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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 832 F-P+B+I Pourvoi n° S 19-23.160 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020 Mme N... W..., domiciliée [...], 78290 Croissy-sur-Seine, a formé le pourvoi n° S 19-23.160 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2019 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant à l'association ASL des résidents de la Belle Issue, dont le siège est 12 allée de la Belle Issue, 78290 Croissy-sur-Seine, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de Mme W..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'association ASL des résidents de la Belle Issue, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 juin 2019), la société [...] , propriétaires de parcelles contiguës, ont entrepris la réalisation d'un lotissement composé de douze lots, suivant autorisation donnée par arrêté préfectoral du 26 février 1981. Par acte notarié dressé le 25 septembre 1981 et publié le 23 décembre suivant, ils ont procédé à un échange de parcelles afin de constituer des lots réguliers et établi un état descriptif mentionnant les terrains qu'ils s'engageaient à céder à titre gratuit à la future association syndicale libre (l'ASL), constituée en 1985, pour accueillir une nouvelle voie de desserte sur les parcelles [...] et [...], ainsi qu'une aire de jeux sur la parcelle [...] , moyennant le versement d'une indemnité de 200 000 francs par la société Le Village à V... W..., propriétaire de la majeure partie des terrains concernés. 2. Le 27 novembre 2015, l'ASL a assigné Mme W... en régularisation forcée de la cession, à son profit, des parcelles cadastrées [...] et [...], à laquelle V... W..., décédé depuis, s'était engagé. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Mme W... fait grief à l'arrêt de déclarer l'action de L'ASL recevable, alors : « 1°/ que l'action engagée par celui qui se prévaut d'une stipulation pour autrui est une action personnelle soumise, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à la prescription de droit commun de cinq ans ; qu'en l'espèce, il est constant que l'ASL a assigné Mme N... W..., le 27 novembre 2015, aux fins qu'il soit dit que l'acte notarié d'échange du 25 septembre 1981, comportait une stipulation pour autrui en sa faveur, cet acte prévoyant que les parcelles litigieuses seraient cédées gratuitement par M. W... à l'association syndicale ; qu'il s'ensuit qu'en considérant que l'action introduite par l'ASL tendait à faire constater son droit de propriété sur les parcelles litigieuses et présentait donc un caractère imprescriptible, tout en retenant que l'acte notarié du 25 septembre 1981 comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'association syndicale lui ayant conféré « un droit direct envers Mme W... de nature à lui permettre de revendiquer la propriété des parcelles litigieuses », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il résulte que l'action était de nature personnelle et non réelle et a, par conséquent, violé l'article 1121 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les article 2224 et 2227 du code civil ; 2°/ que la revendication est l'action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui le détient, la restitution d'un bien ; qu'en considérant que l'action engagée par l'ASL, qui comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'association syndicale lui ayant conféré « un droit direct envers Mme W... » était une action en revendication immobilière imprescriptible, quand l'ASL ne réclamait pas la restitution d'un bien, la cour d'appel a violé l'article 2227 du code civil. » Réponse de la Cour 4. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'action en régularisation forcée de la cession engagée par l'ASL tendait à faire reconnaître le droit de propriété qui avait été cédé à celle-ci par l'effet de la stipulation pour autrui consentie dans l'acte d'échange. 5. Elle en a exactement déduit que cette action en revendication, imprescriptible, était recevable. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 7. Mme W... fait grief à l'arrêt d'ordonner la réalisation forcée de la cession, alors : « 1°/ que l'acte notarié du 25 septembre 1981, qui porte sur un échange de terrains entre les deux co-lotisseurs, la SCI Le Village et M. W..., comporte une clause intitulée « indemnité au profit de M. W... pour la partie de terrain qui sera cédée par lui gratuitement à l'association syndicale ci-après dénommée », selon laquelle « la majeure partie du sol de la Voie nouvelle (soit 1036m² sur 1090 m²) et la totalité de l'aire de jeux (606,40 m²) se trouvent en totalité sur le terrain appartenant à M. W... il est versé par la SCI Le Village audit M. W... à titre d'indemnité la somme de 200 000 francs », et une clause relative à l'état descriptif de division, qui indique aussi « que les lots 7 à 12 appartiennent à Mr W... et que la Voie Nouvelle et l'aire de jeu qui appartiennent à Mr W... seront cédées par lui gratuitement à l'Association syndicale » ; que cet acte qui se borne à faire état d'une cession future ne transfère pas la propriété des parcelles litigieuses à l'association syndicale, un tel transfert étant au demeurant impossible, l'association syndicale n'étant pas constituée à la date du 25 septembre 1981 ; qu'en considérant pourtant, pour retenir qu'il y avait lieu de faire injonction à Mme N... W... de se présenter devant le notaire désigné par le Président de la chambre départementale des notaires des Yvelines aux fins de régulariser l'acte de cession des parcelles litigieuses et qu'à défaut d'exécution son arrêt vaudrait vente, que l'acte notarié du 25 septembre 1981 comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'ASL, lui ayant conféré un droit direct envers Mme N... W... venant aux droits de M. W..., « de nature à lui permettre de revendiquer la propriété des parcelles litigieuses », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ainsi que l'article 1589 du code civil ; 2°/ que le juge à l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, l'acte notarié du 25 septembre 1981, qui porte sur un échange de terrains entre les deux colotisseurs, la SCI Le Village et M. W..., se bornait à prévoir que la SCI Le Village versera une « indemnité au profit de M. W... pour la partie de terrain qui sera cédée par lui gratuitement à l'association syndicale » ; qu'en considérant pourtant, qu'il y avait lieu de faire injonction à Mme N... W... de se présenter devant le notaire désigné par le Président de la chambre départementale des notaires des Yvelines aux fins de régulariser l'acte de cession des parcelles litigieuses et qu'à défaut d'exécution son arrêt vaudrait vente, quand l'acte notarié ne faisait nulle mention d'une vente, mais d'une cession gratuite à intervenir des parcelles litigieuses au profit de l'association syndicale, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes de l'acte notarié du 25 septembre 1981, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe susvisé. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel a souverainement retenu, sans dénaturation malgré l'usage impropre du terme de " vente ", que l'engagement de céder à titre gratuit les parcelles litigieuses à la future ASL, prévu dans l'acte d'échange du 25 septembre 1981 pour permettre la réalisation du lotissement, constituait une stipulation pour autrui dont cette dernière était le bénéficiaire identifiable. 9. Elle a pu en déduire qu'une fois constituée, l'ASL s'était vu immédiatement conférer la propriété de ces parcelles, avant même la régularisation de la cession par acte authentique. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme W... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme W... et la condamne à payer à l'association ASL des résidents de la Belle Issue la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour Mme W... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action de l'Association Syndicale Libre des Résidents de l'Allée de la Belle Issue non prescrite ; AUX MOTIFS QU'il est de principe constant que le droit de propriété ne s'éteignant pas par le non usage, l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription. L'action introduite par l'ASL tend à faire constater son droit de propriété sur les parcelles litigieuses et présente donc un caractère imprescriptible, son exercice n'étant pas enfermé dans le délai de prescription extinctive trentenaire. Il y a lieu en conséquence de dire que l'action de l'ASL n'est pas prescrite (arrêt p. 6) ; 1) ALORS QUE, l'action engagée par celui qui se prévaut d'une stipulation pour autrui est une action personnelle soumise, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à la prescription de droit commun de cinq ans ; qu'en l'espèce, il est constant que l'ASL a assigné Mme N... W..., le 27 novembre 2015, aux fins qu'il soit dit que l'acte notarié d'échange du 25 septembre 1981, comportait une stipulation pour autrui en sa faveur, cet acte prévoyant que les parcelles litigieuses seraient cédées gratuitement par M. W... à l'association syndicale ; qu'il s'ensuit qu'en considérant que l'action introduite par l'ASL tendait à faire constater son droit de propriété sur les parcelles litigieuses et présentait donc un caractère imprescriptible, tout en retenant que l'acte notarié du 25 septembre 1981 comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'association syndicale lui ayant conféré « un droit direct envers Mme W... » « de nature à lui permettre de revendiquer la propriété des parcelles litigieuses », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il résulte que l'action était de nature personnelle et non réelle et a, par conséquent, violé l'article 1121 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les article 2224 et 2227 du code civil ; 2) ALORS QU'en tout état de cause la revendication est l'action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui le détient, la restitution d'un bien ; qu'en considérant que l'action engagée par l'ASL, qui comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'association syndicale lui ayant conféré « un droit direct envers Mme W... » était une action en revendication immobilière imprescriptible, quand l'ASL ne réclamait pas la restitution d'un bien, la cour d'appel a violé l'article 2227 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fait injonction à Mme N... W... de se présenter devant le notaire désigné par le Président de la chambre départementale des notaires des Yvelines aux fins de régulariser l'acte de cession des parcelles cadastrées section [...] pour 1037 mètres carrés et section [...] pour 606,40 mètres carrés, sises [...] à 78290 Croissy Sur Seine, au profit de l'Association Syndicale Libre des Résidents de l'Allée de la Belle Issue dans les conditions prévues à l'acte notarié d'échange en date du 25 septembre 1981 déposé au rang des minutes de l'étude de Maître W..., notaire, dit qu'à défaut d'exécution, après sommation, de l'injonction sus visée dans les trois mois suivant cette sommation, le présent arrêt vaudra vente et sera publié au service des hypothèques compétent à la diligence de l'Association Syndicale Libre des Résidents de l'Allée de la Belle Issue, et dit que les services du cadastre compétents procéderont à la rectification du plan cadastral de la commune de Croissy Sur Seine afin que la parcelle cadastrée [...] soit située ... ; AUX MOTIFS QUE l'acte d'échange du 25 septembre 1981 conclu entre la SCI Le Village et M. W..., mentionne : "pour permettre l'établissement de l'état descriptif de division ci-après, et afin de former des lots réguliers, appartenant à chaque lotisseur, il est fait entre les parties les échanges suivants.". L'acte dispose que M. W... cède à titre d'échange, en s'obligeant à toutes les garanties ordinaires et de droit en pareille matière, à la SCI le Village, ce qui est accepté par elle, les parties de terrains d'un contenant total de six cent vingt deux mètres carrés quarante centièmes cadastrés : section [...] , [...] , [...] , [...] , [...] . En contre-échange, M. T..., gérant de la SCI Le Village, cède en obligeant la société qu'il représente, à toutes les garanties ordinaires et de droit en pareille matière, à M. W... qui accepte : les parcelles cadastrées section [...] , [...] . L'acte ajoute que "les échangistes seront propriétaires des terrains présentement échangés à compter de ce jour, et ils auront la jouissance à compter également de ce jour, par la prise de possession réelle et effective, lesdits biens étant libres de toutes locations occupations, ou réquisitions." L'acte d'échange du 25 septembre 1981 prévoit au paragraphe consacré à l'évaluation des terrains échangés que le présent échange a lieu sans soulte. Il est ensuite mentionné : "indemnité au profit de M. W... pour la partie de terrain qui sera cédée par lui gratuitement à l'association syndicale ci-après dénommée. Attendu que la majeure partie du sol de la voie nouvelle (soit 1036m² sur 1090 m²) et la totalité de l'aire de jeux (606,40 m²) se trouvent en totalité sur le terrain appartenant à M. W... il est versé par la SCI Le Village audit M. W... à titre d'indemnité la somme de 200 000 francs" "ladite somme ainsi payée, dès avant ce jour et directement". L'état descriptif de division révèle que les lots 7 à 12 appartiennent à M. W... et que la voie nouvelle (section [...] ) et l'aire de jeux (section [...] ) qui appartiennent à M. W... seront cédées par ce dernier à l'association syndicale. L'acte notarié du 25 septembre 1981 mentionne au chapitre intitulé "Etat descriptif de division" : "les comparants établissent ainsi qu'il suit la désignation des douze lots de la Voie Nouvelle, de l'aire de jeux et des emprises concernant le présent lotissement. Pour plus de facilité il est ici précisé que les lots 1 à 6 appartiennent à la SCI Le Village, que les lots 7 à 12 appartiennent à M. W... et que la voie nouvelle et l'aire de jeux qui appartiennent à M. W... seront cédés par ce dernier à l'Association syndicale". Ainsi l'état descriptif de division du lotissement intègre dans son périmètre les parcelles litigieuses. Ce transfert de ces parcelles à l'ASL faisait partie intégrante du projet de lotissement puisqu'il figurait déjà dans le document intitulé "profil de la Voie Nouvelle", qui vise expressément les parcelles [...] et [...] comme étant des parties cédées à l'association syndicale. Le cahier des charges annexé à l'acte du 25 septembre 1981 (pièce n° 3 de l'appelante) et établi par les deux co-lotisseurs que sont la SCI le Village et M. W... indique en son article 2 qu'il y a lieu d'ajouter à la surface totale celle de la voie nouvelle et celle de l'aire de jeux. Il en va de même du règlement régissant le lotissement, également annexé à la minute de l'acte notarié et établi par les deux co-lotisseurs (pièce 4 de l'appelante) qui intègre ces mêmes surfaces et qui précise que la surface de l'aire de jeux sera utilisée par les propriétaires riverains de la voie et ne sera en aucun cas cessible. Ainsi que le souligne l'appelante, l'économie générale du projet de lotissement qu'avaient en commun la SCI Le Village et M. W... intégrait nécessairement la cession des parcelles litigieuses qui appartenaient à ce dernier. En sa qualité de co-lotisseur, la SCI Le Village avait au demeurant un intérêt certain à ce que ces parcelles intègrent le périmètre du lotissement afin de le rendre plus attractif pour les acquéreurs potentiels de lots. C'est à cette fin que la SCI Le Village, stipulant pour autrui, a obtenu de M. W... l'engagement de céder à l'ASL gratuitement les dites parcelles, en contrepartie duquel elle lui a versé immédiatement la somme de 200 000 francs, étant observé qu'il n'est soumis à la cour aucune autre explication plausible à ce versement. Le fait que l'ASL n'ait pas eu d'existence lors de cette stipulation pour autrui est sans incidence sur la validité de celle-ci dès lors que l'ASL était aisément identifiable. Cette stipulation au bénéfice de l'ASL lui a conféré un droit direct envers Mme W... venant aux droits de M. W... de nature à lui permettre de revendiquer la propriété des parcelles litigieuses. Il y a lieu en conséquence d'accueillir la demande formée par l'ASL et de faire injonction à Mme W... de régulariser l'acte de cession des parcelles [...] et [...] selon les modalités qui seront précisées au dispositif du présent arrêt, avec les conséquences de droits qui s'y rattachent. A défaut d'exécution, après sommation, de cette injonction, le présent arrêt vaudra vente et sera publié au service de publicité foncière compétent à la diligence de l'ASL. Le prononcé d'une astreinte ne s'avère pas opportun. Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions (arrêt p. 7 à 9) ; 1) ALORS QUE l'acte notarié du 25 septembre 1981, qui porte sur un échange de terrains entre les deux co-lotisseurs, la SCI Le Village et M. W..., comporte une clause intitulée « indemnité au profit de M. W... pour la partie de terrain qui sera cédée par lui gratuitement à l'association syndicale ci-après dénommée », selon laquelle « la majeure partie du sol de la Voie nouvelle (soit 1036m² sur 1090 m²) et la totalité de l'aire de jeux (606,40 m²) se trouvent en totalité sur le terrain appartenant à M. W... il est versé par la SCI Le Village audit M. W... à titre d'indemnité la somme de 200 000 francs », et une clause relative à l'état descriptif de division, qui indique aussi « que les lots 7 à 12 appartiennent à Mr W... et que la Voie Nouvelle et l'aire de jeu qui appartiennent à Mr W... seront cédées par lui gratuitement à l'Association syndicale » ; que cet acte qui se borne à faire état d'une cession future ne transfère pas la propriété des parcelles litigieuses à l'association syndicale, un tel transfert étant au demeurant impossible, l'association syndicale n'étant pas constituée à la date du 25 septembre 1981 ; qu'en considérant pourtant, pour retenir qu'il y avait lieu de faire injonction à Mme N... W... de se présenter devant le notaire désigné par le Président de la chambre départementale des notaires des Yvelines aux fins de régulariser l'acte de cession des parcelles litigieuses et qu'à défaut d'exécution son arrêt vaudrait vente, que l'acte notarié du 25 septembre 1981 comportait une stipulation pour autrui au bénéfice de l'ASL, lui ayant conféré un droit direct envers Mme N... W... venant aux droits de M. W..., « de nature à lui permettre de revendiquer la propriété des parcelles litigieuses », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ainsi que l'article 1589 du code civil ; 2) ALORS QU'en outre, le juge à l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, l'acte notarié du 25 septembre 1981, qui porte sur un échange de terrains entre les deux co-lotisseurs, la SCI Le Village et M. W..., se bornait à prévoir que la SCI Le Village versera une « indemnité au profit de M. W... pour la partie de terrain qui sera cédée par lui gratuitement à l'association syndicale » ; qu'en considérant pourtant, qu'il y avait lieu de faire injonction à Mme N... W... de se présenter devant le notaire désigné par le Président de la chambre départementale des notaires des Yvelines aux fins de régulariser l'acte de cession des parcelles litigieuses et qu'à défaut d'exécution son arrêt vaudrait vente, quand l'acte notarié ne faisait nulle mention d'une vente, mais d'une cession gratuite à intervenir des parcelles litigieuses au profit de l'association syndicale, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes de l'acte notarié du 25 septembre 1981, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe susvisé.
L'action en régularisation forcée d'un engagement de cession de parcelles à une association syndicale libre, qui tend à faire reconnaître le droit de propriété cédé à elle par l'effet d'une stipulation pour autrui, est une action en revendication imprescriptible. Par la stipulation pour autrui consentie à son bénéfice, l'association syndicale libre s'est vu, une fois constituée, immédiatement conférer la propriété des parcelles objet de la stipulation, avant même la régularisation de la cession par acte authentique
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CIV. 3 CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 838 FS-P+B+I Pourvoi n° Q 19-18.213 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020 La société Dim froid, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-18.213 contre l'arrêt rendu le 23 avril 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à la société Aza, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Dim froid, de la SCP Richard, avocat de la société Aza, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, David, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 avril 2019), la société Aza a acquis un bâtiment afin de l'aménager en hôtel, puis a fait procéder à sa rénovation et réhabilitation complètes. 2. La société Dim froid, chargée de la conception et de l'installation de la climatisation, a établi un devis, qui a été accepté. 3. La société Dim froid a procédé à la réalisation des travaux et à la mise en service d'une pompe à chaleur réversible. 4. La société Aza a réglé toutes les factures émises par la société Dim froid et n'a pas souscrit de contrat d'entretien. 5. L'hôtel a ouvert le 5 septembre 2005 et la climatisation est tombée en panne en décembre 2009. 6. La société Aza a fait appel à la société EG réfrigération, laquelle a diagnostiqué une défaillance du compresseur et en a préconisé le remplacement. 7. La société Aza a fait procéder au changement du compresseur et fait installer des radiateurs électriques. 8. En juin 2011, l'installation faisant disjoncter les protections électriques, la société Aza a de nouveau fait appel à la société EG réfrigération, laquelle qui a diagnostiqué une nouvelle panne de compresseur. 9. La société Aza a pris conseil auprès d'un autre professionnel, la société Anquetil, laquelle, après s'être rendue sur les lieux, a confirmé le premier diagnostic, réalisé un devis et procédé à la réparation. 10. La société Anquetil a installé un système de filtration afin d'épurer le liquide frigorigène de pollution d'huile et autres matériaux en suspension et est intervenue à quatre reprises pour changer les cartouches filtrantes. 11. La société Aza a, après expertise, assigné la société Dim froid en indemnisation de ses préjudices. Examen du moyen Enoncé du moyen 12. La société Dim froid fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en garantie décennale formée par la société Aza et de la condamner à lui payer les sommes de 27 882,85 euros au titre du préjudice matériel et 8 000 euros au titre de la perte d'image, alors : « 1°/ que la garantie décennale des constructeurs suppose la construction d'un ouvrage ; que tel n'est pas le cas des travaux d'installation d'un système de climatisation, lesquels ne constituent pas des travaux de construction d'un ouvrage ; qu'en retenant, pour dire que les travaux réalisés par la société Dim froid constituaient un ouvrage relevant de la garantie décennale des constructeurs, que le litige portait sur une opération de construction puisque les parties avaient conclu un contrat de fourniture et de pose d'une installation de chauffage, à savoir la fourniture et la mise en place de toute l'installation de climatisation de l'hôtel avec la pose de compresseurs, climatiseurs, gaines et canalisations d'air dans et à travers les murs du bâtiment, sans faire ainsi ressortir que les travaux réalisés étaient assimilables à des travaux de construction d'un ouvrage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792 du code civil ; 2°/ que la réception tacite est caractérisée lorsque le maître d'ouvrage manifeste sans équivoque sa volonté de recevoir l'ouvrage ; qu'en considérant ensuite, pour dire que la réception tacite était intervenue le 26 mai 2006, que l'installation litigieuse avait été mise en fonctionnement à compter du mois de septembre 2005 et que le paiement intégral du solde des travaux était intervenu à cette date du 26 mai 2006, sans ainsi faire ressortir la volonté non équivoque de la société Aza de recevoir les travaux à ladite date du 26 mai 2006, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792-6 du code civil ; 3°/ que la présomption de réception tacite résultant du paiement de la totalité des travaux et de la prise de possession permet de fixer la date de la réception au moment de la prise de possession ; qu'au demeurant, en déduisant une réception tacite au 26 mai 2006 de la prise de possession en septembre 2005, jointe au paiement intégral des travaux ce 26 mai 2006, quand il en résultait que la réception tacite était intervenue au mieux lors de la prise de possession en septembre 2005, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ; 4°/ que la réception tacite est caractérisée lorsque le maître d'ouvrage manifeste sans équivoque sa volonté de recevoir l'ouvrage ; qu'en toute hypothèse, en fixant de la sorte la date de réception tacite des travaux à celle du paiement par le maître de l'ouvrage du solde des travaux le 26 mai 2006, sans rechercher si la société Aza avait pu régler le solde à cette date uniquement en ce que la société Dim froid lui avait accordé des délais de paiement pour ne pas régler immédiatement la facture de solde émise du 29 novembre 2004, lesquels délais de paiement n'étaient pas en rapport avec une quelconque contestation de la qualité des travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792-6 du code civil ; 5°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Dim froid faisait valoir qu'elle ne devait, en tout état de cause, aucune garantie à raison de l'intervention de tiers sur l'installation après les travaux, à savoir les sociétés Eg réfrigération et Anquetil, qui avaient procédé à des changements et modifications sur les installations ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 13. En premier lieu, la cour d'appel, ayant constaté que les parties avaient conclu un contrat de fourniture et de pose d'une installation de chauffage incluant la fourniture et la mise en place de toute l'installation de climatisation de l'hôtel avec pose des compresseurs, climatiseurs, gaines et canalisation d'air dans et à travers les murs du bâtiment, a pu en déduire que le litige portait sur la construction d'un ouvrage. 14. En deuxième lieu, ayant relevé que l'hôtel avait ouvert en septembre 2005, de sorte que l'installation litigieuse n'avait été mise en fonctionnement qu'à compter de cette date, mais que le paiement intégral de la facture n'était intervenu que le 26 mai 2006, elle a pu en déduire que la réception tacite résultait de la prise de possession jointe au paiement intégral, de sorte que la date à retenir pour le point de départ de l'action en garantie décennale était le 26 mai 2006. 15. En troisième lieu, ayant retenu que la société Dim froid avait installé une climatisation entachée d'un vice de construction puisqu'elle n'était pas d'une puissance suffisante pour lui permettre de fonctionner normalement et d'être pérenne et que les pannes répétées avaient montré que l'installation mise en place était dans l'incapacité de fonctionner par grand froid ou forte chaleur par manque de puissance entraînant ainsi la casse systématique du compresseur, elle a pu retenir la responsabilité décennale de la société Dim froid sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes. 16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Dim froid aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dim froid et la condamne à payer à la société Aza la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour la société Dim froid. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action en garantie décennale formée par la société Aza contre la société Dim Froid et condamné en conséquence cette dernière à payer à la première les sommes de 27.882,85 € au titre du préjudice matériel et 8.000 € au titre de la perte d'image ; AUX MOTIFS QUE, sur le fondement de la demande de la société Aza, la société Aza a fait appel à la société Dim Froid s'agissant de la fourniture du lot chauffage/climatisation dans le cadre de la réhabilitation et de la rénovation complète de son immeuble aux fins d'ouverture d'un établissement hôtelier de luxe ; qu'il est constant que c'est sur la base d'une étude réalisée par le bureau d'études Equinoxe que la société Dim Froid a procédé à l'installation d'un groupe réversible (chauffage l'hiver/climatisation l'été) de marque Daikin ; qu'aux termes de l'article 1792-4 du code civil, le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré ; qu'est assimilé à un fabricant pour l'application de cet article, celui qui a importé un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement considéré ; qu'en l'espèce, le litige porte sur une opération de construction puisque les parties ont conclu un contrat de fourniture et de pose d'une installation de chauffage (fourniture et mise en place de toute l'installation de climatisation de l'hôtel avec pose des compresseurs, climatiseurs, gaines et canalisation d'air dans et à travers les murs du bâtiment) ; que l'absence de chauffage ou de climatisation rendant l'ouvrage impropre à sa destination, c'est à bon droit que la société Aza invoque la responsabilité décennale comme fondement juridique à son action en paiement formée à l'encontre de la société Dim Froid ; que, sur la recevabilité de l'action en garantie décennale formée par la société Aza, aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, telle défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; que le délai de la garantie décennale est de 10 ans et, s'agissant d'un délai d'épreuve, c'est un délai de forclusion, c'est à dire un délai qui éteint le délai d'action fixé par la loi ; qu'au cas présent, aucune réception formelle n'a été réalisée puisque la société Dim Froid ne produit aucun procès-verbal de réception ; que toutefois, l'article 1792-6 du code civil n'exclut pas la possibilité d'une réception tacite ; que pour caractériser une réception tacite, les juges doivent rechercher si la prise de possession manifeste une volonté non équivoque d'accepter l'ouvrage ; qu'en l'espèce, l'hôtel a ouvert en septembre 2005, de sorte que l'installation litigieuse n'a été mise en fonctionnement qu'à compter de cette date, toutefois, le paiement intégral de la facture n'est intervenu que le 26 mai 2006 ; qu'aussi, la cour constate que la réception tacite résulte de la prise de possession jointe au paiement intégral, de sorte que la date à retenir pour le point de départ de l'action en garantie décennale est le 26 mai 2006 ; qu'aux termes de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; qu'il résulte de cet article que, le délai de forclusion n'étant susceptible que d'interruption, la délivrance d'une assignation en référé expertise constitue un acte d'interruption qui fait repartir un nouveau délai de 10 ans ; que dès lors, la cour relevant que la société Dim Froid a été assignée en référé expertise par la société Aza à deux reprises, par actes d'huissier en date des 24 novembre 2014 et 24 mars 2015, la deuxième fois ayant donné lieu à une ordonnance étendant les opérations d'expertise à la société Dim Froid, force est de constater que l'action engagée par la société Aza n'est pas forclose, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ; que par conséquent, il convient de déclarer la société Aza recevable en son action et d'infirmer le jugement déféré de ce chef ; que, sur les demandes en paiement formées par la société Aza, à titre liminaire, il convient de souligner que c'est à la suite d'une note d'étape de l'expert judiciaire que la société Dim Froid a été appelée en la cause et que les opérations d'expertise judiciaire lui ont été étendues ; qu'aux termes de son rapport rédigé le 16 août 2016, M. V..., expert judiciaire conclut : « J'ai montré plus haut que le groupe extérieur, a priori calculé par la société Equinoxe et posé par la société Dim Froid en 2004/2005, était affecté d'une erreur de dimensionnement, sa puissance étant notoirement insuffisante au regard de la puissance nécessaire pour chauffer (l'hiver) et climatiser (l'été) le bâtiment «Villa Eugène» propriété de la société Aza. / Ce sous-Dimensionnement a conduit à la destruction du compresseur pour la première fois au bout de cinq ans (alors que la durée de vie d'un tel équipement peut être estimée à environ dix ans), puis de façon récurrente toutes les années et demi, par la suite (vieillissement prématuré des composants du groupe extérieur). / (...) Si le compresseur remplacé en 2009 présentait un défaut de fabrication, ce défaut se serait révélé pendant les 500 premières heures de fonctionnement, mais pas au bout d'un an et demi. Il en va de même pour le compresseur remplacé en 2011, défaillant lui aussi au bout d'un an et demi (...). Si un vice caché avait affecté le compresseur, celui-ci se serait détérioré bien plus tôt. / Que l'on reprenne la méthode mise en oeuvre par la société Eg Réfrigération (remplacement du fluide) ou celle mise en oeuvre par la société Anquetil (pose d'un système de filtration), ces deux options sont conformes aux règles de l'art et ne sont pas susceptibles d'avoir engendré le raccourcissement de la durée de vie des différents compresseurs. / (...) En pratique tous les désagréments subis par la société Aza sont la conséquence de l'erreur de dimensionnement du groupe extérieur, lors de l'étude faite par la société Equinoxe. Subsidiairement, le poseur de l'installation, la société Dim Froid, en tant que professionnel, aurait pu s'inquiéter du sous-dimensionnement du groupe extérieur au regard de la somme des matériels installés à l'intérieur de l'hôtel » ; qu'il résulte de ce rapport, contre lequel aucune critique sérieuse n'est élevée par les parties, que la société Dim Froid a vendu à la société Aza une installation de climatisation entachée d'un vice de conception la rendant impropre à sa destination puisque ladite installation n'était pas d'une puissance suffisante pour lui permettre de fonctionner normalement et d'avoir une pérennité dans le temps ; qu'en effet, les pannes répétées ont montré que l'installation mise en place était dans l'incapacité de fonctionner par grand froid ou forte chaleur par manque de puissance entraînant ainsi la casse systématique du compresseur ; que dans ces conditions, la cour retient la responsabilité de la société Dim Froid pour l'ensemble des pannes survenues sur l'installation de climatisation et de chauffage ; que l'expert judiciaire, dans le corps de son rapport, a retenu le coût des interventions pour les deux remplacements de compresseur (frais de diagnostic de la panne et prix du remplacement du matériel) pour un montant hors taxe de 11.130,85 € au vu des factures produites ; qu'il a également pris en compte la somme de 1.752 € au titre des ristournes allouées aux clients sur la période du 28 juin au 13 juillet 2011 pour les dédommager des inconvénients subis en raison du dysfonctionnement de la climatisation ; que la société Aza sollicite également l'indemnisation du coût de l'installation de la climatisation à hauteur de 15.000 € sachant que le marché total a été facturé et acquitté à hauteur de 71.693,64 € ; qu'au vu des conclusions de l'expert judiciaire ayant mis en évidence l'absence de pérennité de l'installation réalisée par la société Dim Froid, et des factures produites, il convient d'évaluer le préjudice matériel subi par la société Aza à la somme de 27.882,85 €, tel que réclamé par l'appelante, et de condamner la société Dim Froid au paiement de ladite somme ; que s'agissant du préjudice d'image, il est indéniable que la société Aza exploite un hôtel de type 5 étoiles situé dans une avenue de prestige à Epernay, de sorte que sa clientèle est en droit à s'attendre à des prestations de luxe ; que les pannes récurrentes sur son système de chauffage et de climatisation ont eu des répercussions sur l'image de cet établissement puisque les prestations réellement offertes ne pouvaient plus être à la hauteur des services annoncés et attendus par sa clientèle et ont eu des répercussions sur la fréquentation de l'établissement et les prix pratiqués ; qu'aussi, au vu de ces éléments, il convient d'estimer le préjudice d'image à la somme de 8.000 € et de condamner la société Dim Froid à payer ladite somme à la société Aza (v. arrêt, p. 4 à 6) ; 1°) ALORS QUE la garantie décennale des constructeurs suppose la construction d'un ouvrage ; que tel n'est pas le cas des travaux d'installation d'un système de climatisation, lesquels ne constituent pas des travaux de construction d'un ouvrage ; qu'en retenant, pour dire que les travaux réalisés par la société Dim Froid constituaient un ouvrage relevant de la garantie décennale des constructeurs, que le litige portait sur une opération de construction puisque les parties avaient conclu un contrat de fourniture et de pose d'une installation de chauffage, à savoir la fourniture et la mise en place de toute l'installation de climatisation de l'hôtel avec la pose de compresseurs, climatiseurs, gaines et canalisations d'air dans et à travers les murs du bâtiment, sans faire ainsi ressortir que les travaux réalisés étaient assimilables à des travaux de construction d'un ouvrage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792 du code civil ; 2°) ALORS QUE la réception tacite est caractérisée lorsque le maître d'ouvrage manifeste sans équivoque sa volonté de recevoir l'ouvrage ; qu'en considérant ensuite, pour dire que la réception tacite était intervenue le 26 mai 2006, que l'installation litigieuse avait été mise en fonctionnement à compter du mois de septembre 2005 et que le paiement intégral du solde des travaux était intervenu à cette date du 26 mai 2006, sans ainsi faire ressortir la volonté non équivoque de la société Aza de recevoir les travaux à ladite date du 26 mai 2006, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792-6 du code civil ; 3°) ALORS QUE la présomption de réception tacite résultant du paiement de la totalité des travaux et de la prise de possession permet de fixer la date de la réception au moment de la prise de possession ; qu'au demeurant, en déduisant une réception tacite au 26 mai 2006 de la prise de possession en septembre 2005, jointe au paiement intégral des travaux ce 26 mai 2006, quand il en résultait que la réception tacite était intervenue au mieux lors de la prise de possession en septembre 2005, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ; 4°) ALORS QUE la réception tacite est caractérisée lorsque le maître d'ouvrage manifeste sans équivoque sa volonté de recevoir l'ouvrage ; qu'en toute hypothèse, en fixant de la sorte la date de réception tacite des travaux à celle du paiement par le maître de l'ouvrage du solde des travaux le 26 mai 2006, sans rechercher si la société Aza avait pu régler le solde à cette date uniquement en ce que la société Dim Froid lui avait accordé des délais de paiement pour ne pas régler immédiatement la facture de solde émise du 29 novembre 2004, lesquels délais de paiement n'étaient pas en rapport avec une quelconque contestation de la qualité des travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792-6 du code civil : 5°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Dim Froid faisait valoir qu'elle ne devait, en tout état de cause, aucune garantie à raison de l'intervention de tiers sur l'installation après les travaux, à savoir les sociétés Eg Réfrigération et Anquetil, qui avaient procédé à des changements et modifications sur les installations ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Lorsque la prise de possession diffère dans le temps du paiement intégral du montant des travaux, la date de la réception tacite correspond à celle du dernier événement
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CIV. 3 CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 840 FS-P+B+I Pourvoi n° G 18-19.077 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020 1°/ M. X... Q... , domicilié [...] , 2°/ Mme L... Q... , épouse W..., domiciliée [...] , 3°/ Mme M... Q... , épouse V..., domiciliée [...] , 4°/ M. BJ... Q... , domicilié [...] , 5°/ G... Q... , ayant été domicilié [...] , décédé, aux droits duquel viennent ses héritiers ayant déclaré reprendre l'instance : - Mme DD... QH..., veuve Q... , domiciliée [...] , - Mme T... Q... , épouse RK..., domiciliée [...] , - Mme D... Q... , épouse R..., domiciliée [...] , - M. Y... Q... , domicilié [...] , - Mme E... Q... , épouse N..., domiciliée [...] , - Mme J... Q... , épouse K..., domiciliée [...] , ont formé le pourvoi n° G 18-19.077 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2018 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant : 1°/ au préfet des Landes, domicilié Préfecture des Landes, rue Victor Hugo, 40000 Mont-de-Marsan, 2°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] , 3°/ à M. F... P..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat des consorts Q... , de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du préfet des Landes, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Bech, Boyer, David, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 2 mai 2018), à la suite du décès de AA... Q... , survenu le 3 février 2007, M. P..., notaire, a dressé le 20 novembre 2007 une attestation énonçant que dépendait de sa succession un domaine forestier situé à Biscarrosse, entre les lacs de Cazaux et de Parentis, d'une superficie totale de 5 864 hectares, 62 ares et 25 centiares, dont la jouissance avait été conférée à l'Etat après inventaire du 25 avril 1864, afin que celui-ci pût se rembourser des frais engagés pour son boisement. 2. Contestant la propriété des consorts Q... sur ce domaine, le préfet des Landes s'est inscrit en faux contre cette attestation. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 4. Les consorts Q... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir constater l'absence de qualité à agir du préfet des Landes, alors : « 1°/ que le ministre de la défense suit seul les instances intéressant le domaine militaire ; qu'en décidant que le préfet des Landes était recevable à former une inscription de faux d'un acte authentique portant sur un bien immobilier, dont elle a constaté qu'il constituait un terrain affecté à un usage militaire, ce dont il résultait que ce bien intéressait le domaine militaire, de sorte que seul le ministre de la défense était recevable à agir, la cour d'appel a violé l'article R. 160 ancien du code du domaine de l'État ; 2°/ que, subsidiairement, le ministre de la défense suit seul les instances intéressant le domaine militaire ; que font partie du domaine militaire, les biens affectés au ministère de la défense et spécialement aménagés en vue de l'exécution des missions du service public de la défense ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le préfet des Landes était recevable à agir, qu'il sollicitait l'inscription de faux d'un acte authentique portant sur des biens dont la gestion a été confiée à l'office national des forêts et qu'il était indifférent que des parcelles de la forêt de Biscarosse fussent affectées au centre d'essai de lancement des missiles des Landes, sans rechercher si les parcelles litigieuses étaient exploitées et spécialement aménagées en vue de l'exécution du service public de la défense, de sorte que le ministre de la défense était seul compétent pour engager la procédure en inscription de faux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article R. 160 du code du domaine de l'État. » Réponse de la Cour 5. Si, devant les juridictions administratives et judiciaires autres que le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, l'article R. 163 du code du domaine de l'Etat ne donnait qualité au préfet que pour préparer et suivre les instances auxquels le service des domaines était partie, l'article R. 2331-6 du code général de la propriété des personnes publiques, qui prévoit que, devant les juridictions judiciaires autres que la Cour de cassation, l'Etat est représenté par le préfet du département dans lequel le litige a pris naissance, ne comporte pas d'autres exceptions que celles prévues par ses alinéas 2 et 3 et s'applique, par suite, non seulement lorsque les instances sont suivies par le service des domaines en application des articles R. 2331-1, 1°, et R. 2331-2, mais aussi lorsque, intéressant le domaine militaire, les instances sont suivies par le ministre de la défense en application de l'article R. 2331-4. 6. Les dispositions de l'article R. 2331-6 précité revêtent le caractère d'une loi de procédure et sont, à ce titre, d'application immédiate aux instances en cours. 7. Il s'ensuit que le préfet des Landes a qualité pour représenter l'Etat dans le litige l'opposant aux consorts Q... , quand bien même l'instance aurait intéressé le domaine militaire. 8. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, le rejet de la demande tendant à voir constater l'absence de qualité à agir du préfet des Landes se trouve légalement justifié. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 9. Les consorts Q... font grief à l'arrêt de juger que l'attestation de propriété immobilière du 20 novembre 2007 est constitutive de faux, alors que : « 1°/ l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en énonçant, pour retenir que l'attestation de propriété immobilière établie par M. P... le 20 novembre 2007 était constitutive d'un faux, qu'il ne pouvait avoir certifié et attesté, en connaissance du litige qui opposait AA... Q... à l'État, que les consorts Q... étaient propriétaires, par l'effet de la dévolution successorale, d'une propriété foncière sur le territoire de la commune de Biscarosse d'une contenance totale de 5 864 hectares, 62 ares et 25 centiares, après avoir constaté que l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006 s'était borné à juger AA... Q... irrecevable en ses appels formés à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 21 février 2002, lequel avait jugé son action irrecevable pour défaut de qualité à agir sans se prononcer sur la propriété des parcelles litigieuses, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006, en violation de l'article 480 du code de procédure civile ; 2°/ toute transmission ou constitution par décès de droits réels immobiliers doit être constatée par une attestation notariée, indiquant obligatoirement si les successibles ou légataires ont accepté et précisant, éventuellement, les modalités de cette acceptation ; que ladite attestation est obligatoirement publiée au bureau des hypothèques de la situation des immeubles ; qu'en décidant que l'attestation de propriété immobilière établie par M. P... le 20 novembre 2007, publiée au bureau des hypothèques le 28 novembre 2007, était constitutive d'un faux, motif pris qu'il ne pouvait avoir certifié et attesté, en connaissance du litige qui opposait Mme AA... Q... à l'État, que les consorts Q... étaient propriétaires, par l'effet de la dévolution successorale, d'une propriété foncière sur le territoire de la commune de Biscarosse d'une contenance totale de 5 864 hectares, 62 ares et 25 centiares, bien que ladite attestation de propriété immobilière, que le notaire était légalement tenu d'établir et de publier au bureau des hypothèques de la situation des immeubles, n'ait pu constituer un faux dès lors qu'elle avait été établie dans les suites de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006, qui s'était borné à juger AA... Q... irrecevable en ses appels formés à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 21 février 2002, lequel avait jugé son action irrecevable pour défaut de qualité à agir, de sorte qu'il n'avait pas été définitivement statué sur la propriété des parcelles litigieuses, la cour d'appel a violé les articles 307, 308 et 309 du code de procédure civile, ensemble les articles 1317 et 1319 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 10. La cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, relevé qu'au moment où avait été établie l'attestation immobilière, l'action en revendication qu'avait introduite AA... Q... avait été jugée irrecevable par jugement du 21 février 2002, au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve de sa qualité de propriétaire. 11. Elle a pu en déduire, sans violer l'autorité de la chose jugée, que, en raison du litige en cours, dont il avait connaissance, le notaire ne pouvait pas certifier que les parcelles litigieuses dépendaient de la succession de AA... Q... . 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la recevabilité du pourvoi, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les consorts Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour les consorts Q... . PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que l'attestation de propriété immobilière, visée à l'acte d'inscription de faux principal, établie par Maître F... P... le 20 novembre 2007 et publiée au Bureau des hypothèques de Mont-de-Marsan le 28 novembre 2007, volume 2007 p n° 9287, est constitutive d'un faux ; AUX MOTIFS QUE, par mémoire du 8 janvier 2018, le ministère public répondant sur l'exception de nullité pour défaut de communication, a fait valoir que l'affaire lui a été communiquée le 24 avril 2008 et qu'il a visé la procédure par mention au dossier le 28 avril 2008 ; qu'en réponse sur l'irrecevabilité à agir du préfet des Landes, au motif que les parcelles dépendraient du domaine militaire de l'État, il fait valoir qu' il n'est pas établi que les parcelles litigieuses sont de la dépendance du domaine militaire, alors qu'il est établi qu'elles font partie du domaine privé de l'État ; qu'il indique que les condamnations pénales pour entrée sur le terrain militaire ne peuvent conférer aux parcelles une quelconque qualification juridique, pas plus que les écritures d'un directeur des services fiscaux, de sorte que c'est à tort que les appelants invoquent le principe d'estoppel, selon lequel une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers ; qu'il conclut à la recevabilité, pour le préfet des Landes, à agir dans le cadre de la présente instance, en application des dispositions de l'article R 163-3 du CGPPP ; que sur la demande d'inscription de faux, de l'attestation immobilière établie par maître P... 20 novembre 2007, au motif qu'elle contient l'énonciation délibérée de faits inexacts, il rappelle qu'au moment où cette attestation a été établie, les parties se trouvaient sous l'empire de l'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006, qui avait déclaré irrecevable l'appel dirigé contre le jugement du Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 21 février 2002, aux termes duquel Mme Q... n'avait pas qualité pour exercer son action tendant à enjoindre l'État de délaisser les parcelles litigieuses, afin de lui permettre d'exercer son droit de propriété sur celles-ci ; que ce jugement a été confirmé, sur renvoi après cassation, par la Cour d'appel de Bordeaux le 17 mars 2011 ; qu'il ajoute que la notion de faux au sens civil du terme est une notion objective, qui ne dépend pas de l'intention de son auteur, de sorte que ce document doit être qualifié de faux au sens de l'article 300 du Code de procédure civile ; qu'il demande en conséquence de confirmer le jugement entrepris ; ALORS QUE l'inscription de faux contre un acte authentique donne lieu à communication au ministère public ; que le ministère public, lorsqu'il est partie jointe, peut faire connaître son avis à la juridiction, soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ; que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en décidant que l'attestation de propriété immobilière établie par Maître F... P... le 20 novembre 2007 était constitutive d'un faux, après avoir mentionné que par mémoire du 8 janvier 2008, le Ministère public avait notamment conclu à la confirmation du jugement entrepris, sans constater que les parties avaient eu communication écrite de l'avis du ministère public, qui ne s'était pas borné à s'en rapporter à justice, et avaient pu y répondre utilement, la Cour d'appel a violé les articles 16 et 431 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... Q... , Madame L... Q... , épouse W..., Madame M... Q... , épouse V..., Monsieur BJ... Q... et Monsieur G... Q... de leur demande tendant à voir constater l'absence de qualité à agir du Préfet des Landes, puis d'avoir déclaré que l'attestation de propriété immobilière, visée à l'acte d'inscription de faux principal, établie par Maître F... P... le 20 novembre 2007 et publiée au Bureau des hypothèques de Mont-de-Marsan le 28 novembre 2007, volume 2007 p n° 9287, est constitutive d'un faux ; AUX MOTIFS QUE, sur le défaut de qualité à agir de M. le préfet des Landes, au mois de mai 2008, lorsque l'instance a été introduite par M. le préfet des Landes devant le Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, les textes applicables étaient les articles R 158 et suivants du Code du domaine de l'État ; qu'il résulte de la lecture du décret numéro 66-425 du 17 mai 1966 que la forêt domaniale de Biscarrosse et celle de Sainte Eulalie, qui s'étend notamment sur la commune de Gastes, appartiennent à l'État ; que ce décret fait la liste des forêts et terrains à boiser ou à restaurer appartenant à l'État, dont la gestion et l'équipement sont confiés à l'Office national des forêts ; que la circonstance que nombre des parcelles de la forêt de Biscarrosse soit affectée au centre d'essai de lancement des missiles des Landes et supporte des installations qui abritent des formations dépendant de l'armée de terre est sans incidence sur le fait que cette forêt domaniale appartient au domaine privé de l'État ; qu'au demeurant, l'instruction de l'Office national des forêts du 29 juillet 2011, à laquelle se réfèrent également les consorts Q... , qui a pour objet, la gestion foncière du domaine forestier non bâti par l'ONF et l'affectation de forêts domaniales à des services publics non forestiers, par exemple des terrains militaires, ne mentionne aucun transfert de propriété de ces forêts domaniales, mais rappelle au contraire qu'elles font généralement partie du domaine public de l'État pour les besoins précis des services, départements ministériels affectataires, qui l'utilisent ; que les consorts Q... se prévalent également, au soutien de leur argumentation selon laquelle il s'agit d'un terrain militaire rendant applicable l'article R 160 du Code du domaine de l'État, aux termes duquel l'instance devait être suivie par le ministère de la défense, de condamnations pénales de M. X... Q... ; qu'il résulte de l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Pau du 08 décembre 2011, que M. X... Q... a été notamment condamné pour être entré et avoir circulé sans y être autorisé sur un terrain militaire (en l'espèce, le site d'essai de missiles des Landes sur la commune de Biscarrosse) et avoir chassé sur un terrain d'autrui sans le consentement du détenteur du droit de chasse ; qu'il est spécifié dans l'arrêt, que l'intéressé avait pénétré dans une enceinte militaire, en franchissant une clôture grillagée ; que le 14 juin 2012, la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Pau, confirmant le jugement du Tribunal de police de Mont-de-Marsan du 14 décembre 2011 a condamné MM. X... et O... Q... pour des faits d'entrée, séjour ou circulation non autorisés dans les constructions ou sur un terrain militaire et pour des faits de chasse sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire ou du détenteur du droit de chasse ; qu'il ne résulte cependant aucunement, de la lecture de ces arrêts, que le ministère de la défense soit propriétaire des terrains sur lesquels s'exerce son activité ; qu'en conséquence, le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est inapplicable à la présente espèce, la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Pau n'ayant jamais eu à se prononcer sur la propriété des terrains, mais sur des infractions ayant eu lieu sur un terrain affecté à un usage militaire ; que s'agissant de l'aveu judiciaire qui résulterait des conclusions de M. le directeur des services fiscaux dans l'instance ayant donné lieu au jugement du 22 février 2002 et du courrier de ce même directeur des services fiscaux des Landes en date du 27 mai 1998 dans lequel il indiquait entendre soulever son incompétence pour défendre le droit de propriété de l'État sur les parcelles relevant du domaine militaire, il est constant, en application des dispositions de l'article 1354 du Code civil, que l'aveu judiciaire ne peut résulter que de la reconnaissance d'un fait par une partie et non de points de droit ; que dès lors, les conclusions de M. le directeur des services fiscaux sur la compétence pour défendre le droit de propriété de l'État en justice portant sur un point de droit et non de fait, ne peuvent constituer un tel aveu ; qu'au surplus, l'aveu doit émaner de la partie à laquelle il est opposé ; que concernant la propriété des parcelles litigieuses, en lecture de l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux en date du 17 mars 2011, il apparaît que lorsque le ministère de la défense a comparu, après que Mme Q... l'ait fait assigner par acte d'huissier du 19 août 2000 devant le Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, il avait notamment sollicité sa mise hors de cause et fait valoir que l'État justifiait de la possession des terrains litigieux "animo domini" ; que sur le principe dit de l'estoppel, il ne résulte pas de la procédure, que M. le préfet des Landes se soit contredit au détriment d'autrui, dès lors qu'il a toujours soutenu sa compétence à agir et la propriété de l'État sur ces parcelles litigieuses ; qu'il résulte de l'article R 163, applicable à l'espèce, que devant les juridictions administratives et judiciaires autres que le conseil d'État et la Cour de cassation, la procédure de toutes les instances auxquelles le service des domaines est partie en exécution des articles R 158, R 158-1 et R 159 est préparée et suivie jusqu'à l'entière exécution des jugements et arrêts : 1°) pour les instances visées à l'article R 158 2° (relatives aux biens dépendant de patrimoines privés dont l'administration ou la liquidation lui sont confiées et aux conditions dans lesquelles il [le service des domaines] assure la gestion de ces patrimoines), par le préfet du département où est géré le patrimoine privé concerné ou par le directeur des services fiscaux chargés de la gestion des patrimoines, et lorsque sa compétence territoriale excède l'étendue d'un département ; 2°) pour les instances visées à l'article R 158, 3° (relatives à l'assiette et au recouvrement des droits, redevances et produits domaniaux, ainsi qu'au recouvrement de toutes sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables des impôts chargés des recettes domaniales), par le directeur des services fiscaux dont relève le comptable chargé du recouvrement ; 3°) pour toutes les autres instances, par le préfet du département dans lequel le litige a pris naissance ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré M. le préfet des Landes recevable à agir, dès lors qu'est demandée l'inscription de faux d'un acte authentique portant sur des biens de l'État dont la gestion a été confiée à l'Office national des forêts, l'instance devant être préparée et suivie par le préfet du département des Landes, dans lequel le litige a pris naissance, s'agissant des communes de Biscarrosse et de Gastes, en application des dispositions de l'article R 163, 3°, du Code du domaine de l'État, applicable à l'espèce ; 1°) ALORS QUE le ministre de la défense suit seul les instances intéressant le domaine militaire ; qu'en décidant que le Préfet des Landes était recevable à former une inscription de faux d'un acte authentique portant sur un bien immobilier, dont elle a constaté qu'il constituait un terrain affecté à un usage militaire, ce dont il résultait que ce bien intéressait le domaine militaire, de sorte que seul le ministre de la défense était recevable à agir, la Cour d'appel a violé l'article R 160 ancien du Code du domaine de l'État ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, le ministre de la défense suit seul les instances intéressant le domaine militaire ; que font partie du domaine militaire, les biens affectés au Ministère de la défense et spécialement aménagés en vue de l'exécution des missions du service public de la défense ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le Préfet des Landes était recevable à agir, qu'il sollicitait l'inscription de faux d'un acte authentique portant sur des biens dont la gestion a été confiée à l'Office national des forêts et qu'il était indifférent que des parcelles de la forêt de Biscarosse fussent affectées au centre d'essai de lancement des missiles des Landes, sans rechercher si les parcelles litigieuses étaient exploitées et spécialement aménagées en vue de l'exécution du service public de la défense, de sorte que le ministre de la défense était seul compétent pour engager la procédure en inscription de faux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article R 160 du Code du domaine de l'État. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que l'attestation de propriété immobilière, visée à l'acte d'inscription de faux principal, établie par Maître F... P... le 20 novembre 2007 et publiée au Bureau des hypothèques de Mont-de-Marsan le 28 novembre 2007, volume 2007 p n° 9287, est constitutive d'un faux ; AUX MOTIFS QUE, sur l'inscription de faux, en application des dispositions de l'article 1319 applicable en l'espèce, « l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause ; que néanmoins, en cas de plainte en faux principal, l'exécution de l'acte argué de faux sera suspendue par la mise en accusation ; et, en cas d'inscription de faux faite incidemment, les tribunaux pourront, suivant les circonstances, suspendre provisoirement l'exécution de l'acte » ; que l'attestation immobilière litigieuse mentionne notamment qu'il dépend à titre immobilier de la succession de Mme DD... Q... une propriété forestière située à Biscarrosse Landes, entre les lacs de Cazaux et de Parentis à l'Est et l'océan, dont la jouissance a été conférée à l'État après inventaire du 25 avril 1864, en application du décret-loi du 14 décembre 1810, afin que l'État puisse se rembourser des frais engagés par lui pour le boisement de ces parcelles ; que l''État français n'a pas obtempéré à la demande de restitution faite par Mme Q... alors qu'elle estimait, après expertise, que l'État était entièrement remboursé de ses frais ; que ladite propriété est estimée à l'heure actuelle, étant donnée son occupation par l'État contestée par les consorts Q... , à la somme de 200.000 € ; qu'au chapitre origine de propriété, il est indiqué : l'immeuble ci-dessus désigné appartenait en pleine propriété à Mme Q... DD..., pour des raisons antérieures à 1956 ; que la SCP [...] et Me F... P... s'en sont rapportés à justice, au visa de l'arrêt de la Cour de cassation du 2 octobre 2012, ce qui ne constitue pas un acquiescement, mais traduit leur volonté de ne plus prendre parti dans la présente instance, au regard de ce qui a été jugé par la Cour de cassation ; que Me F... P... conteste cependant formellement s'être rendu coupable d'un faux intellectuel, rappelant que la situation était très complexe ; qu'il est toutefois de jurisprudence constante que la qualification de faux invoquée en matière civile à l'égard d'un acte authentique doit s'apprécier en considération de la réalité objective de l'acte, peu important l'intention de son auteur ; que le premier juge a exactement rappelé qu'au moment où cette attestation a été établie, le 20 novembre 2007, les parties étaient sous l'empire de l'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006, qui avait déclaré irrecevable l'appel dirigé contre le jugement du Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan en date du 21 février 2002 ; que les consorts Q... soutiennent qu'il ne peut y avoir autorité de la chose jugée dès lors, d'une part, que la SCP notariale et Me F... P... n'étaient pas dans la cause de l'instance ayant fait l'objet du jugement du 21 février 2002 et de l'arrêt du 23 janvier 2006, et d'autre part, qu'avait été seulement tranchée une fin de non-recevoir à savoir, la qualité à agir de Mme DD... Q... ; qu'en application de l'article 1351 du Code civil, le principe est que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard des parties qui étaient présentes ou représentées au litige et qui, dans la nouvelle instance, agissent en la même qualité ; que dès lors, et comme relevé par le premier juge, l'autorité de la chose jugée avait lieu à l'égard des consorts Q... et de M. le préfet des Landes, représentant l'État français ; qu'il est incontestable par ailleurs que les consorts Q... savaient, lorsqu'a été établie cette attestation immobilière : - que l'action en revendication immobilière qu'avait introduite leur auteur, Mme DD... Q... , le 12 mai 1998, avait été jugée irrecevable, - que l'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006 avait déclaré Mme DD... Q... irrecevable en ses appels formés le 5 avril 2002 et le 26 novembre 2002 et en conséquence irrecevable en ses appels provoqués à l'encontre du service des domaines, de M. l'agent judiciaire du trésor et du ministère de la défense, arrêt contre lequel elle avait formé un pourvoi en cassation le 16 mai 2006 ; qu'il est également certain, qu'à cette date, en raison du litige en cours, portant notamment sur sa qualité d'héritière à l'origine de la décision d'irrecevabilité de son action, il ne pouvait pas être certifié et attesté par Me F... P..., qui avait parfaitement connaissance de la procédure en revendication en cours « que les biens réels immobiliers ci-après désignés, soit qu'ils dépendent de la communauté ayant existé entre la personne décédée (AA... . LL... veuve de DD... DE... Q... ) et le conjoint survivant, soit qu'ils dépendent de la succession de ladite personne, se sont trouvés transmis aux ayants droit en leur qualité (héritiers) relatée ci-après » ; qu'il résulte en effet, de la lettre que Me F... P... a adressée le 13 septembre 2006 à la direction générale des impôts de Mont-de-Marsan, que ce notaire savait, que Mme Q... s'estimait propriétaire de ces parcelles, pour les avoir recueillies dans les successions de ses parents, alors que cet ensemble immobilier figurait au compte de l'État français sur les relevés cadastraux ; qu'il précisait « sachant qu'il existe entre ma cliente et l'État, une procédure en cours et soucieux d'assurer la pérénité du transfert de propriété [...] Je vous prie de bien vouloir me faire parvenir une copie de tout acte ayant constaté à la fin du XIVe siècle, le transfert de la propriété de ces parcelles... » ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré entachée de faux l'attestation immobilière établie par Me F... P... le 20 novembre 2007 et visée à l'acte d'inscription de faux principal ; 1°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en énonçant, pour retenir que l'attestation de propriété immobilière établie par Maître P... le 20 novembre 2007 était constitutive d'un faux, qu'il ne pouvait avoir certifié et attesté, en connaissance du litige qui opposait Madame AA... Q... à l'État, que les consorts Q... étaient propriétaires, par l'effet de la dévolution successorale, d'une propriété foncière sur le territoire de la commune de Biscarosse d'une contenance totale de 5.864 hectares, 62 ares et 25 centiares, après avoir constaté que l'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006 s'était borné à juger Madame AA... Q... irrecevable en ses appels formés à l'encontre du jugement du Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 21 février 2002, lequel avait jugé son action irrecevable pour défaut de qualité à agir sans se prononcer sur la propriété des parcelles litigieuses, la Cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006, en violation de l'article 480 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE toute transmission ou constitution par décès de droits réels immobiliers doit être constatée par une attestation notariée, indiquant obligatoirement si les successibles ou légataires ont accepté et précisant, éventuellement, les modalités de cette acceptation ; que ladite attestation est obligatoirement publiée au bureau des hypothèques de la situation des immeubles ; qu'en décidant que l'attestation de propriété immobilière établie par Maître P... le 20 novembre 2007, publiée au bureau des hypothèques le 28 novembre 2007, était constitutive d'un faux, motif pris qu'il ne pouvait avoir certifié et attesté, en connaissance du litige qui opposait Madame AA... Q... à l'État, que les consorts Q... étaient propriétaires, par l'effet de la dévolution successorale, d'une propriété foncière sur le territoire de la commune de Biscarosse d'une contenance totale de 5.864 hectares, 62 ares et 25 centiares, bien que ladite attestation de propriété immobilière, que le notaire était légalement tenu d'établir et de publier au bureau des hypothèques de la situation des immeubles, n'ait pu constituer un faux dès lors qu'elle avait été établie dans les suites de l'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006, qui s'était borné à juger Madame AA... Q... irrecevable en ses appels formés à l'encontre du jugement du Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 21 février 2002, lequel avait jugé son action irrecevable pour défaut de qualité à agir, de sorte qu'il n'avait pas été définitivement statué sur la propriété des parcelles litigieuses, la Cour d'appel a violé les articles 307, 308 et 309 du Code de procédure civile, ensemble les articles 1317 et 1319 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
L'article R. 2331-6 du code général de la propriété des personnes publiques, qui prévoit que, devant les juridictions judiciaires autres que la Cour de cassation, l'Etat est représenté par le préfet du département dans lequel le litige a pris naissance, ne comporte pas d'autres exceptions que celles prévues par ses alinéas 2 et 3 et s'applique, par suite, non seulement lorsque les instances sont suivies par le service des domaines en application des articles R. 2331-1, 1°, et R. 2331-2, mais aussi lorsque, intéressant le domaine militaire, elles sont suivies par le ministre de la défense en application de l'article R. 2331-4. Il s'ensuit que le préfet a qualité pour représenter l'Etat, y compris dans une instance intéressant le domaine militaire
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CIV. 3 CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 841 FS-P+B+I Pourvoi n° R 19-17.156 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. N.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 25 juillet 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020 1°/ Mme Y... E..., épouse H..., domiciliée [...] , 2°/ Mme K... H..., domiciliée [...] , 3°/ Mme T... H..., épouse O..., domiciliée [...] , ont formé le pourvoi n° R 19-17.156 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige les opposant à M. P... N..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme E..., épouse H..., de Mme K... H... et de Mme T... H..., épouse O..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. N..., et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, David, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Renard, Djikpa, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 28 mars 2019), par acte du 4 juin 2010, Mmes E..., épouse H..., K... H... et T... H... (les consorts H...) ont assigné J... R..., aujourd'hui décédé, en paiement de diverses sommes dues en vertu de deux reconnaissances de dette. 2. Un arrêt du 23 mai 2013 a condamné J... R... à payer à Mme E... la somme de 70 100 euros avec intérêts au taux de 10 % à compter du 10 mars 2007 et à Mmes T... et K... H... la somme de 323 630 euros avec intérêts au taux de 10 % à compter du 1er mars 2007. 3. Le 18 juin 2010, J... R... a cédé à M. N... des parts de la société civile immobilière du Prieuré (la SCI). 4. Par acte du 18 octobre 2016, considérant que la cession de parts sociales avait été passée en fraude de leurs droits, les consorts H... ont assigné M. N... sur le fondement de l'action paulienne. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 5. Les consorts H... font grief à l'arrêt de dire que l'action paulienne est irrecevable, alors : « 1°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, pour déclarer prescrite l'action paulienne engagée le 18 octobre 2016 par les consorts H... à l'encontre de la cession de parts sociales de la SCI Le Prieuré réalisée par M. R... le 18 juin 2010 et publiée le 2 août 2010, la cour d'appel a retenu que les consorts H... étaient en mesure de connaître cet acte à compter de sa publication ; qu'en retenant néanmoins que M. R... avait tenté, tout au long de la procédure ayant donné lieu à sa condamnation par arrêt définitif du 23 mai 2013, de dissimuler sa véritable adresse située à Achères puis l'existence de biens appartenant à la SCI Le Prieuré, à une autre adresse au sein de cette même commune, ce dont il résultait que les faits frauduleux avaient perduré après la publication de la cession de parts sociales attaquée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a méconnu l'article 2224 du code civil, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ; 2°/ qu'en tout état de cause, en s'abstenant de rechercher à quelle date les consorts H... avait, en raison de la dissimulation de M. R..., eu effectivement connaissance de la fraude commise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout. » Réponse de la Cour Vu les articles 1341-2 et 2224 du code civil, l'article 52 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 et le principe selon lequel la fraude corrompt tout : 6. Il se déduit de ces textes et de ce principe que, lorsque la fraude du débiteur a empêché les créanciers d'exercer l'action paulienne à compter du dépôt d'un acte de cession de parts en annexe au registre du commerce et des sociétés, le point de départ de cette action est reporté au jour où les créanciers ont effectivement connu l'existence de l'acte. 7. Pour déclarer l'action des consorts H... prescrite, l'arrêt retient que, le dépôt de l'acte du 18 juin 2010 au greffe du tribunal de commerce ayant eu pour effet de porter à la connaissance des tiers et de leur rendre opposable la cession des parts sociales, les consorts H... étaient en mesure de connaître, à compter de cette publicité, l'acte qu'ils prétendent être intervenu en fraude de leurs droits, peu important que J... R... ait tenté, tout au long de la procédure ayant donné lieu à sa condamnation, de dissimuler sa véritable adresse située à Achères, puis l'existence de biens appartenant à la SCI, à une autre adresse au sein de cette même commune. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la dissimulation de son adresse par J... R... n'avait pas eu pour effet d'empêcher les consorts H... d'exercer l'action paulienne avant d'avoir effectivement connaissance de l'acte de cession de parts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; Condamne M. N... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. N... et le condamne à payer à Mmes E..., épouse H..., K... H... et T... H... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mmes E..., épouse H... et Mmes K... H... et T... H..., épouse O.... Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action paulienne des consorts H... ; Aux motifs que « M. J... R... a été condamné par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2013 à payer à Mme Y... H... la somme de 70 100 euros avec intérêts au taux de 10 % à compter du 10 mars 2007 et à T... et K... H... la somme de 323 630 euros avec intérêts au taux de 10 % à compter du 1er mars 2007, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que M. R... est décédé sans rien avoir réglé et que le notaire en charge de sa succession a été informé que sa dette à l'égard des consorts H... s'élevait alors à la somme de 717 093,92 euros intérêts compris ; que ses deux légataires universels, MM. P... N... et L... X... ont renoncé à la succession ; que les consorts H... ont ensuite appris que, le 18 juin 2010, M. R... avait cédé à son compagnon M. P... N... les parts sociales 3001 à 6000 qu'il détenait conjointement avec lui au sein de la SCI du Prieuré ; que par acte en date du 18 octobre 2016, les consorts H... ont assigné M. P... N... devant le tribunal de grande instance de Bourges, sur le fondement de l'action paulienne, considérant que cette cession, dont le prix est fictif, a été passée en fraude de leurs droits » ; Et que « l'article 1341-2 du code civil dispose que le créancier peut agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d'établir, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude ; que selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, alors que les consorts H..., par acte d'huissier du 4 juin 2010, l'avaient fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de diverses sommes dues en vertu de deux reconnaissances de dette antérieures, M. J... R... a, suivant acte sous signatures privées du 18 juin 2010, enregistré le 8 juillet 2010 auprès du service des impôts, cédé à M. P... N... 3000 parts sociales qu'il détenait dans le capital de la SCI Le Prieuré, moyennant le prix de 120 000 euros ; que M. P... N... justifie, par un récépissé du tribunal de commerce de Bourges, de l'enregistrement à la date du 2 août 2010 du dépôt de l'acte sous signatures privées du 18 juin 2010 portant mise à jour de la modification relative aux personnes dirigeantes et non dirigeantes à compter du 18 juin 2010, avec la mention "nouveau : N... P... A..., associé société civile" ; que dès lors, l'enregistrement du dépôt de l'acte du 18 juin 2010 au greffe du tribunal de commerce ayant eu pour effet de porter à la connaissance des tiers et de leur rendre opposable la cession des parts sociales, les consorts H... étaient en mesure de connaître, à compter de cette publicité, l'acte qu'ils prétendent être intervenu en fraude de leurs droits, peu important que M. J... R... ait tenté, tout au long de la procédure ayant donné lieu à sa condamnation, de dissimuler sa véritable adresse située à Achères puis l'existence de biens appartenant à la SCI Le Prieuré, à une autre adresse au sein de cette même commune ; que les consorts H... soutiennent vainement que la prescription ne courait pas au motif que son point de départ serait postérieur à l'acte argué de fraude, alors que l'action paulienne est ouverte en présence d'un simple principe de créance au moment de cet acte et que les consorts H... ont agi à l'encontre de M. J... R... dès le 4 juin 2010 en se fondant sur des reconnaissances de dettes antérieures ; qu'ainsi, lorsqu'à défaut de pouvoir agir à l'encontre d'un ayant droit ayant accepté la succession de M. J... R..., les consorts H... ont assigné M. P... N... seul en inopposabilité de la cession des parts sociales, par acte d'huissier du 18 octobre 2016, la prescription était acquise ; qu'en conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer irrecevable l'action paulienne engagée par les consorts H... » ; Alors 1°) que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, pour déclarer prescrite l'action paulienne engagée le 18 octobre 2016 par les consorts H... à l'encontre de la cession de parts sociales de la SCI Le Prieuré réalisée par M. R... le 18 juin 2010 et publiée le 2 août 2010, la cour d'appel a retenu que les consorts H... étaient en mesure de connaître cet acte à compter de sa publication ; qu'en retenant néanmoins que M. R... avait tenté, tout au long de la procédure ayant donné lieu à sa condamnation par arrêt définitif du 23 mai 2013, de dissimuler sa véritable adresse située à Achères puis l'existence de biens appartenant à la SCI Le Prieuré, à une autre adresse au sein de cette même commune, ce dont il résultait que les faits frauduleux avaient perduré après la publication de la cession de parts sociales attaquée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a méconnu l'article 2224 du code civil, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ; Alors 2°) qu'en tout état de cause, en s'abstenant de rechercher à quelle date les consorts H... avait, en raison de la dissimulation de M. R..., eu effectivement connaissance de la fraude commise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ; Alors 3°) qu'en toute hypothèse, en constatant que les consorts H... avaient appris après le décès de M. R... le 25 avril 2014 que celui-ci avait, le 18 juin 2010, cédé à son compagnon M. P... N... les parts sociales 3001 à 6000 qu'il détenait conjointement avec lui au sien de la SCI du Prieuré, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a méconnu l'article 2224 du code civil, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ; Alors 4°) qu'à titre subsidiaire, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'action paulienne étant subordonnée à la preuve, par celui qui l'engage, de l'existence d'un principe certain de créance, en cas de contestation judiciaire de l'existence de la créance, le point de départ de la prescription de cette action est reporté à la date à laquelle est judiciairement reconnue l'existence de la créance ; qu'en l'espèce, pour déclarer prescrite l'action paulienne engagée par les consorts H... à l'encontre de la cession de parts sociales réalisée par M. R... le 18 juin 2010 et publiée le 2 août 2010, la cour d'appel a estimé que l'action paulienne était ouverte en présence d'un simple principe de créance au moment de l'acte frauduleux qui existait déjà lorsque les consorts H... avaient agi à l'encontre de M. R... le 4 juin 2010, date de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Paris ayant donné lieu à jugement en date du 6 septembre 2011 statuant sur l'existence de la créance des consorts H..., puis à un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 23 mai 2013 devenu définitif par ordonnance de déchéance du pourvoi en date du 13 février 2013 ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que la créance des consorts H... avait fait l'objet d'une contestation judiciaire, de telle sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme certaine dans son principe avant la décision définitive statuant sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 1167 devenu 1341-2 et 2224 du code civil ; Alors 5°) qu'encore plus subsidiairement, la contestation judiciaire de la créance servant de fondement à l'action paulienne interrompt la prescription de cette dernière ; qu'en l'espèce, il était constant que, par actes d'huissier du 4 juin et du 18 juillet 2010, les consorts H... avaient fait assigner M. R... devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de diverses sommes dues en vertu de deux reconnaissances de dette antérieures, qui avaient été contestées et avaient donné lieu à jugement en date du 6 septembre 2011 statuant sur l'existence de la créance des consorts H..., puis à un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 23 mai 2013 devenu définitif par ordonnance de déchéance du pourvoi en date du 13 février 2013 ayant constaté l'existence de la créance des consorts H... et l'ayant condamné au paiement de diverses sommes ; qu'en se bornant à retenir que M. R... ayant cédé ses parts sociales par acte sous seing privé du 18 juin 2010 publié le 8 juillet 2010, les consorts H... étaient en mesure de connaître l'existence de cette cession à compter de sa publicité, sans rechercher si le délai de prescription de l'action paulienne, dont elle a fixé le point de départ à la date à laquelle la cession avait été publiée, n'avait pas été interrompu par la contestation judiciaire de la créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1167 devenu 1341-2, 2224 et 2241 du code civil.
Il se déduit des articles 1341-2 et 2224 du code civil et 52 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, ainsi que du principe selon lequel la fraude corrompt tout, que, lorsque la fraude du débiteur a empêché les créanciers d'exercer l'action paulienne à compter du dépôt d'un acte de cession de parts en annexe au registre du commerce et des sociétés, le point de départ de cette action est reporté au jour où les créanciers ont effectivement connu l'existence de l'acte
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CIV. 3 CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 842 FS-P+B+I Pourvoi n° Z 19-21.764 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020 M. H... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-21.764 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Marignan résidences, société en nom collectif, dont le siège est [...] , 2°/ à la société Cogedim Méditerranée, société en nom collectif, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. A..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat des sociétés Marignan résidences et Cogedim Méditerranée, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, David, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mai 2019), par contrat du 13 mai 2008, les sociétés Marignan résidences et Cogedim Méditerranée (les sociétés) ont confié à M. A..., architecte, une mission d'aménagement et de maîtrise d'oeuvre de conception en vue de la réalisation d'un programme immobilier. 2. Le contrat fixait la durée maximum d'exécution de la première partie de la mission, dénommée mission A, relative à l'élaboration du schéma d'aménagement et du dossier-projet, à dix semaines à compter de la signature et comportait une clause de résiliation de plein droit, en cas d'inexécution par l'architecte de ses obligations, huit jours après une mise en demeure restée sans réponse, sans versement de dommages-intérêts. 3. Par lettre du 30 septembre 2008, les sociétés ont mis en demeure M. A... de leur fournir, sous huit jours, l'ensemble des éléments de la mission A, puis lui ont notifié le 28 octobre 2008, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la résiliation de plein droit du contrat. 4. M. A... a assigné les deux sociétés en paiement d'honoraires et indemnisation de ses préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. M. A... fait grief à l'arrêt de constater la résiliation de plein droit du contrat, alors : « 1°/ que dans ses conclusions d'appel, M. A... a fait valoir que le dépassement des délais ne lui était pas imputable mais était la conséquence, d'une part, du retard apporté par les maîtres d'ouvrage à lui fournir le projet de base lui permettant d'établir ses plans, qui ne lui avait été fourni que le 8 juillet 2008 et, d'autre part, des modifications apportées au projet initial à nouveau modifié, notamment, le 25 juillet suivant ; qu'en se bornant à retenir que M. A... imputait le dépassement des délais prévus aux maîtres de l'ouvrage mais qu'il ne démontrait pas que ces derniers lui avaient fourni tardivement le projet de base lui permettant d'établir ses plans ou qu'ils avaient modifié de manière substantielle le plan de masse, sans examiner les éléments de preuve produits à cet égard par M. A..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ que M. A... a également soutenu que les maîtres d'ouvrage avaient commis des fautes contractuelles à son encontre en refusant systématiquement d'organiser des réunions de travail avec les autres intervenants à l'acte de construire, notamment l'urbaniste et la mairie ; qu'en déclarant M. A... responsable du dépassement des délais et en prononçant la résiliation du contrat à ses torts sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel a relevé, d'une part, que l'architecte s'était engagé par contrat du 13 mai 2008 à accomplir les quatre phases de la mission A dans un délai global maximal de dix semaines, dont deux semaines pour l'élaboration du schéma d'aménagement, et que, par lettre recommandée du 31 juillet 2008, les maîtres de l'ouvrage l'avaient avisé que le délai de deux semaines prévu pour la première phase de la mission était dépassé sans que le schéma d'aménagement ne soit formalisé onze semaines après le lancement des premiers travaux, d'autre part, par motifs adoptés, que les sociétés de maîtrise d'ouvrage avaient attendu le 28 octobre 2008 pour lui notifier la résiliation du contrat, soit plus de deux mois après l'expiration du délai de dix semaines initialement convenu. 7. Elle a pu en déduire, sans être tenue d'examiner des pièces venant au soutien d'une simple argumentation, ni de répondre à des allégations dépourvues d'offre de preuve, qu'un tel retard caractérisait un manquement de l'architecte à l'exécution de ses obligations et justifiait la résolution de plein droit du contrat par application de son article 12-2-4. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. M. A... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'honoraires, alors « que celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que le maître d'ouvrage qui entend s'opposer au paiement des honoraires dus à l'architecte en exécution de ses prestations doit donc démontrer l'inexécution ou la mauvaise exécution desdites prestations ; que pour débouter M. A... de sa demande en paiement d'honoraires, la cour a retenu que s'il indiquait avoir accompli la mission qui lui avait été confiée, elle n'avait pas les compétences nécessaires en matière d'architecture pour apprécier le travail exempt de défauts qu'il indiquait avoir accompli, et qu'en l'absence d'éléments probants, il n'y avait pas lieu de recevoir sa demande en paiement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil : 10. Selon ce texte, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. 11. Pour rejeter la demande en paiement d'honoraires formée par l'architecte au titre des prestations réalisées, l'arrêt retient que les sociétés de maîtrise d'ouvrage contestent le caractère exploitable du travail fourni et que, la cour n'ayant pas les compétences nécessaires en matière d'architecture pour évaluer la qualité de celui-ci, il appartenait à M. A... de solliciter le prononcé d'une mesure d'expertise permettant seule d'établir la réalité et la conformité des travaux exécutés, ce qu'il n'a pas fait. 12. En statuant ainsi, après avoir retenu que M. A... était en droit de prétendre au paiement d'honoraires au titre des prestations réalisées, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve de l'extinction de l'obligation à paiement des maîtres de l'ouvrage, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement d'honoraires formée par M. A..., l'arrêt rendu le 9 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne les sociétés Marignan résidences et Cogedim Méditerranée aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. A.... Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la résiliation de plein droit du contrat d'architecte conclu le 13 mai 2008 entre la SNC Marignan Résidences et la SNC Cogedim Méditerranée, d'une part, et M. A..., d'autre part, aux torts de ce dernier, Aux motifs qu'« aux termes de l'article 12-2-4 du contrat d'architecte signé entre les parties : le contrat pourra être résilié de plein droit, en cas d'inexécution par l'architecte de ses obligations, 8 jours après mise en demeure visant la présente clause résolutoire demeurée sans effet. Dans ces cas (3 et 4) elle ne donnera lieu à aucun versement de dommages et intérêts d'une partie à l'autre. M. A... s'est engagé à accomplir les quatre phases prévues dans la mission A comprenant : « l'établissement du schéma d'aménagement, (deux semaines) la présentation au maire, le dossier projet (six semaines) et les présentations générales officielles au maire et à ses conseillers et éventuellement en réunions publiques » dans un « délai global maximum de l0 semaines ; Les sociétés Marignan Résidences et Cogedim Méditerranée font valoir que M. A... n'a respecté aucune de ses obligations contractuelles « tant en terme de qualité de travail fourni que de respect des délais convenus au contrat ». Par courrier recommandé en date du 31 juillet 2008, les maîtres d'ouvrage ont avisé M. A... de ce que le délai de deux semaines prévu pour la phase « établissement du schéma d'aménagement » était dépassé sans que ce document ne soit formalisé « 11 semaines après le lancement des premiers travaux », et de ce que « les remarques faites par le maître de l'ouvrage au cours des réunions et dans les comptes rendus successifs n'ont pas été pris en compte ». Les sociétés Marignan Résidences et Cogedim Méditerranée reprochaient également au maître d'oeuvre la qualité des documents élaborés en précisant « vous nous remettez des documents (...) ceux-ci se révèlent souvent inexploitables et comportent des erreurs et/ou des incohérences importantes ». A défaut de réponse qu'elles jugeaient satisfaisante, par courrier en date du 30 septembre 2008, les sociétés Marignan Résidences et Cogedim mettaient en demeure M. A... « de remettre l'ensemble des éléments de la mission A » en indiquant « 20 semaines après le lancement des premiers travaux, cette phase (établissement du schéma d'aménagement) est toujours dans le même état, alors que le délai contractuel de réalisation de la phase A était de 10 semaines ». Les maîtres d'ouvrage l'avisaient par-là même, en application des dispositions de l'article 12-2-4 du contrat d'architecte de « la résiliation de plein droit du contrat huit jours après la présente mise en demeure ». Enfin, par courrier en date du 28 octobre 2008 les sociétés Marignan Résidences et Cogedim, invoquant le fait que le courrier du 30 septembre 2008 était « resté sans effet » notifiaient à M. A..., en application des dispositions de l'article 12-2-4 du contrat d'architecte, « la résiliation du contrat régularisé le 29 avril 2008 pour inexécution de ses obligations ». « M. A..., impute le dépassement des délais prévus, qu'il ne conteste pas, aux maîtres de l'ouvrage. Toutefois il ne démontre pas, comme il le soutient, que : * les sociétés Marignan Résidences et Cogedim « lui ont fourni tardivement le projet de base lui permettant d'établir ses plans » ou qu'elles ont modifié « de manière substantielle le plan de masse » * les maîtres de l'ouvrage lui ont « volontairement accordé des délais très courts pour exécuter la mission A dans le but prémédité de rompre le contrat », alors qu'il lui appartenait, en tant que professionnel, de refuser de contracter dans l'hypothèse de délais irréalisables. * le projet a été présenté en vidéo projection le 10 octobre 2008 sans observation, alors que dès le 31 juillet 2008 les sociétés Marignan Résidences et Cogedim lui ont fait part des difficultés qu'elles rencontraient ayant abouti à une résiliation du contrat le 28 octobre 2008. Enfin, le fait qu'un retard dans l'exécution de la mission soit sanctionné dans le contrat d'architecte par l'application d'une pénalité, n'empêche pas le maître de l'ouvrage d'invoquer une résiliation du contrat en cas de non-respect général des obligations contractuelles par le maître d'oeuvre, et notamment, comme en l'espèce, l'existence de retards. Dès lors, en l'état de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision déférée qui a jugé que la défaillance fautive de M. A... à accomplir sa mission notamment dans les délais impartis constituait un manquement grave dans l'exécution de ses obligations justifiant la résiliation du contrat à ses torts » (arrêt p. 6, al. 2 et suivants) ; 1/ Alors que dans ses conclusions d'appel, M. A... a fait valoir que le dépassement des délais ne lui était pas imputable mais était la conséquence, d'une part, du retard apporté par les maîtres d'ouvrage à lui fournir le projet de base lui permettant d'établir ses plans, qui ne lui avait été fourni que le 8 juillet 2008 (concl. p. II al. 9 et s., p. 7 et p. 27) et, d'autre part, des modifications apportées au projet initial à nouveau modifié, notamment, le 25 juillet suivant (concl p. 8-9° et p. 23 dernier § à p. 25) ; qu'en se bornant à retenir que M. A... imputait le dépassement des délais prévus aux maîtres de l'ouvrage mais qu'il ne démontrait pas que ces derniers lui avaient fourni tardivement le projet de base lui permettant d'établir ses plans ou qu'ils avaient modifié de manière substantielle le plan de masse, sans examiner les éléments de preuve produits à cet égard par M. A..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2/ Alors que M. A... a également soutenu que les maîtres d'ouvrage avaient commis des fautes contractuelles à son encontre en refusant systématiquement d'organiser des réunions de travail avec les autres intervenants à l'acte de construire, notamment l'urbaniste et la mairie (concl. p. 35) ; qu'en déclarant M. A... responsable du dépassement des délais et en prononçant la résiliation du contrat à ses torts sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. A... de sa demande en paiement d'honoraires, Aux motifs que « M. A... sollicite le paiement d'une somme de 479 688 euros comprenant ses honoraires pour la mission A de 48 000 euros TTC et divers postes : frais annexes collatéraux (achat de deux logiciels, formation de deux salariés sur ce logiciel...) : 26 319 euros TTC, des frais et débours pour exécution de missions non contractuelles : 122 446,40 euros, emprunt hypothécaire : 16 422,50 euros, préjudice lié à la rupture du contrat : 192 000 euros TTC. L'article 12-2-4 prévoit que la résiliation du contrat par le maître de l'ouvrage en cas de défaillance contractuelle du maître d'oeuvre, « ne donnera lieu à aucun versement de dommages et intérêts d'une partie à l'autre ». M. A... n'est donc en droit de prétendre qu'au paiement des travaux effectués et non à des dommages intérêts correspondant à ses frais accessoires, étant précisé que le contrat d'architecte prévoyait une rémunération à hauteur de 50 000 euros HT concernant la mission A. Les sociétés Marignan Résidences et Cogedim font valoir que les documents fournis par M. A... ne sont pas exploitables au vu des erreurs qu'ils contiennent (bilan SHON faux, plans des collectifs ne respectant pas les superficies moyennes prévues...), ce dont il avait été avisé notamment lors des réunions de chantier des 10 juin 2008, 6 août 2008, 12 septembre 2008 et 19 septembre 2008. M. A... indique avoir accompli la mission confiée dans la phase A et conteste les reproches formulés par les sociétés Marignan Résidences et Cogedim. Toutefois, afin d'attester ses dires, il demande à la cour de procéder à diverses analyses de documents, notamment en effectuant une comparaison « des plans de masse APS n° 2 du 3 juin 2008 avec l'APS n° 3 du 6 juin 2008 » ou « du plan de masse APS 16 avec le plan de masse APS 18 du 21 août 2008 ». La cour n'ayant pas les compétences nécessaires en matière d'architecture pour évaluer le travail fourni, il appartenait à A..., qui sollicite le paiement d'honoraires en exécution d'un travail exempt de défauts qu'il indique avoir accompli, ce qui est contesté par les sociétés Marignan Résidences et Cogedim, de solliciter le prononcé d'une mesure d'expertise permettant seule d'établir la réalité et la conformité des travaux exécutés. Dès lors, en l'absence d'éléments probants, il n'y a pas lieu de recevoir la demande de paiement présentée » (arrêt p. 6, al. 8 et suiv.). 1/ Alors que celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que le maître d'ouvrage qui entend s'opposer au paiement des honoraires dus à l'architecte en exécution de ses prestations doit donc démontrer l'inexécution ou la mauvaise exécution desdites prestations ; que pour débouter M. A... de sa demande en paiement d'honoraires, la cour a retenu que s'il indiquait avoir accompli la mission qui lui avait été confiée, elle n'avait pas les compétences nécessaires en matière d'architecture pour apprécier le travail exempt de défauts qu'il indiquait avoir accompli, et qu'en l'absence d'éléments probants, il n'y avait pas lieu de recevoir sa demande en paiement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 2/ Alors, que le juge ne peut, sans méconnaître son office, refuser de statuer sur une demande de condamnation au paiement d'honoraires dont il est saisi au motif que le demandeur ne la chiffre pas ou qu'il est incompétente pour apprécier la qualité du travail fourni ; que pour débouter M. A... de sa demande en paiement d'honoraires, la cour a retenu qu'elle n'avait pas les compétences nécessaires en matière d'architecture pour évaluer le travail fourni et qu'il appartenait à M. A..., qui sollicitait le paiement d'honoraires en exécution d'un travail exempt de défauts qu'il indiquait avoir accompli, de solliciter le prononcé d'une mesure d'expertise ; qu'ainsi, la cour d'appel a méconnu son office et entaché sa décision d'un déni de justice, violant les articles 4, 5 et 12 du code de procédure civile.
Inverse la charge de la preuve de l'extinction de l'obligation à paiement du maître de l'ouvrage la cour d'appel qui, pour rejeter la demande en paiement d'honoraires d'un architecte, retient que le maître de l'ouvrage conteste le caractère exploitable du travail fourni et qu'il appartient à l'architecte de solliciter une mesure d'expertise, après avoir retenu que celui-ci est en droit de prétendre au paiement de ses honoraires au titre des prestations réalisées
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CIV. 3 CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 843 FS-P+B+I Pourvoi n° Q 19-22.376 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. XK.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 10 décembre 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est 313 Terrasses de l'Arche, 92727 Nanterre, a formé le pourvoi n° Q 19-22.376 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. E... XK..., 2°/ à Mme Y... G..., épouse XK..., domiciliés tous deux [...] 82000 Montauban, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. et Mme XK..., après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, David, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 10 janvier 2019), M. E... XK... et son épouse ont vendu à T... A... et Mme J... une maison d'habitation qu'ils avaient fait édifier en confiant la réalisation d'une partie des travaux à M. U... XK..., assuré auprès de la société Axa courtage, maintenant dénommée Axa France IARD (la société Axa). 2. Un jugement a condamné in solidum M. et Mme XK..., d‘une part, et la société Axa, d'autre part, à payer à Mme J... et à P... A..., venue aux droits de T... A... décédé (les consorts A... J...), des sommes au titre de la réparation de désordres atteignant l'immeuble et de l'indemnisation d'un préjudice de jouissance. 3. M. et Mme XK... ont assigné en garantie la société Axa. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir M. et Mme XK... de l'intégralité des condamnations prononcées contre eux, alors « que les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, la société Axa France IARD, assureur de responsabilité décennale de M. U... XK..., constructeur de la maison des époux XK..., a fait valoir que ces derniers avaient été condamnés envers les consorts J... A..., acquéreurs de leur maison, sur le fondement de la garantie décennale en leur qualité de vendeurs réputés constructeurs, qu'ils pouvaient donc agir contre elle sur le seul fondement de l'article 1792 du code civil et que le délai d'épreuve décennal pendant lequel elle devait sa garantie avait expiré le 3 décembre 2012, faute d'avoir été interrompu par les époux XK... ; que pour écarter la forclusion invoquée, la cour a retenu que le recours en garantie des époux XK... contre la compagnie Axa France IARD, assureur de M. U... XK..., était fondé sur la responsabilité de droit commun dès lors qu'ils avaient la qualité de constructeurs ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, nonobstant la vente de leur maison aux consorts J... A..., ils n'avaient pas conservé contre la société Axa France Iard, prise en tant qu'assureur de M. U... XK..., dès lors qu'ils y avaient un intérêt direct et certain, l'exercice de l'action fondée sur la responsabilité décennale, excluant toute action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1792 du code civil : 5. Selon ce texte, tout constructeur d'ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. 6. D'une part, si l'action en garantie décennale se transmet en principe avec la propriété de l'immeuble aux acquéreurs, le maître de l'ouvrage ne perd pas la faculté de l'exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain. Tel est le cas lorsqu'il a été condamné à réparer les vices de cet immeuble (3e Civ., 20 avril 1982, pourvoi n° 81-10.026, Bull. 1982, III, n° 95 ; 3e Civ., 9 février 2010, pourvoi n° 08-18.970). 7. D'autre part, les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (3e Civ., 13 avril 1988, pourvoi n° 86-17.824, Bull. 1988, III, n° 67). 8. Enfin, le délai de la garantie décennale étant un délai d'épreuve, toute action, même récursoire, fondée sur cette garantie ne peut être exercée plus de dix ans après la réception (3e Civ., 15 février 1989, pourvoi n° 87-14.713, Bull. 1989, III, n° 36). 9. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Axa, l'arrêt retient que M. et Mme XK... ont été condamnés à indemniser leurs acquéreurs sur le fondement de l'article 1792-1 2° du code civil, en qualité de constructeurs et non de maîtres de l'ouvrage, qualité qu'ils ont perdue par la vente de celui-ci, et qu'ils agissent comme constructeurs contre la société Axa, assureur de l'entreprise qui a réalisé la maçonnerie et avec laquelle ils étaient liés contractuellement, de sorte que leur recours en garantie est fondé sur la responsabilité de droit commun. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en dépit de la vente de leur maison, M. et Mme XK... n'avaient pas conservé contre l'assureur de l'entreprise, dès lors qu'ils y avaient un intérêt direct et certain, l'exercice de l'action fondée sur la responsabilité décennale, excluant toute action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. et Mme XK... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD. Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Axa France Iard à garantir les époux XK... de l'intégralité des condamnations mises à leur charge par le jugement du 6 octobre 2015 ; Aux motifs que « lors de la construction de l'ouvrage, les époux AISSA ABDI avaient vis à vis de l'entreprise XK... Bâtiment la qualité de maître de l'ouvrage. L'action sur le fondement de l'article 1792 du code civil est réservée au maître de l'ouvrage et aux propriétaires successifs de l'ouvrage. La vente de l'ouvrage aux consorts J... a emporté transfert de cette action à leur bénéfice, et ces derniers l'ont effectivement mise en oeuvre. Les époux AISSA ABDI ont été condamnés par le jugement du 6 octobre 2015 à indemniser leurs acquéreurs, sur le fondement de l'article 1792-1, 2° du code civil, en qualité de constructeurs et non de maître de l'ouvrage, qualité qu'ils ont perdue par la vente de l'ouvrage. Et c'est en cette qualité de constructeurs qu'ils agissent à l'encontre de l'assureur de l'entreprise assurée auprès de la compagnie AXA qui a réalisé la maçonnerie de l'ouvrage et avec laquelle ils sont liés contractuellement. Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n'est pas fondé sur la garantie décennale, mais est de nature contractuelle si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi-délictuelle s'ils ne le sont pas, de sorte que le point de départ du délai de cette action n'est pas la date de réception des ouvrages. Il en résulte que : - le recours en garantie des époux E... AISSA ABDI contre la compagnie AXA FRANCE IARD est fondé sur la responsabilité de droit commun applicable dans leurs rapports contractuels, indépendamment du fait que leur garantie a été retenue vis à vis des acquéreurs de l'ouvrage au titre de la responsabilité décennale - l'ouvrage ayant été réceptionné en 2002, la prescription alors applicable était la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil. L'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 relative à la prescription a soumis ce délai de prescription aux dispositions de l'article 2224 du code civil qui le réduit à 5 ans - le point de départ du délai de prescription de droit commun en matière de responsabilité contractuelle est le jour où en l'espèce les époux AISSA ABDI ont eu connaissance des désordres et de leur imputabilité, soit le jour du dépôt du rapport de Madame H... expert, soit le 5 mars 2014 Or l'assignation en date du 18 octobre 2016 a été délivrée dans le délai de prescription qui expire le 5 mars 2019. L'action des époux E... AISSA ABDI à l'encontre de la compagnie AXA FRANCE IARD n'est donc pas prescrite. Le jugement est confirmé de ce chef » (arrêt p. 4 & 5) ; Et aux motifs qu'« aux termes de l'article 5 de la police souscrite "responsabilité décennale" l'assureur s'engage à prendre en charge le coût de la réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué lorsqu'il a subi un dommage construction engageant la responsabilité de ce dernier sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et 1792-2 du code civil à propos des travaux de bâtiment. Le jugement a relevé que les désordres affectant l'ouvrage engagent la responsabilité décennale du constructeur, la garantie d'AXA est mobilisée sur le fondement de l'article 5 de la police à concurrence de la somme en principal de 118.826,29 euros HT outre accessoires. L'article 11 "responsabilité pour dommages immatériels consécutifs" de la police souscrite par Monsieur U... AISSA ABDI auprès d'AXA stipule que l'assureur s'engage à prendre en charge les conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant à l'assuré en raison des dommages immatériels : - subis soit par le maître de l'ouvrage soit par le propriétaire ou l'occupant de l'ouvrage - et résultant directement d'un dommage entraînant le versement d'une indemnité par l'assureur en application des articles 5, 7, 8, 9 ou 10. La police définit les dommages immatériels comme étant tout préjudice résultant de la privation de jouissance d'un droit, de l'interruption de service rendu par un bien, ou de la perte d'un bénéfice. La garantie d'AXA est mobilisée sur ce fondement à concurrence de la somme de 9.000,00 euros au titre du préjudice de jouissance résultant d'un dommage entraînant le versement d'une indemnité par l'assureur en application de l'article 5. Les époux AISSA ABDI demandent la prise en charge définitive par AXA du coût des réparations de l'ouvrage imputables à Monsieur U... AISSA ABDI assuré auprès de cette compagnie, laquelle ne peut donc soutenir que leur réclamation porte sur une indemnité dont ils sont tenus en leur qualité de coobligés et qui ne serait pas prise en charge par la police. Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions » (arrêt p. 6 & 7) ; 1/ Alors que les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, la société Axa France Iard, assureur de responsabilité décennale de M. U... XK..., constructeur de la maison des époux XK..., a fait valoir que ces derniers avaient été condamnés envers les consorts J.../A..., acquéreurs de leur maison, sur le fondement de la garantie décennale en leur qualité de vendeurs réputés constructeurs, qu'ils pouvaient donc agir contre elle sur le seul fondement de l'article 1792 du code civil et que le délai d'épreuve décennal pendant lequel elle devait sa garantie avait expiré le 3 décembre 2012, faute d'avoir été interrompu par les époux XK... ; que pour écarter la forclusion invoquée, la cour a retenu que le recours en garantie des époux XK... contre la compagnie Axa France Iard, assureur de M. U... XK..., était fondé sur la responsabilité de droit commun dès lors qu'ils avaient la qualité de constructeurs ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, nonobstant la vente de leur maison aux consorts J.../A..., ils n'avaient pas conservé contre la société Axa France Iard, prise en tant qu'assureur de M. U... XK..., dès lors qu'ils y avaient un intérêt direct et certain, l'exercice de l'action fondée sur la responsabilité décennale, excluant toute action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ; 2/ Alors, en toute hypothèse, que le délai décennal courant à compter de la réception est applicable à une action en garantie dirigée par le maître d'ouvrage vendeur contre un constructeur ; qu'en l'espèce, la cour a déclaré recevable le recours des époux XK... contre la compagnie Axa France Iard, assureur de l'entrepreneur, après avoir retenu qu'il était fondé sur la responsabilité contractuelle de droit commun et que le point de départ du délai était le jour où les époux XK... ont eu connaissance des désordres et de leur imputabilité, soit le jour du dépôt du rapport de Mme H..., expert, le 5 mars 2014 ; qu'en statuant ainsi, quand cette action se prescrivait par 10 ans à compter de la réception, la cour a violé l'article 2270, devenu 1792-4-1, du code civil ; 3/ Alors que la compagnie Axa France Iard a fait valoir que si les époux XK... disposaient d'une action directe fondée sur la responsabilité contractuelle de son assuré, M. U... XK..., elle ne garantissait que le coût de réparation ou de remplacement de l'ouvrage et non les conséquences pécuniaires de la responsabilité de l'assuré, et que l'action des époux XK... ne visant pas à les indemniser du coût de la réparation de l'ouvrage mais de l'indemnité qu'ils avaient dû verser en leur qualité de coobligé, sa garantie n'était pas due ; qu'en jugeant, pour condamner Axa France Iard à garantir les époux XK..., que le tribunal avait relevé que les désordres affectant l'ouvrage engageaient la responsabilité décennale du constructeur et que la garantie était mobilisée sur le fondement de l'article 5 de la police à concurrence de la somme en principal de 118 826,29 euros HT, outre accessoires, sans répondre aux conclusions précitées, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile.
D'une part, si l'action en garantie décennale se transmet en principe avec la propriété de l'immeuble aux acquéreurs, le maître de l'ouvrage ne perd pas la faculté de l'exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain. Tel est le cas lorsqu'il a été condamné à réparer les vices de cet immeuble. D'autre part, les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. Enfin, le délai de la garantie décennale étant un délai d'épreuve, toute action, même récursoire, fondée sur cette garantie ne peut être exercée plus de dix ans après la réception. En conséquence, ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion et soulevée par l'assureur d'un constructeur, retient que le recours en garantie des vendeurs, condamnés à indemniser leurs acquéreurs sur le fondement de l'article 1792-1, 2°, du code civil, est fondé sur la responsabilité de droit commun, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les vendeurs n'avaient pas conservé contre l'assureur de l'entreprise, dès lors qu'ils y avaient un intérêt direct et certain, l'exercice de l'action fondée sur la responsabilité décennale, excluant toute action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Rejet M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 636 F-P+B Pourvoi n° S 19-10.579 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 NOVEMBRE 2020 1°/ la société agricole du Domaine de Palayson et des grands châteaux de Villepey, société anonyme, dont le siège est [...] , 2°/ la société Pellier, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société agricole du Domaine de Palayson et des grands châteaux de Villepey, commissaire à l'exécution du plan, ont formé le pourvoi n° S 19-10.579 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre C), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme O... F..., domiciliée [...] , prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Landsbanki Luxembourg, 2°/ à la société Landsbanki Luxembourg, société anonyme, dont le siège est [...] , société de droit étranger, 3°/ à M. T... H..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur de la société Lex Life and Pension, 4°/ à la société Lex Life and Pension, société anonyme, dont le siège est [...] , société de droit étranger, défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société agricole du Domaine de Palayson et des grands châteaux de Villepey et de la société Pellier, ès qualités, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme F..., ès qualités, de M. H..., ès qualités, et des sociétés Landsbanki Luxembourg et Lex Life and Pension, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2018), la société agricole Domaine de Palayson et des grands châteaux de Villepey (la société Palayson), propriétaire d'un domaine viticole et d'un ensemble immobilier attenant, est détenue majoritairement par la société Château Holding, dont les actionnaires sont M. et Mme R... U... (les époux U...), lesquels détiennent également le reliquat d'actions de la société Palayson. Le 10 décembre 2007, la société Palayson a souscrit auprès de la société Landsbanki Luxembourg (la banque), filiale de droit luxembourgeois d'une banque de droit islandais, un prêt « Equity Release » d'un montant de 7 850 000 euros, diminué ensuite à concurrence de 4 000 000 euros, remboursable in fine le 20 décembre 2027, seuls les intérêts étant payés pendant la durée du prêt. En garantie de ce prêt, la société Palayson a consenti une affectation hypothécaire de son actif immobilier et un nantissement sur un contrat d'assurance-vie souscrit par les époux U... auprès de la société Lex Life & Pension, de droit luxembourgeois, appartenant au groupe Landsbanki. 2. Par un jugement d'un tribunal luxembourgeois du 8 octobre 2008, la banque a été admise au bénéfice de la procédure de sursis de paiement, convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 12 décembre 2008, Mme F... étant désignée liquidateur. 3. Les intérêts du prêt n'étant plus réglés depuis le 27 août 2010, la banque a, le 22 février 2011, mis en demeure la société Palayson de régler les sommes dues dans un délai de huit jours, à défaut de quoi la déchéance du terme serait acquise. 4. Entre-temps et par un acte du 1er février 2011, la société Palayson a assigné la banque, son liquidateur et la société Lex Life & Pension, devant le tribunal de grande instance de Draguignan pour obtenir la nullité de l'affectation hypothécaire et du nantissement, et voir fixer le montant du capital restant dû au titre du prêt à la somme de 1 828 564,40 euros, cette somme demeurant remboursable au plus tard le 20 décembre 2027. Par un jugement du 11 septembre 2014, le tribunal a déclaré l'action recevable, et rejeté les demandes de la société Palayson. 5. Par un jugement du 30 novembre 2015, la société Palayson a été mise en redressement judiciaire, la société Pellier étant désignée mandataire judiciaire. Elle a fait l'objet d'un plan de continuation le 9 janvier 2017, la société Pellier étant nommée commissaire à l'exécution du plan. La banque a déclaré sa créance en principal et intérêts échus et à échoir, à titre privilégié, qui a été contestée. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et cinquième branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, et quatrième branches Enoncé du moyen 7. La société Palayson et la société Pellier, ès qualités, font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement du 11 septembre 2014 et de déclarer leurs demandes irrecevables, alors : « 2°/ qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger, sans dénaturation ; que la jurisprudence luxembourgeoise pose que l'action en nullité et visant à voir dire qu'aucune obligation de remboursement n'incombe à l'emprunteur ne constitue pas une poursuite individuelle dont la suspension est imposée par l'article 452 du code de commerce luxembourgeois, sauf à ce que cette demande vise également à obtenir des dommages et intérêts de la personne sujette à la procédure collective ; qu'en retenant que les demandes principales des exposants étaient irrecevables du seul fait qu'elles « impliquaient une conséquence patrimoniale dont la cause est antérieure à la liquidation judiciaire », la cour d'appel a dénaturé le droit étranger en violation de l'article 3 du code civil ; 3°/ qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'il doit pour ce faire confronter les différentes sources du droit étranger invoquées par les parties ; qu'en l'espèce il était fait état, pour justifier de la recevabilité des demandes principales de l'exposante au regard du droit luxembourgeois (demandes en résolution ou nullité et à voir dire et juger que la société Palayson n'est plus débitrice de l'obligation de rembourser le prêt), d'un arrêt de la cour d'appel du Luxembourg du 3 avril 2014 aux termes duquel « les demandes tendant à voir constater l'inexistence, sinon à voir prononcer la nullité du contrat de prêt et du contrat de gage, (les emprunteurs) entendent voir dire qu'aucune obligation de remboursement ne leur incombe. Dans la mesure où la demande ne tend pas à la reconnaissance d'une créance au profit des appelants, mais tend à faire cesser leur situation de débiteurs à l'égard de la banque, elle ne tombe pas dans le champ d'application de l'article 452 du code de commerce. Cette demande ne constitue pas une poursuite individuelle dont la suspension est imposée par l'article 452 du code de commerce » ; qu'en se fondant sur le seul certificat de coutume fourni par la partie adverse et la consultation d'un professeur français sans tenir compte de l'interprétation jurisprudentielle luxembourgeoise de l'article 452 du code de commerce luxembourgeois, la cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 3 du code civil ; 4°/ que le juge ne peut écarter les pièces du débat sans les examiner ; qu'en l'espèce il était fait état, pour justifier de la recevabilité des demandes principales de l'exposante au regard du droit luxembourgeois, d'un arrêt de la cour d'appel du Luxembourg du 3 avril 2014 qui retenait la recevabilité de l'action en nullité en ce qu'elle tend à voir constater l'absence d'une créance du chef de la banque, ce qui était confirmé par une consultation du professeur C... rappelant que la faillite de droit luxembourgeois s'apparente au droit français sous l'empire de la loi de 1967 qui reconnaît la recevabilité de l'action en nullité, et a été reconnu par deux arrêts des cours d'appel de Poitiers (3 juillet 2018) et Paris (12 novembre 2015), tous deux définitifs ; qu'en se fondant sur les seules pièces produites par la banque sans examiner celles produites par la société Palayson pour établir la teneur du droit luxembourgeois, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code civil ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 8. L'arrêt, après avoir énoncé que l'article 452 du code de commerce du Grand Duché du Luxembourg dispose qu'à partir du jugement déclaratif de faillite, toute action mobilière ou immobilière, toute voie d'exécution sur les meubles ou sur les immeubles ne pourra être suivie, intentée ou exercée que contre les curateurs de la faillite, retient que, selon le certificat de coutume produit aux débats, le principe de la suspension des poursuites individuelles résultant de ce texte fait que toutes les actions patrimoniales introduites postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure sont irrecevables, si elles sont exercées par des créanciers chirographaires dont la créance est née avant l'ouverture de la procédure de liquidation et qu'un tel principe n'est pas seulement général et absolu, mais aussi d'ordre public et doit être soulevé d'office par le juge, et que selon la consultation rédigée par M. V..., au regard du principe posé par ce texte, non seulement une demande de dommages-intérêts est irrecevable, mais aussi la demande d'annulation de l'affectation hypothécaire, de même que la demande en nullité du contrat de prêt, combinée à une demande en limitation des restitutions dues. L'arrêt retient que la société Palayson, qui a saisi le tribunal par un acte du 1er février 2011, postérieur à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la banque, d'une demande d'annulation des affectations hypothécaires et qui, en cause d'appel, présente des demandes de nullité et de résolution du contrat de prêt, et de dommages-intérêts, et demande par ailleurs, en cas de succès de l'action en nullité, à ne pas être condamnée à la restitution du capital emprunté, tandis que la créance de la banque est née antérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation, agit en se prévalant de créances antérieures au jugement d'ouverture. Il en déduit que le succès des actions ainsi engagées ne pourrait qu'affecter le patrimoine de la banque et, par suite, le gage des créanciers, que ces actions présentent, en conséquence, un caractère patrimonial et se trouvent soumises au principe de suspension des poursuites individuelles. 9. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter et qui a, dans l'exercice de son appréciation souveraine de la teneur et de la portée du droit positif luxembourgeois, sans dénaturation, et par un arrêt motivé, retenu que l'action de la société Palayson et de son liquidateur se heurtait à la règle de la suspension des poursuites individuelles dont bénéficiait la banque, a légalement justifié sa décision. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société agricole Domaine de Palayson et des grands châteaux de Villepey et la société Pellier, en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de cette société, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société agricole Domaine de Palayson et des grands châteaux de Villepey et la société Pellier, en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de cette société, et les condamne à payer à la société Landsbanki Luxembourg, Mme F..., en qualité de liquidateur de cette société, la société Lex Life and Pension et M. H..., en qualité de liquidateur de cette société, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour la société agricole du Domaine de Palayson et des grands châteaux de Villepey et la société Pellier, ès qualités. Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par la société agricole du domaine de Palayson et des Grands Châteaux de Villepey à l'encontre de la SA Landsbanki Luxembourg et de la SA Lex Life & Pension ; AUX MOTIFS QUE « en premier lieu, qu'il n'est plus discuté que le droit applicable à la procédure collective est le droit luxembourgeois, le règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dit Bruxelles I écartant expressément de son champ d'application les procédures d'insolvabilité, et le Grand Duché du Luxembourg ayant transposé en droit interne la Directive 2001/24/CE du 4 avril 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit, qui prévoit notamment que la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et aux mesures d'assainissement est la loi du pays d'origine ; qu'ainsi, les articles 60-3 et 61-2 de la loi luxembourgeoise de surveillance du secteur financier prévoient, respectivement, que la procédure du sursis de paiement et la procédure de liquidation judiciaire d'établissements de droit luxembourgeois sont soumises aux lois, règlements et procédures applicables au Luxembourg ; Attendu, en second lieu, que l'article 452 du code de commerce du Grand Duché du Luxembourg dispose qu'à partir du jugement déclaratif de faillite, toute action mobilière ou immobilière, toute voie d'exécution sur les meubles ou sur les immeubles ne pourra être suivie, intentée ou exercée que contre les curateurs de la faillite ; Que selon le certificat de coutume établi par M. X... J... produit aux débats, le principe de la suspension des poursuites individuelles résultant de l'article 452 du code de commerce fait que toutes les actions patrimoniales introduites postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure sont irrecevables, si elles sont exercées par des créanciers chirographaires dont la créance est née avant l'ouverture de la procédure de liquidation ; qu'un tel principe n'est pas seulement général et absolu, mais il est d'ordre public et doit être soulevé d'office par le juge ; Que selon la consultation rédigée par M. G... V..., au regard du principe posé par cet article 452, non seulement une demande de dommages-intérêts est irrecevable, mais aussi la demande d'annulation de l'affectation hypothécaire, de même que la demande en nullité du contrat de prêt, combinée à une demande en limitation des restitutions dues ; Attendu qu'il ressort de ces éléments que le principe de la suspension des poursuites individuelles, qui est le corollaire de la procédure obligatoire de la vérification des créances, concerne toutes les actions patrimoniales introduites postérieurement au jugement par des créanciers chirographaires ; Qu'ainsi, les poursuites introduites postérieurement au jugement de liquidation sont irrecevables si elles sont exercées par des créanciers chirographaires dont la créance est née avant l'ouverture de la procédure ; Qu'en l'espèce, la société Domaine de Palayson a saisi le tribunal de grande instance de Draguignan par acte introductif d'instance du 1er février 2011, soit postérieurement au jugement de liquidation prononcée au Luxembourg à l'égard de la Landsbanki, d'une demande d'annulation des affectations hypothécaires ; qu'en cause d'appel, et abstraction faite de leur nouveauté invoquée par la Landsbanki, elle présente des demandes de nullité et de résolution du contrat de prêt, et de dommages-intérêts, et demande par ailleurs, en cas de succès de l'action en nullité, à ne pas être condamnée à la restitution du capital emprunté, en excipant de l'indignité du créancier ; Qu'il est constant que la créance de la Landsbanki est née antérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation ; que par définition l'action en nullité pour dol trouve sa cause dans des faits contemporains de la formation du contrat ; qu'il en est de même de la demande en paiement de dommages-intérêts qui repose sur le comportement dolosif prêté à la Landsbanki lors de la conclusion du prêt ; Que c'est en vain que la société Domaine de Palayson soutient que l'action en inexécution qu'elle entend exercer repose sur des inexécutions postérieures à la procédure collective, au motif que l'exécution du montage equity release aurait fautivement créé les conditions de déchéance du terme ; qu'en effet, sous couvert de résolution du prêt pour inexécution, la société Domaine de Palayson entend en réalité remettre en cause un mécanisme résultant du contrat lui-même, c'est-à-dire contester sa validité et non son exécution ; qu'au surplus, la critique manque en fait dès lors que la déchéance du terme n'a pas été motivée par l'insuffisance des garanties offertes du fait de l'augmentation de l'encours du prêt, mais par la défaillance de la société emprunteuse dans le paiement des échéances d'intérêts ; Attendu que le succès des actions ainsi engagées ne pourrait qu'affecter le patrimoine de la Landsbanki et, par suite, le gage des créanciers ; que ces actions présentent, en conséquence, un caractère patrimonial et se trouvent soumises au principe de suspension des poursuites individuelles énoncé à l'article 452 susvisé du code de commerce du Grand Duché du Luxembourg ; Qu'enfin, la société Domaine de Palayson n'est pas fondée à dissocier l'exercice d'une action en nullité purement déclaratoire de l'action consécutive en restitution ; qu'il suffit, à cet égard, de constater qu'en demandant à être dispensée de l'obligation de restitution découlant de la nullité qu'elle sollicite, sa demande implique une conséquence patrimoniale dont la cause est antérieure à la liquidation judiciaire ; Que le jugement sera, en conséquence, infirmé et les demandes présentées par la société Domaine de Palayson déclarées irrecevables ; Sur les dépens et les frais irrépétibles ; Attendu que la société Domaine de Palayson, qui succombe dans ses prétentions, doit supporter les dépens de la procédure d'appel ; Attendu que l'équité justifie d'allouer en cause d'appel aux intimés une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; » ALORS QUE 1°) juge est tenu par l'objet du litige tel que les parties l'ont fixé, l'ordre des demandes étant alors à prendre en considération ; que dès lors, si le demandeur classe une demande en demande principale et l'autre en demande subsidiaire, le juge doit d'abord statuer sur la première et, s'il l'admet, est dispensé d'examiner la seconde, émise seulement pour le cas où la première serait rejetée ; qu'en l'espèce il était demandé à titre principal la résolution des contrats de prêt, de gage et d'affectation hypothécaire, ou leur nullité et en toute hypothèse qu'il soit dit et jugé que la Société Domaine de Palayson n'est plus débitrice de l'obligation de rembourser le prêt ; que ce n'est qu'à titre « très subsidiaire » qu'il était demandé que soit reconnue la responsabilité de la banque et sa condamnation à payer, au besoin à titre de compensation, des dommages et intérêts à la Société ; qu'en examinant globalement l'ensemble de ces demandes, sans distinction, pour les dire irrecevables au regard du droit luxembourgeois qui les considérerait ainsi comme des actions de nature patrimoniale atteintes par la suspension des poursuites de l'article 452 du Code de commerce luxembourgeois, la Cour d'appel a dénaturé les demandes de l'exposante en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ; ALORS QUE 2°) il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger, sans dénaturation ; que la jurisprudence luxembourgeoise pose que l'action en nullité et visant à voir dire qu'aucune obligation de remboursement n'incombe à l'emprunteur ne constitue pas une poursuite individuelle dont la suspension est imposée par l'article 452 du code de commerce luxembourgeois, sauf à ce que cette demande vise également à obtenir des dommages et intérêts de la personne sujette à la procédure collective ; qu'en retenant que les demandes principales des exposants étaient irrecevables du seul fait qu'elles « impliquaient une conséquence patrimoniale dont la cause est antérieure à la liquidation judiciaire », la Cour d'appel a dénaturé le droit étranger en violation de l'article 3 du Code civil ; ALORS QUE 3°) il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'il doit pour ce faire confronter les différentes sources du droit étranger invoquées par les parties ; qu'en l'espèce il était fait état, pour justifier de la recevabilité des demandes principales de l'exposante au regard du droit luxembourgeois (demandes en résolution ou nullité et à voir dire et juger que la Société Domaine de Palayson n'est plus débitrice de l'obligation de rembourser le prêt), d'un arrêt de la Cour d'appel du Luxembourg du 3 avril 2014 aux termes duquel « les demandes tendant à voir constater l'inexistence, sinon à voir prononcer la nullité du contrat de prêt et du contrat de gage, (les emprunteurs) entendent voir dire qu'aucune obligation de remboursement ne leur incombe. Dans la mesure où la demande ne tend pas à la reconnaissance d'une créance au profit des appelants, mais tend à faire cesser leur situation de débiteurs à l'égard de Landsbanki, elle ne tombe pas dans le champ d'application de l'article 452 du code de commerce. Cette demande ne constitue pas une poursuite individuelle dont la suspension est imposée par l'article 452 du code de commerce » ; qu'en se fondant sur le seul certificat de coutume fourni par la partie adverse et la consultation d'un professeur français sans tenir compte de l'interprétation jurisprudentielle luxembourgeoise de l'article 452 du Code de commerce luxembourgeois, la Cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 3 du Code civil ; ALORS QUE 4°) le juge ne peut écarter les pièces du débat sans les examiner ; qu'en l'espèce il était fait état, pour justifier de la recevabilité des demandes principales de l'exposante au regard du droit luxembourgeois, d'un arrêt de la Cour d'appel du Luxembourg du 3 avril 2014 qui retenait la recevabilité de l'action en nullité en ce qu'elle tend à voir constater l'absence d'une créance du chef de la Société Landsbanki, ce qui était confirmé par une consultation du Professeur C... rappelant que la faillite de droit luxembourgeois s'apparente au droit français sous l'empire de la loi de 1967 qui reconnaît la recevabilité de l'action en nullité, et a été reconnu par deux arrêts des cours d'appel de Poitiers (3 juillet 2018) et Paris (12 novembre 2015), tous deux définitifs ; qu'en se fondant sur les seules pièces produites par la banque sans examiner celles produites par l'exposante pour établir la teneur du droit luxembourgeois, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code civil ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; ALORS QUE 5°) en toute hypothèse, le juge ne peut requalifier une demande sans provoquer le contradictoire sur ce point ; qu'en l'espèce, il était fait valoir par l'exposante que le contrat devait être résolu, aux torts exclusifs de la banque, pour des manquements postérieurs à l'ouverture de la procédure collective (v. pp. 23, puis pp. 27 s.) cette action n'étant en toute hypothèse pas affectée par cette procédure ; que pour dire cette demande irrecevable, la Cour d'appel a d'office requalifié la demande, ce qui n'était pas soutenu par la partie adverse, sans provoquer la contradiction ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.
N'a pas dénaturé le droit positif luxembourgeois, la cour d'appel qui, appréciant souverainement la teneur et la portée de l'article 452 du code de commerce du Grand Duché de Luxembourg, a retenu que l'action d'un créancier dont elle était saisie contre un débiteur ayant fait l'objet, sur le territoire de cet Etat, d'un jugement déclaratif de faillite, se heurtait à la règle de suspension des poursuites individuelles dont bénéficiait le débiteur en vertu de ce texte
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Rejet M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 639 F-P+B Pourvoi n° F 19-18.849 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 NOVEMBRE 2020 1°/ la société IPSA Holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 2°/ la société CBF associés, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. Q... B..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société IPSA Holding, 3°/ la société I...-O..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en la personne de Mme E... O..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société IPSA Holding, ont formé le pourvoi n° F 19-18.849 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige les opposant à la société Alpha Petrovision Holding AG, dont le siège est [...] (Suisse), prise en la personne de son liquidateur amiable, défenderesse à la cassation. La société Alpha Petrovision Holding AG a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat des sociétés IPSA Holding, CBF associés, ès qualités, et I...-O..., ès qualités, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Alpha Petrovision Holding AG, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mai 2019), par une convention du 9 septembre 2011, la société de droit suisse Alpha Petrovision Holding (la société APV) a cédé à la société ACG Private Equity (la société ACG) la totalité des titres de la société de droit français IPSA, gestionnaire de fonds communs de placement, moyennant le prix de 1 euro dans l'attente de la liquidation des fonds, et de deux compléments de prix, l'un représentant 50 % du résultat de la société IPSA, dit Earn Out, et l'autre assis sur les performances des fonds. En mars 2012, la société ACG a cédé les titres à la société de droit français IPSA Holding qui s'est substituée à la société ACG dans l'ensemble de ses droits et obligations. 2. Le 12 novembre 2014, la société APV a engagé une procédure d‘arbitrage pour régler un différend relatif au paiement des compléments de prix. Le tribunal arbitral a rendu à Zurich, le 23 décembre 2016, une sentence condamnant la société IPSA Holding à payer à la société APV une somme de 3 310 399,16 euros en principal et intérêts, outre intérêts ultérieurs, frais et dépens. 3. Le 9 janvier 2017, un tribunal a ouvert la procédure de sauvegarde de la société IPSA Holding, la société CBF associés, en la personne de M. B..., étant désignée administrateur, et la société I... O..., en la personne de Mme O..., étant désignée mandataire judiciaire. La société APV a déclaré sa créance qui a été contestée. 4. Le 8 mars 2017, la société APV, en liquidation amiable, a déposé une requête aux fins d'exequatur de la sentence arbitrale en demandant la délivrance d'une expédition revêtue de la formule exécutoire. Il y a été fait droit par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 10 mars 2017 qui a déclaré la sentence exécutoire. La société IPSA Holding a fait appel de l'ordonnance. 5. Par une ordonnance du 22 mai 2018, le juge-commissaire, saisi de la demande d'admission de la créance de la société APV, a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel statuant sur l'appel de l'ordonnance d'exequatur. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident qui est préalable Enoncé du moyen 6. La société APV fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance d'exequatur en ce qu'elle rend exécutoire une condamnation à paiement de sommes d'argent, alors « que l'exequatur n'étant pas un acte d'exécution, l'ouverture en France d'une procédure collective à l'égard d'un débiteur condamné par un tribunal arbitral à l'étranger est sans incidence sur l'exequatur de la sentence arbitrale ; qu'en considérant, pour infirmer l'ordonnance d'exequatur du 10 mars 2017 en ce qu'elle rend exécutoire une condamnation à paiement de sommes d'argent, que l'exequatur ne pourrait avoir pour objet que la reconnaissance et l'opposabilité en France de la sentence et ne saurait, sans méconnaître le principe d'arrêt des poursuites individuelles, rendre exécutoire une condamnation à paiement, la cour d'appel a estimé à tort que l'exequatur serait une mesure d'exécution forcée et a violé l'article 1516 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. L'arrêt énonce que le principe de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers est à la fois d'ordre public interne et international et, après avoir relevé que la sentence litigieuse du 23 décembre 2016, revêtue dès sa reddition, de l'autorité de chose jugée, avait condamné la société IPSA Holding à payer diverses sommes à la société APV, et que le tribunal a ouvert la procédure de sauvegarde de la société IPSA Holding le 9 janvier 2017, retient exactement que l'exequatur ne saurait, sans méconnaître le principe susvisé, rendre exécutoire une condamnation du débiteur à paiement de sommes d'argent. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 9. La société IPSA Holding, la société CBF associés, en la personne de M. B..., ès qualités, et la société I...-O..., en la personne de Mme O..., ès qualités, font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance d'exequatur en ce qu'elle emporte reconnaissance de la sentence, alors : « 1°/ qu'il résulte des articles L. 622-21, L. 622-22 et L. 624-2 du code de commerce qu'en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la sauvegarde du débiteur, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification des créances ; que seule une décision par laquelle le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate son absence de pouvoir juridictionnel pour trancher une contestation relative à une créance déclarée et sursoit à statuer, en conséquence, sur son admission, peut inviter les parties à saisir la juridiction compétente ; qu'il s'ensuit qu'après avoir déclaré sa créance, un créancier ne peut saisir directement le juge d'une demande d'exequatur ou de reconnaissance d'une sentence arbitrale et doit attendre la décision du juge-commissaire l'invitant à saisir le juge compétent, lors même que la contestation ou la créance ne relève pas, a priori, du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire ; qu'en statuant comme elle a fait, après avoir constaté que la société IPSA Holding avait été placée en sauvegarde par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 janvier 2017, que la société APV avait déclaré sa créance au passif de la société IPSA Holding le 16 février 2017 et ensuite déposé une requête aux fins d'exequatur de la sentence le 8 mars 2017, sans attendre la décision du juge-commissaire qui a seul le pouvoir de statuer sur la régularité de la déclaration de créance, lequel ne s'est prononcé que par une ordonnance du 22 mai 2018 en ordonnance uniquement un sursis à statuer, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 622-21, L. 622-22, L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce, ensemble l'article 1520.5° du code de procédure civile ; 2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en confirmant l'ordonnance du 10 mars 2017 rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris, en ce qu'elle emportait reconnaissance de la sentence rendue le 23 décembre 2016, la société APV sollicitant pourtant uniquement, dans ses dernières conclusions, la confirmation de cette ordonnance en ce qu'elle avait conféré l'exequatur à la sentence arbitrale, sans en demander la reconnaissance, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 3°/ que le juge doit observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que dans les circonstances de l'espèce, l'exequatur ne pouvait avoir pour objet que la reconnaissance et l'opposabilité en France de la sentence, sans préalablement inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 10. L'arrêt retient que la sentence ne pouvant être contestée, conformément aux dispositions de l'article 1525 du code de procédure civile, que par la voie de l'appel de l'ordonnance d'exequatur et pour les motifs limitativement énumérés par ce texte, il appartient au créancier de solliciter l'exequatur lorsque la vérification des créances fait apparaître une contestation à l'égard de laquelle le juge-commissaire n'est pas compétent, que l'exequatur prononcé dans de telles circonstances ne peut avoir pour objet que la reconnaissance et l'opposabilité en France de la sentence et que l'ordonnance d'exequatur rendue le 10 mars 2017, postérieurement à la déclaration de la créance résultant de la sentence, échappe au grief de violation du principe d'ordre public international de l'arrêt des poursuites individuelles du débiteur par les créanciers en ce qui concerne ce seul effet de reconnaissance. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui était saisie par la société APV de conclusions demandant l'exequatur de la sentence afin d'en intégrer les dispositions dans l'ordre juridique interne, a exactement déduit, sans méconnaître l'objet du litige ni le principe de la contradiction, que l'exequatur pouvait, en l'espèce, être accordé dans le but, non de conférer à la sentence arbitrale la force exécutoire d'une décision de condamnation du débiteur, mais exclusivement de permettre à la société APV de faire reconnaître son droit de créance. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Et sur le second moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 12. La société IPSA Holding, la société CBF associés, en la personne de M. B..., ès qualités, et la société I...-O..., en la personne de Mme O..., ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors « que dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 3 décembre 2018, la société IPSA Holding faisait très précisément valoir que la méconnaissance du principe de la contradiction par le tribunal arbitral résultait de ce que sa décision relative aux postes de dépenses, dans la seconde partie de sa sentence arbitrale, avait été prise en considération de critères qu'ils avaient définis dans la première partie de cette sentence, qui ne correspondaient ni à la position du demandeur à l'arbitrage, la société APV, pour laquelle toutes les charges devaient être traitées de la même manière, sans distinction, ni à celle du défendeur à l'arbitrage, la société IPSA Holding, laquelle estimait que toutes les dépenses exceptionnelles relatives à la gestion de la société avant le closing devaient être exclues du calcul du plafond de dépenses, puisque le tribunal arbitral avait au contraire jugé que ces dépenses ne devaient être exclues du calcul du plafond des dépenses que si elles résultaient de violation des déclarations et garanties prévues au contrat ; qu'elle ajoutait que ce qui était donc reproché au tribunal arbitral, c'est de ne pas l'avoir mise en mesure de fournir sa propre argumentation poste par poste s'agissant de ces dépenses, au regard des critères préalablement retenus dans la sentence ne correspondant pas à ceux proposés par les parties ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que la discussion des charges poste par poste avait été introduite dans le débat par la note de calcul déposée par la société IPSA Holding et contestée par la société APV, et qu'elle avait du reste été l'objet de l'audition par les arbitres du témoin de la société IPSA Holding, comme le relevait le tribunal fédéral suisse, sans répondre à ces conclusions opérantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 13. Dès lors que le tribunal arbitral était saisi d'une discussion sur l'interprétation à donner à la clause de la convention de cession des titres fournissant les règles de calcul du complément de prix dit Earn out, supposant que soient déterminées les charges susceptibles d'être intégrées à ce calcul, la cour d'appel, en relevant que la société IPSA Holding avait remis au tribunal arbitral des documents détaillant, poste par poste, les différents éléments intervenant, selon elle, dans le calcul de l'Earn out, chacun des postes étant contesté par la société APV, et en retenant que la discussion des charges poste par poste avait été introduite dans le débat par la note de calcul déposée par la société IPSA Holding et contestée par la société APV, et avait été l'objet de l'audition par les arbitres du témoin de la société IPSA Holding, a répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour les sociétés IPSA Holding, CBF associés, ès qualités et I...-O..., ès qualités. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue le 10 mars 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle emporte reconnaissance de la sentence rendue le 23 décembre 2016 entre les parties par un tribunal arbitral siégeant à Zurich ; AUX MOTIFS QUE par une convention du 9 septembre 2011, la société de droit suisse Alpha Petrovision Holding A.G. (APV) a cédé à la société ACG Private Equity 100 % des titres de la société de droit français IPSA SAS gestionnaire de Fonds communs de placement, agréée par l'Autorité des marchés financiers. La cession était consentie moyennant le prix principal de un euro dans l'attente de la liquidation des fonds, et de deux compléments prix, l'un représentant 50 % du résultat d'IPSA (dit "Earn Out"), et l'autre assis sur les performances des fonds gérés par IPSA (dit "Carried Interest"). A la suite de la cession par ACG de 100 % de ses titres IPSA SAS à la société de droit français IPSA Holding SAS en mars 2012, APV, ACG et IPSA Holding ont signé le 3 juillet 2012 un avenant tripartite à la convention du 9 septembre 2011 confirmant la substitution d'IPSA Holding dans l'ensemble des droits et obligations d'ACG et la garantie par ACG des engagements d'IPSA Holding. Le 12 novembre 2014, APV a engagé une procédure d'arbitrage pour régler un différend relatif au paiement des compléments de prix. Le tribunal arbitral constitué de M. X... et de Mme N..., arbitres, ainsi que de M. R..., président, a rendu à Zurich le 23 décembre 2016 une sentence condamnant IPSA Holding SAS à payer une somme globale de 3.310.399, 16 euros en principal et intérêts, outre les intérêts ultérieurs, ainsi que des frais et dépens. Le 9 janvier 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de IPSA Holding. Un recours en annulation porté le 1er février 2017 devant le Tribunal fédéral suisse a été rejeté par un arrêt du 11 janvier 2018. Le 8 mars 2017 la société APV en liquidation amiable a déposé une requête aux fins d'exequatur en France de la sentence. Il y a été fait droit par une ordonnance du délégué du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 10 mars 2017. IPSA Holding en a interjeté appel le 3 mai 2017. Les 16 février et 10 mai 2017, APV a déclaré sa créance au passif de IPSA Holding. Le juge-commissaire, saisi de la contestation de l'admission de la créance, a décidé de surseoir à statuer par une ordonnance du 22 mai 2018 dans l'attente de la décision de la cour sur l'appel de l'ordonnance d'exequatur. ET AUX MOTIFS QUE sur le moyen tiré de la violation de l'ordre public international (article 1520, 5° du code de procédure civile) : IPSA Holding soutient que la requête en exequatur de la sentence ayant été présentée postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, l'ordonnance qui y a fait droit viole les principes d'ordre public international d'arrêt des poursuites et d'interdiction du paiement des créances antérieures. La SCP I...-O..., ès qualités de mandataire judiciaire de la société IPSA Holding, fait valoir, en se fondant sur l'article L. 622-22 du code de commerce, que le jugement d'ouverture prohibe toute attribution d'un titre exécutoire pouvant servir de fondement à une mesure d'exécution forcée, si bien qu'une décision rendue par une juridiction après reprise régulière d'une instance en cours à la date du jugement d'ouverture ne peut tendre qu'à la fixation de son montant. Elle en déduit qu'une ordonnance qui confère l'exequatur à une sentence arbitrale condamnant une partie en procédure collective de payer diverses sommes, est contraire à l'ordre public international. APV répond, en substance, que la décision prononçant l'exequatur a un caractère déclaratif, qu'elle ne fait que reconnaître la force exécutoire de la sentence rendue à l'étranger, que la requête aux fins d'exequatur n'est pas une action en justice tendant au paiement d'une somme d'argent au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce, que la requête en exequatur de la sentence ne constitue pas une instance en cours, dans la mesure où elle a été introduite postérieurement au jugement d'ouverture et où elle n'est pas la poursuite de la procédure arbitrale, laquelle a pris fin antérieurement à ce jugement, enfin, que l'ordonnance d'exequatur n'est pas une mesure d'exécution. Les principes de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers, du dessaisissement du débiteur et de l'interruption de l'instance en cas de procédure d'insolvabilité, sont à la fois d'ordre public interne et international. Ils impliquent, en premier lieu, que lorsqu'une sentence arbitrale rendue à l'étranger a condamné au paiement d'une somme d'argent un débiteur à l'égard duquel une procédure collective est ouverte par un jugement ultérieur, le créancier ne peut solliciter son exequatur en France qu'après avoir déclaré sa créance. En second lieu, la sentence ne pouvant être contestée, conformément aux dispositions de l'article 1525 du code de procédure civile, que par la voie de l'appel de l'ordonnance d'exequatur et pour les motifs énumérés par l'article 1525 du même code, il appartient au créancier de solliciter l'exequatur, lorsque la vérification des créances fait apparaître une contestation à l'égard de laquelle le juge-commissaire n'est pas compétent. L'exequatur prononcé dans de telles circonstances, ne peut avoir pour objet que la reconnaissance et l'opposabilité en France de la sentence. Il ne saurait, sans méconnaître le principe d'arrêt des poursuites individuelles, rendre exécutoire une condamnation à paiement. En l'espèce, la sentence litigieuse, rendue à Zurich le 23 décembre 2016 et revêtue, dès sa reddition, de l'autorité de chose jugée, conformément aux articles 1506, 4° et 1484 du code de procédure civile, a condamné IPSA Holding SAS à payer diverses sommes à APV. Par un jugement du 9 janvier 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de IPSA Holding. Le 16 février 2017, APV a déclaré au passif la créance résultant de la sentence. L'ordonnance d'exequatur rendue le 10 mars 2017, postérieurement à cette déclaration, échappe donc au grief de violation des principes susvisés d'ordre public international en ce qui concerne son effet de reconnaissance et d'opposabilité en France de la sentence. Il convient, par conséquent confirmer l'ordonnance d'exequatur en ce qu'elle emporte reconnaissance de la sentence, mais de l'infirmer en ce qu'elle rend exécutoire une condamnation à paiement de sommes d'argent ; 1°) ALORS QU'il résulte des articles L. 622-21, L. 622-22 et L. 624-2 du code de commerce, qu'en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la sauvegarde judiciaire du débiteur, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification des créances ; que seule une décision par laquelle le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate son absence de pouvoir juridictionnel pour trancher une contestation relative à une créance déclarée et sursoit à statuer, en conséquence, sur son admission, peut inviter les parties à saisir la juridiction compétente ; qu'il s'ensuit qu'après avoir déclaré sa créance, un créancier ne peut saisir directement le juge d'une demande d'exequatur ou de reconnaissance d'une sentence arbitrale et doit attendre la décision du juge-commissaire l'invitant à saisir le juge compétent, lors même que la contestation ou la créance ne relève pas, a priori, du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que la société Ipsa Holding avait été placée en sauvegarde judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 janvier 2017, que la société APV avait déclaré sa créance au passif de la société Ipsa Holding le 16 février 2017 et ensuite déposé une requête aux fins d'exequatur de la sentence le 8 mars 2017, sans attendre la décision du juge-commissaire qui a seul le pouvoir de statuer sur la régularité de la déclaration de créance, lequel ne s'est prononcé que par ordonnance du 22 mai 2018 en ordonnant uniquement un sursis à statuer, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 622-21, L. 622-22, L. 624-2, R. 624-5 du code de commerce, ensemble l'article 1520.5° du code de procédure civile ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en confirmant l'ordonnance du 10 mars 2017 rendue par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris, en ce qu'elle emportait reconnaissance de la sentence rendue le 23 décembre 2016, la société APV sollicitant pourtant uniquement, dans ses dernières conclusions, la confirmation de cette ordonnance en ce qu'elle avait conféré l'exequatur à la sentence arbitrale (concl., p. 15), sans en demander la reconnaissance, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge doit observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que dans les circonstances de l'espèce, l'exequatur ne pouvait avoir pour objet que la reconnaissance et l'opposabilité en France de la sentence, sans préalablement inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue le 10 mars 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle emporte reconnaissance de la sentence rendue le 23 décembre 2016 entre les parties par un tribunal arbitral siégeant à Zurich ; AUX MOTIFS QUE sur le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction (article 1520, 4° du code de procédure civile) : Ipsa Holding fait valoir qu'après avoir énoncé la formule à appliquer pour le calcul de l'"Earnout" (sentence, § 125), donné son interprétation du terme "charges totales" figurant en annexe du SPA (sentence, § 138), et déterminé quelles charges devaient être exclues du calcul (sentence, § 132-143 et 146-156), seuls points sur lesquels avaient porté les débats, le tribunal arbitral a recalculé le montant de l' "Earn-out" en examinant chacun des postes de coût sans s'estimer lié par le rapport du cabinet d'audit [...] (PwC) alors que le choix de ce cabinet résultait de la convention des parties et qu'APV n'avait pas discuté le rapport d'audit poste par poste. Le principe de la contradiction exige seulement que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de telle sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n'ait échappé à leur débat contradictoire. En l'espèce, il résulte de la sentence qu'Ipsa Holding a remis au tribunal arbitral non seulement le rapport de PwC, mais également des documents établis par elle-même et intitulés : "Note méthodologique" et "Note de calcul Earn-out" (sentence, § 91), dont le second détaille, poste par poste, les différents éléments intervenant dans l'évaluation de l' "Earn-out", enfin que chacun de ces postes a été contesté par APV (sentence, § 164-165, § 170-171, § 176-177, § 182-183, § 188-189, § 193-194). Il apparaît, par conséquent, que la discussion des charges poste par poste a été introduite dans le débat par la "note de calcul" déposée par Ipsa et contestée par APV, et qu'elle a, du reste, été l'objet de l'audition par les arbitres du témoin de la société Ipsa, ainsi que le relève le Tribunal fédéral suisse. Le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction n'est donc pas fondé ; ALORS QUE dans ses dernières conclusions d'appel (p. 30 et s), déposées et signifiées le 3 décembre 2018, la société Ipsa Holding faisait très précisément valoir que la méconnaissance du principe de la contradiction par le tribunal arbitral résultait de ce que sa décision relative aux postes de dépenses, dans la seconde partie de sa sentence arbitrale, avait été prise en considération de critères qu'ils avaient définis dans la première partie de cette sentence, qui ne correspondaient ni à la position du demandeur à l'arbitrage, la société APV, pour laquelle toutes les charges devaient être traitées de la même manière, sans distinction, ni à celle du défendeur à l'arbitrage, la société Ipsa Holding, laquelle estimait que toutes les dépenses exceptionnelles relatives à la gestion de la société avant le closing devaient être exclues du calcul du plafond de dépenses, puisque le tribunal arbitral avait au contraire jugé que ces dépenses ne devaient être exclues du calcul du plafond des dépenses que si elles résultaient de violation des déclarations et garanties prévues au contrat ; qu'elle ajoutait que ce qui était donc reproché au tribunal arbitral, c'est de ne pas l'avoir mise en mesure de fournir sa propre argumentation poste par poste s'agissant de ces dépenses, au regard des critères préalablement retenus dans la sentence ne correspondant pas à ceux proposés par les parties ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que la discussion des charges poste par poste avait été introduite dans le débat par la note de calcul déposée par la société Ipsa Holding et contestée par la société APV, et qu'elle avait dû reste été l'objet de l'audition par les arbitres du témoin de la société Ipsa Holding, comme le relevait le tribunal fédéral suisse, sans répondre à ces conclusions opérantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Alpha Petrovision Holding AG. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance rendue le 10 mars 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle rend exécutoire une condamnation à paiement de sommes d'argent ; aux motifs que : « sur le moyen tiré de la violation de l'ordre public international (article 1520, 5° du code de procédure civile) : ( ) Les principes de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers, du dessaisissement du débiteur et de l'interruption de l'instance en cas de procédure d'insolvabilité, sont à la fois d'ordre public interne et international. Ils impliquent, en premier lieu, que lorsqu'une sentence arbitrale rendue à l'étranger a condamné au paiement d'une somme d'argent un débiteur à l'égard duquel une procédure collective est ouverte par un jugement ultérieur, le créancier ne peut solliciter son exequatur en France qu'après avoir déclaré sa créance. En second lieu, la sentence ne pouvant être contestée, conformément aux dispositions de l'article 1525 du code de procédure civile, que par la voie de l'appel de l'ordonnance d'exequatur et pour les motifs énumérés par l'article 1525 du même code, il appartient au créancier de solliciter l'exequatur, lorsque la vérification des créances fait apparaître une contestation à l'égard de laquelle le juge-commissaire n'est pas compétent. L'exequatur prononcé dans de telles circonstances, ne peut avoir pour objet que la reconnaissance et l'opposabilité en France de la sentence. Il ne saurait, sans méconnaître le principe d'arrêt des poursuites individuelles, rendre exécutoire une condamnation à paiement. En l'espèce, la sentence litigieuse, rendue à Zurich le 23 décembre 2016 et revêtue, dès sa reddition, de l'autorité de chose jugée, conformément aux articles 1506, 4° et 1484 du code de procédure civile, a condamné Ipsa Holding SAS à payer diverses sommes à APV. Par un jugement du 9 janvier 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de Ipsa Holding. Le 16 février 2017, APV a déclaré au passif la créance résultant de la sentence. L'ordonnance d'exequatur rendue le 10 mars 2017, postérieurement à cette déclaration, échappe donc au grief de violation des principes susvisés d'ordre public international en ce qui concerne son effet de reconnaissance et d'opposabilité en France de la sentence. Il convient, par conséquent de confirmer l'ordonnance d'exequatur en ce qu'elle emporte reconnaissance de la sentence, mais de l'infirmer en ce qu'elle rend exécutoire une condamnation à paiement de sommes d'argent » ; alors que l'exequatur n'étant pas un acte d'exécution, l'ouverture en France d'une procédure collective à l'égard d'un débiteur condamné par un tribunal arbitral à l'étranger est sans incidence sur l'exequatur de la sentence arbitrale ; qu'en considérant, pour infirmer l'ordonnance d'exequatur du 10 mars 2017 en ce qu'elle rend exécutoire une condamnation à paiement de sommes d'argent, que l'exequatur ne pourrait avoir pour objet que la reconnaissance et l'opposabilité en France de la sentence et ne saurait, sans méconnaître le principe d'arrêt des poursuites individuelles, rendre exécutoire une condamnation à paiement, la cour d'appel a estimé à tort que l'exequatur serait une mesure d'exécution forcée et a violé l'article 1516 du code de procédure civile.
Si l'exequatur d'une sentence arbitrale internationale ayant condamné un débiteur à payer une somme d'argent ne saurait, sans méconnaître le principe de l'arrêt des poursuites individuelles contre ce débiteur mis en procédure de sauvegarde, avoir pour effet de conférer à la sentence la force exécutoire d'une décision de condamnation du débiteur, en revanche l'exequatur de la sentence peut être accordé, à la demande du créancier, dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaître son droit de créance lorsque celui-ci est contesté devant le juge-commissaire
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Cassation partielle M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 653 F-P+B Pourvoi n° T 18-23.479 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 NOVEMBRE 2020 La société Lloyd's Register of Shipping, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° T 18-23.479 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2017 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Charaf Corporation, société anonyme, dont le siège est [...], 2°/ à la société Axa assurances Maroc, société anonyme, dont le siège est [...], 3°/ à la société Mahoney Shipping & Marine Service, dont le siège est [...], 4°/ à la société Syndicate 5678, dont le siège est [...], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Lloyd's Register of Shipping, de la SARL Corlay, avocat de la société Axa assurances Maroc, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Lloyd's Register of Shipping du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Charaf Corporation et Syndicate 5678. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 décembre 2017), par un contrat du 28 juillet 1999, la société SHB France a vendu à la société marocaine Charaf Corporation (la société Charaf) une cargaison d'engrais assurée auprès de la Compagnie africaine d'assurances, aux droits de laquelle est venue la société Axa assurances Maroc (la société Axa). En vue de son transport du port de [...] à celui de [...], la société SHB France a, selon une charte-partie du 19 août 1999, affrété au voyage le navire [...] dont la société égyptienne Mahoney Shipping & Marine Services (la société Mahoney) est l'armateur. Ayant rencontré des conditions de navigation difficiles au cours du transport, le navire, dont l'une des cales avait pris l'eau, s'est réfugié le 5 octobre 1999 dans les ports de Saint-Malo puis de Brest, où il a été retenu par l'autorité maritime en raison de déficiences graves de navigabilité avant d'être déclaré abandonné par la société Mahoney, le 27 novembre 1999. La cargaison, chargée sur le navire le 20 septembre 1999, ayant été cédée par adjudication, dans le cadre d'une vente de sauvetage organisée à l'initiative des sociétés Charaf et Axa, ces dernières ont assigné en paiement de dommages-intérêts la société Mahoney et la société britannique Lloyd's Register of Shipping (la société Lloyd's), qui avait procédé à la classification du navire. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société Lloyd's fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable des dommages causés à la marchandise et, en conséquence, de la condamner in solidum avec la société Mahoney à payer une certaine somme à la société Axa, alors « que seul un manquement au Règlement édicté par la société de classification qui fait la loi des parties et qui détermine les obligations des experts de la société de classification constitue une faute de nature à engager la responsabilité de cette dernière à l'égard de l'assureur de la marchandise transportée ; qu'en retenant la responsabilité de la société de classification au motif que son expert aurait agi en violation des « règles de classification applicables » en ne prescrivant pas d'inspection annuelle avant que ne soit conclue la charte-partie d'affrètement au voyage, sans préciser la règle qui aurait été ainsi méconnue, quand la société de classification faisait valoir qu'elle avait respecté le Règlement et que l'expert n'avait identifié aucune règle à laquelle elle aurait manqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 4. Il résulte de ce texte que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. 5. Pour déclarer la société Lloyd's responsable des dommages causés à la marchandise, l'arrêt, après avoir constaté que ceux-ci étaient imputables à l'inondation d'une cale en raison de l'impossibilité d'assèchement des ballasts et de défauts d'étanchéité affectant le bordé de fond et les panneaux de cale, retient que le navire avait subi une inspection spéciale quinquennale entre les mois de février et juin 1998, puis sept visites occasionnelles entre les mois d'octobre 1998 et août 1999, qu'en juin 1998, la société de classification, qui avait remarqué la médiocrité du revêtement interne des ballasts rendant prévisible leur dégradation à brève échéance, n'avait prescrit une visite annuelle que sur l'un d'entre eux, l'inspection annuelle de l'ensemble de ces éléments n'ayant été ordonnée qu'en février 1999, ce qui n'avait pas permis de la réaliser avant l'appareillage du navire en septembre 1999, et qu'elle aurait dû être prescrite dès le mois de juin 1998, conformément aux règles de classification applicables. 6. En se déterminant ainsi, sans préciser la règle, à laquelle elle se référait, ni son contenu, notamment quant aux critères relatifs à l'état du revêtement des ballasts entraînant l'obligation, pour la société de classification, d'ordonner une inspection annuelle de ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Lloyd's Register of Shipping responsable des dommages causés à la marchandise et qu'il la condamne in solidum avec la société Mahoney Shipping & Marine Services à payer à la société Axa assurances Maroc la contre-valeur en euros de 4 120 018 dirhams, sauf à déduire la somme de 82 322,47 euros, l'arrêt rendu le 15 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ; Condamne la société Axa assurances Maroc aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa assurances Maroc et la condamne à payer à la société Lloyd's Register of Shipping la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Lloyd's Register of Shipping. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré une société de classification (la Société Lloyd's Register of Shipping) responsable des dommages causés à la marchandise et de l'avoir en conséquence condamnée in solidum avec l'armateur (la société Mahoney Shipping) à payer à l'assureur de la marchandise (la société Axa) la contre-valeur en euros de 4 120 018 dirhams, sauf à déduire la somme de 82 322,47 euros ; AUX MOTIFS QUE « Sur la responsabilité de la société de classification : L'expert U... a d'autre part souligné que, si la société de classification Lloyd's avait, en amont du chargement de marchandise et de l'appareillage du navire, procédé à des inspections approfondies, en particulier au niveau des doubles fonds lors de la visite spéciale de février à juin 1998 au cours de laquelle les ballasts ont été simplement inspectés sans être testés en état de service, et si même elle avait imposé, après son constat de défaut de leur revêtement interne, des inspections annuelles des ballasts, le désordre les affectant aurait pu être décelé avant l'appareillage de septembre 1999. La société Axa fait valoir que ce manque de prudence et de diligence de la société Lloyd's constitue une faute dans l'exécution de son contrat de classification du navire la liant à l'armateur et que, bien que tiers au contrat, elle est fondée à se prévaloir de cette faute dès lors qu'elle lui a causé préjudice en laissant l'armateur exploiter un navire impropre à la navigation ainsi qu'en maintenant à tort des certificats de classification sans lesquels la marchandise perdue ne lui aurait pas été confiée. La société Lloyd's soutient de son côté que l'expert a outrepassé sa mission en retenant à tort un défaut de diligence lors de ses visites et inspections qu'elle a réalisées conformément à ses propres règles, et que l'avarie ne résulte pas de la faute exclusive de l'armateur. L'expert n'a cependant pas outrepassé sa mission en relevant l'existence de manquements de la société Lloyd's dans l'accomplissement de sa mission de classification du navire, dès lors qu'il lui était demandé de décrire l'état du navire et de donner tous les éléments permettant de statuer sur les responsabilités et, en toute hypothèse, la critique de la société de classification est inopérante dans la mesure où elle n'a pas sollicité l'annulation de son rapport. Par ailleurs, la circonstance que la société Mahoney ait été jugée précédemment responsable des dommages subis par la marchandise transportée, en raison de ce qu'elle avait laissé le navire appareiller au départ de Saint-Petersbourg alors qu'il n'était pas en état de navigabilité, n'exclut pas par elle-même que la société de classification ait commis d'autres fautes en lien causal avec ce dommage. Ainsi, si les visites de classification n'ont pu avoir pour effet de décharger l'armateur de son obligation d'entretien du navire et de diligence pour assurer sa navigabilité, et si l'armateur s'est fautivement abstenu de provoquer lui-même une inspection de la société Lloyd's avant l'appareillage de Saint-Petersbourg alors qu'il connaissait à tout le moins, selon l'expert, les problèmes d'assèchement des ballasts, les manquements de la société de classification lors de ces visites ont pu aussi concourir à la réalisation du dommage. De même, si l'appareillage du navire avec un franc bord dépassé entraînait, selon les règles de la société Lloyd's, le retrait de la classification de celui-ci, ce retrait ne saurait avoir pour effet d'exonérer la société de classification de manquements commis antérieurement dans l'exécution de sa mission, dès lors qu'ils sont en lien causal avec le dommage. À cet égard, l'expert U... a relevé que le [...] avait subi une inspection spéciale quinquennale entre février et juin 1998 puis sept visites occasionnelles entre octobre 1998 et août 1999, que les travaux prescrits à l'occasion de l'inspection spéciale apparaissaient très importants en ce qui concerne le bordé et la tôlerie, et que, si rien ne permettait de mettre en doute la qualité des recommandations relatives à ces éléments, il était étonnant, en ce qui concerne les ballasts, qu'un seul d'entre eux ait été testé alors que d'autres, pourtant dans un état non satisfaisant, n'avaient subi aucun test, et que la société de classification, ayant constaté la pauvreté de leur revêtement interne qui rendait leur dégradation à brève échéance prévisible, n'ait pas prescrit une visite annuelle comme elle l'avait fait pour le peak AV, celle-ci n'ayant été demandée qu'en février 1999 ce qui n'a pas permis de la réaliser avant l'appareillage de Saint-Petersbourg en septembre 1999. C'est donc à tort que la société Lloyd's soutient que l'expert n'aurait caractérisé aucun manquement dans l'exécution de sa mission de classification, alors que, s'il n'existe que de simples doutes sur l'efficacité du contrôle de l'étanchéité des panneaux de cale et du bon fonctionnement des pompes de ballasts lors de la visite occasionnelle d'avril 1999, il était suffisamment établi que, compte tenu de l'état médiocre de leur revêtement interne observé en juin 1998, la dégradation à brève échéance de ces ballasts était prévisible, ce dont il résultait que des inspections annuelles de ces éléments auraient dû être prescrites dès cette époque conformément aux règles de classification applicables. Il est ainsi certain qu'une telle inspection, effectuée avant le chargement du navire en septembre 1999, aurait permis à tout le moins de déceler les désordres affectant les ballasts, ce qui aurait conduit, à défaut de réparation par l'armateur, à la perte du certificat de classification au vu duquel la charte-partie d'affrètement au voyage du 19 août 1999 avait été conclue. La faute de la société de classification en lien causal avec le dommage est donc parfaitement établie » (arrêt attaqué, p. 7 et 8) ; 1° ALORS QUE seul un manquement au Règlement édicté par la société de classification qui fait la loi des parties et qui détermine les obligations des experts de la société de classification constitue une faute de nature à engager la responsabilité de cette dernière à l'égard de l'assureur de la marchandise transportée ; qu'en retenant la responsabilité de la société de classification au motif que son expert aurait agi en violation des « règles de classification applicables » (p. 8, al. 6) en ne prescrivant pas d'inspection annuelle avant que ne soit conclue la charte-partie d'affrètement au voyage, sans préciser la règle qui aurait été ainsi méconnue, quand la société de classification faisait valoir qu'elle avait respecté le Règlement et que l'expert n'avait identifié aucune règle à laquelle elle aurait manqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien (devenu 1240) du code civil ; 2° ALORS QUE c'est à l'armateur qu'il incombe en premier lieu de veiller au bon état de navigabilité de son navire ; qu'ayant retenu en l'espèce que l'armateur avait laissé le navire appareiller bien qu'il ne soit pas en état de navigabilité et avec un franc-bord dépassé, la Cour d'appel aurait dû en déduire que seule cette faute, particulièrement grave, était à l'origine du dommage et avait absorbé l'éventuelle erreur de la société de classification lors de la visite spéciale effectuée un an avant ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 1382 ancien (devenu 1240) du code civil.
Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manque contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Par conséquent, prive sa décision de base légale la cour d'appel qui, pour déclarer une société de classification responsable des dommages causés à la marchandise à l'occasion de son transport à bord d'un navire ayant subi une avarie imputable à l'inondation d'une cale, retient que la société de classification, qui, au cours d'une inspection quinquennale et de visites occasionnelles, avait remarqué la médiocrité du revêtement interne des ballasts rendant prévisible leur dégradation à brève échéance, n'avait prescrit l'inspection annuelle de l'ensemble de ces éléments qu'au mois de février 1999, ce qui n'avait pas permis de la réaliser avant l'appareillage du navire en septembre 1999, et que cette inspection aurait dû être prescrite dès le mois de juin 1998, conformément aux règles de classification applicables, sans préciser la règle, à laquelle elle se référait, ni son contenu, notamment quant aux critères relatifs à l'état du revêtement des ballasts entraînant l'obligation, pour la société de classification, d'ordonner une inspection annuelle de ces éléments
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 707 FS-P+B Pourvoi n° F 19-11.972 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 NOVEMBRE 2020 1°/ M. J... I..., domicilié [...] , 2°/ M. K... I..., domicilié [...] , 3°/ M. L... I..., domicilié [...] , 4°/ Mme C... I..., épouse D..., domiciliée [...] , 5°/ Mme P... I..., domiciliée [...] , ont formé le pourvoi n° F 19-11.972 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant : 1°/ à M. N... I..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité de président de la société [...] , 2°/ à M. E... T... I..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité de membre du conseil de direction puis en qualité de membre du comité de surveillance de la société [...] , 3°/ à Mme W... I..., épouse G..., domiciliée [...] , 4°/ à M. S... R..., domicilié [...] , pris tant en son personnel qu'en qualité de membre du conseil de direction de la société [...] , 5°/ à M. F... I..., domicilié [...] ), pris tant en son nom personnel qu'en qualité de membre du conseil de direction de la société [...] puis en qualité de président et de membre du comité de surveillance de la société [...] , 6°/ à Mme Y... I..., épouse V..., domiciliée [...] , 7°/ à la société [...] , société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 8°/ à Mme Q... I..., domiciliée [...] , défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de MM. J..., K... et L... I..., et de Mmes C... et P... I..., de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de MM. N..., E... T..., F... I..., ès qualités, de Mme W... I..., et de M. R..., ès qualités, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [...] , et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fevre, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mmes Kass-Danno, Tostain, Bessaud, M. Boutié, Mme Bellino, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 septembre 2018), la société par actions simplifiée créée par T... I... (la société [...] ), dont le fondateur, décédé en 2009, avait donné l'essentiel des actions à ses onze enfants, a été mise en sauvegarde le 17 novembre 2010 dans un contexte de fortes dissensions entre actionnaires. Un plan de sauvegarde a été adopté le 4 août 2011, Mme A... étant désignée en qualité de commissaire à son exécution. 2. Soutenant que le président de la société, M. N... I..., et des membres du comité de surveillance et du conseil de direction avaient commis des fautes de gestion, M. J... I..., auquel se sont ensuite joints, par voie d'intervention volontaire, MM. L... et K... I... et Mmes Q... et P... I..., Mme Y... I..., épouse V..., et Mme C... I..., épouse D... les ont, les 21 et 23 février 2012, assignés devant un tribunal de commerce pour qu'ils soient condamnés in solidum à réparer le préjudice subi par la société [...] . Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. MM. J..., K..., et L... I..., Mme P... I... et Mme C... I..., épouse D... (les consorts I...) font grief à l'arrêt de déclarer leur action ut singuli irrecevable pour défaut de qualité à agir, alors « que le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ; que toutefois, lorsqu'elle est étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers, l'action en justice ne relève pas du monopole du mandataire judiciaire ; qu'échappent ainsi à ce monopole les actions qui, étrangères à la protection et à la reconstitution du gage des créanciers, visent à la réparation d'un préjudice distinct et personnel subi par le requérant ; qu'est donc recevable l'action ut singuli de l'associé qui se prévaut d'une violation des statuts de la société, telle qu'une carence dans l'obligation d'information et de communication des documents sociaux au profit des associés, qui constitue un préjudice distinct subi par ces derniers ; qu'à l'appui de leur action ut singuli, M. J... I... et les autres exposants faisaient notamment valoir devant la cour d'appel que M. N... I... et les autres défendeurs avaient délibérément violé les dispositions légales et statutaires en refusant de communiquer aux associés et au comité de surveillance un certain nombre de documents sociaux et de répondre aux questions posées sur la gestion de la société ; qu'en déclarant irrecevable l'action ut singuli au motif que le commissaire à l'exécution du plan avait seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers quand l'action ut singuli fondée sur la violation des statuts sociaux et la méconnaissance des droits des associés échappe au monopole du commissaire à l'exécution du plan, la cour d'appel a violé les articles L. 622-20 et L. 626-25 du code de commerce et 32 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 225-252, L. 227-8 et L. 626-25 alinéa 3 du code de commerce : 4. L'action ut singuli, réservée par les deux premiers textes susvisés aux associés, qui tend à la réparation du préjudice subi par la société, échappe au monopole du commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde, lequel n'a qualité à agir, en application du troisième texte, qu'au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, qui est satisfait par l'adoption de ce plan. 5. Pour déclarer irrecevable l'action des consorts I..., l'arrêt, après avoir relevé qu'ils ont engagé l'action sociale à l'encontre de M. N... I... pour avoir maintenu une activité déficitaire et pour diverses autres fautes de gestion, à l'encontre de MM. E... T... I..., F... I... et S... R... pour les fautes commises dans l'exercice de leurs fonctions de membres du conseil de direction et à l'encontre de MM. E... T... I... et F... I... pour les fautes commises dans l'exercice de leurs fonctions de membres du comité de surveillance et constaté que cette action a été intentée après l'adoption du plan de sauvegarde, retient que l'action individuelle d'un associé en réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui causé aux autres créanciers se heurte au monopole du commissaire à l'exécution du plan. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 7. Les consorts I... font grief à l'arrêt de déclarer leur action irrecevable comme prescrite, alors « que dans leurs conclusions d'appel, M. J... I... et les autres exposants faisaient valoir en outre que "les fautes de gestion reprochées n'ont pu être découvertes qu'après un examen de l'ensemble des comptes de la société, lors de l'expertise de gestion qui a été ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel en date du 29 avril 2009 et « révélées » aux appelants seulement le 30 septembre 2010, lors du dépôt du rapport de l'expertise de gestion" ; qu'en déclarant prescrite l'action engagée les 21 et 23 février 2012, sans répondre à ces écritures pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 9. Pour déclarer irrecevable l'action des consorts I... comme prescrite, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que M. J... I... était parfaitement informé de l'activité de négoce de la société [...] et des problèmes qu'elle soulevait depuis longtemps, qu'il apparaît dans l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 29 avril 2009 que les demandeurs faisaient état, dans leur assignation du 21 avril 2008, des mêmes allégations d'irrégularité visant des actes de gestion des organes de direction de la société, ce qui démontre qu'au plus tard à la date du 21 avril 2008, les demandeurs disposaient des informations leur permettant d'exercer l'action sociale ut singuli, de sorte que, la prescription triennale étant acquise le 21 avril 2011, l'action engagée le 21 février 2012 était irrecevable. 10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des consorts I... qui soutenaient que leur action ne pouvait être déclarée prescrite, les fautes de gestion reprochées ayant été dissimulés et n'ayant pu être découvertes au plus tôt que le 30 septembre 2010, à l'occasion du dépôt du rapport de l'expertise de gestion ordonnée par un arrêt du 29 avril 2009, et après un examen approfondi des comptes de la société, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il déclare irrecevable pour défaut de qualité à agir et pour cause de prescription, l'action engagée par MM. J... I..., L... I..., K... I... et Mmes Q... I..., P... I..., Y... I..., épouse V..., et C... I..., épouse D..., et en ce qu'il les condamne aux dépens et au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne MM. N... I..., E... T... I..., F... I..., S... R... et Mme W... I..., épouse G..., et la société [...] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par MM. N... I..., E... T... I..., F... I..., S... R..., et Mme W... I..., épouse G..., et par la société [...] et les condamne à payer à MM. J... I..., K... I..., L... I..., Mmes P... I... et C... I..., épouse D..., la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour MM. J..., K... et L... I... et Mmes C... et P... I.... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action ut singuli engagée par Messieurs J..., L... et K... I... et Mesdames Q..., Y... et C... I... et d'avoir condamné solidairement Messieurs J..., L... et K... I... et Mesdames P... et C... I..., au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 7.000 euros chacun à M. N... I..., M. E... T... I... et Mme W... I..., la somme de 20.000 euros à M. S... R..., la somme de 10.000 euros à M. F... I... et la somme de 5.000 euros à la société [...] ; AUX MOTIFS PROPRES QUE les appelants engagent l'action ut singuli à l'égard de M. N... I... pour avoir maintenu une activité déficitaire et pour diverses autres fautes de gestion. Ils exercent l'action ut singuli à l'encontre de messieurs E... T... I..., F... I... et S... R... pour les fautes commises dans l'exercice de leur fonction de membres du Conseil de Direction, à l'encontre de Messieurs E... T... I... et F... I... pour les fautes commises dans l'exercice de leurs fonctions de membres du Comité de surveillance. Ils font valoir que c'est à tort que les premiers juges ont dit que seule Maître A..., désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan avait qualité à engager l'action ut singuli sur le fondement de l'article L622-20 du code de commerce, les privant ainsi de qualité à agir. La société n'était pas en procédure de sauvegarde mais bénéficiait d'un plan de sauvegarde arrêté avant l'introduction de l'instance, et l'article L.622-20 ne s'applique pas au cours de l'exécution du plan. Ainsi, le commissaire à l'exécution du plan n'a pas vocation à exercer l'action ut singuli au lieu et place des actionnaires en application de l'article 1843-5 du code civil et L.626-25 du code de commerce. Ils ajoutent que le plan a été exécuté et qu'il n'y a donc plus d'obstacle à l'action ut singuli en application de l'article 126 du Code de procédure civile. La société [...] , M. F... I..., M. N... I..., M. E... T... I..., Mme W... I... et M. S... R... soutiennent qu'au moment de l'introduction de l'instance la procédure de sauvegarde était toujours en cours et qu'il appartenait au commissaire à l'exécution du plan, à l'exclusion des associés, d'intenter l'action ut singuli ainsi que cela résulte de la jurisprudence de la cour de cassation. Ils ajoutent que l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de l'instance. Par ailleurs, Messieurs F... I..., E... T... I... et Mme W... I... soulèvent l'irrecevabilité de l'action ut singuli à leur encontre, les dispositions citées par les appelants n'étant pas applicables aux Sas. Il résulte des pièces de la procédure que la société André Morand Sas a été placée en procédure de sauvegarde par décision du tribunal de commerce de Nanterre en date du 17 novembre 2010. Le plan de sauvegarde, d'une durée de cinq ans, a été arrêté par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 4 août 2011. Maître P... A... a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Par ordonnance rendue le 22 novembre 2016 la procédure de sauvegarde a été clôturée. La présente action a été introduite par les appelants selon assignation du 21 février 2012, après adoption du plan de sauvegarde. L'appel a été interjeté le 9 novembre 2016. Aux termes des dispositions de l'article L.622-20 du code de commerce « Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ( ) ». Les appelants ont intenté l'action ut singuli qui permet à un actionnaire de se substituer au dirigeant social afin de voir reconnaître ses fautes de gestion et de le voir condamner à verser des dommages et intérêts à la société. L'action individuelle d'un associé pour demander réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui causé aux autres créanciers est irrecevable en vertu de l'article L.622-20 précité, le commissaire à l'exécution du plan ayant le monopole de cette action lorsque le plan de sauvegarde a été arrêté, ce qui est le cas en l'espèce. Dès lors l'action ut singuli intentée par les appelants n'était pas recevable au moment où elle a été introduite sans qu'il soit nécessaire de distinguer entre les intimés à l'action. Seule Maître A... avait qualité à agir dans l'intérêt collectif des créanciers. La procédure de sauvegarde a été clôturée le 22 novembre 2016. Il est mis fin à la procédure lorsque la mission de l'administrateur et du mandataire judiciaire est achevée. Il résulte de l'article 126 du Code de procédure civile que la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité ou d'intérêt pour agir peut être régularisée. Il n'en est cependant pas ainsi pour les actions attitrées telle l'action ut singuli où les associés se substituent aux organes de direction pour demander réparation d'un préjudice subi par la société. Cette action avait pour seul titulaire le commissaire à l'exécution du plan à l'exclusion de tout autre. Les associés avaient été dessaisis de cette action par l'ouverture de la procédure collective et ils ne pouvaient exercer cette action. Ainsi et bien que les appelants aient recouvré leur droit d'agir ut singuli depuis la clôture de la procédure collective, l'action introduite en 2011 est irrecevable. Ils n'avaient alors ni intérêt ni qualité pour agir. Le jugement sera en conséquence confirmé. L'action étant déclarée totalement irrecevable, il n'apparaît pas nécessaire d'examiner sa recevabilité pour chacun des intimés et ce d'autant plus que les écritures des appelants sont particulièrement confuses sur le fondement de la responsabilité de chacun des intimés (arrêt attaqué pp. 9-10) ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DU JUGEMENT QUE le plan de sauvegarde dont bénéficie la SAS [...] a été arrêté par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 4 août 2011 et qu'il résulte de ce jugement que Maître P... A..., nommée commissaire à l'exécution du plan, a seule le pouvoir d'engager l'action ut singuli, ce qui rend les demandes de M. J... I... et des intervenants volontaires agissant à ses côtés irrecevables à ce titre, du fait de leur défaut de qualité à agir ( ) ; qu'au surplus, selon l'article L.225-254 du code de commerce : « L'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation » ; qu'il résulte des pièces produites que des procédures d'alerte dont les demandeurs avaient connaissance ont été déclenchées en 2006 et en 2007, qu'il y est fait mention du « maintien d'une activité déficitaire », de la « surévaluation des stocks » et de « l'évaluation de la masse salariale », qu'il ressort des témoignages produits, fournis par des commissaires priseurs, que M. J... I... était parfaitement informé de l'activité de négoce de la SAS [...] , et des problèmes qu'elle soulevait depuis longtemps, les échanges de courriels produits aux débats ne laissant aucun doute sur sa parfaite connaissance de la situation de la société au regard du rôle éminent (« directeur général ») que la fratrie lui reconnaissait jusqu'en 2005/2006 ; que par ailleurs, il apparait, à la lecture de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 29 avril 2009 que les demandeurs faisaient déjà état, dans leur assignation en référé du 21 avril 2008, des mêmes allégations d'irrégularités (évolution de la masse salariale, conventions prétendument non approuvées, surévaluation du stock ), visant des actes de gestion des organes de direction de la société, que de telles allégations démontrent bien qu'au plus tard à la date du 21 avril 2008, les demandeurs disposaient des informations sur la base desquelles J... I... a engagé la présente procédure le 21 février 2012, alors que son action était prescrite depuis au moins le 21 avril 2011 (jugement p. 11) ; ALORS, d'une part, QUE le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ; que toutefois, lorsqu'elle est étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers, l'action en justice ne relève pas du monopole du mandataire judiciaire ; qu'échappent ainsi à ce monopole les actions qui, étrangères à la protection et à la reconstitution du gage des créanciers, visent à la réparation d'un préjudice distinct et personnel subi par le requérant ; qu'est donc recevable l'action « ut singuli » de l'associé qui se prévaut d'une violation des statuts de la société, telle qu'une carence dans l'obligation d'information et de communication des documents sociaux au profit des associés, qui constitue un préjudice distinct subi par ces derniers ; qu'à l'appui de leur action « ut singuli », M. J... I... et les autres exposants faisaient notamment valoir devant la cour d'appel que M. N... I... et les autres défendeurs avaient délibérément violé les dispositions légales et statutaires en refusant de communiquer aux associés et au comité de surveillance un certain nombre de documents sociaux et de répondre aux questions posées sur la gestion de la société ; qu'en déclarant irrecevable l'action « ut singuli » au motif que le commissaire à l'exécution du plan avait seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers quand l'action « ut singuli » fondée sur la violation des statuts sociaux et la méconnaissance des droits des associés échappe au monopole du commissaire à l'exécution du plan, la cour d'appel a violé les articles L.622-20 et L.626-25 du code de commerce et 32 du code de procédure civile ; ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE dès lors que l'ensemble du passif a été honoré et que tous les créanciers ont été désintéressés, le commissaire à l'exécution du plan n'a plus d'intérêt à agir, puisqu'il n'a plus à veiller à la protection et à la reconstitution du gage des créanciers, ni à l'intérêt collectif de ceux-ci ; que M. J... I... et les autres exposants faisaient valoir devant la cour d'appel que, « lorsque les concluants ont engagé leur action, la société était déjà en plan de sauvegarde, de sorte que l'intérêt des créanciers était préservé, tant que le plan était correctement exécuté » ; qu'en déclarant irrecevable l'action « ut singuli » au motif que le commissaire à l'exécution du plan avait seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers sans prendre en considération le fait que le plan était exécuté et que le commissaire à l'exécution du plan n'avait plus à veiller à la protection et à la reconstitution du gage des créanciers, la cour d'appel a violé les articles L.622-20 et L.626-25 du code de commerce et 32 du code de procédure civile ; ALORS, de troisième part, et subsidiairement, QUE dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; que, Maître P... A..., commissaire à l'exécution du plan, s'étant trouvée dessaisie par ordonnance du 22 novembre 2016, les échéances du plan ayant toutes été remboursées et la procédure de sauvegarde ayant été clôturée, l'action « ut singuli » de M. J... I... et des autres exposants était en toute hypothèse recevable à la date à laquelle la cour d'appel statuait ; qu'en déclarant irrecevable l'action « ut singuli » au motif que le commissaire à l'exécution du plan avait seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, sans prendre en considération le fait que le commissaire à l'exécution du plan se trouvait dessaisi à la date où il statuait, de sorte que les exposants avaient recouvré leur qualité pour agir et que la fin de non-recevoir qui leur était opposée se trouvait en toute hypothèse régularisée, la cour d'appel a violé l'article 126 du code de procédure civile ; ALORS, de quatrième part QUE dans leurs conclusions d'appel, notifiées le 23 mai 2018, p. 52 al. 4 et 5), M. J... I... et les autres exposants faisaient valoir « qu'à supposer que l'intérêt collectif des créanciers fasse obstacle à la recevabilité de l'action des concluants, cela ne peut être qu'à hauteur du montant du passif admis, déduction faite des premières échéances du plan régulièrement payées » et que « les concluants, qui démontrent l'existence d'un préjudice subi par la société de près de 5 millions d'euros, doivent donc être jugés recevables à agir, à tout le moins en réparation du préjudice excédant le montant du passif » ; qu'en laissant sans réponse ces écritures pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, de cinquième part, QUE les dispositions de l'article 2239 du code civil, issues de la loi du 17 juin 2008, qui attachent à une décision ordonnant une mesure d'instruction avant tout procès un effet suspensif de la prescription jusqu'au jour où la mesure a été exécutée, s'appliquent aux décisions rendues après l'entrée en vigueur de cette loi ; que M. J... I... et les autres exposants rappelaient, devant la cour d'appel, qu'ils avaient engagé le 21 avril 2008 une action en référé tendant à l'organisation d'une expertise de gestion et que cette expertise avait été ordonnée par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 29 avril 2009 ; qu'il en résultait que la prescription s'était trouvée suspendue jusqu'au 30 septembre 2010, date du dépôt du rapport d'expertise ; qu'en déclarant, par motifs adoptés du jugement, l'action engagée les 21 et 23 février 2012 irrecevable comme tardive, puisque « prescrite depuis au moins le 21 avril 2011 », quand la prescription triennale s'était trouvée suspendue jusqu'au 30 septembre 2010, date du dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel a violé les articles 2, 2239, 2241 et 2242 du code civil et L.225-254 du code de commerce ; ALORS, de sixième part, QUE dans leurs conclusions d'appel (notifiées le 23 mai 2018, p. 58 al. 1er), M. J... I... et les autres exposants faisaient valoir en outre que « les fautes de gestion reprochées n'ont pu être découvertes qu'après un examen de l'ensemble des comptes de la société, lors de l'expertise de gestion qui a été ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel en date du 29 avril 2009 et « révélées » aux appelants seulement le 30 septembre 2010, lors du dépôt du rapport de l'expertise de gestion » ; qu'en déclarant prescrite l'action engagée les 21 et 23 février 2012, sans répondre à ces écritures pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, enfin, et en toute hypothèse, QUE dans leurs conclusions d'appel (notifiées le 23 mai 2018, p. 60 al. 5 à 8), M. J... I... et les autres exposants faisaient valoir que les fautes commises postérieurement au 21 février 2009, soit au cours des trois années ayant précédé la mise en oeuvre de leur action, ne pouvaient être considérées comme prescrites ; qu'en laissant sans réponse ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
L'action ut singuli, réservée aux associés par les articles L. 225-252, L. 227-8 du code de commerce, qui tend à la réparation du préjudice subi par la société, échappe au monopole du commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde, lequel n'a qualité à agir, en application de l'article L. 626-25, alinéa 3, du même code, qu'au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, qui est satisfait par l'adoption de ce plan
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 708 FS-P+B Pourvoi n° G 19-12.112 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 NOVEMBRE 2020 1°/ la société Caisse de crédit mutuel de Calais, société coopérative de crédit, dont le siège est [...] , 2°/ la société Caisse fédérale du crédit mutuel Nord Europe, société coopérative à forme anonyme à capital variable, dont le siège est [...] , ont formé le pourvoi n° G 19-12.112 contre le jugement rendu le 12 décembre 2018 par le tribunal d'instance de Dunkerque, dans le litige les opposant à Mme H... Y... , domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Caisse de crédit mutuel de Calais et Caisse fédérale du crédit mutuel Nord Europe, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fevre, M. Riffaud, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, Tostain, Bessaud, M. Boutié, Mme Bellino, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Dunkerque, 12 décembre 2018), rendu en dernier ressort, sur renvoi après cassation (Com., 25 octobre 2017 pourvoi n° 16-11.644, Bull. n° 139), après avoir reçu, sur son téléphone mobile, deux messages lui communiquant un code à six chiffres dénommé « 3D Secure », destiné à valider deux paiements par Internet qu'elle n'avait pas réalisés, Mme Y... a, le même jour, fait opposition à sa carte bancaire auprès de la société Caisse de crédit mutuel de Calais, dans les livres de laquelle était ouvert son compte. Elle lui a ensuite demandé, ainsi qu'à la société Caisse fédérale de crédit mutuel Nord Europe, de lui rembourser la somme qui avait été prélevée sur ce compte à ce titre et de réparer son préjudice moral. 2. Soutenant que Mme Y... ne contestait pas avoir, en réponse à un courriel se présentant comme émanant de l'opérateur téléphonique SFR, communiqué à son correspondant des informations relatives à son compte chez cet opérateur, permettant de mettre en place un renvoi téléphonique des messages reçus de la banque, ainsi que ses nom, numéro de carte de paiement, date d'expiration et cryptogramme figurant au verso de la carte, les sociétés Caisse de crédit mutuel de Calais et Caisse fédérale de crédit mutuel Nord Europe se sont opposées à sa demande au motif qu'elle avait ainsi commis une négligence grave dans la conservation des dispositifs de sécurité personnalisés mis à sa disposition. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Les sociétés Caisse de crédit mutuel de Calais et Caisse fédérale de crédit mutuel Nord Europe font grief au jugement de dire qu'elles ne démontrent pas que l'opération litigieuse n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre et de les condamner en conséquence in solidum à payer à Mme Y... la somme de 3 300,28 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2015, alors : « 1°/ que le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non-autorisées si ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à l'obligation de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance a retenu que Mme Y... avait commis une négligence grave en transmettant ses nom, numéro de carte bancaire, date d'expiration et cryptogramme visuel en réponse à un courriel manifestement frauduleux aux yeux de tout utilisateur normalement attentif ; qu'en jugeant néanmoins que faute pour la banque de prouver que l'opération litigieuse n'avait pas été affectée d'une déficience technique, la banque devait être condamnée à rembourser à sa cliente le montant des sommes détournées, le tribunal d'instance a violé les articles L. 133-16, L. 133-19 et L. 133-23 du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable en la cause issue de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 ; 2°/ que, dans ses conclusions d'appel, la banque faisait valoir qu'il résultait du tableau chronologique ainsi que du rapport établis par ses services, mentionnant l'ensemble des informations relatives à l'opération contestée (date et heure de l'opération, numéro de la carte bancaire de Mme Y... , montant des l'opération, site sur lequel la transaction avait été effectuée) que cette opération avait été "enregistrée, comptabilisée, authentifiée, et n'a été affectée d'aucune déficience technique" ; que la banque soulignait qu'il résultait du rapport de ses services que le code unique à six chiffres utilisé pour valider l'opération avait été reçu par SMS par Mme Y... ; qu'en énonçant que la banque "ne donne aucune explication de nature à démontrer l'absence de déficience", le tribunal d'instance a dénaturé les conclusions des exposantes, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en s'abstenant de rechercher si les éléments ainsi invoqués par la banque ne permettaient pas d'établir que l'opération litigieuse avait été réalisée sans déficience technique, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-23 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause issue de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009. » Réponse de la Cour 4. En premier lieu, il résulte des articles L. 133-19, IV, et L. 133-23 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, que s'il entend faire supporter à l'utilisateur d'un instrument de paiement doté d'un dispositif de sécurité personnalisé les pertes occasionnées par une opération de paiement non autorisée rendue possible par un manquement de cet utilisateur, intentionnel ou par négligence grave, aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17 de ce code, le prestataire de services de paiement doit aussi prouver que l'opération en cause a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre. 5. Le moyen, pris en sa première branche, qui postule le contraire, manque en droit. 6. En second lieu, sous le couvert des griefs infondés de dénaturation et de manque de base légale, le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation, souveraine, par laquelle le tribunal a estimé que les sociétés Caisse de crédit mutuel de Calais et Caisse fédérale de crédit mutuel Nord Europe ne rapportaient pas cette preuve. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Caisse de crédit mutuel de Calais et Caisse fédérale de crédit mutuel Nord Europe aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Caisse de crédit mutuel de Calais et Caisse fédérale du crédit mutuel Nord Europe. Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR dit que la Caisse de Crédit Mutuel de CALAIS et la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel Nord Europe ne démontraient pas que l'opération litigieuse n'avait pas été affectée par une déficience technique ou autre, et D'AVOIR en conséquence condamné in solidum la Caisse de Crédit Mutuel de Calais et la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel Nord Europe à payer à Madame H... Y... la somme de 3.300,28 €, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2015 ; AUX MOTIFS QUE « 1) Sur l'existence d'un dispositif de sécurité personnalisé Aux termes de l'article L. 133-4 a) du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors en vigueur, « un dispositif de sécurité personnalisé s'entend de tout moyen technique affecté par un prestataire de services de paiement à un utilisateur donné pour l'utilisation d'un instrument de paiement. Ce dispositif, propre à l'utilisateur de services de paiement et placé sous sa garde, vise à l'authentifier". En l'espèce, il n'est pas contesté que le système 3D SECURE est une procédure d'authentification personnelle. En effet, lors d'un achat en ligne, après saisie des données relatives à la carte bancaire, l'utilisateur est redirigé vers le site internet de sa banque pour confirmer son identité. Un code unique lui est transmis par SMS ou serveur vocal interactif et permet alors l'autorisation de la transaction effectuée. En conséquence, le paiement avec le système 3D SECURE doit être qualifié de dispositif de sécurité personnalisé. Sur la responsabilité du payeur Dans le cas particulier des instruments de paiement dotés d'un dispositif de sécurité personnalisé, l'article L. 133-19 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " II - La responsabilité du payeur n'est pas engagée si l'opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l'insu du payeur, l'instrument de paiement ou les données qui lui sont liées. IV. — Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non-autorisées si ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17." Selon l'article L. 133-16 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors en vigueur : "Dès qu'il reçoit un instrument de paiement, l'utilisateur de services de paiement prend toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés. Il utilise l'instrument de paiement conformément aux conditions régissant sa délivrance et son utilisation." En cas d'opérations non-autorisées, L. 133-23 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : « Lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l'opération de paiement n'a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre. L'utilisation de l'instrument de paiement telle qu'enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l'opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière." Il résulte de l'ensemble de ces textes que, dans le cas d'un paiement non autorisé via des instruments de paiement dotés d'un dispositif de sécurité personnalisé, le prestataire de service de paiement qui demande à ce que le payeur supporte les pertes occasionnées doit démontrer la réalisation de deux conditions cumulatives : - que ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de la part du payeur, ou qu'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés. Il convient alors de préciser que la simple utilisation de l'instrument de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver l'autorisation du paiement par le payeur ; - que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre. Sur l'existence d'une négligence grave. En l'espèce, il ne peut être contesté que toute personne raisonnable est informée sur l'existence de risques sur le "hameçonnage" ou "phishing", ne serait-ce que par l'utilisation régulière d'une boîte mail. En tout état de cause, il peut être reproché au payeur de ne pas avoir pris toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés si, avisé ou non des risques d'hameçonnage, il existe des indices dans le courriel frauduleux permettant à un utilisateur normalement attentif de douter de sa provenance. Le courriel frauduleusement originaire de la société SFR, reçu le 14 août 2014 par Madame H... Y... : - ne comportait, contrairement aux courriers légitimes de la société SFR, ni son nom ni son adresse, ni le numéro de sa ligne téléphonique ; - ne précisait pas le montant des sommes dues ; - indiquait un numéro de facture erroné. En outre Madame H... Y... ne conteste pas : - avoir eu un compte créditeur au moment des faits litigieux ; - payer ses factures téléphoniques par le biais de prélèvements et non par carte bancaire. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Madame H... Y... a négligé gravement son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés en transmettant, ce qui n'est pas contesté, ses nom, numéro de carte bancaire, date d'expiration et cryptogramme visuel en réponse à un mail manifestement frauduleux aux yeux de tout utilisateur normalement attentif. Sur l'existence d'une déficience En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que l'opération litigieuse a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée, ce qui n'est pas contesté. Cependant, Madame H... Y... conteste avoir transmis son code 3D SECURE dans le cadre de la transaction litigieuse et nie en conséquence avoir autorisé l'opération de paiement litigieuse qui a été exécutée. Il revient donc à la banque de rapporter la preuve que l'opération "n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre", selon les termes de l'article L. 133-23 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors en vigueur. Or, en l'espèce, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CALAIS et la CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL NORD EUROPE : - fournissent, pour démontrer l'absence de déficience, un simple tableau chronologique, pièce par ailleurs quasiment illisible et sans notice explicative l'accompagnant ; - ne donne aucune explication de nature à démontrer l'absence de déficience. Il convient donc de considérer que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CALAIS et la CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL NORD EUROPE ne démontrent pas que l'opération n'ait pas été affectée par une déficience technique ou autre. En conséquence, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CALAIS et la CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL NORD EUROPE doivent donc être condamnées in solidum à payer à Madame H... Y... la somme de 3.300,28 euros » 1°) ALORS, D'UNE PART, QUE le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non-autorisées si ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à l'obligation de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance a retenu que Madame Y... avait commis une négligence grave en transmettant ses nom, numéro de carte bancaire, date d'expiration et cryptogramme visuel en réponse à un courriel manifestement frauduleux aux yeux de tout utilisateur normalement attentif ; qu'en jugeant néanmoins que faute pour la Caisse de Crédit Mutuel de prouver que l'opération litigieuse n'avait pas été affectée d'une déficience technique, la banque devait être condamnée à rembourser à sa cliente le montant des sommes détournées, le tribunal d'instance a violé les articles L. 133-16, L. 133-19 et L. 133-23 du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable en la cause issue de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 ; 2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE dans ses conclusions d'appel (spéc. p. 10-11), le Crédit Mutuel faisait valoir qu'il résultait du tableau chronologique ainsi que du rapport établis par ses services, mentionnant l'ensemble des informations relatives à l'opération contestée (date et heure de l'opération, numéro de la carte bancaire de Madame Y... , montant des l'opération, site sur lequel la transaction avait été effectuée) que cette opération avait été « enregistrée, comptabilisée, authentifiée, et n'a été affectée d'aucune déficience technique » ; que le Crédit Mutuel soulignait (p. 11 ; p. 15) qu'il résultait du rapport de ses services que le code unique à 6 chiffres utilisé pour valider l'opération avait été reçu par SMS par Madame Y... ; qu'en énonçant que le Crédit Mutuel « ne donne aucune explication de nature à démontrer l'absence de déficience », le tribunal d'instance a dénaturé les conclusions des exposantes, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU' en s'abstenant de rechercher si les éléments ainsi invoqués par le Crédit Mutuel ne permettaient pas d'établir que l'opération litigieuse avait été réalisée sans déficience technique, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-23 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause issue de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009.
Il résulte des articles L. 133-19, IV, et L. 133-23 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, que s'il entend faire supporter à l'utilisateur d'un instrument de paiement doté d'un dispositif de sécurité personnalisé les pertes occasionnées par une opération de paiement non autorisée rendue possible par un manquement de cet utilisateur, intentionnel ou par négligence grave, aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17 de ce code, le prestataire de services de paiement doit aussi prouver que l'opération en cause a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 1005 FS-P+B+I Pourvoi n° R 19-18.490 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 NOVEMBRE 2020 M. G... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° R 19-18.490 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre B), dans le litige l'opposant à la société Fibre excellence Tarascon, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. M..., de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Fibre excellence Tarascon, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 novembre 2018), M. M... a travaillé de 1957 à 1987, en qualité de laveur cuiseur en ligne de fibre, au sein d'un établissement de production de pâte à papier, implanté à Tarascon et exploité en dernier lieu par la société Fibre excellence Tarascon. 2. Par arrêté ministériel du 2 octobre 2013 publié le 12 octobre 2013, cet établissement a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période 1951 à 2001. 3. Le 3 novembre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de réparation de son préjudice d'anxiété. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite et de le débouter de ses demandes, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'action en reconnaissance du préjudice d'anxiété se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit au plus tôt à compter du jour de publication de l'arrêté ayant inscrit l'établissement employeur sur la liste ministérielle visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; qu'ayant constaté que le salarié avait travaillé de 1957 à 1987 au sein de l'établissement de la société Fibre excellence Tarascon inscrit, pour la période courant de 1951 à 2001, sur la liste susvisée par un arrêté en date du 2 octobre 2013 publié le 12 octobre 2013, tout en refusant de lui faire bénéficier du délai de prescription susvisé d'une durée de cinq ans, la cour d'appel a violé les articles 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, 26- II de cette même loi et 2224 du même code. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. 6. L'action par laquelle un salarié, ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, demande réparation du préjudice d'anxiété, au motif qu'il se trouve, du fait de l'employeur, dans un état d'inquiétude permanente généré par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, se rattache à l'exécution du contrat de travail. 7. Ayant constaté que l'arrêté ministériel qui a inscrit l'établissement de Tarascon sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre du régime légal de l'ACAATA avait été publié le 12 octobre 2013, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de prescription de l'action du salarié expirait le 12 octobre 2015 de sorte que la demande introduite postérieurement à cette date était prescrite. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. M... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. M... Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré l'action du salarié irrecevable comme prescrite et de l'AVOIR débouté de ses demandes. AUX MOTIFS QUE Monsieur M... exerce son action en réparation du préjudice d'anxiété au visa du seul article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et il affirme ne pas relever des règles de droit du travail ; que le premier juge a rendu sa décision au visa des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail, en retenant un manquement contractuel de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ; qu'il revendique bien sa qualité de salarié pour solliciter la réparation de son préjudice et qu'il précise les conditions dans lesquelles il travaillait pour expliquer de quelle manière il a, dans l'exercice de son activité professionnelle, été exposé aux fibres d'amiante ; que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui, comme en l'espèce, a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur la liste établie par arrêté ministériel (en l'espèce l'arrêté du 2 octobre 2013) pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque et l'action du salarié tendant à la réparation du préjudice d'anxiété découle du manquement de l'employeur à ses obligations légales et contractuelles et ne peut en conséquence être détachée du cadre de l'exécution d'un contrat de travail. Elle relève ainsi de la compétence de la juridiction prud'homale ; que la demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété formée par Monsieur M..., au seul visa de l'article 41 de la loi du décembre 1998, expressément dissociée de toute relation de travail et de toute responsabilité civile contractuelle ou délictuelle, est inopérante et Monsieur M... est mal fondé en sa demande d'indemnisation à ce titre ; que la prescription trentenaire était la prescription extinctive de droit commun avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (article 2224 du code civil) ; que la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, applicable à compter du 17 juin 2013, a réduit le délai de prescription à deux ans pour toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail, telle celle aux fins de réparation d'un préjudice résultant du manquement de l'employeur à ses obligations ; que l'article L. 1471-1 du code du travail, introduit par la loi du 14 juin 2013 a réduit à deux ans le délai de prescription pour toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail ; que l'article L. 1471-1 du code du travail prévoit que le délai de prescription de deux ans n'est pas applicable : aux actions en paiement ou en répétition de salaires (délai de 3 ans selon l'article L. 3245-1 du code du travail) ; aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail (délai de 10 ans selon l'article 2226 du code civil) ; aux actions en réparation du préjudice résultant d'une discrimination (délai de 5 ans selon les articles L. 1132-1 et L. 1134-5 du code du travail) ; aux actions en réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral ou sexuel (délai de 5 ans selon les articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail) ; aux actions en contestation de la régularité ou de la validité d'un licenciement pour motif économique (délai de 12 mois selon l'article L. 1235-7 du code du travail) ; aux contestations de la rupture du contrat de travail ou de son motif après adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle (délai de 12 mois selon l'article L. 1233-67 du code du travail) ; aux contestations de la rupture conventionnelle (délai de 12 mois selon l'article L. 1237-14 du code du travail) ; aux contestations d'un reçu pour solde de tout compte (délai de 6 mois selon l'article L. 1234-20 du code du travail) ; que l'action en réparation du préjudice d'anxiété ne figure pas dans la liste ci-dessus ; que l'alinéa 1 de l'article L. 1471-1 du code du travail posant une prescription de deux ans est donc applicable aux actions en réparation du préjudice d'anxiété ; que l'arrêté ministériel du 2 octobre 2013 ayant été publié au Journal Officiel du 12 octobre 2013, soit après l'entrée en vigueur de loi du 14 juin 2013, le délai de prescription de l'action en réparation du préjudice d'anxiété de Monsieur M... expirait le 12 octobre 2015 ; que Monsieur M... ayant saisi le conseil de prud'hommes le 3 novembre 2016, son action exercée est prescrite ; ALORS QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'action en reconnaissance du préjudice d'anxiété se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit au plus tôt à compter du jour de publication de l'arrêté ayant inscrit l'établissement employeur sur la liste ministérielle visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; qu'ayant constaté que le salarié avait travaillé de 1957 à 1987 au sein de l'établissement de la société Fibre Excellence Tarascon inscrit, pour la période courant de 1951 à 2001, sur la liste susvisée par un arrêté en date du 2 octobre 2013 publié le 12 octobre 2013, tout en refusant de lui faire bénéficier du délai de prescription susvisé d'une durée de cinq ans, la cour d'appel a violé les articles 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, 26-II de cette même loi et 2224 du même code.
