Martin-de-Coux a été conclue le 11 mai 2020. Par un courrier du 29 juin 2020, soit plus de quinze jours francs suivant sa signature, le maire de Saint-Martin-de-Coux a fait usage du droit de rétractation prévu par les dispositions précitées du décret du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique. Or, les dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020 relatives à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire, telles qu'éclairées par la circulaire du 17 avril 2020 susvisée, indiquent que la prorogation du délai qu'elle prévoit ne s'applique pas aux délais de rétractation prévus par la loi dès lors que l'exercice d'une telle faculté de rétractation ou de renonciation n'est pas prescrit par la loi à peine d'une sanction ou de la déchéance d'un droit. 8. Dans ces conditions, le tribunal a pu, à bon droit et après avoir relevé d'office le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi, retenir qu'en prenant la décision attaquée, le 29 juin 2020, alors que le délai de quinze jours prescrit par les dispositions précitées était expiré, le maire Saint-Martin-de-Coux a entaché sa décision d'une erreur de droit. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Martin-de-Coux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 29 juin 2020 en litige. Sur les frais de l'instance : 10. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Coux une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de la commune de Saint-Martin-de-Coux est rejetée. Article 2 : La commune de Saint-Martin-de-Coux versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Martin-de-Coux et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2023. La rapporteure, Caroline C... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 21BX04449 2
CETATEXT000048457783
J3_L_2023_11_00022BX00125
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/11/2023, 22BX00125, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de BORDEAUX
22BX00125
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme MARKARIAN
CABINET LEXIA
M. Frédéric FAÏCK
M. DUPLAN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 2 décembre 2019 par laquelle la directrice régionale du réseau La Poste de Gironde et Garonne l'a muté, à titre disciplinaire, à Tonneins à compter du 23 décembre 2019 et de condamner La Poste à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts. Par un jugement n° 2000448 du 17 novembre 2021, le tribunal a annulé la décision du 2 décembre 2019 et a condamné La Poste à verser à M. B... la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier 2022, 5 octobre 2022 et 1er septembre 2023, la Poste, représentée par le cabinet d'avocat Lexia, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2000448 du 17 novembre 2021 ; 2°) de rejeter les demandes de première instance de M. B... ; 3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont annulé la sanction en litige au motif que les faits reprochés à M. B... n'étaient pas suffisamment établis ; ce dernier a varié dans ses déclarations au cours de l'enquête administrative en indiquant, dans un premier temps, qu'un incident informatique l'avait empêché d'enregistrer la demande de la cliente puis, dans un second temps, qu'il n'avait pu procéder au virement demandé dès lors que ladite cliente n'était pas en possession de son livret A ; le fait qu'il ait pu procéder à d'autres opérations informatiques le 24 octobre 2018 montre que sa première version était fausse, ce qui l'a conduit à changer ses déclarations ; - en revanche, les déclarations de la cliente n'ont jamais varié quant au fait que la somme de 1 000 euros qu'elle était venue déposer en espèces sur son livret A, le 24 octobre 2018 au bureau de Poste, a disparu ; - le classement sans suite dont a fait l'objet la plainte pénale de la cliente est sans incidence sur le bien-fondé de la sanction au regard du principe de l'indépendance des poursuites pénales et des poursuites disciplinaires ; - c'est à tort que les premiers juges ont fait droit aux conclusions indemnitaires de M. B... à hauteur de 8 000 euros dès lors que ce montant excédait celui mentionné dans sa requête introductive d'instance ; le contentieux est en effet lié à hauteur de ce dernier montant et non de celui indiqué dans la demande préalable indemnitaire présentée au cours de l'instance devant le tribunal ; - le préjudice invoqué par M. B... n'est pas établi du seul fait que son nouveau lieu de travail se situe à une distance supplémentaire de 15 km de son domicile ; il n'est pas établi non plus que M. B... ait été victime d'un syndrome anxio-dépressif en raison de la sanction dont il a fait l'objet. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 14 mars 2022 et 20 janvier 2023, M. B..., représenté par le cabinet AARPI Castéra-Sassoust agissant par Me Castéra, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de La Poste la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés. Par ordonnance du 18 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 septembre 2023 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Faïck, - les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public, - et les observations de Me Lafond pour la société La Poste et Me Borgna se substituant à Me Castera, pour M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., agent technique et de gestion de niveau supérieur, est employé par la société La Poste, avec le statut de fonctionnaire, en qualité de chargé de clientèle au bureau de poste de La Plume. Le 31 janvier 2019, une cliente a déposé plainte contre M. B... pour abus de confiance. Après le dépôt, le 8 août 2019, d'un rapport d'enquête administrative, La Poste a engagé des poursuites disciplinaires à l'issue desquelles la directrice régionale de La Poste de Gironde et Garonne a, par une décision du 2 décembre 2019, infligé à M. B... la sanction de déplacement d'office. M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 2 décembre 2019 et de condamner La Poste à l'indemniser de ses préjudices. Par un jugement du 17 novembre 2021, le tribunal a annulé la sanction du 2 décembre 2019 et a condamné La Poste à verser à M. B... une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts. La Poste relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation : 2. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicable aux fonctionnaires de La Poste en vertu l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. / Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. / Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation (...) ". 3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public repose sur des faits matériellement exacts constituant des fautes de nature à justifier une telle sanction. 4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'enquête soumis au conseil de discipline, qu'il est reproché à M. B... de ne pas avoir enregistré, alors qu'il se trouvait en fonction au bureau de poste le 24 octobre 2018, une somme de 1 000 euros en espèces qu'une cliente était venue déposer sur son livret A, et d'être responsable de la disparition de cette somme. Ces faits reposent sur les déclarations de la cliente concernée, laquelle soutient s'être rendue au bureau de poste en possession d'une enveloppe contenant vingt billets de 50 euros que M. B... aurait prise sans l'ouvrir, puis déposée sous le guichet sans procéder devant elle à un enregistrement informatique de ce dépôt. Il ressort des pièces du dossier que la cliente concernée, constatant que son livret A n'avait pas été crédité de la somme de 1 000 euros, a déposé à l'encontre de M. B... une plainte pour abus de confiance le 31 janvier 2019. 5. Les recherches effectuées par La Poste, à la suite des déclarations de sa cliente, n'ont pas permis de retrouver trace d'un enregistrement de 1 000 euros sur le journal de bord du bureau de poste le 24 octobre 2018, ainsi qu'à une date postérieure. De plus, la copie du livret A que la cliente a communiquée à La Poste montre qu'aucune somme de 1 000 euros n'y a été créditée durant la période considérée. 6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a, au cours de son audition par La Poste le 4 juin 2019, indiqué qu'il pensait ne pas avoir enregistré le dépôt en raison d'une panne informatique, raison pour laquelle il n'a pas délivré de reçu et a restitué l'argent à la cliente. Au cours de son audition, M. B... a affirmé avoir mis en place un virement permanent vers le livret A de la cliente sans expliquer pourquoi la panne informatique alléguée n'avait pas empêché la réalisation de cette opération. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'analyse du journal de bord du 24 octobre 2018 effectuée par La Poste, que M. B... a passé des opérations informatiques durant toute la journée sans être confronté à un moment donné à une panne informatique. Au cours d'une confrontation que La Poste a organisée avec la cliente le 5 juillet 2019, M. B... a modifié ses déclarations en affirmant ne pas avoir enregistré le dépôt en espèces au motif que la cliente n'était pas en possession de son livret A. Pendant cette confrontation, la cliente a déclaré que M. B... lui avait affirmé, lorsqu'elle est revenue en janvier 2019 s'enquérir du sort de ses 1 000 euros, que l'argent a été transmis au Bureau de Passage en totale contradiction, selon elle, avec les premières déclarations de l'intéressé selon lesquelles le dépôt lui avait été immédiatement restitué. De son côté, M. B... a maintenu avoir rendu l'enveloppe contenant l'argent à la cliente, ce que cette dernière a vivement contesté au cours de la confrontation. 7. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les faits litigieux reposent entièrement sur les déclarations de la cliente concernée, lesquelles ont été constamment contestées par M. B... au cours de l'enquête administrative et de la procédure disciplinaire. La circonstance que M. B... ait, ainsi qu'il ressort du point précédent, présenté des versions différentes pour sa défense ne suffit pas, par elle-même, à établir la réalité des reproches qui lui sont adressés alors que sa première audition est survenue sept mois après les évènements allégués. La circonstance que M. B... n'ait pas jugé utile d'informer sa hiérarchie de ce que la cliente s'est rendue, en janvier 2019, au bureau de poste pour s'enquérir du sort de son argent, ne suffit pas à établir la réalité des faits qui ont fondé la sanction en litige. 8. Dans les circonstances propres au cas d'espèce, les faits à l'origine de la sanction en litige sont insuffisamment caractérisés. Dès lors, La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la sanction de déplacement d'office prononcée à l'encontre de M. B... le 2 décembre 2019. 9. Au demeurant, la plainte déposée par la cliente concernée a été classée sans suite pour le " motif 54 " correspondant au cas du plaignant désintéressé sur demande du parquet. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : 10. L'illégalité dont est entachée la sanction du 2 décembre 2019 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de La Poste vis-à-vis de M. B.... 11. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de son déplacement d'office, M. B... a été contraint à des allongements quotidiens de trajets dès lors que le site de Tonneins, sur lequel il a été affecté, se trouve davantage éloigné de son domicile que son précédent poste. M. B... a par ailleurs subi un préjudice moral dès lors que sa probité a été mise en cause sur la base d'éléments insuffisants. Enfin, il résulte de l'instruction que M. B... a été placé en arrêt de travail en raison d'un syndrome anxio-dépressif à compter du 21 novembre 2019, soit le lendemain de l'avis du conseil de discipline favorable à la sanction de déplacement d'office. Dans ces conditions, M. B... a subi des troubles dans ses conditions d'existence dont le tribunal a toutefois fait une évaluation excessive en les fixant à 8 000 euros. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des préjudices de M. B... en les évaluant à la somme de 4 000 euros, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par La Poste et tirée de ce que la demande indemnitaire serait irrecevable en tant qu'elle excède la somme de 5 000 euros. Sur les frais d'instance : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme demandée par La Poste au titre de ses frais de procès. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de La Poste, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. DECIDE Article 1er : La somme de 8 000 euros à laquelle La Poste a été condamnée à verser à M. B... par le jugement n° 2000448 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 novembre 2021 est ramenée à 4 000 euros. Article 2 : Le jugement n° 2000448 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 novembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de La Poste est rejeté. Article 4 : La Poste versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, Frédéric Faïck La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 22BX00125 2
CETATEXT000048457784
J3_L_2023_11_00022BX00640
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/11/2023, 22BX00640, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de BORDEAUX
22BX00640
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MARKARIAN
DEBELLE-CHASTAING CÉLINE
M. Frédéric FAÏCK
M. DUPLAN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 23 juillet 2020 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de reconnaître son entretien du 5 avril 2018 comme un accident imputable au service. Par un jugement n° 2004856 du 22 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 23 février 2022, M. B... A..., représenté par Me Debelle-Chastaing, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2004856 du 22 décembre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté en litige du 23 juillet 2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : - le tribunal a fondé sa solution de rejet sur un moyen et des éléments qui n'avaient pas été invoqués par l'administration dans ses écritures en défense et qui n'avaient pas fait l'objet d'un débat contradictoire ; le jugement doit, dès lors, être annulé pour irrégularité. En ce qui concerne le fond du litige : - l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en droit comme en fait ; - les circonstances dans lesquelles s'est déroulé l'entretien du 5 avril 2018 révèlent un accident de service au sens de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issu de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, applicable au cas d'espèce ; c'est en commettant une erreur de droit et une erreur d'appréciation que l'administration a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé résultant des conditions violentes dans lesquelles a eu lieu l'entretien auquel il a assisté le 5 avril 2018 ; à la suite de celui-ci, il a présenté un état anxio-dépressif qui a conduit à son placement en arrêt de travail ; les témoignages des agents ont confirmé la violence des propos tenus au cours de l'entretien par l'enquêteur ; les conditions dans lesquelles l'entretien a eu lieu révèlent un accident de service dont il a été la victime ; - l'arrêté en litige est entaché de détournement de pouvoir dès lors que l'administration a cherché, par principe, à éviter d'assumer les conséquences qu'aurait eues pour elle l'octroi du CITIS (congé pour invalidité temporaire imputable au service) demandé. Par ordonnance du 18 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 septembre 2023 à 14h00. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-61 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Faïck, - les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public, - et les observations de Me Debelle-Chastaing pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., membre du corps des techniciens supérieurs du développement durable, exerce, depuis 2012, les fonctions de chef du pôle des cultures marines et environnement au service maritime et littoral de la direction départementale des territoires et de la mer de la Gironde (DDTM 33). Il est par ailleurs titulaire d'un mandat syndical. Au cours de l'été 2017, les services de la DDTM 33 ont fait l'objet d'une visite de contrôle de l'inspecteur de santé et sécurité au travail dont le rapport, remis en novembre 2017, a conclu à l'existence de dysfonctionnements à l'origine de souffrances au travail, notamment au sein du pôle des cultures marines et environnement. En mars 2018, le ministère a lancé une enquête administrative, confiée à l'inspection générale des services, au cours de laquelle M. A... a été entendu individuellement le 13 mars 2018, puis avec deux autres représentants syndicaux le 5 avril 2018. A la suite de ce dernier entretien, M. A... a présenté un syndrome anxio-dépressif ayant conduit à son placement en congé pour maladie. Le 16 mars 2019, il a demandé le bénéfice d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service en application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Bien que la commission de réforme ait émis, le 2 juillet 2020, un avis favorable à la demande de M. A..., la préfète de la Gironde a, par arrêté du 23 juillet 2020, refusé de reconnaître l'évènement du 5 avril 2018 comme un accident imputable au service. M. A... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2020. Il relève appel du jugement rendu le 22 décembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des motifs de la décision du 23 juillet 2020 en litige que, pour rejeter la demande de M. A... tendant à ce que ses problèmes de santé soient reconnus imputables au service, l'administration a retenu que l'entretien du 5 avril 2018 " qualifié de fait générateur par M. A... visait à lui présenter ses responsabilités dans le dysfonctionnement du service, que ces responsabilités ont été qualifiées de faute ayant généré une sanction ", et que l'intéressé " auditionné en amont dans le cadre de l'enquête administrative à l'origine de la rencontre du 5 avril 2018 était, de fait, informé de cette démarche de l'administration, et ne peut donc arguer de la soudaineté de l'évènement ", et enfin que les conclusions de l'expertise médicale à laquelle M. A... a été soumis " ne font pas état d'un lien direct et exclusif avec l'évènement du 5 avril 2018 ". 3. Pour rejeter la demande dont il était saisi, le tribunal administratif de Bordeaux a rappelé que le rapport de l'inspecteur de santé et sécurité au travail, produit au dossier, avait mis en évidence des insuffisances de management et des situations d'agents en souffrance au sein du pôle des cultures marines et environnement dirigé par M. A..., puis qu'au cours de l'enquête administrative diligentée par l'inspection générale du ministère, ce dernier avait été reçu par les inspecteurs le 5 avril 2018 pour un entretien. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les responsabilités de M. A... dans les dysfonctionnements du service ont été évoquées au cours l'entretien en cause. En jugeant qu'il ne ressortait pas des éléments du dossier que les inspecteurs auraient, au cours de l'entretien, tenu des propos ou auraient adopté des comportements qui excéderaient l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ou de contrôle dévolus à l'administration, les premiers juges ont apprécié le bien-fondé du motif retenu dans la décision du 23 juillet 2020, et n'ont dès lors pas fondé leur solution sur un élément qui ne figurait pas dans les pièces du dossier, Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, pour méconnaissance du principe du contradictoire, doit être écarté. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, applicable aux fonctionnaires de l'Etat en vertu de l'article L. 211-1 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". 5. L'arrêté du 23 juillet 2020 en litige vise les dispositions législatives et règlementaires régissant la demande de M. A... et comporte, ainsi qu'il a été rappelé au point 2 ci-dessus, un énoncé suffisant des considérations de fait qui en constituent le fondement. La circonstance que cet arrêté n'indique pas les raisons pour lesquelles il ne suit pas l'avis, consultatif, de la commission de réforme, favorable à la demande de M. A..., ne révèle pas, en elle-même, une insuffisance de motivation. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique et en vigueur depuis le 24 février 2019 : " " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) II. Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) ". 7. Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire l'autorité administrative à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et l'autorité administrative dont il relève, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... avait connaissance du rapport rédigé par l'inspecteur de santé et sécurité dont les conclusions ont conduit le ministère à organiser une enquête administrative sur les conditions de travail au sein du pôle des cultures marines et environnement. Les inspecteurs chargés de l'enquête ont entendu individuellement M. A... une première fois le 13 mars 2018 pour évoquer avec lui les situations d'agents en souffrance observées dans son service. Puis ils ont à nouveau reçu M. A... le 5 avril 2018 pour lui restituer les premières conclusions que l'enquête en cours avait permis de rassembler. Le procès-verbal de ce dernier entretien montre que les enquêteurs ont fait savoir à M. A... que plusieurs témoignages avaient mis en cause son management, regardé comme rude et autoritaire. Si M. A... produit le témoignage d'un autre agent entendu avec lui le 5 avril 2018, ni cette pièce ni les autres éléments du dossier, et notamment le procès-verbal de l'entretien, ne permettent d'estimer qu'il aurait été la victime, à cette occasion, de propos ou de comportements excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, quand bien même des reproches sur son management lui ont été adressés par les enquêteurs. Ainsi, les conditions dans lesquelles s'est déroulé l'entretien du 5 avril 2018 ne peuvent être qualifiées d'évènement soudain et violent, caractéristique d'un accident de service. 9. En outre, la circonstance que M. A... ait ressenti un choc à l'écoute des propos qui ont été tenus durant l'entretien, et qu'il ait souffert par la suite d'un syndrome anxio-dépressif selon le rapport médical du 8 avril 2020, ne suffit pas, par elle-même, à révéler l'existence d'un accident de service. Il en va ainsi alors même que M. A... n'aurait jamais été sujet à des problèmes anxio-dépressifs avant l'entretien en cause. Enfin, le rapport médical précité ne comporte aucun élément permettant de retenir que l'état médical de M. A... résulterait bien de l'accident de service allégué. 10. Dans ces circonstances, l'entrevue du 5 avril 2018 ne peut être qualifié d'accident de service comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Bordeaux, alors même que la demande de M. A... avait fait l'objet d'un avis favorable de la commission de réforme, lequel est simplement consultatif. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 doit ainsi être écarté. 11. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision du 23 juillet 2020 en litige, qui fait une exacte application de la législation en vigueur, ne constitue pas un refus de principe de l'administration d'accorder à ses agents un congé pour invalidité temporaire imputable au service. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit ainsi être écarté. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sur les frais d'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par M. A... tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, Frédéric Faïck La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 22BX00640 2