L'action par laquelle un salarié, ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, demande réparation du préjudice d'anxiété, au motif qu'il se trouve, du fait de l'employeur, dans un état d'inquiétude permanente généré par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, se rattache à l'exécution du contrat de travail. Il en résulte que cette action est soumise à la prescription de deux ans prévue à l'article L. 1471-1 du code du travail
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 1026 FS-P+B Pourvoi n° W 19-10.606 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 NOVEMBRE 2020 1°/ la société Staffmatch France, société par actions simplifiée, 2°/ la société Staffmatch France 1, société par actions simplifiée, ayant toutes deux leur siège [...] , ont formé le pourvoi n° W 19-10.606 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige les opposant à la société Brigad, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Brigad, l'avis de Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2018) rendu en matière de référé, les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 (les sociétés Staffmatch), membres du groupe Staffmatch, exercent leur activité dans le secteur du travail temporaire se rapportant à l'hôtellerie et la restauration, la seconde étant une agence de travail temporaire. 2. Par acte du 26 janvier 2018, elles ont assigné en référé devant le président d'un tribunal de commerce la société Brigad qui exerce une activité de programmation informatique et d'exploitation d'un site internet dédié aux professionnels du secteur de la restauration, aux fins de faire reconnaître que l'activité de cette société causait un trouble manifestement illicite et les exposait à un dommage imminent qu'il fallait respectivement faire cesser et prévenir. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Les sociétés Staffmatch font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé et de les avoir condamnées in solidum au paiement d'une indemnité de procédure, outre les dépens, alors : « 1° / que pour démontrer l'existence d'un trouble manifestement illicite, les sociétés Staffmatch ont dénoncé la fraude à la loi commise par la société Brigad, cette fraude consistant en l'utilisation d'un moyen légal, celui des plateformes de mise en relation, pour éluder une règle de droit, la réglementation sur le travail temporaire ; qu'en énonçant que les griefs invoqués par les sociétés Staffmatch à l'encontre de la société Brigad "reposent sur le présupposé que les travailleurs indépendants inscrits sur la plate-forme litigieuse seraient en réalité des salariés", quand la fraude à la loi dénoncée par les exposantes ne reposaient pas sur un tel présupposé, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a, dès lors, violé l'article 873 du code de procédure civile, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ; 2°/ qu'en se bornant à énoncer que "la reconnaissance légale manifeste du modèle économique contesté de la société Brigad et l'absence d'indices suffisants permettant à l'évidence de renverser la présomption de l'article L. 8221-6 du code du travail privent de caractère manifeste l'illicéité invoquée de son activité", sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société Brigad n'avait pas commis une fraude à la loi consistant en l'utilisation d'un moyen légal, celui des plate-formes de mise en relation, pour éluder une règle de droit, la réglementation sur le travail temporaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ; 3°/ que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Staffmatch ne contestaient pas la légalité des plate-formes de mise en relation ; qu'elles démontraient seulement que ce régime n'était pas applicable à l'activité de la société Brigad ; qu'en retenant que "c'est « le modèle économique » en soi de la plate-forme numérique dont elles contestent la licéité -comme étant constitutif d'infractions pénales, au code du travail et à celui du code de la consommation- pour en déduire d'une part, une concurrence déloyale ne leur permettant pas d'être compétitives dans le cadre réglementé qui s'impose aux entreprises de travail temporaire dont ce modèle s'affranchirait et, d'autre part, une publicité comparative trompeuse qui promeut ce modèle alors qu'il serait illicite", la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel des sociétés Staffmatch, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 4°/ que le président peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que les sociétés Staffmatch ont fait valoir que les indices relevés par la Cour justice de l'Union européenne, pour décider que l'activité exercée par la société Uber ne se limitait pas à de l'intermédiation, étaient parfaitement transposables afin de déterminer la véritable activité de la société Brigad ; qu'elles en déduisaient que la société Brigad n'avait pas une simple activité de mise en relation mais qu'elle se livrait à une véritable activité de mise à disposition de main-d'oeuvre, activité réservée aux société d'intérim ; qu'en retenant que les sociétés Staffmatch n'établissaient pas en quoi l'analogie alléguée devait à l'évidence conduire à la requalification de l'activité de la société Brigad en une activité d'agence d'intérim, quand le caractère manifeste ou évident devait être apprécié au seul regard de l'illicéité du trouble invoqué, les juges du fond ont violé de l'article 879 du code de procédure civile ; 5°/ qu'en se bornant à retenir que les exposantes n'établissaient pas en quoi l'analogie alléguée devait à l'évidence conduire à la requalification de l'activité de la société Brigad en une activité d'agence d'intérim, sans rechercher, comme elle y était invitée si les éléments retenus par la Cour de justice n'étaient pas de nature à révéler que l'activité de la société Brigad ne se limitait pas à de la mise en relation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence de ce tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. 5. Ayant relevé, d'une part, que les articles L. 7341-1 et suivants du code du travail, issus de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, étaient applicables aux travailleurs indépendants recourant, pour l'exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l'article 242 bis du code général des impôts et qu'ils prévoyaient les conditions d'exercice de la responsabilité sociale de ces plateformes et, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 8221-6 du même code, les travailleurs indépendants étaient présumés n'être pas liés avec le donneur d'ordres par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel, qui a retenu que l'essor des plateformes numériques telles que celle en litige était encadré par les dispositions législatives susvisées et constaté l'absence d'indices suffisants permettant avec l'évidence requise en référé de renverser la présomption de non-salariat prévue à l'article L. 8221-6 du code du travail pour les travailleurs indépendants s'y inscrivant, a ainsi fait ressortir que n'était pas établi avec évidence le fait que la société Brigad exerce de façon illicite une activité d'exploitation de plateforme numérique légalement reconnue, écartant ainsi implicitement toute hypothèse de fraude manifeste à la loi. 6. Elle a pu déduire, sans dénaturer les conclusions des parties ni être tenue de procéder à des recherches excédant ses pouvoirs, l'absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent consécutif à ce trouble. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 et les condamne à payer à la société Brigad la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir pas lieu à référé et d'avoir condamné in solidum les sociétés STAFFMATCH France et STAFMATCH France 1 à verser à la société BRIGAD à la somme 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS PROPRES QU'« en vertu de l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut toujours, dans les limites de la compétence de ce tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou non, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure ; que les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 sont des entreprises de travail temporaire qui interviennent dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration et dont l'activité consiste à mettre à disposition provisoire d'entreprises clientes, dites entreprises utilisatrices, des salariés qu'elles recrutent et rémunèrent ; que la société Brigad exploite une plate-forme internet ayant pour objet de mettre en relation des professionnels de la restauration et de l'hôtellerie. Son activité consiste : - à identifier des profils d'indépendants inscrits gratuitement sur cette plate-forme sous réserve de justifier de leur expérience dans le domaine de l'hôtellerie et de leur immatriculation au Registre du commerce et des sociétés ; - et à les mettre en relation avec les entreprises du secteur ayant publié une annonce correspondant à leurs besoins de services occasionnels d'un professionnel. Au vu des pièces produites, elle n'intervient manifestement pas dans ce choix et, à l'évidence, ne rémunère pas les indépendants ; qu'au vu des pièces produites et de ce qui précède , les griefs invoqués par les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 à l'encontre de la société Brigad pour caractériser des faits d'exercice illégal de la profession réglementée d'entreprise de travail temporaire, de contournement frauduleux du régime des micro-entrepreneurs, de marchandage, de prêt illicite de main d'oeuvre, constitutifs d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent par leur réitération, reposent sur le présupposé que les travailleurs indépendants inscrits sur la plate-forme litigieuse seraient en réalité des salariés ; qu'en outre, c'est "le modèle économique" en soi de la plateforme numérique (conclusions p. 20 et 31 par exemple) dont elles contestent la licéité - comme étant constitutif d'infractions pénales, au code du travail et à celui du code de la consommation - pour en déduire d'une part, une concurrence déloyale ne leur permettant pas d'être compétitives dans le cadre réglementé qui s'impose aux entreprises de travail temporaire dont ce modèle s'affranchirait et, d' autre part, une publicité comparative trompeuse qui promeut ce modèle alors qu'il serait illicite ; qu'il est créé un nouveau titre, aux articles L. 7341-1 et suivants du code du travail - issus de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et du décret du 4 mai 2017 relatif à la responsabilité sociale des plate-formes de mise en relation par voie électronique -"applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l'exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plate formes de mise en relation par voie électronique définies à l'article 242 bis du code général des impôts" et prévoyant les conditions d'exercice de cette responsabilité sociale ; qu'ainsi, l'essor des plate-formes numériques telles que celle en litige est encadré par ces dispositions ; que certes, en vertu de l'article L. 8221-6 de ce code, si les travailleurs indépendants sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation au Registre du commerce et des sociétés, l'existence d'un tel contrat peut néanmoins être établie lorsque ces personnes fournissent, directement ou par une personne interposée, des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que cependant, les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1, qui établissent avoir dénoncé aux services du Ministère du travail et de la DGCCRF, dès les 14 et 19 juin 2017, le caractère illégal à cet égard de l'exercice par la société Brigad de son activité, ne s'expliquent pas sur les suites effectivement données par ces services à leurs signalements ni sur les procédures initiées par les intéressés en vue de se voir reconnaître la qualité de salarié ; que par ailleurs, elles soutiennent vainement que la réglementation applicables aux plate-formes numériques ne s'appliquerait pas à l'activité de la société Brigad, au visa de l'article L. 111-7 du code de la consommation qui ne viserait que les consommateurs ou les plate-formes d'échange de services et de l'arrêt rendu par la Cour de Justice de l'Union, rendu sur renvoi préjudiciel, dans l'affaire Association Profasion Profesional Elite Taxi/ Uber Systems Spain SL (CJUE, 20 décembre 2017, C 434-15) qui l'exclurait ; qu'en effet, d'une part, les termes généraux de l'article L. 111-7 précité ne confortent pas à l'évidence la limitation alléguée de son champ d'application aux seuls consommateurs et plate-formes d'échange de services. En outre, cette allégation n'est étayée d'aucune jurisprudence ni doctrine ; que d'autre part, les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 se bornent à considérer comme transposable la solution retenue par l'arrêt précité de la Cour de Justice, rendu sur renvoi préjudiciel, qu'elles n'analysent pas, ne citant pas même ce qu'elle a dit pour droit, à savoir que "l'article 56 TFUE, lu conjointement avec l'article 58 § 1, TFUE, ainsi que l'article 2, § 2, sous d), de la directive 2006/123 et l'article 1" , point 2, de la directive 98/34, auquel renvoie l'article 2, sous a), de la directive 2000/31 doivent être interprétés en ce sens qu'un service d'intermédiation, tel que celui en cause au principal, qui a pour objet, au moyen d'une application pour téléphone intelligent de mettre en relation contre rémunération, des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain doit être considéré comme étant indissociablement lié à un service de transport et comme relevant , dés lors, de la qualification de "service dans le domaine des transports", au sens de l'article 58, § 1 TFUE, Un tel service doit, partant, être exclu du champ d'application de l'article 56 TFUE, de la directive 2006/123 et de la directive 2000/31, "(point 48) ; qu'en cet état, les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 n'établissent pas, même avec l'évidence requise en référé, en quoi cet arrêt et l'analogie alléguée entre "l'ubérisation" des transports et celle de l'intérim doivent à l'évidence conduire à la requalification de l'activité de la société Brigad, dont la société Uber serait l'un des investisseurs principaux, en une activité d'agence d'interim, exclue du bénéfice de la réglementation des plate-formes numériques ; qu'en conclusion, la reconnaissance légale manifeste du modèle économique contesté de la société Brigad et l'absence d'indices suffisants permettant à l'évidence de renverser la présomption de l'article L. 8221-6 du code du travail privent de caractère manifeste l'illicéité invoquée de son activité et ne saurait non plus causer aux sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 de dommage imminent au sens de l'article 873 du code de commerce qui fonde leurs demandes ; que les activités de concurrence déloyale et de publicités trompeuses reprochées à la société Brigad se déduisant du caractère manifestement illicite de son activité, leurs demandes à ce titre s'avèrent sans objet ; que pour le surplus, les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 n'établissent pas que la société Brigad n'est manifestement pas une start up de la French Tech dont elle utiliserait le logo, ce qui en tout état de cause, ne résulte pas avec l'évidence requise en référé du procès verbal de constat dressé les 4 et 7 novembre 2017, non contradictoirement » ; AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« en vertu de l'article 873 al 1 du CPC, le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou les mesures de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soif pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, les parties demanderesses, sociétés de travail temporaire spécialisées dans le domaine de hôtellerie restauration, soutiennent que la SAS BRIGAD, plate-forme numérique qui met en relation des personnes cherchant des missions dans le même secteur, appelées "brigadiers" avec des entreprises utilisatrices, faussent le jeu de la concurrence en s'affranchissant des conditions spécifiques qui régissent les sociétés de travail temporaire ; que les travailleurs employés par la SAS BRIGAD, sous le statut d'auto-entrepreneur, sont en fait de faux indépendants, puisqu'on leur impose le statut, qu'ils sont recrutés, sélectionnés, contrôlés et sanctionnés directement par la plate-forme et que de plus ils ne gèrent ni la facturation, ni les démarches administratives ; de sorte que les brigadiers s'avèrent indépendants juridiquement, mais sans remplir les conditions attachées à cette classification ; que les parties demanderesses considèrent dès lors que l'emploi de faux indépendants par la SAS BRIGAD qui fait en définitive du recrutement aboutissant à du prêt de main d'oeuvre au même titre que les sociétés d'intérim, permet à la partie défenderesse d'exercer une activité déguisée de travail temporaire tout en s'affranchissant de manière illicite, des charges et obligations imposées aux entreprises de travail temporaire ayant pour but de protéger les droits des travailleurs et de sauvegarder la libre concurrence; que, l'activité de la SAS BRIGAD sur le marché de l'intérim français fausse le jeu de la concurrence et génère un dommage imminent non seulement pour leurs sociétés demanderesses mais pour toute la profession, et ce dans la mesuré où les sociétés de travail intérimaire ne peuvent pas rivalisée et seront amenées à faire face à de graves difficultés si la fraude à la législation du travail perdure ; que les parties demanderesses et la SAS BRIGAD se situent bien sur le même marché et sont donc en concurrence, mais avec des propositions différentes ; qu'ainsi la SAS BRIGAD est une plate-forme qui propose dés missions de courte durée à des travailleurs indépendants ; que l'activité de plate-forme n'est pas illicite en soi, et ce d'autant moins, que leur développement est souhaité par la Commission européenne aux termes de directive commerce électronique 20008/31/CE ; que le fait pour un indépendant d'accepter une mission même de très courte durée, n'a pas non plus de caractère illégal ; qu'il apparait, en outre, que le législateur a tenu compte de l'évolution du marché du travail, en réglementant progressivement les obligations sociales des plate-formes et les droits qui en découlent pour les indépendants, notamment par les articles L. 7342 et suivants du Code du travail ; que ces articles créent un nouveau titre, relatif au statut social de certains travailleurs utilisant une ou plusieurs plate-formes lorsque leur indépendance est faible à !égard de la plate-forme, sans qu'ils se trouvent pour autant dans une situation de subordination juridique ; que la Cour de Justice Européenne a, dans un cas similaire, retenu que la mise en relation d'indépendants avec des donneurs d'ordre ne se résumait pas à un service d'intermédiation", mais "faisait partie intégrante d'un "service global" et qu'il était possible pour les Etats Membres de réglementer une telle activité ; qu'ainsi, au vu de cette jurisprudence, l'activité de la SAS BRIGAD peut être considérée comme un service global et spécifique qui pourrait donc être fragmenté ou soumis à autorisation préalable ; que dès lors, au vu de ce qui précède et du cadre réglementaire actuel, il n'est pas démontré par les parties demanderesses en quoi la SAS BRIGAD violerait la législation en vigueur applicable à son activité de plateforme, celle-ci opérant dans un cadre juridique dédié aux plate-formes de mise en relation résultant du Code des Impôts, du Code de la Consommation et du Code du Travail ; étant rappelé que l'existence d'un dommage n'est, en principe, pas suffisant, à lui seul, pour permettre qu'il 'soit mis fin à celui-ci, si le fait critiqué, à l'origine du trouble, s'avère régulier aux termes de la réglementation qui lui est applicable ; que seul l'Etat serait, éventuellement, à même de mettre fin à la distorsion de concurrence .invoquée en modifiant la réglementation applicable afin de tenir compte de l'évolution technologique et de son impact sur le marché du travail, s'il estime nécessaire de protéger les intérêts légitimes de chacun des acteurs économiques travaillant dans un-même secteur d'activité, mais sous un modèle économique différent » ; 1°) ALORS QUE, pour démontrer l'existence d'un trouble manifestement illicite, les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 ont dénoncé la fraude à la loi commise par la société BRIGAD, cette fraude consistant en l'utilisation d'un moyen légal, celui des plate-formes de mise en relation, pour éluder une règle de droit, la réglementation sur le travail temporaire (conclusions d'appel, p. 4, 8, 11, 12 et 20), ; qu'en énonçant que les griefs invoqués par les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 à l'encontre de la société BRIGAD « reposent sur le présupposé que les travailleurs indépendants inscrits sur la plate-forme litigieuse seraient en réalité des salariés », quand la fraude à la loi dénoncée par les exposantes ne reposaient pas sur un tel présupposé, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a, dès lors, violé l'article 873 du Code de procédure civile, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ; 2°) ALORS QU'en se bornant à énoncer que « la reconnaissance légale manifeste du modèle économique contesté de la société Brigad et l'absence d'indices suffisants permettant à l'évidence de renverser la présomption de l'article L. 8221-6 du code du travail privent de caractère manifeste l'illicéité invoquée de son activité », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société BRIGAD n'avait pas commis une fraude à la loi consistant en l'utilisation d'un moyen légal, celui des plate-formes de mise en relation, pour éluder une règle de droit, la réglementation sur le travail temporaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du Code de procédure civile, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ; 3°) ALORS QUE, dans leurs conclusions d'appel, les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 ne contestaient pas la légalité des plate-formes de mise en relation ; qu'elles démontraient seulement que ce régime n'était pas applicable à l'activité de la société BRIGAD ; qu'en retenant que « c'est "le modèle économique" en soi de la plateforme numérique (conclusions p. 20 et 31 par exemple) dont elles contestent la licéité - comme étant constitutif d'infractions pénales, au code du travail et à celui du code de la consommation - pour en déduire d'une part, une concurrence déloyale ne leur permettant pas d'être compétitives dans le cadre réglementé qui s'impose aux entreprises de travail temporaire dont ce modèle s'affranchirait et, d' autre part, une publicité comparative trompeuse qui promeut ce modèle alors qu'il serait illicite », la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel des sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE, le président peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 ont fait valoir que les indices relevés par la Cour justice de l'union européenne, pour décider que l'activité exercée par la société UBER ne se limitait pas à de l'intermédiation, étaient parfaitement transposables afin de déterminer la véritable activité de la société BRIGAD (p. 32-33) ; qu'elles en déduisaient que la société BRIGAD n'avait pas une simple activité de mise en relation mais qu'elle se livrait à une véritable activité de mise à disposition de main d'oeuvre, activité réservée aux société d'intérim ; qu'en retenant que les exposantes n'établissaient pas en quoi l'analogie alléguée devait à l'évidence conduire à la requalification de l'activité de la société BRIGAD en une activité d'agence d'intérim, quand le caractère manifeste ou évident devait être apprécié au seul regard de l'illicéité du trouble invoqué, les juges du fond ont violé de l'article 879 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'en se bornant à retenir que les exposantes n'établissaient pas en quoi l'analogie alléguée devait à l'évidence conduire à la requalification de l'activité de la société BRIGAD en une activité d'agence d'intérim, sans rechercher, comme elle y était invitée si les éléments retenus par la Cour de justice n'étaient pas de nature à révéler que l'activité de la société BRIGAD ne se limitait pas à de la mise en relation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile.
La cour d'appel qui, saisie en référé de faits de concurrence déloyale constitutifs d'un trouble manifestement illicite imputés par deux sociétés exerçant leur activité dans le secteur du travail temporaire à une société exploitant une plate-forme numérique, retient que cette dernière activité est encadrée par les dispositions législatives applicables aux travailleurs indépendants recourant, pour l'exercice de leur activité professionnelle, à une plate-forme de mise en relation par voie électronique et constate l'absence d'indices suffisants permettant avec évidence de renverser la présomption de non-salariat prévue à l'article L. 8221-6 du code du travail pour les travailleurs indépendants s'y inscrivant, a pu en déduire l'absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent en découlant
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 1027 FS-P+B Pourvoi n° U 18-23.986 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 NOVEMBRE 2020 Mme G... O... , domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 18-23.986 contre l'arrêt rendu le 16 février 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre A), dans le litige l'opposant à la société ACG management, anciennement dénommée Viveris management, société anonyme à directoire, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme O... , de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société ACG management, et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Sornay, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, M. Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 février 2018), Mme O... a été engagée le 1er février 2001 par la société Cofismed gestion, aux droits de laquelle sont successivement venues les sociétés Viveris management puis ACG management, tous ces établissements exerçant une activité de gestion de fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI). Recrutée initialement en qualité de chargée d'affaires, elle a occupé à compter du 1er septembre 2008 un poste de directrice d'investissement. 2. Soutenant avoir été victime d'une inégalité de traitement, la salariée a saisi le 20 octobre 2011 la juridiction prud'homale afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et la condamnation de ce dernier à lui payer diverses sommes. Recevabilité du pourvoi contesté par la défense 3. L'employeur soutient que le pourvoi formé le 2 novembre 2018 par la salariée est irrecevable comme ayant été introduit hors délai au regard de la signification de l'arrêt intervenue le 25 juillet 2018. 4. Cependant il ressort du procès-verbal de recherches infructueuses que l'huissier de justice s'est borné à constater qu'aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'avait son domicile ou sa résidence au dernier domicile connu de la salariée et qu'un occupant de l'immeuble lui avait déclaré que celle-ci était inconnue à l'adresse indiquée, sans accomplir de diligence afin de rechercher le destinataire de l'acte. 5. Il en résulte que la signification de l'arrêt effectuée le 25 juillet 2018 est irrégulière au regard de l'article 659 du code de procédure civile. 6. Le délai n'ayant pas couru, le pourvoi formé le 2 novembre 2018 est recevable. Examen du moyen Énoncé du moyen 7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de rémunération sur le fondement du principe d'égalité de traitement et de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, ainsi que de ses demandes de condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour exécution fautive du contrat de travail, alors « qu'aux termes du principe "à travail égal salaire égal", l'employeur est tenu d'assurer pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre ses salariés ; que pour la vérification du respect de ce principe, il doit être tenu compte de tous les éléments de rémunération liés à l'exécution de la prestation de travail qui constituent la contrepartie directe ou indirecte du travail fourni ; que dès lors, pour la mise en oeuvre de ce principe entre salariés exerçant les mêmes fonctions de directeur d'investissement dans une société financière, ne doivent pas être pris en compte dans la rémunération respective des salariés en comparaison les revenus des "carried interest", issus de la plus-value dégagée lors de la liquidation de fonds communs de placement gérés par leur employeur, à la suite d'un investissement individuel et facultatif à risque réalisé au moyen de ses deniers personnels antérieurement par certains de ces salariés, peu important que la faculté de souscrire ces parts soit en lien avec leur emploi ; que ces revenus aléatoires, provenant d'un investissement financier personnel volontaire du salarié, indépendants de son activité et de son départ éventuel de l'entreprise, et qui ne sont pas versés par l'employeur, ne sont ni par leur cause, ni par leur objet, la contrepartie du travail fourni ; qu'en décidant le contraire et en jugeant que, pour l'application du principe "à travail égal salaire égal", la comparaison entre Mme O... et ses collègues directeurs d'investissement de la société ACG management devait être effectuée en tenant compte de l'ensemble des avantages "liés à leur emploi", incluant les revenus procurés à la liquidation des parts de "carried interest" éventuellement souscrites dans les FCPI gérés par leur employeur, la cour d'appel a violé le principe susvisé. » Réponse de la Cour Vu le principe d'égalité de traitement et l'article L. 3221-3 du code du travail : 8. Selon ce dernier texte, constitue une rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié, en raison de l'emploi de ce dernier. 9. Pour débouter la salariée de ses demandes fondées sur un manquement de l'employeur au principe d'égalité de traitement, l'arrêt, après avoir indiqué qu'en droit la règle d'égalité de rémunération s'applique au salaire ou traitement ordinaire brut de base ou minimum et à tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier et englobe donc l'ensemble des droits individuels et collectifs, qu'ils soient financiers ou non, accordés aux salariés en raison de leur appartenance à l'entreprise, retient que dès lors qu'il s'agit d'un avantage réservé aux membres des équipes de gestion de la société ACG management sur un mode d'actionnariat salarié consistant en des titres attribués, en plus de la rémunération, aux salariés et aux dirigeants, afin de les intéresser à la réussite des investissements, les parts de carried interest doivent à ce titre être prises en compte pour évaluer la situation d'inégalité de traitement. 10. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi les parts de carried interest constituaient un élément de rémunération versé par l'employeur, en tant que contrepartie du travail fourni, ou un avantage directement ou indirectement payé par l'employeur au salarié, en espèces ou en nature, en raison de l'emploi de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme O... de sa demande de reconnaissance de ses fonctions de directrice de participation et de ses demandes subséquentes de reclassement indiciaire et de rappel de salaires, l'arrêt rendu le 16 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société ACG management aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société ACG management et la condamne à payer à Mme O... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme O... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme O... de sa demande en paiement d'un rappel de rémunération sur le fondement du principe "à travail égal salaire égal" et de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, ainsi que de ses demandes de condamnation de la société ACG management au paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour exécution fautive du contrat de travail ; AUX MOTIFS QUE " Sur l'égalité de traitement : il résulte du principe "à travail égal, salaire égal" que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; QUE sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ; QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence ; QU'en l'espèce, Mme O... soutient : - sur la base d'un tableau comparatif qu'elle a réalisé à partir des fonctions, coefficients, anciennetés dans les fonctions, rémunérations et diplômes des salariés occupant des postes de Directeurs d'investissement (à savoir M. F..., M. C..., M. L..., M. R..., M. T...), qu'elle se classait en 5ème position pour l'année 2009 et en 6ème position pour l'année 2010 alors que ces salariés, qui avaient une ancienneté inférieure à la sienne et percevaient un salaire très supérieur au sien, parfois le double du sien, - l'inégalité de traitement serait encore plus importante lors de la comparaison avec les Directeurs de participation, - l'employeur ne rapporte pas la preuve d'éléments objectifs pertinents justifiant cette différence de traitement, - qu'il ne faut pas inclure dans ‘‘l'assiette''de la rémunération à prendre en compte les ‘‘dividendes ECP''ni les parts de ‘‘Carried Interest''qui sont une plus-value dégagée sur un investissement individuel, volontaire et à risque en parts de ‘‘fonds communs de placement dans l'innovation''(FCPI) et qui ne peuvent pas être assimilables à un salaire ou à une rémunération ; QUE la société ACG Management conclut : - qu'il n'est pas interdit à un employeur d'individualiser les salaires, - qu'au sein de la société un système qualité ISO 9001 a été mis en place pour évaluer l'évolution de ses collaborateurs, - que seuls M. R... et M. T... se trouvaient dans une situation comparable à celle de Mme O... mais pour lesquels les diplômes et les expériences professionnelles justifiaient objectivement l'écart des salaires, - qu'il n'existe en fait pas d'écart de salaire dès lors qu'on inclut dans la base de comparaison les dividendes ECP, l'intéressement et les parts de ‘‘Carried Interest'', lesquels constituent un avantage réservé aux membres des équipes de gestion, comparable au plan d'épargne salariale dès lors qu'il s'agit d'un système d'épargne collectif ouvrant au personnel la faculté de participer, avec l'aide de l'entreprise, à la constitution d'un portefeuille de valeurs immobilières" ; QU'en droit, la règle d'égalité de rémunération s'applique au salaire ou traitement ordinaire brut de base ou minimum et à tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier et englobe donc l'ensemble des droits individuels et collectifs qu'ils soient financiers ou non, accordés aux salariés en raison de leur appartenance à l'entreprise ; QUE dès lors qu'il s'agit d'un avantage réservé aux membres des équipes de gestion de la société ACG Management sur un mode d'actionnariat salarié consistant en des titres attribués, en plus de la rémunération, aux salariés et aux dirigeants, afin de les intéresser à la réussite des investissements et dont la société Caséis n'est que le dépositaire, les parts de ‘‘Carried Interest''doivent à ce titre être prises en compte pour évaluer la situation d'inégalité de traitement ; QU'il ressort des éléments de comparaison produits par l'employeur que, si on additionne le salaire, les dividendes ECP, l'intéressement et les parts de ‘‘Carried Interest''dans des conditions identiques, pour la période 2008 à 2010 inclus telle que visée par la salariée, puis si on compare les rémunérations ainsi obtenues qui ont été versées aux Directeurs d'investissement, Mme O... a perçu une rémunération annuelle moyenne brute de 123 741 euros, qui la positionne en second, juste derrière M. F... qui a perçu une rémunération annuelle moyenne brute de 139 847 euros, le moins bien rémunéré étant M. R... à hauteur de 79 926 euros par an ; QU'elle a également été mieux payée que M. X... et M. M..., Directeurs de participation et se positionne en second derrière M. U..., également Directeur de Participation et ce alors même qu'elle n'avait pas la classification de Directrice de participation ; QU'il en résulte qu'aucune situation d'inégalité de traitement n'est caractérisée à l'encontre de Mme O... et aucun manquement de l'employeur ne peut être relevé sur ce point" (arrêt p. 6 in fine, p. 7) ; ALORS QU'aux termes du principe "à travail égal salaire égal", l'employeur est tenu d'assurer pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre ses salariés ; que pour la vérification du respect de ce principe, il doit être tenu compte de tous les éléments de rémunération liés à l'exécution de la prestation de travail qui constituent la contrepartie directe ou indirecte du travail fourni ; que dès lors, pour la mise en oeuvre de ce principe entre salariés exerçant les mêmes fonctions de directeur d'investissement dans une société financière, ne doivent pas être pris en compte dans la rémunération respective des salariés en comparaison les revenus des "carried interest", issus de la plus-value dégagée lors de la liquidation de fonds communs de placement gérés par leur employeur, à la suite d'un investissement individuel et facultatif à risque réalisé au moyen de ses deniers personnels antérieurement par certains de ces salariés, peu important que la faculté de souscrire ces parts soit en lien avec leur emploi ; que ces revenus aléatoires, provenant d'un investissement financier personnel volontaire du salarié, indépendants de son activité et de son départ éventuel de l'entreprise, et qui ne sont pas versés par l'employeur, ne sont ni par leur cause, ni par leur objet, la contrepartie du travail fourni ; qu'en décidant le contraire et en jugeant que, pour l'application du principe "à travail égal salaire égal", la comparaison entre Mme O... et ses collègues directeurs d'investissement de la société ACG management devait être effectuée en tenant compte de l'ensemble des avantages "liés à leur emploi", incluant les revenus procurés à la liquidation des parts de "carried interest" éventuellement souscrites dans les FCPI gérés par leur employeur, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Ne donne pas de base légale à sa décision, au regard du principe d'égalité de traitement et de l'article L. 3221-3 du code du travail, la cour d'appel qui, pour débouter une salariée de ses demandes fondées sur une inégalité de traitement, intègre dans l'assiette de calcul des rémunérations des salariés concernés leurs parts de carried interest sans caractériser en quoi celles-ci constituaient un élément de rémunération versé par l'employeur, en tant que contrepartie du travail fourni, ou un avantage directement ou indirectement payé par l'employeur au salarié, en espèces ou en nature, en raison de l'emploi de dernier
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 novembre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 1032 FS-P+B+I Pourvoi n° H 18-18.294 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 NOVEMBRE 2020 La société Bestfoods France industries (BFI), société par actions simplifiée, dont le siège est 20 rue des Deux Gares, 92500 Rueil-Malmaison, a formé le pourvoi n° H 18-18.294 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. A... I..., domicilié [...] , 2°/ à la société Manpower France, société par actions simplifiée, dont le siège est immeuble Eureka, 13 rue Ernest Renan, 92723 Nanterre cedex, 3°/ à Pôle emploi Alsace Champagne-Ardenne Lorraine, dont le siège est 27 rue Jean Wenger Valentin, 67030 Strasbourg cedex 2, 4°/ à Pôle emploi de Paris, dont le siège est Le Cinétic, 1 à 5 avenue du docteur Gley, 75020 Paris, défendeurs à la cassation. Intervention : du syndicat Prism'emploi, dont le siège est 7 rue Mariette, 75017 Paris. La société Manpower France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Bestfoods France industries, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Manpower France, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du syndicat Prism'emploi, les plaidoiries de Mes Célice, Uzan-Sarano et Rebeyrol, et l'avis de M. Liffran, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Prieur, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, en ses observations et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Examen d'office de la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat Prism'emploi après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile 1. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. 2. Le syndicat Prism'emploi ne justifiant pas d'un tel intérêt dans le présent litige, son intervention volontaire n'est pas recevable. Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Colmar,19 avril 2018), M. I... a été engagé par la société Manpower (l'entreprise de travail temporaire), du 19 mai 2008 au 15 février 2013, suivant deux cent dix-huit contrats de mission pour exercer, au sein de la société Bestfoods France industries (l'entreprise utilisatrice), des fonctions de préparateur matières premières, et ponctuellement celles d'agent de préparation, d'agent de préparation polyvalent, mélangeur et opérateur. 4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de la relation de travail avec l'entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. 5. L'entreprise utilisatrice a appelé en garantie l'entreprise de travail temporaire. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. L'entreprise utilisatrice fait grief à l'arrêt de requalifier les contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée pour la période du 20 juillet 2009 jusqu'au 15 février 2013 entre le salarié et l'entreprise utilisatrice, et de la condamner, en conséquence, in solidum avec l'entreprise de travail temporaire à payer au salarié certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, ainsi qu'une indemnité de licenciement, d'ordonner le remboursement au Pôle emploi par l'entreprise utilisatrice à proportion de 80 % et par l'entreprise de travail temporaire à proportion de 20 % des prestations de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités et, enfin, de condamner l'entreprise utilisatrice à payer au salarié une indemnité de requalification, alors : « 1°/ que le seul fait pour l'employeur de recourir au travail temporaire avec le même salarié pour des remplacements de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique au travail temporaire pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que pour caractériser le fait que l'employeur a, par une telle pratique, pourvu durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, les juges du fond doivent apprécier la nature des emplois successifs occupés par le salarié et la structure des effectifs de l'employeur ; qu'au cas présent, la cour d'appel a requalifié l'ensemble des contrats de mission conclus entre la société Manpower et M. I... en un contrat à durée indéterminée avec la société Bestfoods France industries en relevant qu'une entreprise ne pouvait recourir de façon systématique aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre, que M. I... faisait valoir qu'il avait travaillé au sein de la société Bestfoods France industries en exécution de près de deux cents contrats de mission pour une période courant du 19 mai 2008 au 15 février 2013, et ce principalement pour remplacer des salariés absents, que le salarié avait occupé durant ces missions le même poste de ''préparateur matières premières'', que l'existence d'une pratique habituelle de l'entreprise d'un recours à des embauches précaires pour des motifs de moindre coût et que ''l'embauche'' de M. I... par la société Bestfoods France industries à compter du 20 juillet 2009 et jusqu'au 15 février 2013 visait à pourvoir à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'en se déterminant de la sorte, sans se prononcer sur la structure des effectifs de la société Bestfoods France industries, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1251-5 et L. 1251-40 dans sa rédaction applicable au litige ; 2°/ que les dispositions de l'article L.1251-40 du code du travail, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice de dispositions limitativement énumérées des articles du même code, par la requalification auprès de l'entreprise utilisatrice du contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée, ne visent pas la méconnaissance de l'article L. 1251-36, relatif au délai de carence ; que si, comme l'a retenu la cour d'appel, un contrat de mission conclu pour le remplacement d'un salarié absent ne peut être suivi d'un contrat de mission conclu pour un accroissement d'activité, cette irrégularité ne peut entraîner la requalification desdits contrats de mission en un contrat à durée indéterminée auprès de l'entreprise utilisatrice ; qu'en statuant comme elle l'a fait et en requalifiant les contrats de mission de M. I... en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a violé l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour 7.Il résulte des articles L. 1251-5 du code du travail, L. 1251-6 du même code, dans sa rédaction applicable, et de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu'en cas de litige sur le motif de recours au travail temporaire, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat. 8. La cour d'appel, qui a constaté que, malgré la contestation de la réalité de ces motifs d'accroissement temporaire d'activité émise par le salarié, l'entreprise utilisatrice, à laquelle il appartenait de produire les éléments permettant de vérifier la réalité des motifs énoncés dans les contrats, ne se rapportait à aucune donnée concrète justifiant des motifs de recours à l'embauche précaire du salarié puisqu'elle se limitait à critiquer la pertinence des documents produits aux débats par le salarié à l'appui de la dénonciation d'une pratique habituelle de l'entreprise d'un recours à des embauches précaires pour des motifs de moindre coût, ce dont elle a déduit que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. Sur les premier et deuxième moyens, réunis, du pourvoi incident Enoncé du moyen 9. L'entreprise de travail temporaire fait grief à l'arrêt de requalifier les contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée pour la période du 20 juillet 2009 jusqu'au 15 février 2013 entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire, de condamner, en conséquence, in solidum l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire à payer au salarié certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, ainsi qu'une indemnité de licenciement, et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi par l'entreprise utilisatrice à proportion de 80 % et par l'entreprise de travail temporaire à proportion de 20 % des prestations de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités, alors : « 1°/ qu' en vertu de l'article L. 1251-36 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, à l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, ce délai n'étant toutefois pas applicable dans les cas visés à l'article L. 1251-37 ; qu'aucun texte ni aucun principe ne prévoit que le respect de ce délai de carence serait une obligation propre pesant sur l'entreprise de travail temporaire, sous peine de requalification en contrat à durée indéterminée de la relation de travail du salarié intérimaire avec cette entreprise de travail temporaire ; qu'au contraire, l'article L. 1255-9 du code du travail -dans sa rédaction applicable au litige-, en disposant que ''le fait pour l'utilisateur de méconnaître les dispositions relatives à la succession de contrats sur un même poste, prévues à l'article L. 1251-36, est puni d'une amende de 3 750 euros'', implique que le respect du délai de carence de l'article L. 1251-36 du code du travail constitue une obligation pesant sur l'entreprise utilisatrice, seule à même d'en assurer effectivement le respect, et par suite de répondre personnellement, y compris pénalement, de sa méconnaissance ; qu'en retenant pourtant, pour condamner la société Manpower France au titre d'une requalification de la relation de travail avec le salarié intérimaire en contrat à durée indéterminée, que l'entreprise de travail temporaire, du fait du non-respect du délai de carence, avait failli à ses obligations propres, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-36, L. 1251-40 et L. 1255-9 du code du travail ; 2°/ qu'aucune disposition du code du travail ne prévoit la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise de travail temporaire ; qu'en décidant de condamner la société Manpower France in solidum avec la société Bestfoods France industries, au motif que ''l'entreprise de travail temporaire a failli aux obligations qui lui étaient propres, et que la responsabilité de la société Manpower France et dès lors engagée, la relation contractuelle étant requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009'', quand aucune disposition légale ne prévoit que le non-respect du délai de carence fixé à l'article L. 1251-36 du code du travail est sanctionné par la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail, ensemble l'article L. 1251-40, dans leur version applicable au litige ; 3°/ en tout état de cause, qu'à supposer que ne soit pas exclue la possibilité pour le salarié d'agir en requalification contre l'entreprise de travail temporaire, nonobstant l'absence de texte en ce sens, ce ne peut être que lorsque les conditions énoncées par les articles L. 1251-16 et L. 1251-42 du code du travail, à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées par l'entreprise de travail temporaire, ou si est caractérisée une entente illicite avec la société utilisatrice afin de permettre à celle-ci d'échapper à l'interdiction de pourvoir par des contrats de mission à un emploi durable et permanent de la société ; qu'en décidant de condamner la société Manpower France in solidum avec la société Bestfoods France industries au motif que ''l'entreprise de travail temporaire a failli aux obligations qui lui étaient propres, et que la responsabilité de la société Manpower France et dès lors engagée, la relation contractuelle étant requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009'', tandis que l'entreprise de travail temporaire n'était pas responsable du non-respect par l'entreprise utilisatrice du délai de carence, et sans caractériser en quoi la société Manpower France aurait agi de concert avec la société Bestfoods France industries, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-16, L. 1251-42, ensemble l'article L. 1251-40 du code du travail dans leurs versions applicables au litige. » Réponse de la Cour 10. Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées. 11. Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1251-36 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, et de l'article L. 1251-37 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité. 12. Ayant fait ressortir que l'entreprise de travail temporaire avait conclu plusieurs contrats de mission au motif d'un accroissement temporaire d'activité sans respect du délai de carence, la cour d'appel en a exactement déduit que la relation contractuelle existant entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire devait être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009. 13. Le non-respect du délai de carence caractérisant un manquement par l'entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l'établissement des contrats de mission, la cour d'appel, sans avoir à procéder à une recherche inopérante, en a exactement déduit qu'elle devait être condamnée in solidum avec l'entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification, dont l'entreprise utilisatrice est seule débitrice. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 15. L'entreprise utilisatrice fait grief à l'arrêt de fixer sa contribution à 80 % et celle de l'entreprise de travail temporaire à 20 % s'agissant des indemnités liées à la rupture du contrat issu de la requalification des contrats de mission, et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi par l'entreprise utilisatrice à proportion de 80 % et par l'entreprise de travail temporaire à proportion de 20 % des prestations de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités, alors « que la requalification d'un ou de contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard à la fois de l'entreprise utilisatrice et de l'entreprise de travail temporaire ne fait peut faire naître qu'un contrat de travail à durée indéterminée auxquels les deux entreprises sont cocontractantes, en qualité de co-employeurs ; que la contribution aux dettes dues aux salarié au titre de l'exécution dudit contrat ou de sa rupture doivent donc être imputées à chacune des entreprises utilisatrice et de travail temporaire en considération de cette situation contractuelle, et non de la nature ou de l'importance de la faute commise par elles, et de leur influence sur la réalisation du préjudice ; que la cour d'appel a prononcé la requalification des contrats de mission de M. I... à la fois à l'égard de la société Bestfoods France industries, entreprise utilisatrice, et de la société Manpower France, entreprise de travail temporaire ; qu'elle a fixé la contribution de la société Bestfoods France industries et de la société Manpower France respectivement à 80 % à la charge de la première et à 20 % à la charge de la seconde s'agissant des diverses indemnités liées à la rupture du contrat issu de la requalification des contrats de mission et du remboursement à Pôle emploi Alsace Champagne-Ardenne Lorraine des prestations de chômage versées à M. I... dans la limite de trois mois d'indemnités ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il lui appartenait de tirer les conséquences de la caractérisation concrète d'une situation de co-emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 16. Ayant constaté les manquements imputables tant à l'entreprise utilisatrice qu'à l'entreprise de travail temporaire, la cour d'appel, qui les a condamnées in solidum à réparer le préjudice subi par le salarié, a souverainement apprécié la part de responsabilité qu'elle a retenue à l'encontre des co-obligées. 17. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLE l'intervention volontaire du syndicat Prism'emploi ; REJETTE les pourvois ; Condamne les sociétés Bestfoods France industries et Manpower France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Bestfoods France industries, demanderesse au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR requalifié les contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée pour la période courant du 20 juillet 2009 jusqu'au 15 février 2013 entre Monsieur I... et la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES, d'AVOIR en conséquence condamné in solidum la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES et la société MANPOWER FRANCE à payer à Monsieur I... les sommes de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.069,80 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 306,80 € brut à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis et 1.433,60 € à titre d'indemnité de licenciement, d'AVOIR ordonné le remboursement à Pôle Emploi Alsace Champagne-Ardenne Lorraine par la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES à proportion de 80 % et par la société MANPOWER FRANCE à proportion de 20 % des prestations de chômage versées à Monsieur I... dans la limite de trois mois d'indemnités et, enfin, d'AVOIR condamné la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES à payer à Monsieur I... la somme de 1.534,90 € à titre d'indemnité de requalification ; AUX MOTIFS QUE « Sur la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée : Aux termes de l'article L. 1221-2 du code du travail le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. Aussi le contrat de mission quel qu'en soit le motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice. Ainsi une entreprise ne peut-elle recourir de façon systématique aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre. En vertu de l'article L. 1251-40 du code du travail « Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. ». Au regard de ces dispositions légales, la demande de Monsieur A... I... dirigée contre la société BESTFOODS en sa qualité d'entreprise utilisatrice est parfaitement recevable. A l'appui de ses prétentions et de ce que son emploi était lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, Monsieur A... I... fait valoir qu'il a travaillé au sein de la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES en exécution de près de 200 contrats de mission pour une période courant du 19 mai 2008 au 15 février 2013, et ce principalement pour remplacer des salariés absents mais aussi ponctuellement à compter du 20 juillet 2009 pour accroissement temporaire d'activité. Monsieur A... I... précise qu'au cours son embauche il a occupé essentiellement le même poste de ''préparateur matières premières'', notamment selon contrat de mission en date du 20 juillet 2009, avec les motifs alternatifs de remplacement de salariés absents et d'accroissements temporaires d'activité. Monsieur A... I... souligne avec pertinence qu'un contrat de mission conclu pour le remplacement d'un salarié absent ne peut être suivi d'un contrat de mission conclu pour un accroissement d'activité. Malgré ce dernier rappel et malgré la contestation de la réalité de ces motifs d'accroissement temporaire d'activité émise par le salarié, la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES, à laquelle il appartient de produire les éléments permettant de vérifier la réalité des motifs énoncés dans les contrats, ne se rapporte à aucune donnée concrète justifiant des motifs de recours à l'embauche précaire de Monsieur A... I... puisqu'elle se limite à critiquer la pertinence des documents produits aux débats par le salarié à l'appui de la dénonciation d'une pratique habituelle de l'entreprise d'un recours à des embauches précaires pour des motifs de moindre coût. Monsieur A... I... explique sans être efficacement contredit par la société utilisatrice qu'il a toujours exercé son activité en équipe le week-end, tous comme les autres membres intérimaires composant cette équipe, et se prévaut en ce sens de plannings des équipes de production, pour l'année 2012 et 2013 (son annexe 15) qui intègrent des salariés intérimaires. En conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens développés par Monsieur I..., la cour retient que l'embauche de Monsieur A... I... par la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES à compter du 20 juillet 2009 et jusqu'au 15 février 2013 visait à pourvoir à l'activité normale et permanente de l'entreprise, et la cour fait droit à la demande de Monsieur A... I... de requalification des relations contractuelles en contrat à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009 jusqu'au 15 février 2013. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens » ; 1) ALORS, D'UNE PART, QUE le seul fait pour l'employeur de recourir au travail temporaire avec le même salarié pour des remplacements de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique au travail temporaire pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que pour caractériser le fait que l'employeur a, par une telle pratique, pourvu durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, les juges du fond doivent apprécier la nature des emplois successifs occupés par le salarié et la structure des effectifs de l'employeur ; qu'au cas présent, la cour d'appel a requalifié l'ensemble des contrats de mission conclus entre la société MANPOWER et Monsieur I... en un contrat à durée indéterminée avec la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES en relevant qu'une entreprise ne pouvait recourir de façon systématique aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre, que Monsieur I... faisait valoir qu'il avait travaillé au sein de la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES en exécution de près de 200 contrats de mission pour une période courant du 19 mai 2008 au 15 février 2013, et ce principalement pour remplacer des salariés absents, que le salarié avait occupé durant ces missions le même poste de « préparateur matières premières », que l'existence d'une pratique habituelle de l'entreprise d'un recours à des embauches précaires pour des motifs de moindre coût et que « l'embauche » de Monsieur I... par la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES à compter du 20 juillet 2009 et jusqu'au 15 février 2013 visait à pourvoir à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'en se déterminant de la sorte, sans se prononcer sur la structure des effectifs de la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1251-5 et L. 1251-40 dans sa rédaction applicable au litige ; 2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE les dispositions de l'article L. 1251-40 du Code du travail, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice de dispositions limitativement énumérées des articles du même Code, par la requalification auprès de l'entreprise utilisatrice du contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée, ne visent pas la méconnaissance de l'article L. 1251-36, relatif au délai de carence ; que si, comme l'a retenu la cour d'appel, un contrat de mission conclu pour le remplacement d'un salarié absent ne peut être suivi d'un contrat de mission conclu pour un accroissement d'activité, cette irrégularité ne peut entraîner la requalification desdits contrats de mission en un contrat à durée indéterminée auprès de l'entreprise utilisatrice ; qu'en statuant comme elle l'a fait et en requalifiant les contrats de mission de Monsieur I... en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a violé l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé la contribution de la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES et de la société MANPOWER FRANCE respectivement à 80 % à la charge de la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES et à 20 % à la charge de la société MANPOWER FRANCE s'agissant des indemnités liées à la rupture du contrat issu de la requalification des contrats de mission, et d'AVOIR ordonné le remboursement à Pôle Emploi Alsace Champagne-Ardenne Lorraine par la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES à proportion de 80 % et par la société MANPOWER FRANCE à proportion de 20 % des prestations de chômage versées à Monsieur I... dans la limite de trois mois d'indemnités ; AUX MOTIFS QUE « quant à la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES, elle fonde son appel en garantie de la société MANPOWER FRANCE sur le fait que les manquements tenant à la remise tardive des contrats de mission et le non respect du délai de carence sont exclusivement imputables à la société de travail temporaire ; la société MANPOWER FRANCE considère, outre que la transmission tardive de certains contrats n'est pas démontrée, qu'il n'appartient pas à l'entreprise de travail temporaire de respecter le délai de carence dont Monsieur I... allègue le non respect sans aucune précision, et ce au regard notamment de ce qu'elle ignore les jours ouvrables de l'entreprise utilisatrice. Elle ajoute qu'à supposer la preuve faite par Monsieur I... d'une faute commise par elle, il faudrait également à l'appelant démontrer la réalité d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la prétendue faute et le prétendu dommage. Or en application des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail, l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure immédiatement avec un même salarié sur le même poste de travail des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité. Etant rappelé que l'action en requalification peut aussi être intentée à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées, il est acquis aux débats que Monsieur I... a occupé un poste de préparateur matières premières en remplacement d'un salarié absent jusqu'à 15 juillet 2009, puis en exécution de deux contrats de mission les 20 et 23 juillet 2009 au motif d'un accroissement temporaire d'activité, motif qui a été ensuite ponctuellement repris à deux reprises au cours de l'année 2010, à trois reprises au cours de l'année 2011, et à trois reprises au cours de l'année 2012. Il résulte de ce constat que l'entreprise de travail temporaire a failli aux obligations qui lui étaient propres, et que la responsabilité de la société MANPOWER FRANCE est dès lors engagée, la relation contractuelle étant requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009. Etant observé que la société MANPOWER FRANCE est appelée en garantie par la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES, il convient de fixer la part contributive de chaque société. Au regard des manquements respectifs qui sont imputables à chacune d'entre elles, les deux sociétés utilisatrice et d'intérim seront condamnées in solidum à hauteur de 80 % en ce qui concerne la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES et à hauteur de 20 % pour ce qui est de la société MANPOWER FRANCE, étant toutefois rappelé que seule l'entreprise utilisatrice est débitrice de l'indemnité de requalification conformément aux dispositions de l'article L. 1251-41 du code du travail » ; ALORS QUE la requalification d'un ou de contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard à la fois de l'entreprise utilisatrice et de l'entreprise de travail temporaire ne fait peut faire naître qu'un contrat de travail à durée indéterminée auxquels les deux entreprises sont cocontractantes, en qualité de co-employeurs ; que la contribution aux dettes dues aux salarié au titre de l'exécution dudit contrat ou de sa rupture doivent donc être imputées à chacune des entreprises utilisatrice et de travail temporaire en considération de cette situation contractuelle, et non de la nature ou de l'importance de la faute commise par elles, et de leur influence sur la réalisation du préjudice ; que la cour d'appel a prononcé la requalification des contrats de mission de Monsieur I... à la fois à l'égard de la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES, entreprise utilisatrice, et de la société MANPOWER FRANCE, entreprise de travail temporaire ; qu'elle a fixé la contribution de la société BESTFOODS FRANCE INDUSTRIES et de la société MANPOWER FRANCE respectivement à 80 % à la charge de la première et à 20 % à la charge de la seconde s'agissant des diverses indemnités liées à la rupture du contrat issu de la requalification des contrats de mission et du remboursement à Pôle Emploi Alsace Champagne-Ardenne Lorraine des prestations de chômage versées à Monsieur I... dans la limite de trois mois d'indemnités ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il lui appartenait de tirer les conséquences de la caractérisation concrète d'une situation de co-emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail. Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Manpower France, demanderesse au pourvoi incident PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR requalifié les contrats de mission en contrat de travail durée indéterminée pour la période courant du 20 juillet 2009 jusqu'au 15 février 2013 entre M. I... et la société Manpower France, D'AVOIR condamné, in solidum avec la société Bestfoods France Industrie, la société Manpower France à payer à M. I... les sommes de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.069,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 306,80 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis et 1.433,60 euros à titre d'indemnité de licenciement, outre 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et D'AVOIR ordonné le remboursement à Pôle Emploi Alsace Champagne-Ardenne Lorraine par la société Manpower France à proportion de 20 % des prestations de chômage versées à M. I... dans la limite de trois mois d'indemnités ; AUX MOTIFS QUE, sur la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée ; [ ] Sur les demandes dirigées par M. I... et par la société Bestfoods France Industries contre la société Manpower France ; à l'appui de ses demandes dirigées contre la société Manpower France, M. I... soulève, outre les moyens ci-avant examinés relatifs à des contrats de mission visant un accroissement temporaire d'activité et la remise tardive des contrats de mission, le non-respect par la société Manpower France du délai de carence, ainsi que la concertation frauduleuse entre cette dernière et la société utilisatrice pour contourner la législation en réservant les prestations à l'usage exclusif et régulier de la société Bestfoods France Industrie, M. I... se prévaut de ce que la société Manpower doit être condamnée au titre des contrats de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée, en sollicitant sa condamnation « solidaire » avec l'entreprise utilisatrice ; quant à la société Bestfoods France Industrie, elle fonde son appel en garantie de la société Manpower France sur le fait que les manquements tenant à la remise tardive des contrats de mission et le non-respect du délai de carence sont exclusivement imputables à la société de travail temporaire ; la société Manpower France considère, outre que la transmission tardive de certains contrats n'est pas démontrée, qu'il n'appartient pas à l'entreprise de travail temporaire de respecter le délai de carence dont M. I... allègue le non-respect sans aucune précision, et ce au regard notamment de ce qu'elle ignore les jours ouvrables de l'entreprise utilisatrice ; elle ajoute qu'à supposer la preuve faite par M. I... d'une faute commise par elle, il faudrait également à l'appelant de démontrer la réalité du préjudice et d'un lien de causalité entre la prétendue faute et le prétendu dommage ; or en application des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail, l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure immédiatement avec un même salarié sur le même poste de travail des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité ; étant rappelé que l'action en requalification peut aussi être intentée à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées, il est acquis aux débats que M. I... a occupé un poste de préparateur matières premières en remplacement d'un salarié absent jusqu'au 15 juillet 2009, puis en exécution de deux contrats de mission les 20 et 23 juillet 2009, au motif d'un accroissement temporaire d'activité, motif qui a été ensuite ponctuellement repris à deux reprises au cours de l'année 2010, à trois reprises au cours de l'année 2011, et à trois reprises au cours de l'année 2012 ; il résulte de ce constat que l'entreprise de travail temporaire a failli aux obligations qui lui étaient propres, et que la responsabilité de la société Manpower France et dès lors engagée, la relation contractuelle étant requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009 ; étant observé que la société Manpower France est appelée en garantie par la société Bestfoods France Industrie, il convient de fixer la part contributive de chaque société ; au regard des manquements respectifs qui sont imputables à chacune d'entre elles, les deux sociétés utilisatrice et d'intérim seront condamnées in solidum à hauteur de 80 % en ce qui concerne la société Bestfoods France Industrie et à hauteur de 20 % pour ce qui est de la société Manpower France, étant toutefois rappelé que seule l'entreprise utilisatrice est débitrice de l'indemnité de requalification conformément aux dispositions de l'article L. 1251-41 du code du travail ; ALORS QU'en vertu de l'article L. 1251-36 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, à l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, ce délai n'étant toutefois pas applicable dans les cas visés à l'article L. 1251-37 ; qu'aucun texte ni aucun principe ne prévoit que le respect de ce délai de carence serait une obligation propre pesant sur l'entreprise de travail temporaire, sous peine de requalification en contrat à durée indéterminée de la relation de travail du salarié intérimaire avec cette entreprise de travail temporaire ; qu'au contraire, l'article L. 1255-9 du code du travail -dans sa rédaction applicable au litige-, en disposant que « le fait pour l'utilisateur de méconnaître les dispositions relatives à la succession de contrats sur un même poste, prévues à l'article L. 1251-36, est puni d'une amende de 3 750 euros », implique que le respect du délai de carence de l'article L. 1251-36 du code du travail constitue une obligation pesant sur l'entreprise utilisatrice, seule à même d'en assurer effectivement le respect, et par suite de répondre personnellement, y compris pénalement, de sa méconnaissance ; qu'en retenant pourtant, pour condamner la société Manpower France au titre d'une requalification de la relation de travail avec le salarié intérimaire en contrat à durée indéterminée, que l'entreprise de travail temporaire, du fait du non-respect du délai de carence, avait failli à ses obligations propres, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-36, L. 1251-40 et L. 1255-9 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR requalifié les contrats de mission en contrat de travail durée indéterminée pour la période courant du 20 juillet 2009 jusqu'au 15 février 2013 entre M. I... et la société Manpower France, D'AVOIR condamné, in solidum avec la société Bestfoods France Industrie, la société Manpower France à payer à M. I... les sommes de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.069,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 306,80 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis et 1.433,60 euros à titre d'indemnité de licenciement, outre 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et D'AVOIR ordonné le remboursement à Pôle Emploi Alsace Champagne-Ardenne Lorraine par la société Manpower France à proportion de 20 % des prestations de chômage versées à M. I... dans la limite de trois mois d'indemnités ; AUX MOTIFS QUE, sur la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée ; [ ] Sur les demandes dirigées par M. I... et par la société Bestfoods France Industries contre la société Manpower France ; à l'appui de ses demandes dirigées contre la société Manpower France, M. I... soulève, outre les moyens ci-avant examinés relatifs à des contrats de mission visant un accroissement temporaire d'activité et la remise tardive des contrats de mission, le non-respect par la société Manpower France du délai de carence, ainsi que la concertation frauduleuse entre cette dernière et la société utilisatrice pour contourner la législation en réservant les prestations à l'usage exclusif et régulier de la société Bestfoods France Industrie, M. I... se prévaut de ce que la société Manpower doit être condamnée au titre des contrats de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée, en sollicitant sa condamnation « solidaire » avec l'entreprise utilisatrice ; quant à la société Bestfoods France Industrie, elle fonde son appel en garantie de la société Manpower France sur le fait que les manquements tenant à la remise tardive des contrats de mission et le non-respect du délai de carence sont exclusivement imputables à la société de travail temporaire ; la société Manpower France considère, outre que la transmission tardive de certains contrats n'est pas démontrée, qu'il n'appartient pas à l'entreprise de travail temporaire de respecter le délai de carence dont M. I... allègue le non-respect sans aucune précision, et ce au regard notamment de ce qu'elle ignore les jours ouvrables de l'entreprise utilisatrice ; elle ajoute qu'à supposer la preuve faite par M. I... d'une faute commise par elle, il faudrait également à l'appelant de démontrer la réalité du préjudice et d'un lien de causalité entre la prétendue faute et le prétendu dommage ; or en application des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail, l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure immédiatement avec un même salarié sur le même poste de travail des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité ; étant rappelé que l'action en requalification peut aussi être intentée à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées, il est acquis aux débats que M. I... a occupé un poste de préparateur matières premières en remplacement d'un salarié absent jusqu'au 15 juillet 2009, puis en exécution de deux contrats de mission les 20 et 23 juillet 2009, au motif d'un accroissement temporaire d'activité, motif qui a été ensuite ponctuellement repris à deux reprises au cours de l'année 2010, à trois reprises au cours de l'année 2011, et à trois reprises au cours de l'année 2012 ; il résulte de ce constat que l'entreprise de travail temporaire a failli aux obligations qui lui étaient propres, et que la responsabilité de la société Manpower France et dès lors engagée, la relation contractuelle étant requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009 ; étant observé que la société Manpower France est appelée en garantie par la société Bestfoods France Industrie, il convient de fixer la part contributive de chaque société ; au regard des manquements respectifs qui sont imputables à chacune d'entre elles, les deux sociétés utilisatrice et d'intérim seront condamnées in solidum à hauteur de 80% en ce qui concerne la société Bestfoods France Industrie et à hauteur de 20% pour ce qui est de la société Manpower France, étant toutefois rappelé que seule l'entreprise utilisatrice est débitrice de l'indemnité de requalification conformément aux dispositions de l'article L. 1251-41 du code du travail ; 1°) ALORS QU'aucune disposition du code du travail ne prévoit la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise de travail temporaire ; qu'en décidant de condamner la société Manpower France in solidum avec la société Bestfoods France Industries, au motif que « l'entreprise de travail temporaire a failli aux obligations qui lui étaient propres, et que la responsabilité de la société Manpower France et dès lors engagée, la relation contractuelle étant requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009 », quand aucune disposition légale ne prévoit que le non-respect du délai de carence fixé à l'article L. 1251-36 du code du travail est sanctionné par la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail, ensemble l'article L. 1251-40, dans leur version applicable au litige ; 2°) ET ALORS en tout état de cause QU' à supposer que ne soit pas exclue la possibilité pour le salarié d'agir en requalification contre l'entreprise de travail temporaire, nonobstant l'absence de texte en ce sens, ce ne peut être que lorsque les conditions énoncées par les articles L. 1251-16 et L. 1251-42 du code du travail, à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées par l'entreprise de travail temporaire, ou si est caractérisée une entente illicite avec la société utilisatrice afin de permettre à celle-ci d'échapper à l'interdiction de pourvoir par des contrats de mission à un emploi durable et permanent de la société ; qu'en décidant de condamner la société Manpower France in solidum avec la société Bestfoods France Industries au motif que « l'entreprise de travail temporaire a failli aux obligations qui lui étaient propres, et que la responsabilité de la société Manpower France et dès lors engagée, la relation contractuelle étant requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2009 », tandis que l'entreprise de travail temporaire n'était pas responsable du non-respect par l'entreprise utilisatrice du délai de carence, et sans caractériser en quoi la société Manpower France aurait agi de concert avec la société Bestfoods France Industries, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-16, L. 1251-42, ensemble l'article L. 1251-40 du code du travail dans leurs versions applicables au litige.
Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L.1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées. Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1251-36 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, et de l'article L. 1251-37 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité. Doit, en conséquence, être approuvée la cour d'appel qui, ayant fait ressortir que l'entreprise de travail temporaire avait conclu plusieurs contrats de mission au motif d'un accroissement temporaire d'activité sans respect du délai de carence, en a exactement déduit, d'une part, que la relation contractuelle existant entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire devait être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée, et, d'autre part, que le non-respect du délai de carence caractérisant un manquement par l'entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l'établissement des contrats de mission, cette dernière devait être condamnée in solidum avec l'entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification, dont l'entreprise utilisatrice est seule débitrice
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N° F 19-87.136 FS-P+B+I N° 2045 SM12 10 NOVEMBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 NOVEMBRE 2020 REJET du pourvoi formé par la société GMF Assurances, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 25 octobre 2019, qui, dans la procédure suivie contre Mme T... D... du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Méano, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF Assurances, et les conclusions de Mme Caby, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Méano, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, MM. Lavielle, Samuel, Mme Goanvic, conseillers de la chambre, Mme Méano, M. Leblanc, Mme Guerrini, conseillers référendaires, Mme Caby, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. A la suite d'un accident de la circulation survenu le 22 mai 2016, Mme T... D... a été déclarée coupable d'homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l'emprise d'un état alcoolique et de conduite d'un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances, au préjudice de S... Q... . 3. Mme L... I..., compagne de S... Q... , s'est constituée partie civile en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils G... Q... , né le [...] 2016. La société GMF, assureur responsabilité civile de Mme D..., est intervenue à l'instance. L'affaire a été renvoyée sur les intérêts civils. 4. Statuant sur intérêts civils, le tribunal correctionnel a condamné Mme D... à payer la somme de 10 000 euros à Mme I... en qualité de représentante légale de G... Q... , au titre du préjudice moral de celui-ci. La GMF a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Sur le moyen pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches 5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme D... intégralement responsable du préjudice subi par Mme L... I... en qualité de représentante légale de G... Q... et l'a condamnée à lui payer, en qualité de représentant légale de G... Q... , la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral de l'enfant mineur, alors : « 1°/ que l'enfant qui n'est pas encore conçu au moment de l'accident dont son père a été victime ne saurait obtenir par principe la réparation d'un préjudice moral par ricochet ; qu'en retenant qu'il est de principe que, dès sa naissance, l'enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu avant sa naissance, la cour d'appel a méconnu les articles les articles 1240 et 1241 du code civil, ensemble les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Pour confirmer le jugement, l'arrêt attaqué, après avoir énoncé que, dès sa naissance, l'enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu'il était conçu, relève que l'enfant G... est né le [...] 2016 de l'union de S... Q... et de L... I..., lesquels vivaient en concubinage depuis mars 2013. Ils en déduisent que, contrairement à ce que postule le moyen, l'enfant était conçu au jour du décès de son père, intervenu un mois et sept jours avant sa naissance. 8.Les juges retiennent que l'absence de S... Q... auprès de son fils G... sera toujours ressentie douloureusement par l'enfant qui devra se contenter des souvenirs de sa mère et de ceux de ses proches pour connaître son père et construire son identité, et que G... souffrira de l'absence définitive de son père qu'il ne connaîtra jamais, toute sa vie. 9. Ils en déduisent que le préjudice moral de l'enfant est caractérisé ainsi qu'un lien de causalité entre le décès accidentel et ce préjudice. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 11. La deuxième chambre civile statue dans le même sens, reconnaissant le droit de l'enfant, dès sa naissance, à demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu'il était conçu (2e Civ., 14 décembre 2017, n° 16-26.687, Bull. 235). 12. Dès lors, le moyen doit être écarté. 13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix novembre deux mille vingt.
Dès sa naissance, l'enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu'il était conçu. Dès lors, doit être approuvé l'arrêt d'une cour d'appel qui condamne l'auteur d'un homicide involontaire à indemniser le préjudice moral de l'enfant du défunt, en retenant que cet enfant, conçu avant le décès et né postérieurement, devra se contenter des souvenirs de sa mère et de ceux de ses proches pour connaître son père et construire son identité, et souffrira de l'absence définitive de son père, qu'il ne connaîtra jamais, toute sa vie, caractérisant ainsi le préjudice moral invoqué et le de lien de causalité entre celui-ci et le décès accidentel du père
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N° M 19-86.750 F-P+B+I N° 2047 SM12 10 NOVEMBRE 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 NOVEMBRE 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. X... V... contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 2 septembre 2019, qui, pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique en récidive, l'a condamné à 1 500 euros d'amende et à l'annulation de son permis de conduire. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de Mme Ingall-Montagnier, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. X... V..., et les conclusions de Mme Caby, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. X... V... a été condamné par le tribunal correctionnel pour conduite d'un véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique, en état de récidive légale, à deux mois d'emprisonnement avec sursis et à l'annulation de son permis de conduire. 3. M. V... et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen du mémoire ampliatif et le premier moyen rédigé en des termes similaires du mémoire personnel Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. V... coupable de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et, en répression, d'avoir condamné M. V... à une peine de 1 500 euros, d'avoir constaté l'annulation de son permis de conduire et de lui avoir interdit de solliciter un nouveau permis avant l'expiration d'un délai de trois ans, alors « que la chambre des appels correctionnels est composée d'un président de chambre et de deux conseillers ; que, lorsqu'un jugement au fond a été rendu en première instance, les lois nouvelles de compétence et d'organisation judiciaire entrées en vigueur postérieurement à ce jugement ne sont pas immédiatement applicables aux poursuites en cours ; qu'en statuant à juge unique, conformément aux dispositions de l'article 510, alinéa 2, du code de procédure pénale introduites par une loi n°2019-22 du 23 mars 2019 entrées en vigueur le 1er juin 2019, sur appel d'un jugement rendu le 3 mars 2017, c'est-à-dire plus de deux ans avant l'entrée en vigueur de cette disposition permettant de déroger à la composition collégiale de la chambre des appels correctionnels prévue à l'article 510, alinéa 1er du même code, la cour d'appel a violé les articles 112-2, 1° du code pénal, 510 du code de procédure pénale, 62 et 109-XIII de la loi du 23 mars 2019, ensemble les articles 6, § 1, et § 2, ainsi que l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 5. En statuant à juge unique, le juge d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, dès lors que les dispositions de l'article 510 du code de procédure pénale, issues de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, sont applicables à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, s'agissant de dispositions fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure. 6. Ainsi, le moyen doit être écarté. Mais sur le deuxième moyen du mémoire ampliatif et le deuxième moyen rédigé en des termes similaires du mémoire personnel Enoncé du moyen 7. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. V... coupable de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et, en répression, d'avoir condamné M. V... à une peine de 1 500 euros, d'avoir constaté l'annulation de son permis de conduire et de lui avoir interdit de solliciter un nouveau permis avant l'expiration d'un délai de trois ans, alors « que si les audiences sont publiques, la cour d'appel peut, en constatant dans son arrêt que la publicité est dangereuse pour l'ordre, la sérénité des débats, la dignité de la personne ou les intérêts d'un tiers, ordonner, par arrêt rendu en audience publique, que les débats auront lieu à huis clos ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. V... a sollicité le huis clos, par conclusions régulièrement déposées pour l'audience du 31 juillet 2019 et formellement visées à cette date par le greffier de la cour d'appel, arguant du fait que les débats risquaient de porter sur des informations couvertes par le secret médical ; que les débats s'étant déroulés à l'audience du 31 juillet 2019 publiquement sans que la demande de huis clos ait été examinée, la cour d'appel, qui n'a pas apporté de réponse aux conclusions dont elle était pourtant régulièrement saisie, a violé les articles 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 8. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 9. La cour d'appel qui n'a pas fait état de la demande motivée de huis-clos et n'y a pas répondu n'a pas justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen en date du 2 septembre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix novembre deux mille vingt.
Ne justifie pas sa décision une cour d'appel qui ne pas fait état d'une demande motivée de huis clos et qui n'y répond pas
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N° V 19-80.962 F-P+B+I N° 2082 CK 10 NOVEMBRE 2020 DECHEANCE CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 NOVEMBRE 2020 DECHEANCE et CASSATION sur les pourvois formés par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, la SNAM Mutuelle et la Mutualité de la Réunion, parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 8 octobre 2018, qui a, notamment, déclaré irrecevable la constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens contre M. I... H..., Mme X... D... et la société Pharmacentre, dans la procédure suivie contre eux des chefs d'escroqueries en bande organisée et recel, faux et usage, et abus de biens sociaux. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme X... D... épouse H..., M. I... H..., la société Pharmacentre et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. H..., Mme H..., M. E... et la société Pharmacentre ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel de Saint-Pierre de la Réunion des chefs de d'escroqueries en bande organisée, recel d'escroqueries en bande organisée, abus de biens sociaux, faux et usage. 3. Par jugement du 19 novembre 2015, le tribunal correctionnel a, sur l'action publique, déclaré M. et Mme H... coupables d'abus des biens sociaux, MM. H... et E... coupables d'escroqueries, la société Pharmacentre coupable de recel d'escroqueries, et, sur l'action civile, a reçu la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion en sa constitution de partie civile à l'encontre de MM. H..., E... et de la société Pharmacentre, déclaré irrecevable sa constitution de partie civile à l'encontre de Mme H..., déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de la SNAM Réunion et de la Mutualité de la Réunion, et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure sur les intérêts civils. 4. Le jugement ne fait pas état d'une constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens. 5. M. E..., la Mutualité de la Réunion, la SNAM Réunion, ainsi que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP) ont relevé appel de cette décision. Déchéance des pourvois formés par la Mutualité de la Réunion et la SNAM Mutuelle 6. La Mutualité de la Réunion et la SNAM Mutuelle n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchues de leurs pourvois par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale. 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé l'appel du conseil national de l'Ordre des pharmaciens irrecevable, alors : « 1°/ qu'en affirmant, pour déclarer irrecevable l'appel du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, que le Conseil national avait « exposé dans ses écritures les causes de son absence de constitution en première instance dont il ne serait pas responsable », quand il ressortait tout au contraire des écritures du conseil que ce dernier, loin de reconnaître et d'expliquer une prétendue absence de constitution de partie civile, avait démontré, en produisant de nombreux documents, qu'il s'était régulièrement constitué devant le tribunal correctionnel, la cour a dénaturé les écritures d'appel du Conseil national de l'ordre des pharmaciens en violation des textes visés au moyen ; 2°/ que la seule circonstance que le jugement entrepris ne mentionne pas la constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ne suffit pas à déduire l'inexistence d'une telle constitution, l'appel ayant précisément pour objet de corriger l'erreur des premiers juges qui avaient négligé de prendre en compte la constitution de partie civile du conseil national de l'ordre des pharmaciens ; qu'en se fondant, pour dire l'appel du Conseil national de l'ordre irrecevable, sur le fait que le jugement entrepris ne faisait pas état de la constitution de partie civile dudit conseil, la cour s'est déterminée par un motif inopérant en violation des textes visés au moyen. » Réponse de la Cour Vu l'article 520 du code de procédure pénale : 9. Il se déduit de ce texte que lorsque la cour d'appel statue sur l' appel d'un jugement ayant omis de prononcer sur une action civile, elle doit annuler ce jugement, évoquer et statuer à nouveau conformément à l'article 520 du code de procédure pénale, en remplissant la mission des premiers juges et par suite, prononcer sur l'action civile. 10. Pour déclarer irrecevable l'appel du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, l'arrêt attaqué énonce que le jugement du tribunal correctionnel ne porte pas mention de la constitution de partie civile du CNOP, qui a néanmoins formé appel. 11. Les juges relèvent que la règle du double degré de juridiction fait obstacle à ce qu'une partie civile, quelle que soit la raison pour laquelle elle n'a pas été partie au jugement de première instance, intervienne pour la première fois en cause d'appel. 12. En prononçant ainsi, et alors que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens produisait des éléments de nature à établir qu'il s'était régulièrement constitué devant les premiers juges, et que c'est par suite d'une omission du tribunal que sa constitution de partie civile n'était pas mentionnée dans le jugement, la cour d'appel, qui devait vérifier la réalité de cette constitution de partie civile en évoquant et en statuant à nouveau, conformément à l'article 520 du code de procédure pénale, a méconnu le texte susvisé. 13. D'où il suit que la cassation est encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE la déchéance des pourvois de la Mutualité de la Réunion et de la SNAM Mutuelle ; Sur le pourvoi du Conseil national de l'ordre des pharmaciens CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable l'appel du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 8 octobre 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix novembre deux mille vingt.
Dès lors qu'une partie civile produit devant la cour d'appel des éléments de nature à établir qu'elle s'était régulièrement constituée devant les premiers juges, et que c'est par suite d'une omission du tribunal que sa constitution de partie civile n'a pas été mentionnée dans le jugement, la cour d'appel devait vérifier la réalité de celle-ci, annuler le jugement, évoquer et statuer à nouveau, conformément à l'article 520 du code de procédure pénale
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N° H 19-85.113 F-P+B+I N° 2089 EB2 10 NOVEMBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 NOVEMBRE 2020 REJET du pourvoi formé par M. T... N... contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-11, en date du 14 septembre 2018, qui, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, l'a condamné à une amende et à des pénalités fiscales. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Pichon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. T... N..., les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Direction des douanes et droits indirects, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 28 novembre 2012, les agents des douanes ont effectué un contrôle dans les locaux de Comptoir Clichy Or, l'un des établissements de la société Hagil ayant pour activité le commerce de détail d'articles d'horlogerie et de bijouterie, dont M. N... est le gérant, afin de vérifier le respect de la réglementation sur la garantie des métaux précieux. 3. Ils ont procédé à l'examen du livre de police informatisé qui ne mentionnait pas la nature des achats ni la date de sortie de ces achats et constaté la présence d'un carton contenant des pièces d'argent disposées en vrac pour un poids total de 19 140 grammes, qui ne disposaient ni d'un numéro d'inscription au livre de police ni de justificatifs. Un procès-verbal pour mauvaise tenue du livre de police et saisie des pièces a été établi. 4. Après le contrôle, M. N... a présenté un livre de police reprenant des achats de bijoux en argent sans rapport avec le lot des pièces saisies ainsi qu'un récapitulatif des achats reprenant des pièces en argent, indiquant avoir demandé à ses employés de compiler des achats d'argent pour un poids total de 19 229 grammes. Les agents des douanes, constatant la discordance des justificatifs produits par rapport à la saisie, ont réitéré procès-verbal pour défaut de tenue du livre de police et de saisie des pièces d'argent. 5. L'administration des douanes et droits indirects a fait citer M. N... devant le tribunal correctionnel pour avoir commis l'infraction de défaut de tenue du livre de police et détenu dans l'établissement Comptoir de Clichy Or pour 19 140 grammes de pièces d'argent pour une valeur estimée de gré à gré à la somme de 12 000 euros sans inscription au livre de police, faits résultant du procès-verbal de notification d'infraction établi le 5 mars 2013, et constituant le délit de défaut de tenue du livre de police, infraction prévue et réprimée par les articles 537, 538, 1791, 1794, 5° et 56 J quaterdecies à octodecies de l'annexe IV, du code général des impôts. 6. Le tribunal correctionnel a relaxé le prévenu, ordonné la restitution des ouvrages saisis et débouté l'administration des douanes et droits indirects de ses demandes. 7. L'administration a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premier, pris en sa première branche, et second moyens 8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 9. Le premier moyen, pris en sa seconde branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. N... coupable de l'infraction de défaut de tenue du livre de police, alors : « 2°/ que l'article 56 J quaterdecies de l'annexe IV du code général des impôts n'impose la tenue par le chef d'entreprise que d'un unique registre pour l'ensemble de ses magasins qu'il doit être en mesure de communiquer à la demande des agents des douanes dans un délai suffisamment bref, sans qu'il ne lui soit imposé d'en posséder un dans chaque magasin ; qu'en retenant M. N... dans les termes de la prévention, pour ne pas avoir été en mesure de présenter ce registre lors du contrôle effectué le 28 novembre 2012 en son absence dans un de ses magasins dépourvu de la personnalité juridique, la Cour d'appel a violé les dispositions du texte précité, ensemble l'article 537 du code général des impôts. » Réponse de la Cour 10. Pour infirmer le jugement et déclarer le prévenu coupable de défaut de tenue du registre prévu par l'article 537 du code général des impôts, l'arrêt attaqué retient notamment que, lors du contrôle, le responsable de l'établissement Comptoir de Clichy était dans l'incapacité de fournir un justificatif sur l'origine des pièces d'argent découvertes qui n'étaient pas reprises dans le livre de police informatisé alors qu'elles auraient dû être mentionnées avec leur date de réception et poids. Il relève que, dans un second temps, si M. N... a présenté des factures afférentes à des achats de pièces, ainsi que les livres écrits de police pour justifier l'origine des pièces, aucun élément ne permet de rattacher les pièces saisies aux factures et livres produits ultérieurement au contrôle. 11. Les juges en déduisent que M. N..., professionnel du commerce des métaux précieux depuis plusieurs années qui connaissait les obligations relatives à la tenue du livre de police, détenait des ouvrages en métaux précieux non inscrits, dont l'origine n'a pas été justifiée et sans traçabilité possible. 12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen. 13. En effet, selon les dispositions de l'article 56 J quaterdecies de l'annexe IV du code général des impôts, les personnes morales désignées à l'article 537 du code général des impôts tiennent un registre de leurs achats, ventes, réceptions et livraisons de matières d'or, d'argent ou de platine ou d'ouvrages contenant ces matières, qui doit se trouver sur le lieu où sont détenus les ouvrages. Toutefois, un établissement principal peut tenir ce registre pour l'ensemble de ses magasins et, dans ce cas, ce registre doit distinguer les ouvrages qu'il détient directement et ceux détenus par chacun des établissements secondaires n'ayant aucune personnalité juridique propre. 14. Il en résulte que la tenue d'un registre dans chaque établissement constitue le principe et que, par dérogation et sous certaines conditions, le registre peut être tenu au sein de l'établissement principal. 15. Il s'en déduit que, lorsqu'un établissement secondaire tient effectivement un registre, celui-ci doit être conforme aux prescriptions du code général des impôts relatives à sa tenue, même si l'établissement principal tient également un registre pour l'ensemble de ses magasins. 16. En l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt que l'établissement Comptoir Clichy rattaché à la société Hagil disposait d'un livre de police informatisé de sorte que devaient y être mentionnés, conformément à la législation applicable, les ouvrages en argent détenus par ce magasin, ce qui n'était pas le cas, peu important que le gérant de la société se serait ensuite prévalu d'un unique registre pour l'ensemble de ses magasins. 17. Ainsi, le grief doit être écarté. 18. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. T... N... devra payer à l'administration des douanes et droits indirects en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix novembre deux mille vingt.
Il se déduit des dispositions de l'article 56 J quaterdecies de l'annexe IV du code général des impôts que, lorsqu'un établissement secondaire d'un marchand de métaux précieux tient effectivement un registre des achats, ventes, réceptions et livraisons de matières d'or, d'argent ou de platine ou d'ouvrages contenant ces matières, celui-ci doit être conforme aux prescriptions du code général des impôts relatives à sa tenue, même si l'établissement principal tient également un registre pour l'ensemble des magasins. Par conséquent, doit être rejeté le pourvoi formé contre un arrêt qui condamne, pour défaut de tenue du livre de police, le gérant d'une société, dont il résulte des énonciations qu'un établissement secondaire disposait d'un livre de police informatisé de sorte que devaient y être mentionnés, conformément à la législation applicable, les ouvrages en argent détenus par ce magasin, ce qui n'était pas le cas, peu important que ce gérant se soit ensuite prévalu d'un unique registre pour l'ensemble de ses magasins
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N° E 19-80.557 FS-P+B+I N° 2093 SM12 10 NOVEMBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 NOVEMBRE 2020 REJET du pourvoi formé par M. M... B... et Mme X... C... contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 3 décembre 2018, qui a condamné, le premier, pour abus de biens sociaux, à six mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction de gérer, la seconde, pour recel, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Zerbib, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. M... B... et Mme X... C..., les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Axyme, ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Cad et Lignes et Idées, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires, Mme Zientara-Logeay, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. B..., architecte d'intérieur a été poursuivi du chef d'abus de biens sociaux pour avoir, notamment, d'une part, de 2002 à juillet 2013, étant gérant de fait de la société Cad, attribué, dans son intérêt personnel, à son épouse un salaire mensuel de 2 700 euros en rétribution d'un emploi fictif, soit une somme totale de 356 400 euros, d'autre part, entre le 15 avril et le 4 juillet 2013, facturé sous le nom de sa société M... B... Design et Stratégies des clients de la société Cad. 3. Le tribunal correctionnel, estimant que le versement des salaires n'avait pas été dissimulé, a constaté la prescription de l'action publique pour les faits commis entre 2002 et le 13 janvier 2011 et a déclaré le prévenu coupable du chef d'abus de biens sociaux s'agissant du paiement des salaires ultérieurs correspondant à la somme de 82 654 euros, compte pris du soit-transmis du parquet diligentant une enquête en date du 13 janvier 2014 interruptif de prescription et de la facturation précitée pour une somme totale de 112 560 euros. 4. Son épouse a été poursuivie pour avoir, de 2002 à fin 2012, sciemment bénéficié du produit de l'abus de bien sociaux par lui commis au préjudice de la société Cad par perception de salaires indus d'un total de 356 400 euros en rémunération d'un emploi fictif. 5. Le tribunal correctionnel l'a retenue dans les liens de la prévention et, constatant la connexité et l'indivisibilité de chacune des infractions distinctes dont ils ont été déclarés coupables, l'a condamnée, solidairement avec son mari, sur le fondement de l'article 480-1 du code de procédure pénale, à verser la somme de 356 400 euros au liquidateur de la société Cad placée en liquidation judiciaire par jugement du 6 août 2013. 6. Les prévenus ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les quatrième et cinquième moyens 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles pris de la violation des articles 8, 480-1 et 593 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a a d'une part, déclaré Mme X... B... coupable de recel d'abus de biens sociaux sur la période courant de 2002 à fin 2012, condamné Mme X... B... à un emprisonnement délictuel de deux mois avec sursis ainsi que, solidairement, à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad la somme de 346 400 euros au titre de dommages intérêts, d'autre part, condamné M. M... B... solidairement à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad la somme de 346 400 euros au titre de dommages intérêts, enfin, condamné chacun des époux à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors « que le point de départ de la prescription de l'action publique du chef de recel est fixé au jour où le recel a pris fin ; que le recel prend fin lorsque le receleur se libère de l'objet recelé entre les mains d'un tiers de bonne foi ; qu'à l'appui de l'exception de prescription de l'action publique des faits de recel d'abus de biens sociaux qui lui étaient reprochés pour avoir de courant 2002 à fin 2012 sciemment bénéficié d'un salaire de 2 700 euros par mois sans contrepartie économique justifiée, Mme B... a fait valoir qu'elle « subvenait à ses besoins et à celui de ses enfants grâce au salaire perçu de la société Cad qu'elle dépensait totalement chaque mois », qu'ainsi, « n'étant plus en possession des salaires perçus de la société Cad à la fin de chaque mois, la prescription de l'action publique a commencé à courir chaque mois », de sorte que « l'enquête préliminaire ayant été ouverte le 13 janvier 2014 et la prévention ne couvrant que les rémunérations perçues jusqu'à la fin de l'année 2012 », l'action publique était éteinte pour les salaires versés antérieurement au 1er janvier 2011 et, au plan civil, seules les demandes de réparation formées par le mandataire liquidateur de la société Cad au titre des années 2011 et 2012 à hauteur de 64 800 euros (2 700 x 24) pouvaient être retenues au titre du délit de recel d'abus de biens sociaux ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le recel des salaires perçus chaque mois n'avait pas pris fin au fur et à mesure des dépenses mensuellement exposées de telle sorte que la prescription était acquise pour les salaires versés antérieurement au 1er janvier 2011, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ». Réponse de la Cour 10. Pour écarter la prescription de l'action publique invoquée par le conseil de Mme B..., l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la prescription applicable au recel est indépendante de celle du délit originel dont il est distinct, que la prescription de l'action publique ne court que du jour où il a pris fin, alors même qu'à cette date, l'infraction qui a procuré la chose serait déjà prescrite, que le recel ne saurait commencer à se prescrire avant que l'infraction dont il procède soit apparue et ait pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. 11. Les juges retiennent qu'en l'espèce, Mme B... a sciemment reçu des salaires en rétribution d'un emploi fictif de façon continue de 2002 à 2012, qu'elle en a profité et que le procureur de la République ayant diligenté une enquête par soit-transmis du 13 janvier 2014, soit moins de trois ans après la dernière perception de revenus, l'action publique n'était pas prescrite, pas même pour partie des faits. 12. L'arrêt attaqué n'encourt pas la censure. 13. En effet, les faits de recel du produit d'abus de biens sociaux résultant de l'exécution d'un seul et même contrat de travail fictif, constituent une opération délictueuse unique. 14. En conséquence, la prescription, qui n'a pu commencer à courir pour l'ensemble des faits, au plus tôt, qu'après la date de la dernière perception de revenus, ne saurait être acquise, dès lors qu'un acte interruptif de prescription est intervenu moins de trois ans après cette date. 15. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 16. Le moyen est pris de la violation des articles 2, 3, 10, 464, 480-1, 512 et 593 du code de procédure pénale, défauts de motifs et manque de base légale. 17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté l'extinction de l'action publique par acquisition de la prescription pour les faits d'abus de biens sociaux relatifs aux salaires versés à Mme B... de courant 2002 jusqu'au 13 janvier 2011, et limité la déclaration de culpabilité de ce chef à la période de prévention couvrant les salaires versés du 13 janvier 2011 à juillet 2013, a condamné M. B... solidairement à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad la somme de 346 400 euros au titre de dommages intérêts, outre 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors : « 1°/ que les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'il en résulte que l'extinction de l'action publique interdit au juge répressif de connaître de l'action civile ; qu'ayant retenu par motifs adoptés du jugement que, s'agissant des abus de biens sociaux relatifs aux salaires versés à Mme B..., « la prescription était acquise entre 2002 et le 13 janvier 2011 », de sorte que l'action publique était éteinte pour ces faits, la cour d'appel ne pouvait, sans violer le principe sus-énoncé, condamner civilement M. B... au paiement de la somme de 356 400 euros à titre de dommages intérêts, somme incluant les salaires versés à son épouse entre 2002 et le 13 janvier 2011 couverts par la prescription ; 2°/ que lorsque l'action civile est exercée devant une juridiction répressive, elle se prescrit selon les règles de l'action publique ; que l'action publique étant prescrite pour les faits commis de courant 2002 jusqu'au 13 janvier 2011, l'action civile en réparation du préjudice causé par ces mêmes faits l'était par voie de conséquence ; qu'en condamnant M. B... au paiement de la somme de 356 400 euros à titre de dommages intérêts, somme incluant les salaires versés à son épouse entre 2002 et le 13 janvier 2011, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ; 3°/ que selon l'article 480-1 du code de procédure pénale, les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts ; que M. B... ne pouvait être solidairement tenu sur ce fondement des conséquences dommageables des faits de recel dont son épouse avait été reconnue coupable de courant 2002 jusqu'au 13 janvier 2011 faute d'avoir été pénalement condamné pour l'infraction connexe ou indivisible d'abus de biens sociaux dont ces faits de recel procédaient. » Réponse de la Cour 18. Pour condamner M. B..., solidairement avec son épouse, à régler au liquidateur judiciaire de la société Cad une somme de 356 400 euros en réparation du préjudice subi par cette personne morale à la suite de l'abus de biens sociaux commis par son gérant de fait au moyen de versement de salaires à son épouse en rétribution d'un emploi fictif supporté par la société et du recel commis par cette dernière bénéficiaire de ces sommes perçues indûment, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, qu'ils ont été déclarés coupables d'infractions rattachées entre elles par un lien d'indivisibilité et de connexité et qu'ils doivent, en conséquence, être tenus solidairement des dommages-intérêts par application de l'article 480-1 du code de procédure pénale. 19. En prononçant ainsi, et dès lors que le prévenu ayant été déclaré coupable de partie des faits d'abus de biens sociaux visés à la prévention que les juges ont estimés à bon droit connexes du recel retenu à l'encontre de l'épouse de ce dernier, les griefs pris de ce que la prescription de l'action publique, constatée pour le surplus des faits d'abus de biens sociaux reprochés, interdit au juge répressif de connaître de l'action civile en réparation du dommage causé par ces derniers sont inopérants, la cour d'appel a justifié sa décision. 20. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 21. Il est pris de la violation des articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 241-3 du code de commerce, 388 et 512 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale. 22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. B... coupable des faits d'abus de biens sociaux reprochés au titre de la facturation de clients de la société Cad par l'Eurl M... B... Design & Stratégies de juillet 2009 à juillet 2013, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer, ou de contrôler à un titre quelconque directement ou indirectement pour son propre compte ou celui d'autrui une entreprise commerciale, industrielle ou une société commerciale ainsi qu'à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad les sommes de 112 560 euros à titre de dommages-intérêts et 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors : « 1°/ que le délit d'abus de bien sociaux suppose que le gérant d'une société ait fait es qualité, de mauvaise foi, un usage des biens ou du crédit contraire à l'intérêt social de cette société; que la prévention faisait grief à M. B... d'avoir « en sa qualité de gérant de fait de la société Cad », fait de mauvaise foi, des biens ou du crédit de cette société, un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l'espèce,« en facturant sous le nom de sa société M... B... Design & Stratégies des clients de la société Cad (...) détournant ainsi la somme de (...) au préjudice de Cad » ; que le fait de facturer des clients sous le nom de l'Eurl M... B... Design & Stratégies constitue un acte positif mettant en oeuvre une prérogative attachée à la seule qualité de gérant de droit de l'Eurl ; que l'abus de biens sociaux reproché à la prévention n'est pas caractérisé ; 2°/ que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; qu'il ne pouvait être fait grief à M. B... de s'être abstenu d'avoir facturé sous le nom de la société Cad (jugement, p. 14, § 6 : « alors qu'il aurait dû facturer Cad») sans méconnaître les limites de la saisine ; 3°/ que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; qu'en se fondant, pour retenir la culpabilité, sur le fait que M. B... « a facturé à la société Cad, dont il était le gérant de fait, des prestations alors qu'aucune convention n'existait entre ces deux entités, d'une part, et qu'aucun contrat de sous-traitance n'a jamais été signé d'autre part » et qu'il a « factur(é) à la société Cad des prestations que le personnel de cette société-ci a assumé en totalité ou en partie », correspondant à des « tâches indues » puis fait « accepter la facturation de sa société » (c'est-à-dire de l'Eurl M... B... Design & Stratégies) par la société Cad grâce à son pouvoir décisionnel de gérant de fait de la société Cad, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des faits non visés à la prévention, a excédé les limites de sa saisine. » Réponse de la Cour 23. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable d'abus de biens sociaux, l'arrêt énonce notamment, par motifs propres et adoptés, qu'en sa double qualité de gérant de fait de la société Cad et de gérant de droit de l'Eurl M... B... Design et Stratégies, le prévenu a facturé en direction de la société Cad des prestations que ne justifie nulle convention observant que le personnel de cette société, laquelle supportait les charges fiscales et sociales de ces tâches indues, avait assumé en réalité tout ou partie des prestations dont l'Eurl avait encaissé le prix qui devait revenir à la société Cad. 24. En statuant ainsi par des énonciations dont il ressort que le prévenu a procédé à une facturation mensongère, établie au détriment de la société Cad spoliée du prix de ses prestations au bénéfice de l'Eurl dans laquelle il était directement intéressé, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'abus de biens sociaux commis dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant de la société Cad dont elle a déclaré le prévenu coupable et qui n'a pas excédé les limites de sa saisine, a justifié sa décision. 25. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 26. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. M... B... et Mme X... C... devront payer à la société Axyme, ès qualités de liquidateur judiciaire des société Cad et Lignes et Idées en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix novembre deux mille vingt.
Les faits de recel du produit d'abus de biens sociaux résultant de l'exécution d'un seul et même contrat de travail fictif constituent une opération délictueuse unique. En conséquence, la prescription n'a pu commencer à courir pour l'ensemble des faits, au plus tôt, qu'après la date de la dernière perception de revenus. Doit être rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt qui retient que la prévenue a sciemment reçu des salaires en rétribution d'un emploi fictif et que le procureur de la République ayant diligenté une enquête par soit-transmis daté de moins de trois ans après la perception du dernier salaire, l'action publique n'était pas prescrite
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 novembre 2020 Déchéance et irrecevabilité partielles, Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 796 FS-D Pourvoi n° K 20-16.879 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 1°/ M. K... W..., 2°/ Mme Y... D..., épouse W..., domiciliés tous deux [...], ont formé le pourvoi n° K 20-16.879 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2020 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme N... O..., domiciliée [...] , prise en ses qualités d'administrateur provisoire de la succession de B... H... et de séquestre de ladite succession au titre du prix de vente des bijoux, 2°/ à la fondation [...], dont le siège est [...] , 3°/ à Mme M... R..., domiciliée [...] , 4°/ à M. Q... F... JX... , domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme W..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la fondation [...] , de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme O..., ès qualités, et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Déchéance partielle du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Mme O..., prise en sa qualité de séquestre de la succession de B... H... au titre du prix de vente des bijoux, soulevée en défense Vu l'article 978 du code de procédure civile : 1. Le pourvoi est dirigé contre Mme O..., prise en ses qualités d'administrateur provisoire de la succession de B... H... et de séquestre de ladite succession au titre du prix de vente des bijoux, la fondation [...] , Mme R... et M. F... JX... . 2. Le mémoire ampliatif remis au greffe de la Cour de cassation est seulement dirigé contre Mme O..., prise en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession de B... H..., la fondation [...] , Mme R... et M. F... JX... . 3. La déchéance du pourvoi est dès lors encourue en ce qu'il est formé contre Mme O..., prise en sa qualité de séquestre de la succession de B... H... au titre du prix de vente des bijoux. Recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Mme O..., prise en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession de B... H..., contestée par la défense Vu l'article 32 du code de procédure civile : 4. Il résulte des productions qu'une ordonnance du 19 juillet 2018 a mis fin à la mission de Mme O... en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession. 5. Le pourvoi en cassation, en tant qu'il est dirigé contre Mme O... en cette qualité, est par conséquent irrecevable pour être formé contre une personne dépourvue du droit d'agir. Faits et procédure 6. Selon l'arrêt attaqué ( Versailles, 12 mai 2020), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 6 juin 2019, pourvoi n° 18-15.713), B... H... est décédée le 7 avril 1999, en l'état d'un testament du 15 octobre 1990 instituant en qualité de légataire universel la fondation [...] (la fondation) et de divers codicilles, dont deux des 20 et 22 février 1994 désignant M. W... en qualité d'exécuteur testamentaire, deux du 12 avril 1994 léguant à ce dernier le contenu de son appartement et à son épouse des bijoux, et un du 3 décembre 1995 réitérant ce dernier legs. 7. Mme R... et M. F... JX... , petits-neveux de B... H..., ont assigné la fondation pour contester ses droits dans la succession. M. et Mme W... sont intervenus volontairement à l'instance. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, ci-après annexé 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et la quatrième qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. M. et Mme W... font grief à l'arrêt de dire nuls les codicilles des 20 et 22 février 1994 et 3 décembre 1995 et de rejeter leurs demandes tendant à voir juger que M. W... est exécuteur testamentaire et que Mme W... bénéficie d'un legs particulier de bijoux, alors « que l'incapacité de recevoir qui frappe le médecin ayant traité le de cujus pendant la maladie dont celui-ci est mort ne s'applique pas à l'hypothèse dans laquelle l'assistance a été prodiguée, hors tout cadre contractuel, en raison des liens affectifs unissant le médecin et le de cujus ; qu'en affirmant qu'il importait peu que les ordonnances établies par M. W... au profit de B... H... aient été établies en raison des liens d'amitié ayant existé entre ces derniers, quand une telle circonstance était pourtant de nature à exclure l'incapacité de recevoir de M. W..., la cour d'appel a violé l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 23 juin 2006, applicable à la cause. » Réponse de la Cour 10. Après avoir relevé qu'entre le 8 décembre 1993 et le 7 avril 1999, date du décès de B... H..., M. W..., qui était le seul médecin qu'elle voyait régulièrement et avait pris en charge sa santé dans tous ses aspects, avait établi quarante-deux prescriptions médicales afin de ralentir la lente dégradation de son état de santé, la dernière datant du jour de son décès, l'arrêt retient souverainement que celui-ci lui avait prodigué des soins pendant la maladie dont elle est décédée. 11. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que M. W... était frappé d'une incapacité de recevoir au sens de l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 5 mars 2007,de sorte qu'il ne pouvait profiter des dispositions testamentaires faites en sa faveur pendant le cours de cette maladie, et que l'incapacité de recevoir s'étendait à son épouse, en sa qualité de personne interposée au sens de l'article 911 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, peu important que les soins prodigués à B... H... l'aient été à titre gratuit en raison des liens d'amitié que M. W... lui portait. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 13. M. et Mme W... font le même grief à l'arrêt, alors « que l'incapacité de recevoir qui frappe le médecin ayant traité le de cujus pendant la maladie dont celui-ci est mort ne concerne que les libéralités consenties par le de cujus au profit de son médecin ; qu'en décidant d'annuler, à raison de l'incapacité de recevoir dont serait frappé M. W..., les codicilles des 20 et 22 février 1994 par lesquels B... H... avait désigné M. W... comme exécuteur testamentaire, sans pour autant lui consentir aucune libéralité, la cour d'appel a violé l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 23 juin 2006, applicable à la cause. » Réponse de la Cour Vu l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 : 14. Aux termes de ce texte, les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui auront traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie. 15. Après avoir énoncé que M. W... avait, entre le 8 décembre 1993 et le 7 avril 1999, prodigué à B... H... des soins pendant la maladie dont elle est décédée, l'arrêt retient que les codicilles des 20 et 22 février 1994 doivent être déclarés nuls et que celui-ci ne peut revendiquer la qualité d'exécuteur testamentaire. 16. En statuant ainsi, alors que ces deux codicilles, qui se bornaient à désigner M. W... en qualité d'exécuteur testamentaire, ne contenaient aucune libéralité à son profit, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme O... prise en sa qualité de séquestre de la succession de B... H... au titre du prix de vente des bijoux ; DECLARE irrecevable le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme O... prise en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule les codicilles des 20 et 22 février 1994 et rejette les demandes de M. et Mm W... tendant à ce qu'il soit jugé que M. W... est exécuteur testamentaire de B... H... ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la fondation [...] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. et Mme W.... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 20 octobre 2016 par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a dit nuls les codicilles des 20 et 22 février 1994 et 3 décembre 1995 et en ce qu'il a débouté les époux W... de leurs demandes tendant à voir juger que Monsieur W... est exécuteur testamentaire et que Mme W... bénéficie d'un legs particulier de bijoux, ainsi que d'avoir débouté les époux W... de toutes leurs autres demandes ; AUX MOTIFS QUE « selon l'article 909 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 23 juin 2006, applicable au litige, les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui auront traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie ; que selon l'article 911 ancien du même code, toute disposition au profit d'un incapable sera nulle ( ) soit qu'on la fasse sur le nom des personnes interposées ; que sont présumées interposées les père et mère, les enfants et descendants, ainsi que l'époux de la personne incapable ; que les incapacités énoncées reposent sur une présomption irréfragable de captation ; que l'application du premier des textes ci-dessus visés est subordonné à deux conditions, que le gratifié ait la qualité de médecin et traite le disposant et que la libéralité ait été consentie au cours du traitement dispensé par le médecin pendant la dernière maladie du disposant ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites par la fondation [...] que M. W... a établi pas moins de 42 ordonnances au profit de B... H... entre le 8 décembre 1993 et le 7 avril 1999, date de son décès ; que les ordonnances à en-tête de l'assistance publique des hôpitaux de Paris sont toutes signées du Dr G. W... ; qu'il importe peu qu'elles aient été livrées à titre gratuit, en raison des liens d'amitié alléguées ; que la liste établie par M. W... relative aux autres médecins que B... H... consultait selon lui, ne repose que sur ses affirmations ; qu'elle énonce pour l'essentiel des noms de médecins spécialistes et un seul médecin généraliste, le Dr V..., dont il n'est pas établi qu'il a suivi B... H... après 1993 ; qu'il est établi par un compte-rendu effectué par le Dr J... médecin chef de l'Institut universitaire de gériatrie de Genève que B... H... souffrait depuis 1988 d'un état dépressif réactionnel puis a présenté une pathologie psychiatrique prenant la forme d'une psychose hallucinatoire à tendance paranoïaque ; que les dernières prescriptions d'un neurologue, celle du Dr S..., remontent aux 2 et 6 février 1992 ; que B... H... avait fait un séjour dans la clinique du Dr OC... en Espagne courant mai 1992, dont G... H... a rendu compte à M. W... par lettre du 30 mai 1992 ; que par un autre courrier, daté du 19 juin 1992, G... H... rappelant ses problèmes de santé de l'hiver passé, s'en remettait à M. W... s'il advenait qu'il ne soit plus lui-même apte à prendre une décision concernant sa santé, le remerciant de bien vouloir accepter cette mission et ajoutait que si l'état mental de "U...", prénom d'usage de B..., devait empirer, et qu'il se trouve dans la situation évoquée le concernant, il lui demandait de prendre, "en accord avec ses exécuteurs testamentaires", toute mesure propre à lui assurer une fin de vie convenable ; qu'il est rappelé que [...].. H... est décédé le [...] et que B... H... a ensuite transféré son domicile à Paris ; qu'il s'avère au vu du nombre des ordonnances établies par M. W..., peu important qu'elles l'aient été à titre gratuit et faute pour lui d'établir qu'un autre médecin intervenait pendant la période de prescription, qu'il a été le seul médecin traitant de B... H... à partir de 1993 jusqu'à son décès ; que cette déduction se trouve corroborée par les attestations des employées de maison de B... H... mais également par les procès-verbaux d'audition de M. C..., avocat, et de Mme X..., qui a été dame de compagnie de B... H..., lesquels entretenaient de bonnes relations avec M. W... et ont fait des témoignages en faveur de ce dernier, en ce qui concerne l'information relative à l'abus de faiblesse ; que le premier a bien confirmé que "M. W... étant médecin, quand il fallait s'occuper de sa (celle de B... H...) santé, il s'en occupait" ; que Mme X..., pour sa part, a précisé que "le professeur W... a très bien suivi B... H... en tant que médecin et ami. Il venait au moins une fois par semaine lui rendre visite [ ]. Lorsqu'il s'absentait pour des raisons professionnelles ou autres, le professeur W... laissait les coordonnées de médecins à contacter en cas de nécessité urgente" ; qu'enfin, le docteur J..., médecin-chef d'un hôpital de gériatrie à Genève a adressé courant septembre 1993 à M. W..., qu'il remerciait de lui avoir adressé sa patiente, le rapport de son bilan, lui indiquant que l'évaluation psychiatrique de B... H..., confirmait son propre diagnostic. Il résulte du reste du témoignage de Mme L... I..., employée au service de B... H... depuis la fin de l'année 1996, que M. W... est passé le 7 avril 1999, voir B... H... qui était souffrante et que celle-ci est décédée dans l'après-midi à l'arrivée du médecin du E... ; que la dernière ordonnance établie par M. W... est celle datant du jour du décès de B... H..., soit du 7 avril 1999 ; que si comme le fait valoir M. W..., B... H... alors âgée de 95 ans, est décédée de mort naturelle, par opposition à une mort d'origine suspecte, il n'en est pas moins vrai qu'elle est décédée de la lente dégradation de son état, que les prescriptions régulières de M. W... étaient destinées à ralentir et que ce médecin avait pris en charge B... H... tant concernant son état psychiatrique et neurologique que sa santé dans tous ses aspects, ainsi que cela résulte des médicaments prescrits ; qu'il apparaît ainsi incontestable que B... H... a été soignée au cours de sa dernière maladie par M. W..., qui était depuis 1993 le seul praticien qu'elle voyait régulièrement et en qui elle avait placé sa confiance alors que c'est au cours de cette période qu'elle a établi les codicilles des 20 et 22 février 1994 et du 3 décembre 1995 ; que M. W... était en conséquence frappé de l'incapacité de recevoir au sens de l'article 909 du code civil, soit de profiter d'une quelconque disposition testamentaire, laquelle s'étendait à son épouse Mme Y... W... en sa qualité de personne interposée au sens de l'article 911 du code civil précédemment énoncé ; qu'en conséquence les codicilles litigieux doivent être déclarés nuls ; que le jugement entrepris, sera, par ces autres motifs, confirmé sur ce point » ; 1°/ ALORS QUE l'incapacité de recevoir qui frappe le médecin ayant traité le de cujus pendant la maladie dont celui-ci est mort ne s'applique pas à l'hypothèse dans laquelle l'assistance a été prodiguée, hors tout cadre contractuel, en raison des liens affectifs unissant le médecin et le de cujus ; qu'en affirmant qu'il importait peu que les ordonnances établies par M. W... au profit de B... H... aient été établies en raison des liens d'amitié ayant existés entre ces derniers (cf. arrêt p. 15, § 5), quand une telle circonstance était pourtant de nature à exclure l'incapacité de recevoir de M. W..., la cour d'appel a violé l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 23 juin 2006, applicable à la cause ; 2°/ ALORS QUE l'incapacité de recevoir ne frappe le médecin ayant traité le de cujus que si ce dernier est décédé de la maladie traitée par le médecin ; qu'en retenant que M. W... était frappé de l'incapacité de bénéficier des dispositions testamentaires de B... H..., après avoir pourtant constaté que cette dernière était « décédée de mort naturelle » (cf. arrêt p. 16, § 3), la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 23 juin 2006, applicable à la cause ; 3°/ ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE l'incapacité de recevoir qui frappe le médecin ayant traité le de cujus pendant la maladie dont celui-ci est mort ne concerne que les libéralités consenties par le de cujus au profit de son médecin ; qu'en décidant d'annuler, à raison de l'incapacité de recevoir dont serait frappé M. W..., les codicilles des 20 et 22 février 1994 par lesquels B... H... avait désigné M. W... comme exécuteur testamentaire, sans pour autant lui consentir aucune libéralité, la cour d'appel a violé l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 23 juin 2006, applicable à la cause ; 4°/ ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, c'est-à-dire dans des conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse ; que toute ingérence à ce droit doit être justifiée, légitime et proportionnée à l'objectif poursuivi ; qu'en s'abstenant de rechercher si la présomption légale de personne interposée, instituée par l'article 911 du code civil en sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, applicable à l'époux de la personne frappée d'un incapacité de recevoir au sens de l'article 909 du code civil ne portait pas, en raison de son caractère irréfragable (d'ailleurs supprimée par cette loi), une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable de Mme W... dès lors qu'elle la plaçait dans l'impossibilité absolue de démontrer qu'elle avait été personnellement bénéficiaire de la donation consentie par B... H... en raison des liens d'affection qui les unissaient depuis de nombreuses années, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
L'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, ne fait pas obstacle ce que le médecin qui aura traité une personne pendant la maladie dont elle meurt soit désigné en qualité d'exécuteur testamentaire
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N° G 19-84.700 F-P+B+I N° 1915 SM12 3 NOVEMBRE 2020 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 3 NOVEMBRE 2020 CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par Mme R... Y..., partie civile, contre l'arrêt n° 148 de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 9 mai 2019, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. M... E... du chef de diffamation publique envers un particulier. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme R... Y..., les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société le Journal de l'Ile et de M. M... E..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mme Y..., directrice générale de l'Association pour l'utilisation du rein artificiel à La Réunion (Aurar), a fait, par deux poursuites successives, citer devant le tribunal correctionnel, du chef précité, M. E..., en qualité de directeur de la publication du quotidien Le journal de l'île de La Réunion, et la société Journal de l'île de La Réunion, éditrice de cette publication et recherchée en qualité de civilement responsable, à la suite de la publication d'éditoriaux signés de M. E.... 3. Dans l'éditorial intitulé « Abracadabra » du 24 juin 2017, étaient incriminés, d'une part, un passage mis en exergue en plus gros caractères : « R..., conseillère régionale et suppléante de C... N... (..), est arrivée dans deux établissements bancaires différents avec deux petites valisettes. 1 million d'euros pour la première, 300 000 euros pour la seconde. (..) Ces sommes ont été versées en espèces sans que les banques en question ne se soient interrogées sur l'origine des fonds », d'autre part, l'extrait suivant : « En revanche, dans la série faut pas venir emmerder Zorro, un donateur anonyme, parisien qui plus est, vient de me faire parvenir un dossier sur une conseillère régionale, version LPA, suppléante de C... N... député. À mon humble avis, il ne faudrait pas grand chose pour que l'un des deux parquets, de Saint-Pierre ou de Saint-Denis, se préoccupe de cette petite dame, R... Y..., et pourquoi pas de faire suivre au PNF puisqu'il nous est dit que cette boutique judiciaire ne gère pas seulement les politiques mais le gros pognon. Ça tombe bien, R... fait les deux la politique et le gros pognon. J'aurai l'occasion, samedi prochain et, s'il plaît à Dieu à la rentrée de septembre aussi, de développer comme il se doit le business de R..., dont l'activité principale, au sein d'une association dont elle est incontestablement la patronne, gère tout à la fois la dialyse, l'obésité, le diabète, l'hypertension... Tout cela ou presque se bidouille par l'entremise d'une association, l'Aurar laquelle possède 10 centres de dialyse, rien qu'à La Réunion. Association qui réalisait en 2016 plus de 40 millions, d'euros de chiffre d'affaires... Pour aujourd'hui je me bornerai à vous dire que de l'association Aurar sont nées deux sociétés gérées par la R..., conseillère régionale et suppléante de C... N.... Que la création de ces deux sociétés pose problème vu que la petite dame, plutôt discrète jusqu'ici, est arrivée dans deux établissements bancaires réunionnais différents avec deux petites valisettes. Un million d'euros pour la première, 300 000 euros pour la seconde. Que ces sommes ont été versées en espèces sans que les banques en question qui lui ont délivré des attestations de dépôt en bonne et due forme ne se soient ni interrogées sur ces versements en espèces, ni surtout aient déclaré ces versements comme elles ont pourtant l'obligation de le faire auprès des services de l'état, Tracfin notamment dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale... Je vous le disais, faut pas emmerder Zorro et ce n 'est qu'un début... » 4. Les passages incriminés de l'éditorial du 1er juillet 2017 publié sous le titre « La pomponette municipale » consistaient, d'une part, en un extrait à nouveau mis en exergue en plus gros caractères : « R... opère, si je puis dire, dans le noir. C'est une nébuleuse, aussi claire qu 'une perfusion au jus de raisin, de sociétés, de SCI, de biens meubles, un appartement, un immeuble peut-être... le tout évalué au doigt mouillé en 2016 à 20 millions d'euros », d'autre part, en les paragraphes qui suivent : « En attendant, c'est la suppléante du député C... N... qui se trouve être sous la gouttière. Fallait bien commencer par quelqu'un de la bande qui sévit du côté de Saint Leu. "C'est injuste", m'a fait dire la dame que je refuse de rencontrer pour le moment. C'est vrai, la vie est injuste, les grands malades, les dialysés vous le diront. J'ai trouvé que R... Y..., ex copine du PCR de P... D... et d'S... U... avait toutes les qualités requises pour devenir une cliente du samedi. Au Moyen Age les gueux, histoire de conjurer le mauvais sort, d'éloigner les vampires suceurs de sang, clouaient sur la porte de leur grange une chauve souris. Samedi dernier, R... s'est retrouvée clouée par l'aile gauche. Je me réserve l'autre aile et peut être même la cuisse pour plus tard fin août, début septembre. R... n'est pas Bernadette Soubirous ; ce n'est pas non plus mère Teresa. C'est une petite dame rusée, diablement intelligente, volontaire qui s'est servie de l'humanitaire, de la maladie, des politiques, des copains et des coquins dont nous parlerons bien évidemment, pour faire de la tune, comme disent les truands. Elle en a beaucoup. A force de pratiquer la dialyse à la chaîne. En sur-facturant la carte vitale comme ont pu le constater des enquêteurs de l'inspection du travail. Ce dossier a été mis sous le coude sur interventions En allant dialyser du côté de Madagascar, de Maurice, du Sénégal... R... s'est considérablement enrichie au détriment des malades, de la Sécurité sociale... R... opère si je peux dire dans le noir. C'est une nébuleuse aussi claire qu'une perfusion au jus de raisin de sociétés, de SCI, de biens meubles, un appartement, un immeuble peut-être... Le tout évalué au doigt mouillé en 2016 à 20 millions d'euros. De l'argent récolté sur la base d'une association, l'AURAR (40 millions d'euros et de chiffre d'affaires), dont le but originel est d'offrir aux patients une alternative à l'hospitalisation. Je préfère me garder pour la rentrée le gros morceau, celui de la cuisse. Pour aujourd'hui, nous allons nous contenter de revenir, mais avec les détails, sur ce que je vous disais samedi dernier. L'ouverture de sociétés, de SCI avec des espèces, ce qui n 'est pas très légal. Le 14 décembre 2011 comme le montre l'attestation de la BRED : "La BRED encaisse la somme de 900 000 euros correspondant à l'augmentation de capital de la SCI La Rose des Sables..." 900 000 euros versés en espèces. J'ai sous le nez l'extrait d'actes de création de la société. Je cite : "L'association... (AURAR) apporte à la société une somme en espèces à neuf cents mille euros pour porter son capital à la somme de .. 999 999 euros. "L'association des amis de la fondation Avenir de la santé apporte à la société une somme en espèces de 10 euros...". Août 2015, la société ADNIUM de droit français est enregistré au RCS de Paris. L'objet de la société est si vaste qu'il prend une pleine page. Rien à voir avec les dialyses, les gros, les maigres, les infirmes, les souffreteux... Ce machin a pour adresse de domiciliation Paris 16ème mais la somme de 200 000 euros déposée l'a été sur le compte du Crédit Agricole, le 11 décembre 2014 à Saint Denis. A noter cette précision de la banque qui ouvre tout de même le parapluie : "La caisse régionale agit ainsi à titre de simples dépositaires agréés désignés par la législation des sociétés et décline toute responsabilité quant à l'origine des fonds déposés et leur utilisation après déblocage..." Mars 2015, une société de type SCI est créée. L'objet de la SCI Le Longoste tient en cinq lignes mais n'a rien à voir non plus avec les dialysés. Cette entité s'occupe de "l'aménagement de tout terrain ou immeubles...". Et pourtant l'ensemble des actes est avalisé par la signature de R.... C'est 300 000 euros qui sont versés en espèces selon les actes de création de la société. Je cite encore : "L'association... Aurar apporte à la société une somme en espèces de... 299 999 euros... La SCI Rose des Sables en espèces... de 10 euros... Et ce sera tout pour aujourd'hui pour ce qui concerne les faits et gestes de cette dame certes discrète mais hélas pour elle conseillère régionale et suppléante de C... N...... ». 5. Les extraits qui suivent de l'éditorial intitulé « Le pot aux roses » publié le 19 août 2017 étaient poursuivis : « Il n'y a qu'à piller l'AURAR. C'est ce que font R... et sa joyeuse équipe de suceurs de sang depuis 2007 sans que personne, comme on l'a vu, n'y trouve à redire. La directrice c'est elle, elle s'est entourée de copains localement très influents [...]. Le conseil d'administration est de ce fait à sa botte qui lui donne tous les pouvoirs, le conseil de surveillance aussi. L'Aurar association type loi 1901 permet tout cela et bien d'autres choses encore notamment celle d'échapper à une fiscalité normale sans que cela soit forcément illégal quoique... question éthique, on fait beaucoup mieux R... et ses petits camarades vont grassement "vivre sur la bête". A ce point qu'en 2008 V... X... syndicaliste CFDT à l'Aurar porte le pet et plainte contre l'AURAR et ses filiales "pour détournement de fonds publics, abus de biens sociaux aggravé avec enrichissement personnel..." [...]. "Pour simple exemple, une grille de salaire prouvant un salaire de plus de 42 000 euros mensuels pour la Directrice Générale". [...] De l'argent exclusivement public provenant de la CGSS. 9 ans plus tard, la question se pose. Combien touche aujourd'hui miss sangsue. Officiellement beaucoup moins, bien que l'impôt sur le revenu de 2016 la taxe tout de même de 40 000 euros. R... déclare en effet aux services fiscaux, comme salariée de l'Aurar, 170 000 euros à l'année, ce qui fait grosso-modo si l'on injecte le 13e mois un revenu mensuel de 13 000 mensuel. Il en manque si l'on croit X.... C'est bien triste, je vous l'accorde. Soit le syndicaliste a menti, ce qui ne semble pas être le cas vu que dans la foulée de sa plainte le X... a pris du galon et du pognon. Soit R... bidouille en se faisant payer la différence voire plus en prestations diverses et en jetons de présence dans les pays où les salaires ne sont pas imposables et échappent au fisc français. Des pays où l'Aurar s'est installée, Madagascar, Maurice, Sénégal, ailleurs peut être ? » 6. De l'éditorial publié le 26 août 2017 sous le titre « R... se fait du mauvais sang », la poursuite retenait les extraits ci-après : « C'est l'Aurar, la maison mère, la poule aux oeufs d'or, la tirelire qui détient le magot. Tirelire sur laquelle est assise la R..., laquelle distribue les parts de la galette aux copines, aux copains, à tous ceux qui gravitent autour des malades, aux SCI, aux SAS, aux banques de la place qui ont fructifier le pactole. Si l'on sait que I'Aurar vit exclusivement du remboursement des soins des malades par la CGSS, par conséquent de l'argent public, les autorités locales, judiciaires, préfectorales et de santé, seraient en droit d'exiger en plus d'un minimum de transparence, que cette fortune soit consacrée à la prévention, au bien-être des patients, lesquels sont en majorité à proximité du seuil de pauvreté. [...] R... va s'entourer d'autres rats tout aussi musqués que les autres pour mieux piller l'Aurar. [...] Le X... retire quelques semaines plus tard sa plainte sur la pointe des pieds. Personne ne bronche, ni les perdreaux, ni le parquet, encore moins l'ARS. Le "dossier CFDT contre l'Aurar pour la brigade financière" fait pas moins de 500 pages. [...] R... dirige donc l'Aurar nouvelle formule. L'association, ses moyens humains et sa trésorerie sont entièrement dévolus au service de ses ambitions, notamment politiques. Miss sangsue use et abuse de cette structure comme d'un bien personnel et privé. » 7. Enfin, étaient poursuivies ces deux phrases de l'éditorial intitulé « Au nom de la Rose » du 2 septembre 2017 : « [...] l'Aurar [...] est une secte qui pourrit par la tête comme le poisson. [...] Une machine à cracher 22 millions de trésorerie dans laquelle fourmille à hauteur du plafond une tripotée de compères la gratouille [...] ». 8. Les juges du premier degré ont joint les deux poursuites, déclaré M. E... coupable de diffamation publique envers un particulier, l'ont condamné à une peine d'amende et, solidairement avec la société Journal de l'île de la Réunion, à indemniser la partie civile. 9. Le prévenu, le civilement responsable et la partie civile ont relevé appel de ce jugement. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches 10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen est pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, et 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir. 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé M. E... et son civilement responsable et a débouté la partie civile de l'ensemble de ses demandes, alors : « 3°/ que, pour apprécier la portée des allégations ou imputations, les juges du fond doivent replacer les propos dans l'ensemble de l'article et dans leur contexte ; que, comme le faisait valoir la partie civile, les propos incriminés, tels que replacés dans le contexte et notamment au regard des éditoriaux précédemment publiés dans le Journal de l'Ile de la Réunion par le prévenu, imputent à Mme Y... des faits précis de détournement d'argent à son profit, privilégiant ses propres intérêts au détriment de la prévention et du bien-être des patients et d'abus de la structure de l'Aurar comme d'un bien personnel et privé; qu'en retenant que les propos du quatrième éditorial (26 août 2017) étaient certes désagréables pour la partie civile puisque le prévenu indiquait que la partie civile faisait profiter ses amis des fonds de l'Aurar et qualifiait ses amis de rats musqués, mais ne renfermaient pas l'allégation d'un fait précis et ne pouvaient constituer une diffamation et que le prévenu, s'il reprochait à la partie civile d'utiliser les moyens humains et financiers de l'Aurar à des fins personnelles, se cantonnait dans des considérations générales, cependant que les passages incriminés, qui sont à apprécier au regard de l'ensemble de l'article, de son contexte et des précédents éditoriaux, imputaient à Mme Y... des détournements de fonds à son profit, dont la preuve pouvait être rapportée et faire l'objet d'un débat contradictoire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes visés au moyen ; 4°/ que, pour apprécier la portée des allégations ou imputations, les juges du fond doivent replacer les propos dans l'ensemble de l'article et dans leur contexte ; que Mme Y... faisait valoir, s'agissant de l'éditorial du 2 septembre 2017, que les termes « L'Aurar ( ) est une secte qui pourrit par la tête comme le poisson. Une machine à cracher 22 millions de trésorerie dans laquelle fourmille à hauteur du plafond une tripotée de compères la gratouille », tels que replacés dans le contexte et notamment par rapport aux précédents éditoriaux publiés dans le Journal de l'Ile de la Réunion par le prévenu, imputent à Mme Y... des faits précis de détournement d'argent à son profit, celle-ci pervertissant l'Aurar dédié à la dialyse en « machine à crache » de l'argent et détournant de manière inavouable, dans un but personnel, la finalité et les moyens de l'Aurar ;qu'en retenant que la directrice de l'Aurar n'était pas visée directement ni facilement identifiable, que les propos ne comportaient aucune allégation de faits précis et ne portaient pas d'imputations à caractère diffamatoire quand les passages incriminés, qui sont à apprécier au regard de l'ensemble de l'article et des précédents éditoriaux, imputaient à Mme Y... sous forme d'insinuations, de s'être astucieusement entourée afin de pouvoir commettre des détournements à son profit sans risquer de poursuites, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881. » Réponse de la Cour 13. Pour écarter le caractère diffamatoire des passages poursuivis contenus dans les éditoriaux des 26 août et 2 septembre 2017, l'arrêt attaqué énonce en substance que les premiers propos sont certes désagréables pour la partie civile, qui ferait profiter ses amis, qualifiés de rats musqués, des fonds de l'Aurar, et les utiliserait elle-même à des fins personnelles, mais, se cantonnant à des considérations générales, ne renferment pas l'allégation de fait précis susceptibles de faire l'objet d'un débat sur la preuve et que si, dans l'éditorial du 2 septembre, le prévenu qualifie l'Aurar de secte, sa directrice n'est pas visée directement ni facilement identifiable, et ces propos ne comportent aucune allégation de faits précis. 14. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 15. En effet, s'il appartient aux juges de relever toutes les circonstances et éléments extrinsèques aux propos poursuivis de nature à donner à ceux-ci leur véritable sens et susceptibles de caractériser la diffamation, la partie civile ne saurait faire grief à l'arrêt de n'avoir pas retenu à ce titre les propos se référant à des faits précis qui figuraient dans les mêmes articles que les passages incriminés, mais qu'elle avait fait le choix de ne pas poursuivre. 16. La cour d'appel a par ailleurs exactement apprécié le sens et la portée desdits passages incriminés qui, en eux-mêmes, reprochaient seulement à la partie civile de se faire valoir à titre personnel au travers de son activité de directrice générale de l'Aurar et ne contenaient pas l'imputation de faits précis susceptibles d'un débat sur la preuve de leur vérité. 17. Ainsi, le moyen doit être écarté. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 18. Le moyen est pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, et 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 à 593 du code de procédure pénale. 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé M. E... et son civilement responsable et a débouté la partie civile de l'ensemble de ses demandes, alors : « 1°/ que la bonne foi se caractérise, de manière cumulative, par la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l'expression ainsi que par le sérieux de l'enquête ; qu'en retenant que les pièces produites par le prévenu constituaient une base factuelle suffisante dont les informations n'avaient pas été dénaturées et étaient restées dans leur relation, dans le style habituel de l'éditorial du journaliste, proportionnées aux faits dénoncés, quand le prévenu avait gravement manqué de prudence et de mesure dans l'expression en imputant à la partie civile de s'être rendue dans deux agences bancaires de la Réunion avec une mallette d'argent liquide contenant, l'une, un million d'euros et l'autre 300 000 euros, sans que les banques n'y trouvent à redire (éditorial du 24 juin 2017), d'avoir opéré « dans le noir. C'est une nébuleuse, aussi claire qu'une perfusion au jus de raisin, de sociétés, de SCI, de biens meubles, un appartement, un immeuble peut-être , le tout évalué au doigt mouillé en 2016 à 20 millions d'euros » (éditorial du 1er juillet 2017), de s'être « servie de l'humanitaire, de la maladie, des politiques, des copains et des coquins dont nous reparlerons biens évidemment pour faire de la tune, comme disent les truands » (éditorial du 1er juillet 2017), de s'être considérablement enrichie au détriment des malades et de la sécurité sociale en allant dialyser du côté de Madagascar, de Maurice, du Sénégal, d'avoir surfacturé la carte vitale des malades qui s'adressaient à l'Aurar (éditorial du 1er juillet 2017), d'avoir pillé l'Aurar en s'entourant depuis dix ans de personnes influentes qu'elle contrôlait au sein du conseil d'administration et qu'elle avait réussi à mettre à sa botte, d'avoir permis à l'Aurar d'échapper à une fiscalité normale (éditorial du 19 août 2017), d'avoir commis les infractions de « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux aggravé avec enrichissement personnel » en se faisant payer « un salaire de plus de 42 000 euros mensuels », (éditorial du 19 août 2017), de partager le « magot » sur lequel elle était assise avec « ses copains et ses copines » et de faire profiter ses amis des fonds de l'Aurar en étant « entourée d'autres rats tout aussi musqués que les autres pour mieux piller l'Aurar » (éditorial du 26 août 2017) et que l'Aurar serait « une secte qui pourrit par la tête comme le poisson » (éditorial du 2 septembre 2017), la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ; 4°/ que les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire, de sorte qu'il appartient à l'auteur de telles imputations de rapporter la preuve de sa bonne foi ; que même dans le cadre d'un débat d'intérêt général, la bonne foi n'est admise qu'en présence d'une base factuelle suffisante, d'autant plus sévèrement appréciée que l'accusation est grave ; qu'en se bornant, pour retenir la bonne foi de M. E..., à énoncer qu'en ce qui concernait le premier éditorial, les pièces produites par les prévenus démontraient que des fonds avaient été versés en espèces pour la constitution de la société Empar, représentée par Mme Y... avec pour apport la somme en numéraire de 30 030 euros et que la société Labomega avait été constituée avec des apports en numéraire de 37 000 euros, ce qui accréditait par une base factuelle suffisante les allégations du premier éditorial sur « les fonds d'importance déposés en numéraire par la partie civile dans une agence bancaire », cependant que les apports en numéraire ne sont pas nécessairement des apports en espèces et sont le plus souvent faits sous forme de chèque ou de virement et qu'en tout état de cause les apports en espèce sont licites, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé en quoi les pièces produites par M. E... concernant les versements de fonds pour la constitution des sociétés Empar et Labomega permettaient d'imputer personnellement à Mme Y... des détournements de fonds publics, des fraudes et abus de biens sociaux avec enrichissement personnel, n' a pas donné de base légale à sa décision ; 5°/ que les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire, de sorte qu'il appartient à l'auteur de telles imputations de rapporter la preuve de sa bonne foi ; que même dans le cadre d'un débat d'intérêt général, la bonne foi n'est admise qu'en présence d'une base factuelle suffisante, d'autant plus sévèrement appréciée que l'accusation est grave ; qu'en se bornant, pour retenir la bonne foi de M. E..., à énoncer qu'il ressortait des pièces produites par celui-ci que le conseil d'administration de la caisse de sécurité sociale s'élevait dans sa motion du 4 juin 2009 contre la privatisation de l'Aurar, que celle-ci avait dans son patrimoine deux SCI et une filiale, que la CFDT avait déposé un dossier pour la brigade financière en 2009, que le rapport Secavi Aurar de 2008 faisait état de difficultés de tarifications sur la « rentabilité de la dialyse » tout en relevant la bonne santé économique de l'Aurar et faisait état d'accords de coopération avec certains pays étrangers, que l'association de dialysés Renaloo avait obtenu un vote du sénat sur un amendement relatif au nouveau modèle économique de la dialyse et relayé les inquiétudes portées sur le dossier de l'Aurar, de sorte que M. E... disposait d'une base factuelle suffisante pour tenir les propos qui lui étaient reprochés, sans indiquer en quoi ces documents qui remontaient pour la plupart à plus de dix ans permettaient d'imputer personnellement à Mme Y... des détournements de fonds publics et abus de biens sociaux avec enrichissement personnel, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la bonne foi de M. E..., n'a pas légalement justifié sa décision ; 6°/ que la bonne foi du diffamateur ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos incriminés ; qu'en l'espèce, pour relaxer M. E... des chefs de diffamations commises les 24 juin, 1er juillet, 19 août, 26 août et 2 septembre 2017, au bénéfice de la bonne foi, la cour d'appel s'est fondée sur un courrier de l'association nationale des patients du 8 novembre 2017 et sur le rapport d'observations provisoires de la cour régionale des comptes du 28 novembre 2018, tous postérieurs à la parution des écrits incriminés et ne pouvant dès lors servir à établir l'existence de la bonne foi ; qu'en se fondant ainsi sur des faits postérieurs à la diffusion des propos litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. » Réponse de la Cour Vu les articles 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 593 du code de procédure pénale : 20. Il résulte du premier de ces textes que la bonne foi du prévenu ne peut être déduite ni de faits postérieurs à la diffusion des propos litigieux, ni de pièces établies postérieurement à celle-ci, sauf le cas d'attestations rapportant des faits antérieurs et établissant que le prévenu en avait connaissance au moment de cette diffusion. 21. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 22. Pour accorder au prévenu le bénéfice de la bonne foi, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que les éditoriaux litigieux traitaient d'un sujet d'intérêt général, relatif à la gestion des fonds publics dans le domaine de la santé et spécialement dans celui particulièrement sensible de la dialyse à la Réunion, retient que les propos reposent sur une base factuelle suffisante constituée, notamment, d'une lettre de l'association nationale des patients du 8 novembre 2017 et d'un rapport d'observations provisoires de la chambre régionale des comptes dont il ne précise pas la date mais qui fait état de faits dont certains se seraient déroulés au cours de l'année 2018. 23. En se déterminant ainsi, alors que certains des faits retenus au titre de la base factuelle étaient postérieurs à la diffusion des propos, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 24. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 9 mai 2019, en ses seules dispositions civiles ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois novembre deux mille vingt.
La bonne foi du prévenu poursuivi pour diffamation ne peut être déduite, ni de faits postérieurs à la diffusion des propos litigieux, ni de pièces établies postérieurement à celle-ci, sauf le cas d'attestations rapportant des faits antérieurs et établissant que le prévenu en avait connaissance au moment de cette diffusion
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N° J 19-85.276 F-P+B+I N° 1916 SM12 3 NOVEMBRE 2020 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 3 NOVEMBRE 2020 CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par Mme I... L..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 18 avril 2019, qui, dans la procédure suivie contre M. K... U... et la société Journal de l'île de La Réunion du chef de refus d'insertion d'une réponse, a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme I... L..., les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Journal de l'Ile et de M. K... U..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. À la suite de la publication, dans le quotidien Le Journal de l'île de La Réunion, de deux articles, d'abord, puis de quatre autres, ensuite, Mme L... a successivement fait délivrer au directeur de la publication deux actes d'huissier demandant chacun l'insertion d'une réponse. 3. La première réponse n'ayant pas été insérée et la seconde l'ayant été dans des conditions qui n'étaient pas conformes aux exigences de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, Mme L... a fait citer du chef précité M. U..., en qualité de directeur de la publication, ainsi que, en qualité de civilement responsable, la société éditrice du quotidien. 4. Les juges du premier degré ont relaxé le prévenu. La partie civile a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles 2, 3, 591, 593 du code de procédure pénale, 1240 du code civil et 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la partie civile de ses demandes tendant à voir juger qu'en refusant d'insérer ses deux droits de réponse, M. U... avait commis une faute civile dont il devait répondre en ce qui concernait les conséquences civiles et ce, in solidum avec la société Journal de l'Ile de La Réunion, civilement responsable, à voir ordonner l'insertion des droits de réponse signifiés par actes des 24 juillet et 13 septembre, à voir condamner les mêmes in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et à voir ordonner, à titre de réparation civile complémentaire, l'insertion d'une publication judiciaire dans le Journal de l'Ile de la Réunion, alors : « 1°/ que l'insertion d'un droit de réponse peut être ordonnée par le juge pénal ou civil à titre de réparation civile; qu'en l'espèce, il résulte des conclusions de Mme L..., partie civile, que celle-ci avait expressément demandé aux juges d'ordonner, à titre de réparation civile, l'insertion des droits de réponse qui avaient été signifiés par actes des 24 juillet et 13 septembre 2017 ; que dès lors la cour d'appel, bien qu'elle ne fût saisie que de l'action civile, pouvait légalement ordonner l'insertion de droits de réponse ; qu'en retenant que, saisie du seul appel sur les dispositions civiles, il ne lui appartenait pas d'ordonner l'insertion de droits de réponse à l'origine de la saisine du tribunal correctionnel, la cour d'appel a méconnu sa propre compétence et violé les textes visés au moyen ; 2°/ que le droit de réponse est général et absolu ; que celui qui en use est seul juge de la teneur, de l'étendue, de l'utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l'insertion ; que le refus d'insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes moeurs, à l'intérêt légitime des tiers ou à l'honneur du journaliste ; que ne saurait être considérée comme portant atteinte à l'honneur du journaliste une réponse dont les termes ne dépassent pas en gravité et en vivacité ceux des propos auxquels il a été répondu ; qu'en se bornant à énoncer que, pour le premier droit de réponse, une partie des termes utilisés mettait en cause le sérieux de l'enquête du journaliste et était de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les termes figurant dans la réponse dépassaient ou non, par leur densité, l'agressivité et la violence des articles visés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; 3°/ que le droit de réponse est général et absolu ; que le refus d'insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes moeurs, à l'intérêt légitime des tiers ou à l'honneur du journaliste ; que Mme L... faisait valoir que, par jugement du 20 avril 2018, le tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion avait jugé gravement diffamatoires les deux éditoriaux des 24 juin et 1er juillet 2017 et que le contenu du droit de réponse concernant ces deux articles était irréprochable et reflétait la vérité ainsi qu'en avait décidé le tribunal qui lui avait donné raison en jugeant les allégations diffamatoires et qu'il n'était possible de valider le refus d'insérer le droit de réponse de Mme L... au motif que celle-ci aurait eu tort de contester le sérieux de l'enquête du journaliste alors qu'avait été reconnue l'absence d'enquête sérieuse de l'éditorialiste ; qu'en retenant que le fait que, le 20 avril 2018, le tribunal correctionnel ait jugé diffamatoires des articles de presse à l'origine du premier droit de réponse ne pouvait remettre en cause le caractère légitime du refus d'insertion car les faits commis les 28 juillet, 15 et 17 septembre 2017 ne pouvaient être envisagés à partir d'une décision judiciaire intervenue postérieurement, cependant que ce jugement correctionnel ne faisait que conforter le droit de réponse de Mme L... en adéquation avec l'attaque dont elle avait fait l'objet et caractérisait l'absence de légitimité du refus d'insérer ces droits de réponse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; 4°/ que le droit de réponse, personnel, peut être exercé par celui qui a été expressément ou implicitement mis en cause dans une publication périodique, peu importe que le contenu de la réponse ne contienne pas expressément le nom de la personne mise en cause ni sa fonction; que Mme L..., directrice générale de l'Aurar, qui dans sa réponse- après avoir indiqué que l'Aurar et sa direction étaient régulièrement citées dans les colonnes du Journal de l'Ile de La Réunion, lequel soutenait que l'Aurar était une machine à générer des profits, au détriment des malades et de la sécurité sociale et sans grand souci de la qualité des soins rendus - a rappelé la qualité des soins dispensés à l'Aurar et la qualité de la gestion de l'Aurar, a répondu à sa propre mise en cause; qu'en retenant, pour considérer que le directeur de la publication avait le droit de refuser l'insertion du second droit de réponse à la même place et dans les mêmes caractères que les articles de presse en cause, que son contenu évoquait exclusivement l'Aurar sans jamais citer le nom de celle de qui il émanait, ni sa fonction de directrice générale, cependant que Mme L... était précisément chargée, par les statuts d'impulser les choix de l'Aurar et de veiller à leur bonne mise en oeuvre et qu'elle avait ainsi répondu à sa mise en cause personnelle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; 5°/ qu'en l'état des conclusions de Mme L..., dont il ressortait que cette dernière avait demandé de dire et juger qu'en refusant d'insérer dans les formes et délais de la loi ses deux droits de réponse, M. U... avait commis une faute civile dont il devait répondre en ce qui concernait ses conséquences civiles et, ce in solidum avec la Sas Journal de l'Ile de la Réunion, civilement responsable, et d'ordonner l'insertion des droits de réponse (citation p.16 et 17), la cour d'appel qui a retenu que l'intégralité des écritures de l'appelante concernait le délit de refus d'insertion sans aucun moyen ou argument sur les éléments constitutifs d'une faute civile distincte de la faute pénale, a dénaturé les conclusions dont elle était saisie et par là même entaché sa décision d'une contradiction de motifs. » Réponse de la Cour Sur le moyen pris en ses troisième, en ce qu'elle vise la seconde réponse, et quatrième branches 7. Pour confirmer le jugement et débouter la partie civile s'agissant de la seconde demande d'insertion d'une réponse, l'arrêt attaqué énonce que ladite réponse ne concerne que l'Aurar, sans jamais citer le nom de celle de qui cette demande émanait, ni sa fonction de directrice générale, et ne respectait par conséquent pas le caractère personnel prévu par la loi. 8. Les juges ajoutent que le fait que, postérieurement aux refus d'insertion, le tribunal correctionnel ait jugé diffamatoires des articles de presse à l'origine de la première demande d'insertion ne saurait remettre en cause le caractère légitime de ces refus. 9. En prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a exactement relevé que la seconde réponse ne concernait pas la demanderesse à l'insertion, n'a pas méconnu l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. 10. En effet, le droit de réponse prévu par ce texte est strictement personnel et celui qui entend en user ne peut répondre qu'à sa propre mise en cause, et non à celle d'un tiers, celui-ci aurait-il été également nommé ou désigné dans la publication suscitant la réponse. 11. Par ailleurs, la circonstance que le texte auquel il est répondu soit ultérieurement jugé diffamatoire à l'égard du demandeur à l'insertion est sans incidence sur la caractérisation du délit, lequel est consommé par la non-insertion dans les brefs délais prévus aux alinéas 1 et 2 de l'article 13 précité, et dès lors que le demandeur à l'insertion n'a pas à démontrer qu'il a été diffamé par l'article auquel il entend répondre, mais seulement qu'il y a été nommé ou désigné. 12. Les griefs ne sont, en conséquence, pas fondés. Mais sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches, cette dernière en ce qu'elle vise la seconde réponse Vu l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : 13. Il se déduit de ce texte que l'insertion d'une réponse présentée dans les conditions de forme qu'il prévoit ne peut être refusée que si ladite réponse est contraire aux lois, à l'intérêt légitime des tiers, n'est pas en corrélation avec l'article auquel il est répondu et met en cause l'honneur du journaliste ou de l'organe de presse de façon disproportionnée au regard de la teneur de l'article initial. 14. Ne porte pas atteinte à l'honneur du journaliste, auteur de l'article auquel il est répondu, la réponse qui se contente de critiquer, dans des termes proportionnés à cet article, la légitimité du but poursuivi par celui-ci, le sérieux de l'enquête conduite par son auteur, sa prudence dans l'expression ou son absence d'animosité personnelle. 15. Pour confirmer le jugement sur les intérêts civils et débouter la partie civile de toutes ses demandes, l'arrêt attaqué énonce encore, en substance, s'agissant de la première demande d'insertion, que les termes utilisés mettaient en cause, pour une partie d'entre eux, le sérieux de l'enquête du journaliste personnellement visé et étaient de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération. 16. En prononçant ainsi, sans examiner, ainsi qu'elle devait le faire, la teneur des articles auxquels il était répondu, qu'elle ne cite pas, mais qui étaient annexés à l'acte initial de poursuite, et alors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer qu'en affirmant la fausseté de certaines des informations contenues dans ces articles, en relevant que leur auteur n'avait effectué aucune vérification auprès de la personne qu'il mettait en cause, et en les qualifiant « d'attaques injustifiées [...] extrêmement déplaisantes », la réponse n'a fait que critiquer les méthodes du journaliste, en des termes sévères mais mesurés, qui sont restés proportionnés au ton ironique et péremptoire desdits articles. 17. La cassation est, en conséquence, encourue de ces chefs. Et sur le moyen pris en ses première et cinquième branches Vu les articles 2, 497 et 509 du code de procédure pénale et 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : 18. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que l'autorité de la chose jugée attachée aux dispositions relatives à l'action publique ne fait pas obstacle au droit, pour la partie civile, seule appelante d'une décision de relaxe, d'obtenir, au cas où une faute civile est démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, que soit ordonnée par la cour d'appel, statuant sur les seuls intérêts civils, en réparation du préjudice résultant directement de cette faute, l'insertion de la réponse dans les conditions prévues par l'alinéa 8 du dernier de ces textes. 19. Pour débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt énonce également que la relaxe du prévenu étant définitive, il n'appartient pas à la cour d'appel, saisie du seul appel sur les dispositions civiles, d'ordonner l'insertion des droits de réponse à l'origine de la saisine du tribunal correctionnel. 20. En l'état de ces énonciations et alors que la partie civile sollicitait, en réparation du préjudice résultant pour elle de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, que soient ordonnées les insertions refusées, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. 21. La cassation est donc encore encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 18 avril 2019, mais en ses seules dispositions relatives au refus opposé à la demande d'insertion formée le 24 juillet 2017, toutes autres dispositions étant expressément maintenues. Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois novembre deux mille vingt.
L'insertion d'une réponse présentée dans les conditions de forme que prévoit l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne peut être refusée que si ladite réponse est contraire aux lois, à l'intérêt légitime des tiers, n'est pas en corrélation avec l'article auquel il est répondu et met en cause l'honneur du journaliste ou de l'organe de presse de façon disproportionnée à la teneur de l'article initial. Ne porte pas atteinte à l'honneur du journaliste, auteur de l'article auquel il est répondu, la réponse qui se contente de critiquer, dans des termes proportionnés à cet article, la légitimité du but poursuivi par celui-ci, le sérieux de l'enquête conduite par son auteur, sa prudence dans l'expression ou son absence d'animosité personnelle
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N° M 19-87.463 F-P+B+I N° 1919 CK 3 NOVEMBRE 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 3 NOVEMBRE 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par Mme E... L... et l'Association pour l'utilisation du rein artificiel à la Réunion (AURAR), parties civiles, contre l'arrêt n° 293 de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 31 octobre 2019, qui, dans la procédure suivie contre M. O... N... du chef de diffamation publique envers particuliers, a prononcé la nullité des poursuites. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme E... L..., l'Association pour l'utilisation du rein artificiel à la Réunion, parties civiles, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. L'AURAR et Mme L..., sa directrice générale, ont fait citer devant le tribunal correctionnel du chef susvisé, en raison de divers passages de plusieurs articles successivement publiés les 14, 17, 21, 25, 28, 30 et 31 octobre 2017 sous la signature de M. N... dans le Journal de l'île de la Réunion (JIR), M. N..., en qualité de directeur de la publication, et la société éditrice Journal de l'île de la Réunion, en qualité de civilement responsable. 3. Le dispositif de la citation reproduisait trente-trois passages poursuivis comme diffamatoires, à l'égard de la seule Mme L... pour les passages 1 à 13 et à l'égard des deux parties civiles pour les passages 14 à 33. 4. Les juges du premier degré ont constaté la nullité de la citation. 5. Les parties civiles, ainsi que le prévenu et la société recherchée en qualité de civilement responsable, ont relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit Mme E... L... et l'AURAR mal fondées en leur appel et a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la nullité de la citation, alors : « 1°/ que la citation qui vise précisément les infractions poursuivies ainsi que les textes applicables et articule sans ambiguïté les propos estimés injurieux ou diffamatoires saisit valablement le juge ; que la cour d'appel qui a relevé que les imputations mentionnées dans les motifs, page 54 de l'acte de citation, parlaient de consultations fantômes de néphrologie qui se feraient sans l'accord des praticiens concernés " et page 55 établissement de vraies facturations des consultations qui n'ont pas eu lieu ..... Un médecin l'aurait même payé de son emploi au sein de l'AURAR pour avoir protesté" ne pouvait, sans se contredire, affirmer que les imputations figurant dans le dispositif p. 64 indiquant : § 27 peut-on s'étonner que de telles pratiques de consultations fantômes de néphrologie se fassent sans l'accord des praticiens concernés ; § 28 quelques praticiens ont refusé cette signature électronique. Ils se sont attirés les foudres de Mme L.... Un médecin l'a payé de son emploi ; § 31 sur une note de service qui orchestrerait de vraies facturations de consultations qui n'ont pas eu lieu" étaient différentes de celles énoncées dans les motifs de la citation et ne constituaient pas les mêmes imputations ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; 2°/ que la citation qui vise précisément les infractions poursuivies ainsi que les textes applicables et articule sans ambiguïté les propos estimés injurieux ou diffamatoires saisit valablement le juge ; que Mme L... faisait valoir qu'il n'existait aucune discordance entre les motifs de la citation et son dispositif, celui-ci reprenant les passages cités comme diffamatoires dans les motifs et qu'il n'existait aucune incertitude dans l'esprit du prévenu quant à l'étendue des propos poursuivis et des faits dont il devait répondre ; qu'en affirmant que les imputations mentionnées à la page 54 de l'acte de citation qui ‘parle de consultations fantôme de néphrologie qui se feraient sans l'accord des praticiens concernés' et page 55 ‘établissement de vraies consultations qui n'ont pas eu lieu Un médecin l'aurait même payé de son emploi au sein de L'AURAR pour avoir protesté' n'étaient pas reprises sous les mêmes imputations dans le dispositif, sans expliquer en quoi les locutions présentées comme diffamatoires dans le dispositif de la citation étaient différentes de celles figurant dans les motifs et ne constituaient pas les mêmes imputations, ni en quoi cette prétendue discordance avait pu créer une incertitude dans l'esprit du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; 3°/ que la citation qui vise précisément les infractions poursuivies ainsi que les textes applicables et articule sans ambiguïté les propos estimés injurieux ou diffamatoires saisit valablement le juge ; qu'en l'espèce, la citation du 8 janvier 2018 a articulé tous les faits, les a qualifiés et a visé les textes applicables en distinguant clairement et précisément les imputations visant uniquement Mme L... (articles des 14, 17, 21, 25, 26 et 28 octobre 2017, dispositif p. 61 à 64, allégations 1 à 13) et celles visant à la fois Mme L... et l'Aurar ( articles des 30 et 31 octobre 2017 ; dispositif p.64, in fine à 67, allégations 14 à 33) ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; 4°/ que la citation qui vise précisément les infractions poursuivies ainsi que les textes applicables et articule sans ambiguïté les propos estimés injurieux ou diffamatoires saisit valablement le juge ; qu'en énonçant, de manière vague, que certaines imputations n'étaient pas exemptes de la qualification d'injure qui avait pu être mentionnée mais qui n'était pas reprise dans le dispositif, sans indiquer précisément quelles locutions dans la citation étaient présentées comme injurieuses et auraient dû figurer dans le dispositif, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881sur la liberté de la presse ; 5°/ en tout état de cause que lorsque les expressions outrageantes ou appréciations injurieuses sont indivisibles d'une imputation diffamatoire, le délit d'injure est absorbé par celui de la diffamation et ne peut être relevé seul ; que Mme L... indiquait que si l'expression « cochon rose à fente » était injurieuse, les propos précédents « La E..., toujours perchée sur sa tirelire de 22 millions d'euros » imputait un fait précis, qu'au cas d'indivisibilité entre l'injure et la diffamation, seul ce dernier délit devait être retenu et qualifiait ces propos de diffamation publique envers un particulier ; qu'en énonçant, pour retenir que le prévenu ne pouvait connaître le périmètre exact des faits qui lui étaient reprochés, que certaines imputations n'étaient pas exemptes de la qualification d'injure qui avait pu être mentionnée mais n'étaient pas reprises dans le dispositif, sans rechercher si la qualification d'injure n'avait pas été absorbée par celle de diffamation, justifiant que cette qualification ne soit pas reprise dans le dispositif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 29 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; 6°/ que, subsidiairement, lorsque la poursuite concerne une pluralité de faits distincts, susceptibles chacun de la qualification retenue par la partie poursuivante, la juridiction de jugement devant laquelle la citation est arguée de nullité, sur le fondement de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, est tenue d'examiner pour chacun des faits incriminés si les prescriptions de ce texte ont été respectées et de statuer sur ceux des faits dont elle est valablement saisie ; que la citation délivrée par Mme L... visait de nombreux articles, inclus dans les numéros du J.I.R des 14, 17, 21, 25, 26, 28, 30 et 31 octobre 2017, et comportant de nombreuses imputations diffamatoires ; que Mme L... faisait valoir qu'à supposer même qu'une locution fût manquante dans le dispositif pour une imputation poursuivie, la citation ne pouvait être annulée dans sa totalité ; qu'en confirmant la décision de première instance en ce qu'elle a annulé la citation dans sa totalité, sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, chacun des passages pris isolément pour déterminer, pour chacun d'eux, si la juridiction répressive avait été valablement saisie et, le cas échéant, statuer au fond, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. » Réponse de la Cour Sur le moyen pris en sa troisième branche 7. Pour confirmer le jugement sur la nullité de la citation, l'arrêt attaqué énonce notamment que cet acte ne distingue pas particulièrement les imputations ou allégations qui porteraient atteinte à l'honneur et à la considération de l'AURAR de celles qui concerneraient Mme L..., ce qui ne permet pas au prévenu de connaître le périmètre exact des faits qui lui sont reprochés. 8. En l'état de ces énonciations et dès lors qu'ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, les passages poursuivis aux points 18, 19 et 20 du dispositif sous la qualification de diffamation publique envers Mme L... et l'AURAR sont présentés, dans les motifs de l'acte, en page 47, comme diffamatoires « à l'endroit seulement de Mme L... et non pas de l'AURAR », ce qui créait une incertitude dans l'esprit du prévenu quant à l'étendue de la poursuite du chef de ces trois passages, la cour d'appel n'a pas méconnu le texte visé au moyen. 9. Ainsi, le grief doit être écarté. Mais sur le moyen pris en ses autres branches Vu l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : 10. Ce texte n'exige, à peine de nullité de l'acte initial de poursuite, que la précision et la qualification du fait incriminé, ainsi que la mention du texte de loi énonçant la peine encourue. La nullité ne peut être prononcée que si l'acte a pour effet de créer une incertitude dans l'esprit du prévenu quant à l'étendue des faits dont il a à répondre. 11. Pour confirmer le jugement sur la nullité de la citation, l'arrêt attaqué énonce encore que les imputations mentionnées en pages 54 et 55 de l'acte, relatives à des consultations fantôme de néphrologie qui se feraient sans l'accord des praticiens concernés, à l'établissement de vraies consultations qui n'ont pas eu lieu, et au fait qu'un médecin aurait payé de son emploi au sein de l'AURAR le fait d'avoir protesté, ne sont pas exactement reprises dans le dispositif, qui poursuit, au point 27, « peut-on s'étonner que de telles pratiques de consultation fantôme de néphrologie se fassent sans l'accord des praticiens concernés », au point 28 « quelques praticiens ont refusé cette signature électronique ... Ils se sont attiré les foudres de Mme L... un médecin l'a payé de son emploi » et au point 31 « sur un note de service qui orchestrerait de vraies facturations de consultations qui n'ont pas eu lieu ». 12. Les juges ajoutent que des imputations ne sont pas exemptes de la qualification d'injure qui a pu être mentionnée mais qui n'est pas reprise dans le dispositif. 13. Ils concluent que ces incertitudes et ces imprécisions ne permettent pas au prévenu de connaître le périmètre exact des faits qui lui sont reprochés à l'encontre de Mme L... et de l'AURAR et de formuler une offre de preuve dans les conditions de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, ce qui emporte l'annulation de l'acte en son entier. 14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé, pour les trois motifs qui suivent. 15. En premier lieu, il ne résulte aucune incertitude préjudiciable aux droits de la défense du fait que trois passages poursuivis, extraits de l'article situé page 11 de l'édition du 31 octobre 2017 et exactement reproduits aux points 27, 28 et 31 du dispositif de la citation, ont été, dans les motifs de cet acte, seulement résumés ou cités au style indirect, sans que le sens en ait été dénaturé. 16. En deuxième lieu, outre que ce moyen de nullité a été relevé d'office par les juges, la citation, ainsi que la Cour de cassation est également en mesure de s'en assurer, expose clairement, en pages 34 et 35, dans des conditions qui ne sont de nature à créer aucune incertitude dans l'esprit du prévenu sur la qualification retenue, pourquoi une expression qui, prise seule, serait injurieuse, est indivisible de l'imputation diffamatoire dans laquelle elle est incluse et est donc poursuivie sous la qualification de diffamation. 17. Enfin, la cour d'appel ne pouvait déduire des nullités partielles qu'elle constatait que l'acte devait être annulé en son entier. 18. En effet, lorsque plusieurs propos sont incriminés dans une même citation délivrée du chef d'une ou plusieurs infractions de presse, l'irrégularité affectant la poursuite s'agissant d'un de ces propos ne s'étend à l'ensemble de l'acte que si, en raison de l'indivisibilité existant entre les différents faits poursuivis, c'est sur la nature et l'étendue de l'intégralité de ceux-ci qu'il en résulte une incertitude dans l'esprit du prévenu. 19. Tel n'était pas le cas en l'espèce, les passages concernés par la seule nullité exactement retenue par l'arrêt attaqué étant divisibles des autres propos poursuivis, dont ils n'affectaient pas le sens et la portée. 20. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 31 octobre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois novembre deux mille vingt.
L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse n'exige, à peine de nullité de l'acte initial de poursuite, que la précision et la qualification du fait incriminé, ainsi que la mention du texte de loi énonçant la peine encourue. La nullité ne peut être prononcée que si l'acte a pour effet de créer une incertitude dans l'esprit du prévenu quant à l'étendue des faits dont il a à répondre. Lorsque plusieurs propos sont incriminés dans une même citation délivrée du chef d'une ou plusieurs infractions de presse, l'irrégularité affectant la poursuite s'agissant d'un de ces propos ne s'étend à l'ensemble de l'acte que si, en raison de l'indivisibilité existant entre les différents faits poursuivis, c'est sur la nature et l'étendue de l'intégralité de ceux-ci qu'il en résulte une incertitude dans l'esprit du prévenu
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N° T 20-84.046 F-P+B+I N° 2597 CK 4 NOVEMBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 NOVEMBRE 2020 REJET du pourvoi formé par M. A... K... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau, en date du 24 mars 2020, qui, infirmant, sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'homicide involontaire. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. A... K..., les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme B... L... et M. Q... L..., parties civiles, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Une information contre personne non dénommée a été requise le 9 août 2013 du chef d'homicide involontaire visant le décès de Mme C... L... survenu le [...] 2013 au sein d'un centre hospitalier. 3. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a rendu, le 28 mai 2018, une ordonnance de non-lieu. 4. Sur l'appel des parties civiles, la chambre de l'instruction a ordonné, par arrêt du 16 octobre 2018, un supplément d'information consistant notamment en la mise en examen de M. Abi K... du chef d'homicide involontaire. 5. Le 23 juillet 2019, le juge d'instruction désigné a procédé à l'interrogatoire de première comparution de M. Abi K... qui, à l'issue de celui-ci, a été placé sous le statut de témoin assisté. 6. Par arrêt du 15 octobre 2019, la chambre de l'instruction a ordonné un second supplément d'information aux fins de mise en examen de M. Abi K..., laquelle lui a été notifiée selon acte du 10 janvier 2020. 7. L'avocat de M. Abi K... a déposé devant la chambre de l'instruction une requête tendant à l'annulation de la mise en examen, ainsi que des mémoires sollicitant un complément d'expertise et la confirmation de l'ordonnance de non-lieu. Examen des moyens Sur le second moyen 8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen reproche à la chambre de l'instruction d'avoir dit n'y avoir lieu à annulation de l'acte du 10 janvier 2020 portant notification de la mise en examen alors « qu'il résulte de l'article 205 du code de procédure pénale qu'il est procédé aux suppléments d'information conformément aux dispositions relatives à l'instruction préalable ; qu'en jugeant que l'énoncé du droit au silence n'avait à être notifié ni par la chambre de l'instruction qui ordonnait un supplément d'information aux fins de mise en examen de M. Abi K..., ni par le juge d'instruction qui, agissant comme délégataire de la chambre de l'instruction, procédait à cet acte, dès lors qu'aucune disposition n'impose que le droit de se taire soit rappelé pour chaque acte, lorsqu'il résulte de l'article 116 du code de procédure pénale que le juge d'instruction doit informer la personne qu'il entend mettre en examen de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire avant de procéder à son interrogatoire et qu'il résulte de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, transposée en droit interne par la loi du 27 mai 2014, que les personnes mises en cause doivent être informées de leur droit de garder le silence dès leur mise en cause et jusqu'au terme de la procédure, la chambre de l'instruction a porté atteinte aux droits de la défense tels qu'ils sont garantis tant par le droit de l'Union que par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 10. L'article 113-8 du code de procédure pénale permet au juge d'instruction, lorsqu'il estime que des indices graves ou concordants sont apparus au cours de la procédure, de procéder, en faisant application des dispositions des huitième et neuvième alinéas de l'article 116, lors d'un interrogatoire réalisé dans les formes prévues à l'article 114, à la mise en examen du témoin assisté. 11. Pour rejeter le moyen de nullité de la mise en examen de M. Abi K..., l'arrêt attaqué énonce que la chambre de l'instruction, qui a pris la décision de la notification de la mise en examen, dont elle a confié l'accomplissement à un juge d'instruction, n'avait pas l'obligation de faire connaître à l'intéressé, dont la comparution n'était pas de droit et n'avait pas été ordonnée, son droit au silence. 12. Les juges relèvent que l'office du juge d'instruction désigné par le supplément d'information était de notifier la mise en examen au témoin assisté et de recueillir ses observations. 13. Les juges ajoutent que l'énoncé du droit au silence n'avait pas à être notifié à nouveau dès lors qu'en cette qualité, le témoin assisté avait été informé le 23 juillet 2019, à l'occasion de son interrogatoire de première comparution, de son droit de se taire. 14. Ils concluent que s'il est exact que le droit de se taire peut-être exercé tout au long de la procédure, aucune disposition n'impose qu'il soit rappelé, à chaque acte, l'existence de ce droit. 15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 16. En premier lieu, préalablement entendu comme témoin assisté, le demandeur a eu connaissance de son droit de se taire. 17. En second lieu, aucun texte ne fait obligation au magistrat instructeur, de renouveler, à l'occasion de chaque acte, l'avertissement du droit de se taire. 18. Le moyen doit, en conséquence, être écarté. 19. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. Abi K... devra payer aux parties représentées par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre novembre deux mille vingt.
La notification du droit de se taire faite au témoin assisté lors de son interrogatoire de première comparution n'a pas à être renouvelée à l'occasion de sa mise en examen ultérieure
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Déchéance partielle et cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 641 FS-P+B+I Pourvoi n° A 19-15.739 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 1°/ M. R... Q..., 2°/ M. I... E..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de U... E..., domiciliés [...] , ont formé le pourvoi n° A 19-15.739 contre deux arrêts rendus les 27 novembre 2018 et 26 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige les opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01, défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations écrites et les plaidoiries de la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. Q... et de M. E..., et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, à la suite duquel le président a demandé à l'avocat s'il souhaitait présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Poinseaux, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 27 novembre 2018 Vu l'article 978 du code de procédure civile : 1. MM. Q... et E... se sont pourvus en cassation contre l'arrêt du 27 novembre 2018 mais leur mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision. 2. Il y a donc lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi. Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 février 2019), l'enfant U... E... est né le [...] 2015 à Villahermosa (Etat de Tabasco, Mexique) de M. E.... Celui-ci, né le [...] à Tarbes, de nationalité française, a eu recours à une convention de gestation pour autrui au Mexique. La transcription de l'acte de naissance établi à l'étranger ne mentionne que le nom du père. 4. Par requête du 11 juillet 2016, M. Q..., né le [...] à Guayaquil (Equateur), de nationalité française, époux de M. E..., a formé une demande d'adoption plénière de l'enfant de son conjoint. M. E... a consenti à cette adoption le 4 mai 2016. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 5. MM. Q... et E... font grief à l'arrêt du 26 février 2019 de rejeter la demande d'adoption plénière de l'enfant U... par M. Q..., alors « que M. Q... faisait valoir, avec offre de preuve, qu'il était impossible de produire un document démontrant le consentement de Mme L... à l'adoption de U... par M. Q... ni la renonciation de cette dernière à des droits sur l'enfant dont elle avait accouché dans la mesure où, conformément au droit mexicain alors en vigueur dans l'état de Tabasco, Mme L... n'étant pas biologiquement le parent de l'enfant, conçu avec un don d'ovocyte, elle n'avait juridiquement aucun lien avec U... ni aucun droit sur ce dernier de sorte que l'enfant n'avait juridiquement pas de mère, ni au sens du droit mexicain, ni au sens du droit français ; que M. Q... versait notamment aux débats un document de la direction générale du registre civil de l'Etat de Tabasco du 10 décembre 2015 attestant que le contrat de gestation pour autrui conclu était conforme aux exigences de la loi" de sorte que l'officier d'Etat civil autorisait l'inscription de la naissance de l'enfant au registre d'état civil, l'original du contrat étant annexé au registre ; qu'il ressortait de ces écritures et de ce document que les conditions dans lesquelles Mme L... avait accouché de l'enfant U... et les conditions dans lesquelles ce dernier avait été remis à son père, M. E..., étaient parfaitement décrites et conformes à la loi mexicaine ; que M. Q... n'avait pas refusé de livrer à la cour d'appel des éléments d'information essentiels sur la naissance de U... mais démontrait au contraire que cette naissance avait eu lieu conformément aux dispositions de la loi mexicaine alors en vigueur et dans le respect des droits de Mme L... , le contrat de gestation pour autrui ayant été examiné par les autorités mexicaines et annexé au registre de l'état civil ; que la cour d'appel, pour débouter M. Q... de sa demande, s'est bornée à énoncer que rien ne permet en l'espèce d'appréhender les modalités dans lesquelles la femme ayant accouché de U... aurait renoncé à l'établissement de la filiation maternelle et ce de manière définitive, notamment si elle a été informée des conséquences juridiques de son acte et de l'importance pour toute personne de connaître son nom et son histoire, ni dans quelles conditions et dans quelle intention l'enfant U... a été remis à son père. Il en est de même, a fortiori, du consentement de cette femme à l'adoption de l'enfant dont elle a accouché, par le mari du père, dans des conditions qui viendraient, s'agissant d'une adoption plénière, à rendre impossibles à l'avenir, et de manière complète et irrévocable, tout établissement légal d'un lien de filiation maternelle et toute relation avec l'enfant. Dans ces conditions, et face au refus de l'appelant de livrer les éléments d'information essentiels sur la naissance de U..., en particulier ceux contenus dans le contrat de gestation pour autrui lequel détermine les conditions dans lesquelles Mme L... s'est abstenue de toute reconnaissance de l'enfant, la cour ne peut en conclure que l'adoption sollicitée, exclusivement en la forme plénière, et avec les effets définitifs qui s'attachent à cette dernière, soit conforme à l'intérêt de l'enfant lequel ne peut s'apprécier qu'au vu d'éléments biographiques suffisants" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les documents produits, et notamment l'autorisation donnée à l'officier de l'état civil de la commune de Centro, Etat de Tabasco, en date du 10 décembre 2015, pour établir l'acte de naissance mexicain, ne démontrait pas que l'acte de naissance comportant le seul nom du père était conforme à la loi mexicaine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 345-1 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 16-7, 353, alinéa 1er, 345-1, 1°, et 47 du code civil : 6. Aux termes du premier de ces textes, toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle, l'article 16-9 du même code précisant que cette disposition est d'ordre public. 7. Selon le deuxième, l'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal judiciaire qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant. 8. Aux termes du troisième, l'adoption plénière de l'enfant du conjoint est permise lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint. 9. Aux termes du quatrième, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. 10. Il résulte de ces textes que le droit français n'interdit pas le prononcé de l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né à l'étranger de cette procréation lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l'acte de naissance de l'enfant, qui ne fait mention que d'un parent, a été dressé conformément à la législation étrangère, en l'absence de tout élément de fraude. 11. Pour rejeter la demande d'adoption plénière, l'arrêt retient que rien ne permet d'appréhender les modalités selon lesquelles la femme ayant accouché de U... aurait renoncé de manière définitive à l'établissement de la filiation maternelle et qu'il en est de même du consentement de cette femme à l'adoption de l'enfant, par le mari du père. Il estime que, dans ces conditions, il ne peut être conclu que l'adoption sollicitée, exclusivement en la forme plénière et avec les effets définitifs qui s'attachent à cette dernière, soit conforme à l'intérêt de l'enfant, qui ne peut s'apprécier qu'au vu d'éléments biographiques suffisants. 12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les documents produits, et notamment l'autorisation donnée le 10 décembre 2015, par la direction générale du registre civil, à l'officier de l'état civil de la commune de Centro (Etat de Tabasco) afin qu'il établisse l'acte de naissance de l'enfant, ne démontraient pas que cet acte de naissance, comportant le seul nom du père, était conforme à la loi de l'Etat de Tabasco, de sorte qu'en l'absence de lien de filiation établi avec la femme ayant donné naissance à l'enfant, l'adoption plénière était juridiquement possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 27 novembre 2018 ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour MM. Q... et E... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 26 février 2019 d'avoir débouté M. R... Q... de sa demande d'adoption plénière de l'enfant U... P... D... E... ; AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte de l'article 370-3 du code civil que les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant, en l'espèce la loi française ; qu'aux termes de l'article 345-1 du code civil, l'adoption plénière de l'enfant du conjoint est permise : « 1° lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint » ; que selon l'article 348-1 du même code, lorsque la filiation d'un enfant n'est établie qu'à l'égard d'un de ses auteurs, celui-ci donne le consentement à l'adoption ; que le 8 décembre 2015 est né à Villahermosa, Etat de Tabasco (Mexique), U... P... D... E... de I... E... ; qu'il est avéré que cet enfant est né grâce à une convention de gestation pour autrui contractée par M. I... E... dans l'Etat de Tabasco au Mexique avec Mme L... qui a accouché de l'enfant ; que le recours à la gestation pour autrui à l'étranger ne fait pas, par lui-même, obstacle au prononcé de l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né de cette procréation ; que pour autant, le prononcé de l'adoption plénière suppose, outre que les conditions légales soient remplies, qu'une telle mesure soit conforme à l'intérêt de l'enfant ; qu'or, rien ne permet en l'espèce d'appréhender les modalités selon lesquelles la femme ayant accouché de U... aurait renoncé à l'établissement de la filiation maternelle et ce de manière définitive, notamment si elle a été informée des conséquences juridiques de son acte et de l'importance pour toute personne de connaître son nom et son histoire, ni dans quelles conditions et dans quelle intention l'enfant U... a été remis à son père ; qu'il en est de même, a fortiori, du consentement de cette femme à l'adoption de l'enfant dont elle a accouché, par le mari du père, dans des conditions qui viendraient, s'agissant d'une adoption plénière, à rendre impossibles à l'avenir, et de manière complète et irrévocable, tout établissement légal d'un lien de filiation maternelle et toute relation avec l'enfant ; que dans ces conditions, et face au refus de l'appelant de livrer les éléments d'information essentiels sur la naissance de U..., en particulier ceux contenus dans le contrat de gestation pour autrui lequel détermine les conditions dans lesquelles Mme L... s'est abstenue de toute reconnaissance de l'enfant, la cour ne peut en conclure que l'adoption sollicitée, exclusivement en la forme plénière et avec les effets définitifs qui s'attachent à cette dernière, soit conforme à l'intérêt de l'enfant lequel ne peut s'apprécier qu'au vu d'éléments biographiques suffisants ; AUX AUTRES MOTIFS QUE l'acte de naissance dressé au Mexique, pays de naissance de l'enfant, n'est pas produit mais qu'est versé aux débats la copie d'acte de naissance transcrit à Mexico le 7 janvier 2016 par l'officier d'état civil, par empêchement du conseil général de France, à la demande de M. I... E..., sur la production d'une copie de l'acte original dûment légalisée, qui mentionne qu'est né le [...] 2015 à Villahermosa, Etat de Tabasco (Mexique), U... P... D... E... M... O... E... né le [...] à Tarbes (Hautes-Pyrénées) ; qu'aucune indication n'est donnée dans l'acte de naissance de l'enfant concernant sa mère ; que le requérant produit un certificat de loi et de coutume en date du 1er octobre 2018 établi par Me Damaris Sanchez Coria, avocate de nationalité mexicaine, laquelle certifie que « le contrat de gestation pour autrui entre M. I... E... et la mère porteuse est totalement valable et qu'au moment de la gestation et de la naissance du mineur, le code civil en vigueur dans la juridiction de l'Etat de Tabasco permettait d'exercer ces droits à toute personne, célibataire ou mariée, de nationalité mexicaine ou étrangère, sans distinction d'ethnie, de race ou de préférence sexuelle » ; que s'il est acquis que le recours à la gestation pour autrui ne fait pas obstacle en lui-même à l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né de cette procréation, il incombe au requérant de produire les éléments permettant à la cour d'apprécier si les conditions d'adoptabilité sont remplies et si l'adoption plénière sollicitée est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que le seul certificat de coutume produit ne contient pas les éléments d'information utiles sur la naissance de l'enfant et sur la mère ainsi que sur les modalités selon lesquelles la mère ayant accouché de l'enfant aurait renoncé à l'établissement de sa filiation maternelle, et ce de manière définitive ; que les seules affirmations contenues dans ce certificat ne peuvent suppléer ni l'absence de production des dispositions légales applicables au jour de la naissance de l'enfant et notamment des textes cités dans ce certificat de loi et de coutume, ni l'absence de production de l'acte par lequel la mère a renoncé à voir figurer son nom dans l'acte de naissance de l'enfant (arrêt avant-dire droit du 27 novembre 2018) ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 353 du code civil, l'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal de grande instance qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant ; qu'aux termes de l'article 345-1 du code civil, l'adoption plénière de l'enfant du conjoint est permise lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint ; qu'en l'espèce, il résulte de la copie d'acte de naissance de l'état civil de Nantes que l'enfant U..., P..., D... E... né le [...] 2015 à Villahermosa, Etat de Tabasco (Mexique) n'a de filiation établie qu'à l'égard de son père, M. I... E... ; que l'enfant a dès lors été conçu par contrat de gestation pour autrui, ce qui a été confirmé par M. E... lors de l'audience ; que cette naissance a donc procédé d'une violation par M. E... des dispositions de l'article 16-7 du code civil qui dispose que toute convention portant sur la procréation ou la gestion pour le compte d'autrui est nulle ; que cette nullité est d'ordre public, en application de l'article 16-9 du code civil ; que la première chambre civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 6 avril 2011, avait jugé qu'il est contraire au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour autrui, qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil ; que la première chambre civile de la Cour de Cassation a récemment admis, dans un arrêt du 5 juillet 2017, que le recours à la gestation pour autrui à l'étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l'adoption par l'époux du père, de l'enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l'adoption sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant ; que toutefois, cette instance concernait une demande d'adoption simple et non pas plénière de l'enfant du conjoint ; que l'état du droit positif français contient toujours l'interdiction de la gestation pour autrui en France ; qu'ainsi, il convient d'étudier l'incidence de la violation de la prohibition française de la gestation pour autrui au regard de l'intérêt de l'enfant, conformément à la jurisprudence en vigueur de la CEDH ; qu'en effet, dans toutes décisions qui le concernent, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale, en application de l'article 3 §1 de la Convention de New-York relative aux droits de l'enfant ; que selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le juge doit vérifier au cas par cas si le refus de faire droit à une demande au motif d'une telle violation représente ou non une atteinte disproportionnée à l'intérêt de l'enfant, notamment à son droit au respect de sa vie familiale et de sa vie privée ; qu'en l'espèce l'enfant U... E... a une filiation paternelle établie à l'égard de son père biologique, M. I... E..., qui l'élève depuis sa naissance ; que M. R... Q... s'occupe également de U... depuis sa naissance et est reconnu comme un second père par l'entourage, ainsi que le montrent les nombreuses attestations et photographies versées au dossier ; qu'il existe de nombreux moyens juridiques pour donner un statut à M. R... Q... vis-à-vis de l'enfant (délégation d'autorité parentale, tuteur testamentaire, enfant légataire successoral, droit de visite d'un tiers en cas de séparation du couple) ; que l'absence de lien juridique de filiation entre M. R... Q... et l'enfant âgé de 18 mois n'est aucunement préjudiciable à l'enfant ; qu'ainsi, refuser en l'espèce d'accorder l'adoption plénière de l'enfant U... par M. R... Q... ne représente pas une atteinte disproportionnée à l'intérêt de l'enfant, notamment à son droit au respect de sa vie familiale et de sa vie privée ; qu'il est contraire au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour autrui, qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil ; que M. R... Q... sera donc débouté de sa demande ; 1°) ALORS QU'en application de l'article 345-1 du code civil, l'adoption plénière de l'enfant du conjoint est permise lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint ; que le recours à la gestation pour autrui à l'étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l'adoption sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant ; que l'enfant a droit au respect de sa vie privée et familiale et, dans toutes les décisions qui le concernent, son intérêt supérieur doit être une considération primordiale ; que l'intérêt supérieur de l'enfant comprend l'identification en droit des personnes qui ont la responsabilité de l'élever, de satisfaire à ses besoins et d'assurer son bien-être, ainsi que la possibilité de vivre et d'évoluer dans un milieu stable ; que l'impossibilité d'obtenir la reconnaissance du lien entre un enfant né d'une gestation pour autrui pratiquée à l'étranger et le parent d'intention n'est pas conciliable avec l'intérêt supérieur de l'enfant ; que le droit au respect de la vie privée, au sens de l'article 8 de la Convention, d'un enfant né à l'étranger à l'issue d'une gestation pour autrui, requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d'un lien de filiation entre cet enfant et le parent d'intention ; qu'en conséquence, les conditions dans lesquelles la femme enceinte de substitution a refusé de faire reconnaitre son lien de filiation et a renoncé à reconnaître l'enfant n'ont pas à être prises en compte pour apprécier l'intérêt supérieur de l'enfant lorsque l'existence d'une vie familiale et de liens affectifs a été constatée entre l'enfant et le parent d'intention ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les conditions légales pour l'adoption plénière de l'enfant U... E... par M. R... Q..., conjoint de M. I... E..., père de U..., étaient remplies (arrêt, p. 4) ; que la cour d'appel a encore constaté que M. Q... s'occupait de U... depuis sa naissance et était reconnu comme un second père par l'entourage (jugement, p. 3) ; qu'en déboutant néanmoins M. Q... de sa demande d'adoption plénière de U... E..., par des motifs inopérants tirés notamment de ce qu'il demandait l'établissement d'un lien de filiation par une adoption plénière, et non une adoption simple (jugement, p. 3), ou encore de ce que rien ne permettait d'appréhender les modalités selon lesquelles la femme ayant accouché de U... aurait renoncé à l'établissement de la filiation maternelle de manière définitive, notamment si elle avait été informée des conséquences juridiques de son acte et de l'importance pour toute personne de connaître son nom et son histoire, ni dans quelles conditions et dans quelle intention l'enfant U... avait été remis à son père, ni des conditions dans lesquelles le consentement de cette femme à l'adoption de U... avait été donné (arrêt, p. 4), la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser le fait que la mesure d'adoption plénière n'était pas conforme à l'intérêt supérieur de U... et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 345-1 du code civil ainsi que des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 § 1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ; 2°) ALORS QUE le législateur a limité l'établissement d'un double lien de filiation à l'égard de deux personnes du même sexe à la voie de l'adoption de l'enfant de son conjoint, de sorte que seule la voie de l'adoption est ouverte au parent d'intention de même sexe que le parent biologique pour faire reconnaitre son lien de filiation avec ledit enfant ; que les mécanismes de délégation partage de l'autorité parentale, de désignation de tuteur testamentaire et le droit des libéralités ne sont pas suffisants pour garantir à l'enfant, à l'égard de son parent d'intention, les mêmes droits que ceux résultant de l'établissement d'une filiation par adoption ; qu'en énonçant par motifs adoptés, pour considérer qu'il n'était pas dans l'intérêt supérieur de U... de voir établi un lien de filiation avec M. Q..., qu'il existait de nombreux moyens juridiques pour donner à ce dernier un statut vis-à-vis de l'enfant et que l'absence de lien de filiation n'était aucunement préjudiciable à celui-ci, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser le fait que la mesure d'adoption plénière n'était pas conforme à l'intérêt supérieur de U... et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 345-1 du code civil ainsi que des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 § 1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ; 3°) ALORS QUE, en tout état de cause, M. Q... faisait valoir, avec offre de preuve, qu'il était impossible de produire un document démontrant le consentement de Mme L... à l'adoption de U... par M. Q... ni la renonciation de cette dernière à des droits sur l'enfant dont elle avait accouché dans la mesure où, conformément au droit mexicain alors en vigueur dans l'état de Tabasco, Mme L... n'étant pas biologiquement le parent de l'enfant, conçu avec un don d'ovocyte, elle n'avait juridiquement aucun lien avec U... ni aucun droit sur ce dernier de sorte que l'enfant n'avait juridiquement pas de mère, ni au sens du droit mexicain, ni au sens du droit français (concl, p. 7 à 9) ; que M. Q... versait notamment aux débats un document de la direction générale du registre civil de l'Etat de Tabasco du 10 décembre 2015 attestant que le contrat de gestation pour autrui conclu était « conforme aux exigences de la loi » de sorte que l'officier d'Etat civil autorisait l'inscription de la naissance de l'enfant au registre d'état civil, l'original du contrat étant annexé au registre ; qu'il ressortait de ces écritures et de ce document que les conditions dans lesquelles Mme L... avait accouché de l'enfant U... et les conditions dans lesquelles ce dernier avait été remis à son père, M. E..., étaient parfaitement décrites et conformes à la loi mexicaine ; que M. Q... n'avait pas refusé de livrer à la cour des éléments d'information essentiels sur la naissance de U... mais démontrait au contraire que cette naissance avait eu lieu conformément aux dispositions de la loi mexicaine alors en vigueur et dans le respect des droits de Mme L... , le contrat de gestation pour autrui ayant été examiné par les autorités mexicaines et annexé au registre de l'état civil ; que la cour d'appel, pour débouter M. Q... de sa demande, s'est bornée à énoncer que « rien ne permet en l'espèce d'appréhender les modalités dans lesquelles la femme ayant accouché de U... aurait renoncé à l'établissement de la filiation maternelle et ce de manière définitive, notamment si elle a été informée des conséquences juridiques de son acte et de l'importance pour toute personne de connaître son nom et son histoire, ni dans quelles conditions et dans quelle intention l'enfant U... a été remis à son père. Il en est de même, a fortiori, du consentement de cette femme à l'adoption de l'enfant dont elle a accouché, par le mari du père, dans des conditions qui viendraient, s'agissant d'une adoption plénière, à rendre impossibles à l'avenir, et de manière complète et irrévocable, tout établissement légal d'un lien de filiation maternelle et toute relation avec l'enfant. Dans ces conditions, et face au refus de l'appelant de livrer les éléments d'information essentiels sur la naissance de U..., en particulier ceux contenus dans le contrat de gestation pour autrui lequel détermine les conditions dans lesquelles Mme L... s'est abstenue de toute reconnaissance de l'enfant, la cour ne peut en conclure que l'adoption sollicitée, exclusivement en la forme plénière, et avec les effets définitifs qui s'attachent à cette dernière, soit conforme à l'intérêt de l'enfant lequel ne peut s'apprécier qu'au vu d'éléments biographiques suffisants » (arrêt, p. 4) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé (conclusions, p. 7), si les documents produits, et notamment l'autorisation donnée à l'officier de l'état civil de la commune de CENTRO, Etat du TABASCO, en date du 10 décembre 2015, pour établir l'acte de naissance mexicain, ne démontrait pas que l'acte de naissance comportant le seul nom du père était conforme à la loi mexicaine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 345-1 du code civil ; 4°) ALORS QUE, en outre, en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si l'impossibilité de produire un document attestant de la renonciation de Mme L... à ses droits sur l'enfant et l'absence de reconnaissance par cette dernière d'un lien de filiation avec l'enfant dont elle avait accouché étaient dues à l'état du droit en vigueur dans l'état de Tabasco au Mexique, lieu de naissance de l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 345-1 du code civil ; 5°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, en application de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le fait d'interdire à un père d'intention d'adopter l'enfant de son conjoint, alors même que les conditions légales pour le faire sont remplies, constitue une ingérence disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du parent d'intention lorsque ce dernier ne dispose d'aucun autre mécanisme lui permettant d'établir un lien de filiation avec l'enfant d'intention et que les mécanismes juridiques lui permettant de mener une vie privée et familiale à l'égard de l'enfant sont précaires ; qu'au cas présent, il est constant que seule la voie de l'adoption était ouverte à M. Q... pour faire reconnaître son lien de filiation avec U... E..., le législateur ayant limité l'établissement d'un double lien de filiation à l'égard de deux personnes du même sexe à la voie de l'adoption de l'enfant de son conjoint ; que pour débouter M. Q... de sa demande d'adoption, la cour d'appel a estimé que les mécanismes juridiques autres que l'adoption, tels la « délégation de l'autorité parentale, tuteur testamentaire, enfant légataire successoral, droit de visite d'un tiers en cas de séparation du couple », permettaient de donner un statut à M. Q... vis-à-vis de l'enfant (jugement, p. 3) ; qu'en statuant ainsi, sur le fondement de mécanismes précaires en ce qu'ils sont, pour la plupart, conditionnés à l'accord exprès du parent dont le lien de filiation a été reconnu, et donc subordonnés à la bonne entente du couple, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à écarter une ingérence disproportionnée de l'Etat dans le droit au respect de la vie privée et familiale de M. Q..., violant l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 6°) ALORS QU'en application de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ; que cette disposition interdit de traiter de manière différente, sans justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables et prohibe les discriminations liées notamment à l'orientation sexuelle des personnes ; qu'en application de l'article 356 du code civil, l'adoption plénière a pour effet de conférer à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine ; que l'adopté cesse d'appartenir à sa famille par le sang et l'adoption ne laisse subsister la filiation d'origine qu'à l'égard du conjoint et de sa famille dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que toutes les conditions légales permettant l'adoption plénière de l'enfant par M. Q... étaient réunies ; que cette adoption devait avoir pour effet de substituer la filiation maternelle d'origine de l'enfant à la filiation de M. Q... tout en laissant subsister la filiation d'origine à l'égard de M. E... ; que, pour débouter M. R... Q... de sa demande d'adoption plénière de l'enfant U... P... D... E..., la cour d'appel s'est fondée sur le fait que M. Q... et M. E... avaient eu recours à une convention de gestation pour autrui à l'étranger et que l'adoption plénière par M. Q... aurait pour effet de rendre impossible tout établissement légal d'un lien de filiation maternelle et toute relation avec l'enfant ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'adoption plénière a nécessairement pour effet de substituer la filiation de l'adoptant à la filiation d'origine de l'adopté, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a en réalité débouté M. Q... de sa demande en raison de son orientation sexuelle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a créé une différence de traitement non justifiée entre l'adoption plénière au sein d'un couple hétérosexuel et un couple homosexuel, violant l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 356 du code civil.
Le droit français n'interdit pas le prononcé de l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né à l'étranger d'une gestation pour autrui lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l'acte de naissance de l'enfant, qui ne fait mention que d'un parent, a été dressé conformément à la législation étrangère, en l'absence de tout élément de fraude. Dès lors, prive sa décision de base légale une cour d'appel qui, pour rejeter une demande d'adoption plénière, retient que rien ne permet d'appréhender les modalités selon lesquelles la femme ayant accouché aurait renoncé de manière définitive à l'établissement de la filiation maternelle et qu'il en est de même du consentement de cette femme à l'adoption de l'enfant, par le mari du père, de sorte que, dans ces conditions, il ne peut être conclu que l'adoption sollicitée, exclusivement en la forme plénière, soit conforme à l'intérêt de l'enfant, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les documents produits ne démontraient pas que l'acte de naissance, comportant le seul nom du père, était conforme à la loi de l'Etat étranger et qu'en l'absence de lien de filiation établi avec la femme ayant donné naissance à l'enfant, l'adoption plénière était possible
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 642 FS-P+B+I Pourvoi n° M 19-50.042 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 Le procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 19-50.042 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. A... M..., 2°/ à M. I... E..., domiciliés [...] ), défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de MM. M... et E..., et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Poinseaux, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mai 2019), V... E... est né le [...] 2011 à Bombay (Inde) de M. E..., de nationalité française. L'acte de naissance indien de l'enfant n'indique aucune filiation maternelle. Le 18 octobre 2012, M. E... a reconnu l'enfant devant l'officier de l'état civil de la ville de Paris (11e arrondissement). Le 15 décembre 2015, l'acte de naissance a été transcrit par le consul général de France à Bombay. Le 18 mars 2016, M. E... a épousé M. M..., de nationalité française, devant l'officier de l'état civil de la ville de Paris (11e arrondissement). 2. Par requête du 26 juillet 2016, M. M... a formé une demande d'adoption plénière de l'enfant V.... Recevabilité du pourvoi contestée par la défense 3. MM. E... et M... soulèvent l'irrecevabilité du pourvoi, en application de l'article 979 du code de procédure civile, au motif que la décision confirmée par l'arrêt attaqué n'aurait pas été remise au greffe dans le délai de dépôt du mémoire ampliatif. 4. Cependant, il résulte des productions que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 octobre 2017 prononçant l'adoption de l'enfant, confirmé par l'arrêt attaqué, a été remis au greffe dans le délai du mémoire ampliatif. 5. Le pourvoi est donc recevable. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. Le procureur général près la cour d'appel de Paris fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande d'adoption plénière, alors « que l'acte d'état civil doit comporter le nom de la mère qui accouche afin qu'il soit conforme à la « réalité » au sens des dispositions de l'article 47 du code civil précité ; qu'en refusant de considérer que l'acte de naissance de l'enfant qui omet de mentionner la filiation maternelle est irrégulier en droit français, la cour d'appel de Paris a violé l'article susmentionné. » Réponse de la Cour 8. Aux termes de l'article 16-7 du code civil, toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle, ces dispositions étant d'ordre public. 9. Cependant, le recours à la gestation pour autrui à l'étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l'adoption sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant. 10. Aux termes de l'article 370-3 du code civil, les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant. 11. Aux termes de l'article 345-1, 1°, du même code, l'adoption plénière de l'enfant du conjoint est permise lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint. 12. Aux termes de l'article 47 du même code, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. 13. L'arrêt en déduit exactement que le droit français n'interdit pas le prononcé de l'adoption par l'époux du père de l'enfant né à l'étranger de cette procréation lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l'acte de naissance de l'enfant, qui ne fait mention que d'un parent, a été dressé conformément à la législation étrangère, en l'absence de tout élément de fraude. 14. Il relève que le recours à la gestation pour autrui par des étrangers, y compris célibataires non résidents, demeurait possible en Inde lors de la conception en 2010 et de la naissance en 2011 de l'enfant, ce que ne conteste pas le procureur général, qui ne critique que la légalité, au regard du droit indien, de l'établissement de l'acte de naissance de l'enfant, lequel ne fait état que de la filiation paternelle de M. E... à l'exclusion de toute filiation maternelle. 15. Il ajoute que, si les dispositions de l'article 19 b de la loi indienne de 1886 et de l'article 29 de la loi indienne du 31 mai 1969 n'autorisent pas l'établissement ou l'enregistrement d'un acte de naissance d'un enfant né hors mariage avec la mention d'un père sans celle de la mère, il ressort du guide des bonnes pratiques rédigé en 2005 par le Conseil indien de la recherche médicale et du projet de loi sur les technologies reproductives assistées (ART) de 2008, révisé en 2010, que la situation des enfants nés d'une gestation pour autrui était régie par ces textes, les projets de loi ART de 2008 et de 2010 servant, dans l'attente de leur adoption définitive et de leur promulgation, de lignes directrices pour l'établissement des actes de naissance des enfants nés selon cette méthode d'assistance médicale à la procréation. Il constate que l'application de ces derniers textes par les juridictions indiennes est confirmée par la décision rendue le 18 novembre 2011 par la Cour de district de Delhi et relève que, selon l'article 35 du projet de loi ART de 2010, « dans le cas d'une femme célibataire, l'enfant sera l'enfant légitime de la femme, et dans le cas d'un homme seul, l'enfant sera l'enfant légitime de l'homme » et que « l'acte de naissance d'un enfant né grâce à l'aide à la procréation assistée doit contenir le nom du ou des parents, selon le cas, qui a demandé une telle utilisation ». 16. Il relève encore que la possibilité de dresser un acte de naissance ou d'enregistrer une naissance en ne faisant mention que de la filiation du père sans celle de la femme ayant accouché est confirmée par la directive adressée le 16 septembre 2011 par le directeur adjoint des services de santé de l'État du Maharashtra au directeur adjoint du service de santé de l'hôpital de F... selon laquelle dans le cas de parents d'intention célibataires les certificats doivent être émis en mentionnant leurs noms, qui peut être la mère ou le père mentionnant inconnu pour l'autre nom. 17. Il précise que le procureur général ne saurait se fonder sur les dispositions du projet de loi indienne sur les technologies reproductives assistées de 2014, qui n'était pas applicable au jour de l'établissement de l'acte de naissance de l'enfant, et dont il ne soutient pas que ses dispositions seraient rétroactives. 18. Il en déduit que l'acte de naissance de l'enfant, qui mentionne comme père M. E... sans faire mention de la gestatrice, a été établi conformément aux dispositions de la législation indienne et qu'il ne saurait donc être reproché au requérant un détournement ou une fraude. 19. Il relève enfin que MM. M... et E... versent aux débats le contrat de gestation pour autrui conclu le 29 octobre 2010 entre M. E..., d'une part, Mme H... et son époux, d'autre part. 20. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que l'acte de naissance de l'enfant avait été régulièrement dressé en application de la loi indienne et qu'en l'absence de filiation maternelle établie en Inde, l'adoption d'V... par M. M... était légalement possible. 21. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Paris Il est fait grief à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris d'avoir fait droit à la demande d'adoption plénière AUX MOTIFS PROPRES QUE: «... le recours à la gestation pour autrui à l'étranger ne fait pas, par lui même, obstacle au prononcé de l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l'adoption sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant. La seule circonstance que M. E... se soit rendu en Inde pour recourir à la gestation pour autrui, serait-ce dans l'intention de rendre l'enfant à naître adoptable par son conjoint, ne suffit pas àfaire obstacle au prononcé de l'adoption dès lors que les conditions légales de celle-ci sont réunies et qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant. Il ne saurait être prétendu que les démarches entreprises par M E... ayant abouti à ce que l'enfant naisse au moyen d'une gestation pour autrui avec l'établissement d'un acte de naissance indien dans lequel ne figure pas le nom de la femme ayant accouché de l'enfant afin qu'il soit rendu adoptable par M. M..., constitue un détournement de l'institution de l'adoption, telle que prévue par l'article 345-1 du code civil, ou une fraude. En effet, le droit français n'interdit pas le prononcé de l'adoption par l'époux du père de l'enfant né à l'étranger de cette procréation, cette adoption ne résultant pas d'un détournement ou d'une fraude lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l'acte de naissance de l'enfant qui ne fait mention que d'un parent d'intention a été dressé conformément à la législation étrangère en l'absence de tout élément de fraude. S'agissant du recours à la gestation pour autrui par des étrangers, y compris célibataires non résidents en Inde, le ministère public ne conteste pas qu'elle demeurait possible dans ce pays lors de la conception en 2010 et de la naissance en 2011 de l'enfant. En revanche, le ministère public critique la légalité au regard du droit indien de l'établissement de l'acte de naissance de l'enfant (ou enregistrement de la naissance) qui ne fait état que de la filiation paternelle de M E... à l'exclusion de toute filiation maternelle. Si les dispositions de l'article 19b de la loi indienne de 1886 et de l'article 29 de la loi indienne du 31 mai 1969 n'autorisent pas l'établissement (ou l'enregistrement) d'un acte de naissance d'un enfant né hors mariage avec la mention d'un père sans celle de la mère, il ressort du guide des bonnes pratiques rédigé en 2005 par le Conseil indien de la Recherche Médicale (ICMR) et du projet de loi sur les Technologies Reproductives Assistées (ART) de 2008, révisé en 2010, que la situation des enfants nés d'une gestation pour autrui était régie par ces textes, les projets de loi ART de 2008 et de 2010 servant, dans l'attente de leur adoption définitive et de leur promulgation, de lignes directrices pour l'établissement des actes de naissance des enfants nés selon cette méthode d'assistance médicale à la procréation. L'application de ces derniers textes par les juridictions indiennes est confirmée par la décision rendue le 18 novembre 2011 par la cour de district de Delhi. Selon l'article 35 du projet de loi ART de 2010, « (3) Dans le cas d'une femme célibataire, l'enfant sera l'enfant légitime de la femme, et dans le cas d'un homme seul, l'enfant sera l'enfant légitime de l'homme... (7) L'acte de naissance d'un enfant né à l'aide de la procréation assistée doit contenir le nom du ou des parents, selon les cas, qui a demandé une telle utilisation ». La possibilité de dresser un acte de naissance (ou d'enregistrer une naissance) en ne faisant mention que de la filiation du père d'intention sans celle de la femme ayant accouché est encore confirmée par la directive adressée le 16 septembre 2011 par le directeur adjoint des services de santé de l'Etat du Maharashtra au directeur adjoint du service de santé de l'hôpital de F... selon laquelle «dans le cas de parents [d'intention] célibataires les certificats doivent être émis en mantionnant leurs noms, qui peut être la mère ou le père mentionnant inconnu pour l'autre nom », en faisant état au besoin d'un « incident ». Le ministère public ne saurait se fonder sur les dispositions du projet de loi indienne sur les Technologies Reproductives Assistées de 2014 qui n'était pas applicable au jour de l'établissement de l'acte de naissance de l'enfant et dont il ne soutient pas que ses dispositions seraient rétroactives. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'affirme le ministère public, l'acte de naissance de l'enfant qui mentionne comme père M. E... sans faire mention de la mère a été établi conformément aux dispositions de la législation indienne et il ne saurait être reproché un stratagème, un détournement ou une fraude, étant précisé que cet acte de naissance a fait l'objet d'une transcription complète le 15 décembre 2015 au consulat général de Bombay. De plus MM. M... et E... versent aux débats le contrat de gestation pour autrui (Surrogacy Agreement) conclu le 29 octobre 2010 entre M. I... E..., d'une part, et Mme S... H... et son époux M. H.... Conformément aux dispositions de l'article 348-1 du code civil, M. I... E..., qui est le seul parent à l'égard duquel la filiation de l'enfant est établie, a donné son consentement à l'adoption. L'article 345-3 du même code autorise l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, lorsque l'enfant n'a defiliation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint. S'agissant de l'intérêt de l'enfant, M. M... a été associé dès la signature du contrat de gestation pour autrui au projet parental puisque ce contrat prévoyait en son article 4.16 qu'il était désigné par M. E... pour exercer tous les droits parentaux s'il décédait avant la naissance de l'enfant. L'implication de M. M... dans l'entretien et l'éducation de l'enfant depuis sa naissance et jusqu'à ce jour est établie par les nombreuses attestations versées aux débats (pièces n°12 à 21 versées par les intimés). Il en ressort que depuis sa naissance, l'enfant est éduqué au sein du foyer composé de MM. E... et M.... il est donc dans l'intérêt de l'enfant de consacrer cette relation filiale entretenue par M. M... et de prononcer l'adoption plénière requise en application de l'article 345-1 du code civil ». ALORS : 1°) que l'acte d'état civil doit comporter nom de la mère qui accouche afin qu'il soit conforme à la «réalité» au sens des dispositions de l'article 47 du code civil précité ; qu'en refusant de considérer que l'acte de naissance de l'enfant qui omet de mentionner la fIliation maternelle est irrégulier en droit français, la cour d'appel de PARlS a violé l'article susmentionné ; 2°) que, dans ses conclusions d'appel (page 4 paragraphes 6, 7, 8 et 9), le ministère public soutenait d'une part que : «Au cas d'espèce, le juge de l'adoption n'est pas en mesure d'exercer le contrôle qui lui incombe de l'adoptabilité de l'enfant à l'égard de sa mère, qui, comme l'a indiqué le procureur en première instance, «passe par l'examen de la validité de l'acte d'abandon» et de «son consentement libre et éclairé au regard des exigences de la loi française». Le juge doit, en effet, vérifIer à la fois «si les conditions de la loi sont réunies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant (article 353 du code civil), c'est à dire la légalité et l'opportunité de la requête. En l'espèce, on ignore tout de la mère de l'enfant et, en particulier, si elle a ou non conservé des liens avec lui, alors qu'en l'état des pièces communiquées, il est impossible de s'assurer qu'elle a renoncé de façon irrévocable à ses droits sur l'enfant." et qu'en l'état du droit positif, la fIction légale de la fIliation adoptive plénière, qui tend à assimiler l'adopté à un enfant légitime, vis à vis du parent d'intention, apparaît difficilement transposable au cas d'espèce. et, d'autre part que : reprenant à nouveau ravis du procureur devant les premiers juges : «l'institution de l'adoption a été mise en place pour pallier l'absence de parents due à un accident de la vie, et se propose, au service de l'enfant, de reconstruire un lien parental dans l'intérêt supérieur de l'enfant ; cette dernière ne peut aboutir à ce détournement institutionnel qui, par la volonté d'un père biologique, conduit à la naissance d'un enfant rendu délibérément adoptable ab initio » ; de fait, l'absence de filiation maternelle résultant des seules volontés conjuguées du père biologique et du père d'intention, lors de rétablissement de l'acte de naissance de l'enfant à l'étranger, prive le juge de l'adoption, saisi par le père d'intention d'une requête d'adoption plénière de l'enfant du conjoint, d'exercer de manière effective son office de contrôle de radoptabilité de l'enfant au regard du droit français ; ainsi, en écartant de facto l'examen de la validité de l'acte d'abandon et du consentement libre et éclairé de la mère qui a accouché, au regard des exigences de la loi française, la cour d'appel de PARlS a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 353 du code civil ainsi que llarticle 455 du code de procédure civile.