CETATEXT000048457785
J3_L_2023_11_00022BX03100
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 21/11/2023, 22BX03100, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
22BX03100
5ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme JAYAT
SELARL ETCHE AVOCATS
Mme Edwige MICHAUD
M. GUEGUEIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... G..., M. H..., Mme F... G..., Mme E... G..., M. B... G... et M. A... G... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 14 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays basque a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune d'Halsou. Par un jugement n° 2001550 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 décembre 2022 et 11 juillet 2023, M. C... G..., M. H..., Mme F... G..., Mme E... G..., M. B... G... et M. A... G..., représentés par la SELARL Etche avocats, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2022 du tribunal administratif de Pau ; 2°) d'annuler la délibération du 14 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays basque a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune d'Halsou ; 3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Pays basque la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - les conseillers communautaires n'ont pas été convoqués dans le délai de 5 jours préalablement à la tenue de la séance du 14 décembre 2019, en méconnaissance de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales ; - la délibération en litige a été prise au terme d'une procédure irrégulière faute pour les conseillers communautaires d'avoir été rendus destinataires d'une note de synthèse explicative suffisante, en méconnaissance des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; - le rapport de présentation du plan local d'urbanisme est insuffisant dès lors qu'il ne justifie pas du classement de leur parcelle en zone N ; - le classement de leur parcelle cadastrée section AC n°42 en zone N est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - ce classement en zone N n'est pas cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme ; - la délibération en litige est entachée de détournement de pouvoir. Par des mémoires en défense enregistrés le 14 juin 2023 et le 14 septembre 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), la communauté d'agglomération Pays basque, représentée par Me Gauci, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Par ordonnance du 20 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Edwige Michaud, - les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public, - les observations de Me Gaborit représentant M. G... C..., M.G... Aingeru, Mme G... F..., Mme G... E..., M. G... B... et M. G... A... et celles de Me Gauci représentant la communauté d'agglomération du Pays Basque. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 14 décembre 2019, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays basque a approuvé la révision du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune d'Halsou. Les consorts G... relèvent appel du jugement du 18 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande d'annulation de cette délibération. Sur la légalité de la délibération du 27 septembre 2019 : En ce qui concerne la procédure d'adoption de la délibération : 2. Aux termes du I de l'article L. 153-9 du code de l'urbanisme : " I.-L'établissement public de coopération intercommunale mentionné au 1° de l'article L. 153-8 peut achever toute procédure d'élaboration ou d'évolution d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu, engagée avant la date de sa création, y compris lorsqu'elle est issue d'une fusion ou du transfert de cette compétence. Lorsque la procédure a été engagée par une commune, l'accord de celle-ci est requis. L'établissement public de coopération intercommunale se substitue de plein droit à la commune ou à l'ancien établissement public de coopération intercommunale dans tous les actes et délibérations afférents à la procédure engagée avant la date de sa création, de sa fusion, de la modification de son périmètre ou du transfert de la compétence. (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. / Pour l'application des dispositions des articles (...), L. 2121-12, (...), ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus. Ils sont soumis aux règles applicables aux communes de moins de 3 500 habitants dans le cas contraire. (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-10 du même code dans sa version applicable au litige : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée. ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". 3. Il résulte des dispositions précitées que les convocations aux réunions du conseil communautaire, accompagnées des notes explicatives de synthèse, doivent être envoyées aux conseillers communautaires en respectant un délai de cinq jours francs avant la réunion. Un requérant qui soutient que les délais légaux d'envoi des convocations à un conseil communautaire n'ont pas été respectés alors que, selon les mentions du registre des délibérations du conseil communautaire, ces délais auraient été respectés doit ainsi apporter des éléments circonstanciés au soutien de son moyen. En l'absence de tels éléments, ses allégations ne sauraient conduire à remettre en cause les mentions factuelles précises du registre des délibérations qui, au demeurant, font foi jusqu'à preuve du contraire. 4. Il ressort des pièces du dossier que la délibération du 14 décembre 2019 mentionne la date de convocation des conseillers communautaires au 6 décembre 2019, soit plus de 5 jours francs avant la tenue de la séance, le 14 décembre 2019. Cette mention, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, est également indiquée sur l'entête de la convocation elle-même ainsi que dans le compte rendu de la séance du même jour. Il ressort au surplus des pièces du dossier qu'une convocation supplémentaire à celle effectuée par voie postale a été adressée de façon dématérialisée à l'ensemble des conseillers communautaires par un courriel du 6 décembre 2019, soit plus de 5 jours francs avant la tenue de la séance du 14 décembre 2019. Par suite et faute de tout élément circonstancié apporté par les requérants tendant à remettre en cause les mentions factuelles inscrites dans la convocation du 6 décembre 2019, la délibération du 14 décembre 2019 et le compte-rendu de la séance du même jour et dès lors que, contrairement à ce qu'affirment les requérants, l'absence de plusieurs conseillers communautaires à la séance du 14 décembre 2019 n'est pas, par elle-même, de nature à démontrer le défaut de convocation des conseillers communautaires dans les délais, le délai de convocation doit être regardé comme ayant été respecté. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du délai de convocation des conseillers communautaires doit être écarté. Il n'est, par ailleurs, pas allégué que l'absence de conseillers à la séance traduiraient des vices dans la procédure suivie et notamment dans le quorum à respecter, 5. Il résulte de l'article L. 2121-12 précité que la convocation aux réunions du conseil communautaire doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le président du conseil communautaire n'ait fait parvenir aux membres du conseil communautaire, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises. 6. Il ressort des pièces du dossier que la convocation du 6 décembre 2019 mentionne être accompagnée d'un ordre du jour ainsi que de rapports de présentation correspondant à cet ordre du jour, lesquels ont été produits par l'administration en défense. Or, d'une part, pour ce qui est de l'ordre du jour, ce dernier mentionne expressément au point n°51 l'approbation de la révision du plan local d'urbanisme de la commune d'Halsou, lequel est par ailleurs rappelé dans le compte-rendu de séance, et renvoie en entête à un ensemble d'annexes accessibles sur une plateforme de téléchargement dont le lien d'accès est expressément indiqué et avait été par ailleurs envoyé aux conseillers dans le courriel du 6 décembre 2019. D'autre part, pour ce qui est du rapport envoyé aux conseillers, ce dernier indique de façon précise et détaillée les objectifs poursuivis par la révision envisagée, comporte un projet de délibération, lequel vise les textes applicables, rappelle la procédure suivie et notamment la teneur des avis des personnes associées et les recommandations formulées par le commissaire-enquêteur, et fait état des axes du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme d'Halsou. Il indique également les principales modifications projetées à la suite des avis des personnes publiques associées et de l'avis du commissaire-enquêteur après enquête publique, la façon dont les recommandations formulées par le commissaire-enquêteur ont été prises en compte et la manière dont les réserves émises par ce dernier ont été levées. Ainsi, ce rapport, qui porte sur le point n° 51 de l'ordre du jour, bien qu'il ne soit pas formellement intitulé " notice explicative de synthèse ", répond aux exigences de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales. En ce qui concerne le rapport de présentation : 7. Aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. (...). ". Aux termes de l'article R. 151-2 du même code : " Le rapport de présentation comporte les justifications de : (...) /4° La délimitation des zones prévues par l'article L. 151-9 ; (...). ". L'article L. 151-9 du code de l'urbanisme auquel renvoi l'article R. 151-2 de ce code prévoit la délimitation, par le règlement, de zones urbaines (U), à urbaniser (AU), naturelles (N), et agricoles et forestières (N). 8. Le rapport de présentation comprend une partie intitulée " choix et justification du projet " au sein de laquelle une sous-partie intitulée " influence des enjeux environnementaux dans la délimitation des zones " justifie le choix du zonage N retenu, au regard notamment de l'objectif de préservation des espaces de qualité paysagère, et comporte à ce titre plusieurs cartes de la commune sur lesquelles les zones naturelles sont identifiées, incluant la parcelle des requérants. En outre, le rapport de présentation, qui mentionne l'objectif de réserver une diversité d'ambiances paysagères au sein de l'espace communal, comporte une sous-partie intitulée " les éléments paysagers remarquables et la couverture boisée " dont la cartographie classe la parcelle des requérants parmi les éléments d'intérêt paysager. Enfin, le rapport de présentation précise que l'un des objectifs est d'urbaniser la zone d'aménagement concertée " D... " de manière à faire émerger un cœur de bourg attractif avec des équipements, espaces publics, commerces, services et logements, et admet que ce projet important limite, de fait, l'urbanisation d'autres espaces eu égard aux quantités de logements envisagées ainsi qu'aux exigences du schéma de cohérence territoriale et de l'Etat en matière de modération de la consommation des espaces. Par suite, au vu de ces éléments, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le rapport de présentation, qui n'a pas à indiquer parcelle par parcelle les motifs des classements, serait entaché d'insuffisance quant à la justification du classement en zone naturelle de certaines parcelles du centre bourg d'Halsou. En ce qui concerne le classement de la parcelle des requérants en zone naturelle : 9. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ". Aux termes de l'article L. 151-19 du même code : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. ". 10. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste. 11. Les requérants établissent, notamment par la production d'un constat d'huissier, que leur parcelle, cadastrée section AC n°42 et classée en zone UA préalablement à la révision du plan local d'urbanisme, se situe dans le centre du bourg d'Halsou, entre des constructions existantes, à proximité de la mairie, de l'école primaire et du parking public, et est constituée d'un terrain dépourvu de boisement, partiellement bâti, équipé et desservi par les réseaux de la commune. Toutefois, il ressort du rapport de présentation que les auteurs de la révision du PLU d'Halsou ont entendu d'une part, urbaniser au cœur du bourg principalement la ZAC D... à laquelle n'appartient pas la parcelle des requérants, et d'autre part, préserver les espaces paysagers du bourg. La majeure partie de la parcelle des requérants, d'une superficie totale de 2 094 m², est demeurée principalement à l'état naturel et jouxte dans son intégralité à l'ouest une vaste zone naturelle et des espaces verts bordant la Nive, protégés en application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, sur lesquels elle offre une perspective dégagée. Dans ces conditions, le classement de la parcelle des requérants en zone N n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne la cohérence du règlement avec le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) : 12. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Par ailleurs, en vertu de l'article R. 123-8 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison (...) de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ". 13. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du PLU entre le règlement et le PADD, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein du projet. 14. Il ressort du PADD que les auteurs du PLU, confrontés à une désertification du centre-bourg d'Halsou, qualifié de " village fantôme ", et à un développement de l'habitat en périphérie de ce centre, ont entendu revitaliser le centre-bourg par le biais notamment du projet dit D... dont l'objectif consiste à fédérer l'ensemble des quartiers proches du bourg sur une grande centralité. Toutefois, si ses auteurs ont ainsi entendu développer l'urbanisation dans le centre-bourg, ils ont également fait état de leur volonté de maintenir l'écrin végétal du bourg et de préserver son ambiance arborée et boisée ainsi que ses atouts paysagers, en fixant notamment un zonage naturel sur les ouvertures et perspectives sur le grand paysage. Or, il ressort des pièces du dossier que la parcelle des requérants, ainsi qu'il a été dit au point 11, offre depuis le bourg une perspective dégagée sur des espaces verts bordant la Nive, protégés en application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme. Ainsi, le classement en zone N de la parcelle des requérants correspond aux préoccupations exprimées et répond au parti pris d'urbanisme retenu visant à préserver l'ambiance boisée du bourg. Dans ces conditions, ce classement en zone N ne présente aucune incohérence avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables relatifs à l'urbanisation du centre-bourg. En ce qui concerne le détournement de pouvoir : 15. La volonté des auteurs de la révision du PLU d'Halsou d'urbaniser en centre bourg prioritairement la ZAC D..., limitant de fait le classement en zone urbaine de parcelles situées au cœur du bourg et présentant un intérêt paysager telles que celle appartenant aux requérants, ne répond pas à un but étranger à l'intérêt général et aux considérations d'urbanisme et d'aménagement du territoire communal. Par suite, le détournement de pouvoir allégué doit être écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... G... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande d'annulation de la délibération du 14 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays basque a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune d'Halsou. Sur les frais liés au litige : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Pays basque, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à leur charge la somme globale de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération Pays basque au même titre. DECIDE : Article 1er : La requête de M. C... G... et autres est rejetée. Article 2 : M. C... G... et autres verseront à la communauté d'agglomération Pays basque la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., M. H..., Mme F... G..., Mme E... G..., M. B... G..., M. A... G... et à la communauté d'agglomération Pays basque. Une copie en sera adressée à la commune d'Halsou. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Sébastien Ellie, premier conseiller, Mme Edwige Michaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. La rapporteure, Edwige Michaud La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°22BX03100
CETATEXT000048457786
J3_L_2023_11_00023BX00860
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457786.xml
Texte
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/11/2023, 23BX00860, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de BORDEAUX
23BX00860
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MARKARIAN
RABESANDRATANA
Mme Caroline GAILLARD