Le droit français n'interdit pas le prononcé de l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né à l'étranger de gestation pour autrui lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l'acte de naissance de l'enfant, qui ne fait mention que d'un parent, a été dressé conformément à la législation étrangère, en l'absence de tout élément de fraude
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 644 FS-P+B Pourvoi n° D 19-17.559 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 M. B... J..., domicilié [...] ), a formé le pourvoi n° D 19-17.559 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [...] , défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. J..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Poinseaux, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2018), M. B... J..., né le [...] à Pondichéry, a introduit une action déclaratoire de nationalité en raison de sa filiation avec un père français né sur le territoire de Pondichéry et une mère née en Inde anglaise et devenue française par son mariage. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. M. J... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'est pas français, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve fournis par les parties ; qu'en n'examinant pas les documents français produits par M. J... pour établir sa nationalité française, documents dont il n'était pas contesté ou constaté qu'ils n'étaient pas produits, la cour d'appel a violé les articles 455 et 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 3. Le moyen, qui critique des motifs surabondants de l'arrêt, est inopérant. Sur le second moyen Enoncé du moyen 4. M. J... fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que, conformément à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la nationalité, effet de la filiation, relève de la vie sociale et familiale d'un individu, à travers le lien qu'il entretient avec ses parents égaux entre eux et avec la société de ses parents ; qu'elle est donc incluse à ce titre dans le champ d'application de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en vertu de l'article 14 de cette convention, aucune distinction dans l'exercice de ce droit ne peut être fondée sur des critères tenant au sexe ; que l'article 5 du traité bilatéral de 1962 interdit à l'enfant mineur, né d'une mère française restée française, de conserver la nationalité française, si le père opte pour la nationalité indienne ; que, selon cet article, l'enfant conservera la nationalité française si son père est français, même si sa mère est indienne ; qu'il perdra, en revanche, la nationalité française bien que sa mère soit française, si son père devient indien ; que l'article 5 aboutit ainsi à ce que des enfants placés dans une même situation, enfants de parents dont l'un conserve la nationalité française et pas l'autre, voient leur nationalité française dépendre du sexe du parent français ; que cette disposition consacre une inégalité entre les filiations paternelle et maternelle, comme entre l'homme et la femme ou encore entre les parents, reposant sur le sexe du parent ; qu'une telle disposition discriminatoire porte atteinte au droit à la vie privée et familiale ; qu'en ne l'écartant pas, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 55 de la Constitution ; 2°/ que les buts légitimes susceptibles de justifier une ingérence dans l'exercice des droits à la vie privée et familiale sont la sécurité nationale, la sûreté publique, le bien-être économique du pays, la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aucun de ces buts ne recouvre celui de préserver l'identité de la population des anciens établissements français cédés à l'Inde par le choix d'une disposition qui privilégie la nationalité du père sur celle de la mère ; que l'article 5 du traité de 1962 ne poursuit pas un but légitime justifiant une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ; qu'en refusant d'écarter son application parce qu'il ne violerait pas l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé ledit article ; 3°/ que constitue une discrimination, même si l'assurance au droit à une nationalité est préservée, la détermination des nationaux d'un Etat par application de critères discriminatoires à raison du sexe du parent ; qu'en retenant que la détermination par un Etat de ses nationaux ne peut constituer une discrimination au sens de cet article dès lors qu'est assuré, comme en l'espèce, le droit à une nationalité, quand ce droit est assuré par le recours à un critère discriminatoire, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son article 8 ; 4°/ que la poursuite d'un but légitime ne constitue pas en soi une justification objective et raisonnable justifiant une discrimination ou une ingérence dans un droit fondamental ; qu'il faut encore que la mesure constitutive d'une ingérence en cause soit nécessaire dans une société démocratique au regard du but poursuivi, adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi ; qu'en se limitant à affirmer que les règles gouvernant la conservation de la nationalité française poursuivaient le but légitime de préserver l'identité de la population des anciens établissements français cédés à l'Inde et constituaient ainsi une justification objective et raisonnable, assimilant ainsi le but légitime et les modalités de la mesure prises pour l'atteindre, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5°/ que l'ingérence dans l'exercice d'un droit fondamental fondée sur une discrimination n'est justifiée que si elle est nécessaire dans une société démocratique au regard du but poursuivi, adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi ; que la détermination par un Etat de ses nationaux par application d'un critère discriminatoire fondé sur le sexe du parent n'est ni adéquat, ni proportionné au but poursuivi qu'il s'agisse pour cet Etat de déterminer ses nationaux ou de conserver l'identité de la population des anciens établissements français cédés à l'Inde ; que ces objectifs peuvent parfaitement être atteints par une disposition respectueuse de l'égalité entre les hommes et les femmes, entre les filiations maternelle et paternelle, et entre les parents ; qu'en faisant application de l'article 5 du traité de 1962 parce qu'il ne violerait pas les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé lesdits articles ; 6°/ que l'article 9 de la convention multilatérale des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ratifiée par la France et entrée en vigueur le 3 septembre 1981, prévoit que les femmes doivent avoir des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants ; que l'article 5 du traité bilatéral entre la France et l'Inde de 1962 dispose que la nationalité des enfants mineurs suit celle du père seul ; que cette disposition établit une discrimination fondée sur le sexe du parent ; qu'émanant d'un traité bilatéral antérieur elle doit s'effacer devant les dispositions claires et précises émanant de traités multilatéraux postérieurs énonçant des droits fondamentaux tels que l'égalité entre l'homme et la femme ; qu'en n'écartant pas l'application de l'article 5 du traité de 1962 et en refusant de reconnaître la nationalité française de M. J... par filiation avec sa mère restée française, la cour d'appel a violé l'article 9.2 de la Convention des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ensemble l'article 55 de la Constitution ; 7°/ que l'article 5 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que « les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution » ; que l'article 5 du traité bilatéral entre la France et l'Inde de 1962 fait produire plus de conséquences juridiques à la filiation paternelle qu'à la filiation maternelle pour les enfants du couple ; qu'il établit une inégalité entre les parents dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage en faisant prévaloir la nationalité du père sur celle de la mère ; qu'émanant d'un traité bilatéral antérieur l'article 5 du traité de 1962 doit s'effacer devant les dispositions de l'article 5 du protocole n° 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonçant des droits fondamentaux tels que l'égalité entre les parents vis-à-vis de leurs enfants, et nécessairement entre le père et la mère ; qu'en n'écartant pas l'application de l'article 5 du traité de 1962 et en refusant de reconnaître la nationalité française de M. J... par filiation avec sa mère restée française parce que son père n'avait pas fait le choix de conserver la nationalité française, la cour d'appel a violé l'article 5 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 55 de la Constitution de 1955 et le préambule de la Constitution de 1946. » Réponse de la Cour 5. L'arrêt retient à bon droit, par motifs adoptés, que la détermination par un Etat de ses nationaux, par application de la loi sur la nationalité, ne peut constituer une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'est assuré le droit à une nationalité (1re Civ., 25 avril 2007, pourvoi n° 04-17.632, Bull. 2007, I, n° 159). 6. Le moyen ne fait état d'aucune incidence concrète de l'application du Traité de cession des établissements français de Pondichéry, F..., W... et E... à l'Union indienne du 28 mai 1956 sur la vie privée et familiale de M. J.... 7. M. J... n'a invoqué devant la cour d'appel ni la convention des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ni le Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 8. Dès lors, le moyen, nouveau et mélangé de fait en ses sixième et septième branches, comme tel irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. J... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. J... PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. B... J... n'est pas français, AUX MOTIFS QUE par application de l'article 30 du code civil, il appartient à M. B... J..., qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française de rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française sont remplies ; que le certificat de nationalité française délivrée à un tiers, serait-elle sa mère, n'a pas pour effet de renverser la charge de la preuve qui pèse sur l'appelante ; qu'en cause d'appel, le ministère public soulève une contestation quant à la formalité de l'apostille des actes de l'état civil indien versés aux débats par l' appelante ; que pour être reconnus en France, les actes de l'état civil dressés en Inde doivent être revêtus de l'apostille conformément à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers (la Convention de La Haye) ; que l'article 3 de la Convention de La Haye dispose que «La seule formalité qui puisse être exigée pour attester la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu, est l'apposition de l'apostille définie à l'article 4, délivrée par l'autorité compétente de l'État d'où émane le document » ; que l'article 4 précise que « L'apostille prévue à l'article 3, alinéa premier, est apposée sur l'acte lui-même ou sur une allonge; elle doit être conforme au modèle annexé à la présente Convention » ; que, comme le relève justement le ministère public, certains actes de l'état civil indien versés aux débats par l'appelante sont soit dépourvus d'apostille, soit comportent une apostille incomplète ou non conforme au modèle prévu par la Convention de La Haye ; que l'acte de naissance de l'appelant (pièce n°1.1) ne comporte pas au recto le nom du signataire de l'acte mais seulement sa qualité (Registar) ; que le nom du Registar est précisé au verso de l'acte sur un simple tampon signé de P. O..., Under Secretary to Govt., qui n'est pas conforme au modèle prévu par la Convention de La Haye ; que l'apostille figurant à côté de ce tampon, outre qu'elle ne comporte pas le nom du Registar mais seulement sa qualité, fait une mention erronée du timbre dont l'acte est revêtu puisqu'il vise celui de l'Under Secretary to Govt ; que les mêmes irrégularités affectent l'acte de mariage de l'appelant avec Mme X... D... ; que les autres actes d'état civil versés par l'appelant n'ont pas fait l'objet de la formalité de l'apostille ; que les actes de l'état civil indien versés par M. B... J... aux débats ne pouvant pas être reconnus en France, l'appelant ne justifie pas qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française ; que le jugement est donc confirmé ; ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve fournis par les parties ; qu'en n'examinant pas les documents français produits par M. J... pour établir sa nationalité française, documents dont il n'était pas contesté ou constaté qu'ils n'étaient pas produits, la cour d'appel a violé les article 455 et 16 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. B... J... n'est pas français ; AUX MOTIFS ADOPTES QUE le contenu [de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne], notamment les droits qu'elle reconnaît, n'est qu'une reprise de ceux reconnus par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales. En particulier, le droit d'acquérir une nationalité plutôt qu'une autre n'y figure pas davantage que dans celle-ci, parmi les droits et libertés protégés. En tout état de cause, d'une part, en application de l'article 4 du Traité, le droit d'option étant ouvert tant à l'homme qu'à la femme, il n'existait pas de discrimination par le sexe pour conserver la nationalité française. D'autre part, si l'enfant suivait la condition de son père, la détermination par un Etat de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination au sens tant de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'est assuré, comme en l'espèce, le droit à une nationalité. Enfin, et en toute hypothèse, une distinction est discriminatoire lorsqu'elle est privée de justification objective et raisonnable, au sens de la charte et de la convention précitées. Or, les règles gouvernant la conservation de la nationalité française poursuivaient un but légitime, celui de préserver l'identité de la population des anciens Etablissements français cédés à l'Inde ; 1°) ALORS QUE, conformément à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la nationalité, effet de la filiation, relève de la vie sociale et familiale d'un individu, à travers le lien qu'il entretient avec ses parents égaux entre eux et avec la société de ses parents ; qu'elle est donc incluse à ce titre dans le champ d'application de l'article 8 de la convention européenne ; qu'en vertu de l'article 14 de cette convention, aucune distinction dans l'exercice de ce droit ne peut être fondée sur des critères tenant au sexe ; que l'article 5 du traité bilatéral de 1962 interdit à l'enfant mineur, né d'une mère française restée française, de conserver la nationalité française, si le père opte pour la nationalité indienne ; que, selon cet article, l'enfant conservera la nationalité française si son père est français, même si sa mère est indienne ; qu'il perdra, en revanche, la nationalité française bien que sa mère soit française, si son père devient indien ; que l'article 5 aboutit ainsi à ce que des enfants placés dans une même situation, enfants de parents dont l'un conserve la nationalité française et pas l'autre, voient leur nationalité française dépendre du sexe du parent français ; que cette disposition consacre une inégalité entre les filiations paternelle et maternelle, comme entre l'homme et la femme ou encore entre les parents, reposant sur le sexe du parent ; qu'une telle disposition discriminatoire porte atteinte au droit à la vie privée et familiale ; qu'en ne l'écartant pas, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la CEDH, ensemble l'article 55 de la Constitution ; 2°) ALORS QUE les buts légitimes susceptibles de justifier une ingérence dans l'exercice des droits à la vie privée et familiale sont la sécurité nationale, la sûreté publique, le bien-être économique du pays, la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aucun de ces buts ne recouvre celui de préserver l'identité de la population des anciens établissements français cédés à l'Inde par le choix d'une disposition qui privilégie la nationalité du père sur celle de la mère ; que l'article 5 du traité de 1962 ne poursuit pas un but légitime justifiant une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ; qu'en refusant d'écarter son application parce qu'il ne violerait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la cour d'appel a violé ledit article ; 3°) ALORS QUE constitue une discrimination, même si l'assurance au droit à une nationalité est préservée, la détermination des nationaux d'un Etat par application de critères discriminatoires à raison du sexe du parent ; qu'en retenant que la détermination par un Etat de ses nationaux ne peut constituer une discrimination au sens de cet article dès lors qu'est assuré, comme en l'espèce, le droit à une nationalité, quand ce droit est assuré par le recours à un critère discriminatoire, la cour d'appel a violé l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble son article 8 ; 4°) ALORS QUE la poursuite d'un but légitime ne constitue pas en soi une justification objective et raisonnable justifiant une discrimination ou une ingérence dans un droit fondamental ; qu'il faut encore que la mesure constitutive d'une ingérence en cause soit nécessaire dans une société démocratique au regard du but poursuivi, adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi ; qu'en se limitant à affirmer que les règles gouvernant la conservation de la nationalité française poursuivaient le but légitime de préserver l'identité de la population des anciens établissements français cédés à l'Inde et constituaient ainsi une justification objective et raisonnable, assimilant ainsi le but légitime et les modalités de la mesure prises pour l'atteindre, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 5°) ALORS QUE, en toute hypothèse, l'ingérence dans l'exercice d'un droit fondamental fondée sur une discrimination n'est justifiée que si elle est nécessaire dans une société démocratique au regard du but poursuivi, adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi ; que la détermination par un Etat de ses nationaux par application d'un critère discriminatoire fondé sur le sexe du parent n'est ni adéquat, ni proportionné au but poursuivi qu'il s'agisse pour cet Etat de déterminer ses nationaux ou de conserver l'identité de la population des anciens établissements français cédés à l'Inde ; que ces objectifs peuvent parfaitement être atteints par une disposition respectueuse de l'égalité entre les hommes et les femmes, entre les filiations maternelle et paternelle, et entre les parents ; qu'en faisant application de l'article 5 du traité de 1962 parce qu'il ne violerait pas les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la cour d'appel a violé lesdits articles : 6°) ALORS QUE, l'article 9 de la convention multilatérale des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ratifiée par la France et entrée en vigueur le 3 septembre 1981, prévoit que les femmes doivent avoir des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants ; que l'article 5 du traité bilatéral entre la France et l'Inde de 1962 dispose que la nationalité des enfants mineurs suit celle du père seul ; que cette disposition établit une discrimination fondée sur le sexe du parent ; qu'émanant d'un traité bilatéral antérieur elle doit s'effacer devant les dispositions claires et précises émanant de traités multilatéraux postérieurs énonçant des droits fondamentaux tels que l'égalité entre l'homme et la femme ; qu'en n'écartant pas l'application de l'article 5 du traité de 1962 et en refusant de reconnaître la nationalité française de M. J... par filiation avec sa mère restée française, la cour d'appel a violé l'article 9.2 de la convention des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ensemble l'article 55 de la Constitution ; 7°) ALORS QUE l'article 5 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales énonce que « les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution» ; que l'article 5 du traité bilatéral entre la France et l'Inde de 1962 fait produire plus de conséquences juridiques à la filiation paternelle qu'à la filiation maternelle pour les enfants du couple ; qu'il établit une inégalité entre les parents dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage en faisant prévaloir la nationalité du père sur celle de la mère ; qu'émanant d'un traité bilatéral antérieur l'article 5 du traité de 1962 doit s'effacer devant les dispositions de l'article 5 du protocole n°7 de la CEDH énonçant des droits fondamentaux tels que l'égalité entre les parents vis-à-vis de leurs enfants, et nécessairement entre le père et la mère ; qu'en n'écartant pas l'application de l'article 5 du traité de 1962 et en refusant de reconnaître la nationalité française de M. J... par filiation avec sa mère restée française parce que son père n'avait pas fait le choix de conserver la nationalité française, la cour d'appel a violé l'article 5 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ensemble l'article 55 de la Constitution de 1955 et le préambule de la Constitution de 1946.
La détermination par un Etat de ses nationaux, par application de la loi sur la nationalité, ne peut constituer une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'est assuré le droit à une nationalité (1re Civ., 25 avril 2007, pourvoi n° 04-17.632, Bull. 2007, I, n° 159 (rejet)). Est rejeté le pourvoi qui ne fait état d'aucune incidence concrète de l'application du Traité de cession des établissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon à l'Union indienne du 28 mai 1956 sur la vie privée et familiale du demandeur qui a engagé une action déclaratoire de nationalité française
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 647 FS-P+B Pourvoi n° N 19-18.280 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 M. A... H... R..., domicilié [...] ), a formé le pourvoi n° N 19-18.280 contre l'arrêt rendu le 26 février 2019 (RG n° 17/14270) par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, service civil, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01, défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. R..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Poinseaux, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 février 2019), M. A... H... R..., originaire du Bénin où il est né en [...], a introduit une action déclaratoire de nationalité fondée sur son lien de filiation paternelle et la double naissance en France de son père et de son grand-père. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. M. R... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'est pas français, alors : « 1°/ que la preuve du lieu de naissance peut être rapportée par tout moyen, notamment par tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays qui fait foi ; qu'en retenant, pour juger que la qualité d'originaire du territoire français d'outre-mer du Dahomey du grand-père paternel de M. A... R... n'était pas démontrée et dire que ce dernier n'est pas de nationalité française, que les actes de mariage et de décès de O... B... R... n'étaient pas de nature à suppléer l'absence de tout acte de naissance probant de ce dernier, quand ces actes d'état civil faisaient foi de la naissance de celui-ci dans le territoire français, la cour d'appel a violé les articles 30-1 et 47 du code civil ; 2°/ que la preuve du lieu de naissance peut être rapportée par tout moyen, notamment par tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays qui fait foi ; qu'en retenant, pour juger que la qualité d'originaire du territoire français d'outre-mer du Dahomey du grand-père paternel de M. A... R... n'était pas démontrée et dire que ce dernier n'est pas de nationalité française, que les actes de naissance des enfants de O... B... R... n'étaient pas de nature à suppléer l'absence de tout acte de naissance probant de ce dernier, quand ces actes d'état civil étranger faisaient foi de la naissance de celui-ci dans le territoire français, la cour d'appel a violé les articles 30-1, 34 et 47 du code civil ; 3°/ que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu'en retenant, pour juger que la qualité d'originaire du territoire français d'outre-mer du Dahomey du grand-père paternel de M. A... R... n'était pas démontrée et dire que ce dernier n'est pas de nationalité française, que les actes de mariage et de décès de O... B... R..., ainsi que les actes de naissance des enfants de O... B... R... n'étaient pas de nature à suppléer l'absence de tout acte de naissance probant de ce dernier, sans caractériser une cause susceptible de justifier d'écarter le caractère probant de ces derniers actes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 47 du code civil. » Réponse de la Cour 3. Après avoir retenu que le jugement supplétif d'acte de naissance produit par M. R... pour justifier du lieu de naissance de son grand-père paternel ne remplit pas les conditions exigées par la convention franco-béninoise relatives à la reconnaissance des décisions rendues en matière civile au Bénin, l'arrêt énonce exactement que ni les actes de mariage et de décès du grand-père, ni les actes de naissance de ses enfants, ni son livret catholique ne sont de nature à suppléer l'absence de tout acte de naissance probant au sens de l'article 47 du code civil. 4. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. A... H... R... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. A... H... R... Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé que M. A... R... n'était pas de nationalité française ; AUX MOTIFS QUE « M. A... H... R..., se disant né le [...] à Cotonou (Bénin) de B... N... I... R..., né le [...] à Agoué, Mono, Grand-Popo (Dahomey, actuel Bénin) soutient qu'il est français en application de l'article 18 du code civil ; qu'il fait valoir que son père, né de parents originaires du Dahomey, O... J... R..., né [...] à Godomey et U... P... C... W... L... , née [...] à Cotonou, mariés le [...] , est français en application de l'article 23, 2° du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, rendue applicable aux territoires d'Outre-mer par décret du 24 février 1953, en sa qualité d'enfant né en France d'un père qui y est également né et à l'égard duquel sa filiation est régulièrement établie, et qu'il a conservé sa nationalité française en tant qu'originaire d'un des anciens territoires français d'outre-mer comme ayant établi son domicile de nationalité hors de l'un de ces territoires lors de leur indépendance ; que l'appelant n'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il lui appartient en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française ; qu'il doit rapporter la preuve d'un état civil fiable et certain aux moyens d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil qui dispose que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » ; que l'efficacité des jugements étrangers concernant l'état des personnes est reconnue en France, sous réserve du contrôle de leur régularité internationale ; que la reconnaissance d'une décision étrangère non motivée, lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d'équivalents à la motivation défaillante et à permettre le contrôle de la régularité de la décision, est contraire à la conception française de l'ordre public international ; qu'B... N... I... R..., père de l'appelant, étant âgé d'un an lors de l'indépendance du Dahomey, il incombe à l'appelant de démontrer que son grand-père paternel, O... B... R..., était français à sa naissance et a pu conserver cette nationalité lors de l'indépendance du Dahomey ; que l'appelant produit pour justifier de la naissance de son grand-père paternel, un jugement supplétif d'acte d'état de naissance n°217 rendu le 30 octobre 1984 par le tribunal de conciliation d'E... T... au profit de O... B... R..., le disant né [...] à Godomey, transcrit le 10 janvier 1986 par l'officier d'état civil, après homologation le 20 février 1985 ; qu'en premier lieu, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la copie certifiée conforme de ce jugement, délivrée non par le greffier en chef de la juridiction qui a rendu ledit jugement mais par le maire de la commune d'E... T..., ne lui confère aucune authenticité au regard de l'article 49 de la convention franco-béninoise de coopération judiciaire signée le 27 février 1975 ; qu'en second lieu, il résulte de cette copie de jugement supplétif, que n'y figure pas le nom du magistrat qui l'aurait homologué le 20 février 1985, que ne sont indiqués ni le nom du requérant, ni les raisons pour lesquelles cette naissance de 1925 n'a pas été déclarée ou aucun acte dressé et pour quel motif il y aurait en conséquence lieu d'y suppléer, qu'il peut encore être ajouté que n'est pas désigné le Tribunal de première instance auquel appartiendrait le juge qui l'a homologué ; que l'absence de documents de nature à servir d'équivalents à la motivation défaillante de ce jugement supplétif et à permettre le contrôle de sa régularité, s'oppose à sa reconnaissance dans l'ordre juridique français ; que ce jugement supplétif de naissance ne remplit pas ainsi les conditions exigées par l'article 44 de la convention franco-béninoise relatif à la reconnaissance de plein droit en France des décisions contentieuses ou gracieuses rendues en matière civile, commerciale et sociale, sur le territoire de la République du Dahomey (Bénin) ; que contrairement ce que soutient l'appelant, ni les actes de mariage et de décès de O... B... R..., ni les actes de naissance de ses enfants, ni son livret catholique, ne sont de nature à suppléer l'absence de tout acte de naissance probant de son grand-père paternel au sens de l'article 47 du code civil ; qu'en outre, l'appelant soutient que son père, B... N... I... R..., à défaut de pouvoir tenir sa nationalité française par filiation de O... B... R..., pourrait tenir cette nationalité française de sa mère, U... P... C... W... L... , née [...] à Cotonou (Dahomey) ; que cependant, la copie certifiée conforme délivrée par la mairie de Cotonou le 28 mars 2012 du jugement supplétif d'acte de naissance n° 3459 du 8 décembre 1956 de U... P... C... W... L... , lequel ne comporte ni le nom du requérant, ni le nom des témoins, ni le nom du juge qui l'a rendu, et qui n'est pas motivé, comme la copie intégrale de l'acte d'état civil produite, qui n'est que la transcription de ce jugement et ne peut pas avoir plus de force probante, ne sont pas susceptibles, pour les mêmes motifs que ceux exposés s'agissant de l'état civil du grand-père paternel de l'appelant, d'établir un état civil certain de sa grand-mère paternelle ; que ce jugement supplétif est au surplus contredit par l'acte de mariage de l'intéressée qui mentionne qu'elle est née à Lomé au Togo et le jugement rectificatif d'acte de mariage daté du 31 juillet 2013 portant notamment sur son lieu de naissance, qui mentionne avoir été rendu sur la requête de O... B... R... alors que celui-ci est décédé le 14 janvier 2004, est manifestement contraire à la conception française de l'ordre public international ; qu'enfin, la circonstance que l'appelant échoue à justifier d'un état civil certain et fiable, au sens de l'article 47 du code civil, de O... B... R... et de U... P... C... W... L... , ses grands-parents paternels, ne permet pas de considérer que son père B... N... I... R... serait dès lors français comme étant né en France de parents inconnus ; qu'ainsi, la qualité d'originaire du Dahomey de O... B... R... n'étant pas démontrée, pas plus que celle de U... P... C... W... L... , la nationalité française de B... N... I... R... par double droit du sol n'est pas établie ; que dans ces conditions, le tribunal de grande instance de Paris a exactement jugé qu'il n'était pas dès lors besoin de rechercher si lors de l'indépendance du Dahomey, il avait pu conserver la nationalité française en établissant son domicile de nationalité hors de l'un des États de la Communauté lorsqu'ils sont devenus indépendants ; que le jugement qui a dit que M. A... H... R..., se disant né le [...] à Cotonou (Bénin), n'est pas de nationalité française sera donc confirmé » (arrêt, p. 2-4) ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE « sur la nationalité française à la naissance et conservée lors de l'accession à l'indépendance du Bénin, de M. B... N... I... R..., au fond, il résulte de la pièce n°1 qui consiste en son acte de naissance transcrit au service central de l'état civil de Nantes que Monsieur B... N... I... R... est né le [...] à Agoué, Mono, Grand-Popo au Dahomey actuel Bénin, de M. O..., B... R..., né [...] à Godomey au Dahomey et de Mme U... W... D... née en [...] à Cotonou au Dahomey ; qu'en application des dispositions de l'article 23 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, rendue applicable aux territoires d'Outre-Mer par décret du 24 février 1953, le requérant doit démontrer son lien de filiation d'enfant né sur le sol français à savoir au Dahomey avant l'indépendance de celui-ci, d'un père, B... R..., également né en [...] au Dahomey c'est-à-dire dans les Anciens territoires français d'outre-mer, afin de rapporter la preuve de français originaire de ce territoire, puis démontrer que son domicile de nationalité était fixé, à l'indépendance de ce territoire, hors de celui-ci ; que l'article 23 précité disposait qu'est Français l'enfant légitime d'un père qui y était lui-même né (1°) ou naturel né en France, lorsque celui de ses parents à l'égard duquel la filiation a d'abord été établie est lui-même né en France (2°) ; que par ailleurs, l'article 4 du décret du 24 février 1953 précisait que par dérogation à l'article 27 du code de la nationalité française, la filiation produit effet en matière d'attribution de la nationalité française lorsqu'elle est établie non seulement dans les conditions déterminées par la loi civile française, mais aussi par la réglementation ou par les règles coutumières applicables aux personnes qui ont conservé leur statut civil particulier ; qu'aux termes de l'article 311-14 du code civil, issu de la loi du 3 janvier 1972 mais applicable aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de cette loi fut-ce dans un territoire anciennement sous souveraineté française, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; que s'agissant de la loi personnelle de la mère en l'espèce, le jugement supplétif d'acte de naissance de Mme U... W... L... du 8 décembre 2008 reproduit dans la copie intégrale d'acte de naissance produite en pièce n°2, non contesté, précise que cette dernière est née vers [...] à Cotonou ; que la loi applicable à l'établissement de la filiation est donc celle du Dahomey ; que le droit coutumier du Dahomey est resté en vigueur jusqu'à l'adoption par le Bénin d'un code des personnes et de la famille du 24 août 2004 ; qu'il résulte de celui-ci que les enfants naturels simples sont à la famille de la mère ; qu'en cas de mariage de leurs auteurs, ils se trouvent légitimés et appartiennent au père ; qu'en conséquence le droit coutumier du Dahomey ne régit pas en tant que telles les conditions d'établissement de la filiation naturelle paternelle ; qu'il résulte toutefois de plusieurs décisions judiciaires produites aux débats et notamment d'une décision de la cour de cassation du 22 octobre 2008 et d'une décision de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2010, que les usages du Dahomey admettaient que pour l'établissement de la filiation naturelle paternelle, la mention du nom du père dans l'acte de naissance sur la simple affirmation de la mère – sans déclaration de naissance par le père lui-même, valant reconnaissance – suffisait, l'enfant étant alors considéré comme tacitement reconnu en l'absence de contestation du père ; qu'en l'espèce toutefois la déclaration de naissance de M. B... N... I... R... n'est pas résulté de la mère, ni du père, mais de Mme K... S... , « sage-femme » ; qu'ainsi, la coutume permettant de rattacher l'enfant au père sur déclaration de la naissance et du nom du père par la mère, ne trouve pas à s'appliquer ; que la production de la copie intégrale de l'acte de mariage de ses parents, en pièce n°4 selon laquelle « M. O..., B... R..., né [...] à Godomey au Dahomey et Mme U... W... L... se sont mariés le [...] à Lomé au Togo, la déclaration du mariage ayant été faite le 28 octobre 1965 », en revanche, permet d'établir ce lien de filiation ; que si le droit coutumier du Dahomey selon lequel l'enfant légitime rentre dans la famille de son père et appartient à ce dernier, ne prévoit pas expressément les modalités d'établissement de la filiation, le code civil français s'applique tout autant à la situation de M. R... né en [...] avant que le Dahomey n'accède à l'indépendance ; qu'en application de l'article 56 du code civil en effet, la naissance de l'enfant légitime est déclarée par le père, ou, à défaut du père, par les docteurs en médecine ou en chirurgie, sages-femmes, officiers de santé ou autres personnes qui auront assisté à l'accouchement ; et lorsque la mère sera accouchée hors de son domicile, par la personne chez qui elle sera accouchée ; qu'en l'espèce, les parents de M. B... N... I... R... étant mariés au jour de sa naissance, la seule mention de la déclaration de cette naissance par la sage-femme ayant assisté à l'accouchement suffit à établir la filiation ; que le lien de filiation est donc établi entre M. B... N... I... R... et M. O... B... R... ; qu'afin que s'applique le double droit du sol à l'endroit de M. B... N... I... R..., et contrairement à ce qu'indiquent les requérants, la naissance sur le sol français de son père doit relever des actes de l'état civil le concernant, attestant de sa naissance en ce territoire afin que s'applique le double droit du sol ; qu'à ce titre, la mention de sa naissance au Dahomey sur l'acte de naissance de son fils n'est pas suffisante pour établir son lieu de naissance, qui doit ressortir de son propre acte de naissance ; qu'à ce sujet, la copie du jugement supplétif d'acte de naissance pour M. O... B... R... du 30 octobre 1984, est délivrée non par le greffier en chef de la juridiction concernée mais constitue une simple « copie certifiée conforme » par un représentant du Maire de la commune d'E... T..., ce qui, en application de la convention franco-béninoise de coopération judiciaire signée le 27 février 1975, ne lui confère aucune authenticité. ; que le requérant n'est pas indiqué sur cette copie ni le nom du magistrat qui l'aurait « homologué » le 20 février 1985, ni les raisons pour lesquelles cette naissance de 1925 n'a pas été déclarée ou aucun acte dressé alors que s'appliquait sur le territoire revendiqué à cette date le code civil français ; de sorte que les conditions posées par les articles 9 et suivants de l'arrêté n°4602 du 16 août 1950 relatif à l'état civil applicable en 1984 et 1985 au Bénin qui prévoient la procédure du jugement supplétif d'acte de naissance, ne peuvent être contrôlées ; qu'ainsi la régularité internationale des copies adressées comme la force probante des actes évoqués font défaut ; que l'extrait du registre d'état civil produit en pièce 3A reportant le jugement supplétif de naissance de M. O... B... R... n'est pas plus probant : il s'agit non d'une copie intégrale d'acte de naissance mais d'un simple extrait, dont les mentions reposent sur un jugement dont la régularité internationale n'est pas assurée ; que les mentions de ces copies et extrait sont d'ailleurs en contradiction avec l'acte de décès de M. O... B... R... qui le dit né « vers 1925 » alors que ces copies et extrait indiquent qu'il serait né « [...] » ; qu'ainsi la qualité d'originaire du Dahomey de M. O... B... R... n'est pas rapportée et la nationalité française de M. B... N... I... R... comme né dans un territoire français d'un père qui y était lui-même né n'est pas établie ; que contrairement à ce qu'évoquent les conclusions du Ministère public, la qualité d'originaire du Dahomey de la mère de M. B... N... I... R... n'est pas soutenue ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point ; qu'en conséquence, ne démontrant pas qu'il est né d'un père lui-même né sur le territoire français, M. B... N... I... R... ne fait pas la preuve de sa nationalité française à la naissance, sans qu'il soit besoin de rechercher plus avant si postérieurement, lors de l'accession de ce territoire à l'indépendance, il aurait pu conserver cette nationalité français en établissant son domicile de nationalité hors de l'un des États de la Communauté lorsqu'ils sont devenus indépendants ; que les requérants doivent donc être déboutés de leurs demandes ; qu'il sera jugé que M... F..., Z... V..., et A... H... R... ne sont pas de nationalité française ; qu'aux termes de l'article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité ; qu'il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité ; qu'en conséquence, cette mention sera en l'espèce ordonnée » (jugement, p. 5-8) ; 1°) ALORS QUE la preuve du lieu de naissance peut être rapportée par tout moyen, notamment par tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays qui fait foi ; qu'en retenant, pour juger que la qualité d'originaire du Territoire français d'outre-mer du Dahomey du grand-père paternel de M. A... R... n'était pas démontrée et dire que ce dernier n'est pas de nationalité française, que les actes de mariage et de décès de O... B... R... n'étaient pas de nature à suppléer l'absence de tout acte de naissance probant de ce dernier, quand ces actes d'état civil faisaient foi de la naissance de celui-ci dans le Territoire français, la cour d'appel a violé les articles 30-1 et 47 du code civil ; 2°) ALORS QUE la preuve du lieu de naissance peut être rapportée par tout moyen, notamment par tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays qui fait foi ; qu'en retenant, pour juger que la qualité d'originaire du Territoire français d'outre-mer du Dahomey du grand-père paternel de M. A... R... n'était pas démontrée et dire que ce dernier n'est pas de nationalité française, que les actes de naissance des enfants de O... B... R... n'étaient pas de nature à suppléer l'absence de tout acte de naissance probant de ce dernier, quand ces actes d'état civil étranger faisaient foi de la naissance de celui-ci dans le Territoire français, la cour d'appel a violé les articles 30-1, 34 et 47 du code civil ; 3°) ALORS QUE tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu'en retenant, pour juger que la qualité d'originaire du Territoire français d'outre-mer du Dahomey du grand-père paternel de M. A... R... n'était pas démontrée et dire que ce dernier n'est pas de nationalité française, que les actes de mariage et de décès de O... B... R..., ainsi que les actes de naissance des enfants de O... B... R... n'étaient pas de nature à suppléer l'absence de tout acte de naissance probant de ce dernier, sans caractériser une cause susceptible de justifier d'écarter le caractère probant de ces derniers actes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 47 du code civil.
Ni les actes de mariage et de décès d'un ascendant, ni les actes de naissance de ses enfants, ni son livret catholique ne sont de nature à suppléer l'absence de tout acte de naissance probant de cet ascendant au sens de l'article 47 du code civil alors que  le jugement supplétif d'acte de naissance produit pour justifier du lieu de naissance d'un ascendant ne remplit pas les conditions exigées par la convention franco-béninoise relative à la reconnaissance des décisions rendues en matière civile au Bénin
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 648 FS-P+B Pourvoi n° V 19-50.027 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 Le procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié en son parquet général, 1 place Pollinchove, BP 20507, 59507 Douai cedex, a formé le pourvoi n° V 19-50.027 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à Mme Y... G..., épouse F..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de Mme G..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 janvier 2019), Mme G..., originaire d'Algérie, a contracté mariage en 1998, dans ce pays, avec un Français. Cette union a été transcrite sur les registres de l'état civil français le 30 juillet 2007. Mme G... a souscrit, le 6 mai 2014, une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, laquelle a été enregistrée le 9 février 2015. 2. Le 14 mars 2016, le ministère public l'a assignée en nullité de cet enregistrement, en soutenant que l'état de bigamie de son conjoint français excluait toute communauté de vie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 4. Le ministère public fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la déclaration d'acquisition de la nationalité française par mariage souscrite par Mme G..., alors : « 1°/ qu'en application l'article 26-4, alinéa 3, du code civil, l'enregistrement d'une déclaration acquisitive nationalité française peut, en cas de mensonge ou de fraude, être contesté par le ministère public dans le délai de deux ans à compter de leur découverte ; que ce texte ne distingue pas, en matière d'acquisition de la nationalité française par mariage, selon l'époux auteur du mensonge ou la fraude; qu'en l'espèce, lors de la déclaration de nationalité française souscrite le 6 mai 2014 par Mme G..., le nouveau mariage de M. F... avec Mme P..., célébré 10 novembre 2010, a été dissimulé ; que dès lors, en retenant l'existence d'une vie commune entre Mme G... et M. F..., sans reconnaître la fraude commise lors de la souscription de la déclaration, peu important que cette fraude émane de M. F... ou des deux époux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°/ que la communauté de vie requise pour acquérir la nationalité française par mariage, et à laquelle s'obligent les époux en application de l'article 215 du code civil, est un élément de la conception monogamique française du mariage ; que la bigamie est incompatible avec l'existence d'une communauté de vie au sens de l'article 21-2 du code civil ; que la cour d'appel a constaté la bigamie de l'époux en relevant que M. F... s'est marié en 1998 avec Mme G... puis le 10 novembre 2010 avec Mme P... ; que dès lors, en considérant qu'en dépit de la nouvelle union de M. F... en 2010, la persistance de la vie commune avec Mme G... au jour de la déclaration était caractérisée par le fait que les époux avaient fondé une famille nombreuse et avaient un domicile commun, la cour d'appel a violé l'article 21-2 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : 5. Selon ce texte, l'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage. 6. La situation de bigamie d'un des époux à la date de souscription de la déclaration, qui est exclusive de toute communauté de vie affective, fait obstacle à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger. 7. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que les époux ont vécu ensemble pendant près de vingt ans et donné naissance à cinq enfants dont les deux derniers sont nés sur le territoire français en 2005 et 2013, ce qui caractérise l'existence d'une intention matrimoniale persistante ainsi qu'une communauté de vie réelle et constante au sens de l'article 215 du code civil. 8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le conjoint français de Mme G... avait contracté en 2010 une nouvelle union, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, et 627 du code de procédure civile. 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Infirme le jugement du 19 octobre 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Lille, sauf en ce qu'il constate l'accomplissement de la formalité prescrite à l'article 1043 du code de procédure civile et déclare recevable l'action du procureur de la République ; Annule l'enregistrement effectué le 9 février 2015 de la déclaration de nationalité française souscrite par Mme Y... G... le 6 mai 2014 ; Constate l'extranéité de Mme G... ; Ordonne la mention prescrite par l'article 28 du code civil ; Condamne Mme G... aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Douai. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris qui avait débouté le ministère public de sa demande d'annulation de la déclaration d'acquisition de la nationalité française par mariage souscrite par Mme G..., Aux motifs que : "Le ministère public fait valoir que la situation de bigamie de M. F... suffit à établir que les conditions de la souscription par Mme G... d'une déclaration de nationalité française à raison de son mariage n'étaient pas remplies, sans que l'intéressée puisse l'ignorer, et que l'attestation sur l'honneur de communauté de vie produite par les époux au soutien de la déclaration de Mme G... était mensongère. Il résulte des mentions de la copie intégrale d'acte de naissance de M. D... F..., produite aux débats, que celui-ci a été marié à trois reprises : - en 1995, à Djemora (Algérie) avec Mme R... P..., leur divorce ayant ensuite été prononcé par jugement en date du 14 juillet 1998 ; - en 1998, à Djemora (Algérie), avec Mme Y... G... ; - le 20 novembre 2000 à Biskra (Algérie) avec Mme C... A..., ce mariage ayant été annulé par jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 7janvier 2010, devenu définitif. En outre, le document intitulé 'Extrait des registres des actes de mariage' communiqué par le ministère public porte mention du mariage célébré le 10 novembre 2010 à Djemora entre M. D... F..., né le [...] à Vitry le François en France et Mme R... P..., née le [...] à Batna en Algérie, l'acte d'état civil portant le n° 35 à la suite d'un jugement du 25 janvier 2011 de la Makhama de Biskra. Si cet acte comporte des erreurs d'orthographe sur le prénom et le nom de Mme P..., force est de constater que l'existence de l'acte d'état civil n° 35 relatif au mariage de M. F... et Mme P... est corroborée par l'extrait du livret de famille algérien sur le quel figure le nom de Mme P... en qualité de 2ème épouse à la suite du mariage célébré le 10 novembre 2011 à Djemora de sorte que la preuve du mariage célébré le 10 novembre 2010 entre M. F... et Mme P... est rapportée aux débats. L'article 215 du code civil dispose que les époux s'engagent mutuellement à une communauté de vie. Le respect de cette communauté de vie doit s'apprécier, pour l'application de l'article 21-2 du code civil précité, dans sa double dimension matérielle et affective. En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme G... a attendu le 6 mai 2014 pour souscrire sa déclaration de nationalité française alors que le mariage avait été transcrit sur les registres de l'état civil le 30 juillet 2007. En outre, la persistance de la communauté de vie de M. et Mme F... G... pendant près de 20 ans, qui n'est pas contestée par le ministère public, et le fait qu'ils aient fondé une famille nombreuse avec la naissance de cinq enfants dont les deux derniers sont nés sur le territoire français en 2005 et 2013 caractérisent l'existence d'une intention matrimoniale persistante ainsi qu'une communauté de vie réelle et constante au sens de l'article 215 du code civil précité. Ainsi, en dépit de la nouvelle union de M. F... en 2010, la communauté de vie tant affective que matérielle de Mme G... et de M. F... a persisté au jour de la souscription de la déclaration de nationalité, les deux époux ayant un domicile commun en France et ayant donné naissance à un enfant commun en 2013, démontrant une réelle volonté de vivre durablement en union. De plus, le tribunal a justement rappelé que la conception d'une vie commune dans le mariage excluant que les époux aient des secrets l'un pour l'autre, ne répond à aucun impératif législatif ou jurisprudentiel, le juge ayant pour unique mission d'apprécier la réalité de la communauté de vie existant entre les époux au jour de la souscription de la déclaration de nationalité française. Par ailleurs, le mariage de M. F... avec Mme A..., célébré le 20 novembre 2000 à Biskra, a été annulé par jugement du tribunal de grande instance de Nantes le 7 janvier 2010 de sorte qu'il ne rend pas caduque la déclaration de nationalité souscrite de bonne foi par Mme G... le 6 mai 2014 en vertu des dispositions de l'article 21-5 du code civil. En conséquence, la preuve de l'existence d'une communauté de vie réelle et constante de M. F... et Mme G... au jour de la souscription de la déclaration de nationalité étant rapportée aux débats, il y a lieu de débouter le ministère public de l'ensemble de ses demandes"; 1/ Alors qu'en application de l'article 26-4, alinéa 3, du code civil, l'enregistrement d'une déclaration acquisitive nationalité française peut, en cas de mensonge ou de fraude, être contesté par le ministère public dans le délai de deux ans à compter de leur découverte ; que ce texte ne distingue pas, en matière d'acquisition de la nationalité française par mariage, selon l'époux auteur du mensonge ou de la fraude ; qu'en l'espèce, lors de la déclaration de nationalité française souscrite le 6 mai 2014 par Mme G..., le nouveau mariage de M. F... avec Mme P..., célébré le 10 novembre 2010, a été dissimulé ; que dès lors, en retenant l'existence d'une vie commune entre Mme G... et M. F..., sans reconnaître la fraude commise lors de la souscription de la déclaration, peu important que cette fraude émane de M. F... ou des deux époux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2/ Alors que la communauté de vie requise pour acquérir la nationalité française par mariage, et à laquelle s'obligent les époux en application de l'article 215 du code civil, est un élément de la conception monogamique française du mariage ; que la bigamie est incompatible avec l'existence d'une communauté de vie au sens de l'article 21-2 du code civil ; que la cour d'appel a constaté la bigamie de l'époux en relevant que M. F... s'est marié en 1998 avec Mme G... puis le 10 novembre 2010 avec Mme P... ; que dès lors, en considérant qu'en dépit de la nouvelle union de M. F... en 2010, la persistance de la vie commune avec Mme G... au jour de la déclaration était caractérisée par le fait que les époux avaient fondé une famille nombreuse et avaient un domicile commun, la cour d'appel a violé l'article 21-2 du code civil ; 3/ Alors que le ministère public contestait toute communauté de vie entre les conjoints du fait de la bigamie de l'époux ; qu'en affirmant que la persistance de la communauté de vie entre M. et Mme F... G... n'était pas contestée par le ministère public, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du ministère public et a violé l'article 4 du code de procédure civile.
Selon l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, l'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage. La situation de bigamie d'un des époux à la date de souscription de la déclaration, qui est exclusive de toute communauté de vie affective, fait obstacle à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 649 FS-P+B Pourvoi n° W 19-20.772 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. I.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 4 juin 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 M. S... I..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 19-20.772 contre l'ordonnance rendue le 28 janvier 2019 par le premier président de la cour d'appel de Nîmes, dans le litige l'opposant : 1°/ au préfet du Gard, domicilié [...] , 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Nîmes, domicilié en son parquet général, [...], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. I..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Nîmes, 28 janvier 2019), et les pièces de la procédure, le 22 janvier 2019, les fonctionnaires de police ont effectué un contrôle de travail dissimulé sur un chantier de construction d'une maison individuelle et procédé au contrôle d'identité de M. I..., de nationalité albanaise. Celui-ci, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative. 2. Le 24 janvier 2019, le juge des libertés et de la détention a été saisi, par le préfet, d'une requête en prolongation de la mesure. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 3. M. I... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure, alors « qu'il résulte des dispositions de l'article L. 8271-6-1 du code du travail que les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, avec leur consentement, toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature ; que ces dispositions sont d'application stricte ; qu'en déclarant régulier le contrôle d'identité de M. I... sans constater son consentement à son audition, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 8271-6-1 du Code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 8211-1 et L. 8271-6-1 du code du travail : 4. Selon ces textes, les officiers et agents de police judiciaire sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal et sont habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu'à toute personne dont ils recueillent les déclarations dans l'exercice de leur mission, de justifier de leur identité et de leur adresse. 5. Il en résulte que les officiers et agents de police judiciaire ne peuvent obtenir ces justifications sans le consentement préalable des intéressés à être entendus. 6. Pour rejeter le moyen pris de l'irrégularité de la procédure, l'ordonnance relève que le contrôle de l'identité de M. I... est intervenu sur le fondement de l'article L. 8271-6-1 du code du travail. 7. En statuant ainsi, sans constater que celui-ci avait préalablement consenti à son audition, le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 28 janvier 2019 par le premier président de la cour d'appel de Nîmes ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. I.... Le moyen fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur I... ; Aux motifs que Monsieur le Préfet du GARD, dans sa requête d'appel datée du 25 janvier et par la voix de sa représentante à l'audience, fait valoir que l'intéressé a été contrôlé au visa des dispositions de l'article L. 8271-1 et suivants du code du travail qui permettent aux agents de contrôle d'assurer de tels contrôles, et dont font partie les agents et officiers de police judiciaire. Aux ternes de l'article L. 8211-1 du code du travail, modifié par Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 - art. 18 : « Sont constitutives de travail illégal, dans les conditions prévues par le présent livre, les infractions suivantes : / (...) /4° Emploi d'étranger non autorisé à travailler » ; Article L. 8271-l du code du travail, modifie par Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 – art. 84 : « Les infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 dans la limite de leurs compétences respectives en matière de travail illégal ». Article L 8271-1-2 du code du travail modifié par Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 – art. 113 (V) : « Les agents de contrôle compétents en application de l'article L. 8271-1 sont : / ( ) / 2° Les officiers et agents de police judiciaire » ; qu'en l'espèce, il ressort du procès-verbal que les officiers de police judiciaire constatent « qu'un lotissement de construction de maisons individuelles est en cours d'élévation ». Il est précisé que dans le cadre de recherche infractions à la législation du droit du travail, sur le fondement des articles L. 8211-1 et suivants du Code du travail, ils décident de procéder à des contrôles d'identité ; que comme le relève le premier juge, il n'est pas exposé que le contrôle d'identité a été déclenché pour un motif figurant à l'article 78-2 du code de procédure pénale car seuls les articles L. 8211-1 et suivants du Code du travail sont visés lors de l'interpellation. A cette occasion, l'identité de Monsieur S... I... est alors vérifiée ; qu'aux termes de l'article L. 8211-1 du code du travail, modifié par Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 - art. 18 : « Sont constitutives de travail illégal, dans les conditions prévues par le présent livre, les infractions suivantes : / (...) /4° Emploi d'étranger non autorisé à travailler » ; Article L. 8271-l du code du travail, modifié par LOI n° 2011-672 du 16 juin 2011 – art. 84 : « Les infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 dans la limite de leurs compétences respectives en matière de travail illégal » ; Article L. 8271-1-2 du code du travail modifié par Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 – art. 113 (V) : « Les agents de contrôle compétents en application de l'article L. 8271-1 sont : / ( ) / 2° Les officiers et agents de police judiciaire » ; qu'en l'espèce, il ressort du procès-verbal que les officiers de police judiciaire constatent « qu'un lotissement de construction de maisons individuelles est en cours d'élévation ». Il est précisé que dans le cadre de recherche infractions à la législation du droit du travail, sur le fondement des articles L. 8211-1 et suivants du Code du travail, ils décident de procéder à des contrôles d'identité. Comme le relève le premier juge, il n'est pas exposé que le contrôle d'identité a été déclenché pour un motif figurant à l'article 78-2 du code de procédure pénale car seuls les articles L. 8211-1 et suivants du Code du travail sont visés lors de l'interpellation. A cette occasion, l'identité de Monsieur S... I... est alors vérifiée. Aux termes de l'article 78-2-1 du Code de procédure pénale qui dispose : « Sur réquisitions du procureur de la République, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaires adjoints mentionnés aux article 20 et 21 (1°) sont habilités à entrer dans les lieux à usage professionnel, ainsi que dans leurs annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile, où sont en cours des activités de construction, de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou de commercialisation, ( ) ». Comme le relève également le premier juge, ce contrôle est exclusif de l'application de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale qui suppose des réquisitions écrites du procureur de la République, alors qu'aucune réquisition ne figure au dossier et les officiers de police judiciaire ne font pas référence à l'existence de telles réquisitions. Toutefois, aux termes de l'article L. 8271-6-1 du Code du travail : « Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s 'y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal. Conformément à l'article 28 du code de procédure pénale, l'article 61-1 du même code est applicable lorsqu'il est procédé à l'audition d'une personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. ( ) ; que le moyen portant sur l'irrégularité du contrôle sera écarté. Alors que, de première part, il résulte de l'article 78-2-1 alinéa 1er du Code de procédure pénale, que les officiers de police judiciaire, et sur l'ordre et la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaires sont habilités à entrer dans les lieux à usage professionnel, ainsi que dans leurs annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile, où sont en cours des activités de construction, de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou de commercialisation, en vue de contrôler l'identité des personnes occupées, dans le seul but de vérifier qu'elles figurent sur le registre ou qu'elles ont fait l'objet des déclarations mentionnées à l'alinéa précédent, sur réquisitions du procureur de la République ; qu'en déclarant régulier le contrôle d'identité de Monsieur I... après avoir constaté l'absence de réquisitions du procureur de la République au dossier ainsi que l'absence de référence du procès-verbal de à l'existence de telles réquisitions sur le fondement de l'article L. 8271-6-1 du Code du travail, le Premier Président de la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article 78-2-1 du Code de procédure pénale ; Alors que, de deuxième part, l'article L. 8271-6-1 du Code du travail figurant dans un chapitre 1er intitulé « Compétence des agents » énonce seulement que les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, avec leur consentement, toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature ; qu'en déclarant régulier le contrôle d'identité effectué sur le fondement de cette disposition, le Premier Président de la Cour d'appel l'a violée par fausse application ; Alors que, de troisième part, il résulte des dispositions de l'article L. 8271-6-1 du Code du travail que les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, avec leur consentement, toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature ; que ces dispositions sont d'application stricte ; qu'en déclarant régulier le contrôle d'identité de Monsieur I... sans constater son consentement à son audition, le Premier Président de la Cour d'appel a violé l'article L. 8271-6-1 du Code du travail.
Il résulte des articles L. 8211-1 et L. 8271-6-1 du code du travail que les officiers et agents de police judiciaire, dans leur mission de lutte contre le travail illégal, ne peuvent obtenir les justifications d'identité et d'adresse prévues par ces textes sans le consentement préalable des intéressés à être entendus
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 651 F-P+B Pourvoi n° T 19-14.421 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 1°/ Mme E... Y..., épouse V..., domiciliée [...] , 2°/ Mme C... Y..., épouse F..., domiciliée [...] , 3°/ Mme J... Q..., veuve Y..., domiciliée [...] , ont formé le pourvoi n° T 19-14.421 contre l'arrêt rendu le 13 février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-4), dans le litige les opposant à Mme K... O..., épouse G..., domiciliée [...] ), défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mmes Y... et de Mme Q..., de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme O..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 février 2019), R... L... est décédée le 21 août 1990, laissant pour lui succéder son époux commun en biens, D... Q..., et leur fille unique, A.... Aux termes de leur contrat de mariage, R... L... avait fait donation à son époux, pour le cas où il lui survivrait, de l'usufruit de tous les biens propres qu'elle laisserait le jour de son décès et qui composeraient sa succession. 2. A... Q... est décédée le 6 novembre 1997, laissant pour lui succéder son époux, W... O..., et son père. Celui-ci est décédé le 17 novembre 2000, en l'état d'un testament désignant en qualité de légataires universels Mme J... Q... et l'époux de celle-ci, P... Y.... W... O... est décédé le 7 janvier 2002, laissant pour lui succéder sa soeur, Mme K... O.... 3. Mme O... a assigné Mme Q... et P... Y... pour voir dire ces derniers tenus de restituer à la succession de A... Q..., sur le fondement de l'article 587 du code civil, une somme correspondant à l'usufruit de celles qu'D... Q... avait reçues de la succession de son épouse. 4. P... Y... étant décédé le 28 mars 2013, Mme O... a assigné en intervention forcée ses deux filles, E... et C.... Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 6. Mme Q... et Mmes Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à Mme O... la somme de 312 372,59 euros au titre de la créance de restitution des biens de la succession de A... Q... alors « que l'on ne peut hériter que des biens présents dans le patrimoine du défunt au jour de son décès ; que l'usufruit s'éteint par la mort de l'usufruitier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'D... Q... avait hérité de la totalité de l'usufruit des biens composant la succession de son épouse R... L..., et que A... Q... avait hérité de la totalité de la nue-propriété des mêmes biens ; que la cour d'appel a encore constaté que A... Q... était décédée en 1997, trois ans avant le décès d'D... Q... en l'an 2000 ; qu'en conséquence, au jour du décès de A... Q..., l'usufruit qu'exerçait D... Q... n'avait pas pris fin ; que ni l'usufruit, ni une créance de restitution à ce titre, n'étaient dès lors jamais entrés dans le patrimoine ni dans la succession de A... Q... ; que Mme K... O..., héritière de W... O..., lui-même héritier de A... Q..., ne pouvait donc prétendre à aucune créance de restitution au titre de l'usufruit exercé par D... Q... sur les biens composant la succession de R... L... ; que dès lors, en jugeant qu'au jour du décès d'D... Q..., l'usufruit qu'il exerçait avait rejoint la nue-propriété échue entre-temps à la succession de A... Q..., et que la créance de restitution revendiquée par Mme K... O... était justifiée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 587 du code civil, ensemble l'article 617 du même code. » Réponse de la Cour 7. L'arrêt relève qu'à son décès, R... L... a transmis à D... Q... l'usufruit de ses comptes bancaires et qu'en vertu de cet usufruit, celui-ci disposait, conformément à l'article 587 du code civil, du droit d'utiliser ces sommes mais à charge de rendre, à la fin de l'usufruit, soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution. 8. Il énonce ensuite, à bon droit, que, dès avant le décès de son père, en sa qualité de nue-propriétaire de ces sommes, A... Q... avait vocation à la pleine propriété de ces comptes, alors même qu'elle n'en était pas encore titulaire et n'en avait pas la jouissance. 9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a justement déduit qu'au décès d'D... Q..., cet usufruit avait rejoint la nue-propriété échue entre-temps à la succession de A... Q..., de sorte que ses légataires universels étaient tenus de restituer à la succession de celle-ci la valeur des comptes bancaires de R... L.... 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme Q... et Mmes Y... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme Q... et Mmes Y... et les condamne à payer à Mme O... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mmes Y... et Mme Q... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR, infirmant le jugement entrepris de ce chef, condamné in solidum Mme J... Q..., Mme E... V... et Mme X... F... à payer à Mme O... épouse G... la somme de 312 372,59 € au titre de la créance de restitution des biens de la succession de A... Q... ; AUX MOTIFS QU'« il est constant que R... L... et D... Q... étaient mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts aux termes d'un contrat de mariage en date du 16 mai 1922 ; qu'en vertu du contrat de mariage susvisé, D... Q... était donataire de la totalité en usufruit des biens composant la succession de son épouse laquelle est décédée le 21 août 1991 à Nice, laissant pour lui succéder son époux et leur fille A..., laquelle était héritière de la nue-propriété de la succession, au regard de la donation faite à son père de la totalité de l'usufruit ; que A... Q... est décédée le 6 novembre 1997, laissant pour héritiers son époux W... O..., à hauteur de la nue-propriété et des Y en usufruit, et son père, D... Q..., à hauteur de l'usufruit d'1/4 avec cette précision que A... Q... avait fait donation à son époux de l'universalité de sa succession ; que Mme O... indique qu'D... Q..., héritier réservataire de A... Q... en raison de la date de décès de celle-ci, a renoncé à la succession de sa fille, mais qu'elle n'en rapporte pas la preuve ; qu'en tout état de cause, la dévolution successorale de la succession de W... O... établie par Me H..., notaire, le 12 octobre 2009, porte que par suite du décès d'D... Q..., l'usufruit du quart de la succession de sa fille qui lui était échu s'est éteint au profit de W... O... ; qu'D... Q... est décédé le [...] à Nice laissant comme héritiers ses deux légataires universels, M. et Mme Y... Q... ; que W... O... est décédé le 7 janvier 2002, laissant pour lui succéder sa soeur, K... O... épouse G... ; que sur la restitution des sommes issues de la succession de R... L... à Mme K... O..., [cette dernière] sollicite la restitution des sommes issues de la succession de la mère de A... Q... et dont le père de celleci avait l'usufruit, et ce en sa qualité d'héritière de l'époux de A... Q... ; qu'elle se prétend donc créancière de la succession d'D... Q... ; que la déclaration de succession de R... L..., épouse d'D... Q..., fait état de l'existence d'un immeuble, à savoir un appartement [...] , et de comptes bancaires et de meubles pour un actif brut de 5 122 259,91 francs dont la moitié revient à la succession ; qu'au décès de sa mère, A... Q... est devenue nue-propriétaire de la moitié de l'immeuble et de la moitié des comptes bancaires figurant sur la déclaration, son père exerçant son usufruit sur la moitié des comptes dont elle était devenue propriétaire ; qu'il sera précisé que l'immeuble a été vendu en 1995 ; qu'à son décès, A... Q... a transmis à son époux, W... O..., cette nue-propriété des comptes bancaires ; qu'en vertu de l'usufruit dont il disposait sur les comptes de la succession, D... Q..., aux termes de l'article 587 du code civil, avait le droit de les utiliser mais à charge de rendre, à la fin de l'usufruit, soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution ; qu'en application de l'article 617 du code civil, l'usufruit exercé par D... Q... sur les comptes s'est éteint au jour de son décès ; qu'à ce moment, l'usufruit a rejoint la nue-propriété échue entre temps à la succession de A... Q... et que la pleine propriété des comptes a été reconstituée sur la tête de la nue-propriétaire et de sa succession ; que c'est à tort que la tribunal a jugé que la créance d'usufruit étant née au décès d'D... Q... survenu après le décès de sa fille A..., la restitution n'avait pas lieu d'être ; qu'en effet, dès avant le décès de son père, et dès lors qu'elle était nue-propriétaire, A... Q... avait vocation à la pleine propriété des comptes, bien qu'elle n'en soit pas encore titulaire et qu'elle n'en ait pas encore la jouissance ; que c'est également à tort que le tribunal a retenu que l'usufruit d'D... T... avait été converti en capital ; qu'en effet, au moment du décès de R... L..., en 1990, la possibilité de convertir l'usufruit du conjoint survivant en capital n'existait pas, sauf accord des parties ; que la preuve de l'existence d'un tel accord n'est pas rapportée en l'espèce ; que le simple calcul de l'usufruit dans la déclaration de succession pour le calcul des droits de succession ne vaut pas conversion ; que la créance de restitution revendiquée par Mme K... O... est donc justifiée à hauteur de la somme qu'elle sollicite de 312 372,59 € qui correspond à la valeur des comptes bancaires de la succession de R... L... sur laquelle son époux D... avait l'usufruit, au regard de la déclaration de succession de celle-ci, et donc le montant n'est d'ailleurs contesté par aucune des parties ;que le jugement déféré sera infirmé sur ce point » ; 1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la déclaration de succession de R... L..., produite aux débats, indiquait expressément que ne « reven[ait] » en définitive à D... Q..., « pour la totalité en usufruit » à laquelle il avait droit et portant sur une somme de 2 556 951,47 francs, que la somme de 255 695,14 francs (production n° 4, p. 4 derniers §§ et p. 5 § 1) ; qu'il résultait donc de cet acte que les héritiers s'étaient accordés sur la conversion de l'usufruit du conjoint survivant en capital, d'un montant de 255 695,14 francs ; que dès lors, en jugeant que la preuve de l'existence d'un tel accord n'était pas rapportée en l'espèce et que le simple calcul de l'usufruit dans la déclaration de succession pour le calcul des droits de succession ne valait pas conversion, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la déclaration de succession précitée, en violation du principe susvisé ; 2°) ALORS, subsidiairement, QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, sur le fondement des présomptions du fait de l'homme, si les mentions de la déclaration de succession de R... L..., en ce qu'elle indiquait que « reven[ait] ( ) à M. Q... D... I... pour la totalité en usufruit (valeur de cet usufruit 1/10ème) soit : 255 695,14 Frs » (production n° 4, p. 4 derniers §§ et p. 5 § 1), que les héritiers s'étaient accordés pour que l'usufruit du conjoint survivant soit converti en capital, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1353 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ; 3°) ALORS, en tout état de cause, QUE l'on ne peut hériter que des biens présents dans le patrimoine du défunt au jour de son décès ; que l'usufruit s'éteint par la mort de l'usufruitier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'D... Q... avait hérité de la totalité de l'usufruit des biens composant la succession de son épouse R... L..., et que A... Q... avait hérité de la totalité de la nue-propriété des mêmes biens ; que la cour d'appel a encore constaté que A... Q... était décédée en 1997, trois ans avant le décès d'D... Q... en l'an 2000 ; qu'en conséquence, au jour du décès de A... Q..., l'usufruit qu'exerçait D... Q... n'avait pas pris fin ; que ni l'usufruit, ni une créance de restitution à ce titre, n'étaient dès lors jamais entrés dans le patrimoine ni dans la succession de A... Q... ; que Mme K... O..., héritière de W... O..., luimême héritier de A... Q..., ne pouvait donc prétendre à aucune créance de restitution au titre de l'usufruit exercé par D... Q... sur les biens composant la succession de R... L... ; que dès lors, en jugeant qu'au jour du décès d'D... Q..., l'usufruit qu'il exerçait avait rejoint la nue-propriété échue entre-temps à la succession de A... Q..., et que la créance de restitution revendiquée par Mme K... O... était justifiée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 587 du code civil, ensemble l'article 617 du même code.
Selon l'article 587 du code civil, lorsque l'usufruit porte sur des sommes d'argent, l'usufruitier a le droit de les utiliser mais à charge de rendre, à la fin de l'usufruit, leur valeur estimée à la date de la restitution. Une cour d'appel retient à bon droit que les légataires universels de l'usufruitier doivent restituer la valeur de comptes bancaires à la succession du nu-propriétaire de ces mêmes comptes
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 655 F-P+B Pourvoi n° H 19-10.179 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 Mme B... J... , épouse Q..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° H 19-10.179 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. G... J... , domicilié [...] , 2°/ à Mme P... J... , épouse C..., domiciliée [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme Q..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme C..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 octobre 2018), S... J... et P... R... , son épouse commune en biens, sont respectivement décédés les [...] et [...], laissant pour leur succéder leurs trois enfants, M. J... , Mme C... et Mme Q.... Des difficultés sont nées pour le partage des successions et de la communauté. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche et le troisième moyen, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme Q... fait grief à l'arrêt d'homologuer le projet de liquidation et de partage des deux successions et de la communauté, alors « que le montant de l'indemnité de réduction d'une donation doit être fixé d'après la valeur du bien donné au jour du partage ; qu'en énonçant, pour faire droit à la demande d'homologation du projet de liquidation et partage, que c'était à bon droit que le notaire avait, lors du calcul des indemnités de réduction, retenu la valeur à l'ouverture de la succession des immeubles donnés et réunis à la masse partageable, conformément à l'article 922, alinéa 2, du code civil, et que l'application de cet article rendait inutile la discussion qui avait eu lieu entre les parties sur les futures éventuelles modifications de classement et de valeur des parcelles situées sur la commune de Saint-Pierre Quiberon, la cour d'appel a violé l'article 868 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article 868 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 : 4. Selon ce texte, l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des objets donnés ou légués à l'époque du partage, et leur état au jour où la libéralité a pris effet. 5. Pour homologuer le projet de liquidation et partage des successions et de la communauté ayant existé entre S... J... et P... R... , l'arrêt retient que c'est à juste titre que le notaire a, lors du calcul des indemnités de réduction, retenu, sur la base du rapport d'expertise judiciaire, la valeur à l'ouverture de la succession des immeubles donnés et réunis à la masse partageable, conformément à l'article 922, alinéa 2, du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, de sorte que les éventuelles évolutions de classification ultérieures des parcelles situées sur la commune de Saint-Pierre Quiberon ne sont pas de nature à justifier une nouvelle mesure d'investigation. 6. En statuant ainsi, alors que si l'application de l'article 922 permettait de déterminer la proportion dans laquelle les libéralités étaient réductibles, il convenait, pour le calcul de l'indemnité de réduction, de retenir la valeur des biens donnés à l'époque du partage, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Condamne M. J... et Mme C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme Q... PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme B... Q... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir homologué le projet de liquidation et partage de la communauté et des successions d'S... J... et de P... M... J... , établi par Me H... avec le concours de Me U..., annexé au procès-verbal de difficultés du 16 juin 2011, sauf à constater que la somme de 9235,65 euros consistant en des dons manuels, doit être rapportée à la masse successorale par Mme Q... et d'avoir par ailleurs fixé les droits de M J... à la somme de 297 571,03 euros, ceux de Mme P... C... à la somme de 297 571,03 euros, ceux de Mme B... Q... à la somme de 595 143,36 euros euros et d'avoir condamné cette dernière à payer à M G... J... une indemnité de réduction de 288 237,11 euros et à Mme P... C... une indemnité de réduction de 188 791,86 euros avec intérêt au taux légal à compter du jugement ; AUX MOTIFS QUE le tribunal de grande instance a exactement fait application de l'article 924-2 du code civil dans sa version applicable à l'espèce laquelle disposait : la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur. On y réunit fictivement, après en avoir déduit les dettes, ceux dont il a été disposé par donation entre vifs d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation et, s'il y a eu subrogation, de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession. On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer ; qu'en effet, si l'article 924-2 a été modifié par l'article 13 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, celle-ci dispose en son article 47 : I. - A l'exception de l'abrogation prévue par le 2º de l'article 39, qui ne peut prendre effet avant l'entrée en vigueur des dispositions réglementaires nécessaires à l'application de la présente loi, celle-ci entre en vigueur le 1er janvier 2007. II. - Les dispositions des articles 2, 3, 4, 7 et 8 de la présente loi ainsi que les articles 116, 466, 515-6 et 813 à 814-1 du code civil, tels qu'ils résultent de la présente loi, sont applicables, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date. Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation. Les autres dispositions de la présente loi sont applicables aux successions ouvertes à compter de son entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt antérieurement à celle-ci ; que dès lors comme le rappelait le tribunal en 2007 que, d'une part, l'instance en liquidation partage de la succession a été introduite avant le 1er janvier 2007 et que, d'autre part, l'article 924-2 a été modifié par l'article 13 de la loi, non visé par le II de l'article 47, ce texte, dans sa version sus-reproduite, demeure applicable à la succession de Mme M... R... ouverte le 13 octobre 2006 ; que c'est dès lors à juste titre que conformément à la mission donnée par le tribunal, l'expert a évalué les biens à la date d'ouverture de la succession de sorte que les éventuelles évolutions de classification ultérieures des parcelles ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise et à justifier une nouvelle mesure d'investigation ; qu'en conséquence, aucune critique pertinente n'étant formée à l'encontre du jugement dont l'appel n'est motivé que par une intention dilatoire, celui-ci sera intégralement confirmé ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE vu les articles 992 et 1375 du code civil ; que le tribunal constate à la lecture du projet que le notaire a tout d'abord rappelé les donations faites par chacun des deux époux J... , au profit de Mme P... C... et de Mme B... Q..., puis il a procédé aux opérations de liquidation de la communauté des deux époux et à la liquidation de la succession de M. S... J... ; que pour ce faire, il a calculé la quotité disponible et en application de l'article 922 du code civil, il a réuni fictivement à la masse des biens existant au décès, les biens dont le défunt avait disposé par donation entre vifs, en reprenant leurs valeurs respectifs à l'ouverture de la succession, telles que fixées par l'expert judiciaires M. I... ; qu'il a pu ainsi imputer les libéralités ayant bénéficié aux deux filles, constater le dépassement de la réserve et calculer l'indemnité de réduction due par Mme Q... ; qu'il a ensuite liquidé la succession de Mme P... M... R... , en procédant de nouveau à la réunion fictive à la masse des biens dont la défunte avait disposé par donation entre vifs, en retenant leur valeur à l'ouverture de la succession ; qu'il en a alors résulté une masse partageable permettant le calcul de la quotité disponible, égale à un quart, puis le calcul de la réserve globale, égale à trois quarts, la réserve de chaque enfant étant de un quart ; que le notaire a ensuite imputé les libéralités et calcule les indemnités de réduction dès que la quotité disponible s'est trouvée épuisée ; que c'est à bon droit que le notaire a retenu pour la valeur des immeubles donnés et réunis à la masse partageable leur valeur à l'ouverture de la succession, conformément à l'article 922 alinéa 2 du code civil ; que l'application de cet article rend inutile la discussion qui a eu lieu entre les parties sur les futures éventuelles modifications de ce classement et de valeur de deux ou trois parcelles situées sur la commune de Saint-Pierre Quiberon, incluses dans la masse partageable, sachant que ces modifications peuvent s'équilibrer car impliquer une moins-value pour les unes et une plus-values pour les autres, sachant d'autre part que les donations n'ont pas porté seulement sur des parcelles situées à Saint-Pierre Quiberon, mais aussi sur des maison se trouvant dans cette même commune et sur des biens situés dans la commune de Plouhinec, dont la valeur n'est donc pas susceptible d'être modifiée un jour par le nouveau PLU de la commune ; que le tribunal doit donc faire droit à la demande d'homologation du projet de liquidation et partage de la communauté et des successions de M. S... J... et Mme P... M... R... , établi par M. H... avec le concours de M. U..., annexé au procès-verbal de difficultés du 16 juin 2011 ; que le notaire devra toutefois rectifier son projet pour tenir compte des conclusions du rapport d'expertise comptable de M. D..., lequel a retenu des mouvements de fonds sur le compte de Mme R... ayant profité exclusivement à Mme B... Q... au détriment de la succession de Mme R... ; que le notaire devra donc ajouter à la masse successorale de la défunte la somme de 9 235,65 euros devant être qualifiée de don manuel rapportable ; qu'en définitive, les indemnités de réduction dues par Mme Q... à M. G... J... et à Mme P... C... dans la succession de leur mère, devront être modifiées ; que conformément aux demandes, et en l'absence de contestation de Mme Q... sur les conclusions de l'expert-comptable, sur le projet de liquidation du notaire (à part les futures valeurs de certains biens) et sur le détail des calculs, il y a de dire que Mme Q... devra verser à M. G... J... une indemnité de réduction de 288 237,11 euros et à Mme P... C... une indemnité de réduction de 188 791,86 euros outre les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du présent jugement ; ALORS QUE le juge ne peut, sans commettre un excès de pouvoir, homologuer un projet d'état liquidatif et le rectifier en modifiant les droits des héritiers et en recalculant le montant des indemnités de réduction ; qu'en faisant droit à la demande d'homologation du projet d'état liquidatif tout en fixant les droits des héritiers à des sommes différentes de celles qui étaient mentionnées dans le projet et en recalculant le montant des indemnités de réductions dues par Mme B... Q..., la cour d'appel qui a ainsi rectifié le projet homologué a commis un excès de pouvoir, en violation de l'article 981 de l'ancien code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Mme B... Q... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir homologué le projet de liquidation et partage de la communauté et des successions d'S... J... et de P... M... J... sauf à constater que la somme de 9.235,65 €, consistant en des dons manuels, devait être rapportée à la masse successorale ; AUX MOTIFS QUE le tribunal de grande instance a exactement fait application de l'article 924-2 du code civil dans sa version applicable à l'espèce laquelle disposait : la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur. On y réunit fictivement, après en avoir déduit les dettes, ceux dont il a été disposé par donation entre vifs d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation et, s'il y a eu subrogation, de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession. On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer ; qu'en effet, si l'article 924-2 a été modifié par l'article 13 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, celle-ci dispose en son article 47 : I. - A l'exception de l'abrogation prévue par le 2º de l'article 39, qui ne peut prendre effet avant l'entrée en vigueur des dispositions réglementaires nécessaires à l'application de la présente loi, celle-ci entre en vigueur le 1er janvier 2007. II. - Les dispositions des articles 2, 3, 4, 7 et 8 de la présente loi ainsi que les article 116, 466, 515-6 et 813 à 814-1 du code civil, tels qu'ils résultent de la présente loi, sont applicables, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date. Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation. Les autres dispositions de la présente loi sont applicables aux successions ouvertes à compter de son entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt antérieurement à celle-ci ; que dès lors comme le rappelait le tribunal en 2007 que, d'une part, l'instance en liquidation partage de la succession a été introduite avant le 1er janvier 2007 et que, d'autre part, l'article 924-2 a été modifié par l'article 13 de la loi, non visé par le II de l'article 47, ce texte, dans sa version sus-reproduite, demeure applicable à la succession de Mme M... R... ouverte le 13 octobre 2006 ; que c'est dès lors à juste titre que conformément à la mission donnée par le tribunal, l'expert a évalué les biens à la date d'ouverture de la succession de sorte que les éventuelles évolutions de classification ultérieures des parcelles ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise et à justifier une nouvelle mesure d'investigation ; qu'en conséquence, aucune critique pertinente n'étant formée à l'encontre du jugement dont l'appel n'est motivé que par une intention dilatoire, celui-ci sera intégralement confirmé ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE vu les articles 992 et 1375 du code civil ; que le tribunal constate à la lecture du projet que le notaire a tout d'abord rappelé les donations faites par chacun des deux époux J... , au profit de Mme P... C... et de Mme B... Q..., puis il a procédé aux opérations de liquidation de la communauté des deux époux et à la liquidation de la succession de M. S... J... ; que pour ce faire, il a calculé la quotité disponible et en application de l'article 922 du code civil, il a réuni fictivement à la masse des biens existant au décès, les biens dont le défunt avait disposé par donation entre vifs, en reprenant leurs valeurs respectifs à l'ouverture de la succession, telles que fixées par l'expert judiciaires M. I... ; qu'il a pu ainsi imputer les libéralités ayant bénéficié aux deux filles, constater le dépassement de la réserve et calculer l'indemnité de réduction due par Mme Q... ; qu'il a ensuite liquidé la succession de Mme P... M... R... , en procédant de nouveau à la réunion fictive à la masse des biens dont la défunte avait disposé par donation entre vifs, en retenant leur valeur à l'ouverture de la succession ; qu'il en a alors résulté une masse partageable permettant le calcul de la quotité disponible, égale à un quart, puis le calcul de la réserve globale, égale à trois quarts, la réserve de chaque enfant étant de un quart ; que le notaire a ensuite imputé les libéralités et calcule les indemnités de réduction dès que la quotité disponible s'est trouvée épuisée ; que c'est à bon droit que le notaire a retenu pour la valeur des immeubles donnés et réunis à la masse partageable leur valeur à l'ouverture de la succession, conformément à l'article 922 alinéa 2 du code civil ; que l'application de cet article rend inutile la discussion qui a eu lieu entre les parties sur les futures éventuelles modifications de ce classement et de valeur de deux ou trois parcelles situées sur la commune de Saint Pierre Quiberon, incluses dans la masse partageable, sachant que ces modifications peuvent s'équilibrer car impliquer une moins-value pour les unes et une plus-values pour les autres, sachant d'autre part que les donations n'ont pas porté seulement sur des parcelles situées à Saint-Pierre Quiberon, mais aussi sur des maison se trouvant dans cette même commune et sur des biens situés dans la commune de Plouhinec, dont la valeur n'est donc pas susceptible d'être modifiée un jour par le nouveau PLU de la commune ; que le tribunal doit donc faire droit à la demande d'homologation du projet de liquidation et partage de la communauté et des successions de M. S... J... et Mme P... M... R... , établi par Me H... avec le concours de Me U..., annexé au procès-verbal de difficultés du 16 juin 2011 ; que le notaire devra toutefois rectifier son projet pour tenir compte des conclusions du rapport d'expertise comptable de M. D..., lequel a retenu des mouvements de fonds sur le compte de Mme R... ayant profité exclusivement à Mme B... Q... au détriment de la succession de Mme R... ; que le notaire devra donc ajouter à la masse successorale de la défunte la somme de 9.235,65 € devant être qualifiée de don manuel rapportable ; 1°) ALORS QUE le montant de l'indemnité de réduction d'une donation doit être fixé d'après la valeur du bien donné au jour du partage ; qu'en énonçant, pour faire droit à la demande d'homologation du projet de liquidation et partage, que c'était à bon droit que le notaire avait, lors du calcul des indemnités de réduction, retenu la valeur à l'ouverture de la succession des immeubles donnés et réunis à la masse partageable, conformément à l'article 922, alinéa 2, du code civil, et que l'application de cet article rendait inutile la discussion qui avait eu lieu entre les parties sur les futures éventuelles modifications de classement et de valeur des parcelles situées sur la commune de Saint-Pierre Quiberon, la cour d'appel a violé l'article 868 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ; 2°) ALORS QUE le don manuel suppose l'existence d'une intention libérale ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que Mme B... Q... avait bénéficié de divers dons manuels dont la somme totale s'élevait à 9.235,65 €, que l'expert avait relevé des mouvements de fonds sur le compte de P... M... J... ayant profité exclusivement à l'exposante au détriment de la succession de sorte que cette somme devait être qualifiée de don manuel rapportable, sans constater que P... M... J... avait agi dans une intention libérale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 894 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Mme B... Q... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé les droits de M. G... J... à la somme de 297.571,03 €, les droits de Mme P... C... à la somme de 297.571,03 €, ses droits à la somme de 595.143,06 € et de l'avoir condamnée à payer à M. G... J... une indemnité de réduction de 288.237,11 € et à Mme P... C... une indemnité de réduction de 188.791,86 €, avec intérêts au taux légal ; AUX MOTIFS ADOPTES QU'en définitive, les indemnités de réduction dues par Mme Q... à M. G... J... et à Mme P... C... dans la succession de leur mère, devront être modifiées ; que conformément aux demandes, et en l'absence de contestation de Mme Q... sur les conclusions de l'expert-comptable, sur le projet de liquidation du notaire (à part les futures valeurs de certains biens) et sur le détail des calculs, il y a de dire que Mme Q... devra verser à M. G... J... une indemnité de réduction de 288.237,11 € et à Mme P... C... une indemnité de réduction de 188.791,86 € outre les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du présent jugement ; 1°) ALORS QUE le juge doit statuer par une décision motivée ; qu'en décidant de fixer les droits de M. G... J... à la somme de 297.571,03 €, ceux de Mme P... C... à la somme de 297.571,03 € et ceux de Mme B... Q... à la somme de 595.143,06 €, sans donner aucun motif à l'appui de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le juge doit statuer par une décision motivée ; qu'en énonçant, pour condamner Mme B... Q... au paiement de diverses indemnités de réduction, qu'il y avait lieu de dire que cette dernière devra verser à M. G... J... une indemnité de réduction de 288.237,11 € et à Mme P... C..., une indemnité de réduction de 188.791,86 €, outre les intérêts au taux légal, sans préciser les éléments de calcul sur lesquels elle se fondait pour fixer le montant de ces indemnités, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Selon l'article 868 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des objets donnés ou légués à l'époque du partage, selon leur état au jour où la libéralité a pris effet. La même règle figure à l'article 924-2 du code civil. Viole ce texte une cour d'appel qui calcule une indemnité de réduction en retenant la valeur des biens donnés à l'ouverture de la succession et non à l'époque du partage
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 656 F-P+B Pourvoi n° P 19-13.267 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 Mme K... R..., épouse D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° P 19-13.267 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à Mme T... R..., épouse W..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mme K... R..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme T... R..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 décembre 2018), I... O... est décédée le 7 janvier 2009 en laissant pour lui succéder ses quatre enfants, A..., M..., T... et K... R.... Il dépendait notamment de la succession un appartement situé à Paris, dont la propriété indivise était répartie entre, d'une part, l'indivision successorale pour 68 %, d'autre part, Mmes A... et K... R..., chacune détenant 16 % reçue par donation-partage. Par acte authentique du 26 décembre 2011, Mme A... R... et M. M... R... ont cédé à leur soeur K... leurs droits indivis sur ce bien. 2. Le 2 décembre 2013, Mme T... R... a assigné Mme K... R... en partage de l'indivision précitée. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 3. Mme K... R... fait grief à l'arrêt d'ordonner le partage de l'indivision existant entre elle et sa soeur T... sur le bien immobilier situé [...] , à Paris, alors « qu'en jugeant qu'il résultait de l'article 883 du code civil que l'effet déclaratif peut s'attacher à un acte qui n'emporte pas attribution de droits privatifs, tandis que l'efficacité d'une cession des droits indivis sur un bien déterminé dépendant de la succession à un co-indivisaire est subordonnée au résultat du partage, de sorte qu'il était nécessaire qu'un partage de la succession ait lieu pour déterminer si les cédants avaient pu céder avec leur plein effet leurs droits indivis sur le bien sis [...] , objet de l'acte de cession du 26 décembre 2011, la cour d'appel, qui a refusé de tirer les conséquences de ce que les droits des cédants étaient subordonnés à l'aléa du partage, a violé l'article 883, alinéa 1er, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 883 du code civil : 4. Il résulte de ce texte que l'efficacité de la cession, par certains indivisaires, de leurs droits indivis dans un des biens dépendant de l'indivision successorale, est subordonnée au résultat du partage. 5. Pour ordonner le partage de l'indivision existant entre Mmes T... et K... R..., portant sur l'immeuble situé à Paris, l'arrêt retient que les parties à l'acte de cession du 26 décembre 2011 ont expressément entendu faire cesser l'indivision successorale entre elles sur les parts cédées. Il ajoute qu'elles n'ont pas prévu que l'effectivité de l'acte sera soumise à l'aléa du partage de l'indivision successorale dans son ensemble. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne Mme T... R... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme K... R... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné le partage de l'indivision existant entre Mme T... R... et Mme K... R... sur le bien immobilier sis [...] , d'avoir commis pour procéder aux opérations de compte liquidation et partage de l'indivision susvisée, M. N... Y..., notaire, d'avoir dit que le notaire désigné établirait un état liquidatif et procéderait au partage après avoir estimé la valeur du bien immobilier et fixé l'indemnité d'occupation due par Mme K... R... à compter du 7 janvier 2009, les parties pouvant en référer au juge commis, d'avoir désigné le magistrat chargé de la mise en état de la première chambre première section de la cour d'appel de Versailles pour surveiller les opérations de compte, liquidation et partage, d'avoir dit qu'en cas d'empêchement du notaire, il serait procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur requête, d'avoir dit que le notaire désigné établirait un état liquidatif et procéderait au partage après avoir estimé la valeur du bien immobilier et fixé l'indemnité d'occupation due par Mme K... R... à compter du 7 janvier 2009, les parties pouvant en référer au juge commis, d'avoir dit que le notaire pourrait s'adjoindre un expert aux fins d'estimation du bien immobilier et du montant de l'indemnité d'occupation, d'avoir dit que l'état liquidatif et le cas échéant le projet d'acte de partage amiable serait établi conformément aux dispositions des articles 1368 et suivants du code de procédure civile, d'avoir dit que le notaire informerait le magistrat chargé de suivre les opérations, si un acte de partage est établi afin que la procédure puisse être clôturée, d'avoir dit qu'en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, celui-ci transmettrait au magistrat chargé de suivre les opérations de partage un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif, d'avoir renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 26 septembre 2019 et d'avoir rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ; AUX MOTIFS QUE la question posée est celle de savoir si la cession de droits intervenue le 26 décembre 2011 sur le bien immobilier situé [...] a fait sortir ledit bien de l'indivision successorale et aurait d'ores et déjà produit effet avant tout acte de partage, et ainsi créé une nouvelle indivision entre seulement Mme T... R... et Mme K... R..., permettant à la première de solliciter des opérations de partage entre elles deux exclusivement sur ce bien, indépendamment des opérations de compte, liquidation et partage de la succession ; que l'appelante rappelle que l'actif successoral est complexe et tient à ce que la succession de leur père, J... R..., décédé le 21 novembre 1981, n'a pas été liquidée et au fait que I... O... épouse R... avait acquis de son vivant deux biens immobiliers en indivision avec certains de ses enfants et procédé par ailleurs à diverses donations-partage au profit de ses enfants en 1988, 1998 et 2007 portant sur certains biens ; qu'il ne peut pour autant être soutenu que les indivisions conventionnelles ainsi constituées ne sont pas incluses dans l'indivision successorale plus large, chacun des biens pris séparément, ayant appartenu pour partie à la défunte ; que l'actif successoral immobilier comporte en effet sept biens immobiliers de nature diverse ; que seul l'appartement sis à Boulogne-Billancourt situé [...] , qui appartenait à hauteur de 5/8ème à I... O... épouse R... en toute propriété et pour le reste à ses quatre héritiers, a fait l'objet d'une vente dont le prix a été partagé entre ces derniers ; que l'impossibilité pour les parties de s'accorder sur un partage amiable provient de leur désaccord sur la détermination de l'évaluation des biens immobiliers restants, eu égard à la hausse du prix de l'immobilier depuis la déclaration de succession, étant précisé que deux biens immobiliers, dont celui objet du litige sont situés à Paris, et un troisième à Boulogne-Billancourt ; que les quotes-parts des droits des héritiers dans le bien considéré ne sont cependant pas contestées ; qu'il résulte de l'article 815-3 du code civil que la vente d'un immeuble indivis faite par un ou plusieurs indivisaires est valable pour la portion indivise qui lui revient ; qu'au demeurant, la validité de cet acte n'est contestée ni par l'appelante, ni par l'intimée ; que selon l'article 883 du code civil, chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot ou « à lui échus sur licitation » ; que l'alinéa 2 ajoute qu'il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l'indivision et qu'il n'est pas distingué selon que l'acte fait cesser l'indivision en tout ou en partie, à l'égard de certains biens ou de certains héritiers seulement ; que l'effet déclaratif peut ainsi s'attacher à un acte qui n'emporte pas attribution de droits privatifs ; que l'acte de cession du 26 décembre 2011 est intitulé « Cession à titre de licitation faisant cesser l'indivision sur la part licitée » ; que les droits cédés ont été évalués et payés par Mme K... R... aux cédants, à savoir Mme A... R... et M. M... R... ; qu'il est précisé aux paragraphes relatifs à la propriété et à la jouissance qu'« au moyen des présentes et conformément à l'article 883 du code civil, le cessionnaire sera seul propriétaire de la totalité du bien licité, à compter rétroactivement de la date de naissance de l'indivision entre cédant et cessionnaire, soit le 7 janvier 2009 » ; « que le cédant transmet au cessionnaire la jouissance du bien licité, par la confusion sur sa tête des qualités de propriétaire et d'occupant » ; que s'agissant du compte d'indivision, « les parties déclarent qu'elles n'ont ni compte ni aucune réclamation à faire en ce qui concerne la période d'indivision » ; que l'acte de cession susvisé est définitif et ne prévoit pas que son effectivité est soumise à l'aléa du partage de l'indivision successorale dans son ensemble ; qu'il traduit de la part des parties à cet acte leur volonté claire de liquider une partie des droits indivis selon la valeur de l'immeuble déclarée lors de l'ouverture de la succession, ce qu'ils n'entendaient pas remettre en question ; qu'ils ont expressément entendu faire cesser l'indivision entre eux sur la part licitée, ce qui est permis par le texte susvisé ; qu'il en résulte que l'indivision litigieuse a cessé à l'égard des cohéritiers cédants, pour ne se poursuivre qu'entre Mme T... R... d'une part et Mme K... R... d'autre part et n'a plus lieu d'être prise en compte dans le partage global de la succession ; qu'il est ajouté que le moyen invoqué par l'intimée relatif à l'existence de diverses donations-partage de la part de I... O... épouse R... et à la nécessité pour liquider l'indivision successorale de procéder aux rapports desdites donations est inopérant, les donations partage n'étant pas rapportables ; qu'il n'est pas soutenu que les donations partage intervenues seraient susceptibles en l'espèce, de porter atteinte à la réserve ; que, dès lors, la demande en partage de Mme T... R... sur ce bien dirigée à l'encontre de Mme K... R... est recevable et bien fondée, sur le fondement de l'article 815 du code civil ; qu'en application de l'article 1364 du code de procédure civile, les parties seront renvoyées devant leur notaire, Maître Y..., aux fins d'effectuer les opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision relative au bien considéré ; qu'il incombera notamment au notaire désigné, au besoin en s'adjoignant un expert, de donner un avis sur la valeur du bien, à la date la plus proche du partage et d'établir un état liquidatif et le cas échéant un acte de partage ; que la surveillance des opérations susdites sera confiée au magistrat chargé de la mise en état de la première chambre première section de cette cour ; que la demande de licitation formée dans le dispositif des conclusions de l'appelante est en l'état prématurée ; 1°) ALORS QUE le partage amiable est partiel lorsqu'il laisse subsister l'indivision à l'égard de certains biens ou de certaines personnes ; que Mme K... R... épouse D... faisait valoir qu'un partage partiel suppose l'accord de tous les coïndivisaires, que l'acte de cession du 26 décembre 2011, auquel Mme T... R... épouse W... n'était pas partie, ne constituait donc pas un partage partiel, de sorte qu'en l'absence de partage de l'indivision globale et de partage partiel, aucune indivision « spécifique » ne pouvait exister entre Mme K... R... épouse D... et Mme T... R... épouse W... (concl., p. 3 § 6 et 8, p. 9 § 1 et s.) ; qu'en jugeant qu'à la suite de l'acte de cession du 26 décembre 2011, l'indivision sur l'appartement situé [...] avait cessé à l'égard des cohéritiers cédants, pour ne se poursuivre qu'entre Mme K... R... épouse D... et Mme T... R... épouse W..., sans rechercher si, dès lors que Mme T... R... épouse W... n'était pas partie à l'acte de cession, celui-ci ne pouvait pas avoir le caractère d'un partage partiel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 838 du code civil ; 2°) ALORS QUE l'efficacité d'une cession des droits indivis sur un bien déterminé dépendant de la succession à un coïndivisaire est subordonnée au résultat du partage, peu important les stipulations de l'acte ; qu'en jugeant néanmoins, pour ordonner le partage de l'indivision entre Mme K... R... épouse D... et Mme T... R... épouse W..., que l'acte de cession du 26 décembre 2011 était définitif, qu'il ne prévoyait pas que son effectivité était soumise à l'aléa du partage de l'indivision successorale et qu'il traduisait « de la part des parties à cet acte leur volonté claire de liquider une partie des droits indivis selon la valeur déclarée lors de l'ouverture de la succession » et qu'elles avaient « expressément entendu faire cesser l'indivision entre eux sur la part licitée » (arrêt, p. 7 § 3), la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles 815-3 et alinéa 1er du code civil ; 3°) ALORS QU' en jugeant qu'il résultait de l'article 883 du code civil que l'effet déclaratif peut s'attacher à un acte qui n'emporte pas attribution de droits privatifs, tandis que l'efficacité d'une cession des droits indivis sur un bien déterminé dépendant de la succession à un coïndivisaire est subordonnée au résultat du partage, de sorte qu'il était nécessaire qu'un partage de la succession ait lieu pour déterminer si les cédants avaient pu céder avec leur plein effet leurs droits indivis sur le bien sis [...] , objet de l'acte de cession du 26 décembre 2011, la cour d'appel, qui a refusé de tirer les conséquences de ce que les droits des cédants étaient subordonnés à l'aléa du partage, a violé l'article 883 alinéa 1er du code civil.
Lorsque des indivisaires cèdent leurs droits, sur des biens indivis, à d'autres indivisaires, l'efficacité de cette session est subordonnée au résultat du partage à intervenir. Viole l'article 883 du code civil une cour d'appel qui ordonne le partage d'une indivision entre deux indivisaires qui ont précédemment acquis des droits sur un immeuble indivis en relevant que ces deux indivisaires avaient entendu faire cesser l'indivision successorale entre eux, sur les parts cédées
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 658 F-P+B Pourvoi n° K 19-15.150 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 M. S... G... L..., domicilié [...] ), a formé le pourvoi n° K 19-15.150 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, service civil, [...], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. G... L..., après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2019), un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 7 septembre 2017 a constaté l'extranéité de M. G... L..., né le [...] à Djibouti, au motif qu'il ne démontrait pas avoir conservé la nationalité française lors de l'indépendance de ce territoire. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 3. M. G... L... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'est pas de nationalité française, alors : « 1°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que si l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas un droit d'acquérir une nationalité ou une citoyenneté particulière, un refus arbitraire fondé sur un critère discriminatoire, au sens de l'article 14 de la Convention, porte une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie familiale normale ; que M. G... L... faisait valoir que les articles 3 et 4 de la loi n° 77-625 du 20 juin 1977, prévoyant les conditions de la conservation de la nationalité française à la suite de l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, mettaient en oeuvre des critères discriminatoires fondés sur l'appartenance ethnique et/ou religieuse ; que, pour débouter M. G... L... de ses demandes, la cour d'appel a affirmé que les conditions d'attribution par un État de sa nationalité n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 8 et 14 de ladite Convention ; 2°/ que le droit au respect de la vie privée et familiale doit être assuré, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques, ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que les articles 3, 4 et 5 de la loi n° 77-625 du 20 juin 1977 soumettaient à une obligation de déclaration de reconnaissance de la nationalité française, avant le 27 juin 1978, les seules personnes originaires du territoire français des Afars et des Issas, à condition de surcroît qu'elles aient établi leur domicile, à la date du 8 mai 1977, dans le territoire de la République française à l'exception du territoire des Afars et des Issas ; qu'en donnant effet à une disposition législative discriminatoire, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958. » Réponse de la Cour 4. La détermination, par un Etat, de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'est assuré le droit à une nationalité (1re Civ., 25 avril 2007, pourvoi n° 04-17.632, Bull. 2007, I, n° 159). 5. Abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche du moyen, c'est sans méconnaître les exigences résultant des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel a fait application de la loi n° 77-625 du 20 juin 1977 relative à l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, qui détermine les catégories de personnes qui conserveront la nationalité française lors de l'indépendance de ce territoire, et, après avoir constaté que M. G... L... ne rentrait dans aucune des catégories visées pour conserver la nationalité française, a retenu qu'il avait perdu cette nationalité. 6. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. G... L... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour M. G... L... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. S... G... L..., né le [...] à Djibouti, n'était pas de nationalité française ; AUX MOTIFS PROPRES QU' « en application de l'article 30 du code civil la charge de la preuve incombe à l'appelant qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, peu important qu'un tel certificat ait été délivré à d'autres membres de sa famille ; que M. S... G... L..., né le [...] à Djibouti soutient qu'il est français en tant que fils de parents français et que la loi n°77-625 du 20 juin 1977 relative à l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas ne saurait avoir eu pour effet de lui faire perdre cette nationalité sans porter atteinte de manière discriminatoire au respect de sa vie privée et à son droit à une vie familiale garantis par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que cette loi prévoit qu'ont conservé la nationalité française : - les personnes originaires du territoire de la République française tel qu'il reste constitué après le 27 juin 1977 ; - les personnes ayant acquis la nationalité française hors du territoire français des Afars et des Issas ; - les personnes ayant acquis la nationalité française par décret alors qu'elles étaient domiciliées dans le territoire français des Afars et des Issas ; - les conjoints, descendants, veufs ou veuves de ces trois catégories de personnes ; - les personnes domiciliées sur le territoire de la République française - hors territoire des Afars et des Issas - le 8 mai 1977 ayant souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française avant le 27 juin 1978 ; Qu'il est constant que l'appelant n'entre dans aucune de ces catégories ; que dès lors, à supposer qu'il ait eu la nationalité française avant l'accession à l'indépendance du territoire des Afars et des Issas le 27 juin 1977, il l'a perdue à cette date ; que les conditions d'attribution par un État de sa nationalité n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'au surplus, c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas d'atteinte discriminatoire à la vie privée et familiale de l'intéressé », ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Monsieur S... G... L... soutient à tort que les dispositions de la loi précitée du 20 juin 1977 portent atteinte à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen (CESDH) ; qu'en effet, si le refus d'accorder la nationalité française à un individu peut constituer une discrimination dans la jouissance des droits et libertés garantis par la CESDH, pouvant à ce titre être sanctionné sur le fondement de l'article 14 de ladite convention, en ce qu'il porterait atteinte au droit au respect de la vie privée et/ou de la vie familiale prévu par l'article 8 de la CESDH, c'est à la condition de démontrer une différence de traitement, sans motif raisonnable ou objectif, ainsi que l'atteinte portée à la vie privée et/ou la vie familiale de l'individu concerné ; qu'au cas particulier, la loi du 20 juin 1977, qui fixe des critères pour déterminer les catégories de personnes qui conserveront la nationalité française malgré l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, institue une différence de traitement qui poursuit, à hauteur de principe, un motif légitime, ce qui n'est pas réellement discuté par le demandeur, qui d'ailleurs prend pour exemple les législations du même ordre mais relatives à d'autres territoires ou départements d'outre-mer devenus indépendants ; que contrairement à ce que prétend le demandeur, les critères en particulier retenus ne font aucune référence directe ou indirecte à des origine ethniques et/ou religieuses ; qu'ils servent au contraire l'objectif d'intérêt général – justifiant la différence de traitement alléguée – de préserver une communauté, en l'occurrence française, constituée de personnes qui lui sont spécifiquement rattachées, conformément à la définition donnée par la Cour internationale de justice à la nationalité, à savoir un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité de droits et de devoirs, l'expression juridique du fait de l'individu auquel elle est conférée, soit directement par la loi, soit par un acte de l'autorité, est, en fait, plus étroitement attaché à la population de l'État qui la lui confère qu'à celle de tout autre État » ; 1°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que si l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne garantit pas un droit d'acquérir une nationalité ou une citoyenneté particulière, un refus arbitraire fondé sur un critère discriminatoire, au sens de l'article 14 de la Convention, porte une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie familiale normale ; que M. G... L... faisait valoir que les articles 3 et 4 de la loi n° 77-625 du 20 juin 1977, prévoyant les conditions de la conservation de la nationalité française à la suite de l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, mettaient en oeuvre des critères discriminatoires fondés sur l'appartenance ethnique et/ou religieuse ; que pour débouter M. G... L... de ses demandes, la cour d'appel a affirmé que les conditions d'attribution par un État de sa nationalité n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 8 et 14 de ladite Convention ; 2°) ALORS QUE le droit au respect de la vie privée et familiale doit être assuré, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques, ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que les articles 3, 4 et 5 de la loi n°77-625 du 20 juin 1977 soumettaient à une obligation de déclaration de reconnaissance de la nationalité française, avant le 27 juin 1978, les seules personnes originaires du territoire français des Afars et des Issas, à condition de surcroît qu'elles aient établi leur domicile, à la date du 8 mai 1977, dans le territoire de la République Française à l'exception du territoire des Afars et des Issas ; qu'en donnant effet à une disposition législative discriminatoire, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; 3°) ALORS QU' il ne peut être porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale ; que l'obligation de déclaration de reconnaissance de la nationalité française faite aux personnes originaires du territoire français des Afars et des Issas porte une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale dès lors qu'elles ne sont pas, de par l'effet de la loi, en mesure d'en satisfaire les conditions ; que tel est le cas lorsque la loi impose une condition de domiciliation à un mineur, qui ne peut décider seul du lieu de son domicile ; que la cour d'appel a relevé que M. G... L... était né le [...] à Djibouti ; que pour pouvoir effectuer la déclaration de reconnaissance de la nationalité française en application de la loi du 20 juin 1977, avant le 27 juin 1978, M. G... L..., devenu majeur le 13 août 1977, devait justifier avoir établi son domicile dans le territoire de la République française avant le 8 mai 1977, à une date à laquelle il était encore mineur ; qu'en refusant à M. G... L... la reconnaissance de la nationalité française, au motif qu'il n'avait pas souscrit une déclaration de reconnaissance tandis qu'il lui était impossible légalement de satisfaire aux conditions de cette déclaration, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
La détermination, par un Etat, de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'est assuré le droit à une nationalité
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation partielle sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 665 F-P+B Pourvoi n° H 19-20.966 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020 L'Etat, représenté par le préfet du Nord, domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-20.966 contre l'ordonnance rendue le 8 juin 2019 par le premier président de la cour d'appel de Douai (chambre des libertés individuelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. S... I..., domicilié [...] , 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié en son parquet général, [...], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Etat, représenté par le préfet du Nord, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 8 juin 2019), et les pièces de la procédure, M. I..., ressortissant ivoirien, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral du 4 juin 2019, à la suite d'une opération d'expulsion d'un immeuble qu'il occupait sans droit ni titre avec d'autres ressortissants étrangers. 2. Le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. I... d'une contestation de la décision de placement en rétention et par le préfet d'une demande de prolongation de cette mesure. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, L. 552-1 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : 5. En vertu du premier de ces textes, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Selon le second, en matière de compétence d'attribution, tout juge autre que le juge de l'exécution doit relever d'office son incompétence. 6. Lorsque la régularité d'un contrôle des titres de séjour est contestée devant le juge des libertés et de la détention, saisi d'une demande de prolongation d'une mesure de rétention administrative sur le fondement du troisième de ces textes, celle-ci ne s'apprécie qu'au regard des critères posés par le quatrième. 7. Pour annuler l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonner la remise en liberté de M. I..., l'ordonnance retient que les opérations d'expulsion justifiant le contrôle de l'intéressé sont irrégulières et que ce contrôle l'est également. 8. En statuant ainsi, alors qu'il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention, statuant sur une demande de prolongation d'une rétention administrative, de se prononcer sur la régularité d'une procédure d'expulsion d'un local d'habitation, question relevant de la compétence exclusive du juge de l'exécution, le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle dit l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 8 juin 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Douai ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour l'Etat, représenté par le préfet du Nord Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, annulé l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonné la remise en liberté de Monsieur S... I... ; AUX MOTIFS QUE « Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien-fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible. En l'espèce, il convient de relever que le contrôle d'identité de I... S... est intervenu à l'intérieur d'un immeuble situé au [...] dans le cadre d'une procédure d'expulsion autorisée par le tribunal d'instance de Lille le 24 mai 2018 rectifié le 5 juillet 2018. Cependant par une décision du 6 juin 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille a accordé à I... S... ainsi qu'aux autres habitants de l'immeuble un délai d'occupation ne devait expirer qu'à compter du 6 juin 2022. La saisine du juge de l'exécution de Lille est intervenue le 27 mars 2019 ce qui ne pouvait pas être ignoré au moment de l'enquête réglementaire préalable réalisée le 19 avril 2019. Il s'en déduit que les opérations d'expulsion justifiant le contrôle d'identité de l'intéressé et des autres occupants n'étaient pas régulières et que le contrôle d'identité de I... S... intervenu à cette occasion également. Aucune mesure de rétention administrative ne pouvait donc être prise dans ces conditions à l'encontre de I... S..., l'arrêté du Préfet n'ayant pas de base légale au regard des droits fondamentaux de l'intéressé ». 1) – ALORS QUE la saisine du juge de l'exécution aux fins d'obtention d'un délai pour quitter les lieux ne revêt aucun effet suspensif sur la procédure d'expulsion préalablement ordonnée par un jugement exécutoire ; qu'en retenant, pour ordonner sa remise en liberté, que les opérations d'expulsion ayant conduit au contrôle d'identité de Monsieur I... était irrégulières, en ce que l'administration avait procédé, sur le fondement d'une ordonnance de référé exécutoire, à l'expulsion du bâtiment qu'il occupait illégalement, alors qu'elle ne pouvait ignorer que le juge de l'exécution avait, entre-temps, été saisi, le conseiller délégué a violé les articles R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution et 514 du code de procédure civile ; 2) – ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'un étranger en situation irrégulière peut être interpellé au cours d'une opération d'expulsion ordonnée par un jugement exécutoire et, s'il remplit les conditions légales, placé en rétention administrative, sans que la connaissance, par l'administration, d'une saisine parallèle du juge de l'exécution en vue d'obtenir des délais supplémentaires ne caractérise une quelconque déloyauté ; qu'à supposer que le conseiller délégué ait considéré que l'opération d'expulsion et le contrôle d'identité de M. I... étaient intervenus dans des conditions déloyales au motif que l'administration ne pouvait ignorer la saisine du juge de l'exécution, près de dix mois après la date de l'ordonnance de référé exécutoire autorisant l'expulsion du bâtiment où se maintenait l'intéressé, il a violé l'article 5§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 551-1 et L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention, statuant sur une demande de prolongation d'une rétention administrative, de se prononcer sur la régularité d'une procédure d'expulsion d'un local d'habitation, question relevant de la compétence exclusive du juge de l'exécution
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 novembre 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1140 F-P+B+I Pourvoi n° P 19-17.062 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 La société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est 1 cours Michelet, CS 30051, 92076 Paris La Défense cedex, venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, a formé le pourvoi n° P 19-17.062 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Ex nihilo, société par actions simplifiée, dont le siège est 52 rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris, 2°/ à la société Circles group, société anonyme, dont le siège est rue d'Arlon 6, L-8399 Windhof (Luxembourg), 3°/ à la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics (GMF), dont le siège est 148 rue Anatole France, 92300 Levallois-Perret, défenderesses à la cassation. Les sociétés Circles group et Ex nihilo ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Circles group et Ex nihilo, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics (GMF), et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2019), lors du tournage d'une scène d'un film produit par la société Ex nihilo, M. et Mme F... ont été heurtés par un véhicule conduit par l'un des acteurs et appartenant à M. X..., que ce dernier venait de prêter à la société Ex nihilo pour remplacer un véhicule indisponible. 2. La société GMF (la GMF), assureur de ce véhicule, ayant indemnisé M. et Mme F..., a exercé un recours subrogatoire à l'encontre de la société Ex nihilo, en invoquant à son encontre une défaillance dans la sécurisation des lieux de tournage, et de ses assureurs de responsabilité, la société Allianz IARD (la société Allianz), venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, et la société Circles group. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident, pris en ses première et troisième branches, qui est préalable Enoncé du moyen 3. La société Ex nihilo et la société Circles group font grief à l'arrêt de déclarer la société Ex nihilo responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont les époux F... ont été victimes le 24 août 2011 et de la condamner in solidum avec la société Circles group à payer à la GMF la somme de 198 083,15 euros au titre de son recours subrogatoire, alors : « 1°/ que si l'article L. 121-12 du code des assurances dispose de façon générale que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, il est dérogé à cette règle par l'article L. 211-1 du même code en cas de dommages résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué ; que dans cette hypothèse, l'assureur ne peut être subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. et Mme F... avaient été victimes d'un accident de la circulation le 24 août 2011 impliquant un véhicule appartenant à M. X..., qui avait été prêté gracieusement par ce dernier à la société Ex nihilo pour les besoins du tournage, ce dont il résulte que cette dernière était la gardienne du véhicule ; qu'elle a également relevé que la société GMF avait, sur le fondement de l'article L. 211-9 du code des assurances, en sa qualité d'assureur de M. X..., propriétaire du véhicule impliqué, réglé diverses sommes à titre d'indemnités aux époux F... ; qu'en retenant cependant que le recours subrogatoire intenté par la société GMF contre la société Circles group, assureur de la société Ex nihilo, n'était pas régi par les dispositions de l'article L. 211-1 du code des assurances mais par celles de l'article L. 121-12 du même code, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé par fausse application le premier de ces textes et par refus d'application le second ; 3°/ subsidiairement, l'assureur ne peut en tout état de cause être subrogé que dans les droits et actions qui appartiennent au tiers victime qu'il indemnise ; que l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, à l'exclusion de celles des articles 1382 et suivants (devenus 1240 et suivants) du code civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. et Mme F... avaient été victimes d'un accident de la circulation le 24 août 2011 impliquant un véhicule appartenant à M. X..., qui avait été prêté gracieusement par ce dernier à la société Ex nihilo pour les besoins du tournage, ce dont il résulte que cette dernière était la gardienne du véhicule ; que l'indemnisation de M. et Mme F... ne pouvait en conséquence intervenir que sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, ce qui a d'ailleurs été le cas ; qu'en conséquence, à supposer même que la société GMF puisse faire valoir avoir été subrogée dans les droits de M. et Mme F... à l'égard de la personne responsable de l'accident, son recours subrogatoire fondé sur les articles 1382 et 1383 du code civil (devenus 1240 et 1241) n'en demeurerait pas moins irrecevable, faute d'existence de tout recours ouvert sur le fondement de ces textes au profit des victimes de l'accident ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles 1 à 6 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble les articles 1382 et 1383 du code civil (devenus 1240 et 1241). » Réponse de la Cour Vu les articles 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, 1382, devenu 1240, et 1383, devenu 1241, du code civil, L. 121-12, alinéa 1, et L. 211-1, alinéas 2 et 3, du code des assurances : 4. Il résulte du premier de ces textes que les victimes d'un accident dans lequel se trouve impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peuvent être indemnisées que sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985. 5. Selon le dernier de ces textes, les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée en son premier alinéa doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, et l'assureur n'est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. Il en découle que l'assureur qui entend exercer un recours contre le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident ne peut agir que sur le fondement de ce texte, à l'exclusion du droit commun. 6. Pour déclarer la société Ex nihilo responsable, sur le fondement de sa faute, des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011 et la condamner in solidum avec la société Circles group à payer à la GMF la somme de 198 083,15 euros au titre de son recours subrogatoire, l'arrêt retient tout d'abord que, selon l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, et que l'article L. 211-1 du même code dispose notamment que les contrats d'assurance couvrant la responsabilité de toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule. 7. L'arrêt relève ensuite que la GMF exerce toutefois son recours subrogatoire contre la société Ex nihilo en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de la faute, et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident, et que le recours subrogatoire ainsi dirigé n'est pas régi par l'article L. 211-1, alinéa 3, du code des assurances mais par l'article L. 121-12 de ce code, applicable aux assurances de dommages en général et aux assurances de responsabilité en particulier et que, bien qu'il n'envisage expressément que la subrogation de l'assureur dans les droits de l'assuré, il est de jurisprudence constante que l'assureur peut se prévaloir, sur le fondement de cet article, d'une subrogation dans les droits du tiers victime qu'il indemnise et exercer ainsi le recours qui lui appartenait contre le coresponsable de l'accident. 8. L'arrêt en déduit que la GMF apparaît recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de la société Ex nihilo en qualité de tiers coresponsable, comme l'ont retenu avec pertinence les premiers juges. 9. En accueillant ainsi les demandes de la GMF à l'encontre de la société Ex nihilo sur le fondement des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil, alors qu'il résultait de ses constatations qu'un véhicule, dont le propriétaire n'avait pas été dépossédé contre sa volonté, était impliqué dans l'accident, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 10. La cassation prononcée sur le moyen du pourvoi incident prive de tout effet la condamnation de la société Allianz, assureur de responsabilité civile de la société Ex nihilo, mais non du véhicule impliqué dans l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011, à garantir cette dernière des condamnations prononcées à son encontre. Demande de mise hors de cause 11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la GMF, dans la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Ex nihilo responsable, sur le fondement de sa faute, des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011, en ce qu'il condamne in solidum la société Ex nihilo et la société Circles group à payer la somme de 198 083,15 euros à la société GMF au titre de son recours subrogatoire, et en ce qu'il condamne la société Allianz IARD à garantir la société Ex nihilo des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 21 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société GMF aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société GMF à payer la somme de 3 000 euros à la société Allianz IARD ; rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt, signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Allianz IARD PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné in solidum la société Ex Nihilo et la société Circles Group à payer à la GMF la somme de 198.083,15 euros au titre de son recours subrogatoire et, en conséquence, d'avoir condamné la société Allianz à garantir la société Ex Nihilo des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles ; AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité du recours subrogatoire de la GMF, que la SAS Ex Nihilo et la société Circles group soulèvent l'irrecevabilité du recours subrogatoire de la société GMF au motif que la garde du véhicule de son assuré a été transférée à la société Ex Nihilo et que le véhicule était conduit par un de ses salariés, qu'en vertu de l'article L. 211-1 alinéa 2 du code des assurances, le contrat d'assurance obligatoire visé par la loi du 5 juillet 1985 couvre également la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule et que la possibilité pour l'assureur d'exercer un recours subrogatoire est limitée au seul cas où la garde et la conduite ont été obtenues contre le gré du propriétaire, en vertu de l'alinéa 3 du texte précité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'elle ajoute que le recours de l'assureur ne peut être exercé que sur le fondement de ce texte à l'exclusion des articles 1382 et 1383 du code civil et L. 121-12 alinéa 1 du code des assurances ; qu'elle prétend que la garde a été transférée puisque M. X... a prêté son véhicule en ne fixant aucune restriction et que tous les attributs de la garde ont été reçus par la société Ex Nihilo dont l'un des salariés (acteur) a conduit le véhicule ; que la GMF conclut à la confirmation du jugement ; qu'elle rétorque qu'ayant indemnisé définitivement l'intégralité des préjudices de M. et Mme F..., elle est, sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances, subrogée tant dans les droits des victimes que de son assuré et peut exercer une action récursoire en responsabilité à l'encontre de la société Ex Nihilo, tiers co-responsable sur le fondement de droit commun des articles 1240 et 1241 nouveaux du code civil ; qu'en réponse à l'argumentation de l'intimée, elle soutient que son recours n'est pas exercé contre la société Ex Nihilo en qualité de gardienne du véhicule impliqué ; qu'elle en déduit que son recours subrogatoire n'est pas soumis aux dispositions de l'article L. 211-1 du code des assurances et qu'elle est recevable à rechercher la responsabilité de la société Ex Nihilo en raison de ses fautes et négligences en matière de sécurisation du tournage ; que selon l'article L. 121-12 alinéa 1er du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; que l'article L. 211-1 du même code, dispose que : « Toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité. Les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée au premier alinéa du présent article doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule. L'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire » ; que la GMF exerce son recours subrogatoire contre la société Ex Nihilo en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de l'article 1383 ancien devenu 1241 nouveau du code civil et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident ; que le recours subrogatoire ainsi dirigé n'est pas régi par l'article L. 211-1 alinéa 3 mais par l'article L. 121-12, applicable aux assurances de dommages en général (article L. 121-1 et suivants : chapitre 1 - dispositions générales) et aux assurances de responsabilité en particulier (article L. 124-1 et suivants : chapitre IV : assurances de responsabilité) ; que bien que l'article L. 121-12 n'envisage expressément que la subrogation de l'assureur dans les droits de l'assuré, il est de jurisprudence constante que l'assureur peut se prévaloir, sur le fondement de cet article, d'une subrogation dans les droits du tiers victime qu'elle indemnise ; qu'ainsi l'assureur de responsabilité qui verse une indemnité au tiers lésé peut être subrogé dans les droits de ce dernier et exercer le recours qui lui appartenait contre le co-responsable de l'accident ; qu'en conséquence, la GMF apparaît recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de la société EX Nihilo en qualité de tiers co-responsable, comme l'ont retenu avec pertinence les premiers juges ; ( ) ; que le recours subrogatoire sera donc admis à concurrence de la somme de 198 083,15 € (182 397,52 + 15 685,63) à l'encontre de la SAS Ex Nihilo ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : sur la recevabilité de l'action récursoire de la GMF, il est constant que l'accident litigieux a eu lieu sur le tournage du film La Cité Rose, le 24 août 2011 rue Curial — au croisement de la rue Riquet, dans le 19ème arrondissement de Paris ; que l'un des véhicules de jeu étant indisponible, Monsieur A... X..., membre de l'Association Unité Urbaine, qui encadrait des jeunes figurants, a proposé de prêter son véhicule personnel, ce que la société EX NIHILO a accepté ; que le véhicule de Monsieur X... devait arriver devant un bâtiment administratif situé au 104 de la rue Curial, transformé pour les besoins du tournage en commissariat ; que Monsieur E... Q..., comédien, était au volant du véhicule prêté par Monsieur A... X... ; que la scène où l'on voit le véhicule arriver devant le numéro 104 de la rue Curial a été filmée plusieurs fois et à chaque nouvelle prise, l'acteur reculait le véhicule derrière un passage pour piétons ; qu'à l'occasion de l'une de ces manoeuvres, Madame et Monsieur F..., tous deux non-voyants, ont traversé la chaussée au niveau d'un passage protégé, alors que le feu tricolore était au vert pour les piétons ; qu'ils utilisaient un appareil spécifique permettant, à l'aide d'une télécommande, d'activer un répétiteur sonore leur indiquant que le feu tricolore était vert pour les piétons ; que Madame et Monsieur F... ont ainsi pénétré dans la zone de tournage et ont été heurtés par le véhicule conduit par Monsieur E... Q... qui reculait ; que le droit des époux F... à l'indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011 est incontestable en ce qu'il résulte des articles 1er et 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relative aux victimes d'accidents de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur ; qu'en sa qualité d'assureur du véhicule impliqué, la GMF a versé diverses sommes aux victimes et aux tiers payeurs conformément aux dispositions des articles L. 211 — 9 et suivants du code des assurances ; que selon l'article L. 121-12 alinéa 1er du Code des assurances, « l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur » ; que certes la GMF ne pourrait rechercher la responsabilité de la société EX NIHILO en qualité de gardienne du véhicule au moment de l'accident puisque l'article L. 211-1 alinéa 2 du code des assurances lui impose justement de couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule ; qu'aucun texte n'interdit, par contre, à la GMF de poursuivre la responsabilité de la société EX NIHILO sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, en sa qualité d'organisatrice du tournage sur lequel s'est produit l'accident ; ALORS QUE l'assureur n'est subrogé dans les droits de la victime, contre la personne responsable de l'accident, que lorsque la garde ou la conduite du véhicule impliqué a été obtenue contre le gré du propriétaire ; qu'en retenant, pour dire que la GMF était recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de la société Ex Nihilo en qualité de tiers co-responsable, qu'elle avait exercé ce recours contre la société Ex Nihilo en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de l'article 1383 ancien devenu 1241 nouveau du code civil, et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident, cependant que c'est en une seule et même qualité d'organisatrice du tournage que la société Ex Nihilo a été déclarée responsable de l'accident ayant causé des dommages, et dans lequel un véhicule dont elle avait la garde a été impliqué au sens de l'article L. 211-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé par refus l'application, les dispositions d'ordre public de l'alinéa a 3 du texte susvisé. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Allianz à garantir la société Ex Nihilo des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles ; AUX MOTIFS QUE sur la garantie des assureurs, la GMF demande la condamnation in solidum de la société Circles group ; que la société Ex Nihilo et la société Circles group demandent à la société Allianz Iard de garantir la société Ex Nihilo de toute condamnation ; qu'elles indiquent que la société de production avait souscrit une assurance responsabilité civile- tournage de film auprès de la société Gan Eurocourtage aux droits de laquelle vient la société Allianz Iard depuis le 25 septembre 2002 et une assurance "tous risques productions" auprès de la société Circles group le 18 juillet 2011 à l'occasion du tournage litigieux qui comprenait également une couverture de sa responsabilité civile ; qu'elles font valoir qu'en cas de cumul d'assurances, la SAS Ex Nihilo peut obtenir l'indemnisation auprès de l'assureur de son choix ainsi que le prévoit l'article L. 121-4 du code des assurances et qu'elle a choisi de mettre en cause la SA Allianz Iard, son assureur principal ; qu'elles reconnaissent que les deux polices d'assurance souscrites comportent une clause d'exclusion des dommages couverts par l'assurance automobile obligatoire prévue à l'article L. 211-1 du même code ; que dans un premier temps, la société Circles group prétend qu'elle n'a jamais reconnu devoir sa garantie devant le tribunal parce qu'une même clause d'exclusion que celle mentionnée dans le contrat de la société Allianz Iard figure dans ses conditions spécifiques pour la responsabilité civile ; que dans un second temps, cette société d'assurance et la société Ex nihilo soutiennent que la clause d'exclusion figurant dans le contrat de la société Allianz lard est d'interprétation restrictive et que l'assurance doit jouer si la faute délictuelle de l'assuré est retenue ; qu'elles demandent donc à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la SA Allianz Iard à garantir la société Ex Nihilo et rembourser en ses lieu et place les sommes que la GMF justifie avoir payées ; que pour dénier sa garantie, la SA Allianz Iard fait valoir que l'article L. 121-4 ne peut s'appliquer qu'à la condition que sa garantie soit mobilisable, ce qui n'est pas le cas ; qu'elle excipe d'une clause d'exclusion de garantie s'agissant des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur, classique, selon elle, dans les contrats de responsabilité, puisque ces dommages relèvent de l'assurance automobile obligatoire et conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SAS Ex Nihilo de son action en garantie à son encontre ; qu'elle réfute l'argumentation développée par les appelantes en cause d'appel au motif que les dommages subis par les victimes résultent du fait qu'ils ont été renversés par un véhicule terrestres à moteur lesquels sont expressément exclus de sa garantie ; qu'elle ajoute que la société Ex Nihilo et la société Circles group se gardent de citer le dernier alinéa de l'article L. 121-4 précité ; que s'agissant de l'action de la GMF à l'encontre de la société Ex Nihilo, la société Circles group reconnaît qu'elle garantit la responsabilité civile de la société Ex Nihilo selon contrat souscrit à l'occasion du tournage au cours duquel les époux F... ont été blessés ; que dès lors, la GMF, subrogée dans les droits de ces derniers, est fondée à agir directement à son encontre, au visa de l'article L. 124-3 du code des assurances ; que le contrat souscrit par la société Ex Nihilo prévoit dans ses conditions spécifiques au paragraphe 2.8 intitulé "la responsabilité civile" que : - sont couverts "les sommes que vous devriez légalement payer à des tiers en raison des dommages extra-contractuels dont vous seriez tenu responsable du fait des personnes, des immeubles ou des animaux que vous avez sous votre garde et/ou imputables à l'exécution de la production assurée." - n'est pas couverte "la responsabilité du fait de l'utilisation de tout engin motorisé (voiture, avion, bateau...), sauf si ces engins sont utilisés dans une enceinte privée et non soumis à l'obligation d'être assuré" ; que l'article 8.17 des conditions particulières du contrat responsabilité civile souscrit auprès de la société Gan Eurocourtage aux droits de laquelle vient la société Allianz lard précise que l'assureur ne garantit pas "les atteintes aux personnes et aux biens dans la réalisation desquelles est impliqué un véhicule terrestre à moteur (article L. 211-1 du codes assurances) dont l'assuré (ou toute personne dont il répond) a la propriété, la garde ou l'usage, ainsi que les dommages matériels qui en sont la conséquence..." ; que les parties reconnaissent à juste titre que ces clauses d'exclusion sont classiquement présentes dans les contrats garantissant la responsabilité civile dans la mesure où les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur relèvent de l'assurance automobile obligatoire ; que toutefois, les clauses d'exclusion de risques sont d'interprétation restrictive et les clauses visées ne s'appliquent qu'aux dommages causés par des véhicules terrestres à moteur soumis à une assurance obligatoire ; qu'elles ne peuvent donc être opposées aux dommages pour lesquels la responsabilité civile de l'assuré est engagée sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens devenus 1240 et 1241 du code civil ; qu'en conséquence, il sera fait droit à la demande de condamnation in solidum de la SAS Ex Nihilo et de la société Circles group à payer à la GMF la somme de 198 083,15 € ; que s'agissant de la demande de garantie de la société Ex Nihilo par la société Allianz iard, celle-ci est motivée par le fait que l'assuré peut, en cas de cumul d'assurances, choisir l'assureur qu'il souhaite mettre en cause ; que la SA Allianz iard ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie prévue dans son contrat d'assurance pour les mêmes motifs que ceux retenus à l'encontre de la société Circles group puisque les deux clauses d'exclusion sont similaires ; que l'article L. 121-4 du codes assurances, applicable aux assurances de dommages en général (article L. 121-1 et suivants : chapitre 1 - dispositions générales) relatif au cumul d'assurances dispose : « Celui qui est assuré auprès de plusieurs assureurs par plusieurs polices, pour un même intérêt, contre un même risque, doit donner immédiatement à chaque assureur connaissance des autres assureurs. ...Quand elles sont contractées sans fraude, chacune d'elles produit ses effets dans les limites des garanties du contrat et dans le respect des dispositions de l'article L. 121-1, quelle que soit la date à laquelle l'assurance aura été souscrite. Dans ces limites, le bénéficiaire du contrat peut obtenir l'indemnisation de ses dommages en s'adressant à l'assureur de son choix. Dans les rapports entre assureurs, la contribution de chacun d'eux est déterminée en appliquant au montant du dommage le rapport existant entre l'indemnité qu'il aurait versée s'il avait été seul et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s'il avait été seul ». ; que la SAS Ex Nihilo, bénéficiaire du cumul d'assurances, est en droit de choisir la SA Allianz Iard pour sa garantie des condamnations prononcées à son encontre, le fait que la GMF subrogée dans les droits des tiers lésés ait agi directement à l'encontre de la société Circles group et obtenu sa condamnation in solidum, étant sans incidence sur ce choix ; qu'il sera donc fait droit à la demande de garantie formée par la SAS Ex Nihilo, en infirmation du jugement, étant relevé que la SA Allianz lard invoque le dernier alinéa de l'article L. 121-4 du code des assurances relatif à la contribution de chacun des assureurs dans leurs rapports entre eux, sans en tirer aucune conséquence juridique ; 1°) ALORS QUE selon l'article 8.17 des conditions particulières de la police « responsabilité civile — tournage de film » souscrite par la société Ex Nihilo auprès de la société Allianz, l'assureur ne garantit pas « les atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquelles est impliqué un véhicule terrestre à moteur (art. L. 211-1 du code des assurances) dont l'Assuré (ou toute personne dont il répond) a la propriété, la garde ou l'usage, ainsi que les dommages immatériels qui en sont la conséquence, y compris les engins de chantier ou de manutention automoteurs, utilisés comme véhicule ou comme outil, à l'occasion de la circulation ou non ( ) » ; qu'en retenant, pour décider que la société Allianz ne pouvait se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie, que celle-ci ne pouvait être opposée aux dommages pour lesquels la responsabilité civile de l'assuré est engagée sur le fondement des articles 1382 et 1383, anciens devenus 1240 et 1241 du code civil, cependant que c'est précisément lorsque la responsabilité civile de l'assuré est engagée sur le fondement de la responsabilité de droit commun que la garantie responsabilité civile exploitation a vocation à s'appliquer, et que la clause d'exclusion qui y est insérée peut être invoquée par l'assureur lorsque ses conditions d'application sont réunies, à savoir lorsqu'un véhicule terrestre à moteur a été impliqué dans la réalisation des dommages subis par des personnes ou causés à des biens, la cour d'appel, qui a ainsi confondu les conditions de mises en oeuvre de la garantie responsabilité civile d'exploitation souscrite par la société Ex Nihilo et les conditions de mise en oeuvre de la clause d'exclusion contenues dans cette police, a méconnu la volonté des parties et violé l'article 1134 du code civil, devenus l'article 1103 du code civil ; 2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des écritures respectives des parties ; que dans ses dernières conclusions déposées et signifiées le 27 juillet 2017 (p. 9 et 10), la société Allianz a invoqué l'application de l'alinéa 5 de l'article L. 121-4 du code des assurances, lequel dispose que « dans les rapports entre assureurs, la contribution de chacun d'eux est déterminée en appliquant au montant du dommage le rapport existant entre l'indemnité qu'iI aurait versée s'il avait été seul et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur sil avait été seul » et sollicité n'être tenue au-delà des limites de garantie ; qu'en refusant de prendre en compte la demande de la société Allianz fondée sur la prise en compte de la répartition de la charge de l'indemnisation entre les assureurs, motif pris qu'elle avait invoqué le texte sans en tirer aucune conséquence juridique, cependant qu'en invoquant expressément les dispositions de l'article L. 121-4 alinéa 5 du code des assurances, la société Allianz a sollicité le partage de la garantie en comparaison des indemnités devant être respectivement versées par les deux assureurs, la cour d'appel a dénaturé les termes du litiges, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Circles group et Ex nihilo Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société Ex Nihilo responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont les époux F... ont été victimes le 24 août 2011 et d'avoir condamné in solidum les sociétés Ex Nihilo et Circles Group à payer à la société GMF la somme de 198.083,15 euros au titre de son recours subrogatoire ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la recevabilité du recours subrogatoire de la GMF : La SAS Ex Nihilo et la société Circles Group soulèvent l'irrecevabilité du recours subrogatoire de la société GMF au motif que la garde du véhicule de son assuré a été transférée à la société Ex Nihilo et que le véhicule était conduit par un de ses salariés, qu'en vertu de l'article L. 211-1, alinéa 2 du code des assurances, le contrat d'assurance obligatoire visé par la loi du 5 juillet 1985 couvre également la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule et que la seule possibilité pour l'assureur d'exercer un recours subrogatoire est limitée au seul cas où la garde et la conduite ont été obtenues contre le gré du propriétaire, en vertu de l'alinéa 3 du texte précité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elle ajoute que le recours de l'assureur ne peut être exercé que sur le fondement de ce texte à l'exclusion des articles 1382 et 1383 du code civil et L. 121-12 alinéa 1 du code des assurances. Elle prétend que la garde a été transférée puisque M. X... a prêté son véhicule en ne fixant aucune restriction et que tous les attributs de la garde ont été reçus par la société Ex Nihilo dont l'un des salariés (acteur) a conduit le véhicule. La GMF conclut à la confirmation du jugement. Elle rétorque qu'ayant indemnisé définitivement l'intégralité des préjudices de M. et Mme F..., elle est, sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances, subrogée tant dans les droits des victimes que de son assuré et peut exercer une action récursoire en responsabilité à l'encontre de la société Ex Nihilo, tiers co-responsable sur le fondement de droit commun des articles 1240 et 1241 du code civil. En réponse à l'argumentation de l'intimée, elle soutient que son recours n'est pas exercé contre la société Ex Nihilo en qualité de gardienne du véhicule impliqué. Elle en déduit que son recours subrogatoire n'est pas soumis aux dispositions de l'article L. 211-1 du code des assurances et qu'elle est recevable à rechercher la responsabilité de la société Ex Nihilo en raison de ses fautes et négligences en matière de sécurisation du tournage. Selon l'article L. 121-12, alinéa 1er du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. L'article L. 211-1 du même code dispose que : toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité. Les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée au premier alinéa du présent article doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule. L'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. La GMF exerce son recours subrogatoire contre la société Ex Nihilo en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de l'article 1383 ancien devenu 1241 nouveau du code civil et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident. Le recours subrogatoire ainsi dirigé n'est pas régi par l'article L. 211-1 alinéa 3 mais par l'article L. 121-12, applicable aux assurances de dommages en général (articles L. 121-1 et suivants : chapitre 1 – dispositions générales) et aux assurances de responsabilité en particulier (article L. 124-1 et suivants : chapitre IV : assurances de responsabilité). Bien que l'article L. 121-12 n'envisage expressément que la subrogation de l'assureur dans les droits de l'assuré, il est de jurisprudence constante que l'assureur peut se prévaloir, sur le fondement de cet article, d'une subrogation dans les droits du tiers victime qu'elle indemnise. Ainsi, l'assureur de responsabilité qui verse une indemnité au tiers lésé peut être subrogé dans les droits de ce dernier et exercer le recours qui lui appartenait contre le co-responsable de l'accident. En conséquence, la GMF apparaît recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de la société Ex Nihilo en qualité de tiers co-responsable, comme l'ont retenu avec pertinence les premiers juges » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la recevabilité de l'action récursoire de la GMF : Il est constant que l'accident litigieux a eu lieu sur le tournage du film La Cité Rose, le 24 août 2011 rue Curial – au croisement de la rue Riquet, dans le 19ème arrondissement de Paris ; que l'un des véhicules de jeu étant indisponible, M. A... X..., membre de l'association Unité Urbaine, qui encadrait de jeunes figurants, a proposé de prêter son véhicule personnel, ce que la société Ex Nihilo a accepté ; que le véhicule de M. X... devait arriver devant un bâtiment administratif situé au 104 de la rue Curial, transformé pour les besoins du tournage en commissariat ; que M. E... Q..., comédien, était au volant du véhicule prêté par M. A... X... ; que la scène où l'on voit le véhicule arriver devant le numéro 104 de la rue Curial a été filmée plusieurs fois et à chaque nouvelle prise, l'acteur reculait le véhicule derrière un passage pour piétons ; qu'à l'occasion de l'une de ces manoeuvres, Mme et M. F..., tous deux non-voyants, ont traversé la chaussée au niveau d'un passage protégé, alors que le feu tricolore était au vert pour les piétons ; qu'ils utilisaient un appareil spécifique permettant, à l'aide d'une télécommande, d'activer un répétiteur sonore leur indiquant que le feu tricolore était vert pour les piétons ; que Mme et M. F... ont ainsi pénétré dans la zone de tournage et ont été heurtés par le véhicule conduit par M. E... Q... qui reculait. Le droit des époux F... à l'indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011 est incontestable en ce qu'il résulte des articles 1er et 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relative aux victimes d'accidents de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur. En sa qualité d'assureur du véhicule impliqué, la GMF a versé diverses sommes aux victimes et aux tiers payeurs conformément aux dispositions des articles L. 211-9 du code des assurances. Selon l'article L. 121-12 alinéa 1er du Code des assurances, « l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ». Certes la GMF ne pourrait rechercher la responsabilité de la société Ex Nihilo en qualité de gardienne du véhicule au moment de l'accident puisque l'article L. 211-1 alinéa 2 du code des assurances lui impose justement de couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule. Aucun texte n'interdit, par contre, à la GMF de poursuivre la responsabilité de la société Ex Nihilo sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, en sa qualité d'organisatrice du tournage sur lequel s'est produit l'accident » ; 1°/ ALORS QUE si l'article L. 121-12 du Code des assurances dispose de façon générale que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, il est dérogé à cette règle par l'article L. 211-1 du même code en cas de dommages résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué ; que dans cette hypothèse, l'assureur ne peut être subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même constaté que M. et Mme F... avaient été victimes d'un accident de la circulation le 24 août 2011 impliquant un véhicule appartenant à M. X..., qui avait été prêté gracieusement par ce dernier à la société Ex Nihilo pour les besoins du tournage, ce dont il résulte que cette dernière était la gardienne du véhicule ; qu'elle a également relevé que la société GMF avait, sur le fondement de l'article L. 211-9 du Code des assurances, en sa qualité d'assureur de M. X..., propriétaire du véhicule impliqué, réglé diverses sommes à titre d'indemnités aux époux F... ; qu'en retenant cependant que le recours subrogatoire intenté par la société GMF contre la société Circles Group, assureur de la société Ex Nihilo, n'était pas régi par les dispositions de l'article L. 211-1 du Code des assurances mais par celles de l'article L. 121-12 du même code, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé par fausse application le premier de ces textes et par refus d'application le second ; 2°/ ALORS QU'en cas de dommages résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué, l'assureur ne peut être subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire ; qu'il en résulte que l'assureur qui entend exercer un recours contre le conducteur ou le gardien d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident ne peut agir que sur le fondement de cette règle, à l'exclusion du droit commun ; qu'en l'espèce, il est constant, ainsi que la Cour d'appel l'a constaté, que le véhicule impliqué dans l'accident avait été prêté gracieusement par M. X..., son propriétaire à la société Ex Nihilo pour les besoins du tournage qu'elle organisait ; qu'il en résultait que la société Ex Nihilo était gardienne du véhicule impliqué ; qu'elle était donc la personne responsable de l'accident au sens de l'article L. 211-1 du Code des assurances ; qu'en retenant néanmoins, pour le déclarer recevable, que le recours subrogatoire exercé par la société GMF visait la société Ex Nihilo, « en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de l'article 1383 ancien devenu 1241 nouveau du Code civil et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident », cependant que l'assureur, exerçant son recours contre la société Ex Nihilo, personne responsable de l'accident, ne pouvait agir que sur le fondement de l'article L. 211-1 du Code des assurances, à l'exclusion du droit commun, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 121-12 du Code des assurances par fausse application et l'article L. 211-1 du même Code par refus d'application ; 3°/ ALORS QUE, subsidiairement, l'assureur ne peut en tout état de cause être subrogé que dans les droits et actions qui appartiennent au tiers victime qu'il indemnise ; que l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, à l'exclusion de celles des articles 1382 et suivants (devenus 1240 et suivants) du Code civil ; qu'en l'espèce la Cour d'appel a elle-même constaté que M. et Mme F... avaient été victimes d'un accident de la circulation le 24 août 2011 impliquant un véhicule appartenant à M. X..., qui avait été prêté gracieusement par ce dernier à la société Ex Nihilo pour les besoins du tournage, ce dont il résulte que cette dernière était la gardienne du véhicule ; que l'indemnisation de M. et Mme F... ne pouvait en conséquence intervenir que sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, ce qui a d'ailleurs été le cas ; qu'en conséquence, à supposer même que la société GMF puisse faire valoir avoir été subrogée dans les droits de M. et Mme F... à l'égard de la personne responsable de l'accident, son recours subrogatoire fondé sur les articles 1382 et 1383 du Code civil (devenus 1240 et 1241) n'en demeurerait pas moins irrecevable, faute d'existence de tout recours ouvert sur le fondement de ces textes au profit des victimes de l'accident ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1 à 6 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble les articles 1382 et 1383 du Code civil (devenus 1240 et 1241).
Il résulte de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 que les victimes d'un accident dans lequel se trouve impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peuvent être indemnisées que sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985. Selon l'article L. 211-1, alinéas 2 et 3, du code des assurances, les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée en son premier alinéa doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, et l'assureur n'est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. Dès lors, l'assureur qui entend exercer un recours contre le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident ne peut agir que sur le fondement du premier texte, à l'exclusion du droit commun. Encourt par conséquent la cassation l'arrêt qui déclare l'assureur ayant indemnisé les victimes d'un accident de la circulation recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre d'un tiers jugé responsable sur le fondement des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil, alors qu'il constate qu'un véhicule, dont le propriétaire n'avait pas été dépossédé contre sa volonté, était impliqué dans cet accident
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 novembre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1143 F-P+B+I Pourvoi n° D 19-21.308 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 La société Q... R..., société civile professionnelle, dont le siège est 7 rue du Jeu de l'Arc, 34000 Montpellier, a formé le pourvoi n° D 19-21.308 contre l'ordonnance de taxe rendue le 27 juin 2019 par le premier président de la cour d'appel de Montpellier, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. T... I..., domicilié [...] , 2°/ à la société Furuno France, société par actions simplifiée, dont le siège est 12 rue Laplace, ZI du Phare, 33700 Mérignac, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Q... R..., et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Q... R... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Furuno France. Faits et procédure 2. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel statuant en matière de taxe (Montpellier, 27 juin 2019), la cour d'appel de Montpellier a rendu un arrêt le 11 avril 2013 prononçant la caducité de la déclaration d'appel émanant de M. I... et laissant les dépens à sa charge dans l'instance l'opposant à la société Furuno France, assistée par la société Q... R... (l'avocat). 3. Sur sa demande formée le 20 juillet 2017, l'avocat a obtenu le 26 juillet suivant du secrétaire de la juridiction un certificat de vérification des dépens, qu'il a notifié à M. I... par lettre recommandée avec avis de réception du 26 juillet 2017. 4. M. I..., invoquant la prescription de l'action en recouvrement des dépens, a contesté ce certificat devant le juge taxateur. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. L'avocat fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance constatant la prescription de l'action en recouvrement des dépens de l'avocat, alors « que le délai de prescription étant interrompu par la demande en justice, la notification du certificat de vérification des dépens, emportant acceptation par son auteur du compte vérifié, faite par lettre recommandée avec accusé de réception, interrompt le délai de prescription de l'action en recouvrement ; que le premier président qui, pour constater la prescription de l'action en recouvrement des dépens de l'avocat, a retenu que la notification du certificat de vérification, qui n'était pas une décision de justice et dont la notification ne valait ni acceptation ni reconnaissance par écrit de la dette, n'était pas susceptibles d'interrompre la prescription extinctive, qu'il a violé les articles 2240 du code civil, 706 et 718 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 2241 du code civil, 706 et 718 du code de procédure civile : 6. Il résulte du premier de ces textes que la demande en justice interrompt le délai de prescription et des deux autres que la notification, faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par la partie poursuivante, du compte des dépens à l'adversaire, emporte acceptation par son auteur du compte vérifié. 7. Il se déduit de la combinaison de ces dispositions que la notification par l'avocat, partie poursuivante, du certificat de vérification des dépens constitue un acte interruptif de la prescription de son action en recouvrement des dépens. 8. Pour dire acquise la prescription de l'action en recouvrement des dépens de l'avocat, l'ordonnance retient, par motifs substitués, qu'il convient de retenir le délai de droit commun de cinq ans de l'article 2224 du code civil, le point de départ de ce délai étant nécessairement le 11 avril 2013, date de l'arrêt qui déclare caduc l'appel formé par M. I.... 9. Elle relève que l'avocat soutient qu'il a déposé sa requête aux fins de taxation le 20 juillet 2017 et notifié à M. I... le certificat de vérification des dépens par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juillet 2017 et qu'en conséquence la prescription de son action n'est pas acquise. 10. La décision énonce que les causes d'interruption de la prescription sont limitativement énumérées par les articles 2240 et suivants du code civil et que ni la demande de vérification des dépens, qui n'est pas une demande en justice, ni la notification du certificat de vérification ne sont susceptibles d'interrompre la prescription extinctive. 11. L'ordonnance relève enfin que plus de cinq ans se sont écoulés entre l'arrêt du 11 avril 2013 et l'ordonnance rendue, sur recours, le 20 août 2018 et qu'aucun acte n'est venu interrompre la prescription de l'action en recouvrement de dépens réclamés à M. I.... 12. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 27 juin 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Montpellier ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Toulouse ; Condamne M. I... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Q... R... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société civile professionnelle Q... R... Le moyen reproche à l'arrêt attaqué : D'AVOIR confirmé l'ordonnance constatant la prescription de l'action en recouvrement des dépens de la SCP Q... R..., AUX MOTIFS SUBSTITUÉS QUE « le premier juge a fait application des dispositions de l'article 2273 ancien du Code civil ; que ces dispositions ont été abrogées par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et il convient en réalité de retenir le délai de droit commun de cinq ans de l'article 2224 du Code civil ; que le point de départ de ce délai est nécessairement la date de l'arrêt qui a déclaré caduc l'appel formé par Monsieur T... I..., mettant ainsi un terme à la contestation du jugement rendu le 14 février 2012 qui avait condamné ce dernier aux dépens. Il convient dès lors de retenir la date du 11 avril 2013 comme marquant le point de départ du délai de prescription ; que la SCP Q... R... soutient que lorsqu'elle a déposé sa requête aux fins de taxation le 20 juillet 2017 et lorsqu'elle a notifié à Monsieur T... I... le certificat de vérification des dépens par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 juillet 2017 la prescription n'était pas acquise affirmant ainsi, au moins implicitement, que ces deux circonstances ont interrompu la prescription extinctive ; qu'il convient cependant de relever que les causes d'interruption de la prescription sont limitativement énumérées par les articles 2240 et suivants du code civil et qu'à cet égard ni la demande de vérification des dépens, qui n'est pas une demande en justice, ni la notification du certificat de vérification, qui n'est pas une décision de justice et dont la notification ne vaut ni acceptation, ni reconnaissance par écrit de la dette, ne sont susceptibles d'interrompre la prescription extinctive ; que pas davantage le recours exercé par Monsieur T... I..., qui, a contesté le certificat par courrier du 24 août posté le 25 août 2017 en se prévalant des effets de la prescription, alors que la prescription ne peut être interrompue par un recours exercé par une partie qui se prévaut à son bénéfice de la prescription ; qu'en définitive il convient de relever que plus de cinq ans se sont écoulés entre l'arrêt du 11 avril 2013 et l'ordonnance rendue le 20 août 2018 et aucun acte n'est venu interrompre la prescription de l'action en recouvrement de dépens réclamés à Monsieur T... I..., lequel n'a pas reconnu sa dette dans le délai de la prescription, ni entendu renoncer à se prévaloir de la prescription extinctive ; qu'il convient par voie de conséquence, ces motifs se substituant à ceux exprimés par le premier juge, de confirmer l'ordonnance entreprise » ; ALORS QUE le délai de prescription étant interrompu par la demande en justice, la notification du certificat de vérification des dépens, emportant acceptation par son auteur du compte vérifié, faite par lettre recommandée avec accusé de réception, interrompt le délai de prescription de l'action en recouvrement ; que le premier président qui, pour constater la prescription de l'action en recouvrement des dépens de la SCP Q... R..., a retenu que la notification du certificat de vérification, qui n'était pas une décision de justice et dont la notification ne valait ni acceptation, ni reconnaissance par écrit de la dette, n'était pas susceptibles d'interrompre la prescription extinctive, qu'il a violé les articles 2240 du code civil, 706 et 718 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 2241 du code civil que la demande en justice interrompt le délai de prescription et des articles 706 et 718 du code de procédure civile que la notification, faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par la partie poursuivante, du compte des dépens à l'adversaire, emporte acceptation par son auteur du compte vérifié. Il se déduit de la combinaison de ces dispositions que la notification par l'avocat, partie poursuivante, du certificat de vérification des dépens constitue un acte interruptif de la prescription de son action en recouvrement des dépens
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 novembre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1147 F-P+B+I sur le 1er moyen Pourvoi n° Y 19-20.314 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 Mme T... J... , domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-20.314 contre l'ordonnance rendue le 22 mai 2019 par le premier président de la cour d'appel de Versailles, dans le litige l'opposant à M. I... Q..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme J... , de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. Q..., et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 22 mai 2019), M. Q..., naguère marié à Mme T... J... (l'avocate), dont il a divorcé en juillet 2017, avait confié à cette dernière, en 2003, la défense de ses intérêts et ceux de sa soeur dans un litige qui concernait la succession de leur père. 2. Alors qu'aucune convention d'honoraires n'avait été conclue, l'avocate a établi au mois de février 2016 une facture de ses diligences, dont elle n'a pas obtenu le règlement de M. Q..., qui a indiqué qu'aucun mandat à titre onéreux n'avait été confié à son ex-épouse. 3. Par lettre du 27 juin 2017, l'avocate a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation de ses honoraires. Examen des moyens Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses sixième et huitième branches, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. L'avocate fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes tendant à la fixation de ses honoraires et à la condamnation de M. Q... à leur paiement, alors « que la procédure de contestation en matière d'honoraires et débours d'avocat concerne les seules contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires, de sorte qu'il n'appartient pas au juge de l'honoraire de se prononcer sur le caractère onéreux ou gratuit du mandat conclu entre l'avocat et son client ; qu'en se fondant, pour débouter Mme J... de sa demande en fixation des honoraires dus par M. Q..., sur le caractère prétendument gratuit du mandat litigieux, le premier président a excédé son office, en violation de l'article 174 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991. » Réponse de la Cour 6. Dès lors qu'il résulte de l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que la procédure de contestation en matière d'honoraires et débours d'avocats concerne les contestations relatives au montant et au recouvrement de leurs honoraires, il relève de l'office même du juge de l'honoraire de déterminer, lorsque cela est contesté, si les prestations de l'avocat ont été fournies ou non à titre onéreux. 7. Par suite, c'est sans excéder ses pouvoirs que le premier président a décidé que le mandat qui liait l'avocate à M. Q... n'avait pas été donné à titre onéreux. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Et sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième branches Enoncé du moyen 9. L'avocate fait le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ que, subsidiairement, gratuit par nature, le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle ; que le premier président, pour débouter Mme J... de ses demandes en paiement d'honoraires au titre des diligences accomplies dans les différents dossiers dont elle avait été saisie en vue de la défense des intérêts de M. Q..., a recherché exclusivement si les éléments de preuve produits aux débats étaient susceptibles de démontrer le caractère onéreux du mandat conclu entre les parties, après avoir énoncé que le mandat est gratuit, sauf convention contraire ; qu'en statuant ainsi, quand ledit mandat était présumé à titre onéreux en l'état de la profession habituelle de Mme J... , ce dont il résultait qu'il appartenait à M. Q... de démontrer le caractère gratuit du mandat et non à l'avocat de prouver son caractère onéreux, le premier président a violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 1353 du même code ; 3°/ que gratuit par nature, le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle, de sorte que l'absence de convention d'honoraire entre les parties n'est pas de nature à exclure l'existence d'un mandat à titre onéreux ; qu'en se fondant pourtant sur le motif impropre tiré de l'absence d'une telle convention entre Mme J... et M. Q..., pour en déduire l'absence de caractère onéreux du mandat confié à l'avocat, le premier président a violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 4°/ que gratuit par nature, le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle, de sorte que l'absence de mention par un avocat, au cours de la relation contractuelle, d'honoraires de diligences n'est pas davantage de nature à exclure l'existence d'un mandat à titre onéreux ; qu'en se fondant pourtant sur la circonstance impropre tirée de ce qu'à aucun moment, Mme J... n'avait, dans ses échanges avec M. Q..., fait mention d'honoraires de diligences, pour en déduire l'absence de caractère onéreux du mandat confié à l'avocat, le premier président a derechef violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 5°/ que si la convention par laquelle les honoraires sont fixés exclusivement en fonction du résultat judiciaire est interdite et nulle, il appartient dans un tel cas au juge de l'honoraire d'apprécier les honoraires dus à l'avocat en fonction des critères institués par l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; qu'il suit de là que la conclusion d'un tel pacte de quota litis entre un avocat et son client n'est pas de nature à exclure l'existence d'un mandat à titre onéreux ; qu'en se fondant pourtant sur le motif impropre tiré de l'existence d'un tel pacte qui aurait été conclu entre Mme J... et M. Q..., pour en déduire l'absence de caractère onéreux du mandat confié à l'avocat, le premier président a de nouveau violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 7°/ que seule la fixation d'honoraires exclusivement en fonction du résultat judiciaire est interdite ; qu'en retenant, pour dire que les honoraires de résultat auxquels il était fait référence dans les échanges entre l'avocat et son client relevaient d'un pacte de quota litis prohibé, que Mme J... n'avait, dans ses échanges avec M. Q..., pas fait mention d'honoraires de diligences, sans examiner, même sommairement, la facture du 31 décembre 2007 d'honoraires de diligences à hauteur de 20 000 euros hors taxes produite par l'avocat, d'où il résultait que les honoraires de résultat convenus étaient complémentaires d'un honoraire de diligences, le premier président a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 10. Le premier président, après avoir relevé que Mme J... et M. Q... « étaient mariés lorsque ce dernier a demandé à son épouse de se charger de la défense de ses intérêts et de ceux de sa soeur, dans le cadre de la succession de son père », et pris ainsi en considération « le contexte des relations entretenues alors par les parties », a pu en déduire qu'aucune rémunération n'avait été convenue entre elles. 11. Dès lors, c'est sans inverser la charge de la preuve que le premier président, écartant de la sorte, en raison du contexte familial dans lequel l'assistance avait été apportée, la présomption selon laquelle le mandat est salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle, puis estimant souverainement que les termes des courriels du 6 mars 2016 émanant de M. Q... et invoqués par l'avocate ne permettaient pas d'établir que le mandat avait été confié à titre onéreux, a statué. 12. Pour conclure à l'inexistence d'un mandat à titre onéreux le premier président ne s'est ainsi fondé, ni sur l'absence entre les parties d'une convention d'honoraires, ou d'échanges relatifs à des honoraires de diligences, ni sur un pacte de quota litis qui aurait été conclu entre elles. 13. Le moyen, qui n'est donc pas fondé en sa deuxième branche, et qui est inopérant en ses troisième, quatrième, cinquième et septième branches, ne peut dès lors être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme J... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux disposition des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme J... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré irrecevable la demande en paiement de la somme de 27 355,20 euros toutes taxes comprises au titre d'un honoraire de résultat formée en cause d'appel par madame J... ; Aux motifs qu'« en ce qui concerne par ailleurs la recevabilité de la demande en paiement de 27 355,20 euros TTC au titre d'un honoraire de résultat, monsieur I... Q... fait observer à juste titre que cette demande présentée pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable » (ordonnance, p. 3) ; 1°) Alors que la demande en paiement d'un honoraire de résultat formée en cause d'appel, complémentaire de celle relative à l'honoraire de diligence soumise au bâtonnier, ne constitue pas une demande nouvelle, comme telle irrecevable ; qu'en retenant néanmoins que la demande, formée par l'avocat, en paiement de la somme de 27 355,20 euros toutes taxes comprises au titre d'un honoraire de résultat était irrecevable, pour avoir été présentée pour la première fois en cause d'appel, quand une telle demande était recevable pour être complémentaire de celle présentée devant le bâtonnier, tendant à obtenir le paiement d'honoraires pour les diligences accomplies, le premier président a violé l'article 564 du code de procédure civile ; 2°) Alors que, subsidiairement, une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel, est tenue de l'examiner, au besoin d'office, au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en ne recherchant pas si la demande, formée par l'avocat, en paiement de la somme de 27 355,20 euros toutes taxes comprises au titre d'un honoraire de résultat, n'était pas complémentaire de celle présentée devant le bâtonnier, tendant à obtenir le paiement d'honoraires pour les diligences accomplies, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée, confirmative de ce chef, d'avoir débouté madame J... de toutes ses demandes tendant à la taxation de ses honoraires et à la condamnation de monsieur Q... à leur paiement ; Aux motifs propres qu'« il ressort des débats et des éléments du dossier que madame T... J... et monsieur I... Q... étaient mariés lorsque ce dernier a demandé à son épouse de se charger de la défense de ses intérêts et de ceux de sa soeur, dans le cadre de la succession de son père ; il n'est pas contesté que madame T... J... a accompli un travail important pour agir devant des tribunaux de commerce, puis en appel, afin de faire reconnaître les droits des héritiers spoliés ; néanmoins, la question qui se pose dans la présente instance est de savoir à quel titre madame T... J... est intervenue ; aux termes de l'article 1986 du code civil le mandat est gratuit, sauf convention contraire ; pour soutenir que le mandat qui la liait à monsieur I... Q... avait été donné à titre onéreux, madame T... J... invoque des courriels dans lesquels monsieur I... Q... lui proposait de percevoir tantôt 5 %, tantôt 10 % des sommes recouvrées ; il convient d'observer qu'aucune convention d'honoraire n'a été soumise à la signature de monsieur I... Q..., et qu'à aucun moment madame T... J... n'a, dans ses échanges avec monsieur I... Q..., fait mention d'honoraires de diligences ; quant aux honoraires de résultat auxquels il est fait allusion dans les messages, monsieur I... Q... relève à juste titre qu'il s'agit de pactes de quota litis interdits par la loi ; compte tenu du contexte des relations entretenues alors par les parties, cela semble être plutôt une récompense pour le travail effectué par madame T... J... , et non une rémunération ; dès lors, c'est à bon droit que le bâtonnier a débouté madame T... J... de ses demandes » (ordonnance, pp. 3 et 4) ; 1°) Alors que la procédure de contestation en matière d'honoraires et débours d'avocat concerne les seules contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires, de sorte qu'il n'appartient pas au juge de l'honoraire de se prononcer sur le caractère onéreux ou gratuit du mandat conclu entre l'avocat et son client ; qu'en se fondant, pour débouter madame J... de sa demande en fixation des honoraires dus par monsieur Q..., sur le caractère prétendument gratuit du mandat litigieux, le premier président a excédé son office, en violation de l'article 174 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 ; 2°) Alors que, subsidiairement, gratuit par nature, le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle ; que le premier président, pour débouter madame J... de ses demandes en paiement d'honoraires au titre des diligences accomplies dans les différents dossiers dont elle avait été saisie en vue de la défense des intérêts de monsieur Q..., a recherché exclusivement si les éléments de preuve produits aux débats étaient susceptibles de démontrer le caractère onéreux du mandat conclu entre les parties, après avoir énoncé que le mandat est gratuit, sauf convention contraire ; qu'en statuant ainsi, quand ledit mandat était présumé à titre onéreux en l'état de la profession habituelle de madame J... , ce dont il résultait qu'il appartenait à monsieur Q... de démontrer le caractère gratuit du mandat et non à l'avocat de prouver son caractère onéreux, le premier président a violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 1353 du même code ; 3°) Alors que gratuit par nature, le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle, de sorte que l'absence de convention d'honoraire entre les parties n'est pas de nature à exclure l'existence d'un mandat à titre onéreux ; qu'en se fondant pourtant sur le motif impropre tiré de l'absence d'une telle convention entre madame J... et monsieur Q..., pour en déduire l'absence de caractère onéreux du mandat confié à l'avocat, le premier président a violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 4°) Alors que gratuit par nature, le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle, de sorte que l'absence de mention par un avocat, au cours de la relation contractuelle, d'honoraires de diligences n'est pas davantage de nature à exclure l'existence d'un mandat à titre onéreux ; qu'en se fondant pourtant sur la circonstance impropre tirée de ce qu'à aucun moment, madame J... n'avait, dans ses échanges avec monsieur Q..., fait mention d'honoraires de diligences, pour en déduire l'absence de caractère onéreux du mandat confié à l'avocat, le premier président a derechef violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 5°) Alors que si la convention par laquelle les honoraires sont fixés exclusivement en fonction du résultat judiciaire est interdite et nulle, il appartient dans un tel cas au juge de l'honoraire d'apprécier les honoraires dus à l'avocat en fonction des critères institués par l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; qu'il suit de là que la conclusion d'un tel pacte de quota litis entre un avocat et son client n'est pas de nature à exclure l'existence d'un mandat à titre onéreux ; qu'en se fondant pourtant sur le motif impropre tiré de l'existence d'un tel pacte qui aurait été conclu entre madame J... et monsieur Q..., pour en déduire l'absence de caractère onéreux du mandat confié à l'avocat, le premier président a de nouveau violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 6°) Alors que le premier président de cour d'appel, saisi d'une contestation d'honoraires d'avocat, ne peut rejeter intégralement la demande en fixation d'honoraires formée par l'avocat, cependant qu'il constate l'existence de diligences réalisées par l'avocat pour le compte de son client ; que le premier président a relevé que madame J... avait accompli un travail important pour agir devant des tribunaux de commerce, puis en appel, afin de faire reconnaître les droits des héritiers spoliés et que les honoraires de résultat convenus entre les parties semblaient être une récompense pour le travail effectué par l'avocat ; qu'en déboutant pourtant madame J... de sa demande en fixation d'honoraires, quand il lui appartenait d'exercer son office en fixant les honoraires dus à l'avocat pour les diligences dont il avait constaté l'accomplissement, peu important la régularité du pacte de quota litis, le premier président a violé l'article 4 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 7°) Alors que seule la fixation d'honoraires exclusivement en fonction du résultat judiciaire est interdite ; qu'en retenant, pour dire que les honoraires de résultat auxquels il était fait référence dans les échanges entre l'avocat et son client relevaient d'un pacte de quota litis prohibé, que madame J... n'avait, dans ses échanges avec monsieur Q..., pas fait mention d'honoraires de diligences, sans examiner, même sommairement, la facture du 31 décembre 2007 d'honoraires de diligences à hauteur de 20 000 euros hors taxes produite par l'avocat, d'où il résultait que les honoraires de résultat convenus étaient complémentaires d'un honoraire de diligences, le premier président a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; Et aux motifs éventuellement adoptés que « lors de leur comparution du 4 janvier 2018, les parties ont expliqué, l'une comme l'autre que : - les procédures mises en oeuvre par madame J... l'ont été sans que ne soit passée de convention d'honoraires, - qu'il n'existe pas davantage de "lettre de mission", - pour la raison qu'ils étaient unis par les liens du mariage à l'époque, - qu'ils ont divorcé en juillet 2017 ; si la demande en fixation d'honoraires n'est dirigée que contre le seul I... Q..., il apparaît que les procédures facturées par madame J... ont été initiées pour le compte de ce dernier et de sa soeur P... Q..., l'un et l'autre ayants droit de leur père K... décédé le 19 mars 2003 ; monsieur I... Q... affirme qui ni lui, ni sa soeur, n'ont donné mandat d'agir à madame J... ; il soutient, en outre, que cette dernière a fait savoir en 2016 qu'elle entendait se rémunérer en prélevant 5 à 10 % des sommes recouvrées ; en l'absence de convention d'honoraires la preuve du mandat n'est pas rapportée, et par voie de conséquence celle de son caractère onéreux, par application des articles 1985 et 1986 du code civil ; dans sa rédaction issue d'une assemblée générale du CNB du 12 décembre 2015, l'article 11.2 RIN édite que : "Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés" ; en outre, dans sa rédaction antérieure à 2015, le RIN imposait à l'avocat d'informer "son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant" ; dans celle issue de l'assemblée générale du CNB du 12 décembre 2015, l'article 11.1 RIN est ainsi libellé : "L'avocat informe son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires et l'informe régulièrement de l'évolution de leur montant. L'avocat informe également son client de l'ensemble des frais, débours et émoluments qu'il pourrait exposer" ; enfin, l'article 11.7 RIN, dans sa rédaction initiale comme dans sa rédaction actuelle imposant à l'avocat de remettre à "son client un compte détaillé", "avant tout règlement définitif" ; aucune de ces obligations déontologiques n'a été respectée par madame J... » (décision, pp. 2 et 3) ; 8°) Alors que la procédure de contestation en matière d'honoraires et débours d'avocat concerne les seules contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires, de sorte que le juge de l'honoraire n'a pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ; qu'en se fondant pourtant, pour débouter madame J... de sa demande en fixation d'honoraires, sur de prétendus manquements de cette dernière à son obligation d'information quant aux modalités de détermination des honoraires, le premier président a excédé son office, en violation de l'article 174 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991. Le greffier de chambre
Dès lors qu'il résulte de l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que la procédure de contestation en matière d'honoraires et débours d'avocats concerne les contestations relatives au montant et au recouvrement de leurs honoraires, il relève de l'office même du juge de l'honoraire de déterminer, lorsque cela est contesté, si les prestations de l'avocat ont été fournies ou non à titre onéreux. Par suite, c'est sans excéder ses pouvoirs qu'un premier président décide que le mandat qui lie un avocat à son client a été donné à titre gratuit
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 novembre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1151 FS-P+B+I Pourvoi n° Z 19-17.164 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 La société Groupama Gan vie, société anonyme, dont le siège est 8-10 rue d'Astorg, 75008 Paris, a formé le pourvoi n° Z 19-17.164 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant à M. R... V..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Déménagements transports Pupier, défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, les observations et la plaidoirie de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Groupama Gan vie, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen rapporteur, M. Besson, conseiller, Mme Bouvier, M. Martin, conseillers, M. Talabardon, M. Ittah, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 mars 2019), la société Déménagements transports Pupier (la société DTP) a souscrit, le 1er décembre 2012, un contrat collectif d'assurance complémentaire santé au bénéfice de ses salariés auprès de la société Groupama Gan vie (l'assureur). 2. Par jugement du 17 mai 2016, la société DTP a été placée en liquidation judiciaire, avec désignation de M. V... en qualité de liquidateur. 3. M. V..., es qualités, a sollicité de l'assureur la mise en oeuvre, au bénéfice des salariés licenciés de la société DTP, du dispositif de maintien des garanties prévu par l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. 4. L'assureur ayant soutenu que le régime de portabilité des droits ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation judiciaire de l'adhérent, M. V..., ès qualités, l'a assigné devant un tribunal de commerce. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. L'assureur fait grief à l'arrêt de lui ordonner de maintenir le contrat complémentaire santé versé aux débats, référencé sous Régime n° 158 - Contrat n°9545/0 et ses additifs tel que signé le 11 janvier 2013, souscrit par la société DTP le 11 janvier 2013, postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société DTP consécutivement à la liquidation judiciaire selon les modalités prévues par les contrats souscrits et les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, alors « que l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance-chômage, selon les conditions qu'il détermine ; que, toutefois, le maintien des garanties est subordonné à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance lorsque l'entreprise souscriptrice est placée en liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la loi ne subordonnait la portabilité des droits au profit des salariés licenciés qu'à « l'existence et l'application d'un contrat collectif de complémentaire au jour où le licenciement du salarié est intervenu et ne crée qu'une seule exclusion au bénéfice de la portabilité touchant les salariés licenciés pour faute lourde » (arrêt, p. 5 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 18 et 19), s'il existait un dispositif assurant le financement du maintien de la couverture santé et prévoyance souscrite par la société DTP, ce que contestait la société Groupama Gan Vie qui faisait valoir que le financement du dispositif de portabilité reposait sur un système de mutualisation pesant sur l'employeur et les salariés demeurant dans l'entreprise, et non sur l'assureur, qui ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 6. L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon des conditions qu'il détermine. 7. Ces dispositions, qui revêtent un caractère d'ordre public en application de l'article L. 911-14 du code de la sécurité sociale, n'opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l'employeur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et ne prévoient aucune condition relative à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance. 8. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé qu'il n'était pas justifié de la résiliation du contrat collectif d'assurance en cause, puis retenu que les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale ne prévoyant aucune exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés par suite d'une liquidation judiciaire de leur ancien employeur, il n'y avait pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et énoncé, enfin, que les observations de l'assureur sur le financement de la couverture mutuelle des salariés licenciés ne se rapportaient pas à un critère ou à une condition d'application de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Groupama Gan vie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupama Gan vie. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Groupama Gan vie IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à la société Groupama Gan Vie de maintenir le contrat complémentaire santé versé aux débats, référencé sous Régime n°158 - Contrat n°9545/0 et ses additifs tel que signé le 11 janvier 2013, souscrit par la société Déménagements Transports Pupier le 11 janvier 2013, postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société Déménagements Transports Pupier consécutivement à la liquidation judiciaire selon les modalités prévues par les contrats souscrits et les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale ; AUX MOTIFS PROPRES QU' au visa de l'article 1134 ancien, devenu 1103, du code civil, disposition ancienne seule applicable au litige en application de l'article 9 de l'ordonnance du 10 février 2016 du fait de la date du contrat litigieux signé le 1 décembre 2012, elle met en avant l'article 3 de l'annexe 2 des conditions générales du contrat signé par la société DTP qui stipule : « En outre, les garanties maintenues étant celles applicables aux salariés en activité de la contractante affiliés au contrat, le maintien des garanties cesse de plein droit en cas de cessation totale d'activité de l'entreprise contractante par suite de liquidation judiciaire » ; que M. V... relève avec pertinence que les dispositions de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale, rappelées ci-après, sont d'ordre public en application de l'article L 914-1 du même code : « Les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes : 1 Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ; 2 Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ; 3 Les garanties maintenues au bénéfice de l'ancien salarié sont celles en vigueur dans l'entreprise ; 4 Le maintien des garanties ne peut conduire l'ancien salarié à percevoir des indemnités d'un montant supérieur à celui des allocations chômage qu'il aurait perçues au titre de la même période ; 5 L'ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l'ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article ; 6 L'employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa. Le présent article est applicable dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui bénéficient effectivement des garanties mentionnées au premier alinéa à la date de la cessation du contrat de travail.» ; que, contrairement à ce qu'affirme la société Groupama, ce texte conduit uniquement à conditionner la portabilité à l'existence et à l'application d'un contrat collectif de complémentaire au jour où le licenciement du salarié est intervenu et ne crée qu'une seule exclusion du bénéfice de la portabilité touchant les salariés licenciés pour faute lourde ; que la référence faite par le 3 de cet article «aux garanties en vigueur dans l'entreprise» doit uniquement conduire à vérifier que le contrat de complémentaire santé n'est pas résilié au moment de la demande de portabilité ; que cet alinéa ne prévoit pas la condition de concomitance à tort mise en avant par la société appelante ni même le maintien d'un paiement de cotisations par l'employeur ; que le caractère d'ordre public de ce texte ne permet pas à la société Groupama de déroger contractuellement aux conditions légales qu'il édicte, la clause 3 de l'annexe 2 des conditions générales du contrat devant être réputée non écrite ; que les digressions de la société Groupama sur le financement même de la couverture mutuelle des salariés licenciés sont inopérantes, en ce qu'elles ne constituent en rien un critère ou une condition d'application prévus par l'article L 911-8 ; que ce texte n'édicte en effet que le principe et les modalités du maintien de la couverture mutuelle, maintenant clairement une obligation à la charge de l'assureur, et ne précise pas son financement ; que l'absence de résiliation du contrat collectif ne permet ainsi pas à l'assureur, qui se prévaut de l'effet obligatoire des conventions, de dénier être toujours débiteur de ses obligations contractuelles ; qu'en l'absence d'une disposition spéciale, la décision de liquidation judiciaire est ainsi sans incidence sur la mise en oeuvre de l'article L 911-8 et la société Groupama n'est pas fondée à invoquer une caducité qui en résulterait ; que la décision entreprise qui a fait droit aux demandes de Me V... concernant le contrat complémentaire santé signé le 11 janvier 2013 doit en conséquence être confirmée sur l'obligation de maintenir la garantie (arrêt, p. 4 et 5) ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE sur la portabilité, les parties versant au débat, de part et d'autre, de nombreuses jurisprudences contraires sur l'interprétation des différents textes afférents à la portabilité de la protection sociale complémentaire et à sa mise en oeuvre en cas de liquidation judiciaire, le tribunal examinera le litige entre les parties sous des angles différents : a) Sous l'angle des contrats en cours (article L 641-11-1 du code de commerce) : La société Déménagements Transports Pupier a souscrit à un contrat santé N°158 /9545/0 à date d'effet du 01 décembre 2012. Par jugement du 16 mai 2013, le tribunal ouvrait une procédure de sauvegarde à l'égard de l'adhérent et, par jugement du 17 mai 2016, il prononçait la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. Le mandataire judiciaire par courrier des 31 mai, 23 et 24 juin 2016 informait Groupama Gan Vie de la procédure ouverte et demandait la mise en oeuvre de la portabilité des garanties santé pour les salariés licenciés. Le tribunal constate que la société Groupama Gan Vie ne justifie pas avoir dénoncé le contrat en cours, qu'il n'est fait état d'aucune cotisation impayée et qu'en l'absence de dénonciation formalisée, c'est donc sous le seul prétexte de la liquidation judiciaire de la société Déménagements Transports Pupier, que la société Groupama Gan Vie a mis fin au contrat au mépris des dispositions de l'article L 641-11-1 du code de commerce alors que le principe du maintien des contrats en cours à la demande de l'Administrateur Judiciaire est d'ordre public. Le tribunal constate que Groupama Gan Vie ne conteste pas ce point. b) Sous l'angle du droit social : L'article L 911-8 du code de la sécurité sociale dispose que les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L 911-1 contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes : - le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ; - le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur, - les garanties maintenues au bénéfice de l'ancien salarié sont celles en vigueur dans l'entreprise ; le maintien des garanties ne peut conduire l'ancien salarié à percevoir des indemnités d'un montant supérieur à celui des allocations chômage qu'il aurait perçues au titre de la même période, - l'ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l'ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article, - l'employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa. Que, dans cette affaire, c'est sur la lecture du point 3 que la défense fonde une partie de son argumentation, en soutenant que comme il y disparition de l'entreprise (la société Déménagements Transports Pupier étant en liquidation judiciaire), il n'y a plus « de garanties en vigueur dans l'entreprise » et que faute de salariés, ceux qui ont été licenciés ne peuvent bénéficier d'une garantie devenue de fait inexistante dans l'entreprise. Cette argumentation ne peut prospérer car bien qu'en liquidation, la société bénéficie d'une existence légale jusqu'au jugement de clôture de la liquidation. Dans l'affaire qui nous préoccupe le jour où, par jugement du tribunal, la société a été placée en liquidation judiciaire et que les salariés ont été licenciés, il existait de fait un contrat en vigueur dans l'entreprise et la société Déménagements Transports Pupier était belle et bien une personne morale. Par ailleurs, le tribunal, faisant ici plein usage de son pouvoir souverain d'appréciation dit que le législateur a voulu par cette loi renforcer la protection du salarié et que cette notion de « en vigueur » ne doit pas s'interpréter comme « contrat étant existant ou non » à un moment donné mais comme « une chance égalitaire donnée au salarié licencié de bénéficier des mêmes avantages en terme de prestations et de garanties que ceux dont il aurait bénéficié en qualité de salarié ( exemples forfaits optiques, plafonds dentaires, appareillage auditif etc... ) » ; que les dispositions de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale ne prévoyant pas une quelconque exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés par suite d'une liquidation judiciaire de leur ex-employeur, il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Le moyen soutenu par l'assureur sur cette notion de « en vigueur dans l'entreprise » ne peut prospérer c) Sous l'angle du droit des assurances : En défense, une argumentation est développée sur le mécanisme du financement de la portabilité, ce que confirment les conditions générales dans lesquelles il est stipulé que « le maintien des garanties au titre de la portabilité des droits est financé par mutualisation, c'est-à-dire par un cofinancement de l'ensemble des salariés en activité dans l'entreprise (part salariale) et par l'entreprise adhérente (part patronale) ». Groupama Gan Vie soutient que l'article L911-8 du code de la sécurité sociale ne peut créer une obligation à la charge de l'assureur c'est-à-dire que les cotisations versées par l'employeur et les salariés en activité sont immédiatement utilisées pour financer des garanties des anciens salariés et qu'en l'absence de cotisations de salariés actifs dans l'entreprise, le coût de la portabilité resterait à la charge de l'organisme assureur ce qui entrainerait une hausse des cotisations, le risque de défaillance de l'entreprise n'étant pas pris en compte dans la tarification. Cette analyse se heurte également à la pratique car tous les salariés ne sont pas tenus d'adhérer à l'assurance proposée par leur employeur pour autant que leur conjoint assure une couverture commune dans une autre entreprise. Par ailleurs si dans une entreprise in bonis de 100 personnes, nous avons 99 salariés licenciés qui vont bénéficier de la portabilité, le seul salarié actif restant ne va pas pour autant devoir supporter les cotisations des salariés licenciés. Donc le système de répartition est à prendre dans un contexte global macro-économique et non être restreint à une société adhérente. En conséquence la problématique du financement de la portabilité ne peut faire obstacle au principe de gratuité qui implique que le contrat de prévoyance ne saurait avoir perdu son objet par le départ du dernier salarié de sorte que l'assureur doit assurer aux anciens salariés la portabilité de leurs garanties dans le dernier état des conditions en vigueur dans l'entreprise, peu important le fait que l'entreprise conserve ou non des salariés après le jugement de liquidation. d) Sous l'angle contractuel : Une convention liait les parties et garantissait le remboursement des frais médicaux et chirurgicaux engagés par les bénéficiaires (salariés) dans la limite des garanties et du niveau choisi par l'entreprise adhérente, à savoir la société Déménagements Transports Pupier. Dans les conditions générales il est stipulé clairement dans l'annexe 2 « Maintien des garanties aux anciens salariés dans le cadre de l'article L91 1-8 du Code de la Sécurité sociale » que « La cessation du contrat de travail ouvrant droit à prise en charge par le régime de l'assurance chômage, quelle que soit l'origine de cette cessation ». Il n'est nullement fait état de la situation de l'entreprise adhérente, les seuls faits générateurs étant d'une part la rupture du contrat et d'autre part l'éligibilité à l'assurance chômage. Par ailleurs, au point 2 « Prise d'effet et durée du maintien des garanties » des mêmes conditions générales, il est stipulé « la durée de ce maintien est égale à celle de la période d'indemnisation de l'affilié par l'assurance chômage dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ....La durée de ce maintien ne peut toutefois excéder 12 mois ». Là encore il n'est nullement fait état de la situation de l'entreprise, les faits générateurs étant la durée du contrat de travail avant le licenciement et la perception d'indemnités au titre de l'assurance chômage. Cette disposition ne peut exprimer plus clairement l'engagement pris par l'assureur. En outre les conditions du maintien des garanties prévoient que les garanties du contrat sont maintenues pour « tout licenciement sauf en cas de faute lourde » sans qu'il soit précisé si le licenciement a été fait dans le cadre d'une procédure judiciaire (ou non) ouverte à l'endroit de l'adhérent. Si l'assureur était certain de son bon droit il n'aurait pas manqué de faire état d'une différentiation de traitement de la portabilité en fonction de la situation juridique de l'adhérent ce qui aurait pour conséquence de clarifier la situation mais également d'introduire ouvertement un cas de discrimination de traitements entre les chômeurs ce qui serait antinomique à la loi de « justice du XXème siècle » votée le 12 octobre 2016 (la prohibition des discriminations étant la conséquence d'un principe d'égalité de traitement). e) Sous l'angle législatif : La société Groupama Gan Vie évoque l'article 4 de la loi du 14 juin 2013 et verse au débat copie de la proposition de loi relative au maintien de la garantie complémentaire des salariés licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de leur employeur, ainsi que différents rapports ou échanges relatifs au même sujet. Il est vrai que la loi de sécurisation de l'emploi prévoyait bien dans son article 4 que le gouvernement devait remettre au parlement avant le 1 er mai 2014, un rapport sur les modalités de prise en charge du maintien des couvertures santé et prévoyance, pour les salariés d'une entreprise placée en liquidation judiciaire mais que d'une part force est de constater qu'à ce jour un tel mécanisme de financement n'a pas été instauré et que d'autre part ledit amendement portait uniquement sur les modalités de prise en charge au travers de son financement et non sur le principe même du maintien des garanties des salariés. Concernant les différents rapports et extraits de débats parlementaires sur la problématique de la portabilité en cas de liquidation judiciaire qui sont versés au débat, il est effectivement patent de constater que le financement de la portabilité pose problème mais sans qu'il soit, pour autant, fait état d'une remise en cause de la gratuité de la portabilité pour les salariés d'une entreprise en liquidation judiciaire. Il appartient en fait aux assureurs d'intégrer dans l'économie globale des contrats proposés l'aléa lié à une possible liquidation judiciaire de l'employeur. En synthèse : Le tribunal, faisant ici plein usage de son pouvoir souverain d'appréciation, dit que les dispositions de l'article L 911 .8 du code de la sécurité sociale sont applicables aux anciens salariés licenciés d'un employeur qui remplissent les conditions fixées par ce texte quelle que soit la situation juridique de l'adhérent ; la procédure de liquidation judiciaire n'apparaissant pas, en tant que telle, de nature à priver d'objet le dispositif de maintien des garanties institué par cet article. En conséquence la position de la société Groupama Gan Vie relativement au refus d'assurer la portabilité des garanties santé aux salariés licenciés de la société Déménagements Transports Pupier est erronée. En conséquence : Le tribunal ordonne à la société Groupama Gan Vie SA sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée de maintenir le contrat complémentaire santé versé au débat, référencé sous Régime N° 158 - Contrat n° 9545 / 0 et ses additifs tel que signé le 11 janvier 2013 , souscrit par la société Déménagements Transports Pupier le 11 janvier 2013, postérieurement au prononcé des liquidations judiciaires et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société Déménagements Transports Pupier consécutivement à la liquidation judiciaire selon les modalités prévues par les contrats souscrits et les dispositions de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale. Le tribunal dit que la portabilité ne peut concerner uniquement le seul contrat santé versé au débat et référencé sous Régime N° 158 - Contrat n° 9545/ 0 et ses additifs tel que signé le 11 janvier 2013. Le tribunal rappelle que la portabilité ne pourra intervenir que dans le cadre strict de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale (jugement, p. 4 et 5) ; ALORS QUE l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance-chômage, selon les conditions qu'il détermine ; que, toutefois, le maintien des garanties est subordonné à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance lorsque l'entreprise souscriptrice est placée en liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la loi ne subordonnait la portabilité des droits au profit des salariés licenciés qu'à « l'existence et l'application d'un contrat collectif de complémentaire au jour où le licenciement du salarié est intervenu et ne crée qu'une seule exclusion au bénéfice de la portabilité touchant les salariés licenciés pour faute lourde » (arrêt, p. 5 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 18 et 19), s'il existait un dispositif assurant le financement du maintien de la couverture santé et prévoyance souscrite par la société DTP, ce que contestait la société Groupama Gan Vie qui faisait valoir que le financement du dispositif de portabilité reposait sur un système de mutualisation pesant sur l'employeur et les salariés demeurant dans l'entreprise, et non sur l'assureur, qui ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.
L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon des conditions qu'il détermine. Ces dispositions, qui revêtent un caractère d'ordre public en application de l'article L. 911-14 du code de la sécurité sociale, n'opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l'employeur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et ne prévoient aucune condition relative à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance. Dès lors, justifie légalement sa décision une cour d'appel qui, ayant relevé qu'il n'était pas justifié de la résiliation d'un contrat collectif d'assurance complémentaire santé souscrit par une société avant sa mise en liquidation judiciaire, ordonne à l'assureur de maintenir ce contrat postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société souscriptrice, selon les modalités prévues par ce contrat et les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, après avoir retenu que ces dispositions ne prévoient aucune exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de leur ancien employeur
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 novembre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1152 FS-P+B+I Pourvoi n° E 19-21.631 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est 64 rue Defrance, 94682 Vincennes cedex, a formé le pourvoi n° E 19-21.631 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Allianz Iard, société anonyme, dont le siège est 1 cours Michelet, CS 30051, 92076 Paris La Défense cedex, anciennement dénommée AGF, 2°/ à M. Y... S..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz Iard, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, MM. Besson, Martin, conseillers, MM. Talabardon, Ittah, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 26 mars 2019), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 29 juin 2017, pourvoi n° 15-29.008) et les productions, M. S..., souscripteur d'une police d'assurance automobile auprès de la société AGF Iard, devenue Allianz Iard (l'assureur), par avenant à effet du 4 juillet 2009, fait assurer un véhicule. 2. Le 28 novembre 2009, ce véhicule, conduit par M. S..., a été impliqué dans un accident de la circulation, à l'occasion duquel un tiers a été blessé. 3. Par arrêt du 11 avril 2011, M. S... a été condamné pénalement des chefs de blessures involontaires et de mise en circulation d'un véhicule non réceptionné ou non conforme à un type réceptionné. 4. L'assureur l'a alors assigné en annulation du contrat d'assurance et en remboursement des indemnités versées à la victime. 5. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) est intervenu volontairement à l'instance devant la juridiction de renvoi. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. Le FGAO fait grief à l'arrêt de déclarer son intervention volontaire irrecevable, alors : « 1°/ que le Fonds de garantie, dont la vocation est subsidiaire, est toujours recevable à intervenir dans l'instance dans laquelle l'assureur poursuit la nullité du contrat d'assurance automobile pour dire que, le cas échéant, une nullité à intervenir ne lui sera pas opposable et ne sera pas opposable à la victime ; qu'en déclarant l'intervention volontaire du Fonds de garantie irrecevable faute d'intérêt pour le Fonds à intervenir dans l'instance dans laquelle la société Allianz poursuivait la nullité du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par M. S..., la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et L. 421-1 et L. 421-5 du code des assurances ; 2°/ qu'en opposant au Fonds de garantie que la question de l'opposabilité de la nullité du contrat à lui-même et à la victime, avec comme conséquence la garantie due par l'assureur à celle-ci, « n'était pas en question dans le présent litige », quand elle était pourtant saisie d'une demande de l'assureur tenant à « dire que la compagnie Allianz [ ] n'est pas tenue de garantir Y... S... des conséquences de l'accident survenu le 28 novembre 2009, dans lequel est impliqué le véhicule Subaru immatriculé [...] », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Aux termes de l'article L. 421-5 du code des assurances, le fonds de garantie peut intervenir même devant les juridictions répressives et même pour la première fois en cause d'appel, en vue notamment de contester le principe ou le montant de l'indemnité réclamée, dans toutes les instances engagées entre les victimes d'accidents ou leurs ayants droit, d'une part, les responsables ou leurs assureurs, d'autre part. 9. Il en résulte que l'intervention volontaire du FGAO sur le fondement de ce texte est subordonnée à l'existence d'une instance opposant la victime d'un accident ou ses ayants droit, d'une part, et le responsable ou son assureur, d'autre part. 10. La cour d'appel ayant constaté que le litige opposait seulement l'assureur à son assuré, M. S..., le moyen qui invoque la violation d'un texte inapplicable en l'espèce est inopérant. 11. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt, signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire du Fonds de garantie ; Aux motifs que « Allianz soutient [ ] que le Fonds n'expose aucunement les raisons pour lesquelles il intervient volontairement à l'instance ; qu'au regard de l'article 554 [du code de procédure civile], est irrecevable cette intervention dont l'intérêt n'est nullement justifié alors que le Fonds rappelle qu'une nullité du contrat d'assurance ne peut lui être déclaré opposable, ni à la victime, ce qui n'est pas en question dans le cas présent » (arrêt attaqué, p. 2, pénult. § et s.) ; Alors, d'une part, que le Fonds de garantie, dont la vocation est subsidiaire, est toujours recevable à intervenir dans l'instance dans laquelle l'assureur poursuit la nullité du contrat d'assurance automobile pour dire que, le cas échéant, une nullité à intervenir ne lui sera pas opposable et ne sera pas opposable à la victime ; qu'en déclarant l'intervention volontaire du Fonds de garantie irrecevable faute d'intérêt pour le Fonds à intervenir dans l'instance dans laquelle la société Allianz poursuivait la nullité du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par M. S..., la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et L. 421-1 et L. 421-5 du code des assurances ; Alors, d'autre part, qu'en opposant au Fonds de garantie que la question de l'opposabilité de la nullité du contrat à lui-même et à la victime, avec comme conséquence la garantie due par l'assureur à celle-ci, « n'était pas en question dans le présent litige », quand elle était pourtant saisie d'une demande de l'assureur tenant à « dire que la compagnie Allianz [ ] n'est pas tenue de garantir Y... S... des conséquences de l'accident survenu le 28 novembre 2009, dans lequel est impliqué le véhicule Subaru immatriculé [...] » (conclusions d'appel de la compagnie Allianz, p. 38, § 1), la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article L. 421-5 du code des assurances, le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) peut intervenir même devant les juridictions répressives et même pour la première fois en cause d'appel, en vue notamment de contester le principe ou le montant de l'indemnité réclamée, dans toutes les instances engagées entre les victimes d'accidents ou leurs ayants droit, d'une part, les responsables ou leurs assureurs, d'autre part. Il en résulte que l'intervention volontaire du FGAO sur le fondement de ce texte est subordonnée à l'existence d'une instance opposant la victime d'un accident ou ses ayants droit, d'une part, et le responsable ou son assureur, d'autre part. En conséquence, une cour d'appel, qui constate que le litige oppose seulement l'assureur du responsable à son assuré, en déduit exactement que l'intervention du FGAO est irrecevable
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 novembre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 771 FS-P+B+I Pourvoi n° S 19-18.284 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est 313 terrasses de l'Arche, 92727 Nanterre cedex, a formé le pourvoi n° S 19-18.284 contre l'arrêt rendu le 25 avril 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige l'opposant à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est 8 rue Louis Armand, 75015 Paris, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, David, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 avril 2019), la commune de Lille (la commune) a fait procéder à l'extension de l'hôtel de ville et à la construction de deux immeubles à usage de bureaux. 2. Les travaux de gros oeuvre ont été confiés à la société Quillery, devenue Eiffage construction, qui a sous-traité le lot maçonnerie briques bâtiment U aile gauche à la société ECR et le lot maçonnerie briques bâtiments L et U façades avec aile droite à la société SRM. 3. Ces sous-traitants étaient assurés auprès de la SMABTP. 4. La commune a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société UAP, devenue Axa France. 5. Les travaux ont été réceptionnés le 17 juin 1994. 6. Des désordres étant apparus sur les façades de l'hôtel de ville sous forme de dégradations du parement en briques, la commune a assigné, le 4 août 2006, la société Axa France en indemnisation de ses préjudices. 7. Par ordonnance du 20 juillet 2007, une expertise a été ordonnée. 8. Par acte du 11 septembre 2008, la société Axa France a assigné la SMABTP en expertise. 9. Par ordonnance du 9 décembre 2008, une expertise a été ordonnée. 10. Par acte du 15 janvier 2014, la société Axa France a appelé en garantie la SMABTP. 11. La commune et la société Axa France ont conclu une transaction le 2 avril 2015. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 12. La société Axa France fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action, alors « qu'est recevable l'action engagée par l'assureur avant l'expiration du délai de forclusion décennale, bien qu'il n'ait pas eu au moment de la délivrance de son assignation la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu'il a payé l'indemnité due à ce dernier avant que le juge du fond n'ait statué ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Axa France Iard, prise en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, n'avait pas été subrogée par le maître de l'ouvrage avant qu'elle ne statue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-12 du code des assurances, ensemble les articles 2241 du code civil, 126, 334 et 336 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 121-12 du code des assurances, 2241 et 2270-1, alors applicable, du code civil et l'article 126 du code de procédure civile : 13. Aux termes du premier de ces textes, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. 14. Aux termes du deuxième, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. 15. Aux termes du troisième, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. 16. Aux termes du quatrième, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. 17. Pour déclarer irrecevable l'action de la société Axa France, l'arrêt retient que le maître de l'ouvrage n'avait formé aucune action à l'encontre des sous-traitants ou de la SMABTP et qu'à la date de la transaction, n'ayant plus d'action à l'encontre de ceux-ci, il n'a pu transmettre aucune action à l'encontre des sous-traitants et de leur assureur à la société Axa France, que l'assignation que celle-ci a délivrée le 11 septembre 2008 à la SMABTP, l'ordonnance du juge des référés du 9 décembre 2008 et l'arrêt du 24 novembre 2009 n'ont pas fait courir au profit du maître de l'ouvrage, duquel la société Axa France tient ses droits, de nouveaux délais, l'assignation ayant été délivrée par la seule société Axa France, qui n'était alors pas subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage, et que l'assignation du 15 janvier 2014 est intervenue plus de dix ans après le 25 novembre 1999. 18. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la société Axa France n'avait pas été subrogée par le maître de l'ouvrage avant qu'elle ne statue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne la SMABTP aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la société Axa France Iard ; AUX MOTIFS QUE sur le cours de la prescription, l'assureur subrogé ne dispose pas de droits propres mais exerce les droits et actions de son subrogeant ; qu'il peut ainsi se voir opposer toutes exceptions et moyens opposables au maître de l'ouvrage, notamment la prescription de son action ; que le maître de l'ouvrage n'a formé aucune action à l'encontre des sociétés ECR et SRM ou de la société Smabtp ; qu'à la date de la transaction du 2 avril 2015, le maître de l'ouvrage n'avait plus d'action à l'encontre de ses sous-traitants et de leur assureur, son action à leur encontre étant prescrite depuis le 25 novembre 2009 ; qu'il n'a donc pu transmettre aucune action à l'encontre de ses sous-traitants et de leur assureur à la société Axa France Iard ; que l'assignation délivrée le 11 décembre 2008 par la société Axa France Iard à la société Smabtp, l'ordonnance du juge des référé du 9 décembre 2008 et l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 24 novembre 2009 n'ont pas fait courir au profit du maître de l'ouvrage, duquel la société Axa France Iard tient ses droits, de nouveaux délais puisque l'assignation a été délivrée par la seule société Axa France Iard qui n'était alors pas subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage ; que l'assignation de la société Smabtp par la société Axa France Iard le 15 janvier 2014 devant le tribunal de grande instance de Lille est intervenue plus de dix ans après le 25 novembre 1999 ; que l'action de la société Axa France Iard sera en conséquences déclarée irrecevable ; que le jugement sera infirmé de ce chef ; ALORS DE PREMIERE PART QUE l'assignation en référé expertise de l'assureur dommages-ouvrage dirigée contre l'assureur de responsabilité du sous-traitant dans le délai décennal interrompt la prescription de son action lors même qu'il ne serait pas encore subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage et que son action en payement est recevable, comme non prescrite, lorsque l'assignation au fond de l'assureur dommages-ouvrage ultérieurement subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage est signifiée dans le délai de dix ans à compter de l'ordonnance de référé prescrivant l'expertise ; qu'ayant relevé que l'assignation en référé expertise délivrée par la société Axa France Iard, assureur dommages-ouvrage, à la Smabtp, assureur de responsabilité des sous-traitants ECR et SRM, l'avait été avant l'expiration du délai de garantie décennale, soit le 11 décembre 2008, le point de départ du délai étant fixé au 25 novembre 1999, et que la société Axa France Iard avait ensuite assigné la Smabtp devant le tribunal de grande instance de Lille par acte du 15 janvier 2014, soit dans le délai de dix ans à compter de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 24 novembre 2009, confirmant l'ordonnance du juge des référés du 9 décembre 2008 ordonnant une expertise au contradictoire de la Smabtp, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L. 121-12 du code des assurances et 2241 du code civil, ensemble l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ; ALORS DE DEUXIEME PART QU'est recevable l'action engagée par l'assureur avant l'expiration du délai de forclusion décennale, bien qu'il n'ait pas eu au moment de la délivrance de son assignation la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu'il a payé l'indemnité due à ce dernier avant que le juge du fond n'ait statué ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée (concl. p. 9), si la société Axa France Iard, prise en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, n'avait pas été subrogée par le maître de l'ouvrage avant qu'elle ne statue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-12 du code des assurances, ensemble les articles 2241 du code civil, 126, 334 et 336 du code de procédure civile ; ALORS DE TROISIEME ET DERNIERE PART QUE dans ses conclusions d'appel (p. 9), la société Axa France Iard faisait valoir qu'elle justifiait par la production du protocole transactionnel conclu avec la ville de Lille et celle de la copie du chèque de règlement, avoir indemnisé son assurée, de sorte qu'elle était recevable en son recours subrogatoire, comme le premier juge l'avait décidé ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable l'action d'un assureur dommages-ouvrage contre l'assureur des sous-traitants, retient que l'assureur dommages-ouvrage n'a transigé avec le maître de l'ouvrage, qui n'avait formé aucune action contre les sous-traitants ou leur assureur, qu'après l'expiration du délai de dix ans prévu par l'article 2270-1 du code civil, alors applicable, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'assureur dommages-ouvrage, qui avait assigné l'assureur des sous-traitants en référé puis en garantie dans ce délai de dix ans, n'avait pas été subrogé par le maître de l'ouvrage avant que la cour ne statue
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CIV. 3 CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 novembre 2020 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 773 FS-P+B+R+I Pourvoi n° U 19-10.857 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 M. E... F..., domicilié [...] , agissant tant à titre personnel qu'ès qualité de représentant légal de sa fille mineure E... O... I... F... a formé le pourvoi n° U 19-10.857 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2018 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme A... J..., épouse F..., domiciliée [...] , 2°/ à la société BPCE assurances, société anonyme, dont le siège est 88 avenue de France, 75013 Paris, venant aux droits de la société GCR assurances, venant elle-même aux droits de l'Union européenne d'assurances, 3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, dont le siège est 2 rue Robert Schuman, 74984 Annecy cedex 9, 4°/ à la société Thyssenkrupp ascenseurs, dont le siège est zone industrielle Saint-Barthélémy, rue de Champhleur, BP 50126, 49001 Angers cedex 01, défenderesses à la cassation. La société BPCE assurances a formé un pourvoi incident dirigé contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. F..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société BPCE assurances, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Thyssenkrupp ascenseurs, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, David, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 mars 2018), M. F..., locataire de la société SCIC résidences, a été blessé par la porte automatique d'accès au parking de son immeuble, qui ne s'est pas refermée et qu'il a voulu fermer manuellement. 2. M. F..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure E... O... F..., et Mme J..., son épouse, ont assigné la société UEA, auprès de laquelle la propriétaire de l'immeuble était assurée, en réparation de leurs préjudices et la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie, en déclaration de jugement commun. La société GCE assurances, venant aux droits de la société UEA, a appelé en garantie la société Thyssenkrupp ascenseurs, chargée de la maintenance de la porte. Examen des moyens Sur les deux moyens du pourvoi principal, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société BPCE assurances, venant aux droits de la société GCE assurances, fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Thyssenkrupp ascenseurs et de rejeter sa demande en garantie dirigée contre celle-ci, alors « que celui qui est chargé de la maintenance et de l'entretien complet d'une porte automatique de garage est tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité ; qu'en ayant retenu que la société ThyssenKrupp ascenseurs n'était tenue qu'à une obligation de moyens, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 5. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. 6. Pour mettre hors de cause la société Thyssenkrupp ascenseurs et rejeter la demande en garantie formée contre elle par la société BPCE assurances, l'arrêt retient que, dans la mesure où, en conformité avec la réglementation, il peut s'écouler six mois entre deux visites d'entretien et où, durant ces périodes, l'intervention de la société Thyssenkrupp ascenseurs en raison d'un dysfonctionnement de tout ordre de la porte de garage est conditionnée par le signalement du gardien de l'immeuble, l'obligation de sécurité pesant sur la société chargée de l'entretien ne peut qu'être de moyen s'agissant des avaries survenant entre deux visites et sans lien avec l'une de ces visites. 7. En statuant ainsi, alors que celui qui est chargé de la maintenance d'une porte automatique d'accès à un parking est tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de l'appareil, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de garantie formée par la société BPCE assurances contre la société Thyssenkrupp ascenseurs et qu'il met celle-ci hors de cause, l'arrêt rendu le 15 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. F... aux dépens du pourvoi principal et la société Thyssenkrupp ascenseurs à ceux du pourvoi incident ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. E... F.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'accident survenu à M. E... F... le 12 décembre 2008 ne constitue ni une rechute, ni une aggravation des conséquences dommageables de l'accident du 29 septembre 2004 et n'ouvre, en conséquence, pas droit à garantie, AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la rechute du 12 décembre 2008 L'accident étant pris en charge comme accident du travail, M. E... F... bénéficie d'une rente accident du travail ; Que M. E... F... ayant invoqué une rechute survenue le 12 décembre 2008, le juge de la mise en état, par son ordonnance du 16 novembre 2012, a de nouveau commis le docteur U... B... pour un complément d'expertise avec pour mission d'une part de déterminer si l'état de M. E... F... s'est aggravé depuis l'expertise du 24 novembre 2007 et si cette aggravation est imputable à l'accident du 29 septembre 2004 et d'autre part d'établir un récapitulatif conforme à la nomenclature Dintilhac de l'ensemble des préjudices subi par M. E... F... du fait de l'accident de 2004 ; Que le docteur U... B..., eu égard à la composante neurologique et à la symptomatologie dépressive de la pathologie séquellaire, s'est adjoint, avec l'accord des parties, un sapiteur en la personne du docteur X... V..., neuropsychiatre ; Que tous deux ont rendu un rapport commun daté des 6 octobre et 26 novembre 2013, aux termes duquel ils s'accordent pour retenir que M. E... F... a arrêté son travail le 12 décembre 2008 sous forme d'une rechute d'accident du travail, alors que la veille ou l'avant veille il se rendait à son travail à 4 h 00 du matin, après avoir absorbé la veille au soir ses psychotropes et était dans un état de fatigue intense, lorsqu'il a été victime d'une plaque de verglas ayant entraîné une rotation de sa voiture en toupie, pour en conclure qu'il n'existe pas d'aggravation des suites de l'accident du 29 septembre 2004, d'autant que l'AIPP qui avait été proposée sur la base de 32 % est un chiffre élevé qui doit être considéré comme la limite supérieure de l'indemnisation comprenant non seulement les phénomènes douloureux mais aussi les répercussions psychologiques ; Que malgré sa contestation, M. E... F... ne produit pas d'élément et n'avance pas d'argument qui justifierait que cette appréciation motivée, contradictoirement discutée et partagée par les deux experts, le docteur X... V... qui intervient en qualité de sapiteur étant également expert judiciaire, ne soit pas retenue ; Que M. E... F... tente, par ailleurs, une distinction entre rechute et aggravation, mais le docteur X... V..., approuvé en cela par le docteur U... B..., écarte expressément l'hypothèse d'une rechute de l'accident initial, en rattachant le nouvel état allégué par M. E... F... à la survenance d'un nouveau fait dommageable parfaitement identifié et décrit ; Que le jugement déféré sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a débouté M. E... F... de ses demandes relatives à une aggravation ou à une rechute ; 3 - Sur le préjudice allégué suite au 12 décembre 2008 Il a précédemment été vu que la rechute alléguée par M. . F... à compter du 12 décembre 2008 n'a été retenue ni comme rechute, ni comme aggravation des lésions consécutives à l'accident du 29 septembre 2004 par l'expert judiciaire et son sapiteur et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. E... F... de ses demandes afférentes. Ainsi, il sera dit que les demandes formées au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, de la perte de gains et des souffrances endurées à compter du 12 décembre 2008 sont sans lien de causalité avec l'accident du 29 septembre 2004 et seront, en conséquence, rejetées, ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE M. E... F... a déclaré à la Caisse une rechute le 12/12/2008. Par ordonnance du 16/11/2012, le juge de la mise en état a confié au Docteur B... un complément d'expertise médicale avec mission de dire si l'état de santé de M. E... F... s'est aggravé depuis la rédaction de son rapport le 24/11/2007 et si cette aggravation est imputable à l'accident du 29 Septembre 2004. Le Docteur B... s'est adjoint le concours du Docteur V..., neuropsychiatre en tant que sapiteur. En se rendant à son travail en voiture à 4 heures du matin le 12/12/2008, M. E... F... a dérapé sur une plaque de verglas et a effectué un tête à queue lors duquel il n'a pas été blessé mais a été commotionné psychiquement. Suite à cela il ne s'est plus présenté à son travail (SNR). Lors de l'entretien avec le Docteur V..., M. E... F... a déclaré n'avoir plus du tout d'idées suicidaires en considération de ses responsabilités éducatives. Le docteur V... a indiqué ne pas être en présence d'après l'échange qu'il a eu avec un individu dépressif mélancoliforme. Sa conclusion est que la réaction anxio dépressive a bien été une conséquence du traumatisme physique subi au poignet mais que cette composante Pourvoi n° U1910857 psychologique a déjà suffisamment été prise en compte par le fait d'avoir retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 32 % qui constitue, selon lui, une limite supérieure d'indemnisation pour un tel traumatisme et qui englobe tant les séquelles physiques que psychologiques. En conséquence il a estimé qu'il n'y avait pas d'aggravation constatée et que la date de consolidation au 14/09/2007 devait être maintenue. Cet avis rejoint celui du Docteur B... qui avait vu M. E... F... pour la première fois le 8/10/2007 et estime que son état de santé physique ou psychique ne s'est pas aggravé depuis la rédaction de son premier rapport, ayant déjà évalué l'ensemble des préjudices qu'il avait pu subir de façon exhaustive. M. E... F... sera donc débouté de ses demandes liées à une rechute et une aggravation de son état en 2008, ALORS QUE les juges ont l'obligation de motiver précisément leur décision, et notamment de répondre aux moyens qui leur sont soumis, le défaut de réponse à conclusion constituant un défaut de motif ; qu'en retenant, pour écarter tout lien entre l'accident initial du 29 septembre 2004 et la rechute du 12 décembre 2008, que lors de cette dernière, M. F... avait absorbé la veille au soir des psychotropes et était dans un état de fatigue intense, sans répondre aux conclusions de l'exposant qui faisaient valoir qu'il prenait ces médicaments pour lutter contre la dépression dont il était atteint du fait de l'accident initial, et que la Cpam de la Haute-Savoie avait elle-même pris en charge cette rechute comme étant en lien avec cet accident, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, qu'elle a violé. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Bpce Assurances devra indemniser M. E... F... au titre de la nécessité d'une tierce personne avant consolidation à hauteur seulement de 520 euros, AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la tierce personne avant consolidation L'expert fixe la nécessité d'une tierce personne à : - 2 heures par jour du 8 au 16 octobre 2004, correspondant à une prescription de soins infirmiers faite à M. E... F... pour l'aider à faire sa toilette ; cette aide n'ouvre pas droit à indemnisation dans la mesure où ces soins auraient été remboursés s'ils avaient été exposés, - 2 heures par semaine du 17 octobre au 30 décembre 2004 pour aider M. E... F... dans ses déplacements, aide qui ouvre droit à indemnisation que M. E... F... y ait eu recours ou qu'il ait été aidé par son épouse ; Que rien ne justifie en revanche que soient retenues les conclusions non contradictoires du médecin conseil de la victime plutôt que celles des deux experts judiciaires ayant réalisé leurs opérations d'expertise contradictoirement ; Que le fait que M. E... F... ait eu recours à une assistance familiale plus importante que l'assistance d'une tierce personne retenue par l'expert judiciaire n'ouvre pas un droit à indemnisation plus important à M. E... F... ; Que s'agissant d'une aide non spécialisée, ce chef de préjudice justifie l'allocation de la somme de 286 euros (2 heures x 11 semaines x 13 euros) ; la société BPCE Assurances offrant d'indemniser ce poste de préjudice à hauteur de 520 euros, cette dernière somme sera allouée ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE M. E... F... n'a pas eu recours à une aide rémunérée cette aide lui a été procurée par son épouse qui avait pris une semaine de congés L'expert en a évalué la nécessité à 2 heures par jour du 8 au 16 octobre 2004 (9 jours) pour la toilette et deux heures par semaine jusqu'à fin décembre 2001 (mi semaines) pour les déplacements soit un total de 18 + 22 heures = 40 heures. M. E... F... ne petit réclamer l'indemnisation d'une aide pour une durée totale de 1 460 heures sur la base d'un avis médical privé et de l'attestation de son ex épouse, en contradiction flagrante avec l'expert judiciaire. Quant au taux horaire s'agissant d'une aide non spécialisée, il sera retenu un taux horaire de 13 euros soit la somme de 40 heures x 13 euros = 520 euros, ALORS QUE la victime d'un accident peut prétendre une indemnité pour assistance d'une tierce personne avant consolidation, sous la seule réserve de la constatation de sa nécessité, pour la période antérieure à la date de consolidation de son état de santé, date qui est celle à laquelle les séquelles prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour prévenir une aggravation ou apaiser des douleurs persistantes ; qu'en limitant l'indemnité due de ce chef à M. F... au 30 décembre 2004, sans rechercher si l'expert, qui avait précisé avoir fixé cette date comme étant celle du départ de M. F... au Sénégal, avait constaté que l'assistance d'une tierce personne n'était plus nécessaire ultérieurement jusqu'à la date de la consolidation dont elle a constaté qu'elle avait été fixée par ce même expert au 14 décembre 2007, la cour d'appel n'a pas davantage satisfait aux exigences de motivation posées par l'article 455 du code de procédure civile, qu'elle a donc violé à nouveau. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société BPCE assurances. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir mis hors de cause la société ThyssenKrupp Ascenseurs et d'avoir débouté la société BPCE de l'ensemble de ses prétentions dirigées contre la société ThyssenKrupp Ascenseurs tendant à ce que cette dernière la relève et la garantisse, totalement ou partiellement, de toute condamnation pouvant être mise à sa charge en tant qu'assureur de responsabilité de la société SCIC Résidences ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la garantie de la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs, il résulte des dispositions de l'article R 125-5 du code de la construction et de l'habitation que les propriétaires d'un bâtiment ou groupe de bâtiments d'habitation équipés de portes automatiques de garage sont tenus de les faire entretenir et vérifier périodiquement aux termes de contrats écrits, toutes les interventions devant être consignées dans un livret d'entretien ; qu'un arrêté du 12 novembre 1990 précise que cet entretien est exécuté au cours de visites périodiques à raison de deux visites par an ; que la société BPCE Assurances fait tout d'abord valoir que la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs serait liée par une obligation accessoire de sécurité de résultat, mais ni la réglementation, ni la jurisprudence qu'elle invoque ne font peser sur une société chargée de l'entretien d'une porte automatique de garage de bâtiment d'habitation une obligation de sécurité de résultat, alors que la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs produit une jurisprudence énonçant précisément l'inverse ; mais surtout, la nature des obligations de la société d'entretien doivent être qualifiées au vu de l'analyse des stipulations contractuelles ; qu'en l'espèce, la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs justifie venir aux droits de la société CG2A avec laquelle la SCI SCIC Résidences avait conclu, le 11 mars 1996, un abonnement d'entretien des portes automatiques de garage de l'immeuble abritant l'appartement et le parking dont M. E... F... est locataire qu'elle a expressément reconduit le 24 février 2006 avec la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs ; que ce contrat stipule deux visites d'entretien par an dont le contenu et la fréquence satisfont aux exigences de l'arrêté du 12 novembre 1990 et des interventions sept jour sur sept en cas d'anomalie quelconque devant lui être signalée ; que dans la mesure où, en conformité avec la réglementation, il peut s'écouler six mois entre deux visites d'entretien et où, durant ces périodes, l'intervention de la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs, en raison de dysfonctionnement de tout ordre est conditionné par le signalement du gardien, l'obligation de sécurité pesant sur la société chargée de l'entretien ne peut qu'être de moyen s'agissant des avaries survenant entre deux visites et sans lien avec l'une de ses visites ; qu'il incombe donc à la société BPCE Assurances, qui poursuit la garantie de la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs, de rapporter la preuve d'un manquement de cette dernière à ses obligations en lien avec l'accident dont a été victime M. E... F... ; qu'or, il n'est pas contesté que la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs a effectué une « visite systématique des appareillages » le 25 mai 2004 soit quatre mois avant l'accident ; qu'il est établi que dans les mois ayant précédé l'accident, les locataires ont signalé au bailleur plusieurs dysfonctionnements des portes du parking ne s'ouvrant pas ou ne se fermant pas, voire se fermant inopinément sur un véhicule, sans qu'il soit contesté que ces défaillances n'ont pas été signalées à la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs et il ressort de la réunion des experts des assureurs des différentes parties que deux anomalies ont pu être constatées à l'occasion de l'accident : le déboulonnage du caisson de sécurité métallique et une poulie cassée, sans que, dans l'ignorance de la date et des conditions de survenance de ces avaries, elles puissent être imputées à la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs ; que la société BPCE Assurances ne justifie pas que pesait sur la ThyssenKrupp Ascenseurs une obligation contractuelle d'information du gardien de la chose à laquelle cette dernière aurait manqué ; qu'il est, en revanche, exact que s'il est bien prouvé qu'une visite complète d'entretien a eu lieu quatre mois avant le 29 septembre 2004, donc dans le délai prévu par la loi à la date de l'accident, la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs ne produit pas le livret d'entretien prévu par les textes mais il n'est pas établi de lien de causalité entre cette faute et l'accident dont a été victime M. E... F... ; que la société BPCE Assurances ne rapporte donc pas la preuve d'une faute commise par la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs qui fonderait l'appel en garantie qu'elle forme à l'encontre de cette dernière ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a mis hors de cause cette dernière ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE s'agissant de la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs, le syndicat des copropriétaires et la SCI SCIC Résidences avaient conclu le 11 mars 1996 avec la société CG2A, aux droits de laquelle intervient la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs, un contrat annuel d'entretien renouvelable par tacite reconduction pour satisfaire aux prescriptions de l'article R 125-5 du code de la construction et de l'habitation issues du décret du 5/7/1990 et de l'arrêté du 12 novembre 1990 ; que la visite systématique avait été faite le 25/05/2004, dans le délai réglementaire de moins de six mois avant l'accident survenu le 29/09/04 ; que les deux rapports d'examen établis par Messieurs W... et D... n'ont révélé aucune anomalie de fonctionnement de cette porte, dans le fonctionnement des contrepoids, une fois la poulie défaillante changée ; que la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs était chargée de la maintenance de cette porte, non de sa conception, et elle devait assurer, de par son contrat, deux visites annuelles, outre les dépannages ; qu'elle ne peut donc être tenue à une obligation de sécurité de résultat dans l'intervalle mais ne peut engager que sa responsabilité pour faute dans l'exécution de sa prestation, ce d'autant dans l'hypothèse d'une manipulation forcée de la porte sans utiliser le débrayage manuel qui ne rentre pas dans les prévisions contractuelles du contrat de maintenance ; que si la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs peut être tenue d'une obligation de sécurité de résultat quant au fonctionnement normal de cette porte, ce ne peut être le cas dans l'hypothèse d'un fonctionnement forcé ; que la responsabilité contractuelle s'entend, en effet, des dommages prévisibles (article 1150 du code civil) ; qu'au cas présent, aucune faute dans les visites ou l'entretien n'a été caractérisée à son encontre et le bris inopiné de la poulie de renvoi ne peut lui être imputé ; qu'enfin, il n'est nullement démontré que la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs aurait été avertie des dysfonctionnements à répétition de cette porte par quiconque, ni de ce que les caches protecteurs de la machinerie étaient ouverts ; que la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs sera donc déclarée hors de cause ; 1°) ALORS QUE celui qui est chargé de la maintenance et de l'entretien complet d'une porte automatique de garage est tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité ; qu'en ayant retenu que la société ThyssenKrupp Ascenseurs n'était tenue qu'à une obligation de moyens, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ; 2°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, en jugeant que la société BPCE Assurances ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la SAS ThyssenKrupp Ascenseurs qui fonderait son appel en garantie, quand elle avait pourtant constaté qu'à l'occasion de la réunion des experts des assureurs des différentes parties, le déboulonnage du caisson de sécurité métallique avait pu être constaté, ce dont il résultait une faute du mainteneur qui doit s'assurer que ce boitier métallique de sécurité, qui protège le mécanisme de câbles et poulies de la porte pour assurer la sécurité des usagers, soit refermé à l'issue de chaque intervention de maintenance et ne puisse, dans l'intervalle d'une prochaine visite de maintenance, être ouvert ou, à tout le moins, entrouvert par quiconque a accès à la porte, la cour n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évincent de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.
Celui qui est chargé de la maintenance d'une porte automatique d'accès à un parking est tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de l'appareil
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 novembre 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 774 FS-P+B+I Pourvoi n° Q 19-20.237 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 La société Aviva assurances, société anonyme, dont le siège est 13 rue du Moulin Bailly, 92271 Bois-Colombes, a formé le pourvoi n° Q 19-20.237 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2019 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Lenys concept, société à responsabilité limitée, dont le siège est 1 rue Edighoffen, 68000 Colmar, 2°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est 189 boulevard Malesherbes, 75017 Paris, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Aviva assurances, de la SCP Boulloche, avocat de la société Lenys concept et de la société Mutuelle des architectes français, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand conseiller doyen, M. Pronier, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, David, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 17 mai 2019), la commune de Colmar, ayant entrepris des travaux de voirie, a confié la maîtrise d'oeuvre à la société Edaw France (la société Edaw), assurée auprès de la société Aviva assurances (la société Aviva), la société Lenys concept (la société Lenys), assurée auprès de la société Mutuelle des architectes français (la société MAF) et la société Ecotral, et le lot voirie aux sociétés ISS espaces verts (la société ISS) et Eurovia Alsace Franche-Comté (la société Eurovia). 2. Se plaignant de désordres, la commune de Colmar a obtenu, par un arrêt du 28 mai 2009 d'une cour administrative d'appel, la condamnation solidaire des sociétés Lenys, Ecotral, ISS et Eurovia à lui payer la somme de 727 659,50 euros, des sociétés Lenys, Ecotral et Eurovia à lui payer la somme de 346 295,02 euros et des sociétés Lenys et Ecotral à garantir les autres intervenants à concurrence de 80 %. 3. Les sociétés Lenys et MAF, ayant demandé une répartition de la responsabilité entre les différents maîtres d'oeuvre, ont obtenu, par un jugement du 10 mai 2012, la condamnation de la société Aviva, en sa qualité d'assureur de la société Edaw, en liquidation judiciaire, à leur payer un tiers des sommes déboursées, le tribunal ayant « réservé les droits des sociétés Lenys et MAF dans la mesure où elles seraient dans l'obligation de régler des montants supplémentaires en exécution de l'arrêt du 28 mai 2009 ». 4. Le 4 octobre 2010, la société Eurovia a assigné en paiement la société Aviva et les sociétés Lenys et MAF qui ont, en cours d'instance, le 12 novembre 2014, assigné la société Aviva en paiement des sommes complémentaires versées après le jugement du 10 mai 2012. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société Aviva fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action complémentaire des sociétés Lenys et MAF et de la condamner à leur payer la somme de 77 500,68 euros, alors « que la prescription de l'action récursoire en garantie ne court à compter de la mise en cause de son auteur que dans la mesure où cette action récursoire a pour cause cette mise en cause ; qu'il résulte en l'espèce de l'arrêt attaqué, que les demandes dirigées par la société Lenys et son assureur à l'encontre de la société Aviva, assureur de la société Edaw, avait pour cause les condamnations prononcées à l'encontre des premières par l'arrêt du 28 mai 2009 de la cour administrative d'appel de Nancy au profit de la ville de Colmar, à l'instar des demandes dirigées par la société Eurovia à l'encontre des sociétés Lenys et MAF ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors juger que le délai de prescription de l'action récursoire exercée par la société Lenys et son assureur à l'encontre de la société Aviva courait à compter de cette dernière mise en cause, sans violer l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour 7. La cour d'appel a retenu à bon droit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. Elle a relevé que, les sociétés Lenys et MAF exerçaient contre la société Aviva un recours en garantie au titre des sommes réclamées par la société Eurovia et qu'elles avaient eu connaissance de cette réclamation par l'assignation qui leur avait été délivrée le 4 octobre 2010, de sorte qu'il s'était écoulé moins de cinq ans avant l'introduction de l'instance engagée contre la société Aviva. 9. Elle en a exactement déduit que l'action des sociétés Lenys et MAF n'était pas prescrite. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Aviva assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aviva assurances et la condamne à payer à la société MAF la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Aviva assurances. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Lenys Concept et de la MAF à l'encontre de la société Aviva Assurances pour ce qui excède les sommes de 464 582,36 euros et 4 112,86 euros, et condamné la société Aviva Assurances à payer à la société Lenys Concept et la MAF la somme de 77 500, 68 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 août 2017 ; Aux motifs que, par jugement du 10 mai 2012, le tribunal de grande instance de Colmar a : 1) condamné la société Aviva assurances à payer à la société Lenys Concept la somme de 4 112,35 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2008, et à la Mutuelle des architectes français la somme de 95 201,01 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2009, 2) réservé les droits des demanderesses ; 3) rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires ; 4) partagé les dépens par moitié entre les parties ; que la lecture des motifs du jugement démontre qu'en réservant « les droits des demanderesses », le tribunal a entendu « réserver les droits de Lenys Concept et de la MAF, dans la mesure où elle serait dans l'obligation de régler des montants supplémentaires en exécution de l'arrêt du 28 mai 2009 » ; que le jugement déféré a donc considéré à juste titre que le tribunal avait vidé entièrement sa saisine concernant les sommes déjà payées par la société Lenys Concept et la Mutuelle des architectes français et que ces sociétés étaient irrecevables à solliciter une nouvelle répartition des sommes de 464 582,36 et 4 112,36 euros mentionnées par le jugement du 10 mai 2012 ; que, par ailleurs, la disposition de ce jugement ayant réservé les droits des demanderesses est sans effet sur l'éventuelle prescription de leur action au titre des sommes dont le tribunal n'était pas saisi ; que, conformément à l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, la société Lenys Concept et la Mutuelle des architectes français exercent contre la société Aviva assurances, assureur de la société Edaw France, un recours en garantie au titre des sommes réclamées par la société Eurovia ; qu'elles ont eu connaissance de la réclamation de la société Eurovia à leur encontre par l'assignation qui leur a été délivrée, à la demande cette société, le 4 octobre 2010 ; qu'il s'est ensuite écoulé moins de cinq ans avant l'introduction de la présente action à l'encontre de la société Aviva assurances, par acte du 21 novembre 2014 ; que l'action de la société Lenys Concept et de la Mutuelle des architectes français n'est donc pas prescrite ; Alors, de première part que la prescription de l'action récursoire en garantie ne court à compter de la mise en cause de son auteur que dans la mesure où cette action récursoire a pour cause cette mise en cause ; qu'il résulte en l'espèce de l'arrêt attaqué, que les demandes dirigées par la société Lenys Concept et son assureur à l'encontre de la société Aviva Assurances, assureur de la société Edaw, avait pour cause les condamnations prononcées à l'encontre des premières par l'arrêt du 28 mai 2009 de la cour administrative d'appel de Nancy au profit de la ville de Colmar, à l'instar des demandes dirigées par la société Eurovia à l'encontre de la société Lenys Concept et de MAF ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors juger que le délai de prescription de l'action récursoire exercée par la société Lenys Concept et son assureur à l'encontre de la société Aviva Assurances courait à compter de cette dernière mise en cause, sans violer l'article 2224 du code civil ; Alors, de deuxième part, subsidiairement et en tout état de cause, qu'il résulte de l'article 1792-4-3 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, que l'ensemble des actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés par les articles 1792 et 1792-1 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ; qu'il résulte en l'espèce des motifs de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy, qui sont revêtus de l'autorité de chose jugée comme étant le soutien nécessaire de cette décision, que la réception des travaux litigieux est intervenue le 3 décembre 2001 ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'action en garantie introduite par la société Lenys Concept et son assureur à l'encontre de la société Aviva Assurances, assureur de la société Edaw, membre du même groupement d'entreprise que la société Lenys Concept, l'a été postérieurement à l'expiration de ce délai ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors déclarer ce recours recevable sans violer l'article 1792-4-3 du code civil.
Une cour d'appel retient exactement que, si des constructeurs ont eu connaissance d'une décision de justice les obligeant à indemniser le maître de l'ouvrage, le délai de prescription de cinq ans du recours en garantie de l'un des constructeurs et de son assureur contre l'assureur d'un autre constructeur ne commence à courir qu'au jour de leur assignation en paiement
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 618 F-P+B Pourvoi n° M 19-17.911 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2020 L'Autorité des marchés financiers (AMF) autorité administrative indépendante , dont le siège est [...] , en la personne de son président, domicilié en cette qualité audit siège, a formé le pourvoi n° M 19-17.911 contre l'ordonnance rendue le 29 mai 2019 par le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société AB science, société anonyme, dont le siège est chez M. O... E..., [...] , dont le siège social est [...] , 2°/ à M. P... K..., 3°/ à M. G... F..., 4°/ à Mme T... Q..., 5°/ à M. S... L..., domiciliés tous quatre chez M. O... E..., [...] , défendeurs à la cassation. Partie intervenante : - l'ordre des avocats du barreau de Paris, dont le siège est [...] , La société AB science, MM. F... et L... et Mme Q... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. M. K... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La société AB science, MM. F... et L... et Mme Q..., demandeurs à un pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. M. K..., demandeur à un pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'ordre des avocats du barreau de Paris, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. K..., de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société AB science, de MM. F... et L... et de Mme Q..., et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Intervention 1. Il est donné acte à l'ordre des avocats du barreau de Paris de son intervention volontaire au soutien de la société AB science, M. F..., Mme Q..., M. L... et M. K.... Faits et procédure 2. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 29 mai 2019), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement des articles L. 465-1, L. 465-3 et L. 621-12 du code monétaire et financier autorisé des enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) à procéder à des visites et des saisies dans des locaux susceptibles d'être occupés par les sociétés AB science (la société AB) et AMY situés [...] , dans des locaux et dépendances situés [...] susceptibles d'être occupés par M. K..., dans des locaux et dépendances situés [...] susceptibles d'être occupés par M. L..., dans des locaux et dépendances situés [...] susceptibles d'être occupés par M. F..., ainsi que dans des locaux et dépendances situés [...] susceptibles d'être occupés par Mme Q..., en vue de rechercher la preuve de manquements d'initiés ou de délits d'initiés. 3. La société AB, M. F..., Mme Q..., M. L... et M. K... ont relevé appel de l'ordonnance d'autorisation et exercé un recours contre le déroulement des opérations de visite, effectuées le 26 avril 2018. Sur les premiers moyens des pourvois incidents, rédigés en termes similaires ou identiques, réunis, qui sont préalables Enoncé des moyens 4. La société AB, M. F..., Mme Q..., M. L... et M. K... font grief à l'ordonnance du premier président d'autoriser les visites et saisies sollicitées par l'AMF, alors : « 1°/ que les visites et saisies domiciliaires, qui constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile, doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but recherché par l'autorité de poursuite, et ne peuvent donc être valablement mises en oeuvre que s'il n'est pas possible à ladite autorité de parvenir à son but par des moyens moins contraignants ; qu'il suit de là qu'en matière de recherche des preuves des infractions de marché, le recours, par l'AMF, à la visite domiciliaire prévue à l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, est subsidiaire à la mise en oeuvre de l'article L. 621-10 du même code et réservée strictement aux cas où la mise en oeuvre des procédés permis par ce dernier texte est insuffisante ; qu'en retenant au contraire que la procédure prévue à l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ne serait pas subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées, le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris a violé ce texte, par fausse interprétation, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que le juge doit vérifier, d'une manière concrète et effective, le caractère proportionné de l'atteinte au droit au respect de la vie privée et du domicile résultant d'une visite domiciliaire ; qu'en affirmant que l'AMF n'avait pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure de visite domiciliaire et en s'affranchissant lui-même de tout contrôle effectif et circonstancié du caractère proportionné ou non de l'atteinte résultant d'une telle mesure, le conseiller délégué a de plus fort violé les textes susvisés. 3°/ que les visites et saisies domiciliaires, qui constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile, doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but recherché par l'autorité de poursuite, et ne peuvent donc être valablement mises en oeuvre que s'il n'est pas possible à ladite autorité de parvenir à son but par des moyens moins contraignants ; qu'il suit de là qu'en matière de recherche des preuves des infractions de marché, le recours, par l'AMF, à la visite domiciliaire prévue à l'article L. 621-12 du code monétaire et financier est subsidiaire à la mise en oeuvre de l'article L. 621-10 du même code et réservé strictement aux cas où la mise en oeuvre des procédés permis par ce dernier texte est insuffisante ; qu'en retenant au contraire que la procédure prévue à l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ne serait pas subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées, la cour d'appel a violé ce texte, par fausse interprétation, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ qu'il appartient au juge des libertés et de la détention de vérifier qu'est fondée la demande d'autorisation d'effectuer des visites, de procéder à la saisie de documents et au recueil ; d'où il suit qu'en se déterminant par une référence à l'absence d'obligation de l'AMF de justifier de son choix de recourir à la procédure de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier et à la circonstance que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris avait validé ce choix, la cour, pourtant saisie par l'effet dévolutif de l'appel, a refusé d'exercer son office et commis un déni de justice, en violation des articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile ; 5°/ qu'il appartient au juge des libertés et de la détention de vérifier qu'est fondée la demande d'autorisation d'effectuer des visites, de procéder à la saisie de documents et au recueil ; d'où il suit qu'en se bornant à rappeler l'article 8, § 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans examiner la situation de fait qui lui était soumise à partir de laquelle il était soutenu que les mesures autorisées par le juge des libertés et de la détention étaient manifestement disproportionnées quant aux buts poursuivis, la cour d'appel a refusé de trancher le litige et commis un déni de justice, en violation des articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile ; 6°/ qu'à tout le moins, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée si les mesures autorisées par le juge des libertés et de la détention n'étaient pas ici clairement disproportionnées par rapport aux buts poursuivis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour 5. Aucun texte ne subordonne la saisine de l'autorité judiciaire pour l'application de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier à l'exercice préalable d'autres procédures et les dispositions de ce texte, qui organisent le droit de visite des enquêteurs de l'AMF et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre les manquements et infractions aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de marché et la divulgation illicite d'informations privilégiées ou tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et du bon fonctionnement des marchés ou relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, de sorte que l'ingérence qu'il prévoit dans le droit au respect de la vie privée et des correspondances n'est pas, en elle-même, disproportionnée au regard du but légitime poursuivi. Il s'ensuit que le premier président, qui a relevé que la mesure prévue par l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ne revêtait pas un caractère subsidiaire, a statué à bon droit sans avoir à justifier autrement la proportionnalité de la mesure qu'il confirmait. 6. Les moyens ne sont donc pas fondés. Sur les seconds moyens des pourvois incidents, rédigés en termes pour partie similaires, réunis, qui sont préalables Enoncé des moyens 7. La société AB, M. F..., M. L..., Mme Q... et M. K... font grief à l'ordonnance du premier président de déclarer les saisies régulières, alors : « 1°/ que le secret médical étant général et absolu, une visite domiciliaire dans les locaux d'une entreprise pharmaceutique spécialisée dans la recherche médicale et maniant comme telle des informations couvertes par le secret médical doit, à peine de nullité, avoir lieu en présence d'un magistrat et d'un membre du conseil de l'ordre des médecins, dès l'instant qu'elle est susceptible de mettre les agents de l'autorité effectuant la visite en contact avec des documents ou informations couverts par le secret ; qu'il suit de là que la visite est intégralement nulle, lorsqu'elle a eu lieu hors la présence d'un magistrat et d'un membre du conseil de l'ordre des médecins et a donné lieu à la saisie de documents couverts par le secret médical, peu important que ces documents soient marginaux dans la masse des documents saisis ou qu'ils n'aient donné lieu à aucune utilisation ; que le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel de Paris avait constaté que, lors des opérations de visite réalisées dans les locaux de la société AB, des courriels couverts par le secret médical avaient été saisis, ce dont il résultait que la visite avait mis les agents de l'AMF en contact avec des informations couvertes par le secret médical et qu'elle était irrégulière, pour n'avoir pas eu lieu en présence d'un magistrat et d'un membre du conseil de l'ordre des médecins ; qu'en retenant néanmoins, pour refuser d'annuler l'intégralité des opérations de visite et cantonner leur nullité à la seule saisie des courriels en cause, que la protection spécifique du secret médical n'avait pas vocation à s'appliquer, le conseiller délégué, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 621-12, alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale ; 2°/ que le juge doit assurer un respect strict et effectif du secret médical, ce qui lui impose, en cas de visite domiciliaire dans les locaux d'une entreprise pharmaceutique spécialisée dans la recherche médicale, de vérifier de manière concrète que les éléments saisis par l'autorité ayant effectué la visite étaient, soit exclus du champ du secret, soit anonymisés ; qu'en se déterminant pourtant par la considération que la collecte de données cliniques de patients par une société pharmaceutique était "censée être effectuée de manière anonymisée", pour en déduire que la visite n'avait pas lieu d'être annulée pour défaut de présence d'un représentant de l'ordre des médecins, donc en s'affranchissant de tout contrôle effectif du caractère secret ou non des documents et informations auxquels avait pu accéder l'AMF à l'occasion de la visite, le conseiller délégué a violé, par refus d'application, l'article 56-3 du code de procédure pénale et l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ; 3°/ qu'en se déterminant par la considération que la collecte de données cliniques de patients par une société pharmaceutique était "censée être effectuée de manière anonymisée", de sorte qu'il "ne sembl[ait] pas", au cas présent, qu'il soit nécessaire d'appliquer la protection spécifique du secret médical, le conseiller délégué a statué par des motifs hypothétiques, en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile. 4°/ que l'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale qui prescrit la présence de la personne responsable de l'ordre à laquelle appartient l'intéressé (art. 56-3) ; qu'ainsi, la présence d'un membre du conseil de l'ordre des médecins s'impose lorsque les opérations de visite domiciliaire et de saisie sont autorisées par le juge des libertés et de la détention dans une société pharmaceutique détentrice d'informations à caractère médical, peu important que certaines informations puissent être anonymisées, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, à l'aide d'une considération inopérante, la cour d'appel a violé les articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale ; 5°/ que les motifs inintelligibles équivalent à un défaut de motifs ; qu'en affirmant que, "sauf cas très exceptionnel, les articles L. 621-21, alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale n'ont pas vocation à s'appliquer, ce qui ne semble pas être le cas en l'espèce", la cour d'appel a statué par une considération inintelligible, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 6°/ que le motif dubitatif équivaut à un défaut de motifs ; qu'ainsi, en toute hypothèse, en affirmant que "ce ne semble pas être le cas en l'espèce", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit applicables ; qu'en ne précisant pas dans quel "cas très exceptionnel" les articles L. 621-12, alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale auraient vocation à s'appliquer aux visites domiciliaires, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 12 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Le secret médical couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé. Il est institué dans l'intérêt des patients et s'impose à tout médecin. 9. Selon l'article 56-3 du code de procédure pénale, les perquisitions dans le cabinet d'un médecin sont effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l'ordre des médecins ou de son représentant. 10. Après avoir relevé que la société AB était une société pharmaceutique ayant pour objet la recherche, le développement et la commercialisation d'une classe de molécules thérapeutiques utilisées dans le traitement des cancers, des maladies inflammatoires ou neurodégénératives, l'ordonnance énonce que la collecte de données cliniques de patients par une société pharmaceutique est censée être effectuée de manière anonymisée, de sorte que, sauf cas exceptionnel, qui ne semble pas être le cas en l'espèce, les articles L. 621-21 alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale entourant d'une protection spécifique les visites domiciliaires et les perquisitions réalisées dans le cabinet d'un médecin n'ont pas vocation à s'appliquer. Ayant ensuite relevé que trois courriels saisis dans la messagerie de M. K... contenaient des demandes de conseils formulées par des particuliers qui y dévoilaient leur identité et la pathologie dont ils étaient atteints, le premier président, estimant que ces informations étaient couvertes par le secret médical, en a annulé la saisie. En l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, dont il résulte que l'établissement visité ne pouvait être assimilé à un cabinet médical et que, hormis les trois courriels précités, les appelants ne démontraient pas que d'autres documents comportant des données couvertes par le secret médical auraient pu y être appréhendés, le premier président a statué à bon droit. 11. Les moyens ne sont donc pas fondés. Sur le premier moyen du pourvoi principal 12. L'AMF fait grief à l'ordonnance du premier président de déclarer les opérations de visite et saisie régulières, à l'exception de trois courriels des 17 avril 2018, 12 janvier 2018 et 8 janvier 2017, et de lui faire interdiction d'en faire un quelconque usage, alors : « 1°/ que pour statuer comme il l'a fait, l'auteur de l'ordonnance attaquée relève que "sauf cas très exceptionnel, les articles L. 621-12 alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale entourant d'une protection spécifique les visites domiciliaires et les perquisitions réalisées dans le cabinet d'un médecin, n'ont pas vocation à s'appliquer, ce qui ne semble pas être le cas en l'espèce" ; qu'en statuant ainsi par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, l'auteur de l'ordonnance attaquée, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'il a violé ; 2°/ que le motif dubitatif équivaut au défaut de motifs ; qu'en statuant par le motif dubitatif, à le supposer même intelligible, selon lequel ce ne semble pas être le cas en l'espèce", l'auteur de l'ordonnance attaquée a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'à supposer qu'il faille comprendre que l'espèce n'aurait pas correspondu au cas "très exceptionnel" dans lequel les articles L. 621-12, alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale pourraient s'appliquer à des visites domiciliaires réalisées hors le cabinet d'un médecin, l'auteur de l'ordonnance attaquée, faute d'avoir précisé le fondement juridique de sa décision, n'aurait pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et aurait violé l'article 12 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 13. Le moyen, qui critique, non les motifs justifiant l'annulation de la saisie de trois courriels mais ceux ayant conduit le premier président à déclarer régulières les autres saisies effectuées dans les locaux de la société AB sans qu'il ait été fait application des dispositions de l'article 56-3 du code de procédure pénale, est inopérant. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 14. L'AMF fait grief à l'ordonnance du premier président de déclarer les opérations de visite et saisies du 26 avril 2018 régulières à l'exception des courriels protégés par le privilège légal et de lui interdire d'en faire un usage quelconque, alors : « 1°/ que constitue la divulgation à un tiers d'une correspondance par courrier électronique le fait pour l'expéditeur de ce courrier électronique d'en rendre destinataire en copie une autre personne que son destinataire principal ; qu'en relevant, d'une part, qu'il ressort de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 la condition que l'avocat doit être l'expéditeur ou le destinataire du courriel, ce qui n'exclurait pas que d'autres correspondants apparaissent en qualité de destinataire ou expéditeur, tout en admettant, d'autre part, que le fait de divulguer, notamment par voie de transfert, à des tiers des correspondances couvertes par le secret professionnel leur fait perdre la protection du privilège légal, l'auteur de l'ordonnance attaquée, qui a statué par des motifs incohérents, équivalant à un défaut de motifs, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'il a violé ; 2°/ que dans le cas où le client d'un avocat rend un tiers destinataire en copie d'un courrier électronique qu'il adresse à cet avocat, seul un examen in concreto de ce courrier électronique est de nature à révéler s'il entre dans les prévisions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'en décidant au contraire qu'il ressort de ce texte la condition que l'avocat doit être l'expéditeur ou le destinataire du courriel, ce qui n'exclurait pas que d'autres correspondants apparaissent en qualité de destinataire ou expéditeur, la seule exception étant que l'avocat ne figure qu'en copie, l'auteur de l'ordonnance attaquée a violé par fausse interprétation l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ; 3°/ qu'il appartenait aux requérants de verser aux débats les courriers électroniques qu'ils prétendaient ne pouvoir être saisis en précisant pour chacun les raisons qui les auraient rendus insaisissables ; qu'en l'absence de cette production, à laquelle ne pouvait se substituer une simple liste de ces courriers, même assortie de la précision de la qualité de leurs expéditeurs et destinataires, l'auteur de l'ordonnance attaquée, qui n'était pas en mesure de vérifier s'ils étaient couverts par le secret professionnel, ne pouvait que rejeter la demande de restitution dont il était saisi ; qu'en décidant le contraire, il a violé l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ; 4°/ qu'en se déterminant par voie de disposition générale sur la portée de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, sans même procéder à une analyse, fût-elle sommaire, de la pièce 16 des requérants, l'auteur de l'ordonnance attaquée a privé sa décision de base légale au regard de ce texte, ensemble l'article L. 621-12 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 : 15. Selon ce texte, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci et les correspondances échangées entre le client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel. 16. Pour annuler la saisie des correspondances constituant la pièce n° 16 des appelants, le premier président, après avoir indiqué les avoir examinées concrètement, a constaté que seuls les courriels échangés entre les dirigeants et salariés des entreprises visitées et leurs avocats étaient couverts par le secret, que les échanges entre deux correspondants pour lesquels un avocat était en copie ne pouvaient bénéficier de la protection légale, que seuls les échanges où un avocat était expéditeur ou destinataire du courriel pouvait bénéficier de cette protection et que le fait, pour les sociétés, de divulguer à des tiers des correspondances couvertes par le secret professionnel leur faisait perdre la protection attachée au secret. 17. En se déterminant ainsi, sans identifier précisément les correspondances en cause et sans indiquer ce qu'il résultait de leur examen concret, alors que l'AMF contestait la liste des messages produite par les appelants en faisant valoir qu'elle ne permettait pas d'identifier précisément qui étaient les auteurs ou les destinataires des courriels en cause et, faute de permettre un examen concret, ne pouvait se substituer à leur production, le premier président a privé sa décision de base légale. Et sur le troisième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 18. L'AMF fait grief à l'ordonnance du premier président de déclarer les opérations de visite et saisies du 26 avril 2018 régulières à l'exception des documents antérieurs au 1er septembre 2014 et de lui interdire d'en faire un usage quelconque, alors : « 1°/ que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ne comportait aucune restriction temporelle au champ de la saisie des documents et qu'il appartenait aux demandeurs au recours d'établir, pour chacun d'eux, en quoi ils ne seraient pas entrés dans les prévisions de l'autorisation ; qu'en statuant comme il l'a fait par des motifs revenant à inverser la charge de la preuve, l'auteur de l'ordonnance attaquée a violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ; 2°/ qu'en statuant comme il l'a fait, sans procéder à aucune analyse, même sommaire, de ces documents, l'auteur de l'ordonnance attaquée, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur les raisons pour lesquelles ces documents ne seraient pas entrés dans les prévisions de l'autorisation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 621-12 du code monétaire et financier : 19. S'il résulte de ce texte que les enquêteurs de l'AMF ne peuvent appréhender que les documents se rapportant aux agissements prohibés retenus par l'ordonnance d'autorisation de visite et saisies domiciliaires, il ne leur est pas interdit de saisir des documents pour partie utiles à la preuve desdits agissements. 20. Pour annuler la saisie de documents antérieurs au 1er septembre 2014, le premier président, après avoir relevé que des éléments préalables au début de la période d'enquête, fixé au 1er septembre 2014, pouvaient être de nature à apporter un éclairage aux soupçons de délits d'initiés, a retenu qu'il était difficile de voir en quoi les saisies antérieures à cette date étaient susceptibles d'apporter un quelconque éclairage aux agissements précités. 21. En se déterminant ainsi, sans préciser, par une analyse concrète des pièces saisies par les enquêteurs de l'AMF, en quoi la saisie de celles-ci n'entrait pas dans le champ de l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention, le premier président a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déclare irrégulière la saisie des courriels protégés par le privilège légal et des documents antérieurs au 1er septembre 2014, en ordonne la restitution aux requérants et interdit à l'AMF d'en faire un quelconque usage, l'ordonnance rendue le 29 mai 2019, entre les parties, par le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour l'Autorité des marchés financiers. PREMIER MOYEN DE CASSATION En ce que l'ordonnance attaquée, après avoir déclaré les opérations de visite et saisie en date du 26 avril 2018 régulières, a fait exception pour trois courriels en date des 17 avril 2018, 12 janvier 2018 et 8 janvier 2017 (pièces 15 des écritures des requérants) en précisant que l'ensemble de ces courriels seront annulés et restitués aux requérants avec l'interdiction pour l'AMF d'en faire un quelconque usage ; Aux motifs qu'il convient de rappeler que la société AB Science est une société pharmaceutique dont l'activité repose sur la recherche, le développement et la commercialisation d'inhibiteurs de tyrosine kinase, à savoir une classe de molécules thérapeutiques utilisées dans le traitement des cancers, des maladies inflammatoires et des maladies neurodégénératives en santé humaine et animale. Il est constant également que la collecte de données cliniques de patients par une société pharmaceutique est censée être effectuée de manière anonymisée. Dès lors, sauf cas très exceptionnel, les articles L.621-21 alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale entourant d'une protection spécifique les visites domiciliaires et les perquisitions réalisées dans le cabinet d'un médecin, n'ont pas vocation à s'appliquer, ce qui ne semble pas être le cas en l'espèce. S'agissant des trois mails saisis dans la messagerie de M. K..., (pièce 15 des requérants), il s'agit non pas de données cliniques relatifs à un patient, mais de demandes spontanées de conseils, effectuées auprès de M. K... par des particuliers atteints, soit eux-mêmes soit un de leurs proches, par une pathologie. Dans la mesure où ces demandeurs ont dévoilé leur identité et la pathologie dont ils seraient atteints, I'examen in concreto de ces trois courriels en date du 17/04/2018, 12/01/2018 et 08/06/2017 nous conduit à faire droit à l'annulation de ces trois courriels. Dès lors, les trois mails précités seront annulés avec l'interdiction pour I'AMF d'en faire un quelconque usage, sans que pour autant que cela entraîne I'annulation de la totalité des opérations de visite et saisie, réalisées dans les locaux d'AB Science le 26 avril 2018. Ce moyen sera rejeté, à l'exception des trois courriels précités, lesquels seront écartés (ordonnance attaquée, p. 19, deux derniers alinéas et p. 20, quatre premiers alinéas) ; 1°/ Alors que pour statuer comme il l'a fait, l'auteur de l'ordonnance attaquée relève que « sauf cas très exceptionnel, les articles L.621-21 [lire L. 621-12] alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale entourant d'une protection spécifique les visites domiciliaires et les perquisitions réalisées dans le cabinet d'un médecin, n'ont pas vocation à s'appliquer, ce qui ne semble pas être le cas en l'espèce » ; qu'en statuant ainsi par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, l'auteur de l'ordonnance attaquée, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'il a violé ; 2°/ Alors au surplus que le motif dubitatif équivaut au défaut de motifs ; qu'en statuant par le motif dubitatif, à le supposer même intelligible, selon lequel « ce ne semble pas être le cas en l'espèce », l'auteur de l'ordonnance attaquée a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ Et alors en tout état de cause que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'à supposer qu'il faille comprendre que l'espèce n'aurait pas correspondu au cas « très exceptionnel » dans lequel les articles L.621-12, alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale pourraient s'appliquer à des visites domiciliaires réalisées hors le cabinet d'un médecin, l'auteur de l'ordonnance attaquée, faute d'avoir précisé le fondement juridique de sa décision, n'aurait pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et aurait violé l'article 12 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION En ce que l'ordonnance attaquée, après avoir déclaré les opérations de visite et saisie en date du 26 avril 2018 régulières, a fait exception pour les courriels protégés par le privilège légal (pièce 16 des écritures des requérants), en précisant que l'ensemble de ces courriels seront annulés et restitués aux requérants avec l'interdiction pour l'AMF d'en faire un quelconque usage ; Aux motifs qu'iI est constant que la loi du 31 décembre 1971 en son article 66-5 énonce « en toute matière, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client où destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre I'avocat et ses confrères à l'exception de celles portant la mention "officielle" les notes d'entretien et, plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». Ce principe essentiel n'est nullement contesté. De même qu'il est acquis que cette protection concerne également les correspondances échangées avec un avocat étranger et couvre également son activité de conseil. Cependant, ce principe n'est pas absolu et souffre de plusieurs exceptions. Il convient de relever que seuls font l'objet du privilège légal les mails échangés entre dirigeants et salariés des sociétés visitées et les avocats. Ainsi, les courriels échangés entre les avocats et experts comptables ne bénéficient pas de la protection accordée à la confidentialité des correspondances avocat/client. De même, s'agissant de certains courriels, il ne peut pas être admis que les échanges entre deux correspondants, avec en copie jointe un avocat, puissent bénéficier de la protection légale relative à la confidentialité des échanges avocat/client, sauf à dénaturer cette protection légale. En effet, il suffirait pour une société d'échanger des mails avec une autre société avec, en copie conforme, un destinataire qui aurait la qualité d'avocat pour que tout échange puisse bénéficier de ce privilège légal. II en ressort la condition que l'avocat doit être l'expéditeur ou le destinataire du courriel, ce qui n'exclut pas que d'autres correspondants apparaissent en qualité de destinataire ou expéditeur, la seule exception étant, comme nous l'avons indiqué précédemment, que l'avocat ne figure qu'en copie. Enfin, le fait pour les sociétés de divulguer (par voie de transfert notamment) à des tiers des correspondances couvertes par le secret professionnel, leur fait perdre la protection du privilège légal. Ainsi, la demande de restitution des correspondances saisies dans le cadre de la visite domiciliaire du 26 avril 2018 couvertes par le secret professionnel, telle que sollicitée par les requérants (pièces 16 des requérants), examinée in concreto, en application des principes et exceptions susmentionnés, sera acceptée avec l'interdiction pour l'AMF d'en faire un quelconque usage. Ce moyen sera retenu (ordonnance attaquée, p. 20, quatre derniers alinéas et p. 21, deux premiers alinéas) ; 1°/ Alors que constitue la divulgation à un tiers d'une correspondance par courrier électronique le fait pour l'expéditeur de ce courrier électronique d'en rendre destinataire en copie une autre personne que son destinataire principal ; qu'en relevant, d'une part, qu'il ressort de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 la condition que l'avocat doit être l'expéditeur ou le destinataire du courriel, ce qui n'exclurait pas que d'autres correspondants apparaissent en qualité de destinataire ou expéditeur, tout en admettant, d'autre part, que le fait de divulguer, notamment par voie de transfert, à des tiers des correspondances couvertes par le secret professionnel leur fait perdre la protection du privilège légal, l'auteur de l'ordonnance attaquée, qui a statué par des motifs incohérents, équivalant à un défaut de motifs, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'il a violé ; 2°/ Alors que dans le cas où le client d'un avocat rend un tiers destinataire en copie d'un courrier électronique qu'il adresse à cet avocat, seul un examen in concreto de ce courrier électronique est de nature à révéler s'il entre dans les prévisions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'en décidant au contraire qu'il ressort de ce texte la condition que l'avocat doit être l'expéditeur ou le destinataire du courriel, ce qui n'exclurait pas que d'autres correspondants apparaissent en qualité de destinataire ou expéditeur, la seule exception étant que l'avocat ne figure qu'en copie, l'auteur de l'ordonnance attaquée a violé par fausse interprétation l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ; 3°/ Alors qu'il appartenait aux requérants de verser aux débats les courriers électroniques qu'ils prétendaient ne pouvoir être saisis en précisant pour chacun les raisons qui les auraient rendus insaisissables ; qu'en l'absence de cette production, à laquelle ne pouvait se substituer une simple liste de ces courriers, même assortie de la précision de la qualité de leurs expéditeurs et destinataires, l'auteur de l'ordonnance attaquée, qui n'était pas en mesure de vérifier s'ils étaient couverts par le secret professionnel, ne pouvait que rejeter la demande de restitution dont il était saisi ; qu'en décidant le contraire, il a violé l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ; 4°/ Et alors, par surcroît et en tout état de cause qu'en se déterminant par voie de disposition générale sur la portée de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, sans même procéder à une analyse, fût-elle sommaire, de la pièce 16 des requérants, l'auteur de l'ordonnance attaquée a privé sa décision de base légale au regard de ce texte, ensemble l'article L. 621-12 du code monétaire et financier. TROISIEME MOYEN DE CASSATION En ce que l'ordonnance attaquée, après avoir déclaré les opérations de visite et saisie en date du 26 avril 2018 régulières, a fait exception pour les documents antérieurs au 1er septembre 2014 et a précisé que l'ensemble de ces courriels seront annulés et restitués aux requérants avec l'interdiction pour l'AMF d'en faire un quelconque usage ; Aux motifs que s'il est établi dans l'ordonnance du JLD de Paris que le début de la période d'enquête est fixé au 1er septembre 2014, il n'en demeure pas moins que les présomptions de manquements d'initié semblent se caractériser à compter du 20 janvier 2017, date de réception par la société AB Science du rapport d'inspection intégré. Il est constant que des éléments antérieurs au début de la période d'enquête peuvent être de nature à apporter un éclairage aux soupçons d'agissements prohibés. En l'espèce, ces manquements auraient été commis les 27 et 31 mars 2017 par la société AB Science, le 31 mars 2017 par M. P... K..., les 8 et 20 mars 2017 par M. G... F..., les 10 et 11 mai 2017 par Mme T... Q..., et le 31 mars 2017 par M. S... L.... Or, il est difficile de voir en quoi les saisies antérieures au 1er septembre 2014 seraient susceptibles d'apporter un quelconque éclairage aux agissements précités, lesquels auraient été commis plus de deux années et demi plus tard. En conséquence, la saisie des documents antérieurs au 1er septembre 2014 sera annulée et ceux-ci seront restitués aux requérants avec l'interdiction pour I'AMF d'en faire un quelconque usage. Ce moyen sera admis (ordonnance attaquée, p. 21) ; 1°/ Alors que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ne comportait aucune restriction temporelle au champ de la saisie des documents et qu'il appartenait aux demandeurs au recours d'établir, pour chacun d'eux, en quoi ils ne seraient pas entrés dans les prévisions de l'autorisation ; qu'en statuant comme il l'a fait par des motifs revenant à inverser la charge de la preuve, l'auteur de l'ordonnance attaquée a violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ; 2°/ Et alors en toute hypothèse qu'en statuant comme il l'a fait, sans procéder à aucune analyse, même sommaire, de ces documents, l'auteur de l'ordonnance attaquée, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur les raisons pour lesquelles ces documents ne seraient pas entrés dans les prévisions de l'autorisation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier. Moyens produits à un pourvoi incident par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société AB science, MM. F... et L... et Mme Q.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'ordonnance confirmative attaquée D'AVOIR autorisé les enquêteurs de l'Amf en charge de l'enquête Amf n°2017.41 ouverte par décision du Secrétaire général de l'Amf du 11 septembre 2017 sur le marché du titre et l'information financière de la société AB Science à compter du 1er septembre 2014 à effectuer la visite domiciliaire des lieux suivants : - domicile de M. P... K... situé [...], - domicile de M. S... L... situé [...], - siège social de la société AB Science et de la société AMY SAS situés [...] ; et dans l'hypothèse où l'accès à leurs messageries électroniques personnelles et leurs téléphones personnels n'est pas possible depuis le siège d'AB Science : - domicile de M. G... F... situé [...], - domicile de Mme T... Q... situé [...] ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le caractère mal fondé de l'ordonnance rendue par le jld du tribunal de grande instance de Paris le 23 avril 2018, le jld n'a pas vérifié le bien-fondé de la requête qui lui a été soumise par l'Amf le 17 avril 2018 ; qu'il convient de rappeler que dans le cadre de l'enquête préparatoire, le champ d'application des dispositions de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier doit être relativement étendu, étant précisé qu'à ce stade, aucune accusation n'est formulée ; qu'il s'agit simplement d'apprécier, pour le jld saisi, s'il existe de simples présomptions d'agissements frauduleux, en l'espèce des manquements d'initié au sens des articles 8 et 14 du règlement européen nº 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché et des infractions pénales relatives aux délits d'initiés au sens des articles L. 465-1 et L. 465-3 du code monétaire et financier (et non pas des preuves ou d'éléments ayant une valeur probante) ; qu'au cas présent, il convient de relever que le jld saisi a disposé de 6 jours entre la présentation de la requête et de ses annexes (17 avril 2018) et la signature de son ordonnance (23 avril 2018), ce qui a laissé le temps pour examiner in concreto les pièces soumises à son appréciation ; qu'il a pu relever l'existence d'un rapport d'inspection intégré, reçu le 20 janvier 2017 par la société AB Science, comprenant les trois rapports individuels finalisés sur les trois sites inspectés et reprenant les déficiences relatives aux essais cliniques, déjà détaillés par ces derniers ; que par ailleurs, il a retenu que M. S... A..., l'inspecteur de l'ANSM ayant réalisé les trois inspections précitées de fin 2016 avait indiqué, dans un courriel du 23 janvier 2017 relatif à une téléconférence, que « pour mastocytose ça devait conduire à un avis défavorable » ; qu'en outre, le 22 février 2017, le CHMP avait tenu une réunion par téléconférence sur la demande d'AMM du masitinib dans la mastocycose, à laquelle avait participé M. S... A... ; que la tendance « très défavorable » de l'opinion des rapporteurs du CHMP a semblé se confirmer au regard de ces deux comptes rendus, faits le jour même suite à la téléconférence ( ) ; qu'enfin, il a relevé que le 7 mars 2017, à la demande d'AB Science, une téléconférence avait eu lieu de 13 heures à 14 heures entre le rapporteur, le co-rapporteur et leurs assesseurs du CHMP, les inspecteurs en charge du rapport , des membres de l'European Medical Agency (ci-après EMA) et la société AB Science, représentée par son PDG M. P... K... et son directeur financier M. G... F... ; qu'à cette occasion, le rapporteur et le co-rapporteur ont apparemment exprimé à AB Science leur opinion défavorable sur sa demande d'autorisation de mise sur le marché, fondée notamment sur les conclusions du rapport intégré d'inspection du 20 janvier 2017 ; que ces éléments non connus du public ont été mis en perspective avec le fait que : - la société AB Science avait effectué deux opérations de placements privés les 27 et 31 mars 2017; - M. P... K... avait cédé des titres AB Science le 31 mars 2017, lui permettant de réaliser une économie de perte d'un montant de 2 100 928 € ; - M. G... F..., le directeur financier, avait vendu des titres les 8 et 20 mars 2017, lui permettant de réaliser une économie de perte de 100 981 € ; - Mme T... Q..., la responsable opérations cliniques, avait cédé des titres les 10 et 11 mai 2017, lui permettant de réaliser une économie de perte de 31 750 € ; M. S... L..., le directeur de la stratégie clinique et professeur de médecine en hématologie à l'[...], avait vendu des titres le 31 mars 2017, lui permettant de réaliser une économie de perte de 149 000 € ; que le jld précisait dans son ordonnance que l'ANSM avait publié, le 11 mai 2017, sa décision de suspension des essais cliniques d'AB Science en France et que suite à cette annonce, le cours du titre AB Science avait été suspendu du 12 au 15 mai 2017 et avait repris le 16 mai 2017 à 10,16 € et clôturé à 11,10 €, en baisse de 32,70% par rapport au cours précédent et que le lendemain, la société AB Science avait publié l'avis négatif rendu par l'EMA sur la demande d'autorisation de mise sur le marché du masitinib dans l'indication de la mastocytose systémique ; que dès lors, c'était à bon droit que le Jld de Paris a relevé au moins une présomption simple d'une éventuelle commission des infractions prévues et réprimées par les articles L. 465-1 et L. 465-3 du code monétaire et financier, à savoir l'utilisation et la communication d'une information privilégiée ; que ce moyen sera rejeté ; que sur le caractère manifestement disproportionné quant aux buts poursuivis des visites domiciliaires autorisées par le jld du tribunal de grande instance de Paris le 23 avril 2018 ; qu'en l'espèce, les mesures autorisées par le jld aux termes de son ordonnance du 23 avril 2018 étaient manifestement disproportionnées quant aux buts poursuivis ; qu'il est constant que l'Amf n'a pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite lourde, de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, laquelle n'a pas un caractère subsidiaire (et qui a été validée par le jld saisi) par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées, comme celle de l'enquête simple ; que sur le caractère disproportionné de la mesure et l'atteinte subséquente au respect de la vie privée et familiale, il convient de rappeler que l'article 8 de la Convention EDH, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, est tempérée par son paragraphe 2 qui dispose que « il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que ce moyen sera écarté ; qu'en conséquence, l'ordonnance du jld de Paris du 23 avril 2018 sera confirmée en toutes ses dispositions (ordonnance attaquée, p. 17 à 20). ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE dans le cadre de l'enquête n°2017.41 ouverte par décision du secrétaire général de l'Amf du 11 septembre 2017 sur le marché du titre et l'information financière de la société AB Science à compter du 1er septembre 2014, la direction des enquêtes de l'Amf a pu observer que l'ANSM a publié le 11 mai 2017 sa décision de suspension des essais cliniques d'AB Science en France, que suite à cette annonce le cours du titre AB Science a été suspendu du 12 au 15 mai 2017 et a repris le 16 mai 2017 à 10,16 € et clôturé à 11,10 € en baisse de 32 ,70% par rapport au cours d'avant annoncé, que le 17 mai 2017 la société AB Science a publié l'avis négatif rendu par l'EMA (European Medical Agency) sur la demande d'autorisation de mise sur le marché du masitinib dans l'indication de la mastocytose systémique ; que la décision de suspension des essais cliniques prononcée par l'ANSM a fait suite notamment aux résultats d'investigations réalisées par l'ANSM) la demande de l'EMA au mois de novembre 2016, dans le cadre de la demande d'autorisation de mise sur le marché du masitinib dans le traitement de la mastocytose systémique présentée par la société AB Science, qu'il apparaît que suite à ces investigations la société AB Science a été informée par l'ANSM, au plus tôt le 20 janvier 2017 et au plus tard le 7 mars 2017, que les rapporteurs de l'EMA allaient probablement rendre un avis négatif, cet avis étant déterminant dans le vote de la Commission européenne qui décide des autorisations de mise sur le marché ; qu'alors que l'avis négatif des rapporteurs de l'EMA était connu de la société AB Science mais n'avait pas été rendu public : - la société AB Science a réalisé deux opérations de placements privés les 27 et 31 mars 2017; M. P... K... a cédé des titres Ab Science le 31 mars 2017, lui permettant de réaliser une économie de pertes d'un montant de 2.100.928 euros ; - M. G... F..., le directeur financier, a cédé des titres les 8 et 20 mars 2017, lui permettant de réaliser une économie de perte de 100.981 euros ; - Mme T... Q..., la responsable opérations cliniques, a cédé des titres les 10 et 11 mai 2017, lui permettant de réaliser une économie de perte de 31.750 euros ; - M. S... L..., le directeur de la stratégie clinique et professeur de médecine en hématologie à l'[...], a cédé des titres le 31 mars 2017, lui permettant de réaliser une économie de perte de 149.000 euros ; que l'exercice par l'Amf des seuls pouvoirs prévues à l'article L.621-10 du code monétaire et financier pourrait ne pas suffire pour accéder aux documents et informations nécessaires à la manifestation de la vérité et éviter toute déperdition de preuves ; que dès lors, la requête apparaît fondée, les éléments et pièces invoqués étant de nature à justifier les visites domiciliaires demandées en application de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier aux fins de saisie des messageries électroniques personnelles et de tous documents utiles à la manifestation de la vérité et susceptibles de caractériser l'utilisation et/ou la communication d'une information privilégiée telles que définies aux termes des articles L. 465-1 et L. 465-3 du code monétaire et financier (ordonnance du jld, pp. 1 et 2) ; ALORS QUE les visites et saisies domiciliaires, qui constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile, doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but recherché par l'autorité de poursuite, et ne peuvent donc être valablement mises en oeuvre que s'il n'est pas possible à ladite autorité de parvenir à son but par des moyens moins contraignants ; qu'il suit de là qu'en matière de recherche des preuves des infractions de marché, le recours, par l'Amf, à la visite domiciliaire prévue à l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, est subsidiaire à la mise en oeuvre de l'article L. 621-10 du même code et réservée strictement aux cas où la mise en oeuvre des procédés permis par ce dernier texte est insuffisante ; qu'en retenant au contraire que la procédure prévue à l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ne serait pas subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées, le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris a violé ce texte, par fausse interprétation, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge doit vérifier, d'une manière concrète et effective, le caractère proportionné de l'atteinte au droit au respect de la vie privée et du domicile résultant d'une visite domiciliaire ; qu'en affirmant que l'Amf n'avait pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure de visite domiciliaire et en s'affranchissant lui-même de tout contrôle effectif et circonstancié du caractère proportionné ou non de l'atteinte résultant d'une telle mesure, le conseiller délégué a de plus fort violé les textes susvisés. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée D'AVOIR déclaré les opérations de visite et saisie en date du 26 avril 2018 régulières ; AUX MOTIFS QU'à titre principal, sur la nullité totale des opérations de visite et saisie réalisées par l'Amf sur le fondement de l'ordonnance rendue par le jld du tribunal de grande instance de Paris le 23 avril 2018, qu'il convient de rappeler que la société AB Science est une société pharmaceutique dont l'activité repose sur la recherche, le développement et la commercialisation d'inhibiteurs de tyrosine kinase, à savoir une classe de molécules thérapeutiques utilisées dans le traitement des cancers, des maladies inflammatoires et des maladies neurodégénératives en santé humaine et animale ; qu'il est constant également que la collecte de données cliniques de patients par une société pharmaceutique est censée être effectuée de manière anonymisée ; que dès lors, sauf cas très exceptionnel, les articles L. 621-[12] alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale entourant d'une protection spécifique les visites domiciliaires et les perquisitions réalisées dans le cabinet d'un médecin, n'ont pas vocation à s'appliquer, ce qui ne semble pas être le cas en l'espèce (ordonnance attaquée, p. 20) ; ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le secret médical étant général et absolu, une visite domiciliaire dans les locaux d'une entreprise pharmaceutique spécialisée dans la recherche médicale et maniant comme telle des informations couvertes par le secret médical doit, à peine de nullité, avoir lieu en présence d'un magistrat et d'un membre du conseil de l'ordre des médecins, dès l'instant qu'elle est susceptible de mettre les agents de l'autorité effectuant la visite en contact avec des documents ou informations couverts par le secret ; qu'il suit de là que la visite est intégralement nulle, lorsqu'elle a eu lieu hors la présence d'un magistrat et d'un membre du conseil de l'ordre des médecins et a donné lieu à la saisie de documents couverts par le secret médical, peu important que ces documents soient marginaux dans la masse des documents saisis ou qu'ils n'aient donné lieu à aucune utilisation ; que le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel de Paris avait constaté que, lors des opérations de visite réalisées dans les locaux de la société AB Science, des courriels couverts par le secret médical avaient été saisis, ce dont il résultait que la visite avait mis les agents de l'Amf en contact avec des informations couvertes par le secret médical et qu'elle était irrégulière, pour n'avoir pas eu lieu en présence d'un magistrat et d'un membre du conseil de l'ordre des médecins ; qu'en retenant néanmoins, pour refuser d'annuler l'intégralité des opérations de visite et cantonner leur nullité à la seule saisie des courriels en cause, que la protection spécifique du secret médical n'avait pas vocation à s'appliquer, le conseiller délégué, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 621-12, alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale ; ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE le juge doit assurer un respect strict et effectif du secret médical, ce qui lui impose, en cas de visite domiciliaire dans les locaux d'une entreprise pharmaceutique spécialisée dans la recherche médicale, de vérifier de manière concrète que les éléments saisis par l'autorité ayant effectué la visite étaient, soit exclus du champ du secret, soit anonymisés ; qu'en se déterminant pourtant par la considération que la collecte de données cliniques de patients par une société pharmaceutique était « censée être effectuée de manière anonymisée », pour en déduire que la visite n'avait pas lieu d'être annulée pour défaut de présence d'un représentant de l'ordre des médecins, donc en s'affranchissant de tout contrôle effectif du caractère secret ou non des documents et informations auxquels avait pu accéder l'Amf à l'occasion de la visite, le conseiller délégué a violé, par refus d'application, l'article 56-3 du code de procédure pénale et l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ; ALORS, EN TROISIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en se déterminant par la considération que la collecte de données cliniques de patients par une société pharmaceutique était « censée être effectuée de manière anonymisée », de sorte qu'il « ne sembl[ait] pas », au cas présent, qu'il soit nécessaire d'appliquer la protection spécifique du secret médical, le conseiller délégué a statué par des motifs hypothétiques, en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits à un pourvoi incident par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. K.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Paris en date du 23 avril 2018 ; AUX MOTIFS QUE sur le caractère manifestement disproportionné quant aux buts poursuivis des visites domiciliaires autorisées par le JLD de Paris le 23 avril 2018, qu'en l'espèce, les mesures autorisées par le JLD du TGI de Paris aux termes de son ordonnance du 23 avril 2018 étaient manifestement disproportionnées quant aux buts poursuivis ; qu'il est constant que l'AMF n'a pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite lourde, de l'article L. 621-12 du CMF, laquelle n'a pas un caractère subsidiaire (et qui a été validée par le JLD saisi) par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées comme celle de l'enquête simple ; que, sur le caractère disproportionné de la mesure et l'atteinte subséquente au respect de la vie privée et familiale, il convient de rappeler que l'article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de la vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose qu'"il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; que ce moyen sera écarté ; ALORS, DE PREMIERE PART, QUE les visites et saisies domiciliaires, qui constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile, doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but recherché par l'autorité de poursuite, et ne peuvent donc être valablement mises en oeuvre que s'il n'est pas possible à ladite autorité de parvenir à son but par des moyens moins contraignants ; qu'il suit de là qu'en matière de recherche des preuves des infractions de marché, le recours, par l'AMF, à la visite domiciliaire prévue à l'article L. 621-12 du code monétaire et financier est subsidiaire à la mise en oeuvre de l'article L. 621-10 du même code et réservé strictement aux cas où la mise en oeuvre des procédés permis par ce dernier texte est insuffisante ; qu'en retenant au contraire que la procédure prévue à l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ne serait pas subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées, la cour d'appel a violé ce texte, par fausse interprétation, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ALORS, DE DEUXIEME PART, et en toute hypothèse, QU'il appartient au juge des libertés et de la détention de vérifier qu'est fondée la demande d'autorisation d'effectuer des visites, de procéder à la saisie de documents et au recueil ; d'où il suit qu'en se déterminant par une référence à l'absence d'obligation de l'AMF de justifier de son choix de recourir à la procédure de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier et à la circonstance que le juge des libertés et de la détention du TGI de Paris avait validé ce choix, la cour, pourtant saisie par l'effet dévolutif de l'appel, a refusé d'exercer son office et commis un déni de justice, en violation des articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile ; ALORS, DE TROISIEME PART, et en toute hypothèse, QU'il appartient au juge des libertés et de la détention de vérifier qu'est fondée la demande d'autorisation d'effectuer des visites, de procéder à la saisie de documents et au recueil ; d'où il suit qu'en se bornant à rappeler l'article 8, § 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans examiner la situation de fait qui lui était soumise à partir de laquelle il était soutenu que les mesures autorisées par le juge des libertés et de la détention étaient manifestement disproportionnées quant aux buts poursuivis, la cour d'appel a refusé de trancher le litige et commis un déni de justice, en violation des articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile ; ALORS, DE QUATRIEME ET DERNIERE PART, et en toute hypothèse, QU'à tout le moins, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (concl. p. 28 et s.) si les mesures autorisées par le juge des libertés et de la détention n'étaient pas ici clairement disproportionnées par rapport aux buts poursuivis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR déclaré les opérations de visite et saisie en date du 26 avril 2018 régulières ; AUX MOTIFS QUE, à titre principal, sur la nullité totale des opérations de visite et saisie réalisées par l'AMF sur le fondement de l'ordonnance rendue par le JLD du TGI de Paris le 23 avril 2018, qu'il convient de rappeler que la société AB Science est une société pharmaceutique dont l'activité repose sur la recherche, le développement et la commercialisation d'inhibiteurs de tyrosine kinase, à savoir une classe de molécules thérapeutiques utilisées dans le traitement des cancers, des maladies inflammatoires et des maladies neurodégénératives en santé humaine et animale ; qu'il est constant également que la collecte de données cliniques de patients par une société pharmaceutique est censée être effectuée de manière anonymisée ; que dès lors, sauf cas très exceptionnel, les articles L. 621-21, alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale entourant d'une protection spécifique les visites domiciliaires et les perquisitions réalisées dans le cabinet d'un médecin, n'ont pas vocation à s'appliquer, ce qui ne semble pas être le cas en l'espèce ; ALORS, DE PREMIERE PART, QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que pour refuser d'annuler l'intégralité des opérations de saisie pratiquées par l'AMF pour violation des dispositions de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier et de l'article 56-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel affirme, sans en justifier sur la base d'une quelconque disposition légale ou en fait, qu'il « est constant que la collecte de données cliniques de patients par une société pharmaceutique est censée être effectuée de manière anonymisée », en quoi elle méconnaît les exigences de l'article 12 du code de procédure civile ; ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE l'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale qui prescrit la présence de la personne responsable de l'ordre à laquelle appartient l'intéressé (art. 56-3) ; qu'ainsi, la présence d'un membre du conseil de l'ordre des médecins s'impose lorsque les opérations de visite domiciliaire et de saisie sont autorisées par le juge des libertés et de la détention dans une société pharmaceutique détentrice d'informations à caractère médical, peu important que certaines informations puissent être anonymisées, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, à l'aide d'une considération inopérante, la cour d'appel a violé les articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale ; ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale qui prescrit la présence de la personne responsable de l'ordre à laquelle appartient l'intéressé (art. 56-3) ; qu'en refusant d'annuler la totalité des opérations de visite et de saisie réalisées par l'AMF sur le fondement de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris le 23 avril 2018, après avoir pourtant constaté qu'il avait été procédé à la saisie de trois courriels couverts par le secret médical dans les locaux de la société AB Science et qu'ainsi la présence d'un membre du conseil de l'ordre s'imposait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale ; ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE les motifs inintelligibles équivalent à un défaut de motifs ; qu'en affirmant que, « sauf cas très exceptionnel, les articles L. 621-21, alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale n'ont pas vocation à s'appliquer, ce qui ne semble pas être le cas en l'espèce », la cour d'appel a statué par une considération inintelligible, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE le motif dubitatif équivaut à un défaut de motifs ; qu'ainsi, en toute hypothèse, en affirmant que « ce ne semble pas être le cas en l'espèce », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, DE SIXIEME ET DERNIERE PART, QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit applicables ; qu'en ne précisant pas dans quel « cas très exceptionnel » les articles L. 621-12, alinéa 11 du code monétaire et financier et 56-3 du code de procédure pénale auraient vocation à s'appliquer aux visites domiciliaires, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 12 du code de procédure civile.
Aucun texte ne subordonne la saisine de l'autorité judiciaire pour l'application de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier à l'exercice préalable d'autres procédures et les dispositions de ce texte, qui organisent le droit de visite des enquêteurs de l'AMF et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre les manquements et les infractions aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de marché et la divulgation illicite d'informations privilégiées ou tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protections des investisseurs et du bon fonctionnement des marchés ou relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, de sorte que l'ingérence qu'il prévoit dans le droit au respect de la vie privée et des correspondances n'est pas, en elle-même, disproportionnée au regard du but légitime poursuivi. Il s'ensuit qu'un premier président, qui a relevé que la mesure prévue par l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ne revêtait pas un caractère subsidiaire, a statué à bon droit sans avoir à justifier autrement la proportionnalité de la mesure qu'il confirmait
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 681 FS-P+B Pourvoi n° W 16-28.281 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2020 M. O... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 16-28.281 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Cooper International Spirits, dont le siège est [...], 2°/ à la société Etablissements Gabriel Boudier, société anonyme, dont le siège est [...] , 3°/ à la société St Dalfour, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. B..., de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Cooper International Spirits, Etablissements Gabriel Boudier et St Dalfour, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, Bessaud, M. Boutié, Mmes Tostain, Bellino, conseillers référendaires, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2016), M. B... était titulaire de la marque française semi-figurative « Saint Germain » n° 3 395 502, déposée le 5 décembre 2005 pour désigner, en classes 30, 32 et 33, notamment les boissons alcooliques (à l'exception des bières), cidres, digestifs, vins et spiritueux, extraits ou essences alcooliques. 2. Ayant appris que la société Cooper International Spirits distribuait une liqueur de sureau sous la dénomination « St-Germain », fabriquée par la société St Dalfour et un sous-traitant de cette dernière, la société Etablissements Gabriel Boudier, M. B... a, le 8 juin 2012, assigné ces trois sociétés en contrefaçon de marque. 3. Ayant été déchu de ses droits sur la marque « Saint Germain » pour les produits précités à compter du 13 mai 2011, par un arrêt, devenu irrévocable, rendu dans une autre instance le 11 février 2014, M. B... a maintenu ses demandes pour la période non couverte par la prescription et antérieure à la déchéance, soit entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011. 4. Par un arrêt du 26 septembre 2018, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 1, sous b), 10 et 12 de la directive n° 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. B... fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes, alors « qu'au cours de la période de cinq ans qui suit l'enregistrement d'une marque, le titulaire de la marque peut interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services ; qu'en retenant que M. B... ne pouvait se prévaloir ni d'une atteinte à la fonction de garantie d'origine de la marque « Saint Germain », ni d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conféré par sa marque, ni même d'une atteinte à la fonction d'investissement de la marque, motifs pris qu'il avait échoué à démontrer que sa marque avait été réellement exploitée, cependant qu'il pouvait interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de la marque « Saint Germain » et, partant, sans démontrer qu'elle était effectivement exploitée, la cour d'appel a violé les articles L. 713-3 et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 713-3, b) et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, tels qu'interprétés à la lumière des articles 5, paragraphe 1, sous b), 10 et 12 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques : 6. Le premier de ces textes interdit, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. 7. Le second de ces textes sanctionne par la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la déchéance ne pouvant prendre effet avant l'expiration de ce délai. 8. Répondant à la question préjudicielle précitée, la CJUE, par un arrêt du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e. a., C-622/18), a dit pour droit que « l'article 5, paragraphe 1, sous b), l'article 10, paragraphe 1, premier alinéa, et l'article 12, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques, lus conjointement avec le considérant 6 de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu'ils laissent aux États membres la faculté de permettre que le titulaire d'une marque déchu de ses droits à l'expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l'État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée conserve le droit de réclamer l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'usage, par un tiers, antérieurement à la date d'effet de la déchéance, d'un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque. » 9. A cet égard, la CJUE a précisé qu'il convenait d'apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l'enregistrement de la marque, l'étendue du droit exclusif conféré au titulaire, en se référant aux éléments résultant de l'enregistrement de la marque et non pas par rapport à l'usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période (arrêt précité, points 38 et 39). 10. Par conséquent, la déchéance d'une marque, prononcée en application de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, ne produisant effet qu'à l'expiration d'une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur la marque qu'ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance. 11. Pour rejeter les demandes formées par M. B..., l'arrêt retient que celui-ci ne justifie d'aucune exploitation de la marque depuis son dépôt et en déduit que, faute pour la marque d'avoir été mise en contact avec le consommateur, son titulaire ne peut arguer ni d'une atteinte à sa fonction de garantie d'origine, ni d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conférée par ladite marque, ni encore d'une atteinte à sa fonction d'investissement. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 13. M. B... fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne peut dénaturer le contenu des documents qui lui sont soumis ; qu'en retenant que « les pièces produites par M. B... pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe « St-Germain » a été commercialisée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011 », cependant que M. B... produisait un nombre très important de pièces, en l'occurrence des bons de commande, bons de livraison et de factures datés de mai 2009 à mai 2011, chaque document portant la mention « St-Germain » et étant relatif à la vente de bouteilles d'alcool sous ce nom en France, démontrant ainsi sans équivoque que la société SAEGB avait fabriqué et vendu en France les liqueurs issues de sa fabrication à la société Cooper International Spirits, et à compter de 2009 à la société française St Dalfour et que la société St Dalfour avait fabriqué et vendu en France les produits « St-Germain » à la société Cooper International Spirits en France, la cour d'appel a dénaturé le contenu clair et précis des pièces produites par M. B... en méconnaissance de l'obligation, pour le juge, de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 14. Pour rejeter les demandes formées par M. B..., l'arrêt retient encore que les pièces produites par celui-ci pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe « St-Germain » avait été commercialisée par les sociétés poursuivies durant la période considérée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011, date d'effet de la déchéance de ses droits sur la marque « Saint Germain », et en déduit que la réalité de l'atteinte alléguée n'est pas démontrée. 15. En statuant ainsi, alors que M. B... produisait plusieurs pièces comptables, datées de mai 2009 à mai 2011, portant la mention « St-Germain » et relatives à la vente de bouteilles d'alcool sous cette dénomination, la cour d'appel, qui a dénaturé ces documents, a violé le principe susvisé. Portée et conséquences de la cassation 16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le bien-fondé de l'action entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt relatif à la procédure abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne les sociétés Cooper International Spirits, St Dalfour et Etablissements Gabriel Boudier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Cooper International Spirits, St Dalfour et Etablissements Gabriel Boudier et les condamne à payer à M. B... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. B.... Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de M. B... tendant à voir constater qu'en faisant usage du signe ST-GERMAIN entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011 pour désigner une liqueur de sureau, et notamment en fabriquant et offrant à la vente cette liqueur en France, ainsi qu'en l'exportant ou l'important, les sociétés Cooper International Spirits, SAEGB et ST Dalfour avaient commis des actes de contrefaçon de la marque française SAINT GERMAIN n° 05 3 395 502 constituant une atteinte aux droits de M. B... sur cette marque et, en conséquence, tendant à les voir solidairement condamnés à payer à M. B... la somme de 908.915 euros en application de l'alinéa second de l'article L. 716-14 de Code de la propriété intellectuelle, somme calculée en retenant le chiffre d'affaires réalisé par Cooper Spirits et en appliquant un taux de redevance indemnitaire de 5% ; AUX MOTIFS QUE sur la contrefaçon de la marque SAINT GERMAIN n° 3 395 502, M. B... soutient qu'il y a eu contrefaçon de sa marque par reproduction ou à tout le moins par imitation ; qu'il argue que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'aucune atteinte n'a pu être porté à sa marque au motif que la preuve d'une exploitation effective de ladite marque n'était pas rapportée au cours de la période comprise entre le 8 juin 2009 (point de départ du délai de prescription de l'action en contrefaçon, l'assignation étant du 8 juin 2012) et le 13 mai 2011 (date d'effet de la déchéance) ; qu'il fait valoir qu'il a au moins été porté atteinte au monopole d'exploitation et à la fonction d'investissement de la marque et qu'en tout état de cause, la marque SAINT GERMAIN a exercé sur le public sa fonction essentielle de garantie d'origine puisqu'elle a été apposée sur un produit qui a été offert au public ; que les sociétés intimées opposent en substance i) qu'aucune atteinte n'a pu être porté aux fonctions essentielles de la marque SAINT GERMAIN, à défaut d'exploitation de celle-ci, ii) que, subsidiairement, compte tenu des différences existant entre la marque opposée et le signe litigieux et entre les produits concernés, seul l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle est susceptible d'être appliqué et qu'il appartient alors au titulaire de la marque opposée d'établir l'existence d'un risque de confusion, iii) qu'en l'espèce, le risque de confusion allégué ne peut pas être apprécié, faute d'exploitation de la marque ; que les sociétés COOPER et ST DALFOUR observent, qu'en tout état de cause, faute d'exploitation de la marque, l'atteinte portée à celle-ci serait purement formelle, ne pouvant donner lieu qu'à une indemnisation symbolique ; que l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle prohibe, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ; qu'en l'espèce, ce texte ne peut recevoir application dès lors que, comme le relèvent justement les sociétés intimées, la marque invoquée SAINT GERMAIN, constituée des termes "SAINT GERMAIN" écrits en lettres manuscrites noires minuscules, à l'exception des lettres "S" et "G", ne se trouve pas reproduite à l'identique par la dénomination litigieuse qui est constituée des tenues "ST-GERMAIN" en lettres majuscules beiges bordées d'une couleur dorée, apposées sur une étiquette bleu marine aux liserés dorés comprenant le dessin stylisé d'un cycliste ; que la dénomination contestée ne reproduit donc pas tous les éléments constituant la marque de M. B... ; que les différences relevées au plan visuel ne sont pas si insignifiantes qu'elles pourraient passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen ; que la contrefaçon alléguée ne peut donc être appréhendée qu'au regard de l'article L. 7133 du code de la propriété intellectuelle qui interdit, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; que l'appréciation du risque de confusion dans l'esprit du public, qui doit s'opérer globalement en considération de l'impression d'ensemble produite par les marques, suppose que la marque invoquée ait fait l'objet d'une exploitation la mettant au contact des consommateurs ; qu'en l'espèce, la marque de M. B... a fait l'objet d'une déchéance à compter du 13 mai 2011, le tribunal de grande instance de Nanterre, approuvé par la cour d'appel de Versailles, ayant estimé qu'il n'avait pas fait la démonstration d'un usage sérieux de la marque au cours de la période du 12 mai 2006 (publication de l'enregistrement de la marque) jusqu'au 13 mai 2011 ; que M. B... soutient cependant que sa marque SAINT GERMAIN a été effectivement exploitée ou, à tout le moins, a fait l'objet d'un commencement d'exploitation et qu'il a été porté atteinte à sa fonction d'origine, expliquant que ce n'est pas parce que les actes d'usage de la marque SAINT GERMAIN ont été considérés comme insuffisants durant la période examinée par le tribunal de grande instance de Nanterre pour le maintien de la marque en vigueur que ces actes d'usage ne doivent pas être pris en considération pour examiner si la marque a exercé une fonction d'origine ; qu'à ce titre, M. B... produit une étude de marché réalisée en juillet 2006 par la société Repère relative au lancement de la crème de cognac SAINT GERMAIN, des pièces concernant des travaux facturés (novembre 2005/octobre 2006) par la société de design industriel BRONSON pour développer l'identité visuelle et le packaging de la crème de cognac et des courriels (novembre 2006) échangés avec une société ALKO International BV, relatifs à l'amélioration de la formule de la crème de cognac et à un rendez vous avec un embouteilleur ; qu'il verse encore aux débats des factures de salons professionnels VINEXPO de juillet 2007, OMAYE (cadeaux d'entreprise) de mai 2007, SPIRIT (juillet 2007) qui ne font pas mention de la crème de cognac SAINT GERMAIN ; qu'il fournit enfin l'attestation de M. H... qui certifie, en novembre 2011, avoir réglé, lors d'un salon SHOW OFF (salon d'art contemporain tenu en octobre 2006), des consommations au bar "Part des Anges" s'agissant notamment de "2 " verres de crème de cognac "SAINT GERMAIN", l'attestation de M. U..., barman, qui relate avoir utilisé entre 2006 et 2008 de la crème de cognac SAINT GERMAIN pour la préparation de cocktails dans le cadre de ses prestations "Ultimate Bar" et celle de Mme V... qui indique que, cliente régulière de PART DES ANGES depuis 2007, elle a eu l'occasion de consommer à plusieurs reprises, entre 2007 et 2009, de la crème de cognac SAINT GERMAIN ; que ces éléments, s'ils établissent la réalité de préparatifs en vue du lancement de la crème de cognac SAINT GERMAIN et la participation de la société PART DES ANGES de M. B... à des salons professionnels en 2007, ne suffisent cependant pas à démontrer que la marque SAINT GERMAIN a été effectivement mise au contact du public, les témoignages versés étant vagues et peu circonstanciés, comme l'a relevé la cour d'appel de Versailles dans son arrêt précité du 11 février 2014, et donc peu probants et ne répondant pas, pour deux d'entre, eux aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile ; que M. B... échouant ainsi à démontrer que sa marque a été réellement exploitée, il ne peut arguer utilement d'une atteinte à la fonction de garantie d'origine de cette marque qui, ainsi que le tribunal de première instance l'a rappelé, vise essentiellement à garantir aux consommateurs la provenance du produit ou service fourni en le distinguant de ceux proposés par la concurrence, ce qui suppose que la marque ait été en contact avec ces consommateurs ; que pour la même raison, M. B... ne peut se prévaloir d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conféré par sa marque ; que M. B... invoque enfin, pour la première fois en appel, une atteinte à la fonction d'investissement de sa marque, se référant à l'arrêt INTERFLORA rendu par la CJUE le 22 septembre 2011 (aff. C-323/09) qui énonce notamment que "Outre sa fonction d'indication d'origine et, le cas échéant, sa fonction publicitaire, une marque peut également être employée par son titulaire pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser des consommateurs" ; que cependant M. B... n'établissant pas avoir exploité sa marque, il ne peut se plaindre de l'usage par un concurrent d'un signe identique à cette marque - à supposer cette identité avérée - qui en aurait gêné "de manière substantielle" (même arrêt, pt. 62) l'emploi ; qu'en tout état de cause, que la cour, après le tribunal, relève que les pièces produites par M. B... pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe ST- GERMAIN a été commercialisée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011, date d'effet de la déchéance de la marque SAINT GERMAIN, de sorte que la réalité de l'atteinte alléguée n'est pas démontrée ; qu'il y a lieu, par conséquent, d'approuver le tribunal qui a jugé qu'aucune atteinte n'a pu viser la marque SAINT GERMAIN, laquelle n'a jamais exercé sur le public une quelconque fonction, et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. B... de l'ensemble de ses demandes ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Sur la marque française SAINT GERMAIN n°3 395 502, ainsi qu'il a été exposé, Monsieur O... B... a, le 5 décembre 2005, déposé la marque SAINT GERMAIN n°3 395 502 pour désigner en classes 30, 32 et 33 les produits Boissons alcooliques (à l'exception des bières) cidres, digestifs. Vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques. Bières, eaux minérales et gazeuses boissons de fruits et fils de fruits sirop et autres préparations pour faire des boissons. Limonades, nectars de fruits, sodas, apéritifs sans alcool. Pâtisserie et confiserie, glaces comestibles. Boissons à hase de cacao, chocolat ou de thé ; que par jugement du 28 février 2013 du Tribunal de grande instance de NANTERRE, les droits de Monsieur B... sur cette marque ont été déchus à compter du 13 mai 2011 pour les produits boissons alcooliques (à l'exception des bières), cidres, digestifs, vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques, dans le cadre d'un litige l'opposant à la société de droit américain OSEZ VOUS ? ; que par arrêt du 22 février 2014, la Cour d'appel de VERSAILLES a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions, de sorte que celui-ci est devenu définitif ; qu'ainsi, la marque invoquée est aujourd'hui déchue pour tous les produits pouvant être concernés par le présent litige ; que sur la contrefaçon de la marque SAINT GERMAIN n°3 395 502, Monsieur B... considère qu'en utilisant le signe ST-GERMAIN pour fabriquer et commercialiser de la liqueur de sureau. les sociétés défenderesses ont commis des actes de contrefaçon de la marque SAINT GERMAIN dont il est titulaire ; que soulignant que ses droits n'étaient pas déchus au moment où il a introduit la présente action, il fait valoir que cette action reste fondée pour les actes commis antérieurement à la déchéance du 13 mai 201 I et non prescrits, soit postérieurs au 8 juin 2009 ; que par ailleurs, pour répondre à l'argument des défenderesses tiré de l'absence d'atteinte à la fonction essentielle de la marque, il expose que sa crème de cognac SAINT GERMAIN a bien été en contact avec le consommateur, puisqu'elle a été testée, présentée au public et commercialisée au salon d'art contemporain d'octobre 2006, ainsi qu'aux salons Vinexpo de juin 2007, Moyagué de septembre 2007 et Spirit de novembre 2007, et verse aux débats des attestations d'un barman professionnel et d'une cliente qui affirment avoir utilisé ou consommé cette crème de cognac entre 2006 et 2008 pour l'un, 2007 et 2009 pour l'autre ; qu'en effet, les sociétés COOPER et ST DALFOUR contestent qu'il puisse y avoir une quelconque contrefaçon quand une marque n'a pas été exploitée, puisque lorsqu'une marque n'est pas utilisée, elle ne remplit pas sa fonction essentielle qui est de garantir au consommateur l'identité d'origine du produit ou du service ; que de même, la SAEGB estime que dans la mesure où la marque revendiquée est frappée de déchéance depuis le mois de mai 2011, soit à une date antérieure à la présente action, le demandeur est privé de tout droit sur elle ; qu'elle précise que si le titulaire d'une marque est habilité à interdire tout usage d'un signe la reproduisant ou l'imitant, c'est à la condition que l'usage du signe en question puisse affecter une des fonctions de la marque, en particulier sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ; qu'elle soutient que, dans la mesure de la marque SAINT GERMAIN n'a jamais fait l'objet de la moindre exploitation, l'usage litigieux du signe ne peut pas renvoyer le consommateur à cette marque et ne lui porte donc pas atteinte ; que de fait, il est constant que si une marque a pour finalité d'assurer à son titulaire un monopole d'exploitation sur le signe représenté et remplit plusieurs fonctions à savoir garantir la qualité du produit vendu ou du service fourni, ou encore permettre des investissements en particulier de communication, elle vise essentiellement à garantir aux consommateurs la provenance de ce produit ou de ce service, pour les distinguer de ceux qui sont proposés par la concurrence ; qu'il convient dès lors, lorsqu'une atteinte à une marque est alléguée, de vérifier si cette atteinte est susceptible de concerner cette fonction d'origine, ce qui nécessite que la marque invoquée ait été effectivement exploitée, puisqu'une marque qui n'a jamais été en contact avec le public ne remplit aucune fonction auprès des consommateurs ; qu'or, si la marque dont s'agit a fait l'objet d'une déchéance, c'est justement parce que son titulaire s'est trouvé dans l'incapacité de démontrer une quelconque exploitation, et si cette déchéance n'a pris effet qu'à compter du 13 mai 2011, c'est seulement parce qu'une telle déchéance n'est encourue qu'après cinq ans d'existence, et non parce qu'il y aurait eu une véritable exploitation de 2006 à 2011 ; que Monsieur B... soutient aujourd'hui que sa marque SAINT GERMAIN a réellement été exploitée antérieurement à 2011, et produit à cette fin d'une part des factures de plusieurs salons professionnels, d'autre part deux attestations ; que cependant, ainsi que le relève à juste titre la SAEGB, le fait que la société du demandeur LA PART DES ANGES ait participé à certains salons professionnels en 2006 ou 2007 ne prouve nullement que la marque en cause ait fait l'objet d'un usage réel, alors que les deux attestations en question, déjà présentées aux juges de la déchéance, ont été considérées par la Cour d'appel comme étant « vagues et peu circonstanciées » ; qu'en outre, aucun catalogue, aucune facture, aucune coupure de presse et aucun document comptable ne sont versés aux débats, ce qui confirme bien qu'aucune exploitation de la marque dont s'agit n'est intervenue ; qu'en conséquence, aucune atteinte n'a pu viser la marque SAINT GERMAIN qui n'a jamais exercé sur le public une quelconque fonction et est maintenant déchue ; que surabondamment, il sera relevé que les pièces produites par le demandeur pour justifier que la liqueur de sureau des défendeurs supportant le signe ST-GERMAIN a été offerte à la vente, en particulier tarifs, procès-verbal de constat et procès-verbal de saisie-contrefaçon, sont tous postérieurs à la déchéance du 13 mai 2011, à l'exception d'un seul bordereau de livraison, de la SAEGB à la Maison du Whisky, daté du 12 décembre 2010, de sorte que rien ne vient démontrer la réalité de l'atteinte alléguée au cours de la période visée par le demandeur, c'est-à- dire juin 2009 — 13 mai 2011 ; que toutes les demandes de Monsieur B... seront donc rejetées ; 1°) ALORS QU' au cours de la période de cinq ans qui suit l'enregistrement d'une marque, le titulaire de la marque peut interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services ; qu'en retenant que M. B... ne pouvait se prévaloir ni d'une atteinte à la fonction de garantie d'origine de la marque SAINT GERMAIN, ni d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conféré par sa marque, ni même d'une atteinte à la fonction d'investissement de la marque, motifs pris qu'il avait échoué à démontrer que sa marque avait été réellement exploitée, cependant qu'il pouvait interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de la marque SAINT GERMAIN et, partant, sans démontrer qu'elle était effectivement exploitée, la cour d'appel a violé les articles L. 713-3 et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ; 2°) ALORS QU' en retenant, pour débouter M. B... de son action en contrefaçon, que la preuve d'actes de commercialisation de produits de la marque ST-GERMAIN portant atteinte aux droits de la marque SAINT GERMAIN n'était pas rapportée, après avoir pourtant constaté que le bordereau de livraison de la société SAEGB à la maison du Whisky, daté du 12 décembre 2010, établissait que le produit litigieux était effectivement exploité, ce dont il s'inférait que des actes de contrefaçon avaient été constatés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 716-1 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ; 3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' en retenant, pour décider que l'atteinte alléguée n'était pas démontrée, que les « les pièces produites par M. B... pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe ST-GERMAIN a été commercialisée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011», cependant que ce n'est pas la date des moyens de preuves utilisés, en l'occurrence la date à laquelle une saisie-contrefaçon ou un procès-verbal a été établi, qui doit être pris en considération mais les éléments de preuve révélés par ces moyens de preuve, les saisies-contrefaçons ou les procès-verbaux produits aux débats ayant permis de prouver des actes de contrefaçon – en l'occurrence des actes de commercialisation – antérieurs au moi de mai 2011, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 716-1 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ; 4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge ne peux dénaturer le contenu des documents qui lui sont soumis ; qu'en retenant que « les pièces produites par M. B... pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe ST- GERMAIN a été commercialisée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011», cependant que M. B... produisait un nombre très important de pièces, en l'occurrence des bons de commande, bons de livraison et de factures datés de mai 2009 à mai 2011, chaque document portant la mention ST-GERMAIN et étant relatif à la vente de bouteilles d'alcool sous ce nom en France (cf. productions 5 et 6), démontrant ainsi sans équivoque que la société SAEGB avait fabriqué et vendu en France les liqueurs issues de sa fabrication à la société Cooper international Spirits, et à compter de 2009 à la société française ST Dalfour et que la société ST Dalfour avait fabriqué et vendu en France les produits ST-GERMAIN à la société Cooper International Spirits en France, la cour d'appel a dénaturé le contenu clair et précis des pièces produites par M. B... en méconnaissance de l'obligation, pour le juge, de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
Par l'arrêt CJUE, arrêt du 26 mars 2020, Cooper International Spirits e. a., C-622/18, la CJUE a dit pour droit que l'article 5, § 1, sous b), l'article 10, § 1, alinéa 1, et l'article 12, § 1, alinéa 1, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, lus conjointement avec le considérant 6 de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu'ils laissent aux Etats membres la faculté de permettre que le titulaire d'une marque déchu de ses droits à l'expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l'Etat membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée conserve le droit de réclamer l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'usage, par un tiers, antérieurement à la date d'effet de la déchéance, d'un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque, précisant, à cet égard, qu'il convient d'apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l'enregistrement de la marque, l'étendue du droit exclusif conféré au titulaire, en se référant aux éléments résultant de l'enregistrement de la marque et non pas par rapport à l'usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période. Par conséquent, la déchéance d'une marque, prononcée en application de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, tels qu'interprété à la lumière des articles 5, § 1, sous b), 10 et 12 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, ne produisant effet qu'à l'expiration d'une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur la marque qu'ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance
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SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation M. CATHALA, président Arrêt n° 969 FS-P+B Pourvoi n° D 18-15.669 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 La société Eurodécision, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 18-15.669 contre l'arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. C... W..., domicilié [...] , 2°/ au syndicat CGT Renault Guyancourt Aubevoye, pris en la personne de M. B... U..., 3°/ au syndicat Sud Renault Guyancourt Aubevoye, pris en la personne de M. Q... J..., ayant tous deux leur siège [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Richard, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de la société Eurodécision, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. W... et des syndicats CGT Renault Guyancourt Aubevoye et Sud Renault Guyancourt Aubevoye, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Richard, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Le Lay, Mariette, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Versailles, 27 février 2018), M. W..., engagé en qualité de consultant senior par la société Eurodécision, spécialisée dans le développement de solutions logicielles et d'expertises dans le domaine de l'optimisation et des solutions d'aide à la décision, s'est vu confier une mission auprès d'un technocentre Renault. Lors d'un entretien du 16 mars 2016, l'employeur a évoqué avec le salarié avoir été averti de l'envoi par l'intéressé d'un courriel politique à des salariés de la société Renault. Le 18 mars 2016, il lui a notifié une mise à pied conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable prévu le 25 mars suivant en vue d'un éventuel licenciement. Le 31 mars 2016, le salarié a fait l'objet d'un avertissement pour violation du guide d'information de la société Renault et notamment de sa lettre de mission au technocentre. Il a été licencié le 21 avril 2016 pour faute grave, l'employeur lui reprochant un manquement à ses obligations de loyauté et de bonne foi, pour avoir procédé à l'enregistrement sonore de l'entretien informel du 16 mars 2016 à son insu et pour avoir communiqué cet enregistrement à des tiers afin d'assurer sa diffusion le 21 mars 2016 dans le cadre d'une vidéo postée sur le site internet Youtube. L'enregistrement diffusé révélait qu'au cours de l'entretien du 16 mars 2016 l'employeur avait déclaré : "donc ils surveillent, ils surveillent les mails, et à ton avis les mails de qui ils surveillent en priorité '...Bah les mails des syndicalistes bien évidemment... t'es pas censé, en tant qu'intervenant chez Renault, (de) discuter avec les syndicats Renault. Les syndicats de Renault, ils sont là pour les salariés de Renault..." 2. Le salarié, faisant valoir que son licenciement était intervenu en violation de la protection des lanceurs d'alerte, a sollicité devant le juge des référés la cessation du trouble manifestement illicite résultant de la nullité de son licenciement et l'octroi de provisions à valoir sur la réparation de son préjudice. Les syndicats se sont joints à ces demandes. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt statuant en référé, de prononcer la nullité du licenciement du salarié pour atteinte à la liberté d'expression et de le condamner au paiement de diverses sommes au bénéfice du salarié et des syndicats, alors « que la nullité du licenciement fondé sur la dénonciation par le salarié de conduites ou d'actes illicites constatés par lui sur son lieu de travail ne peut être prononcée pour violation de sa liberté d'expression que si les faits ainsi relatés sont de nature à caractériser des infractions pénales reprochables à son employeur ; qu'en prêtant au salarié la qualité de « lanceur d'alerte » en l'absence de la moindre caractérisation d'une faute pénale de l'employeur, la cour a derechef violé les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 : 4. Selon ce texte, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. 5. Pour prononcer la nullité du licenciement et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes au salarié et aux syndicats, l'arrêt retient que la révélation des faits d'atteinte à la liberté d'expression dans le cadre d'échanges avec un syndicat est intervenue par la voie de médias par internet lors de la diffusion de l'enregistrement litigieux le 21 mars 2016 puis de l'entretien entre le salarié et un journaliste le 22 mars 2016, alors que M. W... avait personnellement et préalablement constaté que son employeur remettait en cause son droit à sa libre communication avec les syndicats de la société Renault, au vu des propos tenus par le dirigeant de la société Eurodécision lors de l'entretien informel du 16 mars 2016 et de la procédure disciplinaire avec mise à pied conservatoire engagée dès le 18 mars 2016 et suivie d'un avertissement puis de son licenciement pour faute grave. L'arrêt en déduit que le salarié est recevable à invoquer le statut de lanceur d'alerte et en conclut qu'en application des articles L. 1132-3-3 et L. 1132-3-4 du code du travail, il y a lieu de prononcer la nullité du licenciement. 6. En statuant ainsi, sans constater que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d'être constitutifs d'un délit ou d'un crime, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne M. W... et les syndicats CGT Renault Guyancourt Aubevoye et Sud Renault Guyancourt Aubevoye aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société Eurodécision Premier moyen de cassation Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, statuant en référé, d'avoir prononcé la nullité du licenciement du salarié pour atteinte à la liberté d'expression, d'avoir condamné l'employeur à lui régler 10.271,71 € brut à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés y afférents, 3.424,88 € à titre d'indemnité de licenciement, 25.000 € à valoir sur l'indemnité de licenciement nul, outre 2.000 € sur le fondement de l'article 700, avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt et d'avoir alloué à chacun des syndicats intervenants 3.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral pour atteinte à la liberté syndicale, outre 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; aux motifs que en matière de licenciement, le juge des référés peut statuer si le licenciement lui apparaît manifestement abusif, notamment lorsqu'il constate que des dispositions relatives aux discriminations syndicales ou à des principes fondamentaux n'ont pas été respectées ; il rentre donc dans les pouvoirs du juge des référés de rechercher si en l'espèce le licenciement pour faute grave de M. W... est fondé sur de telles atteintes, en examinant le bien-fondé de la mise à pied et de l'avertissement, bien que leur annulation ne soit pas demandée, puis celui de son licenciement pour faute grave, les deux étant liés ; en dernier lieu et dans le cadre de la contestation sur le licenciement, il sera examiné si M. W... peut être considéré comme un lanceur d'alerte ; ( ) aux termes de la lettre de licenciement en date du 21 avril 2016, la société Eurovision reproche à Monsieur W... d'avoir diffusé sur le site internet YouTube le 21 mars l'entretien du 16 mars avec son PDG M. F..., enregistré à l'insu de ce dernier, apportant ainsi une large diffusion à un échange informel et privé, et nuisant à l'image et la réputation de la société, tout en ayant un impact négatif sur l'ambiance au sein de la société et sur les relations entre la société et la société cliente Renault ; elle estime que cette attitude caractérise une absence de loyauté et un manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail ; ( ) si M. W... a laissé diffuser sur internet l'enregistrement des propos de M. F..., et ce par le journal O... avec lequel il collaborait à titre bénévole, c'est en raison de sa crainte de faire l'objet de manière injustifiée d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, crainte réelle consécutive à la réception de la lettre de convocation à un entretien préalable reçue le 18 mars, soit 3 jours avant la diffusion le 21 mars d'extraits anonymisés de l'enregistrement sur Youtube et 4 jours avant l'interview de M. W... par O... le 22 mars ; il est avéré que cette diffusion a rapidement donné lieu à de multiples articles de presse dénonçant l'attitude des sociétés Eurodécision et Renault sur plusieurs sites internet (Arrêt sur images le 31 mars, Free le 2 avril, Médiapart le 7 avril, Yahoo le 8 avril) à partir du 31 mars 2016, soit 7 jours avant l'envoi de la convocation préalable au licenciement envoyée le 24 mars ; dans la lettre de licenciement, le société émet deux griefs à l'égard de M. W..., le fait d'avoir enregistré le 16 mars à son insu une conversation privée entre le dirigeant de la société et le fait d'avoir laissé diffuser le 21 mars cet enregistrement avec des commentaires dans le cadre de l'interview le 22 mars, faits qui auraient entraîné les conséquences préjudiciables suivantes pour la société : - l'atteinte portée à son image et à sa réputation, avec les conséquences sur le climat social au sein de l'entreprise mais aussi sur l'activité, - la crainte de certains clients de la société, notamment une diffusion d'informations confidentielles confiées aux salariés de la société dans le cadre de l'exécution de leur mission, - l'impact négatif sur l'entreprise cliente (Renault) directement visée par cette vidéo et la diffusion publique des propos du PDG de la société à son égard ; or, M. W... n'a révélé aucune information confidentielle de clients liée à l'exécution de son travail, les informations communiquées dans les courriels reprochés en date des 15 mars 2016 n'ont aucun lien avec une quelconque information confidentielle, puisqu'il s'agissait d'informations sur les manifestations et évènements contre la loi Le Khomri qui agitait l'opinion publique à l'époque ; l'entretien informel entre M. W... et M. F... le 16 mars 2016, que ce dernier a souhaité confidentiel, ne constitue pas une conversation privée mais un entretien professionnel dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, annonciateur d'une procédure disciplinaire, qui ne saurait donc bénéficier de la protection due à la vie privée ; toutefois, il peut être relevé à l'encontre de M. W... le non respect de son devoir de discrétion à l'égard de son employeur et de la société cliente dans le cadre de sa mission au TCR, en laissant diffuser, même de manière anonymisée en ce qui concerne son employeur, des propos enregistrés à l'insu de ce dernier et pouvant avoir un impact dur l'image de ce dernier et de son client ; cependant, ces agissements sont intervenus dans un contexte d'angoisse liée à la crainte d'être injustement licencié, crainte qui s'est avérée fondée, ce qui ne permet pas de retenir ce grief comme suffisamment sérieux pour justifier un licenciement, mais tout au plus un avertissement ; en outre, s'il ressort des articles de presse sur internet que l'image et la réputation de la société et de la société cliente ont été manifestement impactées par cette diffusion, pour le reste des griefs, la société Eurodécision ne procède que par affirmation, ne démontrant pas que cette diffusion a eu un impact sur ses propres salariés ni sur son activité, ni encore sur ses relations avec l'entreprise cliente à l'origine des faits ; par ailleurs, ces deux sociétés ont participé à la réalisation de leur propre préjudice, en ne respectant pas une liberté fondamentale et, pour ce qui concerne la société Eurodécision, en donnant aux faits reprochés initialement, que la cour a jugé non établis, une portée disproportionnée, ce qui a eu pour effet de déclencher dès avant cette diffusion reprochée au salarié une procédure disciplinaire avec mise à pied immédiate, laissant supposer par les termes de la convocation du 18 mars qu'un licenciement pour faute grave allait suivre, provoquant chez le salarié un mécanisme de défense (l'alerte médiatique le 21 mars) qui s'est retourné à la fois contre lui-même (son licenciement effectif) et contre les deux sociétés (atteinte à leur image) protagonistes de l'atteinte à la liberté d'expression ; que la société invoque à l'égard de son salarié l'atteinte à la loyauté dans les relations contractuelles, cette atteinte peut être considérée comme réciproque ; alors qu'aux termes de l'article R.1455-6 du code du travail, c'est uniquement pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite que le juge des référés est autorisé à prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent ; qu'en prononçant la nullité du licenciement pour atteinte à la liberté d'expression du salarié auquel l'employeur reprochait ici exclusivement d'avoir enregistré à son insu et médiatisé une conversation privée l'informant de la réclamation d'une société cliente où il était en mission au sujet d'un usage extraprofessionnel de ses propres ressources informatiques, la cour, qui a mobilisé des éléments extérieurs aux stricts motifs du licenciement, a estimé que l'atteinte à la loyauté contractuelle pouvait être considérée comme « réciproque », de sorte que le grief ici en cause ne serait pas, selon elle, « suffisamment sérieux pour justifier un licenciement » (arrêt p.10) ; qu'en se déterminant de la sorte, le juge des référés a préjugé de l'imputabilité de la rupture et préjudicié au fond en portant une appréciation sur la portée des griefs controversés par les parties – ce qui est exclusif de la reconnaissance d'un « trouble manifestement illicite » ; que la cour en conséquence a excédé ses pouvoirs et violé les dispositions du texte susvisé. Second moyen de cassation Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, statuant en référé, d'avoir prononcé la nullité du licenciement du salarié pour atteinte à la liberté d'expression, d'avoir condamné l'employeur à lui régler 10.271,71 € brut à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés y afférents, 3.424,88 € à titre d'indemnité de licenciement, 25.000 € à valoir sur l'indemnité de licenciement nul, outre 2.000 € sur le fondement de l'article 700, avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt et d'avoir alloué à chacun des syndicats intervenants 3.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral pour atteinte à la liberté syndicale, outre 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; aux motifs qu'en matière de licenciement, le juge des référés peut statuer si le licenciement lui apparaît manifestement abusif, notamment lorsqu'il constate que des dispositions relatives aux discriminations syndicales ou à des principes fondamentaux n'ont pas été respectées ; il rentre donc dans les pouvoirs du juge des référés de rechercher si en l'espèce le licenciement pour faute grave de M. W... est fondé sur de telles atteintes, en examinant le bienfondé de la mise à pied et de l'avertissement, bien que leur annulation ne soit pas demandée, puis celui de son licenciement pour faute grave, les deux étant liés ; en dernier lieu et dans le cadre de la contestation sur le licenciement, il sera examiné si M. W... peut être considéré comme un lanceur d'alerte ; Sur le bien-fondé de la mise à pied conservatoire du 18 mars et de l'avertissement du 31 mars 2016 : une décision de mise à pied conservatoire, première étape d'une procédure disciplinaire, écarte le salarié de son poste et de l'entreprise tout en le privant de son salaire, pendant la durée de la procédure de la convocation à entretien préalable à la notification de la décision disciplinaire ; elle suppose que les faits reprochés soient suffisamment graves pour rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée de cette procédure ; elle peut permettre à l'employeur d'enquêter au sein de l'entreprise sur les faits reprochés sans que le salarié n'interfère, ce qui a été le choix de la société dans le cas présent ; les motifs invoqués par la société sont la violation du guide d'information de la société et de la charte de bonne conduite et de protection du système d'information inclue dans sa lettre de mission au sein du Technocentre Renault de Guyancourt, par l'utilisation des moyens internes à la société Renault à sa disposition dans le cadre de sa mission, à savoir l'intranet et la liste des adresses électroniques des salariés de Renault pour assurer l'envoi d'un courriel politique le 15 mars 2016 ; pour rappel, la décision de mise à pied a été notifiée le 18 mars 2016, soit avant la diffusion du 21 mars des extraits de l'entretien litigieux enregistré le 16 mars à l'insu du dirigeant de la société ; Sur la violation du guide du système d'information de la société employeur : ce guide émanant de la société Eurodécision a été porté à la connaissance de M. W... le 3 janvier 2012, et interdit de véhiculer par la messagerie intranet de la société Eurodécision des informations de nature politique ou religieuse ou de manière générale sans rapport avec l'activité de la société, tout en permettant des courriels à titre privé sous certaines conditions ; or, les courriels litigieux (envoyés à deux salariés du syndicat CFE CGC sur leur adresse professionnelle chez Renault) n'ont pas été envoyés par M. W... par sa messagerie professionnelle (dont l'intranet partie du système d'information de la société) à savoir son adresse électronique chez la société Eurodécision, ni à partir d'un ordinateur de cette dernière, puisque M. W... a envoyé des courriels à partir de son propre ordinateur et de son adresse électronique personnelle ; en outre, ces courriels n'ont pas été reçus par des salariés de la société Eurodécision sur leur messagerie professionnelle ; aucune violation du guide du système d'information de cette société n'est donc établie ; Sur la violation de la charte de bonne conduite et de protection dit système d'information inclue dans sa lettre de mission au sein du technocentre Renault de Guyancourt : dans la lettre de mission de M. W... il est mentionné que l'utilisation des ressources du système d'information du lieu de mission (du client Renault) n'est autorisée que dans le cadre de l'activité professionnelle ; M. W... ne conteste pas avoir consulté le site intranet du Technocentre Renault pour avoir les coordonnées des syndicats pour leur envoyer par courriel une invitation à la "nuit rouge", de sorte que des courriels ont été envoyés sur la messagerie personnelle de certains syndicats (ce qui est autorisé par le système intranet de Renault) mais deux ont été envoyés sur la messagerie professionnelle de salariés de Renault représentant le syndicat CFE CGC, ces derniers étant la cause du litige ; le seul fait, pour M. W..., salarié d'une entreprise sous-traitante de Renault, de consulter le site intranet du Technocentre Renault n'apparaît pas interdit, mais il s'agit de savoir si le fait de contacter, à des fins d'échanges à titre politique et/ou syndical, un syndicat par l'intermédiaire de la messagerie électronique strictement professionnelle des représentants de ce syndicat CFE CGC, par ailleurs salariés du Technocentre Renault, est contraire à cette charte de bonne conduite et de protection du système d'information du Technocentre de la société Renault ; pour répondre à cette question, il faut rechercher d'une part si M. W... faisait partie de la collectivité de travail du Technocentre Renault depuis plus d'un an, ce qui l'autorisait à contacter les syndicats de la société utilisatrice, tant pour des motifs professionnels que dans un but d'échanges inter-syndical sur des sujets, d'actualité ou non, en lien avec le droit du travail et les droits des salariés, puis d'autre part, de vérifier si ces modalités de contact avec une organisation syndicale par courriel sur la messagerie interne du Technocentre Renault contrevient à la charte de bonne conduite et de protection du système d'information du Technocentre, et enfin s'il peut y avoir un contrôle ou une surveillance de l'employeur sur le contenu des échanges entre un salarié et un syndicat, lorsque ces échanges transitent par la messagerie interne de la société employeur ou de celle de sa société cliente ; la première problématique relève de l'article L. 1111-2 du code du travail issu de la loi du 20 août 2008, dans le droit fil de la jurisprudence de la cour de cassation, laquelle tendait à rapprocher la situation des salariés des entreprises extérieures travaillant au sein des entreprises utilisatrices à celle des salariés de ces entreprises au sein d'une collectivité de travail avec les mêmes droits collectifs ; cet article dispose que pour la mise en oeuvre du présent code (du travail) et le calcul des seuils d'effectifs, les effectifs de l'entreprise comprennent notamment les salariés mis à disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise extérieure et qui travaillent dans les locaux de cette dernière depuis au moins un an, ce qui a des conséquences sur les élections professionnelles, sur les seuils relatifs à la constitution du CHSCT et du comité d'entreprise mais aussi sur l'ensemble des droits et libertés individuelles dans l'entreprise utilisatrice, vu la référence à l'ensemble du code du travail ; or, contrairement à ce que soutient la société, M. W... faisait partie de la collectivité de travail du Technocentre Renault depuis plus d'un an, au vu des 9 pages de relevés de ses notes de frais du 8 juillet 2014 au 20 mars 2015 indiquant comme motif "Renault Etude 2014"et concernant ses frais de trajet et de repas ; l'ordre de mission signé le 3 avril 2015 par la société est venu poser un cadre à compter du 1er avril 2015, prévisionnellement pour un an, à cette mission qui avait en réalité débuté en juillet 2014 ; ainsi, à la date du 15 mars 2016 M. W... travaillait au sein du Technocentre Renault depuis environ 20 mois ; les seconde et troisième problématiques concernent les modalités d'exercice et le contenu des droits et libertés dans l'entreprise, dont la liberté syndicale et notamment la libre communication entre les salariés et les organisations syndicales ; l'article L. 1121-1 du code du travail dispose que "Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" ; toute atteinte à la liberté syndicale, qui dérive du droit fondamental à la liberté d'expression, peut conduire le juge des référés à annuler un licenciement prononcé comme sanction de la liberté d'expression du salarié ; en l'espèce, l'article L.2142-6 du code du travail, invoqué par la société, dispose qu'un "accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise ; dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne doit pas entraver l'accomplissement du travail..." ; or, il s'avère qu'en tant que salarié d'une entreprise extérieure appartenant à la collectivité de travail du Technocentre Renault (TCR), comme jugé plus haut, M. W... pouvait à l'évidence consulter le site intranet du Technocentre, comme tout salarié de ce dernier, afin d'avoir les coordonnées des syndicats ; il s'avère, au vu des pièces produites, qu'à l'exception d'un syndicat, le syndicat CFE CGC, les autres syndicats avaient une adresse de messagerie personnelle au syndicat (ex : [...]), de sorte que M. W... a pu leur envoyer des courriels sans utiliser leur adresse électronique personnelle professionnelle sur l'intranet du Technocentre ; ce n'est qu'en raison de l'absence de mention sur ce site d'une adresse personnelle au syndicat CFE CGC que Monsieur W... a envoyé le 15 mars 2016 ses deux courriels (respectivement à deux représentants de ce syndicat) à leur adresse électronique personnelle professionnelle sur l'intranet (ex : [...]), déclenchant le contrôle de ces deux courriels par la société Renault et provoquant l'avertissement de M. W... par son employeur ; il est manifeste que la société Renault avait autorisé les salariés à contacter le syndicat CFE CGC par cette adresse électronique personnelle professionnelle, sinon cette adresse ne serait pas sur son site intranet ; la société reproche aussi à M. W... le contenu des courriels, qui contiendraient un message politique adressé à chacun des deux membres de ce syndicat les invitant à participer à la "nuit rouge" et à la diffusion du film « Merci patron », notamment en ses termes : "...je suis actuellement prestataire au TCR... je suis très humblement bénévole au journal O... ; Vous connaissez probablement le film, financé par ce journal, Merci patron, film qui montre un couple de chômeurs faire plier A... E.... Les gens se sont aperçus que ce film permettait de galvaniser les gens, de leur redonner l'espoir que la lutte est utile et que l'oligarchie en place craint non pas Le Monde, non pas France Inter, mais le petit O.... Il ne faut pas perdre ce regain d'énergie. On veut donc regrouper toutes les contestations qui n'ont eu au final qu'une seule et unique cause : l'oligarchie en place. Si on se regroupe tous on peut au minimum les faire vaciller ! L'idée est de ne pas finir la manifestation du 31 mars en rentrant chez nous après l'arrivée mais d'occuper la place la soirée, la nuit et plus si on est nombreux. Et pour que ce premier essai soit réussi, on va devoir être nombreux. C'est pourquoi je viens vers vous pour vous faire connaître l'événement et pour vous inviter à le faire connaître de votre côté. Si cela vous intéresse, il est également possible d'organiser des projections de Merci patron suivi d'un débat avec quelqu'un de chez vous... Plusieurs sections syndicales ont déjà organisé ce genre d'événement.... " ; ce n'est donc pas directement en tant que syndiqué que M. W... s'adresse au syndicat CFE CGC mais à la fois en tant que salarié travaillant sur le site et en tant que bénévole du journal O..., ce bénévolat constituant une activité privée mais en lien direct avec les droits des salariés, vu le thème du film et l'objet de la manifestation du 31 mars (contre la loi travail dite Le Khomri) ; Ces deux courriels ont donc un contenu à la fois politique et syndical, et n'ont pas été envoyés à tous les salariés du TCR mais seulement à deux salariés syndiqués représentant la section syndicale CFE CGC, par hypothèse déjà sensibilisés au thème général de la défense des droits des salariés, objet des courriels ; pour analyser le contenu prohibé ou non de ces courriels, il convient de se référer à l'objet des syndicats s'est développé depuis la loi du 28 octobre 1982, puisque selon l'article L.2131-1 du code du travail dont il est issu : « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par leurs statuts » ; les syndicats défendent donc les intérêts professionnels de leurs membres, grâce à l'étude de leurs droits matériels et moraux, ce qui implique qu'ils soient bien renseignés sur les projets de lois et les lois relatifs aux droits des salariés, comme ici la loi travail objet des courriels ; les termes des courriels ne mettent pas en cause la société Renault, et il n'est pas allégué que ces courriels aient posé une difficulté technique sur la messagerie intranet du TCR ; dès lors, en application du droit à l'information syndicale et au principe de libre détermination du contenu des communications syndicales, sous réserve d'abus tels que des propos injurieux, il ne peut être reproché à M. W... d'avoir utilisé l'adresse électronique personnelle professionnelle de deux représentants d'un syndicat au sein du TCR, à des fins de partage d'informations et de participation à la "nuit rouge" et à la diffusion du film "merci patron" ; Sur la nullité du licenciement pour faute grave et la protection du lanceur d'alerte : aux termes de la lettre de licenciement en date du 21 avril 2016, la société Eurovision reproche à Monsieur W... d'avoir diffusé sur le site internet Youtube le 21 mars l'entretien du 16 mars avec son PDG M. F..., enregistré à l'insu de ce dernier, apportant ainsi une large diffusion à un échange informel et privé, et nuisant à l'image et la réputation de la société, tout en ayant un impact négatif sur l'ambiance au sein de la société et sur les relations entre la société et la société cliente Renault ; elle estime que cette attitude caractérise une absence de loyauté et un manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail ; M. W... invoque la protection édictée par l'article L. 1132-3-3 du code du travail pour les salariés qui dénoncent de bonne foi des actes de discrimination ou des faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions ; il sollicite la nullité de son licenciement sur le fondement de cet article et de l'article L. 1132-3-4, lequel prévoit la nullité de tout acte pris en méconnaissance de l'article L. 1132-3-3 ; la société soutient que le licenciement est fondé sur la violation des obligations contractuelles de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, estimant que c'est bien M. W... qui, d'emblée, a décidé d'enregistrer l'intégralité de l'entretien du 16 mars, puis de communiquer l'enregistrement litigieux aux journalistes, ne pouvant ignorer que ces derniers en diffuseraient des extraits ; il sera recherché si M. W... peut bénéficier du statut de lanceur d'alerte et peut être sanctionné pour avoir laissé diffuser publiquement, sans mentionner son nom ni celui de son employeur, les propos de son employeur, qu'il avait enregistrés à son insu et qui portaient en germe une discrimination syndicale ou une atteinte à la liberté syndicale et plus généralement une atteinte à la liberté d'expression, comme établi plus haut ; l'article L.1132-3-3 du code du travail dispose : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, des faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. En cas de litige relatif à l'application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ; cet article a été complété depuis la loi Sapin II du 9 décembre 2016 par des dispositions sur le lanceur d'alerte et son statut, dans la continuité de la jurisprudence qui s'est développée à partir de 2015 sur la base de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reconnaît le droit à la liberté d'expression, et dont est issu le statut de lanceur d'alerte reconnu par une recommandation du Conseil de l'Europe en date du 30 avril 2014 ; ainsi, la cour de cassation a accordé une protection au salarié qui révèle des informations concernant un préjudice pour l'intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, à condition que les termes de ces révélations ne soient pas injurieux ni outranciers et sans fondement à l'égard des dirigeants de l'entreprise. (Cass, soc 28 janvier 2016) ; dans un autre arrêt la cour de cassation (30 juin 2016) rappelle : "qu'en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité... » ; désormais, ce statut du lanceur d'alerte, qui ne recouvre pas seulement la dénonciation de faits de corruption ou d'autres frais de délinquance économique ou financière, est codifié dans le code du travail, dans les mêmes termes que la jurisprudence antérieure, l'article L.1161-1 du code du travail, issu de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi « Sapin II », disposant que le lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale : un crime ou un délit ; une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement ; ou une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général ; le lanceur d'alerte doit avoir eu personnellement connaissance des faits allégués ; en l'espèce, la révélation des faits d'atteinte à la liberté d'expression dans le cadre d'échanges avec un syndicat est intervenue par la voie de médias par internet, lors de la diffusion de l'enregistrement litigieux le 21 mars puis de l'entretien entre le salarié et le journaliste du journal O... le 22 mars 2016 immédiatement diffusé sur Youtube, alors que M. W... avait personnellement et préalablement constaté que son employeur remettait en cause plus généralement son droit à sa libre communication avec les syndicats de la société Renault, au vu des propos tenus par le dirigeant de la société Eurodécision lors de l'entretien informel du 16 mars 2016 (cf plus haut) et de la procédure disciplinaire avec mise à pied conservatoire engagée dès le 18 mars et suivie d'un avertissement puis de son licenciement pour faute grave ; M. W... est donc recevable à invoquer le statut de lanceur d'alerte ; par ailleurs, si M. W... a laissé diffuser sur internet l'enregistrement des propos de M. F..., et ce par le journal O... avec lequel il collaborait à titre bénévole, c'est en raison de sa crainte de faire l'objet de manière injustifiée d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, crainte réelle consécutive à la réception de la lettre de convocation à un entretien préalable reçue le 18 mars, soit 3 jours avant la diffusion le 21 mars d'extraits anonymisés de l'enregistrement sur Youtube et 4 jours avant l'interview de M. W... par O... le 22 mars ; il est avéré que cette diffusion a rapidement donné lieu à de multiples articles de presse dénonçant l'attitude des sociétés Eurodécision et Renault sur plusieurs sites internet (Arrêt sur images le 31 mars, Free le 2 avril, Médiapart le 7 avril, Yahoo le 8 avril) à partir du 31 mars 2016, soit 7 jours avant l'envoi de la convocation préalable au licenciement envoyée le 24 mars ; dans la lettre de licenciement, la société émet deux griefs à l'égard de M. W..., le fait d'avoir enregistré le 16 mars à son insu une conversation privée entre le dirigeant de la société et le fait d'avoir laissé diffuser le 21 mars cet enregistrement avec des commentaires dans le cadre de l'interview le 22 mars, faits qui auraient entraîné les conséquences préjudiciables suivantes pour la société : l'atteinte portée à son image et à sa réputation, avec les conséquences sur le climat social au sein de l'entreprise mais aussi sur l'activité, la crainte de certains clients de la société, notamment une diffusion d'informations confidentielles confiées aux salariés de la société dans le cadre de l'exécution de leur mission, l'impact négatif sur l'entreprise cliente (Renault) directement visée par cette vidéo et la diffusion publique des propos du PDG de la société à son égard ; or, M. W... n'a révélé aucune information confidentielle de clients liée à l'exécution de son travail, les informations communiquées dans les courriels reprochés en date des 15 mars 2016 n'ont aucun lien avec une quelconque information confidentielle, puisqu'il s'agissait d'informations sur les manifestations et événements contre la loi Le Khomri qui agitait l'opinion publique à l'époque ; l'entretien informel entre M. W... et M. F... le 16 mars 2016, que ce dernier a souhaité confidentiel, ne constitue pas une conversation privée mais un entretien professionnel dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, annonciateur d'une procédure disciplinaire, qui ne saurait donc bénéficier de la protection due à la vie privée ; toutefois, il peut être relevé à l'encontre de M. W... le non respect de son devoir de discrétion à l'égard de son employeur et de la société cliente dans le cadre de sa mission au TCR, en laissant diffuser, même de manière anonymisée en ce qui concerne son employeur, des propos enregistrés à l'insu de ce dernier et pouvant avoir un impact sur l'image de ce dernier et de son client ; cependant, ces agissements sont intervenus dans un contexte d'angoisse liée à la crainte d'être injustement licencié, crainte qui s'est avérée fondée, ce qui ne permet pas de retenir ce grief comme suffisamment sérieux pour justifier un licenciement, mais tout au plus un avertissement ; en outre, s'il ressort des articles de presse sur internet que l'image et la réputation de la société et de la société cliente ont été manifestement impactées par cette diffusion, pour le reste des griefs, la société Eurodécision ne procède que par affirmation, ne démontrant pas que cette diffusion a eu un impact sur ses propres salariés ni sur son activité, ni encore sur ses relations avec l'entreprise cliente à l'origine des faits ; par ailleurs, ces deux sociétés ont participé à la réalisation de leur propre préjudice, en ne respectant pas une liberté fondamentale et, pour ce qui concerne la société Eurodécision, en donnant aux faits reprochés initialement, que la cour a jugé non établis, une portée disproportionnée, ce qui a eu pour- effet de déclencher dès avant cette diffusion reprochée au salarié une procédure disciplinaire avec mise à pied immédiate, laissant supposer par les termes de la convocation du 18 mars qu'un licenciement pour faute grave allait suivre, provoquant chez le salarié un mécanisme de défense (l'alerte médiatique le 21 mars) qui s'est retourné à la fois contre lui-même (son licenciement effectif) et contre les deux sociétés (atteinte à leur image) protagonistes de l'atteinte à la liberté d'expression ; si la société invoque à l'égard de son salarié l'atteinte à la loyauté dans les relations contractuelles, cette atteinte peut être considérée comme réciproque ; c'est pourquoi, en application des articles L. 1132-3-3 et L. 1132-3-4 du code du travail au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de prononcer la nullité du licenciement de M. W... pour faute grave et de condamner la société à lui payer à titre provisionnel les sommes suivantes, sur la base d'un salaire de référence de 3427,27 euros brut et de calculs non contestés : 10 271,71 euros brut à titre d'indemnité de préavis (3 mois pour les cadres selon la convention collective), outre celle de 1 027,17 euros brut au titre des congés payés afférents, étant précisé que la somme exacte serait de 10 281,81 euros mais la cour ne peut statuer au-delà de la demande, 3 424,88 euros à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2016, date de l'assignation devant le conseil ; en application de l'article L. 1235-3 du code du travail et en l'absence de demande de réintégration à la suite d'un licenciement nul, le juge accorde une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire, ce qui correspond ici à la somme de 20 563,62 euros ; au vu de l'ancienneté de 4 ans et demi de M. W..., de son salaire, de son préjudice moral subi du fait de l'atteinte à sa liberté d'expression et de son éviction brutale de la société, mais au vu de l'absence d'éléments produits sur sa situation d'emploi depuis son licenciement, la somme de 25 000 euros lui sera allouée à titre provisionnel à titre d'indemnité de licenciement nul ; en conséquence la cour infirmera le conseil ; la société succombant en ses demandes, les dépens de première instance et d'appel resteront à sa charge et elle devra payer à M. W... la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Sur les demandes des syndicats : selon l'article L 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice concernant des faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; en l'espèce, les syndicats CGT Renault Guyancourt Aubevoye et Sud Guyancourt Aubevoye contestent le licenciement de M. W... qui est intervenu en contradiction avec le principe de liberté de communication des salariés avec les syndicats, ce qui porte atteinte à la liberté syndicale ; les deux organisations syndicales, agissant dans l'intérêt des salariés qu'elles représentent au sein de l'entreprise et dont elles défendent la profession conformément à leur statut, sont intervenues pour soutenir M. W... dès avril 2016, au travers de tracts qu'elles produisent ; elles sont donc recevables et fondées à réclamer des dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral, le présent litige ayant nécessairement suscité de la crainte de la part des salariés en cas d'adhésion syndicale, voire de simple contact avec les syndicats ; 1°) alors, d'une part, qu'en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation manifeste d'une liberté fondamentale, le juge de référés ne peut annuler un licenciement ; qu'en prononçant la nullité du licenciement du salarié pour atteinte à sa liberté d'expression alors qu'elle constatait que le licenciement n'était pas fondé sur la mobilisation d'un email professionnel à des fins personnelles, mais sur la captation illicite par le salarié des propos tenus par son employeur et leur diffusion aux médias, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L.1232-6, L.1235-1 et L.1235-3 du code du travail ; 2°) alors, d'autre part, que la nullité du licenciement fondé sur la dénonciation par le salarié de conduites ou d'actes illicites constatés par lui sur son lieu de travail ne peut être prononcée pour violation de sa liberté d'expression que si les faits ainsi relatés sont de nature à caractériser des infractions pénales reprochables à son employeur ; qu'en prêtant au salarié la qualité de « lanceur d'alerte » en l'absence de la moindre caractérisation d'une faute pénale de l'employeur, la cour a derechef violé les dispositions de l'article L.1132-3-3 du code du travail.
Selon l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui prononce, sur ce fondement, la nullité d'un licenciement, sans constater que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d'être constitutifs d'un délit ou d'un crime
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SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 970 FS-P+B+I Pourvois n° K 19-12.367 N 19-12.369 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 1°/ M. F... P..., domicilié [...] , 2°/ M. U... Y..., domicilié [...] , ont formé respectivement les pourvois n° K 19-12.367 et N 19-12.369 contre deux arrêts rendus le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans les litiges les opposant à la société Collectes valorisation énergie déchets (COVED), société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est Parc d'activités de Montaudran, 9 avenue Didier Daurat, 31400 Toulouse, défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent chacun, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation, annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de MM. Y... et P..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Collectes valorisation énergie déchets, et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Richard, Le Lay, Mariette, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° N 19-12.369 et K 19-12.367 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Caen, 20 décembre 2018), statuant en référé, MM. P... et Y... ont été engagés les 1er janvier 2008 et 24 mars 2014 par la société Derichebourg polyurbaine, aux droits de laquelle vient la société Collectes valorisation énergie déchets, en qualité d'équipier de collecte. 3. Le 5 février 2017, ils ont écrit à la direction des ressources humaines pour exprimer des revendications en ce qui concerne les temps de pause. Le 23 mars 2017, la direction a refusé d'y faire droit et les a invités à respecter les consignes concernant la pause à proximité du lieu de collecte. Une note de service du 12 avril 2017 a demandé à l'ensemble du personnel de respecter les lieux de pause définis dans le planning hebdomadaire. Le 12 mai 2017, les salariés ont reçu un avertissement pour non-respect des lieux de pause. 4. Le 4 octobre 2017, ils ont saisi la juridiction prud'homale en référé pour obtenir l'annulation de cette sanction, un rappel de salaire et des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité. Cette affaire a été appelée à l'audience du 23 janvier 2018, la décision devant être rendue le 30 janvier 2018. 5. Le 4 janvier 2018, les salariés ont saisi le conseil de prud'hommes en référé pour voir ordonner la suspension de la note de service du 12 avril 2017 et que le dépôt de Giberville soit retenu comme lieu de pause. 6. Le 29 janvier 2018, à la suite d'un contrôle opéré sur une tournée, ils ont été mis à pied à titre conservatoire puis licenciés pour faute grave le 15 février 2018, au motif de la réalisation d'une collecte bilatérale interdite et dangereuse. 7. Soutenant que leur licenciement intervenait en violation de la liberté fondamentale d'agir en justice et encourait la nullité, ils ont saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes aux fins que leur réintégration soit ordonnée et que l'employeur soit condamné à leur payer des rappels de salaire depuis la mise à pied. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Les salariés font grief aux arrêts de dire n'y avoir lieu à référé et de rejeter leurs demandes tendant, notamment, à voir ordonner leur réintégration sous astreinte, alors : « 1°/ qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié ; qu'il appartient à l'employeur d'établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice ; qu'en retenant que la seule circonstance qu'une procédure de licenciement ait été engagée immédiatement après l'introduction d'une action en justice exercée par le salarié ne fait pas présumer une atteinte à la liberté fondamentale d'agir quand il appartenait à l'employeur d'établir que sa décision de licencier le salarié était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par celui-ci de son droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 1121-1 du code du travail et 1315, devenu 1353, du code civil ; 2°/ qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié ; que constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser le licenciement motivé par une volonté répressive du salarié ayant introduit une action en justice à l'encontre de son employeur ; qu'en écartant l'existence d'un trouble manifestement illicite, sans rechercher si le licenciement du salarié n'était pas uniquement motivé par une volonté répressive de l'employeur, qui découlait de ce que, dans le mois ayant suivi l'introduction d'une action en justice, l'employeur avait, d'une part, décidé de modifier la tournée du salarié en l'affectant pour la première fois avec deux autres salariés qui avaient participé à la même action et, d'autre part, diligenté un contrôle inopiné dont le résultat l'avait conduit, le jour même, à mettre les salariés à pied avant de les licencier pour faute grave, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail. » Réponse de la Cour 9. Le seul fait qu'une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d'une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d'une atteinte à la liberté fondamentale d'agir en justice. 10. La cour d'appel a constaté, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que les actions en justice engagées portaient sur la question du lieu de pause, soit sur une question sans rapport avec le motif de licenciement, que la lettre de licenciement ne contenait pas de référence à ces actions en justice, que la procédure de licenciement avait été régulièrement suivie et que la lettre de notification du licenciement était motivée en ce qu'elle contenait l'exposé de faits circonstanciés dont il appartient à la seule juridiction du fond de déterminer s'ils présentent un caractère réel et sérieux notamment au regard de la pratique antérieure, des consignes et de la formation reçues et qu'enfin, pour avoir été inopiné, le contrôle terrain n'en était pas moins une pratique dans l'entreprise dont la déloyauté n'était pas en l'état manifeste s'agissant de celui du 29 janvier 2018, ce dont il résultait que le licenciement ne présentait pas de caractère manifestement illicite. Elle en a, sans inverser la charge de la preuve et procédant à la recherche prétendument omise, exactement déduit l'absence d'un trouble manifestement illicite. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne MM. P... et Y... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit, au pourvoi n° K 19-12.367, par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. P... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé et D'AVOIR débouté M. P... de ses demandes tendant, notamment, à voir ordonner sa réintégration sous astreinte ; AUX MOTIFS QUE la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposant pour faire cesser un trouble manifestement illicite et qu'il entre donc dans ses pouvoirs d'ordonner la poursuite du contrat de travail lorsque la nullité d'une mesure de licenciement est encourue ; que le droit du salarié d'agir en justice contre l'employeur est érigé en une liberté fondamentale dont la violation est sanctionnée par la nullité de la mesure ; qu'en l'espèce, M. P... soutient qu'en planifiant un contrôle inopiné à l'insu des travailleurs le 29 janvier à 5 h 30 du matin, alors qu'elle n'avait formulé depuis deux ans aucune observation à cet égard ni de consigne visant à interdire cette pratique et alors que deux actions en justice étaient en cours, la société COVED avait manifestement eu pour intention de mettre fin au contrat de travail à raison des actions en justice intentées ; que cependant, il sera relevé, d'une part, que les actons en justice engagées et en cours portaient sur la question du lieu de pause, soit sur une question sans rapport avec le motif de licenciement, d'autre part, que la lettre de licenciement ne contenait pas de référence à l'action en justice, que la procédure de licenciement a été régulièrement suivie et que la lettre de notification du licenciement était motivée en ce qu'elle contenait l'exposé des faits circonstanciés dont il appartient à la seule juridiction du fond de déterminer s'ils présentent un caractère réel et sérieux notamment au regard de la pratique antérieure, des consignes et de la formation reçues et, enfin, que pour avoir été inopiné, le contrôle terrain n'en était pas moins une pratique dans l'entreprise, pratique dont la déloyauté n'est pas en l'état manifeste s'agissant du 29 janvier ; qu'en cet état, la seule contemporanéité d'une action en justice exercée par le salarié et d'une mesure de licenciement qui ne présente pas de caractère manifestement illicite ne fait pas présumer que celle-ci procède d'une atteinte à la liberté fondamentale d'agir ; qu'en conséquence, il n'est pas justifié d'un trouble manifestement illicite ; ALORS, 1°), QU'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié ; qu'il appartient à l'employeur d'établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice ; qu'en retenant que la seule circonstance qu'une procédure de licenciement ait été engagée immédiatement après l'introduction d'une action en justice exercée par le salarié ne fait pas présumer une atteinte à la liberté fondamentale d'agir quand il appartenait à l'employeur d'établir que sa décision de licencier le salarié était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par celui-ci, de son droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 1121-1 du code du travail et 1315, devenu 1353, du code civil ; ALORS, 2°), QU'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié ; que constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser le licenciement motivé par une volonté répressive du salarié ayant introduit une action en justice à l'encontre de son employeur ; qu'en écartant l'existence d'un trouble manifestement illicite, sans rechercher si le licenciement du salarié n'était pas uniquement motivé par une volonté répressive de l'employeur, qui découlait de ce que, dans le mois ayant suivi l'introduction d'une action en justice, l'employeur avait, d'une part, décidé de modifier la tournée du salarié en l'affectant pour la première fois avec deux autres salariés qui avaient participé à la même action et, d'autre part, diligenté un contrôle inopiné dont le résultat l'avait conduit, le jour même, à mettre les salariés à pied avant de les licencier pour faute grave, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail. Moyen produit, au pourvoi n° N 19-12.369, par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. Y... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé et D'AVOIR débouté M. Y... de ses demandes tendant, notamment, à voir ordonner sa réintégration sous astreinte ; AUX MOTIFS QUE la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposant pour faire cesser un trouble manifestement illicite et qu'il entre donc dans ses pouvoirs d'ordonner la poursuite du contrat de travail lorsque la nullité d'une mesure de licenciement est encourue ; que le droit du salarié d'agir en justice contre l'employeur est érigé en une liberté fondamentale dont la violation est sanctionnée par la nullité de la mesure ; qu'en l'espèce, M. Y... soutient qu'en planifiant un contrôle inopiné à l'insu des travailleurs le 29 janvier à 5 h 30 du matin, alors qu'elle n'avait formulé depuis deux ans aucune observation à cet égard ni de consigne visant à interdire cette pratique et alors que deux actions en justice étaient en cours, la société COVED avait manifestement eu pour intention de mettre fin au contrat de travail à raison des actions en justice intentées ; que cependant, il sera relevé, d'une part, que les actons en justice engagées et en cours portaient sur la question du lieu de pause, soit sur une question sans rapport avec le motif de licenciement, d'autre part, que la lettre de licenciement ne contenait pas de référence à l'action en justice, que la procédure de licenciement a été régulièrement suivie et que la lettre de notification du licenciement était motivée en ce qu'elle contenait l'exposé des faits circonstanciés dont il appartient à la seule juridiction du fond de déterminer s'ils présentent un caractère réel et sérieux notamment au regard de la pratique antérieure, des consignes et de la formation reçues et, enfin, que pour avoir été inopiné, le contrôle terrain n'en était pas moins une pratique dans l'entreprise, pratique dont la déloyauté n'est pas en l'état manifeste s'agissant du 29 janvier ; qu'en cet état, la seule contemporanéité d'une action en justice exercée par le salarié et d'une mesure de licenciement qui ne présente pas de caractère manifestement illicite ne fait pas présumer que celle-ci procède d'une atteinte à la liberté fondamentale d'agir ; qu'en conséquence, il n'est pas justifié d'un trouble manifestement illicite ; ALORS, 1°), QU'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié ; qu'il appartient à l'employeur d'établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice ; qu'en retenant que la seule circonstance qu'une procédure de licenciement ait été engagée immédiatement après l'introduction d'une action en justice exercée par le salarié ne fait pas présumer une atteinte à la liberté fondamentale d'agir quand il appartenait à l'employeur d'établir que sa décision de licencier le salarié était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par celui-ci de son droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 1121-1 du code du travail et 1315, devenu 1353, du code civil ; ALORS, 2°), QU'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié ; que constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser le licenciement motivé par une volonté répressive du salarié ayant introduit une action en justice à l'encontre de son employeur ; qu'en écartant l'existence d'un trouble manifestement illicite, sans rechercher si le licenciement du salarié n'était pas uniquement motivé par une volonté répressive de l'employeur, qui découlait de ce que, dans le mois ayant suivi l'introduction d'une action en justice, l'employeur avait, d'une part, décidé de modifier la tournée du salarié en l'affectant pour la première fois avec deux autres salariés qui avaient participé à la même action et, d'autre part, diligenté un contrôle inopiné dont le résultat l'avait conduit, le jour même, à mettre les salariés à pied avant de les licencier pour faute grave, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail.
Le seul fait qu'une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d'une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d'une atteinte à la liberté fondamentale d'agir en justice
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 971 FS-P+B+R+I Pourvois n° D 18-23.029 à G 18-23.033 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 La société Pages jaunes, société anonyme, dont le siège est 204 rond-point du Pont de Sèvres, 92100 Boulogne-Billancourt, a formé les pourvois n° D 18-23.029, E 18-23.030, F 18-23.031, H 18-23.032 et G 18-23.033 contre cinq arrêts rendus le 2 août 2018 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 2), dans les litiges l'opposant respectivement : 1°/ à M. X... W..., domicilié [...] , 2°/ à M. M... P..., domicilié [...] , 3°/ à Mme Y... C..., domiciliée [...] , 4°/ à M. H... S..., domicilié [...] , 5°/ à M. N... L..., domicilié [...] , 6°/ à Pôle emploi, dont le siège est Le Cinétic 1 à 5 avenue du docteur Gley, 75987 Paris cedex 20, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, un moyen unique de cassation, annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Pages jaunes, de la SCP Foussard et Froger, avocat de MM. W..., P..., L..., S... et de Mme C..., et l'avis écrit de M. Weissmann, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Richard, Le Lay, Mariette, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mme Marguerite, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Vu la connexité, joint les pourvois n° D 18-23.029, E 18-23.030, F 18-23.031, H 18-23.032 et G 18-23.033 ; Sur le moyen unique : Vu l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; Attendu que si la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation, l'erreur éventuellement commise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute ; Attendu, selon les arrêts attaqués, que MM. W..., P..., S..., et L... et Mme C..., salariés de la société Pages jaunes, ont été licenciés pour motif économique entre le 30 avril et le 11 août 2014 après avoir refusé la modification de leur contrat de travail pour motif économique proposée dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu à un plan de sauvegarde de l'emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013 et validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France le 2 janvier 2014 ; que par arrêt du 22 octobre 2014, statuant sur le recours d'un autre salarié, une cour administrative d'appel a annulé cette décision de validation, au motif que l'accord du 20 novembre 2013 ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l'article L. 1233-24-1 du code du travail ; que le Conseil d'Etat a, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt ; que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour voir juger sans cause réelle et sérieuse leur licenciement pour motif économique ; Attendu que pour condamner la société Pages jaunes à verser aux salariés diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonner le remboursement à l'organisme concerné des indemnités de chômage payées aux salariés dans la limite de trois mois d'indemnités, les arrêts retiennent que la société Pages jaunes est une filiale à 100 % au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce de Pages jaunes groupe, aujourd'hui dénommé Solocal ; que dans le cadre d'une opération de rachat d'entreprise par endettement dite « LBO » pour « leverage buy-out », l'utilisation des ressources financières du groupe, constituées essentiellement par les ressources financières de la société Pages jaunes, n'a été possible que parce que cette dernière a accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding, laquelle a ainsi asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques, alors même que l'essor d'un marché « V... » et la multiplication d'entreprises au modèle innovant ou spécialisées ayant une activité concurrentielle nécessitaient de proposer des prestations spécialisées et adaptées ; que si une ébauche de transformation et d'adaptation a été lancée en 2011 avec le projet « Jump », pour répondre au besoin de spécialisation du marché, force est de relever la tardiveté et l'insuffisance de cette restructuration, qui a coïncidé avec la décision de ne plus affecter les liquidités à la distribution de dividendes ; que la société Pages jaunes ne met pas la cour en mesure de considérer que l'inadaptation de son organisation à la nouvelle configuration du marché de la publicité et la dégradation de la situation économique qui s'en est suivie ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite « LBO », du fait de la mise à disposition de ses liquidités en 2006 et des versements continus de dividendes opérés jusqu'en 2011, de financer les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 ; que dès lors le péril encouru en 2014 par la compétitivité de l'entreprise au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement n'est pas dissociable de la faute de la société Pages jaunes, caractérisée par des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires, ces décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire, et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion ; Qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Pages jaunes à verser, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à MM. W... et L... la somme de 70 000 euros chacun, à MM. P... et S... la somme de 90 000 euros chacun, à Mme C... la somme de 60 000 euros, ordonnent le remboursement à l'organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées à ces salariés dans la limite de trois mois d'indemnités, les arrêts rendus le 2 août 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Pages jaunes, demanderesse au pourvoi n° D 18-23.029 Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Pages jaunes à verser à M. W... la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement à l'organisme concerné des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités ; AUX MOTIFS QUE « En vertu de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Il est admis que le licenciement économique justifié par la sauvegarde de la compétitivité repose sur une cause réelle et sérieuse à moins que la nécessité de cette sauvegarde ait pour origine la fraude, la légèreté blâmable, ou la faute de l'employeur dès lors que celle-ci, qui ne se confond pas avec la simple erreur de gestion, est caractérisée par des décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables à lui-même. Les éléments comptables versés aux débats établissent que la société Pages Jaunes SA, est une filiale à 100 % au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce, de Pages Jaunes Groupe, aujourd'hui dénommé Solocal. Le 11 octobre 2006, 54 % du capital et des droits de vote de Pages Jaunes Groupe détenus par la société France Télécom devenue Orange, ont été vendus pour 3 312 000 000 euros, à une société Médiannuaire Holding propriété à 80 % des sociétés KKR Europ II LTD et KKR Millenium LTD et à 20 % de la division « Principal Investment Area » du Groupe Goldmann Sachs, dans le cadre d'une opération de rachat d'entreprise par endettement dite « LBO » pour « leverage buy-out », la holding ayant contracté un emprunt bancaire pour financer à 84 % l'acquisition en cause. Dans le cadre de cette opération, les dividendes versés par la société acquise étaient destinés à assurer le remboursement de l'emprunt. Du rapport de l'expert comptable du comité d'entreprise de la société Pages Jaunes (P.'47), il résulte que très peu de temps après cette cession, et plus précisément le 24 novembre 2006, la société Pages Jaunes Groupe a procédé à une distribution exceptionnelle de 2,5 milliards d'euros, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été, dans le cadre de l'imbrication avec sa filiale à 100 %, en grande partie prélevés sur des postes de réserves figurant au bilan de la société Pages Jaunes SA, celle-ci ayant par la suite continué de financer des versements de dividendes jusqu'en 2011, l'expert comptable du Comité d'entreprise relevant sans être démenti (page 71) que les dividendes reçus par Solocal étaient constitués en moyenne et à plus de 98 % par les dividendes de Pages jaunes SA, soit environ 300 millions d'euros sur huit ans. De même résulte-t-il du rapport susvisé que Pages Jaunes Groupe a également emprunté à sa filiale en 2006, un montant total de 580 millions d'euros. En page 32 du rapport il est aussi rappelé que la situation de pages Jaunes SA, est indissociable de celle du groupe dont elle est filiale à 100%, dès lors que 99% de la marge brute du groupe qui permet de payer les intérêts de la dette et de rembourser les échéances proviennent de Pages Jaunes SA, ce que l'employeur confirme en affirmant « l'importance écrasante de Pages Jaunes SA à l'échelle du Groupe » (page 41 de ses conclusions). Par ailleurs, sans que cette conclusion soit contredite, il est affirmé page 34 du rapport susvisé, que « Pages Jaunes a engrangé entre 2008 et 2012 environ 2 milliards d'euros de résultat d'exploitation cumulés qui ont été confisqués pour être détournés de l'entreprise pour payer des intérêts bancaires et rembourser une dette héritée du montage en « LBO » organisée par les actionnaires du groupe ». Compte tenu de l'imbrication de la société Pages Jaunes SA avec le Groupe Pages Jaunes, cette utilisation des ressources financières du groupe, dont il a été rappelé qu'elles étaient constituées essentiellement par les ressources financières de la société Pages Jaunes SA, n'a été possible que parce que cette dernière, a accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding, laquelle a ainsi asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques, alors même que l'employeur évoque expressément, particulièrement depuis 2008, à un moment où se perpétue la distribution de dividendes, l'essor d'un marché « V... » nécessitant de proposer des prestations spécialisées et adaptées et la multiplication d'entreprises au modèle innovant ou spécialisées ayant une activité concurrentielle. Si une ébauche de transformation et d'adaptation a été lancée en 2011 avec le projet dit « Jump », pour répondre au besoin de spécialisation du marché, force est de relever que le rapport remis au comité d'entreprise (page 120) qu'aucun élément ne vient contredire, souligne la tardiveté et l'insuffisance de cette restructuration, dont il convient de remarquer qu'elle a coïncidé avec la décision de ne plus affecter les liquidités à la distribution de dividendes. La société Pages Jaunes évoque dans la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige, l'inadaptation de son organisation à la nouvelle configuration du marché de la publicité et la dégradation de la situation économique qui s'en est suivie, fondant sur ce constat les mesures nécessaires en 2014 à la sauvegarde de la compétitivité, en particulier la mise en oeuvre du licenciement de M. W.... Cependant, elle ne met pas la cour en mesure de considérer que cette inadaptation ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite « LBO » ci-dessus décrite, du fait, de la mise à disposition de ses liquidités en 2006 et des versements continus de dividendes opérés jusqu'en 2011, de financer, ainsi que le relève l'expert comptable du comité d'entreprise, les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008. Dès lors le péril encouru en 2014 par la compétitivité de l'entreprise au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement et relevé tant par l'employeur que par l'expert comptable du comité d'entreprise qui souligne le caractère obsolète du modèle opérationnel, et « le changement de paradigme de la publicité en ligne » modifiant la structure du marché et imposant ses règles, n'est pas dissociable de la faute de la société Pages Jaunes SA dès lors que celle-ci est caractérisée par des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires, ces décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire, et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion. Dans ces conditions, le licenciement de M. W... doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris devant être infirmé sur ce point » ; 1. ALORS QUE la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement, sauf si la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ; que dès lors que le droit des sociétés donne aux actionnaires d'une société le droit de percevoir des dividendes sur le bénéfice distribuable et autorise une société à consentir des prêts à une autre société du groupe auquel elle appartient, seul un abus dans la distribution de dividendes ou l'octroi d'un prêt à une autre société du groupe peut caractériser une faute ; que, par ailleurs, aucune disposition légale n'interdit les opérations de rachat de société réalisées via le mécanisme de « leverage buy-out », consistant à acquérir une société cible par l'intermédiaire d'une holding qui, pour financer tout ou partie du rachat, contracte un emprunt dont elle assurera le remboursement grâce aux dividendes versés par la société cible sur les bénéfices réalisés par cette dernière ; que pour retenir que la société Pages jaunes a commis une faute privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a essentiellement relevé qu'elle a été rachetée en 2006 dans le cadre d'une opération de LBO et qu'elle a « accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding » pour payer les intérêts bancaires et rembourser la dette contractée par la holding, en mettant ses liquidités à la disposition de son actionnaire en 2006, en lui accordant deux emprunts d'un montant de 580 millions d'euros et en lui versant chaque année jusqu'en 2011 des dividendes à hauteur d'environ 300 millions d'euros ; qu'en se fondant sur ces seules considérations, sans jamais faire ressortir que les transferts financiers, sous forme de dividendes ou de prêts, de la société Pages jaunes vers la holding présentaient un caractère abusif pour intervenir dans des proportions manifestement anormales au regard de la situation économique et financière de la société Pages jaunes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 2. ALORS QUE la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement, sauf si la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ; que le juge ne peut, ni pour apprécier la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ni pour apprécier l'existence d'une faute ou légèreté blâmable de l'employeur, se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion de l'employeur ; qu'en relevant encore, pour dire que la société Pages jaunes a commis une faute privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, que les différents apports financiers de la société Pages jaunes à la société holding ont « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques » alors que le marché sur lequel elle intervient évoluait, que, selon l'expert-comptable du comité central d'entreprise, la société s'était retrouvée dans l'incapacité de financer « les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée et les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 » et que cet expert-comptable avait également souligné « la tardiveté et l'insuffisance » de la réorganisation lancée en 2011, la cour d'appel a outrepassé ses pouvoirs en prétendant pouvoir apprécier, à la place de l'employeur, les mesures de gestion à prendre face aux évolutions du marché ; qu'elle a en conséquence violé la liberté d'entreprendre protégée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et l'article L. 1233-3 du code du travail ; 3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la faute de l'employeur privant le licenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse résulte, au-delà de la simple erreur de gestion, de la violation d'une prescription légale ou d'une décision prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner ; qu'en relevant, pour reprocher à la société Pages jaunes d'avoir commis une faute « ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion », que les différents apports financiers de la société Pages jaunes à la société holding ont « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques » alors que l'essor du marché « V... » nécessitait de proposer des prestations spécialisées et adaptées, sans même préciser le montant des investissements réalisés par la société Pages jaunes, ni expliquer en quoi les investissements opérés par la société Pages jaunes étaient manifestement insuffisants face aux évolutions du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 4. ALORS QUE la faute de l'employeur privant le licenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse résulte, au-delà de la simple erreur de gestion, de la violation d'une prescription légale ou d'une décision prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner ; qu'en relevant encore, pour considérer que la société Pages jaunes a commis une faute que, selon l'expert-comptable du comité central d'entreprise, la société Pages jaunes était dans l'incapacité de financer « les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant », sans s'expliquer sur la nature de ces « barrières à l'entrée » dont l'absence de mise en oeuvre aurait présenté un caractère incontournable compte tenu des évolutions du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 5. ALORS QUE pour retenir qu'un licenciement motivé par une réorganisation de l'entreprise n'a pas de cause économique réelle et sérieuse, sans remettre en cause la nécessité de cette réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, le juge doit caractériser le lien de causalité entre les fautes ou comportements blâmables imputés à l'employeur et les menaces qui pèsent sur la compétitivité de l'entreprise et imposent sa nécessaire réorganisation ; qu'en l'espèce, pour motiver les licenciements, la société Pages jaunes expliquait que son organisation héritée des besoins de l'annuaire papier et marquée par une même approche commerciale pour tous les secteurs d'activité était devenue inadaptée à la nouvelle configuration du marché de la publicité sur internet, du fait principalement d'un manque de spécialisation des équipes commerciales et marketing qui ne permettait pas de répondre aux attentes et besoins nouveaux des annonceurs ; que, dans son rapport, l'expert-comptable du comité central d'entreprise ne remettait pas en cause l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise et la nécessité de la modifier, reconnaissant ainsi que « la transformation du groupe pour une meilleure adéquation au marché est une condition qui s'impose » et que « l'organisation est assurément un point crucial du changement » (p. 122) ; qu'en se bornant cependant à relever, pour dire que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, que la mise à disposition de liquidités en 2006 et le versement continu de dividendes opéré jusqu'en 2011 par la société Pages jaunes, auraient « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques », sans mettre en évidence le lien de causalité entre l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise aux évolutions du marché et les versements opérés au profit de la société holding ou même un éventuel manque d'investissement effectué par la société Pages jaunes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 6. ALORS QU' il appartient à celui qui invoque une faute ou une légèreté blâmable de l'employeur pour contester le motif économique d'un licenciement d'apporter la preuve de cette faute et du lien de causalité entre cette faute et le motif économique du licenciement ; qu'en reprochant à la société Pages jaunes de ne pas la « mettre en mesure de considérer que l'inadaptation [de son organisation aux évolutions du marché] ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite LBO ( ) de financer les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 », cependant qu'il appartenait au salarié de démontrer que le manque de compétitivité de l'entreprise résultait de la faute imputée à l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 (devenu 1353) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 1233-3 du code du travail ; 7. ALORS QUE les décisions préjudiciables à une filiale, prises à l'initiative et dans le seul intérêt la société mère ou de l'actionnaire du groupe et ayant contraint cette filiale à prononcer des licenciements pour motif économique, engagent la responsabilité délictuelle de la société mère ou de l'actionnaire qui doit alors indemniser les salariés licenciés de la perte de leur emploi ; que ces mêmes décisions ne peuvent, en conséquence, être imputées à faute à la filiale pour justifier sa condamnation à verser aux salariés licenciés des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant cependant, pour condamner la société Pages jaunes à verser au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui imputer à faute les décisions de mise à disposition de liquidités à sa holding nécessaires pour assurer le remboursement par cette dernière de l'emprunt contracté lors du rachat de la société Pages jaunes, en expliquant que ces décisions étaient « préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion », la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Pages jaunes, demanderesse au pourvoi n° E 18-23.030 Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Pages jaunes à verser à M. P... la somme de 90.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement à l'organisme concerné des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités ; AUX MOTIFS QUE « En vertu de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Il est admis que le licenciement économique justifié par la sauvegarde de la compétitivité repose sur une cause réelle et sérieuse à moins que la nécessité de cette sauvegarde ait pour origine la fraude, la légèreté blâmable, ou la faute de l'employeur dès lors que celle-ci, qui ne se confond pas avec la simple erreur de gestion, est caractérisée par des décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables à lui-même. Les éléments comptables versés aux débats établissent que la société Pages Jaunes SA, est une filiale à 100 % au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce, de Pages Jaunes Groupe, aujourd'hui dénommé Solocal. Le 11 octobre 2006, 54 % du capital et des droits de vote de Pages Jaunes Groupe détenus par la société France Télécom devenue Orange, ont été vendus pour 3 312 000 000 euros, à une société Médiannuaire Holding propriété à 80 % des sociétés KKR Europ II LTD et KKR Millenium LTD et à 20 % de la division « Principal Investment Area » du Groupe Goldmann Sachs, dans le cadre d'une opération de rachat d'entreprise par endettement dite « LBO » pour « leverage buy-out », la holding ayant contracté un emprunt bancaire pour financer à 84 % l'acquisition en cause. Dans le cadre de cette opération, les dividendes versés par la société acquise étaient destinés à assurer le remboursement de l'emprunt. Du rapport de l'expert comptable du comité d'entreprise de la société Pages Jaunes (P.'47), il résulte que très peu de temps après cette cession, et plus précisément le 24 novembre 2006, la société Pages Jaunes Groupe a procédé à une distribution exceptionnelle de 2,5 milliards d'euros, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été, dans le cadre de l'imbrication avec sa filiale à 100 %, en grande partie prélevés sur des postes de réserves figurant au bilan de la société Pages Jaunes SA, celle-ci ayant par la suite continué de financer des versements de dividendes jusqu'en 2011, l'expert comptable du Comité d'entreprise relevant sans être démenti (page 71) que les dividendes reçus par Solocal étaient constitués en moyenne et à plus de 98% par les dividendes de Pages jaunes SA, soit environ 300 millions d'euros sur huit ans. De même résulte-t-il du rapport susvisé que Pages Jaunes Groupe a également emprunté à sa filiale en 2006, un montant total de 580 millions d'euros. En page 32 du rapport il est aussi rappelé que la situation de pages Jaunes SA, est indissociable de celle du groupe dont elle est filiale à 100 %, dès lors que 99 % de la marge brute du groupe qui permet de payer les intérêts de la dette et de rembourser les échéances proviennent de Pages Jaunes SA, ce que l'employeur confirme en affirmant « l'importance écrasante de Pages Jaunes SA à l'échelle du Groupe » (page 41 de ses conclusions). Par ailleurs, sans que cette conclusion soit contredite, il est affirmé page 34 du rapport susvisé, que « Pages Jaunes a engrangé entre 2008 et 2012 environ 2 milliards d'euros de résultat d'exploitation cumulés qui ont été confisqués pour être détournés de l'entreprise pour payer des intérêts bancaires et rembourser une dette héritée du montage en « LBO » organisée par les actionnaires du groupe ». Compte tenu de l'imbrication de la société Pages Jaunes SA avec le Groupe Pages Jaunes, cette utilisation des ressources financières du groupe, dont il a été rappelé qu'elles étaient constituées essentiellement par les ressources financières de la société Pages Jaunes SA, n'a été possible que parce que cette dernière, a accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding, laquelle a ainsi asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques, alors même que l'employeur évoque expressément, particulièrement depuis 2008, à un moment où se perpétue la distribution de dividendes, l'essor d'un marché « V... » nécessitant de proposer des prestations spécialisées et adaptées et la multiplication d'entreprises au modèle innovant ou spécialisées ayant une activité concurrentielle. Si une ébauche de transformation et d'adaptation a été lancée en 2011 avec le projet dit « Jump », pour répondre au besoin de spécialisation du marché, force est de relever que le rapport remis au comité d'entreprise (page 120) qu'aucun élément ne vient contredire, souligne la tardiveté et l'insuffisance de cette restructuration, dont il convient de remarquer qu'elle a coïncidé avec la décision de ne plus affecter les liquidités à la distribution de dividendes. La société Pages Jaunes évoque dans la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige, l'inadaptation de son organisation à la nouvelle configuration du marché de la publicité et la dégradation de la situation économique qui s'en est suivie, fondant sur ce constat les mesures nécessaires en 2014 à la sauvegarde de la compétitivité, en particulier la mise en oeuvre du licenciement de M. P.... Cependant, elle ne met pas la cour en mesure de considérer que cette inadaptation ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite « LBO » ci-dessus décrite, du fait, de la mise à disposition de ses liquidités en 2006 et des versements continus de dividendes opérés jusqu'en 2011, de financer, ainsi que le relève l'expert comptable du comité d'entreprise, les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008. Dès lors le péril encouru en 2014 par la compétitivité de l'entreprise au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement et relevé tant par l'employeur que par l'expert comptable du comité d'entreprise qui souligne le caractère obsolète du modèle opérationnel, et « le changement de paradigme de la publicité en ligne » modifiant la structure du marché et imposant ses règles, n'est pas dissociable de la faute de la société Pages Jaunes SA dès lors que celle-ci est caractérisée par des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires, ces décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire, et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion. Dans ces conditions, le licenciement de M. P... doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris devant être infirmé sur ce point » ; 1. ALORS QUE la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement, sauf si la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ; que dès lors que le droit des sociétés donne aux actionnaires d'une société le droit de percevoir des dividendes sur le bénéfice distribuable et autorise une société à consentir des prêts à une autre société du groupe auquel elle appartient, seul un abus dans la distribution de dividendes ou l'octroi d'un prêt à une autre société du groupe peut caractériser une faute ; que, par ailleurs, aucune disposition légale n'interdit les opérations de rachat de société réalisées via le mécanisme de « leverage buy-out », consistant à acquérir une société cible par l'intermédiaire d'une holding qui, pour financer tout ou partie du rachat, contracte un emprunt dont elle assurera le remboursement grâce aux dividendes versés par la société cible sur les bénéfices réalisés par cette dernière ; que pour retenir que la société Pages jaunes a commis une faute privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a essentiellement relevé qu'elle a été rachetée en 2006 dans le cadre d'une opération de LBO et qu'elle a « accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding » pour payer les intérêts bancaires et rembourser la dette contractée par la holding, en mettant ses liquidités à la disposition de son actionnaire en 2006, en lui accordant deux emprunts d'un montant de 580 millions d'euros et en lui versant chaque année jusqu'en 2011 des dividendes à hauteur d'environ 300 millions d'euros ; qu'en se fondant sur ces seules considérations, sans jamais faire ressortir que les transferts financiers, sous forme de dividendes ou de prêts, de la société Pages jaunes vers la holding présentaient un caractère abusif pour intervenir dans des proportions manifestement anormales au regard de la situation économique et financière de la société Pages jaunes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 2. ALORS QUE la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement, sauf si la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ; que le juge ne peut, ni pour apprécier la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ni pour apprécier l'existence d'une faute ou légèreté blâmable de l'employeur, se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion de l'employeur ; qu'en relevant encore, pour dire que la société Pages jaunes a commis une faute privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, que les différents apports financiers de la société Pages jaunes à la société holding ont « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques » alors que le marché sur lequel elle intervient évoluait, que, selon l'expert-comptable du comité central d'entreprise, la société s'était retrouvée dans l'incapacité de financer « les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée et les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 » et que cet expert-comptable avait également souligné « la tardiveté et l'insuffisance » de la réorganisation lancée en 2011, la cour d'appel a outrepassé ses pouvoirs en prétendant pouvoir apprécier, à la place de l'employeur, les mesures de gestion à prendre face aux évolutions du marché ; qu'elle a en conséquence violé la liberté d'entreprendre protégée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et l'article L. 1233-3 du code du travail ; 3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la faute de l'employeur privant le licenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse résulte, au-delà de la simple erreur de gestion, de la violation d'une prescription légale ou d'une décision prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner ; qu'en relevant, pour reprocher à la société Pages jaunes d'avoir commis une faute « ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion », que les différents apports financiers de la société Pages jaunes à la société holding ont « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques » alors que l'essor du marché « V... » nécessitait de proposer des prestations spécialisées et adaptées, sans même préciser le montant des investissements réalisés par la société Pages jaunes, ni expliquer en quoi les investissements opérés par la société Pages jaunes étaient manifestement insuffisants face aux évolutions du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 4. ALORS QUE la faute de l'employeur privant le licenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse résulte, au-delà de la simple erreur de gestion, de la violation d'une prescription légale ou d'une décision prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner ; qu'en relevant encore, pour considérer que la société Pages jaunes a commis une faute que, selon l'expert-comptable du comité central d'entreprise, la société Pages jaunes était dans l'incapacité de financer « les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant », sans s'expliquer sur la nature de ces « barrières à l'entrée » dont l'absence de mise en oeuvre aurait présenté un caractère incontournable compte tenu des évolutions du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 5. ALORS QUE pour retenir qu'un licenciement motivé par une réorganisation de l'entreprise n'a pas de cause économique réelle et sérieuse, sans remettre en cause la nécessité de cette réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, le juge doit caractériser le lien de causalité entre les fautes ou comportements blâmables imputés à l'employeur et les menaces qui pèsent sur la compétitivité de l'entreprise et imposent sa nécessaire réorganisation ; qu'en l'espèce, pour motiver les licenciements, la société Pages jaunes expliquait que son organisation héritée des besoins de l'annuaire papier et marquée par une même approche commerciale pour tous les secteurs d'activité était devenue inadaptée à la nouvelle configuration du marché de la publicité sur internet, du fait principalement d'un manque de spécialisation des équipes commerciales et marketing qui ne permettait pas de répondre aux attentes et besoins nouveaux des annonceurs ; que, dans son rapport, l'expert-comptable du comité central d'entreprise ne remettait pas en cause l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise et la nécessité de la modifier, reconnaissant ainsi que « la transformation du groupe pour une meilleure adéquation au marché est une condition qui s'impose » et que « l'organisation est assurément un point crucial du changement » (p. 122) ; qu'en se bornant cependant à relever, pour dire que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, que la mise à disposition de liquidités en 2006 et le versement continu de dividendes opéré jusqu'en 2011 par la société Pages jaunes, auraient « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques », sans mettre en évidence le lien de causalité entre l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise aux évolutions du marché et les versements opérés au profit de la société holding ou même un éventuel manque d'investissement effectué par la société Pages jaunes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 6. ALORS QU' il appartient à celui qui invoque une faute ou une légèreté blâmable de l'employeur pour contester le motif économique d'un licenciement d'apporter la preuve de cette faute et du lien de causalité entre cette faute et le motif économique du licenciement ; qu'en reprochant à la société Pages jaunes de ne pas la « mettre en mesure de considérer que l'inadaptation [de son organisation aux évolutions du marché] ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite LBO ( ) de financer les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 », cependant qu'il appartenait au salarié de démontrer que le manque de compétitivité de l'entreprise résultait de la faute imputée à l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 (devenu 1353) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 1233-3 du code du travail ; 7. ALORS QUE les décisions préjudiciables à une filiale, prises à l'initiative et dans le seul intérêt la société mère ou de l'actionnaire du groupe et ayant contraint cette filiale à prononcer des licenciements pour motif économique, engagent la responsabilité délictuelle de la société mère ou de l'actionnaire qui doit alors indemniser les salariés licenciés de la perte de leur emploi ; que ces mêmes décisions ne peuvent, en conséquence, être imputées à faute à la filiale pour justifier sa condamnation à verser aux salariés licenciés des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant cependant, pour condamner la société Pages jaunes à verser au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui imputer à faute les décisions de mise à disposition de liquidités à sa holding nécessaires pour assurer le remboursement par cette dernière de l'emprunt contracté lors du rachat de la société Pages jaunes, en expliquant que ces décisions étaient « préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion », la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Pages jaunes, demanderesse au pourvoi n° F 18-23.031 Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Pages jaunes à verser à Mme C... la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement à l'organisme concerné des indemnités de chômage payées à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités ; AUX MOTIFS QUE « En vertu de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Il est admis que le licenciement économique justifié par la sauvegarde de la compétitivité repose sur une cause réelle et sérieuse à moins que la nécessité de cette sauvegarde ait pour origine la fraude, la légèreté blâmable, ou la faute de l'employeur dès lors que celle-ci, qui ne se confond pas avec la simple erreur de gestion, est caractérisée par des décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables à lui-même. Les éléments comptables versés aux débats établissent que la société Pages Jaunes SA, est une filiale à 100 % au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce, de Pages Jaunes Groupe, aujourd'hui dénommé Solocal. Le 11 octobre 2006, 54 % du capital et des droits de vote de Pages Jaunes Groupe détenus par la société France Télécom devenue Orange, ont été vendus pour 3 312 000 000 euros, à une société Médiannuaire Holding propriété à 80 % des sociétés KKR Europ II LTD et KKR Millenium LTD et à 20 % de la division « Principal Investment Area » du Groupe Goldmann Sachs, dans le cadre d'une opération de rachat d'entreprise par endettement dite « LBO » pour « leverage buy-out », la holding ayant contracté un emprunt bancaire pour financer à 84 % l'acquisition en cause. Dans le cadre de cette opération, les dividendes versés par la société acquise étaient destinés à assurer le remboursement de l'emprunt. Du rapport de l'expert comptable du comité d'entreprise de la société Pages Jaunes (P.'47), il résulte que très peu de temps après cette cession, et plus précisément le 24 novembre 2006, la société Pages Jaunes Groupe a procédé à une distribution exceptionnelle de 2,5 milliards d'euros, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été, dans le cadre de l'imbrication avec sa filiale à 100 %, en grande partie prélevés sur des postes de réserves figurant au bilan de la société Pages Jaunes SA, celle-ci ayant par la suite continué de financer des versements de dividendes jusqu'en 2011, l'expert comptable du Comité d'entreprise relevant sans être démenti (page 71) que les dividendes reçus par Solocal étaient constitués en moyenne et à plus de 98% par les dividendes de Pages jaunes SA, soit environ 300 millions d'euros sur huit ans. De même résulte-t-il du rapport susvisé que Pages Jaunes Groupe a également emprunté à sa filiale en 2006, un montant total de 580 millions d'euros. En page 32 du rapport il est aussi rappelé que la situation de pages Jaunes SA, est indissociable de celle du groupe dont elle est filiale à 100 %, dès lors que 99 % de la marge brute du groupe qui permet de payer les intérêts de la dette et de rembourser les échéances proviennent de Pages Jaunes SA, ce que l'employeur confirme en affirmant « l'importance écrasante de Pages Jaunes SA à l'échelle du Groupe » (page 41 de ses conclusions). Par ailleurs, sans que cette conclusion soit contredite, il est affirmé page 34 du rapport susvisé, que « Pages Jaunes a engrangé entre 2008 et 2012 environ 2 milliards d'euros de résultat d'exploitation cumulés qui ont été confisqués pour être détournés de l'entreprise pour payer des intérêts bancaires et rembourser une dette héritée du montage en « LBO » organisée par les actionnaires du groupe ». Compte tenu de l'imbrication de la société Pages Jaunes SA avec le Groupe Pages Jaunes, cette utilisation des ressources financières du groupe, dont il a été rappelé qu'elles étaient constituées essentiellement par les ressources financières de la société Pages Jaunes SA, n'a été possible que parce que cette dernière, a accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding, laquelle a ainsi asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques, alors même que l'employeur évoque expressément, particulièrement depuis 2008, à un moment où se perpétue la distribution de dividendes, l'essor d'un marché « V... » nécessitant de proposer des prestations spécialisées et adaptées et la multiplication d'entreprises au modèle innovant ou spécialisées ayant une activité concurrentielle. Si une ébauche de transformation et d'adaptation a été lancée en 2011 avec le projet dit « Jump », pour répondre au besoin de spécialisation du marché, force est de relever que le rapport remis au comité d'entreprise (page 120) qu'aucun élément ne vient contredire, souligne la tardiveté et l'insuffisance de cette restructuration, dont il convient de remarquer qu'elle a coïncidé avec la décision de ne plus affecter les liquidités à la distribution de dividendes. La société Pages Jaunes évoque dans la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige, l'inadaptation de son organisation à la nouvelle configuration du marché de la publicité et la dégradation de la situation économique qui s'en est suivie, fondant sur ce constat les mesures nécessaires en 2014 à la sauvegarde de la compétitivité, en particulier la mise en oeuvre du licenciement de Mme C.... Cependant, elle ne met pas la cour en mesure de considérer que cette inadaptation ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite « LBO » ci-dessus décrite, du fait, de la mise à disposition de ses liquidités en 2006 et des versements continus de dividendes opérés jusqu'en 2011, de financer, ainsi que le relève l'expert comptable du comité d'entreprise, les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008. Dès lors le péril encouru en 2014 par la compétitivité de l'entreprise au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement et relevé tant par l'employeur que par l'expert comptable du comité d'entreprise qui souligne le caractère obsolète du modèle opérationnel, et « le changement de paradigme de la publicité en ligne » modifiant la structure du marché et imposant ses règles, n'est pas dissociable de la faute de la société Pages Jaunes SA dès lors que celle-ci est caractérisée par des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires, ces décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire, et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion. Dans ces conditions, le licenciement de Mme C... doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris devant être infirmé sur ce point » ; 1. ALORS QUE la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement, sauf si la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ; que dès lors que le droit des sociétés donne aux actionnaires d'une société le droit de percevoir des dividendes sur le bénéfice distribuable et autorise une société à consentir des prêts à une autre société du groupe auquel elle appartient, seul un abus dans la distribution de dividendes ou l'octroi d'un prêt à une autre société du groupe peut caractériser une faute ; que, par ailleurs, aucune disposition légale n'interdit les opérations de rachat de société réalisées via le mécanisme de « leverage buy-out », consistant à acquérir une société cible par l'intermédiaire d'une holding qui, pour financer tout ou partie du rachat, contracte un emprunt dont elle assurera le remboursement grâce aux dividendes versés par la société cible sur les bénéfices réalisés par cette dernière ; que pour retenir que la société Pages jaunes a commis une faute privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a essentiellement relevé qu'elle a été rachetée en 2006 dans le cadre d'une opération de LBO et qu'elle a « accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding » pour payer les intérêts bancaires et rembourser la dette contractée par la holding, en mettant à ses liquidités à la disposition de son actionnaire en 2006, en lui accordant deux emprunts d'un montant de 580 millions d'euros et en lui versant chaque année jusqu'en 2011 des dividendes à hauteur d'environ 300 millions d'euros ; qu'en se fondant sur ces seules considérations, sans jamais faire ressortir que les transferts financiers, sous forme de dividendes ou de prêts, de la société Pages jaunes vers la holding présentaient un caractère abusif pour intervenir dans des proportions manifestement anormales au regard de la situation économique et financière de la société Pages jaunes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 2. ALORS QUE la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement, sauf si la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ; que le juge ne peut, ni pour apprécier la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ni pour apprécier l'existence d'une faute ou légèreté blâmable de l'employeur, se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion de l'employeur ; qu'en relevant encore, pour dire que la société Pages jaunes a commis une faute privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, que les différents apports financiers de la société Pages jaunes à la société holding ont « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques » alors que le marché sur lequel elle intervient évoluait, que, selon l'expert-comptable du comité central d'entreprise, la société s'était retrouvée dans l'incapacité de financer « les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée et les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 » et que cet expert-comptable avait également souligné « la tardiveté et l'insuffisance » de la réorganisation lancée en 2011, la cour d'appel a outrepassé ses pouvoirs en prétendant pouvoir apprécier, à la place de l'employeur, les mesures de gestion à prendre face aux évolutions du marché ; qu'elle a en conséquence violé la liberté d'entreprendre protégée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et l'article L. 1233-3 du code du travail ; 3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la faute de l'employeur privant le licenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse résulte, au-delà de la simple erreur de gestion, de la violation d'une prescription légale ou d'une décision prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner ; qu'en relevant, pour reprocher à la société Pages jaunes d'avoir commis une faute « ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion », que les différents apports financiers de la société Pages jaunes à la société holding ont « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques » alors que l'essor du marché « V... » nécessitait de proposer des prestations spécialisées et adaptées, sans même préciser le montant des investissements réalisés par la société Pages jaunes, ni expliquer en quoi les investissements opérés par la société Pages jaunes étaient manifestement insuffisants face aux évolutions du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 4. ALORS QUE la faute de l'employeur privant le licenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse résulte, au-delà de la simple erreur de gestion, de la violation d'une prescription légale ou d'une décision prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner ; qu'en relevant encore, pour considérer que la société Pages jaunes a commis une faute que, selon l'expert-comptable du comité central d'entreprise, la société Pages jaunes était dans l'incapacité de financer « les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant », sans s'expliquer sur la nature de ces « barrières à l'entrée » dont l'absence de mise en oeuvre aurait présenté un caractère incontournable compte tenu des évolutions du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 5. ALORS QUE pour retenir qu'un licenciement motivé par une réorganisation de l'entreprise n'a pas de cause économique réelle et sérieuse, sans remettre en cause la nécessité de cette réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, le juge doit caractériser le lien de causalité entre les fautes ou comportements blâmables imputés à l'employeur et les menaces qui pèsent sur la compétitivité de l'entreprise et imposent sa nécessaire réorganisation ; qu'en l'espèce, pour motiver les licenciements, la société Pages jaunes expliquait que son organisation héritée des besoins de l'annuaire papier et marquée par une même approche commerciale pour tous les secteurs d'activité était devenue inadaptée à la nouvelle configuration du marché de la publicité sur internet, du fait principalement d'un manque de spécialisation des équipes commerciales et marketing qui ne permettait pas de répondre aux attentes et besoins nouveaux des annonceurs ; que, dans son rapport, l'expert-comptable du comité central d'entreprise ne remettait pas en cause l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise et la nécessité de la modifier, reconnaissant ainsi que « la transformation du groupe pour une meilleure adéquation au marché est une condition qui s'impose » et que « l'organisation est assurément un point crucial du changement » (p. 122) ; qu'en se bornant cependant à relever, pour dire que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, que la mise à disposition de liquidités en 2006 et le versement continu de dividendes opéré jusqu'en 2011 par la société Pages jaunes, auraient « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques », sans mettre en évidence le lien de causalité entre l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise aux évolutions du marché et les versements opérés au profit de la société holding ou même un éventuel manque d'investissement effectué par la société Pages jaunes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 6. ALORS QU' il appartient à celui qui invoque une faute ou une légèreté blâmable de l'employeur pour contester le motif économique d'un licenciement d'apporter la preuve de cette faute et du lien de causalité entre cette faute et le motif économique du licenciement ; qu'en reprochant à la société Pages jaunes de ne pas la « mettre en mesure de considérer que l'inadaptation [de son organisation aux évolutions du marché] ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite LBO ( ) de financer les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 », cependant qu'il appartenait au salarié de démontrer que le manque de compétitivité de l'entreprise résultait de la faute imputée à l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 (devenu 1353) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 1233-3 du code du travail ; 7. ALORS QUE les décisions préjudiciables à une filiale, prises à l'initiative et dans le seul intérêt la société mère ou de l'actionnaire du groupe et ayant contraint cette filiale à prononcer des licenciements pour motif économique, engagent la responsabilité délictuelle de la société mère ou de l'actionnaire qui doit alors indemniser les salariés licenciés de la perte de leur emploi ; que ces mêmes décisions ne peuvent, en conséquence, être imputées à faute à la filiale pour justifier sa condamnation à verser aux salariés licenciés des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant cependant, pour condamner la société Pages jaunes à verser au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui imputer à faute les décisions de mise à disposition de liquidités à sa holding nécessaires pour assurer le remboursement par cette dernière de l'emprunt contracté lors du rachat de la société Pages jaunes, en expliquant que ces décisions étaient « préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion », la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Pages jaunes, demanderesse au pourvoi n° H 18-23.032 Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Pages jaunes à verser à M. S... la somme de 90.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement à l'organisme concerné des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités ; AUX MOTIFS QUE « En vertu de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Il est admis que le licenciement économique justifié par la sauvegarde de la compétitivité repose sur une cause réelle et sérieuse à moins que la nécessité de cette sauvegarde ait pour origine la fraude, la légèreté blâmable, ou la faute de l'employeur dès lors que celle-ci, qui ne se confond pas avec la simple erreur de gestion, est caractérisée par des décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables à lui-même. Les éléments comptables versés aux débats établissent que la société Pages Jaunes SA, est une filiale à 100 % au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce, de Pages Jaunes Groupe, aujourd'hui dénommé Solocal. Le 11 octobre 2006, 54 % du capital et des droits de vote de Pages Jaunes Groupe détenus par la société France Télécom devenue Orange, ont été vendus pour 3 312 000 000 euros, à une société Médiannuaire Holding propriété à 80% des sociétés KKR Europ II LTD et KKR Millenium LTD et à 20 % de la division « Principal Investment Area » du Groupe Goldmann Sachs, dans le cadre d'une opération de rachat d'entreprise par endettement dite « LBO » pour « leverage buy-out », la holding ayant contracté un emprunt bancaire pour financer à 84 % l'acquisition en cause. Dans le cadre de cette opération, les dividendes versés par la société acquise étaient destinés à assurer le remboursement de l'emprunt. Du rapport de l'expert comptable du comité d'entreprise de la société Pages Jaunes (P.'47), il résulte que très peu de temps après cette cession, et plus précisément le 24 novembre 2006, la société Pages Jaunes Groupe a procédé à une distribution exceptionnelle de 2,5 milliards d'euros, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été, dans le cadre de l'imbrication avec sa filiale à 100 %, en grande partie prélevés sur des postes de réserves figurant au bilan de la société Pages Jaunes SA, celle-ci ayant par la suite continué de financer des versements de dividendes jusqu'en 2011, l'expert comptable du Comité d'entreprise relevant sans être démenti (page 71) que les dividendes reçus par Solocal étaient constitués en moyenne et à plus de 98% par les dividendes de Pages jaunes SA, soit environ 300 millions d'euros sur huit ans. De même résulte-t-il du rapport susvisé que Pages Jaunes Groupe a également emprunté à sa filiale en 2006, un montant total de 580 millions d'euros. En page 32 du rapport il est aussi rappelé que la situation de pages Jaunes SA, est indissociable de celle du groupe dont elle est filiale à 100 %, dès lors que 99 % de la marge brute du groupe qui permet de payer les intérêts de la dette et de rembourser les échéances proviennent de Pages Jaunes SA, ce que l'employeur confirme en affirmant « l'importance écrasante de Pages Jaunes SA à l'échelle du Groupe » (page 41 de ses conclusions). Par ailleurs, sans que cette conclusion soit contredite, il est affirmé page 34 du rapport susvisé, que « Pages Jaunes a engrangé entre 2008 et 2012 environ 2 milliards d'euros de résultat d'exploitation cumulés qui ont été confisqués pour être détournés de l'entreprise pour payer des intérêts bancaires et rembourser une dette héritée du montage en « LBO » organisée par les actionnaires du groupe ». Compte tenu de l'imbrication de la société Pages Jaunes SA avec le Groupe Pages Jaunes, cette utilisation des ressources financières du groupe, dont il a été rappelé qu'elles étaient constituées essentiellement par les ressources financières de la société Pages Jaunes SA, n'a été possible que parce que cette dernière, a accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding, laquelle a ainsi asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques, alors même que l'employeur évoque expressément, particulièrement depuis 2008, à un moment où se perpétue la distribution de dividendes, l'essor d'un marché « V... » nécessitant de proposer des prestations spécialisées et adaptées et la multiplication d'entreprises au modèle innovant ou spécialisées ayant une activité concurrentielle. Si une ébauche de transformation et d'adaptation a été lancée en 2011 avec le projet dit « Jump », pour répondre au besoin de spécialisation du marché, force est de relever que le rapport remis au comité d'entreprise (page 120) qu'aucun élément ne vient contredire, souligne la tardiveté et l'insuffisance de cette restructuration, dont il convient de remarquer qu'elle a coïncidé avec la décision de ne plus affecter les liquidités à la distribution de dividendes. La société Pages Jaunes évoque dans la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige, l'inadaptation de son organisation à la nouvelle configuration du marché de la publicité et la dégradation de la situation économique qui s'en est suivie, fondant sur ce constat les mesures nécessaires en 2014 à la sauvegarde de la compétitivité, en particulier la mise en oeuvre du licenciement de M. S.... Cependant, elle ne met pas la cour en mesure de considérer que cette inadaptation ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite « LBO » ci-dessus décrite, du fait, de la mise à disposition de ses liquidités en 2006 et des versements continus de dividendes opérés jusqu'en 2011, de financer, ainsi que le relève l'expert comptable du comité d'entreprise, les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008. Dès lors le péril encouru en 2014 par la compétitivité de l'entreprise au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement et relevé tant par l'employeur que par l'expert comptable du comité d'entreprise qui souligne le caractère obsolète du modèle opérationnel, et « le changement de paradigme de la publicité en ligne » modifiant la structure du marché et imposant ses règles, n'est pas dissociable de la faute de la société Pages Jaunes SA dès lors que celle-ci est caractérisée par des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires, ces décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire, et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion. Dans ces conditions, le licenciement de M. S... doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris devant être infirmé sur ce point » ; 1. ALORS QUE la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement, sauf si la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ; que dès lors que le droit des sociétés donne aux actionnaires d'une société le droit de percevoir des dividendes sur le bénéfice distribuable et autorise une société à consentir des prêts à une autre société du groupe auquel elle appartient, seul un abus dans la distribution de dividendes ou l'octroi d'un prêt à une autre société du groupe peut caractériser une faute ; que, par ailleurs, aucune disposition légale n'interdit les opérations de rachat de société réalisées via le mécanisme de « leverage buy-out », consistant à acquérir une société cible par l'intermédiaire d'une holding qui, pour financer tout ou partie du rachat, contracte un emprunt dont elle assurera le remboursement grâce aux dividendes versés par la société cible sur les bénéfices réalisés par cette dernière ; que pour retenir que la société Pages jaunes a commis une faute privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a essentiellement relevé qu'elle a été rachetée en 2006 dans le cadre d'une opération de LBO et qu'elle a « accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding » pour payer les intérêts bancaires et rembourser la dette contractée par la holding, en mettant ses liquidités à la disposition de son actionnaire en 2006, en lui accordant deux emprunts d'un montant de 580 millions d'euros et en lui versant chaque année jusqu'en 2011 des dividendes à hauteur d'environ 300 millions d'euros ; qu'en se fondant sur ces seules considérations, sans jamais faire ressortir que les transferts financiers, sous forme de dividendes ou de prêts, de la société Pages jaunes vers la holding présentaient un caractère abusif pour intervenir dans des proportions manifestement anormales au regard de la situation économique et financière de la société Pages jaunes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 2. ALORS QUE la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement, sauf si la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ; que le juge ne peut, ni pour apprécier la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ni pour apprécier l'existence d'une faute ou légèreté blâmable de l'employeur, se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion de l'employeur ; qu'en relevant encore, pour dire que la société Pages jaunes a commis une faute privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, que les différents apports financiers de la société Pages jaunes à la société holding ont « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques » alors que le marché sur lequel elle intervient évoluait, que, selon l'expert-comptable du comité central d'entreprise, la société s'était retrouvée dans l'incapacité de financer « les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée et les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 » et que cet expert-comptable avait également souligné « la tardiveté et l'insuffisance » de la réorganisation lancée en 2011, la cour d'appel a outrepassé ses pouvoirs en prétendant pouvoir apprécier, à la place de l'employeur, les mesures de gestion à prendre face aux évolutions du marché ; qu'elle a en conséquence violé la liberté d'entreprendre protégée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et l'article L. 1233-3 du code du travail ; 3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la faute de l'employeur privant le licenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse résulte, au-delà de la simple erreur de gestion, de la violation d'une prescription légale ou d'une décision prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner ; qu'en relevant, pour reprocher à la société Pages jaunes d'avoir commis une faute « ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion », que les différents apports financiers de la société Pages jaunes à la société holding ont « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques » alors que l'essor du marché « V... » nécessitait de proposer des prestations spécialisées et adaptées, sans même préciser le montant des investissements réalisés par la société Pages jaunes, ni expliquer en quoi les investissements opérés par la société Pages jaunes étaient manifestement insuffisants face aux évolutions du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 4. ALORS QUE la faute de l'employeur privant le licenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse résulte, au-delà de la simple erreur de gestion, de la violation d'une prescription légale ou d'une décision prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner ; qu'en relevant encore, pour considérer que la société Pages jaunes a commis une faute que, selon l'expert-comptable du comité central d'entreprise, la société Pages jaunes était dans l'incapacité de financer « les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant », sans s'expliquer sur la nature de ces « barrières à l'entrée » dont l'absence de mise en oeuvre aurait présenté un caractère incontournable compte tenu des évolutions du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 5. ALORS QUE pour retenir qu'un licenciement motivé par une réorganisation de l'entreprise n'a pas de cause économique réelle et sérieuse, sans remettre en cause la nécessité de cette réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, le juge doit caractériser le lien de causalité entre les fautes ou comportements blâmables imputés à l'employeur et les menaces qui pèsent sur la compétitivité de l'entreprise et imposent sa nécessaire réorganisation ; qu'en l'espèce, pour motiver les licenciements, la société Pages jaunes expliquait que son organisation héritée des besoins de l'annuaire papier et marquée par une même approche commerciale pour tous les secteurs d'activité était devenue inadaptée à la nouvelle configuration du marché de la publicité sur internet, du fait principalement d'un manque de spécialisation des équipes commerciales et marketing qui ne permettait pas de répondre aux attentes et besoins nouveaux des annonceurs ; que, dans son rapport, l'expert-comptable du comité central d'entreprise ne remettait pas en cause l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise et la nécessité de la modifier, reconnaissant ainsi que « la transformation du groupe pour une meilleure adéquation au marché est une condition qui s'impose » et que « l'organisation est assurément un point crucial du changement » (p. 122) ; qu'en se bornant cependant à relever, pour dire que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, que la mise à disposition de liquidités en 2006 et le versement continu de dividendes opéré jusqu'en 2011 par la société Pages jaunes, auraient « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques », sans mettre en évidence le lien de causalité entre l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise aux évolutions du marché et les versements opérés au profit de la société holding ou même un éventuel manque d'investissement effectué par la société Pages jaunes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 6. ALORS QU' il appartient à celui qui invoque une faute ou une légèreté blâmable de l'employeur pour contester le motif économique d'un licenciement d'apporter la preuve de cette faute et du lien de causalité entre cette faute et le motif économique du licenciement ; qu'en reprochant à la société Pages jaunes de ne pas la « mettre en mesure de considérer que l'inadaptation [de son organisation aux évolutions du marché] ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite LBO ( ) de financer les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 », cependant qu'il appartenait au salarié de démontrer que le manque de compétitivité de l'entreprise résultait de la faute imputée à l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 (devenu 1353) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 1233-3 du code du travail ; 7. ALORS QUE les décisions préjudiciables à une filiale, prises à l'initiative et dans le seul intérêt la société mère ou de l'actionnaire du groupe et ayant contraint cette filiale à prononcer des licenciements pour motif économique, engagent la responsabilité délictuelle de la société mère ou de l'actionnaire qui doit alors indemniser les salariés licenciés de la perte de leur emploi ; que ces mêmes décisions ne peuvent, en conséquence, être imputées à faute à la filiale pour justifier sa condamnation à verser aux salariés licenciés des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant cependant, pour condamner la société Pages jaunes à verser au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui imputer à faute les décisions de mise à disposition de liquidités à sa holding nécessaires pour assurer le remboursement par cette dernière de l'emprunt contracté lors du rachat de la société Pages jaunes, en expliquant que ces décisions étaient « préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion », la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Pages jaunes, demanderesse au pourvoi n° G 18-23.033 Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Pages jaunes à verser à M. L... la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement à l'organisme concerné des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités ; AUX MOTIFS QUE « En vertu de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Il est admis que le licenciement économique justifié par la sauvegarde de la compétitivité repose sur une cause réelle et sérieuse à moins que la nécessité de cette sauvegarde ait pour origine la fraude, la légèreté blâmable, ou la faute de l'employeur dès lors que celle-ci, qui ne se confond pas avec la simple erreur de gestion, est caractérisée par des décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables à lui-même. Les éléments comptables versés aux débats établissent que la société Pages Jaunes SA, est une filiale à 100 % au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce, de Pages Jaunes Groupe, aujourd'hui dénommé Solocal. Le 11 octobre 2006, 54 % du capital et des droits de vote de Pages Jaunes Groupe détenus par la société France Télécom devenue Orange, ont été vendus pour 3 312 000 000 euros, à une société Médiannuaire Holding propriété à 80 % des sociétés KKR Europ II LTD et KKR Millenium LTD et à 20 % de la division « Principal Investment Area » du Groupe Goldmann Sachs, dans le cadre d'une opération de rachat d'entreprise par endettement dite « LBO » pour « leverage buy-out », la holding ayant contracté un emprunt bancaire pour financer à 84 % l'acquisition en cause. Dans le cadre de cette opération, les dividendes versés par la société acquise étaient destinés à assurer le remboursement de l'emprunt. Du rapport de l'expert comptable du comité d'entreprise de la société Pages Jaunes (P.'47), il résulte que très peu de temps après cette cession, et plus précisément le 24 novembre 2006, la société Pages Jaunes Groupe a procédé à une distribution exceptionnelle de 2,5 milliards d'euros, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été, dans le cadre de l'imbrication avec sa filiale à 100 %, en grande partie prélevés sur des postes de réserves figurant au bilan de la société Pages Jaunes SA, celle-ci ayant par la suite continué de financer des versements de dividendes jusqu'en 2011, l'expert comptable du Comité d'entreprise relevant sans être démenti (page 71) que les dividendes reçus par Solocal étaient constitués en moyenne et à plus de 98 % par les dividendes de Pages jaunes SA, soit environ 300 millions d'euros sur huit ans. De même résulte-t-il du rapport susvisé que Pages Jaunes Groupe a également emprunté à sa filiale en 2006, un montant total de 580 millions d'euros. En page 32 du rapport il est aussi rappelé que la situation de pages Jaunes SA, est indissociable de celle du groupe dont elle est filiale à 100 %, dès lors que 99 % de la marge brute du groupe qui permet de payer les intérêts de la dette et de rembourser les échéances proviennent de Pages Jaunes SA, ce que l'employeur confirme en affirmant « l'importance écrasante de Pages Jaunes SA à l'échelle du Groupe » (page 41 de ses conclusions). Par ailleurs, sans que cette conclusion soit contredite, il est affirmé page 34 du rapport susvisé, que « Pages Jaunes a engrangé entre 2008 et 2012 environ 2 milliards d'euros de résultat d'exploitation cumulés qui ont été confisqués pour être détournés de l'entreprise pour payer des intérêts bancaires et rembourser une dette héritée du montage en « LBO » organisée par les actionnaires du groupe ». Compte tenu de l'imbrication de la société Pages Jaunes SA avec le Groupe Pages Jaunes, cette utilisation des ressources financières du groupe, dont il a été rappelé qu'elles étaient constituées essentiellement par les ressources financières de la société Pages Jaunes SA, n'a été possible que parce que cette dernière, a accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding, laquelle a ainsi asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques, alors même que l'employeur évoque expressément, particulièrement depuis 2008, à un moment où se perpétue la distribution de dividendes, l'essor d'un marché « V... » nécessitant de proposer des prestations spécialisées et adaptées et la multiplication d'entreprises au modèle innovant ou spécialisées ayant une activité concurrentielle. Si une ébauche de transformation et d'adaptation a été lancée en 2011 avec le projet dit « Jump », pour répondre au besoin de spécialisation du marché, force est de relever que le rapport remis au comité d'entreprise (page 120) qu'aucun élément ne vient contredire, souligne la tardiveté et l'insuffisance de cette restructuration, dont il convient de remarquer qu'elle a coïncidé avec la décision de ne plus affecter les liquidités à la distribution de dividendes. La société Pages Jaunes évoque dans la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige, l'inadaptation de son organisation à la nouvelle configuration du marché de la publicité et la dégradation de la situation économique qui s'en est suivie, fondant sur ce constat les mesures nécessaires en 2014 à la sauvegarde de la compétitivité, en particulier la mise en oeuvre du licenciement de M. L.... Cependant, elle ne met pas la cour en mesure de considérer que cette inadaptation ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite « LBO » ci-dessus décrite, du fait, de la mise à disposition de ses liquidités en 2006 et des versements continus de dividendes opérés jusqu'en 2011, de financer, ainsi que le relève l'expert comptable du comité d'entreprise, les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008. Dès lors le péril encouru en 2014 par la compétitivité de l'entreprise au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement et relevé tant par l'employeur que par l'expert comptable du comité d'entreprise qui souligne le caractère obsolète du modèle opérationnel, et « le changement de paradigme de la publicité en ligne » modifiant la structure du marché et imposant ses règles, n'est pas dissociable de la faute de la société Pages Jaunes SA dès lors que celle-ci est caractérisée par des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires, ces décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire, et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion. Dans ces conditions, le licenciement de M. L... doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris devant être infirmé sur ce point » ; 1. ALORS QUE la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement, sauf si la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ; que dès lors que le droit des sociétés donne aux actionnaires d'une société le droit de percevoir des dividendes sur le bénéfice distribuable et autorise une société à consentir des prêts à une autre société du groupe auquel elle appartient, seul un abus dans la distribution de dividendes ou l'octroi d'un prêt à une autre société du groupe peut caractériser une faute ; que, par ailleurs, aucune disposition légale n'interdit les opérations de rachat de société réalisées via le mécanisme de « leverage buy-out », consistant à acquérir une société cible par l'intermédiaire d'une holding qui, pour financer tout ou partie du rachat, contracte un emprunt dont elle assurera le remboursement grâce aux dividendes versés par la société cible sur les bénéfices réalisés par cette dernière ; que pour retenir que la société Pages jaunes a commis une faute privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a essentiellement relevé qu'elle a été rachetée en 2006 dans le cadre d'une opération de LBO et qu'elle a « accepté de prendre des décisions permettant de nourrir les besoins de sa holding » pour payer les intérêts bancaires et rembourser la dette contractée par la holding, en mettant ses liquidités à la disposition de son actionnaire en 2006, en lui accordant deux emprunts d'un montant de 580 millions d'euros et en lui versant chaque année jusqu'en 2011 des dividendes à hauteur d'environ 300 millions d'euros ; qu'en se fondant sur ces seules considérations, sans jamais faire ressortir que les transferts financiers, sous forme de dividendes ou de prêts, de la société Pages jaunes vers la holding présentaient un caractère abusif pour intervenir dans des proportions manifestement anormales au regard de la situation économique et financière de la société Pages jaunes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 2. ALORS QUE la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement, sauf si la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ; que le juge ne peut, ni pour apprécier la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ni pour apprécier l'existence d'une faute ou légèreté blâmable de l'employeur, se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion de l'employeur ; qu'en relevant encore, pour dire que la société Pages jaunes a commis une faute privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, que les différents apports financiers de la société Pages jaunes à la société holding ont « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques » alors que le marché sur lequel elle intervient évoluait, que, selon l'expert-comptable du comité central d'entreprise, la société s'était retrouvée dans l'incapacité de financer « les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée et les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 » et que cet expert-comptable avait également souligné « la tardiveté et l'insuffisance » de la réorganisation lancée en 2011, la cour d'appel a outrepassé ses pouvoirs en prétendant pouvoir apprécier, à la place de l'employeur, les mesures de gestion à prendre face aux évolutions du marché ; qu'elle a en conséquence violé la liberté d'entreprendre protégée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et l'article L. 1233-3 du code du travail ; 3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la faute de l'employeur privant le licenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse résulte, au-delà de la simple erreur de gestion, de la violation d'une prescription légale ou d'une décision prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner ; qu'en relevant, pour reprocher à la société Pages jaunes d'avoir commis une faute « ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion », que les différents apports financiers de la société Pages jaunes à la société holding ont « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques » alors que l'essor du marché « V... » nécessitait de proposer des prestations spécialisées et adaptées, sans même préciser le montant des investissements réalisés par la société Pages jaunes, ni expliquer en quoi les investissements opérés par la société Pages jaunes étaient manifestement insuffisants face aux évolutions du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 4. ALORS QUE la faute de l'employeur privant le licenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse résulte, au-delà de la simple erreur de gestion, de la violation d'une prescription légale ou d'une décision prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner ; qu'en relevant encore, pour considérer que la société Pages jaunes a commis une faute que, selon l'expert-comptable du comité central d'entreprise, la société Pages jaunes était dans l'incapacité de financer « les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant », sans s'expliquer sur la nature de ces « barrières à l'entrée » dont l'absence de mise en oeuvre aurait présenté un caractère incontournable compte tenu des évolutions du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 5. ALORS QUE pour retenir qu'un licenciement motivé par une réorganisation de l'entreprise n'a pas de cause économique réelle et sérieuse, sans remettre en cause la nécessité de cette réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, le juge doit caractériser le lien de causalité entre les fautes ou comportements blâmables imputés à l'employeur et les menaces qui pèsent sur la compétitivité de l'entreprise et imposent sa nécessaire réorganisation ; qu'en l'espèce, pour motiver les licenciements, la société Pages jaunes expliquait que son organisation héritée des besoins de l'annuaire papier et marquée par une même approche commerciale pour tous les secteurs d'activité était devenue inadaptée à la nouvelle configuration du marché de la publicité sur internet, du fait principalement d'un manque de spécialisation des équipes commerciales et marketing qui ne permettait pas de répondre aux attentes et besoins nouveaux des annonceurs ; que, dans son rapport, l'expert-comptable du comité central d'entreprise ne remettait pas en cause l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise et la nécessité de la modifier, reconnaissant ainsi que « la transformation du groupe pour une meilleure adéquation au marché est une condition qui s'impose » et que « l'organisation est assurément un point crucial du changement » (p. 122) ; qu'en se bornant cependant à relever, pour dire que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, que la mise à disposition de liquidités en 2006 et le versement continu de dividendes opéré jusqu'en 2011 par la société Pages jaunes, auraient « asséché la source de financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques », sans mettre en évidence le lien de causalité entre l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise aux évolutions du marché et les versements opérés au profit de la société holding ou même un éventuel manque d'investissement effectué par la société Pages jaunes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 6. ALORS QU' il appartient à celui qui invoque une faute ou une légèreté blâmable de l'employeur pour contester le motif économique d'un licenciement d'apporter la preuve de cette faute et du lien de causalité entre cette faute et le motif économique du licenciement ; qu'en reprochant à la société Pages jaunes de ne pas la « mettre en mesure de considérer que l'inadaptation [de son organisation aux évolutions du marché] ne résulte pas de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait depuis 2006 et l'opération dite LBO ( ) de financer les évolutions nécessaires à la mise en place de barrières à l'entrée dans un marché évoluant très rapidement et de faire les indispensables investissements en recherche et développement depuis 2008 », cependant qu'il appartenait au salarié de démontrer que le manque de compétitivité de l'entreprise résultait de la faute imputée à l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 (devenu 1353) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 1233-3 du code du travail ; 7. ALORS QUE les décisions préjudiciables à une filiale, prises à l'initiative et dans le seul intérêt la société mère ou de l'actionnaire du groupe et ayant contraint cette filiale à prononcer des licenciements pour motif économique, engagent la responsabilité délictuelle de la société mère ou de l'actionnaire qui doit alors indemniser les salariés licenciés de la perte de leur emploi ; que ces mêmes décisions ne peuvent, en conséquence, être imputées à faute à la filiale pour justifier sa condamnation à verser aux salariés licenciés des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant cependant, pour condamner la société Pages jaunes à verser au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui imputer à faute les décisions de mise à disposition de liquidités à sa holding nécessaires pour assurer le remboursement par cette dernière de l'emprunt contracté lors du rachat de la société Pages jaunes, en expliquant que ces décisions étaient « préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion », la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail.