M. DUPLAN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 26 juillet 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. Par un jugement n° 2202526 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés, les 28 mars 2023 et 6 juillet 2023, Mme B... représentée par Me Rabesandratana, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 février 2023 précité ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 26 juillet 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de réexaminer sa situation et, dans l'attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : Sur l'arrêté dans son ensemble : - il a été signé par une autorité incompétente ; Sur la décision portant refus de séjour : - elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle indique qu'elle est entrée en France dépourvue des visas exigés par la réglementation en vigueur et qu'elle s'est rendue coupable d'une fraude à l'identité ; - elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'un défaut d'examen ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation ; Sur la décision l'obligeant à quitter le territoire : - elle est dépourvue de base légale ; - elle méconnait le principe général du droit de l'Union Européenne relatif au droit à une bonne administration, dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations écrites ou orales ; - elle méconnaît l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur la décision fixant le pays de renvoi : - elle est dépourvue de base légale ; - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation. La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime qui n'a pas produit de mémoire. Par ordonnance du 4 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 août 2023. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., ressortissante de Guinée équatoriale née le 27 avril 1979, est, selon ses déclarations, entrée en France le 10 juillet 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 17 janvier 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 octobre 2020. Elle a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 17 juin 2021. Par un arrêté du 26 juillet 2022, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours suivant sa notification et a fixé le pays de destination. La requérante relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur la légalité de l'arrêté dans son ensemble : 2. A l'appui de son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige, la requérante ne se prévaut devant la Cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation exposée devant les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué. Sur la légalité du refus de séjour : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". 4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de la requérante, qui déclare être entrée sur le territoire en juillet 2018, tendant à obtenir le statut de réfugié a été rejetée comme présentée pour son fils mineur. La requérante n'établit pas les violences qu'elle aurait subies dans son pays d'origine. Si elle produit plusieurs attestations, indiquant qu'elle est adhérente ou bénévole dans plusieurs associations et souhaite s'intégrer, fait valoir qu'elle travaille comme employée familiale et que son fils est scolarisé en France, ces circonstances ne permettent pas d'établir que l'admission au séjour de Mme B... répond à des considérations humanitaires et n'est pas davantage justifiée par des circonstances exceptionnelles au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de Charente-Maritime aurait méconnu les dispositions précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressée doit être écarté. 5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de l'arrêté en litige que le préfet de Charente-Maritime n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de l'intéressée. 6. En dernier lieu, il ressort des motifs de la décision attaquée que si le préfet de Charente-Maritime a mentionné à tort l'absence de visa de Mme B... lors de son entrée sur le territoire et sa fraude à l'identité, il n'a pas entendu se fonder sur ces éléments pour prendre l'arrêté en litige lui refusant l'admission exceptionnelle au séjour. Par suite, ces erreurs de fait sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français : 7. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Si l'article 41 de la charte s'adresse non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l'Union européenne, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. 8. Il appartient à l'autorité préfectorale comme à toute administration de faire application du droit de l'Union européenne et d'en appliquer les principes généraux, dont celui de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit implique, qu'informé de ce qu'une décision est susceptible d'être prise à son encontre, l'intéressé soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. 9. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Ainsi, à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique sur l'obligation de quitter le territoire français, ni sur les décisions fixant le délai de départ ou encore le pays de renvoi qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus d'admission au séjour. 10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pu, à l'occasion de cette demande, apporter toute précision et tous éléments au soutien de sa demande. Dès lors, Mme B..., qui, a pu exposer à l'administration sa situation personnelle, familiale ou professionnelle, n'est pas fondée à soutenir que le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu a été méconnu. 11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté. 12. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 13. Il ressort des pièces du dossier que la requérante, entrée en France en 2018 à l'âge de 39 ans, est célibataire avec un enfant et n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine. En outre, alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la CNDA, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine et que son fils y poursuive sa scolarité. Enfin, ainsi qu'il a été dit, si la requérante se prévaut de son intégration sociale en France en produisant les bulletins scolaires de son fils et les attestations relatives à ses activités associatives ainsi que des fiches de salaires pour un emploi familial, ces éléments n'établissent pas en l'espèce que la mesure d'éloignement porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, ni à l'intérêt supérieur de son enfant dès lors que la mesure d'éloignement n'a ni pour objet, ni pour effet de la séparer de son fils. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Sur la décision fixant le pays de renvoi : 14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 15. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la requérante dont la demande d'asile a été rejetée par la CNDA, n'établit pas être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2022. Sa requête doit, par suite, être rejetée y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera délivrée au préfet de la Charente-Maritime. Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2023. La rapporteure, Caroline Gaillard La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23BX00860 2
CETATEXT000048457787
J3_L_2023_11_00023BX00920
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/11/2023, 23BX00920, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de BORDEAUX
23BX00920
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MARKARIAN
ABADEL-BELHAIMER
Mme Caroline GAILLARD
M. DUPLAN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2206626 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée, le 2 avril 2023, M. A... B..., représenté par Me Abadel, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 mars 2023 précité ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne fait pas état de l'ensemble de ses ressources et mentionne à tort qu'il n'est pas affilié à l'assurance maladie ; - il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; - il a été pris en méconnaissance de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie de son affiliation à l'assurance sociale et d'une activité professionnelle soutenue lui procurant des revenus suffisants pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée au préfet de la Gironde qui n'a pas produit de mémoire. Par ordonnance du 4 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant italien et citoyen de l'Union européenne, qui a déclaré être présent en France depuis 2020, s'est vu délivrer par un arrêté de la préfète de la Gironde du 25 novembre 2022 une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont il est ressortissant. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. 2. En premier lieu, l'arrêté contesté vise, notamment, les dispositions des articles L. 232-1, L. 233-1 et L. 251-1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux citoyens de l'Union européenne. Il mentionne que M. B... a déclaré être entré en France, pour la dernière fois, en 2020, soit depuis plus de trois mois, et précise que s'il exerce une activité professionnelle, les ressources déclarées en 2021 et 2022 sont toutefois insuffisantes pour lui permettre de subvenir à ses besoins et qu'il ne justifie pas disposer d'une assurance maladie. Enfin, l'arrêté précise qu'il est célibataire, a un enfant à charge en France, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans le pays de l'Union européenne dont il est ressortissant. Par suite, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'être écarté. 3. Aux termes de l'article L. 232-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux citoyens de l'Union européenne : " Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale mentionné par la directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, les citoyens de l'Union européenne ainsi que les membres de leur famille, tels que définis aux articles L. 200-4 et L. 200-5 et accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne, ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 233-1 de ce code : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : /1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; /2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / ". Aux termes de l'article L. 251-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : /1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; (...) ". 4. Les conditions fixées au 1° et au 2° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont alternatives et non cumulatives. En application de ces dispositions, un citoyen de l'Union européenne bénéficie du droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois, notamment, s'il y exerce une activité professionnelle. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que doit être considéré comme " travailleur " au sens des dispositions précitées tout citoyen de l'Union qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La relation de travail est caractérisée par la circonstance qu'une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. Ni la nature juridique particulière de la relation d'emploi au regard du droit national, ni la productivité plus ou moins élevée de l'intéressé, ni l'origine des ressources pour la rémunération, ni encore le niveau limité de cette dernière ne peuvent avoir de conséquences quelconques sur la qualité de travailleur. 5. Pour prendre la décision en litige, la préfète de la Gironde a estimé que si M. B... exerçait une activité professionnelle, ses ressources déclarées en 2021 et 2022 étaient insuffisantes pour subvenir à ses besoins, pour ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale. 6. D'une part, pour justifier de l'exercice de son activité professionnelle, M. B... produit un extrait d'immatriculation à la chambre des métiers et de l'artisanat du 23 février 2021. Toutefois, il ressort de son " relevé de situation régime auto-entrepreneur " de l'URSSAF, produit en défense devant le tribunal, que s'il justifie d'un chiffre d'affaires de 3 500 euros pour le mois de mars 2021, il n'a exercé aucune activité du mois d'avril 2021 au mois d'octobre 2022. S'il produit devant la Cour, quatre factures, deux de ces quatre factures d'un montant de 3 040 euros et 2 630 euros ne sont pas datées et ne peuvent ainsi être prises en compte au titre de l'année 2022, tandis que les deux autres datées des 27 juillet et 12 août 2022 d'un montant de 2 197 euros et de 510 euros ne suffisent pas à établir que son activité professionnelle serait réelle et effective. Dans ces conditions, M. B... ne peut être regardé comme exerçant en France, une activité professionnelle au sens du 1° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, si M. B... produit devant la Cour sa carte vitale justifiant de son affiliation à l'assurance maladie, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il ne justifie pas de ressources suffisantes pour lui et pour sa fille pour ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale au sens du 2° de l'article L. 233-1 du code précité. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés. 7. En dernier lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté, que la préfète de la Gironde n'aurait pas sérieusement examiné la situation personnelle de M. B.... Le moyen, tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle doit par suite être écarté. 8. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2022 en litige. Sa requête doit, par suite, être rejetée y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera délivrée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2023. Le rapporteur, Caroline Gaillard La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23BX00920
CETATEXT000048457788
J3_L_2023_11_00023BX01007
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457788.xml
Texte
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/11/2023, 23BX01007, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de BORDEAUX
23BX01007
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MARKARIAN
DJE
M. Julien DUFOUR
M. DUPLAN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n°2206291 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, Mme E... A... épouse C..., représentée par Me Dje, demande à la cour : 1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 mars 2023 ; 3°) de faire droit à sa demande de première instance ; 4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de séjour n'a pas fait l'objet d'une réponse suffisamment motivée de la part des premiers juges, dont le jugement est irrégulier ; - les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ; - la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ; - le préfet de la Gironde n'a pas procédé à un examen de sa demande au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; - le préfet de la Gironde a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision de refus de séjour méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée du fait de l'illégalité, par la voie de l'exception, de la décision de refus de séjour ; - l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée du fait de l'illégalité, par la voie de l'exception, de l'obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2023 par une ordonnance du 4 septembre 2023. Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à Mme A... épouse C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapporteur public a été dispensé, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Au cours de l'audience publique, a été entendu le rapport de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme E... A... épouse C..., ressortissante ivoirienne née le 25 novembre 1990, est entrée en France, selon ses déclarations, en juillet 2016. Elle s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en exécution d'un arrêt du 15 septembre 2020 par lequel la Cour a annulé pour excès de pouvoir le refus de séjour qui lui avait été opposé par le préfet de la Gironde, au motif d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard à sa vie commune avec un ressortissant français et au pacte civil de solidarité qu'elle avait conclu avec ce dernier le 26 juillet 2018. Mme A..., qui a épousé le 13 mai 2022 un compatriote, M. F... C..., a sollicité le renouvellement de ce titre expirant le 3 novembre 2021. Par un arrêté du 8 septembre 2022, le préfet de la Gironde lui a opposé un refus, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... épouse C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 mars 2023 rejetant sa demande. Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle : 2. Par une décision du 20 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à Mme A... épouse C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de celle-ci tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont dépourvues d'objet. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. En premier lieu, les premiers juges ont considéré, par une motivation suffisante, que la préfète de la Gironde avait mentionné dans l'arrêté en litige les éléments principaux de la situation personnelle et familiale de la requérante, en réponse au moyen invoqué et tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en cause. 4. En deuxième lieu, si Mme C... a invoqué devant le tribunal le défaut d'examen de sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris désormais à L. 435-1 de ce code, et la méconnaissance de ces dispositions, les premiers juges ont écarté ces moyens au motif que la requérante n'établissait pas avoir fait valoir des circonstances exceptionnelles ou humanitaires à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour. Ils ont également écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressée et précisé que l'existence de risques dans le pays d'origine était sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal n'aurait pas répondu à son argumentation doit être écarté. 5. En troisième lieu, en invoquant l'erreur de fait et l'erreur d'appréciation commises par les premiers juges sur les risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine, Mme C... ne critique pas la régularité du jugement mais son bien-fondé. 6. Il résulte de ce qui précède aux points 3 à 5 que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement du 9 mars 2023 doivent être écartés. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de séjour : 7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211 5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'arrêté contesté, après avoir exposé que Mme C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cite ces dispositions, et mentionne notamment que le pacte civil de solidarité (Pacs) conclu avec M. D... a été dissous depuis le 28 mai 2021, que la requérante a déclaré un début de grossesse présumée le 26 novembre 2020, vingt-deux jours après le début de validité son titre de séjour, et que son enfant a été reconnu par M. C..., ressortissant ivoirien séjournant en France sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 10 novembre 2022, qu'elle ne justifie pas d'une durée de séjour significative en France, étant en situation régulière depuis moins de deux ans, qu'elle ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où réside une partie de sa fratrie et son fils mineur âgé de 14 ans, que sa mère et l'une de ses sœurs résident à l'étranger, qu'elle ne justifie pas d'une situation professionnelle et est démunie de ressources personnelles et que son époux n'a pas vocation à s'installer durablement sur le territoire. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette motivation n'est pas stéréotypée et reprend, ainsi que l'ont constaté les premiers juges, les éléments principaux de sa situation personnelle et familiale. L'autorité préfectorale n'était pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments invoqués par Mme C... dans sa demande, relatifs à son état de grossesse, sa recherche d'emploi ou encore le décès de son père. Si elle conteste certaines des appréciations portées par le Préfet sur sa situation, cette critique est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité en la forme de la motivation de la décision attaquée. Par suite, le moyen doit être écarté. 8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du formulaire de demande de titre de séjour produit en défense, que Mme C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Elle n'établit pas avoir sollicité, au soutien de sa demande, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni même s'être prévalue de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels. Ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde n'a pas examiné l'opportunité de lui attribuerun titre de séjour sur le fondement de ces dispositions doit être écarté. 9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 10. Mme C... soutient qu'elle réside en France depuis plus de cinq ans, qu'elle justifie d'une activité salariée entre le 4 janvier et le 3 juillet 2021 puis entre décembre 2021 et février 2022, qu'elle est mariée à un ressortissant ivoirien résidant régulièrement sur le territoire, dont elle a eu un enfant, né le 15 août 2021. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de refus de séjour attaqué, Mme C... n'était mariée que depuis quatre mois, et aucune pièce n'atteste d'une communauté de vie antérieure entre les deux compatriotes. En outre, ainsi que le mentionne l'arrêté contesté, M. C... est seulement titulaire d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", valable jusqu'au 10 novembre 2022, ne lui donnant pas vocation à s'installer durablement sur le territoire, la requérante ne pouvant se prévaloir de faits postérieurs à l'arrêté. Mme C... n'a pas davantage d'activité professionnelle stable. Enfin, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où réside notamment son fils âgé de 14 ans. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour n'a pas porté à la vie privée et familiale de Mme C..., garanti par les stipulations précitées, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'est entachée, ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation. 11. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ce qui précède que la décision contestée n'a pas pour objet et ni pour effet de séparer durablement l'enfant de Mme C... d'un de ses parents. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté. 12. Mme C..., qui entre dans les catégories d'étrangers qui ouvrent droit au regroupement familial, ne peut se prévaloir utilement de la méconnaissance des stipulations de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français : 13. Si Mme C... invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de séjour, il résulte de ce qui précède que le moyen ne peut être qu'écarté. 14. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 10 et 11 du présent arrêt. En ce qui concerne la légalité de la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de renvoi : 15. Si Mme C... invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, il résulte de ce qui précède que le moyen ne peut être qu'écarté. 16. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". La requérante n'apporte aucune précision ni commencement de preuve au soutien des risques pour sa sécurité auxquels elle allègue être confrontée en cas de retour en Côte d'Ivoire. 17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 18. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 19. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme A... épouse C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme E... A... épouse C.... Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2023. Le rapporteur, Julien B... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23BX01007
CETATEXT000048457789
J3_L_2023_11_00023BX01034
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/11/2023, 23BX01034, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de BORDEAUX
23BX01034
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MARKARIAN
PERRIN
M. Frédéric FAÏCK
M. DUPLAN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans. Par ordonnance du 26 décembre 2022, la présidente du tribunal administratif de Pau a transmis la requête de M. B... au tribunal administratif de Bordeaux. Par un jugement n° 2206794 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. B.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, M. A... B..., représenté par Me Perrin, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2206794 du 20 mars 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en litige du 22 décembre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, ainsi que de tous les fichiers sur lesquels il a été signalé à tort, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne les conséquences à tirer de l'annulation, prononcée par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans son arrêt n° 22BX01983 du 2 mars 2023, du refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 4 octobre 2021 : - il découle de cette décision que l'obligation de quitter le territoire français en litige a été implicitement mais nécessairement abrogée de même que l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - l'abrogation n'ayant d'effet que pour l'avenir, l'obligation de quitter le territoire français en litige doit être annulée par la cour compte tenu de l'effet rétroactif d'une telle annulation ; - l'annulation doit être prononcée dès lors que l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; à cet égard, le préfet ne pouvait prendre une telle mesure d'éloignement au motif qu'un refus de séjour avait été édicté en 2021 compte tenu de l'annulation de cette dernière décision ; - l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait, méconnaît les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est enfin entachée d'erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire : - cette décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait ; - elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de garanties de représentation suffisantes. La requête a été communiquée au préfet de la région Nouvelle Aquitaine qui n'a pas produit de défense. Par une ordonnance du 23 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juillet 2023 à 12h00. Le 17 octobre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel formé par M. B... dès lors que la décision en litige a été abrogée antérieurement à la saisine de la cour. M. B... a présenté des observations le 19 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 20 septembre 1998, est entré en France le 22 août 2017 muni d'un visa " étudiant ", et a bénéficié en cette qualité d'un titre de séjour qui a été renouvelé jusqu'au 14 novembre 2019. Le 12 janvier 2019, il a épousé en mairie de Blanquefort (Gironde) une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident. Le 16 octobre 2019, M. B... a déposé en préfecture de Gironde une demande en vue d'obtenir un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 4 octobre 2021, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande. Par un nouvel arrêté du 22 décembre 2022, la préfète a pris à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi et a prononcé à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. B... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2022, et à ce qu'il soit prescrit à la préfète de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen de sa situation. Par jugement du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux, auquel la requête a été transmise, a rejeté la demande de M. B.... Ce dernier relève appel de ce jugement. 2. Il ressort des pièces du dossier qu'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " a été délivré à M. B... le 9 mars 2023, soit antérieurement à la requête d'appel. La délivrance de ce certificat de résidence a implicitement mais nécessairement abrogé l'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français en litige. De plus, il ressort des pièces du dossier que ces décisions, dont l'abrogation est devenue définitive, n'ont pas été exécutées dès lors que M. B... n'a pas quitté le territoire français. Par suite, les conclusions d'appel, devenues sans objet à la date d'enregistrement de la requête au greffe de la cour, sont irrecevables et doivent être rejetées. 3. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37- 2 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. Le rapporteur, Frédéric Faïck La présidente, Ghislaine MarkarianLa greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 23BX01034
CETATEXT000048457790
J3_L_2023_11_00023BX01133
CETAT
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CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/11/2023, 23BX01133, Inédit au recueil Lebon
2023-11-22 00:00:00
CAA de BORDEAUX
23BX01133
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme MARKARIAN
FEYDEAU JULIETTE
M. Julien DUFOUR
M. DUPLAN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... C... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet de Charente-Maritime a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n°2300403 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 27 avril et le 3 octobre 2023, Mme E... C... D..., représentée par Me Feydeau, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 mars 2023 ; 2°) de faire droit à sa demande de première instance ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - l'obligation de quitter le territoire français porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant, en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision de fixer comme pays de renvoi " tout autre pays dans lequel elle est légalement admissible " méconnaît le principe de non refoulement figurant à l'article 33 de la convention de Genève. La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime, qui n'a pas présenté d'observations en défense. Par décision du 20 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à Mme C... D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention de Genève du 28 juillet 1951 ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le rapporteur public a été dispensé, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique a été entendu le rapport de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme E... C... D..., ressortissante camerounaise née le 9 novembre 1982 a obtenu le statut de réfugié en Grèce. Elle déclare être entrée en France, accompagnée de son fils F... B... C..., le 10 mars 2022. Sa demande d'asile a été rejetée comme irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 9 septembre 2022. Par un arrêté du 16 janvier 2023, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 17 mars 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande. Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret le 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 3. Il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme C... D..., né le 16 mai 2019, souffre d'un retard global de développement, de particularités dans sa communication et ses interactions sociales, ainsi que d'un trouble oppositionnel, qui nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire. Toutefois, en se bornant à produire des documents de portée générale concernant les défaillances de la prise en charge des réfugiés en Grèce, Mme C... D..., qui a obtenu le statut de réfugié dans cet Etat membre de l'Union européenne, n'établit pas que son fils ne pourrait y recevoir, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, les soins que son état exige. En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que son accompagnement devrait être effectué en langue française. Par suite, la mesure d'éloignement, qui n'implique pas la séparation de la mère et de son enfant, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. 4. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure (...) nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre (...) ". Et aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Si Mme C... D... fait valoir qu'elle bénéficie en France d'un suivi psychologique et psychiatrique conséquent ainsi que d'un traitement médicamenteux, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'aurait pas fait l'objet d'une prise en charge adaptée en Grèce et ne pourrait en bénéficier à l'avenir en cas d'éloignement à destination de ce pays. Dès lors, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise la mesure d'éloignement, et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi : 5. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". L'article L. 721-4 du même code dispose que : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Enfin, aux termes du 1 de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ". 6. L'arrêté contesté fait obligation à Mme C... D... de quitter le territoire à destination de la Grèce ou de tout pays dans lequel elle est légalement admissible. Il n'a ni pour objet, ni pour effet de permettre son éloignement d'office à destination du Cameroun. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève, ou de ce qu'elle risquerait de subir dans son pays d'origine des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 8. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme C... D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme C... D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme C... D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime. Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2023. Le rapporteur, Julien A... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23BX01133
CETATEXT000048457791
J3_L_2023_11_00023BX02571
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre (Juge unique), 21/11/2023, 23BX02571, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de BORDEAUX
23BX02571
3ème chambre (Juge unique)
plein contentieux
C
URSULET
M. Laurent POUGET
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un déféré du 11 septembre 2023, le préfet de la Martinique a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique, saisi sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative et de l'article L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales, d'ordonner la suspension de l'exécution de la délibération n° 23-200-1 du 25 mai 2023 de l'assemblée de Martinique en tant qu'elle reconnaît en son article 1er la langue créole comme langue officielle de la Martinique au même titre que le français, ensemble la décision du 19 août 2023 par laquelle le président du conseil exécutif de Martinique a rejeté le recours gracieux du 25 juillet 2023. Par une ordonnance n° 2300550 du 4 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté ce déféré. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 octobre 2023, le préfet de la Martinique demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 4 octobre 2023 ; 2°) de suspendre l'exécution de la délibération n° 23-200-1 du 25 mai 2023 de l'assemblée de Martinique en tant qu'elle reconnaît en son article 1er la langue créole comme langue officielle de la Martinique au même titre que le français, ensemble la décision du 19 août 2023 par laquelle le président du conseil exécutif de Martinique a rejeté le recours gracieux du 25 juillet 2023. Il soutient que : - la délibération déférée ne présente pas le caractère d'un acte préparatoire ; l'article 1er de la délibération est divisible des autres dispositions et présente un caractère déclaratif propre, ainsi que l'ont souligné les élus de la Martinique ; elle n'appelle en outre aucune mesure ultérieure ; les articles 2 et 3 sont sans incidence sur la portée de l'article 1er ; au demeurant cet article peut avoir pour effet de permettre l'utilisation de la langue créole lors de futurs débats de l'assemblée de Martinique, conduisant à entraver le bon fonctionnement des règles démocratiques et républicaines ; ce texte modifie donc l'ordonnancement juridique sans autre texte d'application ; - à supposer même qu'il ne soit pas normatif, l'article 1er n'est pas dépourvu d'effets concrets et la circonstance qu'il est émis par une collectivité territoriale lui donne un poids et une légitimé ; au surplus il ne peut être exclu qu'il porte atteinte à l'ordre public ; le déféré formé sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales doit donc être accueilli ; par suite l'ordonnance attaquée est irrégulière ; - la délibération litigieuse est contraire à l'article 2 de la Constitution et à l'article 1er de la loi n° 94-665 du 4 août 1994, ce qui est propre à créer un doute sérieux sur sa légalité. Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2023, la collectivité territoriale de Martinique, représentée par son président en exercice et ayant pour avocat Me Ursulet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la recevabilité du déféré préfectoral s'apprécie sans qu'il soit nécessaire de déterminer si la délibération attaquée constitue un acte préparatoire ; - la collectivité de Martinique bénéficie de la compétence d'édicter des propositions de projets de loi en vertu de l'article L. 7252-1 du code général des collectivités territoriales ; au regard du statut particulier des délibérations prises sur le fondement de ce texte, le législateur a entendu les exclure du champ des délibérations soumises au contrôle de légalité ; - en outre, l'article L. 4141-5 du code général des collectivités territoriales exclut du champ du déféré préfectoral les actes pris par les autorités régionales au nom de l'Etat, qui demeurent régis par les dispositions qui leurs sont propres ; or les propositions et projets de lois émis par la collectivité de Martinique relèvent nécessairement des compétences qu'elle exerce au nom de l'Etat puisqu'elles s'inscrivent directement dans le processus législatif ; - la délibération ne prévoit nullement l'utilisation de la langue créole lors des débats de l'assemblée de Martinique ; elle est un élément parmi d'autres dans la réflexion d'ensemble que mène la collectivité de Martinique quant à la promotion de la langue créole ; - la délibération n'est pas contraire à l'article 2 de la Constitution ; elle présente un caractère purement déclaratif voire descriptif, et non normatif, et ne constitue qu'une proposition de modification ou d'adaptation législative ; les précédents visés par le préfet ne sont pas comparables puisque les actes en cause ne s'inscrivaient pas dans le champs d'une compétence quasi-législative reconnue à la collectivité et visaient à l'utilisation directe de la langue régionale dans les débats des organes institutionnels ; exercer un contrôle de constitutionnalité sur la délibération en cause reviendrait à un pré-contrôle de constitutionnalité contraignant, contraire aux dispositions du code général des collectivités territoriales ; - enfin, l'usage du créole soulève des enjeux différents de l'usage des langues corses et catalanes, compte tenu de sa densité et spécificité culturelle particulière et constitue donc, de surcroît dans un contexte d'évolution vers un droit des minorités linguistiques, une question nouvelle qui n'est pas tranchée au regard de l'application de l'article 2 de la Constitution ; Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution ; - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 94-665 du 4 août 1994 ; - le code de justice administrative. Le président de la cour a désigné M. B... Pouget comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pouget, juge des référés, - les observations de M. A..., représentant le préfet de la Martinique, - et les observations de Me Ursulet, représentant la collectivité territoriale de Martinique. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales (...) / Les demandes assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes d'autres collectivités ou établissements suivent, de même, les règles fixées par les articles (...) L. 4142-1 (...) du code général des collectivités territoriales" ". Aux termes de l'article L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans la région défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 4141-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...) ". Et aux termes de l'article L. 7231-1 du code général des collectivités territoriales : " Les délibérations de l'assemblée de Martinique (...) sont soumis(es) au régime juridique des actes pris par les autorités régionales dans les conditions fixées par les chapitres 1er et II du livre Ier de la quatrième partie ". 2. Lors de sa séance du 25 mai 2023, l'assemblée de Martinique a adopté une délibération n° 23-200-1 dont l'article 1er " reconnait la langue créole comme langue officielle de la Martinique, au même titre que le français ". Le préfet de la Martinique a formé, le 25 juillet 2023, un recours gracieux à l'encontre de cette disposition, qui a été rejeté le 19 août 2023 par le président du conseil exécutif de Martinique. Saisi par le préfet de la Martinique, sur le fondement des articles L. 554-1 du code de justice administrative et L. 4142-1 du code général des collectivités territoriale, d'une demande de suspension de l'exécution de l'article 1er de la délibération du 25 mai 2023, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté ce déféré pour irrecevabilité au motif que la disposition considérée présente le caractère d'un acte préparatoire insusceptible de recours. 3. Toutefois, si l'article 3 de la délibération du 25 mai 2023 prévoit que " le président de l'Assemblée de Martinique transmet le projet de loi au premier ministre, au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale et aux Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat dans le cadre de l'article L. 7252-1 du code général des collectivités territoriales, au titre des propositions de modification ou d'adaptation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration ", il ne saurait s'en déduire que ladite délibération n'aurait d'autre objet que cette autorisation de transmission d'une proposition de modification législative et présenterait dès lors, en toutes ses dispositions, le caractère d'un acte préparatoire dépourvu de portée normative. 4. Ainsi, alors qu'aux termes de l'article L. 7252-1 du code général des collectivités territoriales " l'assemblée de Martinique peut présenter des propositions de modification ou d'adaptation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration ainsi que toutes propositions relatives aux conditions du développement économique, social et culturel de la collectivité territoriale de Martinique ", la délibération du 25 mai 2023 ne vise ni n'évoque aucune proposition de la nature de celles évoquées par ce texte et il ne résulte pas de l'instruction que l'assemblée ait antérieurement débattu d'un quelconque projet de transmission aux autorités de l'Etat d'une telle proposition. En outre, son article 1er objet du présent litige se présente sous la forme d'une déclaration immédiate de reconnaissance de la langue créole comme langue officielle de la Martinique, exécutoire de plein droit dès la publication et la transmission de la délibération au préfet, en vertu de son article 5, et dont la mise en œuvre n'est pas subordonnée à une éventuelle suite favorable donnée à une proposition d'adaptation normative transmise au Premier ministre et aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette disposition ne peut donc être regardée comme relevant des dispositions précitées de l'article L. 7252-1 du code général des collectivités territoriales. 5. Par suite, et alors au demeurant que le représentant de l'Etat peut déférer au juge administratif, sur le fondement de l'article L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales, tous actes des collectivités territoriales qu'il estime contraires à la légalité, y compris ceux présentant un caractère préparatoire, le préfet de la Martinique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté comme irrecevable le déféré dont il l'avait saisi. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler cette ordonnance et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de suspension présentée par le préfet. 6. Aux termes de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La langue de la République est le français ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française : " Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics. ". Il résulte de ces dispositions que l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public. Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 99-412 du 15 juin 1999, a précisé que : " les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraint à un tel usage ". Au surplus, il résulte tant des dispositions de l'article 75-1 de la Constitution en vertu desquelles " Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ", que des travaux parlementaires ayant présidé à l'adoption de l'article 40 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 dont cet article est issu, que le pouvoir constituant, comme l'a relevé le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2011-130 QPC du 20 mai 2011, n'a pas entendu créer un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 7. Dès lors, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que la délibération déférée de l'assemblée de Martinique en date du 25 mai 2023 est contraire, en son article 1er, aux dispositions précitées de l'article 2 de la Constitution et de l'article 1er de la loi du 4 août 1994, est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette disposition. Par suite, il y a lieu de prononcer la suspension de L4Ecet article 1er de la délibération jusqu'à ce qu'il soit statué au fond. 8. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la collectivité territoriale de Martinique sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. ORDONNE : Article 1er : L'ordonnance n° 2300550 du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique du 4 octobre 2023 est annulée. Article 2 : L'exécution de l'article 1er de la délibération de l'assemblée de Martinique n° 23-200-1 du 25 mai 2023 est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond. Article 3 : Les conclusions présentées par la collectivité territoriale de Martinique sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la collectivité territoriale de Martinique. Copie en sera adressée au préfet de la Martinique. Fait à Bordeaux, le 21 novembre 2023. La greffière, Le juge d'appel des référés, Sylvie Hayet B... Pouget La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. 2 N° 23BX02571
CETATEXT000048457794
J5_L_2023_10_00020NC02284
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 1ère chambre, 19/10/2023, 20NC02284, Inédit au recueil Lebon
2023-10-19 00:00:00
CAA de NANCY
20NC02284
1ère chambre
plein contentieux
C
M. WALLERICH
ZIND
Mme Marion BARROIS
Mme ANTONIAZZI