Si la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation, l'erreur éventuellement commise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute
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SOC. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation partielle sans renvoi M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 976 F-P+B sur le premier moyen Pourvoi n° Q 19-11.865 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 La société Distribution matériaux bois panneaux (DMBP), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-11.865 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2018 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud homale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. Q... C..., domicilié [...] , 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Distribution matériaux bois panneaux, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. C..., après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 décembre 2018), M. C... a été engagé le 6 janvier 2014 par la société Distribution matériaux bois panneaux (la société), en qualité de technico-commercial. Le 13 décembre 2014, le salarié a informé son employeur de son élection aux fonctions d'adjoint délégué au sport de la commune de Bouguenais le 20 novembre précédent. Une convention de rupture conventionnelle a été signée (par les parties) le 10 décembre 2015 et homologuée tacitement par la Direccte. Le contrat de travail a pris fin le 26 janvier 2016. 2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 10 mai 2016, d'une demande d'annulation de la rupture conventionnelle pour absence d'autorisation de la Direccte malgré son statut de salarié protégé et obtenir le règlement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, de salaire pendant la période de protection et d'indemnité de préavis. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de dire que la rupture conventionnelle du contrat de travail du salarié est nulle et de nul effet et, en conséquence, de la condamner à lui payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, de salaire pendant la période de protection, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de la condamner d'office à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois d'indemnités, alors : « 1°/ que selon les dispositions de l'article L. 1237-15 du code du travail, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail pour les seuls salariés bénéficiant d'une protection qui sont mentionnés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du même code ; qu'en jugeant dès lors, pour dire nulle et de nul effet la convention de rupture homologuée, que ‘'la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. C... a fait l'objet d'une homologation par l'inspecteur du travail et non d'une autorisation préalable alors même que l'employeur avait connaissance depuis le 13 novembre 2014, du mandat d'adjoint ‘'au sport'‘ de M. C... au sein de la commune de Bouguenais‘', cependant que l'adjoint au maire d'une commune d'au moins 10 000 habitants bénéficiant du statut de salarié protégé au titre de l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales ne compte pas au nombre des bénéficiaires mentionnés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés ; 2°/ et, subsidiairement, que lorsque le salarié bénéficie d'un mandat extérieur à l'entreprise, il pèse sur lui l'obligation d'informer l'employeur, au plus tard avant la rupture du contrat de travail, de l'actualité du mandat qu'il détient ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que le salarié avait informé la société, au cours de la procédure d'homologation de la rupture conventionnelle du contrat de travail, que son mandat d'adjoint au maire était toujours d'actualité, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1237-15 et L. 2411-1 du code du travail en leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales. » Réponse de la Cour 4. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015, lorsqu'ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, les élus mentionnés au premier alinéa du même article, soit les maires et les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins, sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a décidé que la rupture conventionnelle des maires et adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins qui n'ont pas cessé leur activité professionnelle devait être autorisée préalablement par l'inspecteur du travail. 5. Ayant relevé par ailleurs que le salarié avait, le 13 décembre 2014, informé son employeur de son élection aux fonctions d'adjoint délégué au sport de la commune de Bouguenais le 20 novembre précédent et constaté qu'en l'espèce, la rupture conventionnelle du contrat de travail du salarié avait fait l'objet d'une homologation par l'inspecteur du travail et non d'une autorisation préalable, la cour d'appel en a exactement déduit que cette rupture conventionnelle était nulle et produisait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur du salarié. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen ; Enoncé du moyen 7. La société fait grief à l'arrêt de la condamner d'office à rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois d'indemnités, alors « que le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité de la rupture du contrat de travail pour violation du statut protecteur ; qu'en la condamnant dès lors à rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage versées à M. C... dans la limite de deux mois d'indemnités, cependant qu'elle constatait que la rupture conventionnelle était nulle et produisait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du code du travail en sa rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause : 8. Aux termes de ce texte, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. 9. Pour condamner la société à rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois d'indemnités, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convenait d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail. 10. En statuant ainsi alors que le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait être ordonné en cas de nullité du licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Distribution matériaux bois panneaux à rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage versées à M. C... dans la limite de deux mois d'indemnités, l'arrêt rendu le 7 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit n'y avoir lieu à remboursement par la société Distribution matériaux bois panneaux au Pôle emploi concerné des indemnités de chômage versées au salarié ; Condamne M. C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Distribution matériaux bois panneaux. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. Q... C... est nulle et de nul effet et, en conséquence, d'AVOIR condamné la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux à payer à M. C... les sommes de 18.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 67.530 € bruts au titre de salaire pendant la période de protection, 4.502 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 450,20 € bruts au titre des congés payés y afférents, 1.100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 2.800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, d'AVOIR ordonné à la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux de remettre à M. C... les documents sociaux rectifiés conformes à la décision (bulletin de paie, certificat de travail, attestation pôle emploi), et ce, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard à compter du trentième jour et jusqu'au soixantième jour suivant le prononcé de la décision, et d'AVOIR condamné d'office la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux à rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage versé à M. C... dans la limite de deux mois d'indemnités, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la rupture du contrat : en vertu de l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales, les maires et les adjoints au maire des communes de 10.000 habitants au moins qui n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, sont considérés comme des salariés protégés au sens du Livre IV de la deuxième partie du code du travail ; que l'article L. 1237-15 du code du travail soumet le dispositif de la rupture conventionnelle à une autorisation préalable de l'inspecteur du travail au profit des salariés protégés visés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du même code ; qu'or, si l'article L. 1237-15 du code du travail relatif à la rupture conventionnelle est dans le Livre II de la première partie du code du travail, il renvoie cependant aux salariés protégés visés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du Livre IV du même code, de telle sorte que la rupture conventionnelle des maires et adjoints au maire des communes de 10.000 habitants au moins qui n'ont pas cessé leur activité professionnelle doit être autorisée préalablement par l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce, la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. C... a fait l'objet d'une homologation par l'inspecteur du travail et non d'une autorisation préalable alors même que l'employeur avait connaissance depuis le 13 novembre 2014, du mandat d'adjoint « au sport » de M. C... au sein de la commune de Bouguenais ; qu'en conséquence, cette rupture conventionnelle est nulle et produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur du salarié ; que M. C..., qui ne demande pas la réintégration dans son emploi, a donc droit aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre la date de son éviction le 20 janvier 2016 et la date qui aurait été celle de la fin de sa période de protection s'il n'avait pas été licencié, soit le 20 novembre 2020, dans la limite de la durée de protection accordée aux représentants du personnel, soit dans la limite de 30 mois de salaire ; que la moyenne des 12 derniers mois de travail étant plus favorable que la moyenne des 3 derniers mois, il convient de retenir un salaire de référence d'un montant de 2.251 € et de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont alloué à M. C... la somme de 67.530 € ; que M. C... bénéficiant de plus de 2 années d'ancienneté, il pouvait prétendre à un préavis de 2 mois en application de la convention collective de matériaux de construction et négoce ; qu'il convient donc de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont condamné la société DMBP à payer à M. C... la somme de 4.502 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 450,20 € bruts au titre des congés payés afférents ; que, sur la demande de dommages et intérêts : il est constant que le salarié licencié sans autorisation administrative, alors que celle-ci était nécessaire, a vocation à obtenir, d'une part, une somme correspondant aux salaires qu'il aurait perçus pendant la période comprise entre son éviction et l'expiration de sa période de protection et, d'autre part à l'indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement, au moins égale en toute hypothèse à l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail ; que M. C... était âgé de 50 ans au jour de la prise d'effet de la rupture conventionnelle ; qu'il justifie avoir perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi ; qu'il a travaillé à temps partiel pour une durée déterminée du 28 novembre 2016 au 12 mai 2017 en qualité de « chargé d'assistance » pour un salaire mensuel brut de 1.203,71 € ; qu'il bénéficie d'une formation au diplôme d'état d'accompagnant éducatif et social du 3 septembre 2018 au 28 juin 2019 ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société DMBP à verser à M. C... la somme de 18.000 € à titre de d'indemnité en réparation du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement ; que, sur les frais irrépétibles : l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; que la société DMBP qui succombe en appel, doit être condamnée à indemniser le salarié intimé des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la demande de dire que la rupture conventionnelle est nulle et de nul effet : Vu la loi du 31 mars 2015 n° 2015-636 visant à faciliter l'exercice par les élus locaux de leur mandat a modifié l'article L. 2123-9 du Code général des collectivités territoriales ; Vu l'article L2139-6 du Code général des collectivités territoriales : « les maires, d'une part , ainsi que les adjoints au maire des communes de 10.000 habitants au moins, d'autre part, qui, pour l'exercice de leur mandat, ont cessé d'exercer leur activité professionnelle, bénéficient, s'il sont salariés, des dispositions des articles L. 3142-60 à L. 3142-64 du code du travail relatives aux droits des salariés élus membres de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le droit à réintégration prévu à l'article L. 3142-61 du même code est maintenu aux élus mentionnés au premier alinéa du présent article jusqu'à l'expiration de deux mandats consécutifs. L'application de L'article L. 3142-62 du code du travail prend effet à compter du deuxième renouvellement du mandat. Lorsqu'ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, les élus mentionnés au premier alinéa du présent article sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail » ; que les articles L. 2411-l et L. 2411-2 du code du travail sont les deux premiers articles du livre IV de la deuxième partie du code du travail ; que Vu l'article L1237-15 du Code du travail, qui prévoit en effet que la convention de rupture est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail ; que M. C... avait informé par courriel le 13 novembre 2014 sa responsable commerciale de son investissement au sein du Conseil Municipal de sa commune ; que M. C... a transmis par courrier avec accusé de réception le 9 décembre 2014 la copie de l'extrait du registre des délibération du conseil municipal en date du 20 novembre 2014, le proclamant adjoint délégué au sport de la commune de Bouguenais ; que la commune de Bouguenais compte plus de 10.000 habitants, et que M. C... occupait un poste d'adjoint délégué au sport, et de ce fait bénéficiait de la protection et la rupture de son contrat de travail ne pouvait avoir lieu qu'après autorisation de l'administration ; que la SAS DMBP devait solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail sur le fondement de l'article L 1237-15 du code du travail ; que, lorsqu'une rupture conventionnelle est conclu avec un salarié protégé, la rupture conventionnelle encourt une nullité lorsque l'inspecteur n'a pas été saisi pour autorisation ; qu'en l'espèce la SAS DMBP a omis de solliciter la demande d'autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'en conséquence le conseil de prud'hommes dit et juge que la rupture conventionnelle régularisée entre M. C... et la SAS DMBP est nulle et de nul effet, et dit que cette rupture s'analyse en un licenciement nul et en produit les effets ; que, sur les dommages et intérêts pour licenciement nul : Vu l'article L. 1235-3 du code du travail qui dispose que : « si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut prononcer la réintégration du salarié dans l'entreprise , avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L1234-9 » ; qu'il est constant que le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à 6 mois de salaire, conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail ; qu'en l'espèce le Conseil de Prud'hommes dit que la rupture du contrat de travail de M. C... produit les effets d'un licenciement nul ; qu'en conséquence le conseil de prud'hommes condamne la SAS DMBP à payer à M. C..., la somme de 18.000 € net au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ; que sur le versement du salaire pendant la période de protection : le conseil de prud'hommes dit que la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. C... est nulle et nul d'effet et que cette rupture s'analyse en un licenciement nul, car fondée sur une omission de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail, que cette omission caractérise une violation du statut protecteur ; qu'il est constant que l'indemnité pour violation du statut protecteur due au salarié est égale à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la rupture ; qu'en l'espèce M. C... a été désigné officiellement par délibération du conseil municipal en date du 20 novembre 2014 ; que son mandat à vocation à prendre fin en mai 2020 ; que l'indemnité pour violation du statut protecteur ne peut excéder 30 mois ; qu'en conséquence le conseil de prud'hommes condamne la SAS DMBP à payer à M. C... la somme de 67.530 € bruts soit (2.251 € x 30 mois) au titre de salaire pendant la période de protection ; que, sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents : Vu L. 1234-1 du code du travail qui dispose que : « lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave ; le salarié a droit : 1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou 'à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ; 2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus entre six mois et moins de 2 ans, à un préavis d'un mois ; 3° S'il justifie chez le même, employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins 2 ans, à un préavis de deux mois. Toutefois les dispositions des 2° et 3° ne sont pas applicables que si la loi, la convention ou 1'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié » ; Vu la convention Collective de Matériaux de construction et de Négoce, qui prévoit pour la catégorie ouvrier et ETAM un préavis de 2 mois pour une ancienneté de plus de 2 ans ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes dit que la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. C... est nulle, et produit les effets d'un licenciement nul ; que M. C... a plus de 2 années d'ancienneté, il peut prétendre à un préavis de 2 mois ; qu'en conséquence, le conseil de prud'hommes condamne la SAS DMBP à payer à M. C... la somme de 4.502 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 450,20 € bruts au titre de congés payés afférents ; que, sur la demandé de fixer la moyenne mensuelle brute : en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne mensuelle des salaires sera fixée à la somme de 2.251 € bruts ; que, sur les intérêts au taux légal, outre l'anatocisme (art. 1153 et 1154 du code civil) : les intérêts au taux légal sur les condamnations ci-dessus sont de droit mais qu'il y a lieu de déterminer, en fonction de la nature des sommes allouées, la date à partir de laquelle ils doivent courir ; que s'agissant des sommes à caractère salarial, il y a lieu de les accorder à compter de la date de saisine du conseil, soit le 15 juin 2016 ; que par contre, en ce qui concerne les sommes à caractère indemnitaire, le Conseil de Prud'hommes dit que les intérêts ne courront qu'à compter de la date du prononcé du présent jugement soit le 22 juin 2017 ; que, sur la capitalisation des intérêts : la partie demanderesse sollicite le bénéfice des dispositions de l'article 1154 du Code civil (modifié par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) ; Vu l'article 1343-2 du code civil, créé par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 en son article 3 : « les intérêts échus, dus au moins pour une année entière produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise » ; que, sur la remise des documents sociaux sous astreinte de 75 € par ,jour de retard suivant la notification de la décision, le conseil se réservant le pouvoir de liquider cette astreinte : tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision en vertu du 1er alinéa de l'article 33 de la loi du 9/07/1991 ; que l'astreinte est une condamnation pécuniaire destinée à vaincre la résistance du débiteur de l'obligation ; qu'en vertu du 3ème alinéa de l'article 34 de la Loi du 9/07/1991 une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire ; que le conseil de prud'hommes dans la présente instance n'a pas encore ordonné d'astreinte ; que le conseil de prud'hommes décide d'ordonner une astreinte provisoire ; que le conseil ordonne à la SAS DMBP de remettre à M. C... les pièces suivantes : le bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi, conformes à la décision ci-dessus sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 30ème jour jusqu'au 60ème jour suivant le prononcé du présent jugement ; que, dit que le conseil de prud'hommes se réserve expressément le pouvoir de liquider cette astreinte provisoire, charge à la partie intéressée d'en formuler la demande au greffe ; que, sur les dépens : l'article 696 du code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie » ; que le conseil de Prud'hommes condamne la SAS DMBP aux dépens éventuels ; que, sur les demandes principale et reconventionnelle formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile : Vu l'article 700 du code de procédure civile ; que le conseil de prud'hommes fait droit à la totalité des prétentions de la partie demanderesse et condamne la partie défenderesse aux dépens, il y a lieu d'allouer à la partie demanderesse la somme de 1.100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ce à quoi ne s'opposent ni l'équité, ni la situation économique de la partie défenderesse et de débouter cette dernière de sa demande formée au même titre ; que, vu l'article R. 1454-28 du code du travail qui énonce qu'est de droit exécutoire à titre provisoire le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaires, calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaires ; que cette moyenne est mentionnée dans le jugement ; que le conseil de prud'hommes estime devoir, compte tenu de la nature de l'affaire, limiter l'exécution provisoire à l'exécution provisoire de droit définie à l'article R. 1454-28 du code du travail ; que, sur le remboursement des indemnités de Pôle Emploi : le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins 11 salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ; que le conseil de prud'hommes condamne la SAS DMBP à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versé à M. C... dans la limite de 2 mois d'indemnités ; 1) ALORS QUE selon les dispositions de l'article L. 1237-15 du code du travail, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail pour les seuls salariés bénéficiant d'une protection qui sont mentionnés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du même code ; qu'en jugeant dès lors, pour dire nulle et de nul effet la convention de rupture homologuée, que « la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. C... a fait l'objet d'une homologation par l'inspecteur du travail et non d'une autorisation préalable alors même que l'employeur avait connaissance depuis le 13 novembre 2014, du mandat d'adjoint « au sport » de M. C... au sein de la commune de Bouguenais », cependant que l'adjoint au maire d'une commune d'au moins 10.000 habitants bénéficiant du statut de salarié protégé au titre de l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales ne compte pas au nombre des bénéficiaires mentionnés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés ; 2) ET ALORS, subsidiairement, QUE lorsque le salarié bénéficie d'un mandat extérieur à l'entreprise, il pèse sur lui l'obligation d'informer l'employeur, au plus tard avant la rupture du contrat de travail, de l'actualité du mandat qu'il détient ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que le salarié avait informé l'exposante, au cours de la procédure d'homologation de la rupture conventionnelle du contrat de travail, que son mandat d'adjoint au maire était toujours d'actualité, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1237-15 et L. 2411-1 du code du travail en leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné d'office la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux à rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage versé à M. C... dans la limite de deux mois d'indemnités et, en conséquence, d'AVOIR condamné la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux à payer à M. C... les sommes de 1.100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 2.800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ; AUX SEULS MOTIFS ADOPTES QUE, sur le remboursement des indemnités de Pôle Emploi : le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins 11 salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ; que le conseil de prud'hommes condamne la SAS DMBP à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versé à M. C... dans la limite de 2 mois d'indemnités ; ALORS QUE le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité de la rupture du contrat de travail pour violation du statut protecteur ; qu'en condamnant dès lors l'exposante à rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage versé à M. C... dans la limite de deux mois d'indemnités, cependant qu'elle constatait que la rupture conventionnelle était nulle et produisait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du code du travail en sa rédaction applicable au litige.
Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015, lorsqu'ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, les élus mentionnés au premier alinéa du même article, soit les maires et les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins, sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a décidé que la rupture conventionnelle des maires et adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins, qui n'ont pas cessé leur activité professionnelle, devait être autorisée préalablement par l'inspecteur du travail. Ayant relevé par ailleurs que le salarié avait, le 13 décembre 2014, informé son employeur de son élection aux fonctions d'adjoint délégué au sport de la commune de Bouguenais le 20 novembre précédent et constaté qu'en l'espèce, la rupture conventionnelle du contrat de travail du salarié avait fait l'objet d'une homologation par l'inspecteur du travail et non d'une autorisation préalable, la cour d'appel en a exactement déduit que cette rupture conventionnelle était nulle et produisait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur du salarié
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SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 977 F-P+B sur le 2e moyen Pourvoi n° Q 19-12.279 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 M. V... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-12.279 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Galloo Littoral, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. H..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Galloo Littoral, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 décembre 2018), M. H... a été engagé le 8 septembre 2008 par la société [...] dont le dirigeant était M. T... et, après son licenciement pour motif économique le 30 septembre 2009, est entré à compter du 1er novembre 2010 au service de la société établissements [...] , en qualité de cadre commercial. Aux termes de son contrat de travail, le salarié était soumis à une clause de non concurrence. La société Almetal France, filiale du groupe Galloo Recycling, a pris une participation dans la société établissements S... T..., représentant 50 % du capital de cette dernière et a, selon le même procédé, repris 50 % du capital de la société [...] . Le 26 novembre 2010, M. T... et le président de Galloo Recycling, ont créé, à parts égales, la société [...] , détenue à 50 % par M. T..., à titre personnel et à 50 % par la société Almetal, dont M. T... est devenu directeur général, cumulant cette fonction avec celle de président de la société établissements S... T.... Le 30 avril 2011, M. T... a quitté le groupe en cédant l'intégralité de ses parts à la société Almetal. Les sociétés [...] et [...] , désormais détenues entièrement par le groupe Galloo Recycling, sont respectivement devenues les sociétés Galloo Littoral et Almetal - Ile de France. M. H... qui a sollicité l'organisation d'élections pour la désignation de délégués du personnel au sein de la société Galloo Littoral (la société), celle-ci comportant moins de cinquante salariés, a été élu délégué du personnel titulaire le 24 juin 2011 et désigné, le 22 juillet 2011, en qualité de délégué syndical pour le collège cadres-agents de maîtrise. Le 25 octobre 2011, il a été désigné en qualité de délégué syndical au sein de l'unité économique et sociale constituée des différentes sociétés de l'ancien groupe [...]. Cette désignation a été contestée par les sociétés du groupe Galloo Littoral devant le tribunal d'instance, lequel, par jugement du 16 août 2012, a fait droit à leur demande. Le 28 octobre 2013, le salarié a démissionné de ses mandats de délégué du personnel et délégué syndical, à effet au 1er janvier 2014. Le 15 juillet 2014, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 juillet 2014. Après autorisation administrative de licenciement accordée le 29 septembre 2014, le salarié s'est vu notifier son licenciement pour motif économique le 6 octobre 2014. Par décision du 3 avril 2015, le ministre du travail a annulé l'autorisation de licenciement, considérant que l'inspection du travail n'était pas compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, dans la mesure où le mandat de délégué syndical détenu par le salarié avait nécessairement pris fin au terme de son mandat de délégué du personnel et que la protection s'y rattachant avait expiré à l'issue du délai de six mois suivant la cessation des mandats, soit avant que ne soit engagée la procédure de licenciement. Cette décision n'a donné lieu à aucun recours. 2. Le 31 juillet 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui, pris en ses première et troisième branches, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et, pris en sa deuxième branche, est irrecevable. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail était dépourvue de cause licite et ne pouvait produire effet à l'égard de la société, de rejeter, en conséquence, sa demande en paiement de la contrepartie financière liée à la clause de non-concurrence et de dire que la somme consignée par la société entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Douai devra lui être restituée, alors : « 1°/ qu'il faisait valoir, pour démontrer que les termes de la clause n'étaient ni exceptionnels ni liés au contexte de l'entrée au capital en 2010 du groupe Galloo, que plusieurs contrats contenant des clauses de non-concurrence identiques avaient été signés dès l'année 2003 au sein du groupe [...] ; qu'en retenant que la clause n'était pas conforme aux « usages » applicables au sein de l'entreprise, sans examiner ces pièces décisives, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ que la clause de non-concurrence litigieuse prévoyait une pénalité forfaitaire de 10 000 euros pour chaque infraction constatée à l'obligation de non-concurrence imposée au salarié ; qu'en retenant que cette pénalité était dérisoire au regard du montant de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence sans tenir compte, comme elle était invitée à le faire, du fait que la pénalité forfaitaire, dont le montant représentait trois mois de salaire, était susceptible de s'appliquer de façon multiple pour chaque infraction constatée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 [devenu 1103] du code civil et L. 1221-1 du code du travail ; 3°/ qu'en matière contractuelle, la bonne foi est présumée ; que la société employeur ne peut se prévaloir à l'égard du salarié de l'illicéité du but que son dirigeant poursuivait en signant le contrat ou en y insérant une clause particulière, s'il n'est pas établi que le salarié partageait ou connaissait ce but illicite ; qu'en déclarant nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail, au motif qu'elle ne pouvait avoir pour objet d'assurer une réelle protection de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial salarié et que M. T..., alors président de la société [...] ultérieurement devenue Galloo Littoral, aurait voulu octroyer à ses collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l'entreprise qui ne pouvait les assumer, la cour d'appel qui n'a pas constaté que M. H... partageait ou avait connaissance de l'objectif prétendument poursuivi par M. T..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article L. 1222-1 du code du travail ; 4°/ que serait-elle établie, la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas par elle-même une cause de nullité des engagements souscrits par le président d'une société par actions simplifiée à l'égard des tiers ; que la cour d'appel a affirmé, pour déclarer nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail, qu'elle ne pouvait avoir pour objet d'assurer une réelle protection de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial salarié et que M. T..., alors président de la société [...] ultérieurement devenue Galloo Littoral, aurait voulu octroyer à ses collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l'entreprise qui ne pouvait les assumer, de telle sorte que sa cause serait illicite ; qu'en statuant de la sorte, cependant que de tels faits à les supposer établis caractériseraient seulement un engagement contraire à l'intérêt social de la société, susceptible d'engager la responsabilité du dirigeant qui l'a souscrit mais non d'entraîner sa nullité, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et par refus d'application, l'article L. 227-6 du code de commerce interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 209/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, ayant codifié la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968 ; 5°/ que la cour d'appel a retenu que les usages normaux applicables au sein de l'entreprise étaient de prévoir une indemnité de non-concurrence égale à 60 % de la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé durant la même période ; que n'est pas dès lors pourvu d'une contrepartie dérisoire mais tout au plus lésionnaire, l'engagement de l'employeur à verser une indemnité égale à 100 % de la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé durant la même période en échange d'un engagement de non-concurrence sur deux départements ; qu'en déclarant nulle, comme ''dépourvue de cause licite'', la clause de non-concurrence litigieuse, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ; 6°/ que le créancier de l'obligation de non-concurrence peut, en cas de manquement, refuser le paiement de la contrepartie financière ou en exiger le remboursement ; qu'il peut également obtenir en justice qu'il soit enjoint au salarié de respecter la clause ; qu'en s'appuyant exclusivement, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage ''exorbitant'' au profit du salarié et était donc ''dépourvue de cause licite'', sur le caractère prétendument dérisoire de la sanction convenue en cas de manquement à l'obligation de non-concurrence, sans tenir compte des autres remèdes à l'inexécution dont disposait l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ; 7°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que le caractère éventuellement dérisoire de la clause pénale en cas de violation d'une obligation ne peut caractériser une absence de contrepartie sérieuse, dès lors que le créancier victime de l'inexécution peut obtenir du juge, nonobstant toute clause contraire, une augmentation de la peine convenue si elle est manifestement dérisoire ; qu'en s'appuyant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage ''exorbitant'' au profit du salarié et était donc nulle comme ''dépourvue de cause licite'', sur le caractère prétendument dérisoire de la sanction convenue en cas de manquement à l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel a, pour cette raison supplémentaire, statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ; 8°/ que l'existence d'une contrepartie non dérisoire de l'obligation est indépendante de son caractère excessif au regard de la situation financière du débiteur et de sa capacité, en conséquence, à l'assumer ; qu'en se fondant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage ''exorbitant'' au profit du salarié et était donc nulle comme ''dépourvue de cause licite'', sur le fait que la situation financière de la société employeur ne lui permettait pas de l'assumer, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi derechef sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ; 9°/ que la faculté offerte aux parties de renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence est indifférente pour apprécier le caractère dérisoire de la contrepartie ; qu'en se fondant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage ‘'exorbitant'‘ au profit du salarié, sur le fait qu'il n'était pas prévu une faculté de renonciation au profit de l'employeur, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a, pour cette raison supplémentaire, privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ; 10°/ que la lésion ne constitue pas, sauf exceptions prévues par la loi, une cause de nullité des conventions ; qu'en se fondant, pour déclarer nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de M. H..., sur le caractère prétendument déséquilibré, à l'avantage du salarié, de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1118 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; 11°/ qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; que le caractère indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise s'apprécie à l'égard de l'obligation de non concurrence elle-même et non de l'équilibre entre son étendue et la contrepartie financière qu'elle prévoit ; qu'en se fondant, pour déclarer illicite la clause de non-concurrence en tant qu'elle n'aurait pas pour objet d'assurer une ''réelle protection'' de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial confirmé, sur le caractère prétendument déséquilibré de la clause à l'avantage du salarié débiteur de l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants au regard des conditions de validité propres aux clauses de non concurrence, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 [devenu 1103] du code civil ; 12°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que seul le salarié peut se prévaloir de l'irrégularité de la clause de non-concurrence tirée de son caractère non indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise ; qu'en se fondant, pour déclarer illicite la clause de non-concurrence en tant qu'elle n'aurait pas pour objet d'assurer une ''réelle protection'' de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial confirmé, cependant que cette cause de nullité était invoquée par le seul employeur en vue de faire échec à la demande de paiement de la contrepartie financière convenue, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 [devenu 1103] du code civil ; 13°/ subsidiairement, que M. H... faisait valoir qu'il avait respecté la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de telle sorte que, même en supposant cette dernière nulle, le fait de l'avoir respectée lui avait causé un préjudice dont l'employeur lui devait réparation ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 14°/ en toute hypothèse, qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le respect de la clause litigieuse, à la supposer illicite, n'avait pas causé à M. H... un préjudice dont il était dès lors fondé à demander réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 [devenu 1240] du code civil et L. 1221-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a relevé que la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail prévoyait une indemnisation particulièrement importante au profit du salarié qui n'était justifiée ni par l'étendue géographique de l'obligation de non concurrence, se limitant à deux départements, ni par la durée de celle-ci, ni par la nature des fonctions exercées, que le contrat du salarié avait été établi à une époque où la société rencontrait d'importantes difficultés financières, attestées par les éléments financiers et comptables joints au dossier, que cette situation avait conduit son représentant légal à se rapprocher du groupe Galloo Recycling afin de trouver des financements, que l'embauche du salarié précédait de quelques jours seulement la conclusion du pacte d'associés entre M. T... et les sociétés Almetal et Galloo NV, prévoyant une prise de participation de ces dernières dans le capital des sociétés détenues par l'actionnaire historique, ce qui venait démontrer de façon irréfutable que M. T... avait alors parfaitement conscience de la situation financière critique de son entreprise, qu'en outre, ce dernier avait établi le contrat de travail comportant la clause de non-concurrence litigieuse cinq mois avant de quitter le groupe et quatre mois avant de céder l'intégralité de ses parts à la société Almetal et que, durant cette courte période, il avait également modifié par avenants quatre autres contrats de travail de proches collaborateurs afin d'y insérer la même clause de non-concurrence et que, dans le contexte économique décrit, de telles clauses, octroyant à chacun des salariés une compensation d'un montant disproportionné au regard des sujétions imposées et faisant, dans le même temps obligation à l'employeur de procéder à son paiement en un seul versement, sans faculté pour celui-ci de lever ladite clause, constituaient des avantages exorbitants tandis que la pénalité de 10 000 euros prévue en cas de violation de l'obligation par le salarié était dérisoire au regard de la somme versée. Elle a ainsi, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité du licenciement et de le débouter de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité égale aux salaires afférents à la période de protection, congés payés y afférents et dommages-intérêts pour licenciement nul, alors : « 1°/ que le licenciement d'un ancien délégué syndical qui a exercé ses fonctions pendant au moins un an ne peut, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; que cette règle s'applique quelles que soient les conditions de la désignation du délégué syndical, peu important notamment que celle-ci soit conditionnée, dans une entreprise de moins de cinquante salariés, à sa qualité de délégué du personnel ; que la cour d'appel a décidé que M. H... bénéficiait, à la suite de la cessation de ses mandats de délégué du personnel et de délégué syndical, de la protection d'une durée limitée à six mois applicable aux délégués du personnel, et ne pouvait se prévaloir d'une protection d'une durée de douze mois nonobstant le fait qu'il avait exercé les fonctions de délégué syndical pendant plus d'un an ; qu'en statuant de la sorte au motif inopérant que la désignation en qualité de délégué syndical était subordonnée à la qualité de délégué du personnel, dans la mesure où l'entreprise comptait moins de cinquante salariés, la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions combinées des articles L. 2143-6 et L. 2411-5 (dans sa rédaction applicable à la cause) du code du travail et par refus d'application, l'article L. 2411-3 du même code ; 2°/ que la décision du ministre du travail en date du 3 avril 2015 se bornait, dans son dispositif, à refuser l'autorisation de licenciement ; qu'en déclarant être liée par les motifs de ladite décision, selon lesquels M. H... aurait seulement pu se prévaloir de la protection de six mois suivant le terme de ses mandats en sa qualité de délégué du personnel, et non de la protection de douze mois en sa qualité de délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant plus d'un an, de telle sorte qu'il n'aurait pas eu la qualité de salarié protégé à la date où l'inspecteur du travail statuait, la cour d'appel a violé par fausse application la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de l'autorité de la chose décidée en matière administrative ; 3°/ subsidiairement que M. H... soutenait qu'était erroné en droit le raisonnement du ministre du travail, en ce qu'il avait estimé dans les motifs de sa décision que M. H... pouvait seulement se prévaloir de la protection de six mois suivant le terme du mandat en sa qualité de délégué du personnel, et non de la protection de douze mois en sa qualité de délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant plus d'un an ; que cette question étant sérieuse, la cour d'appel, dès lors qu'elle estimait que le juge judiciaire était incompétent pour apprécier la légalité de ces motifs, devait surseoir à statuer et renvoyer les parties à poser cette question par voie préjudicielle à la juridiction administrative ; qu'en s'abstenant de le faire, au motif inopérant qu'elle n'était pas formellement saisie d'une demande de renvoi devant la juridiction administrative, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de l'autorité de la chose jugée en matière administrative ; 4°/ qu'en statuant de la sorte, au motif erroné que la question de droit soulevée n'était pas sérieuse, la cour d'appel a aussi violé les articles L. 2143-6, L. 2411-5 (dans sa rédaction applicable à la cause) et L. 2411-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical. 8. Aux termes de l'article L. 2411-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance précitée, le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution. 9. Il résulte de ces textes que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel peut être désigné délégué syndical pour la durée de son mandat de délégué du personnel et que, donc, la protection supplémentaire est celle de six mois attachée à sa qualité de délégué du personnel et non celle d'un an attachée à la qualité de délégué syndical s'il a exercé plus d'un an. 10. En conséquence, la cour d'appel, qui a rappelé que seule la protection légale de six mois trouvait à s'appliquer et a constaté que le salarié avait été désigné, le 22 juillet 2011, en qualité de délégué syndical, quelques semaines après avoir été élu délégué du personnel titulaire et qu'il avait renoncé à ses deux mandats le 28 octobre 2013, ceux-ci prenant fin le 1er janvier 2014, en a exactement conclu que le salarié relevait du statut protecteur jusqu'au 30 juin 2014 et que, celui-ci ayant été convoqué à un entretien préalable à licenciement le 15 juillet 2014, soit après l'expiration du délai de protection, sa demande en nullité du licenciement pour violation du statut protecteur devait être écartée. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. H... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. H... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail était dépourvue de cause licite et ne pouvait produire effet à l'égard de la société GALLOO LITTORAL, d'AVOIR, en conséquence, rejeté la demande de Monsieur H... en paiement de la contrepartie financière liée à la clause de non-concurrence, et d'AVOIR dit que la somme de 85.137,75 € consignée par la société GALLOO LITTORAL entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Douai devra lui être restituée ; AUX MOTIFS QUE « Conformément aux dispositions des anciens articles 1108 et 1131 du code civil, applicables au litige, la validité d'un contrat est subordonnée à l'existence d'une cause licite dans l'obligation, de sorte qu'une obligation sans cause, fondée sur une cause fausse ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet. En l'espèce, il résulte des pièces versées au dossier que Monsieur V... H... a été engagé par la SAS [...] , ayant alors pour dirigeant Monsieur T..., en qualité de cadre commercial itinérant sur les départements du Nord et du Pas de Calais, ce, à compter du 1er novembre 2010. Le contrat de travail du salarié comporte une clause de non concurrence stipulant que: «compte tenu de la nature de ses fonctions de cadre commercial, placé directement sous la hiérarchie du Président de la SAS [...] , il s'engage à ne pas travailler après la résiliation du contrat pour quelque cause que ce soit, pendant une durée de vingt-quatre mois, pour une entreprise concurrente de la société [...] , c'est à dire une société exerçant le commerce de l'achat et la vente de ferrailles, métaux ferreux et non ferreux, qui serait établie dans les départements du Nord et du Pas de Calais» . En contrepartie de cette obligation, quel que soit le motif de la rupture et la partie qui en est à l'initiative, il est prévu que le salarié percevra «une indemnité spéciale forfaitaire égale à 100% des vingt-quatre derniers mois de salaires moyens cumulés», cette contrepartie étant «versée en une seule fois à compter de la fin du contrat». En cas de violation par le salarié de son obligation de non concurrence, ce dernier devra se voir appliquer «une pénalité de 10 000 euros ». Force est de constater, d'emblée, que cette clause prévoit une indemnisation particulièrement importante au profit du salarié qui n'est ni expliquée par l'étendue géographique de l'obligation de non concurrence (se limitant à 2 départements), ni par la durée de celle-ci, ni même encore, par la nature des fonctions exercées. Par ailleurs, elle ne comporte aucune disposition relative à la possibilité pour l'employeur de lever l'application de cette clause. Il y a lieu de rappeler que le contrat de Monsieur H... a été établi à une époque où la société rencontrait d'importantes difficultés financières, attestées par les éléments financiers et comptables joints au dossier. Il est constant que cette situation avait conduit son représentant légal à se rapprocher du groupe GALLOO RECYCLING afin de trouver des financements. L'embauche du salarié précède de quelques jours seulement la conclusion du pacte d'associés entre Monsieur T... et les sociétés ALMETAL et GALLO NV, prévoyant une prise de participation de ces dernières dans le capital des sociétés détenues par l'actionnaire historique, ce qui vient démontrer de façon irréfutable, que Monsieur T... avait alors parfaitement conscience de la situation financière critique de son entreprise. En outre, ce dernier a établi le contrat de travail comportant la clause de non concurrence litigieuse, cinq mois avant de quitter le groupe et quatre mois avant de céder l'intégralité de ses parts à la société ALMETAL (accord sur la cession de part formalisé le 22 mars 2011- cession réalisée le 4 mai 2011). Durant cette courte période, il est important de relever qu'il a également modifié par avenants, quatre autres contrats de travail de proches collaborateurs afin d'y insérer la même clause de non concurrence. Or, dans le contexte économique décrit, de telles clauses, octroyant à chacun des salariés une compensation d'un montant disproportionné au regard des sujétions imposées et faisant, dans le même temps obligation à l'employeur de procéder à son paiement en un seul versement, sans faculté pour celui-ci de lever ladite clause constituent des avantages exorbitants tandis que la pénalité de 10 000 euros prévue en cas de violation de l'obligation par le salarié est dérisoire au regard de la somme versée. A ce titre, la partie appelante démontre par la production de plusieurs contrats de travail (pièce 75 à 78), que l'insertion d'une telle clause était contraire aux usages applicables au sein de la société (indemnité n'excédant pas 6/10ème de mois de salaire, contrepartie payable mensuellement, faculté pour l'employeur de lever la clause). Ces éléments permettent d'en déduire que la clause contractuelle dont se prévaut Monsieur H... ne pouvait avoir pour objet d'assurer une réelle protection de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial salarié. Le fait que cette même clause ait été introduite, quelques semaines plus tard par avenants des 5 janvier 2011, dans les contrats de Monsieur K... U..., Madame E... Q..., Monsieur S... G... et de Monsieur L... J..., permet de se convaincre que Monsieur S... T... a voulu octroyer à ces collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l'entreprise qui ne pouvait les assumer. Ces constatations permettent de dire que la clause de non concurrence invoquée ne peut produire effet à l'égard de la société GALLOO LITTORAL dans la mesure où elle ne résulte pas d'une cause licite. Le jugement entrepris sera sur ce point réformé et il y aura lieu de dire que les sommes consignées à la CARPA, dans ce cadre, conformément à la décision de la cour d'appel de Douai en date du 19 janvier 2017, devront être restituées à la société GALLOO LITTORAL » ; 1°/ ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE Monsieur H... faisait valoir (ses conclusions, pages 18 & 22), pour démontrer que les termes de la clause n'étaient ni exceptionnels ni liés au contexte de l'entrée au capital en 2010 du groupe GALLOO, que plusieurs contrats contenant des clauses de non-concurrence identiques avaient été signés dès l'année 2003 au sein du groupe [...] (ses pièces n° 30, 32, 34 et 109) ; qu'en retenant que la clause n'était pas conforme aux « usages » applicables au sein de l'entreprise, sans examiner ces pièces décisives, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°/ ALORS, DE DEUXIÈME PART, QUE la clause de non-concurrence litigieuse prévoyait une pénalité forfaitaire de 10.000 € pour chaque infraction constatée à l'obligation de non-concurrence imposée au salarié ; qu'en retenant que cette pénalité était dérisoire au regard du montant de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence sans tenir compte, comme elle était invitée à le faire, (conclusions d'appel de Monsieur H..., page 23), du fait que la pénalité forfaitaire, dont le montant représentait trois mois de salaire, était susceptible de s'appliquer de façon multiple pour chaque infraction constatée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 [devenu 1103] du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ; 3°/ ALORS, DE TROISIÈME PART, QU' en matière contractuelle, la bonne foi est présumée ; que la société employeur ne peut se prévaloir à l'égard du salarié de l'illicéité du but que son dirigeant poursuivait en signant le contrat ou en y insérant une clause particulière, s'il n'est pas établi que le salarié partageait ou connaissait ce but illicite ; qu'en déclarant nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail, au motif qu'elle ne pouvait avoir pour objet d'assurer une réelle protection de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial salarié et que Monsieur T..., alors président de la société [...] ultérieurement devenue GALLOO LITTORAL, aurait voulu octroyer à ses collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l'entreprise qui ne pouvait les assumer, la cour d'appel qui n'a pas constaté que Monsieur H... partageait ou avait connaissance de l'objectif prétendument poursuivi par Monsieur T..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article L.1222-1 du code du travail ; 4°/ ALORS, DE QUATRIÈME PART, QUE serait-elle établie, la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas par elle-même une cause de nullité des engagements souscrits par le président d'une société par actions simplifiée à l'égard des tiers ; que la cour d'appel a affirmé, pour déclarer nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail, qu'elle ne pouvait avoir pour objet d'assurer une réelle protection de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial salarié et que Monsieur T..., alors président de la société [...] ultérieurement devenue GALLOO LITTORAL, aurait voulu octroyer à ses collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l'entreprise qui ne pouvait les assumer, de telle sorte que sa cause serait illicite ; qu'en statuant de la sorte, cependant que de tels faits à les supposer établis caractériseraient seulement un engagement contraire à l'intérêt social de la société, susceptible d'engager la responsabilité du dirigeant qui l'a souscrit mais non d'entraîner sa nullité, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1131 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause et par refus d'application, l'article L. 227-6 du Code de commerce interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 209/ 101/ CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, ayant codifié la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968 ; 5°/ ALORS, DE CINQUIÈME PART, QUE la cour d'appel a retenu que les usages normaux applicables au sein de l'entreprise étaient de prévoir une indemnité de non concurrence égale à 60 % de la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé durant la même période ; que n'est pas dès lors pourvu d'une contrepartie dérisoire mais tout au plus lésionnaire, l'engagement de l'employeur à verser une indemnité égale à 100 % de la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé durant la même période en échange d'un engagement de non-concurrence sur deux départements ; qu'en déclarant nulle, comme « dépourvue de cause licite », la clause de non concurrence litigieuse, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1131 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L.1221-1 du code du travail ; 6°/ ALORS, DE SIXIÈME PART, QUE le créancier de l'obligation de non-concurrence peut, en cas de manquement, refuser le paiement de la contrepartie financière ou en exiger le remboursement ; qu'il peut également obtenir en justice qu'il soit enjoint au salarié de respecter la clause ; qu'en s'appuyant exclusivement, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage « exorbitant » au profit du salarié et était donc « dépourvue de cause licite », sur le caractère prétendument dérisoire de la sanction convenue en cas de manquement à l'obligation de non-concurrence, sans tenir compte des autres remèdes à l'inexécution dont disposait l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L.1221-1 du code du travail ; 7°/ QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE le caractère éventuellement dérisoire de la clause pénale en cas de violation d'une obligation ne peut caractériser une absence de contrepartie sérieuse, dès lors que le créancier victime de l'inexécution peut obtenir du juge, nonobstant toute clause contraire, une augmentation de la peine convenue si elle est manifestement dérisoire ; qu'en s'appuyant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage « exorbitant » au profit du salarié et était donc nulle comme « dépourvue de cause licite », sur le caractère prétendument dérisoire de la sanction convenue en cas de manquement à l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel a, pour cette raison supplémentaire, statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L.1221-1 du code du travail ; 8°/ QUE l'existence d'une contrepartie non dérisoire de l'obligation est indépendante de son caractère excessif au regard de la situation financière du débiteur et de sa capacité, en conséquence, à l'assumer ; qu'en se fondant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage « exorbitant » au profit du salarié et était donc nulle comme « dépourvue de cause licite », sur le fait que la situation financière de la société employeur ne lui permettait pas de l'assumer, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi derechef sa décision de base légale au regard des articles 1131 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L.1221-1 du code du travail ; 9°/ ALORS, ENCORE, QUE la faculté offerte aux parties de renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence est indifférente pour apprécier le caractère dérisoire de la contrepartie ; qu'en se fondant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage « exorbitant » au profit du salarié, sur le fait qu'il n'était pas prévu une faculté de renonciation au profit de l'employeur, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a, pour cette raison supplémentaire, privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L.1221-1 du code du travail ; 10°/ ALORS, DE DIXIÈME PART, QUE la lésion ne constitue pas, sauf exceptions prévues par la loi, une cause de nullité des conventions ; qu'en se fondant, pour déclarer nulle la clause de non concurrence stipulée au contrat de travail de Monsieur H..., sur le caractère prétendument déséquilibré, à l'avantage du salarié, de la clause de non concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1118 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; 11°/ ALORS, DE ONZIÈME PART, QU'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; que le caractère indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise s'apprécie à l'égard de l'obligation de non concurrence elle-même et non de l'équilibre entre son étendue et la contrepartie financière qu'elle prévoit ; qu'en se fondant, pour déclarer illicite la clause de non-concurrence en tant qu'elle n'aurait pas pour objet d'assurer une « réelle protection » de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial confirmé, sur le caractère prétendument déséquilibré de la clause à l'avantage du salarié débiteur de l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants au regard des conditions de validité propres aux clauses de non concurrence, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 [devenu 1103] du Code civil ; 12°/ QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE seul le salarié peut se prévaloir de l'irrégularité de la clause de non-concurrence tirée de son caractère non indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise ; qu'en se fondant, pour déclarer illicite la clause de non-concurrence en tant qu'elle n'aurait pas pour objet d'assurer une « réelle protection » de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial confirmé, cependant que cette cause de nullité était invoquée par le seul employeur en vue de faire échec à la demande de paiement de la contrepartie financière convenue, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 [devenu 1103] du Code civil ; 13°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE Monsieur H... faisait valoir (ses conclusions, page 12) qu'il avait respecté la clause de non concurrence stipulée au contrat de travail de telle sorte que, même en supposant cette dernière nulle, le fait de l'avoir respectée lui avait causé un préjudice dont l'employeur lui devait réparation ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 14°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QU'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le respect de la clause litigieuse, à la supposer illicite, n'avait pas causé à Monsieur H... un préjudice dont il était dès lors fondé à demander réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 [devenu 1240] du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande en nullité du licenciement et d'AVOIR débouté Monsieur H... de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société GALLOO LITTORAL à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité égale aux salaires afférents à la période de protection, congés payés y afférents et dommages et intérêts pour licenciement nul ; AUX MOTIFS QUE « sur la violation du statut protecteur du salarié : A titre liminaire, la cour observe, que la société GALLO() LITTORAL n'a pas cherché à contourner la procédure spécifique applicable aux salariés protégés puisqu'elle a, en première intention, sollicité une autorisation auprès de l'inspection du travail afin de pouvoir licencier Monsieur H.... La décision du Ministre du travail qui a annulé l'autorisation délivrée dans ce cadre au motif que l'inspection du travail n'était pas compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, dans la mesure où le mandat de délégué syndical détenu par Monsieur H... avait pris fin, n'a fait l'objet d'aucun recours de la part de l'une ou l'autre des parties et n'invitait aucunement l'employeur à procéder à de nouvelles diligences. Cette décision est aujourd'hui devenue définitive et s'impose à tous et en particulier à l'autorité judiciaire, en application du principe de la séparation des pouvoirs. Le juge judiciaire peut seulement lorsque se pose la question de la légalité de la décision administrative renvoyer les parties devant la juridiction administrative sur question préjudicielle lorsque la question présente un caractère sérieux. Or, en l'espèce, d'une part le salarié ne demande pas le renvoi devant la juridiction administrative dans le cadre d'une question préjudicielle, d'autre part et en tout état de cause, la question ne présente pas un caractère sérieux. En effet, si les articles L 2411-3 et L 2411-5 du code du travail prévoient une durée de protection post-mandat, distincte selon qu'il s'agisse d'un salarié ayant exercé les fonctions de délégué syndical ( 12 mois suivant la date de cessation de ses fonctions s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an) ou d'un salarié anciennement investi d'un mandat de délégué du personnel (durée de protection limitée à 6 mois après l'expiration de son mandat), il n'existe en revanche, aucun texte régissant la situation du salarié relevant simultanément de ces deux statuts. Il y a lieu de rappeler, sur ce point, que dans les entreprises comptant un effectif de moins de 50 salariés, la désignation d'un délégué syndical suppose nécessairement la détention d'un mandat de délégué du personnel, de sorte que la fin de ce mandat électif entraîne la disparition des fonctions syndicales au sein de l'entreprise. Par voie de conséquence, le délai de protection applicable au salarié après la cessation de son mandat de délégué syndical, ne saurait, dans cette hypothèse, être supérieur à celui prévu au titre du mandat initial dont il dépend .Il s'ensuit que seule la protection légale de 6 mois trouvait à s'appliquer. En l'espèce, il est constant que Monsieur H... a été désigné, le 22 juillet 2011, par le syndicat FO, en qualité de délégué syndical, soit quelques semaines après avoir été élu délégué du personnel titulaire pour le collège Cadres-Agents de maîtrise (nomination du 14 juin 2011). Le salarié a renoncé à ses deux mandats le 28 octobre 2013, ceux-ci prenant fin le 1 er janvier 2014.Monsieur H... relevait ainsi du statut protecteur jusqu'au 30 juin 2014 .Il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement le 15 juillet 2014, soit après l'expiration du délai de protection. Il en résulte que la demande en nullité du licenciement pour violation du statut protecteur doit être écartée et le jugement entrepris y ayant fait droit doit être réformé B) Sur le comportement discriminatoire de l'employeur : ( ) Monsieur H..., pour soutenir que son licenciement serait en réalité lié à ses mandats représentatifs se réfère principalement: - aux nombreux courriers échangés avec la Direction et à l'avertissement qu'il a reçu le 11 septembre 2013, attestant, selon lui, de la volonté de la société «de se débarrasser de lui» - à la procédure judiciaire menée devant le tribunal d'instance de Dunkerque quant à la reconnaissance d'une Unité Economique et Sociale au sein de l'entreprise, à des photographies démontrant, selon lui, qu'il aurait fait l'objet d' une filature, à sa pièce n°104, relative à un contrôle sollicité par l'employeur à la suite de son arrêt de travail - à la procédure judiciaire intentée à son encontre par la société devant le tribunal de grande instance de Dunkerque pour injures non publiques. Les faits qu'il décrit, par leur nature et leur fréquence sont effectivement de nature à laisser présumer une situation de discrimination syndicale. Cependant l'analyse de ces pièces, confrontées aux autres éléments du dossier apportés par la partie intimée et en premier lieu, la lecture des nombreuses correspondances intervenues entre les parties, permet de constater que les rapports entre Monsieur H... et les dirigeants de GALLOO LITTORAL étaient très tendus, le salarié contestant la nouvelle organisation et les méthodes de management mises en place depuis le départ de Monsieur T... et refusant de se plier aux exigences de sa hiérarchie lui demandant de justifier de son emploi du temps et de son activité. Il ressort clairement de ces échanges que l'avertissement du 11 septembre 2013, dont l'annulation n'est d'ailleurs pas demandée à la cour, est lié au fait que l'employeur a estimé que Monsieur H..., de façon volontaire, et en raison de son désaccord avec les nouvelles directives et les projets de réorganisation, a cessé de fournir le travail qui était attendu de lui et a réduit considérablement son activité professionnelle. Les griefs contenus dans les courriers de la société, antérieurs à la sanction, concernent la même situation et non les activités de délégué syndical ou de délégué du personnel du salarié. S'il est exact que certains écrits font état des mandats représentatifs de Monsieur H..., ce n'est que pour répondre aux arguments avancés par ce dernier, l'intéressé mettant régulièrement en avant ses activités représentatives dans ses lettres de réclamation et pour lui rappeler que son statut protecteur ne doit pas avoir d'incidence sur la bonne exécution de son contrat de travail. Ainsi, dans ces conditions, aucun lien ne peut être fait entre le contenu de ces correspondances et les mandats détenus par le salarié. Il est par ailleurs constant qu'une procédure a été intentée par la société GALLOO LITTORAL devant le tribunal d'instance de Béthune aux fins de voir annuler la désignation de Monsieur H... en qualité de délégué syndical de l'Unité Economique et Sociale, telle que celle-ci a pu être définie par l'union syndicale FO de la région Pas de Calais. La lecture du jugement rendu dans ce cadre, permet cependant de se convaincre, que cette action ne visait pas à remettre en cause la qualité de Monsieur H... à exercer de telles missions mais à contester l'intégration de certaines entités du groupe à cette Unité Economique et Sociale, compte tenu de leurs activités respectives. Il apparaît ainsi, que l'employeur a simplement fait usage de la faculté qui lui était offerte d'agir en justice et a obtenu gain de cause. Cette situation qui ne résulte, en l'absence d'élément contraire, ni d'un abus de droit ni d'un détournement de procédure ne saurait être regardée comme un acte personnellement dirigé contre le salarié. Les autres pièces de la procédure ne permettent pas davantage de retenir que la société GALLOO LITTORAL aurait cherché à faire obstacle aux activités représentatives de Monsieur H..., lequel procède sur ce point, par affirmations. Aucun élément ne permet non plus d'imputer à l'employeur la filature dont aurait fait l'objet le salarié. De même, le seul fait que la société ait usé de la possibilité de faire contrôler la situation de Monsieur H..., en arrêt de travail, en sollicitant une visite par un médecin assermenté, ne constitue pas une situation anormale, révélatrice d'un comportement mal intentionné. Enfin, l'action en justice pour injure non publique intentée par le dirigeant de la société GALLOO LITTORAL en novembre 2014, contre Monsieur H..., est bien postérieure à la rupture du contrat de travail et ne peut, ainsi, être rattachée aux mandats ayant été détenus par l'intéressé. Ces constatations conduisent à constater que pour les seuls faits dont la matérialité est établie, l'employeur démontre, par des éléments objectifs l'absence de lien avec les mandats détenus par le salarié .Ces constatations conduisent à écarter la demande en nullité de ce chef et à débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes subséquentes. II) Sur la contestation de la légitimité du licenciement pour motif économique ( ) il y a lieu de constater que la lettre de licenciement est particulièrement étayée et que les informations qu'elle contient sont corroborées par les pièces comptables et financières versées aux débats, justifiant des sérieuses difficultés économiques de la société GALLOO LITTORAL, mais aussi des autres sociétés du groupe relevant du même secteur d'activité et, de ce fait, d'une baisse significative de la compétitivité de ces entités dans un contexte économique difficile. Ces difficultés pré-existaient à la prise de participation de GALLOO RECYCLING dans les sociétés du groupe [...] et n'ont pu être résorbées malgré l'apport de liquidités et la désignation dès le 24 septembre 2010 d'un mandataire ad hoc par le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer. Il s'ensuit que la réalité du motif économique ayant conduit à la réorganisation de l'entreprise et à la suppression de plusieurs emplois n'est donc pas sérieusement discutable (cf notamment pièces appelante 2,3, 8,9, 45, 46, 57, 82, 107, 108, 116 à 120).Par ailleurs, la lecture attentive de la note relative au projet des licenciements collectifs pour motif économique transmise aux délégués du personnel en juin 2014, ne permet aucunement d'affirmer, comme le soutient la partie intimée, que le poste de Monsieur H... n'y était pas mentionné. En effet, ce document rappelle que l'entreprise dispose d'un effectif de 24 personnes toutes employées en contrat à durée indéterminée dont : 1 cadre 1 commercial 1 ETAM 1 Employé 19 ouvriers. Il fait état de la compression de six postes concernant les catégories de cadres et d'ouvriers réparties de la façon suivante :1 poste de commercial 2 postes de chalumiste grutier/ conducteur d'engins 2 postes de chauffeur1 poste de magasinier / vendeur. Ces indications permettent par comparaison aux informations figurant sur le contrat travail de Monsieur H... et aux éléments versés par la société (pièces 43 et 44) de confirmer que Monsieur H... était le seul à exercer les fonctions de commercial au sein de la structure, de sorte qu'il était bien concerné par la suppression de postes envisagée. S'agissant, enfin du grief tiré de l'absence de recherches réelles et effectives de reclassement, la cour ne peut que constater que la société GALLOO LITTORAL s'est conformée aux exigences de l'article L. 1233-4 du code du travail .En effet, l'employeur a pris le soin d'adresser un questionnaire à Monsieur H... pour mieux cibler ses souhaits dans le cadre de la recherche de reclassement. Celui-ci a indiqué qu'il souhaitait être reclassé en France ou en Belgique sur les seuls sites de Gistel, D... et P... et, dans cette hypothèse, a demandé à bénéficier d'une formation en langue flamande .Il a également expressément mentionné refuser toute modification de son contrat de travail actuel à l'exception de son lieu d'affectation dans les limites géographiques posées. La prise en compte de ces desiderata conduisait au vu des stipulations de son contrat de travail à chercher en priorité des postes «de cadres itinérants» avec un horaire de travail réparti du lundi au vendredi ne requérant pas l'utilisation de matériel ou d'équipements informatiques. La société GALLO() LITTORAL justifie avoir procédé à des recherches correspondant aux souhaits exprimés par Monsieur H... auprès de ses filiales françaises, belges et néerlandaises composant le groupe GALLOO RECYCLING. (pièces 49, 50, 51, 52, 53). Ces investigations ont, comme a pu le souligner l'inspection du travail lors de l'examen de la situation de Monsieur H..., révélé l'absence de poste de commercial vacant dans les entités belges et françaises du groupe GALLOO RECYCLING ainsi que de poste de cadre correspondant aux conditions particulières du contrat de travail du salarié, à savoir excluant l'utilisation d'un quelconque matériel ou équipement informatique. Dans ces circonstances, par courrier en date du 8 juillet 2014, la société GALLOO LITTORAL a soumis à Monsieur H..., 8 propositions de postes permettant son reclassement éventuel en France dont 4 sur la région du Nord mais ne répondant pas aux critères posés par le salarié. Ce dernier a, par courrier du 15 juillet 2014, décliné l'ensemble de ces propositions. Ces différentes constatations permettent de conclure que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement. Le licenciement de Monsieur H... est donc parfaitement fondé et les demandes formulées par ce dernier liées à la rupture du contrat de travail, seront rejetées » ; 1) ALORS, TOUT D'ABORD, QUE le licenciement d'un ancien délégué syndical qui a exercé ses fonctions pendant au moins un an ne peut, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; que cette règle s'applique quelles que soient les conditions de la désignation du délégué syndical, peu important notamment que celle-ci soit conditionnée, dans une entreprise de moins de cinquante salariés, à sa qualité de délégué du personnel ; que la cour d'appel a décidé que Monsieur H... bénéficiait, à la suite de la cessation de ses mandats de délégué du personnel et de délégué syndical, de la protection d'une durée limitée à six mois applicable aux délégués du personnel, et ne pouvait se prévaloir d'une protection d'une durée de douze mois nonobstant le fait qu'il avait exercé les fonctions de délégué syndical pendant plus d'un an ; qu'en statuant de la sorte au motif inopérant que la désignation en qualité de délégué syndical était subordonnée à la qualité de délégué du personnel, dans la mesure où l'entreprise comptait moins de cinquante salariés, la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions combinées des articles L. 2143-6 et L. 2411-5 (dans sa rédaction applicable à la cause) du Code du travail et par refus d'application, l'article L. 2411-3 du même Code ; 2) ALORS, ENSUITE, QUE la décision du ministre du travail en date du 3 avril 2015 se bornait, dans son dispositif, à refuser l'autorisation de licenciement ; qu'en déclarant être liée par les motifs de ladite décision, selon lesquels Monsieur H... aurait seulement pu se prévaloir de la protection de six mois suivant le terme de ses mandats en sa qualité de délégué du personnel, et non de la protection de douze mois en sa qualité de délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant plus d'un an, de telle sorte qu'il n'aurait pas eu la qualité de salarié protégé à la date où l'inspecteur du travail statuait, la cour d'appel a violé par fausse application la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de l'autorité de la chose décidée en matière administrative ; 3) ALORS, DE TROISIÈME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE Monsieur H... soutenait qu'était erroné en droit le raisonnement du Ministre du travail, en ce qu'il avait estimé dans les motifs de sa décision que Monsieur H... pouvait seulement se prévaloir de la protection de six mois suivant le terme du mandat en sa qualité de délégué du personnel, et non de la protection de douze mois en sa qualité de délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant plus d'un an ; que cette question étant sérieuse, la cour d'appel, dès lors qu'elle estimait que le juge judiciaire était incompétent pour apprécier la légalité de ces motifs, devait surseoir à statuer et renvoyer les parties à poser cette question par voie préjudicielle à la juridiction administrative ; qu'en s'abstenant de le faire, au motif inopérant qu'elle n'était pas formellement saisie d'une demande de renvoi devant la juridiction administrative, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de l'autorité de la chose jugée en matière administrative ; 4) ALORS QU'en statuant de la sorte, au motif erroné que la question de droit soulevée n'était pas sérieuse, la cour d'appel a aussi violé les articles L. 2143-6, L. 2411-5 (dans sa rédaction applicable à la cause) et L. 2411-3 du Code du travail. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré que le licenciement de Monsieur H... était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR débouté de toutes ses demandes subséquentes ; AUX MOTIFS QU' « il y a lieu de constater que la lettre de licenciement est particulièrement étayée et que les informations qu'elle contient sont corroborées par les pièces comptables et financières versées aux débats, justifiant des sérieuses difficultés économiques de la société GALLOO LITTORAL, mais aussi des autres sociétés du groupe relevant du même secteur d'activité et, de ce fait, d'une baisse significative de la compétitivité de ces entités dans un contexte économique difficile. Ces difficultés pré-existaient à la prise de participation de GALLOO RECYCLING dans les sociétés du groupe [...] et n'ont pu être résorbées malgré l'apport de liquidités et la désignation dès le 24 septembre 2010 d'un mandataire ad hoc par le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer. Il s'ensuit que la réalité du motif économique ayant conduit à la réorganisation de l'entreprise et à la suppression de plusieurs emplois n'est donc pas sérieusement discutable (cf notamment pièces appelante 2,3, 8,9, 45, 46, 57, 82, 107, 108, 116 à 120).Par ailleurs, la lecture attentive de la note relative au projet des licenciements collectifs pour motif économique transmise aux délégués du personnel en juin 2014, ne permet aucunement d'affirmer, comme le soutient la partie intimée, que le poste de Monsieur H... n'y était pas mentionné. En effet, ce document rappelle que l'entreprise dispose d'un effectif de 24 personnes toutes employées en contrat à durée indéterminée dont : 1 cadre 1 commercial 1 ETAM 1 Employé 19 ouvriers. Il fait état de la compression de six postes concernant les catégories de cadres et d'ouvriers réparties de la façon suivante :1 poste de commercial2 postes de chalumiste grutier/conducteur d'engins 2 postes de chauffeur 1 poste de magasinier / vendeur. Ces indications permettent par comparaison aux informations figurant sur le contrat travail de Monsieur H... et aux éléments versés par la société (pièces 43 et 44) de confirmer que Monsieur H... était le seul à exercer les fonctions de commercial au sein de la structure, de sorte qu'il était bien concerné par la suppression de postes envisagée. S'agissant, enfin du grief tiré de l'absence de recherches réelles et effectives de reclassement, la cour ne peut que constater que la société GALLOO LITTORAL s'est conformée aux exigences de l'article L. 1233-4 du code du travail .En effet, l'employeur a pris le soin d'adresser un questionnaire à Monsieur H... pour mieux cibler ses souhaits dans le cadre de la recherche de reclassement. Celui-ci a indiqué qu'il souhaitait être reclassé en France ou en Belgique sur les seuls sites de Gistel, D... et P... et, dans cette hypothèse, a demandé à bénéficier d'une formation en langue flamande .Il a également expressément mentionné refuser toute modification de son contrat de travail actuel à l'exception de son lieu d'affectation dans les limites géographiques posées. La prise en compte de ces desiderata conduisait au vu des stipulations de son contrat de travail à chercher en priorité des postes «de cadres itinérants» avec un horaire de travail réparti du lundi au vendredi ne requérant pas l'utilisation de matériel ou d'équipements informatiques. La société GALLO() LITTORAL justifie avoir procédé à des recherches correspondant aux souhaits exprimés par Monsieur H... auprès de ses filiales françaises, belges et néerlandaises composant le groupe GALLOO RECYCLING. (pièces 49, 50, 51, 52, 53). Ces investigations ont, comme a pu le souligner l'inspection du travail lors de l'examen de la situation de Monsieur H..., révélé l'absence de poste de commercial vacant dans les entités belges et françaises du groupe GALLOO RECYCLING ainsi que de poste de cadre correspondant aux conditions particulières du contrat de travail du salarié, à savoir excluant l'utilisation d'un quelconque matériel ou équipement informatique. Dans ces circonstances, par courrier en date du 8 juillet 2014, la société GALLOO LITTORAL a soumis à Monsieur H..., 8 propositions de postes permettant son reclassement éventuel en France dont 4 sur la région du Nord mais ne répondant pas aux critères posés par le salarié. Ce dernier a, par courrier du 15 juillet 2014, décliné l'ensemble de ces propositions. Ces différentes constatations permettent de conclure que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement. Le licenciement de Monsieur H... est donc parfaitement fondé et les demandes formulées par ce dernier liées à la rupture du contrat de travail, seront rejetées » ; 1) ALORS, TOUT D'ABORD, QUE la cour d'appel a constaté que selon la note technique transmise aux délégués du personnel, l'effectif de l'entreprise comptait notamment un cadre et un commercial, et que seul le poste de commercial était supprimé ; que Monsieur H... faisait valoir qu'il était le seul salarié de la société GALLOO LITTORAL ayant la qualité de cadre, de telle sorte que le poste de commercial supprimé ne pouvait être le sien mais celui d'un autre salarié, Monsieur N..., qui exerçait également des fonctions commerciales et n'avait pas la qualité de cadre ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur H... était bien le commercial dont la suppression du poste était envisagée, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1232-1, L. 1233-2 et L. 1235-1 du Code du travail dans leurs rédactions respectives applicables à la cause ; 2) QU'À TOUT LE MOINS en s'abstenant d'examiner si l'information donnée aux délégués du personnel n'avait pas été incomplète, de telle sorte que Monsieur H... pouvait prétendre à l'indemnisation du préjudice subi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-12 du Code du travail ; 3) ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que Monsieur H... avait rappelé en l'espèce (ses conclusions, pages 76 à79) que selon la lettre de licenciement elle-même, l'employeur avait omis de lui proposer certains postes de reclassement situés en France et en Belgique, au motif qu'ils auraient emporté une modification de son contrat de travail ; qu'en déclarant néanmoins que l'obligation de reclassement avait été respectée et que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1232-1, L.1233-2, L. 1233-4 et L. 1235-1 du Code du travail dans leurs rédactions respectives applicables à la cause.
Il résulte du premier alinéa de l'article L. 2143-6 et de l'article L. 2411-5 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel peut être désigné délégué syndical pour la durée de son mandat de délégué du personnel et que, donc, la protection supplémentaire est celle de six mois attachée à sa qualité de délégué du personnel et non celle d'un an attachée à la qualité de délégué syndical s'il a exercé plus d'un an
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 988 FS-P+B+I Pourvoi n° D 19-12.775 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 M. C... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-12.775 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société 2L Multimédia, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. S..., et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 novembre 2018), M. S... a été engagé par la société 2L Multimédia en 2008. 2. Il a saisi le 19 avril 2016 la juridiction prud'homale de demandes de dommages et intérêts notamment pour harcèlement moral, puis, à la suite de son licenciement intervenu le 20 janvier 2017, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Examen des moyens Sur le trois premiers moyens, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour refus de mise en place des élections des délégués du personnel, alors « que des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des délégués du personnel titulaires est réduit de moitié ou plus ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts à raison du défaut d'organisation des élections par l'employeur après avoir constaté qu'il n'avait pas été procédé à de nouvelles élections avant juin 2016 en suite du départ des délégués titulaires en novembre 2013 et avril 2014, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légale de ses propres constatations au regard de l'article L. 2314-7 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. » Réponse de la Cour 5. La Cour a jugé (Soc., 17 mai 2011, pourvoi n° 10-12.852, Bull. 2011, V, n° 108 ; Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392 publié), qu'il résulte de l'application combinée de l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail, 1382 du code civil et de l'article 8, § 1, de la Directive n° 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts. 6. En revanche, il appartient au salarié de démontrer l'existence d'un préjudice lorsque, l'institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l'institution représentative du personnel, les salariés n'étant pas dans cette situation privés d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts. 7. Il résulte de l'arrêt de la cour d'appel et des productions, d'une part, qu'à la suite des élections des délégués du personnel ayant eu lieu en avril 2013, les deux élus délégués du personnel titulaires ont quitté l'entreprise respectivement en novembre 2013 et avril 2014 et l'un des deux suppléants a également quitté l'entreprise en avril 2014, ce dont il résultait qu'un délégué du personnel était toujours présent et d'autre part que dès que le salarié avait demandé l'organisation d'élections partielles, l'employeur y avait procédé. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. S... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. S... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse. AUX MOTIFS propres QUE la lettre de licenciement fait grief au salarié un manque manifeste de communication à l'égard de son supérieur hiérarchique et des collègues de travail, à l'origine d'un bug informatique à l'occasion de la migration du système de gestion de cache le "cache-Redis" au nouveau système le "RedisCluster", mission dont il avait la charge ; que le salarié ne conteste avoir ni avoir eu la charge de réaliser l'opération informatique de cache-Redis en RedisCluster, quel que soit la dénomination qu'il donne à cette opération, ni à la suite la réalité du dysfonctionnement du programme informatique ; qu'il impute ce "bug" à l'action d'un collègue de travail ce dont il ne justifie pas par ses seules allégations détaillées dans une correspondance, dont il précise dans ses écritures, qu'il ne l'a pas adressée à son employeur ; que des termes du contrat de travail en date du 1er décembre 2008, il ressort qu'il avait les fonctions d'analyste-programmeur, niveau 11 sous la responsabilité de M... J... (le dirigeant de l'entreprise), et Q... R..., "ses supérieurs hiérarchiques ou de tout autre personne désignée par eux" ; que quand bien même le salarié a refusé de signer ce contrat de travail, il reconnaît que son "responsable direct" était le collègue O... X... ; qu'il ne peut soutenir avoir informé sa hiérarchie en produisant un courriel daté du 9 décembre 2016 adressé au seul I... U..., dans lequel il précise attendre le retour d'un collègue "avant de continuer la bascule" du système et alors qu'il a néanmoins poursuivi l'opération à compter du 13 décembre 2016 ; que tant I... U... que D... K... attestent que lors de la réunion du 8 décembre 2016, le salarié leur avait confirmé les fonctionnalité et compatibilité du nouveau système, O... X... soutenant quant à lui n'avoir jamais été alerté par le salarié "sur les éventuels risques de fonction ; qu'il s'évince de ces constats qu'aucun moment, le salarié, qui avait conscience des aléas de l'opération y a néanmoins procédé, sans informer son supérieur hiérarchique et ses collègues de travail des risques encourus et alors qu'il partait en congé deux jours plus tard ; que dès lors, le grief reproché au salarié est avéré ; que le salarié ne présente aucun argumentaire quant aux conséquences de ses manquements, lesquels ont nécessité l'intervention de trois techniciens pour rechercher l'origine du bug informatique et pour l'entreprise ; que les manquements reprochés au salarié relevant du coeur de son métier, ils constituent une cause réelle et sérieuse de son licenciement. AUX MOTIFS adoptés QUE M. C... S... avait la fonction et les compétences pour réaliser cette migration ; que M. C... S... n'a pas informé clairement sa hiérarchie sur le risque de bug et sur les mesures de prévention à prendre ; que M. C... S... reconnaît le bug ; que, vu les conséquences de baisse importante de chiffre d'affaires pour la société, le conseil considère fondé le licenciement de M. C... S... pour cause réelle et sérieuse. 1° ALORS QUE si un doute subsiste quant à la réalité de la faute reprochée au salarié, il lui profite ; que la cour d'appel, qui a retenu que l'exposant était en charge de l'opération dans le cadre de laquelle un dysfonctionnement était survenu, a cru pouvoir dire son licenciement fondé au motif qu'il n'était pas justifié que le bug constaté aurait été imputable à un autre que lui ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a mis à la charge du salarié la preuve de l'absence de faute de sa part, a violé l'article L. 1235-1 du code du travail. 2° ALORS QU'en retenant que l'exposant n'aurait pas informé ses collègues et sa hiérarchie des risques encourus sans examiner ni même viser le courriel du 2 décembre 2016 qu'il produisait aux débats et dont il résultait au contraire une telle information, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de paiement de rappels de salaire sur 13ème mois et d'indemnité conventionnelle de licenciement. AUX MOTIFS propres QUE il est incontesté par les parties, que la société 2L Multimedia est spécialisée dans le secteur d'activité des portails internet ; qu'il est tout aussi constant qu'elle a appliqué en son sein la convention collective nationale des employés de la presse d'information spécialisée du 1er juillet 1995, ce en lien avec son code APE 5814Z relatif à l'édition de revues et périodiques ; qu'il est également constant qu'elle a dénoncé l'application de cette convention le 31 décembre 2010 et a substitué celle des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseil et des sociétés de conseil (SYNTEC) ; que le salarié verse lui-même la dénonciation qui en a été faite aux délégués du personnel et produit le bulletin de paye de janvier 2011 l'informant individuellement de l'application de la convention SYNTEC au sein de l'entreprise ; que sur les bulletins de salaire, le code APE de l'entreprise y a été postérieurement été modifié en celui de 6312Z lequel est afférent aux portails Internet ; que ce dernier code correspond en effet à l'exploitation de sites web qui utilisent des moteurs de recherche pour produire et maintenir d'importantes bases de données contenant des adresses et du contenu sur Internet, dans un format aisément consultable ou l'exploitation d'autres sites web ayant une fonction de portails, tels que les sites de médias dont le contenu est périodiquement mis à jour ; qu'ainsi, il se trouve en adéquation à l'activité principale de l'entreprise ; que ce faisant, eu égard à l'activité principale de l'entreprise et au regard des bulletins de paye du salarié à compter de janvier 2011, la seule convention collective applicable dans la relation individuelle de travail est à son égard celle de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseil et des sociétés de conseil ; que dès lors, la demande du salarié fondée sur les dispositions de l'article 11 de la convention collective nationale des employés de la presse d'information spécialisée sera écartée. AUX MOTIFS adoptés QUE la convention collective des employés de la presse d'information spécialisée a été dénoncée en date du 31 décembre 2010 au profit de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques SYNTEC par la société 2L MULTIMÉDIA ; qu'en conséquence, le conseil considère non fondée la demande de M. C... S... concernant la contestation de l'application de la convention collective SYNTEC ; que le 13ème mois, a été versé jusqu'à fin 2014, conformément aux dispositions prévues par la convention collective des employés de la presse spécialisée, de façon mensuelle et mentionné sur les bulletins de salaire sous la forme prime 1/12 13ème mois ; qu'à compter de janvier 2015, M. C... S... a bénéficié d'une augmentation de salaire incluant la prime de 13ème mois eu égard au changement de convention collective. 1° ALORS QUE l'exposant soutenait que son employeur avait de facto imposé l'application d'une nouvelle convention collective sans respecter les dispositions impératives encadrant la dénonciation des conventions et accords collectifs ; qu'en énonçant qu'il aurait été constant que l'employeur aurait dénoncé l'application de cette convention le 31 décembre 2010 sans se prononcer sur la régularité de cette dénonciation qui était contestée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 2261-9 du code du travail. 2° ALORS QUE l'exposant se prévalait de l'engagement contractuel de son employeur de lui faire application de la convention collective de la presse d'information spécialisée dont il revendiquait l'application ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des écritures du salarié, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. 3° ALORS en toute hypothèse QU'il était constant et acquis aux débats qu'une prime de treizième mois était due en application de la convention collective de la presse d'information spécialisée dont l'employeur soutenait qu'elle était applicable dans l'entreprise jusqu'en 2010 ; qu'en retenant que la convention collective applicable à compter de janvier 2011 aurait été la convention collective Syntec pour débouter le salarié de la totalité de sa demande portant sur la période courant à compter de l'année 2008, la cour d'appel a violé l'article 11 de la convention collective nationale des employés de la presse d'information spécialisée par refus d'application. 4° ALORS QU'il était constant et acquis aux débats d'une part qu'une prime de treizième mois était due en application de la convention collective de la presse d'information spécialisée dont l'employeur soutenait qu'elle était applicable dans l'entreprise jusqu'en 2010, d'autre part que le maintien de la prime avait fait l'objet d'un engagement volontaire de l'employeur au-delà de cette date, l'employeur se bornant à exciper du paiement de cette prime ; qu'en retenant que la convention collective applicable à compter de janvier 2011 aurait été la convention collective Syntec pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. 5° ALORS QUE l'exposant poursuivait le paiement de la prime de treizième mois dont il soutenait avoir été privé dans la mesure où son employeur l'intégrait au salaire de base quand elle devait s'y ajouter ; qu'en se bornant à indiquer que la prime de treizième mois était mentionnée sur les bulletins de salaire sous la forme prime 1/12 13ème mois sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si en maintenant le salaire contractuel au bénéfice d'une intégration de la prime de treizième mois l'employeur n'avait pas privé le salarié du bénéfice de cette prime, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire au deuxième Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande subsidiaire tendant au paiement d'une somme au titre de la prime de vacances. AUX MOTIFS propres QUE sur la prescription, l'article L. 1471- 1, al. 1er du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, applicable au litige, fixe à deux ans le délai de prescription applicable à toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail ; que l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction également issue de la loi du 14 juin 2013, dispose que l'action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit désormais par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il résulte de l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013 que les dispositions de cette loi réduisant à trois ans, les délais de prescription, s'appliquent à celles qui sont en cours à compter de la promulgation de la loi, soit le 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'autrement dit, la prescription quinquennale a d'abord commencé à courir en l'espèce, mais à compter du 17 juin 2013 un nouveau délai s'est appliqué ; qu'en conséquence, au regard de ces dispositions, de la saisine de la juridiction prud'homale le 16 avril 2016, pour obtenir le paiement de la prime de vacances, les demandes portant sur les périodes du 1er juin 2010 au 31 mai 2011, 1er juin 2011 au 31 mai 2012, 1er juin 2012 au 15 avril 2013 sont atteintes par la prescription ; que, sur le fond, l'article 31 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseil et des sociétés de conseil stipule : "L'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés. Toutes primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10 % prévus à l'alinéa précédent et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre." ; que dans un avis d'interprétation, la commission nationale d'interprétation a laissé aux entreprises concernées toute latitude pour déterminer les modalités de répartition de la prime suivant les options suivantes : - soit diviser le 1/10ème global par le nombre de salariés et procéder à une répartition égalitaire entre les salariés, - soit procéder à une répartition au prorata des salaires avec majoration pour enfants à charge, - soit majorer de 10 % l'indemnité de congés payés de chaque salarié ; qu'il ressort des bulletins de paie, que le salarié a perçu l'indemnité de congés payés en mai 2013 pour un montant de 3 423,65 €, en mai 2014 à hauteur de 3 423,65 €, mai 2015 pour un montant de 3 650 € ; que le salarié qui ne conteste pas ces paiements n'explicite pas en quoi ses droits n'ont pas été intégralement respectés. AUX MOTIFS à les supposer adoptés QUE vu les modalités de calcul prévues dans la convention collective SYNTEC, article 31, vu les modalités appliquées par la société 2L MULTIMÉDIA, en conséquence, le conseil considère non fondée la demande formulée par M. C... S... concernant la prime vacances. 1° ALORS QU'en retenant par motifs adoptés des premiers juges que la demande est non fondée, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation en violation de l'article 455 du code de procédure civile. 2° ALORS QU'il appartient à celui qui se prétend libéré d'une obligation de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en retenant, pour débouter le salarié de sa demande au titre de la prime de vacances, que son employeur lui aurait réglé une indemnité de congés payés, que le salarié n'aurait pas contesté ces paiements ni explicité en quoi ses droits n'auraient pas été respectés quand il appartenait à l'employeur de faire la preuve qu'il avait rempli le salarié de ses droits au titre de la prime de vacances dont il était acquis qu'elle était due, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour refus de mise en place des élections des délégués du personnel. AUX MOTIFS propres QU'il n'est pas contesté que suite aux élections survenues en avril 2013 et au départ des délégués titulaires en novembre 2013 et avril 2014, il n'a pas été procédé à de nouvelles élections jusqu'en juin 2016 ; que toutefois, pour démontrer un refus de l'employeur de procéder à ces élections, le salarié qui invoque ses interpellations verbales de l'employeur sur ce point, ne produit pour en justifier qu' un courriel daté du 9 mars 2016 ; qu'il sera en outre constaté qu'à la suite de ce mail, l'employeur engagera dès le 18 avril 2016 la procédure pour parvenir à ces élections ; que dès lors aucun refus de l'employeur n'étant sur ce point établi, le salarié sera débouté de sa demande indemnitaire. AUX MOTIFS adoptés QUE M. C... S... a sollicité, par mail, son employeur pour l'organisation d'élections en mars 2016 ; que la société 2L Multimedia a lancé l'organisation de ces élections en avril 2016 pour un premier tour tenu le 1er juin 2016 ; qu'en conséquence, le conseil considère non fondée la demande de versement de dommages et intérêts formulée par M. C... S.... ALORS QUE des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des délégués du personnel titulaires est réduit de moitié ou plus ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts à raison du défaut d'organisation des élections par l'employeur après avoir constaté qu'il n'avait pas été procédé à de nouvelles élections avant juin 2016 en suite du départ des délégués titulaires en novembre 2013 et avril 2014, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légale de ses propres constatations au regard de l'article L. 2314-7 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.
La Cour a jugé (Soc., 17 mai 2011, pourvoi n° 10-12.852, Bull. 2011, V, n° 108 (cassation partielle) ; Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392, V, n° 1466 (cassation partielle)), qu'il résulte de l'application combinée de l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 27 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail, 1382 du code civil et de l'article 8, § 1, de la directive n° 2002/14/CE du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts. En revanche, il appartient au salarié de démontrer l'existence d'un préjudice lorsque, l'institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l'institution représentative du personnel, les salariés n'étant pas dans cette situation privés d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts
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SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 989 FS-P+B sur le 2e moyen Pourvoi n° Q 18-20.210 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 M. X... W..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-20.210 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Mazars, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 2°/ à Pôle emploi PACA, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La société Mazars a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. W..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Mazars, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 mai 2018), M. W... a été engagé le 4 janvier 1989, en qualité d'assistant principal, chef de mission, par la société d'expertise comptable Guerard Viala aux droits de laquelle vient la société Mazars. 2. Après avoir acquis le statut d'associé du groupe Mazars, tout en conservant sa qualité de salarié, il est devenu, en 2007, directeur de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et membre du comité Régions regroupant les dirigeants de région. 3. La société Mazars a mis en place, par décision unilatérale du 1er septembre 1996, un plan d'épargne d'entreprise offrant aux salariés la faculté d'investir des fonds dans différents FCPE, dont des FCPE dédiés leur permettant d'acquérir indirectement des actions ou obligations Mazars et prévoyant que ceux qui quittent l'entreprise, à l'exception des retraités et préretraités, ne peuvent plus alimenter leur compte au plan d'épargne entreprise mais peuvent néanmoins après leur départ conserver sur leur compte les sommes placées. 4. Le salarié a fait le choix d'acquérir des actions Mazars & Guerard qui sont devenues des parts du FCPE Mazars & Guerard Actions. 5. Par un avenant du 16 octobre 2007, adopté après avis du comité d'entreprise, la société Mazars a apporté différentes modifications au plan initial, en y ajoutant notamment une clause prévoyant le transfert automatique de l'épargne investie en titres de l'entreprise que le salarié quitte, en parts du FCPE Multi-entreprises à orientation monétaire « Natixis Avenir 6 Sécurité ». 6. L'article 15 du règlement du FCPE du 7 septembre 2010 précisait ainsi que les porteurs de parts ayant quitté l'entreprise étaient avertis de la disponibilité de leurs parts et que leurs parts seraient transférées, à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date de disponibilité des droits dont ils étaient titulaires, vers le fonds commun de placement monétaire. 7. Après avoir été licencié le 10 septembre 2012, le salarié a été averti, par lettre du 24 avril 2013, qu'en raison de son départ de l'entreprise, il était procédé, aux termes d'une demande formulée auprès de Natixis Interépargne, au transfert automatique, en date du jour même, de ses parts du FCPE Mazars Actions. 8. Reprochant notamment à son ancien employeur d'avoir ainsi réaffecté, sans qu'il en fût informé, son épargne du fonds commun de placement initial vers le fonds commun de placement à orientation monétaire « Natixis Avenir 6 Sécurité », il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir, à titre principal, la nullité de ce transfert et la réaffectation de son épargne ainsi que le paiement de diverses sommes notamment au titre de la rupture du contrat de travail et au titre de la clause de non concurrence. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal du salarié et le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur ; ci-après annexés 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est irrecevable. Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre premières branches, du pourvoi principal du salarié Enoncé du moyen 10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité du FCPE Mazars Actions et du transfert automatique de ses parts effectué le 24 avril 2013 ainsi que de sa demande en paiement des dividendes qui lui étaient dus annuellement depuis son licenciement, alors : « 1°/ qu'il n'invoquait pas à l'appui de sa contestation de la validité du transfert de ses parts du FCPE Mazars Actions le non-respect par l'employeur de son obligation d'information relative à l'insertion de la nouvelle disposition de l'article 4.4 dans le règlement du plan d'épargne d'entreprise mais faisait valoir que les dispositions de l'article 4.4 prévoyant un transfert automatique des parts des salariés quittant l'entreprise lui étaient inopposables pour les acquisitions de parts qu'il avait faites avant la modification du règlement du PEE, soit la quasi-totalité de ses actions ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer que la disposition de l'article 4.4 lui était opposable, que la ''sanction du défaut d'information d'un salarié n'est pas l'inopposabilité de l'accord'', la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3332-1, R. 3332-2 et L. 3332-7 du code du travail ; 2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, il soutenait que le transfert automatique des parts en cas de départ du salarié de l'entreprise prévu par l'article 4.4 inséré au règlement du plan d'épargne entreprise par un avenant en date du 16 octobre 2007 ne pouvait concerner les parts souscrites avant l'adoption de cette disposition, nécessairement exclues de son champ d'application ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef des conclusions d'appel, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 ; 3°/ qu'en se bornant à affirmer que l'avenant du 16 octobre 2007 était également applicable à tous sans préciser les raisons qui lui faisaient considérer que l'article 4.4 de cet avenant avait vocation à s'appliquer quelle que soit la date d'acquisition des titres transférés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 3332-2 du code du travail et 1134 du code civil ; 4°/ qu'en statuant par de tels motifs qui ne mettent pas en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur l'exacte application de la règle de droit, la cour d'appel a, derechef, violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 11. Aux termes de l'article L. 3332-1 du code du travail, le plan épargne d'entreprise est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières. 12. Selon l'article R. 3332-3 du code du travail, le règlement du plan précise les modifications du choix de placement initial pouvant intervenir à l'occasion du départ du salarié de l'entreprise. 13. Il en résulte que la modification du plan réalisée conformément aux règles applicables selon qu'il s'agit d'une décision unilatérale ou d'un accord collectif, s'impose à tous les porteurs de parts, sans qu'il soit besoin de recueillir leur consentement, quelle que soit la date des versements effectués sur leur compte au plan épargne entreprise. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen, pris en ses autres branches, du pourvoi principal du salarié Enoncé du moyen 15. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors : « 5°/ que dès la souscription d'un plan épargne entreprise, l'employeur est débiteur, en vertu de l'article L. 3332-7 du code du travail, d'une obligation d'information qui ne porte pas seulement sur l'existence de ce plan mais doit aussi concerner son contenu ; que le non-respect par l'employeur de son obligation d'informer le personnel des modifications intervenues relatives aux modifications de choix de placement en cas de départ de l'entreprise est sanctionné par l'inopposabilité des dispositions du règlement modifié, sans que l'information délivrée aux représentants du personnel puisse suppléer l'absence d'information individuelle délivrée à un salarié ; qu'ayant relevé que la société Mazars ne s'était pas acquittée de son obligation d'information lors de l'insertion dans le règlement du plan d'épargne d'entreprise, par un avenant du 16 octobre 2007, d'un article 4.4 qui prévoyait qu'en cas de perte de la qualité de salarié ou d'associé, les avoirs en parts des FCPE ''Mazars et Guerard Actions'' seraient automatiquement transférés en parts d'un FCPE Multi-entreprises à orientation monétaire, la cour d'appel qui, pour déclarer néanmoins opposable à M. W... l'article 4.4 du règlement, a retenu que cette disposition avait fait l'objet d'une information du comité d'entreprise, a statué par un motif inopérant, en violation des articles L. 3332-7, L. 3332-1 et R. 3332-3 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ; 6°/ que dès la souscription d'un plan épargne entreprise, l'employeur est débiteur, en vertu de l'article L. 3332-7 du code du travail, d'une obligation d'information qui ne porte pas seulement sur l'existence de ce plan mais doit aussi concerner son contenu ; que le non-respect par l'employeur de son obligation d'informer le personnel des modifications apportées au règlement relatives aux modifications de choix de placement en cas de départ de l'entreprise est sanctionné par l'inopposabilité aux intéressés des dispositions du règlement modifié et la nullité subséquente du transfert des avoirs d'un salarié décidé et réalisé en application d'une clause qui lui était inopposable ; qu'après avoir relevé que le 24 avril 2013, l'article 15 du règlement du FCPE Mazars Actions avait été modifié en ce qu'il prévoyait désormais que les parts des salariés ayant quitté l'entreprise seraient automatiquement transférées dans le compartiment ''Avenir Monétaire du FCPE Avenir'', classé Monétaire euro, dès lors que la société Mazars en aura informé le teneur de compte conservateur de parts et l'intéressé, la Cour d'appel a retenu qu'en raison de l'absence d'information délivrée à M. W... concernant les modifications des dispositions antérieures du règlement du FCPE Mazars Actions relatives au départ du salarié de l'entreprise, l'article 15, dans sa nouvelle version, ne lui était pas applicable à la date du 24 avril 2013 de sorte que la société Mazars devait respecter les règles prévues par l'article 15 dans sa rédaction antérieure qui prévoyait un transfert à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date de disponibilité des parts, et qu'elle ne pouvait procéder au transfert des parts le jour même de la modification du règlement, le 24 avril 2013 ; qu'en considérant néanmoins que cette irrégularité n'entraînait pas l'annulation du transfert au motif inopérant qu'en vertu de l'article 21 du règlement du FCPE, la modification du règlement était devenu opposable au salarié le 27 avril 2013, la cour d'appel a violé les article L. 3332-7, L. 3332-1 et R. 3332-3 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ; 7°/ qu'en demandant le paiement des dividendes qui lui étaient dus depuis son licenciement, il demandait implicitement mais nécessairement réparation du préjudice résultant pour lui de la vente forcée de ses actions réalisée de façon illicite le 24 avril 2013 si bien qu'après avoir constaté l'irrégularité dont était affecté le transfert des avoirs du salarié, la cour d'appel qui rejette les demandes formées à ce titre par l'intéressé en déclarant qu'il ne formule aucune demande de dommages-intérêts, a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 16. Aux termes de l'article R. 3332-3 du code du travail, le règlement du plan précise les modifications du choix de placement initial pouvant intervenir à l'occasion du départ du salarié de l'entreprise. 17. Selon l'article 15 du règlement du plan tel que modifié le 24 avril 2013, les parts des salariés ayant quitté l'entreprise, seront automatiquement transférés dans le compartiment « Avenir Monétaire » du FCPE « Avenir » classé « Monétaire », dès lors que la société Mazars en aura informé le teneur de compte conservateur des parts et l'intéressé. L'article 21 de ce règlement précise que toute modification du règlement entre en vigueur au plus tôt trois jours ouvrés après l'information des porteurs de parts. 18. La seule méconnaissance par l'employeur de ce délai de mise en oeuvre de la modification du règlement du plan se résout en dommages-intérêts. 19. La cour d'appel, après avoir constaté que le salarié avait été informé le 24 avril 2013 des conditions de réaffectation automatique de son épargne en cas de départ de l'entreprise, telles qu'elles résultaient d'une part de la modification du plan d'épargne initial opérée par avenant du 16 octobre 2007 et d'autre part de la modification du règlement du plan d'épargne d'entreprise intervenue le 24 avril 2013, a relevé que le transfert de ses avoirs du fonds actions vers le fonds monétaire Natixis Avenir avait eu lieu ce même jour, alors que l'article 21 du règlement du plan d'épargne d'entreprise prévoyait que les modifications entraient en vigueur trois jours après l'information des porteurs de parts. Elle en a déduit exactement, sans méconnaître les termes du litige, que cette mise en oeuvre anticipée ne pouvait donner lieu qu'à des dommages-intérêts que le salarié ne sollicitait pas. 20. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal du salarié ; Enoncé du moyen 21. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une somme au titre des congés payés afférents à la contrepartie financière de la clause de non concurrence, alors « que la contrepartie financière d'une clause de non concurrence ayant la nature d'une indemnité compensatrice de salaire, elle ouvre droit à congés payés ; qu'après avoir retenu que la clause de l'article 5 du contrat de travail qui faisait interdiction au salarié, durant une période de deux ans, d'entrer en relation, directement ou indirectement avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était au service de son ancien employeur s'analysait en une clause de non concurrence qu'il avait respectée, et lui avoir alloué en conséquence le montant de la contrepartie financière tel que prévu par l'article 5 de la convention collective des cabinets d'experts comptables et commissaires aux comptes, dont il demandait le paiement pour la période allant du 12 septembre 2012 au 20 mai 2014, la cour d'appel, qui retient, pour le débouter de sa demande en paiement des congés payés afférents, que cette contrepartie présentant une nature indemnitaire ne peut donner lieu à congés payés, a violé les articles L. 1221-1, L. 2141-1, L. 3141-24 et L. 3141- et L. 3141-28 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 3141-1, L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail : 22. Pour débouter le salarié de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de congés payés calculée sur la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence, l'arrêt retient que dès lors que la contrepartie financière à la clause de non-concurrence a une nature indemnitaire, elle ne peut donner lieu à congés payés. 23. En statuant ainsi, alors que la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence ayant la nature d'une indemnité compensatrice de salaires, ouvre droit à congés payés, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi incident formé par la société Mazars ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. W... de sa demande en paiement d'une indemnité de congés payés calculée sur la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence, l'arrêt rendu le 25 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société Mazars aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mazars et la condamne à payer à M. W... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. W... PREMIER MOYEN DE CASSATION Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur X... W... de sa demande tendant à voir constater l'existence d'une inégalité de traitement entre salariés associés et à voir la société Mazars condamnée à lui payer un rappel de salaire sur le fondement du principe « à travail égal, salaire égal » ainsi que diverses sommes à titre de rappels de salaires et d'indemnités consécutifs à la réévaluation de son salaire de référence ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande de rappel de salaire fondée sur le principe "à travail égal, salaire égal", Monsieur W... fait valoir que, travaillant à Marseille, étant dans une situation identique et exerçant une activité égale à celle des autres associés salariés de la société Mazars travaillant à Courbevoie, il a été victime d'une différence de rémunération qui ne reposait sur aucune raison objective et qui consistait en une décote de 25 % (en 2008/2009) et de 20 % (de 2009 à 2012) sur le nombre de points de base qui lui avaient été attribués ; qu'il rappelle incidemment que l'employeur a appliqué également une décote de 20% sur le montant plancher des arrérages versés au titre de "la retraite chapeau article 39" ; qu'il soutient d'une part que l'employeur pour justifier de cette décote retient des critères qui ne sont pas prévus par la Charte Associative de la société, notamment celui du coût du logement, ce qui rendrait l'abattement illégal et d'autre part, sur le fond, que la décote était disproportionnée par rapport à la différence réelle du coût de la vie entre Marseille et Paris ; qu'il conteste les pièces produites par la société Mazars pour en justifier et verse une autre pièce qui indique une différence de niveau de vie de l'ordre de 4,66% ; que la société Mazars prétend, qu'en application des règles posées par la Charte Associative de la société, elle est en droit d'appliquer un "coefficient géographique" qui respecte le principe " à travail égal, salaire égal" et repose sur des motifs objectifs et pertinents liés au coût de la vie, dont celui du logement, entre Paris et la province qui, selon les données statistiques qu'elle produit, serait de 35% ; qu'il résulte du principe " à travail égal, salaire égal " que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; qu'il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence ; qu'en l'espèce, la société Mazars ne conteste pas l'existence d'une différence de traitement entre les associés salariés travaillant à Marseille et ceux travaillant à Courbevoie et qui résulte de l'application de l'article 4.5.2.3 de la Charte Associative qui indique que pour le calcul du "PB" doit être pris en compte un "coefficient du niveau de vie" qui dépend de la localisation de l'associé : "le coefficient NV prend en compte le coût de la vie, les systèmes sociaux, et les différentes zones économiques au sein d'un même pays" ; que la société Mazars a ainsi opéré une décote de 25% puis de 20% sur les "PB" attribués à Monsieur W... par rapport à ceux attribués aux salariés associés travaillant à Courbevoie ; qu'en droit, une différence de traitement peut être justifiée lorsque les établissements sont situés dans des zones géographiques différentes dans lesquelles le coût de la vie connaît des disparités importantes à condition de pouvoir démontrer objectivement ces disparités ; que dès lors que les dispositions de la Charte Associative font référence aux notions de "niveau de vie" et de "coût de la vie", l'indicateur du coût du logement, qui constitue le poste de dépenses principal du budget d'un ménage, est pertinent ; qu'alors que Monsieur W... produit un classement portant sur le coût de la vie dans 414 villes dans le monde établi par le site internet "Numbeo" mais par référence à une ville américaine notée sur 100, la société Mazars verse au débat un comparatif, issu du même site internet « Numbeo », beaucoup plus précis comme portant exclusivement sur la comparaison entre les villes de Paris et de Marseille auquel il ressort qu'une personne « aura besoin de 4406, 14 à Paris pour maintenir le même niveau qu'à Marseille avec une rémunération de 2900 € » ; que par ailleurs, elle produit des informations issues d'un site internet renommé et spécialisé dans la gestion immobilière qui précisent qu'entre Paris et Marseille, la différence du coût du logement est de près de 55% en cas de location et de près de 70 % en cas d'achat ; que la société Mazars rapporte la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence de traitement ; que la demande de Monsieur W... sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point ; ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSES ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE X... W... conteste la différence de coefficient affectant le point de base en fonction du lieu de travail des associés, sur le fondement du principe d'égalité salariale ; que dans la mesure où le point de base vient affecter une bonification, ne rémunérant pas son travail salarié mais sa qualité d'associé, ce principe ne trouve pas à s'appliquer et X... W... sera donc débouté de sa demande ; ALORS, D'UNE PART, QU' en retenant, pour écarter l'application du principe d'égalité salariale que le point de base vient affecter une bonification ne rémunérant pas un travail salarié de Monsieur W... mais sa qualité d'associé cependant que les deux parties s'accordaient sur le fait que le nombre de points de base alloués à un salarié ayant le grade d'associé déterminait le montant de l' « enveloppe globale de rémunération » de ce dernier en influant dès lors directement sur le montant du salaire fixe de base, celui des avantages en nature et celui du bonus variable qui constituaient tous des éléments de salaire, la Cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant que le principe d'égalité salariale ne trouvait pas à s'appliquer au motif que le point de base ne rémunérait pas le travail salarié de Monsieur W... mais sa qualité d'associé bien qu'il ait été considéré comme constant par les deux parties que l'ensemble des éléments de rémunération de nature salariale perçus par Monsieur W... en qualité de salarié ayant le grade d'associé de la société Mazars était affectés par la décision de la société Mazars d'appliquer un coefficient géographique réducteur lors de la détermination du nombre de points de base lui revenant, la Cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ; ALORS ENFIN QU'il ne peut y avoir de différence de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou d'égale valeur que si elle repose sur des raisons objectives et pertinentes dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que pour considérer qu'il existait des éléments objectifs et pertinents de nature à justifier la différence de traitement entre un associé comme Monsieur W... travaillant à Marseille et ceux travaillant à Courbevoie, se traduisant par une décote de 25%, puis de 20% sur les points de base attribués au premier, la Cour d'appel s'est bornée à se fonder sur un comparatif en anglais issu d'un site internet duquel il ressortirait, selon la traduction effectuée par l'employeur, que qu'une personne « aura besoin de 4406,14€ à Paris pour maintenir le même niveau qu'à Marseille avec une rémunération de 2 900€ » et à relever que des informations issues d'un site internet renommé et spécialisé dans la gestion immobilière précisent qu'entre Paris et Marseille, la différence du coût du logement est de près de 55% en cas de location et de près de 70% en cas d'achat ; qu'en statuant par ces seules considérations d'ordre général impropres à caractériser l'existence de raisons objectives et pertinentes susceptibles de justifier l'écart de 25% et de 20% entre les rémunérations des salariés ayant le grade d'associé selon le lieu d'exercice de leur travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur W... de sa demande en nullité du FCPE Mazars Actions et du transfert automatique de ses parts effectué le 24 avril 2013 ainsi que de sa demande en paiement des dividendes qui lui étaient dus annuellement depuis son licenciement ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande en nullité du transfert automatique des parts de Monsieur W..., Monsieur W... fait valoir que dans le cadre d'un Plan Epargne Entreprise (PEE) mis en place de manière unilatérale par la société Mazars le 1er septembre 1996, il a acquis des actions de la société MAZARS & GUERARD ACTIONS devenue MAZÂRS SA et qu'au 17 mars 2003, il était propriétaire de 2 799 actions ; qu'en juin 2003, les formats des documents émis par INTEREPARGNE, teneur du compte PEE, ont changé et ses avoirs étaient désormais désignés, non plus comme "actions", mais comme "parts du FCPE"; que le 24 avril 2013, ses parts ont été transférées, toujours sans son accord, sur la base d'un faux en écriture, du FCPE MAZARS ACTIONS vers le FCPE NATIXIS AVENIR ; que Monsieur W... conteste le transfert de ses actions au mois de juin 2003 et la cession de ses parts faite le 24 avril 2013 que la société Mazars soutient d'une part qu'en sa qualité d'associé participant au FCPE, Monsieur W... est peu crédible lorsqu'il prétend que le transfert des actions vers des parts du FCPE Mazars Actions en 2003 a été effectué à son insu d'autant qu'il ne justifie d'aucun préjudice puisque l'actif de FCPE Mazars Actions est exclusivement composé d'actions Mazars, la valeur d'une part équivaut à la valeur d'une action ; que d'autre part, invoquant les dispositions des articles R 3332-3 du code du travail, 4.4 du PEE MAZARS et 15 du règlement du FCPE Mazars Actions, elle prétend que le transfert des parts détenues par Monsieur W... le 24 avril 2013, est régulier ; qu'en vertu de l'article L.333-7 du code du travail, l'employeur est, dès la souscription d'un plan d'épargne d'entreprise, débiteur d'une obligation d'information qui ne porte pas seulement sur l'existence de ce plan mais doit aussi concerner son contenu ; qu'il en résulte qu'il lui appartient d'informer en temps utile chacun des salariés des modifications intervenues par rapport au règlement initial ; qu'il en va de même du FCPE lié au PEE ; que l'information peut être fournie par tous moyens permettant aux salariés d'obtenir les informations ; qu'en l'espèce, s'il ressort du relevé établi par INTEREPARGNE qu'au 17 mars 2003 Monsieur W... détenait 2799 actions Mazars & Guerard, Monsieur W... a toutefois été informé de la modification apportée en 2003, à savoir le réinvestissement des revenus du FCPE Mazars & Guerard Actions sur le FCPE SECURIVAL 2, par la remise du relevé du 10 juin 2003; que la valeur d'une action équivalant à la valeur d'une part du FCPE, Monsieur W... n'a subi aucun préjudice ; que par contre, concernant la modification du PEE opérée par avenant du 16 octobre 2007, selon laquelle "'lorsque le bénéficiaire du compte perd la qualité de salarié... les avoirs en parts de FCPE MAZARS & GUERARD OBLIGATIONS et MAZARS ACTIONS sont automatiquement transférés en parts du FCPE Multi-entreprises à orientation monétaire NATIXIS AVENIR 6 SECURITE", la société Mazars ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle en a informé Monsieur W... en temps utile ; que d'ailleurs, l'avenant complète le PEE originel en précisant que "toute modification du plan fera objet d'un avenant, immédiatement communiqué à l'ensemble du personnel "par voie d'affichage et de remise d'une note d'information individuelle", la société Mazars ne justifiant pas s'être acquittée de cette obligation. GUILLEMETS ; que de plus, Monsieur W... produit le règlement du FCPE Mazars Actions en vigueur au 7 septembre 2010 qui prévoyait en son article 15 que "les porteurs de parts ayant quitté l'Entreprise ou les ayants droits des porteurs de parts décédés, sont avertis par l'entreprise de la disponibilité de leurs parts. Leurs parts seront transférées, à l'expiration du délai d'un an à compter de la disponibilité des droits dont ils sont titulaires, vers le Fonds Commun de Placement Multi-Entreprises NATIXIS AVENIR 6 MONETAIRE appartenant à la classification monétaire euro" ; que l'article 2 1 dudit règlement énonçait que les modifications au règlement entraient "en vigueur au plus tôt trois jours ouvrés après l'information des porteurs départs, dispensée par la société de gestion et/ou l'entreprise, au minimum selon les modalités précisées par instruction de l'Autorité des Marchés Financiers, à savoir, selon les cas, affichage dans les locaux de l'entreprise, insertion dans un document d'information et/ou courrier adressé à chaque porteur" ; qu'or, le 24 avril 2013, le règlement du FCPE a fait l'objet d'une modification, notamment en son article 15 qui a été rédigé comme suit " les parts des salariés ayant quitté l'Entreprise seront automatiquement transférées dans le compartiment AVENIR MONETAIRE du FCPE AVENIR, classé Monétaire euro dès lors que la société Mazars en aura informé le teneur de compte conservateur de parts et l'intéressé" ; que la société Mazars ne justifie pas avoir satisfait aux modalités d'information à l'égard de Monsieur W... telles que prévues à l'article 21 du règlement en vigueur au 7 septembre 2010 ; que par ailleurs, Monsieur W... reconnaissant avoir été informé de la modification de l'article 15 le 24 avril 2013, celle-ci lui ne lui était opposable qu'à l'expiration du délai de trois jours ouvrés à compter de cette date ; qu'ainsi, la société Mazars ne pouvait donc pas procéder au transfert des parts de Monsieur W... vers le Fonds AVENIR MONETAIRE du FCPE AVENIR le jour même, soit le 24 avril 20 3 ; que le 24 avril 2013, la société Mazars devait respecter les règles prévues par l'article 15 dans sa rédaction issue du règlement en vigueur au 7 septembre 2010 ; que cependant, comme l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, ce fait n'entraîne pas l'annulation du transfert, Monsieur W... ayant néanmoins été informé le 24 avril 2013 de la modification qui lui devient donc opposable, mais se résout en dommages-intérêts réparant le préjudice subi, ce que Monsieur W... ne sollicite pas ; que Monsieur W... sera également débouté de sa demande tendant à dire qu'il est toujours propriétaire des parts sociales et à demander le paiement des dividendes en résultant ; que le jugement sera confirmé ; ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSES ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE sur la validité et l'opposabilité de l'avenant du 16 octobre 2007 et de l'article 15 du règlement du FCPE, le PEE d'origine, en date du 01 septembre 1996, prévoyait en son article 4 que les sommes reçues par le PEE seraient effectuées par le salarié dans un délai maximum de 15 jours sur un FCPE « SECURIVAL 2», un FCPE «MAZARS & GUERARD Obligations» ou en actions de l'entreprise et/ou de parts du FCPE «MAZARS & GUERARD ACTIONS» ; que l'article 7.3 de ce texte prévoyait que les salariés quittant l'entreprise pouvaient «conserver sur leur compte les sommes placées» jusqu'à acquisition de la prescription trentenaire ; que l'avenant à ce PEE du 16 octobre 2007 porte en annexe la consultation du comité d'entreprise sur la mise en place de nouveaux fonds sur le PEE (SECURIVAL 2 remplacé par NATEXIS 6 AVENIR SECURITE, FRUCTI ELAN RENDEMENT remplacé par NATEXIS AVENIR 4 EQUILIBRE, et FRUCTI ELAN CROISSANCE remplacé par NATEXIS ACTIONS EUROS ou NATEXIS AVENIR 1 PERFONRMANCE) en date du 11 octobre 2007 ; que cet avenant porte diverses modifications, notamment celles relatives aux fonds susvisés, à la valorisation des titres (4.2) et à l'article 4.4 prévoyant qu'en cas de perte de la qualité d'associé, les avoirs des FCPE «MAZARS & GUERARD Obligation » et «MAZARS & GUERARD ACTIONS» seront automatiquement transférés en parts du FCPE Multi-entreprises à orientation monétaire «NATIXIS AVENIR 6 SECURITE» « sur les bases de la valeur liquidative des fonds concernés » ; qu'un nouvel article 7.3 permet aux bénéficiaires ayant quitté l'entreprise, autres que les retraités et préretraités, de conserver sur leur compte les sommes placées en fonds multi-entreprises, et il prévoit une information du bénéficiaire quittant l'entreprise ; qu'alors que le texte initial ne prévoyait rien en ce qui concerne l'information individuelle des salariés, un nouvel article 7.5 prévoit des dispositions en ce sens, notamment son propre affichage et sa diffusion par internet, la remise à l'ensemble du personnel d'une note d'information individuelle et la communication selon les mêmes modalités de toutes les modifications du plan, qui doivent se faire par avenant ; que X... W... verse également aux débats :- un règlement du FCPE « MAZARS ACTIONS » à jour au 07 septembre 2010, qui prévoit, en son article 15 que les porteurs de parts ayant quitté l'entreprise sont avertis de la disponibilité de leurs parts par l'entreprise, et que celles-ci sont transférées, à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la disponibilité des droits, vers le FCPE multi-entreprises NATIXIS AVENIR 6 MONETAIRE et qu'ils peuvent également en demander le rachat, les parts doivent alors être payées en numéraire dans un délai maximal du 15 jours à compter de la réception de la demande de rachat ; - un règlement du FCPE «MAZARS ACTIONS» à jour au 24 avril 2013, qui prévoit, en son article 15, que les salariés peuvent demander le rachat de tout ou partie de leurs parts, et que « les parts des salariés ayant quitté l'entreprise seront automatiquement transférées clans le compartiment « AVENIR MONETAIRE » du FCPE « AVENIR », classé « monétaire », dès lors que la société Mazars en aura informé le teneur de compte conservateur de parts et l'intéressé » ; que ce même texte prévoit un prix de rachat de la part en son article 16.2 ; que ce même texte stipule en son article 21 que « toute modification entre en vigueur au plus tôt trois jours ouvrés après l'information des porteurs départs, dispensée par la Société de gestion en portefeuille et/ou l'entreprise, au minimum selon les modalités précisées par instruction de l'Autorité des Marchés Financiers, à savoir selon les cas, affichage dans les locaux de l'entreprise, insertion dans un document d'information et courrier adressé à chaque porteur de parts » ; QUE sur l'opposabilité de l'article 4.4 du PEE, aucune stipulation spécifique du PEE originel ne prévoyait les modalités d'information individuelle, de sorte qu'il convient de revenir aux dispositions des articles L.3332-7 et 8 du code du travail suivant lesquels « lorsque le plan d'épargne d'entreprise n'est pas établi en vertu d'un accord avec le personnel, les entreprises communiquent la liste nominative de la totalité de leurs salariés à l'établissement habilité pour les activités de conservation ou d'administration d'instruments financiers, en application de l'article L. 542-1 du code monétaire et financier, auquel elles ont confié la tenue des comptes des adhérents. Cet établissement informe nominativement par courrier chaque salarié de l'existence d'un plan d'épargne d'entreprise dans l'entreprise » ; que le parallélisme des formes imposait donc qu'en cas de modification, les bénéficiaires en soient avisés individuellement par courrier ; que c'est du reste ce qui est prévu dans l'avenant ; que toutefois, MAZARS SA n'a pas pris soin de répondre sur ce point, ni même de démontrer s'être acquitté de cette obligation ; que toutefois, en l'état d'un avenant ayant fait l'objet d'une information du comité d'entreprise, et également applicable à tous, la sanction du défaut d'information d'un salarié n'est pas l'inopposabilité de l'accord, mais la réparation du préjudice causé par ce défaut d'information ; qu'aucune demande indemnitaire n'est formulée en ce sens ; que cet avenant est opposable à X... W... ; QUE sur la validité et l'opposabilité de l'article 15 du règlement du FCPE, il en va différemment en ce qui concerne ce texte ; qu'en effet, son article 21 stipule que « toute modification entre en vigueur au plus tôt trois jours ouvrés après l'information des porteurs départs, dispensée par la Société de gestion de portefeuille et/ou l'entreprise, au minimum, selon les modalités précisées par instruction de l'Autorité des Marchés Financiers, à savoir selon les cas, affichage dans les locaux de l'entreprise, insertion dans un document d'information et courrier adressé à chaque porteur de parts» ; que X... W... conteste avoir été informé de cette modification, survenue le 24 avril 2013 ; que MAZARS SA n'allègue ni ne justifie avoir rempli ne serait-ce que l'une des modalités d'informations, pourtant prévues cumulativement ; que dans ces conditions, les modifications portées par ce texte ne sont pas entrées en vigueur ; que l'article 15, tout comme le reste de ce texte n'est donc pas applicable ; qu'en conséquence, c'est donc à tort que MAZARS SA a fait transférer les parts de X... W... du FCPE « MAZARS & GUERARD ACTIONS» vers le FCPE Multi-entreprises à orientation monétaire « NATIXIS AVENIR 6 SECURITE » d'autorité le 24 avril 2014 ; qu'en effet, en l'état de l'article 15 du règlement du FCPE « MAZARS ACTIONS » à jour au 07 septembre 2010, toujours applicable, X... W..., porteur de parts ayant quitté l'entreprise, devait être averti de la disponibilité de ses parts par MAZARS SA, et disposait d'un délai d'un an pour exercer son option de rachat ; que ce n'est qu'à l'expiration de ce délai d'un an à compter de la disponibilité des droits que celles-ci devaient être transférées vers le FCPE multi-entreprises ; que X... W... n'ayant pas manifesté son intention de vendre ses actions, ce n'est qu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'expiration du préavis, soit le 13 décembre 2013, que le transfert aurait dû s'opérer ; que toutefois, ce fait n'entraîne pas, à lui seul l'annulation du transfert, encore moins le report de sa date, mais se résout en dommages et intérêts ; que X... W... n'a pas formulé de demande indemnitaire à ce titre, et sera débouté de sa demande d'annulation du transfert et de ses demandes subséquentes ; 1°) ALORS D'UNE PART QUE Monsieur W... n'invoquait pas à l'appui de sa contestation de la validité du transfert de ses parts du FCPE Mazars Actions le non-respect par l'employeur de son obligation d'information relative à l'insertion de la nouvelle disposition de l'article 4.4 dans le règlement du plan d'épargne d'entreprise mais faisait valoir que les dispositions de l'article 4.4 prévoyant un transfert automatique des parts des salariés quittant l'entreprise lui étaient inopposables pour les acquisitions de parts qu'il avait faites avant la modification du règlement du PEE, soit la quasi-totalité de ses actions ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer que la disposition de l'article 4.4 lui était opposable, que la « sanction du défaut d'information d'un salarié n'est pas l'inopposabilité de l'accord », la Cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.3332-1, R.3332-2 et L.3332-7 du Code du travail ; 2°) ALORS D'AUTRE PART QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, Monsieur W... soutenait que le transfert automatique des parts en cas de départ du salarié de l'entreprise prévu par l'article 4.4 inséré au règlement du plan d'épargne entreprise par un avenant en date du 16 octobre 2007 ne pouvait concerner les parts souscrites avant l'adoption de cette disposition, nécessairement exclues de son champ d'application ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef des conclusions d'appel de Monsieur W..., la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 3°) ALORS en outre et en tout état de cause QU'en se bornant à affirmer que l'avenant du 16 octobre 2007 était également applicable à tous sans préciser les raisons qui lui faisaient considérer que l'article 4.4 de cet avenant avait vocation à s'appliquer quelle que soit la date d'acquisition des titres transférés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R.3332-2 du code du travail et 1134 du code civil ; 4°) ALORS encore QU'en statuant par de tels motifs qui ne mettent pas en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur l'exacte application de la règle de droit, la Cour d'appel a, derechef, violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS ensuite, et en tout état de cause, QUE dès la souscription d'un plan épargne entreprise, l'employeur est débiteur, en vertu de l'article L.3332-7 du code du travail, d'une obligation d'information qui ne porte pas seulement sur l'existence de ce plan mais doit aussi concerner son contenu ; que le non-respect par l'employeur de son obligation d'informer le personnel des modifications intervenues relatives aux modifications de choix de placement en cas de départ de l'entreprise est sanctionné par l'inopposabilité des dispositions du règlement modifié, sans que l'information délivrée aux représentants du personnel puisse suppléer l'absence d'information individuelle délivrée à un salarié ; qu'ayant relevé que la société Mazars ne s'était pas acquittée de son obligation d'information lors de l'insertion dans le règlement du plan d'épargne d'entreprise, par un avenant du 16 octobre 2007, d'un article 4.4 qui prévoyait qu'en cas de perte de la qualité de salarié ou d'associé, les avoirs en parts des FCPE « Mazars et Guerard Actions » seraient automatiquement transférés en parts d'un FCPE Multi-entreprises à orientation monétaire, la Cour d'appel qui, pour déclarer néanmoins opposable à Monsieur W... l'article 4.4 du règlement, a retenu que cette disposition avait fait l'objet d'une information du comité d'entreprise, a statué par un motif inopérant, en violation des articles L.3332-7, L.3332-1 et R.3332-3 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ; 6°) ALORS encore QUE dès la souscription d'un plan épargne entreprise, l'employeur est débiteur, en vertu de l'article L.3332-7 du code du travail, d'une obligation d'information qui ne porte pas seulement sur l'existence de ce plan mais doit aussi concerner son contenu ; que le non-respect par l'employeur de son obligation d'informer le personnel des modifications apportées au règlement relatives aux modifications de choix de placement en cas de départ de l'entreprise est sanctionné par l'inopposabilité aux intéressés des dispositions du règlement modifié et la nullité subséquente du transfert des avoirs d'un salarié décidé et réalisé en application d'une clause qui lui était inopposable ; qu'après avoir relevé que le 24 9 avril 2013, l'article 15 du règlement du FCPE Mazars Actions avait été modifié en ce qu'il prévoyait désormais que les parts des salariés ayant quitté l'entreprise seraient automatiquement transférées dans le compartiment « AVENIR MONETAIRE du FCPE AVENIR », classé Monétaire euro, dès lors que la société Mazars en aura informé le teneur de compte conservateur de parts et l'intéressé, la Cour d'appel a retenu qu'en raison de l'absence d'information délivrée à Monsieur W... concernant les modifications des dispositions antérieures du règlement du FCPE Mazars Actions relatives au départ du salarié de l'entreprise, l'article 15, dans sa nouvelle version, ne lui était pas applicable à la date du 24 avril 2013 de sorte que la société Mazars devait respecter les règles prévues par l'article 15 dans sa rédaction antérieure qui prévoyait un transfert à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date de disponibilité des parts, et qu'elle ne pouvait procéder au transfert des parts le jour même de la modification du règlement, le 24 avril 2013 ; qu'en considérant néanmoins que cette irrégularité n'entrainait pas l'annulation du transfert au motif inopérant qu'en vertu de l'article 21 du règlement du FCPE, la modification du règlement était devenu opposable au salarié le 27 avril 2013, la Cour d'appel a violé les article L.3332-7, L.3332-1 et R.3332-3 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ; 7°) ALORS enfin, et en toute hypothèse QU'en demandant le paiement des dividendes qui lui étaient dus depuis son licenciement, Monsieur W... demandait implicitement mais nécessairement réparation du préjudice résultant pour lui de la vente forcée de ses actions réalisée de façon illicite le 24 avril 2013 si bien qu'après avoir constaté l'irrégularité dont était affecté le transfert des avoirs du salarié, la Cour d'appel qui rejette les demandes formées à ce titre par l'intéressé en déclarant que Monsieur W... ne formule aucune demande de dommages-intérêts, a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur W... de sa demande subsidiaire en paiement au titre de la valeur revendiquée des parts détenues dans le FCPE MARARS Actions et de sa demande très subsidiaire tendant à voir désigner un expert pour procéder à l'évaluation des parts de Monsieur W... à la date du 24 avril 2013 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la valeur des parts transférées, Monsieur W... soutient que ses parts ont été considérablement sous-évaluées par la société Mazars lors de leur transfert le 24 avril 2013 ; que notamment, il indique que dès lors que la moyenne des dividendes sur les trois dernières années lui a procuré la somme de 79 846 € par an, l'évaluation de la totalité des parts à la somme de 148 791, 18 € paraît totalement dérisoire ; qu'il prétend que la société Mazars ne respecte pas les règles d'évaluation d'ordre public posées par l'article L.3332-20 du code du travail lorsqu'elle retient la méthode de l'actif net comptable qui n'est pas représentative de l'évolution de l'entreprise et de la rentabilité des actifs à la différence de la méthode de l'actif net réévalué ; que Monsieur W... conteste donc l'évaluation de ses parts faite par un expert non-indépendant puisqu'affilié à la société BDO France qui est le commissaire aux comptes du groupe Mazars ; qu'il dénonce la violation des règles déontologiques applicables aux commissaires aux comptes et sollicite la nullité de ce rapport qui, selon lui, n'est qu'un simple avis de complaisance sur la valeur donnée aux actions en application de la méthode retenue par la société Mazars ; qu'il explique avoir procédé lui-même à une évaluation de ses parts dans le FCPE Mazars Actions en utilisant les trois méthodes différentes dévalorisation fréquemment utilisées (l'approche par actif net réévalué, l'approche par résultats, la méthode des comparables) qui induisent un préjudice financier à indemniser de 1 075 718€ ; qu'invoquant notamment les statuts de la société Mazars qui renvoient aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil, il demande en tant que de besoin la désignation d'un expert judiciaire ; que la société Mazars, invoquant les dispositions des articles L.3332-20, R.3332-23 du code du travail et 12 du règlement du FCPE MAZARS ACTIONS, soutient que Monsieur W... ne peut contester la méthode d'évaluation de valorisation des actions telle que fixée par l'expert indépendant ; que la méthode d'évaluation revendiquée par Monsieur W... n'est qu'une option à laquelle l'employeur peut recourir à défaut de toute autre méthode retenue par l'expert et que depuis la création du fonds, l'expert a toujours retenu la méthode de l'actif net consolidé de sorte qu'il conviendrait de conserver cette cohérence à défaut de quoi il conviendrait également de revoir la valeur à laquelle Monsieur W... a acquis ses parts ; que selon les dispositions actuelles de l'article 1843-4 du code civil invoquées par Monsieur W..., « dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits soeiaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible. L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties. Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit, ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa. L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties » ; qu'en l'espèce, l'opération visée s'analyse en un remploi de sommes puisque celles-ci ont été réinvesties du FCPE Mazars Actions vers le FCPE Multi-Entreprises NATIXIS AVENIR 6 MONETAIRE ; que par ailleurs, il ressort de l'article 12 du règlement du FCPE Mazars Actions, qui est réputé avoir été librement (consenti) accepté par Monsieur W..., que « l'évaluation de la valeur vénale de l'action non cotée Mazars est réalisée par un expert indépendant, le Cabinet Comptabilité Assistance Conseil Gauron (CAGC) selon la méthode de l'actif net consolidé conformément aux dispositions des article L3332-18 à L3332-24 du code du travail », rendant ainsi la valeur de la part déterminable et la demande d'expertise inopérante ; qu'en outre, l'expert serait tenu d'appliquer les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par le règlement du FCPE liant les parties ; qu'or, la société Mazars produit un rapport d'expertise détaillée établi par le cabinet GAURON sur la base de la méthode de l'actif net consolidé, conformément aux stipulations du règlement du Fonds ; que Monsieur W... ne rapporte pas la preuve de ce que ce cabinet interviendrait en qualité de commissaire aux comptes auprès de la société Mazars et se placerait ainsi dans une situation contraire aux règles de déontologie de la profession que la demande de nullité du rapport sera rejetée ; que de plus, en vertu des dispositions de l'article L.3332-20 du code du travail, « lorsque les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, le prix de cession est déterminé conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation d'actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activité de l'entreprise. Ces critères sont appréciés, le cas échéant, sur une base consolidée ou, à défaut, en tenant compte des éléments financiers issus de filiales significatives. A défaut, le prix de cession est déterminé en divisant par le nombre de titres existants le montant de l'actif net réévalué d'après le bilan le plus récent. Celui-ci est ainsi déterminé à chaque exercice sous le contrôle du commissaire aux comptes » ; qu'ainsi, la méthode de l'actif net réévalué est prévue par la loi à défaut des autres méthodes et notamment celle établie sur une base consolidée ; qu'ainsi, l'évaluation opérée par l'expert dans le respect des stipulations prévues par le règlement du FCPE est valable et pertinente ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu de recourir à une mesure d'expertise sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil ni de retenir la méthode d'évaluation proposée par Monsieur W... ; que le jugement sera confirmé concernant la disposition relative au rejet de la demande d'expertise et la demande, nouvelle en cause d'appel, en paiement de la valeur réelle des parts sera donc rejetée ; 1°) ALORS D'UNE PART QU'il résulte de la combinaison des articles L.822-10 et L.822-11 du code de commerce et de l'article 10 du code de déontologie des commissaires aux comptes que les fonctions de commissaire aux comptes sont incompatibles avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance ; qu'à ce titre, il est interdit au commissaire aux comptes de fournir à la personne ou à l'entité dont il certifie les comptes ou aux personnes ou entités qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par elles, tout conseil ou toute prestation de service n'entrant pas dans les diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes ; que ces interdictions de fournir directement ou indirectement à la personne dont les comptes sont certifiés et aux entités qui contrôlent ou sont contrôlées par celle-ci des services portant atteinte à l'indépendance du commissaire aux comptes s'étendent aux membres du réseau auquel appartient le commissaire aux comptes ; que Monsieur W... faisait valoir que le cabinet GAURON, désigné par l'article 12 du règlement du FCPE Mazars Actions à titre d' « expert indépendant » chargé de la valorisation des titres de la société Mazars, appartenait au réseau BDO, auditeur qui certifiait les comptes consolidés du groupe Mazars en Belgique ; qu'en retenant de façon inopérante qu'il n'était pas établi que le cabinet GAURON soit le commissaire aux comptes de MAZARS SA, sans s'expliquer sur l'existence d'une incompatibilité entre la mission d'évaluation accomplie par le cabinet GAURON et l'appartenance de ce dernier au réseau d'auditeur certifiant les comptes du Groupe Mazars ou à tout le moins rechercher si une telle situation n'était pas de nature à porter atteinte au principe d'indépendance guidant l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.822-10 et L.822-11 du code du commerce ainsi que de l'article 10 du code de déontologie des experts comptables ; 2°) ALORS D'AUTRE PART QUE Monsieur W... contestait que le rapport établi par une associée du cabinet GAUDRON puisse permettre de définir la valeur de rachat de ses parts du FCPE Mazars Actions en faisant valoir que la date de ce rapport validant la valorisation retenue par la société Mazars était postérieure au transfert de ses parts contesté et que la dernière évaluation à dires d'expert remontait à plus de cinq ans, en violation des prescriptions de l'article R3332-23 du code du travail ; qu'en s'abstenant d'examiner ce moyen, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS en outre QU'il résulte de l'article 12 du règlement du FCPE Mazars Actions, tel que cité par la Cour d'appel, que l'évaluation de la valeur vénale de l'action non cotée Mazars est réalisée selon la méthode de l'actif net consolidé conformément aux dispositions des articles L.3332-18 à L.3332-24 du code du travail ; que selon l'article L.3332-20 du même code, « lorsque les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, le prix de cession est déterminé conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation d'actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activité de l'entreprise ; qu'à défaut, le prix de cession est déterminé en divisant par le nombre de titres existants le montant de l'actif net réévalué d'après le bilan le plus récent » ; qu'en énonçant que l'évaluation opérée par l'expert « dans le respect des stipulations prévues par le règlement du FCPE, était valable et pertinente » quand elle avait constaté que la valorisation des titres de la société Mazars avait été effectuée par le cabinet GAUDRON sur la seule base de l'actif net consolidé, soit selon une méthode non conforme aux dispositions légales auxquelles renvoyait l'article 12 du règlement du FCPE, la cour d'appel a violé les articles L.3332-20 du code du travail et 1103 du code civil ; 4°) ALORS encore QUE selon les dispositions d'ordre public de l'article R.3332-22 du code du travail, « lorsque les instruments de placement d'un plan d'épargne d'entreprise comportent la possibilité d'investir en titres de l'entreprise qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, leur évaluation est déterminée conformément aux méthodes définies à l'article L.3332-20, sans préjudice des dispositions légales spécifiques qui fixent les conditions de la valeur de ces titres » ; qu'en considérant comme valable et pertinente l'évaluation des titres de la société Mazars à laquelle le cabinet GAUDRON avait procédé exclusivement selon la méthode de l'actif net consolidé qui méconnaissait les exigences légales, la Cour d'appel a violé les articles L.3332-20 et R.3332-22 du code du travail ; 5°) ALORS de plus QUE le fait qu'il soit procédé à l'estimation d'une société appartenant à un groupe de sociétés sur une base consolidée ne dispense pas d'opérer la pondération, prescrite par l'article L.3332-20 du code du travail, entre les trois critères tirés de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activité de l'entreprise ; qu'en énonçant que la méthode de l'actif net réévalué est prévue par la loi à défaut des autres méthodes, notamment celle établie sur une base consolidée, la Cour d'appel a violé l'article L.3332-20 du code du travail ; 6°) ALORS ENFIN et subsidiairement QU'aux termes de l'article 1er du code civil, les lois entrent en vigueur à la date qu'elles fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication de sorte ; qu'en déboutant Monsieur W... de sa demande tendant à la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil au motif que les conditions posées par ledit article dans sa version actuelle issue de l'ordonnance n°2014-1 du 31 juillet 2014 n'étaient pas réunies, sans justifier des raisons qui, en l'absence de dispositions transitoires prévues par le législateur, lui faisaient tenir pour acquise l'application des nouvelles dispositions de l'article 1843-4 au litige ayant trait à la détermination de la valeur de titres faisant l'objet d'une cession forcée en application d'une disposition d'un règlement du FCPE antérieure au 3 août 2014, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er et de l'article 1843-4 du code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur W... de se demande en paiement de la somme de 6870 euros au titre des congés payés afférents à la contrepartie financière de la clause de non concurrence ; AUX MOTIFS QUE Monsieur W... soutient que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence qui ne stipulait pas de contrepartie financière ; qu'à la suite d'un échange de courriers, il a manifesté le 20 mai 2014 son accord à la levée de cette clause tout en sollicitant la contrepartie financière due du 10 septembre 2012, date du licenciement, au 20 mai 2014 soit la somme de 68 706 €, outre la somme de 6 870 € au titre des congés payés y afférents et ce par référence au montant prévu par la convention collective ; que la société Mazars fait valoir qu'il ne s'agit pas d'une clause de non-concurrence, dont elle a toujours contesté l'existence, mais d'une clause de respect de la clientèle et de loyauté ; que subsidiairement, elle indique que Monsieur W... n'a subi aucun préjudice dès lors qu'il ne justifie pas avoir été empêché ou limité dans sa recherche d'emploi par application de cette clause d'autant qu'il a pu créer en 2014, une activité d'expertise comptable à Marseille ; qu'elle demande de réduire à de plus justes proportions les sommes réclamées à ce titre par Monsieur W... ; que la clause de non-concurrence a pour objet d'interdire à un salarié, après la rupture de son contrat de travail, d'entrer au service d'une entreprise concurrente ou d'exercer, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente à celle de son ancien employeur ; qu'en l'espèce, la clause 5 du contrat de travail stipule « En outre, vous vous interdisez formellement en cas de départ, pendant une durée de deux années : -de recevoir soit directement, soit indirectement, après votre départ du cabinet, toute rémunération ou avantage particulier quelconque d'un des clients du cabinet, -d'accepter que les clients avec qui vous étiez en relation, sous notre couvert, ne prenne comme conseiller, directement ou indirectement, le cabinet dans lequel vous vous recommanderiez et ceci, sauf accord exprès de notre part. Par voie de conséquence, vous vous engagez à aviser de ces interdictions votre nouvel employeur et à respecter les obligations propres à la réglementation professionnelle quant aux clauses de non-concurrence » ; que cette clause qui fait interdiction au salarié, durant une période déterminée d'entrer en relation, directement ou indirectement avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était au service de son ancien employeur doit être qualifiée de clause de non concurrence ; que sur la base des dispositions de la convention collective des cabinets d'experts comptables et commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 étendue par arrêté du 30 mai 1975 qui prévoient une contrepartie financière à la clause de non-concurrence dont le montant ne peut être inférieur à 25 % de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours de 24 derniers mois, il sera alloué à Monsieur J..., pour la période du 10 septembre 2012, date de son licenciement, au 24 mai 2014, date à laquelle il a formalisé son accord à la levée de la clause, la somme de 68.706 euros ; que le jugement sera infirmé sur le montant de l'indemnité allouée ; que dès lors que cette contre partie a une nature indemnitaire, elle ne peut donner lieu à congés payés ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; ALORS QUE la contrepartie financière d'une clause de non concurrence ayant la nature d'une indemnité compensatrice de salaire, elle ouvre droit à congés payés ; qu'après avoir retenu que la clause de l'article 5 du contrat de travail de Monsieur W... qui faisait interdiction au salarié, durant une période de deux ans, d'entrer en relation, directement ou indirectement avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était au service de son ancien employeur s'analysait en une clause de non concurrence, que Monsieur W... avait respectée, et lui avoir alloué en conséquence le montant de la contrepartie financière tel que prévu par l'article 5 de la convention collective des cabinets d'experts comptables et commissaires aux comptes, dont il demandait le paiement pour la période allant du 12 septembre 2012 au 20 mai 2014, la Cour d'appel, qui retient, pour débouter le salarié de sa demande en paiement des congés payés afférents, que cette contrepartie présentant une nature indemnitaire ne peut donner lieu à congés payés, a violé les articles L.1221-1, L.2141-1, L.3141-24 et L.3141- et L.3141-28 du Code du travail. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Mazars Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Mazars à payer à M. W... la somme de 104.782 euros au titre de la prime de treizième mois pour les années 2008 à 2012 et la somme de 35.189 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement ; AUX MOTIFS QU' « en droit, il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve du paiement des salaires et de ses accessoires. En l'espèce, le contrat de travail de Monsieur W... indiquait que "le treizième mois, calculé sur le salaire de décembre, vous sera réglé avec la paie de mai et, au titre de la première année, il sera, en fait, calculé au prorata de votre temps de présence dans le cabinet, de même en cas de départ en cours d'année". Or, la société Mazars ne produit aucune pièce justifiant d'une intégration de cette prime dans le salaire qui n'apparaît plus sur les bulletins de salaire à compter de septembre 1996. Dès lors que tous les éléments de la rémunération entrent dans le calcul de la prime, y compris la part variable et les diverses primes versées dans l'année, sur la base des stipulations contractuelles, il sera accordé à Monsieur W... la somme justifiée de 104 782 € correspondant au total des rémunérations brutes perçues aux mois de décembre 2008 à 2012, telles qu'indiquées sur les bulletins de salaires correspondants. Le jugement sera informé sur le montant de la somme à allouer » ; ET QUE « Monsieur W... sollicite la prise en compte dans le calcul de l'indemnité légale de licenciement du bonus annuel ainsi que de la prime de 13ème mois. En application des dispositions des articles L1234-9 et R1234-2 du code du travail, l'indemnité légale de licenciement revenant à Monsieur W..., qui doit intégrer la prime de 13ème mois et le bonus, pour les motifs ci-dessus exposés – est d'un montant de 88.960 €, selon le décompte conforme produit par le salarié. Monsieur W..., qui a perçu la somme de 57 771 €, est donc en droit de réclamer un rappel de 35 189 € » ; ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, REPUTES ADOPTES, QUE « X... W... se prévaut de la suppression de cette prime à compter du 1er septembre 1996. MAZARS SA conteste la suppression du paiement de cette prime mais indique qu'elle aurait été intégrée dans le salaire de base et donc mensualisée. D'une part, à supposer cette allégation de MAZARS SA exacte, elle serait constitutive d'une modification contractuelle qui aurait nécessité l'accord de X... W..., ce qui implique à tout le moins que MAZARS SA soit en mesure de justifier qu'il en ait été avisé, ce qui n'est pas le cas. Par ailleurs, MAZARS SA n'a pas même pris soin de justifier, par la production des bulletins de salaires avant et après cette mensualisation, de la réalité de l'opération alléguée » ; 1. ALORS QU' en cas de modification du mode de rémunération contractuel, le salarié ne peut invoquer l'application cumulative des stipulations initiales de son contrat et des nouvelles modalités de rémunération ; qu'en l'espèce, il résulte du contrat de travail du 4 janvier 1989 que la rémunération de M. W... se composait uniquement d'une « rémunération annuelle forfaitaire fixe » versée en treize mensualités et qu'à compter de sa nomination au statut d'Associé, en 1998, sa rémunération comprenait, outre un salaire fixe mensuel, une rémunération variable dénommée « Dynamic Reward System » et différents autres avantages ; qu'en considérant que M. W..., qui ne percevait plus de treizième mois depuis l'année 1996 sans contestation de sa part, pouvait réclamer, sur le fondement des stipulations initiales de son contrat, le paiement d'un treizième mois de salaire calculé sur l'ensemble des primes et avantages qui n'étaient pas initialement stipulés au contrat, en sus de ces différentes primes et avantages issues d'une modification du mode de rémunération contractuel, au motif inopérant que la société Mazars ne justifiait pas de l'intégration de la prime de treizième mois dans le salaire de base en 1996, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article L. 1221-1 du code du travail ; 2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le contrat de travail du 4 janvier 1989 prévoit le paiement d'une « rémunération fixe annuelle forfaitaire » de 221.000 francs « répartie en treize mensualités de 17.000 Francs bruts » et précise que « le treizième mois, calculé sur le salaire de décembre, vous sera réglé avec la paie de mai » ; qu'il en résulte que le treizième mois de salaire prévu au contrat, qui constituait une modalité de paiement de la rémunération fixe annuelle, était assis uniquement sur le salaire fixe du salarié ; qu'en affirmant cependant que « tous les éléments de la rémunération entrent dans le calcul de la prime, y compris la part variable et les diverses primes versées dans l'année, sur la base des stipulations contractuelles », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article L. 1221-1 du code du travail.
Aux termes de l'article L.3332-1 du code du travail, le plan épargne d'entreprise est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières. Selon l'article R. 3332-3 du code du travail, le règlement du plan précise les modifications du choix de placement initial pouvant intervenir à l'occasion du départ du salarié de l'entreprise. Il en résulte que la modification du plan réalisée conformément aux règles applicables selon qu'il s'agit d'une décision unilatérale ou d'un accord collectif, s'impose à tous les porteurs de parts, sans qu'il soit besoin de recueillir leur consentement, quelle que soit la date des versements effectués sur leur compte au plan épargne entreprise
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SOC. / ELECT LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 990 FS-P+B Pourvoi n° N 19-13.151 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 La société Schoeller-Allibert France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 19-13.151 contre le jugement rendu le 20 février 2019 par le tribunal d'instance de Courbevoie (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. N... Q... , domicilié [...] , 2°/ à la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes, CFE CGC chimie, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Schoeller-Allibert France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Q... et de la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes, CFE CGC chimie, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Sur le moyen unique : Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Courbevoie, 20 février 2019), que les 6 et 20 juin 2018 se sont tenues les élections des représentants du personnel au comité social et économique au sein de la société Schoeller-Allibert France (la société) ; que, le 12 juin 2018, le syndicat CFE-CGC chimie Lyon (le syndicat) a procédé à la désignation de M. Q... en qualité de représentant de la section syndicale de la société au titre de la CFE-CGC ; que, par jugement du 14 septembre 2018, le tribunal d'instance a annulé le premier et le second tour des élections au sein de la société pour l'ensemble des trois collèges, et ordonné à la société d'engager un nouveau processus électoral ; que le premier et unique tour des élections des représentants du personnel au comité social et économique de l'entreprise a eu lieu le 5 novembre 2018 ; que le syndicat a procédé à la désignation du même salarié en qualité de représentant de la section syndicale au sein de l'entreprise suivant courrier du 28 novembre 2018 reçu le 30 novembre 2018 par l'employeur ; que, le 7 décembre suivant, la société a saisi le tribunal d'instance pour contester cette désignation ; Attendu que la société fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de la désignation du salarié en qualité de représentant de la section syndicale CFE-CGC au sein de l'entreprise faite par la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes en date du 23 novembre 2018 alors, selon le moyen, que l'article L. 2142-1-1 du code du travail interdit de désigner immédiatement après l'organisation des élections professionnelles en qualité de représentant de la section syndicale le salarié qui exerçait cette même fonction avant les élections ; qu'il n'est fait exception à cette règle que lorsqu'il est établi que le périmètre de l'élection à l'issue de laquelle le représentant de la section syndicale a été désigné pour la première fois est différent du périmètre retenu pour la seconde élection à l'issue de laquelle il a été à nouveau désigné ; qu'au cas présent, le tribunal a expressément constaté que le périmètre des élections professionnelles du 5 novembre 2018 à l'issue desquelles M. Q... a été désigné en qualité de représentant de la section syndicale était identique à celui retenu lors des élections précédentes à l'issue desquelles il avait été désigné pour la première fois ; qu'en jugeant néanmoins que la désignation était valable aux motifs inopérants que les modalités d'organisation des deux élections différaient, le tribunal d'instance n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et, partant, a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail ; Mais attendu que les dispositions de l'article L. 2142-1-1 du code du travail, qui interdisent de désigner immédiatement après l'organisation des élections professionnelles en qualité de représentant de section syndicale le salarié qui exerçait cette même fonction au moment des élections, ne sont pas opposables au syndicat dès lors que la nouvelle désignation intervient à la suite des élections professionnelles organisées en exécution d'un jugement ayant procédé à l'annulation des élections professionnelles à l'issue desquelles le salarié avait précédemment été désigné en qualité de représentant de section syndicale ; que, par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du code de procédure civile, le jugement se trouve justifié ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Schoeller-Allibert France et la condamne à payer à M. Q... et à la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes, CFE-CGC chimie la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Schoeller-Allibert France Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté la société Schoeller-Allibert France de sa demande d'annulation de la désignation de Monsieur Q... en qualité de représentant de la section syndicale CFE-CGC au sein de l'entreprise faite par la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes en date du 23 novembre 2018 ; AUX MOTIFS QU' « Sur la validité de la désignation de Monsieur N... Q... en qualité de représentant de la section syndicale CFE - CGC au sein de la SASU Schoeller-Allibert France par la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (Fédération CFE-CGC Chimie). L'article L. 2142-1-1 du Code du travail dispose que chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1, une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement d'au moins cinquante salariés peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement. Le représentant de la section syndicale exerce ses fonctions dans le cadre des dispositions du présent chapitre. Il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs. Le mandat du représentant de la section syndicale prend fin, à l'issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l'a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise. Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d'une section jusqu'aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l'entreprise. Il est couramment admis que l'annulation des élections professionnelles n'a pas d'effet rétroactif; de sorte que l'annulation des élections est sans incidence sur la régularité des désignations effectuées à la suite de ces élections. En l'espèce, il est établi et nullement contesté qu'en date du 12 juin 2018, le Syndicat CFE - CGC CHIMIE LYON a procédé à la désignation de Monsieur N... Q... en qualité de représentant de la section syndicale « de SCHOELLER ALLIBERT au titre de la CFE-CGC ». Suivant jugement rendu en date du 14 septembre 2018, le présent Tribunal a notamment annulé le premier tour et le second tour des élections des représentants du personnel au comité social et économique de la SASU Schoeller-Allibert France organisés respectivement les 06 et 20 juin 2018 pour l'ensemble des trois collèges et ordonné à la SASU Schoeller-Allibert France d'engager un nouveau processus électoral et d'inviter, à cet effet, les organisations syndicales visées par les dispositions de l'article L. 2314-15 du Code du travail à négocier le protocole d'accord préélectoral prévu par les dispositions de l'article L. 2314-28 du même Code, au plus tard dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement. En application de cette décision judiciaire, la SASU Schoeller-Allibert France a engagé un nouveau processus électoral, le premier et unique tour des élections des représentants du personnel au comité social et économique de l'entreprise ayant eu lieu le 05 novembre 2018. En application des dispositions de l'article L. 2142-1-1 alinéa 3 du Code du travail, la première désignation du 12 juin 2018 de. Monsieur N... Q... en qualité de représentant de la section syndicale CFE - CGC, dont la régularité n'a pas été affectée par l'annulation des élections professionnelles des 06 et 20 juin 2018 en l'absence de tout effet rétroactif de celle-ci, a pris fin le 05 novembre 2018, date du premier et unique tour des nouvelles élections professionnelles. La cessation de ce premier mandat n'est d'ailleurs pas contesté, dès lors que, suite au premier tour des élections professionnelles du 05 novembre 2018, la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (Fédération - CGC Chimie), dont la représentativité au sein de l'entreprise n'a pas été établie, a procédé à la nouvelle désignation de Monsieur N... Q... en qualité de représentant de la section syndicale CFE - CGC au sein de l'entreprise suivant courrier du 28 novembre 2018 reçu le 30 novembre 2018 par l'employeur. L'alinéa 3 de l'article L. 2142-1-1 du Code du travail précité ne distingue pas entre le cas d'élections professionnelles intervenant au terme normal en vue du renouvellement des institutions représentatives du personnel dont le mandat arrive à échéance et entre le cas d'élections rendues nécessaires par l'annulation judiciaire des élections professionnelles antérieures, ce texte faisant uniquement référence au terme des « premières élections professionnelles suivant sa désignation ». La limitation fixée par ce texte au droit pour une organisation syndicale de choisir librement ses représentants, y compris dans le cadre d'élections professionnelles consécutives à l'annulation des élections initiales, ne porte pas atteinte au droit du syndicat de désigner un représentant syndical, dès lors que rien n'interdit à l'organisation syndicale de mandater en qualité de représentant de la section syndicale un autre salarié que celui précédemment désigné en cette qualité. Cependant, les dispositions de l'article L. 2142-1-1 du Code du travail, qui interdisent de désigner immédiatement après l'organisation des élections professionnelles en qualité de représentant de la section syndicale le salarié qui exerçait cette même fonction au moment des élections, ne sont pas opposables au syndicat dès lors que le périmètre de ces élections est différent de celui retenu lors des élections précédentes. En l'espèce, il a déjà été jugé que si le protocole d'accord préélectoral du 03 mai 2018 conclu en vue des élections professionnelles des 06 et 20 juin 2018, qui ont été annulées, fixait le périmètre des élections des représentants du personnel au comité social et économique au niveau de l'entreprise, ce protocole avait de fait, distinguer, pour l'ensemble du processus des opérations électorales annulées, deux sites, celui de [...] et celui de [...] et avait ainsi défini des modalités d'organisation du scrutin qui, de fait, avaient eu pour conséquence de cloisonner totalement l'ensemble du processus électoral organisé au sein de chacun des sites. Il n'est pas contesté que les élections professionnelles du 05 novembre 2018 qui ont conduit à la mise en place d'un comité social et économique unique se sont déroulées sur le périmètre global de l'entreprise. Dès lors, le périmètre réel des élections professionnelles des 06 et 20 juin 2018, qui ont été annulées, et celui des élections professionnelles du 05 novembre 2018, à l'issue desquelles Monsieur N... Q... a perdu son premier mandat de représentant de la section syndicale CFE - CGC, sont différents. En conséquence, les dispositions de l'article L. 2142-1-1 du Code du travail, qui interdisent à l'organisation syndicale de désigner immédiatement après l'organisation des élections professionnelles en qualité de représentant de la section syndicale le salarié qui exerçait cette même fonction au moment des élections, ne sont pas opposables à la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (Fédération CFE - CGC Chimie), qui pouvait donc, à nouveau, désigner Monsieur N... Q... en qualité de représentant de la section syndicale CFF, - CGC suite aux élections professionnelles du 05 novembre 2018 dont le périmètre est différent de celui des élections précédentes » ; ALORS QUE l'article L. 2142-1-1 du code du travail interdit de désigner immédiatement après l'organisation des élections professionnelles en qualité de représentant de la section syndicale le salarié qui exerçait cette même fonction avant les élections ; qu'il n'est fait exception à cette règle que lorsqu'il est établi que le périmètre de l'élection à l'issue de laquelle le représentant de la section syndicale a été désigné pour la première fois est différent du périmètre retenu pour la seconde élection à l'issue de laquelle il a été à nouveau désigné ; qu'au cas présent, le tribunal a expressément constaté que le périmètre des élections professionnelles du 5 novembre 2018 à l'issue desquelles Monsieur Q... a été désigné en qualité de représentant de la section syndicale était identique à celui retenu lors des élections précédentes à l'issue desquelles il avait été désigné pour la première fois ; qu'en jugeant néanmoins que la désignation était valable aux motifs inopérants que les modalités d'organisation des deux élections différaient, le tribunal d'instance n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et, partant, a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail.
Les dispositions de l'article L. 2142-1-1 du code du travail, qui interdisent de désigner immédiatement après l'organisation des élections professionnelles en qualité de représentant de section syndicale le salarié qui exerçait cette même fonction au moment des élections, ne sont pas opposables au syndicat, dès lors que la nouvelle désignation intervient à la suite des élections professionnelles organisées en exécution d'un jugement ayant procédé à l'annulation des élections professionnelles à l'issue desquelles le salarié avait précédemment été désigné en qualité de représentant de section syndicale
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SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 novembre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 991 FS-P+B+R+I Pourvois n° Z 18-24.451 C 18-24.454 K 18-24.461 M 18-24.462 N 18-24.463 P 18-24.464 D 18-24.478 G 18-24.482 J 18-24.483 K 18-24.484 N 18-24.486 Q 18-24.488 R 18-24.489 S 18-24.490 T 18-24.491 E 18-24.502 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 La société Bouygues travaux publics, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé les pourvois n° Z 18-24.451, C 18-24.454, K 18-24.461, M 18-24.462, N 18-24.463, P 18-24.464, D 18-24.478, G 18-24.482, J 18-24.483, K 18-24.484, N 18-24.486, Q 18-24.488, R 18-24.489, S 18-24.490, T 18-24.491 et E 18-24.502 contre seize arrêts rendus le 26 juillet 2018 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1) dans les litiges l'opposant respectivement à : 1°/ M. Q... C..., 2°/ M. P... B..., 3°/ M. J... N..., 4°/ M. Q... D..., 5°/ M. Y... O..., 6°/ M. I... W..., 7°/ M. S... F..., 8°/ M. G... T..., 9°/ M. A... M..., 10°/ M. V... X..., 11°/ M. A... L..., 12°/ M. K... H..., 13°/ M. R... E..., 14°/ M. U... AP..., 15°/ M. LP... VV..., 16°/ M. TZ... B..., domiciliés tous les seize au Cabinet de M. J... RP..., [...] , 17°/ la société Atlanco Limited, dont le siège est [...] ), 18°/ la société Welbond armatures, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, les deux moyens de cassation communs, annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Bouygues travaux publics, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. C... et des quinze autres salariés, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Welbond armatures, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller rapporteur référendaire, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Joly, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Z 18-24.451, C 18-24.454, K 18-24.461, M 18-24.462, N 18-24.463, P 18-24.464, D 18-24.478, G 18-24.482, J 18-24.483, K 18-24.484, N 18-24.486, Q 18-24.488, R 18-24.489, S 18-24.490, T 18-24.491 et E 18-24.502 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Caen, 26 juillet 2018), MM. C..., M..., F..., T..., N..., D..., H..., W..., O..., P... et TZ... B..., VV..., L..., AP..., X..., E..., de nationalité polonaise et domiciliés en Pologne, ont été mis à disposition de la société Bouygues travaux publics (la société Bouygues TP) ou de la société Welbond armatures par la société de travail temporaire Atlanco Limited, entreprise de droit chypriote (la société Atlanco), entre le mois de mars 2010 et le mois de juin 2011, pour exercer une activité salariée sur le chantier de construction d'un réacteur nucléaire de nouvelle génération sur le site de Flamanville. 3. L'institution compétente de l'État chypriote, sur le territoire duquel est situé le siège de l'employeur, a retiré les certificats E101 et A1 qu'elle avait précédemment délivrés pour les salariés. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. La société Bouygues TP fait grief à l'arrêt de dire que la société Atlanco a effectué du travail dissimulé, de condamner cette dernière à verser aux salariés une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et à régulariser leur situation ainsi que de dire que la solidarité financière de la société Bouygues TP est engagée au titre du travail dissimulé et de la condamner au paiement de cette indemnité forfaitaire, alors : « 1°/ que, au sens du droit de l'Union, exercent des activités alternantes, peu importe la fréquence de l'alternance, les personnes qui exercent de manière successive des activités dans au moins deux États membres pour le compte d'employeurs différents ; que la société utilisatrice soutenait que les salariés employés par la société Atlanco exerçaient des activités alternantes dans au moins deux États membres de l'Union européenne, de sorte que la législation applicable en matière de droit du travail était celle du siège social de l'employeur, soit le droit chypriote, et non celle de l'État dans lequel les salariés exerçaient leur activité ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à relever que les contrats d'emploi conclus entre la société utilisatrice et la société de travail temporaire le 31 mars 2010 indiquaient que les salariés sont en détachement pour en déduire que la législation applicable en matière de droit du travail est le droit français, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si, au regard des éléments extrinsèques à ces contrats, ils n'étaient pas soumis au régime de l'alternance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14, 2) du règlement n° 1408/71/CEE du 14 juin 1971, 13 du règlement n° 883/2004/ CE et L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ; 2 °/ que le juge, interprétant la commune intention des parties, est tenu de restituer à l'acte litigieux son exacte qualification, sans s'en tenir à la lettre de celui-ci ; qu'en se bornant à retenir que la lettre des contrats de travail impliquait l'application du régime du détachement sans jamais rechercher quelle avait été l'intention commune des parties et si celles-ci n'avaient pas souhaité se placer sous le régime de l'alternance, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 14, 2) du règlement n° 1408/71/CEE du 14 juin 1971, l'article 13 du règlement n° 883/2004/ CE et les articles L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ; 3°/ qu'en tout état de cause, à considérer que le régime du détachement soit applicable, si le certificat E101 délivré par l'institution désignée par l'autorité compétente d'un Etat membre, au titre de l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, lie tant les institutions de sécurité sociale de l'État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu'il est constaté par celles-ci que les conditions de l'activité du travailleur concerné n'entrent manifestement pas dans le champ d'application matériel de cette disposition du règlement n° 1408/71, le retrait de ce certificat ne démontre pas à lui seul le défaut d'affiliation du travailleur détaché au régime de sécurité sociale de l'Etat membre dans lequel son employeur a son siège social et dans lequel il n'exécute pas sa prestation de travail ; qu'en l'espèce, en déduisant qu'il n'est pas justifié de l'application de la loi de sécurité sociale chypriote aux salariés de la société Atlanco mis à la disposition de la société Bouygues TP pour effectuer un travail en France, de la seule circonstance selon laquelle ''le CLEISS, autorité officielle habilitée à diligenter les procédures de retrait des formulaires, a fait une démarche en ce sens le 5 juillet 2011 auprès des autorités chypriotes qui a abouti à un retrait de tous les certificats ab initio ce qui met à néant les déclarations effectuées'', la cour d'appel a violé l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, et 19 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ; 4°/ qu'en appréciant de manière globale la situation des salariés mis à disposition de la société Bouygues TP quant à l'existence des certificats E101, quand celle-ci faisait valoir que tous les salariés ayant été mis à sa disposition pour travailler sur le site de Flamanville n'étaient pas concernés par le retrait des certificats E101, que les motifs du retrait de ces certificats n'étaient pas connus, de sorte que l'irrégularité de la situation des salariés ne pouvait être déduite de la seule absence de ces documents et que les salariés mis à disposition après le 1er mai 2010 bénéficiaient à tout le moins d'une demande de certificat E101, peu important que le certificat n'ait pas été émis avant le début de l'exécution du travail, la cour d'appel, qui n'a pas procédé aux distinctions ainsi indiquées n'a pas recherché si certains salariés n'étaient pas concernés par la procédure de retrait des certificats E 101, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ; 5°/ qu'en ayant ainsi relevé que tous les certificats E101 avaient été retirés par l'autorité chypriote, à la demande des autorités françaises, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société Bouygues TP en ce qu'elle faisait valoir que les salariés mis à disposition après le 1er mai 2010 bénéficiaient à tout le moins d'une demande de certificat E101 qui suffisait à justifier leur rattachement à la législation de sécurité sociale chypriote en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 6°/ qu'en raison du retrait des certificats E101 par l'autorité compétente, le juge a le pouvoir et le devoir d'apprécier la situation concrète et réelle dans laquelle les travailleurs sont détachés pour exécuter un travail en France, par l'entreprise de travail temporaire ayant son siège social dans un autre Etat membre, que ceux-ci exercent leur mission dans le cadre d'un détachement au sens du droit de l'Union européenne ou en alternance dans deux États membres au moins, afin de déterminer la législation de sécurité sociale qui leur est applicable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que les certificats E101 émis par l'autorité chypriote avaient été retirés par celle-ci et en a déduit que la législation de sécurité sociale chypriote n'était pas applicable aux salariés mis à la disposition de la société Bouygues TP pour effectuer un travail en France, sans apprécier, ainsi qu'il lui était pourtant demandé, la situation concrète et réelle de cette mise à disposition ni rechercher si elle justifiait l'affiliation ce ceux-ci au régime de sécurité sociale chypriote, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ; 7°/ qu'en relevant que ''la défaillance de la société Atlanco devant la cour d'appel ne lui permet plus de défendre et de justifier de la régularité de son rattachement au droit de la sécurité sociale chypriote notamment par la justification du travail en alternance des travailleurs polonais dans d'autres pays de l'Union européenne, les sociétés utilisatrices étant dans l'incapacité de faire cette preuve'', ce dont il s'évince que la société Bouygues TP était dans l'impossibilité matérielle de justifier de l'affiliation des travailleurs mis à sa disposition au régime de sécurité sociale chypriote et, partant, n'avait pas une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne la plaçant pas dans une situation de désavantage par rapport à ces derniers, la cour d'appel a méconnu le principe de l'égalité des armes, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ; 8°/ que l'immatriculation d'une société étrangère dépourvue de siège en France ne s'impose qu'autant qu'existe un établissement en France et donc une activité stable ; qu'en déduisant l'existence d'une situation de travail dissimulé résultant d'un défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés en considération du seul fait que ''faute de justifier du rattachement des travailleurs intérimaires à Chypre, la société Atlanco se devait de respecter la législation française exigeant son immatriculation au registre du commerce français'', sans expliquer en quoi la société Atlanco, dont le siège est à Chypre, aurait été soumise à une obligation d'immatriculation en France, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 8221-3 du code du travail, ensemble l'article L. 8222-5 du même code ; 9°/ que l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne consacre le principe de la liberté de prestation de services ; que la Cour de justice de l'Union européenne a pu juger que l'intervention durant trois années sur le territoire d'un État membre pour les besoins d'un chantier ne relève pas d'une activité stable mais d'une prestation de services (CJUE, 11 décembre 2003, KR..., aff. C-215/01) ; qu'en s'abstenant, en l'espèce, d'examiner si la société Atlanco avait exercé une activité stable au sens du droit de l'Union européenne avant de retenir qu'elle aurait dû procéder à son d'immatriculation au registre du commerce et que le défaut d'accomplissement de cette formalité constitue une situation de travail dissimulé, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du droit européen. » Réponse de la Cour 5. Les dispositions du titre II du règlement (CEE) n° 1408/71, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CE) n° 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, et du titre II du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale constituent un système complet et uniforme de règles de conflit de lois dont le but est de soumettre les travailleurs qui se déplacent à l'intérieur de l'Union européenne au régime de la sécurité sociale d'un seul État membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités (CJCE, 24 mars 1994, Van Poucke/Rijksinstituut voor de Sociale Verzekeringen der Zelfstandigen e.a., C-71/93, point 22 ; CJCE, 10 février 2000, FTS, C-202/97, point 20). 6. Ce système repose sur le principe de coopération loyale qui impose à l'institution de sécurité sociale compétente de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents pour l'application des règles relatives à la détermination de la législation applicable et, partant de garantir l'exactitude des mentions figurant dans le certificat délivré (CJCE, 10 février 2000, FTS, C-202/97, point 51). 7. Ce principe implique également celui de confiance mutuelle (CJUE, 6 février 2018, Altun e.a., C-359/16, point 40). 8. Selon les articles 13 § 2, sous a), du règlement n° 1408/71 et 11 § 3, sous a), du règlement n° 883/2004, la règle générale est celle de l'application de la législation de l'État d'exercice de l'activité salariée. 9. Il résulte de l'article 14, point 1, sous a), et point 2, du règlement n° 1408/71 et des articles 12 § 1 et 13 § 1 du règlement n° 883/2004 que font exception à cette règle, les situations de travail détaché et d'exercice normal d'une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres. 10. Conformément à l'article 14, point 1, sous a) du règlement n° 1408/71, aux articles 11 § 1 et 12 bis, point 1, sous b), du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement (CE) n° 120/2009 de la Commission, du 9 février 2009, à l'article 12 §1 du règlement n° 883/2004, aux articles 15 § 1 et 16 § 2 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004, l'institution désignée vérifie si une situation de détachement est caractérisée en sorte que la législation applicable est celle de l'État membre de cette institution ou détermine, dans une situation d'exercice d'une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres, quelle est la législation applicable. 11. Cette institution est, dans le cas d'une situation de détachement, celle de l'État où l'employeur exerce normalement son activité. 12. Dans le cas d'une situation d'exercice d'une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres, ladite institution est celle de l'État membre de résidence de la personne concernée. 13. Selon les articles 11 § 1, 12 bis, points 2 et 4, du règlement n° 574/72, l'article 19 § 2 du règlement n° 987/2009, à la demande de la personne concernée ou de l'employeur, l'institution compétente de l'État membre dont la législation est applicable atteste, par la délivrance des certificats A1/E101, que cette législation est applicable. 14. Il résulte des textes précités que la caractérisation de situations de détachement ou d'exercice d'une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres au sens des règlements de coordination ressort uniquement à la compétence soit de l'institution compétente de l'État membre dans lequel l'employeur exerce normalement son activité, dans le cas où une situation de détachement est alléguée, soit, dans le second cas, de l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre de résidence. 15. Le système complet et uniforme de conflit de lois ainsi institué par les titres II des règlements de coordination, en l'absence de fraude et lorsque État membre de résidence et État membre où est exercée l'activité salariée ne coïncident pas, ne confère aux institutions compétentes de ce dernier État ou à ses juridictions nationales aucune compétence pour procéder à une telle caractérisation afin de retenir l'application d'une loi autre que celle de cet État. 16. Dès lors, en l'absence de certificat E101/A1 résultant d'un refus de délivrance ou d'un retrait par l'institution compétente, seule trouve à s'appliquer la législation de l'État membre où est exercée l'activité salariée. 17. Cette conclusion s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable au regard des caractéristiques propres des règlements de coordination et de l'absence de toute difficulté particulière d'interprétation ou de tout risque de divergence de jurisprudence à l'intérieur de l'Union en sorte qu'il n'y a pas lieu de poser de question à titre préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne. 18. Il en résulte que, après avoir constaté que les salariés employés par la société Atlanco et mis à disposition des sociétés Bouygues TP et Welbond armatures exerçaient une activité salariée sur le territoire français, à Flamanville, et que les certificats A1/E101 délivrés par l'institution compétente chypriote avaient été retirés, la cour d'appel, sans avoir à procéder à des recherches que ces constatations rendaient inopérantes et sans méconnaître le principe de l'égalité des armes garanti par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a exactement retenu que ces salariés étaient soumis à la législation française. 19. D'où il suit que le moyen, inopérant en ses huitième et neuvième branches en ce que celles-ci critiquent des motifs surabondants relatifs au défaut d'immatriculation au registre du commerce, n'est pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 20. La société Bouygues TP fait grief à l'arrêt de dire que sa solidarité financière est engagée au titre du travail dissimulé réalisé par la société Atlanco et de la condamner au paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, alors : « 1°/ qu'il résulte des articles L. 8222-1, 1° du code du travail et L. 114-15-1 du code de sécurité sociale que ne peut être engagée la solidarité financière du donneur d'ordre, qui doit vérifier, lors de la conclusion du contrat en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, que son cocontractant s'acquitte des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du même code, lorsque ce donneur d'ordre détient un justificatif attestant du dépôt de la demande d'obtention du certificat E101 prévu à l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a retenu la solidarité financière des sociétés utilisatrices sur le fondement de l'article L. 8222-5 du code du travail, a également reproché à la société Bouygues TP d'avoir laissé intervenir les salariés mis à sa disposition ''en contravention avec les stipulations des contrats d'emploi sur l'exigence de demandes de tels formulaires [E101]'' ; qu'en constatant ainsi un manquement de cette société à son obligation découlant de l'article L. 8222-1, 1° du code du travail, quand ce texte lui faisait simplement obligation de détenir les demandes de certificats E101 et non nécessairement les certificats E101 eux même, la cour d'appel a violé les textes précités ; 2°/ que la solidarité financière du maître de l'ouvrage ou du donneur d'ordre ne peut être retenue, sur le fondement de l'article L. 8222-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que dans l'hypothèse d'un travail dissimulé réalisé par un sous-traitant ou un subdélégataire ; qu'en retenant, en l'espèce, la solidarité financière de la société utilisatrice à l'égard de la société de travail temporaire auteur du travail dissimulé, quand cette dernière n'était ni le sous-traitant ni le subdélégataire de la première, la cour d'appel a violé le texte précité ; 3°/ que l'article L. 8222-5, alinéa 2, du code du travail prévoit que le maître de l'ouvrage ou le donneur d'ordre qui n'exécute pas son obligation d'injonction envers le sous-traitant ou le subdélégataire réalisant un travail dissimulé est tenu solidairement avec son cocontractant au paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations et charges mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 8222-2, dans les conditions fixées à l'article L. 8222-3 ; qu'en condamnant la société utilisatrice au paiement de l'indemnité pour travail dissimulé, au titre de la solidarité financière avec la société de travail temporaire ayant réalisé le travail dissimulé, quand le paiement de cette indemnité n'est pas prévu par l'article L. 8222-5, alinéa 2, du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte ; 4°/ que l'article L. 8222-5 du code du travail fait obligation au donneur d'ordre d'enjoindre à son cocontractant de faire cesser sans délai la situation considérée comme irrégulière par un agent de contrôle mentionné à l'article L. 8271-7, dès lors qu'il en est informé par celui-ci ; qu'en l'espèce, après avoir rappelé que l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire) a relevé l'absence de certificats E101 pour les salariés mis à la disposition de la société Bouygues TP par la société Atlanco et qu'elle a donné le 25 mai 2011 injonction à la société utilisatrice de faire cesser cette situation, la cour d'appel a expressément constaté que cette dernière a agi à l'égard de son cocontractant en lui ayant adressé une ''vaine sommation ( ) le 31 mai ( ) de lui adresser par retour de courrier les formulaires E101 ou A1 lorsqu'il s'agissait de renouvellement ainsi que la copie de la déclaration de détachement auprès de la DDTEP'', ce dont il se déduisait qu'elle avait exécuté l'obligation mise à sa charge par l'article précité ; qu'en décidant l'inverse, pour retenir la solidarité financière de la société utilisatrice à l'égard de la société de travail temporaire auteur du travail dissimulé, la cour d'appel a violé ces dispositions légales ; 5°/ qu'en retenant ainsi la solidarité financière de la société utilisatrice, la cour d'appel a laissé sans réponse les conclusions de celle-ci aux termes desquelles elle soutenait avoir tout mis en oeuvre pour faire cesser la situation considérée comme irrégulière par l'ASN, ayant mis fin à la mise à disposition des travailleurs le 24 juin 2011, après avoir vainement enjoint à son cocontractant de lui fournir les certificats E101, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ; 6°/ qu'en procédant à une appréciation globale de l'ensemble des dossiers qui lui étaient soumis, sans tenir compte de la situation particulière de chaque salarié, notamment des dates de fin de missions de chacun des 16 salariés demandeurs mis à la disposition de la société Bouygues TP, dont certaines étaient antérieures à l'injonction faite par l'ASN le 25 mai 2011, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de motifs, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 21. Aux termes de l'article L. 8222-5, alinéas 1 et 2, du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, le maître de l'ouvrage ou le donneur d'ordre, informé par écrit par un agent de contrôle mentionné à l'article L. 8271-7 ou par un syndicat ou une association professionnels ou une institution représentative du personnel, de l'intervention d'un sous-traitant ou d'un subdélégataire en situation irrégulière au regard des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 enjoint aussitôt à son cocontractant de faire cesser sans délai cette situation. À défaut, il est tenu solidairement avec son cocontractant au paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations et charges mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 8222-2, dans les conditions fixées à l'article L. 8222-3. 22. Sont mentionnées à l'article L. 8222-2, 3°, du code du travail les rémunérations, les indemnités et les charges dues par celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé, à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie. 23. Ces articles L. 8222-2 et L. 8222-5 du code du travail figurent dans le chapitre de ce code intitulé « Obligations et solidarité financière des donneurs d'ordre et des maître d'ouvrage » qui instaure, par les dispositions qu'il prévoit, au bénéfice du Trésor, des organismes de sécurité sociale et des salariés, une garantie de l'ensemble des créances dues par l'employeur qui exerce un travail dissimulé à la charge des personnes qui recourent aux services de celui-ci afin de prémunir ces créanciers du risque d'insolvabilité du débiteur principal. 24. Il résulte de l'objet et de l'économie desdites dispositions que ce mécanisme de garantie est applicable aux créances indemnitaires pour travail dissimulé des salariés employés par des entreprises de travail temporaire. 25. Aussi, les articles L. 8222-2, 3°, et L. 8222-5, alinéas 1 et 2, du code du travail, doivent être interprétés en ce sens qu'il appartient à l'entreprise utilisatrice, informée de l'intervention de salariés, employés par une entreprise de travail temporaire, en situation irrégulière au regard des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 de ce code, d'enjoindre aussitôt à celle-ci de faire cesser sans délai cette situation. À défaut, elle est tenue solidairement avec l'entreprise de travail temporaire au paiement des indemnités pour travail dissimulé. 26. Après avoir constaté que les sociétés Bouygues TP et Welbond armatures, informées le 25 mai 2011 de l'intervention de la société Atlanco en situation irrégulière au regard des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, se sont abstenues, en l'absence de certificats A1/E101, de lui enjoindre aussitôt de faire cesser cette situation en accomplissant les formalités prescrites par ces articles, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a exactement retenu que les sociétés Bouygues TP et Welbond armatures étaient solidairement tenues, avec la société Atlanco, au paiement des indemnités pour travail dissimulé. 27. D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT n'y avoir lieu de poser une question à titre préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne ; REJETTE les pourvois ; Condamne la société Bouygues travaux publics aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bouygues travaux publics à payer à M. C... et aux quinze autres salariés la somme globale de 4 000 euros et rejette les autres demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens communs produits, aux pourvois n° Z 18-24.451, C 18-24.454, K 18-24.461, M 18-24.462, N 18-24.463, P 18-24.464, D 18-24.478, G 18-24.482, J 18-24.483, K 18-24.484, N 18-24.486, Q 18-24.488, R 18-24.489, S 18-24.490, T 18-24.491 et E 18-24.502, par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Bouygues travaux publics PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société ATLANCO a effectué du travail dissimulé, condamné celle-ci à verser au salarié une indemnité forfaitaire de travail dissimulé et à régulariser la situation de celui-ci et dit que la solidarité financière de la société BOUYGUES TP est engagée au titre du travail dissimulé et condamné celle-ci au paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; Aux motifs propres que « - Sur le fond Les salariés appelants reprochent à la société Atlanco de n'avoir pas respecté la législation européenne sur le détachement des travailleurs intérimaires, de s'être soustraite à son obligation de s' immatriculer en France malgré l'activité permanente, habituelle et essentielle qu'elle y déployait et demandent à la cour de dire que c'est la législation française qui était applicable, que la société Atlanco s'est rendue coupable de travail dissimulé, que le montage juridique par lequel la société Atlanco a mis son personnel polonais à disposition des sociétés utilisatrices sur le site de Flamanville constitue une opération de prêt de main d'oeuvre illicite et un délit de marchandage et que les sociétés utilisatrices sont solidairement responsables de ces trois infractions. Les sociétés utilisatrices plaident pour l'essentiel que les salariés polonais ne relèvent pas des règles régissant le détachement d'un salarié par un Etat membre de la Communauté européenne avec assujettissement au régime de sécurité sociale du lieu de travail soit la France mais de celles relatives aux salariés exerçant des activités alternantes dans au moins deux Etats membres de sorte que c'est la législation de l'Etat membre chypriote sur lequel la société Atianco a son siège qui s'applique tout comme au regard du droit du travail en tant que loi du pays où est situé le siège. Par ailleurs, les sociétés utilisatrice estiment avoir accompli toutes les obligations liées à leur devoir de vigilance. Relevant que la condamnation pénale des sociétés utilisatrices n'est pas définitive et n'a donc pas autorité de la chose jugée du pénal sur le civil, la cour estime qu'il n'est pas pertinent de s'attacher à l'argumentation développée par les salariés sur ce terrain, étant ajouté que la démarche probatoire diffère, le ministère public étant tenu de caractériser les infractions imputées aux personnes morales poursuivies alors qu'il incombe, en matière prud'homale, aux salariés appelants de faire la preuve tant en droit qu' en fait de leurs demandes indemnitaires. - Sur le travail dissimulé Le code du travail prohibe le travail dissimulé par : -dissimulation d'activité de l'article L. 822 1-3 qui réprime l'exercice à but lucratif d'une activité de transformation ou de prestation de services sans immatriculation volontaire au registre du commerce ou sans déclaration aux organismes de protection sociale ; - par dissimulation d'emploi salarié de l'article L. 822 1-5 par soustraction intentionnelle à l'une des formalités telle que la déclaration préalable à l'embauche. Pour déterminer le cadre régissant les relations des parties, la cour se réfère au contrat d'emploi signé avec la société ATLANCO, le 10 septembre 2009 par la société WELBOND ARMATURES et le 31 mars 2010 par la société BOUYGUES T.P, en des termes quasi-identiques. La société ATLANCO, qui se présente comme une agence internationale d'intérim dont le siège social est situé à Chypre et dont l'activité consiste à engager des travailleurs et à les mettre à disposition de clients sur différents projets dans l'Union européenne, a donc conclu un contrat d'emploi de personnel intérimaire pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, étant précisé que le motif de recours à un contrat d'intérim n'est pas en litige. Ces contrats d'emploi qui fixent très précisément les droits et obligations respectives des parties indiquent très clairement que les salariés sont en détachement, en définissant cette notion dans l'entête du contrat et en annexant un modèle type du contrat souhaité ce qui éclaire d'un tout autre jour voire rend vaines les protestations des salariés, consultation juridique à l'appui, du détachement des salariés. L'article 6 du contrat commercial stipule que "concomitamment par ATLANCO du contrat de détachement et en tout état de cause, avant qu'un travailleur intérimaire puisse rentrer sur le site de Flamanville, ATLANCO fournira les documents suivants :" au nombre desquels figurent une copie et sa traduction de la demande de protection sociale (formulaire E 101-formulaire de demande) avec accusé de réception des autorités légales, auprès desquelles elle aura été déposée, devra être fournie à la société utilisatrice ainsi qu'une copie de la demande acceptée dudit formulaire dès réception par la société intérimaire. La société utilisatrice exige expressément de la société intérimaire qu'elle lui fournisse une information écrite et motivée, à défaut de réception dans un délai de 4 semaines de la demande de protection sociale acceptée par les autorités légales concernées. La société utilisatrice rappelle à la société d'intérim qu'en cas de non-respect d'une des conditions, le contrat de détachement ne sera pas signé par la société utilisatrice et elle indique plus loin que l'entreprise de travail intérimaire devra lui remettre les documents nécessaires à l'exercice légal de l'activité des salariés en France sur simple demande. II est constant que la société ATLANCO a choisi de solliciter des autorités chypriotes des certificats E 101 sur la base de l'article 14.2.b du Règlement CEE n°1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Il est admis que l'opposabilité de ces certificats E 101 empêche de contester leur validité et donc le rattachement des travailleurs concernés à la législation ou au régime de protection du pays d'envoi. Mais il ressort des contrôles conjoints de l'ASN et de l'URSSAF concernant les salariés appelants, et en particulier le procès-verbal dressé par l'ASN le 22 décembre 2011, que soit il n'y avait jamais eu de délivrance de formulaires soit lesdits formulaires étaient périmés, alors que les missions avaient été prolongées. II est également acquis que le CLEISS, autorité officielle habilitée à diligenter les procédures de retrait des formulaires, a fait une démarche en ce sens le 5 juillet 2011 auprès des autorités chypriotes qui a abouti à un retrait de tous les certificats ab initio ce qui met à néant les déclarations effectuées. La défaillance de la société ATLANCO devant la cour d'appel ne lui permet plus de défendre et de justifier de la régularité de son rattachement au droit de la sécurité sociale chypriote notamment par la justification du travail en alternance des travailleurs polonais dans d'autres pays de l'Union européenne, les sociétés utilisatrices étant dans l'incapacité de faire cette preuve. Par voie de conséquence, faute de justifier du rattachement des travailleurs intérimaires à Chypre, la société ATLANCO se devait de respecter la législation française exigeant son immatriculation au registre du commerce français, la déclaration par l'employeur des salariés auprès des organismes de protection sociale, le défaut d'accomplissement de ces diligences, avéré en l'espèce, étant constitutif du travail dissimulé. Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société d'intérim était en situation de travail dissimulé et l'a condamnée à payer à chaque salarié concerné l'indemnité forfaitaire de six mois de salaire, prévue en la matière. - Sur la solidarité financière Les sociétés utilisatrices ne peuvent pas remettre en cause les constatations des agents de l'ASN qui se sont déplacés sur le site les 10 et 11 mai 2011 qui ont relevé le défaut de formulaire E 101 en cours de validité. La cour relève qu'à la suite d'un précédent contrôle le 28 avril 2009 concernant une autre société d'intérim, la société Bouygues s'était engagée à tenir un tableau de suivi des formulaires E 10, E 102 ou A 1. La société WELBOND ARMATURES avait été tenue informée du problème. Force est de constater qu'en contravention avec les stipulations des contrats d'emploi sur l'exigence de demandes de tels formulaires avant l'entrée sur le site et de leur acceptation au plus tard 4 semaines après, les sociétés utilisatrices ont continué à faire intervenir les salariés sur le chantier jusqu'à la rupture du 24 juin 2011 alors que leur situation n'était pas régularisée malgré l'injonction de l'ASN donnée dès le 25 mai 2011 de le faire "dans les plus brefs délais" et malgré la vaine sommation adressée le 31 mai 2011 à la société ATLANCO de lui adresser par retour de courrier les formulaires E 101 ou A 1 lorsqu' il s'agissait de renouvellement ainsi que la copie de la déclaration de détachement auprès de la DDTEP. Ce n'est qu'à réception du courrier de l'ASN leur rappelant à la fois, son contrôle des 10 et 11 mai, son courrier du 25 mai et son nouveau contrôle con] oint avec l'URSSAF du 7juin2011, lequel amis à jour de nouvelles irrégularités à savoir le fait que les salariés employés par ATLANCO présents sur le chantier ne possédaient ni contrats de mission ni formulaire E 101 E 102 ou Al en cours de validité et dire la situation de travail dissimulé avérée. La cour ne porte pas de jugement sur la réalité des efforts faits par les deux sociétés utilisatrices pour recruter du personnel qualifié en France mais constate qu'elles ont fait appel à une société basée à Chypre dont le taux de cotisation patronale était bien en deçà de celui pratiqué en France. Ces circonstances conduisent à retenir la solidarité financière des sociétés utilisatrices prévue par l'article L. 8222-5 du code du travail et à infirmer le jugement de ce chef. » ; Et aux motifs éventuellement adoptés que : « Dans le cas de travailleurs étrangers, la société ATLANCO Ltd devait fournir un formulaire E 101 concernant l'intéressé pour toute la durée de l'exécution de son contrat de travail. Or, ce document n'a jamais été fourni ( ). En conséquence, l'intéressé n'a pu bénéficier d'une couverture sociale liée au document E 101 ( ), quand bien même les cotisations sociales furent réglées aux organismes de sécurité sociales chypriotes. Donc, à défaut, le demandeur aurait dû être déclaré à l'URSSAF en France ( ). Sur ce dernier point précis, la législation européenne n'a pas été intégralement respectée. En conséquence, ce non-respect constitue au titre du droit français, un travail dissimulé avéré ( ) » ; 1/ Alors, d'une part, que, au sens du droit de l'Union, exercent des activités alternantes, peu importe la fréquence de l'alternance, les personnes qui exercent de manière successive des activités dans au moins deux Etats membres pour le compte d'employeurs différents ; que la société utilisatrice soutenait que les salariés employés par la société ATLANCO exerçaient des activités alternantes dans au moins deux Etats membres de l'Union européenne, de sorte que la législation applicable en matière de droit du travail était celle du siège social de l'employeur, soit le droit chypriote, et non celle de l'Etat dans lequel les salariés exerçaient leur activité ; que la Cour d'appel, qui s'est bornée à relever que les contrats d'emploi conclus entre la société utilisatrice et la société de travail temporaire le 31 mars 2010 indiquaient que les salariés sont en détachement pour en déduire que la législation applicable en matière de droit du travail est le droit français, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si, au regard des éléments extrinsèques à ces contrats, ils n'étaient pas soumis au régime de l'alternance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14, 2) du règlement n°1408/71/CEE du 14 juin 1971, 13 du règlement n°883/2004/ CE et L.8221-5 et L.8222-5 du code du travail ; 2 / Alors, d'autre part, que le juge, interprétant la commune intention des parties, est tenu de restituer à l'acte litigieux son exacte qualification, sans s'en tenir à la lettre de celui-ci ; qu'en se bornant à retenir que la lettre des contrats de travail impliquait l'application du régime du détachement sans jamais rechercher quelle avait été l'intention commune des parties et si celles-ci n'avaient pas souhaité se placer sous le régime de l'alternance, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 14, 2) du règlement n°1408/71/CEE du 14 juin 1971, l'article 13 du règlement n°883/2004/ CE et les articles L.8221-5 et L.8222-5 du code du travail ; 3/ Alors qu'en tout état de cause, à considérer que le régime du détachement soit applicable, si le certificat E 101 délivré par l'institution désignée par l'autorité compétente d'un Etat membre, au titre de l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, lie tant les institutions de sécurité sociale de l'État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu'il est constaté par celles-ci que les conditions de l'activité du travailleur concerné n'entrent manifestement pas dans le champ d'application matériel de cette disposition du règlement n° 1408/71, le retrait de ce certificat ne démontre pas à lui seul le défaut d'affiliation du travailleur détaché au régime de sécurité sociale de l'Etat membre dans lequel son employeur a son siège social et dans lequel il n'exécute pas sa prestation de travail ; qu'en l'espèce, en déduisant qu'il n'est pas justifié de l'application de la loi de sécurité sociale chypriote aux salariés de la société ATLANCO mis à la disposition de la société BOUYGUES TP pour effectuer un travail en France, de la seule circonstance selon laquelle « le CLEISS, autorité officielle habilitée à diligenter les procédures de retrait des formulaires, a fait une démarche en ce sens le 5 juillet 2011 auprès des autorités chypriotes qui a abouti à un retrait de tous les certificats ab initio ce qui met à néant les déclarations effectuées », la Cour d'appel a violé l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, et 19 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ensemble les articles L.8221-5 et L.8222-5 du code du travail ; 4/ Alors, de plus, qu'en appréciant de manière globale la situation des salariés mis à disposition de la société BOUYGUES TP quant à l'existence des certificats E 101, quand celle-ci faisait valoir (p. 8 et suivantes des conclusions aux fins de saisir la CJUE en interprétation de la société BOUYGUES TP) que tous les salariés ayant été mis à sa disposition pour travailler sur le site de Flamanville n'étaient pas concernés par le retrait des certificats E 101, que les motifs du retrait de ces certificats n'étaient pas connus, de sorte que l'irrégularité de la situation des salariés ne pouvait être déduite de la seule absence de ces documents et que les salariés mis à disposition après le 1er mai 2010 bénéficiaient à tout le moins d'une demande de certificat E 101, peu important que le certificat n'ait pas été émis avant le début de l'exécution du travail, la Cour d'appel, qui n'a pas procédé aux distinctions ainsi indiquées n'a pas recherché si certains salariés n'étaient pas concernés par la procédure de retrait des certificats E 101, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, ensemble les articles L.8221-5 et L.8222-5 du code du travail ; 5/ Alors, en outre, qu'en ayant ainsi relevé que tous les certificats E 101 avaient été retirés par l'autorité chypriote, à la demande des autorités françaises, la Cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société BOUYGUES TP (p. 8 et suivantes de ses conclusions aux fins de saisir la CJUE en interprétation) en ce qu'elle faisait valoir que les salariés mis à disposition après le 1er mai 2010 bénéficiaient à tout le moins d'une demande de certificat E 101 qui suffisait à justifier leur rattachement à la législation de sécurité sociale chypriote en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 6/ Alors, encore, qu'en raison du retrait des certificats E 101 par l'autorité compétente, le juge a le pouvoir et le devoir d'apprécier la situation concrète et réelle dans laquelle les travailleurs sont détachés pour exécuter un travail en France, par l'entreprise de travail temporaire ayant son siège social dans un autre Etat membre, que ceux-ci exercent leur mission dans le cadre d'un détachement au sens du droit de l'Union européenne ou en alternance dans deux Etats membres au moins, afin de déterminer la législation de sécurité sociale qui leur est applicable ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui a constaté que les certificats E 101 émis par l'autorité chypriote avaient été retirés par celle-ci et en a déduit que la législation de sécurité sociale chypriote n'était pas applicable aux salariés mis à la disposition de la société BOUYGUES TP pour effectuer un travail en France, sans apprécier, ainsi qu'il lui était pourtant demandé, la situation concrète et réelle de cette mise à disposition ni rechercher si elle justifiait l'affiliation ce ceux-ci au régime de sécurité sociale chypriote, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, ensemble les articles L.8221-5 et L.8222-5 du code du travail ; 7/ Alors, au surplus, qu'en relevant que « la défaillance de la société ATLANCO devant la cour d'appel ne lui permet plus de défendre et de justifier de la régularité de son rattachement au droit de la sécurité sociale chypriote notamment par la justification du travail en alternance des travailleurs polonais dans d'autres pays de l'Union européenne, les sociétés utilisatrices étant dans l'incapacité de faire cette preuve », ce dont il s'évince que la société BOUYGUES TP était dans l'impossibilité matérielle de justifier de l'affiliation des travailleurs mis à sa disposition au régime de sécurité sociale chypriote et, partant, n'avait pas une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne la plaçant pas dans une situation de désavantage par rapport à ces derniers, la Cour d'appel a méconnu le principe de l'égalité des armes, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles L.8221-5 et L.8222-5 du code du travail. 8/ Alors, par ailleurs, que l'immatriculation d'une société étrangère dépourvue de siège en France ne s'impose qu'autant qu'existe un établissement en France et donc une activité stable ; qu'en déduisant l'existence d'une situation de travail dissimulé résultant d'un défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés en considération du seul fait que « faute de justifier du rattachement des travailleurs intérimaires à Chypre, la société ATLANCO se devait de respecter la législation française exigeant son immatriculation au registre du commerce français », sans expliquer en quoi la société ATLANCO, dont le siège est à Chypre, aurait été soumise à une obligation d'immatriculation en France, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.8221-3 du code du travail, ensemble l'article L.8222-5 du même code ; 9/ Alors, enfin, que l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne consacre le principe de la liberté de prestation de services ; que la Cour de justice de l'Union européenne a pu juger que l'intervention durant trois années sur le territoire d'un Etat membre pour les besoins d'un chantier ne relève pas d'une activité stable mais d'une prestation de services (CJUE, 11 décembre 2003, KR..., aff. C-215/01) ; qu'en s'abstenant, en l'espèce, d'examiner si la société ATLANCO avait exercé une activité stable au sens du droit de l'Union européenne avant de retenir qu'elle aurait dû procéder à son d'immatriculation au registre du commerce et que le défaut d'accomplissement de cette formalité constitue une situation de travail dissimulé, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du droit européen ; SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la solidarité financière de la société BOUYGUES TP est engagée au titre du travail dissimulé réalisée par la société ATLANCO et d'avoir condamné la société BOUYGUES TP au paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; Aux motifs que « - Sur la solidarité financière Les sociétés utilisatrices ne peuvent pas remettre en cause les constatations des agents de l'ASN qui se sont déplacés sur le site les 10 et 11 mai 2011 qui ont relevé le défaut de formulaire E 101 en cours de validité. La cour relève qu'à la suite d'un précédent contrôle le 28 avril 2009 concernant une autre société d'intérim, la société Bouygues s'était engagée à tenir un tableau de suivi des formulaires E 10, E 102 ou A 1. La société WELBOND ARMATURES avait été tenue informée du problème. Force est de constater qu'en contravention avec les stipulations des contrats d'emploi sur l'exigence de demandes de tels formulaires avant l'entrée sur le site et de leur acceptation au plus tard 4 semaines après, les sociétés utilisatrices ont continué à faire intervenir les salariés sur le chantier jusqu'à la rupture du 24 juin 2011 alors que leur situation n'était pas régularisée malgré l'injonction de l'ASN donnée dès le 25 mai 2O11 de le faire "dans les plus brefs délais" et malgré la vaine sommation adressée le 31 mai 2011 à la société ATLANCO de lui adresser par retour de courrier les formulaires E 101 ou A 1 lorsqu' il s'agissait de renouvellement ainsi que la copie de la déclaration de détachement auprès de la DDTEP. Ce n'est qu'à réception du courrier de l'ASN leur rappelant à la fois, son contrôle des 10 et 11 mai, son courrier du 25 mai et son nouveau contrôle con] oint avec l'URSSAF du 7juin2011, lequel amis à jour de nouvelles irrégularités à savoir le fait que les salariés employés par ATLANCO présents sur le chantier ne possédaient ni contrats de mission ni formulaire E 101 E 102 ou Al en cours de validité et dire la situation de travail dissimulé avérée. La cour ne porte pas de jugement sur la réalité des efforts faits par les deux sociétés utilisatrices pour recruter du personnel qualifié en France mais constate qu'elles ont fait appel à une société basée à Chypre dont le taux de cotisation patronale était bien en deçà de celui pratiqué en France. Ces circonstances conduisent à retenir la solidarité financière des sociétés utilisatrices prévue par l'article L. 8222-5 du code du travail et à infirmer le jugement de ce chef. » ; 1/ Alors qu'il résulte des articles L.8222-1, 1° du code du travail et L.114-15-1 du code de sécurité sociale que ne peut être engagée la solidarité financière du donneur d'ordre, qui doit vérifier, lors de la conclusion du contrat en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, que son cocontractant s'acquitte des formalités mentionnées aux articles L.8221-3 et L.8221-5 du même code, lorsque ce donneur d'ordre détient un justificatif attestant du dépôt de la demande d'obtention du certificat E 101 prévu à l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui a retenu la solidarité financière des sociétés utilisatrices sur le fondement de l'article L.8222-5 du code du travail, a également reproché à la société BOUYGUES TP d'avoir laissé intervenir les salariés mis à sa disposition « en contravention avec les stipulations des contrats d'emploi sur l'exigence de demandes de tels formulaires [E 101] » ; qu'en constatant ainsi un manquement de cette société à son obligation découlant de l'article L.8222-1, 1° du code du travail, quand ce texte lui faisait simplement obligation de détenir les demandes de certificats E 101 et non nécessairement les certificats E 101 eux même, la Cour d'appel a violé les textes précités ; 2/ Alors, par ailleurs, que la solidarité financière du maître de l'ouvrage ou du donneur d'ordre ne peut être retenue, sur le fondement de l'article L.8222-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que dans l'hypothèse d'un travail dissimulé réalisé par un sous-traitant ou un subdélégataire ; qu'en retenant, en l'espèce, la solidarité financière de la société utilisatrice à l'égard de la société de travail temporaire auteur du travail dissimulé, quand cette dernière n'était ni le sous-traitant ni le subdélégataire de la première, la Cour d'appel a violé le texte précité ; 3/ Alors, en outre, que l'article L.8222-5, alinéa 2 du code du travail prévoit que le maître de l'ouvrage ou le donneur d'ordre qui n'exécute pas son obligation d'injonction envers le sous-traitant ou le subdélégataire réalisant un travail dissimulé est tenu solidairement avec son cocontractant au paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations et charges mentionnés aux 1° à 3° de l'article L.8222-2, dans les conditions fixées à l'article L.8222-3 ; qu'en condamnant la société utilisatrice au paiement de l'indemnité pour travail dissimulé, au titre de la solidarité financière avec la société de travail temporaire ayant réalisé le travail dissimulé, quand le paiement de cette indemnité n'est pas prévue par l'article L.8222-5, alinéa 2 du code du travail, la Cour d'appel a violé ce texte ; 4/ Alors, en tout état de cause, que l'article L.8222-5 du code du travail fait obligation au donneur d'ordre d'enjoindre à son cocontractant de faire cesser sans délai la situation considérée comme irrégulière par un agent de contrôle mentionné à l'article L.8271-7, dès lors qu'il en est informé par celui-ci ; qu'en l'espèce, après avoir rappelé que l'ASN a relevé l'absence de certificats E 101 pour les salariés mis à la disposition de la société BOUYGUES TP par la société ATLANCO et qu'elle a donné le 25 mai 2011 injonction à la société utilisatrice de faire cesser cette situation, la Cour d'appel a expressément constaté que cette dernière a agi à l'égard de son cocontractant en lui ayant adressé une « vaine sommation ( ) le 31 mai ( ) de lui adresser par retour de courrier les formulaires E 101 ou A 1 lorsqu'il s'agissait de renouvellement ainsi que la copie de la déclaration de détachement auprès de la DDTEP », ce dont il se déduisait qu'elle avait exécuté l'obligation mise à sa charge par l'article précité ; qu'en décidant l'inverse, pour retenir la solidarité financière de la société utilisatrice à l'égard de la société de travail temporaire auteur du travail dissimulé, la Cour d'appel a violé ces dispositions légales; 5/ Alors, de plus fort, qu'en retenant ainsi la solidarité financière de la société utilisatrice, la Cour d'appel a laissé sans réponse les conclusions de celle-ci aux termes desquelles elle soutenait avoir tout mis en oeuvre pour faire cesser la situation considérée comme irrégulière par l'ASN, ayant mis fin à la mise à disposition des travailleurs le 24 juin 2011, après avoir vainement enjoint à son cocontractant de lui fournir les certificats E 101 (p. 37 et 38 des conclusions en réplique et récapitulatives de la société exposante), en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. 6/ Alors, enfin, qu'en procédant à une appréciation globale de l'ensemble des dossiers qui lui étaient soumis, sans tenir compte de la situation particulière de chaque salarié, notamment des dates de fin de missions de chacun des 16 salariés demandeurs mis à la disposition de la société BOUYGUES TP, dont certaines étaient antérieures à l'injonction faite par l'ASN le 25 mai 2011, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de motifs, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 13, § 2, sous a), et 14, points 1, sous a), et 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CE) n° 592/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008, des articles 11, § 1, et 12 bis, points 1, sous b), 2 et 4, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement (CE) n° 120/2009 de la Commission du 9 février 2009, ainsi que des articles 11, § 3, sous a), 12, § 1, et 13, § 1, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et des articles 15, § 1, 16, § 2, et 19, § 2, du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004, que, en l'absence de certificat E101/A1 résultant d'un refus de délivrance ou d'un retrait par une institution compétente, seule s'applique la législation de l'Etat membre où est exercée l'activité salariée
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N° S 19-85.812 F-P+B+I N° 1994 SM12 28 OCTOBRE 2020 CAS. PART. PAR VOIE DE RETRANCH. SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 OCTOBRE 2020 CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par Mme F... W... contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 16 mai 2019, qui pour refus de se soumettre à des prélèvements biologiques et à des relevés signalétiques, l'a condamnée à deux mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme F... W..., et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 2 février 2019, une manifestation non déclarée s'est déroulée dans la nuit, à Bayonne, à l'initiative du mouvement dit des : « gilets jaunes ». Des manifestants ont jeté des projectiles sur les policiers présents. Un groupe d'une cinquantaine de personnes a causé des dégradations au commissariat de police : caméras de surveillance arrachées, graffitis sur les murs, projectiles lancés sur les vitres, banderoles embrasées avec un début d'incendie, destruction de la guérite d'entrée, visiophone endommagé, utilisation d'un fumigène. Avec le concours de forces mobiles, les policiers ont procédé à plusieurs interpellations, dont celle de Mme W.... 3. Placée en garde à vue, celle-ci a refusé de se soumettre au prélèvement biologique destiné à recueillir son empreinte génétique, ainsi qu'au relevé de ses empreintes digitales. 4. Elle a été traduite devant le tribunal correctionnel de Bayonne, selon la procédure de comparution immédiate, pour dégradations volontaires d'un bâtiment public en réunion, refus de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à identifier son empreinte génétique et refus de se soumettre à des relevés signalétiques. 5. Par jugement du 25 février 2019, le tribunal correctionnel a rejeté les exceptions de nullité présentées par Mme W..., tirées des conditions de son placement en garde à vue, l'a déclarée coupable des faits visés à la prévention, et l'a condamnée à quatre mois d'emprisonnement pour les faits de dégradations aggravées et de refus de se soumettre aux relevés signalétiques, ainsi qu'à deux mois d'emprisonnement pour refus de se soumettre au prélèvement biologique. Le tribunal a prononcé sur les intérêts civils. 6. La prévenue a relevé appel de ce jugement et le procureur de la République a formé appel incident. Examen des moyens Sur le quatrième moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Énoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté, comme non fondées, les exceptions de nullité soulevées par Mme W... tendant à l'annulation de son placement en garde à vue et des actes subséquents, alors : « 1°/ que le juge ne peut sous peine d'entacher sa décision d'une contradiction de motifs faire dire à un document une chose qu'il ne dit pas ; que les circonstances insurmontables doivent exister au moment où il est procédé au placement en garde à vue pour justifier un retard dans la notification des droits du gardé à vue ; qu'il ressortait du procès-verbal établi le 2 février 2019 à 21 heures 30 par le gardien de la paix T..., tout comme de celui établi le 3 février 2019 à 8 heures par le capitaine V..., relatant les événements s'étant déroulés le samedi 2 février 2019 à Bayonne, que lorsqu'il avait été procédé à l'interpellation de Mme W... le même jour à 22 heures 10, le calme était rétabli à proximité du commissariat et qu'il n'y avait pas de climat insurrectionnel, ce qui excluait donc l'existence de circonstances insurmontables ; qu'en jugeant cependant que le retard de 1 heure 10 dans la notification des droits de la gardée à vue était justifié par des circonstances insurmontables dues au climat insurrectionnel résultant notamment de ces mêmes procès-verbaux, la cour d'appel a statué par motifs contradictoires en violation de l'article 593 du code de procédure pénale, 2°/ que les circonstances insurmontables doivent exister au moment où il est procédé au placement en garde à vue pour justifier un retard dans la notification des droits du gardé à vue ; que pas davantage les autres éléments aux débats sur lesquels la cour d'appel se fondaient ne permettaient d'établir l'existence d'un climat de tension extrême au moment où il avait été procédé à l'interpellation de Mme W... qui aurait pu justifier un retard dans la notification de ses droits de gardée à vue ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé les articles préliminaire, 63, 63-1, et 591 du code de procédure pénale, 3°/ que toute personne doit se voir notifier immédiatement les droits attachés à son placement en garde à vue dans une langue qu'elle comprend ; que le retard apporté à la notification des droits 1 attachés à la garde à vue ne saurait être justifié par la nécessité de disposer du concours d'un interprète, en l'absence de circonstances insurmontables faisant obstacle à la recherche de cet interprète ; que la cour d'appel, pour considérer que la notification des droits intervenue 1 heure 10 après le placement en garde à vue de la prévenue, s'est bornée à indiquer que dès 22 heures 40 l'officier de police judiciaire avait constaté que Mme W... ne parlait que l'italien et que la notification de ses droits avait donc été suspendue en attendant qu'un interprète soit disponible, ce qui avait été le cas par téléphone à 23 heures 20, et qu'enfin, elle s'est prévalue de la complexité de la situation à laquelle les officiers de police judiciaire avaient été confrontés ce soir-là ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser aucune circonstance insurmontable justifiant qu'il ait été impossible, en l'espèce, de faire immédiatement appel à un interprète en langue italienne lors du placement en garde à vue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 63, 63-1, et 593 du code de procédure pénale, 4°/ qu'un interprète peut procéder valablement par un moyen de télécommunication à la notification des droits attachés à la garde à vue seulement lorsque un procès-verbal constate expressément son impossibilité de se déplacer ; qu'en se bornant à constater que la notification des droits de la gardée à vue avait été réalisée en ayant recours à un interprète procédant à la traduction par téléphone et en ne relevant aucunement l'existence d'un procès-verbal, par lequel l'officier de police judiciaire ayant eu recours à ce moyen de communication, aurait constaté l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 63-1, 591 et 706-71 du code de procédure pénale, 5°/ que la remise d'un formulaire d'information des droits de la personne gardée à vue, dans une langue qu'elle comprend, s'impose dès le début de la garde à vue dès lors que cette personne ne s'est pas vue notifier ses droits par un interprète dès son placement en garde à vue ; qu'en l'espèce, Mme W... avait été placée en garde à vue à 22 heures 10, mais ses droits ne lui avaient été notifiés par un interprète par téléphone qu'à 23 heures 20, soit 1 heure 10 après ; que la remise du formulaire dans une langue qu'elle comprenait s'imposait donc dès le début de la garde à vue et que le défaut de remise de ce document à ce moment portait atteinte à ses intérêts et lui causait nécessairement un grief, justifiant le prononcé de la nullité de la procédure de garde à vue et des actes subséquents ; qu'en se bornant à relever que ses droits lui avaient été notifiés oralement dans une langue qu'elle comprenait, pour affirmer que la prévenue n'avait pas démontré avoir subi un grief, et écarter ce moyen de nullité de la procédure, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 63-1, 803-6, et 591 du code de procédure pénale, 6°/ que la remise du formulaire énonçant les droits de la personne placée en garde à vue doit avoir lieu dès le début de la garde à vue pour assurer le respect des droits de la défense de cette personne ; qu'en se bornant, pour écarter le moyen de nullité de la procédure tiré de l'absence de remise de formulaire telle que prévue à l'article 803-6 du code de procédure pénale, à affirmer qu'un tel formulaire avait été remis à Mme W... au moment où la mesure de garde à vue lui avait été notifiée, soit tardivement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 63-1, 803-6, et 591 du code de procédure pénale, 7°/ que l'officier de police judiciaire, qui est amené, pour les nécessités de l'enquête, à placer une personne en garde à vue, a le devoir d'en informer le procureur de la République dès le début de la mesure ; que tout retard dans l'information donnée à ce magistrat, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée et doit entraîner la nullité de la garde à vue et de la procédure subséquente ; qu'en l'espèce, et ainsi que la cour d'appel l'a constaté, Mme W... a été interpellée à 22 heures 10, mais le procureur de la République n'a été informé de cette mesure qu'à 23 heures 04, soit 54 minutes après le début de la garde à vue ; que dès lors qu'il résultait des procès-verbaux aux débats qu'à compter de 22 heures 05 instruction avait été donnée de disperser les manifestants et que la zone était sécurisée et le calme rétabli et que de plus, et ainsi que les premiers juges l'avaient constaté, l'interpellation et le placement en garde à vue de Mme W... avait été confié à l'officier de police, M. O... N..., qui avait seulement en charge cette gardée à vue, la cour d'appel ne pouvait tirer argument du fait que les policiers avaient prétendument dû faire face en même temps que cette interpellation à des événements particulièrement violents, pas davantage, elle ne pouvait arguer de ce que d'autres officiers de police avaient dû procéder à la recherche d'un individu, identifié comme étant M. J... C..., interpellé seulement à 23 heures 30, pour alléguer de prétendues circonstances insurmontables de nature à justifier un retard dans l'information du procureur de la République, sans violer les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 63, et 591 du code de procédure pénale, ensemble le principe du respect des droits de la défense, 8°/ que dès le début de la garde à vue doivent être portés à la connaissance du procureur de la République les motifs du placement en garde à vue ainsi que la qualification des faits notifiés au gardé à vue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bayonne avait été informé à 23 heures 04 du placement en garde à vue de Mme W... et que ce délai était justifié par la prétendue désorganisation des services ; qu'il n'est toutefois pas indiqué que les motifs du placement et la qualification des faits aient été portés à la connaissance du magistrat, de sorte qu'en écartant la requête en nullité de cette garde à vue, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 63, et 591 du code de procédure pénale, ensemble le principe du respect des droits de la défense. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en ses quatrième et huitième branches 9. La notification des droits résultant de son placement en garde à vue a été faite à Mme W... avec l'assistance d'un interprète en langue italienne, qui a procédé à une traduction par téléphone. Il ne résulte pas des pièces de procédure que la prévenue ait prétendu, devant les juges du fond, que la procédure était irrégulière, faute de procès-verbal expliquant les raisons ayant empêché la venue de l'interprète au commissariat de police. 10. Par ailleurs, la demanderesse n'a pas soutenu que le procureur de la République n'aurait pas été informé des motifs de son placement en garde à vue et de la qualification des faits qui lui avait été notifiée. 11. Il en résulte que ces griefs sont irrecevables comme tardifs. Sur le moyen pris, en ses trois premières branches et en sa septième branche 12. Pour réclamer l'annulation de la procédure, la demanderesse a prétendu qu'à l'occasion de son placement en garde à vue, ses droits lui avaient été notifiés de manière tardive, et que le procureur de la République n'avait pas été avisé aussitôt de la mesure prise envers elle. 13. Pour écarter ces griefs l'arrêt constate que Mme W... a été interpellée et placée en garde à vue à 22 heures 10, que le procureur de la République en a été avisé à 23 heures 04, et que ses droits lui ont été notifiés à 23 heures 20, avec l'assistance d'un interprète. 14. L'arrêt ajoute que les troubles survenus à Bayonne ce soir-là à l'occasion d'une manifestation, marqués par des violences inquiétantes, des dégradations graves du commissariat de police et de nombreuses interventions des forces de l'ordre pour disperser des groupes de personnes dangereuses, avaient créé un climat de tension extrême et menacé directement la sécurité des policiers. La cour d'appel en déduit l'existence de circonstances insurmontables, qui alliées à la nécessité de recourir à un interprète, justifient les délais dans lesquels les formalités liées au placement en garde à vue ont été accomplies. 15. Par ces motifs dénués d'insuffisance et relevant de son appréciation souveraine, qui caractérisent l'existence de circonstances insurmontables et expliquent leurs conséquences, la juridiction du second degré a justifié sa décision sans méconnaître les textes invoqués. 16. Ainsi les griefs ne peuvent-ils être admis. Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches 17. Pour réclamer l'annulation de la procédure, Mme W... a prétendu que le formulaire d'information des droits inhérents à son placement en garde à vue ne lui a pas été remis lors de son interpellation, mais seulement lors de la notification de ses droits. 18. Pour écarter cette exception, l'arrêt attaqué énonce que la remise de ce formulaire a été régulièrement faite lors de la notification de ses droits et n'avait pas à l'être préalablement. 19. En prononçant ainsi, la juridiction du second degré a fait l'exacte application de la loi. 20. En effet, il résulte des articles 63-1 et 803-6 du code de procédure pénale que le formulaire, prévu par ces dispositions et destiné à chaque personne soumise à une mesure de privation de liberté, doit être remis, en cas de placement en garde à vue, lors de la notification des droits inhérents à cette mesure. 21. Le moyen ne peut, dès lors, être admis. Sur le deuxième moyen Énoncé du moyen 22.Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme W... coupable pour des faits de refus de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à permettre l'analyse et l'identification de son empreinte génétique par une personne soupçonnée d'infraction entraînant l'inscription au FNAEG, alors : « 1°/ que l'obligation de se soumettre, sous peine de sanction pénale, à un prélèvement d'empreinte génétique pour en permettre l'inscription dans le fichier FNAEG et la conservation pendant une durée fixe de 25 ou 40 ans, sans distinguer selon la gravité des faits ou des infractions en cause, constitue une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale tel que prévu à l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; que Mme W..., se prévalant de l'absence de distinction en fonction de la situation de la personne et de la durée excessive de conservation des données biologiques, soutenait que la condamnation prononcée à son encontre pour avoir refusé de se soumettre au prélèvement biologique portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale tel que prévu à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en se bornant à relever que dès lors qu'il existait contre Mme W... des indices graves et concordants rendant vraisemblable qu'elle ait commis l'une des infractions prévues à l'article 706-55 du code de procédure pénale, la prévenue disposait d'une possibilité concrète de demander l'effacement des données enregistrées au fichier et qu'il avait été jugé que les durées de conservation des empreintes génétiques enregistrées au FNAEG « sont raisonnablement proportionnées à la nature des infraction concernées ainsi qu'aux buts poursuivies par le législateur », pour conclure que la condamnation de Mme W..., pour avoir refusé le prélèvement ADN, ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que prévu à l'article 8 de la convention européenne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593, 706-54 et 706-56 du code de procédure pénale, ensemble l'article R. 53-14 dudit code, 2°/ que le prélèvement des empreintes génétiques ne peut être demandé qu'en présence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la commission d'un crime ou d'un délit énuméré à l'article 706-55 du code de procédure pénale ; que Mme W... faisait valoir qu'il ne pouvait être considéré qu'il y avait eu des indices graves rendant vraisemblable une infraction de dégradation de biens public en réunion lorsque la relaxe était prononcée pour cette infraction et que par conséquent l'infraction de refus de prélèvement biologique en présence d'indices graves et concordants de ce qu'elle aurait commis une infraction de dégradation telle que prévue à l'article 706-56, II du code de procédure pénale ne pouvait être retenue à son encontre ; que bien qu'ayant jugé que Mme W... devait être relaxée des chefs de dégradation de bien public en réunion, en retenant cependant cette dernière dans les liens de la prévention du chef d'infraction de refus de se soumettre à un prélèvement d'ADN, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 591, 706-54 et 706-56 du code de procédure pénale, 3°/ que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en jugeant d'une part, que les faits de dégradation de biens reprochés à Mme W... n'apparaissaient pas constitués au regard des éléments de la procédure, qu'il s'agisse des inscriptions ou tags ou des dégradations matérielles des biens du commissariat tout en jugeant d'autre part, que les constatations effectuées par les policiers la désignaient au moment de son interpellation comme ayant commis les dégradations sur les éléments de mobilier du commissariat pour en déduire que la relaxe du chef de dégradation n'excluait pas l'existence de l'infraction de refus de prélèvement biologique en présence d'indices graves et concordants rendant vraisemblables sa participation aux actes de dégradation, la cour d'appel a statué par motifs contradictoires en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 23. Selon l'article 706-54 du code de procédure pénale, les empreintes génétiques des personnes à l'égard desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions visées à l'article 706-55 du même code sont conservées dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques. 24. L'article 706-56 de ce code réprime le refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'analyse de l'empreinte génétique devant être ainsi conservée. 25. Les personnes qui n'ont pas été condamnées pour l'infraction à l'occasion de laquelle ce prélèvement a été fait peuvent demander au procureur de la République l'effacement de leur empreinte génétique du fichier et disposent d'un recours juridictionnel effectif en cas de rejet de leur demande, ou de défaut de réponse, ce recours étant prévu par l'article 706-54, alinéa 2, du code de procédure pénale, et son exercice régi par les articles R. 53-13-2 à R. 53-13-16 du même code. 26. Il résulte de ces textes : - d'une part, qu'une personne placée en garde à vue, se trouvant dans la situation prévue au § 23, précité, est tenue de se soumettre au prélèvement prévu au § 24, son refus étant pénalement sanctionné ; - d'autre part, qu'en raison du droit au recours décrit au § 25, ni ce prélèvement ni la sanction prévue en cas de refus ne représentent une ingérence excessive dans le droit au respect de sa vie privée et familiale, reconnu à toute personne par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; - enfin, que la relaxe de l'infraction à l'occasion de laquelle le prélèvement a été effectué n'est pas contradictoire avec la condamnation pour refus de se soumettre à ce prélèvement ; 27. Pour reconnaître Mme W... coupable de refus de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à identifier son empreinte génétique, la cour d'appel relève qu'elle a refusé ce prélèvement lors de sa garde à vue, alors que les constatations immédiates des policiers, lors de son interpellation, la désignaient comme ayant participé aux dégradations du commissariat de police de Bayonne, infraction entrant dans les prévisions de l'article 706-55 du code de procédure pénale. 28. L'arrêt ajoute que la relaxe prononcée par la suite pour cette infraction, compte tenu des résultats de l'enquête, n'anéantit pas l'existence, au début de celle-ci, d'indices graves et concordants d'y avoir participé, ce qui justifiait le prélèvement biologique destiné à l'identification des empreintes génétiques de la demanderesse, dont le refus est pénalement réprimé. Il retient encore que la faculté, ouverte à la prévenue, d'obtenir l'effacement des données la concernant, enregistrées au fichier des empreintes génétiques, exclut la violation invoquée de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. 29. En prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes susvisés et justifié sa décision. 30. Le moyen doit donc être écarté. Sur le troisième moyen Énoncé du moyen 31. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme W... coupable des faits de refus de se soumettre à des relevés signalétiques, notamment par prise d'empreintes digitales, palmaires ou de photographies nécessaires à l'alimentation et la consultation des fichiers de police selon les règles propres à chacun de ces fichiers, alors : « 1°/ que le juge est tenu de motiver sa décision en répondant aux moyens des conclusions des parties de nature à influer sur la solution du litige ; que Mme W... faisait valoir (ses conclusions de relaxe, p. 6) que le prononcé à son encontre d'une condamnation du chef d'infraction de refus de relevé signalétique constituerait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; qu'en n'examinant aucunement ce moyen péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme, 55-1 et 593 du code de procédure pénale, 2°/ qu'un relevé signalétique ne peut être demandé qu'en présence d'une personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; que Mme W... faisait valoir que si la relaxe était prononcée pour l'infraction de dégradation qui lui était reprochée, il ne pouvait y avoir de raisons plausibles de soupçonner qu'elle avait commis ou tenté de commettre cette infraction et que par conséquent l'infraction de refus de se soumettre à des relevés signalétiques de l'article 55-1, alinéa 3, du code de procédure pénale ne pouvait être retenue à son encontre ; que bien qu'ayant jugé que Mme W... devait être relaxé des chefs de dégradation de bien public en réunion, en retenant cependant cette dernière dans les liens de la prévention du chef l'infraction de refus de se soumettre à un relevé signalétique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 55-1 et 591 du code de procédure pénale, 3°/ que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en jugeant d'une part, que les faits de dégradation de biens reprochés à Mme W... n'apparaissaient pas constitués au regard des éléments de la procédure, qu'il s'agisse des inscriptions ou tags ou des dégradations matérielles des biens du commissariat et, d'autre part, que les éléments rassemblés par les enquêteurs donnaient à penser au moment de son interpellation qu'elle avait personnellement participé aux dégradations constatées, pour en déduire que la relaxe du chef de dégradation n'excluait pas l'existence de l'infraction de refus de se soumettre à des relevés signalétiques dès lors que les enquêteurs avaient eu la conviction qu'il existait à son encontre des raisons plausibles de soupçonner qu'elle avait commis ces dégradations, la cour d'appel a statué par motifs contradictoires en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 32. L'article 55-1 du code de procédure pénale réprime le refus, par une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques nécessaires à l'alimentation et à la constitution des fichiers de police, en particulier à la prise de ses empreintes digitales. 33. La Cour européenne des droits de l'homme a estimé que, si la prise d'empreintes digitales et leur conservation dans un fichier constituent une ingérence dans le droit reconnu à toute personne au respect de sa vie privée, prévu par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, cette ingérence est, en France, prévue par la loi - l'article 55-1 précité et le décret n°87-249 du 8 avril 1987 - les modalités de consultation du fichier étant strictement encadrées (CEDH K. C. France, 18 avril 2013, Requête n°19522/09). Par cette décision, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé, cependant, que les modalités de collecte et de conservation des données prévues en France étaient insuffisantes au regard des exigences de la Convention, les données pouvant être prélevées en cas de simple contravention, et conservées pendant une durée excessive, sans garantie de leur effacement pour les personnes reconnues innocentes. 34. Par le décret n°2015-1580 du 2 décembre 2015, tirant les conclusions de cette décision, la France a modifié le décret précité du 8 avril 1987, pour exclure le relevé d'empreintes digitales en matière contraventionnelle, limiter la durée de leur conservation et prévoir leur effacement du fichier en cas de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. 35. Il en résulte que : - d'une part, l'obligation, pour une personne soupçonnée d'un crime ou d'un délit, de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales, de même que la sanction prévue en cas de refus, ne constituent pas une ingérence excessive dans le droit au respect de sa vie privée et familiale, reconnu par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; - d'autre part, la relaxe de l'infraction à l'occasion de laquelle le relevé a été effectué n'est pas contradictoire avec la condamnation pour refus de se soumettre à ce prélèvement. 36. Pour reconnaître Mme W... coupable de refus de se soumettre à des relevés signalétiques, la cour d'appel relève qu'elle a refusé la prise de ses empreintes digitales lors de sa garde à vue, alors que les constatations immédiates des policiers, lors de son interpellation, la désignaient comme ayant participé à la commission d'un délit de dégradations volontaires. 37. L'arrêt ajoute que la relaxe prononcée par la suite pour cette infraction, compte tenu des résultats de l'enquête, n'anéantit pas l'existence, au début de celle-ci, d'indices graves et concordants d'y avoir participé, ce qui justifiait le recueil de ses empreintes digitales, dont le refus est pénalement réprimé. 38. En l'état de ces motifs déduits de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen, lequel ne peut, dès lors, être accueilli. Mais sur le moyen relevé d'office, mis dans le débat dans le rapport, pris de la violation de l'article 38 modifié de la loi n°55-366 du 3 avril 1955 ; Vu ledit article ; 39. Aux termes de ce texte, toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée, à peine de nullité, par ou contre l'agent judiciaire de l'Etat. 40. Il résulte des pièces de procédure que le commissariat central de police de Bayonne, représenté par le commissaire de police, s'est constitué partie civile et a réclamé à Mme W..., ainsi qu'à d'autres personnes poursuivies, l'indemnisation des dégradations causées au commissariat. 41. Après avoir reconnu la demanderesse coupable de ces dégradations, le tribunal correctionnel a admis la recevabilité de la constitution de partie civile du commissariat de police et condamné Mme W... à lui verser des dommages et intérêts. 42. L'arrêt attaqué, qui a relaxé cette prévenue pour le délit de dégradations, a confirmé les dispositions du jugement ayant déclaré recevable la constitution de partie civile précitée, tout en rejetant les demandes indemnitaires présentées contre la demanderesse. 43. En admettant ainsi la recevabilité de la constitution de partie civile du commissariat de police, alors que l'exercice de l'action civile au nom d'un service de l'Etat est réservé, en l'absence de disposition particulière de nature législative, à l'agent judiciaire de l'Etat, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé. 44. Il en résulte que la cassation est encourue. Portée et conséquences de la cassation 45. La cassation aura lieu par voie de retranchement de l'arrêt de ses seules dispositions civiles. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 16 mai 2019, mais en ses seules dispositions civiles, les dispositions pénales demeurant expressément maintenues. DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit octobre deux mille vingt.