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association Alsace Nature a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa réclamation indemnitaire et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 27 800 euros à titre d'indemnisation. Par un jugement n° 1703608 du 29 mai 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 août 2020 et le 30 juin 2022, l'association Alsace Nature, représentée par Me Zind demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 mai 2020 ; 2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le premier ministre a rejeté sa réclamation indemnitaire ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 27 800 euros à titre d'indemnisation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'instauration de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises a une incidence directe et certaine sur l'environnement ; - elle a été instituée par la collectivité européenne d'Alsace afin de maitriser le trafic routier de marchandises sur les axes relevant de cette collectivité ; - l'inaction fautive du gouvernement a causé un préjudice direct et certain à l'association dont l'objet statutaire est la protection de l'environnement ; - elle a subi un préjudice moral en raison de l'important travail fourni pour mettre en œuvre cette taxe qui n'a jamais été appliquée. Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2021, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que l'association Alsace Nature ne justifie pas d'un intérêt suffisant pour formuler des conclusions indemnitaires et qu'aucun des moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier et notamment la décision du Conseil d'Etat du 5 décembre 2016 n° 399965-399966. Vu : - la Constitution ; - le code des douanes ; - la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 ; - la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ; - la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 ; - la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 ; - la décision n° 399965-399966 du Conseil d'Etat du 5 décembre 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Zind, pour l'association Alsace Nature. Considérant ce qui suit : 1. L'article 153 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a créé une taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises. En vertu de l'article 16 de la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014, les dispositions relatives à cette taxe devaient entrer en vigueur à une date fixée par arrêté conjoint des ministres chargés des transports et du budget, et au plus tard le 31 décembre 2015. Après avoir obtenu l'annulation par le Conseil d'Etat des décisions implicites par lesquelles la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre des finances et des comptes publics ont rejeté sa demande tendant à ce que soit édicté l'arrêté fixant la date de mise en œuvre du dispositif technique nécessaire à la collecte de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises, l'association Alsace Nature a présenté le 12 octobre 2016 au Premier ministre une réclamation tendant à l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de l'absence de mise en œuvre de la taxe, faute d'édiction de cet arrêté. Aucune réponse n'ayant été donnée à cette réclamation, l'association Alsace Nature a demandé au tribunal de condamner l'Etat à lui verser une somme de 27 800 euros en réparation de son préjudice. Par la présente requête, l'association Alsace Nature relève appel du jugement du 29 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur la faute : 2. En vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre " assure l'exécution des lois " et " exerce le pouvoir réglementaire " sous réserve de la compétence conférée au Président de la République par l'article 13 de la Constitution. L'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, or le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle. 3. Il résulte de la décision n° 399965-399966 du Conseil d'Etat du 5 décembre 2016 qu'en l'absence d'abrogation, les refus intervenus après l'expiration du délai raisonnable imparti au Gouvernement pour prendre l'arrêté fixant la date de mise en œuvre du dispositif technique nécessaire à la collecte de la taxe sont entachés d'illégalité. Ces refus illégaux constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Toutefois, l'objet statutaire d'une association lui donnant intérêt pour agir dans les litiges environnementaux ne la dispense pas de démontrer, le caractère direct, certain, et personnel du préjudice, notamment moral, qu'elle allègue du fait de la faute commise par l'Etat. Sur les préjudices : 4. En premier lieu, si la requérante invoque un préjudice de découragement, la circonstance que l'association ait participé activement à l'élaboration d'une taxe, en sensibilisant notamment les élus et les professionnels du secteur et en proposant des modifications législatives dans ce domaine, ne saurait constituer un préjudice indemnisable dès lors que le législateur a, en l'espèce, abrogé les dispositions législatives relatives à cette taxe. 5. En second lieu, même s'il résulte des travaux préparatoires de la loi de finances pour 2009 que ce dispositif poursuivait un objectif de réduction des impacts environnementaux des transports de marchandises en incitant les entreprises de transport à utiliser des véhicules moins polluants et des infrastructures de manière plus rationnelle et de financement des infrastructures nécessaires au développement durable par l'affectation du produit de cette taxe à l'agence de financement des infrastructures de transport de France, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence d'adoption des mesures d'application de la loi pendant une période limitée ait causé un préjudice direct et certain aux intérêts défendus par l'association alors qu'au demeurant l'objectif principal poursuivi par cette disposition a été atteint par l'affectation de la taxe intérieure sur les produits énergétiques à l'agence de financement des infrastructures de transport de France par l'article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 et qu'en outre le préjudice allégué ne trouve pas son origine dans les décisions censurées par le Conseil d'Etat mais dans l'abrogation du dispositif par l'article 84 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017. 6. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Alsace Nature n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de l'association Alsace Nature est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Alsace Nature et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Guidi, présidente-assesseure, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 20NC02284
CETATEXT000048457795
J5_L_2023_11_00020NC02177
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457795.xml
Texte
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 20NC02177, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de NANCY
20NC02177
4ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme SAMSON-DYE
CABINET D'AVOCATS ASSOCIÉS KARM - ZAIGER
Mme Sophie ROUSSAUX
M. MICHEL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 24 septembre 2018 par laquelle la commune de Schwobsheim a refusé de lui louer la parcelle n° 39 section 11 " Umbruch ". Par un jugement n° 1807149 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette délibération du 24 septembre 2018 en tant qu'elle attribue à M. C... F... la location de la parcelle n° 39 section 11 " Umbruch " et a mis à la charge de la commune de Schwobsheim une somme de 1 000 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 juillet 2020 et 6 janvier 2021, la commune de Schwobsheim, représentée par Me Karm, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juin 2020 ; 2°) de rejeter la demande de M. B... ; 3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif a annulé sa délibération du 24 septembre 2018 en tant qu'elle a attribué la parcelle section 11 n° 39 " Umbruch " à M. F... car celui-ci répondait aux exigences fixées par l'article R. 331-2 du code rural et de la pêche maritime puisqu'il avait exploité une surface égale au tiers de la surface agricole utile régionale moyenne pendant 5 ans au cours des 15 années précédant la date de la décision litigieuse et justifiait donc de la capacité professionnelle agricole par l'expérience ; - la délibération litigieuse n'a pas méconnu l'ordre de priorité tel que prévu à l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime car, face à deux candidats de priorité équivalente, elle a privilégié le candidat qui avait d'ores et déjà une autorisation au titre du contrôle des structures et qui exploitait déjà des parcelles contiguës ; - quand bien même M. F... n'aurait pas rempli les conditions de capacité professionnelle, il était détenteur d'une autorisation d'exploiter au titre du contrôle des structures, telle que prévue à l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, de sorte qu'il pouvait signer valablement un bail rural. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2020, M. B..., représenté par la Selarl Dieudonné, conclut au rejet de la requête d'appel de la commune de Schwobsheim et à ce que le versement d'une somme de 2 000 euros soit mis à la charge de cette dernière en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu que la commune de Schwobsheim avait commis une erreur de droit, au regard de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime, en attribuant la parcelle litigieuse à M. F..., alors que ce dernier ne justifiait pas de la capacité ou de l'expérience professionnelle agricole ; - les développements de la commune sur le fait que le titulaire d'une autorisation d'exploitation délivrée au titre du contrôle des structures peut valablement signer un bail rural sont sans emport, dès lors que n'était pas en cause la capacité juridique de M. F... à signer le contrat de bail litigieux, mais le respect de la priorité instituée par l'article L. 411-15 du code précité, entre les candidats à la conclusion d'un tel bail. M. F..., à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 24 septembre 2018, la commune de Schwobsheim a autorisé le maire de la commune à louer la parcelle n° 39 section 11 " Umbruch " à M. F.... M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cette délibération en tant qu'elle a loué cette parcelle à M. F.... Par un jugement du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg doit être regardé comme ayant annulé la délibération n° 3 figurant dans les procès-verbaux de relevé de délibération du 24 septembre 2018, relative à la location de ce terrain. La commune de Schwobsheim relève appel de ce jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette délibération dans cette mesure, a mis à sa charge des frais d'instance à verser à M. B... et a rejeté ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, le bail peut être conclu soit à l'amiable, soit par voie d'adjudication. (...) Quel que soit le mode de conclusion du bail, une priorité est réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ou, à défaut, aux exploitants de la commune répondant aux conditions de capacité professionnelle et de superficie visées à l'article L. 331-2 du présent code, ainsi qu'à leurs groupements. (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le propriétaire de terres agricoles destinées à être données à bail est une commune ou un établissement public communal, le conseil municipal ou la commission administrative, en présence de plusieurs demandes concurrentes d'attribution du bail, doit procéder à un choix en respectant les procédures et l'ordre de priorité qu'elles prévoient. L'exercice de ce pouvoir d'appréciation implique nécessairement que lesdits organes délibérants aient connaissance de l'ensemble des candidatures en présence et procèdent à leur examen. 4. Pour donner en location par bail rural à M. F... la parcelle n° 39 section 11 " Umbruch " appartenant à la commune et pour laquelle deux autres candidatures avaient été déposées, le conseil municipal de la commune de Schwobsheim s'est fondé, dans la délibération litigieuse, d'une part, sur la circonstance que celui-ci disposait d'une autorisation implicite d'exploiter, au titre du contrôle des structures, datée du 27 février 2018 et d'autre part sur le fait que M. F... était exploitant de parcelles déjà limitrophes et contigües à la parcelle n° 39. Il a ainsi considéré que M. F... était prioritaire au regard des dispositions de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime. 5. Aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, auquel renvoie l'article L. 411-15 du même code : " I. -Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle fixées par voie réglementaire ; (...) ". Aux termes de l'article R. 331-2 du même code " I. -Satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° du I de l'article L. 331-2 le candidat à l'installation, à l'agrandissement ou à la réunion d'exploitations agricoles qui justifie, à la date de l'opération : 1° Soit de la possession d'un des diplômes ou certificats requis pour l'octroi des aides à l'installation visées aux articles D. 343-4 et D. 343-4-1 ; 2° Soit de cinq ans minimum d'expérience professionnelle acquise sur une surface égale au tiers de la surface agricole utile régionale moyenne, en qualité d'exploitant, d'aide familiale, d'associé exploitant, de salarié d'exploitation agricole ou de collaborateur d'exploitation au sens de l'article L. 321-5. La durée d'expérience professionnelle doit avoir été acquise au cours des quinze années précédant la date effective de l'opération en cause. (...) ". 6. La commune fait valoir que M. F... est détenteur d'une autorisation tacite d'exploiter, délivrée dans le cadre de la réglementation du contrôle des structures et portant sur des terrains contigus de la parcelle en cause. Toutefois, le fait qu'un candidat serait titulaire d'une autorisation d'exploiter est, par lui-même, sans incidence sur l'opposabilité de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime et des critères qu'il énumère. 7. Il ressort des pièces du dossier, et ce point n'est pas contesté par les parties, qu'aucun des trois candidats à l'attribution de la parcelle " Umbruch " ne disposait de la qualité de jeune agriculteur. Dans ces conditions, et conformément à l'article L. 411-15 précédemment cité, la priorité devait être réservée aux exploitants de la commune où se situent les terres à louer et répondant à des conditions de capacité professionnelle et de superficie. 8. La circonstance que M. F... bénéficierait d'une autorisation implicite d'exploiter n'implique pas nécessairement, contrairement à ce que fait valoir la commune de Schwobsheim, qu'il soit regardé comme remplissant les conditions de capacités professionnelles, le I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime faisant relever du régime de l'autorisation le demandeur qui précisément ne satisfait pas aux conditions de capacité ou d'expériences professionnelles telles que fixées à l'article R. 331-2. 9. Si la commune soutient que M. F... bénéficiait de la capacité professionnelle agricole en raison de son expérience professionnelle sur le fondement des dispositions du 2° du I de l'article R. 331-2 précité, les pièces versées par la commune au dossier, qui consistent en des copies des dossiers PAC déposés auprès des services de l'Etat de 2013 à 2018, concernent M. A... F..., père de M. C... F..., et non ce dernier. Pour le surplus, la commune n'apporte aucun élément quant à la justification de la capacité ou de l'expérience professionnelle de M. C... F.... En revanche, il n'est pas contesté que M. B..., qui s'était porté candidat pour louer la parcelle en cause, est titulaire d'un brevet de technicien supérieur agricole, justifiant ainsi de la capacité professionnelle agricole au sens des dispositions de l'article R. 331-2 précité. Dans ces conditions, la délibération en litige ne pouvait, sans méconnaître les critères posés par l'article L. 411-15, retenir la candidature de M. F.... 10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Schwobsheim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération n° 3 du conseil municipal du 24 septembre 2018 attribuant à M. F... la location de la parcelle n° 39 section 11 " Umbruch ". Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Schwobsheim demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Schwobsheim une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la commune de Schwobsheim est rejetée. Article 2 : La commune de Schwobsheim versera à M. B... une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Schwobsheim, à M. D... B... et à M. C... F.... Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 20NC02177
CETATEXT000048457796
J5_L_2023_11_00021NC00356
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC00356, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de NANCY
21NC00356
4ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme SAMSON-DYE
MAAMOURI
M. Arthur DENIZOT
M. MICHEL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armés a rejeté sa demande indemnitaire préalable tendant à obtenir la somme de 2 408 454,89 euros en réparation du préjudice lié à sa radiation illégale des cadres, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 408 454,89 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa radiation illégale, assortie des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts. Par une ordonnance du 26 mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis la demande de Mme A... au tribunal administratif de Nancy. Par un jugement n° 1822321 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 8 février 2021, Mme A..., représentée par Me Maamouri demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 décembre 2020 ; 2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armés a rejeté sa demande indemnitaire préalable tendant à obtenir la somme de 2 408 454,89 euros en réparation du préjudice lié à sa radiation illégale des cadres ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 408 454,89 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa radiation illégale, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en tant qu'il ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; - les décisions par lesquelles le ministre a décidé de l'admettre à la retraite d'office sont illégales dans la mesure où, à compter du 4 mars 2001, elle était apte à l'exercice de ses fonctions ; - si elle devait être considérée comme inapte à ses fonctions, elle aurait dû bénéficier d'une procédure de reclassement ; - en raison de son éviction illégale, elle a subi un préjudice de pertes de revenus qui sera exactement indemnisé à hauteur de la somme de 242 558,69 euros ; - elle perdu une chance sérieuse d'évoluer vers un poste de catégorie A qui sera justement indemnisée à hauteur de la somme de 1 024 531,20 euros ; - elle a subi un préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir une pension de retraite plus élevée qui sera justement indemnisée, dans l'hypothèse la plus réaliste, par l'allocation de la somme de 1 091 365 euros ; - les troubles dans ses conditions d'existence seront justement indemnisés par l'allocation d'une somme de 50 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denizot, premier conseiller, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Maamouri pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 11 août 1994, Mme A... a été titularisée dans le corps des secrétaires administratifs et a été affectée à la direction interrégionale des anciens combattants et des victimes de guerre à Strasbourg. Par un arrêté du 26 mars 2001, Mme A... a été radiée des contrôles et admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 4 mars 2001. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 20 février 2003 du tribunal administratif de Strasbourg en l'absence de saisine de la commission de réforme. Par un arrêté du 5 mars 2008, Mme A... a de nouveau été admise à la retraite d'office et radiée des contrôles à compter du 4 mars 2001. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 17 décembre 2008 du tribunal administratif de Strasbourg pour défaut de convocation et violation des droits de la défense lors de la réunion de la commission de réforme. Par un arrêté du 30 juillet 2010, Mme A... a, une nouvelle fois, été admise à la retraite d'office et radiée des contrôles à compter du 4 mars 2001. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 16 mai 2012 du tribunal administratif de Strasbourg en raison de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme. Par un jugement du 8 décembre 2020, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 408 454,89 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de sa radiation des cadres et son admission à la retraite. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". 3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, la rapporteure et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à Mme A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. 4. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier. Sur l'étendue du litige : 5. La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre des armées sur la demande indemnitaire du 11 décembre 2017 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de Mme A... qui, en formulant des conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité de l'Etat et une demande d'annulation de la décision rejetant sa demande préalable, a donné à l'ensemble de sa demande de première instance le caractère d'un recours de plein contentieux. Mme A... doit donc être regardée comme demandant la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité des arrêtés prononçant sa radiation des cadres et son admission à la retraite à compter du 4 mars 2001. Sur la responsabilité de l'Etat : 6. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) ". L'article 47 du décret du 14 mars 1986 dans sa rédaction applicable au litige dispose que : " Le fonctionnaire ne pouvant à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite. (...) ". L'article 48 du même décret dispose que : " La mise en disponibilité prévue aux articles 27 et 47 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions (...) ". Enfin, l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) ". 7. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, d'une décision il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, dans le cadre d'une procédure régulière. 8. Par des jugements des 20 février 2003 et 17 décembre 2008, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés des 26 mars 2001 et 5 mars 2008, respectivement pour absence d'avis de la commission de réforme et pour absence d'information sur la tenue d'une séance de la commission de réforme. Par un jugement du 16 mai 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 30 juillet 2010 du ministre des armées au motif que la commission de réforme ne comprenait pas un médecin spécialiste de la pathologie dont est affectée Mme A.... L'appel interjeté par le ministre des armées a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy le 4 avril 2013. Il convient dès lors de déterminer si, compte tenu des irrégularités procédurales affectant les arrêtés portant radiation des contrôles et admission à la retraite, le ministre des armées aurait pu légalement prendre la même décision. 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par deux expertises des 23 avril et 31 juillet 2001, la symptomatologie de Mme A... a été considérée comme " sévère, invalidante, ne lui permettant plus d'exercer une activité professionnelle de façon totale et définitive ". Mme A... se prévaut de plusieurs attestations de rédigées entre les années 2001 et 2012 par son médecin psychiatre, indiquant notamment que l'intéressée est apte psychiquement à reprendre ses fonctions et précisant que " les capacités intellectuelles de l'intéressée et sa pugnacité m'ont toujours fait penser que Mlle A... B... était capable de reprendre à n'importe quel moment une activité professionnelle en responsabilité ". Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A..., dont le taux d'invalidité de 70 % n'est pas en tant que tel contesté, et qui a été placée du 4 mars 1996 au 3 mars 2001 en congé longue durée, aurait manifesté son intention de reprendre ses fonctions au cours de cette période ou à son terme immédiat. En outre, malgré une demande de la cour en ce sens, Mme A... n'a apporté aucun autre élément médical de nature à justifier qu'elle présentait au mois de mars 2001 des conditions permettant de la déclarer apte à l'exercice de toute fonction. Dès lors, en l'état de l'instruction, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas inapte à toute fonction à compter du 4 mars 2001. 10. En second lieu, aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 alors en vigueur : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir (...) ". 11. Ainsi qu'il a été dit précédemment, dès lors que Mme A... a été déclarée inapte à l'exercice de toutes fonctions, l'administration n'était soumise à aucune obligation d'adaptation de poste ou de reclassement. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre des armées aurait méconnu son obligation de reclassement doit être écarté comme inopérant. 12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la prescription quadriennale et l'exception de chose jugée opposées par le ministre des armées en première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2
CETATEXT000048457797
J5_L_2023_11_00021NC00482
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457797.xml
Texte
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC00482, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de NANCY
21NC00482
4ème chambre
plein contentieux
C
Mme SAMSON-DYE
RAFFIN ASSOCIES
M. Arthur DENIZOT
M. MICHEL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La commune de Fleury-la-Rivière a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement les sociétés A..., Qualiconsult, Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils et C... à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des travaux de reprise des désordres affectant la médiathèque municipale, la somme de 1 560 euros en réparation du préjudice constitué par la perte des loyers du garage, augmentée de la somme de 60 euros par mois pour la période courant de janvier 2018 jusqu'au sixième mois suivant notification du jugement et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1802620 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de la commune de Fleury-la-Rivière et a mis à sa charge la somme de 10 287,22 euros au titre des frais d'expertise. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 19 février 2021, la commune de Fleury-la-Rivière, représentée par la SELARL A... Avocats Et Associes, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il écarte la responsabilité des sociétés Qualiconsult, Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils et A... ; 2°) de condamner solidairement ces dernières à lui verser les sommes de 20 000 euros au titre du préjudice matériel et 1 560 euros au titre de la perte de jouissance, à parfaire à concurrence de 60 euros par mois à compter de janvier 2018 ; 3°) de mettre à la charge solidaire de ces sociétés la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient : - à titre principal, d'une part, que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle ne rapportait pas la preuve du caractère décennal des désordres et d'autre part, que les autres conditions permettant d'engager la responsabilité décennale des sociétés intimées sont remplies ; - à titre subsidiaire, qu'elle est fondée à solliciter la condamnation des sociétés intimées au titre de leur responsabilité contractuelle. Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2021, la société A..., représentée par Me Raffin, conclut au rejet de la requête de la commune de Fleury-la-Rivière et à ce que soit mise à sa charge la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa responsabilité décennale ne saurait être recherchée dès lors que la requérante, qui se borne à renvoyer au rapport d'expertise, n'établit pas que les désordres affectant l'ouvrage sont de nature décennale ; - sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée en l'absence de toute démonstration de fautes de sa part et de lien de causalité avec les dommages relevés. Par un mémoire, enregistré le 4 octobre 2023, la société Qualiconsult, représentée par la SCP Raffin et Associés, conclut : - à titre principal, au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce que le montant mis à sa charge soit minoré ; - par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement soit annulé en tant qu'il a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; - à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation solidaire des sociétés Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils, A... et B... père et fils à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; - en tout état de cause, à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune de Fleury-la-Rivière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les moyens soulevés en première instance et soutient d'une part, que les désordres ne sont pas de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs et d'autre part, que sa responsabilité contractuelle ne peut plus être engagée dès lors que la réception de l'ouvrage a été prononcée sans réserve sur les points litigieux. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023 et non communiqué, la SAS Le Bâtiment associé, représentée par la SCP Badré Hyonne Sens-Salis Roger, conclut : - au rejet de la requête ; - subsidiairement à ce que les sociétés Qualiconsult, Carvalheiro et fils, C... et A... soient condamnées à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre. Elle soutient que : - les désordres, très localisés, ne présentent pas de caractère décennal ; - la réception des ouvrages, prononcée sans réserve, fait obstacle à la que sa responsabilité contractuelle soit engagée à l'égard du maître d'ouvrage ; - les désordres ne lui sont pas imputables ; - subsidiairement, la somme demandée au titre du préjudice matériel n'est pas justifiée ; les dommages immatériels devraient être indemnisés à la date du rapport de l'expert ; - la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés Qualiconsult, Carvalheiro et fils, C... et A... est engagée au regard des éléments retenus à leur encontre par l'expert judiciaire, s'agissant de manquements à leurs obligations contractuelles et aux règles de l'art constitutifs de fautes ; la part de responsabilité laissée à sa charge ne saurait excéder 10 %. Par un courrier du 29 septembre 2023, les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que la responsabilité contractuelle, qui n'a pas été soulevée en première instance, constitue une cause juridique distincte de la responsabilité décennale et doit être regardée comme une demande nouvelle irrecevable en appel. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denizot, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par un acte d'engagement du 11 décembre 2007, la commune de Fleury-la-Rivière a confié la maîtrise d'œuvre des travaux de construction d'une médiathèque à un groupement solidaire auquel appartient la société Alain Laurent A.... Par acte d'engagement du 9 janvier 2008, le contrôle technique a été confié à la société Qualiconsult. Par actes d'engagement du 26 mars 2012, les lots de " gros œuvre et maçonnerie ", " ravalement " et " couverture et étanchéité " ont été confiés respectivement aux sociétés Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils et B... père et fils. Postérieurement à la réception des travaux, la commune de Fleury-la-Rivière, le 30 mars 2015 a fait constater par un huissier l'existence d'infiltrations d'eau dans la cantine de la médiathèque et le garage. Le 2 novembre 2015, la commune de Fleury-la-Rivière a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la désignation d'un expert, lequel a déposé son rapport le 26 janvier 2018. Par un jugement du 18 décembre 2020 dont la commune de Fleury-la-Rivière relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés A..., Qualiconsult, Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils et C... et, d'autre part, mis à sa charge les dépens à hauteur de la somme de 10 287,22 euros. Sur la responsabilité décennale des constructeurs : 2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut également être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. Toutefois, la circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination. 3. En premier lieu, lors de la réunion du 18 mai 2016, l'expert a relevé une humidité murale pouvant atteindre jusqu'à 25% dans la salle de la cantine de la médiathèque. L'expert, qui ne se prononce pas sur la nature des désordres, a constaté des coulures d'eau et des traces d'humidité sur le mur de façade au droit du balcon ainsi que sur le garage. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces désordres aient évolué postérieurement au rapport d'expertise. Ainsi, en raison du caractère très localisé de ces désordres, qui n'ont pas été aggravés, la commune de Fleury-la-Rivière, qui se borne à soutenir que l'humidité murale élevée au sein de la cantine rend nécessairement l'ouvrage impropre à sa destination, ne démontre pas que les désordres sont de nature décennale. 4. En second lieu, la porte de garage correspond à un élément d'équipement dissociable de la médiathèque. A ce titre, la commune de Fleury-la-Rivière ne démontre pas davantage que le dysfonctionnement de la porte de garage, à supposer même qu'il soit imputable aux infiltrations, est de nature à rendre l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ou à compromettre sa solidité. Sur la responsabilité contractuelle : 5. Pour la première fois en appel, la commune de Fleury-la-Rivière entend rechercher, à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle des sociétés intimées. Toutefois, ce fondement juridique repose sur une cause juridique distincte de la responsabilité décennale qui avait été invoquée en première instance et constitue une demande nouvelle, qui, présentée pour la première fois en appel, est irrecevable. 6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Fleury-la-Rivière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Sur les frais de la première instance : 7. Il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que le juge peut, pour des raisons tirées notamment de l'équité, dire qu'il n'y a pas lieu de condamner la partie perdante à payer à l'autre partie au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. 8. Dans les circonstances de l'espèce, la société Qualiconsult n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur les frais de l'instance d'appel : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des sociétés A... et Qualiconsult présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de la commune de Fleury-la-Rivière est rejetée. Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fleury-la-Rivière, la SARLCTB, la SAS Qualiconsult, la SAS Le Bâtiment associé, la SARL Carvalheiro et fils et la société C.... Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne à la préfète de l'Aube en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC00482
CETATEXT000048457798
J5_L_2023_11_00021NC00884
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC00884, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de NANCY
21NC00884
4ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme SAMSON-DYE
BRANCHET
M. Arthur DENIZOT
M. MICHEL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, les décisions non formalisées tendant à lui infliger " les mesures portant sanction(s) disciplinaire(s) " de " désarmement ", de " relève de son commandement ", de " renvoi en France " et d'" ordre de prendre l'avion le 9 janvier 2018 ", d'autre part, la décision du 9 janvier 2018 par laquelle le commandant du groupement tactique logistique " Via Domitia " a décidé de ne pas lui attribuer la médaille d'outre-mer avec agrafe " Sahel ", à titre disciplinaire et enfin d'annuler la décision du 1er mars 2018 par laquelle le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêts. Par le même recours, M. A... a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 29 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable qu'il a exercé le 21 juin 2018 contre la décision du 18 mai 2018 du chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg mettant fin à son habilitation " secret défense ". Par un jugement n° 1904834 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 mars 2021, M. A..., représenté par Me Branchet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 janvier 2021 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable qu'il a exercé le 21 juin 2018 contre la décision du 18 mai 2018 du chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg mettant fin à son habilitation " secret défense " ; 2°) de prescrire toutes mesures de nature à assurer la pleine exécution de l'arrêt à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2019, qui présente un caractère disciplinaire, n'est pas irrecevable ; - la décision de retrait, qui n'est intervenue à la suite d'aucune demande, correspond à une sanction disciplinaire déguisée ; - la décision a été prise et notifiée par une autorité incompétente ; - la décision n'est pas suffisamment motivée ; - la décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où la décision contestée a été adoptée à la suite de mesures prises en dehors de tout formalisme et procédure ; le retrait de son habilitation a été exercé sans sa demande et la communication de ce document n'a pas été faite par le document prévu à cet effet ; - les faits reprochés ne sont pas établis par l'administration ; - la sanction est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et disproportionnée ; - la décision est entachée d'un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023 et non communiqué, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denizot, premier conseiller, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Branchet pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., lieutenant-colonel de l'armée de terre affecté au groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg, a été déployé en opération extérieure (OPEX) au Mali dans le cadre de l'opération Barkhane en qualité de chef d'un détachement de soutien, du 17 septembre 2017 au 12 janvier 2018. A la suite d'un différend avec le chef du détachement infrastructure de la " plateforme opérationnelle désert " de Gao, puis à une altercation avec son chef de corps, avec le représentant du commandement de la force et avec deux autres officiers, les 2 et 3 janvier 2018, il a été désarmé et rapatrié d'OPEX avant le terme de son mandat. Le 9 janvier 2018, le commandant du groupement tactique logistique " Via Domitia " a décidé, à titre disciplinaire, de ne pas lui attribuer l'agrafe " Sahel " de la médaille d'outre-mer. Le 1er mars 2018, le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg a prononcé à l'encontre de M. A... la sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêts. Par une décision du 18 mai 2018, le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg a mis fin à l'habilitation " secret défense " de M. A.... Le 21 juin 2018, M. A... a saisi la Commission des recours des militaires pour contester cette décision. Par une décision du 29 avril 2019, la ministre des armées a rejeté ce recours administratif préalable. 2. Par un jugement n° 1904834 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable la demande de M. A... tendant d'une part, à l'annulation des différentes décisions disciplinaires, d'autre part, à l'annulation de la décision du 29 avril 2019 mettant fin à son habilitation " secret défense ". Par la requête enregistrée sous le n° 21NC00884, M. A... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2019. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées à l'encontre de la décision du 29 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable que M. A... a exercé contre la décision du 18 mai 2018 du chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg mettant fin à son habilitation " secret défense " au motif que ces conclusions relevaient d'un litige distinct par rapport aux conclusions tendant à la contestation des décisions non formalisées à titre disciplinaire et celles des 9 janvier et 1er mars 2018, également prononcées à titre disciplinaire. Si M. A... soutient que l'ensemble de ces décisions s'inscrit dans un contexte disciplinaire, une décision portant refus d'habilitation " secret défense " repose toutefois sur des motifs liés à la vulnérabilité des personnes au regard de la défense de la sécurité nationale et n'est pas liée à des considérations disciplinaires. En outre, en application de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, la contestation d'une décision disciplinaire prise à l'encontre d'un militaire nommé par le président de la République relève de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort. Ainsi la décision mettant fin à l'habilitation " secret défense " comporte un objet et répond à un régime contentieux distincts de ceux relatifs aux décisions de sanction disciplinaire infligées à un officier nommé par décret du Président de la République. Par suite, les conclusions dirigées contre la décision du 29 avril 2019 ne présentaient pas avec les autres conclusions de première instance un lien de nature à permettre qu'elles fassent l'objet d'une demande unique. M. A..., invité par le greffe du tribunal administratif de Strasbourg à régulariser sa demande par la présentation de demandes distinctes par courrier du 9 décembre 2020, s'est abstenu de donner suite à cette invitation avant que le tribunal ne statue. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées à l'encontre de la décision du 29 avril 2019. 4. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2019. Sur les frais liés à l'instance : 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023 Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 No 21NC00884
CETATEXT000048457799
J5_L_2023_11_00021NC00905
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/77/CETATEXT000048457799.xml
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CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC00905, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de NANCY
21NC00905
4ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme SAMSON-DYE
BRANCHET
M. Arthur DENIZOT