Il résulte des articles 706-54 à 706-56 et R. 53-13-2 à R. 53-13-16 du code de procédure pénale qu'une personne placée en garde à vue, à l'égard de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle a commis l'une des infractions visées à l'article 706-55 du code de procédure pénale doit se soumettre à un prélèvement biologique destiné à l'analyse de son empreinte génétique, qui sera conservée dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques. Le refus de se soumettre à ce prélèvement constitue une infraction pénale. Le caractère obligatoire de ce prélèvement et la sanction encourue en cas de refus ne méconnaissent pas l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, car la personne qui n'a pas été condamnée pour l'infraction à l'occasion de laquelle le prélèvement a été effectué peut demander au procureur de la République l'effacement de son empreinte génétique du fichier automatisé, et dispose d'un recours juridictionnel effectif en cas de rejet de sa demande ou de défaut de réponse
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N° A 20-81.615 F-P+B+I N° 1995 SM12 28 OCTOBRE 2020 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 OCTOBRE 2020 CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. U... V... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 février 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 8 juin 2020, le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. U... V..., et les conclusions de Mme Moracchini, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 7 février 2018, un juge d'instruction de la juridiction inter-régionale spécialisée de Rennes a été saisi d'un dossier d'information, ouvert du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants. 3. Le 8 février 2018, un juge d'instruction de Nantes s'est dessaisi au profit du magistrat rennais d'un dossier ouvert à son cabinet, et portant sur des faits de même nature. 4. M. V... a été mis en examen dans cette information le 22 mai 2018. 5. Le 22 novembre 2018, son avocat a saisi la chambre de l'instruction d'une demande en nullité. Examen des moyens Sur le premier moyen 6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu pour le surplus à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et retiré du dossier les seuls actes annulés, alors : « 1°/ que sont nuls par voie de conséquence les actes de procédure qui trouvent leur support nécessaire dans un acte dont l'annulation a été prononcée ou qui procèdent d'un acte dont l'annulation a été prononcée dans la même procédure ; que l'annulation de l'ordonnance de dessaisissement du juge d'instruction nantais du 8 février 2018 pour méconnaissance des prescriptions de l'article 663 du code de procédure pénale devait entraîner l'annulation par voie de conséquence du transfert de la procédure au juge d'instruction rennais, et donc, le retour du dossier à cette juridiction ou son retrait du dossier de l'information menée par le juge d'instruction de la JIRS de Rennes ; que la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 174 alinéa 2 et 663 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'arrêt attaqué constate que « les enquêteurs de la section de recherches des Pays de la Loire ont transmis directement au magistrat rennais les numéros de téléphone utilisés par certains protagonistes dont M. V... afin de solliciter la poursuite des interceptions obtenues suite à la commission rogatoire du juge nantais » et qualifie ces interceptions de « subséquentes » à celles qui avaient été ordonnées sur commission rogatoire initiale du juge nantais ; que la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les interceptions poursuivies par le juge rennais avaient pour support nécessaire l'ordonnance de dessaisissement attributive de compétence au juge rennais pour poursuivre ou prolonger les interceptions téléphoniques ordonnées par le juge nantais et en tous cas, des informations issues de la procédure nantaise, a ainsi violé les articles 174 alinéas 2 et 3 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 174 alinéa 2 du code de procédure pénale 8. Selon ce texte, lorsque la chambre de l'instruction constate la nullité d'un acte de la procédure, doivent être annulées par voie de conséquence les pièces qui ont pour support nécessaire l'acte vicié. 9. Lorsqu'une ordonnance de dessaisissement d'un dossier d'information est annulée, les pièces de ce dossier ne peuvent subsister dans celui où elles ont été irrégulièrement versées. 10. Après avoir prononcé, en l'absence de réquisitions de dessaisissement du procureur de la République, l'annulation de l'ordonnance de dessaisissement, en date du 8 février 2018, du juge d'instruction de Nantes, au profit du juge d'instruction de la JIRS de Rennes, et du réquisitoire supplétif délivré le 9 février 2018, ayant pour support nécessaire la procédure d'instruction nantaise transmise dans le cadre de ce dessaisissement irrégulier, la chambre de l'instruction a refusé d'annuler d'autres pièces de la procédure. 11. L'arrêt attaqué relève que le magistrat instructeur de la JIRS était déjà saisi et que le réquisitoire supplétif du 9 février 2018 saisissant le juge rennais était superfétatoire, les éléments de la procédure nantaise visant les mêmes faits : même trafic, période de temps englobée par celle dont le magistrat rennais était saisi et mêmes protagonistes. 12. Les juges concluent qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le retrait de l'enquête préliminaire et de l'instruction suivie à Nantes cotées D102 à D332, ces pièces étant régulières et la chambre de l'instruction ne pouvant, dans le cadre du contentieux des nullités, ordonner le retrait que des seuls actes de procédure annulés. 13. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'annuler le versement des dites pièces ainsi que, le cas échéant, celles qui avaient pour support nécessaire les actes viciés, et d'ordonner leur retrait du dossier, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en ses dispositions relatives à la nullité du versement des pièces jointes à l'ordonnance de dessaisissement du 8 février 2018 et du réquisitoire supplétif du 9 février 2018, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 février 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi. RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit octobre deux mille vingt.
Selon l'article 174, alinéa 2, du code de procédure pénale, lorsque la chambre de l'instruction constate la nullité d'un acte de la procédure, doivent être annulées par voie de conséquence les pièces qui ont pour support nécessaire l'acte vicié. Lorsqu'une ordonnance de dessaisissement d'un dossier d'information est annulée, les pièces de ce dossier ne peuvent subsister dans celui où elles ont été irrégulièrement versées. Doit être cassé l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, au motif qu'elle ne pouvait ordonner le retrait que des seuls actes de procédure annulés, refuse d'annuler le versement des pièces jointes à une ordonnance de dessaisissement et à un réquisitoire supplétif saisissant le juge d'instruction, eux-mêmes annulés
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 616 FS-P+B+R+I Pourvoi n° H 19-18.689 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020 La société Monsanto, venant aux droits de la société Monsanto agriculture France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 19-18.689 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. P... L..., domicilié [...] , 2°/ à l'association APRIA RSA, dont le siège est [...] , venant aux droits de l'Association des assureurs (association), 3°/ à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, dont le siège est [...] , 4°/ à la mutualité sociale agricole de la Charente, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Monsanto, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. L..., et l'avis de M. Lavigne, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (Ch. mixte, 7 juillet 2017, pourvoi n° 15-25.651, Bull. n° 2), exposant avoir, le 27 avril 2004, lors de l'ouverture d'une cuve de traitement d'un pulvérisateur, accidentellement inhalé les vapeurs d'un herbicide qu'il avait acquis auprès d'une coopérative agricole, commercialisé sous le nom de "Lasso" par la société Monsanto agriculture France, jusqu'à son retrait du marché en 2007, M. L..., agriculteur, a assigné cette société, aux droits de laquelle se trouve la société Monsanto, en réparation de son préjudice corporel. Il a mis en cause la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et la mutualité sociale agricole de la Charente. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. La société Monsanto fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable du dommage subi par M. L... sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants du code civil, alors : « 1°/ que les articles 1386-1 et suivants du code civil, devenus 1245 et suivants, issus de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant en droit français la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, s'appliquent, selon l'article 21 de la loi 19 mai 1998, aux produits mis en circulation après la date de son entrée en vigueur, laquelle est intervenue le 22 mai 1998 ; qu'aux termes de l'article 1386-5, devenu 1245-4, du code civil, un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement, et ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation ; qu'au sens de ce texte, la mise en circulation d'un produit doit s'entendre du moment où il est sorti du processus de fabrication mis en oeuvre par le producteur et où il est entré dans un processus de commercialisation dans lequel il se trouve en l'état offert au public aux fins d'être utilisé ou consommé ; qu'il s'ensuit que la mise en circulation du produit intervient lorsque le producteur s'est dessaisi volontairement du produit et non lorsqu'un distributeur qui n'a pas été impliqué dans le processus de fabrication le commercialise à son tour ; que, pour admettre l'applicabilité en l'espèce des articles 1386-1 et suivants du code civil, devenus 1245 et suivants, la cour d'appel a relevé qu'il résultait d'une attestation de la coopérative Corea Poitou Charentes, qui vient aux droits de la coopérative de Civray Chives, accompagnée de bons de livraison, que le produit Lasso, acquis en avril 2004 par M. L..., avait été livré à la coopérative de Civray Chives en juillet 2002 par la société Monsanto agriculture France ; que la cour d'appel en a déduit qu'il convenait de retenir cette date comme date de commercialisation du produit et partant comme date de mise en circulation ; qu'elle a néanmoins, dans le même temps, considéré que c'est en tant que personne assimilée au producteur que la société Monsanto agriculture France pouvait voir sa responsabilité engagée sous l'empire des articles 1386-1 et suivants du code civil, la preuve n'étant pas rapportée qu'elle fabriquait le produit litigieux ; qu'en retenant ainsi comme date de mise en circulation du produit la date de sa commercialisation par une personne qui n'en était pas le producteur, et non celle à laquelle le producteur s'en était dessaisi volontairement, la cour d'appel a violé l'article 21 de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, ensemble l'article 1386-5, devenu 1245-4 du code civil ; 2°/ que, si la mise en circulation du produit peut, par exception, intervenir lors de la remise du produit par un simple distributeur à un tiers, c'est à la condition que les liens qu'entretient ce distributeur avec le producteur soient à ce point étroits que le distributeur puisse en réalité être considéré comme ayant été impliqué dans le processus de fabrication du produit concerné ; qu'en pareil cas en effet, le transfert du produit du producteur à ce distributeur ne fait pas sortir le produit du processus de fabrication mis en oeuvre par le producteur, et n'entraîne donc pas sa mise en circulation ; que, pour admettre l'applicabilité en l'espèce des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants, du code civil, la cour d'appel a retenu comme date de mise en circulation du produit la date de sa livraison par la société Monsanto agriculteur France à la coopérative de Civray Chives, laquelle serait intervenue en juillet 2002 ; qu'elle a par ailleurs considéré que, faute de preuve que la société Monsanto agriculteur France ait pris part à la fabrication du produit, elle ne pouvait voir sa responsabilité engagée sur le fondement des articles 1386-1 et suivants qu'en tant que personne assimilée au producteur ; qu'en retenant ainsi comme date de mise en circulation du produit la date de sa commercialisation par celui qui n'en était pas le producteur, sans relever l'existence, entre le producteur du produit et la société Monsanto agriculture France, de liens à ce point étroits que cette dernière puisse en réalité être considérée comme ayant été impliquée dans le processus de fabrication du produit concerné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 21 de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, ensemble l'article 1386-5, devenu 1245-4, du code civil. » Réponse de la Cour 3. La loi n° 98-389 du 19 mai 1998 a transposé aux articles 1386-1 à 1386-18, devenus 1245 à 1245-17 du code civil, la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres, instituant un régime de responsabilité sans faute du producteur du fait d'un produit défectueux. 4. Selon l'article 21 de cette loi, ces dispositions s'appliquent aux produits dont la mise en circulation est postérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi, laquelle est intervenue le 22 mai 1998. 5. Aux termes de l'article 1386-5, devenu 1245-4, du code civil, un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement et ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation. 6. Il résulte de ce texte que la date de mise en circulation du produit s'entend, dans le cas de produits fabriqués en série, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie (1re Civ., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-19.643, Bull. 2017, I, n° 193). 7. Après avoir retenu, à bon droit, que la mise en circulation du produit correspond à l'entrée dans le processus de commercialisation, l'arrêt relève que le produit Lasso, acquis par M. L... en avril 2004, a été livré en juillet 2002 à la coopérative agricole par la société Monsanto agriculture France, qui n'apporte aucun élément de preuve relatif à un stockage du produit de longue durée en son sein. 8. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que le produit avait été mis en circulation par son producteur postérieurement au 22 mai 1998 et que le régime de responsabilité du fait des produits défectueux était dès lors applicable. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 10. La société Monsanto fait grief à l'arrêt de statuer ainsi en l'assimilant au producteur, alors : « 1°/ que la responsabilité instituée par les articles 1386-1 et suivants du code civil, devenus 1245 et suivants, pèse en principe sur le producteur du produit ; que, par exception, elle incombe à la personne qui, agissant à titre professionnel, peut-être assimilée à un producteur ; qu'aux termes de l'article 1386-6, alinéa 2, 1°, du code civil, devenu 1245-5, alinéa 2, 1°, est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ; que, pour admettre en l'espèce l'assimilation de la société Monsanto agriculture France à un producteur du produit au sens de la disposition susvisée, la cour d'appel a considéré que s'il est exact que figure sur le conditionnement du produit la mention fabriquée en Belgique ainsi qu'en petits caractères Monsanto Europe SA et marque déposée de Monsanto company USA, il n'en reste pas moins que l'étiquette produite aux débats met en avant le fait que le Lasso, écrit en gros caractères blancs sur noir, est un désherbant sélectif du maïs grain, semence et fourrage, du soja avec la mention « un herbicide Monsanto » suivi de « siège social Monsanto agriculture France SAS » avec l'adresse à Lyon et le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés de Lyon ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la société Monsanto agriculture France avait apposé son nom sur l'emballage du produit litigieux et se présentait ainsi elle-même comme producteur dudit produit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-6, alinéa 2, 1°, devenu 1245-5, alinéa 2, 1°, du code civil ; 2°/ qu'aux termes de l'article 1386-6, alinéa 2, 1°, devenu 1245-5, alinéa 2, 1°, du code civil est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ; qu'au sens de cette disposition, la seule apposition, sur l'emballage du produit, du nom de son fournisseur ne suffit pas à l'assimiler au producteur lorsque cette mention n'est pas, compte tenu des circonstances de la cause, de nature à faire naître dans l'esprit du public la croyance suivant laquelle il est le véritable producteur du produit ; qu'il en est notamment ainsi lorsque le fournisseur, dont le nom est apposé sur l'emballage, ne s'y présente pas comme le producteur du produit, et que le nom de deux autres sociétés, dont l'une se trouve en être le véritable producteur, ainsi que le lieu de fabrication du produit, situé dans un pays autre que celui du siège social du fournisseur, figurent par ailleurs sur cet emballage ; que, pour admettre l'assimilation de la société Monsanto agriculture France à un producteur du produit au sens de la disposition susvisée, la cour d'appel a considéré que s'il est exact que figure sur le conditionnement du produit la mention fabriquée en Belgique ainsi qu'en petits caractères Monsanto Europe SA et marque déposée de Monsanto company USA, il n'en reste pas moins que l'étiquette met en avant le fait que le Lasso, écrit en gros caractères blancs sur noir, est un désherbant sélectif du maïs grain, semence et fourrage, du soja avec la mention « un herbicide Monsanto » suivi de « siège social Monsanto agriculture France SAS » avec l'adresse à Lyon et le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés de Lyon ; qu'en statuant ainsi, sans avoir à aucun moment relevé que la société Monsanto agriculture France se présentait comme le producteur du produit, et après avoir constaté que l'emballage dudit produit comportait le nom de deux autres sociétés, dont celui de la société de droit belge Monsanto Europe SA, ainsi qu'un lieu de fabrication situé en Belgique, ce dont il résultait que le public ne pouvait légitimement croire, à la lecture des indications portées sur l'emballage, que la société Monsanto agriculture France était le producteur du produit, la cour d'appel a violé l'article 1386-6, alinéa 2, 1°, devenu 1245-5, alinéa 2, 1° du code civil. » Réponse de la Cour 11. Selon l'article 1386-6, alinéa 2, 1°, devenu 1245-5, alinéa 2, 1°, du code civil, transposant l'article 3 de la directive précitée, est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif. 12. Après avoir constaté que, sur le conditionnement du produit, figurent la mention « fabriqué en Belgique », ainsi qu'en petits caractères, les mentions « Monsanto Europe Sa » et « marque déposée de Monsanto company USA », l'arrêt relève que l'étiquette met en avant le fait que le Lasso, écrit en gros caractères blancs sur noir, est un désherbant sélectif du maïs grain, semence et fourrage, du soja, avec la mention « un herbicide Monsanto », suivi de « siège social Monsanto agriculture France SAS » avec l'adresse de la société à Lyon et le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés de Lyon. 13. Ayant ainsi fait ressortir que la société Monsanto agriculture France se présentait comme le producteur sur l'étiquette du produit, la cour d'appel a pu en déduire qu'elle devait être assimilée au producteur. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. 15. Au regard des constatations de l'arrêt relatives à la présentation de l'étiquette du produit, les questions préjudicielles ne sont pas utiles à la solution du litige, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 16. La société Monsanto fait grief à l'arrêt de statuer comme il le fait en retenant que le dommage allégué est imputable au produit, alors : « 1°/ que, si la responsabilité du fait des produits défectueux requiert que le demandeur prouve le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, la participation du produit à la survenance du dommage est un préalable implicite, nécessaire à l'exclusion éventuelle d'autres causes possibles du dommage, pour la recherche de la défectuosité du produit et du rôle causal de cette défectuosité ; que, si la participation du produit à la survenance du dommage peut être établie au moyen de présomptions de fait, il incombe au juge de veiller à ce que les indices produits soient suffisamment graves, précis et concordants pour autoriser la conclusion selon laquelle l'administration du produit apparaît, nonobstant les éléments produits et arguments présentés en défense par le producteur, comme étant l'explication la plus plausible de la survenance du dommage ; que parmi les indices dont la conjonction pourrait, le cas échéant, conduire le juge à considérer qu'une victime a satisfait à la charge de la preuve pesant sur elle en vertu de l'article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil, figurent notamment la proximité temporelle entre l'administration du produit et la survenance des troubles allégués par le demandeur, l'absence d'antécédents médicaux personnels et familiaux, en relation avec ces troubles, de même que l'existence d'un nombre significatif de cas répertoriés de survenance de ces troubles à la suite d'une telle administration ; que, pour retenir en l'espèce l'existence d'un lien de causalité entre le dommage survenu et l'administration du produit le 27 avril 2004, la cour d'appel a considéré que l'ensemble des éléments factuels relatifs à l'inhalation du produit par M. L... ont non seulement permis d'établir la réalité de celle-ci, mais constituaient de surcroît un réseau d'indices graves, précis et concordants démontrant ce lien causal ; que la cour d'appel a pourtant, dans le même temps, rappelé qu'il ressortait d'une attestation produite par M. L... lui-même qu'il avait, avec M. S..., préparé le matin même de l'accident non seulement du Lasso, mais aussi un autre désherbant, l'Adar ; qu'elle a encore souligné que M. L... se trouvait dans un état d'inquiétude et présentait une hypersensibilité de nature phobique aux produits phytosanitaires ; qu'elle a également relevé, à la suite des experts judiciaires qu'aucune étude effective n'[avait] été réalisée sur l'homme relative à l'effet cumulé du monochlorobenzène et de l'alachlore, qui sont les deux principales substances composant le Lasso ; que, nonobstant ces éléments, la cour d'appel s'est fondée, pour retenir un lien causal entre l'administration du produit et le dommage, sur la seule circonstance que M. L..., qui aurait été exposé au Lasso à partir du 13 avril 2004, avait été pris en charge à l'hôpital de Ruffec le 27 avril 2004, après en avoir inhalé ; qu'en statuant ainsi, alors que cette circonstance ne constituait pas un réseau d'indices graves, précis et concordants dont la conjonction permettrait d'autoriser la conclusion selon laquelle l'administration du produit apparaissait en l'espèce, nonobstant les éléments produits et arguments présentés en défense par la société Monsanto, comme étant l'explication la plus plausible de la survenance du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil ; 2°/ qu'aux termes de l'article 1349 (ancien) du code civil, les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu ; qu'une présomption ne peut dès lors reposer sur un fait lui-même inconnu, dont la réalité n'a judiciairement été établie qu'au moyen d'un faisceau d'indices et d'attestations ; que, pour retenir en l'espèce l'existence d'un lien de causalité entre le dommage survenu et l'administration du produit le 27 avril 2004, la cour d'appel a considéré que l'ensemble des éléments factuels relatifs à l'inhalation du produit par M. L... constituaient un réseau d'indices graves, précis et concordants démontrant ce lien causal ; que, pour établir la réalité de l'inhalation, qui avait eu lieu sans témoin direct, la cour d'appel s'est d'abord fondée sur le fait que M. L... avait bien fait l'acquisition de l'herbicide prétendument inhalé, ce dont témoigneraient un bon de livraison produit par M. L..., daté du 13 avril 2004, ainsi qu'une attestation émanant de la coopérative Civray Chives et datée du 28 mars 2008 ; qu'elle a ensuite, pour admettre que le produit ainsi acquis serait bien celui qu'aurait inhalé M. L... le 27 avril 2004, pris appui sur trois attestations, dont l'une émane de l'épouse de M. L..., ainsi que sur un certificat datant du 19 mai 2009, rédigé par un médecin du travail, dans lequel ce dernier indiquait simplement avoir été contacté le 27 avril 2004 par le service des urgences du centre hospitalier de Ruffec pour une demande de renseignements sur la toxicité du Lasso ; qu'en présumant ainsi l'existence d'un lien causal entre le dommage allégué et l'administration du produit à partir d'un fait inconnu, dont la réalité n'avait pu être judiciairement établi qu'au moyen d'indices et d'attestations, la cour d'appel a violé l'article 1349 (ancien) du code civil, ensemble l'article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil. » Réponse de la Cour 17. Aux termes de l'article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil, transposant l'article 4 de la directive précitée, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. 18. Il en résulte que le demandeur doit préalablement établir que le dommage est imputable au produit. Cette preuve peut être apportée par tout moyen et notamment par des indices graves, précis et concordants. 19. L'arrêt retient que M. L... a acquis du Lasso le 13 avril 2004, qu'il verse au débat trois attestations, dont il résulte que son épouse a, le 27 avril 2004, informé un témoin, ayant constaté qu'il titubait, qu'elle conduisait à l'hôpital son mari qui avait respiré du désherbant à maïs et était intoxiqué et lui a demandé d'apporter l'étiquette du produit à l'hôpital, qu'un médecin du travail, référent départemental du réseau Phyt'attitude, a attesté avoir reçu un appel du service des urgences le même jour, pour une demande de renseignement sur la toxicité du Lasso pour un patient hospitalisé et qu'il ressort du compte rendu de consultation que M. L... a été hospitalisé pour avoir inhalé des produits toxiques, en l'occurrence un produit chloré associé à des solvants. Il ajoute que, selon les experts désignés par le tribunal, l'inhalation litigieuse a entraîné une perte de connaissance, des maux de tête et des céphalées violentes, des crachats hémoptoïques et une toux irritative, tous signes cliniques révélateurs d'une atteinte neuronale et du tractus respiratoire au moment de l'intoxication du 27 avril 2004, ainsi qu'un stress post-traumatique. 20. Ayant estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans présumer l'existence d'un lien causal, que ces éléments de preuve constituaient des indices graves, précis et concordants, la cour d'appel a pu en déduire qu'un tel lien était établi entre l'inhalation du produit et le dommage survenu. 21. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le quatrième moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 22. La société Monsanto fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, en retenant que le produit est défectueux, alors : « 1°/ que les points f) et g) de l'article 34 de l'arrêté du 6 septembre 1994 portant application du décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques exigent du fabricant qu'il formule les indications et précautions qu'ils visent « sous forme de phrases types, choisies de manière appropriée » dont la nature et le nombre sont déterminés par les autorités sanitaires lors de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché ainsi qu'énoncé à l'article 15 point 4 du titre II du présent arrêté ; qu'une liste prédéfinie et normalisée de ces phrases-types figure en annexes III et IV de la directive 67/548/CEE du Conseil, du 27 juin 1967, concernant le rapprochement des dispositions législatives réglementaires et administratives des Etats membres relative à la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses ainsi que dans l'annexe V de la directive 78/631/CEE du Conseil du 26 juin 1978 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des préparations dangereuses (pesticides) ; que s'agissant des « pesticides » / « préparations dangereuses », l'article 6, 4 de la directive 78/631/CEE du Conseil du 26 juin 1978 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des préparations dangereuses (pesticides) supprime en la matière toute marge de manoeuvre aux fabricants puisqu'il dispose que « des conseils de prudence concernant l'emploi des pesticides doivent figurer sur l'étiquette ou sur l'emballage et, dans le cas où cela serait matériellement impossible, sur une autre étiquette solidement fixée à l'emballage ; ces conseils sont choisis par les services compétents pour les pesticides qui sont soumis à une homologation, dans les autres cas, par le fabricant ou toute autre personne qui met ladite préparation sur le marché. Les conseils de prudence doivent être conformes aux indications de l'annexe IV de la directive 67/548/CEE et de l'annexe V de la présente directive » ; que, pour retenir en l'espèce un défaut du produit, tiré d'une prétendue lacune de son étiquetage, la cour d'appel a relevé que « l'étiquetage du produit Lasso, commercialisé par la société Monsanto, ne répond pas à la réglementation sus visée dans la mesure où les risques liés à l'inhalation du monochlorobenzène (ou chlorobenzène), présent en quantité importante dans le Lasso, ne sont pas signalés pas davantage que la préconisation d'appareils de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves » ; qu'elle a encore souligné qu' « aucune mise en garde n'est faite sur la dangerosité particulière des travaux sur ou dans les cuves et réservoirs, en contravention notamment avec les points f et g de l'article 34 de l'arrêté du 6 septembre 1994 » (ibid) ; qu'en statuant ainsi, sans préciser quelles étaient, au sein de la liste prédéfinie qui les énonce, les phrases types auxquelles le fabricant aurait pu avoir recours pour faire figurer sur l'emballage les informations prétendument omises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 34 de l'arrêté du 6 septembre 1994, ensemble l'article 1386-4, devenu 1245-3, du code civil ; 2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que, pour retenir en l'espèce un défaut du produit, tiré d'une lacune de son étiquetage, la cour d'appel a relevé que ce dernier ne préconisait pas le port d'appareils de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves ; qu'elle s'est fondée, pour étayer son analyse, sur l'édition 1997 de la fiche toxicologique n° 23 de l'INRS relative au chlorobenzène ; qu'ainsi que le rappelle pourtant la cour d'appel elle-même, cette fiche recommande le port d'appareils de protection respiratoire « pour des travaux exceptionnels de courte durée ou les interventions d'urgence » ; qu'en considérant que cette fiche visait expressément le port d'un appareil respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves, alors qu'une telle opération courante sur du matériel agricole de pulvérisation ne constitue ni un travail exceptionnel de courte durée ni une intervention d'urgence au sens de la fiche de l'INRS, la cour d'appel a méconnu le sens clair et précis des termes de cette fiche, et violé le principe suivant lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause. » Réponse de la Cour 23. Selon l'article 1386-4, devenu 1245-3 du code civil, transposant l'article 6 de la directive précitée, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et, dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. 24. L'arrêt relève que l'article 7 de la loi du 2 novembre 1943, modifiée par la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999, impose que l'étiquette des produits visés mentionne les précautions à prendre par les utilisateurs, et que l'article 34 de l'arrêté du 6 septembre 1994, portant application du décret n° 94-359 du 5 mai 1994, dispose que tout emballage doit porter l'indication de la nature des risques particuliers et des protections à prendre pour l'homme, les animaux ou l'environnement sous forme de phrases types choisies de manière appropriée. Il ajoute que la fiche toxicologique établie par l'INRS en 1997 mentionne des recommandations relatives à la manipulation du chlorobenzène en préconisant notamment d'éviter l'inhalation de vapeurs, de prévoir des appareils de protection respiratoire pour certains travaux, et de ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves ou réservoirs ayant contenu du chlorobenzène sans prendre les précautions d'usage. Il retient, enfin, que l'étiquetage du produit Lasso ne répond pas à la réglementation dans la mesure où les risques liés à l'inhalation du chlorobenzène, présent en quantité importante dans le Lasso, ne sont pas signalés, pas davantage que la préconisation d'appareils de protection respiratoire pour le nettoyage des cuves. 25. De ces constatations et énonciations, exemptes de dénaturation, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire qu'en raison d'un étiquetage ne respectant pas la réglementation applicable et d'une absence de mise en garde sur la dangerosité particulière des travaux sur ou dans les cuves et réservoirs, le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre et était dès lors défectueux. 26. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le quatrième moyen, pris en ses quatre autres branches 27. La société Monsanto fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, en retenant un lien causal entre le défaut du produit et le dommage, alors : « 3°/ qu'aux termes de l'article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut de ce produit et le dommage ; que la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; que, pour retenir en l'espèce un défaut du produit, la cour d'appel s'est fondée sur le fait que son étiquetage était insuffisant, les risques liés à l'inhalation du monocholorobenzène, présents en quantité dans le Lasso, n'étant pas signalés, pas davantage que la préconisation d'appareils de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves ; que, pour admettre ensuite un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage, la cour d'appel s'est fondée, d'une part, sur des lésions subies par M. L..., qui seraient imputables à l'intoxication consécutive à l'inhalation du produit Lasso le 27 avril 2004, d'autre part, sur un ensemble de manifestations dont se plaint M. L..., qui auraient un rapport indirect avec l'intoxication mais direct avec l'inquiétude et la peur engendrées par cette intoxication ; qu'à aucun moment en revanche, la cour d'appel n'a relevé le moindre lien causal entre le défaut du produit, tiré d'une lacune de son étiquetage, et l'inhalation du produit à l'origine des dommages allégués par M. L... ; qu'en statuant ainsi, alors que la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil ; 4°/ qu'aux termes de l'article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; que, pour retenir en l'espèce un défaut du produit, la cour d'appel s'est fondée sur le fait que son étiquetage était insuffisant, les risques liés à l'inhalation du monocholorobenzène, présents en quantité dans le Lasso, n'étant pas signalés, pas davantage que la préconisation d'appareils de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves ; qu'elle a toutefois expressément relevé que M. L... ne portait aucune protection sur son visage alors pourtant que l'étiquetage du produit préconisait le port d'un appareil de protection des yeux et du visage ; qu'en retenant ainsi un lien de causalité entre le défaut du produit, tiré d'une lacune de son étiquetage, et le dommage allégué par M. L..., alors qu'il résultait de ses propres constatations que les lacunes de l'étiquetage n'étaient pour rien dans le dommage de M. L..., qui n'avait de toute façon nullement suivi les préconisations de celle-ci avant d'inhaler accidentellement du Lasso, la cour d'appel a violé l'article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil ; 5°/ que, lorsque le lien causal entre un fait générateur de responsabilité et un dommage est empreint d'incertitude, seule est réparable la perte de chance de l'éviter ; que la cour d'appel n'a, en l'espèce, à aucun moment relevé que, si l'étiquetage du produit n'avait pas été lacunaire, et avait tout à la fois mentionné les risques liés à l'inhalation du monochlorobenzène et préconisé le port d'un appareil respiratoire notamment pour le nettoyage des cuves, le dommage de M. L... aurait certainement été évité ; qu'elle n'a en effet nullement établi que M. L... aurait consulté cet étiquetage et en aurait scrupuleusement suivi les préconisations ; qu'elle a au contraire expressément relevé que M. L... ne portait aucune protection sur son visage alors pourtant que l'étiquetage du produit préconisait le port d'un appareil de protection des yeux et du visage ; qu'en retenant, dans de telles circonstances, un lien causal entre le défaut du produit, tiré d'une lacune de son étiquetage, et le dommage allégué, alors que compte tenu de l'incertitude affectant le lien causal entre le défaut du produit et les dommages allégués par la victime, seule aurait pu le cas échéant être réparée la perte de chance d'éviter lesdits dommages, la cour d'appel a violé les articles 1386-9, devenu 1245-8, et 1382, devenu 1240, du code civil ; 6°/ qu'en toute hypothèse, pour retenir l'existence d'un lien de causalité entre l'intoxication consécutive à l'inhalation du produit et l'ensemble des troubles allégués par M. L..., la cour d'appel a affirmé, à propos de l'expertise judiciaire, que l'expertise diligentée a permis d'éliminer toute probabilité et d'établir que l'ensemble des manifestations dont se plaint M. L... ont un rapport indirect avec l'intoxication mais direct avec l'inquiétude et la peur engendrées par cette intoxication ; que, dans la version définitive de leur rapport, datant du 13 juillet 2013, les experts judiciaires notent pourtant que « les manifestations neurologiques (malaise et perte de connaissance) sont des manifestations anxieuses probablement favorisées par la peur engendrée lors de l'intoxication du 28 (sic) avril 2004 » et relèvent en outre qu'« il a été observé dans les suites de l'intoxication une majoration des céphalées qui a pu être favorisée par l'intoxication tout au moins pour les céphalées immédiates » ; qu'il résulte ainsi de ce rapport que le lien causal entre l'intoxication consécutive à l'inhalation du produit et les troubles ultérieurs présentés par M. L... n'était que probable, mais en aucun cas certain ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc méconnu le sens clair et précis des termes du rapport d'expertise judiciaire, et violé le principe suivant lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause. » Réponse de la Cour 28. Selon l'article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil, transposant l'article 4 de la directive précitée, le demandeur doit prouver le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage. 29. Cette preuve peut être apportée par tout moyen et notamment par des présomptions ou indices graves, précis et concordants. Un lien causal ne peut cependant être déduit de la seule implication du produit dans la réalisation du dommage (1re Civ., 27 juin 2018, pourvoi n° 17-17.469, publié, et 29 mai 2013, pourvoi n° 12-20.903, Bull. 2013, I, n° 116). 30. Après avoir retenu, d'une part, que les troubles présentés par M. L... et constatés par le certificat médical initial et le stress post traumatique ressenti sur le long terme étaient imputables à l'inhalation du Lasso, d'autre part, que ce produit était défectueux pour les raisons mentionnées au point 24, l'arrêt relève que cette inhalation est survenue accidentellement, lorsque, à l'issue d'une campagne d'épandage, l'intéressé a nettoyé la cuve de traitement, que la notice d'information du produit ne faisait apparaître ni la nécessité d'éviter l'inhalation de vapeurs et de réaliser en appareil clos toute opération industrielle, ni celle de porter, dans ce cas, un appareil de protection respiratoire et de ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du chlorobenzène sans prendre les précautions d'usage, cette préconisation renvoyant à la recommandation de la fiche toxicologique relative au chlorobenzène. 31. De ces constatations et énonciations, ne procédant d'aucune dénaturation du rapport d'expertise et desquelles il résulte qu'elle ne s'est pas seulement fondée sur l'implication du produit dans la survenue des troubles ressentis par M. L..., la cour d'appel a pu déduire l'existence d'un lien causal entre le défaut et le dommage subi par celui-ci. 32. Le moyen, irrecevable en sa cinquième branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, dès lors que la société Monsanto n'a pas soutenu, en cause d'appel, que seule une perte de chance pourrait être retenue, n'est pas fondé pour le surplus. Sur le cinquième moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 33. La société Monsanto fait grief à l'arrêt de statuer comme il le fait, en écartant l'exonération de responsabilité prévue à l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil, le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ; que, pour exclure en l'espèce la mise en oeuvre de cette cause d'exonération au bénéfice de la société Monsanto, la cour d'appel a relevé que « les réglementations susvisées ainsi que la fiche INRS établissent qu'en 2002, date retenue pour la mise en circulation du produit, la société Monsanto avait toute latitude pour connaître l'existence du défaut, en l'espèce une notice (sic) insuffisante, défaut sans lien avec celui allégué par la société Monsanto » ; que la prétendue insuffisance de l'étiquetage qui, selon la cour d'appel, serait constitutive du défaut du produit, tiendrait au fait qu'il ne mentionnait pas les risques liés à l'inhalation de monochlorobenzène et ne préconisait pas le port d'un appareil de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves ; que, toutefois, ni la réglementation visée par la cour d'appel, ni la fiche INRS ne faisaient mention, en 2002, date retenue de la mise en circulation du produit, des informations prétendument omises sur l'emballage du produit ; qu'en se fondant sur ces seuls éléments pour évaluer l'état des connaissances scientifiques et techniques et juger que la société Monsanto avait toute latitude pour connaître l'existence du défaut allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil ; 2°/ qu'au sens de l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil , un produit est mis en circulation lorsqu'il sort du processus de fabrication mis en oeuvre par le producteur et entre dans un processus de commercialisation dans lequel il se trouve en l'état offert au public aux fins d'être utilisé ou consommé ; qu'il s'ensuit que la mise en circulation du produit intervient au moment où le producteur s'en dessaisit et non lorsqu'un simple distributeur commercialise à son tour le produit ; que, pour écarter toute exonération de responsabilité de la société Monsanto sur le fondement de l'article 1386-11, 4°, du code civil, la cour d'appel a considéré que les réglementations susvisées ainsi que la fiche de l'INRS établissent qu'en 2002, date retenue de la mise en circulation du produit, la société Monsanto avait toute latitude pour connaître l'existence du défaut, en l'espèce un étiquetage insuffisant, défaut sans relation avec celui allégué par la société Monsanto ; que la date de mise en circulation ainsi retenue par la cour d'appel aux fins d'apprécier l'état des connaissances scientifiques et techniques correspondait à celle où la société Monsanto agriculture France, qui n'était pas le producteur du produit, l'avait livré à un autre distributeur, la coopérative Civray Chives, auprès de laquelle le produit aurait été acquis par M. L... ; qu'en statuant ainsi, alors que la date de mise en circulation du produit, à laquelle devait s'apprécier l'état des connaissances scientifiques et techniques, correspondait non pas à la date à laquelle il avait été livré par un distributeur qui n'en était pas le producteur, mais à celle où le producteur s'en était dessaisi, la cour d'appel a violé les articles 1386-5, devenu 1245-4, et 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil. » Réponse de la Cour 34. Aux termes de l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil, transposant l'article 7 de la directive précitée, le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut. 35. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « pour pouvoir se libérer de sa responsabilité (...), le producteur d'un produit défectueux doit établir que l'état objectif des connaissances techniques et scientifiques, en ce compris son niveau le plus avancé, au moment de la mise en circulation du produit en cause, ne permettait pas de déceler le défaut de celui-ci » (CJUE 29 mai 1997 Commission / Royaume-Uni, C-300/95). 36. Après avoir, au vu des éléments de fait et de preuve soumis au débat, fixé en juillet 2002 la date de mise en circulation du produit, en statuant sur l'application au litige des dispositions du code civil relatives au régime de responsabilité du fait des produits défectueux, l'arrêt relève que les réglementations sur le fondement desquelles l'existence d'un défaut a été retenue ainsi que la fiche toxicologique établie par l'INRS en 1997 précitée établissent qu'en juillet 2002, la société Monsanto agriculture France avait toute latitude pour connaître le défaut lié à l'étiquetage du produit et à l'absence de mise en garde sur la dangerosité particulière des travaux. 37. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a déduit, à bon droit, sans avoir à procéder à un nouvel examen de la date de mise en circulation du produit, que la société ne pouvait bénéficier de cette exonération de responsabilité. 38. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le cinquième moyen, pris en sa troisième branche 39. La société Monsanto fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, en écartant l'existence d'une faute de M. L..., alors « qu'en vertu de l'article 1386-13, devenu 1245-12, du code civil, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable ; qu'après avoir relevé que si tout utilisateur normalement vigilant sait qu'il est déraisonnable d'inhaler un désherbant tel que le Lasso, il peut penser que l'appareil de protection des yeux et du visage est suffisant alors que tel n'est pas le cas, la cour d'appel a constaté que M. L... ne portait aucune protection sur son visage lors de l'inhalation du produit ; que, pour écarter néanmoins toute faute de sa part, ayant concouru à la survenance de son dommage, la cour d'appel a considéré que la cause exclusive de celui-ci résidait dans le manque d'information sur le produit et ses effets nocifs, un exploitant agricole n'étant pas un chimiste ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que M. L... qui, contrairement aux préconisations figurant sur l'étiquetage du produit, ne portait aucune protection sur son visage, ne s'était pas comporté en utilisateur normalement vigilant du produit, la cour d'appel a violé l'article 1386-13, devenu 1245-12, du code civil. » Réponse de la Cour 40. Aux termes de l'article 1386-13, devenu 1245-12 du code civil, transposant l'article 8.2 de la directive précitée, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable. 41. L'arrêt retient que M. L... a inhalé des vapeurs de Lasso, après avoir introduit son visage dans la cuve, que si, comme l'invoquait la société Monsanto, il ne portait pas de protection destinée à éviter un contact du produit sur le visage, en tout état de cause, une telle protection aurait été inefficace en cas d'inhalation, en l'absence d'appareil de protection respiratoire. 42. La cour d'appel a pu en déduire que la faute de M. L..., alléguée par la société Monsanto, était sans lien de causalité avec le dommage. 43. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Monsanto aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Monsanto et la condamne à payer à M. L... la somme de 5 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Monsanto PREMIER MOYEN DE CASSATION LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la SAS Monsanto était responsable du dommage causé à M. L... à la suite de l'accident du 27 avril 2004 sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants, du code civil ; AUX MOTIFS QUE « - sur la date de mise en circulation : Attendu que le régime exclusif de responsabilité du fait des produits défectueux a vocation à s'appliquer si le produit a été mis en circulation postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n°98-389 du 19 mai 1998 transposant en droit français la directive 85/374/ CEE du Conseil du 25 juillet 1985, soit le 21 mai 1998 ; qu'un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement ; que la mise en circulation n'est pas l'autorisation de mise sur le marché ; qu'enfin, la mise en circulation correspond à l'entrée dans le processus de commercialisation, étant entendu que pour les produits fabriqués en série, cette date s'entend de la date de commercialisation du lot dont ils faisaient partie ; Attendu qu'il résulte d'une attestation de la coopérative Corea Poitou Charentes, qui vient aux droits de la coopérative de Civray Chives, accompagnée des bons de livraison, que le produit Lasso, acquis en avril 2004 par M. L..., est entré dans son stock en juillet 2002 ; que le bon de livraison communiqué établit que le produit lui a été livré par la société Monsanto France ; que dès lors, en l'absence de tout élément contraire, relatif notamment au stockage de longue durée au sein de la société Monsanto des produits fabriqués, il convient de retenir cette date comme date de commercialisation du produit » ; sur la qualité de producteur de la société Monsanto : Attendu que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ; Attendu qu'est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première et le fabricant d'une partie composante ; qu'est assimilée à un producteur pour l'application du présent titre toute personne agissant à titre professionnel : 1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un signe distinctif ; 2° Qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute forme de distribution ; Attendu qu'il résulte des pièces produites (en traduction libre) que la société Monsanto agriculture France SAS, aux droits de laquelle vient la société Monsanto SAS, a conclu avec la société de droit belge Monsanto Europe (MESA) le 1er janvier 2000 un contrat destiné à permettre la commercialisation de tous les produits agricoles fabriqués ou distribués par la société MESA sur le territoire français à titre de commissionnaire, complété le 1er janvier 2001 par un contrat d'assistance à la vente, amendé le 1er janvier 2003 ; Attendu que la société Monsanto conteste produire quelque produit que ce soit ; que M. L... n'établit pas davantage l'existence de cette production; [ ] Attendu qu'il convient en conséquence d'examiner si la société Monsanto peut être assimilée à un producteur au sens des dispositions rappelées ci-dessus ; Attendu que l'étiquette du produit inhalé effectivement par M. L... le 27 avril 2004 a été perdue ; Attendu que M. L... produit aux débats un emballage du produit Lasso datant de 2001 et un datant de 2003 ; que cet étiquetage est exactement similaire pour 2001 et 2003, étant rappelé que le produit litigieux a été acquis en 2002 ; que la société Monsanto, sur incident devant la cour introduit par M. L... qui concluait être dans l'impossibilité de produire le conditionnement du produit du fait de la réglementation sur l'élimination desdits produits, a déclaré ne pas être en mesure de verser aux débats les emballages et/ou étiquettes du produit portant sur les années 2000 à 2004 ; qu'enfin, elle soutient à tort qu'il y a une incertitude sur le produit, Lasso ou Lasso EC, dans la mesure où : - les bons de livraison font état de Lasso EC tandis que les factures correspondantes mentionnent le produit Lasso ; - la liste des intrants énumère un certain nombre de produits de la gamme Lasso sans mention de Lasso EC ; - la fiche individuelle d'intrant retiré du produit Lasso le détermine sous la formulation "Conc.emulsifiable" et précise que le produit est composé d'alachlore à raison de 480. G/L, soit la composition reprise sur les emballages versés aux débats ; que la cour observe en outre que la société Monsanto ne verse aux débats aucun élément sur l'existence d'un produit Lasso différent d'un produit Lasso EC quoiqu'à composition identique ; Attendu que, dès lors, la cour retiendra que les emballages versés aux débats sont pertinents et que M. L... a inhalé du Lasso conforme au conditionnement produit, s'agissant d'un produit commercialisé à grande échelle et fabriqué de manière industrielle et non pas au cas par cas pour chaque agriculteur ; Attendu que sur ce conditionnement, s'il est exact que figure la mention fabriquée en Belgique ainsi qu'en petits caractères Monsanto Europe Sa et marque déposée de Monsanto company USA, il n'en reste pas moins que l'étiquette met en avant le fait que Lasso, écrit en gros caractères blancs sur noir, est un désherbant sélectif du maïs grain, semence et fourrage, du soja avec la mention "un herbicide Monsanto" suivi de "siège social Monsanto agriculture France SAS" avec l'adresse à Lyon et le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés de Lyon, peu important qu'une étiquette mentionne 60 L tandis que l'autre en mentionne 200 L, les mentions relatives à la composition du produit et à ses origines étant identiques ; Attendu que la qualité de la société Monsanto en tant qu'assimilée au producteur sera retenue » ; ALORS, d'abord, QUE les articles 1386-1 et suivants du code civil, devenus 1245 et suivants, issus de la loi n°98-389 du 19 mai 1998 transposant en droit français la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, s'appliquent, selon l'article 21 de la loi 19 mai 1998, aux produits mis en circulation après la date de son entrée en vigueur, laquelle est intervenue le 22 mai 1998 ; qu'aux termes de l'article 1386-5, devenu 1245-4, du code civil, un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement, et ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation ; qu'au sens de ce texte, la mise en circulation d'un produit doit s'entendre du moment où il est sorti du processus de fabrication mis en oeuvre par le producteur et où il est entré dans un processus de commercialisation dans lequel il se trouve en l'état offert au public aux fins d'être utilisé ou consommé ; qu'il s'ensuit que la mise en circulation du produit intervient lorsque le producteur s'est dessaisi volontairement du produit et non lorsqu'un distributeur qui n'a pas été impliqué dans le processus de fabrication le commercialise à son tour ; que pour admettre l'applicabilité en l'espèce des articles 1386-1 et suivants du code civil, devenus 1245 et suivants, la cour d'appel a relevé qu'il résultait d'une attestation de la coopérative Corea Poitou Charentes, qui vient aux droits de la coopérative de Civray Chives, accompagnée de bons de livraison, que le produit Lasso, acquis en avril 2004 par M. L..., avait été livré à la coopérative de Civray Chives en juillet 2002 par la société Monsanto agriculture France (arrêt attaqué p. 9); que la cour d'appel en a déduit qu'il convenait de retenir cette date comme date de commercialisation du produit et partant comme date de mise en circulation ; qu'elle a néanmoins, dans le même temps, considéré que c'est en tant que personne assimilée au producteur que la société Monsanto agriculture France pouvait voir sa responsabilité engagée sous l'empire des articles 1386-1 et suivants du code civil, la preuve n'étant pas rapportée qu'elle fabriquait le produit litigieux (arrêt attaqué p. 11) ; qu'en retenant ainsi comme date de mise en circulation du produit la date de sa commercialisation par une personne qui n'en était pas le producteur, et non celle à laquelle le producteur s'en était dessaisi volontairement, la cour d'appel a violé l'article 21 de la loi n°98-389 du 19 mai 1998, ensemble l'article 1386-5, devenu 1245-4 du code civil ; ALORS, ensuite, QUE si la mise en circulation du produit peut, par exception, intervenir lors de la remise du produit par un simple distributeur à un tiers, c'est à la condition que les liens qu'entretient ce distributeur avec le producteur soient à ce point étroits que le distributeur puisse en réalité être considéré comme ayant été impliqué dans le processus de fabrication du produit concerné ; qu'en pareil cas en effet, le transfert du produit du producteur à ce distributeur ne fait pas sortir le produit du processus de fabrication mis en oeuvre par le producteur, et n'entraîne donc pas sa mise en circulation ; que pour admettre l'applicabilité en l'espèce des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants, du code civil, la cour d'appel a retenu comme date de mise en circulation du produit la date de sa livraison par la société Monsanto agriculteur France à la coopérative de Civray Chives, laquelle serait intervenue en juillet 2002 (arrêt attaqué p.9) ; qu'elle a par ailleurs considéré que, faute de preuve que la société Monsanto agriculteur France ait pris part à la fabrication du produit, elle ne pouvait voir sa responsabilité engagée sur le fondement des articles 1386-1 et suivants qu'en tant que personne assimilée au producteur (arrêt attaqué p.11) ; qu'en retenant ainsi comme date de mise en circulation du produit la date de sa commercialisation par celui qui n'en était pas le producteur, sans relever l'existence, entre le producteur du produit et la société Monsanto agriculture France, de liens à ce point étroits que cette dernière puisse en réalité être considérée comme ayant été impliquée dans le processus de fabrication du produit concerné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 21 de la loi n°98-389 du 19 mai 1998, ensemble l'article 1386-5, devenu 1245-4, du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la SAS Monsanto était responsable du dommage causé à M. L... à la suite de l'accident du 27 avril 2004 sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants, du code civil ; AUX MOTIFS QUE « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ; qu'est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première et le fabricant d'une partie composante ; qu'est assimilée à un producteur pour l'application du présent titre toute personne agissant à titre professionnel : 1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un signe distinctif ; 2° Qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute forme de distribution ; Attendu qu'il résulte des pièces produites (en traduction libre) que la société Monsanto agriculture France SAS, aux droits de laquelle vient la société Monsanto SAS, a conclu avec la société de droit belge Monsanto Europe (MESA) le 1er janvier 2000 un contrat destiné à permettre la commercialisation de tous les produits agricoles fabriqués ou distribués par la société MESA sur le territoire français à titre de commissionnaire, complété le 1er janvier 2001 par un contrat d'assistance à la vente, amendé le 1er janvier 2003 ; Attendu que la société Monsanto conteste produire quelque produit que ce soit ; que M. L... n'établit pas davantage l'existence de cette production; Attendu qu'elle conclut également qu'il n'est pas établi que le produit litigieux a été commercialisé par ses soins, la société MESA ayant pu le commercialiser directement ; Mais attendu que M. L... produit les bons de livraison en juillet 2002 à la coopérative Civray Chives du produit Lasso sur lesquels figure la société Monsanto France SA qui a donc effectivement commercialisé le produit litigieux ; Attendu qu'elle soutient enfin que plusieurs procédures en contrefaçon du produit Lasso ont été introduites, certains désherbants étant issus d'achats effectués à l'étranger par des distributeurs indélicats dans des conditions illicites sans qu'elle intervienne à quelque stade que ce soit ; qu'elle en tire comme conséquence que le produit acquis peut tout à fait constituer une contrefaçon ; Mais attendu que d'une part, la société Monsanto verse aux débats les décisions de justice rendues dans le cadre d'un contentieux l'opposant aux côtés de la société Monsanto company (Monsanto USA), à diverses parties qui se rapportent à la gamme de produits Roundup et Bioforce et non pas Lasso ; que de l'autre, comme rappelé ci-dessus, le bon de livraison produit datant de 2002 mentionne le nom de Monsanto France en tant que fournisseur sans qu'aucune contestation de cette mention ne soit formulée de 2002 à 2004 ; Attendu qu'il convient en conséquence d'examiner si la société Monsanto peut être assimilée à un producteur au sens des dispositions rappelées ci-dessus ; Attendu que l'étiquette du produit inhalé effectivement par M. L... le 27 avril 2004 a été perdue ; Attendu que M. L... produit aux débats un emballage du produit Lasso datant de 2001 et un datant de 2003 ; que cet étiquetage est exactement similaire pour 2001 et 2003, étant rappelé que le produit litigieux a été acquis en 2002 ; que la société Monsanto, sur incident devant la cour introduit par M. L... qui concluait être dans l'impossibilité de produire le conditionnement du produit du fait de la réglementation sur l'élimination desdits produits, a déclaré ne pas être en mesure de verser aux débats les emballages et/ou étiquettes du produit portant sur les années 2000 à 2004 ; qu'enfin, elle soutient à tort qu'il y a une incertitude sur le produit, Lasso ou Lasso EC, dans la mesure où : - les bons de livraison font état de Lasso EC tandis que les factures correspondantes mentionnent le produit Lasso ; - la liste des intrants énumère un certain nombre de produits de la gamme Lasso sans mention de Lasso EC ; - la fiche individuelle d'intrant retiré du produit Lasso le détermine sous la formulation "Conc.emulsifiable" et précise que le produit est composé d'alachlore à raison de 480. G/L, soit la composition reprise sur les emballages versés aux débats ; que la cour observe en outre que la société Monsanto ne verse aux débats aucun élément sur l'existence d'un produit Lasso différent d'un produit Lasso EC quoiqu'à composition identique ; Attendu que, dès lors, la cour retiendra que les emballages versés aux débats sont pertinents et que M. L... a inhalé du Lasso conforme au conditionnement produit, s'agissant d'un produit commercialisé à grande échelle et fabriqué de manière industrielle et non pas au cas par cas pour chaque agriculteur ; Attendu que sur ce conditionnement, s'il est exact que figure la mention fabriquée en Belgique ainsi qu'en petits caractères Monsanto Europe Sa et marque déposée de Monsanto company USA, il n'en reste pas moins que l'étiquette met en avant le fait que Lasso, écrit en gros caractères blancs sur noir, est un désherbant sélectif du maïs grain, semence et fourrage, du soja avec la mention "un herbicide Monsanto" suivi de "siège social Monsanto agriculture France SAS" avec l'adresse à Lyon et le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés de Lyon, peu important qu'une étiquette mentionne 60 L tandis que l'autre en mentionne 200 L, les mentions relatives à la composition du produit et à ses origines étant identiques ; Attendu que la qualité de la société Monsanto en tant qu'assimilée au producteur sera retenue ; Attendu qu'en conséquence, seul le régime des produits défectueux est applicable à la présente espèce, s'agissant d'apprécier si la présence de chlorométhylester dans la composition du produit en constitue un défaut intrinsèque et si une éventuelle insuffisance d'information donnée sur celui-ci serait de nature à créer un risque d'une gravité suffisante portant atteinte à l'attente légitime de sécurité du public appelé à l'utiliser » ; ALORS, d'abord, QUE la responsabilité instituée par les articles 1386-1 et suivants du code civil, devenus 1245 et suivants, pèse en principe sur le producteur du produit ; que par exception, elle incombe à la personne qui, agissant à titre professionnel, peut-être assimilée à un producteur ; qu'aux termes de l'article 1386-6, alinéa 2, 1° du code civil, devenu 1245-5, alinéa 2, 1°, est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ; que pour admettre en l'espèce l'assimilation de la société Monsanto agriculture France à un producteur du produit au sens de la disposition susvisée, la cour d'appel a considéré que s'il est exact que figure sur le conditionnement du produit la mention fabriquée en Belgique ainsi qu'en petits caractères Monsanto Europe SA et marque déposée de Monsanto company USA, il n'en reste pas moins que l'étiquette produite aux débats met en avant le fait que le Lasso, écrit en gros caractères blancs sur noir, est un désherbant sélectif du maïs grain, semence et fourrage, du soja avec la mention « un herbicide Monsanto » suivi de « siège social Monsanto agriculture France SAS » avec l'adresse à Lyon et le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés de Lyon (arrêt attaqué p.11) ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la société Monsanto agriculture France avait apposé son nom sur l'emballage du produit litigieux et se présentait ainsi elle-même comme producteur dudit produit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-6, alinéa 2, 1°, devenu 1245-5, alinéa 2, 1°, du code civil ; ALORS, ensuite, QU'aux termes de l'article 1386-6, alinéa 2, 1°, devenu 1245-5, alinéa 2, 1°, du code civil est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ; qu'au sens de cette disposition, la seule apposition, sur l'emballage du produit, du nom de son fournisseur ne suffit pas à l'assimiler au producteur lorsque cette mention n'est pas, compte tenu des circonstances de la cause, de nature à faire naître dans l'esprit du public la croyance suivant laquelle il est le véritable producteur du produit ; qu'il en est notamment ainsi lorsque le fournisseur, dont le nom est apposé sur l'emballage, ne s'y présente pas comme le producteur du produit, et que le nom de deux autres sociétés, dont l'une se trouve en être le véritable producteur, ainsi que le lieu de fabrication du produit, situé dans un pays autre que celui du siège social du fournisseur, figurent par ailleurs sur cet emballage ; que pour admettre l'assimilation de la société Monsanto agriculture France à un producteur du produit au sens de la disposition susvisée, la cour d'appel a considéré que s'il est exact que figure sur le conditionnement du produit la mention fabriquée en Belgique ainsi qu'en petits caractères Monsanto Europe SA et marque déposée de Monsanto company USA, il n'en reste pas moins que l'étiquette met en avant le fait que le Lasso, écrit en gros caractères blancs sur noir, est un désherbant sélectif du maïs grain, semence et fourrage, du soja avec la mention « un herbicide Monsanto » suivi de « siège social Monsanto agriculture France SAS » avec l'adresse à Lyon et le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés de Lyon (arrêt attaqué p.11) ; qu'en statuant ainsi, sans avoir à aucun moment relevé que la société Monsanto agriculture France se présentait comme le producteur du produit, et après avoir constaté que l'emballage dudit produit comportait le nom de deux autres sociétés, dont celui de la société de droit belge Monsanto Europe SA, ainsi qu'un lieu de fabrication situé en Belgique, ce dont il résultait que le public ne pouvait légitimement croire, à la lecture des indications portées sur l'emballage, que la société Monsanto agriculture France était le producteur du produit, la cour d'appel a violé l'article 1386-6, alinéa 2, 1°, devenu 1245-5, alinéa 2, 1° du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la SAS Monsanto était responsable du dommage causé à M. L... à la suite de l'accident du 27 avril 2004 sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants, du code civil ; AUX MOTIFS QUE « Sur la réalité de l'inhalation : Attendu qu'il appartient à M. L... de rapporter la preuve de la réalité de l'inhalation ; Attendu que l'accident invoqué a eu lieu sans témoin direct ; Attendu que M. L... verse aux débats une attestation de la coopérative Civray datée du 28 mars 2008 aux termes de laquelle cette coopérative certifie que les produits facturés à M. L... sur la facture n° 05 43203 correspondent à des livraisons ou enlèvements effectués en avril 2004 et notamment 1 X LASSO EC en 200 L délivré le 13 avril 2004 BL n° 42536 ; qu'il produit également le bon de livraison afférent au produit daté du 13 avril 2004 ; Attendu que la distinction éventuellement à opérer entre un produit Lasso et un produit Lasso EC est sans incidence à ce stade du raisonnement, la société Monsanto elle-même concluant que les désherbants Lasso et Lasso EC étaient composés pour l'essentiel de monochlorobenzène (ou chlorobenzène) et d'alachlore ; Attendu que M. L... verse aux débats trois attestations émanant de M. S..., M. R... et de Mme L..., épouse de M. L..., répondant aux formes prévues à l'article 202 du code de procédure civile, la cour rappelant que le lien de parenté ou d'alliance est mentionné le cas échéant ; qu'en l'absence de tout lien de parenté ou d'alliance dont l'existence n'est pas même alléguée par la société Monsanto, M. S... n'avait pas à faire figurer de mention particulière ; Attendu que contrairement à ce que conclut la société Monsanto, les auteurs de ces attestations rapportent des faits dont ils ont été personnellement témoins ; que M. S... écrit avoir reçu un appel téléphonique de Mme L... aux termes duquel elle conduisait son mari au service hospitalier de Ruffec pour une intoxication ; qu'il s'est rendu chez les époux L... et a vu Mme L... portant son époux qui titubait à son monospace ; que Mme L... lui a dit que son époux avait malencontreusement respiré du désherbant à mais (du Lasso et de l'Adar préparé le matin ensemble afin de terminer le désherbage) et lui a demandé d'apporter à l'hôpital une étiquette des produits ce qu'il a fait ; que M. R... relate quant à lui les entretiens et échanges qu'il a eus avec des responsables des dossiers médicaux de Monsanto et des consultants Monsanto ; qu'enfin, Mme L... expose comment son époux est arrivé le 27 avril 2004 chez eux dans un état précaire, avec une gêne respiratoire et un sentiment d'oppression et qu'elle a décidé de le conduire aux urgences de l'hôpital de Ruffec, précision faite qu'elle est infirmière de métier depuis 1987 ; Attendu que le docteur Q... , médecin du travail à la MSA, a remis le 19 mai 2009 à M. L... un certificat ne répondant pas aux formes de l'article 202 du code de procédure civile, Mais attendu que d'une part, la société Monsanto ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour, d'écarter cette attestation et que de l'autre ces dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité, la pièce produite présentant suffisamment de garantie pour être établie par un médecin d'autant que la société Monsanto n'allègue aucun grief découlant pour elle de l'inobservation de ces dispositions ; Attendu que le docteur Q... , dans ce document, certifie "avoir reçu un appel du service des urgences de Ruffec le 27/04/2004 dans le cadre de [son] rôle de médecin référent départemental du réseau Phyt'attitude, pour une demande de renseignements complémentaires sur la toxicité du Lasso, pour un patient hospitalisé dans leur service. Les renseignements complémentaires fournis ont permis au service des urgences de recontacter efficacement les centres anti poison." Attendu qu'en second lieu, il convient de déterminer quel est le produit inhalé ce jour par M. L..., la société Monsanto contestant que le produit inhalé soit un produit commercialisé par le groupe Monsanto et soutenant l'incertitude existante sur le produit lui-même, Lasso ou Lasso EC; Mais attendu que le produit commandé, payé et livré à M. L... est un produit de la gamme-Lasso comme il résulte des pièces visées ci-dessus ; que la gamme Lasso est produite par le groupe Monsanto ce qui n'est pas contesté par la société Monsanto ; qu'il importe peu de savoir si les produits Lasso et Lasso EC sont identiques comme le soutient M. L..., la mention EC se rapportant selon lui à la notion de Concentré Emulsionnable ou Emulsifiable, ou, si comme le soutient la société Monsanto, il s'agit de deux produits différents, dans la mesure où l'un comme l'autre de ces produits, à les supposer distincts, sont composés identiquement d'alachlore et de monochlorobenzène (ou chlorobenzène) ; Attendu enfin que le compte-rendu de la consultation du 29 avril 2004 de M. L... au centre hospitalier de Ruffec indique : "Patient qui a été hospitalisé en urgence hier après avoir inhalé des produits toxiques en nettoyant une cuve de pesticides. Il a inhalé un produit chloré associé à des solvants." (souligné par la cour) ; que si M. S... dans son attestation a déclaré avoir préparé le matin avec M. L... du Lasso et de l'Adar afin de terminer le désherbage ensemble, le terme "ensemble" ne signifie pas pour autant qu'il s'agisse d'un mélange des deux produits, M. L... n'ayant jamais soutenu avoir inhalé de l'Adar, dont le principe actif est également l'alachlore, mais toujours le produit Lasso ; que dans son livre « Un paysan contre Monsanto » il relate avoir rempli la cuve en résine avec du Lasso, un herbicide de Monsanto ; que dans l'histoire de son intoxication (pièce 64) il indique avoir désherbé ses cultures de maïs avec "un produit type Lasso (nom commercial de la matière active alachlore fabriquée par le groupe Monsanto)"; Attendu qu'en conséquence, l'ensemble des éléments de faits susvisés démontrent la réalité de l'inhalation de l'herbicide Lasso par M. L... ; [ ] - Sur le lien de causalité entre le dommage survenu et l'administration du produit : Attendu qu'il appartient à M. L... de rapporter la preuve d'un lien de causalité entre le dommage survenu et l'administration du produit ; Attendu que l'existence d'un lien causal entre un événement et un dommage peut être établie conformément à l'article 1353 ancien du code civil sur la base de présomptions de l'homme définies par l'article 1349 ancien du code civil comme des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu ; Attendu que l'ensemble des éléments factuels susvisés relatifs à l'inhalation du produit par M. L... a permis d'établir la réalité de celle-ci, la cour s'y référant expressément ; que ces éléments constituent un réseau d'indices graves, précis et concordants et démontrent le lien de causalité entre le dommage survenu et l'administration du produit le 27 avril 2004 étant observé que tant le certificat médical du service des urgences de l'hôpital de Ruffec du 29 avril 2004 que le certificat du docteur Q... du 19 mai 2009 établissent également la réalité de la prise en charge du patient ce jour-là du fait de l'intoxication aigüe ; Attendu que M. L... conclut en cours de procédure avoir été exposé au produit durant tout le mois d'avril 2004 ; que contrairement à ce que soutient la société Monsanto, cette affirmation ne vient pas contredire ce que M. L... a soutenu auparavant ; que l'aveu judiciaire est en effet la déclaration que fait en justice la partie et non pas l'omission d'une telle déclaration, M. L..., à suivre la société Monsanto elle-même, ayant déclaré dans un premier temps avoir été exposé au produit le 27 avril 2004 ; qu'il a en revanche postérieurement affirmé avoir été exposé au produit durant le mois d'avril 2004 ce qui n'est en rien contraire à sa déclaration initiale sur laquelle il n'est jamais revenu ; que par ailleurs, il écrit dans son livre que "ces dix jours annuels de labeur printanier sur ces 130 hectares de maïs ne représentent pas une corvée mais presqu'une partie de plaisir"; qu'en conséquence la cour retiendra que M. L... a été expose au produit à compter du 13 avril 2004 jusqu'à l'accident du 27 avril » ; ALORS, d'abord, QUE si la responsabilité du fait des produits défectueux requiert que le demandeur prouve le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, la participation du produit à la survenance du dommage est un préalable implicite, nécessaire à l'exclusion éventuelle d'autres causes possibles du dommage, pour la recherche de la défectuosité du produit et du rôle causal de cette défectuosité ; que si la participation du produit à la survenance du dommage peut être établie au moyen de présomptions de fait, il incombe au juge de veiller à ce que les indices produits soient suffisamment graves, précis et concordants pour autoriser la conclusion selon laquelle l'administration du produit apparaît, nonobstant les éléments produits et arguments présentés en défense par le producteur, comme étant l'explication la plus plausible de la survenance du dommage ; que parmi les indices dont la conjonction pourrait, le cas échéant, conduire le juge à considérer qu'une victime a satisfait à la charge de la preuve pesant sur elle en vertu de 1386-9, devenu 1245-8, du code civil, figurent notamment la proximité temporelle entre l'administration du produit et la survenance des troubles allégués par le demandeur, l'absence d'antécédents médicaux personnels et familiaux, en relation avec ces troubles, de même que l'existence d'un nombre significatif de cas répertoriés de survenance de ces troubles à la suite d'une telle administration ; que pour retenir en l'espèce l'existence d'un lien de causalité entre le dommage survenu et l'administration du produit le 27 avril 2004, la cour d'appel a considéré que l'ensemble des éléments factuels relatifs à l'inhalation du produit par M. L... ont non seulement permis d'établir la réalité de celleci, mais constituaient de surcroît un réseau d'indices graves, précis et concordants démontrant ce lien causal ; que la cour d'appel a pourtant, dans le même temps, rappelé qu'il ressortait d'une attestation produite par M. L... lui-même qu'il avait, avec M. S..., préparé le matin même de l'accident non seulement du Lasso, mais aussi un autre désherbant, l'Adar (arrêt attaque p.8) ; qu'elle a encore souligné que M. L... se trouvait dans un état d'inquiétude et présentait une hypersensibilité de nature phobique aux produits phytosanitaires (arrêt attaqué pp. 17-19) ; qu'elle a également relevé, à la suite des experts judiciaires qu'aucune étude effective n'[avait] été réalisée sur l'homme relative à l'effet cumulé du monochlorobenzène et de l'alachlore, qui sont les deux principales substances composant le Lasso (arrêt attaqué p.18) ; que nonobstant ces éléments, la cour d'appel s'est fondée, pour retenir un lien causal entre l'administration du produit et le dommage, sur la seule circonstance que M. L..., qui aurait été exposé au Lasso à partir du 13 avril 2004, avait été pris en charge à l'hôpital de Ruffec le 27 avril 2004, après en avoir inhalé ; qu'en statuant ainsi, alors que cette circonstance ne constituait pas un réseau d'indices graves, précis et concordants dont la conjonction permettrait d'autoriser la conclusion selon laquelle l'administration du produit apparaissait en l'espèce, nonobstant les éléments produits et arguments présentés en défense par la société Monsanto, comme étant l'explication la plus plausible de la survenance du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de 1386-9, devenu 1245-8, du code civil ; ALORS, ensuite, QU'aux termes de l'article 1349 (ancien) du code civil, les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu ; qu'une présomption ne peut dès lors reposer sur un fait lui-même inconnu, dont la réalité n'a judiciairement été établie qu'au moyen d'un faisceau d'indices et d'attestations ; que pour retenir en l'espèce l'existence d'un lien de causalité entre le dommage survenu et l'administration du produit le 27 avril 2004, la cour d'appel a considéré que l'ensemble des éléments factuels relatifs à l'inhalation du produit par M. L... constituaient un réseau d'indices graves, précis et concordants démontrant ce lien causal ; que pour établir la réalité de l'inhalation, qui avait eu lieu sans témoin direct, la cour d'appel s'est d'abord fondée sur le fait que M. L... avait bien fait l'acquisition de l'herbicide prétendument inhalé, ce dont témoigneraient un bon de livraison produit par M. L..., daté du 13 avril 2004, ainsi qu'une attestation émanant de la coopérative Civray Chives et datée du 28 mars 2008 ; qu'elle a ensuite, pour admettre que le produit ainsi acquis serait bien celui qu'aurait inhalé M. L... le 27 avril 2004, pris appui sur trois attestations, dont l'une émane de l'épouse de M. L..., ainsi que sur un certificat datant du 19 mai 2009, rédigé par un médecin du travail, dans lequel ce dernier indiquait simplement avoir été contacté le 27 avril 2004 par le service des urgences du centre hospitalier de Ruffec pour une demande de renseignements sur la toxicité du Lasso (arrêt attaqué pp.8-9) ; qu'en présumant ainsi l'existence d'un lien causal entre le dommage allégué et l'administration du produit à partir d'un fait inconnu, dont la réalité n'avait pu être judiciairement établi qu'au moyen d'indices et d'attestations, la cour d'appel a violé l'article 1349 (ancien) du code civil, ensemble l'article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la SAS Monsanto était responsable du dommage causé à M. L... à la suite de l'accident du 27 avril 2004 sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants, du code civil ; AUX MOTIFS QUE « Sur le défaut du produit : Attendu qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; que dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; qu'un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre plus perfectionné a été mis postérieurement en circulation ; Attendu qu'un produit dangereux n'est pas nécessairement défectueux ; qu'il n'y a donc pas lieu de s'attarder à déterminer si le Lasso est défectueux du seul fait de sa toxicité intrinsèque composé de l'alachlore, du monochlorobenzène (ou chlorobenzène) et des autres adjuvants ainsi que sur la toxicité des pesticides de manière générale, sans aucune démonstration probatoire à l'appui ; que la présence notamment de chloromethylester dans la composition du Lasso qui constituerait selon M. L... un défaut intrinsèque du produit en raison de sa dangerosité et du retrait de cet adjuvant des préparations commerciales ne rend pas davantage de facto défectueux le Lasso ; Attendu que M. L... reproche à la société Monsanto de ne pas avoir respecté la réglementation en matière d'étiquetage et d'emballage des produits phytosanitaires telle qu'elle résulte des dispositions de la loi n° 525 du 2 novembre 1943, de l'article 10 de l'arrêté du 7 octobre 1974, de l'article 64 du décret n° 94-359 du 5 mai 1994 et de l'article 34 de l'arrêté du 6 septembre 1994 portant application de ce décret et d'avoir ainsi manqué à son obligation d'information en s'abstenant d'indiquer sur l'étiquetage du produit Lasso le taux de monochlorobenzène présent dans ledit produit, en n'invitant pas l'utilisateur à prendre les précautions de nature à ne pas inhaler le monochlorobenzène et enfin en ne cessant pas la commercialisation de la gamme des produits Lasso eu égard à leur nocivité avérée ; Attendu que la gamme des produits Lasso a été commercialisé[e] conformément à l'AMM du 31 décembre 1968 jusqu'à sa date de retrait du marché le 28 avril 2007 ; qu'aucun manquement ne peut donc être reproché à la société Monsanto pouvant faire obstacle à leur commercialisation conforme à I'AMM en l'absence de toute démonstration contraire de M. L..., la seule nocivité avérée ou non des produits de la gamme Lasso étant insuffisante pour ce faire ; Attendu que ce produit relève de la classe des produits phytopharmaceutiques, à savoir des produits qui consistent en des substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, ou en contenant, et destinés notamment à protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir l'action de ceux-ci ; que la substance active doit s'entendre comme celle exerçant une action générale ou spécifique sur les organismes nuisibles ou sur les végétaux, parties de végétaux ou produits végétaux ; Attendu que l'article 7 de la loi du 2 novembre 1943, modifié par la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999, dans sa version applicable à l'espèce dispose que : "Les emballages ou étiquettes des produits définis à l'article 1er dont la vente est autorisée doivent porter d'une façon apparente, en plus des indications déjà prescrites par le décret du 11 mai 1937 pris pour l'application de la loi du 4 août 1903, modifiée par la loi du 10 mars 1935, les doses, et les modes d'emploi tels qu'ils figurent au registre d'autorisation de mise sur le marché, ainsi que la date et le numéro d'inscription dudit registre. Ils doivent mentionner également les précautions à prendre par les utilisateurs, (souligné par la cour) et notamment les contre-indications apparues au cours des essais et énoncées au registre d'autorisation de mise sur le marché." ; Attendu que l'arrêté du 7 octobre 1974 modifié par l'arrêté du 25 avril 1984, a été abrogé par l'arrêté du 1er décembre 1987 relatif à l'homologation des produits visés aux points 4 et 7 de l'article 1er de la loi du 2 novembre 1943 sur l'organisation du contrôle des produits antiparasitaires à usage agricole ; Attendu que l'article 10 de l'arrêté du 1er décembre 1987 prévoit que : "Le bénéfice de l'autorisation provisoire de vente ou de l'homologation implique, pour le demandeur, l'engagement de ne vendre, sous le nom commercial indiqué, qu'une spécialité définie Par son nom commercial ; 2. Par le nom du demandeur responsable de la mise sur le marché français ; 3. Par le numéro d'homologation ou d'autorisation provisoire de vente ; 4. Par sa composition. Pour chaque spécialité, sont précisés : 1. Les usages, doses et modes d'emploi ; 2. Les précautions à prendre par les utilisateurs ainsi que les contre-indications apparues au cours des essais. En cas d'infraction à cet article, le comité d'homologation des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés pourra, en application des dispositions de l'article 11 de la loi du 2 novembre 1943, proposer le retrait d'homologation de la spécialité et l'interdiction immédiate de vente. Ladite spécialité ne pourra faire l'objet d'une nouvelle demande d'homologation avant l'expiration d'un délai d'un an à dater de la décision portant retrait de l'homologation." ; Attendu enfin que l'arrêté du 6 septembre 1994 portant application du décret n°94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques dispose en son article 32 dans sa version applicable à l'espèce que : "L'étiquette ou l'inscription doit être apposée de manière très apparente, lisible horizontalement lorsque l'emballage est en position normale. L'étiquette doit adhérer par toute sa surface à l'emballage contenant directement la substance. Si le produit est contenu dans plusieurs emballages, l'étiquette ou l'inscription doit figurer sur chacun d'eux." ; que l'article 34, dans sa version applicable à l'espèce, indique que : "Tout emballage ou contenant doit porter, de manière lisible et indélébile, les indications suivantes : a) Le nom commercial du produit ; b) Le nom et l'adresse du détenteur de l'autorisation ainsi que le numéro de l'autorisation du produit et, s'ils sont différents, le nom et l'adresse de la personne responsable de l'emballage et de l'étiquetage final ou de l'étiquetage final du produit sur le marché ; c) Le nom et la quantité de chaque substance active exprimée : - en p. 100 du poids pour les produits qui sont des produits solides, des aérosols, des liquides volatils (point d'ébullition maximale 50 °C) ou visqueux (limite inférieure 1 Pa.s à 20 °C); - en p. 100 du poids et en gramme par litre à 2 °C pour les autres liquides ; - en p. 100 du volume pour les gaz ; Le nom indiqué doit être celui figurant dans la décision d'autorisation, en conformité avec la nomenclature de la liste reprise à l'annexe I de l'arrêté du 20 avril 1994 susvisé ou, à défaut, son nom commun I.S.O. : si ce dernier nom n'existe pas, la substance active doit être désignée par sa désignation chimique selon la nomenclature U.I.C.P.A ; d) La quantité nette de produit indiquée en unité légale de mesure ; e) Le numéro du lot de la préparation ou une indication permettant de l'identifier ; f) L'indication de la nature des risques particuliers pour l'homme, les animaux ou l'environnement, sous forme de phrases types, choisies de manière appropriée ; g) Les précautions à prendre pour la protection de l'homme, des animaux ou de l'environnement, sous forme de phrases types, choisies de manière appropriée ; h) Les autres précautions d'emploi ou contre-indications figurant le cas échéant sur la décision d'autorisation ; i) Le type d'action exercée par le produit, par exemple insecticide, régulateur de croissance, herbicide, etc. ; j) Le type de préparation, par exemple, poudre mouillable, concentré émulsionnable, etc ; k) Les usages pour lesquels le produit est autorisé et les conditions spécifiques, notamment agricoles, phytosanitaires et environnementales, dans lesquelles le produit peut être utilisé ou doit, au contraire, être exclu ; I) Les instructions d'emploi et la dose à appliquer pour chaque usage autorisé, exprimée en unités métriques ; m) Si nécessaire, l'intervalle de sécurité à respecter pour chaque usage entre l'application et: - le semis ou la plantation de la culture à protéger ; le semis ou la plantation des cultures ultérieures ; l'accès de l'homme ou des animaux à la culture traitée ; - la récolte ; l'usage ou la consommation ; n) Si nécessaire, les indications concernant la phytotoxicité éventuelle, la sensibilité variétale et tout autre effet secondaire direct ou indirect défavorable sur les produits végétaux ou les produits d'origine végétale, ainsi que les intervalles à observer entre l'application et le semis ou la plantation : de la culture concernée ; ou des cultures ultérieures ; o) Des instructions pour l'élimination en toute sécurité du produit et de son emballage ; p) La date de péremption dans des conditions normales de conservation, lorsque la durée de conservation du produit est limitée à moins de deux ans; q) La mention "réservé à un usage exclusivement professionnel" ou "autorisé pour l'emploi en jardins d'amateurs", ou autre, conformément à la décision d'autorisation de mise sur le marché." ; Attendu que contrairement à ce que conclut la société Monsanto, l'article 34 susvisé a vocation à s'appliquer eu égard à l'article 31 de l'arrêté du 6 septembre 1994, dans sa version applicable à l'espèce, qui prévoit que sans préjudice des autres dispositions applicables en la matière, (souligné par la cour) et notamment celles relatives aux substances et préparations dangereuses ou vénéneuses, les emballages ou contenants des produits définis à l'article L. 253-1 du code rural doivent répondre aux dispositions du présent titre ; Attendu qu'il résulte du rappel de cette réglementation applicable lors de l'accident survenu en 2004 qu'aucune disposition ne faisait obligation à la société Monsanto d'indiquer sur l'étiquetage du produit et/ou son emballage la présence de monochlorobenzène ou autre adjuvant, seule la substance active, à savoir l'alachlore, devant y figurer ; Attendu que M. L... produit la fiche toxicologique établie par l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies (INRS), édition 1997, sur le monochlorobenzène (ou chlorobenzène) qui, après en avoir décrit les caractéristiques, en étudie la pathologie et la toxicologie ainsi que la toxicité sur l'homme ; que la fiche émet des recommandations relatives à la manipulation du produit en préconisant notamment : - Eviter l'inhalation de vapeurs. Effectuer en appareil clos toute opération industrielle qui s'y prête. [...] prévoir également des appareils de protection respiratoire pour des travaux exceptionnels de courte durée ou les interventions d'urgence - Eviter le contact avec la peau ou les yeux. Mettre à la disposition du personnel des vêtements de protection, des gants et des lunettes de sécurité - Ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du chlorobenzène sans prendre les précautions d'usage, cette préconisation renvoyant à la recommandation CNAM R 276 INRS ; Attendu que l'édition de la fiche 2009 produite par la société Monsanto reprend ces mêmes préconisations ; Attendu .qu'il est ainsi constant que la réglementation applicable en matière de produits anti parasitaires à usage agricole, dénommés phytopharmaceutiques, que ce soit une réglementation relative à l'obtention d'une AMM ou relative au contrôle desdits produits, s'attache à privilégier la sécurité de l'utilisateur tant par l'apposition des mentions appropriées sur les substances actives que des précautions à prendre et du rappel de la dangerosité du produit, y compris pour l'environnement et les animaux ; Attendu que l'étiquetage du produit Lasso, commercialisé par la société Monsanto, ne répond pas à la réglementation susvisée dans la mesure où les risques liés à l'inhalation du monochlorobenzène (ou chlorobenzène), présent en quantité importante dans le Lasso, ne sont pas signalés, pas davantage que la préconisation d'appareils de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves ; que la seule indication de la nocivité en cas d'ingestion ainsi que du nécessaire port de gants et d'un appareil de protection des yeux/du visage est insuffisant à assurer la sécurité de l'utilisateur, la société Monsanto concluant à tort que "porter un appareil de protection des yeux et du visage est une invitation à ne pas inhaler le produit litigieux", qu'en effet, si tout utilisateur normalement vigilant sait qu'il est déraisonnable d'inhaler un tel désherbant, il peut penser que l'appareil de protection des yeux et du visage est suffisant alors que tel n'est pas le cas, comme le démontre la fiche susvisée de l'INRS qui vise expressément l'appareil de protection respiratoire ; qu'enfin, aucune mise en garde n'est faite sur la dangerosité particulière des travaux sur ou dans les cuves et réservoirs en contravention notamment avec les points f et g de l'article 34 de l'arrêté du 6 septembre 1994 ; Attendu en conséquence que M. L... conclut à juste titre que le produit, du fait d'un étiquetage insuffisant ne respectant par la réglementation applicable, n'offrait pas la sécurité à laquelle il pouvait légitimement s'attendre, étant observé qu'il importe peu que l'utilisateur soit ou non un professionnel averti ; [ ] - Sur le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage : Attendu que le compte-rendu du docteur E... du 29 avril 2004 (CH de secteur, consultations externes) indique : "Patient qui a été hospitalisé en urgence hier après avoir inhalé des produits toxiques en nettoyant une cuve de pesticides. Il a inhalé un produit chloré associé à des solvants. Il a ressenti une forte sensation de brûlure thoracique au niveau des muqueuses. Après son retour à domicile, il a fait un malaise avec sensation d'étouffé et trouble de la conscience, semble-t-il ayant conduit en urgence à l'hôpital. SUR LE PLAN RESPIRATOIRE, l'évolution apparaît tout à fait favorable aujourd'hui. En effet, le patient a présenté une toux irritative avec quelques crachats hémoptoïques dans la nuit, mais ce matin, il respire bien n'est pas dyspnéique au repos. L'AUSCULTATION PULMONAIRE est normale on ne retrouve pas de sibilant, ni de crépitant. SUR LE PLAN RADIOGRAPHIQUE : la radiographie thoracique d'entrée montrait peut être une petite surcharge de la trame broncho-vasculaire au niveau des bases. Mais le cliché de contrôle, effectué ce jour, apparaît tout à fait normal. SUR LE PLAN GAZOMETRIQUE : la saturation à l'oxymètre a 96 %. AU TOTAL : il n'y a pas de signe d'oedème pulmonaire. Pas de manifestation d'asthme et le pronostic apparaît a priori tout à fait favorable sur le plan respiratoire. Sur le plan purement symptomatique, s'il réapparaît une toux irritative, on peut utiliser des aérosols de PULMOCOURT et ATROVENT." ; Attendu que le 3 mai 2004, il a été revu par le docteur D..., chef de service (service de médecine, CH Ruffec) qui reprend les conclusions du docteur E... , pneumologue, et ajoute avoir prodigué quelques [consignes] de prudence ; Attendu que M. L... a repris son travail le 21 juin 2004, après s'être reposé à son domicile ; que durant cette période, il se plaint de fatigue et de difficultés d'élocution (bégaiements) ainsi que de migraines ; que durant l'été 2004, il se plaint d'une augmentation de la fréquence des céphalées en hémicrânie gauche sans nausées ni vomissements ; qu'à la suite de crises répétées et violentes ainsi que de malaises, il va subir toute une série d'examens dont aucun ne révélera d'anomalies et permettra d'éliminer notamment le diagnostic d'épilepsie ; que le compte-rendu du docteur A..., du service d'épileptologie du professeur O... à I'hôpital de la Salpêtrière à Paris, où M. L... a été hospitalisé du 3 février au 18 mars 2005, conclut à un bilan biologique négatif, à un bilan vasculaire négatif, à une IRM retrouvant plusieurs hypersignaux de la substance blanche non spécifiques a recontrôler ; qu'il poursuit en indiquant que "les modifications présentées par le patient notamment lors des quatre derniers malaises (état d'agitation, vigilance en partie préservée, suggestibilité) évoquent une origine anorganique. L'hypothèse de manifestations anxieuses ou conversives est évoquée. Le patient a bénéficié d'une évaluation de son anxiété en hôpital de jour. L'existence d'un taux élevé de chlorophénol dans les urines au décours d'un malaise peut faire évoquer que les manifestations d'allure psychiatrique soient d'origine toxique. Ce dérivé toxique ne peut, d'après l'avis des toxicologues, être lié à une intoxication datant de plusieurs mois. D'autres dosages sont nécessaires." ; que le compte-rendu de l'examen psychiatrique du docteur J... du 12 mars 2005 conclut à un examen normal sans aucun élément dépressif, psychotique ou anxieux ; qu'il propose la poursuite des investigations somatiques si nécessaires et un suivi psychothérapeutique régulier réalisé avec le docteur U... ; Attendu que par la suite, M. L... va connaître de nouveaux malaises qui conduiront à des investigations médicales poussées sans pour autant que soit identifiée une quelconque pathologie ; que le docteur Q... , médecin du travail, adresse M. L... en consultation au docteur B... (Cs pathologie professionnelle et environnement) à I'hôpital Fernand Vidal à Paris ; que ce dernier adresse un compte-rendu dans lequel il écrit que : « Le monochlorobenzène peut expliquer l'accident initial et les troubles observés pendant les heures voire les jours suivants. ll n'est pas directement à l'origine des troubles qui sont survenus au cours des semaines et des mois ultérieurs. La cinétique d'élimination de ce solvant et ses effets attendus permettent de l'affirmer, s'il n'y pas eu de réexposition. En outre, le principal organe cible du chlorobenzène est le foie et M. L... n'a jamais eu aucun signe d'atteinte hépatique. Les troubles neurologiques qu'a présentés le L... depuis mai 2004 ne traduisent pas un effet toxique direct du chlorobenzène et n'ont probablement pas une origine somatique. Il est néanmoins probable qu'ils soient liés à l'accident d'avril 2004 : son intoxication aiguë a suffisamment inquiété cet exploitant agricole pour qu'il craigne d'être durablement intoxiqué ; la répétition des malaises pourraient être la somatisation de cette anxiété » ; qu'il préconise en conclusion que M. L... ne soit plus au contact de produits phytosanitaires, directement ou indirectement, car selon lui, il a probablement développé une hypersensibilité aux nuisances chimiques, cette hypersensibilité n'ayant pas un mécanisme toxique ou allergique mais étant plutôt de nature phobique, ce qui ne la rend pas moins invalidante ; Attendu que le diagnostic de maladie de Parkinson un moment évoqué n'est pas davantage retenu ; que M. L... ne souffre d'aucune atteinte rénale, ni d'affection thyroïdienne ; qu'aucune suspicion de cancer n'est établie ; qu'il a été alloué à M. L... un taux d'invalidité professionnelle de 30% ; Attendu qu'enfin le rapport des experts désignés par le tribunal - dont les investigations ont été menées au contradictoire de la société Monsanto, régulièrement convoquée - auquel les parties se réfèrent dans leurs écritures et qu'elles discutent, après avoir établi un memorandum tant des faits que des investigations médicales, examine les lésions imputables au produit Lasso en prenant en compte chacune des substances présentes dans le produit et notamment le chlorométhyil de l'acide acétique ; que les experts concluent que les lésions imputables à l'inhalation du produit Lasso le 27 avril 2004 sont les suivantes : - perte de connaissance - maux de tête - céphalées violentes - crachats hémoptoïques - toux irritative ; que ces signes cliniques sont révélateurs d'une atteinte neuronale et du tractus respiratoire au moment de l'intoxication en date du 27 avril 2004 ; qu'il n'y a pas eu de dosages toxicologiques permettant d'évaluer les concentrations sanguines en principes actifs du Lasso au moment de cette intoxication ; que l'expert neurologue retient un rapport indirect de la symptologie somatomorphe subsistante avec l'intoxication mais direct avec l'inquiétude et la peur engendrées par cette intoxication ; qu'enfin, le sapiteur néphrologue conclut à l'absence de toute infection rénale ou néphrologique ainsi que d'hématuries ; que s'il n y a pas une relation directe et objective de cause à effet quant à l'intoxication du 27 avril 2004 sur les suites physio-pathologiques décrites par les praticiens courant 2005, il n'en demeure pas moins que M. L... a dû supporter les troubles occasionnés et rapportés par l'inhalation du Lasso ; Attendu que la victime devant rapporter la preuve tant de l'étendue du dommage que du lien de causalité avec le défaut, en l'espèce la notice d'information insuffisante, M. L... ne peut imputer à faute à la société Monsanto l'absence de recherche toxicologique lors des hospitalisations et la tardiveté du premier prélèvement urinaire effectué dans le service du professeur O... à l'hôpital de la Salpêtrière à Paris le 23 février 2005, soit dix mois après l'exposition initiale ; que les rapports et études produits par ses soins, dont notamment ceux du professeur Narbonne et du docteur X..., ne peuvent pallier cette carence dans l'administration de la preuve, ceux-ci se fondant sur des hypothèses pour parvenir à leurs conclusions et non pas sur les données connues et acquises de la science ; que tout particulièrement, l'explication donnée par le professeur Narbonne relative à la présence d'alachlore dans les urines de M. L... plusieurs mois après l'accident part d'une hypothèse formellement contestée par les experts judiciaires et ne s'appuie sur aucune donnée scientifique ou médicale ; que par ailleurs, les experts judiciaires ont pris soin comme déjà indiqué de prendre en compte non seulement la toxicité du monochlorobenzène mais également de l'alachlore, étant observé qu'aucune étude effective n'a été réalisée sur l'homme relative à l'effet cumulé de ces deux produits et étant rappelé que la toxicité d'un produit ou d'un produit et d'un adjuvant ne constitue pas nécessairement un défaut dudit produit en l'absence de toute démonstration en ce sens ; Attendu qu'en dernier lieu, il résulte de pièces versées aux débats que M. L... présentait un état d'inquiétude qui peut avoir participé à la somatisation décrite par plusieurs médecins ; Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. L... a inhalé accidentellement du Lasso le 27 avril 2004 à l'issue d'une campagne d'épandage en nettoyant une cuve sans que le produit commercialisé par la société Monsanto ne fasse apparaître sur la notice d'information (sic) d'une part qu'il faut éviter l'inhalation de vapeurs et effectuer en appareil clos toute opération industrielle qui s'y prête et d'autre part qu'il faut dans ce cas porter un appareil de protection respiratoire et ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du chlorobenzène sans prendre les précautions d'usage, cette préconisation renvoyant à la recommandation CNAM R 276 INRS ; Attendu que cette inhalation est à l'origine directe des troubles présentés par M. L... après l'accident du 27 avril 2004 dans ses suites immédiates et a été cause d'un stress post traumatique mis en évidence par les différents médecins consultés ; que M. L... invoque expressément cet état comme étant en relation causale avec l'intoxication ; que les diverses consultations ont éliminé toute pathologie psychiatrique, le stress post traumatique ne relevant pas d'une affection psychiatrique ne pouvant être mise en évidence que par un expert psychiatre et ne pouvant davantage se confondre avec le préjudice d'anxiété, s'agissant d'une appréhension en relation directe avec l'inhalation du produit ; que comme l'avait noté le 1er juin 2005, le Docteur B... (hôpital Lariboisière-Fernand Vidal, service de pathologie professionnelle et de l'environnement), dans son compte-rendu susvisé, M. L... a du fait de l'accident probablement développé une hypersensibilité aux substances chimiques ; qu'il ajoutait que cette hypersensibilité n'a pas un mécanisme toxique ou allergique et est plutôt de nature phobique, ce qui ne la rend pas moins invalidante ; Attendu que l'expertise diligentée a permis d'éliminer toute probabilité et d'établir que l'ensemble des manifestations dont se plaint M. L... ont un rapport indirect avec l'intoxication mais direct avec l'inquiétude et la peur engendrées par cette intoxication ; Sur les causes d'exonération : [ ] Attendu que la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ; Attendu que M. L... a inhalé les vapeurs de Lasso ; qu'en conséquence, il importe peu qu'il ne portait pas de protection sur le visage qui aurait été en tout état de cause inefficace ; que par ailleurs, il a introduit son visage dans la cuve, alors qu'il est reproché à la société Monsanto de ne pas avoir sur l'étiquetage et/ou l'emballage du produit apposé une mention sur la dangerosité spécifique des travaux dans les cuves et réservoirs ; que la société Monsanto échoue donc à rapporter la preuve d'une faute de M. L..., exonératoire de sa responsabilité, les connaissances techniques de ce dernier, à les supposer avérées, ne pouvant pallier le manque d'information sur le produit et ses effets nocifs, un exploitant agricole n'étant pas un chimiste ; que par ailleurs, si M. L..., dans son livre, a admis avoir été moins soigneux que de coutume ce jour-là, il n'en reste pas moins qu'il n'était pas averti de la nécessité de porter un masque respiratoire et des précautions particulières à prendre pour nettoyer la cuve » ; ALORS, d'abord, QUE les points f) et g) de l'article 34 de l'arrêté du 6 septembre 1994 portant application du décret n°94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques exigent du fabricant qu'il formule les indications et précautions qu'ils visent « sous forme de phrases types, choisies de manière appropriée » dont la nature et le nombre sont déterminés par les autorités sanitaires lors de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché ainsi qu'énoncé à l'article 15 point 4 du Titre II du présent arrêté ; qu'une liste prédéfinie et normalisée de ces phrases-types figure en annexes III et IV de la directive (C.E.E.) n° 67-548 du 27 juin 1967 concernant le rapprochement des dispositions législatives réglementaires et administratives des Etats membres relative à la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses ainsi que dans l'annexe V de la directive n° 78/631/CEE du conseil du 26 juin 1978 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des préparations dangereuses (pesticides) ; que s'agissant des « pesticides » / « préparations dangereuses », l'article 6, 4 de la directive n° 78/631/CEE du conseil du 26 juin 1978 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des préparations dangereuses (pesticides) supprime en la matière toute marge de manoeuvre aux fabricants puisqu'il dispose que « des conseils de prudence concernant l'emploi des pesticides doivent figurer sur l'étiquette ou sur l'emballage et, dans le cas où cela serait matériellement impossible, sur une autre étiquette solidement fixée à l'emballage ; ces conseils sont choisis par les services compétents pour les pesticides qui sont soumis à une homologation, dans les autres cas, par le fabricant ou toute autre personne qui met ladite préparation sur le marché. Les conseils de prudence doivent être conformes aux indications de l'annexe IV de la directive 67/548/CEE et de l'annexe V de la présente directive » ; que pour retenir en l'espèce un défaut du produit, tiré d'une prétendue lacune de son étiquetage, la cour d'appel a relevé que « l'étiquetage du produit Lasso, commercialisé par la société Monsanto, ne répond pas à la réglementation sus visée dans la mesure où les risques liés à l'inhalation du monochlorobenzène (ou chlorobenzène), présent en quantité importante dans le Lasso, ne sont pas signalés pas davantage que la préconisation d'appareils de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves » (arrêt attaqué p.15) ; qu'elle a encore souligné qu' « aucune mise en garde n'est faite sur la dangerosité particulière des travaux sur ou dans les cuves et réservoirs, en contravention notamment avec les points f et g de l'article 34 de l'arrêté du 6 septembre 1994 » (ibid) ; qu'en statuant ainsi sans préciser quelles étaient, au sein de la liste prédéfinie qui les énonce, les phrases types auxquelles le fabricant aurait pu avoir recours pour faire figurer sur l'emballage les informations prétendument omises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 34 de l'arrêté du 6 septembre 1994, ensemble l'article 1386-4, devenu 1245-3, du code civil ; ALORS, ensuite, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que pour retenir en l'espèce un défaut du produit, tiré d'une lacune de son étiquetage, la cour d'appel a relevé que ce dernier ne préconisait pas le port d'appareils de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves (arrêt attaqué p.15) ; qu'elle s'est fondée, pour étayer son analyse, sur l'édition 1997 de la fiche toxicologique n°23 de l'INRS relative au chlorobenzène ; qu'ainsi que le rappelle pourtant la cour d'appel elle-même, cette fiche recommande le port d'appareils de protection respiratoire « pour des travaux exceptionnels de courte durée ou les interventions d'urgence » ; qu'en considérant que cette fiche visait expressément le port d'un appareil respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves, alors qu'une telle opération courante sur du matériel agricole de pulvérisation ne constitue ni un travail exceptionnel de courte durée, ni une intervention d'urgence au sens de la fiche de l'INRS, la cour d'appel a méconnu le sens clair et précis des termes de cette fiche, et violé le principe suivant lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; ALORS, encore, QU'aux termes de l'article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut de ce produit et le dommage ; que la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; que pour retenir en l'espèce un défaut du produit, la cour d'appel s'est fondée sur le fait que son étiquetage était insuffisant, les risques liés à l'inhalation du monocholorobenzène, présents en quantité dans le Lasso, n'étant pas signalés, pas davantage que la préconisation d'appareils de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves (arrêt attaqué p.15) ; que pour admettre ensuite un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage, la cour d'appel s'est fondée d'une part sur des lésions subies par M. L..., qui seraient imputables à l'intoxication consécutive à l'inhalation du produit Lasso le 27 avril 2004 (arrêt attaqué p.18), d'autre part sur un ensemble de manifestations dont se plaint M. L..., qui auraient un rapport indirect avec l'intoxication mais direct avec l'inquiétude et la peur engendrées par cette intoxication (arrêt attaqué p.19) ; qu'à aucun moment en revanche, la cour d'appel n'a relevé le moindre lien causal entre le défaut du produit, tiré d'une lacune de son étiquetage, et l'inhalation du produit à l'origine des dommages allégués par M. L... ; qu'en statuant ainsi, alors que la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil ; ALORS, ensuite, QU'aux termes de l'article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; que pour retenir en l'espèce un défaut du produit, la cour d'appel s'est fondée sur le fait que son étiquetage était insuffisant, les risques liés à l'inhalation du monocholorobenzène, présents en quantité dans le Lasso, n'étant pas signalés, pas davantage que la préconisation d'appareils de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves (arrêt attaqué p.15) ; qu'elle a toutefois expressément relevé que M. L... ne portait aucune protection sur son visage alors pourtant que l'étiquetage du produit préconisait le port d'un appareil de protection des yeux et du visage (arrêt attaqué p.19); qu'en retenant ainsi un lien de causalité entre le défaut du produit, tiré d'une lacune de son étiquetage , et le dommage allégué par M. L..., alors qu'il résultait de ses propres constatations que les lacunes de l'étiquetage n'étaient pour rien dans le dommage de M. L..., qui n'avait de toute façon nullement suivi les préconisations de celle-ci avant d'inhaler accidentellement du Lasso, la cour d'appel a violé l'article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil ; ALORS, en outre, QUE lorsque le lien causal entre un fait générateur de responsabilité et un dommage est empreint d'incertitude, seule est réparable la perte de chance de l'éviter ; que la cour d'appel n'a, en l'espèce, à aucun moment relevé que, si l'étiquetage du produit n'avait pas été lacunaire, et avait tout à la fois mentionné les risques liés à l'inhalation du monochlorobenzène et préconisé le port d'un appareil respiratoire notamment pour le nettoyage des cuves, le dommage de M. L... aurait certainement été évité ; qu'elle n'a en effet nullement établi que M. L... aurait consulté cet étiquetage et en aurait scrupuleusement suivi les préconisations ; qu'elle a au contraire expressément relevé que M. L... ne portait aucune protection sur son visage alors pourtant que l'étiquetage du produit préconisait le port d'un appareil de protection des yeux et du visage ; qu'en retenant, dans de telles circonstances, un lien causal entre le défaut du produit, tiré d'une lacune de son étiquetage, et le dommage allégué, alors que compte tenu de l'incertitude affectant le lien causal entre le défaut du produit et les dommages allégués par la victime, seule aurait pu le cas échéant être réparée la perte de chance d'éviter lesdits dommages, la cour d'appel a violé les articles 1386-9, devenu 1245-8, et 1382, devenu 1240, du code civil ; ALORS, en toute hypothèse, QUE pour retenir l'existence d'un lien de causalité entre l'intoxication consécutive à l'inhalation du produit et l'ensemble des troubles allégués par M. L..., la cour d'appel a affirmé, à propos de l'expertise judiciaire, que l'expertise diligentée a permis d'éliminer toute probabilité et d'établir que l'ensemble des manifestations dont se plaint M. L... ont un rapport indirect avec l'intoxication mais direct avec l'inquiétude et la peur engendrées par cette intoxication (arrêt attaqué p.19, nous soulignons) ; que dans la version définitive de leur rapport, datant du 13 juillet 2013, les experts judiciaires notent pourtant que « les manifestations neurologiques (malaise et perte de connaissance) sont des manifestations anxieuses probablement favorisées par la peur engendrée lors de l'intoxication du 28 (sic) avril 2004 » (rapport des docteurs K... et C... p. 47) et relèvent en outre qu'« il a été observé dans les suites de l'intoxication une majoration des céphalées qui a pu être favorisée par l'intoxication tout au moins pour les céphalées immédiates » (ibid. p. 48) ; qu'il résulte ainsi de ce rapport que le lien causal entre l'intoxication consécutive à l'inhalation du produit et les troubles ultérieurs présentés par M. L... n'était que probable, mais en aucun cas certain ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc méconnu le sens clair et précis des termes du rapport d'expertise judiciaire, et violé le principe suivant lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la SAS Monsanto était responsable du dommage causé à M. L... à la suite de l'accident du 27 avril 2004 sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants, du code civil ; AUX MOTIFS QUE « l'étiquetage du produit Lasso, commercialisé par la société Monsanto, ne répond pas à la réglementation susvisée dans la mesure où les risques liés à l'inhalation du monochlorobenzène (ou chlorobenzène), présent en quantité importante dans le Lasso, ne sont pas signalés, pas davantage que la préconisation d'appareils de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves ; que la seule indication de la nocivité en cas d'ingestion ainsi que du nécessaire port de gants et d'un appareil de protection des yeux/du visage est insuffisant à assurer la sécurité de l'utilisateur, la société Monsanto concluant à tort que "porter un appareil de protection des yeux et du visage est une invitation à ne pas inhaler le produit litigieux", qu'en effet, si tout utilisateur normalement vigilant sait qu'il est déraisonnable d'inhaler un tel désherbant, il peut penser que l'appareil de protection des yeux et du visage est suffisant alors que tel n'est pas le cas, comme le démontre la fiche susvisée de l'INRS qui vise expressément l'appareil de protection respiratoire ; [ ] Sur les causes d'exonération : Attendu que le producteur peut s'exonérer de sa responsabilité de plein droit s'il démontre que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ; Attendu que la société Monsanto soutient être bien fondée à se prévaloir de cette exonération dans la mesure où aucune des substances composant le Lasso n'est répertoriée comme de nature à favoriser l'apparition de l'une quelconque des pathologies alléguées pas davantage que l'apparition d'un état d'anxiété par M. L... ; Mais attendu que les réglementations sus visées ainsi que la fiche de l'INRS établissent qu'en 2002, date retenue de la mise en circulation du produit, la société Monsanto avait toute latitude pour connaître l'existence du défaut, en l'espèce une notice insuffisante (sic), défaut sans relation avec celui allégué par la société Monsanto ; qu'il appartenait dès lors à la société Monsanto de procéder à un étiquetage de son produit conforme aux réglementations susvisées et au principe de précaution, de nature à empêcher toute inhalation du produit ; Attendu que la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ; Attendu que M. L... a inhalé les vapeurs de Lasso ; qu'en conséquence, il importe peu qu'il ne portait pas de protection sur le visage qui aurait été en tout état de cause inefficace ; que par ailleurs, il a introduit son visage dans la cuve, alors qu'il est reproché à la société Monsanto de ne pas avoir sur l'étiquetage et/ou l'emballage du produit apposé une mention sur la dangerosité spécifique des travaux dans les cuves et réservoirs ; que la société Monsanto échoue donc à rapporter la preuve d'une faute de M. L..., exonératoire de sa responsabilité, les connaissances techniques de ce dernier, à les supposer avérées, ne pouvant pallier le manque d'information sur le produit et ses effets nocifs, un exploitant agricole n'étant pas un chimiste ; que par ailleurs, si M. L..., dans son livre, a admis avoir été moins soigneux que de coutume ce jour-là, il n'en reste pas moins qu'il n'était pas averti de la nécessité de porter un masque respiratoire et des précautions particulières à prendre pour nettoyer la cuve » ; ALORS, d'abord, QU'aux termes de l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil, le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ; que pour exclure en l'espèce la mise en oeuvre de cette cause d'exonération au bénéfice de la société Monsanto, la cour d'appel a relevé que « les réglementations susvisées ainsi que la fiche INRS établissent qu'en 2002, date retenue pour la mise en circulation du produit, la société Monsanto avait toute latitude pour connaître l'existence du défaut, en l'espèce une notice (sic) insuffisante, défaut sans lien avec celui allégué par la société Monsanto » (arrêt attaqué p.19) ; que la prétendue insuffisance de l'étiquetage qui, selon la cour d'appel, serait constitutive du défaut du produit, tiendrait au fait qu'il ne mentionnait pas les risques liés à l'inhalation de monochlorobenzène et ne préconisait pas le port d'un appareil de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves ; que, toutefois, ni la réglementation visée par la cour d'appel, ni la fiche INRS ne faisaient mention, en 2002, date retenue de la mise en circulation du produit, des informations prétendument omises sur l'emballage du produit ; qu'en se fondant sur ces seuls éléments pour évaluer l'état des connaissances scientifiques et techniques et juger que la société Monsanto avait toute latitude pour connaître l'existence du défaut allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil ; ALORS, ensuite, QU'au sens de l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil , un produit est mis en circulation lorsqu'il sort du processus de fabrication mis en oeuvre par le producteur et entre dans un processus de commercialisation dans lequel il se trouve en l'état offert au public aux fins d'être utilisé ou consommé ; qu'il s'ensuit que la mise en circulation du produit intervient au moment où le producteur s'en dessaisit et non lorsqu'un simple distributeur commercialise à son tour le produit ; que pour écarter toute exonération de responsabilité de la société Monsanto sur le fondement de l'article 1386-11, 4°, du code civil, la cour d'appel a considéré que les réglementations susvisées ainsi que la fiche de l'INRS établissent qu'en 2002, date retenue de la mise en circulation du produit, la société Monsanto avait toute latitude pour connaître l'existence du défaut, en l'espèce un étiquetage insuffisant, défaut sans relation avec celui allégué par la société Monsanto (arrêt attaqué p. 19) ; que la date de mise en circulation ainsi retenue par la cour d'appel aux fins d'apprécier l'état des connaissances scientifiques et techniques correspondait à celle où la société Monsanto agriculture France, qui n'était pas le producteur du produit, l'avait livré à un autre distributeur, la coopérative Civray Chives, auprès de laquelle le produit aurait été acquis par M. L... ; qu'en statuant ainsi alors que la date de mise en circulation du produit, à laquelle devait s'apprécier l'état des connaissances scientifiques et techniques, correspondait non pas à la date à laquelle il avait été livré par un distributeur qui n'en était pas le producteur, mais à celle où le producteur s'en était dessaisi, la cour d'appel a violé les articles 1386-5, devenu 1245-4, et 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil ; ALORS, enfin , QU'en vertu de l'article 1386-13, devenu 1245-12, du code civil, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable ; qu'après avoir relevé que si tout utilisateur normalement vigilant sait qu'il est déraisonnable d'inhaler un désherbant tel que le Lasso, il peut penser que l'appareil de protection des yeux et du visage est suffisant alors que tel n'est pas le cas (arrêt attaqué p. 15), la cour d'appel a constaté que M. L... ne portait aucune protection sur son visage lors de l'inhalation du produit (arrêt attaqué p.19) ; que pour écarter néanmoins toute faute de sa part, ayant concouru à la survenance de son dommage, la cour d'appel a considéré que la cause exclusive de celui-ci résidait dans le manque d'information sur le produit et ses effets nocifs, un exploitant agricole n'étant pas un chimiste (arrêt attaqué p.19) ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que M. L... qui, contrairement aux préconisations figurant sur l'étiquetage du produit , ne portait aucune protection sur son visage, ne s'était pas comporté en utilisateur normalement vigilant du produit, la cour d'appel a violé l'article 1386-13, devenu 1245-12, du code civil.
Selon l'article 21 de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 portant transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative à un régime harmonisé de responsabilité sans faute du producteur du fait d'un produit défectueux, les articles 1386-1 à 1386-18, devenus 1245 à 1245-17, du code civil s'appliquent aux produits dont la mise en circulation est postérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi, intervenue le 22 mai 1998. Et il résulte de l'article 1386-5, devenu 1245-4, du code civil que la date de mise en circulation du produit s'entend, dans le cas de produits fabriqués en série, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie. Une cour d'appel ayant constaté que le produit litigieux, acquis en avril 2004, avait été livré en juillet 2002 à une coopérative agricole par la société assignée, a pu retenir, en l'absence de preuve d'un stockage de longue durée de ce produit, qu'il avait été mis en circulation par son producteur postérieurement au 22 mai 1998, de sorte que le régime de responsabilité du fait des produits défectueux était applicable
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 617 FS-P+B Pourvoi n° K 19-16.300 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020 M. C... J..., domicilié [...] ), a formé le pourvoi n° K 19-16.300 contre l'ordonnance rendue le 20 mars 2019 par le premier président de la cour d'appel de Versailles, dans le litige l'opposant à Mme E... A..., veuve P..., domiciliée [...] ), défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. J..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme P..., et l'avis de Mme Legohérel, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Legohérel, avocat général référendaire, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 20 mars 2019) sur renvoi après cassation (2e Civ., 8 février 2018, pourvoi n° 17-10.451) et les productions, Mme P..., veuve du sculpteur P... V... F... dit « P... », a été désignée, par testament, légataire universelle et exécutrice testamentaire, ainsi que « trustee » du trust créé par celui-ci afin de gérer ses oeuvres. 2. Elle a donné mandat à M. J..., avocat (l'avocat), de défendre ses intérêts dans le règlement de la succession de son époux. 3. L'avocat a mis fin à sa mission le 30 août 2011. A la suite d'un différend sur les honoraires dus par Mme P..., il a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L'avocat fait grief à l'ordonnance de déclarer prescrite son action en paiement d'honoraires diligentée à l'encontre de Mme P..., alors « que l'activité de trustee, qui repose sur la quête d'un profit économique tendant à faire fructifier le patrimoine du trust, qui est habituelle et destinée à satisfaire aux besoins d'autrui, s'apparente à une activité de mandataire chargé de la gestion de biens pour le compte de tiers incompatible avec la qualité de consommateur ; qu'en retenant, pour faire application de la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation, que Mme P..., qui affirme agir en qualité de trustee d'un trust qui n'a pas de personnalité juridique, est une consommatrice, sans tenir compte de la spécificité de la qualité de trustee, incompatible avec la qualité de consommateur, le premier président a violé l'article L. 218-2 du code de la consommation. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 218-2 du code de la consommation : 5. La prescription biennale n'est applicable à la demande d'un avocat en fixation de ses honoraires dirigée contre une personne physique que si cette dernière a eu recours à ses services à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. 6. Si la qualité de trustee n'exclut pas nécessairement celle de consommateur, il incombe au juge du fond de déterminer à quelles fins le trustee a eu recours aux services de l'avocat. 7. Pour déclarer prescrite la demande de l'avocat, l'ordonnance se borne à retenir que, même si Mme P... a fait partie d'un trust qui n'a pas de personnalité juridique et même si les interventions de l'avocat pouvaient avoir un caractère commercial, dans ses relations avec celui-ci, Mme P... est un consommateur. 8. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser à quelles fins Mme P... avait eu recours aux services de l'avocat, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déclare prescrite l'action en paiement d'honoraires formée par M. J... contre Mme P..., l'ordonnance rendue le 20 mars 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Rouen ; Condamne Mme P... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme P... et la condamne à payer à M. J... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. J... Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir déclaré prescrite l'action en paiement d'honoraires diligentée par Me C... J... à l'encontre de Mme P... ; AUX MOTIFS QUE «- Sur la prescription, l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation dispose que "l'action des professionnels pour les biens ou services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans" ; que par ailleurs, l'article 2240 du code civil énonce que "la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription" ; qu'en l'espèce, même si Madame E... A... veuve P... a fait partie d'un trust qui n'a pas de personnalité juridique, et même si les interventions de Maitre C... J... pouvaient avoir un caractère "commercial", dans ses relations avec son avocat Madame E... A... veuve P... est une consommatrice et l'article L 137-2 devenu L 218-2 du code de la consommation doit recevoir application ; que par ailleurs, Maître C... J... n'établit pas que Madame E... A... veuve P..., qui a reconnu partiellement sa dette et qui lui a versé 30.000 euros est de mauvaise foi, étant observé que le fait de soulever exceptions de procédure et fins de non-recevoir est un simple usage de ses droits ; qu'il résulte des pièces qui nous sont remises, qu'avant d'obtenir la décision du 29 juin 2015 qui nous est déférée, Maître C... J... avait saisi une première fois le bâtonnier en 2012 et par décision du 10 juillet 2012 le bâtonnier s'était dessaisi, puis une seconde saisine était intervenue en 2013 ce qui avait donné lieu à une décision d'irrecevabilité du 9 avril 2013, confirmée par le premier président de la cour d'appel dc Paris le 7 octobre 2014 ; qu'il est constant que le mandat de Maître C... J... a pris fin le 30 août 2011, et que le bâtonnier a été saisi le 20 octobre 2014, de sorte qu'il y a lieu de rechercher quels sont les actes de nature à interrompre la prescription entre la fin du mandat de l'avocat, et la mise en mouvement de l'action en recouvrement de ses honoraires ; que Maître C... J... fait valoir à juste titre que la reconnaissance de dette même partielle de Madame E... A... veuve P... interrompt le délai de prescription ; qu'il ressort des pièces produites par Maitre C... J... que Madame E... A... veuve P... s'est reconnue débitrice envers lui aux termes de courriels des 31 janvier 2011, 4 août 2011, et 1er septembre 2011 ; que de plus, dans sa décision du 10 juillet 2012 le bâtonnier a fait les constatations suivantes : " il convient d'acter l'accord des parties pour le règlement de la somme de 30 000 euros étant précisé que Madame P... considère que cela couvre tout ce qu'elle doit et que Maitre J... considère qu'il s'agit du règlement d'un acompte à valoir sur ses honoraires" ; que l'action initiée par Maître C... J... courant 2013 ayant donné lieu à la décision définitive d'irrecevabilité du 7 octobre 2014 ne peut être considérée comme interruptrice de prescription ; que dès lors, force est de constater que plus de deux ans se sont écoulés entre le 10 juillet 2012 date de la dernière reconnaissance de dette, et le 20 octobre 2014 date de la saisine du bâtonnier, de sorte que l'action en paiement d'honoraires est prescrite ; qu'il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée » ; 1°) ALORS QUE l'activité de trustee, qui repose sur la quête d'un profit économique tendant à faire fructifier le patrimoine du trust, qui est habituelle et destinée à satisfaire aux besoins d'autrui, s'apparente à une activité de mandataire chargé de la gestion de biens pour le compte de tiers incompatible avec la qualité de consommateur ; qu'en retenant, pour faire application de la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation, que Mme P..., qui affirme agir en qualité de trustee d'un trust qui n'a pas de personnalité juridique, est une consommatrice, sans tenir compte de la spécificité de la qualité de trustee, incompatible avec la qualité de consommateur, le premier président a violé l'article L. 218-2 du code de la consommation ; 2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'acte de saisine conserve son effet interruptif de prescription lorsqu'il est annulé par l'effet d'un vice de procédure ; qu'en considérant, pour déclarer prescrite l'action de Maître J... en paiement d'honoraires, que « l'action initiée par Maître C... J... courant 2013 ayant donné lieu à la décision définitive d'irrecevabilité du 7 octobre 2014 ne peut être considérée comme interruptrice de prescription », cependant que l'irrecevabilité avait été prononcée par ordonnance du 7 octobre 2014 en raison de la nullité de l'acte de saisine pour vice de procédure relatif aux modalités de signification prévues à l'article 643 du code de procédure civile, de sorte que cet acte avait conservé son effet interruptif de la prescription, le premier président a violé l'article 2241 du code civil.
La qualité de trustee conférée à une personne physique n'exclut pas qu'elle puisse avoir celle de consommateur et se prévaloir de la prescription biennale prévue à l'article L 218-2 du code de la consommation en défense à une action de son avocat en paiement de ses honoraires ; il incombe au juge du fond de déterminer à quelles fins le trustee a eu recours aux services de l'avocat
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 618 FS-P+B Pourvoi n° K 18-26.761 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020 1°/ M. Y... G... , 2°/ Mme B... W... , épouse G... , domiciliés [...] , ont formé le pourvoi n° K 18-26.761 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [...] , 2°/ à M. L... M..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Sungold, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. et Mme G... , de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, et l'avis de Mme Legohérel, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Legohérel, avocat général référendaire, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 25 octobre 2018), le 28 mai 2015, à la suite d'un démarchage à domicile, M. et Mme G... (les acquéreurs) ont acquis de la société Sungold (le vendeur) une installation photovoltaïque, financée par un crédit de 22 500 euros, souscrit auprès de la société Sygma banque, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance (la banque). 2. Soutenant que des irrégularités affectaient le bon de commande et que leur consentement avait été vicié en raison de manoeuvres dolosives, les acquéreurs ont assigné M. M... en qualité de liquidateur du vendeur et la banque en nullité des contrats principal et de crédit affecté, en restitution des sommes versées au titre du crédit et en paiement de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, alors : « 1°/ qu'en ce qu'elle constitue l'un des résultats attendus de son utilisation, la rentabilité économique d'une installation photovoltaïque relève des caractéristiques essentielles du bien vendu, entrant par nature dans le champ contractuel ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que l'information manquante, portant sur la rentabilité économique des panneaux photovoltaïques qu'ils ont acquis, ne pouvait être déterminante du consentement des acquéreurs et que le vendeur n'a pas commis de dol, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1 du code de la consommation, ensemble l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°/ que la violation d'une disposition d'ordre public relative à l'information du consommateur, faute de détermination de la rentabilité qui pouvait être espérer de la pose de panneaux photovoltaïques, suffit à établir que le consentement du consommateur sur un élément essentiel du contrat a été vicié ; qu'après avoir constaté que les acquéreurs n'avaient reçu aucune information sur la rentabilité économique des panneaux photovoltaïques, ce dont il résultait que leur consentement, sur cet élément essentiel du contrat, avait nécessairement été vicié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 111-1 du code de la consommation, ensemble l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ; 3°/ que le manquement à une obligation précontractuelle d'information caractérise un dol par réticence permettant l'annulation de l'engagement lorsqu'il est sciemment commis dans l'intention de provoquer dans l'esprit du consommateur une erreur déterminante de son consentement ; qu'en s'abstenant de rechercher si le vendeur n'avait pas sciemment manqué à son obligation précontractuelle d'information sur une caractéristique essentielle de l'installation photovoltaïque (sa rentabilité économique) dans l'intention de provoquer dans l'esprit des acquéreurs une erreur déterminante de leur consentement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 111-1 du code de la consommation et 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour 4. Après avoir énoncé, à bon droit, que la rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel, la cour d'appel a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve produits et après avoir procédé à la recherche prétendument omise, qu'il n'était pas établi que le vendeur se serait engagé sur une rentabilité particulière qui serait inatteignable ou n'aurait obtenu le consentement des acquéreurs qu'en leur communiquant une étude économique fallacieuse. Elle a ajouté qu'il n'était pas prouvé que le vendeur aurait sciemment fait état d'un partenariat mensonger avec la société EDF ou dissimulé une information dont il savait le caractère déterminant et ainsi commis un dol. 5. Elle n'a pu qu'en déduire que le vendeur n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles et que les demandes d'annulation des contrats devaient être rejetées. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 7. Les acquéreurs font le même grief à l'arrêt, alors « que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer ; qu'en retenant que les acquéreurs ont exécuté sans réserve les contrats litigieux, en sachant parfaitement, pour avoir eu le temps de procéder à toute vérification utile, quel type de matériel avait été installé à leur domicile et quel en était le prix ainsi que son mode de financement, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que les acquéreurs avaient eu connaissance des vices entachant le bon de commande, ni qu'ils avaient eu l'intention de les réparer, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 8. L'arrêt relève que, si le bon de commande ne désigne pas le modèle de l'onduleur et ne mentionne pas explicitement le prix global, M. G... a signé un certificat attestant sans réserve de l'exécution du contrat principal et autorisé le déblocage des fonds par la banque, qu'il a reçu, le 15 juillet 2015, une facture décrivant de manière détaillée l'installation photovoltaïque, y compris l'onduleur, et mentionnant un prix global, que l'installation a été ensuite mise en service et est devenue productive à compter du 4 février 2016, date à laquelle EDF a commencé à facturer l'électricité produite en exécution d'un contrat d'achat d'énergie électrique et que les acquéreurs ont procédé à un remboursement anticipé du prêt. Il en déduit qu'ils ont exécuté sans réserve le contrat principal et le contrat de crédit, en sachant parfaitement, pour avoir eu le temps de procéder à toute vérification utile, quel type de matériel avait été installé, son prix et son mode de financement et avaient ainsi par cette exécution, confirmé le bon de commande entaché de nullité. 9. La cour d'appel a fait ressortir qu'en exécutant ainsi les contrats, les acquéreurs avaient renoncé, en connaissance de cause, à se prévaloir des vices entachant le bon de commande. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen 11. Les deux premiers moyens étant rejetés, le troisième, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme G... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. et Mme G... PREMIER MOYEN DE CASSATION M. et Mme G... font grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté leur demande tendant à l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit ; AUX MOTIFS QUE « l'obligation mise à la charge du vendeur d'une installation photovoltaïque d'informer l'acquéreur des caractéristiques essentielles du bien vendu, et spécialement des aspects tenant à la rentabilité économique de l'opération, compte tenu notamment des contraintes techniques de l'installation, des conditions d'acquisition par EDF de l'électricité produite ou de la capacité de production de l'installation, suppose que l'installateur se soit engagé sur un rendement particulier ou ait fait entrer, d'une manière ou d'une autre, la rentabilité économique de l'opération dans le champ contractuel ; qu'or, les époux G... , qui procèdent par voie de simples affirmations, ne produisent aux débats aucun pièce propre à établir que l'institut des nouvelles énergies se serait engagé sur une rentabilité particulière qu'il ne serait pas possible d'atteindre, ou n'aurait obtenu son consentement à l'opération qu'en lui communiquant, sous une forme ou une autre une étude de faisabilité économique de l'opération qui se révèlerait fallacieuse ; que, par ailleurs, l'existence d'une pratique commerciale trompeuse repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur et ne peut procéder d'une simple rétention d'information, laquelle ne peut constituer un dol que si, comme il a été précisé cidessus, l'un des deux contractants avait parfaitement conscience que l'information manquante, entrée dans le champ contractuel, était déterminante du consentement de l'autre qu'il s'est donc abstenu délibérément de la lui fournir ; qu'il n'est pas établi que la SARL Sungold aurait sciemment fait état d'un partenariat mensonger avec la société EDF pour pénétrer dans l'habitation des époux G... ; qu'il n'est pas non plus sérieux de soutenir que la SARL Sungold aurait présenté l'opération comme une candidature sans engagement, soumis à la confirmation de sa parfaite viabilité économique et de son autofinancement, au seul motif que le demandeur n'aurait pas coché la case "contrat d'achat" sur le bon de commande ou que le montant total de l'emprunt, intérêts inclus, ne serait pas indiqué ; qu'en effet, d'une part le formulaire du bon de commande ne comprend aucune case autre que "contrat d'achat" et toute une page est réservée aux conditions générales de vente, et d'autre part, ainsi que rappelé ci-dessus, une offre de contrat de crédit affecté signée le même jour mentionne le coût total du crédit et ne laisse aucune ambiguïté sur la nature de l'opération ; que, dès lors, les époux G... ne démontrent pas que le vendeur, par une dissimulation intentionnelle, d'une information dont il savait le caractère déterminant pour l'autre partie, a commis un dol qui devrait être sanctionné par la nullité ». 1°) ALORS QU'en ce qu'elle constitue l'un des résultats attendus de son utilisation, la rentabilité économique d'une installation photovoltaïque relève des caractéristiques essentielles du bien vendu, entrant par nature dans le champ contractuel ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que l'information manquante, portant sur la rentabilité économique des panneaux photovoltaïques qu'ils ont acquis, ne pouvait être déterminante du consentement des époux G... et que le vendeur n'a pas commis de dol, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1 du code de la consommation, ensemble l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) ALORS QUE la violation d'une disposition d'ordre public relative à l'information du consommateur, faute de détermination de la rentabilité qui pouvait être espérer de la pose de panneaux photovoltaïques, suffit à établir que le consentement du consommateur sur un élément essentiel du contrat a été vicié ; qu'après avoir constaté que les époux G... n'avaient reçu aucune information sur la rentabilité économique des panneaux photovoltaïques, ce dont il résultait que leur consentement, sur cet élément essentiel du contrat, avait nécessairement été vicié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 111-1 du code de la consommation, ensemble l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ; 3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE le manquement à une obligation précontractuelle d'information caractérise un dol par réticence permettant l'annulation de l'engagement lorsqu'il est sciemment commis dans l'intention de provoquer dans l'esprit du consommateur une erreur déterminante de son consentement ; qu'en s'abstenant de rechercher si la société Sungold n'avait pas sciemment manqué à son obligation précontractuelle d'information sur une caractéristique essentielle de l'installation photovoltaïque (sa rentabilité économique) dans l'intention de provoquer dans l'esprit des époux G... une erreur déterminante de leur consentement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 111-1 du code de la consommation et 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire) M. et Mme G... font grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté leur demande tendant à l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit ; AUX MOTIFS QUE « la nullité encourue sur le fondement des articles L 121-17 et L. 111-1 du code de la consommation est relative et, conformément aux dispositions de l'article 1338 ancien du code civil, à défaut d'acte de confirmation ou ratification, l'exécution volontaire du contrat, en connaissance des vices entachant de nullité, après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée, emporte renonciation aux exceptions de nullité ; que la nullité encourue sur le fondement de ces textes est liée uniquement à une absence de désignation du modèle de l'onduleur et un défaut de mention explicite d'un prix global ; qu'or, en premier lieu, le 12 juin 2015, M. G... a signé un certificat attestant sans réserve que la livraison du bien et/ou la fourniture de la prestation de service, à savoir un kit photovoltaïque, avait été pleinement effectuée conformément au contrat principal et que cette livraison était intervenue le même jour, reconnaissant que ses obligations au titre du contrat de crédit affecté prenaient effet à compter de la livraison et demandant au préteur de procéder à la mise à disposition des fonds ; que s'il est constant aujourd'hui que la prestation n'était pas achevée à la date du 12 juin 2015, M. G... , en signant ce document, a néanmoins attesté de l'exécution du contrat principal et autorisé le déblocage des fonds par le préteur qui, en l'absence d'anomalie ou de contradiction manifeste de ce document, n'avait pas l'obligation de procéder à des investigations particulières ; que le 15 juillet 2015, M. G... a reçu de la SARL Sungold une facture décrivant de manière détaillée l'installation photovoltaïque, y compris l'onduleur, et mentionnant un prix global hors taxes et toutes taxes comprises ; que l'installation a été ensuite mise en service et est devenue productive à compter du 4 février 2016, date à partir de laquelle EDF a commencé à facturer l'électricité produite, ce qui implique que M. G... ait conclu un contrat dit d'achat d'énergie électrique avec cette dernière, contrat qui a été signé en fait les 23 septembre et 10 octobre 2016 avec effet rétroactif à compter du 4 février 201 ; que M. G... prétendant qu'en dépit de la signature du certificat de livraison le 12 juin 2015, tes travaux n'étaient pas achevés ni même autorisés à cette date, en l'absence de raccordement au réseau et de Consuel, aurait donc, suivre son raisonnement, également procédé, entre le 12 juin 2015 et le 4 février 2016, aux actes nécessaires pour assurer ce raccordement et obtenir ce Consuel ; qu'enfin à la date du 20 mars 2016, les époux G... ont procédé au remboursement par anticipation du contrat de prêt à hauteur de 24 030,91 € ; que les époux G... ont donc exécuté sans réserve le contrat principal mais aussi le contrat de crédit, en sachant parfaitement, pour avoir eu le temps de procéder à toute vérification utile, quel type de matériel avait été installé à leur domicile et quel en était le prix ainsi que son mode de financement, de sorte qu'ils ont, par cette exécution, confirmé le bon de commande entaché de nullité ». ALORS QUE la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer ; qu'en retenant que les époux G... ont exécuté sans réserve les contrats litigieux, en sachant parfaitement, pour avoir eu le temps de procéder à toute vérification utile, quel type de matériel avait été installé à leur domicile et quel en était le prix ainsi que son mode de financement, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que les acquéreurs avaient eu connaissance des vices entachant le bon de commande, ni qu'ils avaient eu l'intention de les réparer, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. et Mme G... font grief à l'arrêt infirmatif attaqué DE LES AVOIR déboutés de leurs différentes demandes indemnitaires ainsi que de leur demande de restitution des sommes qu'ils ont versées au titre du remboursement anticipé du contrat de crédit ; AUX MOTIFS QU'« en l'absence d'annulation, le contrat principal et le contrat de crédit affecté doivent recevoir exécution et que, par suite, la question des restitutions réciproques est sans objet ; que se trouve ainsi privé de tout intérêt l'argumentaire des époux G... relatif aux fautes commises par le prêteur dans le déblocage des fonds puisque ces fautes sont uniquement invoquées pour faire obstacle à la restitution du capital prêté et qu'il n'en est pas tiré d'autres conséquences ; [ ] ; que les époux G... ne sauraient non plus solliciter la dépose de l'installation et la remise en état de la toiture, ni l'indemnisation d'un préjudice financier et de jouissance ou encore d'un préjudice moral s'inscrivant dans les suites d'une annulation qui n'est pas prononcée ». ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier et/ou sur le deuxième moyen de cassation, critiquant le chef de l'arrêt ayant débouté les époux G... de leur demande d'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit, entraînera, par application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation par voie de conséquence du chef de l'arrêt les ayant, en raison de l'absence de nullité, déboutés de leurs différentes demandes indemnitaires ainsi que de leur demande de restitution des sommes qu'ils ont versées au titre du remboursement anticipé du contrat de crédit.
La rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel
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CIV. 1 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 619 FS-P+B+R+I Pourvoi n° R 19-13.016 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020 Mme R... C..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° R 19-13.016 contre le jugement rendu le 31 décembre 2018 par le tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois (audience civile), dans le litige l'opposant à la société EasyJet Airline Company Limited, dont le siège est aéroport Paris Charles de Gaulle, bâtiment 12.00, terminal 2B, 93290 Tremblay-en-France, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme C..., après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mmes Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois, 31 décembre 2018), rendu en dernier ressort, Mme C... disposait d'une réservation confirmée pour un vol aller-retour de Bordeaux à Lisbonne, acquis de la société EasyJet Airline Company Limited (le transporteur aérien). Lors du retour, le 16 mai 2015, l'avion est arrivé à destination avec un retard de 4 heures 17. 2. Par déclaration du 29 juillet 2016, Mme C... a demandé la condamnation du transporteur aérien au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, ainsi que de dommages-intérêts pour résistance abusive. Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. Mme C... fait grief au jugement de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « qu'il appartient à la compagnie aérienne qui prétend qu'un passager n'a pas effectivement subi le retard dont il réclame l'indemnisation d'établir qu'il ne s'était pas présenté à l'enregistrement ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal d'instance a violé les articles 3, § 2, 6 et 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol. » Réponse de la Cour Vu l'article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 261/2004 : 4. Aux termes de ce texte, le règlement s'applique à condition que les passagers disposent d'une réservation confirmée pour le vol concerné et se présentent, sauf en cas d'annulation visée à l'article 5, à l'enregistrement. 5. Il a été jugé qu'il incombait au passager de faire la preuve que chacune de ces deux conditions cumulatives était remplie (1re Civ., 14 février 2018, pourvoi n° 16-23.205, Bull. 2018, I, n° 34 ; 1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-20.491, publié). 6. Cependant, par ordonnance du 24 octobre 2019 (LC, MD c/ EasyJet Airline Co. Ldt, C-756/18), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le règlement n° 261/2004, et notamment son article 3, paragraphe 2, sous a), doit être interprété en ce sens que des passagers d'un vol retardé de trois heures ou plus à son arrivée et possédant une réservation confirmée pour ce vol ne peuvent pas se voir refuser l'indemnisation en vertu de ce règlement au seul motif que, à l'occasion de leur demande d'indemnisation, ils n'ont pas prouvé leur présence à l'enregistrement pour ledit vol, notamment au moyen de la carte d'embarquement, à moins qu'il soit démontré que ces passagers n'ont pas été transportés sur le vol retardé en cause, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier. 7. Pour rejeter la demande de Mme C..., le jugement énonce que celle-ci, qui produit une réservation confirmée pour le vol en cause, ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle s'était présentée à l'enregistrement. 8. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de vérifier si le transporteur aérien démontrait que Mme C... n'avait pas été transportée sur le vol retardé en cause, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 31 décembre 2018 entre les parties par le tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Bobigny ; Condamne la société EasyJet Airline Company Limited aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société EasyJet Airline Company Limited à payer à Mme C... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme C.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR jugé irrecevable la demande de Mme C... tendant au renvoi préjudiciel de l'affaire à la Cour de justice de l'Union européenne et de l'AVOIR déboutée de l'intégralité de ses demandes d'indemnisation ; AUX MOTIFS QUE l'article 73 du code de procédure civile dispose : « Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours » ; qu'aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir de son auteur ; qu'il résulte des dispositions des articles 73 et 74 du code de procédure civile que la demande tendant à faire suspendre le cours de l'instance, émanant d'une des deux parties, est une exception de procédure qui doit être présentée, à peine d'irrecevabilité, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir de son auteur ; qu'en l'espèce, la requérante a d'abord exposé la question de la présomption de preuve alléguée pour des faits juridiques sur la réservation de son vol, de sa mise en demeure adressée et de l'action en justice introduite ; qu'elle n'a pas formulé in limine litis la demande de sursoir à statuer, ni à la barre ni dans ses conclusions, avant toute référence à des prétentions au fond et ce, en méconnaissance des articles 73 et 74 du code de procédure civile ; que dès lors, la demande de sursis à statuer pour saisir la Cour de justice de l'Union européenne sur les trois questions soulevées sera déclarée irrecevable ; ALORS QUE la demande d'une partie tendant au renvoi d'une affaire devant la Cour de justice de l'Union européenne pour interprétation d'un texte communautaire peut être présentée en tout état de cause et même à titre subsidiaire ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de Mme C... tendant au renvoi préjudiciel de l'affaire devant la Cour de justice de l'Union européenne, que cette demande n'avait pas été formulée in limine litis, le tribunal d'instance a violé l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et les articles 73 et 74 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR refusé d'ordonner à la société Easyjet de produire les éléments qu'elle détenait relatifs à l'enregistrement des passagers du vol et d'AVOIR écarté les demandes d'indemnisation formées par Mme C... ; AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 3-2 du règlement, la qualité de passager est reconnue à toute personne qui dispose d'une réservation confirmée, d'une part, et qui se présente à l'enregistrement, d'autre part, ces deux conditions étant requises en cas de retard de vol ; qu'en outre, conformément à l'ancien article 1315 du code civil, en vertu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'il résulte de ces dispositions que le transporteur n'est pas tenu d'une obligation d'indemnisation envers un passager tant que ce dernier n'a pas établi sa qualité de passager ; qu'à ce titre, et pour être éligible à une indemnisation en cas de retard de vol, le règlement prévoit que le passager justifie d'une réservation confirmée, d'une part, et de la présence à l'aéroport, d'autre part, sauf en cas d'annulation ; qu'en l'espèce, Mme C... R... verse notamment à l'appui de ses prétentions une réservation établie par le site eDreams qui est confirmée pour un vol au départ de Lisbonne à destination de Bordeaux le 16 mai 2015 et une mise en demeure adressée par voie recommandée (AR signé) du 31 mai 2016 ; que la réservation précise en pages 10, 18 et 19 la nécessité de s'enregistrer, avec possibilité de s'adresser à eDreams pour l'enregistrement (page 14), tout en ajoutant que l'enregistrement ne sera plus possible jusqu'à 60 minutes avant le départ du vol (page 14) ; qu'il convient d'observer que ce document a été édité le 18 avril 2016 postérieurement à la date du vol ; qu'au demeurant, la requérante qui a réservé un voyage aller-retour ne produit aucun justificatif de présence à Lisbonne entre le 11 mai 2015, date du vol aller, ni sur la période comprise entre les vols aller et retour, alors que le litige porte sur le vol retour du 16 mai ; que pour autant, elle conteste les arrêts rendus par la Cour de cassation en alléguant qu'il s'agit d'un fait juridique pouvant s'établir par présomptions ; que les termes de l'ancien article 1315 du code civil, devenu article 1353 du code civil, ne formulent aucune ambiguïté sur la charge de la preuve et posent pour principe que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que, de surcroît, l'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il appartient notamment à la requérante de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'il résulte donc de ces dispositions qu'il incombe à la requérante d'établir les faits dont elle se prévaut à l'appui des moyens de droit qu'elle invoque pour fonder ses réclamations ; qu'elle n'établit aucun commencement de preuve de ce qu'elle s'est présentée à l'enregistrement, de sorte qu'il n'existe pas de présomption suffisante permettant d'affirmer avec certitude sa présentation à l'enregistrement sur le vol litigieux, ni son embarquement à bord, ni même sa présence à Lisbonne du 11 au 16 mai 2015 ; que de surcroît, il convient de rappeler la primauté du règlement (CE) tel qu'interprété par la juridiction suprême de l'ordre judiciaire qu'est la Cour de cassation ; que le seul document de réservation remplit la première condition de la réservation confirmée exigée à l'article 3-2a dudit règlement (CE), lequel ajoute une seconde condition réclamant que les passagers doivent se présenter à l'enregistrement, sauf en cas d'annulation ; que Mme C... R... prétend à la barre que la société Easyjet détient les éléments d'information sur l'heure d'enregistrement et d'embarquement pour justifier la demande de production de ces informations ; que conformément aux dispositions rappelées du code civil et du code de procédure civile, outre l'article 3-2a du règlement (CE), la demande d'indemnisation forfaitaire suppose que la requérante démontre par les pièces versées aux débats les prétentions qu'elle allègue ; qu'il convient à cet égard de rappeler que l'article 146 du code de procédure civile concernant les pouvoirs du juge lui permettant de prononcer les mesures d'instruction, précise qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ; qu'il n'appartient donc pas au juge de suppléer la carence de la requérante dans l'administration de la preuve ou de pallier le doute subsistant à la suite de la production d'une preuve en renversant la charge de la preuve sur la compagnie aérienne ; que dès lors, la demande de production par la compagnie Easyjet des éléments personnels de la passagère relatifs au vol litigieux, notamment la carte d'embarquement et le listing informatique des passagers attestant de l'heure d'enregistrement de la demanderesse sera rejetée ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme C... R... justifie l'existence d'un document de voyage établi par le site eDreams qui est une réservation confirmée pour un vol au départ de Lisbonne à destination de Bordeaux le 16 mai 2015 ; que pour autant, en cas d'allégation de retard de vol, le règlement européen exige deux conditions, une réservation confirmée, mais aussi une présence effective à l'aéroport ; que cependant, la requérante ne produit qu'une réservation confirmée qui ne permet pas d'attester une présence effective à l'aéroport, seconde condition exigée par ledit règlement, sans que la mise en demeure de la compagnie puisse pallier cette carence ; que l'incertitude ou le doute subsistant à la suite de la production d'une preuve doivent nécessairement être retenus au détriment de celui qui a la charge de cette preuve ; que le versement de l'indemnité forfaitaire requiert a minima la preuve faisant défaut en l'espèce de la présentation à l'enregistrement à l'appui de la demande d'indemnisation forfaitaire et des faits allégués par la demanderesse ; qu'en conséquence, Mme C... R... sera déboutée de sa demande d'indemnisation forfaitaire au titre de l'article 7 du règlement ; 1° ALORS QUE si une partie détient un élément de preuve d'un fait, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, quelle que soit la partie sur laquelle pèse la charge de la preuve de ce fait ; qu'en retenant, pour écarter la demande de Mme C... tendant à ce qu'il soit ordonné à la compagnie Easyjet de produire le listing des passagers enregistrés sur le vol qu'elle avait réservé, qu'il ne lui appartenait pas de suppléer la carence de l'exposante sur qui pesait la charge de la preuve qu'elle s'était présentée à l'enregistrement, le tribunal d'instance a violé l'article 11 du code de procédure civile, ensemble le droit à la preuve de Mme C... découlant de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2° ALORS QUE le droit du passager aérien victime d'un retard à un recours effectif impose à la juridiction saisie d'apprécier si l'injonction de communiquer le listing des passagers enregistrés adressée à la compagnie aérienne ne constitue pas un moyen adéquat, voire privilégié, d'assurer le respect effectif de ce droit ; qu'en affirmant, pour écarter la demande de Mme C... tendant à ce qu'il soit ordonné à la compagnie Easyjet de produire le listing des passagers enregistrés sur le vol qu'elle avait réservé, qu'il ne lui appartenait pas de suppléer la carence de l'exposante sur qui pesait la charge de la preuve qu'elle s'était présentée à l'enregistrement, et en refusant ainsi de rechercher si l'injonction de communiquer le listing des passagers enregistrés adressée à la compagnie ne constituait pas un moyen adéquat, voire privilégié, d'assurer le respect effectif du droit à indemnisation des passagers victimes d'un retard de leur vol, le tribunal d'instance a violé les articles 3§2, 6 et 7 du Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, interprétés à la lumière de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR écarté les demandes d'indemnisation formées par Mme C... ; AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 3-2 du règlement, la qualité de passager est reconnue à toute personne qui dispose d'une réservation confirmée, d'une part, et qui se présente à l'enregistrement, d'autre part, ces deux conditions étant requises en cas de retard de vol ; qu'en outre, conformément à l'ancien article 1315 du code civil, en vertu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'il résulte de ces dispositions que le transporteur n'est pas tenu d'une obligation d'indemnisation envers un passager tant que ce dernier n'a pas établi sa qualité de passager ; qu'à ce titre, et pour être éligible à une indemnisation en cas de retard de vol, le règlement prévoit que le passager justifie d'une réservation confirmée, d'une part, et de la présence à l'aéroport, d'autre part, sauf en cas d'annulation ; qu'en l'espèce, Mme C... R... verse notamment à l'appui de ses prétentions une réservation établie par le site eDreams qui est confirmée pour un vol au départ de Lisbonne à destination de Bordeaux le 16 mai 2015 et une mise en demeure adressée par voie recommandée (AR signé) du 31 mai 2016 ; que la réservation précise en pages 10, 18 et 19 la nécessité de s'enregistrer, avec possibilité de s'adresser à eDreams pour l'enregistrement (page 14), tout en ajoutant que l'enregistrement ne sera plus possible jusqu'à 60 minutes avant le départ du vol (page 14) ; qu'il convient d'observer que ce document a été édité le 18 avril 2016 postérieurement à la date du vol ; qu'au demeurant, la requérante qui a réservé un voyage aller-retour ne produit aucun justificatif de présence à Lisbonne entre le 11 mai 2015, date du vol aller, ni sur la période comprise entre les vols aller et retour, alors que le litige porte sur le vol retour du 16 mai ; que pour autant, elle conteste les arrêts rendus par la Cour de cassation en alléguant qu'il s'agit d'un fait juridique pouvant s'établir par présomptions ; que les termes de l'ancien article 1315 du code civil, devenu article 1353 du code civil, ne formulent aucune ambiguïté sur la charge de la preuve et posent pour principe que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que, de surcroît, l'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il appartient notamment à la requérante de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'il résulte donc de ces dispositions qu'il incombe à la requérante d'établir les faits dont elle se prévaut à l'appui des moyens de droit qu'elle invoque pour fonder ses réclamations ; qu'elle n'établit aucun commencement de preuve de ce qu'elle s'est présentée à l'enregistrement, de sorte qu'il n'existe pas de présomption suffisante permettant d'affirmer avec certitude sa présentation à l'enregistrement sur le vol litigieux, ni son embarquement à bord, ni même sa présence à Lisbonne du 11 au 16 mai 2015 ; que de surcroît, il convient de rappeler la primauté du règlement (CE) tel qu'interprété par la juridiction suprême de l'ordre judiciaire qu'est la Cour de cassation ; que le seul document de réservation remplit la première condition de la réservation confirmée exigée à l'article 3-2a dudit règlement (CE), lequel ajoute une seconde condition réclamant que les passagers doivent se présenter à l'enregistrement, sauf en cas d'annulation ; que Mme C... R... prétend à la barre que la société Easyjet détient les éléments d'information sur l'heure d'enregistrement et d'embarquement pour justifier la demande de production de ces informations ; que conformément aux dispositions rappelées du code civil et du code de procédure civile, outre l'article 3-2a du règlement (CE), la demande d'indemnisation forfaitaire suppose que la requérante démontre par les pièces versées aux débats les prétentions qu'elle allègue ; qu'il convient à cet égard de rappeler que l'article 146 du code de procédure civile concernant les pouvoirs du juge lui permettant de prononcer les mesures d'instruction, précise qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ; qu'il n'appartient donc pas au juge de suppléer la carence de la requérante dans l'administration de la preuve ou de pallier le doute subsistant à la suite de la production d'une preuve en renversant la charge de la preuve sur la compagnie aérienne ; que dès lors, la demande de production par la compagnie Easyjet des éléments personnels de la passagère relatifs au vol litigieux, notamment la carte d'embarquement et le listing informatique des passagers attestant de l'heure d'enregistrement de la demanderesse sera rejetée ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme C... R... justifie l'existence d'un document de voyage établi par le site eDreams qui est une réservation confirmée pour un vol au départ de Lisbonne à destination de Bordeaux le 16 mai 2015 ; que pour autant, en cas d'allégation de retard de vol, le règlement européen exige deux conditions, une réservation confirmée, mais aussi une présence effective à l'aéroport ; que cependant, la requérante ne produit qu'une réservation confirmée qui ne permet pas d'attester une présence effective à l'aéroport, seconde condition exigée par ledit règlement, sans que la mise en demeure de la compagnie puisse pallier cette carence ; que l'incertitude ou le doute subsistant à la suite de la production d'une preuve doivent nécessairement être retenus au détriment de celui qui a la charge de cette preuve ; que le versement de l'indemnité forfaitaire requiert a minima la preuve faisant défaut en l'espèce de la présentation à l'enregistrement à l'appui de la demande d'indemnisation forfaitaire et des faits allégués par la demanderesse ; qu'en conséquence, Mme C... R... sera déboutée de sa demande d'indemnisation forfaitaire au titre de l'article 7 du règlement ; 1° ALORS QUE l'exigence de présentation du passager à l'enregistrement prévue à l'article 3, 2 a) du Règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, applicable uniquement en cas de refus d'embarquement, ne l'est pas au passager victime d'un retard de vol ; qu'en décidant le contraire, le tribunal a violé les articles 3§2, 6 et 7 du Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol ; 2° ALORS QU'en toute hypothèse, il appartient à la compagnie aérienne qui prétend qu'un passager n'a pas effectivement subi le retard dont il réclame l'indemnisation d'établir qu'il ne s'était pas présenté à l'enregistrement ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé les articles 3§2, 6 et 7 du Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol.
Le passager d'un vol retardé de trois heures ou plus à son arrivée, qui possède une réservation confirmée pour ce vol, ne peut pas se voir refuser l'indemnisation prévue par le règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 au seul motif que, à l'occasion de sa demande d'indemnisation, il n'a pas prouvé sa présence à l'enregistrement pour ledit vol, notamment au moyen de la carte d'embarquement, à moins qu'il soit démontré que ce passager n'a pas été transporté sur le vol retardé en cause, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier
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CIV. 1 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 620 FS-P+B+I Pourvoi n° P 19-18.971 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020 1°/ M. B... I..., domicilié [...] , 2°/ l'union départementale des associations familiales (UDAF) des Hautes-Pyrénées, dont le siège est [...] , agissant en qualité de curateur de M. I..., ont formé le pourvoi n° P 19-18.971 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige les opposant à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. I... et de l'union départementale des associations familiales des Hautes-Pyrénées, ès qualités, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 novembre 2018), suivant acte du 5 février 2013, la société Cetelem, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (la banque), a consenti à M. I... (l'emprunteur) un crédit à la consommation. 2. A la suite d'échéances demeurées impayées et du placement sous curatelle de l'emprunteur, prononcé par jugement du 18 février 2015, la banque l'a, par actes des 8 et 9 juin suivants, assigné ainsi que l'UDAF des Hautes-Pyrénées, prise en qualité de curateur (le curateur), en paiement du solde du prêt. L'emprunteur a notamment demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts, en l'absence de remise du bordereau de rétractation prévu à l'article L. 311-12 du code de la consommation. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 4. L'emprunteur et l'UDAF, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts et de condamner le premier au paiement d'une certaine somme à la banque, alors « qu'il appartient au prêteur de rapporter la preuve qu'il a remis à l'emprunteur le formulaire de rétractation détachable visé par l'article L. 311-12 du code de la consommation ; que, si l'existence d'une clause au sein de l'offre de prêt aux termes de laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu le formulaire de rétractation peut être considérée comme un indice, il appartient à l'emprunteur d'établir d'autres éléments à l'effet de prouver la remise effective du bordereau de rétractation ; qu'en décidant que le seul fait que l'emprunteur ait reconnu, à travers une clause de l'offre de prêt, la remise du bordereau permettait de présumer la réalité de la remise du bordereau sans constater l'existence d'autres éléments de nature à corroborer la réalité de l'exécution de son obligation par l'emprunteur, la cour d'appel a violé les articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation, pris en leur rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation, dans leurs rédactions antérieures à celles issues de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 5. Il résulte de ces textes que, pour permettre à l'emprunteur d'exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat comportant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. 6. Ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE. 7. Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32). 8. L'arrêt de la Cour précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d'information européenne normalisée (point 29). Il ajoute qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d'informations précontractuelles lui incombant (point 30). Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31). 9. Il s'ensuit qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que, contrairement à ce qu'a précédemment jugé la Cour de cassation (1re Civ., 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-14.122, Bull. 2013, I, n° 7), la signature par l'emprunteur de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. 10. Pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par l'emprunteur, l'arrêt énonce que la reconnaissance écrite par celui-ci, dans le corps de l'offre préalable, de la remise d'un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laisse présumer sa remise effective et que l'emprunteur n'apporte pas la preuve de l'absence de remise du bordereau de rétractation par le prêteur ou à défaut de son caractère irrégulier. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. I... à payer à la société BNP Personal Finance la somme de 23 687,71 euros à titre principal avec intérêts au taux contractuel de 6,69 % à compter du 18 février 2015, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne la société BNP Personal Finance aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. I... et l'union départementale des associations familiales des Hautes-Pyrénées, ès qualités. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes de M. I... visant à ce que soit constaté la nullité du contrat de prêt ; AUX MOTIFS QU'« En premier lieu, Monsieur B... I... et son curateur, l'UDAF des Hautes- Pyrénées, invoquent la nullité du prêt sur le fondement de l'article 414-1 du code civil qui dispose que "pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit" et que "c'est à ceux qui agissent en nullité de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte". Le premier juge a parfaitement caractérisé l'impossibilité, en l'état des pièces produites et notamment du certificat médical du 15 novembre 2013, de retenir l'existence d'un trouble mental plusieurs mois auparavant en février 2013, de nature à justifier l'annulation de cet acte de prêt. Par conséquent, après examen des pièces produites aux débats et en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour retient que le tribunal, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties sur ce point. En second lieu, Monsieur B... I... invoque l'existence d'un vice du consentement par manoeuvres dolosives. Cependant, l'appelant se contente de procéder par voie d'affirmation sans rapporter la démonstration positive de manoeuvres exercées par la banque pour tromper son consentement et lui faire souscrire un engagement dont il ne voulait pas. La demande de nullité reposant sur ce fondement sera rejetée ainsi que la demande de dommages et intérêts, aucune manoeuvre dolosive n'ayant été démontrée à l'encontre de la Sa BNP Personal Finance qui a accordé un prêt classique et non affecté. Enfin, Monsieur B... I... et l'UDAF des Hautes-Pyrénées soutiennent que le premier juge devait faire application de l'article 464 du code civil in fine en raison du préjudice subi par Monsieur B... I.... La Sa BNP Personal Finance s'oppose à cette demande considérant que le certificat médical produit n'est pas suffisamment probant et qu'elle n'avait pas les moyens de déceler l'altération à venir des capacités personnelles de Monsieur B... I.... Il résulte des dispositions de l'article 464 du code civil que "les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts par suite de l'altération de ses facultés personnelles était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés. Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée". En l'occurrence, le financement accordé avait bien une contrepartie réelle puisqu'il est démontré et non contesté que les fonds ont été versés en février 2013 sur le compte personnel de Monsieur B... I... et ont servi au moins pour partie à l'installation de volets neufs, À aucun moment, Monsieur B... I... n'a prétendu que l'installation ne lui aurait pas donné satisfaction ou que les prestations n'auraient pas été exécutées. La démonstration d'un préjudice n'est donc pas faite. Dans ces conditions, la nullité ne peut être encourue sur ce fondement. Il ressort par ailleurs des pièces produites que Monsieur B... I... a été placé sous curatelle renforcée par décision du II .mars 2014 au regard d'un certificat médical établi par le Docteur S... le 15 novembre 2013 qui, après avoir retenu que l'intéressé ne présente pas au jour de l'examen les éléments cliniques en faveur d'une pathologie démentielle ou psychiatrique, considère qu'il est mis en évidence une certaine fragilité, une lenteur d'idéation avec manque de discernement (oenolisme chronique) expliquant ses difficultés financières Cependant, outre que ce certificat n'est pas suffisant pour établir qu'à la daté de conclusion du contrat de crédit, l'altération de ses facultés personnelles était apparentes et de nature à limiter ses capacités de sauvegarde de ses intérêts, il n'est pas non plus établi que la banque était en mesure de connaître son état de vulnérabilité. En effet, le prêt a été accordé sous forme de crédit classique à Monsieur B... I..., les fonds ont été versés sur son compte personnel et l'organisme de crédit n'avait aucune connaissance du contexte de F octroi de ce crédit et en particulier du démarchage agressif commis par les employés de huis clos qui ont conduit Monsieur B... I... a signé successivement plusieurs bons de commande. L'examen de l'offre de crédit ne permet pas d'avantage de considérer que les commerciaux de la société huis clos ont agi en qualité de mandataires de la Sa BNP Personal Finance. C'est donc à tort que le premier juge a considéré que l'altération des facultés personnelles de Monsieur B... I... justifiait de réduire de moitié l'obligation contractée à l'égard delà Sa BNP Personal Finance » ; ALORS QUE, premièrement, si le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges, constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ; qu'en excluant tout dol de la BNP PARIBAS en retenant que la preuve de manoeuvre n'était pas rapportée, quand elle devait rechercher, comme l'y invitait M. I..., si la BNP PARIBAS n'avait intentionnellement dissimulé des informations qui auraient pu être déterminantes du consentement de M. I..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 (devenu 1137) du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, un crédit doit être qualifié d'affecté dès lors que il sert exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ; qu'en relevant, pour écarter l'existence d'un dol, que la Banque avait accordé un prêt classique et non affecté, sans rechercher si le crédit n'avait pas servi exclusivement au financement des portes et des volets faisant l'objet des contrats conclus avec la société HUIT CLOS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 311-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause, et de l'article 1116 (devenu 1137) du code civil ; ALORS QUE, troisièmement, que les circonstances que le prêt a été accordé sous forme de crédit classique et que les fonds ont été versés sur le compte personnel de M. I... ne sont pas de nature à écarter le caractère affecté du crédit consenti ; qu'en opposant ces circonstances inopérantes pour écarter le caractère affecté du crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 311-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté la demande de M. I... visan à ce que la banque soit déchue de son droit à intérêt ; AUX MOTIFS QUE « Monsieur B... I... et l'UDAF des Hautes-Pyrénées invoquent le non-respect des dispositions de l'article L.311-12 du code de la consommation pour justifier la déchéance du droit aux intérêts. En vertu de ce texte, le consommateur peut dans un délai de 14 jours exercer son droit de rétractation en utilisant le formulaire détachable de rétractation joint à son exemplaire du contrat de crédit. La reconnaissance écrite, par l'emprunteur, dans le corps de l'offre préalable, de la remise d'un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laisse présumer la remise effective de celui-ci. Aucun texte n'impose que ce formulaire figure également sur l'exemplaire conservé par le prêteur. En l'espèce, sur la page 4 de l'offre préalable et immédiatement avant la signature de l'emprunteur, figure la mention suivante "je reconnais rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire détachable de rétractation et de la notice d'information d'assurance". Dès lors que Monsieur B... I... a souscrit une telle reconnaissance et qu'il n'apporte pas la preuve de l'absence de remise du bordereau ou, à défaut, de son caractère irrégulier, il ne peut se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur » ; ALORS QU'il appartient au prêteur de rapporter la preuve qu'il a remis à l'emprunteur le formulaire de rétractation détachable visé par l'article L. 311-12 du code de la consommation ; que, si l'existence d'une clause au sein de l'offre de prêt aux termes de laquelle l'emprunteur reconnait avoir reçu le formulaire de rétractation peut être considérée comme un indice, il appartient à l'emprunteur d'établir d'autres éléments à l'effet de prouver la remise effective du bordereau de rétractation ; qu'en décidant que le seul fait que M. I... ait reconnu, à travers une clause de l'offre de prêt, la remise du bordereau permettait de présumer la réalité de la remise du bordereau sans constater l'existence d'autres éléments de nature à corroborer la réalité de l'exécution de son obligation par l'emprunteur, la cour d'appel a violé les articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation, pris en leur rédaction applicable à la cause.
La signature par l'emprunteur de l'offre préalable, comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations, lui a remis le bordereau de rétractation, constitue seulement un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Déchéance partielle et rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 625 F-P+B Pourvoi n° V 19-10.536 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020 La société Etude de Provence, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-10.536 contre les deux arrêts rendus les 30 janvier 2018 et 23 octobre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. X... Q..., domicilié [...] , 2°/ à M. A... N..., domicilié [...] , 3°/ à M. O... I..., domicilié [...] , 4°/ à M. E... D... , domicilié [...] , 5°/ à M. W... G..., domicilié [...] ), défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Etude de Provence, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. Q..., après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre. La première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Etude de Provence du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. G.... Déchéance partielle du pourvoi Vu l'article 978 du code de procédure civile : 2. La société Etude de Provence s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 30 janvier 2018 (n° RG 17/15.782). 3. Toutefois, le mémoire remis au greffe de la Cour de cassation ne contient aucun moyen à l'encontre de cette dernière décision. 4. Il y a donc lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi. Faits et procédure 5. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 octobre 2018), lors de ventes aux enchères publiques organisées les 5 mars 2005 et 24 juin 2006 par la société de ventes volontaires Etude de Provence (le commissaire-priseur), M. Q... (l'acquéreur) a acquis une bibliothèque attribuée à J... L... pour le prix de 35 000 euros puis une paire de fauteuils attribués à B... V... pour le prix de 50 000 euros. 6. La société Sotheby's ayant, lors de leur remise en vente, opposé un doute sérieux sur l'authenticité des deux fauteuils et émis l'hypothèse que la bibliothèque pouvait être considérée comme une copie en raison de son importante restauration, l'acquéreur a, par acte du 7 juin 2011, assigné en responsabilité le commissaire-priseur et demandé sa condamnation au paiement du prix d'acquisition des meubles, des frais des ventes et de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral. Le commissaire-priseur a appelé en garantie les vendeurs de la bibliothèque et des fauteuils, MM. N... et G..., et les experts lors de leur vente, MM. D... et I.... 7. La responsabilité du commissaire-priseur à l'égard de l'acquéreur a été retenue et les experts ont été condamnés à le garantir des condamnations prononcées contre lui. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 8. Le commissaire-priseur fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable des préjudices subis par l'acquéreur, alors : « 1°/ que le commissaire-priseur est tenu d'examiner l'oeuvre qu'il propose à la vente et de procéder aux vérifications nécessaires eu égard aux données connues au moment de la vente et des doutes qui peuvent exister ; que, pour retenir la responsabilité du commissaire-priseur, la cour d'appel a énoncé qu'il avait porté dans son catalogue l'information erronée du caractère authentique des fauteuils ; qu'en ne recherchant pas si, en l'état de l'affirmation sans réserve par l'expert qu'il avait consulté et dont il a exactement reproduit la description dans le catalogue de la vente, du caractère authentique des fauteuils, le commissaire-priseur n'avait pas procédé à toutes les vérifications qu'il était tenu de faire en l'état des données qui étaient connues au moment de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 2°/ que le commissaire-priseur est tenu d'examiner l'oeuvre qu'il propose à la vente et de procéder aux vérifications nécessaires eu égard aux données connues au moment de la vente et des doutes qui peuvent exister sur son authenticité ; qu'en reprochant au commissaire-priseur de ne pas avoir mentionné les réparations qui avaient été effectuées sur la bibliothèque, sans constater qu'il avait connaissance de cette circonstance ou n'avait pas procédé à des contrôles suffisants au regard de l'état de données connues au moment de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 9. Il résulte des articles L. 321-17, alinéa 1er, du code de commerce et 1382, devenu 1240 du code civil, qu'à l'égard de l'acquéreur, le commissaire-priseur, qui affirme sans réserve l'authenticité de l'oeuvre d'art qu'il est chargé de vendre ou ne fait pas état des restaurations majeures qu'elle a subies, engage sa responsabilité, sans préjudice d'un recours contre l'expert dont il s'est fait assister. 10. L'arrêt constate que les deux fauteuils et la bibliothèque ont été présentés dans les catalogues des ventes comme étant respectivement de B... V... et de J... L... et que les conclusions, non contestées, de l'expert judiciaire, ont établi que les fauteuils étaient des copies et que, bien qu'authentique, la bibliothèque avait été restaurée à plus de 80 %. 11. En déduisant de ces constatations que le commissaire-priseur avait porté sur ces catalogues des mentions manifestement erronées garantissant l'authenticité des fauteuils et fait une présentation incomplète de la bibliothèque et qu'il avait ainsi engagé sa responsabilité à l'égard de l'acquéreur, sans pouvoir s'en exonérer en arguant du fait qu'il a eu recours à un expert indépendant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision. Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 12. Le commissaire-priseur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'acquéreur les sommes de 55 000 et 33 525 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la réparation doit être intégrale sans perte ni gain pour la victime ; que le préjudice résultant du défaut d'authenticité des fauteuils et des réparations effectuées sur la bibliothèque tenait en la perte de valeur de ces biens ; qu'en fixant le préjudice de l'acquéreur au montant du prix de vente augmenté des frais, sans tenir compte de la valeur actuelle des biens, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel le préjudice est réparé intégralement. » Réponse de la Cour 13. La cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans méconnaître le principe d'une réparation intégrale, apprécié l'étendue du préjudice subi par l'acquéreur qu'elle a fixé à un montant inférieur à celui du prix de vente augmenté des frais. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 janvier 2018 ; REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la même cour d'appel du 23 octobre 2018 ; Condamne la société Etude de Provence aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Etude de Provence Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société Etude de Provence responsable du préjudice subi par M. Q... du fait de l'acquisition de la paire de fauteuils – d'une part – de la bibliothèque – d'autre part, et de l'avoir condamnée à lui payer les sommes de 55.000 et 33.525 euros à titre de dommages et intérêts AUX MOTIFS QU'en application de l'article L 321-17 du code de commerce, les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ainsi que les experts qui procèdent à l'estimation des biens engagent leur responsabilité au cours ou à l'occasion des ventes aux enchères publiques ; que c'est sur ce fondement et celui de l'article 1382 ancien du code civil que la responsabilité de la Sari 1'Etude de Provence est recherchée par M. X... Q... ; que s'agissant des fauteuils., que l'expert judiciaire, M. K..., a procédé à leur examen et a conclu comme suit : « Au vu des éléments présentés ci-dessus et après avoir procédé à l'examen des oeuvres litigieuses en les comparant avec des oeuvres authentiques et avec la documentation des ateliers de B... V..., l'expert est en droit d'affirmer que les fauteuils issus de la vente du 24 juin 2006, lot n°[...], sous le ministère de la société Etude de Provence, ne sont pas authentiques. Les deux fauteuils litigieux ne sont pas de B... V.... Ce sont des copies. » que pour arriver à cette conclusion très formelle et qui n'est pas discutée par la Sarl l'Etude de Provence, l'expert a examiné de très près les fauteuils et relevé des éléments manifestement non conformes au dessin original ; qu'il en est ainsi des manchettes des fauteuils, épaisses, lourdes et arrondies au lieu de rectangulaires et qui ne sont pas ajustées sur l'armature tubulaire ; que les soudures sont grossières alors qu'elles sont toujours de très belle facture dans les ateliers B... V... ; énumère précisément toutes les anomalies et non conformités qui lui permettent de juger de manière certaine que les fauteuils vendus ne sont que des copies ; que la Sarl Etude de Provence avait présenté les fauteuils dans son catalogue de vente sous le descriptif suivant sous le titre B... V... (1901-1984) « [...]. Paire de fauteuils Visiteur à bâti et structure tubulaire en métal laqué noir. .(...) Réception des piètements en patin circulaire. 1942. Bibliographie B... V... Catalogue de l'exposition [...] 1998 p.56 »; qu'en portant sur son catalogue de vente des mentions manifestement erronées garantissant l'authenticité des fauteuils et ayant conduit M. X... Q... à s'en porter acquéreur, cette société de ventes volontaires a commis une faute civile dont elle doit être déclarée responsable et qui justifie que l'acheteur lui demande réparation du préjudice subi ; que le fait qu'elle ait recouru à un expert indépendant en la personne de M. O... I... ne permet pas de l'exonérer de sa responsabilité à l'égard de l'acheteur ; que le dommage subi ne peut être limité, comme le prétend la Sarl l'Etude de Provence, au seul montant des frais de la vente mais doit être apprécié au regard de la différence de valeur entre les fauteuils acquis qui ne sont que des copies et le prix payé pour une oeuvre présentée comme authentique augmenté des frais (50 000 + 9 867 = 59 867 euros) ; qu'il sera fixé par la cour à la somme de 55 000 euros ; que s'agissant de la bibliothèque, que le catalogue de vente présente le bien comme suit : « 31. Ateliers B... V... & J... L... (1903-1999) 30000/40000 Bibliothèque pour la maison de la Tunisie. Edition les Ateliers B... V..., 1953. 159,5 x 354x 53 cm »; que M. X... Q... l'a acquise au prix de 35 000 euros, outre 6 906,90 euros de frais ; que l'expert judiciaire a examiné la bibliothèque et a conclu comme suit : « Au vu des éléments présentés cidessus et après avoir procédé à l'examen de l'oeuvre litigieuse et en la comparant avec des oeuvres authentiques et avec la documentation de J... L... l'expert est en droit d'affirmer que la bibliothèque issue de la vente du 5 mars 2004, lot n°31 sous le ministère de la SVV Etude de Provence, est authentique mais a été restaurée à plus de 80%. L'absence d'information au catalogue de la vente est préjudiciable à l'acheteur. La bibliothèque présentée à l'expert se situe plus dans le cas d'une reconstruction/reconstitution que dans la restauration. Le volume de 80% de « restauration » est largement excessif » ; que ces conclusions sur l'authenticité de l'oeuvre mais également sur sa restauration pour 80% ne sont pas contestées, ni par la Sarl l'Etude de Provence, ni par M. A... N..., son vendeur, même si les conséquences d'une telle restauration sont discutées, M. A... N... soutenant qu'il est de l'essence même d'un meuble ancien de subir quelques restaurations ; que l'expert judiciaire indique à cet égard que le fait qu'un meuble authentique soit restauré n'a pas de conséquences sur l'objet si cette information a été donnée lors de la vente et indiquée au catalogue ; qu'en l'espèce, il a été procédé par M. F..., artisan ébéniste, à son décapage, ponçage et repatinage, à des retouches de peinture sur les plots arrières, remplacement des tasseaux, fixation des pieds par des boulons de charpente et remplacement à l'identique de bon nombre des vis palières ; que l'expert judiciaire ajoute qu'au-delà de la limite de 10% de restauration, l'expert qui examine le meuble doit signaler ces restaurations et que le volume de 80% de restauration ressortant des opérations réalisées ici par l'ébéniste est largement excessif et peut s'analyser comme une reconstruction, rendant ainsi le meuble que M. X... Q... entendait revendre imprésentable sur le marché de l'Art; que c'est d'ailleurs en raison de cette restauration détectée par les services de la société Sotheby's que cette maison de ventes a refusé de présenter la bibliothèque; que l'expert judiciaire valide l'attitude adoptée par la société Sotheby's et indique que si la bibliothèque lui avait été soumise pour expertise, il aurait refusé de la présenter dans une vente publique ; qu'en l'état de ces constatations et de cet avis, il convient de retenir que la responsabilité de la Sarl l'Etude de Provence est engagée en raison de la mise en vente de la bibliothèque malgré l'importance de sa restauration et en raison de la présentation incomplète qui a en été faite dans le catalogue, induisant en erreur M. X... Q... sur les qualités et la valeur du meuble acheté ; que la Sarl l'Etude de Provence ne peut s'exonérer en invoquant le fait que le meuble avait fait l'objet d'une expertise ; qu'il convient, s'agissant du préjudice subi par M. X... Q..., de se référer à l'avis de l'expert judiciaire qui indique que l'absence de mention de restauration a joué sur le prix et que si la restauration excessive avait été annoncée, la bibliothèque n'aurait sans doute pas trouvé acquéreur ou aurait été vendue à un prix bien inférieur ; que la demande de l'appelant à hauteur de 33 525 euros correspondant à 80% du prix augmenté des frais (35 000 + 6 906,90 euros = 41 906,90 euros) apparaît justifiée dans son quantum et qu'il y sera fait droit, 1) ALORS QUE le commissaire-priseur est tenu d'examiner l'oeuvre qu'il propose à la vente et de procéder aux vérifications nécessaires eu égard aux données connues au moment de la vente et des doutes qui peuvent exister; que pour retenir la responsabilité de la société Etude de Provence, la cour d'appel a énoncé qu'elle avait porté dans son catalogue l'information erronée du caractère authentique des fauteuils ; qu'en ne recherchant pas si, en l'état de l'affirmation sans réserve par l'expert qu'elle avait consulté et dont elle a exactement reproduit la description dans le catalogue de la vente, du caractère authentique des fauteuils, la société Etude de Provence n'avait pas procédé à toutes les vérifications qu'elle était tenue de faire en l'état des données qui étaient connues au moment de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 2) ALORS QUE le commissaire-priseur est tenu d'examiner l'oeuvre qu'il propose à la vente et de procéder aux vérifications nécessaires eu égard aux données connues au moment de la vente et des doutes qui peuvent exister sur son authenticité ; qu'en reprochant à la société Etude de Provence de ne pas avoir mentionné les réparations qui avaient été effectuées sur la bibliothèque, sans constater qu'elle avait connaissance de cette circonstance ou n'avait pas procédé à des contrôles suffisants au regard de l'état de données connues au moment de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil devenu 1240 du code civil ; 3) ALORS QUE la réparation doit être intégrale sans perte ni gain pour la victime ; que le préjudice résultant du défaut d'authenticité des fauteuils et des réparations effectuées sur la bibliothèque tenait en la perte de valeur de ces biens ; qu'en fixant le préjudice de M. Q... au montant du prix de vente augmenté des frais, sans tenir compte de la valeur actuelle des biens, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel le préjudice est réparé intégralement.
Il résulte des articles L. 321-17, alinéa 1, du code de commerce et 1382, devenu 1240 du code civil, qu'à l'égard de l'acquéreur, le commissaire-priseur, qui affirme sans réserve l'authenticité de l'oeuvre d'art qu'il est chargé de vendre ou ne fait pas état des restaurations majeures qu'elle a subies, engage sa responsabilité, sans préjudice d'un recours contre l'expert dont il s'est fait assister
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 626 F-P+B Pourvoi n° Y 19-15.415 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020 M. L... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-15.415 contre l'arrêt rendu le 21 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. H... X..., domicilié [...] , 2°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] , ayant un établissement [...] , défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. A..., après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 février 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 décembre 2014, pourvoi n° 13-24.043), la société [...] (la société [...] ) a assigné M. A... (l'acquéreur), afin, notamment, que soit reconnue la vente de différents lots dont il s'était porté acquéreur les 27 novembre 2007 et 5 avril 2008, dont le lot n° 157 portant sur « une table Compas de C... G... », et qu'il soit condamné au paiement de différentes sommes au titre des acquisitions réalisées et de dommages-intérêts. M. X..., propriétaire du lot [...] , est intervenu volontairement à l'instance. A titre reconventionnel, l'acquéreur a sollicité la résolution et l'annulation des ventes pour défaut de paiement et défaut de délivrance, outre la restitution de sommes versées. 2. La vente des lots a été déclaré parfaite, à l'exception du celle du lot n° 157 ayant justifié la cassation prononcée, et l'acquéreur a été condamné à payer à la société [...] et à M. X... différentes sommes au titre des acquisitions réalisées et des dommages-intérêts. Une expertise sur l'authenticité de la table en cause a été ordonnée avant dire droit. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la vente du lot [...] , et de le condamner à payer au vendeur le solde de la vente de ce lot, alors : « 1°/ que l'inexactitude ou l'insuffisance des mentions du catalogue d'une vente aux enchères publiques suffit à provoquer l'erreur de l'acheteur et justifie l'annulation de la vente ; qu'en rejetant la demande d'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur, après avoir pourtant retenu « l'inexactitude du catalogue » quant à la description de la table objet de la vente, la cour d'appel a violé l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ; 2°/ que l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue entraîne l'annulation de la vente ; que les qualités substantielles sont celles ayant déterminé l'acquéreur à acquérir la chose ; que, pour retenir que l'acquéreur ne souhaitait pas essentiellement acheter une table ayant un plateau en chêne, comme mentionné sur le catalogue de vente, mais que seul avait été déterminant le fait qu'il s'agissait d'une table « C...-G... », la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que l'acquéreur avait porté les enchères à 80 000 euros, soit à un prix proche du double de l'évaluation figurant sur le catalogue de vente qui était de 35 000 à 45 000 euros ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier que seule avait été déterminante l'attribution de la table à C... G..., la cour d'appel a violé l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ; 3°/ qu'en affirmant, pour débouter l'acquéreur de sa demande en nullité de la vente pour erreur, qu'il n'avait formé cette demande qu'après l'expertise, quand c'est précisément cette expertise qui avait révélé l'erreur dénoncée, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure l'existence d'une erreur, en violation de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article 1110, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. 5. En matière de vente aux enchères publiques, si les mentions figurant au catalogue revêtent une importance particulière, leur caractère déterminant s'apprécie au regard des qualités substantielles de la chose attendues par l'acquéreur. 6. Après avoir retenu que la table était authentique, l'arrêt relève que, contrairement aux mentions du catalogue de la vente, son plateau n'était pas en chêne mais en bois plaqué chêne, que, cependant, l'acquéreur ne souhaitait pas essentiellement acheter une table avec un plateau en chêne mais une table « C... G... », qu'à l'époque, les tables avaient une destination purement utilitaire, que le recours au bois massif était exclu et que le plateau, conçu pour pouvoir être changé, apparaissait ainsi purement contingent et dissociable de l'oeuvre de C... G..., de sorte que le principal intérêt de cette table résidait dans son piètement. Il ajoute que si, selon l'expert, elle aurait fait l'objet de restaurations à hauteur de 60 %, ses conclusions reposent sur des hypothèses. 7. De ces seuls motifs, la cour d'appel a souverainement déduit que n'était pas rapportée la preuve que l'erreur sur le bois constituant le plateau aurait déterminé le consentement de l'acquéreur et que les restaurations, avérées ou non, auraient altéré, dans son esprit, la substance de l'objet. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 9. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes en dommages-intérêts dirigées contre la société [...] , alors qu' « aux termes de l'article L. 321-17, alinéa 3, du code de commerce, le délai de prescription des actions en responsabilité civile engagées à l'occasion des ventes aux enchères publiques se prescrivent par cinq ans à compter de l'adjudication ou de la prisée ; que ce délai dérogatoire au droit commun n'est opposable aux enchérisseurs qu'à la condition d'avoir été rappelé dans la publicité prévue à l'article L. 321-11 du code de commerce ; qu'en déclarant prescrite l'action en responsabilité formée par l'acquéreur contre la société [...] , sans vérifier que la mention du délai de prescription ait été rappelé dans la publicité de la vente aux enchères publiques litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-11, L. 321-17 et R. 321-33 du code de commerce. » Réponse de la Cour 10. L'exigence du rappel de la mention du délai de prescription de cinq ans dans la publicité à laquelle donnent lieu les ventes aux enchères publiques ayant été posée à l'article L. 321-17 du code de commerce par la loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011, soit postérieurement à la vente litigieuse, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la vérification invoquée. 11. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 12. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages-intérêts dirigée contre le vendeur, alors « que la cour d'appel a relevé que les restaurations de la table – qui n'avaient pas été mentionnées dans le catalogue de vente – avaient pu, ainsi que cela avait été souligné par l'expert, avoir une incidence sur sa valeur ; qu'il en résultait que l'ignorance de ces restaurations par l'acquéreur avaient pu fausser l'appréciation de la valeur de la table et partant, affecter la détermination du prix proposé en vue de son acquisition ; qu'en affirmant toutefois qu'il n'était pas établi que l'acquéreur n'aurait pas porté les enchères à un prix proche du double de la valeur figurant sur le catalogue s'il avait eu connaissance d'interrogations sur d'éventuelles restaurations, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 13. Après avoir constaté que n'était pas rapportée la preuve que l'erreur sur le bois constituant le plateau aurait déterminé le consentement de l'acquéreur et que les restaurations, avérées ou non, auraient altéré, dans son esprit, la substance de l'objet, l'arrêt ajoute qu'en achetant le meuble, lors d'une vente aux enchères, à un prix proche du double de la valeur estimée figurant sur le catalogue, l'acquéreur a, de manière certaine, privilégié le fait qu'il s'agissait d'une table issue des ateliers C... G.... 14. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a souverainement déduit que n'était pas démontrée l'existence d'un préjudice résultant de l'inexactitude des mentions du catalogue. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. A... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. A.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement rendu le 19 janvier 2012 par le Tribunal de grande instance de Paris ayant rejeté la demande d'annulation de la vente du lot [...] et condamné M. A... à payer à M. X... la somme de 60.000 euros au titre du solde de la vente de ce lot, avec intérêts au taux légal à compter des premières conclusions déposées devant le tribunal, avec capitalisation ; AUX MOTIFS QUE « le seul fondement invoqué au soutien de cette demande est désormais l'erreur ; que selon l'article 1110 ancien du code civil, alors applicable, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet ; que la cour doit donc examiner si l'erreur alléguée porte sur la "substance" de la table litigieuse et a été déterminante ; que l'authenticité de la table est reconnue de manière catégorique par l'expert, et les parties s'accordent sur ce point, qui doit donc être tenu pour acquis ; que l'expert a considéré cependant que le plateau de la table d'une part n'était pas en chêne, comme indiqué sur la catalogue, mais en "bois plaqué chêne", et d'autre part était "anormalement peu usé" et donc très vraisemblablement refait ; qu'il a ajouté que, dans les usages hôtels des ventes, qu'il n'est pas précisé "plaqué ou lamellé", c'est que le meuble est en bois massif, et il existe une erreur sur ce point dans le catalogue ; que le piètement a par ailleurs été repeint, en sorte qu'il est impossible d'assurer que la table provient bien du site du CEA de Marcoule, malgré sa couleur "Bleu EDF" ; que l'inexactitude du catalogue, qui mentionne, sans autre précision, qu'il s'agit d'une "importante table de type Compas à grand plateau rectangulaire en chêne" (nous soulignons), est constante ; qu'il est cependant manifeste que l'acquéreur, qui, alors que l'évaluation figurant au catalogue était de 35.000 à 45.000 euros, a porté les enchères à 80.000 euros ne souhaitait pas essentiellement acheter une table ayant un plateau en chêne, mais que seul était déterminant le fait qu'il s'agisse d'une table "C...-G..." ; qu'or ce souhait a été satisfait ; qu'il était seulement indiqué au catalogue, en ce qui concerne l'origine de la table, "[...] , 1953" ; qu'ainsi, le fait qu'il ne puisse être affirmé avec certitude que cette table proviendrait bien du site EDF de Marcoule est indifférent dans le cadre du présent litige ; que force est bien de constater par ailleurs que les conclusions de l'expert relatives à des "restaurations" à 60% ne reposent que sur ses propres hypothèses à l'examen de la table litigieuse, alors que sont produits par M. X... des éléments nombreux et convaincants (attestations B..., P..., notamment, selon lesquelles ces tables avaient à l'origine une destination purement utilitaire, pour des collectivités par exemple, l'époque, encore soumise aux restrictions, excluait un recours au bois massif, et le plateau était conçu pour pouvoir être changé, et apparaissait ainsi purement contingent et dissociable de l'oeuvre de C... G..., dont la spécialité était le travail du métal) ; que tant l'expert que ces attestants soulignent ainsi que le principal intérêt de cette table résidait dans son piètement, dont l'authenticité n'est pas, elle contestée ; que M. A... ne discute pas ce dernier point, et il doit être observé en outre, que, bien qu'il soit un collectionneur averti d'objets de cette époque, il n'a formé sa demande sur l'erreur qu'près l'expertise, alors que la demande d'annulation de la vente, sur d'autres fondements, l'a été d'emblée devant le tribunal, notamment dans des écritures du 21 avril 2011 ; qu'ainsi, que les restaurations de la table soient avérée ou non, elle ne peuvent être considérées comme ayant altéré, dans l'esprit de l'acquéreur, la substance de l'objet acheté, même si, ainsi que souligné par l'expert, elle peuvent avoir une incidence sur sa valeur ; qu'il sera donc jugé que la preuve que l'erreur sur le bois constituant le plateau, et d'hypothétiques restaurations aient été déterminantes du consentement de M. A... n'est pas rapportée ; que la demande d'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur sera donc rejetée ; qu'il en résulte que, la vente étant jugée parfaite, le jugement sera confirmé sur la condamnation de M. A... à payer à M. X... le solde de la vente, soit la somme de 60.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 26 mars 2009 » ; 1°/ ALORS QUE l'inexactitude ou l'insuffisance des mentions du catalogue d'une vente aux enchères publiques suffit à provoquer l'erreur de l'acheteur et justifie l'annulation de la vente ; qu'en rejetant la demande d'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur, après avoir pourtant retenu « l'inexactitude du catalogue » quant à la description de la table objet de la vente, la cour d'appel a violé l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ; 2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue entraîne l'annulation de la vente ; que les qualités substantielles sont celles ayant déterminé l'acquéreur à acquérir la chose ; que pour retenir que M. A... ne souhaitait pas essentiellement acheter une table ayant un plateau en chêne, comme mentionné sur le catalogue de vente, mais que seul avait été déterminant le fait qu'il s'agissait d'une table « C...-G... », la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que M. A... avait porté les enchères à 80 000 euros, soit à un prix proche du double de l'évaluation figurant sur le catalogue de vente qui était de 35 000 à 45 000 euros (cf. arrêt p. 7, § 1 et p. 9, § 3) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier que seule avait été déterminante l'attribution de la table à C... G..., la cour d'appel a violé l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ; 3°/ ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE en affirmant, pour débouter M. A... de sa demande en nullité de la vente pour erreur, qu'il n'avait formé cette demande qu'après l'expertise, quand c'est précisément cette expertise qui avait révélée l'erreur dénoncée, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure l'existence d'une erreur, en violation de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les demandes en dommages-intérêts de M. L... A... dirigées contre la société [...] ; AUX MOTIFS QUE « sur la demande de dommages et intérêts fondée sur les articles L. 321-17 et L. 321-32 du code de commerce : que cette demande est formée à la fois à titre principal, cumulativement avec la demande d'annulation, et à titre subsidiaire ; que M. A... se plaint d'avoir été abusé sur la valeur de la table, en raison de l'inexactitude des mentions portées sur le catalogue, et de la violation par M. X... de l'interdiction faite aux experts d'une vente de vendre lors de cette vente des objets leur appartenant sans en faire mention ; qu'il demande ainsi réparation du prix selon lui excessif payé ; que cependant la maison de vente K... S... observe à juste titre que les actions en responsabilité civile contre les opérateurs de vente volontaires aux enchères publiques se prescrivent par cinq ans à compter de l'adjudication ou de la prisée, par application de l'article L. 321-17 du code de commerce ; que ce texte particulier doit être considéré comme dérogatoire au principe selon lequel la prescription ne court qu'à compter de la révélation du dommage ; que dès lors, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens d'irrecevabilité soulevés en ce qui la concerne, la demande de dommages et intérêts dirigée contre elle sera déclarée irrecevable » ; ALORS QU' aux termes de l'article L. 321-17, alinéa 3, du code de commerce, le délai de prescription des actions en responsabilité civile engagées à l'occasion des ventes aux enchères publiques se prescrivent par cinq ans à compter de l'adjudication ou de la prisée ; que ce délai dérogatoire au droit commun n'est opposable aux enchérisseurs qu'à la condition d'avoir été rappelé dans la publicité prévue à l'article L. 321-11 du code de commerce ; qu'en déclarant prescrite l'action en responsabilité formée par M. A... contre la maison de vente K... S..., sans vérifier que la mention du délai de prescription ait été rappelé dans la publicité de la vente aux enchères publiques litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-11, L. 321-17 et R. 321-33 du code de commerce. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts dirigée contre M. H... X..., en sa qualité de vendeur ; AUX MOTIFS QUE « les restaurations de la table soient avérées ou non, elles ne peuvent être considérée comme ayant altéré, dans l'esprit de l'acquéreur, la substance de l'objet acheté, même si, ainsi que souligné par l'expert, elles peuvent voir une incidence sur sa valeur (cf. arrêt p. 8, § 3) ; [ ] ; qu'il vient cependant d'être jugé que ni la consistance du plateau, ni d'éventuelles restaurations ne constituaient l'élément déterminant du consentement de l'acquéreur, dont il doit être rappelé qu'il n'a contesté la vente qu'après avoir été assigné en paiement du prix ; que les mêmes considérations conduisent à juger qu'en achetant dans le cadre d'une vente aux enchères, à un prix proche du double de la valeur estimée figurant sur le catalogue, l'acquéreur a, de manière certaine, privilégié le fait qu'il s'agissait d'une table issue des ateliers C... G..., en sorte que le préjudice résultant de l'inexactitude des mentions du catalogue, par le fait allégué d'une déclaration inexacte du vendeur, n'est pas démontré de manière certaine ; qu'en d'autres termes, M. A... ne rapporte pas la preuve, qui lui incombait, qu'il n'aurait pas porté les enchères à un niveau aussi élevé s'il avait eu connaissance de la consistance du plateau, et d'interrogations sur d'éventuelles restaurations ; que la demande est donc mal fondée et sera rejetée (cf. arrêt p. 9, § 3 et § 4) » ; ALORS QUE la cour d'appel a relevé que les restaurations de la table – qui n'avaient pas été mentionnées dans le catalogue de vente –avaient pu, ainsi que cela avait été souligné par l'expert, avoir une incidence sur sa valeur (cf. arrêt p. 8, § 3) ; qu'il en résultait que l'ignorance de ces restaurations par l'acquéreur avaient pu fausser l'appréciation de la valeur de la table et partant, affecter la détermination du prix proposé en vue de son acquisition ; qu'en affirmant toutefois qu'il n'était pas établi que M. A... n'aurait pas porté les enchères à un prix proche du double de la valeur figurant sur le catalogue s'il avait eu connaissance d'interrogations sur d'éventuelles restaurations (cf. arrêt p. 9, § 3), la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
En matière de vente aux enchères publiques, si les mentions figurant au catalogue revêtent une importance particulière, leur caractère déterminant s'apprécie au regard des qualités substantielles de la chose attendues par l'acquéreur. Une cour d'appel a souverainement déduit de ses constatations de fait que n'était pas rapportée la preuve que l'erreur sur le bois constituant le plateau de la table litigieuse aurait déterminé le consentement de l'acquéreur et que les restaurations, avérées ou non, auraient altéré, dans son esprit, la substance de l'objet
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Cassation partielle sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 630 F-P+B Pourvoi n° Y 19-11.459 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020 1°/ Mme H... A..., domiciliée [...] , 2°/ M. C... Y..., domicilié [...] , agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de Mme A..., ont formé le pourvoi n° Y 19-11.459 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige les opposant à Mme W... J..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A... et de M. Y..., ès qualités, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme J..., après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 2018), par contrat du 26 janvier 2016, comprenant une période d'essai de trois mois, Mme A..., avocate exerçant à titre individuel, a recruté comme collaboratrice libérale Mme J.... Le 9 février 2016, celle-ci lui a annoncé sa grossesse. Par lettre du 15 février 2016, Mme A... a mis fin au contrat de collaboration à effet au 19 février suivant. Par lettre du 16 février 2016, Mme J... a contesté la rupture du contrat. Par lettre du 17 février 2016, Mme A... lui a imputé des manquements professionnels et l'a informée qu'elle lui verserait une certaine somme pour la période du 19 au 25 février 2016, soit huit jours de délai de prévenance. 2. Le 5 avril 2016, Mme J... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris d'une contestation de la rupture du contrat. 3. Par jugement du 29 septembre 2016, Mme A... a été placée en redressement judiciaire, M. Y... étant désigné en qualité de mandataire judiciaire. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Mme A... et M. Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'annuler la rupture du contrat de collaboration et de condamner la première à payer diverses sommes à Mme J..., alors : « 1°/ que les dispositions de l'article 14.5.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat relatives à la nullité de plein droit de la rupture du contrat de la collaboratrice en état de grossesse ne sont pas applicables à la rupture en période d'essai ; qu'il était constant en l'espèce que Mme J... était en période d'essai lors de la rupture par Mme A... de son contrat de collaboration ; qu'en prononçant cependant la nullité de cette rupture, faute pour Mme A... de justifier de manquements graves imputables à sa collaboratrice, la cour d'appel a violé l'article 14.4.1 du règlement intérieur national, ensemble, par fausse application, l'article 14.5.3 du même règlement ; 2°/ que Mme A... exposait dans ses conclusions, pièces à l'appui, les erreurs commises par Mme J... dans les dossiers T..., Q... , R..., U..., D... et N... ; qu'en se bornant à affirmer, sans autre démonstration, que les insuffisances professionnelles reprochées à Mme J... dans la gestion de ces dossiers n'étaient pas démontrées à la lecture de l'échange des mails entre les parties qui mettaient en évidence l'urgence et la technicité des dossiers confiés à Mme J..., sans analyser même sommairement les courriels concernés, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ que le contrat de la collaboratrice libérale enceinte peut être rompu par le cabinet d'avocat, en cas de manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de grossesse ou à la maternité ; que Mme A... invoquait, pièces à l'appui, les fautes commises par Mme J... dans la gestion de plusieurs dossiers nominativement cités ; que Mme A... faisait valoir qu'elle avait embauché Mme J... à raison de l'expérience et des compétences dont elle avait fait état ; que la cour d'appel a considéré que Mme J... établissait posséder la formation et l'expérience en droit public dont elle s'était prévalue ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter la gravité des fautes commises par Mme J..., que l'échange des mails entre les parties mettait en évidence l'urgence et la technicité des dossiers qui lui étaient confiés, sans préciser en quoi leur traitement excédait ce que l'on pouvait attendre d'une collaboratrice chevronnée engagée en raison de sa compétence et de son expérience, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14.5.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ; 4°/ que Mme A..., dans une lettre adressée à Mme J... le 17 février 2016, avait invoqué les graves manquements commis par la collaboratrice depuis son arrivée au cabinet ; que la décision du bâtonnier relevait par ailleurs que Mme A... avait fait état dans le cadre de la « présente procédure » des manquements graves reprochés à Mme J... ; qu'en affirmant, pour annuler la rupture du contrat de collaboration, que les manquements graves avaient été invoqués pour la première fois en appel, la cour d'appel a dénaturé tant la lettre du 17 février 2016 que la décision du bâtonnier et méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. » Réponse de la Cour 5. Le litige relatif à la rupture d'un contrat de collaboration libérale doit être tranché selon les termes du contrat et les textes régissant la profession d'avocat. Il résulte de l'article 14.5.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat (RIN), dans sa rédaction issue de la décision du Conseil national des barreaux du 11 avril 2014, qu'à compter de la déclaration par la collaboratrice libérale de son état de grossesse et jusqu'à l'expiration de la période de suspension du contrat à l'occasion de la maternité, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu par le cabinet, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de grossesse ou à la maternité. 6. Ce texte n'excluant pas la protection de la collaboratrice libérale qui a déclaré son état de grossesse au cours de la période d'essai, la cour d'appel en a, à bon droit, fait application. 7. Ayant, ensuite, estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans méconnaître les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ni être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que Mme A... n'établissait pas l'existence de manquements graves de Mme J... aux règles professionnelles, elle n'a pu qu'en déduire que la rupture du contrat de collaboration pendant la période d'essai, après l'annonce de sa grossesse par l'avocate collaboratrice, était nulle. 8. D'où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche qui critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus. Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. Mme A... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme J... les sommes de 37 027 euros et 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, ainsi que les créances postérieures qui ne sont pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure ; qu'il était constant en l'espèce qu'une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte à l'égard de Mme A... selon jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 septembre 2016 ; qu'en condamnant cependant Mme A... à verser à Mme J... diverses sommes à titre de dommages-intérêts à raison de la rupture de son contrat de collaboration intervenue en février 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 622-7, I, alinéa 1er, du code de commerce : 11. Selon ce texte, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, pour le débiteur, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. 12. L'arrêt condamne Mme A... à payer à Mme J... diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la nullité de la rupture et du caractère discriminatoire de celle-ci. 13. En statuant ainsi, alors que Mme A... était placée en redressement judiciaire et que Mme J... avait déclaré ses créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de celle-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 14. Tel que suggéré par les parties, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 15. Il y a lieu de fixer les créances de Mme J..., s'élevant à 37 027 euros et 10 000 euros, au passif du redressement judiciaire de Mme A.... PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du quatrième moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme A... à payer à Mme J... les sommes de 37 027 euros et 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 4 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Fixe la créance de Mme J... au passif du redressement judiciaire de Mme A..., aux sommes de 37 027 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la nullité de la rupture du contrat, et 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère discriminatoire de la rupture ; Condamne Mme J... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme A... et M. Y..., ès qualités PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la rupture du contrat de collaboration de Mme J..., d'avoir condamné Mme A... à lui payer la somme de 37 027 euros à titre de dommages et intérêts, d'avoir dit que cette rupture présentait un caractère discriminatoire, et d'avoir condamné Mme A... à payer à Mme J... la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ; AUX MOTIFS QU'à compter de la déclaration par la collaboratrice de son état de grossesse, le contrat ne peut être rompu sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de grossesse ou à la maternité ; que la rupture est nulle de plein droit lorsque le cabinet est informé de la grossesse dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la rupture ; que le 9 février 2016, Mme J... a informé de sa grossesse Mme A... qui a décidé de rompre le contrat de collaboration le 16 février sans viser aucun manquement grave de sa collaboratrice dans sa lettre de rupture ; que Mme J... a adressé un certificat médical par courrier électronique et par lettre recommandée du 17 février ; que l'article 14 du RIN dispose que le contrat de collaboration libérale est définitif dès sa signature ; qu'il n'a pas à être validé par la période d'essai ; qu'il n'en résulte aucune atteinte au principe de la liberté contractuelle ni à celui de la liberté d'entreprendre ; que les reproches de Mme A... à l'encontre de son ancienne collaboratrice à propos de manoeuvres qualifiées de dolosives, sa mauvaise foi sur son profil et ses carences dans la gestion des dossiers ne sont ni fondés ni constitutifs de manquements graves ; qu'en effet Mme J... possède une formation et une expérience professionnelle en droit public au vu des pièces produites ; qu'elle a travaillé durant deux ans en tant que juriste au cabinet O... Affaires Publiques en traitant des dossiers de droit public et de droit de l'environnement, a effectué son stage à la 5ème sous section du contentieux du Conseil d'Etat dans le cadre de son projet pédagogique individuel de l'EFB, a assuré des formations en droit public au sein du barreau ainsi qu'en partenariat avec des Dalloz, et enfin a représenté le barreau à la commission droit administratif de la conférence des bâtonniers d'Ile de France et le bâtonnier à l'occasion d'une réunion de travail organisée dans le cadre de la visite du vice-président du Conseil d'Etat à la cour administrative d'appel de Paris ; que Mme J... bénéficie également d'une expérience en droit social et en droit de la famille acquise en tant que stagiaire dans le cadre de la formation au CAPA puis en tant que collaboratrice au cabinet G... K... et associés ; que le grief d'absence de respect des horaires reposant sur le témoignage insuffisant d'une stagiaire présente seulement un ou deux jours par semaine n'est pas établi et est contredit par l'envoi de mails en soirée, comme par la note de taxi du 2 février 2016 ; que le départ de Mme J... le vendredi soir à 17h50 pour aller chercher son fils à la crèche apparaît avoir été prévu par les parties ; que les insuffisances professionnelles reprochées à Mme J... dans la gestion des dossiers T..., TVL, Voyages Q..., R..., U..., D..., N... ne sont pas davantage démontrées à la lecture de l'échange des mails entre les parties qui mettent en évidence l'urgence et la technicité des dossiers confiés à Mme J... ; qu'il n'existe donc pas de manquements graves de la part de Mme J... à ses règles professionnelles, rendant impossible de manière immédiate la poursuite du contrat de collaboration ; que de surcroît il convient de relever que les manquements graves ont été invoqués pour la première fois en appel ; que Mme J... n'a pas dissimulé lors de son embauche son état de grossesse, puisqu'elle ne pouvait pas encore le connaître ; qu'elle n'a ainsi proféré aucun mensonge ; 1) ALORS QUE les dispositions de l'article 14.5.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat relatives à la nullité de plein droit de la rupture du contrat de la collaboratrice en état de grossesse ne sont pas applicables à la rupture en période d'essai ; qu'il était constant en l'espèce que Mme J... était en période d'essai lors de la rupture par Mme A... de son contrat de collaboration ; qu'en prononçant cependant la nullité de cette rupture, faute pour Mme A... de justifier de manquements graves imputables à sa collaboratrice, la cour d'appel a violé l'article 14.4.1 du règlement intérieur national, ensemble, par fausse application, l'article 14.5.3 du même règlement ; 2) ALORS QUE subsidiairement, Mme A... exposait dans ses conclusions, pièces à l'appui, les erreurs commises par Mme J... dans les dossiers T..., Q... , R..., U..., D... et N... ; qu'en se bornant à affirmer, sans autre démonstration, que les insuffisances professionnelles reprochées à Mme J... dans la gestion de ces dossiers n'étaient pas démontrées à la lecture de l'échange des mails entre les parties qui mettaient en évidence l'urgence et la technicité des dossiers confiés à Mme J..., sans analyser même sommairement les courriels concernés, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 3) ALORS QUE, subsidiairement encore, le contrat de la collaboratrice libérale enceinte peut être rompu par le cabinet d'avocat, en cas de manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de grossesse ou à la maternitéì ; que Mme A... invoquait, pièces à l'appui, les fautes commises par Mme J... dans la gestion de plusieurs dossiers nominativement cités ; que Mme A... faisait valoir qu'elle avait embauché Mme J... à raison de l'expérience et des compétences dont elle avait fait état ; que la cour d'appel a considéré que Mme J... établissait posséder la formation et l'expérience en droit public dont elle s'était prévalue ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter la gravité des fautes commises par Mme J..., que l'échange des mails entre les parties mettait en évidence l'urgence et la technicité des dossiers qui lui étaient confiés, sans préciser en quoi leur traitement excédait ce que l'on pouvait attendre d'une collaboratrice chevronnée engagée en raison de sa compétence et de son expérience, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14.5.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ; 4) ET ALORS ENFIN QUE Mme A..., dans une lettre adressée à Mme J... le 17 février 2016, avait invoqué les graves manquements commis par la collaboratrice depuis son arrivée au cabinet ; que la décision du bâtonnier relevait par ailleurs que Mme A... avait fait état dans le cadre de la « présente procédure » des manquements graves reprochés à Mme J... ; qu'en affirmant, pour annuler la rupture du contrat de collaboration, que les manquements graves avaient été invoqués pour la première fois en appel, la cour d'appel a dénaturé tant la lettre du 17 février 2016 que la décision du bâtonnier et méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de collaboration de Mme J... présentait un caractère discriminatoire, et d'avoir condamné Mme A... à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ; AUX MOTIFS QUE la concomitance ou la proximité entre la rupture du contrat et l'annonce de la maternité laisse présumer l'existence d'une discrimination qui entraîne un renversement de la charge de la preuve imposant à la partie adverse de justifier que la rupture est fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce la concomitance entre l'annonce de la grossesse le 9 février 2016 et la remise de la lettre de rupture du contrat de collaboration le 15 février laisse présumer la discrimination à l'encontre de Mme J..., même si celle-ci avait fait part à Mme A... lors de son embauche de son projet de grossesse ; que Mme A... ne rapporte pas la preuve que la rupture du contrat est fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que cette mesure avait été décidée avant l'annonce de la grossesse, alors même que la veille de la rupture de la période d'essai, elle publiait le profil de sa collaboratrice sur le site internet du cabinet ; qu'il y a lieu de relever que le délai de prévenance de huit jours n'a pas été respecté, Mme A... ayant rompu le contrat de collaboration en moins de 48 heures ; 1) ALORS QUE toute discrimination est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité ; qu'il était constant en l'espèce que Mme J... avait informé Mme A... de son désir de maternité dès avant son embauche ; que les nombreux courriels versés aux débats par Mme A... révélaient les multiples erreurs et carences de Mme J... dans la gestion des dossiers qui lui étaient confiés ; qu'en se bornant à affirmer que Mme A... ne rapportait pas la preuve que la rupture du contrat était fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, sans rechercher si les carences de Mme J..., à supposer même qu'elles ne puissent être qualifiées de manquements graves, n'établissaient pas que la rupture du contrat de collaboration était fondée sur des motifs étrangers à la grossesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 4 de la loi du 27 mai 2008 ; 2) ALORS QU'en énonçant, Mme A... avait publié le profil de sa collaboratrice sur le site internet du cabinet la veille de la rupture de la période d'essai – soit postérieurement à l'annonce de la grossesse de Mme J... – pour en déduire que Mme A... ne rapportait pas la preuve que la rupture du contrat était fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, quand il résultait au contraire de cette circonstance que Mme A... avait persisté à envisager de garder sa collaboratrice nonobstant son état de grossesse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a derechef violé articles 2 et 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, ensemble l'article 1382, devenu 1240 du code civil ; 3) ALORS QUE par sa lettre du 17 février, Mme A... avait déclaré dispenser Mme J... de l'accomplissement des derniers jours du préavis, mais précisait vouloir respecter son engagement de rémunérer sa collaboratrice dans le cadre d'une délai de prévenance de 8 jours ouvrés à compter du 15 février 2016, soit jusqu'au 25 février 2016 ; qu'il n'était pas contesté que la somme correspondante avait été versée à Mme J... ; qu'en énonçant néanmoins, pour retenir la discrimination, que le délai de prévenance de huit jours n'avait pas été respecté, la cour d'appel a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme A... à payer à Mme J... la somme de 37 027 euros à titre de dommages et intérêts ; AUX MOTIFS QUE la rétrocession d'honoraires doit être maintenue pendant le congé maternité qui s'étend du 26 août au 15 décembre 2016 ; qu'il existe en outre une période de protection de deux mois à compter du retour de congé maternité soit jusqu'au 15 février 2017, puis un délai de prévenance de trois mois jusqu'au 15 mai 2017 ; que l'augmentation prévue de la rétrocession à 4000 € doit être prise en compte ; 1) ALORS QUE Mme A... faisait valoir que la rémunération proposée à Mme J..., à hauteur de 3800 € mensuels, devait être revue après six mois d'exercice à hauteur de 4 000 € sous réserve de confirmation après écoulement de la période d'essai, si les objectifs fixés étaient remplis ; que la révision de la rémunération à hauteur de 4 000 € ne figurait pas par ailleurs dans le contrat de collaboration ; qu'en prenant néanmoins en compte la révision de la rétrocession à hauteur de 4 000 € réclamée par Mme J..., sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour retenir ce montant ni répondre aux conclusions de Mme A... selon lesquelles cette augmentation était subordonnée à l'atteinte par la collaboratrice des objectifs fixés, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS QUE Mme J... faisait valoir que Mme A... n'avait produit aucun élément comptable de nature à démontrer la réalité de son préjudice, notamment en raison de la souscription éventuelle d'une assurance prévoyance ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a derechef méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme A... à payer à Mme J... les sommes de 37 027 euros et de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ; 1) ALORS QUE le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, ainsi que les créances postérieures qui ne sont pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure ; qu'il était constant en l'espèce qu'une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte à l'égard de Mme A... selon jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 septembre 2016 ; qu'en condamnant cependant Mme A... à verser à Mme J... diverses sommes à titre de dommages et intérêts à raison de la rupture de son contrat de collaboration intervenue en février 2016, la cour d'appel a violé l'article L.622-7 du code de commerce ; 2) ET ALORS QUE lorsque le débiteur fait l'objet d'une procédure collective, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; qu'en condamnant Mme A... à verser diverses sommes à Mme J..., sans constater que cette dernière avait régulièrement déclaré ses créances au passif de Mme A..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.622-22 et R.622-20 du code de commerce.
Sont applicables durant la période d'essai, les dispositions de l'article 14.5.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat, dans leur rédaction issue de la décision du Conseil national des barreaux du 11 avril 2014, prévoyant qu'à compter de la déclaration par la collaboratrice libérale de son état de grossesse et jusqu'à l'expiration de la période de suspension du contrat à l'occasion de la maternité, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu par le cabinet, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de grossesse ou à la maternité
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 631 F-P+B Pourvoi n° M 19-12.644 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020 Mme C... F..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° M 19-12.644 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société groupement [...] , dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme F..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société groupement [...] , après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ. 11 mai 2017, pourvoi n° 16-15.817), la société groupement [...] a conclu avec Mme F..., un contrat de collaboration libérale prenant effet à compter de sa prestation de serment, intervenue le 18 décembre 2008, et succédant à un contrat de travail en qualité de juriste salariée. 2. Après que le cabinet eut mis fin à son contrat de collaboration le 3 février 2014, Mme F... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris d'une demande de requalification de son contrat de collaboration libérale en contrat de collaboration salariée, à compter du 1er octobre 2008, et de demandes en paiement de diverses sommes et indemnités résultant de cette requalification. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3 Mme F... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de collaboration salariée, alors « qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la procédure est orale ; qu'en matière de procédure orale, seules les conclusions écrites réitérés à l'audience saisissent valablement le juge ; que l'article 144 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, s'il autorise les parties à se faire assister, ne prévoit pas qu'elles puissent se faire représenter ; que, dans ces conditions, dès lors qu'une partie ne comparaît pas à l'audience, la cour d'appel doit considérer que celle-ci n'a pas réitéré ses conclusions écrites et partant que, nonobstant la présence de son avocat, elle ne l'a valablement saisi d'aucun moyen ni d'aucune demande ; qu'en décidant que les conclusions écrites du groupement [...] avait été reprises à l'audience quand il résulte de l'arrêt que ce dernier, qui n'avait pas la faculté d'être représenté, n'a pas comparu à l'audience, la cour d'appel a violé les articles 446-1, 931 et 946, ensemble l'article 144 décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration libérale sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier, à charge d'appel devant la cour d'appel. L'article 144 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 précise que les parties peuvent, à tous les stades de la procédure, être assistées par un avocat. En application de l'article 16 du même décret, le recours devant la cour d'appel est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire. Enfin, aux termes de l'article 931 du code de procédure civile, les parties se défendent elles-mêmes, elles ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant la juridiction dont émane le jugement, et le représentant doit, s'il n'est avocat, justifier d'un pouvoir spécial. 5. Il résulte de la combinaison de ces textes que, lors de l'appel d'une décision d'arbitrage rendue par le bâtonnier, les parties au litige ont la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat, à l'exclusion de toute autre personne. 6. Ayant relevé que les écritures établies par le cabinet, non présent, avaient été reprises à l'audience par son avocat, c'est à bon droit que la cour d'appel a statué sur ces écritures qui la saisissaient valablement. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. Mme F... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de collaboration salariée, alors « que l'avocat salarié est celui qui est lié par un contrat de travail à un autre avocat et dont le lien de subordination est caractérisé notamment par l'impossibilité de développer une clientèle personnelle dans les conditions prévues par l'article 129 du décret du 27 novembre 1991 ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait la demanderesse, si Mme F... n'était pas dans l'impossibilité de développer une clientèle personnelle dès lors que le groupement [...] imposait un objectif de facturation de 2050 heures annuelles, soit de 9 heures facturables par jour, pour pouvoir bénéficier de l'intégralité de la rémunération variable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 129 du décret du 27 novembre 1991. » Réponse de la Cour 9. Après avoir relevé qu'il incombait à Mme F... d'établir qu'il ne lui avait pas été matériellement possible de créer une clientèle personnelle et analysé ses conditions d'exercice au sein du cabinet, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'elle a fait en sorte d'obtenir des résultats suffisants pour gagner une année sur la grille prévue des rémunérations du cabinet, puisqu'en cinquième année, elle percevait une rémunération correspondant normalement à la sixième année et qu'elle ne démontre pas avoir été soumise à une charge de travail telle qu'elle aurait été effectivement empêchée de créer et développer une clientèle personnelle. Il en déduit que l'absence de développement immédiat d'une clientèle personnelle procédait d'un choix de Mme F... de se consacrer aux dossiers du cabinet. 10. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme F... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme F... PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt confirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a décidé que les conclusions écrites du groupement SHEARMN & STERLING avaient été reprises à l'audience, puis rejeté la demande de Mme F... visant à la requalification de son contrat de collaboration libérale en contrat de collaboration salariée ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Le Groupement [...] [ ] représenté et plaidant par Me L... V... T... (p. 1)» ; ET AUX MOTIFS ENSUITE QUE « dans ses dernières écritures du 22 novembre 2017, reprises à l'audience, le cabinet [...] demande à la cour, confirmant la décision du bâtonnier en date du 20 novembre 2014, de : - débouter M... F... de l'ensemble de ses demandes ; en tout état de cause, juger que les conditions d'exercice de son activité professionnelle au sein du cabinet [...] ne lui interdisaient pas de se constituer une clientèle personnelle ; - juger n'y avoir lieu à requalification du contrat de collaboration libérale de l'appelante en contrat de travail ; -juger n'y avoir lieu à prononcer la nullité de la rupture ; - juger n'y avoir lieu à versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ni pour non-respect de la procédure de licenciement ; - juger n'y avoir lieu à paiement d'heures supplémentaires ; - juger n'y avoir lieu à versement de l'indemnité au titre de l'article L. 8223-1 du code du travail ; - juger n'y avoir lieu au versement d'un quelconque complément de rétrocession au titre de l'année 2013 ; - juger l'absence de toute violation par le cabinet [...] d'une quelconque obligation de sécurité résultat et que Mme F... ne justifie en tout état de cause d'aucun préjudice ; - la condamner à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (p. 3)» ALORS QUE en matière de procédure sans représentation obligatoire, la procédure est orale ; qu'en matière de procédure orale, seules les conclusions écrites réitérés à l'audience saisissent valablement le juge ; que l'article 144 décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, s'il autorise les parties à se faire assister, ne prévoit pas qu'elles puissent se faire représenter ; que, dans ces conditions, dès lors qu'une partie ne comparaît pas à l'audience, la cour d'appel doit considérer que celle-ci n'a pas réitéré ses conclusions écrites et partant que, nonobstant la présence de son avocat, elle ne l'a valablement saisi d'aucun moyen ni d'aucune demande ; qu'en décidant que les conclusions écrites du groupement [...] avait été reprises à l'audience quand il résulte de l'arrêt que ce dernier, qui n'avait pas la faculté d'être représenté, n'a pas comparu à l'audience, la cour d'appel a violé les articles 446-1, 931 et 946, ensemble que l'article 144 décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt confirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté la demande de Mme F... visant à la requalification de son contrat de collaboration libérale en contrat de collaboration salariée ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Considérant que le fait que Mme F... ait d'abord été lié à l'intimée par un contrat de travail ne signifie pas que celui-ci ait perduré en l'absence de rupture de celui-ci, dès lors que les parties étaient expressément convenues, selon le contrat signé dès le 8 juillet 2008, qu'un contrat de collaboration libérale entrerait en vigueur dès sa prestation de serment ; qu'ainsi le contrat de travail a pris fin à ce moment pour laisser place à un contrat de collaboration libérale ; Considérant que Mme F... ne peut tirer argument du fait la charte mondiale établie par le siège américain du cabinet l'obligerait à travailler exclusivement pour la clientèle du cabinet alors que les dispositions qui lui sont applicables sont celles de son contrat personnel qui prévoient expressément la possibilité pour elle de disposer du temps nécessaire à la gestion et au développement d'une clientèle personnelle les règles de fonctionnement du cabinet ; Considérant que le fait qu'il existait un nombre non négligeable d'avocats salariés au sein de la structure parisienne, qui ne disposaient pas de la liberté de créer une clientèle personnelle, ne permet pas à Mme F... d'assimiler son cas au leur ; Considérant que pour obtenir la requalification d'un contrat de collaboration libérale en contrat de travail, il faut rapporter la preuve qu'il n'était matériellement pas possible de créer une clientèle personnelle ; Considérant que comme le délégué du bâtonnier l'a justement souligné, la structure parisienne de [...] est une structure comprenant plusieurs dizaines de personnes, ce qui suppose un certain nombre de règles d'organisations ; Considérant que, s'agissant d'une collaboration pour une jeune avocate débutante de 26 ans, il est manifeste que les rapports avec l'avocat qui travaillait avec elle et avait la responsabilité des dossiers du cabinet étaient nécessairement plus proches et indicatifs que ceux d'un avocat chevronné avec le même responsable ; que, de même, il était nécessaire de définir des plages communes, de sorte qu'il n'était pas déraisonnable de prévoir une présence au bureau, à partir de 9h30 ; que le nombre des avocats présents imposait également que les collaborateurs partagent un même bureau à deux ; qu'il était loisible à M... F..., si de telles contraintes, caractéristiques des cabinets anglo-saxons, de faire de tout autres choix ; Considérant que si le contrat ne précisait pas les plages réservées à l'activité de Mme F..., il appartenait à celle-ci d'utiliser ses prérogatives de collaboratrice libérale en indiquant ses plages d'indisponibilité pour parvenir à un emploi du temps harmonieux avec son "patron", Me A..., d'autant que l'équipe au sein de laquelle elle travaillait spécifiquement était restreinte, ne comprenant qu'une autre collaboratrice ; Considérant que Mme F... n'a jamais, comme le souligne le bâtonnier, cherché au cours des années passées chez l'intimée, à faire valoir ses droits, ni demandé quoi que ce soit, de sorte qu'elle ne justifie s'être heurtée à aucun refus ; qu'elle indique elle-même que, à la fin de sa collaboration chez [...], dès qu'elle a parlé de requalification du contrat, Me A... s'est montré plus souple avec elle, de sorte que si l'appelante s'était prévalue plus tôt de ses droits, elle aurait pu obtenir toutes les précisions nécessaires ; Considérant que le système informatique permettait à Mme F... d'enregistrer des temps de travail qui lui étaient personnels ; que l'absence de bureau personnel ne lui interdisait pas de recevoir des clients personnes dans d'autres espaces ; que là encore, elle ne justifie pendant des années d'aucune demande en ce sens et d'aucun refus de l'intimée ; qu'elle ne démontre pas que la charge de travail imposée lui interdisait tout autre travail personnel ; que le fait d'envoyer ou de recevoir des mails le soir, pendant les week-end ou les vacances, loin de caractériser une activité salariée, illustre plutôt l'absence d'horaires stricts de travail du collaborateur libéral; Considérant que Mme F... apparaît avoir fait, comme c'était son droit le plus strict, compte tenu de sa jeunesse dans la profession, le choix de ne pas développer immédiatement de clientèle personnelle et de travailler exclusivement pour le compte de la clientèle du cabinet [...] , s'assurant une rétrocession annuelle de 72 000 euros par an à 26 ans, tout en faisant en sorte d'obtenir ensuite des résultats suffisants pour gagner une année sur la grille prévue des rémunérations du cabinet, puisqu'en cinquième année, elle percevait une rémunération correspondant normalement à la sixième année; Considérant que comme indiqué par le délégué du bâtonnier, la divergence des témoignages des parties ne permet pas de conclure sur la possibilité de développer une clientèle personnelle pour les collaborateurs de M. A..., qui se montrait manifestement très exigeant ; Considérant qu'en définitive, Mme F... ne démontre pas qu'elle était dans l'impossibilité de développer une clientèle personnelle si elle l'avait voulu, de sorte qu'elle doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions ; que la décision du bâtonnier doit être confirmée en toutes ses dispositions » ; ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « sur le fond du litige, tenant en la demande de requalification du contrat de collaboration libérale ayant lié les parties en une collaboration salariée, l'article 14.1 du Règlement intérieur national (RIN.) dispose que « la collaboration libérale est un mode d'exercice professionnel exclusif de tout lien de subordination par lequel un avocat consacre une partie de son activité au cabinet d'un ou plusieurs avocats (...) la collaboration salariée est un mode d'exercice professionnel dans lequel il n'existe de lien de subordination que pour la détermination des conditions de travail (...) le collaborateur salarié ne peut avoir de clientèle personnelle à l'exception de celles des missions de l'aide juridique pour lesquelles il est désigné par le bâtonnier ». Pour sa part, l'article 14.3 du R.I.N. prévoit que l'avocat collaborateur, qu'il soit libéral ou salarié, doit pouvoir exercer dans des conditions garantissant le droit à la formation au titre de la formation permanente et l'acquisition d'une spécialisation, le secret professionnel et l'indépendance qu'implique le serment de l'avocat, la facilité de demander à être déchargé d'une mission contraire à sa conscience et la possibilité pour l'avocat collaborateur libéral de constituer et développer une clientèle professionnelle sans contrepartie financière. A cet égard, ce n'est pas tant l'existence de la clientèle personnelle, ou son importance, mais la faculté laissée au collaborateur de la développer qui doit être appréciée pour déterminer le statut libéral ou salarial de la collaboration. Il s'agit d'un critère qui doit être examiné au cas par cas, étant précisé que le fait pour un collaborateur de ne pas chercher à développer sa propre clientèle peut relever d'un choix personnel indépendant de la possibilité qui lui en est laissée par le cabinet. Ainsi, ce n'est pas l'existence de la clientèle ou son importance qui doit être appréciée pour décider de la qualification à donner au contrat, mais bien la faculté laissée au collaborateur de la créer et de la développer 11 s'agit donc, conformément à une jurisprudence constante, de vérifier uniquement l'effectivité de la possibilité laissée à l'avocat collaborateur libéral de créer et de développer sa clientèle personnelle. Au cas d'espèce, il n'est pas discuté que le contrat de collaboration libérale à temps complet conclu entre les parties prévoit bien expressis verbis la possibilité pour Madame F... de disposer du temps nécessaire à la gestion et au développement d'une clientèle personnelle. A cette fin, le contrat prévoyait que le cabinet mettrait à la disposition de la collaboratrice une installation garantissant le secret professionnel et l'ensemble de ses moyens matériels pour les besoins de la collaboration, mais aussi pour ceux de la création et du développement de sa clientèle personnelle. Par principe, si les dispositions spécifiques au cabinet [...] s'appliquant à l'ensemble des bureaux dans le monde et, partant, à des situations très diverses, ont pu contenir une interdiction, dans certaines circonstances, de traiter des dossiers en dehors de ceux confiés par le cabinet, il est nécessairement dérogé à de telles dispositions par celles impératives régissant la collaboration libérale de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, comme le rappelle le contrat de collaboration libérale conclu entre le cabinet [...] et Madame F..., S'agissant des conditions matérielles de nature à permettre le développement d'une clientèle personnelle par Madame F..., celle-ci ne démontre pas l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de développer une clientèle personnelle : le fait de partager un bureau avec un autre collaborateur n'empêche pas de recevoir un client dans une salle de réunion. L'assertion de la demanderesse tenant en l'absence de confidentialité, à supposer qu'elle puisse être démontrée, ne suffit pas à caractériser l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de faire respecter le secret professionnel auquel elle est tenue ; l'exigence de rationalisation des ressources informatiques du cabinet et la nécessité de se conformer à certaines directives en la matière, tenant avant tout à la sécurité des données confidentielles des clients, n'empêchaient pas Madame F... de gérer et de classer ses propres fichiers informatiques personnels en les enregistrant sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition par le cabinet, dans un ou plusieurs fichiers mentionnés «personnels », et de les protéger par un mot de passe, plus généralement, Madame F... ne démontre pas que la confidentialité s'imposant aux échanges entre l'avocat et son client n'aurait pu trouver à s'appliquer de manière effective, pour ce qui la concerne, à raison des règles de fonctionnement du cabinet [...] ; Madame F... ne conteste d'ailleurs pas avoir disposé des moyens matériels et humains stipulés au contrat de collaboration libérale et permettant la création et le développement d'une clientèle personnelle (secrétariat, fournitures, moyens de communication, salles de réunion, ..) et le traitement de ses dossiers. Le Délégué du Bâtonnier constate que Madame F... n'a formulé aucune critique sur ses conditions de travail pendant près de quatre années. En effet, un avocat collaborateur libéral, juriste de haut niveau, ne saurait avoir attendu aussi longtemps pour déclarer découvrir que sa situation contractuelle ne lui convenait pas et qu'il y avait lieu de requalifier son contrat, alors même que la demanderesse était en droit de solliciter durant toutes ces années les modifications substantielles des conditions de sa collaboration qu'elle aurait souhaitées, si elle l'avait estimé nécessaire. Dans le cadre de sa relation de collaboration avec le cabinet [...] , Madame F... semble en réalité avoir fait le choix de se consacrer avant tout aux dossiers que lui confiait le cabinet en ayant décidé de ne développer sa clientèle personnelle que de manière limitée, choix que le niveau élevé de sa rémunération pouvait justifier. Cette décision délibérée relève en toute hypothèse d'un choix de carrière dont Madame F... ne saurait aujourd'hui raisonnablement chercher, a posteriori, à faire supporter les conséquences au cabinet [...] . Madame F... avait la possibilité de créer et de développer une clientèle personnelle en raison de son haut niveau de compétence, de la notoriété du cabinet où elle travaillait, de son réseau et de sa capacité de travail. En outre, Madame F... ne démontre pas avoir été soumise à une charge de travail telle qu'elle l'aurait effectivement empêchée de créer et de développer une clientèle personnelle. S'agissant des attestations communiquées par les parties, il apparaît qu'elles se contredisent: selon les unes, Madame F... n'aurait pas pu développer de clientèle personnelle et, selon les autres, un tel développement aurait été possible, de sorte que la démonstration de l'interdiction de prospecter pour développer une clientèle personnelle n'est pas faite. La preuve d'un dévouement au cabinet et d'une exclusivité à son profit tels qu'ils auraient rendu impossible toute possibilité de développement d'une clientèle personnelle n'est pas davantage rapportée. S'agissant du lien de subordination, il convient de rappeler que même relevant du statut libéral, l'avocat collaborateur exerce sous l'autorité de l'avocat « patron » avec lequel il travaille. Il s'agit pour celui-ci, associé du cabinet, de prêter son expérience et ses connaissances afin d'aider et d'encadrer le collaborateur qui, en l'espèce, ne justifiait initialement d'aucune expérience et d'assurer sa formation, Madame F... ayant été engagée à l'issue de sa formation professionnelle à l'Ecole de formation du Barreau de Paris. Par ailleurs, Madame F... semble même avoir bénéficié d'une autonomie telle qu'elle avait dû, à un moment donné, faire l'objet d'un suivi plus régulier par l'associé auquel elle était rattachée. Or, le fait de devoir rendre compte régulièrement à l'associé en charge d'un dossier des diligences effectivement accomplies ne caractérise pas un lien de subordination ; il est normal qu'une information permanente et fluide circule entre des personnes appartenant à la même profession et au même cabinet, notamment lorsque le moindre acte est susceptible d'engager la responsabilité du professionnel du droit qu'est l'avocat comme celle du cabinet dont il est associé. Au demeurant, aucun fait précis n'est avancé par Madame F... dont il résulterait qu'elle aurait reçu des instructions qui lui auraient retiré toute indépendance. Tout au contraire, il lui est arrivé d'opposer sa clause de conscience pour ne pas traiter un dossier que le cabinet souhaitait lui confier, situation qui a été acceptée par celui-ci mais qui aurait été constitutive d'insubordination dans une relation de salariat. L'objectif de facturation qui n'a pas toujours été atteint par Madame F... au cours de sa collaboration mais qu'elle invoque comme indice d'une subordination salariée, n'a pas eu de conséquence. Aucune incitation, a fortiori aucune sanction, n'assortissait cette recommandation, comme le démontre la progression constante de la rétrocession d'honoraires perçue par Madame F.... Cet objectif ouvrait uniquement droit, comme le cabinet l'a expliqué, à rémunération complémentaire (« bonus »). Madame F... indique d'ailleurs avoir reporté sur ses fiches de temps informatisées non seulement le temps de travail qu'elle fournissait pour le compte des clients du cabinet dont les dossiers lui étaient confiés mais également celui lié au développement du cabinet en participant à des colloques, en perfectionnant sa formation ou en intervenant lors de manifestations à l'extérieur du cabinet, à ses rendez-vous médicaux et à ses périodes de vacances. L'évaluation annuelle à laquelle tout avocat du cabinet [...] devait se soumettre ne peut pas être davantage considérée comme caractérisant un lien de subordination dès lors qu'elle a pour objectif de faire un point d'étape régulier sur la relation entre l'avocat et le cabinet et sur son projet professionnel, notamment. Spécifiquement, les manuels et codes de bonnes pratiques internes au cabinet [...] que Madame F... cherche à lui opposer répondent au devoir de sécurité et de compétence qui s'impose à tous les avocats, qu'ils soient associés ou collaborateurs et ne portent donc pas atteinte à l'indépendance de l'avocat collaborateur. Dans le même sens, Madame F... ne saurait tirer argument du fait qu'il lui aurait été demandé de se présenter au plus tard dans les locaux du cabinet à 9 heures 30 le matin, Maître I... A... ayant pu se plaindre de constater son absence à cette heure-là. La nécessaire organisation inhérente à une structure telle que [...] dans laquelle travaillent de nombreux avocats e salariés n'est pas suffisante pour caractériser un lien de subordination propre au contrat de travail : le caractère libéral de l'exercice professionnel de l'avocat n'est pas exclusif d'organisation, surtout dans une activité de service en prise avec une clientèle qui attend de ses conseils de pouvoir les joindre et être jointe par téléphone ou par courrier électronique à tout moment, en tous les cas aux heures ouvrables des bureaux pendant lesquelles cette clientèle, essentiellement des personnes morales, est active. Aucune sanction d'aucune sorte n'était d'ailleurs attachée au non-respect de cette invitation à la ponctualité. Enfin, la prise en charge par le cabinet de certains frais ou charges professionnels ne caractériserait pas davantage un état de dépendance ou de subordination, Madame F... ayant conservé à sa charge ses cotisations de retraite et celles de son régime social. Eu égard à l'autonomie dont bénéficiait Madame F... tant dans l'organisation de son travail que dans le suivi des dossiers qui lui étaient confiés, l'existence d'un lien de subordination propre à une relation de collaboration salariée n'est pas davantage démontrée. Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que Madame F... ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle aurait été dans un lien de subordination avec le cabinet [...] ni qu'elle aurait été dans l'impossibilité de constituer et de développer une clientèle personnelle au sein du cabinet, de sorte que l'existence d'une collaboration salariée n'est pas rapportée au cas d'espèce » ; ALORS QUE, l'avocat salarié est celui qui est lié par un contrat de travail à un autre avocat et dont le lien de subordination est caractérisé notamment par l'impossibilité de développer une clientèle personnelle dans les conditions prévues par l'article 129 du décret du 27 novembre 1991 ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait l'exposante (conclusions, p. 11), si Mme F... n'était pas dans l'impossibilité de développer une clientèle personnelle dès lors que le groupement [...] imposait un objectif de facturation de 2050 heures annuelles, soit de 9 heures facturables par jour, pour pouvoir bénéficier de l'intégralité de la rémunération variable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 129 du décret du 27 novembre 1991.
Selon l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration libérale sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier, à charge d'appel devant la cour d'appel. L'article 144 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 précise que les parties peuvent, à tous les stades de la procédure, être assistées par un avocat. En application de l'article 16 du même décret, le recours devant la cour d'appel est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire. Enfin, aux termes de l'article 931 du code de procédure civile, les parties se défendent elles-mêmes, elles ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant la juridiction dont émane le jugement, et le représentant doit, s'il n'est avocat, justifier d'un pouvoir spécial. Il résulte de la combinaison de ces textes que, lors de l'appel d'une décision d'arbitrage rendue par le bâtonnier, les parties au litige ont la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat, à l'exclusion de toute autre personne
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1042 F-P+B+I Pourvoi n° G 19-21.933 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société Celaur, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-21.933 contre l'arrêt n° RG : 16/05467 rendu le 28 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [...] , 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Celaur, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 juin 2019), la société Celaur (la société) a fait l'objet de la part de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, à la suite duquel l'URSSAF lui a notifié une lettre d'observations en date du 24 septembre 2013 portant différents chefs de redressement, puis une mise en demeure, le 19 décembre 2013. La société a également fait l'objet d'un contrôle au titre de la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé pour les années 2009 à 2011 pour lequel l'URSSAF lui a notifié une seconde lettre d'observations, le 24 septembre 2013, puis une mise en demeure, le 20 décembre 2013. 2. La société a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF pour contester les chefs de redressement notifiés ainsi que le travail dissimulé, puis saisi une juridiction de sécurité sociale, le 14 février 2014, d'une opposition à la contrainte émise à son encontre par l'URSSAF, le 3 février 2014, signifiée le 6 février 2014. Examen des moyens Sur les trois premiers moyens et le quatrième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de confirmer le redressement afférent au travail dissimulé, alors « que le redressement n'est pas une punition ; qu'en condamnant l'entreprise au titre du travail dissimulé au constat d'une divergence entre les déclarations annuelles des données sociales (DADS) et les documents comptables, mais sans qu'il en résulte un manque à percevoir des cotisations sociales démontré par l'URSSAF dès lors qu'elles avaient été versées au fur et à mesure en fonction des rémunérations figurant sur les bulletins de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 313-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 8221-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 5. Le défaut d'accomplissement par l'employeur, auprès d'un organisme de recouvrement, de ses obligations déclaratives relatives aux salaires ou aux cotisations sociales, s'apprécie à la date à laquelle les déclarations sont ou auraient dû être transmises à cet organisme, peu important toute régularisation ultérieure. 6. Ayant relevé que l'inspecteur du recouvrement avait constaté des divergences entre les montants des salaires bruts portés sur les DADS des années 2009, 2010 et 2011 et ceux figurant sur les bordereaux récapitulatifs mensuels de cotisations et les tableaux récapitulatifs annuels et que ces différences, sur lesquelles la société ne fournissait aucune explication, correspondaient à une minoration volontaire et substantielle des bases de salaires bruts portées sur les bordereaux récapitulatifs des cotisations adressés à l'organisme du recouvrement, la cour d'appel, qui a fait ressortir que les cotisations sociales n'avaient pas été versées sur l'intégralité des rémunérations figurant sur les bulletins de salaire, en a exactement déduit que l'URSSAF était fondée à procéder à un redressement correspondant à la différence de salaires constatée du fait de cette minoration. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Celaur aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Celaur et la condamne à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Celaur PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'Urssaf Provence- Alpes-Côte d'Azur recevable et fondée en son appel principal ; d'avoir rejeté une exception de nullité de la contrainte du 3 février 2014 pour la somme de 385 276 € ; de l'avoir jugée bien fondée ; d'avoir confirmé le redressement afférent aux indemnités de fin de mission et de congés payés pour la somme de 8 693 € ; d'avoir rejeté le moyen d'annulation tiré d'une erreur matérielle de report relative aux réductions TEPA et Fillon pour la somme de 101 735 € ; d'avoir confirmé le bien-fondé du redressement afférent au travail dissimulé pour la somme de 204 927 € ; et d'avoir condamné la société Celaur au versement au profit de l'Urssaf Provence- Alpes-Côte d'Azur de la somme de 385 276 € au titre de la contrainte signifiée le 6 février 2014 ; aux motifs que lors de l'audience du 14 mai 2019, le représentant de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales PACA a développé oralement le contenu de ses conclusions écrites pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a annulé partiellement les chefs de redressement afférents aux indemnités de fins de mission et de congés payés ainsi qu'à l'erreur matérielle de report relative aux exonérations TEPA et Fillon, voir confirmer le jugement pour le surplus et en conséquence de voir déclarer recevable l'appel par elle relevé, voir confirmer le bien-fondé de la contrainte du 3 février 2014 signifiée le 6 février 2014 pour la somme de 385 000 €, ainsi que le bien-fondé du redressement afférent aux indemnités de fin de mission et des congés payés pour la somme de 8 693 €, le bien-fondé du redressement afférent à l'erreur matérielle de report relative aux exonérations TEPA et Fillon pour la somme de 101 735 €, confirmer le bien-fondé du redressement afférent au travail dissimulé avec verbalisation pour la somme de 204 927 €, voir condamner la société Celaur au versement à son profit de la somme de 385 276 € au titre de la contrainte signifiée le 6 février 2014 ; que sur la recevabilité de l'appel, ce moyen de nullité n'est pas développé dans le dispositif des écritures de la SARL Celaur qui lie seul la cour, mais seulement dans les motifs, la cour observant toutefois que le conseil de la SARL Celaur l'a développé oralement ; que la SARL Celaur dénie au directeur de l'URSSAF PACA le pouvoir de relever appel du jugement ; qu'en application de l'article 21 de l'arrêté du 18 juin 2013 fixant les modèles de statuts des URSSAF dont la circonscription territoriale est régionale, le directeur de cet organisme le représente en justice et dans tous les actes de la vie civile ; qu'il s'établit que la déclaration d'appel a été signée par M. T..., directeur régional adjoint de l'URSSAF PACA, qui avait toute compétence pour ester en justice au nom de l'organisme dont il assure la direction régionale adjointe ; que le document d'appel adressé à la cour est établi avec un en-tête au nom de l'URSSAF PACA et porte le timbre de cet organisme ; que le moyen d'irrecevabilité sera écarté ; 1) alors d'une part que le directeur général de l'Urssaf ou le directeur représente l'organisme en justice et dans tous les actes de la vie civile, mais peut donner mandat à cet effet à certains agents de son organisme ou à un agent d'un autre organisme de sécurité sociale ; qu'en rejetant l'exception de nullité de la déclaration d'appel du directeur régional adjoint qui ne disposait pas de mandat, la cour d'appel a violé l'article L 122-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale ; 2) alors d'autre part que toute partie à une procédure sans représentation obligatoire doit justifier d'un pouvoir spécial ; qu'en statuant sur les moyens d'appel de l'Urssaf, « représentée par Mme S... O... (Autre) en vertu d'un pouvoir général », la cour d'appel a violé les articles 931 du code de procédure civile et L 142-9, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir réintégré les indemnités de paniers, le remboursement de frais de transport, les primes de salissures et les primes de hauteur/heure dans l'assiette de calcul des cotisations sur les primes de précarité et des indemnités de congés payés et confirme le redressement afférent aux indemnités de fin de mission et de congés payés pour la somme de 8693 euros ; aux motifs que, sur les indemnités de précarité de fin de mission et de congés payés, lors des opérations de contrôle, les inspecteurs ont constaté que la SARL Celaur n'avait pas intégré dans l'assiette des indemnités de fin de mission et des indemnités de congés payés, les indemnités de panier soumis, les indemnités de trajet, les primes de salissure et les primes hauteur/heure et que dans la mesure où l'indemnité de fin de mission et l'indemnité de congés payés sont calculées sur la base de 10 % de la rémunération brute perçue, ils ont réintégré dans l'assiette de l'indemnité de fin de mission et de l'assiette des congés payés, 10 % du montant des indemnités paniers soumis et des indemnités de trajet soumis auxquelles a été rajoutée l'indemnité de fin de mission non calculée ; que pour faire droit à la demande de dégrèvement sur ce point de la SARL Celaur, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var a considéré que les indemnités de paniers, les frais de transport, les primes de salissure et les primeurs hauteur/heure étaient des frais professionnels exclus de la notion de salaires bruts ; que la SARL Celaur demande la confir mation sur ce point du jugement et l'appelante la réformation ; que pour procéder au dégrèvement que la SARL Celaur sollicitait, le tribunal a procédé à une confusion entre les frais professionnels exclus de la rémunération brute et donc de l'assiette des cotisations sociales, avec les sommes qu'il convenait de réintégrer dans l'assiette de l'indemnité de fin de mission et de congés payés ; que si les frais professionnels sont en effet exclus de la notion de salaires, il n'en reste pas moins vrai que la rémunération brute servant de base au calcul des indemnités de fin de mission et de congés payés, inclut nécessairement les primes versées au titre des indemnités de panier soumis, des indemnités de trajet, des primes de salissure et des primes hauteur/heure, dès lors que pour l'organisme de recouvrement il convient de déterminer non pas l'assiette des cotisations sociales, mais l'assiette des indemnités de fin de mission et de congés payés afin de les soumettre à cotisations sociales ; que dès lors pour calculer l'indemnité de fin de mission et l'indemnité de congés payés sur la base de la rémunération brute perçue par les salariés, l'URSSAF était en droit de réintégrer 10 % du montant des indemnités de panier soumis, des indemnités de trajet soumis dans l'assiette de l'indemnité de fin de mission et dans l'assiette des indemnités de congés payés ; que réformant le jugement, la cour valide en conséquence le redressement sur ce point ; alors que les indemnités de paniers, le remboursement de frais de transport, les primes de salissures et les primes de hauteur/heure, qui sont des remboursements de frais, n'ont pas la nature de rémunérations ; qu'en validant le redressement de l'Urssaf qui les avait réintégrées pour le calcul des cotisations sur les primes de précarité et les indemnités de congés payés, la cour d'appel a violé l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Celaur de sa demande de rectification du redressement des réductions TEPA et Fillon pour la somme de 101 735 € ; aux motifs que lors de leur vérification, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la SARL Celaur englobait dans la réduction Fillon portée sur les bordereaux récapitulatifs des cotisations et les tableaux récapitulatifs, le montant de la réduction salariale TEPA ainsi que le montant de la déduction patronale TEPA et que les montants indiqués sur les tableaux récapitulatifs ne correspondaient pas à ceux indiqués sur les journaux de cotisations ; qu'en l'absence de justificatifs probants, les inspecteurs du recouvrement ont effectué un redressement correspondant à la différence entre le montant constaté sur les journaux de cotisations et celui porté sur les tableaux récapitulatifs ; que pour faire droit à la demande de la SARL Celaur et accorder un dégrèvement de 30 322 €, le jugement déféré s'est fondé sur un rapport établi, à la demande de la SARL Celaur et réalisé par l'expert A... qui a relevé l'existence d'un écart entre le tableau récapitulatif produit par la société à l'organisme de recouvrement, et correspondant à une différence entre les déductions et réductions réelles issues des journaux de paie de 71 413 € et le redressement calculé par l'organe de recouvrement de 101 735 € créant ainsi un solde positif en faveur de la société s'élevant à 30 322 € ; que ce document qui est en date du 8 juin 2015, est donc postérieur en temps aux opérations de contrôle que l'URSSAF a diligentées d'une part, et d'autre part à la décision de la commission de recours amiable à laquelle il n'a donc pas été soumis ; qu'or l'URSSAF s'est nécessairement fondée pour réaliser le redressement sur les bordereaux de cotisations, les tableaux récapitulatifs et les journaux de cotisations fournis par la SARL Celaur et dont elle a pu apprécier la pertinence et la complétude ; que nul ne sait, dès lors que « l'expertise » A... n'a pas été réalisée au contradictoire de l'URSSAF sur quels éléments celui-ci a pu se déterminer ; que la cour rappelle que ce n'est pas parce que ce document de l'expert A... a été produit aux débats au contradictoire des parties qu'il devient incontestable ; qu'il appartenait en effet à la SARL Celaur de requérir en son temps une mesure d'expertise judiciaire, ce qu'elle n'a au demeurant pas effectué et qu'elle ne sollicite pas davantage précisément, pour asseoir sa contestation au contradictoire de l'organisme de recouvrement ; que ce document est dès lors dénué de valeur et ne peut fonder le dégrèvement que requiert la SARL Celaur, alors même ainsi que cela sera examiné infra, que la SARL Celaur a fait l'objet d'un redressement du chef de travail dissimulé à raison de la discordance entre les DADS et les tableaux récapitulatifs 2009, 2010 et 2011, ce qui est de nature à enlever la pertinence résiduelle que pouvait présenter ce document ; que le jugement sera réformé sur ce point et le redressement validé pour la somme de 101 735 € ; alors que la preuve d'un fait est libre ; qu'en refusant d'analyser une expertise non judiciaire, pour cela qu'elle n'avait pas été réalisée au contradictoire de l'Urssaf, postérieurement aux opérations de contrôle et à la décision de la commission de recours amiable, la cour d'appel a violé l'article R 142-1 du code de la sécurité sociale, les articles 9 et 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 9, § 1, de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales relatif au droit au procès équitable. QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le bien-fondé du redressement afférent au travail dissimulé pour la somme de 204 927 € ; aux motifs propres que lors des opérations de contrôle, les inspecteurs ont relevé que les montants des salaires bruts portés sur les DADS correspondaient aux livres de paie, à la comptabilité et au cumul des journaux de cotisations et que s'il y avait bien concordance entre la DADS 2012 et le tableau récapitulatif 2012, il existait des différences pour les années 2009, 2010 et 2011 entre les DADS, les livres de paie annuels, la comptabilité, le cumul des journaux de cotisations mensuels et les tableaux récapitulatifs, ces différences correspondant selon l'organisme de recouvrement à une minoration volontaire des bases des salaires bruts portés sur les bordereaux récapitulatifs des cotisations et conséquemment des tableaux récapitulatifs, ce qui a conduit l'URSSAF à établir un redressement du chef de travail dissimulé ; que le tribunal a débouté la SARL Celaur de ses divers moyens de contestation et a validé le redressement ; que devant la cour, la SARL Celaur expose que la minoration des déclarations à laquelle elle s'est livrée est indifférente puisque l'intégralité des salaires payés a bien été déclarée et adressée à l'URSSAF ; que cette explication qui n'engage que la SARL Celaur, y compris sur les conséquences de ces discordances qu'elle minimise, n'est aucune justifiée et la SARL Celaur ne fournit aucune explication sur la raison des écarts constatés dont l'URSSAF considère en l'absence de celle-ci, qu'il s'agit dès lors d'une dissimulation volontaire par minoration des salaires bruts déclarés au moyen de bordereaux récapitulatifs des cotisations et tableaux récapitulatifs annuels ; que l'élément intentionnel que conteste la SARL Celaur se déduit nécessairement du caractère volontaire de la minoration intervenue ; que le moyen de prescription du redressement du chef de l'année 2009 argué par la SARL Celaur n'est pas démontré ; que quoique la SARL Celaur conteste le quantum du redressement du chef de ces discordances, elle n'explique aucunement sur quels éléments comptables elle entend se fonder au soutien de sa contestation sur ce point ; qu'il est établi en conséquence que c'est par une juste appréciation des faits de l'espèce que le tribunal aux termes d'un raisonnement qui n'appelle aucune critique a considéré que le redressement était justifié de ce chef ; que la confirmation du jugement sur ce point sera ordonnée ; et aux motifs réputés adoptés que l'URSSAF a procédé à un redressement pour travail dissimulé au motif qu'il existait une discordance entre les DADS et les tableaux récapitulatifs 2009, 2010 et 2011, ce qui serait contraire aux dispositions des articles L. 8821-3 et L. 8821-5 du code du travail ; que les inspecteurs ont constaté que les différences entre les DADS, les livres de paie annuels, la comptabilité, le cumul des journaux de cotisations mensuels et les tableaux récapitulatifs correspondant au cumul des bordereaux récapitulatifs des cotisations, correspondaient à une minoration volontaire des bases de salaires bruts portés sur les bordereaux récapitulatifs des cotisations et par là même des tableaux récapitulatifs ; qu'un procès-verbal pour travail dissimulé a été dressé pour minoration volontaire des déclarations périodiques et le redressement a été opéré au titre des trois années sur la base de 240 015 € pour 2009, de 69 001 € pour 2010 et 100 001 € pour 2011 ; qu'au soutien de sa contestation, la SARL Celaur prétend que le procès-verbal qui constitue le support de travail dissimulé aurait été signé par l'un des co-gérants sous la contrainte, ce qui le rendrait dépourvu de toute valeur ; qu'en l'absence de preuve de cette allégation, ce moyen est inopérant ; que la SARL Celaur estime que le travail dissimulé n'est pas constitué en ce que l'URSSAF fonde ses redressements relatifs aux années 2009, 2010 et 2011 sur des textes qui n'étaient pas encore applicables puisqu'ayant été modifiés en 2011 ; qu'elle retranscrit les articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail tels qu'ils étaient avant leur modification en 2011 pour justifier du fait que la SARL Celaur était parfaitement immatriculée et que les déclarations avaient toutes été faites et elle estime que s'il existait une discordance entre les bordereaux récapitulatifs et les DADS, cela prouvait bien que l'intégralité des salaires payés avait été déclarée sur au moins l'un de ces documents ; qu'enfin, la SARL Celaur ajoute que toutes les déclarations d'embauche ont été effectuées et que les bulletins de paie ont toujours été remis aux salariés et ont toujours mentionné le nombre exact d'heures accomplies par les salariés ; que le fait de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement est réputé travail dissimulé en application de l'article L. 8221-5 du code du travail depuis la loi du 16 juin 2011 ; qu'il est constant que la minoration volontaire des déclarations périodiques est assimilable, pour les sommes non déclarées, à un défaut de production des déclarations obligatoires et que l'intentionnalité de la dissimulation est établie notamment par le caractère substantiel de la minoration pratiquée, ce qui est le cas en l'espèce au regard du montant de l'assiette réintégrée par l'URSSAF ; qu'en application de l'article L. 8221-3 du code du travail, le fait de ne pas avoir procédé aux déclarations obligatoires aux organismes de protection sociale en vertu des dispositions légales en vigueur constitue un travail dissimulé par dissimulation d'activité ; que dès lors, avant le 22 décembre 2010, le défaut de production et/ou la minoration des BRC et des DADS était constitutif de dissimulation d'activité et depuis le 22 décembre 2010, cette omission constitue l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ; qu'il s'ensuit que le redressement est justifié de ce chef ; 1) alors d'une part que les arrêts qui ne sont pas motivés sont déclarés nuls, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en négligeant de répondre aux conclusions de la société Celaur faisant valoir que le gérant avait signé un procès-verbal sous la pression, et soulevait un moyen d'annulation subsidiaire tiré du caractère erroné de l'assiette du redressement et un moyen tiré de la prescription de l'année 2009 dont la cour d'appel a jugé qu'il « n'est pas démontré », sans le résumer, ce qui ne permet pas à la Cour de cassation de vérifier si la règle de droit a été correctement appliquée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2) alors d'autre part que le redressement n'est pas une punition ; qu'en condamnant l'entreprise au titre du travail dissimulé au constat d'une divergence entre les déclarations annuelles des données sociales (DADS) et les documents comptables, mais sans qu'il en résulte un manque à percevoir des cotisations sociales démontré par l'Urssaf dès lors qu'elles avaient été versées au fur et à mesure en fonction des rémunérations figurant sur les bulletins de salaire, la cour d'appel a violé l'article L 313-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L 8221-3 du code du travail.
Il résulte des articles L. 241-8 et L. 243-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil qu'il appartient à l'employeur, seul redevable des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié de rapporter, notamment par la production de pièces comptables, la preuve du paiement de celles-ci
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1044 F-P+B+I Pourvoi n° J 19-22.647 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société Greystal, société anonyme, dont le siège est complexe industriel de Méron, 49260 Montreuil-Bellay, anciennement dénommée société Euramax industries, a formé le pourvoi n° J 19-22.647 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : accidents du travail (B)), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire, dont le siège est 32 rue Louis Gain, 49937 Angers cedex 09, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Greystal, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 27 juin 2019), la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire ayant fixé, par décision du 26 juin 2013, le taux d'incapacité permanente partielle de Mme I... (la victime), salariée de la société Euramax industries, devenue société Greystal (la société), reconnue atteinte d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 57, la société a saisi d'un recours une juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours, alors : « 1°/ que, selon l'article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable, la décision motivée par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit, est immédiatement notifiée par la caisse primaire, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l'accident ; que, selon l'article R. 143-7 du même code, le recours contre la décision de la caisse doit être présenté devant le tribunal du contentieux de l'incapacité dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, laquelle doit être assortie, à peine d'inopposabilité du délai, de la mention des voies et délais de recours ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable le recours de la société exposante qu'il importe peu que l'article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale ne régisse pas les notifications concernant les maladies professionnelles ; qu'en l'espèce la décision attaquée avait été régulièrement notifiée le 27 juin 2013 ainsi qu'en fait foi l'avis de réception postal au dossier, que, nonobstant les mentions relatives aux voies et délais de recours indiquées sur cette décision, le recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité n'a été formé que par lettre du 27 mars 2015, soit après le délai de deux mois prévu à l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale et qu'aucun fait constitutif de la force majeure, susceptible de relever l'appelante de la forclusion encourue, n'est invoqué alors qu'il résultait des constatations de la cour que la victime avait été prise en charge au titre d'une maladie professionnelle et que la décision, qui visait expressément l'article R. 434-32 du sécurité sociale, n'avait pas été notifiée à la société dans les conditions prévues par l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 2°/ qu'en toute hypothèse, aucun texte ne prévoit la notification à l'employeur de la décision d'attribuer un taux d'IPP ensuite d'une maladie professionnelle ; que l'information donnée à la société exposante par la caisse ne constituait pas une notification et ne faisait pas courir contre elle le délai de recours de deux mois prévu par l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les des articles R. 143-7 et R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige. » Réponse de la Cour 3. Selon l'article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, la décision motivée par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit, est immédiatement notifiée par la caisse primaire, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l'accident. Selon l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, le recours contre la décision de la caisse doit être présenté devant le tribunal du contentieux de l'incapacité dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, laquelle doit être assortie, à peine d'inopposabilité du délai, de la mention des voies et délais de recours. 4. Ayant relevé que la caisse avait notifié la décision fixant le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, reconnue atteinte d'une maladie professionnelle, à la société qui l'avait reçue le 27 juin 2013 ainsi qu'en faisait foi l'avis de réception postal versé au dossier, que la lettre portait mention du délai de forclusion ainsi que de l'identité de l'organisme compétent pour recevoir la requête et qu'aucun fait constitutif de la force majeure n'était invoqué, la Cour nationale en a exactement déduit que la décision litigieuse avait été régulièrement notifiée dans les conditions de l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale et que le recours formé le 27 mars 2015 par la société était irrecevable comme hors délai, peu important que le troisième alinéa de l'article R. 434-32 du même code ne soit pas applicable à la notification de cette décision. 5. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Greystal aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Greystal et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Greystal, anciennement dénommée Euramax industries - IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable en la forme le recours de la société Euramax Industries, celui-ci ayant été formé en dehors du délai prévu à l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale. - AU MOTIF QUE qu'aux termes de l'article R. 143-7 alinéa 2 du code de la sécurité sociale : Le recours contre la décision de la caisse doit être présenté dans le délai de deux mois à compter de la date de la notification de cette décision ; Considérant encore qu'en application des dispositions de l'article R. 143-31 du code de la sécurité sociale, la forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si la notification de la décision contre laquelle ils forment ou interjettent appel porte mention du délai de forclusion avec indication de l'organisme compétent pour recevoir la requête ; Considérant en l'espèce que la notification par lettre recommandée avec accusé de réception a date certaine ; Qu'elle porte mention du délai de forclusion ainsi que l'identité de l'organisme compétent pour recevoir la requête ; Qu'il importe peu que l'article R. 434-32 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ne régisse pas les notifications concernant les maladies professionnelles ; Considérant, en l'espèce, que la décision attaquée a été régulièrement notifiée le 27 juin 2013 ainsi qu'en fait foi l'avis de réception postal au dossier et que, nonobstant les mentions relatives aux voies et délais de recours indiquées sur cette décision, le recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité n'a été formé que par lettre du 27 mars 2015, soit après le délai de deux mois prévu à l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale ; Considérant qu'aucun fait constitutif de la force majeure, susceptible de relever l'appelante de la forclusion encourue, n'est invoqué ; Que le recours formé le 27 mars 2015 par la société Euramax industries est donc irrecevable ; Qu'en conséquence il y a lieu de confirmer le jugement 1°)- ALORS QUE selon l'article R. 434-32 alinéa 3 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable, la décision motivée par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit, est immédiatement notifiée par la caisse primaire, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l'accident ; que, selon l'article R. 143-7 du même code, le recours contre la décision de la caisse doit être présenté devant le tribunal du contentieux de l'incapacité dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, laquelle doit être assortie, à peine d'inopposabilité du délai, de la mention des voies et délais de recours ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable le recours de la société exposante qu'il importe peu que l'article R. 434-32 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ne régisse pas les notifications concernant les maladies professionnelles ; qu'en l'espèce la décision attaquée avait été régulièrement notifiée le 27 juin 2013 ainsi qu'en fait foi l'avis de réception postal au dossier, que, nonobstant les mentions relatives aux voies et délais de recours indiquées sur cette décision, le recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité n'a été formé que par lettre du 27 mars 2015, soit après le délai de deux mois prévu à l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale et qu'aucun fait constitutif de la force majeure, susceptible de relever l'appelante de la forclusion encourue, n'est invoqué alors qu'il résultait des constatations de la cour que la victime avait été prise en charge au titre d'une maladie professionnelle (cf arrêt p 6 § 2) et que la décision, qui visait expressément l'article R. 434-32 du sécurité sociale, n'avait pas été notifiée à la société dans les conditions prévues par l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; - ALORS QUE D'AUTRE PART et en toute hypothèse, aucun texte ne prévoit la notification à l'employeur de la décision d'attribuer un taux d'IPP ensuite d'une maladie professionnelle ; que l'information donnée à la société exposante par la caisse ne constituait pas une notification et ne faisait pas courir contre elle le délai de recours de deux mois prévu par l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les des articles R. 143-7 et R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige.
Selon l'article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, la décision motivée par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit, est immédiatement notifiée par la caisse primaire, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l'accident. Selon l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, le recours contre la décision de la caisse doit être présenté devant le tribunal du contentieux de l'incapacité dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, laquelle doit être assortie, à peine d'inopposabilité du délai, de la mention des voies et délais de recours. Par suite, est irrecevable comme hors délai le recours contre la décision d'une caisse primaire d'assurance maladie fixant le taux d'incapacité permanente partielle d'une victime, reconnue atteinte d'une maladie professionnelle, formé par un employeur plus de deux mois après la notification régulière à celui-ci de la décision, peu important que les dispositions du premier de ces textes ne soient pas applicables à la notification de cette décision
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1053 F-P+B+I Pourvoi n° C 19-21.928 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 Mme T... F..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° C 19-21.928 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Ile-de-France, dont le siège est département des contentieux amiables et judiciaires, D 123, TSA 80028, 93518 Montreuil cedex, 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, dont le siège est 14 avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme F..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Ile-de-France, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2019), associée, jusqu'au 15 décembre 2011, au sein d'un cabinet d'avocats constitué sous la forme d'une société civile professionnelle, Mme F... (la cotisante) a sollicité auprès de l'URSSAF Ile-de-France (l'URSSAF) le remboursement des cotisations et contributions sociales réglées par elle au titre de l'année 2011, au motif que s'étant retirée de la société à la fin de la clôture de l'exercice, elle n'était pas, pour l'année considérée, soumise à l'impôt sur le revenu sur la quote-part des bénéfices qui lui avait été attribuée. 2. L'URSSAF ayant refusé de faire droit à sa demande, la cotisante a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La cotisante fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ que la quote-part des bénéfices perçus, au cours d'une année donnée, par l'associé d'une société civile professionnelle d'avocats non soumise à l'impôt sur les sociétés, qui se retire de la structure avant le 31 décembre de l'année en cause, ne constitue pas un revenu d'activité professionnelle retenu pour le calcul de son impôt sur le revenu et n'est par conséquent pas intégrée dans l'assiette de calcul des cotisations sociales dues par cet associé au titre de l'année du retrait ; qu'en retenant au contraire que les bénéfices litigieux devraient être pris en considération pour le calcul de l'impôt sur le revenu – et, par voie de conséquence, dans l'assiette de calcul des cotisations sociales du travailleur indépendant en cause – même s'ils n'étaient pas eux-mêmes assujettis à cet impôt, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles L. 131-6 et L. 136-3 du code de la sécurité sociale et, par refus d'application, les articles 8 ter, 12 et 93 B du code général des impôts ; 2°/ que l'absence d'assujettissement à l'impôt sur le revenu d'un travailleur indépendant du chef des bénéfices perçus au cours d'un exercice justifie, à soi seule, l'absence de prise en considération des sommes concernées dans l'assiette de calcul de ses cotisations sociales, peu important que les sommes en cause n'aient pas été déclarées à l'administration fiscale ou que cette dernière n'ait pas pris à leur égard de décision d'exclusion, déduction, abattement ou exonération ; qu'en retenant néanmoins que l'absence de déclaration des sommes concernées par le travailleur indépendant à l'administration fiscale, et l'absence consécutive de décision d'exclusion ou de déduction prise par cette dernière, interdiraient à l'intéressé de faire valoir que ces sommes n'avaient pas été retenues pour le calcul de son impôt et qu'elles ne devaient donc pas non plus être intégrées à l'assiette de ses cotisations sociales, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés ; 3°/ que l'absence d'assujettissement à l'impôt sur le revenu d'un travailleur indépendant du chef des bénéfices perçus au cours d'un exercice justifie, à soi seule, l'absence de prise en considération des sommes concernées dans l'assiette de calcul de ses cotisations sociales ; qu'en retenant pourtant, pour débouter la cotisante de sa demande en remboursement des cotisations sociales provisionnelles versées par elle au titre de l'année 2011, qu'il n'y avait lieu à application de règles fiscales que pour le calcul du revenu d'activité non salariée proprement dite, indépendamment de l'application de la règle d'assiette propre au droit de la sécurité sociale, et que le sort fiscal des sommes perçues par la cotisante était indifférent à la détermination de l'assiette des cotisations sociales dues par elle, quand ce sort n'était pas indifférent, dès lors que les sommes n'étaient pas imposables entre ses mains mais entre celles des associés présents dans la société civile professionnelle d'avocats au 31 décembre 2011, la cour d'appel a de plus fort violé les textes susmentionnés. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, le revenu professionnel pris en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations personnelles d'assurance maladie et maternité et d'allocations familiales des travailleurs indépendants non agricoles est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu avant application des déductions, abattements et exonérations mentionnés aux dispositions du code général des impôts qu'il énumère. 5. Selon l'article L. 136-3 du même code, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, la contribution sociale due au titre de la contribution sociale généralisée par les travailleurs indépendants non agricoles sur les revenus d'activité est assise sur les revenus déterminés par application des dispositions de l'article L. 131-6. 6. Selon l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée, dans sa rédaction applicable au litige, la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement perçue au titre de la contribution pour le remboursement de la dette sociale est assise sur les revenus visés et dans les conditions prévues, notamment, aux articles L. 136-2 à L. 136-4 du code de la sécurité sociale. 7. Ayant constaté qu'une certaine somme avait été attribuée à la cotisante au titre des bénéfices résultant de son activité d'avocate associée pour la période comprise entre le 1er janvier et le 15 décembre 2011, ce dont il ressortait que cette somme présentait le caractère d'un revenu professionnel non salarié retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, au sens de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a exactement déduit que ce revenu entrait dans l'assiette des cotisations et contributions litigieuses, indépendamment des règles fiscales régissant la répartition du bénéfice imposable entre les associés. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme F... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme F... Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté l'intégralité des demandes de madame F... ; AUX MOTIFS PROPRES QUE madame T... F..., avocate, avait quitté le cabinet d'avocats Orrick-Rambaud-Martel dans lequel elle était associée le 15 décembre 2011 et avait adressé le 11 mars 2013 à l'Urssaf de Paris-Région parisienne une déclaration rectificative de revenus pour 2011 au motif qu'ayant quitté la société avant la clôture de l'exercice et à défaut d'option conclue avec les associés pour une taxation immédiate, la quote-part de résultat qui lui avait été attribuée au titre de l'année de retrait n'était pas imposable et donc non soumise à cotisations sociales ; que madame F... avait donc demandé le remboursement des cotisations provisionnelles pour 2011 déjà versées, qui lui avait été refusé par lettre du 5 mai 2014 par l'Urssaf ; qu'aux termes de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses : « Les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles sont assises sur le revenu d'activité non salarié. Ce revenu est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu [ ] » ; que l'article L. 131-6-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date, disposait que : « Les cotisations sont dues annuellement. Elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés. / Lorsque le revenu d'activité est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation [ ] » ; qu'en l'espèce, la question portait sur l'assiette du calcul des cotisations sociales dues par madame F... ; que celle-ci faisait valoir qu'elle n'avait pas à déclarer à l'administration fiscale les bénéfices perçus au cours de son année de retrait avant la clôture de l'exercice et que dès lors, ces revenus ne devaient pas être soumis à cotisations sociales ; que cependant, si l'article L. 131-6 se référait expressément au revenu professionnel retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, il n'y avait pas lieu pour l'Urssaf de tenir compte des abattements, déductions et exonérations mentionnés au code général des impôts ; qu'ainsi les bénéfices litigieux devaient être pris en considération pour le calcul du montant de l'impôt sur le revenu même s'ils n'étaient pas eux-mêmes assujettis à cet impôt ; qu'il était de jurisprudence constante que la circonstance que ces revenus n'étaient pas soumis à l'impôt n'excluait pas leur assujettissement aux cotisations sociales ; qu'il y avait donc lieu par ces motifs de confirmer le jugement déféré (arrêt, p. 3) ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QU'aux termes des dispositions de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, « les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles ne relevant pas du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du présent code sont assises sur leur revenu d'activité non salarié. / Ce revenu est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu. sans qu'il soit tenu compte des plus-values et moins-values professionnelles à long terme, des reports déficitaires, des exonérations, du coefficient multiplicateur mentionné au 7 de l'article 158 du code général des impôts et des déductions à effectuer du chef des frais professionnels et des frais, droits et intérêts d'emprunt prévues aux deuxième et dernier alinéas du 3° de l'article 83 de ce code » ; que les cotisations calculées sur le revenu professionnel s'entendaient du revenu professionnel retenu pour le calcul et l'établissement de l'impôt, tel qu'évalué par l'administration fiscale ; qu'il était de jurisprudence constante que les déductions propres à la législation fiscale étaient sans incidences sur l'assiette de cotisations sociales dues par les travailleurs indépendants avant déductions, abattements et exonérations mentionnés au code général des impôts ; qu'il ressortait de la jurisprudence de la Cour de cassation que la définition du revenu d'activité non salarié procédait de l'interprétation et de l'application autonomes des dispositions de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale (Cass 2ème civile 27 novembre 2014 n°13- 26.022) ; qu'il s'en évinçait qu'il n'y avait lieu à application de règles fiscales que pour le calcul du revenu d'activité non salariée proprement dite, indépendamment de l'application de la règle d'assiette propre au droit de la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, madame F... avait bénéficié d'un revenu de 404 674 € au titre de ses dividendes d'associé de société civile professionnelle au titre de son activité non salariée entre le 1er janvier 2011 et le 15 décembre 2011, date à laquelle elle avait quitté cette société ; qu'elle déclarait ne pas avoir établi d'option conjointe pour une taxation immédiate entre ses mains, mais n'en justifiait pas, ne produisant ni la sentence arbitrale ni l'acte de cession subséquent à cette sentence ; qu'elle précisait qu'elle avait effectué une première déclaration puis une déclaration rectificative en ne reportant pas les revenus correspondant à sa quote-part de résultat et déclarait que les revenus de 407 674 € n'avaient pas été imposés au titre de l'année 2011, conduisant à les exclure de l'assiette de cotisations ; qu'elle indiquait dans ses écritures (saisine du TASS) que n'étant pas associée de la société de personne à la clôture d'exercice, la quote-part de résultat qui lui avait été attribuée au titre de l'année de retrait ne devait pas être imposable entre ses mains, et qu'en conséquence, elle « n'a[vait] pas reporté ces revenus dans sa déclaration générale de revenus 2011 » ; que madame F... produisait un avis d'imposition dont il ne ressortait pas qu'elle ait mentionné la somme de 407 674 € dans sa déclaration initiale et/ou rectificative avec les éléments justifiant le cas échéant l'exclusion de ces revenus dans le calcul de l'impôt après décision de l'administration fiscale, la déclaration produite mentionnant un bénéfice « 0 » dans la case « QA » en page 4 de la déclaration ; que madame F... ne pouvait prétendre que le revenu de 407 674 € n'avait pas été retenu pour le calcul et l'établissement de l'impôt alors qu'il n'avait pas été présenté dans sa déclaration fiscale et ne pouvait donc faire l'objet d'une exclusion ou déduction du revenu professionnel imposable par décision de l'administration fiscale ; que la quote-part de résultat attribuée à madame F... au titre de l'année de retrait, non déclarée n'avait pu être prise en compte dans le calcul de l'impôt ; que compte tenu de l'interprétation et de l'application autonomes des dispositions de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale par la Cour de cassation, les revenus de 407 674 € devaient être retenus dans l'assiette des cotisations, indépendamment du sort fiscal de ces éléments de revenus ; que le calcul n'en avait pas été contesté ; qu'il y avait lieu en conséquence de rejeter la demande de remboursement de madame T... F... ; que ses autres demandes seraient rejetées (jugement, pp. 5-6, soulignements d'origine) ; ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE la quote-part des bénéfices perçus, au cours d'une année donnée, par l'associé d'une société civile professionnelle d'avocats non soumise à l'impôt sur les sociétés, qui se retire de la structure avant le 31 décembre de l'année en cause, ne constitue pas un revenu d'activité professionnelle retenu pour le calcul de son impôt sur le revenu et n'est par conséquent pas intégrée dans l'assiette de calcul des cotisations sociales dues par cet associé au titre de l'année du retrait ; qu'en retenant au contraire que les bénéfices litigieux devraient être pris en considération pour le calcul de l'impôt sur le revenu – et, par voie de conséquence, dans l'assiette de calcul des cotisations sociales du travailleur indépendant en cause – même s'ils n'étaient pas eux-mêmes assujettis à cet impôt, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles L. 131-6 et L. 136-3 du code de la sécurité sociale du code de la sécurité sociale et, par refus d'application, les articles 8 ter, 12 et 93 B du code général des impôts ; ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QUE l'absence d'assujettissement à l'impôt sur le revenu d'un travailleur indépendant du chef des bénéfices perçus au cours d'un exercice justifie, à soi seule, l'absence de prise en considération des sommes concernées dans l'assiette de calcul de ses cotisations sociales, peu important que les sommes en cause n'aient pas été déclarées à l'administration fiscale ou que cette dernière n'ait pas pris à leur égard de décision d'exclusion, déduction, abattement ou exonération ; qu'en retenant néanmoins que l'absence de déclaration des sommes concernées par le travailleur indépendant à l'administration fiscale, et l'absence consécutive de décision d'exclusion ou de déduction prise par cette dernière, interdiraient à l'intéressé de faire valoir que ces sommes n'avaient pas été retenues pour le calcul de son impôt et qu'elles ne devaient donc pas non plus être intégrées à l'assiette de ses cotisations sociales, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés ; ALORS, EN TROISIÈME LIEU, QUE l'absence d'assujettissement à l'impôt sur le revenu d'un travailleur indépendant du chef des bénéfices perçus au cours d'un exercice justifie, à soi seule, l'absence de prise en considération des sommes concernées dans l'assiette de calcul de ses cotisations sociales ; qu'en retenant pourtant, pour débouter madame F... de sa demande en remboursement des cotisations sociales provisionnelles versées par elle au titre de l'année 2011, qu'il n'y avait lieu à application de règles fiscales que pour le calcul du revenu d'activité non salariée proprement dite, indépendamment de l'application de la règle d'assiette propre au droit de la sécurité sociale, et que le sort fiscal des sommes perçues par madame F... était indifférent à la détermination de l'assiette des cotisations sociales dues par elle, quand ce sort n'était pas indifférent, dès lors que les sommes n'étaient pas imposables entre ses mains mais entre celles des associés présents dans la société civile professionnelle d'avocats au 31 décembre 2011, la cour d'appel a de plus fort violé les textes susmentionnés.
Entrent dans l'assiette des cotisations et contributions sociales prévues par les articles L. 131-6, L. 136-3 du code de la sécurité sociale, 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée, dans leur rédaction applicable au litige, les sommes attribuées à une ancienne avocate associée au titre des bénéfices résultant de cette activité, indépendamment des règles fiscales régissant la répartition du bénéfice imposable entre associés
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1055 F-P+B+I Pourvoi n° Z 19-14.473 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 M. N... D..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-14.473 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. D..., et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 29 janvier 2019) et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard (la caisse) a notifié, le 6 novembre 2014, à M. D..., chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale (le praticien), un indu, pour la période allant du 1er juin 2012 au 30 mai 2014, portant sur des actes de soins conservateurs et de chirurgie dentaire cotés SC 12 et DC 30, au motif que ces actes seraient incompatibles avec sa spécialité. 2. Le praticien a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen Enoncé du moyen 3. Le praticien fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que l'article 5 du chapitre VI du titre III de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels, relatif aux examens d'orthopédie dento-faciale, dans sa rédaction applicable en la cause, n'exclut pas le remboursement par la caisse des soins de dents et gencives énumérés par le chapitre VII de la même nomenclature, et rendus nécessaires par le traitement d'orthopédie dento-faciale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu « qu'aux termes d'une circulaire en date du 10 avril 1987, la caisse, après avoir relevé que « s'appuyant sur l'engagement pris par les orthodontistes, lors de leur demande d'inscription sur la liste des spécialistes qualifiés, de renoncer librement à l'exercice de toute autre discipline et notamment celle de la chirurgie, le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes a traduit, dans sa décision du 30 juin 1986, que la chirurgie, comme l'endodontie ou la prothèse, n'étaient plus du domaine du spécialiste qualifié en ODF », et que « le conseil national de l'ordre a précisé récemment la portée de cet engagement, à savoir que les interventions chirurgicales, de la compétence du chirurgien-dentiste et que connaissent un temps orthodontique, appropriées au traitement et au cours de celui-ci, n'entrent pas dans le champ des restrictions », a dit que « les interventions chirurgicales liées à un traitement orthodontique, effectuées dans les conditions ci-dessus rappelées, par un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en ODF, seront honorées en sus de la cotation du traitement orthodontique », et que ce n'était que « depuis le 1er juin 2014, (que) les soins dentaires ne figurent plus au sein de la NGAP, mais sont désormais détaillés à la Classification commune des actes médicaux, les actes et traitements d'orthodontie continuant en revanche à être définis par la NGAP » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 26 décembre 1984. » Réponse de la Cour Sur le moyen relevé d'office 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 162-9 du code de la sécurité sociale et 2.1 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, dans leur rédaction applicable à la date des soins litigieux : 5. Selon le premier de ces textes, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux sont définis par des conventions nationales conclues entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de chacune de ces professions. Ces conventions déterminent, notamment, les obligations des caisses primaires d'assurance maladie et celles des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux. 6. Selon le second, les soins conservateurs ainsi que les actes autres que d'orthopédie dento-faciale, d'obturations dentaires définitives, de traitement des parodontoses et de prothèse dentaire, pratiqués par le chirurgien-dentiste, font l'objet, respectivement, des lettres clés SC et D ou DC. La lettre clé DC est utilisée par le chirurgien-dentiste pour les actes affectés de la lettre clé KC à la deuxième partie de la nomenclature. 7. Pour l'application de ces dispositions, qui seules régissent la tarification et la prise en charge des soins par l'assurance maladie, le chirurgien-dentiste doit s'entendre, à la fois, du chirurgien-dentiste omnipraticien et du chirurgien-dentiste spécialiste qualifié. 8. Il en découle que sont remboursables par l'assurance maladie les actes cotés SC et DC pratiqués par un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale, dès lors que ces actes sont accomplis pour les nécessités du traitement relevant de sa spécialité. 9. Pour confirmer le bien-fondé de l'indu réclamé par la caisse, l'arrêt retient essentiellement qu'il ressort de la nomenclature générale des actes professionnels que les actes qui relèvent de la spécialité du praticien sont ceux définis à l'article 5 du chapitre VI du titre III, ce texte encadrant le périmètre exclusif de l'activité qu'il peut opposer à l'assurance maladie, et que force est de constater que les actes litigieux facturés n'y figurent pas. L'arrêt énonce que conformément aux dispositions de l'arrêté du 26 décembre 1984, l'intéressé, qui est inscrit en qualité de chirurgien-dentiste spécialiste en orthopédie dento-faciale depuis 1985, ne peut facturer à la caisse que les seuls actes relevant de la discipline pour laquelle il est qualifié chirurgien-dentiste spécialiste. Il en déduit que les actes cotés SC12 et DC30 litigieux ne relevant pas de façon exclusive de sa spécialité, s'ils pouvaient être réalisés à son initiative notamment dans un but thérapeutique, ne pouvaient pas cependant faire l'objet d'un remboursement par la caisse. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation Vu l'article 624 du code de procédure civile : 11. La cassation à intervenir, qui affecte le chef de dispositif confirmant la décision de la commission de recours amiable de la caisse, entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif se rapportant au rejet de la demande en dommages-intérêts. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Gard aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Gard à payer à M. D... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. D... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 17 juin 2015, et débouté M. D... de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'indu : l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, dispose que : « En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation : 1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L ; L. 165-1, L ; 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6 ; 2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 321-1, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement. Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés. Lorsque le professionnel ou l'établissement faisant l'objet de la notification d'indu est également débiteur à l'égard de l'assuré ou de son organisme complémentaire, l'organisme de prise en charge peut récupérer la totalité de l'indu. Il restitue à l'assuré et, le cas échéant, à son organisme complémentaire les montants qu'ils ont versés à tort. L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations ( ) » ; qu'il résulte de l'article 1 de l'arrêté du 26 décembre 1984 relatif à la qualification des chirurgiens dentistes spécialistes au regard de l'assurance maladie que : « sont considérés comme chirurgiens dentistes spécialistes qualifiés au regard de l'assurance maladie à la condition qu'ils exercent exclusivement la discipline pour laquelle ils ont été qualifiés, les chirurgiens dentistes à qui a été reconnu en vertu de l'article 13 du code de la déontologie des chirurgiens dentistes, et pour la discipline « orthopédie dento faciale » visée au règlement relatif à la qualification annexé à l'arrêté du 19 novembre 1980 le droit de faire état de la qualité de chirurgien dentiste spécialiste » ; qu'aux termes d'une circulaire en date du 10 avril 1987, la CPAM, après avoir relevé que « s'appuyant sur l'engagement pris par les orthodontistes, lors de leur demande d'inscription sur la liste des spécialistes qualifiés, de renoncer librement à l'exercice de toute autre discipline et notamment celle de la chirurgie, le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes a traduit, dans sa décision du 30 juin 1986, que la chirurgie, comme l'endodontie ou la prothèse, n'étaient plus du domaine du spécialiste qualifié en ODF », et que « le conseil national de l'ordre a précisé récemment la portée de cet engagement, à savoir que les interventions chirurgicales, de la compétence du chirurgien-dentiste et que connaissent un temps orthodontique, appropriées au traitement et au cours de celui-ci, n'entrent pas dans le champ des restrictions », a dit que « les interventions chirurgicales liées à un traitement orthodontique, effectuées dans les conditions ci-dessus rappelées, par un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en ODF, seront honorées en sus de la cotation du traitement orthodontique » ; que la NGAP (nomenclature générale des actes professionnels » dans sa rédaction applicable à la période visée par l'indu, qui fixe les règles d'utilisation des différentes cotations et les conditions de prise en charge des actes par les caisses d'assurance maladie et est d'application stricte, distinguait les soins relevant de la spécialité ODF des soins dentaires ; que c'est ainsi que les soins spécialisés en orthodontie, classés TO ou ORT, figurent sous le chapitre VI intitulé « Maxiliaire » - article 5 « Orthopédie dento-faciale », alors que les soins de chirurgie-dentaire étaient jusqu'en mai 2014 classés pour l'essentiel, sous le chapitre VII « Dents, gencives » en SC ou SCM (soins conservateurs) et DC ou KC (soins chirurgicaux) ; que depuis le 1er juin 2014, les soins dentaires ne figurent plus au sein de la NGAP, mais sont désormais détaillés à la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM), les actes et traitements d'orthodontie continuant en revanche à être définis par la NGAP ; qu'en l'espèce, la notification d'indu d'un montant total de 6.530,65 euros pour la période allant du 1er juin 2012 au 30 mai 2014 adressée par la CPAM du Gard au docteur N... D... le 6 novembre 2014 est rédigée dans les termes suivants : « conformément à l'arrêté du 26 décembre 1984 qui fixe les conditions dans lesquelles peut être reconnue au chirurgien dentiste la qualité de spécialiste qualifié au titre de l'assurance maladie ( ). Or, il apparaît que nous vous avons réglé des prestations à tort, car vous avez facturé à la CPAM des actes non prévus pour votre spécialité. Les tableaux récapitulatifs, joints en annexe, indiquent pour chaque prestation concernée, la nature et la date des prestations, le motif et la date du paiement indu, le montant des sommes versées à tort et la somme due au total » ; que la liberté de prescription du praticien et la justification médicale des actes réalisés ne sont pas en cause ; que la question est uniquement de savoir si les actes facturés par le spécialiste, à savoir en l'espèce des actes cotés SC12 (détartrage) et DC30 (désinclusion), lesquels étaient à l'époque de leur prescription définis sous le chapitre VII « Dents, gencives » et de NGAP, étaient remboursables ou non par la caisse dans l'hypothèse où ils étaient réalisés par un chirurgien-dentiste spécialiste ; que c'est vainement que l'appelant invoque les dispositions de la circulaire de la Cnam de 1987, ce texte n'ayant pas de valeur normative ; que si M. D... soutient qu'aucun texte ne vient définir le périmètre des chirurgiens-dentistes spécialistes en orthopédie faciale, il ressort de la NGAP que les actes qui relèvent de sa spécialité sont ceux définis à l'article 5 du chapitre VI du titre III de la NGAP, ce texte encadrant le périmètre exclusif de l'activité qu'il peut opposer à l'assurance maladie ; que force est de constater que les actes litigieux facturés n'y figurent pas ; que conformément aux dispositions de l'arrêté du 26 décembre 1984, M. D..., qui est inscrit en qualité de chirurgien-dentiste spécialiste en orthopédie dento-faciale depuis 1985, ne peut se prévaloir, vis-à-vis de la CPAM, et ne peut donc lui facturer que des seuls actes relevant de la discipline pour laquelle il est qualifié chirurgien-dentiste spécialiste ; que si l'appelant plaide que la pratique qui lui est reprochée était communément pratiquée par ses confrères et admise par l'assurance maladie, il n'en justifie en aucune façon ; que les moyens tirés de l'absence de préjudice de la caisse, qui aurait dû nécessairement supporter ce coût, l'opportunité des actes en question n'étant pas discutée, ou de l'absence de prise en compte par la caisse de l'intérêt de ses assurés, sont inopérants ; que le caractère indu des sommes remboursées à ces titres d'infère du seul fait qu'il n'était pas autorisé à facturer à la CPAM des actes cotés SC12 et DC30 ; que faute pour l'appelant de prétendre et a fortiori de justifier avoir fait l'objet d'un contrôle de facturation de ses actes antérieurement au contrôle litigieux, M. D... n'est pas fondé à soutenir que ce contrôle contreviendrait à la règle de non-rétroactivité dégagée par la jurisprudence dans l'hypothèse d'un changement de doctrine d'un organisme de sécurité sociale ; qu'en d'autres termes, les actes cotés SC12 et DC30 facturés par M. D... ne relevant pas de façon exclusive de sa spécialité, s'ils pouvaient être réalisés à son initiative notamment dans un but thérapeutique, ne pouvaient pas cependant faire l'objet d'un remboursement par la CPAM du Gard ; que le docteur N... D... est donc redevable à l'égard de l'organisme social de la somme de 6.530,65 euros pour la période allant du 1er juin 2012 au 30 mai 2014, dont le montant est justifié au vu du « tableau récapitulatif des paiements réalisés » sur lequel sont mentionnés précisément les nom et prénom des bénéficiaires, le numéro d'immatriculation, la date des prestations, la nature des prestations, la référence du décompte initial et la date du paiement initial et dont le montant total n'est pas sérieusement contesté par l'appelant ; que compte tenu de ces éléments et des motifs pertinents retenus par les premiers juges, le jugement entrepris sera par conséquent conformé en toutes ses dispositions ; que sur la demande de dommages et intérêts, si la Caisse concède avoir informé les assurés concernés par les indus de la situation, M. D... ne justifie en aucune façon que cette information ait été donnée dans des conditions de forme qui lui ont été préjudiciables ; qu'il ne justifie pas davantage avoir subi personnellement, ni davantage son personnel, de réactions qualifiées dans ses écritures de « violentes » de la part de certains patients ; que M. D... ne justifiant ni d'une faute imputable à la CPAM ni d'un préjudice, sera donc débouté de sa demande nouvelle en cause d'appel de dommages et intérêts » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la discipline d'orthopédie dento-faciale qui concerne l'alignement des dents et la coordination des dents et mâchoires est une spécialité hautement qualifiée nécessitant une formation spécifique consacrée par le droit de faire état de cette qualité, reconnu par l'article 13 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes ; qu'au regard de l'Assurance maladie, les actes accomplis dans le cadre de cette spécialité sont intégrés dans la Nomenclature générale des Actes Professionnels, mais l'article 1 de l'arrêté du 26 décembre 1984 édicte que le chirurgien-dentiste spécialisé doit exercer exclusivement la discipline pour laquelle il est qualifié ; qu'en d'autres termes, l'Assurance Maladie ne peut prendre en charge que les actes relevant de l'orthodontie, réalisés par un chirurgien-dentiste spécialisé en orthodontie dento-faciale, à l'exclusion des autres travaux relevant de la dentisterie qu'il pourrait être amené à réaliser ; que par ailleurs, le texte précité ne prévoit pas qu'il y ait possibilité de prise en charge de travaux connexes tels le dégagement d'une dent ou le détartrage ; que c'est donc vainement que le docteur D... soutient que la position de la CPAM du Gard sur l'exclusion des actes ne relevant pas de sa spécialité, n'est pas juridiquement fondée ; que le contrôle effectué par la CAM du Gard a mis en évidence un certain nombre de prestations effectuée entre 2012 et 2014, dont le docteur D... ne conteste pas qu'elles ne relèvent pas strictement de l'orthopédie dento-faciale ; que le total des dites prestations qui a été pris en charge par la Caisse Primaire s'élève à 2.314,27 € + 4.216,38 € = 6./530,65 €, somme qui n'est pas discutée dans son montant ; que quant à l'allégation de la pression exercée par la Caisse Primaire, le tribunal ne peut que constater que cet élément, à le supposer établi, est sans incidence sur la réalité de la facturation indue qui est reprochée au praticien ; que dès lors, la somme correspondant à cette facturation est incontestablement due par l'intéressé, la mise en oeuvre des procédures de recouvrement par la Caisse Primaire ne saurait ni lui être imputée à tort, ni constituer un préjudice pour le praticien redevable ; qu'il convient, par conséquent, de rejeter le recours du docteur D..., de le débouter de toutes ses demandes et de confirmer la décision de la Commission de Recours Amiable » ; ALORS QUE l'article 5 du chapitre VI du titre III de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels, relatif aux examens d'orthopédie dento-faciale, dans sa rédaction applicable en la cause, n'exclut pas le remboursement par la CPAM des soins de dents et gencives énumérés par le chapitre VII de la même nomenclature, et rendus nécessaires par le traitement d'orthopédie dento-faciale ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément retenu « qu'aux termes d'une circulaire en date du 10 avril 1987, la CPAM, après avoir relevé que « s'appuyant sur l'engagement pris par les orthodontistes, lors de leur demande d'inscription sur la liste des spécialistes qualifiés, de renoncer librement à l'exercice de toute autre discipline et notamment celle de la chirurgie, le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes a traduit, dans sa décision du 30 juin 1986, que la chirurgie, comme l'endodontie ou la prothèse, n'étaient plus du domaine du spécialiste qualifié en ODF », et que « le conseil national de l'ordre a précisé récemment la portée de cet engagement, à savoir que les interventions chirurgicales, de la compétence du chirurgien-dentiste et que connaissent un temps orthodontique, appropriées au traitement et au cours de celui-ci, n'entrent pas dans le champ des restrictions », a dit que « les interventions chirurgicales liées à un traitement orthodontique, effectuées dans les conditions ci-dessus rappelées, par un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en ODF, seront honorées en sus de la cotation du traitement orthodontique », et que ce n'était que « depuis le 1er juin 2014, (que) les soins dentaires ne figurent plus au sein de la NGAP, mais sont désormais détaillés à la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM), les actes et traitements d'orthodontie continuant en revanche à être définis par la NGAP » (cf. arrêt, p. 5-6) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 26 décembre 1984.
Selon l'article L. 162-9 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux sont définis par des conventions entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de chacune de ces professions. Ces conventions déterminent notamment les obligations des caisses primaires d'assurance maladie et celles des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux. Selon l'article 2.1 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, les soins conservateurs ainsi que les actes autres que d'orthopédie dento-faciale, d'obturations dentaires définitives, de traitement des parodontoses et de prothèse dentaire, pratiqués par le chirurgien-dentiste, font l'objet, respectivement, des lettres clés SC et D ou DC. La lettre clé DC est utilisée par le chirurgien-dentiste pour les actes affectés de la lettre clé KC à la deuxième partie de la nomenclature. Pour l'application de ces dispositions, qui seules régissent la tarification et la prise en charge des soins par l'assurance maladie, le chirurgien-dentiste doit s'entendre, à la fois, du chirurgien-dentiste omnipraticien et du chirurgien-dentiste spécialiste qualifié. Il en découle que sont remboursables par l'assurance maladie les actes cotés SC et DC pratiqués par un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale, dès lors que ces actes sont accomplis pour les nécessités du traitement relevant de sa spécialité
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1058 F-P+B+I Pourvoi n° W 19-19.185 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société Lainière de Picardie Bc, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-19.185 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre - protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Picardie, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Lainière de Picardie Bc, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Picardie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 mai 2019) et les productions, la société Lainière de Picardie Bc (le donneur d'ordre) a confié, en 2013 et 2014, le gardiennage de ses locaux à la société Sécurité gardiennage Security. Après avoir réalisé un contrôle d'assiette et dressé un procès verbal de travail dissimulé à l'encontre de cette dernière, l'URSSAF de Picardie (l'URSSAF) a adressé au donneur d'ordre deux lettres d'observations, les 30 et 31 décembre 2015, l'avisant de la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue à l'article L. 8222-2 du code du travail et de l'annulation des exonérations dites "Fillon", au titre des années 2013 et 2014, suivies, les 15 juin et 22 juillet 2016, de deux mises en demeure. 2. Le donneur d'ordre a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen des moyens Sur les premier et second moyens, ce dernier pris en ses quatre premières branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le second moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 4. Le donneur d'ordre fait grief à l'arrêt de le condamner à payer les cotisations et majorations de retard afférentes à l'annulation des exonérations de cotisations, alors « qu'aux termes de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif, sauf rétroactivité expressément décidée par le législateur ; que la suppression des mesures de réduction de cotisations de sécurité sociale prévues par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale est issue de l'article 101 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 rentrée en vigueur le 6 décembre 2013 ; que ce mécanisme ne pouvait en conséquence s'appliquer de manière rétroactive au titre de la période antérieure au 6 décembre 2013 ; qu'en décidant au contraire que dès lors que le texte était applicable en 2014, au jour du redressement, la société Lainière de Picardie avait pu se voir appliquer une telle mesure de sanction au titre d'une période antérieure au 6 décembre 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 1 et 2 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés. Selon les articles 2 et 22 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 les modalités de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 sont entrées en vigueur le 6 décembre 2013. 6. Il se déduit de ces textes que les sanctions prévues par le premier sont applicables lorsque, à l'occasion d'un contrôle, en cours au 6 décembre 2013, ont été constatés le manquement du donneur d'ordre à son obligation de vigilance et des faits matériels de travail dissimulé par son cocontractant ou sous-traitant, commis postérieurement à la date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012. 7. Ayant relevé que la responsabilité du donneur d'ordre était recherchée au titre des années 2013 et 2014 et que le redressement en cause était en cours au 1er janvier 2014, la cour d'appel en a exactement déduit qu'était applicable le dispositif de sanction du donneur d'ordre institué par les dispositions susvisées. 8. Le moyen n'est dès lors pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Lainière de Picardie Bc aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lainière de Picardie Bc et la condamne à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Lainière de Picardie Bc PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR validé la mise en demeure et les opérations de contrôle, d'AVOIR confirmé les décisions de la commission de recours amiable de l'URSSAF de Picardie du 18 novembre 2016, d'AVOIR validé le redressement, d'AVOIR condamné la Société LAINIERE DE PICARDIE à payer à l'URSSAF de Picardie les cotisations et majorations de retard afférentes à la mise en jeu de la solidarité financière, d'AVOIR débouté la Société LAINIERE DE PICARDIE de ses demandes plus amples ou contraires et d'AVOIR condamné la Société LAINIERE DE PICARDIE aux dépens de l'instance nés postérieurement au 31 décembre 2018 et au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE « Selon les dispositions de l'article L. 8222-1du code du travail, Toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte : 1º des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ; 2º de l'une seulement des formalités mentionnées au 1º, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. L'article D. 8222-5 dispose que « La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : 1º Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. 2º Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants : a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ; b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ; c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ; d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription. » Cette obligation a pour objet de lutter contre le travail clandestin, les textes instituent ainsi une obligation pour le donner d'ordre d'être vigilant, et à défaut de le faire, il encourt la sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale. En l'espèce, il est établi que l'Urssaf a dressé une procédure de travail dissimulé à l'encontre de la société Sécurité Gardiennage Vigilance Security, après avoir constaté que celle-ci n'avait pas respecté son obligation de produire les documents obligatoires depuis la création de la société, que l'examen de ses comptes bancaires montrait des opérations assimilées à des versements de salaire au bénéfice de cinq personnes, ce qui représentait des paiements supérieurs à la masse salariale déclarée à l'Urssaf, que le gérant s'était vu notifier une interdiction de gérer, et qu'enfin, le conseil national des activités privées de sécurité lui avait notifié une interdiction d'exercer pendant un an du fait d'une situation de travail dissimulé. L'Urssaf, au vu des pièces qu'elle avait pu obtenir, soit la communication par la banque des relevés des comptes bancaires de la société a reconstitué le montant des salaires versés, et calculé les minorations de la masse salariale. La SAS Lainière de Picardie n'a jamais contesté qu'elle n'avait pas respecté les obligations qui lui incombent en application des articles susvisés, puisqu'elle n'avait pu produire que l'extrait K Bis de la société de sécurité et les factures, précisant qu'elle n'avait jamais pu obtenir la transmission de l'attestation de fourniture des déclarations sociales, tout en soulignant que sa cocontractante lui avait toujours affirmé être en règle. Sur la forme du redressement L'appelante soutient que l'Urssaf n'a pas respecté la procédure de contrôle fixée par l'article R. 243-59. Ces dispositions ne sont pas applicables à la procédure suivie en l'espèce, soit celle dite de la solidarité financière qui découle de l'établissement du procès-verbal de travail dissimulé. C'est donc vainement que l'appelante argue de ce que la charte du cotisant ne lui a pas été remise. De même, l'appelante prétend qu'en exerçant leur droit de communication, les inspecteurs de l'Urssaf aurait détourné la procédure de contrôle, pour opérer un contrôle déguisé, qui ne respectait pas ses droits. Ce raisonnement ne peut en aucun cas être suivi, car là encore, les inspecteurs n'ont exercé un contrôle de la SAS Lainière de Picardie, mais ont fait une stricte application des dispositions relatives à la solidarité financière. Il leur appartenait après avoir constaté que la société sécurité gardiennage vigilance security avait dissimulé son activité, de vérifier si ses donneurs d'ordre avaient ou n'avaient pas respecté les obligations qui leur incombent en vertu de l'article L. 8222-1, et il s'agissait là de l'objet de leur demande de communication, qui ne peut être assimilée, contrairement à ce que soutient l'appelante à un stratagème. Le fait que cette demande de communication ait comporté l'indication selon laquelle la demande avait pour objet de détecter une fraude correspondait à la stricte réalité, à savoir que même si la fraude imputée à la société sécurité gardienne vigilance security était éventuellement déjà établie, il appartenait encore aux inspecteurs de l'Urssaf de vérifier si de son côté, la société donneuse d'ordre, avait ou pas respecté la législation. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation considère que « dans la mise en oeuvre de la solidarité financière consécutive au constat d'un travail dissimulé, l'URSSAF a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi de la lettre d'observations, sans être tenue de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit, dont le juge peut toujours ordonner la production pour lever le doute invoqué par le donneur d'ordre poursuivi, ni de soumettre le donneur d'ordre au contrôle réglementairement aménagé pour le sous-traitant, auteur principal ». Il suffit donc que la lettre d'observations avisant le donneur d'ordre de la mise en oeuvre à son encontre de la solidarité financière indique le montant global des cotisations dues et leurs modalités de calcul, année par année. En revanche, l'URSSAF n'est pas tenue de le soumettre à un contrôle, ni de lui envoyer d'autres documents, tels le procès-verbal de constatation du travail dissimulé, ou les documents comptables de l'entreprise ayant permis de chiffrer le montant du redressement. En vertu des dispositions de l'article L. 8222-3 du code du travail, les sommes exigibles du donneur d'ordre sont déterminées « à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ». L'étendue de la solidarité financière est proportionnelle à la part que le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage a pris dans l'accomplissement de l'infraction. Contrairement à ce que soutient la SAS Lainière de Picardie, la solidarité s'applique au simple prorata de la valeur des marchés exécutés pour elle, sans qu'il y ait à prouver que les travailleurs dissimulés soient intervenus sur son ou ses chantiers. Elle ajoute ainsi au texte une condition que celui-ci ne prévoit pas. Il doit au demeurant être observé que l'appelante affirme qu'aucun salarié non déclaré est intervenu chez elle, ce qu'elle veut prouver en produisant les fiches de paie des salariés concernés. Mais par définition, les travailleurs non déclarés n'étaient pas titulaires de fiches de paie, et leur intervention ou non intervention ne peut se déduire des copies des fiches de paie de ceux qui étaient déclarés. La SAS Lainière de Picardie soulève pour la première fois en cause d'appel l'irrégularité de la mise en demeure qui lui a été délivrée le 22 juillet 2016 au motif que le montant des cotisations réclamées serait différent de celui qui avait été porté dans la lettre d'observations du 30 décembre 2015. La lettre d'observations précisait les années sur lesquelles avait été opéré le contrôle, soit de 2011 à 2014, le chiffre d'affaires réalisé par la société sécurité gardiennage vigilance security, le chiffre d'affaires réalisé grâce aux ordres de la SAS Lainière de Picardie, le montant du redressement des cotisations, la majorations de 25 % prévue par les textes, et le montant correspondant à l'annulation de l'avantage Fillon; pour aboutir à un total de 23 954 euros, et 26 355 euros après ajout des majorations. Contrairement à ce qu'elle soutient, la SAS Lainière de Picardie a dûment été informée de la nature et de l'étendue de ses obligations » ; ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « Sur le moyen tiré du non-respect de la procédure. Aux termes des dispositions de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, le bénéfice de toute mesure de réduction et d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale, appliquée par un employeur ou un travailleur indépendant, est subordonné au respect par l'employeur ou le travailleur indépendant des dispositions des articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail. Aux termes des dispositions de l'article L. 8222-1 du code du travail, « toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ; 2° de l'une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. Les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications imposées par le présent article sont précisées par décret ». En l'espèce, la société LAINIERE ne conteste pas avoir confié une partie de son activité en sous-traitance à la SARL SECURITE GARDIENNAGE pour les années 2013 et 2014 et confirme ne pas s'être assurée de la régularité de sa situation en se faisant remettre l'attestation de vigilance et le K-bis et ce contrairement aux dispositions des articles D. 8222-5 et D. 8222-7 du code du travail. Il n'est pas contesté non plus qu'un procès-verbal de travail dissimulé a été établi par l'URSSAF et adressé à Monsieur le Procureur de la République d'AMIENS le 23 septembre 2015. Contrairement à ce que prétend la société LAINIERE, dans le cadre de l'application de la solidarité financière du donneur d'ordre et du maître d'ouvrage, la société LAINIERE n'est pas fondée à déplorer la non-réception de l'avis de passage ou de la charte du cotisant de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dès lors qu'elle n'est pas l'employeur contrôlé et qu'une dispense d'avis est prévue en cas de contrôle aux fins de recherche d'infraction de travail dissimulé. Ainsi, son droit de réponse à la lettre d'observations avec réponse obligatoire de l'inspecteur du recouvrement et son droit de saisine de la commission de recours amiable lui offrent les possibilités de confronter contradictoirement ses arguments à ceux de l'URSSAF. En l'espèce, il convient de constater que la lettre d'observations notifiée le 31 décembre 2015 à la société LAINIERE par l'URSSAF comportait toutes les mentions obligatoires permettant ainsi à la société LAINIERE de connaître les causes, les périodes les bases et montants des cotisations. Au vu de ce qui précède, les moyens tirés de la nullité de la procédure sont écartés comme inopérants. Sur le moyen tiré d'une erreur dans le calcul des cotisations. En application des dispositions des articles L. 133-4-2 et L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, l'annulation des exonérations et réductions de cotisations ou contributions dont l'entreprise a bénéficié est plafonné à 75.000 € pour une personne morale. Contrairement à ce que prétend la société LAINIERE, cette annulation s'applique aux redressements résultant d'un constat opéré à compter du 1er janvier 2014. Ce moyen est également écarté comme inopérant » ; 1) ALORS QUE si la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 du code du travail est soumise aux articles L. 8271-1 et suivants du même code, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un organisme de recouvrement procède, dans le cadre du contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par les employeurs prévu par les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, à la recherche des infractions susmentionnées aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes ; qu'en l'espèce, la Société LAINIERE DE PICARDIE faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la lettre d'observations du 30 décembre 2015 (réf. 523011229-GF) de l'URSSAF de Picardie avait pour seule finalité le recouvrement des cotisations consécutives au travail dissimulé sans recherche et constatation d'une infraction de la société constitutive de travail illégal ; qu'elle soutenait en conséquence que le contrôle relevait de la procédure de droit commun des articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dont il méconnaissait les exigences en ne faisant pas mention de la Charte du cotisant contrôlé ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de contrôle ayant abouti à cette lettre d'observations ne relevait pas de la procédure de contrôle de « droit commun » prévue par ces textes, mais de la procédure spécifique qui découle de l'établissement du procès-verbal de travail dissimulé soumise aux articles L. 8271-1 et suivants du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ; 2/ ALORS QU'en retenant que les inspecteurs de l'URSSAF n'avaient pas opéré un contrôle prévu par les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale mais avaient appliqué la procédure spécifique qui découle de l'établissement du procès-verbal de travail dissimulé soumise aux articles L. 8271-1 et suivants du code du travail, cependant que la lettre d'observations du 30 décembre 2015 (réf. 523011229-GF) indique explicitement « constitu[er] la lettre d'observations prévue à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale » (voir lettre d'observations p. 9), ce dont il résultait clairement qu'elle était adressée à la société LAINIERE DE PICARDIE dans le cadre d'un contrôle des articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a dénaturé ladite lettre d'observations et violé le principe selon lequel il est interdit aux juges du fond de dénaturer les écrits soumis à leur examen ; 3. ALORS QU'en considérant que l'absence de délivrance à la société par l'URSSAF de la charte du cotisant contrôlé ou d'indication de l'adresse électronique où ce document était consultable n'avait pas entaché la lettre d'observations du 30 décembre 2015 (réf. 523011229-GF) d'irrégularité, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale pris en sa version applicable au litige ; 4/ ALORS QUE le redressement est entaché de nullité en présence d'une discordance inexpliquée entre le montant du redressement mentionné dans la lettre d'observations et dans la lettre de mise en demeure, le redevable se trouvant alors dans l'impossibilité d'avoir une connaissance exacte de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'en validant le redressement infligé et en retenant que la société LAINIERE DE PICARDIE ne pouvait se prévaloir de divergences entre la lettre d'observations du 30 décembre 2015 (réf. 523011229-GF) et la lettre de mise en demeure du 22 juillet 2016 puisque le montant visé dans ladite mise en demeure correspondrait au montant de redressement visé dans la lettre d'observations assorti des majorations, sans répondre au moyen de la société faisant cependant état de discordances entre les postes de redressement visés dans lettre d'observations et la mise en demeure et indiquant que la différence de montant entre les deux actes ne pouvait s'expliquer mathématiquement par les majorations (voir conclusions p. 8 à 10), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5/ ALORS ET A TITRE SUBSIDIAIRE QUE selon la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel par décision du 31 juillet 2015 (n° 2015-479 QPC 31 juillet 2015), les dispositions de l'article L. 8222-2 du code du travail « ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789, interdire au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu » ; qu'en validant le redressement alors qu'il ressort de ses constatations qu'il a été initié irrégulièrement par la demande de communication de pièces prévue par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, à une date où la société sous-traitante avait déjà fait l'objet d'un procès-verbal de travail dissimulé, et sans que la société LAINIERE DE PICARDIE ne soit informée qu'un contrôle la visait, la cour d'appel a violé l'article L. 8222-2 du code du travail tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, ensemble les articles L. 8221-1, L. 8222-1, D. 8222-5, L. 8271-1 et L. 8271-8 du code du travail en leur version applicable au litige ; 6/ ALORS A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE QUE selon l'article L. 8222-3 du code du travail « les sommes dont le paiement est exigible en application de l'article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession » ; qu'en vertu de ce texte, le donneur d'ordre ne peut être redressé qu'au titre des travailleurs étant intervenus irrégulièrement en son sein ; que la société LAINIERE DE PICARDIE faisait valoir que le redressement était inexactement calculé comme prenant également en compte les prestations payées au titre de salariés du sous-traitant étant intervenus de manière régulière en son sein ; qu'en décidant que cette circonstance était sans incidence et que le redressement devait être calculé au regard de l'intégralité des prestations effectuées par le sous-traitant pour le compte de la société LAINIERE DE PICARDIE, peu important que les travailleurs dissimulés ne soient pas intervenus en son sein, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-1, L. 8222-1, L. 8222-2, D. 8222-5, L. 8271-1 et L. 8271-8 du code du travail en leur version applicable au litige. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR validé la mise en demeure et les opérations de contrôle, d'AVOIR confirmé les décisions de la commission de recours amiable de l'URSSAF de Picardie du 18 novembre 2016, d'AVOIR validé le redressement, d'AVOIR condamné la société LAINIERE DE PICARDIE à payer à l'URSSAF de Picardie les cotisations et majorations de retard afférentes à l'annulation des exonérations de cotisations, d'AVOIR débouté la société LAINIERE DE PICARDIE de ses demandes plus amples ou contraires et d'AVOIR condamné la société LAINIERE DE PICARDIE aux dépens de l'instance nés postérieurement au 31 décembre 2018 et au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE « Selon les dispositions de l'article L. 8222-1 du code du travail, Toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte : 1º des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ; 2º de l'une seulement des formalités mentionnées au 1º, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. L'article D. 8222-5 dispose que 'La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : 1º Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. 2º Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants : a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ; b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ; c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ; d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription.' Cette obligation a pour objet de lutter contre le travail clandestin, les textes instituent ainsi une obligation pour le donner d'ordre d'être vigilant, et à défaut de le faire, il encourt la sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale. En l'espèce, il est établi que l'Urssaf a dressé une procédure de travail dissimulé à l'encontre de la société Sécurité Gardiennage Vigilance Security, après avoir constaté que celle-ci n'avait pas respecté son obligation de produire les documents obligatoires depuis la création de la société, que l'examen de ses comptes bancaires montrait des opérations assimilées à des versements de salaire au bénéfice de cinq personnes, ce qui représentait des paiements supérieurs à la masse salariale déclarée à l'Urssaf, que le gérant s'était vu notifier une interdiction de gérer, et qu'enfin, le conseil national des activités privées de sécurité lui avait notifié une interdiction d'exercer pendant un an du fait d'une situation de travail dissimulé. L'Urssaf, au vu des pièces qu'elle avait pu obtenir, soit la communication par la banque des relevés des comptes bancaires de la société a reconstitué le montant des salaires versés, et calculé les minorations de la masse salariale. La SAS Lainière de Picardie n'a jamais contesté qu'elle n'avait pas respecté les obligations qui lui incombent en application des articles susvisés, puisqu'elle n'avait pu produire que l'extrait K Bis de la société de sécurité et les factures, précisant qu'elle n'avait jamais pu obtenir la transmission de l'attestation de fourniture des déclarations sociales, tout en soulignant que sa cocontractante lui avait toujours affirmé être en règle. Sur la forme du redressement L'appelante soutient que l'Urssaf n'a pas respecté la procédure de contrôle fixées par l'article R. 243-59. Ces dispositions ne sont pas applicables à la procédure suivie en l'espèce, soit celle dite de la solidarité financière qui découle de l'établissement du procès-verbal de travail dissimulé. C'est donc vainement que l'appelante argue de ce que la charte du cotisant ne lui a pas été remise. De même, l'appelante prétend qu'en exerçant leur droit de communication, les inspecteurs de l'Urssaf aurait détourné la procédure de contrôle, pour opérer un contrôle déguisé, qui ne respectait pas ses droits. Ce raisonnement ne peut en aucun cas être suivi, car là encore, les inspecteurs n'ont exercé un contrôle de la SAS Lainière de Picardie, mais ont fait une stricte application des dispositions relatives à la solidarité financière. Il leur appartenait après avoir constaté que la société sécurité gardiennage vigilance security avait dissimulé son activité, de vérifier si ses donneurs d'ordre avaient ou n'avaient pas respecté les obligations qui leur incombent en vertu de l'article L. 8222-1, et il s'agissait là de l'objet de leur demande de communication, qui ne peut être assimilée, contrairement à ce que soutient l'appelante à un stratagème. Le fait que cette demande de communication ait comporté l'indication selon laquelle la demande avait pour objet de détecter une fraude correspondait à la stricte réalité, à savoir que même si la fraude imputée à la société sécurité gardienne vigilance security était éventuellement déjà établie, il appartenait encore aux inspecteurs de l'Urssaf de vérifier si de son côté, la société donneuse d'ordre, avait ou pas respecté la législation. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation considère que « dans la mise en 'oeuvre de la solidarité financière consécutive au constat d'un travail dissimulé, l'URSSAF a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi de la lettre d'observations, sans être tenue de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit, dont le juge peut toujours ordonner la production pour lever le doute invoqué par le donneur d'ordre poursuivi, ni de soumettre le donneur d'ordre au contrôle réglementairement aménagé pour le sous-traitant, auteur principal ». Il suffit donc que la lettre d'observations avisant le donneur d'ordre de la mise en oeuvre à son encontre de la solidarité financière indique le montant global des cotisations dues et leurs modalités de calcul, année par année. En revanche, l'URSSAF n'est pas tenue de le soumettre à un contrôle, ni de lui envoyer d'autres documents, tels le procès-verbal de constatation du travail dissimulé, ou les documents comptables de l'entreprise ayant permis de chiffrer le montant du redressement. En vertu des dispositions de l'article L. 8222-3 du code du travail, les sommes exigibles du donneur d'ordre sont déterminées « à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ». L'étendue de la solidarité financière est proportionnelle à la part que le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage a pris dans l'accomplissement de l'infraction. Contrairement à ce que soutient la SAS Lainière de Picardie, la solidarité s'applique au simple prorata de la valeur des marchés exécutés pour elle, sans qu'il y ait à prouver que les travailleurs dissimulés soient intervenus sur son ou ses chantiers. Elle ajoute ainsi au texte une condition que celui-ci ne prévoit pas. Il doit au demeurant être observé que l'appelante affirme qu'aucun salarié non déclaré est intervenu chez elle, ce qu'elle veut prouver en produisant les fiches de paie des salariés concernés. Mais par définition, les travailleurs non déclarés n'étaient pas titulaires de fiches de paie, et leur intervention ou non intervention ne peut se déduire des copies des fiches de paie de ceux qui étaient déclarés. La SAS Lainière de Picardie soulève pour la première fois en cause d'appel l'irrégularité de la mise en demeure qui lui a été délivrée le 22 juillet 2016 au motif que le montant des cotisations réclamées serait différent de celui qui avait été porté dans la lettre d'observations du 30 décembre 2015. La lettre d'observations précisait les années sur lesquelles avait été opéré le contrôle, soit de 2011 à 2014, le chiffre d'affaires réalisé par la société sécurité gardiennage vigilance security, le chiffre d'affaires réalisé grâce aux ordres de la SAS Lainière de Picardie, le montant du redressement des cotisations, la majorations de 25 % prévue par les textes, et le montant correspondant à l'annulation de l'avantage Fillon; pour aboutir à un total de 23 954 euros, et 26 355 euros après ajout des majorations. Contrairement à ce qu'elle soutient, la SAS Lainière de Picardie a dûment été informée de la nature et de l'étendue de ses obligations. Enfin, la SAS Lainière de Picardie soutient que l'Urssaf ne pouvait annuler les exonérations de cotisations sociales du donneur d'ordre. Il apparaît cependant que le dispositif est entré en vigueur par suite de la loi de financement de la sécurité sociale du 17 décembre 2012, et le décret a été publié le 3 décembre 2013 et prévoyait qu'il serait applicable à compter du 1er janvier 2014. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le texte était applicable aux procédures en cours à la date du 1er janvier 2014, ce qui était le cas du redressement en cours, et non pas aux infractions constatées postérieurement à cette date. Il convient en conséquence de confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions » ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « Sur le moyen tiré du non-respect de la procédure. Aux termes des dispositions de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, le bénéfice de toute mesure de réduction et d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale, appliquée par un employeur ou un travailleur indépendant, est subordonné au respect par l'employeur ou le travailleur indépendant des dispositions des articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail. Aux termes des dispositions de l'article L. 8222-1 du code du travail, « toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ; 2° de l'une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. Les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications imposées par le présent article sont précisées par décret ». En l'espèce, la société LAINIERE ne conteste pas avoir confié une partie de son activité en sous-traitance à la SARL SECURITE GARDIENNAGE pour les années 2013 et 2014 et confirme ne pas s'être assurée de la régularité de sa situation en se faisant remettre l'attestation de vigilance et le K-bis et ce contrairement aux dispositions des articles D. 8222-5 et D. 8222-7 du code du travail. Il n'est pas contesté non plus qu'un procès-verbal de travail dissimulé a été établi par l'URSSAF et adressé à Monsieur le Procureur de la République d'AMIENS le 23 septembre 2015. Contrairement à ce que prétend la société LAINIERE, dans le cadre de l'application de la solidarité financière du donneur d'ordre et du maître d'ouvrage, la société LAINIERE n'est pas fondée à déplorer la non-réception de l'avis de passage ou de la charte du cotisant de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dès lors qu'elle n'est pas l'employeur contrôlé et qu'une dispense d'avis est prévue en cas de contrôle aux fins de recherche d'infraction de travail dissimulé. Ainsi, son droit de réponse à la lettre d'observations avec réponse obligatoire de l'inspecteur du recouvrement et son droit de saisine de la commission de recours amiable lui offrent les possibilités de confronter contradictoirement ses arguments à ceux de l'URSSAF. En l'espèce, il convient de constater que la lettre d'observations notifiée le 31 décembre 2015 à la société LAINIERE par l'URSSAF comportait toutes les mentions obligatoires permettant ainsi à la société LAINIERE de connaître les causes, les périodes les bases et montants des cotisations. Au vu de ce qui précède, les moyens tirés de la nullité de la procédure sont écartés comme inopérants. Sur le moyen tiré d'une erreur dans le calcul des cotisations. En application des dispositions des articles L. 133-4-2 et L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, l'annulation des exonérations et réductions de cotisations ou contributions dont l'entreprise a bénéficié est plafonné à 75.000 € pour une personne morale. Contrairement à ce que prétend la société LAINIERE, cette annulation s'applique aux redressements résultant d'un constat opéré à compter du 1er janvier 2014. Ce moyen est également écarté comme inopérant » ; 1/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de dispositif ayant confirmé le redressement opéré à l'encontre de la société LAINIERE DE PICARDIE sur le fondement de l'annulation des exonérations de cotisations du donneur d'ordre non vigilant suite au constat de travail dissimulé du sous-traitant ; 2) ALORS QUE si la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 du code du travail est soumise aux articles L. 8271-1 et suivants du même code, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un organisme de recouvrement procède, dans le cadre du contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants prévu par les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, à la recherche des infractions susmentionnées aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes notamment engendrés par la perte du droit à exonération ; qu'en l'espèce, la société LAINIERE DE PICARDIE faisait valoir que la lettre d'observations du 31 décembre 2015 (réf. 399279355-LD) avait pour seule finalité le recouvrement des cotisations dues consécutivement à l'annulation des droits à exonérations sans recherche et constatation d'une infraction de la société LAINIERE DE PICARDIE constitutive de travail illégal ; qu'elle soutenait en conséquence que le contrôle relevait de la procédure de droit commun des articles L. 243-7 et R. 243-59, dont la lettre d'observations méconnaissait les exigences en ne faisant pas mention de l'existence de la Charte du cotisant contrôlé ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de contrôle ayant abouti à cette lettre d'observations ne relevait pas de la procédure de contrôle de « droit commun » prévue par ces textes, mais de la procédure spécifique qui découle de l'établissement du procès-verbal de travail dissimulé soumise aux articles L. 8271-1 et suivants du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ; 3/ ALORS QU'en retenant que les inspecteurs de l'URSSAF n'avaient pas opéré un contrôle prévu par les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale mais avaient appliqué les dispositions relatives à la solidarité financière, cependant que la lettre d'observations du 31 décembre 2015 (réf. 399279355-LD) visait explicitement à son entête « l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale » et précisait « nous avons l'honneur de vous communiquer les observations consécutives à la vérification de l'application de la législation de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garanties des salaires concernant les infractions aux interdictions mentionnées aux articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail » (voir lettre d'observations p. 1), ce dont il résultait qu'elle était adressée à la Société dans le cadre d'un contrôle des articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a dénaturé ladite lettre d'observations et violé le principe selon lequel il est interdit aux juges du fond de dénaturer les écrits soumis à leur examen ; 4. ALORS QU'en considérant que l'absence de délivrance à la société LAINIERE DE PICARDIE par l'URSSAF de la charte du cotisant contrôlé ou d'indication de l'adresse électronique où ce document était consultable n'avait pas entaché la lettre d'observations du 31 décembre 2015 (réf. 399279355-LD) d'irrégularité, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ; 5/ ALORS QU'aux termes de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif, sauf rétroactivité expressément décidée par le législateur ; que la suppression des mesures de réduction de cotisations de sécurité sociale prévues par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale est issue de l'article 101 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 rentrée en vigueur le 6 décembre 2013 ; que ce mécanisme ne pouvait en conséquence s'appliquer de manière rétroactive au titre de la période antérieure au 6 décembre 2013 ; qu'en décidant au contraire que dès lors que le texte était applicable en 2014, au jour du redressement, la société LAINIERE DE PICARDIE avait pu se voir appliquer une telle mesure de sanction au titre d'une période antérieure au 6 décembre 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 1 et 2 du code civil.
Selon l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés. Selon les articles 2 et 22 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 les modalités de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 sont entrées en vigueur le 6 décembre 2013. Il résulte de ces textes que les sanctions prévues par le premier sont applicables lorsque, à l'occasion d'un contrôle en cours au 6 décembre 2013, ont été constatés le manquement du donneur d'ordre à son obligation de vigilance et des faits matériels de travail dissimulé par son cocontractant, commis postérieurement à la date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1065 F-P+B+I Pourvoi n° X 19-18.335 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 1°/ La société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , mission conduite par M. U... K... en vertu d'un jugement du tribunal de commerce de Marseille du 6 mars 2019, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Bistingo, 2°/ la société Bistingo 1, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , ont formé le pourvoi n° X 19-18.335 contre l'arrêt rendu le 24 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige les opposant : 1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [...] , 2°/ à M. T... B... , domicilié [...] , pris en qualité de mandataire judiciaire de la société Bistingo 1, défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société [...], prise en la personne de M. K..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Bistingo, et de la société Bistingo 1, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 avril 2019), l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a procédé, après envoi d'un avis, à un contrôle de l'assiette des cotisations de la société Bistingo 1 (la société), au cours duquel elle a relevé l'existence d'infractions en matière de travail dissimulé qui ont donné lieu à des poursuites, puis à des condamnations pénales de la société et de son gérant. L'URSSAF a adressé à la société une lettre d'observations, puis une mise en demeure de régler le montant des cotisations impayées ainsi que des majorations de retard. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. La société a été mise en liquidation judiciaire et M. K... a été désigné en qualité de liquidateur. Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et le troisième moyen, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 4. M. K..., ès qualités, et la société font grief à l'arrêt de rejeter le recours de celle-ci, alors : « 1°/ que la première lettre adressée par l'URSSAF le 20 décembre 2010 faisait expressément état d'un « contrôle comptable d'assiette », à l'exclusion de toute recherche d'infraction de travail dissimulé ; que dans ce cadre strict, l'inspecteur ne pouvait pas solliciter d'un tiers à l'employeur des documents qui n'ont pas été demandés à celui-ci ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que le contrôleur avait obtenu du comptable de la société la communication de documents ne figurant pas initialement sur la liste adressée à l'employeur ; que dès lors, en retenant que les documents ayant servi de base au procès-verbal de travail dissimulé ont été portés à la connaissance au contrôleur de l'URSSAF « de manière régulière », la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 114-9 du même code ; 2°/ que même lorsqu'un contrôle classique conduit l'agent de l'URSSAF à constater une infraction de travail dissimulé, celui-ci reste tenu de respecter la procédure de droit commun initialement mise en oeuvre ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'agent contrôleur pouvait user de la procédure prévue pour les infractions de travail dissimulé et notamment, se faire remettre par un tiers, en l'occurrence le comptable de la société, certains documents qui n'avaient pas été initialement sollicités, la cour d'appel a retenu que l'agent contrôleur avait « dès le début du contrôle » constaté « qu'il existait une infraction de travail dissimulé » lui permettant d'user de la procédure prévue à cet effet ; qu'en statuant de la sorte, elle a en toute hypothèse derechef violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 8271-1 et L. 114-9 du même code. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : 5. Il résulte des dispositions de ce texte, qui s'appliquent au contrôle engagé par les organismes de recouvrement sur le fondement de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, et des textes pris pour son application, alors même que le contrôle a conduit à la constatation d'infraction aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail, que l'agent chargé du contrôle n'est pas autorisé à solliciter d'un tiers à l'employeur des documents qui n'avaient pas été demandés à ce dernier. 6. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt relève que l'agent contrôleur avait, dès le début du contrôle, constaté que des déclarations comptables n'avaient jamais été adressées à ses services et qu'il existait donc une infraction de travail dissimulé lui permettant de se placer immédiatement dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, dont la procédure n'exigeait aucun avertissement ou avis de passage préalable et autorisait le contrôleur à se faire remettre par le comptable, mandataire de la société contrôlée du fait de sa présence lors du contrôle, des documents comptables datant de 2007 et 2008 alors que ces documents auraient dû se trouver dans les locaux de la société contrôlée conformément à l'avis de passage reçu en décembre 2011. 7. En statuant ainsi, alors que l'URSSAF avait obtenu directement auprès du comptable de la société des documents que l'employeur n'avait pas fournis, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côtes d'Azur aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société [...], mission conduite par M. K... en vertu d'un jugement du tribunal de commerce de Marseille du 6 mars 2019, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Bistingo, et la société Bistingo 1 PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité invoqués par la société Bistingo 1 pour excès de pouvoir de l'inspecteur chargé du contrôle et envers le procès-verbal de constat de travail dissimulé, la lettre d'observations du 17 février 2012 et la mise en demeure du 10 avril 2012 et confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'organisme de recouvrement du 27 juin 2012, et d'AVOIR, vu le jugement du tribunal de commerce, fixé la créance de l'URSSAF en vue de son admission au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Bistingo à la somme de 371.739 € au titre des cotisations éludées et 75.884 € au titre des majorations de retard ; AUX MOTIFS QU'il résulte du dossier que, le 2 février 2012, et après avoir envoyé, le 20 décembre 2011, l'avis prévu par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, l'agent de l'URSSAF a procédé à un contrôle d'assiette dans les locaux de la société BISTINGO dont l'objet social est l'exploitation d'un restaurant situé à Marseille ; que sur la lettre d'observations du 17 février 2012, dont les énonciations font foi jusqu'à preuve du contraire (article L. 243-7 du code de la sécurité sociale), l'agent contrôleur a noté, en présence du gérant de la société, M. O... et de son comptable, M. D..., que les déclarations sociales réelles des années 2007 à 2011 incluses n'avaient pas été transmises à l'URSSAF qui avait donc appliqué une taxation forfaitaire bien moins élevée que la taxation dont la société était redevable ; que M. O... a déclaré avoir agi intentionnellement en raison des difficultés rencontrées pour déclarer à la CARSAT et pour adresser les bordereaux à l'URSSAF, par l'intermédiaire de l'huissier de justice désigné par l'URSSAF, ses salariés de nationalité comorienne dépourvus de numéros NIR ; qu'il a également évoqué les difficultés financières de son établissement, la société ayant été placée en redressement judiciaire le 21 novembre 2018, date de la cessation des paiements retenue par le tribunal de commerce ; que le 15 février 2012, l'URSSAF a établi un procès-verbal de travail dissimulé transmis au Procureur de la République qui a engagé des poursuites pénales. Par arrêt du 11 mai 2015, la Cour a déclaré la société BISTINGO et M. O... coupables du chef de l'infraction de travail dissimulé pour non fourniture des déclarations sociales obligatoires pour les années 2009 et 2010 ; que la vérification de l'assiette des cotisations a entraîné un rappel de cotisations et des contributions pour la somme de 40.5240 euros, selon lettre d'observations datée du 17 février 2012, à laquelle le gérant de la société BISTINGO a répondu par une lettre datée du 14 mars 2012 ; l'agent contrôleur y a répondu le 23 mars 2012, donc avant l'envoi de la mise en demeure qui est datée du 10 avril 2012 ; que la mise en demeure datée du 10 avril 2012, notifiée pour la somme totale de 483306 euros incluant les majorations de retard de 78066 euros a été contestée le 16 avril 2012 devant la commission de recours amiable qui, par décision du 27 juin 2012 a rejeté le recours ; que devant la Cour, l'appelante a soulevé l'irrégularité du contrôle au motif que l'agent contrôleur avait commis un excès de pouvoir en demandant à un tiers, M. D..., le comptable de la société, de lui communiquer des documents comptables, alors que le droit de communication prévu par les articles L. 114-19 et suivants n'est pas possible dans le cadre d'un contrôle d'assiette ; qu'elle a aussi contesté la régularité de la régularité de la lettre d'observations et de la mise en demeure ; que l'appelante a également prétendu que le procès-verbal de travail dissimulé était nul car l'URSSAF l'avait envoyé au Procureur de la République avant l'expiration du délai de 30 jours dont elle disposait pour répondre aux observations de l'URSSAF ; que l'URSSAF a contesté ce moyen ; que la Cour constate que l'agent contrôleur avait, dès le début du contrôle, constaté que des déclarations comptables n'avaient jamais été adressées à ses services et qu'il existait donc une infraction de travail dissimulé lui permettant de se placer immédiatement dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, dont la procédure n'exigeait aucun avertissement (ou avis de passage) préalable et autorisait le contrôleur à se faire remettre par le comptable, mandataire de la société contrôlée du fait de sa présence lors du contrôle, des documents comptables datant de 2007 et 2008 alors que ces documents auraient dû se trouver dans les locaux de la société contrôlée conformément à l'avis de passage reçu en décembre 2011 ; que l'accord du comptable de les adresser, même par voie électronique à l'agent de l'URSSAF laisse présumer qu'il avait eu l'accord préalable de son client, et qu'à défaut d'accord, les difficultés liées aux éventuelles fautes commises par le comptable ne pourront pas être opposées à l'URSSAF, et ne pourront se résoudre qu'entre le comptable et son client, en dehors de la présente procédure ; que les documents ayant servi de base au procès-verbal de travail dissimulé ont été portés à la connaissance du contrôleur de l'URSSAF de manière régulière et le document pouvait être transmis au Parquet de Marseille sans nécessité d'attendre que la société contrôlée ait présenté ses remarques en réponse à la lettre d'observation ; 1°) ALORS QUE la première lettre adressée par l'URSSAF le 20 décembre 2010 faisait expressément état d'un « contrôle comptable d'assiette », à l'exclusion de toute recherche d'infraction de travail dissimulé ; que dans ce cadre strict, l'inspecteur ne pouvait pas solliciter d'un tiers à l'employeur des documents qui n'ont pas été demandés à celui-ci ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que le contrôleur avait obtenu du comptable de la société la communication de documents ne figurant pas initialement sur la liste adressée à l'employeur ; que dès lors, en retenant que les documents ayant servi de base au procès-verbal de travail dissimulé ont été portés à la connaissance au contrôleur de l'URSSAF « de manière régulière », la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 114-9 du même code ; 2°) ALORS QUE même lorsqu'un contrôle classique conduit l'agent de l'URSSAF à constater une infraction de travail dissimulé, celui-ci reste tenu de respecter la procédure de droit commun initialement mise en oeuvre ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'agent contrôleur pouvait user de la procédure prévue pour les infractions de travail dissimulé et notamment, se faire remettre par un tiers, en l'occurrence le comptable de la société, certains documents qui n'avaient pas été initialement sollicités, la cour d'appel a retenu que l'agent contrôleur avait « dès le début du contrôle », constaté « qu'il existait une infraction de travail dissimulé » lui permettant d'user de la procédure prévue à cet effet ; qu'en statuant de la sorte, elle a en toute hypothèse derechef violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 8271-1 et L. 114-9 du même code ; 3°) ALORS QU'EN OUTRE, le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, la société Bistingo contestait l'existence du moindre mandat confié à son comptable pour présenter les documents demandés par le contrôleur (conclusions p. 13) ; qu'en affirmant dès lors que le contrôleur pouvait se faire remettre par le comptable, « mandataire de la société contrôlée » des documents comptables qui n'avaient pas été sollicités de l'employeur, sans préciser les pièces sur lesquelles elle se fondait pour retenir l'existence de ce mandat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'AU SURPLUS, en déduisant la communication par le comptable des documents demandés par le contrôleur d'une simple présomption d'accord du client, la cour d'appel a statué par un motif hypothétique et, partant, a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'en outre, la société Bistingo 1 avait expressément fait valoir qu'à supposer même que la procédure relative au travail dissimulé fût applicable, de nombreuses irrégularités avaient été commises par l'inspecteur du recouvrement, notamment dans la mise en oeuvre du droit de communication issu des articles L. 114-19 et suivants du code de la sécurité sociale (conclusions d'appel p. 10) ; que tel était le cas de l'absence d'information de la possibilité pour l'inspecteur d'utiliser le droit de communication des articles L. 114-19 et suivants du code de la sécurité sociale ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions de nature à établir la nullité du contrôle effectué par l'URSSAF, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QUE la société Bistingo 1 avait expressément fait valoir qu'à supposer même que la procédure relative au travail dissimulé fût applicable, de nombreuses irrégularités avaient été commise par l'inspecteur du recouvrement, notamment dans la mise en oeuvre du droit de communication issu des articles L. 114-19 et suivants du code de la sécurité sociale (conclusions d'appel p. 10) ; que tel était le cas du non-respect du formalisme de la procédure du droit de communication (conclusions pp. 10 et 11) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions de nature à établir la nullité du contrôle effectué par l'URSSAF, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE la société Bistingo 1 avait expressément fait valoir qu'à supposer même que la procédure relative au travail dissimulé fût applicable, de nombreuses irrégularités avaient été commise par l'inspecteur du recouvrement, notamment dans la mise en oeuvre du droit de communication issu des articles L. 114-19 et suivants du code de la sécurité sociale (conclusions d'appel p. 10) ; que tel était le cas du non-respect des modalités de recueil des informations et des documents (conclusions p. 11) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions de nature à établir la nullité du contrôle effectué par l'URSSAF, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ; 8°) ALORS QUE la société Bistingo 1 avait expressément fait valoir qu'à supposer même que la procédure relative au travail dissimulé fût applicable, de nombreuses irrégularités avaient été commise par l'inspecteur du recouvrement, notamment dans la mise en oeuvre du droit de communication issu des articles L. 114-19 et suivants du code de la sécurité sociale (conclusions d'appel p. 10) ; que tel était le cas de l'absence d'information quant à la provenance des informations ayant servi de base au redressement (conclusions pp. 11 et 12) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions de nature à établir la nullité du contrôle effectué par l'URSSAF, la cour d'appel a à nouveau violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (sur la nullité de la lettre d'observations) Le moyen fait encore grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité invoqués par la société Bistingo 1 pour excès de pouvoir de l'inspecteur chargé du contrôle et envers le procès-verbal de constat de travail dissimulé, la lettre d'observations du 17 février 2012 et la mise en demeure du 10 avril 2012 et confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'organisme de recouvrement du 27 juin 2012, et d'AVOIR, vu le jugement du tribunal de commerce, fixé la créance de l'URSSAF en vue de son admission au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Bistingo à la somme de 371.739 € au titre des cotisations éludées et 75.884 € au titre des majorations de retard ; AUX MOTIFS QUE la Cour constate que l'agent contrôleur avait, dès le début du contrôle, constaté que des déclarations comptables n'avaient jamais été adressées à ses services et qu'il existait donc une infraction de travail dissimulé lui permettant de se placer immédiatement dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, dont la procédure n'exigeait aucun avertissement (ou avis de passage) préalable et autorisait le contrôleur à se faire remettre par le comptable, mandataire de la société contrôlée du fait de sa présence lors du contrôle, des documents comptables datant de 2007 et 2008 alors que ces documents auraient dû se trouver dans les locaux de la société contrôlée conformément à l'avis de passage reçu en décembre 2011 ; que l'accord du comptable de les adresser, même par voie électronique à l'agent de l'URSSAF laisse présumer qu'il avait eu l'accord préalable de son client, et qu'à défaut d'accord, les difficultés liées aux éventuelles fautes commises par le comptable ne pourront pas être opposées à l'URSSAF, et ne pourront se résoudre qu'entre le comptable et son client, en dehors de la présente procédure ; que les documents ayant servi de base au procès-verbal de travail dissimulé ont été portés à la connaissance du contrôleur de l'URSSAF de manière régulière et le document pouvait être transmis au Parquet de Marseille sans nécessité d'attendre que la société contrôlée ait présenté ses remarques en réponse à la lettre d'observation ; qu'il résulte des constatations précédentes que, s'agissant de la lettre d'observations (et non du procès-verbal de constatation de l'infraction de travail dissimulé exclusivement destiné au Parquet), l'URSSAF a bien respecté la procédure et les délais prévus par l'article R. 243-59 du code précité ; 1°) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef du premier moyen afférent à l'irrégularité de la procédure de contrôle entraînera la cassation du chef de l'arrêt afférent à l'irrégularité de la lettre d'observations, dès lors qu'ils sont indivisiblement liés l'un à l'autre, par application de l'article 624 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE la société Bistingo 1 avait invoqué de multiples irrégularités affectant la lettre d'observations du 17 février 2012 dont notamment celle liée à l'absence de contreseing du directeur chargé du recouvrement, pourtant obligatoire si la bonne foi du cotisant n'est pas retenue ; qu'en se bornant à énoncer, en se référant aux « constatations précédentes » sans aucun lien avec la mention du contreseing du directeur du recouvrement, que « l'URSSAF a bien respecté la procédure et les délais prévus par l'article R. 243-59 du code précité » sans répondre aux conclusions de la société Bistingo, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité invoqués par la société Bistingo 1 pour excès de pouvoir de l'inspecteur chargé du contrôle et envers le procès-verbal de constat de travail dissimulé, la lettre d'observations du 17 février 2012 et la mise en demeure du 10 avril 2012 et confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'organisme de recouvrement du 27 juin 2012, et d'AVOIR, vu le jugement du tribunal de commerce, fixé la créance de l'URSSAF en vue de son admission au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Bistingo à la somme de 371.739 € au titre des cotisations éludées et 75.884 € au titre des majorations de retard ; AUX MOTIFS QUE concernant la mise en demeure du 10 avril 2012, l'appelante a fait valoir qu'elle devait être annulée car le prénom de son signataire n'était pas mentionné, en violation de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux relations des citoyens et des administrations, et que la cause, la nature et les montants des sommes réclamées et la période concernée, sont omises ou bien incompréhensibles ; que l'URSSAF a contesté la demande d'annulation ; qu'il convient de constater que le document qui est établi à l'en-tête de l'URSSAF mentionne l'initiale du prénom et le nom patronymique de son rédacteur, le directeur de l'URSSAF ou de son délégataire, (« L... »), et que la société BISTINGO 1 ne démontre pas en quoi l'absence de précision relative au prénom lui causerait un grief quelconque ; que par ailleurs, la Cour constate que les sommes mentionnées dans la mise en demeure correspondent exactement aux éléments chiffrés de la lettre d'observations du 17 février 2012 tels que mentionnés dans les tableaux récapitulant, année par année les montants faisant l'objet du redressement ; qu'enfin, dans sa lettre du 14 mars 2012, le gérant de la société BISTINGO 1 se défendait d'avoir été de mauvaise foi (il se référait à ses difficultés pour déclarer son personnel de nationalité comorienne) et il ne contestait que le caractère intentionnel de la non transmission des déclarations sociales à l'URSSAF et à la CARSAT, en se référant à des difficultés matérielles qu'il n'avait pas réussi à résoudre pendant cinq ans, au prétexte que l'huissier de justice recevait, de -son comptable, les déclarations sociales mais ne les retransmettait pas à l'URSSAF ; que ce prétexte assez peu sérieux n'est étayé par aucune pièce sinon un courriel (mal) écrit à la main et assez peu explicite, adressé par le comptable, M. D..., à la SCP d'huissier R... le 14 avril 2006, ainsi rédigé : « (...) nous vous demandons (') de leur <URSSAF> faire parvenir la déclaration du 4ème trimestre 2005 afin de régulariser le dossier de notre client auprès de l'URSSAF » ; que le rédacteur de ce courriel mentionnait un matricule sans préciser à quoi il correspondait ; de plus, ce document ne concerne pas la période, objet du contrôle ; que cet unique document est donc sans intérêt pour le présent litige ; qu'en conséquence, la Cour rejette tous les moyens soutenus par la société BISTINGO 1 à l'appui de son appel et confirme le jugement dont appel ; 1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige dont il est saisi, notamment par dénaturation des conclusions d'une partie ; qu'en l'espèce, il résultait du bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions d'appel de la société Bistingo 1 que celle-ci avait, outre le courriel du 14 avril 2006, régulièrement versé aux débats l'attestation de M. D... du 21 novembre 2016 au terme de laquelle celui-ci faisait état des difficultés rencontrées auprès de l'huissier pour la transmission à l'URSSAF des bordereaux trimestriels ; qu'en affirmant dès lors que la société Bistingo 1 n'avait produit « aucune pièce », sauf un « unique document », à savoir le courriel (i.e : fax) du 14 avril 2006, la cour d'appel a dénaturé le bordereau précité, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des éléments de preuve régulièrement versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, en retenant que la société Bistingo 1 n'avait produit « aucune pièce », sauf un « unique document », à savoir le courriel du 14 avril 2006 (i.e : fax), sans analyser l'attestation du comptable, M. D..., la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article 455 du code procédure civile.
Il résulte des dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, qui s'appliquent au contrôle engagé par les organismes de recouvrement sur le fondement de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, et des textes pris pour son application, alors même que le contrôle a conduit à la constatation d'infraction aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail, que l'agent chargé du contrôle n'est pas autorisé à solliciter d'un tiers à l'employeur des documents qui n'avaient pas été demandés à ce dernier. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui déclare régulière la procédure au cours de laquelle l'URSSAF avait obtenu directement auprès du comptable de la société contrôlée des documents que celle-ci n'avait pas fournis
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1073 F-P+B+I Pourvoi n° D 18-25.904 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, dont le siège est 1-9 avenue du général de Gaulle, 94031 Créteil cedex, a formé le pourvoi n° D 18-25.904 contre le jugement rendu le 11 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Périgueux, dans le litige l'opposant à Mme Q... A..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme A..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Périgueux, 11 octobre 2018), rendu en dernier ressort, Mme A... (l'assurée) a obtenu, le 1er septembre 2015, le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire. 2. La caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) a, par décision du 25 avril 2016, suspendu les droits de l'assurée, au motif que celle-ci n'avait pas déclaré l'ensemble des ressources perçues au cours de la période de référence déterminant l'ouverture des droits. 3. Par décision notifiée le 8 février 2017, le directeur de la caisse lui a infligé une pénalité financière de 650 euros. 4. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 6. La caisse fait grief au jugement de déclarer le recours recevable et d'annuler la décision de son directeur, alors : « 2°/ que lorsque l'assuré, auquel il est reproché d'avoir omis de déclarer certaines ressources, affirme, pour seule et unique défense, que les sommes non déclarées lui ont été versées à titre de prêt à charge pour lui de les rembourser, l'organisme de sécurité sociale motive suffisamment sa décision de prononcer la pénalité financière en rejetant cette thèse dûment prise en considération ; qu'en l'espèce, Mme A... a uniquement soutenu, pour toute défense, que sa mère lui aurait seulement prêté les sommes non déclarées ; qu'en conséquence, le directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie, après avoir rappelé l'argument invoqué selon lequel un prêt familial n'aurait pas à être déclaré, a pu retenir, doutant de cette version des faits, que de telles observations de l'assurée n'ont pas permis de reconsidérer le dossier ; qu'en jugeant qu'il n'a jamais été répondu sur le fond aux objections de Mme A..., si ce n'est par des affirmations péremptoires et non motivées prétendant que la matérialité des faits, et la responsabilité de l'assurée étaient reconnues, tandis qu'il a été exposé par le directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie que les observations de l'assurée ne permettaient pas de reconsidérer le dossier, le tribunal a violé les articles L. 114-17 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale ; 3°/ que la motivation de l'avis émis par la commission des pénalités n'implique pas que celui-ci expose en détail la réponse ayant été apportée par les membres de cette commission aux objections de l'assuré ; qu'en l'espèce, le 27 décembre 2016, la commission des pénalités informait Mme A... qu'elle avait rendu, lors de l'instance du 14 décembre 2016, l'avis suivant : « Suite à l'examen du dossier en application des dispositions des articles L. 114-17-1 et R. 147-6 du code de la sécurité sociale et au regard des arguments invoqués, la Commission, après en avoir délibéré, considère à l'unanimité de ses membres, que la matérialité des faits ainsi que la responsabilité de Mme Q... A..., assurée sociale, sont reconnues. En conséquence, les membres de la commission émettent l'avis de prononcer à l'encontre de Madame Q... A... une pénalité financière à hauteur de : - 2 voix pour 800 euros ; - 1 voix pour 600 euros ; - 1 voix pour 400 euros Avis de la Commission : 650 euros » ; qu'en considérant que cet avis n'était pas suffisamment motivé, en ce qu'il n'y a pas été répondu sur le fond aux objections de Mme A..., si ce n'est par des affirmations péremptoires et non motivées, le tribunal a violé les articles L. 114-17 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale ; 4°/ que, par hypothèse, l'avis conforme implicite du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, lorsque celui-ci ne s'est pas prononcé dans le délai d'un mois, ne peut qu'être évoqué en tant que tel, sans autre mention ; qu'en l'espèce, l'avis du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie a été sollicité le 27 décembre 2016, de sorte que, faute de réponse de ce dernier, il a été retenu qu'il avait émis un avis conforme implicite en date du 27 janvier 2017 ; que le directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne a ainsi exposé, dans sa notification du 3 février 2017, qu'il décidait le prononcé de la pénalité financière « au regard de cette décision [l'avis émis par la commission des pénalités] et après avis conforme implicite du Directeur général de l'Union Nationale des Caisses d'Assurance Maladie en date du 27 janvier 2017 » ; qu'en déclarant la procédure irrégulière au prétexte que l'avis implicite du directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie n'a été qu'évoqué, de sorte que son contenu est demeuré ignoré, le tribunal, qui s'est ainsi mépris sur la nature et la forme d'un avis implicite, a de nouveau violé les articles L. 114-17 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale ; 5°/ que dans la notification de pénalité financière du 3 février 2017, le directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne a récapitulé toutes les étapes de la procédure, rappelé l'objet de la discussion, pris acte de ce que les membres de la commission, devant lesquels Mme A... avait pu réitérer l'argument pris de ce que les ressources non déclarées présentaient la nature d'une simple aide familiale, avaient conclu à la matérialité des faits dûment rappelés et fait état de l'avis conforme implicite du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie en date du 27 janvier 2017 ; qu'en considérant que cette décision n'était pas valablement motivée, de sorte que l'ensemble de la procédure devait être déclarée irrégulière, le tribunal a violé les articles L. 114-17 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article R. 147-2, II, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la commission mentionnée à l'article L. 114-17-1, V, du même code, rend un avis motivé, portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité ou de chacune des pénalités susceptible d'être appliquée. 8. Il résulte de ces dispositions que l'absence ou l'insuffisance de motivation de l'avis de la commission entache de nullité la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme sans que soit exigée la preuve d'un grief. 9. Le jugement retient notamment que dans l'avis de la commission des pénalités tel qu'il est produit, il n'a jamais été répondu sur le fond aux objections de l'assurée, si ce n'est par des affirmations péremptoires et non motivées prétendant que la matérialité des faits et la responsabilité de l'assurée étaient reconnues et que ses observations ne permettaient pas de reconsidérer le dossier. 10. Par ce seul motif, le tribunal, qui, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant lui, et hors dénaturation, a jugé que l'avis de la commission des pénalités était insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article R. 147-2 précité, a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne et la condamne à payer à Mme A... la somme de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir reçu Mme Q... A... en son recours et d'avoir annulé la décision du directeur de la CPAM du Val-de-Marne du 3 février 2014 ayant appliqué à Mme A... une pénalité financière de 650 euros ; AUX MOTIFS QUE « l'avis de la Commission des pénalités réunie le 14 décembre 2016 mentionnait : « considère à l'unanimité de ses membres que la matérialité des faits ainsi que la responsabilité de Mme Q... A..., assurée sociale, sont reconnues » avant de proposer au Directeur Général de la CPAM de prononcer une pénalité de 650 euros. Cet avis de la Commission et celui du Directeur général de l'UNCAM permettent au Directeur général de la CPAM de prendre une décision. Il est fait état d'un avis conforme implicite du directeur général de l'UNCAM en date du 27 janvier 2017, sans indiquer ce qui permet de s'en prévaloir. Fort de ces deux avis, le Directeur général de la CPAM, après avoir rappelé l'argument invoqué selon lequel un prêt familial n'aurait pas à être déclaré, affirme que de telles observations n'ont pas permis de reconsidérer le dossier. Ainsi, que ce soit dans l'avis de la Commission des pénalités tel qu'il est produit, dans celui, implicite, du Directeur de l'UNCAM, dont le contenu demeure ignoré, ou dans la décision du Directeur général de la CPAM, il n'a jamais été répondu sur le fond aux objections de Mme A..., si ce n'est par des affirmations péremptoires et non motivées prétendant que la matérialité des faits, et la responsabilité de l'assurée étaient reconnues et que ses observations [ne] permettaient pas de reconsidérer le dossier. C'est donc à juste titre que Q... A... conteste la pénalité de 650 euros qui lui a été infligée et il convient de l'accueillir en son recours même si elle n'a pas contesté le retrait de la CMUC, comme l'indique la CPAM du Val de Marne dans ses dernières écritures » ; 1°) ALORS QUE la preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de les restituer ; qu'ainsi, s'il incombe à l'organisme de sécurité sociale de prouver la matérialité des faits reprochés à l'assuré à l'encontre duquel une pénalité financière est prononcée, il appartient à l'assuré, auquel il est reproché d'avoir omis de déclarer certaines ressources, de prouver, ainsi qu'il l'affirme, que les sommes non déclarées lui ont été versées à titre de prêt à charge pour lui de les rembourser ; qu'en l'espèce, la CPAM a prononcé à l'encontre de Mme A... une pénalité financière, celle-ci ayant omis de déclarer, au titre de ses ressources, les versements effectués en sa faveur par sa mère ; que, reconnaissant avoir caché lesdits versements, Mme A... s'est bornée à affirmer que ceux-ci avaient été opérés à simple titre de prêt familial, de sorte que pesait sur elle une obligation de remboursement ; qu'en considérant que la CPAM ne justifiait pas la matérialité des faits ni la responsabilité de l'assurée et en exigeant ainsi de cet organisme qu'il prouve, en lieu et place de l'assurée, la cause des versements litigieux tandis qu'il appartenait à celle-ci de prouver l'obligation de remboursement pesant sur elle, et partant l'absence d'intention libérale de sa mère, le tribunal a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ; 2°) ALORS en tout état de cause QUE lorsque l'assuré, auquel il est reproché d'avoir omis de déclarer certaines ressources, affirme, pour seule et unique défense, que les sommes non déclarées lui ont été versées à titre de prêt à charge pour lui de les rembourser, l'organisme de sécurité sociale motive suffisamment sa décision de prononcer la pénalité financière en rejetant cette thèse dûment prise en considération ; qu'en l'espèce, Mme A... a uniquement soutenu, pour toute défense, que sa mère lui aurait seulement prêté les sommes non déclarées ; qu'en conséquence, le Directeur général de la CPAM, après avoir rappelé l'argument invoqué selon lequel un prêt familial n'aurait pas à être déclaré, a pu retenir, doutant de cette version des faits, que de telles observations de l'assurée n'ont pas permis de reconsidérer le dossier ; qu'en jugeant qu'il n'a jamais été répondu sur le fond aux objections de Mme A..., si ce n'est par des affirmations péremptoires et non motivées prétendant que la matérialité des faits, et la responsabilité de l'assurée étaient reconnues, tandis qu'il a été exposé par le directeur général de la CPAM que les observations de l'assurée ne permettaient pas de reconsidérer le dossier, le tribunal a violé les articles L. 114-17 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale ; 3°) ALORS QUE la motivation de l'avis émis par la commission des pénalités n'implique pas que celui-ci expose en détail la réponse ayant été apportée par les membres de cette commission aux objections de l'assuré ; qu'en l'espèce, le 27 décembre 2016, la commission des pénalités informait Mme A... qu'elle avait rendu, lors de l'instance du 14 décembre 2016, l'avis suivant : « Suite à l'examen du dossier en application des dispositions des articles L. 114-17-1 et R. 147-6 du code de la sécurité sociale et au regard des arguments invoqués, la Commission, après en avoir délibéré, considère à l'unanimité de ses membres, que la matérialité des faits ainsi que la responsabilité de Mme Q... A..., assurée sociale, sont reconnues. En conséquence, les membres de la commission émettent l'avis de prononcer à l'encontre de Madame Q... A... une pénalité financière à hauteur de : - 2 voix pour 800 euros ; - 1 voix pour 600 euros ; - 1 voix pour 400 euros Avis de la Commission : 650 euros » ; qu'en considérant que cet avis n'était pas suffisamment motivé, en ce qu'il n'y a pas été répondu sur le fond aux objections de Mme A..., si ce n'est par des affirmations péremptoires et non motivées, le tribunal a violé les articles L. 114-17 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale ; 4°) ALORS QUE, par hypothèse, l'avis conforme implicite du Directeur général de l'UNCAM, lorsque celui-ci ne s'est pas prononcé dans le délai d'un mois, ne peut qu'être évoqué en tant que tel, sans autre mention ; qu'en l'espèce, l'avis du Directeur général de l'UNCAM a été sollicité le 27 décembre 2016, de sorte que, faute de réponse de ce dernier, il a été retenu qu'il avait émis un avis conforme implicite en date du 27 janvier 2017 ; que le directeur général de la CPAM du Val-de-Marne a ainsi exposé, dans sa notification du 3 février 2017, qu'il décidait le prononcé de la pénalité financière « au regard de cette décision [l'avis émis par la commission des pénalités] et après avis conforme implicite du Directeur général de l'Union Nationale des Caisses d'Assurance Maladie en date du 27 janvier 2017 » ; qu'en déclarant la procédure irrégulière au prétexte que l'avis implicite du directeur de l'UNCAM n'a été qu'évoqué, de sorte que son contenu est demeuré ignoré, le tribunal, qui s'est ainsi mépris sur la nature et la forme d'un avis implicite, a de nouveau violé les articles L. 114-17 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale ; 5°) ALORS QUE, dans la notification de pénalité financière du 3 février 2017, le directeur général de la CPAM du Val-de-Marne a récapitulé toutes les étapes de la procédure, rappelé l'objet de la discussion, pris acte de ce que les membres de la commission, devant lesquels Mme A... avait pu réitérer l'argument pris de ce que les ressources non déclarées présentaient la nature d'une simple aide familiale, avaient conclu à la matérialité des faits dûment rappelés et fait état de l'avis conforme implicite du Directeur général de l'UNCAM en date du 27 janvier 2017; qu'en considérant que cette décision n'était pas valablement motivée, de sorte que l'ensemble de la procédure devait être déclarée irrégulière, le tribunal a violé les articles L. 114-17 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale.
Selon l'article R. 147-2, II, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la commission mentionnée à l'article L. 114-17-1, V, du même code, rend un avis motivé, portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité ou de chacune des pénalités susceptibles d'être appliquée. Il résulte de ces dispositions que l'absence ou l'insuffisance de motivation de l'avis de la commission entache de nullité la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme sans que soit exigée la preuve d'un grief
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1074 F-P+B+I Pourvoi n° H 19-16.895 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La Société des aciers d'armature pour le béton (SAM), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 19-16.895 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est [...] , 2°/ au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société des aciers d'armature pour le béton, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la Société des aciers d'armature pour le béton du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 22 mars 2019), O... H... (la victime), salarié de la Société des aciers d'armature pour le béton (l'employeur), est décédé le [...] des suites d'un cancer broncho-pulmonaire, pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle (la caisse). 3. Par jugement du 1er juin 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy a dit que la maladie professionnelle de la victime était la conséquence de la faute inexcusable de l'employeur, fixé au maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant, dit que cette majoration lui serait directement versée par l'organisme de sécurité sociale, fixé l'indemnisation des préjudices tant de la victime que des ayants droit et dit que ces sommes devraient être versées au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante par la caisse. 4. La caisse a saisi le tribunal d'une requête en interprétation. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la requête en interprétation, de dire que la caisse tient de l'article L. 452-3 un droit à remboursement et qu'en conséquence l'employeur doit rembourser les sommes dont la caisse a fait l'avance, alors : « 1°/ que le juge, saisi d'une contestation quant à l'interprétation d'une de ses précédentes décisions ne peut, sous le prétexte d'en déterminer le sens, modifier les droits et obligations des parties tels que fixés par sa décision initial ; qu'il en résulte qu'une juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, saisie d'une contestation quant à l'interprétation d'une précédente décision ayant retenu la faute inexcusable de l'employeur, ne peut, sous le prétexte d'en déterminer le sens, condamner l'employeur à rembourser à la caisse les sommes avancées dans le cadre de la maladie professionnelle du salarié, quand la caisse avait précédemment omis d'exercer devant elle son action récursoire et qu'il n'avait pas été statué sur cette action dans la décision initiale ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 461, 480 et 481 du code de procédure civile ; 2°/ que si la caisse est fondée, en application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, à récupérer auprès de l'employeur le montant des majorations de rente et indemnités allouées à la victime et à ses ayants droit en raison de la faute inexcusable de ce dernier, cette action récursoire n'est pas susceptible de s'exercer dans un certain nombre de cas ; qu'il en résulte que la caisse doit exercer son action récursoire et ne dispose pas d'un droit au remboursement automatique ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu l'article 461 du code de procédure civile : 6. Il résulte de ce texte que les juges saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision ne peuvent, sous le prétexte d'en déterminer le sens, modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision. 7. Pour accueillir la requête en interprétation présentée par la caisse, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, qu'il est admis que, par interprétation, on puisse ajouter à une décision des précisions qui ne sont que la conséquence nécessaire de la décision. Il ajoute qu'il résulte des articles L. 452-1 à L. 452-3 du code de la sécurité sociale que la caisse, tenue de faire l'avance des sommes allouées, détient de plein droit, du fait de la loi, contre l'employeur convaincu de faute inexcusable auquel la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle est opposable, non seulement une action récursoire mais un droit à remboursement. Il en conclut que l'employeur était tenu de rembourser les sommes avancées par la caisse même si le rappel de ce droit au remboursement ne figurait pas dans le dispositif du jugement. 8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations que le jugement dont elle était saisie pour interprétation ne s'était pas prononcé sur l'action récursoire de la caisse, en l'absence de toute demande à ce titre, la cour d'appel a modifié les droits et obligations des parties et violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy du 17 janvier 2018 en ce qu'il dit que la Société des aciers d'armature pour le béton doit rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle les sommes avancées dans le cadre de la maladie professionnelle de O... H..., l'arrêt rendu le 22 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle et la condamne à payer à la Société des aciers d'armature pour le béton la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société des aciers d'armature pour le béton (SAM) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la requête en interprétation, formée par la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy le 1er juin 2016, d'avoir dit que la caisse primaire d'assurance maladie tient de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, un droit à remboursement à l'encontre de l'employeur convaincu de faute inexcusable, d'avoir dit qu'en conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'ajouter au dispositif du jugement du 1er juin 2016, la société des Aciers d'Armature pour le Béton doit rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle les sommes avancées dans le cadre de la maladie professionnelle de M. H..., dont le montant s'élève à 314 670,69 euros ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « le 30 mars 2017, la CPAM de Meurthe et Moselle, se fondant, sur les dispositions de l'article 461 du code de procédure civile a saisi le TASS de Nancy d'une demande en interprétation du jugement rendu la 1er juin 2016 faisant valoir qu'elle souhaitait qu'y soit expressément rajouté qu'elle disposait, du fait de la loi, du droit à récupérer à l'encontre de la société SAM les sommes dont elle a fait l'avance et d'obtenir une condamnation de l'employeur en ce sens ; qu'aux termes des dispositions de l'article 461 du code de procédure civile, il appartient à tout juge d'interpréter sa décision ; qu'il appartient à la partie intéressée à l'interprétation de démontrer que la décision critiquée présente des obscurités et des ambiguïtés qui en rendent l'exécution incertaine ; qu'adoptant les motifs retenus par le jugement entrepris, qui a caractérisé en quoi la décision dont l'interprétation est sollicitée était ambigüe, il y a lieu de le confirmer sur la recevabilité de la requête en interprétation ; que sur l'interprétation du jugement, il est admis que, par interprétation, on puisse ajouter à une décision des précisions qui ne sont que la conséquence nécessaire de la décision ; que de ce chef, il convient, en adoptant la motivation, de confirmer le jugement entrepris, lequel, a légitimement déduit l'application des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que celle de l'alinéa 3 recevait automatiquement application » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la recevabilité de la requête en interprétation du jugement du 1er juin 2016, l'article 461 du code de procédure civile dispose que : « il appartient à tout juge d'interpréter sa décision si elle n'est pas frappée d'appel » ; que le jugement qui fait l'objet d'une requête en interprétation de la part de la CPAM est un jugement rendu le 1er juin 2016 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy qui dit que la maladie professionnelle de Monsieur H... est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la SAM ; qu'il n'a pas été frappé d'appel ; que la CPAM et la SAM ne tirent pas les mêmes conséquences de cette décision puisque la CPAM a exercé son action récursoire contre la SAM, en application du jugement et que la SAM conteste devoir rembourser à la CPAM la somme réclamée ; qu'il s'agit, en l'espèce, de se prononcer sur les conséquences de la reconnaissance faite par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la faute inexcusable de la SAM, les deux parties ne conférant pas au jugement les mêmes effets ; que s'il apparaît nécessaire d'expliquer la décision prise par le tribunal de reconnaître la faute inexcusable de la SAM et notamment ses conséquences financières, c'est bien que cette décision présente une ambiguïté ; que la requête en interprétation formée par la CPAM est donc jugée recevable ; que sur l'interprétation du jugement du 1er juin 2016, le jugement du 1er juin 2016, objet de la requête, a reconnu que la faute inexcusable de la SAM a été à l'origine de la maladie professionnelle de M. H... ; que l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale prévoit que lorsque la maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ; que l'article L. 452-3 du même code dispose qu'indépendamment de la majoration qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ; que ce texte prévoit en son dernier alinéa que la réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires qui en récupère le montant auprès de l'employeur ; que l'article L. 452-3-1 du même code dispose que, quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 451-1 à L. 452-3 ; qu'il résulte de ces dispositions que la caisse tenue de faire l'avance des sommes allouées détient de plein de droit, du fait de la loi, contre l'employeur convaincu de faute inexcusable auquel le décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle est opposable, non seulement une action récursoire mais un droit à remboursement ; que ce droit à remboursement étant le corollaire de la reconnaissance de la faute inexcusable, le tribunal des affaires de sécurité sociale ne pourrait reconnaître l'existence de cette faute et, dans le même temps, dispenser l'employeur de rembourser à la CPAM les sommes qu'elle aurait avancées ; que c'est en cela que, le tribunal ne disposant d'aucun pouvoir d'appréciation, ce droit à remboursement n'a pas à faire l'objet d'une demande spécifique de la CPAM et peut être exercé par la CPAM même s'il n'est pas mentionné au dispositif du jugement ; qu'il convient d'en conclure que la SAM était tenue de remboursement les sommes avancées par la CPAM même si le rappel de ce droit au remboursement ne figurait pas dans le dispositif du jugement » ; 1°) ALORS QUE le juge, saisi d'une contestation quant à l'interprétation d'une de ses précédentes décisions ne peut, sous le prétexte d'en déterminer le sens, modifier les droits et obligations des parties tels que fixés par sa décision initial ; qu'il en résulte qu'une juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, saisie d'une contestation quant à l'interprétation d'une précédente décision ayant retenu la faute inexcusable de l'employeur, ne peut, sous le prétexte d'en déterminer le sens, condamner l'employeur à rembourser à la CPAM les sommes avancées dans le cadre de la maladie professionnelle du salarié, quand la caisse avait précédemment omis d'exercer devant elle son action récursoire et qu'il n'avait pas été statué sur cette action dans la décision initiale ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 461, 480 et 481 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE si la CPAM est fondée, en application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, à récupérer auprès de l'employeur le montant des majorations de rente et indemnités allouées à la victime et à ses ayants droit en raison de la faute inexcusable de ce dernier, cette action récursoire n'est pas susceptible de s'exercer dans un certain nombre de cas ; qu'il en résulte que la caisse doit exercer son action récursoire et ne dispose pas d'un droit au remboursement automatique ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Il résulte de l'article 461 du code de procédure civile que les juges saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision ne peuvent, sous le prétexte d'en déterminer le sens, modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision. Viole ce texte la cour d'appel qui, alors qu'il résultait de ses énonciations que l'arrêt dont elle était saisie pour interprétation ne s'était pas prononcé sur l'action récursoire de la caisse fondée sur les dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale en l'absence de toute demande à ce titre, interprète l'arrêt en disant que l'employeur était tenu de rembourser les sommes avancées par la caisse
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1076 F-P+B+I Pourvoi n° Y 19-18.175 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société Hôpital privé La Casamance, société par actions simplifiée, dont le siège est 33 boulevard des Farigoules, 13400 Aubagne, a formé le pourvoi n° Y 19-18.175 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant : 1°/ à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est Le Patio, 29 rue Jean-Baptiste Reboul, 13010 Marseille, 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, dont le siège est 14 avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP, venant aux droits de la MNC antenne de Marseille, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Hôpital privé La Casamance, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Hôpital privé La Casamance (l'établissement de santé) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 avril 2019), l'établissement de santé, après avoir saisi une juridiction de sécurité sociale de deux demandes de paiement dirigées contre la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse), sans les soumettre préalablement à la commission de recours amiable de la caisse, a saisi cette commission de ses deux demandes, puis saisi la même juridiction de sécurité sociale de deux recours formés contre les décisions implicites de rejet de la commission, puis d'un recours formé contre la décision explicite de rejet de celle-ci. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. L'établissement de santé fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en paiement, alors « que la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale à l'encontre d'une décision implicite ou explicite de rejet d'une décision de la commission de recours amiable de la caisse est recevable dès lors que le délai de forclusion pour saisir la commission, puis pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale, n'était pas expiré ; que l'irrecevabilité d'un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour défaut de saisine de la commission de recours amiable n'empêche dès lors pas le requérant d'introduire une nouvelle instance devant le tribunal après avoir saisi la commission de recours amiable de la caisse, en l'absence d'expiration du délai de forclusion ; qu'au cas présent, il est constant que l'hôpital privé La Casamance a saisi la commission de recours amiable de demandes en paiement des sommes de 60 169,44 euros et 45 879,99 euros le 10 novembre 2014 ; qu'en l'absence de décisions notifiées par la caisse, aucun délai de forclusion ne pouvait être opposé à l'Hôpital Privé La Casamance ; que dans ces conditions, les saisines du tribunal des affaires de sécurité sociale des décisions implicites de rejet de la commission de recours amiable, puis en contestation des décisions explicites de rejet de la commission, étaient recevables ; qu'en énonçant pourtant, pour déclarer l'Hôpital Privé La Casamance irrecevable en ses demandes, que « les recours 21500201 et 21500199 n'étant que les reprises des deux précédents, c'est à bon droit que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône se prévaut de l'irrecevabilité de deux demandes de l'hôpital privé La Casamance telles que présentées initialement directement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'irrecevabilité des recours de l'hôpital privé la Casamance, alors même qu'elle avait constaté que l'établissement avait saisi la commission de recours amiable de la caisse de deux recours, sans qu'aucun délai de forclusion ne puisse lui être opposé, puis qu'elle avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai qui lui était imparti pour contester ces décisions de rejet de la commission de recours amiable de la caisse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue du décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012, le second dans sa rédaction issue du décret n°96-786 du 10 septembre 1996, applicables au litige : 4. L'irrecevabilité, faute de saisine préalable de la commission de recours amiable, du recours formé directement devant la juridiction de sécurité sociale ne fait pas obstacle à l'exercice, après la saisine de la commission de recours amiable de l'organisme, d'un nouveau recours contentieux, sous réserve qu'il soit exercé avant l'expiration du délai de forclusion. 5. Pour déclarer les demandes en paiement de l'établissement de santé irrecevables, l'arrêt retient que celui-ci reconnaît dans ses écritures qu'il n'a jamais saisi la commission de recours amiable de ses recours originaux, que contrairement à ses prétentions, les saisines effectuées en 2014 et 2015 ne peuvent pas régulariser les défauts antérieurs tenant à l'absence de saisine préalable de la commission de recours amiable. 6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'après avoir saisi la juridiction de sécurité sociale sans avoir préalablement soumis ses demandes à la commission de recours amiable de la caisse, l'établissement de santé avait de nouveau saisi la juridiction de recours formés, dans le délai de forclusion de l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, contre deux décisions implicites puis une décision explicite de rejet de la commission de recours amiable, de sorte qu'elle était saisie de nouveaux recours qui n'étaient pas entachés de l'irrégularité initiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel formé par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, l'arrêt rendu le 26 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et la condamne à payer à la société Hôpital privé La Casamance la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Hôpital privé La Casamance PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes en paiement présentées par l'Hôpital Privé La Casamance à l'encontre de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône pour défaut de saisine préalable de la commission de recours amiable ; AUX MOTIFS QUE « l'hôpital privé La Casamance a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône des procédures suivantes : l'une tenant à un impayé de la part de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône d'un montant de 45.879 euros, l'autre relative à un impayé de la part de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône d'un montant de 60.139,44 euros, la troisième relative à une contestation par lui de la décision explicite de rejet de sa demande de la part de la commission de recours amiable de la caisse en date du 18 juin 2015 ; que pour faire droit à la demande de l'hôpital privé La Casamance le tribunal a écarté le moyen de prescription biennale, considéré que le moyen d'irrecevabilité tenant au défaut de saisine de la commission de recours amiable avait été abandonné par la caisse et au regard des documents produits par le demandeur, a fait droit à sa demande en paiement à l'encontre de la caisse ; qu'au soutien de sa demande d'infirmation du jugement, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône conclut liminairement et à titre principal à l'irrecevabilité du recours de l'hôpital privé La Casamance pour défaut de saisine préalable de la commission de recours amiable ; que l'hôpital privé La Casamance s'oppose à ce moyen et considère que la caisse tente de voir prospérer la confusion qu'elle entretien quant aux procédures dont il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'il résulte des pièces produites que l'hôpital privé La Casamance constatant que la caisse ne procédait pas au règlement de la totalité de ses facturations a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône le 28 décembre 2007 de deux demandes : - l'une relative à 9 factures émises en 2003, afférentes à des prestations IRM réalisées et non payées pour un montant s'élevant à 60.169,44 euros, lequel recours a été enrôlé devant le tribunal des affaires de sécurité sociales de Bouches-du-Rhône sous le numéro 20800303, la seconde concernant le service Scanner/IRM concernant deux lots qui n'avaient été réglés par la caisse qu'à hauteur de 20% correspondant à une demande de 45.879,99 euros, lequel recours a été enrôlé sous le numéro 20800304 ; que le recours 20800303, à l'encontre duquel l'inspecteur de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône avait objecté qu'il était irrecevable, pour défaut de saisine de la commission de recours amiable selon conclusions du 4 novembre 2013, a fait l'objet d'une ordonnance de radiation prononcée le 20 octobre 2014 par le président du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, pour un motif qui est sans rapport avec le moyen d'irrecevabilité soulevée, puisqu'est seulement mentionné le défaut de diligence du demandeur ; que la procédure 20800304 à l'encontre de laquelle la caisse avait articulé le même moyen d'irrecevabilité, a été radiée dans les mêmes conditions et à la même date, par le président du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône ; que le recours 20800303 a été réintroduit devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône par requête du nouveau conseil de l'hôpital privé la Casamance ce qui a donné lieu à nouvel enrôlement (21500198) s'agissant d'une demande réalisée le 22 décembre 2014 ; que parallèlement, l'Hôpital privé la Casamance saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône par lettre du 22 décembre 2014 d'un recours enregistré 21500201 sur décision implicite de rejet de la commission de recours amiable ; que le recours 20800304 a été réintroduit dans les mêmes conditions par le nouveau conseil de l'hôpital privé La Casamance, ce qui a donné lieu à saisine du tribunal des affaires de sécurité sociales de Bouches-du-Rhône sous le numéro de recours 21500199 ; que parallèlement, l'hôpital privé la Casamance saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociales de Bouches-du-Rhône par lettre du 22 décembre 2014 d'un recours enregistré 21500143 sur décision implicite de rejet de la commission de recours amiable ; que lors de ces deux remises au rôle, le conseil de l'hôpital privé la Casamance a demandé la jonction de l'instance nouvelle avec la plus ancienne ; qu'il est constant toutefois que l'hôpital privé La Casamance a mis à profit la radiation de ces deux procédures devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, pour tenter de procéder à leur régularisation en saisissant la commission de recours amiable de la caisse, selon un double courrier en date du 10 novembre 2014 afférent à la réclamation du paiement de 45.879,99 euros et le second concernant sa réclamation du paiement de 60.169,44 euros, ce qui lui a permis de saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône selon requête de ré-enrôlement du 22 décembre 2014 à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable en conséquence du défaut de réponse à sa saisine du 10 novembre 2014, laquelle donnera lieu à une nouvelle requête saisissant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône à la suite de la décision explicite de la commission de recours amiable du 16 juin 2015 et requête devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du 28 juillet 2015 (recours 201503605) ; qu'il s'évince du rappel chronologique ci-dessus que les 5 dossiers dont le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône a prononcé la jonction ne concernent en définitive que les deux seules et mêmes demandes initiales de l'hôpital privé La Casamance, 20800303 et 20800304, auxquelles à la faveur de leur ré-enrôlement informatique il a été donné un nouveau numéro de rôle, 21500198 et 21500199 puis de la même demande en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable 21500201 et 21500143, puis recours 21503605 sur contestation de la décision explicite de la commission de recours amiable ; qu'il n'en reste pas moins que la demande originaire en paiement des sommes de 60.169,44 euros et 45.8799,99 euros demeure la même ainsi qu'en atteste la demande de condamnation avec intérêts au taux légal à compter de 2006, date de la demande initiale et des mises en demeure ; qu'aux termes des dispositions du code de procédure civile, la radiation qui entraîne la suppression de l'affaire du rang des affaires en cours (article 381), est une simple mesure d'administration judiciaire, laissant persister l'instance, laquelle peut être reprise ultérieurement ; qu'en conséquence, la demande de rétablissement de l'affaire s'analyse non pas comme l'introduction d'une nouvelle instance mais comme une demande de reprise de l'instance initiale ; qu'il s'en déduit nécessairement qu'en l'état de la reprise de l'instance initiale, les défauts affectant la régularité de l'instance initiale conservent toute leur actualité ; qu'il résulte des articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale que le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut pas être saisi d'une réclamation contre un organisme de sécurité sociale qu'après que celle-ci a été soumise à la commission de recours amiable ; qu'il ne saurait y avoir de régularisation en cours d'instance judiciaire du défaut de saisine préalable de la commission de recours amiable ; que l'hôpital privé La Casamance reconnait dans ses écritures qu'il n'a jamais saisi la commission de recours amiable de ses recours originaux n°20800303 et 20800304 ; que contrairement à ses prétentions, les saisines effectuées en 2014 et 2015 ne peuvent pas régulariser les défauts antérieurs tenant à l'absence de saisine préalable de la commission de recours amiable ; que la cour en veut notamment pour preuve le fait que l'hôpital privé La Casamance demande la condamnation à paiement de la caisse avec intérêts au taux légal à compter de 2006, ce qui démontre bien que ce sont les demandes initiales qui ont été intégralement reprises par l'intimé ; que les recours 201500201 et 201500199 n'étant que les reprises des deux précédents, c'est à bon droit que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône se prévaut de l'irrecevabilité de deux demandes de l'hôpital privé La Casamance telles que présentées initialement directement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône ; que le jugement sera infirmé et les demandes en paiement de l'hôpital privé La Casamance seront déclarées irrecevables ; que l'équité justifie l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ; que l'hôpital privé la Casamance qui succombe en ses prétentions devant la cour sera condamné aux dépens postérieurs au 1er janvier 2019 » ; 1°) ALORS QUE la saisine du TASS à l'encontre d'une décision implicite ou explicite de rejet d'une décision de la commission de recours amiable de la caisse est recevable dès lors que le délai de forclusion pour saisir la commission, puis pour saisir le TASS, n'était pas expiré ; que l'irrecevabilité d'un recours devant le TASS pour défaut de saisine de la commission de recours amiable n'empêche dès lors pas le requérant d'introduire une nouvelle instance devant le tribunal après avoir saisi la commission de recours amiable de la caisse, en l'absence d'expiration du délai de forclusion ; qu'au cas présent, il est constant que l'hôpital privé La Casamance a saisi la commission de recours amiable de demandes en paiement des sommes de 60.169,44 euros et 45.879,99 euros le 10 novembre 2014 (arrêt, p. 4 § 11) ; qu'en l'absence de décisions notifiées par la caisse, aucun délai de forclusion ne pouvait être opposé à l'Hôpital Privé La Casamance ; que dans ces conditions, les saisines du TASS des décisions implicites de rejet de la commission de recours amiable, puis en contestation des décisions explicites de rejet de la commission, étaient recevables ; qu'en énonçant pourtant, pour déclarer l'Hôpital Privé La Casamance irrecevable en ses demandes, que « les recours 21500201 et 21500199 n'étant que les reprises des deux précédents, c'est à bon droit que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône se prévaut de l'irrecevabilité de deux demandes de l'hôpital privé La Casamance telles que présentées initialement directement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône » (arrêt, p. 5 in fine), la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'irrecevabilité des recours de l'hôpital privé la Casamance, alors même qu'elle avait constaté que l'établissement avait saisi la commission de recours amiable de la caisse de deux recours, sans qu'aucun délai de forclusion ne puisse lui être opposé, puis qu'elle avait saisi le TASS dans le délai qui lui était imparti pour contester ces décisions de rejet de la commission de recours amiable de la caisse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, dans le cas où la situation donnant lieu à une fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; que les réclamations relevant du contentieux général de la sécurité sociale formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont soumises à une commission de recours amiable ; que cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l'accomplissement, le cas échant, de la procédure de saisine de la commission de recours amiable, par simple requête ; que la forclusion ne peut être opposée toutes les fois que le recours a été introduits dans les délais soit auprès d'une autorité administrative, soit auprès d'un organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole ; qu'à aucun moment le code de la sécurité sociale interdit la régularisation de l'absence de saisine de la commission de recours amiable en cours d'instance, sous réserve que le délai de forclusion ne soit pas expiré ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que l'Hôpital Privé La Casamance a saisi le TASS le 28 décembre 2007 de deux demandes en paiement de factures impayées, enregistrées sous deux numéros de recours distincts (arrêt, p. 4 § 1 à 3) ; que les deux recours ont été radiés par ordonnance du président du TASS pour « défaut de diligence » du demandeur (arrêt, p. 4 § 4 et 5) ; que l'Hôpital Privé La Casamance a saisi la commission de recours amiable de la caisse le 10 novembre 2014 (arrêt, p. 4 § 9) ; que l'Hôpital a ensuite saisi le TASS de deux recours à l'encontre des décisions implicites de rejet de la commission de recours amiable, puis de recours à l'encontre des décisions explicites de rejet de la commission (arrêt, p. 4 § 9) ; qu'il ressortait de ces constatations que l'Hôpital Privé La Casamance ayant saisi la commission de recours amiable de la caisse sans qu'il ne puisse lui être opposé un quelconque délai de forclusion, les recours et la saisine du TASS étaient recevables, peu important que la saisine de la commission de recours amiable soit intervenue après une première saisine du TASS ; qu'en jugeant pourtant, pour déclarer l'Hôpital Privé La Casamance irrecevable en ses demandes, qu' « il ne saurait y avoir de régularisation en cours d'instance judiciaire du défaut de saisine préalable de la commission de recours amiable » et que « contrairement à ses prétentions [de l'Hôpital Privé La Casamance], les saisines effectuées en 2014 et 2015 ne peuvent pas régulariser les défauts antérieurs tenant à l'absence de saisine préalable de la commission de recours amiable » (arrêt, p. 5 § 6 à 10), la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, ainsi que l'article 126 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'Hôpital Privé La Casamance aux dépens postérieurs au 1er janvier 2019 ; AUX MOTIFS QUE « l'hôpital privé la Casamance qui succombe en ses prétentions devant la cour sera condamné aux dépens postérieurs au 1er janvier 2019 » ; ALORS QUE le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; que l'objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties, reprises oralement à l'audience ; qu'au cas présent, la CPAM ne sollicitait pas, dans ses écritures, reprises oralement à l'audience, la condamnation de la société Hôpital Privé La Casamance aux dépens mais se bornait à demander une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (concl, in fine) ; que la cour d'appel a d'ailleurs expressément constaté que « le représentant de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône a développé oralement le contenu de ses écritures pour ( ) voir débouter l'Hôpital Privé La Casamance de toutes ses demandes et le voir condamner au versement à son profit de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » (arrêt, p. 3 § 2) ; qu'en condamnant pourtant la société Hôpital Privé La Casamance aux dépens postérieurs au 1er janvier 2019 (arrêt, p. 6 § 2), la cour d'appel a modifié l'objet du litige, violant les articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile.
L'irrecevabilité, faute de saisine préalable de la commission de recours amiable, du recours formé directement devant la juridiction de sécurité sociale ne fait pas obstacle à l'exercice, après la saisine de la commission de recours amiable de l'organisme, d'un nouveau recours contentieux, sous réserve qu'il soit exercé avant l'expiration du délai de forclusion
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1081 F-P+B+I Pourvoi n° A 19-16.521 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, dont le siège est département des affaires juridiques service contrôle-législation, 78085 Yvelines cedex 9, a formé le pourvoi n° A 19-16.521 contre le jugement rendu le 17 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris (section 5), dans le litige l'opposant à la société Pharmacie X...-santé bien être, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Pharmacie X...-santé bien être, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, 17 décembre 2018), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse) a refusé de prendre en charge, au titre de l'assurance maladie, le coût d'un médicament dit d'exception, délivré le 19 janvier 2018 par la société Pharmacie X...-santé bien être (la pharmacie). 2. La pharmacie a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 162-17, R. 161-40, R. 163-2 du code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 26 juin 2006 pris pour l'application des articles R. 163-2 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale et relatif aux spécialités remboursables et aux produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 dudit code, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-1729 du 15 décembre 2016, applicable au litige : 4. Il résulte de la combinaison de ces textes que les médicaments particulièrement coûteux et d'indications précises ne peuvent être pris en charge que si leur prescription est rédigée sur une ordonnance spécifique, conforme à un modèle fixé par arrêté ministériel et remplie par le prescripteur. Cette exigence s'impose au pharmacien en cas d'application du tiers payant. 5. Pour condamner la caisse à prendre en charge les frais pharmaceutiques litigieux, le jugement retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale que la caisse n'est tenue par une obligation de remboursement au titre de l'assurance maladie qu'à la condition que les pièces justifiant du paiement soient communiquées et qu'elles soient authentiques, de sorte qu'il ne saurait y avoir une obligation de prise en charge du coût de médicaments prescrits au moyen de faux documents, mais que, pour autant, il appartient à la caisse, au titre de son obligation générale d'information, de mettre à la disposition des professionnels de santé les données utiles afin de prévenir la délivrance de produits pharmaceutiques au moyen de faux documents. Il ajoute qu'en l'espèce, il est constant que, le 19 janvier 2018, la pharmacie a délivré les produits pharmaceutiques à la suite de la présentation d'une ordonnance falsifiée, établie à partir d'un ordonnancier préalablement volé, que toutefois, la pharmacie n'a pas été informée de ces circonstances puisqu'il est établi que celles-ci ont été intégrées, le 25 janvier 2018, dans le système "alerte sécurisée aux fausses ordonnances" de la caisse, que ce retard dans l'information de la pharmacie, imputable à la caisse, qui n'allègue pas ne pas avoir été informée du vol de l'ordonnancier postérieurement au 19 janvier 2018, justifie que celle-ci soit condamnée au coût du remboursement des produits pharmaceutiques délivrés, étant rappelé qu'il est loisible à la caisse de solliciter l'indemnisation du préjudice financier subi par elle devant les juridictions de droit commun, en particulier le juge répressif. 6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le médicament litigieux avait été délivré sur présentation d'une ordonnance falsifiée, de sorte que les règles de prescription n'ayant pas été respectées, sa prise en charge ne pouvait être imposée à la caisse, le tribunal a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 9. Le médicament litigieux ayant été délivré sur présentation d'une prescription médicale falsifiée, la pharmacie n'est pas fondée, dans le cadre d'une dispense d'avance de frais, à en obtenir le remboursement par la caisse. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le recours recevable, le jugement rendu le 17 décembre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déboute la société Pharmacie X...-santé bien être de son recours ; Condamne la société Pharmacie X...-santé bien être aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la CPAM des Yvelines à payer à la Pharmacie X... – Santé Bien Etre la somme de 3.532,60 euros au titre de la délivrance de produits pharmaceutiques, le 19 janvier 2018 ; AUX MOTIFS QUE conformément aux dispositions de l'article L. 161-1-4 du Code de la sécurité sociale : « Les organismes de sécurité sociale demandent, pour le service d'une prestation ou le contrôle de sa régularité, toutes pièces justificatives utiles pour vérifier l'identité du demandeur ou du bénéficiaire d'une prestation ainsi que pour apprécier les conditions du droit à la prestation, notamment la production d'avis d'imposition ou de déclarations déposées auprès des administrations fiscales compétentes. Les organismes peuvent se dispenser de ces demandes lorsqu'ils sont en mesure d'effectuer des contrôles par d'autres moyens mis à leur disposition. Les organismes de sécurité sociale peuvent notamment se dispenser de solliciter la production de pièces justificatives par le demandeur ou le bénéficiaire d'une prestation lorsqu'ils peuvent obtenir directement les informations ou pièces justificatives nécessaires auprès des personnes morales de droit public ou des personnes morales de droit privé gérant un service public compétentes, notamment par transmission électronique de données. Les traitements automatisés de données qui se limitent à l'organisation de ces transmissions, notamment en vue de garantir l'authenticité et la fiabilité des données échangées, sont soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dès lors que les informations et pièces justificatives échangées au titre d'une prestation sont celles définies par les dispositions législatives et réglementaires relatives au service de la prestation concernée. Sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations ou l'absence réitérée de réponse aux convocations d'un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée. [ ... ] » ; qu'il résulte desdites dispositions que la CPAM n'est tenue par une obligation de remboursement au titre de l'assurance maladie qu'à la condition que les pièces justifiant du paiement soient communiquées et qu'elles soient authentiques, de sorte qu'il ne saurait y avoir une obligation de prise en charge du coût de médicaments prescrits au moyen de faux documents ; que, pour autant, il appartient à la CPAM, au titre de son obligation générale d'information, de mettre à la disposition des professionnels de santé les données utiles afin de prévenir la délivrance de produits pharmaceutiques au moyen de faux documents; qu'en l'espèce, il est constant que, le 19 janvier 2018, la PHARMACIE SANTE BIEN ETRE a délivré des produits pharmaceutiques à la suite de la présentation d'une ordonnance falsifiée, établie à partir d'un ordonnancier préalablement volé ; que, toutefois, la PHARMACIE SANTE BIEN ETRE n'était pas informée de ces circonstances puisqu'il est établi que celles-ci ont été intégrées, le 25 janvier 2018, dans le système « alerte sécurisée aux fausses ordonnances» de la CPAM ; que ce retard dans l'information du professionnel de santé, imputable à la CPAM, qui n'allègue pas ne pas avoir été informée du vol de l'ordonnancier postérieurement au 19 janvier 2018, justifie que celle-ci soit condamnée au remboursement du coût des produits pharmaceutiques délivrés, étant rappelé qu'il est loisible à la Caisse de solliciter l'indemnisation du préjudice financier subi par elle devant les juridictions de droit commun, en particulier le juge répressif ; 1°) ALORS QUE la caisse primaire d'assurance maladie ne peut être tenue au remboursement de médicaments prescrits au moyen d'un faux document ; qu'en constatant que l'ordonnance remise le 19 janvier 2018 à la Pharmacie Santé Bien Etre aux fins de délivrance d'un médicament d'exception était un faux, pour néanmoins décider que la caisse était tenue à une obligation de prise en charge des médicaments ainsi délivrés, le tribunal des affaires de sécurité sociale n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L 161-1-4 du code de la sécurité sociale ; 2°) ALORS QUE l'obligation d'information des caisses quant à l'existence de faux documents médicaux en circulation n'est qu'une obligation de moyens ; qu'il appartient à celui qui invoque une exécution défectueuse de cette obligation d'en rapporter la preuve ; qu'en retenant que la caisse avait tardivement informé les pharmaciens de l'existence d'ordonnanciers volés en circulation du seul fait qu'elle ne démontrait pas avoir été informée des vols postérieurement seulement à la délivrance des produits, le tribunal des affaires de sécurité sociale a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ; 3°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer luimême le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, la CPAM des Yvelines faisait valoir que par courrier du 23 janvier 2018, elle avait indiqué avoir préalablement signalé la fausse ordonnance aux pharmaciens d'Ile-de-France sur le site « Alerte sécurisée aux fausses ordonnances » ; que la Pharmacie Santé Bien Etre ne remettait pas en cause cette affirmation, se contentant d'indiquer qu'elle n'avait pas de raison de se rendre sur le site en question le jour de la délivrance des médicaments litigieux ; qu'en affirmant que le vol de l'ordonnancier avait été intégré le 25 janvier 2018 dans le système ASAFO, soit postérieurement à la date de délivrance des médicaments litigieux, le tribunal des affaires de sécurité sociale, qui n'a pas préalablement invité les parties à s'expliquer sur ce point, a violé le principe du contradictoire et, partant, l'article 16 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE ne donne pas à sa décision une véritable motivation le juge qui procède par voie de simple affirmation sans donner à ses constatations de fait une précision suffisante ; qu'en affirmant péremptoirement, pour reprocher à la caisse un non-respect de son obligation d'information, « qu'il est établi » que le vol de l'ordonnancier avait été intégré le 25 janvier 2018 dans le système « Alerte sécurisée aux fausses ordonnances », soit postérieurement à la date de délivrance des médicaments litigieux, sans préciser de quel élément de preuve il tirait de telles constatations, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'aveu judiciaire fait pleine foi contre celui qui l'a fait ; qu'en l'espèce, la Pharmacie Santé Bien Etre a reconnu dans son courrier de recours valant conclusions (p. 3) ne pas avoir consulté le site « Alerte sécurisée aux fausses ordonnances » (ASAFO) avant de délivrer le médicament d'exception sur la base d'une fausse ordonnance le 19 janvier 2018 ; qu'il importe donc peu que l'ordonnance falsifiée ait pu n'avoir figuré sur le site ASAFO que le 25 janvier 2018 ; qu'en se fondant néanmoins sur cette circonstance pour condamner la caisse à prendre en charge les médicaments délivrés au moyen d'un faux, sans tenir compte de l'aveu susvisé de la Pharmacie reconnaissant ne pas avoir consulté ledit site le jour de la délivrance des médicaments, le tribunal des affaires de sécurité sociale a méconnu les articles 1383 et 1383-2, alinéa 2 du code civil ; 6°) ALORS QU'en tout état de cause, une pharmacie qui délivre un médicament en pratiquant le tiers payant sur la base d'une simple attestation de soins et non d'une carte vitale ne peut être garanti d'un quelconque remboursement des médicaments par la caisse ; qu'en condamnant la caisse à prendre en charge les médicaments délivrés au moyen d'un faux par la Pharmacie Santé Bien Etre qui avait pourtant reconnu dans son courrier de recours valant conclusions (p. 1) ne pas avoir eu recours à la facturation en flux sécurisé à partir de la carte vitale, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé l'article 37-15 de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie.