M. MICHEL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, les décisions non formalisées tendant à lui infliger " les mesures portant sanction(s) disciplinaire(s) " de " désarmement ", de " relève de son commandement ", de " renvoi en France " et d'" ordre de prendre l'avion le 9 janvier 2018 ", d'autre part, la décision du 9 janvier 2018 par laquelle le commandant du groupement tactique logistique " Via Domitia " a décidé de ne pas lui attribuer la médaille d'outre-mer avec agrafe " Sahel ", à titre disciplinaire et enfin d'annuler la décision du 1er mars 2018 par laquelle le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêts. Par le même recours, M. A... a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 29 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable qu'il a exercé le 21 juin 2018 contre la décision du 18 mai 2018 du chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg mettant fin à son habilitation " secret défense ". Par un jugement n° 1904834 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 24 mars 2021, M. A..., représenté par Me Branchet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 janvier 2021 en tant qu'il rejette ses demandes d'annulation, d'une part, des décisions non formalisées tendant à lui infliger " les mesures portant sanction(s) disciplinaire(s) " de " désarmement ", de " relève de son commandement ", de " renvoi en France " et d'" ordre de prendre l'avion le 9 janvier 2018 ", d'autre part, de la décision du 9 janvier 2018 par laquelle le commandant du groupement tactique logistique " Via Domitia " a décidé de ne pas lui attribuer la médaille d'outre-mer avec agrafe " Sahel ", à titre disciplinaire et enfin la décision du 1er mars 2018 par laquelle le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêts ; 2°) de prescrire toutes mesures de nature à assurer la pleine exécution de l'arrêt à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016 a consacré l'obligation d'introduire son recours dans un délai raisonnable dans un souci de sécurité juridique qui ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, la bonne administration de la justice implique que le juge puisse censurer des sanctions illégales sans en être empêché par un moyen tiré de la tardiveté ; les circonstances de l'espèce justifiaient que le délai de recours soit supérieur à un an ; - les décisions litigieuses sont entachées d'une insuffisance de motivation ; - elles sont entachées de vices de forme et de procédure ; - les faits reprochés ne sont pas établis par l'administration ; - elles sont entachées d'une erreur d'appréciation et disproportionnées ; - elles sont entachées d'un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023 et non communiqué, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denizot, premier conseiller, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Branchet pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., lieutenant-colonel de l'armée de terre affecté au groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg, a été déployé en opération extérieure (OPEX) au Mali dans le cadre de l'opération Barkhane en qualité de chef d'un détachement de soutien, du 17 septembre 2017 au 12 janvier 2018. A la suite d'un différend avec le chef du détachement infrastructure de la " plateforme opérationnelle désert " de Gao, puis à une altercation avec son chef de corps, avec le représentant du commandement de la force et avec deux autres officiers, les 2 et 3 janvier 2018, il a été désarmé et rapatrié d'OPEX avant le terme de son mandat. Le 9 janvier 2018, le commandant du groupement tactique logistique " Via Domitia " a décidé, à titre disciplinaire, de ne pas lui attribuer l'agrafe " Sahel " de la médaille d'outre-mer. Le 1er mars 2018, le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg a prononcé à l'encontre de M. A... la sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêts. Par une décision du 18 mai 2018, le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg n'a pas agréé la demande d'habilitation " secret défense " de M. A.... Le 21 juin 2018, M. A... a saisi la Commission des recours des militaires pour contester cette décision. Par une décision du 29 avril 2019, la ministre des armées a rejeté ce recours administratif préalable. 2. Par un jugement n° 1904834 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable la demande de M. A... tendant d'une part, à l'annulation des décisions non formalisées tendant à lui infliger " les mesures portant sanction(s) disciplinaire(s) " de " désarmement ", de " relève de son commandement ", de " renvoi en France " et d'" ordre de prendre l'avion le 9 janvier 2018 " ainsi que les décisions, formalisées, des 9 janvier et 1er mars 2018 et d'autre part, à l'annulation de la décision du 29 avril 2019. Par la requête enregistrée sous le n° 21NC00905, M. A... relève appel du jugement en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des différentes décisions non formalisées et des mesures disciplinaires des 9 janvier et 1er mars 2018. Sur la régularité du jugement attaqué : En ce qui concerne les décisions des 9 janvier et 1er mars 2018 : 3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. - Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. Le recours administratif formé auprès de la commission conserve le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10. Sous réserve des dispositions de l'article L. 213-6 du code de justice administrative, tout autre recours administratif, gracieux ou hiérarchique, formé antérieurement ou postérieurement au recours introduit devant la commission, demeure sans incidence sur le délai de recours contentieux. / (...) III. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : 1° Concernant le recrutement du militaire, l'exercice du pouvoir disciplinaire, ou pris en application de l'article L. 4139-15-1 ; (...) ". 4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a notamment demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions des 9 janvier et 1er mars 2018 ne lui attribuant pas la médaille d'outre-mer agrafe " Sahel " à titre disciplinaire et lui infligeant une sanction de 10 jours d'arrêts. Les deux recours exercés devant la commission des recours des miliaires contre ces actes ont été rejetés pour incompétence les 2 et 19 mars 2018, le recours ayant donné lieu à la décision du 29 avril 2019 précédemment mentionné ne concernant, pour sa part, que la contestation de la décision mettant fin à l'habilitation " secret défense ". Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le recours hiérarchique exercé par l'intéressé à l'encontre des décisions des 9 janvier et 1er mars 2018 a été rejeté par une décision du chef de l'état-major de l'armée de Terre du 1er juin 2018. Cette décision a été notifiée le 7 juin 2018 et comportait la mention des voies et délais de recours. La demande de M. A... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 25 juin 2019. Cette demande était dès lors tardive. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions des 9 janvier et 1er mars 2018 comme tardives et donc irrecevables. En ce qui concerne les décisions non formalisées de " désarmement ", de " relève de son commandement ", de " renvoi en France " et d'" ordre de prendre l'avion le 9 janvier 2018 " : 5. Sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. Ce délai n'est pas réouvert par l'intervention d'une décision implicite ou explicite sur un second recours gracieux ou hiérarchique, alors même que celui-ci a été présenté dans les deux mois à compter du jour où le délai a normalement commencé à courir, un second recours administratif ne conservant pas le délai de recours contentieux. 6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a manifesté sa connaissance des décisions non formalisées qu'il conteste, au plus tard, le 20 février 2018, date à laquelle il a exercé un recours devant la commission des recours des militaires en décrivant avec précision le déroulement de la fin de son mandat en OPEX et son rapatriement. Contrairement à ce qu'il soutient, M. A..., dès son retour en France au mois de janvier 2018, a exercé à de nombreuses reprises des recours concernant sa situation. En outre, et en tout état de cause, M. A... n'apporte aucun élément relatif à la situation personnelle ou médicale de nature à justifier que la juridiction n'ait pu être saisie que le 25 juin 2019. Par suite, M. A... ne justifie pas que des circonstances particulières imposeraient qu'un délai raisonnable supérieur à un an lui soit accordé. La demande de M. A... n'ayant été enregistrée que le 25 juin 2019 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, soit plus d'une année après le 20 février 2018, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de ces décisions non formalisées comme tardives et donc irrecevables. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation des mesures non formalisées et des décisions des 9 janvier et 1er mars 2018 prononcées à titre disciplinaire. Sur les frais liés à l'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023 Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso N° 21NC00905
CETATEXT000048457800
J5_L_2023_11_00021NC01025
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457800.xml
Texte
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC01025, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de NANCY
21NC01025
4ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme SAMSON-DYE
ADJEMI
M. Arthur DENIZOT
M. MICHEL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 19 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, d'autre part, de fixer les taux d'invalidité à 10% pour chacune des deux nouvelles infirmités et d'enjoindre à la ministre des armées de le faire bénéficier de la pension d'invalidité afférente à ces taux, et enfin, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale visant à déterminer le taux d'invalidité de chaque infirmité invoquée. Par un jugement n° 2000803 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 avril 2021, M. A... représenté par Me Adjemi, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 février 2021 ; 2°) avant-dire droit, d'ordonner une expertise médicale judiciaire pour évaluer le taux d'invalidité pour chaque infirmité ; 3°) d'annuler la décision du 19 décembre 2018 par laquelle la ministre des Armées a rejeté la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 4°) de fixer les taux d'invalidité à 10% pour chacune des deux nouvelles infirmités et d'enjoindre à la ministre des Armées de le faire bénéficier de la pension d'invalidité afférente à ces taux. Il soutient qu'il souffre, d'une part, de séquelles d'une fracture du tibia gauche et, d'autre part, de séquelles d'une luxation acromio-claviculaire gauche, toutes deux imputables au service et qui doivent donner lieu à l'application d'un taux d'invalidité de 10% chacune. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denizot, premier conseiller, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., entré en service le 1er juin 1984 dans le corps des infirmiers et techniciens des hôpitaux militaires, a été radié le 7 août 2015. Depuis le 12 septembre 2012, M. A... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité de 25% pour des " séquelles de traumatisme du rachis lombaire avec discopathie L4-L5 et arthrose inter apophysaire postérieure L4-L5 " liées à une mauvaise réception en parachute le 21 février 1994, dans le cadre du service. Le 18 mai 2016, M. A... a sollicité la révision de sa pension pour indemnisation de " séquelles de fracture du tibia gauche " d'un saut en parachute réalisé le 17 décembre 1985, ainsi que de " séquelles de luxation acromio-claviculaire gauche " consécutives à une chute à vélo le 2 septembre 1993. Par une décision du 19 décembre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par une requête, enregistrée au tribunal des pensions de Metz le 22 janvier 2019, puis transmise au tribunal administratif de Strasbourg, M. A... a sollicité l'annulation de la décision du 19 décembre 2018. Par un jugement n° 2000803 du 23 février 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article L.4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa version en vigueur à la date de la demande de révision de pension : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Sur l'infirmité " séquelles de fracture du tibia gauche " : 3. M. A... a été victime, le 17 décembre 1985, d'une fracture fermée non articulaire du tiers inférieur du péroné gauche. Au cours de l'année 2016, M. A... s'est plaint de plusieurs gênes dans la montée et la descente rapide des escaliers, dans la marche ainsi que d'une sensation désagréable au niveau des orteils du pied gauche. 4. Selon l'expertise du 21 février 2018, M. A... souffre d'une pathologie double résultant, d'une part, d'une douleur subjective se traduisant par " une gêne et quelques paresthésies dans le territoire musculo-cutané gauche, sans aucun déficit moteur, ni trouble de la sensibilité profonde, ni amyotrophie, ni trouble de la marche, mais désagréable au frottement des chaussures " et, d'autre part, d'une gêne à la marche. Cette expertise, ainsi que celle plus ancienne du 18 octobre 2004, ont retenu, pour cette infirmité, un taux d'invalidité inférieur à 10%. M. A..., qui admet que sa demande est essentiellement motivée par des raisons financières concernant la prise en charge des soins, se prévaut d'un rapport d'imagerie médicale du 8 avril 2016 concernant sa cheville gauche concluant " qu'il n'y a pas d'anomalie pour expliquer la symptomatologie ". Toutefois, en se prévalant uniquement de cet examen, qui ne contredit nullement les conclusions de l'expertise médicale du 21 février 2018 sur le taux d'invalidité résultant de la fracture du péroné gauche, M. A... ne saurait être regardé comme remettant en cause la circonstance que cette blessure ait provoqué un taux d'invalidité inférieur à 10% n'ouvrant pas droit à indemnisation. Sur l'infirmité " séquelles de luxation acromio claviculaire gauche " : 5. M. A... a été victime, le 2 septembre 1993, d'une luxation acromio-claviculaire gauche de stade 2. 6. L'expertise médicale du 21 février 2018 relève que M. A... souffre d'une tendinopathie calcifiante sous-acromiale gauche ainsi que de calcifications au niveau de l'espace sous-acromial droit non traumatisé. Cette expertise opère une distinction entre " la pathologie séquellaire acromio claviculaire, de nature arthrosique " et une " pathologie calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche, microcristalline ". L'expert estime alors qu'il existe également " une pathologie non traumatique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche " et, de manière plus générale, " une pathologie microcristalline (...) indépendante de l'arthropathie acromio-claviculaire post-traumatique ". Pour l'expert, cette pathologie microcristalline est de nature bilatérale. L'expert conclut que si l'infirmité invoquée entraîne un taux global d'invalidité de 10%, il n'y a pas d'aggravation significative de la pathologie acromio-claviculaire séquellaire de l'épaule gauche, seule pathologie liée à l'accident de service. Cette analyse a été suivie par le médecin du ministère des armées en charge des pensions militaires d'invalidité le 22 août 2018 et par la commission de réforme le 18 décembre 2018, qui retiennent un taux d'invalidité globale de 10%, mais qui estiment que ce taux résulte en partie d'une pathologie microcristalline bilatérale non imputable à l'accident du 2 septembre 1993. 7. Pour contester cette appréciation, M. A... se prévaut d'un courrier du 5 août 2015 de son chirurgien orthopédique qui semble affirmer que la pathologie liée à l'épaule gauche serait en lien avec l'ancien accident de service. Toutefois, ce courrier, rédigé en des termes allusifs et non affirmatifs, ne permet pas de remettre en cause les constatations réalisées par l'expertise du 21 février 2018. En outre, M. A... n'apporte aucun élément médical de nature à remettre en cause le diagnostic de l'existence d'une pathologie microcristalline, non imputable au service. Par suite, M. A... n'établit pas que sa luxation acromio-claviculaire gauche de stade entraînerait, à elle seule et sans prise en compte de la pathologie microcristalline, un taux d'invalidité de 10 %. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise qui revêtirait en l'espèce un caractère frustratoire, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC01025
CETATEXT000048457801
J5_L_2023_11_00021NC01046
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/45/78/CETATEXT000048457801.xml
Texte
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC01046, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de NANCY
21NC01046
4ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme SAMSON-DYE
PLACIDI
Mme Aline SAMSON-DYE
M. MICHEL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et Me Catherine Matarin ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire de Strasbourg a rejeté les recours gracieux qu'ils avaient formés, les 20 et 21 février 2018, contre son arrêté du 22 décembre 2017, en tant qu'il exclut la profession d'avocat du bénéfice du forfait de stationnement journalier " professions mobiles ". Par un jugement n° 1803765 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ainsi que les conclusions de la commune de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 avril 2021, Me Catherine Matarin et l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg, représentés par Me Placidi, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'enjoindre au maire de la commune de Strasbourg de réexaminer leurs demandes dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Strasbourg une somme d'un euro symbolique, à verser à Me Matarin, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - leur appel n'est pas tardif ; - en excluant la profession d'avocat du bénéfice du tarif applicable aux professionnels mobiles, la commune de Strasbourg a institué une différence de traitement qui n'est pas justifiée et a ainsi méconnu le principe d'égalité ; c'est à tort qu'il a été tenu compte du code NAF ; il n'y a pas lieu de tenir compte des notions de livraison, ou de proportion d'utilisation du véhicule, auxquelles le règlement litigieux ne se réfère pas ; - l'arrêté du 22 décembre 2017 porte atteinte au principe de participation des avocats au service public de la justice ainsi qu'à leur obligation de ponctualité. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2021, la commune de Strasbourg, représentée par Me Kern, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et de Me Matarin d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Samson-Dye, présidente-rapporteure, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Placidi, pour les requérants, et de Me Kern pour la commune de Strasbourg. Une note en délibéré, présentée pour Me Catherine Matarin et l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg, a été enregistrée le 14 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. L'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales prévoit que les collectivités qui décident d'instituer une redevance de stationnement sur leur territoire doivent déterminer, par délibération, un barème tarifaire de paiement immédiat de la redevance, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement est réglée par le conducteur du véhicule dès le début du stationnement, ainsi qu'un tarif de forfait post-stationnement, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement n'est pas réglée dès le début du stationnement ou est insuffisamment réglée. En application de ces dispositions, le conseil municipal de Strasbourg a d'abord fixé, par une délibération du 25 septembre 2017, les montants des redevances de stationnement sur la voirie à compter du 1er janvier 2018. Puis, par un arrêté du 22 décembre 2017, le maire de Strasbourg a modifié en conséquence le règlement général de la circulation qui avait été adopté le 30 avril 1996. Cet arrêté a notamment modifié les durées maximales de stationnement dans les trois zones, rouge, orange et verte, précédemment définies, et a augmenté le montant des redevances au-delà de deux heures en zones rouge et orange, et de trois heures en zone verte. Par ailleurs, l'arrêté du 22 décembre 2017 maintient une tarification spécifique du stationnement pour certaines catégories d'usagers des voies publiques. Outre les résidents qui peuvent bénéficier d'un forfait mensuel de 15 euros, l'arrêté prévoit une tarification spécifique pour les usagers professionnels ayant besoin d'utiliser la voie publique pour l'exercice de leur activité professionnelle. L'article 1.3 de l'arrêté prévoit ainsi un forfait journalier de 11 euros, quelle que soit la zone de stationnement, pour les artisans, les professionnels de la santé mobile et les " métiers de bouche " amenés à effectuer des livraisons. Le bénéfice de ce forfait a également pour effet de dispenser du respect des durées maximales de stationnement définies, pour chacune des zones, dans le cadre des règles applicables au stationnement rotatif pour les usagers soumis au régime général. Si les avocats bénéficiaient d'un forfait journalier avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 22 décembre 2017, tel n'est plus le cas. Dans ce contexte, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et Me Matarin ont chacun formé un recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 22 décembre 2017, en tant qu'il exclut les avocats de ce dispositif, par des courriers reçus respectivement les 20 et 21 février 2018. Du silence gardé par la commune de Strasbourg pendant plus de deux mois sont nées des décisions implicites de rejet. L'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et Me Matarin doivent être regardés comme ayant demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites rejetant leurs recours gracieux ainsi que l'arrêté du 22 décembre 2017, en tant qu'il ne fait pas bénéficier les avocats du forfait journalier. Ils relèvent appel du jugement par lequel ce tribunal a rejeté leur demande. Sur la légalité de l'arrêté litigieux : 2. En premier lieu, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté du 22 décembre 2017 porte une atteinte à leur obligation de ponctualité dès lors que cette obligation, qui est de nature déontologique, ne saurait être utilement invoquée à l'encontre d'une réglementation municipale relative au stationnement des véhicules. 3. En deuxième lieu, l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que " les avocats sont des auxiliaires de justice ". Son article 3 bis précise que " L'avocat peut librement se déplacer pour exercer ses fonctions ". L'arrêté en litige, qui porte réglementation générale de la circulation applicable sur le territoire de la commune de Strasbourg, n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher les avocats d'exercer leur activité professionnelle, qui n'est pas subordonnée à l'usage d'un véhicule. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de participation des avocats au service public de la justice ne peut qu'être écarté. 4. En troisième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit. A cet égard, la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure. Dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement ainsi instituée ne doit pas être manifestement disproportionnée au regard des circonstances ou des objectifs qui la motivent. 5. L'arrêté du 22 décembre 2017 a entendu, au regard de la pression constatée dans certains secteurs de la commune de Strasbourg en terme de stationnement, permettre une meilleure rotation des véhicules, afin d'améliorer les conditions de stationnement des résidents, des visiteurs et des clients, de soutenir le commerce de proximité et de développer l'attractivité de la ville. Il indique également que le montant des redevances de stationnement sur voirie a été fixé en vue de favoriser la fluidité de la circulation, et d'aboutir à un report modal vers des déplacements plus respectueux de l'environnement. Cet arrêté a accordé le bénéfice du forfait journalier à certaines catégories d'usagers professionnels désignés comme " professionnels mobiles ". L'article 3 de l'arrêté en litige énumère la liste des activités éligibles à cette tarification préférentielle, identifiées par leur code NAF et issues de trois grandes catégories de professions que sont les artisans, les professionnels de la santé mobiles et les " métiers de bouche " amenés à effectuer des livraisons. Les requérants font ainsi grief à l'arrêté d'exclure la profession d'avocat de cette liste d'activités, et critiquent plus spécifiquement la différence de traitement entre cette profession et les médecins. D'une part, il n'est pas sérieusement contesté que l'exercice de la profession d'avocat ne nécessite ni de procéder à l'approvisionnement de commerces ou de restaurants comme le font les " métiers de bouche ", ni de transporter du matériel lourd à proximité immédiate d'habitations ou de chantiers à l'instar des artisans. D'autre part, la nature de l'activité exercée par les médecins, ainsi que par les autres professionnels de santé visés par cet arrêté, tenant en particulier à la délivrance de soins au domicile des patients, ou à la nécessité de se déplacer pour pratiquer des soins ou des interventions médicales en d'autres lieux que leur cabinet, parfois en urgence, justifie que ces professionnels de santé bénéficient d'un traitement spécifique, et en particulier d'un traitement plus favorable que les avocats. Il ne résulte pas de l'instruction que la différence de traitement ainsi instituée serait manifestement disproportionnée au regard des circonstances et des objectifs motivant la mesure litigieuse. Le fait que la condition de mobilité n'aurait pas été suffisamment précisée, et que les professionnels bénéficiaires de ce régime favorable soient seulement identifiés par leur code NAF, indépendamment de leur mobilité effective, pourrait être de nature à remettre en cause la légalité du bénéfice de la dérogation pour les professionnels de santé qui ne peuvent être regardés comme mobiles, mais ne saurait donner droit, par lui-même, aux avocats d'obtenir le bénéfice de cette dérogation. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit donc être écarté. 6. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande. Sur les frais d'instance : 7. La commune de Strasbourg n'ayant pas la qualité de partie perdante, les conclusions de des requérants dirigées à son encontre, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le défendeur, sur le même fondement. D E C I D E : Article 1er : La requête de l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et de Me Matarin est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg, à Me Catherine Matarin et à la commune de Strasbourg. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023 La présidente-rapporteure, Signé : A. Samson-Dye L'assesseure la plus ancienne, Signé : S. Roussaux La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC01046
CETATEXT000048457802
J5_L_2023_11_00021NC01345
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC01345, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de NANCY
21NC01345
4ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme SAMSON-DYE
LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & ASSOCIÉS
Mme Sophie ROUSSAUX
M. MICHEL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société civile de droit luxembourgeois Maisal SC a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 du préfet de la région Grand Est lui refusant l'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur le territoire des communes d'Hussigny-Godbrange, Villers la Montagne, Evrange et Hagen, ensemble la décision du 16 septembre 2019 par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a rejeté le recours hiérarchique qu'elle a présenté contre cet arrêté du 27 mai 2019. Par un jugement n° 1908525 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 7 mai 2021, la société Maisal SC, représentée par la SCP Lachaud Mandeville Coutadeur et associes- Drouot Avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1908525 du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 16 septembre 2019 du ministre chargé de l'agriculture rejetant le recours hiérarchique qu'elle a présenté contre l'arrêté du 27 mai 2019 par lequel le préfet de la région Grand Est lui a refusé l'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur le territoire des communes d'Hussigny-Godbrange, Villers la Montagne, Evrange et Hagen ; 3°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 du préfet de la région Grand Est ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier car les premiers juges ont omis de répondre au moyen selon lequel le préfet de la région Grand Est a outrepassé ses compétences en délivrant un rescrit en dehors de toute demande formulée au visa des dispositions de l'article L. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime ; - le signataire du refus d'autorisation était incompétent pour le signer ; - le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 331-2 et R. 331-2 du code rural et de la pêche maritime car son projet n'avait pas à être soumis à la réglementation relative au contrôle des structures ; - c'est à tort que le préfet a examiné sa demande par rapport aux autres demandes concurrentes ; - le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime car les candidats concurrents pour exploiter la parcelle n'ont pas justifié avoir informé par écrit le propriétaire de la parcelle de leur candidature et n'ont pas déposé de dossiers complets ; - le préfet a méconnu l'article L. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime car, en dehors de toute demande de la part des autres candidats concurrents, il leur a notifié spontanément un rescrit ; - l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation, d'une violation de la loi et a méconnu le principe d'égalité, dès lors que le préfet a produit un rescrit pour MM. Longo, Hornick et Dolhain, non soumis à autorisation d'exploiter tandis qu'il ne s'est pas prononcé sur la demande concurrente de M. A.... Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête d'appel de la société Maisal SC. Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime; - le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Monnier, substituant Me Soyer, représentant la société Maisal SC. Considérant ce qui suit : 1. Le 27 juillet 2018, le préfet de la région Grand Est a demandé à la société Maisal SC, société civile de droit luxembourgeois, de présenter un dossier de demande d'autorisation d'exploiter les terres agricoles situées à Hagen et à Villers-la-Montagne, d'une surface totale de 89 ha 39 a. Le 27 août 2018, la société Maisal SC a répondu qu'elle n'était pas soumise au contrôle des structures, et le préfet lui a demandé, le 22 octobre 2018, d'en justifier. C'est dans ces conditions que la société Maisal SC a déposé, le 30 novembre 2018, un dossier de demande d'autorisation d'exploiter, réputé complet le 27 décembre 2018, pour une surface de 111 ha 5 a et 23 ca sur le territoire des communes de Hussigny-Godbrange, Villers-la-Montagne, Evrange et Hagen. Après examen le 25 avril 2019 par la commission départementale d'orientation agricole, le préfet de la région Grand Est a, par arrêté du 27 mai 2019, refusé de faire droit à la demande de la société Maisal SC, qui a contesté ce refus par un recours hiérarchique du 24 juillet 2019. Le ministre de l'agriculture a rejeté ce recours hiérarchique le 19 septembre 2019. La société Maisal SC relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. A l'appui de sa demande, la requérante soutenait en première instance que le préfet de la région Grand Est avait outrepassé ses compétences en délivrant un rescrit aux candidats concurrents en dehors de toute demande formulée au visa des dispositions de l'article L. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime. Le tribunal de Strasbourg n'a pas visé ce moyen qui n'était pas inopérant et n'y a pas répondu. Par suite, le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Maisal SC devant le tribunal administratif de Strasbourg. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 38 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de région peut donner délégation de signature notamment en matière d'ordonnancement secondaire : 1° En toutes matières, et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs de services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans la région, au secrétaire général pour les affaires régionales et, en cas d'empêchement de celui-ci, aux agents de catégorie A placés sous son autorité ;( ...) ;4° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs ou responsables des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans la région. Ces chefs ou responsables de service peuvent recevoir délégation afin de signer les lettres d'observation valant recours gracieux adressées aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics. Ces chefs ou responsables de service, ainsi que l'adjoint auprès du directeur régional des finances publiques mentionné au 7°, peuvent donner délégation pour signer les actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation aux agents placés sous leur autorité. Le préfet de région peut, par arrêté, mettre fin à tout ou partie de cette délégation. Il peut également fixer, par arrêté, la liste des compétences qu'il souhaite exclure de la délégation que peuvent consentir les chefs ou responsables de service, et l'adjoint auprès du directeur régional des finances publiques, aux agents placés sous leur autorité ; (...) ". D'autre part, il résulte de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime que les décisions relatives aux autorisations d'exploiter sont prises par le préfet de région. 5. Par un arrêté du 6 février 2018, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région Grand Est du 16 février 2018, le préfet de la région Grand Est a donné délégation de signature à M. B..., directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, à effet de signer l'ensemble des actes, décisions et correspondances relatif au contrôle des structures. Par un arrêté du 30 janvier 2019, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région Grand Est le 4 février 2019, M. B... a donné délégation à Mme C..., pour signer l'ensemble des actes, décisions et correspondances en matière d'économie agricole et agroalimentaire, et dans la limite des attributions de son pôle, à l'exception de certaines décisions individuelles au nombre desquelles ne figurent pas la décision contestée, une telle subdélégation ayant été expressément autorisée par les dispositions citées au point précédent. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait limité la portée de la subdélégation que le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt était habilité à consentir, malgré la possibilité que lui en donnait le 4° de l'article 38 du décret du 29 avril 2014 précité. Il résulte de ce qui précède que Mme C... était régulièrement habilitée, par l'effet de la subdélégation du 30 janvier 2019, à signer la décision du 27 mai 2019. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-2 du même code : " I. Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole: a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle fixées par voie réglementaire ; b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant ; c) Lorsque l'exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive, au sens de l'article L. 330-2 ; ( ...) II.-Les opérations soumises à autorisation en application du I sont, par dérogation à ce même I, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies : (...) ". Aux termes de l'article R. 331-2 du même code : " I. - Satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° du I de l'article L. 331-2 le candidat à l'installation, à l'agrandissement ou à la réunion d'exploitations agricoles qui justifie, à la date de l'opération : / 1° Soit de la possession d'un des diplômes ou certificats requis pour l'octroi des aides à l'installation visées aux articles D. 343-4 et D. 343-4-1 ; / 2° Soit de cinq ans minimum d'expérience professionnelle acquise sur une surface égale au tiers de la surface agricole utile régionale moyenne, en qualité d'exploitant, d'aide familiale, d'associé exploitant, de salarié d'exploitation agricole ou de collaborateur d'exploitation au sens de l'article L. 321-5. La durée d'expérience professionnelle doit avoir été acquise au cours des quinze années précédant la date effective de l'opération en cause. (...) " 7. Pour prendre l'arrêté contesté du 27 mai 2019 refusant à la société requérante l'autorisation d'exploiter, le préfet de la région Grand Est, s'est fondé sur la circonstance que M. D..., gérant de la société Maisal SC, ne démontrait pas sa qualité de chef d'exploitation agricole telle que définie à l'article 1er du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), ni la possession de la capacité professionnelle agricole. 8. Il ressort des pièces du dossier que la société requérante a produit uniquement une copie d'une affiliation du centre commun de sécurité sociale du Luxembourg selon laquelle M. D... serait indépendant agricole (à titre principal) chef d'exploitation depuis le 1er janvier 2019. En se bornant à produire ce seul document et alors qu'il ressort du dossier de demande d'autorisation d'exploiter déposé par la société elle-même que celle-ci n'a déclaré aucun de ses membres comme associé exploitant, la société requérante ne démontre pas, par ce seul élément versé au dossier, que l'un de ses membres avait la qualité d'exploitant au sens du SDREA, étant précisé que l'appréciation de cette qualité en tenant compte des dispositions du SDREA ne fait pas l'objet d'une contestation par la société requérante. Pour ce seul motif, le préfet était fondé à considérer que la société était soumise au régime du contrôle des structures, alors que la requérante ne démontre pas que sa situation lui permettait de déroger au régime d'autorisation au titre du II de l'article L. 331-2. Dans ces conditions, la requérante ne démontre pas que le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 331-2 et R. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, ou qu'il aurait entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard de ces dispositions. 9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet, saisi d'une demande d'autorisation d'exploiter, est tenu de rejeter cette demande lorsqu'un autre agriculteur, prioritaire au regard des dispositions du schéma directeur régional des exploitations agricoles, soit a également présenté une demande d'autorisation portant sur les mêmes terres, soit, si l'opération qu'il envisage n'est pas soumise à autorisation, a informé la commission départementale des structures agricoles et l'administration de son souhait de les exploiter en établissant la réalité et le sérieux de son projet. Il appartient dès lors au préfet, saisi d'une demande d'autorisation alors qu'un autre agriculteur a informé la commission départementale des structures agricoles et l'administration de son souhait d'exploiter les terres faisant l'objet de cette demande et établi le sérieux de son projet, de vérifier si cet autre agriculteur est prioritaire au regard des dispositions du schéma directeur régional des exploitations agricoles. 10. Alors que le préfet de la région Grand Est a été informé des projets de MM. Longo, Dolhain, et Hornick entrant en concurrence avec la demande d'autorisation formée par la société Maisal SC, il devait prendre en considération l'ensemble des projets avant d'accorder ou de refuser l'autorisation sollicitée. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet a examiné sa demande par rapport aux autres demandes concurrentes. 11. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime : " La demande de l'autorisation mentionnée au I de l'article L. 331-2 est établie selon le modèle défini par le ministre de l'agriculture et accompagnée des éléments justificatifs dont la liste est annexée à ce modèle. Si la demande porte sur des biens n'appartenant pas au demandeur, celui-ci doit justifier avoir informé par écrit de sa candidature le propriétaire. Le dossier de demande d'autorisation est adressé par envoi recommandé avec accusé de réception au préfet de la région où se trouve le fonds dont l'exploitation est envisagée, ou déposé auprès du service chargé d'instruire, sous l'autorité du préfet, les demandes d'autorisation. (...) ". 12. Ces dispositions, qui fixent les règles applicables à la présentation et à l'instruction des demandes d'autorisation d'exploiter, ne sont pas applicables dans le cas où l'administration estime que la demande dont elle se trouve saisie n'entre pas dans le champ d'application du régime d'autorisation, tel qu'il est défini par l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime. Alors que la requérante ne soutient, ni n'établit, que les projets des candidats concurrents auraient relevé du régime de l'autorisation, elle n'est pas fondée à faire valoir que leurs dossiers, qui ne comportaient pas la lettre d'information au propriétaire des parcelles telle que prévue par l'article précité, étaient incomplets. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R.331-4 précité doit être écarté, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir du principe d'égalité pour soutenir que toutes les candidatures devaient comporter les mêmes pièces. 13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 331-4-1 du même code : " Toute personne envisageant une opération susceptible d'entraîner la modification de la structure d'une exploitation agricole peut demander, préalablement à cette opération, à l'autorité administrative compétente de lui indiquer si l'opération projetée relève de l'un des régimes, d'autorisation ou de déclaration préalable, prévus, respectivement, au I et au II de l'article L. 331-2, ou bien si elle peut être mise en œuvre librement. L'autorité administrative prend formellement position sur cette demande dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. La réponse de l'administration est simultanément notifiée au demandeur et, le cas échéant, au preneur en place. Elle est, en outre, rendue publique lorsqu'elle écarte la procédure de l'autorisation. " 14. La circonstance que le préfet ait notifié spontanément un rescrit aux candidats concurrents alors que ceux-ci n'avaient pas formulé une telle demande conformément à l'article L. 331-4-1 précité est sans incidence sur le fait que le dossier de la requérante devait être apprécié comparativement avec ceux de ces derniers, compte tenu de ce qui a été indiqué au point 9. 15. En sixième lieu, si la requérante allègue que le préfet aurait méconnu le principe d'égalité de traitement, il ressort des pièces du dossier que M. A..., dont la demande relevait du régime de l'autorisation selon les allégations non sérieusement démenties du ministre, était dans une situation différente de celles MM. Longo, Hornick et Dolhain, qui n'en relevaient pas, de sorte que les règles qui leur étaient applicables étaient pour partie différentes et qu'il ne saurait être reproché à l'administration de ne pas avoir adressé de rescrit à M. A..., le rescrit adressé aux autres concurrents ayant porté sur l'absence de soumission au régime de l'autorisation. 16. En septième et dernier lieu, une éventuelle erreur dans l'appréciation du sérieux du projet de M. A... serait, par elle-même, sans incidence sur la légalité du refus opposé à la société Maisal SC, alors que les demandes des autres candidats sont d'un rang de priorité supérieur au sien et que la société requérante ne conteste pas l'ordre des priorités retenu par le préfet dans l'arrêté litigieux. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que cet arrêté est entaché d'erreur d'appréciation et d'une violation de la loi, en l'absence de demandes concurrentes valables. 17. Il résulte de ce qui précède que la société Maisal SC n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 mai 2019 ou de la décision du ministre de l'agriculture du 16 septembre 2019 rejetant son recours hiérarchique. Ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1908525 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé. Article 2 : La demande présentée par la société Maisal SC devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Maisal SC et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie en sera adressée à la préfète de la région Grand Est. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC01345