Il résulte de la combinaison des articles L. 162-17, R. 161-40, R. 163-2 du code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 26 juin 2006 pris pour l'application des articles R. 163-2 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale et relatif aux spécialités remboursables et aux produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 dudit code, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-1729 du 15 décembre 2016, que les médicaments particulièrement coûteux et d'indications précises ne peuvent être pris en charge que si leur prescription est rédigée sur une ordonnance spécifique, conforme à un modèle fixé par arrêté ministériel et remplie par le prescripteur. Cette exigence s'impose au pharmacien en cas d'application du tiers payant. Viole ces textes le tribunal qui, ayant constaté qu'un médicament dit d'exception avait été délivré par une pharmacie sur présentation d'une ordonnance falsifiée, de sorte que les règles de prescription n'avaient pas été respectées, condamne un organisme social à le prendre en charge
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1082 F-P+B+I Pourvoi n° V 19-16.999 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société CAC 06, société à responsabilité limitée, dont le siège est 43 rue Hérold, 06000 Nice, a formé le pourvoi n° V 19-16.999 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme J... H..., domiciliée [...] , 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, dont le siège est 48 avenue du roi Robert comte de Provence, 06180 Nice, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société CAC 06, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 mars 2019), la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes (la caisse) a, par courrier du 10 août 2011, notifié à la société CAC 06 (l'employeur) et à sa salariée, Mme H... (la victime), une décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu le 20 mai 2011. 2. À la suite de la décision de la commission de recours amiable reconnaissant le caractère professionnel de l'accident, la caisse a, par courrier du 19 avril 2012, notifié à la victime une décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle. 3. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale aux fins de contestation de la décision de prise en charge. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le même moyen, pris en ses autres branches réunies Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors : « 1°/ que l'employeur a intérêt à contester la décision de la caisse de prendre en charge l'arrêt de travail d'un salarié au titre de la législation professionnelle et à faire établir que cette décision, qui porte sur les conditions de travail et les risques professionnels au sein de son entreprise, n'est pas susceptible de jeter le discrédit sur les conditions de travail des salariés, peu important qu'aucune somme n'ait été mise à sa charge à la suite de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a admis que l'employeur disposait d'un intérêt résiduel à pouvoir faire établir judiciairement que la décision de prise en charge de la caisse, en ce qu'elle porte sur les conditions de travail, n'aurait pas été prise conformément au code de la sécurité sociale ou serait susceptible de jeter le discrédit sur les conditions de travail que l'employeur réserve à ses salariés, ne pouvait dire que l'action de la société CAC 06 était irrecevable en se bornant à énoncer qu'il s'agissait d'un accident du travail pris en charge isolément par la caisse sans aucune conséquence financière pour l'employeur car en statuant ainsi, par des motifs inopérants et impropres à exclure l'intérêt à agir de la société CAC 06, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ; 2°/ que l'employeur a intérêt à agir en contestation de la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident subi par la salariée sur le lieu de travail ; et il appartient aux juges du fond d'apprécier cet intérêt au regard de l'objet du litige tel que défini par les parties ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer que la décision de prise en charge de la Caisse était inopposable à l'employeur pour en déduire que la société CAC 06 était irrecevable à agir faute d'intérêt sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société CAC 06 ne justifiait pas d'un intérêt à contester le bien-fondé de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident de Mme H... et non pas seulement son inopposabilité, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants au regard de l'objet du litige et impropres à exclure l'intérêt de la société CAC 06 à contester le bien-fondé de la décision de la caisse et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 4 et 31 du code de procédure civile ; 4°/ que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motivation ; qu'en jugeant que le recours de la société CAC 06 contre la décision de prise en charge de la caisse était irrecevable au prétexte que la décision ne lui faisait aucun grief de sorte qu'il ne disposait d'aucun intérêt à agir, sans répondre au moyen pertinent de la société CAC 06 qui faisait valoir qu'elle avait un intérêt économique à contester la décision dans la mesure où la salariée, ayant été licenciée pour inaptitude, pouvait se prévaloir de l'indemnité spéciale de licenciement, correspondant au double des indemnités prévues par le code du travail, dès lors que l'origine professionnelle de l'accident avait été retenue, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief. Il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard. 7. Ayant énoncé la règle de l'indépendance des rapports entre la caisse et l'employeur, d'une part, et la caisse et la victime, d'autre part, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que la décision de refus de prise en charge du 10 août 2011 est devenue définitive dans les relations entre l'employeur et la caisse et que la décision de prise en charge intervenue sur le seul recours de la salariée est inopposable à l'employeur. Il retient essentiellement que cette règle rend sans objet et prive d'intérêt à agir, dans sa contestation de la matérialité de l'accident, l'employeur à l'égard duquel la décision de prise en charge de la caisse était inopposable, soit en raison d'un refus initial de prise en charge que lui avait notifié la caisse, soit en cas d'infirmation de cette décision par la commission de recours amiable, dès lors que la procédure devant cette commission n'était pas contradictoire à son endroit, et que son intérêt à agir ne pouvait renaître que si le salarié entreprenait de l'attraire devant la juridiction de sécurité sociale du chef d'une faute inexcusable, ce qui ne constitue pas l'objet du présent litige. 8. Ayant constaté que l'employeur avait reçu notification d'une décision de refus de prise en charge de l'accident litigieux, devenue définitive dans ses rapports avec la caisse, la cour d'appel en a exactement déduit, par une décision suffisamment motivée et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche du moyen, que l'employeur n'avait pas intérêt à agir à l'encontre de la décision ultérieure de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société CAC 06 aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CAC 06 ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société CAC 06 Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré la société CAC 06 irrecevable en ses demandes et de l'AVOIR condamnée au paiement de la somme de 2.000 € à la CPAM des Alpes-Maritimes et de la même somme à Mme H... en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens postérieurs au 1er janvier 2019 ; AUX MOTIFS QUE « Le tribunal aux termes d'une analyse juridique qui n'appelle aucune critique et dont la Cour adopte les motifs, a à bon droit rappelé que le principe de l'indépendance des rapports entre les Caisse – la victime salariée – l'employeur, qui régit l'application de la législation professionnelle en matière d'accident du travail, rendait sans objet et privait d'intérêt à agir dans sa contestation de la matérialité de celui-ci, l'employeur à l'égard duquel la décision de prise en charge de la Caisse était inopposable, soit en raison d'un refus initial de prise en charge que lui avait notifié la Caisse, soit en cas d'information de cette décision par la Commission de recours amiable, dès lors que la procédure devant cette commission n'était pas contradictoire à son endroit, et que son intérêt à agir ne pouvait renaître que si le salarié entreprenait de l'attraire devant la juridiction de sécurité sociale du chef d'une faute inexcusable, ce qui ne constitue pas l'objet du présent litige ; Si le juridictions de sécurité sociale reconnaissent parfois à l'employeur un intérêt à agir du chef d'une décision de la Caisse qui lui est inopposable et dont les conséquences financières sont inscrites au compte spécial, c'est seulement dans le cas spécifique de la reconnaissance par la Caisse du caractère professionnel de la pathologie à laquelle la Caisse a procédée puisque dans ce cas de reconnaissance de maladie professionnelle l'employeur peut disposer d'un intérêt résiduel à pouvoir faire établir judiciairement que cette décision en ce qu'elle porte sur les conditions de travail (l'ergonomie des postes de travail, l'exposition à des produits toxiques ou toute autre maladie professionnelle) n'aurait pas été prise conformément au Code de la sécurité sociale ou serait susceptible de jeter le discrédit sur les condition de travail qu'il réserve à ses salariés ; Force est d'observer qu'en l'espèce s'agissant d'un accident du travail pris en charge isolément par la Caisse sans aucune conséquence financière pour l'employeur, la SARL CAC 06 ne dispose d'aucun intérêt direct et personnel à venir contester une décision de la Caisse qui ne lui fait aucun grief ; C'est à bon droit que la SARL CAC 06 a été déclarée irrecevable en son recours ; Confirmation du jugement sera donnée en ce sens » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « [ ] il appartient à la société CAC 06 de démontrer avoir un intérêt à agir, en application de l'article 122 du code de procédure civile. Or, il est constant que, selon décision du 10 août 2011, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a notifié à la salariée et à l'employeur, une décision de refus de prise en charge. Cette décision a été ensuite réexaminée et infirmée par la Commission de Recours Amiable, sur le recours de Mme H.... En application de l'article L. 451-2 du code de la sécurité sociale, les rapports entre Caisse et salarié-victime, d'une part, et Caisse et employeur, d'autre part, sont indépendants. La décision de refus de prise en charge du 10 août 2011 est ainsi définitive dans les relations entre l'employeur et la Caisse, la décision de prise en charge intervenue sur le seul recours de la salariée étant inopposable à l'employeur. Ainsi que le rappelle la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, le compte employeur de la société CAC 06 n'est nullement impacté par la décision de prise en charge résultant du réexamen par la CRA. En vertu de cette inopposabilité, l'employeur conserve toute latitude de discuter de la matérialité de l'accident du travail dans l'hypothèse où une instance serait engagée par la salariée aux fins de reconnaissance d'une faute inexcusable. La décision de prise en charge par la CPAM de l'accident est enfin sans conséquence sur l'appréciation souveraine que les juridictions pénales seront susceptibles de porter sur les diverses plaintes dont l'examen est en cours. En conséquence, la société CAC 06 est sans intérêt pour agir. Ses demandes ne peuvent qu'être déclarées irrecevables, sans qu'une décision sur ce point dépende de quelque manière que ce doit de la solution des instances pénales engagées. » ; 1°) ALORS QUE l'employeur a intérêt à contester la décision de la Caisse de prendre en charge l'arrêt de travail d'un salarié au titre de la législation professionnelle et à faire établir que cette décision, qui porte sur les conditions de travail et les risques professionnels au sein de son entreprise, n'est pas susceptible de jeter le discrédit sur les conditions de travail des salariés, peu important qu'aucune somme n'ait été mise à sa charge à la suite de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a admis que l'employeur disposait d'un intérêt résiduel à pouvoir faire établir judiciairement que la décision de prise en charge de la caisse, en ce qu'elle porte sur les conditions de travail, n'aurait pas été prise conformément au code de la sécurité sociale ou serait susceptible de jeter le discrédit sur les conditions de travail que l'employeur réserve à ses salariés, ne pouvait dire que l'action de la société CAC 06 était irrecevable en se bornant à énoncer qu'il s'agissait d'un accident du travail pris en charge isolément par la Caisse sans aucune conséquence financière pour l'employeur car en statuant ainsi, par des motifs inopérants et impropres à exclure l'intérêt à agir de la société CAC 06, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'employeur a intérêt à agir en contestation de la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident subi par la salariée sur le lieu de travail ; et il appartient aux juges du fond d'apprécier cet intérêt au regard de l'objet du litige tel que défini par les parties ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer que la décision de prise en charge de la Caisse était inopposable à l'employeur pour en déduire que la société CAC 06 était irrecevable à agir faute d'intérêt sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société CAC 06 ne justifiait pas d'un intérêt à contester le bien-fondé de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident de Mme H... et non pas seulement son inopposabilité, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants au regard de l'objet du litige et impropres à exclure l'intérêt de la société CAC 06 à contester le bien-fondé de la décision de la Caisse et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 4 et 31 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, DE SURCROIT, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour dire irrecevable l'action de la société CAC 06, la cour d'appel, après avoir admis que la jurisprudence reconnaissait à l'employeur un intérêt à agir du chef d'une décision de la Caisse qui lui est inopposable et dont les conséquences financières sont inscrites au compte spécial a toutefois estimé que tel n'était le cas que lorsque les décisions portaient sur des maladies professionnelles et non sur des accidents du travail ; qu'en retenant d'office ce moyen tiré d'une distinction artificielle entre maladie professionnelle et accident du travail, qui n'était au demeurant invoqué par aucune des parties, et sans provoquer à cet égard les observations de ces dernières, la cour d'appel violé les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé, à peine de nullité et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motivation ; qu'en jugeant que le recours de la société CAC 06 contre la décision de prise en charge de la Caisse était irrecevable au prétexte que la décision ne lui faisait aucun grief de sorte qu'il ne disposait d'aucun intérêt à agir, sans répondre au moyen pertinent de la société CAC 06 qui faisait valoir qu'elle avait un intérêt économique à contester la décision dans la mesure où la salariée, ayant été licenciée pour inaptitude, pouvait se prévaloir de l'indemnité spéciale de licenciement, correspondant au double des indemnités prévues par le code du travail, dès lors que l'origine professionnelle de l'accident avait été retenue (conclusions d'appel p. 19), la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.
Selon l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur, dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief. Il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1092 F-P+B+I Pourvoi n° Q 19-20.766 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 M. F... J..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-20.766 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale - protection sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Alpes Provence Agneaux, société anonyme, dont le siège est 1 allée des Chênes, parc d'activités Val de Durance, 04200 Sisteron, anciennement dénommée société Dufour Sisteron, 2°/ à la Mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse, dont le siège est site de Gap, 25 bis avenue commandant Dumont, BP 79, 05015 Gap cedex, défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. J..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Alpes Provence Agneaux, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 juin 2019), M. J... a interjeté appel, le 31 janvier 2017, devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Alpes rendu dans un litige l'opposant à la société Dufour Sisteron, aux droits de laquelle se trouve la société Alpes Provence Agneaux, et à la Mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse, qui lui avait été notifié le 19 janvier 2017. 2. Le 8 mars 2017, M. J... a formé une nouvelle déclaration d'appel, devant la cour d'appel de Grenoble, territorialement compétente, qu'il a réitérée le 23 mars 2017. 3. Par arrêt du 20 octobre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a constaté le désistement d'appel de M. J..., intervenu à l'audience du 7 septembre 2017, son acceptation par les intimées, et le dessaisissement de la cour d'appel. 4. Les déclarations d'appel des 8 mars 2017 et 23 mars 2017 ayant été jointes, la société Alpes Provence Agneaux a soulevé leur irrecevabilité. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. J... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les appels des 8 mars 2017 et 23 mars 2017, alors « qu'en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, même formée devant une cour incompétente, interrompt le délai d'appel ; que si cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque le demandeur, notamment, s'est désisté de sa demande, cette disposition ne s'applique pas lorsque le désistement est intervenu en raison de l'incompétence de la première juridiction saisie ; qu'en disant que M. J... ne peut plus de prévaloir de l'effet interruptif attaché à ses déclarations d'appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, tout en constatant que ces déclarations, et donc le désistement, avaient été portés devant cette première juridiction qui était incompétente alors qu'entre-temps, la cour d'appel de Grenoble, qui était compétente, avait été saisie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des textes susvisés, ainsi que de l'article 5 du code de procédure civile, qu'elle a donc violés par fausse application. » Réponse de la Cour Vu les articles 2241 et 2243 du code civil : 6. Il résulte de ces textes que si une déclaration d'appel formée devant une cour d'appel incompétente interrompt le délai d'appel, cette interruption est non avenue en cas de désistement d'appel, à moins que le désistement n'intervienne en raison de la saisine d'une cour d'appel incompétente. 7. Pour déclarer irrecevables les appels des 8 mars 2017 et 23 mars 2017, l'arrêt retient que dès lors que M. J... s'est désisté de l'appel qu'il avait interjeté devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ce que cette cour d'appel a constaté par arrêt en date du 20 octobre 2017, il ne peut plus se prévaloir de l'effet interruptif attaché aux déclarations d'appel qu'il a adressées à cette cour. 8. En statuant ainsi, tout en constatant que M. J... s'était désisté de l'appel formé devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence après avoir régularisé un nouveau recours à l'encontre du même jugement devant la cour d'appel territorialement compétente, ce dont il ressortait que le désistement était motivé par l'incompétence de la première juridiction saisie, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société Alpes Provence Agneaux et la Mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alpes Provence Agneaux et la condamne, ainsi que la Mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse, à payer à M. J... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. J... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les appels interjetés par M. F... J... à l'encontre du jugement du 16 décembre 2016 prononcé par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Alpes, AUX MOTIFS QU' en application des articles 538 du code de procédure civile et R 311-2 du code de l'organisation judiciaire, l'appel doit être formé dans le délai d'un mois, à compter de la notification du jugement entrepris, devant la cour d'appel dont relève la juridiction qui a prononcé la décision ; Qu'en l'espèce, le jugement attaqué ayant été prononcé par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Alpes, l'appel ne pouvait être porté que devant la cour d'appel de Grenoble, conformément au tableau l annexé au décret 2003-614 du 3 juillet 2003 alors en vigueur, dans le délai d'un mois de la notification ; Que ces règles ont été précisées à M. F... J... dans l'acte de notification qui mentionne expressément que la décision prise en premier ressort était susceptible d'un appel, interjeté dans le délai d'un mois à compter de la notification, devant la cour d'appel de Grenoble ; Que le jugement du 16 décembre 2016 ayant été notifié à M. F... J... le 10 janvier 2017, son appel aurait donc dû être porté devant la Cour de céans le 10 février 2017 au plus tard, même si le jugement a fait l'objet d'une rectification matérielle par ordonnance du 8 mars 2017 notifiée le 22 mars 2017 ; Que toutefois, M. F... J... n'a interjeté appel devant la Cour de céans que par un acte adressé le 8 mars 2017 ; que sa seconde déclaration d'appel, adressée le 23 mars 2017 après notification de l'ordonnance rectificative du 8 mars 2017, ne contient aucune critique de la rectification matérielle que M. F... J... a obtenue, et elle vise strictement les mêmes fins que celles mentionnées dans l'acte d'appel du 8 mars 2017 ; Que pour soutenir néanmoins la recevabilité de son appel devant la Cour de céans, interjeté dans des termes identiques par deux actes successifs, M. F... J... invoque les dispositions de l'article 2241 du code civil selon lesquelles une demande en justice interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ; Qu'il tente de se prévaloir de l'appel qu'il a cru pouvoir interjeter devant la Cour d'Aix-en-Provence le 31 janvier 2017, complété par un acte du 17 février 2017, ainsi que du désistement que cette Cour a constaté par arrêt du 20 octobre 2017 ; Que toutefois si, d'une manière générale, en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, seraitelle formée devant une cour d'appel incompétente, interrompt le délai d'appel, cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque l'appel est définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir (cass civ 2ème 21 mars 2019 n° 17-10663) ; Qu'en particulier, l'article 2243 du code civil dispose précisément que l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ; Que dès lors que M. F... J... s'est désisté de l'appel qu'il avait interjeté devant la Cour d'appel d'Aix- en-Provence, ce que cette Cour a constaté par arrêt de sa 14ème chambre en date du 20 octobre 2017, il ne peut plus se prévaloir de l'effet interruptif attaché aux déclarations d'appel qu'il a adressées à cette Cour ; Que faute pour lui d'avoir régulièrement saisi la Cour de céans d'un appel formé dans le mois de la notification du jugement critiqué, M. F... J... est irrecevable en ses recours ; Que pour autant, il n'est pas contraire à l'équité de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Qu'en application de l'article 696 du même code, il s'impose néanmoins de mettre les dépens à la charge de M. F... J... ; 1° ALORS QU'en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, même formée devant une cour incompétente, interrompt le délai d'appel ; que si cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque le demandeur, notamment, s'est désisté de sa demande, cette disposition ne s'applique pas lorsque le désistement est intervenu en raison de l'incompétence de la première juridiction saisie ; qu'en disant que M. J... ne peut plus de prévaloir de l'effet interruptif attaché à ses déclarations d'appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, tout en constatant que ces déclarations, et donc le désistement, avaient été portés devant cette première juridiction qui était incompétente alors qu'entre temps, la cour d'appel de Grenoble, qui était compétente, avait été saisie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des textes susvisés, ainsi que de l'article 5 du code de procédure civile, qu'elle a donc violés par fausse application, 2° ALORS QUE le désistement ne permet de regarder l'interruption de la prescription comme non avenue que lorsqu'il s'agit d'un désistement d'instance pur et simple ; que quand il est motivé par l'incompétence de la juridiction devant laquelle il est formulé et qu'il fait suite à la saisine d'une autre juridiction compétente pour connaître de la demande, le désistement maintient l'effet interruptif de la demande en justice ; qu'en disant que M. J... ne pouvait plus de prévaloir de l'effet interruptif attaché à ses déclarations d'appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sans rechercher si, comme le soutenait M. J..., celui-ci ne s'était pas désisté de ses appels devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence en raison précisément de l'incompétence territoriale de cette première juridiction saisie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 et 2243 du code civil, ensemble l'article 5 du code de procédure civile. Le greffier de chambre
Il résulte des articles 2241 et 2243 du code civil que si une déclaration d'appel formée devant une cour d'appel incompétente interrompt le délai d'appel, cette interruption est non avenue en cas de désistement d'appel, à moins que le désistement n'intervienne en raison de la saisine d'une cour d'appel incompétente. Dès lors, en l'état d'un premier appel formé à tort devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence dont l'appelant s'est désisté après avoir régularisé un nouvel appel devant la cour d'appel de Grenoble territorialement compétente, ce dont il ressortait que le désistement était motivé par l'incompétence de la première juridiction saisie, encourt la censure l'arrêt qui prononce l'irrecevabilité du second appel motif pris de ce que, s'étant désisté, l'appelant ne pourrait plus se prévaloir de l'effet interruptif du délai d'appel de la première déclaration d'appel
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1097 F-P+B+I Pourvoi n° M 19-16.347 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 1°/ M. G... V..., 2°/ Mme D... J..., épouse V..., domiciliés tous deux [...], 3°/ la société Vano 44, société civile immobilière, 4°/ la société AHL, société civile immobilière, 5°/ la société Yayajan, société civile immobilière, ayant toutes trois leur siège [...] , ont formé le pourvoi n° M 19-16.347 contre l'arrêt rendu le 13 mars 2019 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société L... O... et G... V..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme V... et des sociétés Vano 44, AHL et Yayajan, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société L... O... et G... V..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 13 mars 2019), la SCP de notaires L... O... et G... V... (la SCP), dans laquelle est associé M. V..., prétendant être créancière d'une certaine somme à l'égard de ce dernier, a obtenu le 27 mars 2017 du juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance l'autorisation de pratiquer des saisies conservatoires sur les parts détenues par celui-ci dans la SCP et dans plusieurs sociétés civiles immobilières ainsi que sur les comptes bancaires ouverts par lui auprès de plusieurs banques. Ce juge a également autorisé la SCP, par ordonnances du même jour, à prendre une hypothèque judiciaire provisoire, notamment, sur les biens immobiliers appartenant à trois de ces sociétés civiles, la société Vano 44, la société AHL et la société Yayajan. 2. M. et Mme V... et les sociétés Vano 44, AHL et Yayajan ont assigné la SCP devant un juge de l'exécution en sollicitant, à titre principal, la mainlevée de ces mesures conservatoires et, à titre subsidiaire, que soit ordonnée la mainlevée de toutes les mesures autres que celles portant sur les parts sociales de M. V... dans la SCP et les sociétés 2L2T et Yayajan. 3. M. et Mme V... ainsi que les sociétés Vano 44, AHL et Yayajan ont interjeté appel du jugement qui les a déboutés de toutes leurs demandes. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, ainsi que sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 5. M. et Mme V... ainsi que les sociétés Vano 44, AHL et Yayajan font grief à l'arrêt de les débouter de l'ensemble de leurs demandes et de confirmer les ordonnances n° 17/22, 17/23 et 17/24 rendues le 27 mars 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Montbéliard, alors : « 1°/ que le juge de l'exécution, saisi par le débiteur d'une demande de mainlevée d'hypothèques judiciaires provisoires sur des immeubles appartenant à des sociétés au sein desquelles ce dernier est associé, n'a pas compétence pour se prononcer sur le caractère prétendument fictif de ces sociétés et ne peut, pour ce seul motif, refuser d'en ordonner la mainlevée ; qu'en l'espèce, pour refuser d'ordonner la mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires, au profit de la SCP, sur les biens immobiliers appartenant aux SCI Yayajan, Vano 44 et AHL, au sein desquelles M. G... V... et son épouse sont associés, et approuver le premier juge d'avoir autorisé la SCP à prendre ces mesures conservatoires, la cour d'appel a retenu que ces trois sociétés seraient des sociétés fictives qui auraient répondu à des fins frauduleuses ; qu'en se prononçant ainsi sur le caractère prétendument fictif des SCI Yayajan, Vano 44 et AHL, quand une telle appréciation relevait de la seule compétence du juge du fond, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°/ qu'à supposer même que le juge de l'exécution, saisi par le débiteur d'une demande de mainlevée d'hypothèques judiciaires provisoires sur des immeubles appartenant à des sociétés civiles immobilières au sein desquelles il est associé, ait compétence pour se prononcer sur le caractère prétendument fictif de ces sociétés, la seule existence de liens familiaux entre les associés d'une société civile immobilière, la faiblesse de leurs apports et le fait que les assemblées générales n'aient pas été tenues depuis sa création ne suffisent pas à établir le caractère fictif de cette société ; qu'en se contentant de relever en l'espèce, en considération des seules affirmations de la SCP, pour estimer que la SCI Yayajan mais aussi les SCI Vano 44 et AHL étaient fictives, que ces sociétés avaient été constituées avec des apports symboliques, qu'elles comportaient comme seuls associés les époux V..., mariés sous le régime de la communauté de biens, qui détenaient le capital social, que chacun des époux était gérant ou cogérant et que les assemblées générales n'auraient jamais été tenues de même que les registres sociaux, tout en constatant par ailleurs que deux de ces trois sociétés, les sociétés Vano 44 et AHL, avaient procédé à des acquisitions immobilières, et donc à la réalisation de leur objet, la cour d'appel, qui s'est bornée à suspecter la fictivité de ces trois sociétés, dont la SCI Yayajan, du fait de leur nature familiale, sans aucunement la caractériser, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832, 1833, 1844-10 et 1844-15 du code civil. » Réponse de la Cour 6. En premier lieu, c'est par une exacte application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, qui dispose que le juge de l'exécution autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, que la cour d'appel, pour déterminer si l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire pouvait être prise sur des biens appartenant aux sociétés Vano 44, AHL et Yayajan, afin de garantir la créance de la SCP à l'égard de M. V..., a examiné si ces sociétés pouvaient être considérées comme fictives. 7. En second lieu, ayant relevé, par motifs adoptés, que ces sociétés civiles immobilières sont exclusivement détenues par M. V... et son épouse, commune en biens, avec laquelle il partage leur direction, et que deux d'entre elles avaient été utilisées pour dissimuler les acquéreurs réels des biens, au mépris des obligations déontologiques de M. V... et, par motifs propres, que les assemblées générales annuelles n'ont jamais été tenues, de même que les registres sociaux, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à relever le caractère familial de ces sociétés, a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme V... et les sociétés Vano 44, AHL et Yayajan aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme V... et les sociétés Vano 44, AHL et Yayajan et les condamne à payer à la société L... O... et G... V... la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. et Mme V... et les sociétés civiles immobilières Vano 44, AHL et Yayajan PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. G... V... et Mme D... J..., épouse V..., la Sci Vano 44, la Sci Ahl et la Sci Yayajan de l'ensemble de leurs demandes et confirmé les ordonnances n°s 17/22, 17/23 et 17/24 rendues le 27 mars 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Montbéliard. AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la prise d'inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires sur les immeubles appartenant aux Sci Vano 44, AHL et Yayajan, les appelants contestent dans un premier temps la prise d'inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires sur des immeubles appartenant aux Sci Vano 44, Ahl et Yayajan en disant que la Scp O...-V... ne dispose d'aucune créance à l'égard de ces trois sociétés, qui demeurent des personnes morales juridiques distinctes de leur associés ; qu'ils expliquent ensuite que ces trois sociétés ont été constituées entre 2003 et 2006 à des fins d'optimisation fiscal et dans le but de faciliter, par la suite, la transmission des immeubles concernés ; que M. G... V... rappelle que ces sociétés existaient bien avant qu'il ne soit désigné en qualité de notaire au sein de la SCP O...-V..., cette constatation démontrant que leur création ne visait nullement les droits de cette dernière ; que les appelants soutiennent encore que le juge de l'exécution ne pouvait autoriser lesdites mesures conservatoires sans, au préalable, constater le caractère fictif des sociétés dont s'agit ou en prononcer la nullité ou leur inopposabilité à la Scp O...-V... et qu'il a donc commis une erreur de droit en méconnaissant la personnalité juridique des trois sociétés ; que pour sa part la Scp O...-V... rappelle que ces trois sociétés, constituées avec des apports symboliques, comportent comme seuls associés les époux V..., mariés sous le régime de la communauté des biens, chacun des époux en étant gérant ou co-gérant ; qu'elle ajoute que les assemblées générales annuelles n'ont jamais été tenues de même que les registres sociaux et en déduit à juste titre que ces sociétés sont a minima des sociétés fictives inopposables aux créanciers de bonne foi ; mais qu'au-delà des arguments pertinents avancés par la Scp O...-V..., il y a lieu de relever à la lecture tant des pièces intéressant la procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de M. G... V... que de celles concernant la procédure pénale initiée à son encontre et à celui de son épouse que deux des trois sociétés, la Sci Vano 44 et la Sci Ahl, ont été en réalité créées pour masquer des acquisitions immobilières par M. V... réalisées au mépris des dispositions d'ordre public du décret du 19 décembre 1945 régissant le statut des notaires ; qu'une société doit, en vertu de l'article 1131 du code civil avoir une cause licite ; qu'à défaut elle est nulle ; qu'eu égard aux constatations qui précèdent, les SCI VANO 44 et AHL apparaissent comme des sociétés frauduleuses dont la nullité induit l'application des dispositions à l'article 1844-15 du code civil ; que le constat de la fictivité de la Sci Yayajan et de la nullité des Sci Vano 44 et AHL conduit à approuver le premier juge en ce qu'il a autorisé la Scp O...-V... à prendre des inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires sur les biens immobiliers appartenant à ces trois sociétés ; qu'il convient en conclusion des développements qui précèdent de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré ; que sur les demandes accessoires, que le jugement critiqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ; que les appelants qui succombent à hauteur de cour seront condamnés in solidum à payer à la SCP O...-V... la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, lesdites condamnations emportant nécessairement le rejet de leurs prétentions formées à ces titres. ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la demande principale en rétractation des ordonnances du 27 mai 2017 ; A./Sur les mesures conservatoires affectant les Sci Ahl, Yayajan et Vano 44 ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que les demandeurs exposent que la Scp L... O... G... V... n'invoque aucune créance à l'encontre de ces Sci, seules étant invoquées des créances à l'encontre de M. V... ; qu'elle soutient donc que les immeubles détenus par ces Sci ne seraient pas des biens appartenant au supposé débiteur de la Scp L... O... G... V... et ne pourraient donc pas faire l'objet de mesures conservatoires ; que toutefois, il résulte des pièces produites aux débats que le capital de ces sociétés civiles immobilières est exclusivement détenu par M. V... et son épouse ; que si M. V... soutient que ces sociétés auraient été créées exclusivement dans un but d'optimisation fiscale, la multiplicité de ces sociétés créées exclusivement avec son épouse, avec laquelle il se trouve soumis au régime de la communauté de biens, et partage la direction de ces sociétés, démontrent qu'en réalité les époux ont la libre disposition de ces biens et en sont les réels propriétaires ; qu'il résulte, en outre, de la lecture du jugement rendu le 2 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Nanterre, que deux de ces sociétés ont été utilisées afin d'acquérir, au mépris des obligations déontologiques applicables à la profession de notaire, des biens pour lesquels M. V... avait non seulement procédé à l'évaluation, mais aussi reçu des mandats exclusifs de vente ; que ces sociétés n'avaient donc d'autres objets que de tenter de dissimuler les acquéreurs réels de ces biens, en l'occurrence M. et Mme V... ; que dès lors, les mesures conservatoires sollicitées pouvaient viser les biens dont il s'agit. 1) ALORS QUE le juge de l'exécution, saisi par le débiteur d'une demande de mainlevée d'hypothèques judiciaires provisoires sur des immeubles appartenant à des sociétés au sein desquelles ce dernier est associé, n'a pas compétence pour se prononcer sur le caractère prétendument fictif de ces sociétés et ne peut, pour ce seul motif, refuser d'en ordonner la mainlevée ; qu'en l'espèce, pour refuser d'ordonner la mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires, au profit de la Scp O...-V..., sur les biens immobiliers appartenant aux Sci Yayajan, Vano 44 et Ahl, au sein desquelles M. G... V... et son épouse sont associées, et approuver le premier juge d'avoir autorisé la Scp O...-V... à prendre ces mesures conservatoires, la cour d'appel a retenu que ces trois sociétés seraient des sociétés fictives qui auraient répondu à des fins frauduleuses ; qu'en se prononçant ainsi sur le caractère prétendument fictif des Sci Yayajan, Vano 44 et Ahl, quand une telle appréciation relevait de la seule compétence du juge du fond, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. 2) ALORS QU'en outre, dans leurs conclusions d'appel n° 2 (p.5), les exposants avaient soutenu que pour pouvoir saisir et appréhender les biens d'une Sci afin de recouvrer une créance détenue sur l'un des associés, il est nécessaire, préalablement, de faire déclarer inopposable la création de cette société, comme réalisée en fraude de ses droits, ce que n'avait pas fait la Scp O...-V... qui n'avait engagé aucune action paulienne devant le juge compétent qui ne pouvait être le juge de l'exécution ; que les exposants contestaient donc le pouvoir du juge de l'exécution pour se prononcer sur la nullité des sociétés Yayajan, Vano 44 et Ahl en raison de leur caractère prétendument fictif ou frauduleux et sur l'inopposabilité de leur création à la Scp O...-V... ; qu'en affirmant que les exposants soutenaient que le juge de l'exécution ne pouvait autoriser ces mesures conservatoires sans, au préalable, constater le caractère fictif de ces sociétés ou en prononcer la nullité ou leur inopposabilité à la Scp O...-V..., la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. 3) ALORS QU'à supposer même que le juge de l'exécution, saisi par le débiteur d'une demande de mainlevée d'hypothèques judiciaires provisoires sur des immeubles appartenant à des Sci au sein desquelles il est associé, ait compétence pour se prononcer sur le caractère prétendument fictif de ces sociétés, la seule existence de liens familiaux entre les associés d'une Sci, la faiblesse de leurs apports et le fait que les assemblées générales n'aient pas été tenues depuis sa création ne suffisent pas à établir le caractère fictif de cette société ; qu'en se contentant de relever en l'espèce, en considération des seules affirmations de la Scp O... V..., pour estimer que la Sci Yayajan mais aussi les Sci Vano 44 et Ahl étaient fictives, que ces sociétés avaient été constituées avec des apports symboliques, qu'elles comportaient comme seuls associés les époux V..., mariés sous le régime de la communauté de biens, qui détenaient le capital social, que chacun des époux était gérant ou co-gérant et que les assemblées générales n'auraient jamais été tenues de même que les registres sociaux, tout en constatant par ailleurs que deux de ces trois sociétés, les sociétés Vano 44 et Ahl, avaient procédé à des acquisitions immobilières, et donc à la réalisation de leur objet, la cour d'appel, qui s'est bornée à suspecter la fictivité de ces trois sociétés, dont la Sci Yayajan, du fait de leur nature familiale, sans aucunement la caractériser, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832, 1833, 1844-10 et 1844-15 du code civil. 4) ALORS QUE les juges ne peuvent motiver leur décision par la seule référence aux pièces versées aux débats sans préciser sur quelles pièces ils se fondent ; qu'en retenant, pour considérer que les Sci Vano 44 et Ahl seraient entachées de nullité, qu'il y avait lieu de relever à la lecture tant des pièces intéressant la procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de M. G... V... que de celles concernant la procédure pénale initiée à son encontre ainsi qu'à l'encontre de son épouse que les Sci Vano 44 et Ahl avaient été créées pour masquer des acquisitions immobilières par M. V... au mépris des dispositions d'ordre public du décret du 19 décembre 1945 régissant le statut des notaires sans aucunement préciser la nature des pièces qu'elle avait prises en considération, la cour d'appel, qui n'a pas mis la cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. G... V... et Mme D... J..., épouse V..., la Sci Vano 44, la Sci Ahl et la Sci Yayajan de l'ensemble de leurs demandes et confirmé les ordonnances n°s 17/22, 17/23 et 17/24 rendues le 27 mars 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Montbéliard. AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'existence d'une créance fondée en son principe, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de procédure civile d'exécution, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire » ; qu'au soutien des ses demandes d'autorisation de pratiquer des mesures conservatoires la Scp O...-V... produit un relevé du compte d'associé de M. G... V... lequel fait apparaître un solde débiteur de 154 496,31 euros, qu'elle verse ensuite aux débats un compte-rendu d'intervention réalisée en 2015 par la société fiduciaire nationale d'expertise comptable qui fait état de la prise en charge, de 2011 à 2013, par la Scp O...-V... et à hauteur de 527 631,05 euros, de diverses dépenses personnelles de M. G... V... ; qu'au vu de ces pièces M. G... V... ne peut valablement soutenir que la créance de la Scp O...-V... ne repose que sur les seules allégations de cette dernière et que sa créance ne paraît pas fondée en son principe ; que sur les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance de la Scp O...-V..., que dans son réquisitoire de renvoi devant le tribunal correctionnel, le parquet de Nanterre a retenu à l'encontre de M. G... V... diverses infractions, dont celle de faux en écritures publique, escroquerie, prise illégale d'intérêt et blanchiment aggravé; qu'il a également sollicité le renvoi de son épouse au titre de plusieurs infractions ; que si ce réquisitoire ne constitue pas une décision de justice, il met cependant en évidence une collusion des époux dans la réalisation de certaines opérations ; qu'il convient de rappeler à ce titre des faits à l'origine de la création des SCI Vano 44, Ahl et 2Mbg ; qu'au vu de ces éléments pouvant laisser croire qu'il existait une organisation frauduleuse entre les époux V..., la Scp O...-V... a toutes les raisons de redouter le recours par ces derniers à des moyens destinés à réduire leur solvabilité à venir ; qu'ensuite si M. G... V... a vu devant la cour d'appel de Versailles sa peine disciplinaire réduite à 5 années d'interdiction d'exercer, cette décision a été prise pour tenir compte "notamment" de son état de santé ; que la privation de revenus durant plusieurs années alliée à un état de santé incertain constituent également une menace pour le recouvrement de la créance de la Scp O...-V... ; qu'il convient en conclusion des développements qui précèdent de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré ; que sur les demandes accessoires, que le jugement critiqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ; que les appelants qui succombent à hauteur de cour seront condamnés in solidum à payer à la SCP O...-V... la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, lesdites condamnations emportant nécessairement le rejet de leurs prétentions formées à ces titres. ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la créance ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution que l'autorisation donnée par le juge de pratiquer une mesure conservatoire est subordonnée à la démonstration d'une apparence de créance ; que M. V... soutient que la Scp L... O... G... V... ne rapporterait pas la preuve d'une créance et que les demandes ne seraient fondées que sur ses seules allégations ; que toutefois, la Scp L... O... G... V... produit le relevé de compte courant de M. V... qui présenterait un solde débiteur de 151 249,72 euros ; que la Scp produit également un compte rendu établi par la société Fiducial le 6 août 2015, compte rendu aux termes duquel entre 2011 et avril 2013 la SCP aurait indûment supporter 527 630,90 euros de dépenses personnelles de M. V... et son épouse ; que ces éléments suffisaient, compte tenu du détail des sommes produits et du contexte dans lequel ces dépenses sont intervenues, à caractériser l'apparence de créance exigée par les conditions de l'article L. 511-l du code des procédures civiles d'exécution ; que sur les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance de la Scp ; que l'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution est subordonnée à la démonstration par le créancier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que M. G... V... a été mis en examen notamment pour des faits de faux en écritures publiques ou authentiques, prise illégale d'intérêt par dépositaire de l'autorité publique, escroquerie, blanchiment aggravé, abus de confiance, faits commis dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de Notaire, mise en examen ayant conduit Monsieur le Procureur de la République de tribunal de grande instance de Nanterre à requérir son renvoi devant le tribunal correctionnel ; qu'en outre, M. V... a également fait l'objet de sanctions disciplinaires, sanction ayant constitué à destituer M. V... de son titre de Notaire ; que les faits commis par M. V... ayant conduit à le destituer de ses fonctions de Notaire, ainsi que l'organisation frauduleuse qu'ils ont supposé avec son épouse, suffisaient à eux seuls à démontrer l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance de la SCP L... O... G... V... ; qu'en outre, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée par la SCP L... O... G... V..., aucune proposition de règlement n'a été effectuée par M. V... ; qu'ainsi, les conditions d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution étaient réunies. 1) ALORS QU'en application de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, pour être admis à prendre une mesure conservatoire, il appartient à la partie qui se prévaut d'une créance paraissant fondée en son principe de justifier de « circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement » ; que seule l'insolvabilité du débiteur, qu'elle soit avérée ou à craindre, et non pas seulement une menace de réduction de la solvabilité de ce dernier, constitue la circonstance susceptible de mettre en péril le recouvrement de la créance et justifie, en conséquence, le recours à une mesure conservatoire ; qu'en se bornant à retenir qu'au vu des éléments tirés du réquisitoire de renvoi, par le parquet de Nanterre, de M. et Mme V... devant le tribunal correctionnel et des faits à l'origine de la création des Sci Vano 44, Ahl et 2BMG, « pouvant laisser croire » qu'il existait, selon elle, une organisation frauduleuse entre les époux V..., la Scp O...-V... avait toutes les raisons de redouter le recours par ces derniers à des moyens destinés à réduire leur solvabilité à venir, quand de tels motifs étaient non seulement impropres à rapporter à tout le moins la preuve qu'il existerait un risque que les époux V... pourraient recourir à des moyens destinés à réduire leur solvabilité à venir mais aussi, compte tenu notamment de l'importance du patrimoine des époux V... détaillée en pages 7 à 8 des conclusions d'appel n° 2 des exposants, à caractériser l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance alléguée par la Scp O... V..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. 2) ALORS QUE dans le cas où l'existence et le montant d'une créance sont judiciairement contestés par celui auquel le paiement de cette créance est réclamé, le caractère infructueux d'une mise en demeure délivrée à ce dernier et l'absence de proposition de règlement ne peuvent suffire à caractériser un quelconque péril pesant sur le recouvrement de cette éventuelle créance ; qu'en relevant, par motif adopté du jugement entrepris, pour considérer qu'il existerait une menace pour la recouvrement de la créance alléguée par la Scp O... V..., que malgré la mise en demeure qui lui avait été adressée par la Scp O...-V..., aucune proposition de règlement n'avait été effectuée par M. V... bien que, dans leurs écritures d'appel n° 2 (p.6, § 2, al.4), les exposants avaient fait valoir que M. V... avait contesté les sommes qui lui étaient réclamées par la Scp O... V... devant le tribunal de grande instance de Nanterre, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant et a privé derechef sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. 3) ALORS QU'il incombe au juge de l'exécution, lorsque le prétendu débiteur soutient, éléments à l'appui, que le montant de son patrimoine est très supérieur au montant de la créance alléguée, de vérifier l'importance du patrimoine de ce dernier et d'expliquer en quoi celui-ci ne serait pas susceptible de permettre le recouvrement de cette créance ; que, dans leurs conclusions d'appel n° 2 (p.6, § 2, al.5), les exposants avaient fait valoir qu'au regard de l'importance du patrimoine de M. V..., détaillé et chiffré en pages 7 et 8 desdites écritures, que connaît parfaitement la Scp O...-V... pour avoir fait diligenter rien moins que 18 mesures de saisie conservatoire, il apparaissait que M. V... serait parfaitement en mesure de régler la somme de cette Scp s'il était jugé qu'il la devait ; qu'en ne recherchant pas si, indépendamment de toute considération tenant à une prétendue organisation frauduleuse entre les époux V... ainsi qu'à la privation de revenus de ces derniers pendant plusieurs années et à l'état de santé incertain de M. V..., la totalité du patrimoine des époux V... constitué non seulement de droits d'associés de M. V... dans la Scp O... V... et de parts dans les Sci 2L2T et Yayajan mais aussi de droits d'associés dans la Sci RWM Notaires, propriétaire d'un ensemble immobilier à Morteau dans laquelle est installée une étude de notaires, de parts sociales dans les deux autres Sci que sont les sociétés Ahl et Vano 44 (propriétaire d'un immeuble à Paris 7ème) mais aussi d'un immeuble à Bonnetage, à la frontière suisse, et de comptes bancaires, n'était pas, au regard du montant limité de la créance alléguée par la Scp O... V..., de nature à exclure tout péril dans le recouvrement de cette créance, la cour d'appel a privé à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. G... V... et Mme D... J..., épouse V..., la Sci Vano 44, la Sci Ahl et la Sci Yayajan de l'ensemble de leurs demandes et confirmé les ordonnances n°s 17/22, 17/23 et 17/24 rendues le 27 mars 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Montbéliard. AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande de modification des ordonnances, M. G... V... demande subsidiairement à ce que la saisie-conservatoire soit limitée à ses droits au sein de la SCP O...-V..., et plus subsidiairement, à ses parts et droits dans les SCI 2L2T et Yayajan dont il évalue la garantie à la somme totale de 540 000 euros ; que pour valoriser ses parts sociales dans la SCP O...-V... à la somme de 275 000 euros M. G... V... s'appuie sur une proposition de rachat qui lui aurait été faite en juin 2012 par son associé, maître O... ; qu'il convient toutefois de noter que cette offre, qui n'a pas trouver de concrétisation effective, a été élaborée alors que maître O... était absente de l'étude pour des raisons rie santé depuis le mois de mars 2011 et que le comptes de la société au titre des années 2010, 2011 et 2012, qui ont nécessairement servi de base à une valorisation des parts, ont été arrêtés par M. G... V..., sans être approuvés par son associée ce qui prive cette proposition de tout caractère probant ; qu'en ce qui concerne l'estimation des droits de M. G... V... dans les SCI 2L2T et Yayajan, la seule estimation des biens leur appartenant produite par ce dernier apparaît manifestement insuffisante pour en administrer la preuve ; qu'il convient en conclusion des développements qui précèdent de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré ; que sur les demandes accessoires, que le jugement critiqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ; que les appelants qui succombent à hauteur de cour seront condamnés in solidum à payer à la SCP O... V... la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, lesdites condamnations emportant nécessairement le rejet de leurs prétentions formées à ces titres. ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la demande de modification des ordonnances, M. V... sollicite, à titre subsidiaire, qu'il soit jugé que la saisie conservatoire de ses droits au sein de la Scp L... O... G... V..., de la Sci 2L2T et de la Sci Yayajan, droits dont la valeur s'élèverait selon lui à 540 000 euros, soient considérés comme suffisant à garantir la créance dont se prévaut la SCP L... O... G... V... ; que toutefois, M. V... se contente de produire des évaluations réalisées par deux agences immobilières afin de justifier de la valeur de ses droits sur les biens propriétés des deux Sci ; que ces évaluations ne sauraient à elles-seules démontrer la valeur des biens en cause, valeur contestée par la Scp L... O... G... V... ; qu'en outre, aucun élément ne permet de déterminer la valeur réelle des droits détenus par M. V... au sein de la Scp L... O... G... V... ; que s'il indique qu'une évaluation aurait été effectuée par Maître O..., cette évaluation n'est pas produite aux débats ; que dès lors, compte tenu du montant de la créance dont se prévaut la Scp L... O... G... V..., il y a lieu de maintenir les saisies conservatoires ordonnées le 27 mars 2017 dans leur intégralité. ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel n° 2 (p.7 et 8), les exposants avaient fait valoir que le nombre de saisies diligentées par la Scp O... V..., en garantie de la somme de 630 037,49 euros, était manifestement disproportionné, l'ensemble des comptes bancaires des époux V... ainsi que l'ensemble des droits que MM V... détient au sein des Sci dont il est associé ayant été saisi, celle-ci ayant, en outre, fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les immeubles dont les Sci Yayajan, Ahl et Vano 44 sont propriétaires ainsi que sur l'immeuble sis à Bonnetage, constituant le domicile familial des époux V... ; que les exposants en avaient conclu que si la cour d'appel devait néanmoins considérer qu'il y avait lieu d'octroyer à la Scp O... V... le bénéfice de mesures provisoires, il convenait de les limiter au strict nécessaire de sorte que les atteintes ainsi portées à la libre gestion par le débiteur de son patrimoine soient proportionnées au but poursuivi, à savoir la garantie d'une créance alors chiffrée à 630 000 euros ; qu'en omettant de répondre au moyen des exposants relatif à l'assiette des mesures conservatoires ordonnées et tiré de ce que celles-ci avaient été prises pour un montant infiniment supérieur au montant de la créance alléguée de sorte qu'il y avait lieu, quand bien même l'estimation des parts sociales de M. V... au sein de la Scp O... V... et de ses droits dans les Sci 2L2T et Yayajan aurait été insuffisamment probante, de faire droit à leur demande de modification des ordonnances du juge de l'exécution n°s 17/22 et 17/24 du 27 mars 2017 afin de cantonner les mesures conservatoires aux seuls biens suffisants à garantir ladite créance, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire qu'il entre dans les pouvoirs du juge de l'exécution saisi de la contestation d'une mesure conservatoire portant sur des biens appartenant à des sociétés qui ne sont pas les débitrices du créancier, d'examiner si ces sociétés peuvent être considérées comme fictives
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1098 F-P+B+I Pourvoi n° F 19-17.630 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 M. C... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-17.630 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Naphta services, société anonyme de droit suisse, dont le siège est c/o Mme X... G... , avocat, [...] Genève (Suisse), venant aux droits de la société Géoservices international, 2°/ à la société Schlumberger limited, société de droit américain, dont le siège est 17th floor, 5599 San Felipe, Houston, Texas 77056 (États-Unis), 3°/ à la société Services pétroliers Schlumberger (SPS), société anonyme, dont le siège est 42 rue Saint-Dominique, 75007 Paris, défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. B..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Naphta services, Schlumberger limited et Services pétroliers Schlumberger, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 avril 2019), M. B... a saisi un conseil de prud'hommes, le 26 juillet 2016, d'une contestation de son licenciement, formée d'abord contre la société Géoservices international, devenue la société Naphta services, dont le siège social est en Suisse, et contre la société Schlumberger limited, dont le siège social est aux États-Unis, puis également contre la société Services pétroliers Schlumberger, dont le siège social est en France, et a sollicité la condamnation in solidum des trois sociétés. 2. M. B... a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes du 28 mai 2018 qui s'est déclaré incompétent pour trancher le litige et a renvoyé M. B... à mieux se pourvoir. 3. Devant la cour d'appel, les trois sociétés ont soulevé l'irrecevabilité de l'appel, en raison du défaut de motivation de la déclaration d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux premières branches 4. M. B... fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable et de le renvoyer à mieux se pourvoir, alors : « 1°/ que la requête déposée par l'appelant devant le premier président de la cour d'appel, en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe, n'ouvre pas une procédure distincte et autonome de la procédure d'appel ; qu'en retenant le contraire, pour en déduire que les conclusions, jointes par l'appelant à la requête par laquelle il avait saisi le premier président aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, n'étaient pas de nature à procurer une motivation à la déclaration d'appel et donc que l'appel était irrecevable, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles 84, 85, 917 et 918 du code de procédure civile ; 2°/ que la copie de la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe et des écritures et pièces qui lui sont jointes doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour d'appel ; qu'il suit de là que lorsque l'appelant annexe ses conclusions à sa requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, lesdites conclusions, qui deviennent partie intégrante du dossier de la cour d'appel, doivent être regardées comme jointes à la déclaration d'appel ; que la cour d'appel avait constaté que le jour même de la déclaration d'appel, l'appelant avait annexé ses conclusions à la requête par laquelle il avait saisi le premier président aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, ce dont elle aurait dû déduire que, dès cette date, les conclusions avaient été jointes à la déclaration d'appel et que la procédure était régulière ; qu'en retenant au contraire que cette production de conclusions, faite devant le premier président le même jour que le dépôt de la déclaration d'appel, n'était pas de nature à fournir une motivation à ladite déclaration ni à rendre l'appel recevable, la cour d'appel a violé les articles 84, 85 et 918 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. L'article 85 du code de procédure civile exigeant que la déclaration d'appel dirigée contre un jugement statuant exclusivement sur la compétence soit motivée dans la déclaration elle-même ou dans des conclusions qui y sont jointes, les conclusions au fond annexées à la requête, qui sont adressées au premier président et non à la cour d'appel, ne peuvent constituer la motivation requise. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. M. B... fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que la motivation de la déclaration d'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, exigée à peine d'irrecevabilité, peut valablement, si elle ne figure pas dans la déclaration elle-même, être fournie dans des conclusions pouvant être jointes à cette déclaration concomitamment ou postérieurement à son dépôt, pourvu que la jonction ait lieu avant l'expiration du délai d'appel ; qu'il suit de là qu'en l'état de conclusions produite quelques jours après la déclaration d'appel, la cour d'appel ne peut valablement déclarer l'appel irrecevable qu'à charge de constater que cette production a eu lieu après l'expiration du délai d'appel ; qu'en retenant que la signification des conclusions de l'appelant faite deux jours après la déclaration d'appel n'était pas de nature à rendre le recours recevable, sans avoir préalablement constaté que cette signification avait eu lieu postérieurement à l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 84 et 85 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 85 et 126 du code de procédure civile : 8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel. 9. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que les conclusions au fond n'ont été déposées, à l'occasion de la procédure d'appel, par la voie électronique, que le 14 juin 2018, soit deux jours après la déclaration d'appel. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si ces conclusions, de nature à régulariser l'absence de motivation de la déclaration d'appel, avaient été remises à la cour d'appel avant l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne les sociétés Naphta services, Schlumberger limited et Services pétroliers Schlumberger aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Naphta services, Schlumberger limited et Services pétroliers Schlumberger et les condamne à payer à M. B... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. B... Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable l'appel interjeté par monsieur C... B..., salarié, à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pau le 28 mai 2018, par lequel cette juridiction l'avait renvoyé à mieux se pourvoir ; AUX MOTIFS QUE nonobstant les explications de l'appelant, les dispositions de l'article 85 du code de procédure civile n'avaient pas été respectées ; qu'en effet, si les motifs de sa déclaration d'appel, étaient effectivement contenus dans des conclusions rédigées le même jour de cette déclaration, ces conclusions n'avaient pas été jointes à la déclaration d'appel, mais seulement annexées à la requête par laquelle l'appelant avait saisi le premier président, aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, cette demande d'autorisation d'assigner à jour fixe, étant constitutive d'une procédure sur requête distincte et autonome de la procédure d'appel ; que, par ailleurs, ces mêmes conclusions n'avaient été signifiées à l'occasion de la procédure d'appel, par la voie électronique (RPVA), que le 14 juin 2018, soit deux jours après la déclaration d'appel ; qu'il s'en déduisait qu'en application des dispositions de l'article 85 du code de procédure civile, les intimées étaient fondées à se prévaloir de l'irrecevabilité de la déclaration d'appel (arrêt, p. 7, §§ 3 à 6) ; ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE la requête déposée par l'appelant devant le premier président de la cour d'appel, en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe, n'ouvre pas une procédure distincte et autonome de la procédure d'appel ; qu'en retenant le contraire, pour en déduire que les conclusions, jointes par l'appelant à la requête par laquelle il avait saisi le premier président aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, n'étaient pas de nature à procurer une motivation à la déclaration d'appel et donc que l'appel était irrecevable, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles 84, 85, 917 et 918 du code de procédure civile ; ALORS, EN DEUXIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE copie de la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe et des écritures et pièces qui lui sont jointes doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour d'appel ; qu'il suit de là que lorsque l'appelant annexe ses conclusions à sa requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, lesdites conclusions, qui deviennent partie intégrante du dossier de la cour d'appel, doivent être regardées comme jointes à la déclaration d'appel ; que la cour d'appel avait constaté que le jour même de la déclaration d'appel, l'appelant avait annexé ses conclusions à la requête par laquelle il avait saisi le premier président aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, ce dont elle aurait dû déduire que, dès cette date, les conclusions avaient été jointes à la déclaration d'appel et que la procédure était régulière ; qu'en retenant au contraire que cette production de conclusions, faite devant le premier président le même jour que le dépôt de la déclaration d'appel, n'était pas de nature à fournir une motivation à ladite déclaration ni à rendre l'appel recevable, la cour d'appel a violé les articles 84, 85 et 918 du code de procédure civile ; ALORS, EN TROISIEME LIEU ET PAR AILLEURS, QUE la motivation de la déclaration d'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, exigée à peine d'irrecevabilité, peut valablement, si elle ne figure pas dans la déclaration elle-même, être fournie dans des conclusions pouvant être jointes à cette déclaration concomitamment ou postérieurement à son dépôt, pourvu que la jonction ait lieu avant l'expiration du délai d'appel ; qu'il suit de là qu'en l'état de conclusions produite quelques jours après la déclaration d'appel, la cour d'appel ne peut valablement déclarer l'appel irrecevable qu'à charge de constater que cette production a eu lieu après l'expiration du délai d'appel ; qu'en retenant que la signification des conclusions de l'appelant faite deux jours après la déclaration d'appel n'était pas de nature à rendre le recours recevable, sans avoir préalablement constaté que cette signification avait eu lieu postérieurement à l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 84 et 85 du code de procédure civile ; ALORS, EN QUATRIEME LIEU QU'une atteinte au droit d'accès au juge d'appel est disproportionnée à l'objectif légitime de célérité des procédures poursuivi par le pouvoir réglementaire, donc contraire aux garantis du procès équitable, lorsque ledit objectif peut être atteint par un procédé moins contraignant ; que s'agissant de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, l'objectif réglementaire de motivation des appels, en vue de leur examen efficient, est suffisamment atteint en l'état d'une motivation fournie avant l'expiration du délai d'appel, peu important que les conclusions comportant cette motivation soient produites après la déclaration d'appel ou qu'elles soient en annexe de la requête au premier président aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe ; qu'en retenant au contraire que des conclusions postérieures à la déclaration d'appel ou annexées à la requête au premier président n'étaient pas de nature à fournir à l'appel la motivation réglementairement exigée, la cour d'appel, qui a porté atteinte au droit d'accès au juge d'appel en sa substance même, a violé l'article 6 § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il résulte des articles 85 et 126 du code de procédure civile que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1103 F-P+B+I Pourvoi n° F 19-19.999 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société Valloire immobilier, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° F 19-19.999 contre l'arrêt rendu le 9 avril 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Valactif, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la SCI Valloire immobilier, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Valactif, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 avril 2019), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Est (la banque) a, par acte sous seing privé du 23 avril 2015, cédé à la société Valactif (la société) la créance qu'elle détenait sur la SCI Valloire immobilier (la SCI) au titre de deux prêts qu'elle lui avait consenti par des actes notariés des 25 avril 2005 et 22 avril 2006. 2. Le 8 janvier 2016, deux actes d'endossement de la copie exécutoire des actes notariés de prêt ont été reçus par notaire. 3. Le 4 avril 2017, la société a fait pratiquer entre les mains des locataires de la SCI des saisies-attributions à exécution successive, dont la SCI a sollicité la mainlevée devant un juge de l'exécution, en soutenant notamment que les actes d'endossement ne lui étaient pas opposables. 4. La SCI a formé appel du jugement l'ayant déboutée de toutes ses demandes. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes et, en particulier, de sa demande de nullité de la saisie de créances à exécution successive pratiquée par la société, alors « que l'endossement de la copie exécutoire à ordre d'un acte authentique constatant une créance doit être notifié par le notaire signataire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au notaire qui a reçu l'acte ayant constaté la créance et au débiteur ; que l'absence de l'une de ces notifications entraîne son inopposabilité aux tiers ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y avait été invitée, si le notaire signataire de l'acte d'endossement l'avait notifié, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à la SCI, l'absence d'accomplissement de cette formalité ne pouvant être suppléée par la mention de l'endossement sur le commandement de payer délivré au débiteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 6 de la loi n° 76-519 du 15 juin 1976. » Réponse de la Cour Vu l'article 6 de la loi n° 76-519 du 15 juin 1976 relative à certaines formes de transmission des créances : 6. Il résulte de ce texte que l'endossement de la copie exécutoire à ordre d'un acte authentique constatant une créance doit être notifié par le notaire signataire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, notamment, au débiteur, et que l'absence de cette notification entraîne son inopposabilité aux tiers. 7. Pour opposer à la SCI la copie exécutoire à ordre portant endossement au profit de la société et rejeter la demande de la SCI de mainlevée des saisies-attributions pratiquées par cette société à son encontre, l'arrêt retient que, conformément au dernier alinéa de l'article 6 susvisé, la SCI a été informée de la cession de créance par acte du 29 juin 2015 et qu'un commandement aux fins de saisie-vente du 16 février 2016 mentionne expressément l'endossement du 8 janvier 2016. 8. En statuant ainsi, sans constater que l'acte d'endossement avait été notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception par le notaire à la SCI, l'information donnée à celle-ci de la cession de créance, avant l'endossement des actes notariés, ou la mention de ces endossements dans un autre acte, ne dispensant pas la société, qui se prévalait de ces actes notariés endossés pour établir sa qualité de créancière de la SCI, de justifier de cette notification, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société Valactif aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Valactif et la condamne à payer à la SCI Valloire immobilier la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière Valloire immobilier Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Valloire de toutes ses demandes et, en particulier, de sa demande de nullité de la saisie de créances à exécution successive pratiquée par la société Valactif ; AUX MOTIFS QUE, s'agissant de l'inopposabilité des endossements, il ressort des pièces produites par l'appelante (21 et 23) que, conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi du 15 juin 1976, le notaire qui a reçu l'endossement, Me P..., l'a notifié au notaire détenteur des minutes de la créance, Me X..., qui l'a mentionné sur les minutes de sorte qu'aucune inopposabilité n'est encourue ; qu'enfin, conformément au dernier alinéa du texte susvisé, la SCI Valloire immobilier a été informée de la cession de créance par acte du 29 juin 2015 (pièce intimée n° 2) et le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 16 février 2016 mentionne expressément l'endossement du 8 janvier 2016 ; ALORS QUE l'endossement de la copie exécutoire à ordre d'un acte authentique constatant une créance doit être notifié par le notaire signataire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au notaire qui a reçu l'acte ayant constaté la créance et au débiteur ; que l'absence de l'une de ces notifications entraîne son inopposabilité aux tiers ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y avait été invitée, si le notaire signataire de l'acte d'endossement l'avait notifié, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à la société Valloire immobilier, l'absence d'accomplissement de cette formalité ne pouvant être suppléée par la mention de l'endossement sur le commandement de payer délivré au débiteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 6 de la loi n° 76-519 du 15 juin 1976.
Viole l'article 6 de la loi n° 76-519 du 15 juin 1976 relative à certaines formes de transmission des créances la cour d'appel qui déclare opposable au débiteur saisi la copie exécutoire à ordre d'un acte notarié portant endossement au profit du créancier poursuivant, au motif que le débiteur a été informé de la cession de créance, avant l'endossement des acte notariés et que l'endossement a été mentionné dans un autre acte, sans constater que l'acte d'endossement avait été notifié au débiteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception par le notaire signataire de l'acte notarié d'endossement
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1104 F-P+B+I Pourvoi n° G 19-21.864 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 1°/ la société Theseis, société par actions simplifiée, dont le siège est 33 avenue Georges Pompidou, 31130 Balma, venant aux droits de la société Theseis capital, anciennement dénommée Akerys capital, 2°/ la société Aedificia participations, société par actions simplifiée, dont le siège est tour Montparnasse, 33 avenue du Maine, 75015 Paris, anciennement dénommée Akerys participations, 3°/ la société Talis, société anonyme, dont le siège est 73 boulevard Haussmann, 75008 Paris, anciennement dénommée Qualis, ont formé le pourvoi n° G 19-21.864 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2019 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige les opposant à M. J... E..., domicilié [...] , ou encore [...] , défendeur à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat des sociétés Theseis, venant aux droits de la société Theseis capital anciennement dénommée Akerys capital, la société Aedificia participations anciennement dénommée Akerys participations et la société Talis anciennement dénommée Qualis, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. E..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 juin 2019), M. E... a assigné les sociétés Akerys capital et Akerys participations, devenues respectivement les sociétés Theseis et Aedificia participations, et la SCA Qualis devant un tribunal de commerce pour obtenir, notamment, leur condamnation à lui verser une indemnité représentant la contrepartie de l'obligation de non-concurrence à laquelle il était tenu à la suite de son licenciement. 2. Un arrêt, ayant partiellement confirmé le jugement qui l'avait débouté de ses demandes, a été cassé par un arrêt du 8 avril 2014 (Com., 8 avril 2014, pourvoi n° 13-11.650), mais seulement en ce qu'il avait rejeté la demande tendant au paiement de cette contrepartie. 3. L'arrêt rendu par la cour d'appel de renvoi ayant été cassé, en toutes ses dispositions, par un arrêt du 13 septembre 2017 (Com., 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-15.231), l'affaire a été renvoyée devant une autre cour d'appel. 4. M. E... a saisi la cour d'appel de renvoi, d'abord, par une déclaration de saisine, du 27 septembre 2017, dirigée contre les sociétés Theseis et Aedificia participations ainsi que contre une SAS Qualis, ayant son siège social à Nanterre, puis par une seconde déclaration, du 7 février 2018, dirigée contre la société Talis, anciennement SCA Qualis, dont le siège social est à Paris. 5. Les sociétés Theseis, Aedificia participations et Talis (les sociétés) ont invoqué, notamment, l'irrecevabilité et la caducité de ces deux déclarations de saisine, qui ont été jointes par la cour d'appel. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Les sociétés font grief à l'arrêt de dire que la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 a saisi la cour à l'égard des sociétés Theseis capital et Aedificia participations, de déclarer recevable la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 à l'égard de ces deux sociétés, de rejeter le moyen tiré de la caducité de cette déclaration de saisine, de déclarer recevable la déclaration de saisine du 7 février 2018 qui a saisi la cour à l'égard de la société Talis, de rejeter le moyen tiré de la caducité de cette déclaration de saisine, de déclarer irrecevables les conclusions du 14 décembre 2017 et du 11 mars 2019 émanant de M. E... et concernant la procédure RG 17/3394, d'infirmer le jugement du 13 décembre 2010 relativement à la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et de condamner la société Talis à payer à M. E... la somme de 353 832,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2019, alors « qu'en application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, la déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation prévu à l'article 905 du code de procédure civile ; qu'eu égard à la généralité du texte, la notification s'impose aux parties et s'impose dans tous les cas peu important que les parties visées à la déclaration de saisine aient entre-temps constitué avocat ; qu'en l'espèce, la déclaration de saisine du 4 décembre 2017 [lire du 29 septembre 2017] n'a [pas] été notifiée à la société Theseis capital et à la société Aedificia participations, dans le délai de dix jours de l'avis émis par le greffe le 14 décembre 2017, la déclaration de saisine ayant simplement été notifiée à l'avocat constitué ; qu'en refusant de prononcer la caducité de la déclaration de saisie au motif que la société Theseis capital et la société Aedificia avaient constitué avocat avant l'émission de l'avis de fixation et que dès lors la notification était sans objet, les juges du fond ont violé l'article 1037-1 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel ayant constaté qu'avant même la notification par le greffe de l'avis de fixation, M. E... avait notifié la déclaration de saisine à l'avocat constitué pour les sociétés Theseis et Aedificia participations, c'est par une exacte application de l'article 1037-1 du code de procédure civile qu'elle a jugé qu'il était dispensé de signifier la déclaration de saisine à ces deux sociétés, cette diligence étant devenue sans objet. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 10. Les sociétés font encore le même grief à l'arrêt, alors « qu'en application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, la déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation prévu à l'article 905 du code de procédure civile ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué, et en tout cas des pièces de la procédure que M. E... n'a pas notifié à la société Talis, dans le délai de dix jours à compter du 6 mars 2018, date à laquelle le greffier a émis l'avis de fixation dans le délai de l'audience, la déclaration de saisine du 7 février 2018 ; que par suite, la déclaration de saisine devait être déclarée caduque ; qu'en refusant de prononcer cette caducité, au motif erroné que la société Talis ayant constitué entre-temps avocat, il n'y avait pas lieu de procéder à une signification à la partie elle-même, les juges du fond ont violé l'article 1037-1 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 11. La cour d'appel ayant constaté que, dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation relatif à la seconde déclaration de saisine, M. E... avait notifié cette déclaration à l'avocat que les sociétés avaient constitué le jour même de cet avis, c'est sans violer l'article 1037-1 du code de procédure civile qu'elle en a déduit que cette diligence le dispensait de signifier la déclaration de saisine aux sociétés, cette signification étant devenue sans objet. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Theseis, Aedificia participations et Talis aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Theseis, Aedificia participations et Talis et les condamne à payer à M. E... la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour les sociétés Theseis, venant aux droits de la société Theseis capital anciennement dénommée Akerys capital, la société Aedificia participations anciennement dénommée Akerys participations et la société Talis anciennement dénommée Qualis PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 a saisi la Cour à l'égard des société THESEIS CAPITAL et AEDIFICIA PARTICIPATIONS, déclaré recevable la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 à l'égard de ces deux sociétés, rejeté le moyen tiré de la caducité de cette déclaration de saisine, déclaré recevable la déclaration de saisine du 7 février 2018 qui a saisi la Cour à l'égard de la société TALIS, rejeté le moyen tiré de la caducité de cette déclaration de saisine, déclaré irrecevables les conclusions du 14 décembre 2017 et du 11 mars 2019 émanant de Monsieur E... et concernant la procédure RG 17/3394, infirmé le jugement du 13 décembre 2010 relativement à la contrepartie financière de la clause de non concurrence et condamné la société TALIS à payer à Monsieur E... la somme de 353.832,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2019 ; AUX MOTIFS QUE « 1-sur l'irrecevabilité et la caducité des déclarations de saisine ; que les sociétés Thésis, Aedeficia participations et Talis, chacune prise en leurs qualités respectives figurant dans leurs conclusions remises au greffe dans les deux procédures, soulèvent : - en premier lieu, l'irrecevabilité de la déclaration de saisine du 27/09/2017, acte de saisine qu'elles qualifient « d'appel », et l'irrecevabilité par voie de conséquence de « l'acte d'appel » du 07/02/2018 ; - en second lieu, la caducité de « l'appel engagé le 27/09/2017 » ainsi que la caducité de « l'appel du 07/02/2018 » ; - en tout état de cause, l'irrecevabilité des conclusions notifiées le 04/12/2017 par M. E... dans la procédure RG 17/3394 ; que la cour constate que la présentation du moyen tiré de la caducité de la déclaration de saisine postérieurement à celui tiré de la fin de non recevoir de cette déclaration n'a pas fait l'objet de contestation ; 1 -1 -sur l'irrecevabilité de la déclaration de saisine du 27/09/2017 ; qu'à titre liminaire, il convient de rappeler qu'une déclaration de saisine de la cour de renvoi n'est pas une déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, il est constant que la déclaration de saisine du 27/09/2017 vise en qualité de parties défenderesses à l'instance sur renvoi : - la SAS Qualis, RCS Nanterre n° 388 521 908, siège social Rueil-Malmaison ; qu'il est constant également que la SAS Qualis, telle que désignée dans l'acte de saisine, est une société qui est étrangère tant à l'instance ayant donné lieu à cassation qu'à l'instance d'appel suivie devant la cour d'appel de Toulouse à laquelle était partie la SCA Qualis, devenue la SA Talis, RCS Paris n° 352 827 588, siège social à Paris ; que contrairement à ce que soutient M. E..., la désignation erronée de la SAS Qualis ne peut être regardée comme une simple erreur matérielle qui n'affecterait pas la saisine de la cour à l'égard de la SCA Qualis, devenue Talis alors que celle-ci ne peut être identifiée comme partie à l'instance par l'une quelconque des mentions qui désignent précisément et exclusivement une autre société ; que par ailleurs, la société Talis soutient à bon droit que son intervention volontaire, tendant, à titre principal, à contester la recevabilité de cette déclaration de saisine du fait de cette erreur, ne peut avoir pour effet de régulariser la saisine de la cour à son égard ; que par conséquent, la déclaration de saisine du 27/09/2017 ne saisit pas la cour à l'égard de la société Talis ; que selon les sociétés Thésis, Aedeficia participations et Talis, la déclaration de saisine est donc irrecevable par application combinée des articles 547, 553, 1034 et 1037-1 du code de procédure civile dès lors que, selon elles, le litige est indivisible entre les trois sociétés, parties en première instance, défendant à la qualification des fautes ayant motivé la révocation de M. E... de ses fonctions de mandataire social sur décision d'Akerys participations, peu important que seule la société Talis soit recherchée en paiement. Elles en déduisent que toute régularisation de la déclaration de saisine à l'égard de la société Talis devait intervenir avant l'expiration du délai de 10 jours prescrit à l'article 1037-1 du code de procédure civile imposant à l'auteur de la déclaration de signifier la déclaration dans les 10 jours de l'avis de fixation du greffe délivré, en l'espèce, le 14/12/2017, soit jusqu'au 24/12/2017 ; que mais, d'une part, la cour de céans n'étant saisie que de l'action en paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence fondée sur la convention conclue entre M. E... et la société Qualis, à laquelle ne sont pas parties les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations à l'égard desquelles M. E... n'a formé aucune demande, même accessoire, le litige ne présente aucun lien d'indivisibilité entre les dites parties au sens de l'article 553 du code de procédure civile ; que l'arrêt de la Cour de cassation n'ayant pas été notifié, aucun délai de forclusion n'a couru, de sorte que M. E... pouvait établir le 07/02/2018 une seconde déclaration de saisine à l'égard de la société Talis ; que d'autre part, quand bien même le litige serait indivisible entre les parties, et contrairement à ce que soutient le moyen, la régularisation de la déclaration de saisine à l'égard de la société Talis pouvait intervenir jusqu'au jour où la cour statue, ce qui est le cas de la déclaration établie le 07/02/2018 ; que la cour observe que le moyen selon lequel, en cas d'indivisibilité, la régularisation ne pouvait intervenir après l'expiration du délai de 10 jours à compter de l'avis de fixation du greffe, procède d'une confusion entre le délai prescrit à peine de caducité de la déclaration de saisine et le délai dans lequel doit intervenir la mise en cause d'une partie omise dans la déclaration de saisine, confusion aggravée par l'inversion de l'ordre de présentation des moyens quand celui tiré de la caducité précède celui tiré de l'irrecevabilité de la déclaration de saisine ; qu'en effet : - soit la première déclaration de saisine est caduque et alors l'indivisibilité du litige a pour effet de rendre irrecevable la seconde déclaration de saisine quelle que soit à sa date ; - soit la première déclaration n'est pas caduque et alors elle peut être régularisée par une déclaration à l'égard de la partie omise dans la première jusqu'au jour où le juge statue ; qu'il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que la fin de non recevoir est inopérante ; I-2-sur la caducité de la déclaration de saisine du 27/09/2017 ; que l'article 1037-1 du code de procédure civile dispose que : « En cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables. La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les 10 jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration. [...] ; que les sociétés intimées font valoir que la caducité doit être prononcée dès lors que M. E... s'est dispensé de faire signifier la déclaration de saisine du 27/09/2017, cette formalité devant être accomplie même quand bien même les parties avaient constitué avocat avant l'expiration du délai de 10 jours, sans pouvoir être régularisée par une notification électronique ; que mais, il est constant que : - le 01/12/2017, les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations et, sur intervention volontaire, la Talis (sa) ont constitué avocat ; - le 04/12/2017, M. E... a notifié la déclaration de saisine et ses premières conclusions au fond prises contre les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations et la SAS Qualis ; - le 14/12/2017, le greffe a notifié l'avis de fixation à bref délai à l'audience du 13/03/2018, en application des articles 1037-1 et suivants et 905 du code de procédure civile ; qu'il suite des constatations qui précèdent que dès lors que les sociétés THESEIS capital et Aedeficia, seules parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation et visées dans la déclaration de saisine, avaient constitué avocat avant même l'avis de fixation délivré par le greffe, l'accomplissement de la formalité de la signification de la déclaration de saisine, poursuivant un but de célérité procédurale et destinée à provoquer l'intervention des parties à l'instance de cassation visées dans la déclaration de saisine, était devenu sans objet, M. E... pouvant alors procéder par voie de notification électronique ; que par conséquent, le moyen de la caducité est inopérant et doit être rejeté ; qu'au demeurant, le litige n'étant pas indivisible, une éventuelle caducité de cette déclaration n'aurait pas d'incidence sur la recevabilité de la déclaration du 07/02/2018 à l'égard de la société Talis ; I-3 sur la recevabilité et la caducité de la déclaration de saisine du 07/02/2018 ; qu'il résulte des considérations qui précèdent que la déclaration de saisine régularisée le 07/02/2018 à l'égard de la société Talis est recevable, le délai de forclusion de deux mois prévu à l'article 1034 du code de procédure civile pour saisir la cour de renvoi n'ayant pas couru à l'égard de la société Talis à défaut de notification de l'arrêt de la Cour de cassation ; que la société Talis, et les sociétés THESEIS capital et Aedeficia participations, ici toutes deux intervenantes volontaires, reprennent leur moyen de caducité tiré du défaut de signification de la déclaration de saisine dans les 10 jours de l'avis de fixation ; que mais, il est constant que : - le 06/03/2018, le greffe a notifié l'avis de fixation à bref délai à l'audience du 17/09/2018 ; - le 06/03/2018, la société Talis a constitué avocat ; - le 07/03/2018, M. E... a notifié la déclaration de saisine et ses conclusions au fond ; que pour les motifs ci-avant retenus pour écarter ce même moyen, et dès lors que la société Talis avait constitué avocat avant l'expiration du délai de 10 jours, l'accomplissement de la formalité de la signification de la déclaration de saisine était devenu sans objet, M. E... pouvant procéder par voie de notification électronique ; que par conséquent, le moyen tiré de la caducité de cette seconde déclaration de saisine doit également être rejeté ; 2- sur la recevabilité des conclusions notifiées le 04/12/2017 ; qu'il résulte des dispositions de l'article 1037-1 alinéa 3 du code de procédure civile que les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration, et que les parties qui ne respectent pas ce délai sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt est cassé ; qu'il s'ensuit que les conclusions notifiées le 04/12/2017, et par voie de conséquence celles du 11/03/2019 dans l'instance ouverte sur la déclaration de saisine du 27/09/2017 sont irrecevables à l'égard des sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations, M. E... étant réputé s'en tenir à ses conclusions notifiées le 03/03/2015 devant la cour d'appel de Toulouse, étant rappelé que, en tout état de cause, M. E... n'a formé aucune demande à leur encontre au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence » ; ALORS QU'en application de l'article 1037-1 du Code de procédure civile, la déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation prévu à l'article 905 du code de procédure civile ; qu'eu égard à la généralité du texte, la notification s'impose aux parties et s'impose dans tous les cas peu important que les parties visées à la déclaration de saisine aient entretemps constitué avocat ; qu'en l'espèce, la déclaration de saisine du 4 décembre 2017 n'a été notifiée à la société THESEIS CAPITAL et à la société AEDIFICIA PARTICIPATIONS, dans le délai de dix jours de l'avis émis par le greffe le 14 décembre 2017, la déclaration de saisine ayant simplement été notifiée à l'avocat constitué ; qu'en refusant de prononcer la caducité de la déclaration de saisie au motif que la société THESEIS CAPITAL et la société AEDEFICIA avaient constitué avocat avant l'émission de l'avis de fixation et que dès lors la notification était sans objet, les juges du fond ont violé l'article 1037-1 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 a saisi la cour à l'égard des société THESEIS CAPITAL et AEDIFICIA PARTICIPATIONS, dit recevable la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 à l'égard de ces deux sociétés, rejeté le moyen tiré de la caducité de cette déclaration de saisine, déclaré recevable la déclaration de saisine du 7 février 2018 qui a saisi la cour à l'égard de la société TALIS, rejeté le moyen tiré de la caducité de cette déclaration de saisine, déclaré recevables les conclusions du 14 décembre 2017 et du 11 mars 2019 émanant de M. E... et concernant la procédure RG 17/3394, infirmé le jugement du 13 décembre 2010 relativement à la contrepartie financière de la clause de non concurrence et condamné la société TALIS à payer à M. E... la somme de 353.832,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2019 ; AUX MOTIFS QUE « 1-sur l'irrecevabilité et la caducité des déclarations de saisine ; que les sociétés Thésis, Aedeficia participations et Talis, chacune prise en leurs qualités respectives figurant dans leurs conclusions remises au greffe dans les deux procédures, soulèvent : - en premier lieu, l'irrecevabilité de la déclaration de saisine du 27/09/2017, acte de saisine qu'elles qualifient « d'appel », et l'irrecevabilité par voie de conséquence de « l'acte d'appel » du 07/02/2018 ; - en second lieu, la caducité de « l'appel engagé le 27/09/2017 » ainsi que la caducité de « l'appel du 07/02/2018 » ; - en tout état de cause, l'irrecevabilité des conclusions notifiées le 04/12/2017 par M. E... dans la procédure RG 17/3394 ; que la cour constate que la présentation du moyen tiré de la caducité de la déclaration de saisine postérieurement à celui tiré de la fin de non recevoir de cette déclaration n'a pas fait l'objet de contestation ; 1 -1 -sur l'irrecevabilité de la déclaration de saisine du 27/09/2017 ; qu'à titre liminaire, il convient de rappeler qu'une déclaration de saisine de la cour de renvoi n'est pas une déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, il est constant que la déclaration de saisine du 27/09/2017 vise en qualité de parties défenderesses à l'instance sur renvoi : - la SAS Qualis, RCS Nanterre n° 388 521 908, siège social Rueil-Malmaison ; qu'il est constant également que la SAS Qualis, telle que désignée dans l'acte de saisine, est une société qui est étrangère tant à l'instance ayant donné lieu à cassation qu'à l'instance d'appel suivie devant la cour d'appel de Toulouse à laquelle était partie la SCA Qualis, devenue la SA Talis, RCS Paris n° 352 827 588, siège social à Paris ; que contrairement à ce que soutient M. E..., la désignation erronée de la SAS Qualis ne peut être regardée comme une simple erreur matérielle qui n'affecterait pas la saisine de la cour à l'égard de la SCA Qualis, devenue Talis alors que celle-ci ne peut être identifiée comme partie à l'instance par l'une quelconque des mentions qui désignent précisément et exclusivement une autre société ; que par ailleurs, la société Talis soutient à bon droit que son intervention volontaire, tendant, à titre principal, à contester la recevabilité de cette déclaration de saisine du fait de cette erreur, ne peut avoir pour effet de régulariser la saisine de la cour à son égard ; que par conséquent, la déclaration de saisine du 27/09/2017 ne saisit pas la cour à l'égard de la société Talis ; que selon les sociétés Thésis, Aedeficia participations et Talis, la déclaration de saisine est donc irrecevable par application combinée des articles 547, 553, 1034 et 1037-1 du code de procédure civile dès lors que, selon elles, le litige est indivisible entre les trois sociétés, parties en première instance, défendant à la qualification des fautes ayant motivé la révocation de M. E... de ses fonctions de mandataire social sur décision d'Akerys participations, peu important que seule la société Talis soit recherchée en paiement. Elles en déduisent que toute régularisation de la déclaration de saisine à l'égard de la société Talis devait intervenir avant l'expiration du délai de 10 jours prescrit à l'article 1037-1 du code de procédure civile imposant à l'auteur de la déclaration de signifier la déclaration dans les 10 jours de l'avis de fixation du greffe délivré, en l'espèce, le 14/12/2017, soit jusqu'au 24/12/2017 ; que mais, d'une part, la cour de céans n'étant saisie que de l'action en paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence fondée sur la convention conclue entre M. E... et la société Qualis, à laquelle ne sont pas parties les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations à l'égard desquelles M. E... n'a formé aucune demande, même accessoire, le litige ne présente aucun lien d'indivisibilité entre les dites parties au sens de l'article 553 du code de procédure civile ; que l'arrêt de la Cour de cassation n'ayant pas été notifié, aucun délai de forclusion n'a couru, de sorte que M. E... pouvait établir le 07/02/2018 une seconde déclaration de saisine à l'égard de la société Talis ; que d'autre part, quand bien même le litige serait indivisible entre les parties, et contrairement à ce que soutient le moyen, la régularisation de. la déclaration de saisine à l'égard de la société Talis pouvait intervenir jusqu'au jour où la cour statue, ce qui est le cas de la déclaration établie le 07/02/2018 ; que la cour observe que le moyen selon lequel, en cas d'indivisibilité, la régularisation ne pouvait intervenir après l'expiration du délai de 10 jours à compter de l'avis de fixation du greffe, procède d'une confusion entre le délai prescrit à peine de caducité de la déclaration de saisine et le délai dans lequel doit intervenir la mise en cause d'une partie omise dans la déclaration de saisine, confusion aggravée par l'inversion de l'ordre de présentation des moyens quand celui tiré de la caducité précède celui tiré de l'irrecevabilité de la déclaration de saisine ; qu'en effet : - soit la première déclaration de saisine est caduque et alors l'indivisibilité du litige a pour effet de rendre irrecevable la seconde déclaration de saisine quelle que soit à sa date ; - soit la première déclaration n'est pas caduque et alors elle peut être régularisée par une déclaration à l'égard de la partie omise dans la première jusqu'au jour où le juge statue ; qu'il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que la fin de non recevoir est inopérante ; I-2-sur la caducité de la déclaration de saisine du 27/09/2017 ; que l'article 1037-1 du code de procédure civile dispose que : « En cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables. La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les 10 jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration. [...] ; que les sociétés intimées font valoir que la caducité doit être prononcée dès lors que M. E... s'est dispensé de faire signifier la déclaration de saisine du 27/09/2017, cette formalité devant être accomplie même quand bien même les parties avaient constitué avocat avant l'expiration du délai de 10 jours, sans pouvoir être régularisée par une notification électronique ; que mais, il est constant que : - le 01/12/2017, les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations et, sur intervention volontaire, la Talis (sa) ont constitué avocat ; - le 04/12/2017, M. E... a notifié la déclaration de saisine et ses premières conclusions au fond prises contre les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations et la SAS Qualis ; - le 14/12/2017, le greffe a notifié l'avis de fixation à bref délai à l'audience du 13/03/2018, en application des articles 1037-1 et suivants et 905 du code de procédure civile ; qu'il suite des constatations qui précèdent que dès lors que les sociétés THESEIS capital et Aedeficia, seules parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation et visées dans la déclaration de saisine, avaient constitué avocat avant même l'avis de fixation délivré par le greffe, l'accomplissement de la formalité de la signification de la déclaration de saisine, poursuivant un but de célérité procédurale et destinée à provoquer l'intervention des parties à l'instance de cassation visées dans la déclaration de saisine, était devenu sans objet, M. E... pouvant alors procéder par voie de notification électronique ; que par conséquent, le moyen de la caducité est inopérant et doit être rejeté ; qu'au demeurant, le litige n'étant pas indivisible, une éventuelle caducité de cette déclaration n'aurait pas d'incidence sur la recevabilité de la déclaration du 07/02/2018 à l'égard de la société Talis ; I-3 sur la recevabilité et la caducité de la déclaration de saisine du 07/02/2018 ; qu'il résulte des considérations qui précèdent que la déclaration de saisine régularisée le 07/02/2018 à l'égard de la société Talis est recevable, le délai de forclusion de deux mois prévu à l'article 1034 du code de procédure civile pour saisir la cour de renvoi n'ayant pas couru à l'égard de la société Talis à défaut de notification de l'arrêt de la Cour de cassation ; que la société Talis, et les sociétés THESEIS capital et Aedeficia participations, ici toutes deux intervenantes volontaires, reprennent leur moyen de caducité tiré du défaut de signification de la déclaration de saisine dans les 10 jours de l'avis de fixation ; que mais, il est constant que : - le 06/03/2018, le greffe a notifié l'avis de fixation à bref délai à l'audience du 17/09/2018 ; - le 06/03/2018, la société Talis a constitué avocat ; - le 07/03/2018, M. E... a notifié la déclaration de saisine et ses conclusions au fond ; que pour les motifs ci-avant retenus pour écarter ce même moyen, et dès lors que la société Talis avait constitué avocat avant l'expiration du délai de 10 jours, l'accomplissement de la formalité de la signification de la déclaration de saisine était devenu sans objet, M. E... pouvant procéder par voie de notification électronique ; que par conséquent, le moyen tiré de la caducité de cette seconde déclaration de saisine doit également être rejeté ; 2- sur la recevabilité des conclusions notifiées le 04/12/2017 ; qu'il résulte des dispositions de l'article 1037-1 alinéa 3 du code de procédure civile que les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration, et que les parties qui ne respectent pas ce délai sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt est cassé ; qu'il s'ensuit que les conclusions notifiées le 04/12/2017, et par voie de conséquence celles du 11/03/2019 dans l'instance ouverte sur la déclaration de saisine du 27/09/2017 sont irrecevables à l'égard des sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations, M. E... étant réputé s'en tenir à ses conclusions notifiées le 03/03/2015 devant la cour d'appel de Toulouse, étant rappelé que, en tout état de cause, M. E... n'a formé aucune demande à leur encontre au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence » ; ALORS QUE, l'irrecevabilité de la déclaration de saisine confère force de chose jugée au jugement de première instance, lorsque la décision cassée a été prononcée sur appel de ce jugement, rendant irrecevable toute nouvelle déclaration de saisine tendant à déférer à la cour d'appel la connaissance de ce jugement ; qu'en décidant au cas d'espèce que la déclaration de saisine en date du 7 février 2018 pouvait venir régulariser la déclaration de saisine du 27 septembre 2017, quand elle constatait que la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 avait été déclarée irrecevable à l'égard de la société QUALIS, de sorte que le jugement avait acquis force de chose jugée à l'égard des parties non régulièrement attraites devant la Cour d'appel de renvoi par la première déclaration de saisine, les juges du fond ont violé l'article 1034 du Code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 a saisi la cour à l'égard des société THESEIS CAPITAL et AEDIFICIA PARTICIPATIONS, dit recevable la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 à l'égard de ces deux sociétés, rejeté le moyen tiré de la caducité de cette déclaration de saisine, déclaré recevable la déclaration de saisine du 7 février 2018 qui a saisi la cour à l'égard de la société TALIS, rejeté le moyen tiré de la caducité de cette déclaration de saisine, déclaré recevables les conclusions du 14 décembre 2017 et du 11 mars 2019 émanant de M. E... et concernant la procédure RG 17/3394, infirmé le jugement du 13 décembre 2010 relativement à la contrepartie financière de la clause de non concurrence et condamné la société TALIS à payer à M. E... la somme de 353.832,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2019 ; AUX MOTIFS QUE « 1-sur l'irrecevabilité et la caducité des déclarations de saisine ; que les sociétés Thésis, Aedeficia participations et Talis, chacune prise en leurs qualités respectives figurant dans leurs conclusions remises au greffe dans les deux procédures, soulèvent : - en premier lieu, l'irrecevabilité de la déclaration de saisine du 27/09/2017, acte de saisine qu'elles qualifient « d'appel », et l'irrecevabilité par voie de conséquence de « l'acte d'appel » du 07/02/2018 ; - en second lieu, la caducité de « l'appel engagé le 27/09/2017 » ainsi que la caducité de « l'appel du 07/02/2018 » ; - en tout état de cause, l'irrecevabilité des conclusions notifiées le 04/12/2017 par M. E... dans la procédure RG 17/3394 ; que la cour constate que la présentation du moyen tiré de la caducité de la déclaration de saisine postérieurement à celui tiré de la fin de non recevoir de cette déclaration n'a pas fait l'objet de contestation ; 1 -1 -sur l'irrecevabilité de la déclaration de saisine du 27/09/2017 ; qu'à titre liminaire, il convient de rappeler qu'une déclaration de saisine de la cour de renvoi n'est pas une déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, il est constant que la déclaration de saisine du 27/09/2017 vise en qualité de parties défenderesses à l'instance sur renvoi : - la SAS Qualis, RCS Nanterre n° 388 521 908, siège social Rueil-Malmaison ; qu'il est constant également que la SAS Qualis, telle que désignée dans l'acte de saisine, est une société qui est étrangère tant à l'instance ayant donné lieu à cassation qu'à l'instance d'appel suivie devant la cour d'appel de Toulouse à laquelle était partie la SCA Qualis, devenue la SA Talis, RCS Paris n° 352 827 588, siège social à Paris ; que contrairement à ce que soutient M. E..., la désignation erronée de la SAS Qualis ne peut être regardée comme une simple erreur matérielle qui n'affecterait pas la saisine de la cour à l'égard de la SCA Qualis, devenue Talis alors que celle-ci ne peut être identifiée comme partie à l'instance par l'une quelconque des mentions qui désignent précisément et exclusivement une autre société ; que par ailleurs, la société Talis soutient à bon droit que son intervention volontaire, tendant, à titre principal, à contester la recevabilité de cette déclaration de saisine du fait de cette erreur, ne peut avoir pour effet de régulariser la saisine de la cour à son égard ; que par conséquent, la déclaration de saisine du 27/09/2017 ne saisit pas la cour à l'égard de la société Talis ; que selon les sociétés Thésis, Aedeficia participations et Talis, la déclaration de saisine est donc irrecevable par application combinée des articles 547, 553, 1034 et 1037-1 du code de procédure civile dès lors que, selon elles, le litige est indivisible entre les trois sociétés, parties en première instance, défendant à la qualification des fautes ayant motivé la révocation de M. E... de ses fonctions de mandataire social sur décision d'Akerys participations, peu important que seule la société Talis soit recherchée en paiement. Elles en déduisent que toute régularisation de la déclaration de saisine à l'égard de la société Talis devait intervenir avant l'expiration du délai de 10 jours prescrit à l'article 1037-1 du code de procédure civile imposant à l'auteur de la déclaration de signifier la déclaration dans les 10 jours de l'avis de fixation du greffe délivré, en l'espèce, le 14/12/2017, soit jusqu'au 24/12/2017 ; que mais, d'une part, la cour de céans n'étant saisie que de l'action en paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence fondée sur la convention conclue entre M. E... et la société Qualis, à laquelle ne sont pas parties les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations à l'égard desquelles M. E... n'a formé aucune demande, même accessoire, le litige ne présente aucun lien d'indivisibilité entre les dites parties au sens de l'article 553 du code de procédure civile ; que l'arrêt de la Cour de cassation n'ayant pas été notifié, aucun délai de forclusion n'a couru, de sorte que M. E... pouvait établir le 07/02/2018 une seconde déclaration de saisine à l'égard de la société Talis ; que d'autre part, quand bien même le litige serait indivisible entre les parties, et contrairement à ce que soutient le moyen, la régularisation de. la déclaration de saisine à l'égard de la société Talis pouvait intervenir jusqu'au jour où la cour statue, ce qui est le cas de la déclaration établie le 07/02/2018 ; que la cour observe que le moyen selon lequel, en cas d'indivisibilité, la régularisation ne pouvait intervenir après l'expiration du délai de 10 jours à compter de l'avis de fixation du greffe, procède d'une confusion entre le délai prescrit à peine de caducité de la déclaration de saisine et le délai dans lequel doit intervenir la mise en cause d'une partie omise dans la déclaration de saisine, confusion aggravée par l'inversion de l'ordre de présentation des moyens quand celui tiré de la caducité précède celui tiré de l'irrecevabilité de la déclaration de saisine ; qu'en effet : - soit la première déclaration de saisine est caduque et alors l'indivisibilité du litige a pour effet de rendre irrecevable la seconde déclaration de saisine quelle que soit à sa date ; - soit la première déclaration n'est pas caduque et alors elle peut être régularisée par une déclaration à l'égard de la partie omise dans la première jusqu'au jour où le juge statue ; qu'il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que la fin de non recevoir est inopérante ; I-2-sur la caducité de la déclaration de saisine du 27/09/2017 ; que l'article 1037-1 du code de procédure civile dispose que : « En cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables. La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les 10 jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration. [...] ; que les sociétés intimées font valoir que la caducité doit être prononcée dès lors que M. E... s'est dispensé de faire signifier la déclaration de saisine du 27/09/2017, cette formalité devant être accomplie même quand bien même les parties avaient constitué avocat avant l'expiration du délai de 10 jours, sans pouvoir être régularisée par une notification électronique ; que mais, il est constant que : - le 01/12/2017, les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations et, sur intervention volontaire, la Talis (sa) ont constitué avocat ; - le 04/12/2017, M. E... a notifié la déclaration de saisine et ses premières conclusions au fond prises contre les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations et la SAS Qualis ; - le 14/12/2017, le greffe a notifié l'avis de fixation à bref délai à l'audience du 13/03/2018, en application des articles 1037-1 et suivants et 905 du code de procédure civile ; qu'il suite des constatations qui précèdent que dès lors que les sociétés THESEIS capital et Aedeficia, seules parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation et visées dans la déclaration de saisine, avaient constitué avocat avant même l'avis de fixation délivré par le greffe, l'accomplissement de la formalité de la signification de la déclaration de saisine, poursuivant un but de célérité procédurale et destinée à provoquer l'intervention des parties à l'instance de cassation visées dans la déclaration de saisine, était devenu sans objet, M. E... pouvant alors procéder par voie de notification électronique ; que par conséquent, le moyen de la caducité est inopérant et doit être rejeté ; qu'au demeurant, le litige n'étant pas indivisible, une éventuelle caducité de cette déclaration n'aurait pas d'incidence sur la recevabilité de la déclaration du 07/02/2018 à l'égard de la société Talis ; I-3 sur la recevabilité et la caducité de la déclaration de saisine du 07/02/2018 ; qu'il résulte des considérations qui précèdent que la déclaration de saisine régularisée le 07/02/2018 à l'égard de la société Talis est recevable, le délai de forclusion de deux mois prévu à l'article 1034 du code de procédure civile pour saisir la cour de renvoi n'ayant pas couru à l'égard de la société Talis à défaut de notification de l'arrêt de la Cour de cassation ; que la société Talis, et les sociétés THESEIS capital et Aedeficia participations, ici toutes deux intervenantes volontaires, reprennent leur moyen de caducité tiré du défaut de signification de la déclaration de saisine dans les 10 jours de l'avis de fixation ; que mais, il est constant que : - le 06/03/2018, le greffe a notifié l'avis de fixation à bref délai à l'audience du 17/09/2018 ; - le 06/03/2018, la société Talis a constitué avocat ; - le 07/03/2018, M. E... a notifié la déclaration de saisine et ses conclusions au fond ; que pour les motifs ci-avant retenus pour écarter ce même moyen, et dès lors que la société Talis avait constitué avocat avant l'expiration du délai de 10 jours, l'accomplissement de la formalité de la signification de la déclaration de saisine était devenu sans objet, M. E... pouvant procéder par voie de notification électronique ; que par conséquent, le moyen tiré de la caducité de cette seconde déclaration de saisine doit également être rejeté ; 2- sur la recevabilité des conclusions notifiées le 04/12/2017 ; qu'il résulte des dispositions de l'article 1037-1 alinéa 3 du code de procédure civile que les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration, et que les parties qui ne respectent pas ce délai sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt est cassé ; qu'il s'ensuit que les conclusions notifiées le 04/12/2017, et par voie de conséquence celles du 11/03/2019 dans l'instance ouverte sur la déclaration de saisine du 27/09/2017 sont irrecevables à l'égard des sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations, M. E... étant réputé s'en tenir à ses conclusions notifiées le 03/03/2015 devant la cour d'appel de Toulouse, étant rappelé que, en tout état de cause, M. E... n'a formé aucune demande à leur encontre au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence » ; ALORS QUE, la régularisation ne peut pas intervenir après l'expiration du délai imparti à l'auteur de l'acte de saisine de la Cour d'appel de renvoi pour conclure ; qu'au cas d'espèce, la première déclaration de saisine est intervenue le 27 septembre 2017 ; que le délai pour conclure et partant, pour régulariser la déclaration de saisine et qu'il était exclu qu'une déclaration de saisine en date du 7 février 2018 puisse venir régulariser la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 à l'égard de la société TALIS ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cette circonstance, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1037-1 du Code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 a saisi la cour à l'égard des société THESEIS CAPITAL et AEDIFICIA PARTICIPATIONS, dit recevable la déclaration de saisine du 27 septembre 2017 à l'égard de ces deux sociétés, rejeté le moyen tiré de la caducité de cette déclaration de saisine, déclaré recevable la déclaration de saisine du 7 février 2018 qui a saisi la cour à l'égard de la société TALIS, rejeté le moyen tiré de la caducité de cette déclaration de saisine, déclaré recevables les conclusions du 14 décembre 2017 et du 11 mars 2019 émanant de M. E... et concernant la procédure RG 17/3394, infirmé le jugement du 13 décembre 2010 relativement à la contrepartie financière de la clause de non concurrence et condamné la société TALIS à payer à M. E... la somme de 353.832,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2019 ; AUX MOTIFS QUE « 1-sur l'irrecevabilité et la caducité des déclarations de saisine ; que les sociétés Thésis, Aedeficia participations et Talis, chacune prise en leurs qualités respectives figurant dans leurs conclusions remises au greffe dans les deux procédures, soulèvent : - en premier lieu, l'irrecevabilité de la déclaration de saisine du 27/09/2017, acte de saisine qu'elles qualifient « d'appel », et l'irrecevabilité par voie de conséquence de « l'acte d'appel » du 07/02/2018 ; - en second lieu, la caducité de « l'appel engagé le 27/09/2017 » ainsi que la caducité de « l'appel du 07/02/2018 » ; - en tout état de cause, l'irrecevabilité des conclusions notifiées le 04/12/2017 par M. E... dans la procédure RG 17/3394 ; que la cour constate que la présentation du moyen tiré de la caducité de la déclaration de saisine postérieurement à celui tiré de la fin de non recevoir de cette déclaration n'a pas fait l'objet de contestation ; 1 -1 -sur l'irrecevabilité de la déclaration de saisine du 27/09/2017 ; qu'à titre liminaire, il convient de rappeler qu'une déclaration de saisine de la cour de renvoi n'est pas une déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, il est constant que la déclaration de saisine du 27/09/2017 vise en qualité de parties défenderesses à l'instance sur renvoi : - la SAS Qualis, RCS Nanterre n° 388 521 908, siège social Rueil-Malmaison ; qu'il est constant également que la SAS Qualis, telle que désignée dans l'acte de saisine, est une société qui est étrangère tant à l'instance ayant donné lieu à cassation qu'à l'instance d'appel suivie devant la cour d'appel de Toulouse à laquelle était partie la SCA Qualis, devenue la SA Talis, RCS Paris n° 352 827 588, siège social à Paris ; que contrairement à ce que soutient M. E..., la désignation erronée de la SAS Qualis ne peut être regardée comme une simple erreur matérielle qui n'affecterait pas la saisine de la cour à l'égard de la SCA Qualis, devenue Talis alors que celle-ci ne peut être identifiée comme partie à l'instance par l'une quelconque des mentions qui désignent précisément et exclusivement une autre société ; que par ailleurs, la société Talis soutient à bon droit que son intervention volontaire, tendant, à titre principal, à contester la recevabilité de cette déclaration de saisine du fait de cette erreur, ne peut avoir pour effet de régulariser la saisine de la cour à son égard ; que par conséquent, la déclaration de saisine du 27/09/2017 ne saisit pas la cour à l'égard de la société Talis ; que selon les sociétés Thésis, Aedeficia participations et Talis, la déclaration de saisine est donc irrecevable par application combinée des articles 547, 553, 1034 et 1037-1 du code de procédure civile dès lors que, selon elles, le litige est indivisible entre les trois sociétés, parties en première instance, défendant à la qualification des fautes ayant motivé la révocation de M. E... de ses fonctions de mandataire social sur décision d'Akerys participations, peu important que seule la société Talis soit recherchée en paiement. Elles en déduisent que toute régularisation de la déclaration de saisine à l'égard de la société Talis devait intervenir avant l'expiration du délai de 10 jours prescrit à l'article 1037-1 du code de procédure civile imposant à l'auteur de la déclaration de signifier la déclaration dans les 10 jours de l'avis de fixation du greffe délivré, en l'espèce, le 14/12/2017, soit jusqu'au 24/12/2017 ; que mais, d'une part, la cour de céans n'étant saisie que de l'action en paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence fondée sur la convention conclue entre M. E... et la société Qualis, à laquelle ne sont pas parties les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations à l'égard desquelles M. E... n'a formé aucune demande, même accessoire, le litige ne présente aucun lien d'indivisibilité entre les dites parties au sens de l'article 553 du code de procédure civile ; que l'arrêt de la Cour de cassation n'ayant pas été notifié, aucun délai de forclusion n'a couru, de sorte que M. E... pouvait établir le 07/02/2018 une seconde déclaration de saisine à l'égard de la société Talis ; que d'autre part, quand bien même le litige serait indivisible entre les parties, et contrairement à ce que soutient le moyen, la régularisation de la déclaration de saisine à l'égard de la société Talis pouvait intervenir jusqu'au jour où la cour statue, ce qui est le cas de la déclaration établie le 07/02/2018 ; que la cour observe que le moyen selon lequel, en cas d'indivisibilité, la régularisation ne pouvait intervenir après l'expiration du délai de 10 jours à compter de l'avis de fixation du greffe, procède d'une confusion entre le délai prescrit à peine de caducité de la déclaration de saisine et le délai dans lequel doit intervenir la mise en cause d'une partie omise dans la déclaration de saisine, confusion aggravée par l'inversion de l'ordre de présentation des moyens quand celui tiré de la caducité précède celui tiré de l'irrecevabilité de la déclaration de saisine ; qu'en effet : - soit la première déclaration de saisine est caduque et alors l'indivisibilité du litige a pour effet de rendre irrecevable la seconde déclaration de saisine quelle que soit à sa date ; - soit la première déclaration n'est pas caduque et alors elle peut être régularisée par une déclaration à l'égard de la partie omise dans la première jusqu'au jour où le juge statue ; qu'il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que la fin de non recevoir est inopérante ; I-2-sur la caducité de la déclaration de saisine du 27/09/2017 ; que l'article 1037-1 du code de procédure civile dispose que : « En cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables. La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les 10 jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration. [...] ; que les sociétés intimées font valoir que la caducité doit être prononcée dès lors que M. E... s'est dispensé de faire signifier la déclaration de saisine du 27/09/2017, cette formalité devant être accomplie même quand bien même les parties avaient constitué avocat avant l'expiration du délai de 10 jours, sans pouvoir être régularisée par une notification électronique ; que mais, il est constant que : - le 01/12/2017, les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations et, sur intervention volontaire, la Talis (sa) ont constitué avocat ; - le 04/12/2017, M. E... a notifié la déclaration de saisine et ses premières conclusions au fond prises contre les sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations et la SAS Qualis ; - le 14/12/2017, le greffe a notifié l'avis de fixation à bref délai à l'audience du 13/03/2018, en application des articles 1037-1 et suivants et 905 du code de procédure civile ; qu'il suite des constatations qui précèdent que dès lors que les sociétés THESEIS capital et Aedeficia, seules parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation et visées dans la déclaration de saisine, avaient constitué avocat avant même l'avis de fixation délivré par le greffe, l'accomplissement de la formalité de la signification de la déclaration de saisine, poursuivant un but de célérité procédurale et destinée à provoquer l'intervention des parties à l'instance de cassation visées dans la déclaration de saisine, était devenu sans objet, M. E... pouvant alors procéder par voie de notification électronique ; que par conséquent, le moyen de la caducité est inopérant et doit être rejeté ; qu'au demeurant, le litige n'étant pas indivisible, une éventuelle caducité de cette déclaration n'aurait pas d'incidence sur la recevabilité de la déclaration du 07/02/2018 à l'égard de la société Talis ; I-3 sur la recevabilité et la caducité de la déclaration de saisine du 07/02/2018 ; qu'il résulte des considérations qui précèdent que la déclaration de saisine régularisée le 07/02/2018 à l'égard de la société Talis est recevable, le délai de forclusion de deux mois prévu à l'article 1034 du code de procédure civile pour saisir la cour de renvoi n'ayant pas couru à l'égard de la société Talis à défaut de notification de l'arrêt de la Cour de cassation ; que la société Talis, et les sociétés THESEIS capital et Aedeficia participations, ici toutes deux intervenantes volontaires, reprennent leur moyen de caducité tiré du défaut de signification de la déclaration de saisine dans les 10 jours de l'avis de fixation ; que mais, il est constant que : - le 06/03/2018, le greffe a notifié l'avis de fixation à bref délai à l'audience du 17/09/2018 ; - le 06/03/2018, la société Talis a constitué avocat ; - le 07/03/2018, M. E... a notifié la déclaration de saisine et ses conclusions au fond ; que pour les motifs ci-avant retenus pour écarter ce même moyen, et dès lors que la société Talis avait constitué avocat avant l'expiration du délai de 10 jours, l'accomplissement de la formalité de la signification de la déclaration de saisine était devenu sans objet, M. E... pouvant procéder par voie de notification électronique ; que par conséquent, le moyen tiré de la caducité de cette seconde déclaration de saisine doit également être rejeté ; 2- sur la recevabilité des conclusions notifiées le 04/12/2017 ; qu'il résulte des dispositions de l'article 1037-1 alinéa 3 du code de procédure civile que les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration, et que les parties qui ne respectent pas ce délai sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt est cassé ; qu'il s'ensuit que les conclusions notifiées le 04/12/2017, et par voie de conséquence celles du 11/03/2019 dans l'instance ouverte sur la déclaration de saisine du 27/09/2017 sont irrecevables à l'égard des sociétés THESEIS capital, Aedeficia participations, M. E... étant réputé s'en tenir à ses conclusions notifiées le 03/03/2015 devant la cour d'appel de Toulouse, étant rappelé que, en tout état de cause, M. E... n'a formé aucune demande à leur encontre au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence » ; ALORS QU'en application de l'article 1037-1 du Code de procédure civile, la déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation prévu à l'article 905 du code de procédure civile ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué, et en tout cas des pièces de la procédure que M. E... n'a pas notifié à la société TALIS, dans le délai de dix jours à compter du 6 mars 2018, date à laquelle le greffier a émis l'avis de fixation dans le délai de l'audience, la déclaration de saisine du 7 février 2018 ; que par suite, la déclaration de saisine devait être déclarée caduque ; qu'en refusant de prononcer cette caducité, au motif erroné que la société TALIS ayant constitué entretemps avocat, il n'y avait pas lieu de procéder à une signification à la partie elle-même, les juges du fond ont violé l'article 1037-1 du Code de procédure civile.
L'article 1037-1 du code de procédure civile n'impose pas à l'auteur de la déclaration de saisine après cassation, qui a signifié celle-ci à l'avocat de la partie adverse, avant même la notification par le greffe de l'avis de fixation, de la notifier à la partie elle-même dans les dix jours de cet avis, cette diligence étant devenue sans objet
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1107 F-P+B+I Pourvoi n° N 19-18.671 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 M. V... G..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-18.671 contre l'arrêt rendu le 11 février 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au Fonds commun de titrisation Hugo créances I, dont le siège est 29-31 rue Saint-Augustin, 75002 Paris, représenté par la société GTI Asset management, venant aux droits de la Banque française commerciale Antilles Guyane (BFCAG), en vertu d'un bordereau de créances en date du 23 juillet 2010, défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. G..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat du Fonds commun de titrisation Hugo créances I, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 11 février 2019), un jugement d'un tribunal de commerce du 14 juin 1996 a condamné N... G... à payer une certaine somme à la Banque française commerciale Antilles Guyane. 2. Ce jugement a été notifié à N... G... le 14 octobre 1996, selon les modalités de l'article 655 du code de procédure civile. 3. Le 18 septembre 2017, le Fonds commun de titrisation Hugo créance I (le Fonds), venant aux droits de la Banque française commerciale Antilles Guyane en vertu d'une cession de créance, a fait signifier le jugement à M. V... G..., en sa qualité d'héritier de N... G.... 4. Le 17 octobre 2017, M. V... G... a interjeté appel de ce jugement. Le Fonds a soulevé l'irrecevabilité de l'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 5. M. G... fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable, alors : « 1°/ que la signification d'un jugement à une personne décédée après la clôture des débats est nulle ; qu'en décidant que, nonobstant le décès de N... G..., survenu au cours du délibéré du jugement, la signification qui avait été délivrée à la personne même du défunt était régulière et avait fait courir le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 117, 528, 538, 654 et 677 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en cas de décès d'une partie survenu après la clôture des débats, la signification qui lui est faite du jugement ne peut faire courir le délai d'appel à l'encontre de ses héritiers qui étaient tiers au procès ; que le délai d'appel ne court à leur encontre qu'à compter de la notification qui leur est faite du jugement ; qu'en décidant que, nonobstant le décès de N... G..., survenu en cours de délibéré, la signification qui avait été délivrée à cette partie décédée avait fait courir le délai d'appel à l'égard de son héritier, la cour d'appel a violé les articles 528, 531, 532 et 538 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 370, 371 et 531 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 6. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsqu'une partie décède après la clôture des débats, l'instance n'étant pas interrompue, la décision doit être rendue à l'égard de cette partie. En application du troisième, le délai de recours est interrompu par le décès de la partie à laquelle le jugement doit être notifié et ce délai court alors en vertu d'une notification faite aux héritiers. Il découle de la combinaison de ces textes qu'en cas de décès d'une partie après la clôture des débats, le délai d'appel, ouvert aux héritiers, ne court qu'à compter de la notification qui leur est faite de ce jugement. 7. Pour déclarer irrecevable, comme ayant été formé hors délai, l'appel formé par M. G..., en sa qualité d'héritier de N... G..., contre le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre le 14 juin 1996, la cour d'appel retient que, nonobstant le fait que N... G... était décédé au jour de la signification de ce jugement, celle-ci avait fait courir le délai d'appel prévu à l'article 538 du code de procédure civile et que faute de recours dans ce délai, la décision était devenue irrévocable. 8. En statuant ainsi, alors que la notification du jugement à une partie qui était décédée ne faisait pas courir le délai de recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ; Condamne le Fonds commun de titrisation Hugo créances I aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds commun de titrisation Hugo créances I et le condamne à payer à M. G... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. G... Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré M. G... irrecevable en son appel ; AUX MOTIFS QUE le Fonds commun de titrisation Hugo créances I soutient que l'appel interjeté par M. G... à l'encontre du jugement rendu le 14 juin 1996 par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre est irrecevable dans la mesure où ladite décision a acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'à ce titre, l'article 500 du code de procédure civile, dans son premier alinéa, dispose « qu'a la force de chose jugée, le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution » ; que l'alinéa 2 précise que le jugement, susceptible d'un tel recours, acquiert la même force, à l'expiration du délai de recours, si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, le 14 juin 1996, a été notifié au dernier domicile connu de N... G..., le 14 octobre 1996, et ce, alors même qu'il était déjà décédé, situation toutefois que la Banque française commerciale Antilles Guyane ignorait ; que nonobstant le décès de N... G..., ladite signification est parfaitement régulière et n'a pu que faire courir le délai d'appel d'un mois prévu en matière contentieuse à l'article 538 du code de procédure civile ; que passé le délai d'appel d'un mois, le jugement entrepris est devenu irrévocable, comme en témoigne d'ailleurs le certificat de non-appel versé aux débats en date du 23 août 2017 ; qu'en outre, M. G... ne peut arguer de la nouvelle signification qui lui a été faite par le Fonds commun de titrisation Hugo créances 1, lequel est parfaitement recevable à agir à son encontre, en vertu d'un bordereau de cession de créances intervenu le 23 juillet 2010, conformément à l'article L. 214-42-1 du code monétaire et financier, le 18 septembre 2017, pour faire courir un nouveau délai d'appel ; qu'en effet, l'acte de signification précité indiquait qu'il emportait signification à M. G... d'un jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en date du 14 juin 1996, devenu exécutoire selon certificat de non-appel du 23 août 2017 ; que de plus, cette signification est opposable à la succession et rend irrecevable, au-delà des délais ouverts par celle-ci, la déclaration de saisine de la cour d'appel ; que pas davantage M. G... ne peut arguer de la nouvelle signification de la décision qui lui a été faite, le 9 octobre 2017, au visa de l'article 877 du code civil, pour considérer qu'il y ouverture d'un délai d'appel ; qu'en effet, ladite signification ne tendait qu'à rendre opposable à la succession du de cujus un jugement déjà devenu exécutoire ; qu'en effet, l'article 877 précité indique que « les titres exécutoires contre le défunt sont pareillement exécutoires contre l'héritier et, néanmoins, les créanciers ne pourront en poursuivre l'exécution que huit jours après la signification de ces titres à l'héritier » ; qu'enfin, il convient d'ajouter que, par application de l'article 528-1 du code de procédure civile, « si le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans suivant son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal, après l'expiration dudit délai » ; que dans ces conditions force est de constater, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens de droit invoqués au fond par M. G..., que son appel est irrecevable ; ALORS, 1°), QUE la signification d'un jugement à une personne décédée après la clôture des débats est nulle ; qu'en décidant que, nonobstant le décès de N... G..., survenu au cours du délibéré du jugement, la signification qui avait été délivrée à la personne même du défunt était régulière et avait fait courir le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 117, 528, 538, 654 et 677 du code de procédure civile ; ALORS, 2°), QU'en cas de décès d'une partie survenu après la clôture des débats, la signification qui lui est faite du jugement ne peut faire courir le délai d'appel à l'encontre de ses héritiers qui étaient tiers au procès ; que le délai d'appel ne court à leur encontre qu'à compter de la notification qui leur est faite du jugement ; qu'en décidant que, nonobstant le décès de N... G..., survenu en cours de délibéré, la signification qui avait été délivrée à cette partie décédée avait fait courir le délai d'appel à l'égard de son héritier, la cour d'appel a violé les articles 528, 531, 532 et 538 du code de procédure civile ; ALORS, 3°), QUE l'article 528-1 du code de procédure civile qui prévoit que lorsque le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l'expiration dudit délai n'est pas applicable lorsque le jugement a été notifié, même irrégulièrement ; qu'en faisant application de ces dispositions, pour dire que l'appel était irrecevable, après avoir pourtant relevé que le jugement frappé d'appel avait été notifié dans les deux ans de son prononcé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 528-1 du code de procédure civile.
Il découle de la combinaison des articles 370, 371 et 531 du code de procédure civile qu'en cas de décès d'une partie après la clôture des débats, le délai d'appel, ouvert aux héritiers, ne court qu'à compter de la notification qui leur est faite du jugement
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1111 F-P+B+I Pourvoi n° H 19-21.978 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société Unirest, société à responsabilité limitée, dont le siège est 2 rue du Pressoir, 71640 Dracy-le-Fort, a formé le pourvoi n° H 19-21.978 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Clinique Val Dracy, société à responsabilité limitée, dont le siège est impasse Paul Frédéric de Cardon, 71640 Dracy-le-Fort, 2°/ à la société Villa Thalia, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est 10 rue Blaise Desgoffe, 75006 Paris, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Unirest, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat des sociétés Clinique Val Dracy et Villa Thalia, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 18 juin 2019), La société Unirest a relevé appel, le 5 avril 2018, du jugement d'un tribunal de commerce rendu dans une instance l'opposant aux sociétés Clinique Val Dracy et Villa Thalia, puis déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 3. La société Unirest fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance d'incident rendue le 30 octobre 2018 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Dijon qui a déclaré caduque la déclaration d'appel formée par la société Unirest, alors : « 2°/ que constitue une déclaration d'appel un acte unilatéral comportant les mentions prévues par les articles 901 et 58 du code de procédure civile qui est remis au greffe ; qu'en considérant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Unirest, que la déclaration d'appel émise et signée par l'avocat de la société Unirest et remise au greffe le 5 avril 2018 à 15 h 57, qui est annexée aux actes de signification du 1er juin 2018, ne constitue pas la déclaration d'appel devant être signifiée aux intimées non constituées en application de l'article 902 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 901 et 902 du code de procédure civile par refus d'application ; 3°/ que seule l'absence de signification de la déclaration d'appel est sanctionnée par la caducité ; que la déclaration d'appel irrégulière, dont la nullité n'a été prononcée, est régulièrement signifiée dans le délai requis par la loi ; qu'en constatant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Unirest, que la déclaration d'appel faite le 5 avril 2018 à 15 h 57 qui est annexée aux actes de signification du 1er juin 2018 ne constitue pas la déclaration d'appel devant être signifiée aux intimées non constituées en application de l'article 902 du code de procédure civile tout en constatant, par motifs réputés adoptés, qu'« il ressort de la comparaison entre le document annexé aux actes de signification et le récapitulatif de la déclaration d'appel que le premier ne confirme nullement la réception par le greffe de l'acte d'appel et qu'il ne mentionne même pas la cour d'appel à laquelle cet acte a été adressé. Il ne comporte pas plus le n° de la déclaration d'appel, ni la chambre de la cour à laquelle l'affaire a été distribuée, ni le numéro du dossier au répertoire général » et, par motif propre, que « ces significations faites le 1er juin 2018 sont celles d'un avis d'avoir à signifier, délivré par le greffe de la cour et des données saisies qui lui ont été adressées concernant la déclaration d'appel », motifs qui établissent l'existence de la signification d'une déclaration d'appel aux intimées, fût-elle irrégulière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 901 et 902 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Il résulte, d'une part, des articles 900 et 901 du code de procédure civile que l'appel est formé par une déclaration unilatérale remise au greffe d'une cour d'appel et, d'autre part, de l'article 748-3 du même code que, lorsqu'elle est accomplie par la voie électronique, la remise de cette déclaration d'appel est attestée par un avis électronique de réception adressé par le destinataire. 5. En outre, l'article 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, alors en vigueur, pris pour l'application des articles 748-1 et suivants et 930-1 du code de procédure civile, prévoit que le message de données relatif à une déclaration d'appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message, qui tient lieu de déclaration d'appel, de même que son édition par l'auxiliaire de justice tient lieu d'exemplaire de cette déclaration lorsqu'elle doit être produite sous un format papier. 6. Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le document annexé aux actes de signification accomplis en application de l'article 902 du code de procédure civile consistait, non pas en un récapitulatif de la déclaration d'appel, émis en application de l'article 10 de l'arrêté susmentionné, mais en un document qui ne confirmait pas la réception par le greffe de l'acte d'appel, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit l'absence de signification de la déclaration d'appel et a constaté la caducité de celle-ci. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Unirest aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Unirest et la condamne à payer aux sociétés Clinique Val Dracy et Villa Thalia la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Unirest Il est reproché à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé l'ordonnance d'incident rendue le 30 octobre 2018 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Dijon qui a déclaré caduque la déclaration d'appel formée par la société Unirest ; AUX MOTIFS QUE « le magistrat chargé de la mise en état a considéré que la déclaration d'appel de la SARL UNIREST caduque pour absence de signification du fichier récapitulatif reprenant les données du message relatif à cette déclaration et prévu par l'article 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 ; Attendu que selon cette société, il existe bien un acte signifiant la déclaration d'appel au sens de l'article 902 du code de procédure civile ; Attendu cependant que ces significations faites le 1er juin 2018 sont celles d'un avis d'avoir à signifier, délivré par le greffe de la cour, et des données de saisie qui lui ont été adressées concernant la déclaration d'appel ; qu'ainsi que le relèvent les sociétés Val Dracy et Villa Thalia, n'a pas été signifié le récapitulatif du greffe reprenant les données et qui aux termes de l'article 10 rappelés dans l'ordonnance de déférée, « tient lieu de déclaration d'appel, de même que son édition par l'auxiliaire de justice tient lieu d'exemplaire de cette déclaration lorsqu'elle doit être produite sous un format papier » ; que le magistrat chargé de la mise en état a exactement détaillé l'articulation des dispositions textuelles applicables jusqu'à cet article 10 depuis les articles 902 et 930-1 du code de procédure civile, ce dernier texte disposant qu'à « peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique » ; que la SARL UNIREST est infondée à qualifier l'arrêté du 30 mars 2011 de contraire au code de procédure civile alors qu'il définit précisément les modalités des échanges par voie électronique et plus particulièrement leurs conséquences sur ce qui doit tenir lieu de déclaration d'appel ; Attendu que celle-ci n'a pas été signifiée avec un exemplaire sous format papier récapitulatif de ses données transmises électroniquement ; que les mentions conjuguées des documents signifiés sont sans emport au regard de cette absence ; que la caducité résultant d'une telle absence dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi d'assurer la célérité comme l'efficacité de la procédure d'appel avec représentation obligatoire, et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; », ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « Aux termes de l'article 902 alinéa 3 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, la signification de cette déclaration doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le greffe en application de l'alinéa précédent. Aux termes de l'article 930 alinéa 1 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ». Le même texte en son dernier alinéa dispose qu'« Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique ». L'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel (NOR : JUST 1108798A) pris notamment en application de l'article 930-1 susvisé et publié au journal officiel du 31 mars 2011 comporte un chapitre 1er consacré "aux conditions de forme des actes de procédure remis par voie électronique". Ce texte prévoit en son article 5 que le message de données relatif à l'envoi d'un acte de procédure remis par voie électronique est constitué d'un fichier au format XML destiné à faire l'objet d'un traitement automatisé par une application informatique du destinataire, et en son article 6 que, lorsqu'un document est joint à un acte, il est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier au format XML et dans un fichier au format PDF. Les articles 7 à 9 organisent les modalités de transmission des messages, d'émission d'un avis de réception, et d'enregistrement de l'ensemble des messages ainsi transmis. L'article 10 visé dans leurs conclusions par les intimées dispose que « Le message de données relatif à une déclaration d'appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message. Ce récapitulatif tient lieu de déclaration d'appel, de même que son édition par l'auxiliaire de justice tient lieu d'exemplaire de cette déclaration lorsqu'elle doit être produite sous un format papier ». En l'espèce, il ressort de l'examen des deux actes de signification de la déclaration d'appel remis aux intimées que sont annexés à chacun d'eux d'une part l'avis d'avoir à signifier du greffe et d'autre part une copie du fichier PDF adressé par l'appelante au greffe de là cour d'appel en même temps que le fichier au format XML, et non pas le "récapitulatif de déclaration d'appel" émis en application de l'article 10 précité. Ainsi que le relèvent à juste titre les intimées, il importe peu que le fichier PDF ainsi reproduit comporte l'ensemble des mentions prescrites à peine de nullité par l'article 901 du code de procédure civile dès lors que la question posée est celle de savoir si ce fichier constitue en sa forme une déclaration d'appel ou pas. La déclaration d'appel, par application de l'article 901 en son dernier alinéa, n'acquiert une telle valeur que dès lors qu'elle est effectivement remise au greffe de la cour devant laquelle ce recours est formé. L'article 930-1 en son alinéa 2 prévoit, dans l'hypothèse où l'acte est remis sur support papier au greffe, que cette remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire dont l'un est immédiatement restitué. C'est la copie de cette déclaration comportant la date de réception et le visa du greffe qui est destiné à être signifié à la partie adverse. Les dispositions de l'article 10 de l'arrêté sus-visé ont pour objet de remplacer ces formalités, et il ressort de la comparaison entre le document annexé aux actes de signification et le récapitulatif de déclaration d'appel que le premier ne confirme nullement la réception par le greffe de l'acte d'appel, et qu'il ne mentionne même pas la cour d'appel à laquelle cet acte a été adressé. Il ne comporte pas plus le n° de la déclaration d'appel, ni la chambre de la cour à laquelle l'affaire a été distribuée, ni le n° du dossier au répertoire général. Il ne peut pas dans ces conditions être considéré que la pièce annexée à chacun des actes de signification constitue la déclaration d'appel qui devait être signifiée aux intimées en application de l'article 902 du code de procédure civile. Cette absence de signification ne constitue pas un vice de forme de la déclaration d'appel. Il importe peu en conséquence qu'un grief ait été ou non causé aux intimées, étant au surplus relevé que l'absence d'indication dans le document remis tant de la cour d'appel devant laquelle le recours avait été formé que du n° attribué à la cette instance ne permettait pas aux destinataires de ces actes de constituer avocat par voie électronique faute de disposer des éléments pour le faire, sauf à devoir se livrer à des investigations complémentaires. La caducité résultant de l'absence de signification du fichier récapitulatif reprenant les données du message relatif à la déclaration d'appel prévu à l'article 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'une part d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel avec représentation obligatoire et d'autre part d'organiser les modalités de cette procédure sous forme électronique, et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ; 1°) ALORS QUE constitue une déclaration d'appel la déclaration unilatérale, signée par l'avocat constitué de l'appelant, qui comporte les mentions prévues par les articles 901 et 58 du code de procédure civile et est remise au greffe ; qu'en considérant par motifs réputés adoptés, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Unirest, que les dispositions de l'article 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 ont pour objet de remplacer les formalités des articles 901 et 930-1 du code de procédure civile, la cour, qui n'a pas respecté la hiérarchie des norme en faisant prévaloir les dispositions d' un arrêté sur les dispositions du code de procédure civile, a violé les articles 901 et 930-1 du code de procédure civile par refus d'application. 2°) ALORS (subsidiairement) QUE constitue une déclaration d'appel un acte unilatéral comportant les mentions prévues par les articles 901 et 58 du code de procédure civile qui est remis au greffe ; qu'en considérant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Unirest, que la déclaration d'appel émise et signée par l'avocat de la société Unirest et remise au greffe le 5 avril 2018 à 15h57 qui est annexée aux actes de signification du 1er juin 2018, ne constitue pas la déclaration d'appel devant être signifiée aux intimées non constituées en application de l'article 902 du code de procédure civile, la cour a violé les articles 901 et 902 du code de procédure civile par refus d'application. 3°) ALORS QU'en tout état de cause, seule l'absence de signification de la déclaration d'appel est sanctionnée par la caducité ; que la déclaration d'appel irrégulière, dont la nullité n'a été prononcée, est régulièrement signifiée dans le délai requis par la loi ; qu'en constatant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Unirest, que la déclaration d'appel faite le 5 avril 2018 à 15h57 qui est annexée aux actes de signification du 1er juin 2018 ne constitue pas la déclaration d'appel devant être signifiée aux intimées non constituées en application de l'article 902 du code de procédure civile tout en constatant, par motifs réputés adoptés, qu'« il ressort de la comparaison entre le document annexé aux actes de signification et le récapitulatif de la déclaration d'appel que le premier ne confirme nullement la réception par le greffe de l'acte d'appel et qu'il ne mentionne même pas la cour d'appel à laquelle cet acte a été adressé. Il ne comporte pas plus le n° de la déclaration d'appel, ni la chambre de la cour à laquelle l'affaire a été distribuée, ni le numéro du dossier au répertoire général » et, par motif propre, que « ces significations faites le 1er juin 2018 sont celles d'un avis d'avoir à signifier, délivré par le greffe de la cour et des données saisies qui lui ont été adressées concernant la déclaration d'appel », motifs qui établissent l'existence de la signification d'une déclaration d'appel aux intimées, fût-elle irrégulière, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 901 et 902 du code de procédure civile. Le greffier de chambre
Il résulte des articles 748-3, 900 et 901 du code de procédure civile et de l'article 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, que l'appel est formé par une déclaration remise au greffe et qu'il est attesté de cette remise, lorsqu'elle est accomplie par la voie électronique, par un avis électronique de réception adressé par le greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message, dont l'édition par l'auxiliaire de justice tient lieu d'exemplaire de cette déclaration lorsqu'elle doit être produite sous un format papier. Doit par conséquent être approuvé l'arrêt d'une cour d'appel qui, ayant constaté que l'appelant, plutôt que de signifier ce récapitulatif à l'intimé non comparant, avait signifié un autre document, qui ne confirmait pas la réception par le greffe de l'acte d'appel, a prononcé la caducité de la déclaration d'appel en application de l'article 902 du code de procédure civile
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1112 F-P+B+I Pourvoi n° G 19-14.849 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 1°/ la société Alliando, société par actions simplifiée, dont le siège est 81 rue d'Amsterdam, 75008 Paris, 2°/ la société Laboratoire Agecom, société par actions simplifiée, dont le siège est ZA du Giffard, 35410 Domloup, ont formé le pourvoi n° G 19-14.849 contre l'arrêt rendu le 7 février 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige les opposant à la société BLC France, société par actions simplifiée, dont le siège est 29 boulevard Albert Einstein, 44300 Nantes, défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat des sociétés Alliando et Laboratoire Agecom, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 février 2019), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 1er mars 2018, pourvoi n° 16-27.592), les sociétés Laboratoire Agecom et Alliando, estimant que la société Laboratoire Agecom, anciennement dirigée par M. U..., était victime de faits de concurrence déloyale de la part de la société BLC France commis avec le soutien de M. U..., par ailleurs fondateur de la société BLC France et lui-même suspecté d'avoir violé une obligation de non-concurrence contenue dans un acte de cession d'une partie du capital social de la société Laboratoire Agecom intervenu entre la société U..., détentrice des actions de cette société, et la société Alliando, ont saisi le président du tribunal de commerce de Lyon sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile d'une demande de désignation d'un huissier de justice aux fins d'investigations aux domiciles respectifs de M. U... et de Mme D..., qui était alors la présidente de la société BLC France. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 3. Les sociétés Laboratoire Agecom et Alliando font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de la juridiction du président du tribunal de commerce de Lyon du 13 janvier 2016 et, partant, de rétracter l'ordonnance du 30 juin 2015 rendue par la juridiction du président du tribunal de commerce de Lyon, avec annulation des mesures d'instruction réalisées par les huissiers instrumentaires et restitution des données collectées par les mêmes dans leurs différents lieux d'intervention, alors : « 2°/ que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître, ne serait-ce qu'en partie, de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que le président du tribunal de commerce de Lyon n'était pas territorialement compétent pour statuer sur la requête de la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom du 23 juin 2015 et pour rétracter en conséquence l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Lyon du 30 juin 2015, avec annulation des mesures d'instruction réalisées par les huissiers instrumentaires et restitution des données collectées par ceux-ci dans leurs différents lieux d'intervention, que la société Alliando et la société Laboratoire Agecom avaient entendu, dans leur requête du 23 juin 2015, assigner au fond la société BLC France et M. U... devant le tribunal de commerce de Lyon pour violation de la clause de non-concurrence insérée dans la convention de cession d'actions du 8 février 2013 et pour concurrence déloyale, que seules la société U... et la société Alliando étaient liées par la clause attributive de juridiction stipulée par cette convention, qu'ainsi, même si l'intention de la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom était, au moment du dépôt de la requête du 23 juin 2015, et postérieurement à celle-ci, d'exercer contre la société U... une action en responsabilité pour non-respect de la clause de non-concurrence devant le tribunal de commerce de Lyon, territorialement compétent en vertu de cette même clause attributive de juridiction, elles ne pouvaient exercer la même action contre M. U... ainsi qu'une action en concurrence déloyale contre la société BLC France en se fondant sur la clause attributive de juridiction qui ne leur était pas opposable, que la compétence du président du tribunal de commerce de Lyon pour statuer sur la requête du 23 juin 2015 ne pouvait pas se déduire du seul fait que le tribunal de commerce de Lyon était susceptible de connaître de l'action en responsabilité exercée contre la société U... en vertu de la clause attributive de juridiction, qu'en effet, les sièges sociaux des sociétés BLC France et U..., ainsi que le domicile de M. U... n'étaient pas situés dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon et qu'il n'était pas soutenu que le fait dommageable dont se plaignaient la société Alliando et la société Laboratoire Agecom se fût produit dans le ressort de ce tribunal ou qu'elles avaient subi ce dommage dans ce ressort, quand, dès lors que la requête de la société Alliando et la société Laboratoire Agecom du 23 juin 2015 était notamment fondée sur la clause de non-concurrence, portant, notamment, des engagements de la part de la société U..., stipulée par la convention de cession d'actions du 8 février 2013 conclue par la société Alliando et la société U..., l'une des éventuelles instances au fond en vue desquelles les mesures d'instruction étaient sollicitées était susceptible d'opposer la société Alliando et la société Laboratoire Agecom, d'une part, à la société U..., d'autre part, et quand, en conséquence, la seule circonstance que le tribunal de commerce de Lyon était susceptible de connaître de l'action en responsabilité exercée contre la société U... en vertu de la clause attributive de juridiction stipulée par la convention de cession d'actions du 8 février 2013 et, donc, ne serait-ce qu'en partie, de l'instance au fond, rendait la juridiction du président du tribunal de commerce de Lyon compétente pour statuer sur la requête de la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom en date du 23 juin 2015, même si, dans leur requête du 23 juin 2015, la société Alliando et la société Laboratoire Agecom avaient indiqué qu'elles entendaient assigner au fond la société BLC France et M. U..., la cour d'appel a violé les dispositions des articles 42, 48, 145 et 493 du code de procédure civile ; 3°/ que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître, ne serait-ce qu'en partie, de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ; qu'une clause attributive de compétence territoriale est opposable à une partie tierce au contrat qui la stipule si, au moment de la formation de ce contrat, cette clause était connue de cette partie tierce et acceptée par elle dans ses relations avec la partie au contrat qui invoque ce contrat ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que le président du tribunal de commerce de Lyon n'était pas territorialement compétent pour statuer sur la requête de la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom du 23 juin 2015 et pour rétracter en conséquence l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Lyon du 30 juin 2015, avec annulation des mesures d'instruction réalisées par les huissiers instrumentaires et restitution des données collectées par ceux-ci dans leurs différents lieux d'intervention, que seules la société U... et la société Alliando étaient liées par la clause attributive de juridiction stipulée par la convention de cession d'actions du 8 février 2013, qu'ainsi, la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom ne pouvaient exercer une action en responsabilité pour non-respect de la clause de non-concurrence contre M. U... ainsi qu'une action en concurrence déloyale contre la société BLC France en se fondant sur la clause attributive de juridiction stipulée par cette convention qui ne leur était pas opposable et que cette opposabilité ne pouvait se déduire du fait que la société U... et M. U... étaient liés par la clause de non-concurrence stipulée par la convention de cession d'actions du 8 février 2013, parce que les deux clauses n'avaient pas le même objet, quand, dès lors que la convention du 8 février 2013 avait été signée par M. U..., en qualité de gérant de la société U..., et comportait un engagement exprès et personnel de non-concurrence de la part de M. U..., ce dernier avait nécessairement connaissance de la clause attributive de compétence territoriale stipulée par la convention du 8 février 2013 au moment de la conclusion de cette convention et devait être regardé comme l'ayant acceptée dans ses relations avec la société Alliando, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles 42, 46, 145 et 493 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées, sans que la partie requérante ne puisse opposer une clause attributive de compétence territoriale. 5. Il ressort des constatations de l'arrêt, d'une part, que les mesures ordonnées par le président du tribunal de commerce de Lyon n'avaient pas été exécutées dans le ressort de ce tribunal, que tant le siège social de la société BLC France que le domicile de M. U... n'étaient pas situés dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon et que le fait dommageable ou le dommage dont se plaignaient les sociétés Alliando et Laboratoire Agecom ne s'étaient pas produits dans le ressort de ce tribunal, et d'autre part, que le tribunal de commerce de Lyon était susceptible de connaître de l'action en responsabilité de la société U... en vertu d'une clause attributive de juridiction. 6. Il en résulte que c'est à bon droit que le président du tribunal de commerce de Lyon a rétracté l'ordonnance du 30 juin 2015 en raison de son incompétence territoriale, et a annulé, en conséquence, les mesures d'instruction exécutées par les huissiers de justice. 7. Par ce motif de pur droit, substitué aux motifs critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Laboratoire Agecom et Alliando aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Laboratoire Agecom et Alliando ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour les sociétés Alliando et Laboratoire Agecom Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR confirmé l'ordonnance de la juridiction du président du tribunal de commerce de Lyon du 13 janvier 2016 et, partant, D'AVOIR rétracté l'ordonnance du 30 juin 2015 rendue par la juridiction du président du tribunal de commerce de Lyon, avec annulation des mesures d'instruction réalisées par les huissiers instrumentaires et restitution des données collectées par les mêmes dans leurs différents lieux d'intervention ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la demande de la société Blc France tendant à la rétractation de l'ordonnance du 30 juin 2015. / [ ] Attendu, [ ], que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond, ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ; / attendu, en l'espèce, que les mesures ordonnées par le président du tribunal de commerce de Lyon dans son ordonnance du 30 juin 2015 n'ont pas été exécutées dans le ressort de ce tribunal, les domiciles de A... U... et de Mme D... se trouvant alors en Corse et à Rennes ; / qu'ainsi, le président du tribunal de commerce de Lyon pouvait statuer sur la requête présentée le 23 juin 2015 seulement si ce tribunal était susceptible de connaître de l'instance au fond, que les sociétés Alliando et Laboratoire Agecom souhaitaient introduire ; / attendu que dans leur requête (cf., p. 22 de leur pièce 17), elles entendent assigner la société Blc France et A... U... devant le tribunal de commerce de Lyon pour violation de la clause de Non-concurrence stipulée par la convention de cession d'actions et pour concurrence déloyale ; / attendu qu'au regard de l'article 10 de la convention de cession d'actions du 8 février 2013, seules la société U... et la société Alliando sont liées par la clause attributive de juridiction, étant en effet les seules signataires de cette convention ; qu'ainsi, même si l'intention des sociétés Alliando et Laboratoire Agecom était, au moment du dépôt de la requête du 23 juin 2015, et postérieurement à celle-ci, d'exercer contre la société U... une action en responsabilité pour non-respect de la clause de non-concurrence, devant le tribunal de commerce de Lyon, territorialement compétent en vertu de l'article 10 de la convention de cession, elles ne pouvaient exercer la même action contre A... U..., ainsi qu'une action en concurrence déloyale contre la société Blc France en se fondant sur la clause attributive de compétence, qui ne leur est pas opposable ; que cette opposabilité ne peut se déduire du fait que la société U... et A... U... étaient liés par la clause de non-concurrence stipulée par la convention de cession, les deux clauses n'ayant pas en effet le même objet ; / attendu que la compétence du président du tribunal de commerce de Lyon pour statuer sur la requête du 23 juin 2015 ne peut aussi se déduire du seul fait que le tribunal de commerce de Lyon était susceptible de connaître de l'action en responsabilité exercée contre la société U... en vertu de la clause attributive de juridiction ; qu'en effet, le siège social des sociétés Blc France et U..., ainsi que le domicile de A... U... ne sont pas situés dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, et il n'est pas soutenu que le fait dommageable dont se plaignent les sociétés Alliando et Laboratoire Agecom s'est produit dans le ressort de ce tribunal, ou qu'elles ont subi ce dommage dans ce ressort ; / attendu dans ces conditions que c'est à bon droit que le président du tribunal de commerce a rétracté l'ordonnance du 30 juin 2015, en raison de son incompétence territoriale, et annulé en conséquence les mesures d'instruction exécutées par les huissiers de justice. / Sur la demande des sociétés Alliando et Laboratoire Agecom en mainlevée du séquestre des pièces saisies lors des opérations du 26 août 2015. / Attendu que cette demande n'est pas fondée, dès lors que les mesures ordonnées par le président du tribunal de commerce de Lyon dans sa décision du 30 juin 2015 ont été annulées par l'effet de la rétractation » (cf., arrêt attaqué, p. 6 et 7) ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'« il est observé qu'une première ordonnance a été rendue en date du 28 mai 2015 par le président du tribunal de commerce de Lyon, en vue d'autoriser un huissier instrumentaire à récupérer au siège de la société Blc France, diverses informations relatives à des relations commerciales pouvant exister entre cette dernière et d'éventuels partenaires commerciaux de la société Laboratoire Agecom ; / attendu qu'il est remarqué qu'en suite de l'absence de tout bureau à l'adresse du siège de la société Blc, une seconde ordonnance a été rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon en date du 30 juin 2015, afin de permettre à un huissier de justice de se rendre aux domiciles des dirigeants de la société Blc, pour trouver tout document susceptible de démontrer des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Laboratoire Agecom ; / attendu qu'il est noté que la société Laboratoire Agecom et la société Alliando ont de surcroît sollicité en date du 8 septembre 2015, la mainlevée du séquestre des pièces détenues par le second huissier de justice mandaté, ce qu'a formellement contesté la société Blc, induisant la jonction de cette procédure avec celle de la demande de rétractation de l'ordonnance du 30 juin 2015 ; / attendu qu'il est constaté que la société Laboratoire Agecom et la société Alliando se fondent sur la convention de cession d'actions intervenue en février 2013 entre cette dernière et la société U..., notamment sur l'article 10 prévoyant la compétence du tribunal de commerce de Lyon, pour justifier la validité de l'ordonnance du 30 juin 2015, ce que réfute la société Blc, qui estime ne pas être concernée de jure par cette clause, à l'instar de M. U... ; / attendu qu'il est relevé que la société Laboratoire Agecom et la société Alliando dans l'éventualité d'un futur litige au fond, comme cela est d'ailleurs confirmé dans leurs conclusions, seraient amenés à diriger leurs actions contre la société Blc et M. U..., dont le siège social et le domicile se trouvent en dehors du ressort territorial du tribunal de commerce de Lyon, excluant par conséquent toute compétence de ce dernier dans cette hypothèse ; / attendu qu'il est alors considéré que l'ordonnance du 30 juin 2015 ne saurait être maintenue, compte tenu de l'absence de compétence ratione loci du tribunal de commerce de Lyon, tant pour ce qui est des mesures d'instruction, que pour ce qui est de connaître d'un éventuel futur litige que peuvent prévoir la société Laboratoire Agecom et la société Alliando pour concurrence déloyale ; / attendu que par voie de conséquence l'ordonnance du 30 juin 2015 est rétractée avec annulation des mesures d'instruction réalisées par les huissiers instrumentaires, et restitution des données collectées par les mêmes dans leurs différents lieux d'intervention » (cf., ordonnance entreprise, p. 3) ; ALORS QUE, de première part, le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête, doit prendre en considération les éléments produits devant lui pour apprécier les mérites de la requête, même s'ils sont postérieurs à celle-ci ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que le président du tribunal de commerce de Lyon n'était pas territorialement compétent pour statuer sur la requête de la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom du 23 juin 2015 et pour rétracter en conséquence l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Lyon du 30 juin 2015, avec annulation des mesures d'instruction réalisées par les huissiers instrumentaires et restitution des données collectées par ceux-ci dans leurs différents lieux d'intervention, que la société Alliando et la société Laboratoire Agecom avaient entendu, dans leur requête du 23 juin 2015, assigner au fond la société Blc France et M. A... U... devant le tribunal de commerce de Lyon pour violation de la clause de non-concurrence insérée dans la convention de cession d'actions du 8 février 2013 et pour concurrence déloyale, quand, en se déterminant de la sorte, elle ne prenait pas en considération le jugement du 20 octobre 2017, qu'invoquaient devant elle la société Alliando et la société Laboratoire Agecom, par lequel le tribunal de commerce de Lyon s'était reconnu compétent pour connaître des demandes de dommages et intérêts formées devant lui par la société Alliando à l'encontre de la société U... pour réticence dolosive lors de la conclusion de la convention de cession d'actions du 8 février 2013 et pour violation de la clause de non-concurrence stipulée par cette convention, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 497 du code de procédure civile ; ALORS QUE, de deuxième part, le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître, ne serait-ce qu'en partie, de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que le président du tribunal de commerce de Lyon n'était pas territorialement compétent pour statuer sur la requête de la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom du 23 juin 2015 et pour rétracter en conséquence l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Lyon du 30 juin 2015, avec annulation des mesures d'instruction réalisées par les huissiers instrumentaires et restitution des données collectées par ceux-ci dans leurs différents lieux d'intervention, que la société Alliando et la société Laboratoire Agecom avaient entendu, dans leur requête du 23 juin 2015, assigner au fond la société Blc France et M. A... U... devant le tribunal de commerce de Lyon pour violation de la clause de non-concurrence insérée dans la convention de cession d'actions du 8 février 2013 et pour concurrence déloyale, que seules la société U... et la société Alliando étaient liées par la clause attributive de juridiction stipulée par cette convention, qu'ainsi, même si l'intention de la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom était, au moment du dépôt de la requête du 23 juin 2015, et postérieurement à celle-ci, d'exercer contre la société U... une action en responsabilité pour non-respect de la clause de non-concurrence devant le tribunal de commerce de Lyon, territorialement compétent en vertu de cette même clause attributive de juridiction, elles ne pouvaient exercer la même action contre M. A... U... ainsi qu'une action en concurrence déloyale contre la société Blc France en se fondant sur la clause attributive de juridiction qui ne leur était pas opposable, que la compétence du président du tribunal de commerce de Lyon pour statuer sur la requête du 23 juin 2015 ne pouvait pas se déduire du seul fait que le tribunal de commerce de Lyon était susceptible de connaître de l'action en responsabilité exercée contre la société U... en vertu de la clause attributive de juridiction, qu'en effet, les sièges sociaux des sociétés Blc France et U..., ainsi que le domicile de M. A... U... n'étaient pas situés dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon et qu'il n'était pas soutenu que le fait dommageable dont se plaignaient la société Alliando et la société Laboratoire Agecom se fût produit dans le ressort de ce tribunal ou qu'elles avaient subi ce dommage dans ce ressort, quand, dès lors que la requête de la société Alliando et la société Laboratoire Agecom du 23 juin 2015 était notamment fondée sur la clause de non-concurrence, portant, notamment, des engagements de la part de la société U..., stipulée par la convention de cession d'actions du 8 février 2013 conclue par la société Alliando et la société U..., l'une des éventuelles instances au fond en vue desquelles les mesures d'instruction étaient sollicitées était susceptible d'opposer la société Alliando et la société Laboratoire Agecom, d'une part, à la société U..., d'autre part, et quand, en conséquence, la seule circonstance que le tribunal de commerce de Lyon était susceptible de connaître de l'action en responsabilité exercée contre la société U... en vertu de la clause attributive de juridiction stipulée par la convention de cession d'actions du 8 février 2013 et, donc, ne serait-ce qu'en partie, de l'instance au fond, rendait la juridiction du président du tribunal de commerce de Lyon compétente pour statuer sur la requête de la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom en date du 23 juin 2015, même si, dans leur requête du 23 juin 2015, la société Alliando et la société Laboratoire Agecom avaient indiqué qu'elles entendaient assigner au fond la société Blc France et M. A... U..., la cour d'appel a violé les dispositions des articles 42, 48, 145 et 493 du code de procédure civile ; ALORS QUE, de troisième part, le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître, ne serait-ce qu'en partie, de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ; qu'une clause attributive de compétence territoriale est opposable à une partie tierce au contrat qui la stipule si, au moment de la formation de ce contrat, cette clause était connue de cette partie tierce et acceptée par elle dans ses relations avec la partie au contrat qui invoque ce contrat ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que le président du tribunal de commerce de Lyon n'était pas territorialement compétent pour statuer sur la requête de la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom du 23 juin 2015 et pour rétracter en conséquence l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Lyon du 30 juin 2015, avec annulation des mesures d'instruction réalisées par les huissiers instrumentaires et restitution des données collectées par ceux-ci dans leurs différents lieux d'intervention, que seules la société U... et la société Alliando étaient liées par la clause attributive de juridiction stipulée par la convention de cession d'actions du 8 février 2013, qu'ainsi, la société Alliando et de la société Laboratoire Agecom ne pouvaient exercer une action en responsabilité pour non-respect de la clause de non-concurrence contre M. A... U... ainsi qu'une action en concurrence déloyale contre la société Blc France en se fondant sur la clause attributive de juridiction stipulée par cette convention qui ne leur était pas opposable et que cette opposabilité ne pouvait se déduire du fait que la société U... et M. A... U... étaient liés par la clause de non-concurrence stipulée par la convention de cession d'actions du 8 février 2013, parce que les deux clauses n'avaient pas le même objet, quand, dès lors que la convention du 8 février 2013 avait été signée par M. A... U..., en qualité de gérant de la société U..., et comportait un engagement exprès et personnel de non-concurrence de la part de M. A... U..., ce dernier avait nécessairement connaissance de la clause attributive de compétence territoriale stipulée par la convention du 8 février 2013 au moment de la conclusion de cette convention et devait être regardé comme l'ayant acceptée dans ses relations avec la société Alliando, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 42, 46, 145 et 493 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées, sans que la partie requérante ne puisse opposer une clause attributive de compétence territoriale
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1114 F-P+B+I Pourvoi n° B 19-18.707 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société Logis familial, société anonyme, dont le siège est 29 rue Pastorelli, CS 10003, 06046 Nice cedex 1, a formé le pourvoi n° B 19-18.707 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige l'opposant à Mme X... P..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Logis familial, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme P..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mars 2019), Mme P..., qui est locataire d'un appartement appartenant à la société Logis familial, a chuté dans son appartement le 4 décembre 2014. 2. Invoquant le mauvais état des dalles du balcon à l'origine de sa chute, Mme P... a fait assigner en référé devant un tribunal de grande instance la société Logis familial pour obtenir l'organisation d'une expertise médicale et le paiement d'une indemnité provisionnelle. 3. La société Logis familial a invoqué l'incompétence, notamment matérielle, du tribunal de grande instance au profit de la compétence d'un tribunal d'instance. 4. Par ordonnance en date du 8 novembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance a rejeté cette exception d'incompétence. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société Logis familial fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté son exception d'incompétence territoriale et matérielle, alors « que le tribunal d'instance a une compétence exclusive pour connaître des actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion ; qu'en considérant que l'action tendant à faire constater l'importance et les conséquences des blessures subies par Mme P... à la suite d'une chute à son domicile loué à l'encontre de son bailleur s'analyse en une indemnisation d'un préjudice corporel relevant de la compétence de droit commun du tribunal de grande instance et non en action dont le contrat de location est la cause ou l'occasion qui relève de la compétence spéciale et exclusive du tribunal d'instance dérogatoire à celle de droit commun du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé l'article R. 211-38 du code de l'organisation judiciaire par refus d'application et l'article L. 211-4-1 du même code par fausse application. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles L. 211-4-1 et R. 221-38 du code de l'organisation judiciaire, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, que si le tribunal d'instance est seul compétent pour se prononcer sur la responsabilité du bailleur, la demande en réparation d'un préjudice corporel fondée sur un contrat de bail, qui en serait l'objet, la cause ou l'occasion, relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance. 7. C'est par une exacte application de ces textes que la cour d'appel, après avoir constaté que le juge des référés du tribunal de grande instance avait été saisi d'une demande d'expertise médicale relative à des préjudices corporels subis à l'occasion de l'exécution d'un contrat de bail, a retenu que le tribunal de grande instance était compétent. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Logis familial aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Logis familial et la condamne à payer à Mme P... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Logis familial Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence territoriale et matérielle soulevée par la société Logis Familial, AUX MOTIFS QUE « La demande d'expertise de Mme P... est fondée sur l'article 145 du code de procédure civile et tend à faire constater l'importance et les conséquences des blessures qu'elle a subies à la suite d'une chute à son domicile. Une telle action relève de la compétence du président de la juridiction appelée à connaître d'un litige éventuel sur le fond. S'agissant d'une éventuelle action en indemnisation d'un préjudice corporel et non d'une action relative à l'exécution du contrat de bail qui liait les parties, le juge des référés du tribunal de grande instance du lieu du dommage, en l'espèce Nice, est bien compétent. L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence territoriale et matérielle soulevée par la société Logis Familial ; », AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « En l'espèce, il est manifeste que le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice est compétent pour ordonner une expertise médicale en vue de la saisine éventuelle des juges du fond en réparation d'un dommage corporel. L'exception d'incompétence matérielle sera donc rejetée » ; ALORS QUE le tribunal d'instance a une compétence exclusive pour connaître des actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion ; qu'en considérant que l'action tendant à faire constater l'importance et les conséquences des blessures subies par Mme P... à la suite d'une chute à son domicile loué à l'encontre de son bailleur s'analyse en une indemnisation d'un préjudice corporel relevant de la compétence de droit commun du tribunal de grande instance et non en action dont le contrat de location est la cause ou l'occasion qui relève de la compétence spéciale et exclusive du tribunal d'instance dérogatoire à celle de droit commun du tribunal de grande instance, la cour a violé l'article R. 211-38 du code de l'organisation judiciaire par refus d'application et l'article L. 211-4-1 du même code par fausse application.
Il résulte des articles L. 211-4-1 et R. 221-38 du code de l'organisation judiciaire, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, que si le tribunal d'instance est seul compétent pour se prononcer sur la responsabilité du bailleur, la demande en réparation d'un préjudice corporel fondée sur un contrat de bail, qui en serait l'objet, la cause ou l'occasion, relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1120 F-P+B+I Pourvoi n° Q 19-17.569 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 M. D... J..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-17.569 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre 12), dans le litige l'opposant à la Caisse d'épargne et de prévoyance Grand Est Europe, dont le siège est 1 avenue du Rhin, 67100 Strasbourg, venant aux droits de la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace, radiée le 1er octobre 2018 suite à la fusion-absorption, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. J..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance Grand Est Europe, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 4 avril 2019) et les productions, par ordonnance du 28 avril 2016, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné, à la requête de société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace, aux droits de laquelle se trouve la société Caisse d'épargne et de prévoyance Grand Est Europe (la banque), l'exécution forcée de biens immobiliers appartenant à M. J.... 2. Sur le pourvoi immédiat formé par ce dernier, ce tribunal a maintenu sa décision et transmis le dossier à la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. J... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à la rétractation et à l'infirmation des ordonnances des 29 mai 2018 et 28 avril 2016, de voir déclarer nulle et subsidiairement mal fondée la procédure d'exécution forcée immobilière dont il faisait l'objet à la requête de la banque, alors « qu'il résulte de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, en sa rédaction applicable en la cause, antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s'ils ont pour objet le paiement d'une somme déterminée, et non pas seulement déterminable et si le débiteur consent à l'exécution forcée immédiate ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que si les actes de prêt comportaient l'ensemble des éléments permettant de calculer les sommes pour lesquelles la Caisse d'épargne avait engagé la procédure de saisie, celles-ci n'y étaient pas pour autant déterminées ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors estimer que les conditions de l'article L. 111-5 précité en sa rédaction applicable en la cause étaient réunies sans méconnaître la portée de ses propres énonciations en violation de ce texte. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements ou du ressort des cours d'appel de Colmar et de Metz lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate. 6. Il en résulte que constitue un titre exécutoire un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi. 7. Après avoir constaté que l'emprunteur s'était soumis à l'exécution forcée immédiate, la cour d'appel a relevé qu'était en cause l'exécution de deux prêts aux échéances déterminées, qui, s'ils comportaient une affectation hypothécaire, ne s'analysaient pas en un acte constituant uniquement une hypothèque, faisant ainsi ressortir que l'acte notarié constatant les deux prêts avait pour objet le paiement de sommes déterminées au sens de l'article L. 111-5 précité. 8. La cour d'appel en a exactement déduit que l'acte notarié constituait un titre exécutoire. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 10. M. J... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à la rétractation et à l'infirmation des ordonnances des 29 mai 2018 et 28 avril 2016, de voir déclarer nulle et subsidiairement mal fondée la procédure d'exécution forcée immobilière dont il faisait l'objet à la requête de la banque, alors « que l'article 22 de l'annexe Alsace-Moselle du code de procédure civile qui exige, dans les ventes judiciaires, que le mandataire justifie de son mandat pas une procuration déposée au rang des minutes du notaire, ne distingue ni selon la qualité du mandataire, ni selon l'objet de son mandat ; qu'il en résulte que l'avocat désigné comme mandataire doit justifier d'un pouvoir spécial ; qu'en écartant cette exigence au profit de l'avocat bénéficiant d'un mandat ad litem, la cour d'appel a méconnu les exigence de ce texte. » Réponse de la Cour 11. L'article 22 de l'annexe du code de procédure civile relative à son application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, selon lequel le mandataire justifie de son mandat par une procuration déposée au rang des minutes du notaire, qui ne concerne que la phase notariale de la procédure n'est pas applicable à la représentation des parties en justice. 12. Le moyen, qui manque en droit, ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. J... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. J... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur J... de ses demandes tendant à la rétractation et à l'infirmation des ordonnances des 29 mai 2018 et 28 avril 2016, de voir déclarer nulle et subsidiairement mal fondée la procédure d'exécution forcée immobilière dont il faisait l'objet à la requête de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace ; Aux motifs que l'article 794-5 du code de procédure civile local applicable en Alsace-Moselle, devenu l'article L.111-5 du code des procédures civiles d'exécution, dispose que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s'ils ont pour objet le paiement d'une somme déterminée, et non pas seulement déterminable ; que l'acte notarié du 24 janvier 2012 concerne un prêt de 650 000 euros accordé par la caisse d'épargne selon les modalités suivantes : – un prêt primo T fixe package immo de 175 000 euros remboursable en 84 échéances mensuelles de 2 375,64 euros et un coût total du crédit de 25 198,76 euros ; – un prêt primolis offre package immo 2 PH de 300 000 euros avec un préfinancement de 36 échéances mois, et remboursable en 84 échéances mensuelles de 1163,30 euros et 96 échéances mensuelle de 3 544,79 euros avec un coût total du crédit de 139 126,04 euros ; – un prêt relais différé total de taux fixe de 175 000 euros prévoyant un préfinancement sur 24 mois puis remboursable en 23 échéances mensuelles de 43,75 euros et une échéance de 188 233,31 euros avec un coût total du crédit de 14 785,56 euros ; que l'emprunteur se soumettait à l'exécution forcée immédiate ; que l'acte a été signifié le 9 février 2016 et le commandement de payer aux fins d'exécution forcée immobilière est intervenu le 11 février 2016 concernant le prêt n° 8962265 pour un principal de 130 418,49 euros et le contrat de prêt n° 8962266 pour un montant principal de 238 353,27 euros ; qu'il s'agit donc de l'exécution de deux prêt[s] aux échéances déterminées, qui, s'ils comportent une affectation hypothécaire, ne constituent pas un acte constituant uniquement une hypothèque mais ayant pour objet le paiement de sommes déterminée[s] ; que l'acte notarié constitue dès lors un titre exécutoire au sens de l'article L.111-5 du code des procédures civiles locales ; que, en vertu des dispositions de l'article L.211-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution ; que le commandement de payer délivré le 11 février 2016 est un préalable à l'exécution forcée immobilière ; que lorsque le commandement délivré comprend la mention des titres servant de fondement aux poursuites, de leur signification, de la créance et de la désignation des biens concernés par la procédure, ainsi que la mention d'avoir à payer, faute de quoi il sera procédé à l'exécution forcée, ledit commandement remplit son plein effet d'information et ne saurait encourir une quelconque nullité, sans qu'il soit nécessaire d'y faire mentionner une quelconque voie de recours, alors qu'il ne s'agit pas d'un acte d'exécution mais d'un préalable à la voie d'exécution ; que, s'agissant de l'irrégularité et du mal fondé de la déchéance du terme, M. D... J... fait valoir une nullité du taux d'intérêt contractuel et l'absence d'un nouveau tableau d'amortissement en raison de cette nullité ; que c'est en raison de cette absence de communication que l'emprunteur a cessé le remboursement des échéances du prêt ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que les échéances sont impayées depuis le mois de juin 2015 et que la déchéance du terme a été prononcée le 15 septembre 2015 ; que la déchéance du terme ne peut être considérée comme irrégulière au seul motif de la nullité des intérêts invoquée par M. D... J... ; qu'il convient de relever qu'il n'est donné aucune information quant à la procédure engagée au fond à cet égard, seule la demande introductive d'instance datant du 25 juin 2015 et sa fixation à la première conférence du 11 septembre 2015 étant produite ; qu'en tout état de cause, cette procédure ne saurait justifier un sursis à statuer alors qu'elle ne concerne que les intérêts et qu'il existe une créance quant au capital restant dû ; qu'il est invoqué le défaut de procuration authentiquement légalisée de la Caisse d'épargne quant à l'exécution forcée immobilière ; qu'il est produit un pouvoir légalisé en date du 14 mars 2014 conforme aux dispositions de l'article 22 de l'annexe du code de procédure civile applicable en Alsace Moselle ; que, s'agissant du pouvoir qui serait trop général, il doit être constaté qu'il s'agit d'un mandat donné à un avocat, soit un mandat ad litem, qui confère pouvoir général d'agir pour toute procédure d'exécution forcée immobilière, mandat qui ne saurait encourir la nullité de l'article 117 du code de procédure civile ; Alors, de première part qu'il résulte de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, en sa rédaction applicable en la cause, antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s'ils ont pour objet le paiement d'une somme déterminée, et non pas seulement déterminable et si le débiteur consent à l'exécution forcée immédiate ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que si les actes de prêt comportaient l'ensemble des éléments permettant de calculer les sommes pour lesquelles la Caisse d'épargne avait engagé la procédure de saisie, celles-ci n'y étaient pas pour autant déterminées ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors estimer que les conditions de l'article L. 111-5 précité en sa rédaction applicable en la cause étaient réunies sans méconnaître la portée de ses propres énonciations en violation de ce texte ; Alors de deuxième part, que la cour d'appel qui ne relève pas que, compte tenu de la contestation soulevée par Monsieur J... quant à la régularité du taux d'intérêt dont les prêts litigieux étaient assortis, la Caisse d'épargne disposait effectivement et nécessairement, à la date à laquelle elle a prononcé la déchéance du terme des prêts d'une créance justifiant celle-ci et partant la procédure de saisie diligentée en conséquence de la déchéance du terme, a par là même privé sa décision de base légale au regard du texte précité ; Alors, de troisième part, que l'article 22 de l'annexe Alsace-Moselle du code de procédure civile qui exige, dans les ventes judiciaires, que le mandataire justifie de son mandat pas une procuration déposée au rang des minutes du notaire, ne distingue ni selon la qualité du mandataire, ni selon l'objet de son mandat ; qu'il en résulte que l'avocat désigné comme mandataire doit justifier d'un pouvoir spécial ; qu'en écartant cette exigence au profit de l'avocat bénéficiant d'un mandat ad litem, la cour d'appel a méconnu les exigence de ce texte ;
L'article 22 de l'annexe du code de procédure civile relative à son application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, selon lequel le mandataire justifie de son mandat par une procuration déposée au rang des minutes du notaire ne concerne que le déroulement des opérations devant le notaire chargé de procéder à l'adjudication et n'est pas applicable à la représentation des parties en justice, régie par les seules dispositions du titre XII du livre premier du code de procédure civile
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1124 F-P+B+I Pourvoi n° J 18-19.768 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société Les Rapides du littoral, société anonyme, dont le siège est 29 avenue Princesse Grace, 98000 Monaco (Principauté de Monaco), a formé le pourvoi n° J 18-19.768 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre), dans le litige l'opposant à Mme O... F..., épouse X..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Les Rapides du littoral, de la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat de Mme F..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Maunand, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 mai 2018), Mme F... a été embauchée en qualité de conducteur-receveur par la société Rapides Côte d'Azur. Elle est passée au service de la société de droit monégasque Les Rapides du littoral, les deux sociétés appartenant au même groupe. 2. Revendiquant l'application du droit français et de la convention collective des réseaux des transports urbains de voyageurs, Mme F... a saisi un conseil des prud'hommes à fin de voir condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire et d'indemnités. 3. Par jugement du 4 décembre 2017, le conseil des prud'hommes, statuant sur l'exception d'incompétence soulevée par la société Les Rapides du littoral, s'est déclaré incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal du travail de la Principauté de Monaco. 4. Mme F... a interjeté appel. 5. Par arrêt du 4 décembre 2017, la cour d'appel a rejeté la demande de caducité de la société Les Rapides du littoral, infirmé le jugement et statuant à nouveau, a dit la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige et a renvoyé l'examen de l'affaire au fond. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La société Les Rapides du littoral fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer caduque la déclaration d'appel, alors « qu'en cas d'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire ; qu'en retenant que la sanction de la caducité de l'appel n'était encourue qu'en cas de non-respect de la formalité de saisine du premier président ou si le délai pour y procéder n'a pas été respectée puisque l'erreur consistant à demander une fixation prioritaire au lieu d'une autorisation d'assignation à jour fixe ne portait que sur les modalités de mise en oeuvre de la procédure d'appel et était sans incidence sur la régularité de sa saisine, quand, peu important que le premier président ait délivré une autorisation d'assigner à jour fixe sur la requête de l'appelant tendant à une fixation prioritaire de l'appel, la déclaration d'appel était caduque faute de saisine du premier président, s'agissant d'une procédure avec représentation obligatoire, en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe, la cour d'appel a violé les articles 84 et 917 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 83, 84, 85 et 918 du code de procédure civile : 7. Il résulte des trois premiers de ces textes que, nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel et à peine de caducité de la déclaration d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe. Selon le dernier de ces textes, la requête à fin d'autorisation à jour fixe doit contenir les conclusions au fond et viser les pièces justificatives. 8. Pour rejeter la demande de la société Les Rapides du littoral, l'arrêt retient qu'il est certain, compte tenu des termes de l'article 84 du code de procédure civile, que la sanction de la caducité de l'appel est encourue si la formalité de la saisine du premier président n'a pas été respectée ou si le délai pour y procéder a été méconnu, s'agissant de conditions posées pour l'exercice même du droit d'appel. Elle relève qu'en l'espèce, Mme F... a respecté ces obligations, que si elle a demandé la fixation prioritaire au lieu d'une autorisation d'assignation à jour fixe, cette erreur de pure forme qui ne porte que sur les modalités de mise en oeuvre de la procédure d'appel, est sans incidence sur la régularité de la saisine de la cour et ne peut donner lieu à caducité de l'appel. 9. En statuant ainsi, alors que Mme F... n'avait pas saisi le premier président d'une requête à fin d'être autorisée à assigner à jour fixe, mais d'une requête en fixation prioritaire non soumise aux exigences relatives à la communication des conclusions sur le fond et au visa des pièces justificatives, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 12. Il résulte de ce qui a été dit aux paragraphes 7 et 9 que la déclaration d'appel de Mme F... doit être déclarée caduque. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE caduque la déclaration d'appel de Mme F... ; Condamne Mme F... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juridictions du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées devant la Cour de cassation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Les Rapides du littoral Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la société Les Rapides du Littoral tendant à voir déclarer caduque la déclaration d'appel ; AUX MOTIFS QUE sur la demande tendant à la caducité de la déclaration d'appel : en application des articles 83 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, comme c'est le cas en l'espèce, sa décision peut faire l'objet d'un appel ; aux termes de l'article 84, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire ; selon l'article 85, outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ; nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948 ; en l'espèce, ayant interjeté appel le 13 décembre 2017 du jugement du 4 décembre 2017, Mme F... a sollicité, par requête adressée au premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 14 décembre 2017, de fixer prioritairement l'appel, sur le fondement de l'article 84 du code de procédure civile ; selon ordonnance du 19 décembre 2017, le délégué du premier président a autorisé Mme F... à assigner la société RLM à jour fixe et non pas à bénéficier d'une fixation prioritaire, cette dernière procédure n'étant applicable qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire ; s'il est vrai que la requête de Mme F... ne visait qu'à la fixation prioritaire de l'appel alors qu'elle est opposée à la société LRM dans le cadre d'une procédure avec représentation obligatoire qui ne pouvait donner lieu qu'à assignation à jour fixe, la société LRM n'est pas fondée à soutenir que la déclaration d'appel serait caduque pour ce motif ; il est certain, compte tenu des termes de l'article 84 du code de procédure civile que la sanction de la caducité de l'appel est encourue si la formalité de la saisine du premier président n'a pas été respectée ou si le délai pour y procéder a été méconnu, s'agissant de conditions posées pour l'exercice même du droit d'appel ; or, en l'espèce, Mme F... a respecté ces obligations ; si elle a demandé la fixation prioritaire au lieu d'une autorisation d'assignation à jour fixe, cette erreur de pure forme qui ne porte que sur les modalités de mise en oeuvre de la procédure d'appel, est sans incidence sur la régularité de la saisine de la cour et ne peut donner lieu à caducité de l'appel ; la demande à ce titre de la société LRM sera rejetée ; ALORS QUE, en cas d'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire ; qu'en retenant que la sanction de la caducité de l'appel n'était encourue qu'en cas de non-respect de la formalité de saisine du premier président ou si le délai pour y procéder n'a pas été respectée puisque l'erreur consistant à demander une fixation prioritaire au lieu d'une autorisation d'assignation à jour fixe ne portait que sur les modalités de mise en oeuvre de la procédure d'appel et était sans incidence sur la régularité de sa saisine, quand, peu important que le premier président ait délivré une autorisation d'assigner à jour fixe sur la requête de l'appelant tendant à une fixation prioritaire de l'appel, la déclaration d'appel était caduque faute de saisine du premier président, s'agissant d'une procédure avec représentation obligatoire, en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe, la cour d'appel a violé les articles 84 et 917 du code de procédure civile. Le greffier de chambre
L'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer au fond relève, lorsque les parties sont tenues de constituer avocat, de la procédure à jour fixe. Est caduque la déclaration d'appel d'une partie qui a saisi le premier président d'une requête en fixation prioritaire qui n'est pas soumise aux exigences relatives à la communication des conclusions et au visa des pièces justificatives imposées lors du dépôt d'une requête à fin d'assigner à jour fixe
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1126 F-P+B+I Pourvoi n° H 18-25.769 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 1°/ La société Nouvelle EGTS, société à responsabilité limitée, dont le siège est 12 montée de Silhol, 30100 Alès, représentée par la société Etude Balincourt, dont le siège est 29 rue des Lombards, 30000 Nîmes, prise en la personne de M. E..., agissant en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire, 2°/ la société [...] , société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est Les Portes du Forum II, 125 rue de l'Hostellerie, 30900 Nîmes, prise en la personne de M. P..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Nouvelle EGTS, ont formé le pourvoi n° H 18-25.769 contre les arrêts rendus les 14 juin et 11 octobre 2018 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige les opposant : 1°/ à la société [...], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est 22 rue Taisson, 30100 Alès, prise en la personne de M. Y..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI Ratin, 2°/ à M. T... I..., domicilié 22 rue Taisson, 30100 Alès, pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Nouvelle EGTS, 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Nîmes, domicilié en son parquet général, boulevard de la Libération, 30000 Nîmes, défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Nouvelle EGTS, de la société [...] , en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Nouvelle EGTS et de la société Etude Balincourt, en la personne de M. E..., en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nouvelle EGTS, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société [...], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1. Il convient de donner acte à la SELARL Etude Balincourt, en la personne de M. E..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nouvelle EGTS, de la reprise de l'instance en remplacement de la société Nouvelle EGTS et de la SELARL [...] , en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Nouvelle EGTS. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Nîmes, 14 juin et 11 octobre 2018), la SCI Ratin a donné à bail à la société Nouvelle EGTS des locaux industriels, puis a saisi le juge des référés d'un tribunal de grande instance suite à un arriéré de loyers. 3. Par une ordonnance du 7 septembre 2017, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail et a ordonné l'expulsion de la société Nouvelle EGTS. 4. La société Nouvelle EGTS et la SELARL [...] , en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Nouvelle EGTS, ont interjeté appel de cette ordonnance. 5. La SCI Ratin ayant fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire et la SELARL [...], prise en la personne de M. Y..., ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire, la société Nouvelle EGTS et la SELARL [...] , es qualités, l'ont appelé en cause d'appel. 6. Par une ordonnance du 8 mars 2018, le président de chambre de la cour d'appel a constaté la caducité de la déclaration d'appel. 7. La société Nouvelle EGTS et la SELARL [...] , es qualités, ont déféré cette décision à la cour d'appel. Sur le moyen, pris en ses trois premières branches 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches Enoncé du moyen 9. La SELARL Etude Balincourt, en la personne de M. E..., en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nouvelle EGTS, fait grief à l'arrêt de rejeter le déféré formé contre l'ordonnance qui a constaté la caducité d'une déclaration d'appel et l'extinction de l'instance, alors : « 4°/ que n'est pas tenu de notifier de nouveau la déclaration d'appel à l'avocat de l'intimé, une fois reçu un avis de fixation à bref délai, l'appelant qui a déjà, avant la réception de cet avis, signifié ladite déclaration à partie et notifié cette même déclaration à l'avocat constitué par l'intimé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 905-1, alinéa 1, du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5°/ que le défaut de notification de la déclaration d'appel à l'avocat constitué par l'intimé n'est pas sanctionné par la caducité de l'appel ; que viole l'article 905-1, alinéa 1, du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui considère que le défaut de notification d'une déclaration d'appel à l'avocat de l'intimé entacherait l'appel de caducité. » Réponse de la Cour Vu les articles 905-1 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 10. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'obligation faite, par le premier de ces textes, à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation à bref délai qui lui est adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d'appel. 11. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel et l'extinction de l'instance, l'arrêt retient que les sociétés appelantes, qui ont signifié la déclaration d'appel à M. Y..., ès qualités, ont omis de notifier la déclaration d'appel à l'avocat qu'il a constitué antérieurement à l'avis de fixation à bref délai. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en ses sixième et septième branches Enoncé du moyen 13. La SELARL Etude Balincourt, en la personne de M. E..., en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nouvelle EGTS, fait le même grief à l'arrêt, alors : « 6°/ que les dispositions des articles 908 à 911 du code de procédure civile ne sont pas applicables aux procédures fixées selon les dispositions de l'article 905 du même code ; qu'en déclarant caduc l'appel par application des dispositions de l'article 911 du code de procédure civile renvoyant à la sanction prévue par l'article 905-2 du même code, pour cela que « les conclusions des appelantes, notifiées le 25 octobre 2017, n'ont pas été notifiées à nouveau au conseil de Me Y... après l'avis de fixation de l'affaire à bref délai », la cour d'appel a violé ledit article 911 par fausse application, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 7°/ qu'à supposer même que les dispositions des articles 908 à 911 du code de procédure civile soient applicables aux procédures fixées selon les dispositions de l'article 905 du même code, viole l'article 911 dudit code, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui estime que sous peine de caducité de l'appel, des conclusions déjà signifiées à partie et notifiées à avocat devraient être, à raison des dispositions de ce texte renvoyant à la sanction prévue par l'article 905-2 du même code, de nouveau notifiées audit avocat une fois reçu un avis de fixation de l'affaire à bref délai postérieurement auxdites signification, constitution et notification. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 14. M. Y..., es qualités, conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit. 15. Cependant, le moyen de M. E..., es qualités, n'invoquant aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit. 16. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 905, 905-2, alinéa 1, et 911 du code de procédure civile : 17. Il résulte du premier de ces textes que lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé, la procédure à bref délai s'applique de plein droit, même en l'absence d'ordonnance de fixation en ce sens. 18. Il résulte des deux derniers qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant doit, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé. 19. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel et l'extinction de l'instance, l'arrêt retient que les conclusions des appelantes, notifiées le 25 octobre 2017, n'ont pas été notifiées à nouveau au conseil de M. Y..., es qualités, après l'avis de fixation, alors que cette notification constitue le point de départ du délai d'un mois dont dispose l'intimé ayant constitué avocat pour remettre ses propres conclusions au greffe et former le cas échéant appel incident ou appel provoqué. 20. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait, d'une part, que les conclusions des appelantes avaient été notifiées avant l'avis de fixation à bref délai, de sorte que le délai d'un mois prévu par l'article 905-2 du code de procédure civile n'était pas expiré, et d'autre part, qu'il était interjeté appel d'une ordonnance de référé, ce dont il résultait qu'à compter de cette notification courait de plein droit le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 21. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application de l'article 625 du code de procédure civile. 22. L'arrêt rectificatif, rendu le 11 octobre 2018, est la suite de l'arrêt rectifié du 14 juin 2018 et s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 23. Cette cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt rectificatif attaqué. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevable le déféré, l'arrêt rendu le 14 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi, en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 11 octobre 2018 ; CONSTATE l'annulation de l'arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d'appel de Nîmes ; Condamne la société [...], prise en la personne de M. Y... en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI Ratin, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [...] prise en la personne de M. Y... en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI Ratin et la condamne à payer à la société Etude Balincourt, en la personne de M. E..., en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nouvelle EGTS, la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Etude Balincourt, en la personne de M. E..., en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nouvelle EGTS IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté le déféré formé par la société NOUVELLE EGTS et la SELARL [...] , ès qualités, contre l'ordonnance qui a constaté la caducité d'une déclaration d'appel et l'extinction de l'instance ; AUX MOTIFS PROPRES QUE les textes applicables à la présente procédure d'appel résultent de l'article 17 du Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d'appel étant du 14 septembre 2017 ; que l'article 905-1 du Code de procédure civile énonce : « Lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat. A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables ; que l'article 905-2 du Code de procédure civile énonce « A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. L'intimé à un appel incident ou à l'appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. L'intervenant forcé à l'instance d'appel dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de la demande d'intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. L'intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire. Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président peut d'office, par ordonnance, impartir des délais plus courts que ceux prévus aux alinéas précédents. Les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l'article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal » ; qu'au regard des règles de procédure ainsi contraignantes des articles 905 et suivants du Code de procédure civile, la seule question posée est de savoir si l'appelant a - ou non - respecté l'ensemble des obligations mises à sa charge ; qu'en fait, il est constant qu'ayant reçu un avis de fixation « article 905 » le 24 novembre 2017, l'appelant n'a pas après cette date, et malgré le rappel explicite surabondant de l'avis reçu, respecté l'ensemble de ses obligations procédurales ; que l'appelant apparaît les avoir peut être respectées vis-à-vis des autres intimées mais pas de l'avocat constitué de Maître J... Y..., étant indifférent que des conclusions lui aient été précédemment dans une autre configuration procédurale de droit commun notifiées ; qu'il est essentiel et fondamental en la procédure que cette diligence soit effectuée, dès lors qu'elle fixe le calendrier opposable ultérieurement à l'intimé pour lui-même conclure en réponse ; que la cour relève d'ailleurs qu'elle est invitée par les appelants à tirer le cas échéant toutes conclusions du prétendu non-respect par l'intimé du délai d'un mois ; qu'il doit être précisé à toutes fins que l'expression employée par le texte « entretemps » doit être comprise au sens de l'Académie française (qui a d'ailleurs prescrit l'actuelle orthographe en substitution de « entretemps ») désigne un intervalle entre deux événements ; qu'il s'en déduit que Maître J... Y..., constitué « entretemps » devait après l'avis de fixation et dans la nouvelle configuration procédurale, être rendu destinataire en tout état de cause par son avocat à tout le moins d'un avis explicite des appelants sur le passage au régime procédural « 905 » et sur la nécessité pour lui désormais de conclure dans le délai d'un mois à peine d'irrecevabilité ; que faute d'avoir exactement respecté ses obligations procédurales, qui induisaient aussi ainsi des obligations et des droits pour l'intimé, l'appelant n'a pas régulièrement conduit sa procédure en appel en sa phase « 905 » et à juste titre le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel et constaté l'extinction de l'instance ; ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE l'article 905-1 du Code de procédure civile dispose « lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les 10 jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat » ; que dans le cas d'espèce, les appelantes ont signifié la déclaration d'appel avant même l'avis de fixation adressé par le greffe ; que l'avis du 24 novembre 2017 précise que la déclaration d'appel doit être signifiée à l'intimé dans les 10 jours à compter de la réception du présent avis ou notifiée à son avocat constitué ; que Me Y... ayant déjà constitué avocat, les appelantes étaient dispensées de la formalité de la signification de la déclaration d'appel devenue sans objet à l'égard de cette partie ; qu'elles auraient dû toutefois notifier la déclaration d'appel à la société CSM2/Me BRIAN SANDIAN, avocat constitué, ce qu'elles se sont abstenues de faire ; que cette formalité était d'autant plus importante que l'acte de signification du 12 octobre 2017 faisait référence à l'article 910 du Code de procédure civile et non à l'article 905-2 du même Code ; qu'aux termes de l'article 905-2 du Code de procédure civile, « à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe » ; que l'article 911 du Code de procédure civile précise que sous les sanctions prévues à l'article 905-2, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour ; que les conclusions des appelantes, notifiées le 25 octobre 2017, n'ont pas été notifiées à nouveau au conseil de Maître Y... après l'avis de fixation ; que c'est pourtant la notification de ces conclusions dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation qui constitue le point de départ du délai d'un mois dont dispose l'intimé ayant constitué avocat pour remettre ses propres conclusions au greffe et former le cas échéant appel incident ou appel provoqué, auquel s'ajoute le délai d'un mois pour signifier les conclusions aux intimés non constitués ; qu'il ne suffit donc pas de dire que l'obligation de communication a été respectée par les appelantes ; qu'il est nécessaire qu'elle soit accomplie dans des conditions permettant de calculer les délais de notification des conclusions des intimés ; 1°) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en se fondant sur le motif qu'il était constant qu'ayant reçu un avis de fixation « article 905 » le 24 novembre 2017, l'appelant n'avait pas après cette date, et malgré le rappel explicite surabondant de l'avis reçu, « respecté l'ensemble de ses obligations procédurales », et que faute d'avoir exactement respecté ses obligations procédurales, qui induisaient aussi ainsi des obligations et des droits pour l'intimé, l'appelant n'a pas régulièrement conduit sa procédure en appel en sa phase « 905 », sans préciser quelle obligation résultant d'un texte précis n'aurait pas été respectée en l'espèce, la Cour a violé 12 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en se fondant sur le fait que Me Y..., constitué « entre-temps » devait après l'avis de fixation et dans la nouvelle configuration procédurale, être rendu destinataire en tout état de cause par son avocat « à tout le moins d'un avis explicite des appelants sur le passage au régime procédural « 905 » et sur la nécessité pour lui désormais de conclure dans le délai d'un mois à peine d'irrecevabilité », sans préciser de quel texte résulterait une telle obligation, la Cour a derechef violé l'article 12 du Code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en se fondant sur le fait que Me Y..., constitué « entre-temps » devait après l'avis de fixation et dans la nouvelle configuration procédurale, être rendu destinataire en tout état de cause par son avocat « à tout le moins d'un avis explicite des appelants sur le passage au régime procédural « 905 » et sur la nécessité pour lui désormais de conclure dans le délai d'un mois à peine d'irrecevabilité », cependant qu'aucun texte ne prévoit une telle diligence à la charge de l'appelant et qu'elle incombe en réalité au greffe selon les articles 904-1 et 970 du Code de procédure civile, la Cour a derechef violé l'article 12 dudit Code ; 4°) ALORS QUE n'est pas tenu de notifier de nouveau la déclaration d'appel à l'avocat de l'intimé, une fois reçu un avis de fixation à bref délai, l'appelant qui a déjà, avant la réception de cet avis, signifié ladite déclaration à partie et notifié cette même déclaration à l'avocat constitué par l'intimé ; qu'en statuant ainsi, la Cour a violé l'article 905-1, alinéa 1, du Code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5°) ALORS QUE le défaut de notification de la déclaration d'appel à l'avocat constitué par l'intimé n'est pas sanctionné par la caducité de l'appel ; que viole l'article 905-1, alinéa 1, du Code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour qui considère que le défaut de notification d'une déclaration d'appel à l'avocat de l'intimé entacherait l'appel de caducité ; 6°) ALORS QUE les dispositions des articles 908 à 911 du Code de procédure civile ne sont pas applicables aux procédures fixées selon les dispositions de l'article 905 du même Code ; qu'en déclarant caduc l'appel par application des dispositions de l'article 911 du Code de procédure civile renvoyant à la sanction prévue par l'article 905-2 du même Code, pour cela que « les conclusions des appelantes, notifiées le 25 octobre 2017, n'ont pas été notifiées à nouveau au conseil de Me Y... après l'avis de fixation de l'affaire à bref délai », la Cour a violé ledit article 911 par fausse application, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 7°) ALORS en tous cas QU'à supposer même que les dispositions des articles 908 à 911 du Code de procédure civile soient applicables aux procédures fixées selon les dispositions de l'article 905 du même Code, viole l'article 911 dudit Code, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour qui estime que sous peine de caducité de l'appel, des conclusions déjà signifiées à partie et notifiées à avocat devraient être, à raison des dispositions de ce texte renvoyant à la sanction prévue par l'article 905-2 du même Code, de nouveau notifiées audit avocat une fois reçu un avis de fixation de l'affaire à bref délai postérieurement auxdites signification, constitution et notification ; 8°) ALORS, en toute hypothèse, QUE sauf en cas d'indivisibilité entre les parties, la caducité de l'appel, lorsqu'elle est encourue, doit être prononcée à l'égard du seul intimé concerné par le défaut de diligence impartie par les textes sous peine de caducité ; qu'en rejetant le recours formé contre l'ordonnance ayant déclaré l'appel caduc et constaté l'extinction de l'instance, à raison du défaut de notification, postérieurement à l'avis de fixation à bref délai, de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelant à l'avocat constitué par Me Y..., sans constater une quelconque indivisibilité du litige, la Cour a encore violé les articles 905-1, 905-2 du Code de procédure civile, ensemble l'article 911 du même Code à le supposer applicable et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le greffier de chambre
Il résulte de l'article 905 du code de procédure civile que lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé, la procédure à bref délai s'applique de plein droit, même en l'absence d'ordonnance de fixation en ce sens. Par ailleurs, il résulte des articles 905-2, alinéa 1, et 911 du même code, qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant doit, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé. Par conséquent, lorsqu'il est relevé appel d'une ordonnance de référé, le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure court de plein droit dès la notification des conclusions de l'appelant. En outre, les conclusions de l'appelant notifiées à l'intimé avant l'avis de fixation de l'affaire à bref délai sont bien notifiées dans le délai maximal d'un mois prévu à l'article 905-2. Dès lors, encourt la cassation, l'arrêt qui prononce la caducité de la déclaration d'appel d'une ordonnance de référé après avoir constaté que les conclusions de l'appelant, notifiées au conseil de l'intimé avant l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, ne lui ont pas été notifiées à nouveau postérieurement à cet avis de fixation, au motif que cette dernière notification constitue le point de départ du délai d'un mois dont dispose l'intimé pour remettre ses conclusions au greffe
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1133 F-P+B+I Pourvoi n° V 19-15.688 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société My Money Bank service solutions alternatives, dont le siège est 1 rue du Château de l'Eraudière, BP 31106 - API S3, 44311 Nantes cedex 3, a formé le pourvoi n° V 19-15.688 contre le jugement rendu le 25 février 2019 par le tribunal d'instance de Lens, dans le litige l'opposant à Mme N... J..., épouse I..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société My Money Bank service solutions alternatives, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (juge du tribunal d'instance de Lens, 25 février 2019), rendu en dernier ressort, et les productions, au cours d'une procédure de traitement de la situation de surendettement de Mme J..., le juge d'un tribunal d'instance a été saisi d'une demande de vérification de la créance de la société My Money Bank service solutions alternatives (la société). 2. Cette dernière a demandé, par écrit, à ce que sa créance soit retenue pour un certain montant, sans comparaître à l'audience. 3. L'affaire a été mise en délibéré et il a été enjoint à la société, par une lettre simple, de justifier d'un certain nombre de pièces, de présenter ses observations concernant le lien entre GE Money banque et My Money banque et la qualité à agir de cette dernière et de donner l'adresse du FCT qui apparaît être le seul à avoir qualité à agir en justice au regard de l'article 828 du code de procédure civile. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société fait grief au jugement de constater qu'elle n'a pas qualité à agir et ne justifie pas du fondement de sa créance, d'écarter la créance n° 35550961116 de la procédure de surendettement et de rappeler que cette créance ne pourra faire l'objet de poursuites, alors « que dans les cas où il statue par jugement, le juge du surendettement convoque les parties intéressées ou les invite à produire leurs observations, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'en l'espèce, il résulte du dossier de la procédure que, suite à l'audience du 21 janvier 2019, le service du surendettement du tribunal d'instance de Lens n'a pas régulièrement invité, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la société My Money Bank à produire certaines pièces justificatives ; qu'en constatant que la société My Money Bank n'a pas qualité à agir et ne justifie pas du fondement de sa créance, pour écarter sa créance de la procédure de surendettement, au motif qu'elle n'a produit les pièces en question, cependant que la société My Money Bank n'a pas été régulièrement invitée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à les produire, la cour d'appel a violé l'article R. 713-4 du code de la consommation. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 713-4 du code de la consommation : 5. Lorsqu'une partie use de la faculté prévue à ce texte, sans comparaître à l'audience, le juge qui, à l'issue de cette audience, entend recueillir des observations de cette partie doit, s'il ne rend pas de jugement avant dire droit, notifié conformément aux dispositions de l'article R. 733-11 du code de la consommation, l'inviter à produire ses observations par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. 6. Pour écarter la créance, le juge du tribunal d'instance a statué après que la société eut été invitée, par une lettre simple du greffe, à justifier d'un certain nombre de pièces et à présenter ses observations. 7. En statuant ainsi, le juge du tribunal d'instance a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 février 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Lens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lille ; Condamne Mme J... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société My Money Bank service solutions alternatives Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR constaté que la société My Money Bank n'a pas qualité à agir et ne justifie pas du fondement de sa créance, d'AVOIR écarté la créance n° 35550961116 de la procédure de surendettement et d'AVOIR rappelé que cette créance ne pourra faire l'objet de poursuites ; AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « selon l'article L. 723-3 du Code de la consommation, « Le débiteur peut, dans un délai fixé par décret, contester l'état du passif dressé par la commission et demander à celle-ci de saisir le juge du tribunal d'instance, aux fins de vérification de la validité des créances, des litres qui les constatent et du montant des sommes réclamées. La commission est tenue de faire droit à cette demande ». En application de l'article R. 723-8 du nouveau Code de la consommation, « Le débiteur peut contester l'état du passif dressé par la commission dans un délai de vingt jours. A l'expiration de ce délai, il ne peut plus formuler une telle demande. La commission informe le débiteur de ce délai ». L'article R. 723-6 du Code de commerce dispose que « Lorsqu'il y a lieu de procéder, en application de l'article L. 723-4, à la vérification d'une ou plusieurs créances, la lettre de transmission de la commission au juge précise les nom, prénoms et adresse du débiteur et ceux des créanciers en cause ou, pour les personnes morales, leur dénomination et leur siège social ; elle contient l'exposé de l'objet et les motifs de la saisine et indique, le cas échéant, que celle-ci est présentée à la demande du débiteur. Y sont annexés les documents nécessaires à la vérification des créances. La commission informe les créanciers concernés et le débiteur de la saisine du juge ». En application de l'article R. 723-7 du Code de la consommation, « La vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et de leur montant est opérée pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission. Elle porte sur le caractère liquide et certain des créances ainsi que sur le montant des sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires. Les créances dont la validité ou celle des titres qui les constatent n'est pas reconnue sont écartées de la procédure ». En l'espèce, le contrat de prêt du 31 décembre 2015 constituant le titre de créance de la SA GE MONEY BANQUE et visé dans les courriers n'est pas produit. Par ailleurs l'acte de cession au profit de la SA MONEY BANQUE n'est pas produit non plus. En conséquence il n'est pas établi que la SA MONEY BANQUE soit le créancier de la débitrice. Cette créance sera écartée de la procédure de surendettement et ne pourra faire l'objet de poursuites » ; ALORS QUE dans les cas où il statue par jugement, le juge du surendettement convoque les parties intéressées ou les invite à produire leurs observations, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'en l'espèce, il résulte du dossier de la procédure que, suite à l'audience du 21 janvier 2019, le service du surendettement du tribunal d'instance de Lens n'a pas régulièrement invité, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la société My Money Bank à produire certaines pièces justificatives ; qu'en constatant que la société My Money Bank n'a pas qualité à agir et ne justifie pas du fondement de sa créance, pour écarter sa créance de la procédure de surendettement, au motif qu'elle n'a produit les pièces en question, cependant que la société My Money Bank n'a pas été régulièrement invitée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à les produire, la cour d'appel a violé l'article R. 713-4 du code de la consommation.
Selon l'article R. 713-4, alinéa 1, du code de la consommation, dans les cas où il statue par jugement, le juge convoque les parties intéressées ou les invite à produire leurs observations, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Selon le dernier alinéa de ce même article, lorsque les parties sont convoquées, la procédure est orale. En cours d'instance, toute partie peut aussi exposer ses moyens par lettre adressée au juge à condition de justifier que l'adversaire en a eu connaissance avant l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La partie qui use de cette faculté peut ne pas se présenter à l'audience, conformément au second alinéa de l'article 446-1 du code de procédure civile. Lorsqu'une partie use de la faculté prévue à l'article R. 713-4, dernier alinéa, du code de la consommation, sans comparaître à l'audience, le juge qui, à l'issue de cette audience, entend recueillir des observations de cette partie doit, s'il ne rend pas de jugement avant dire droit notifié conformément aux dispositions de l'article R. 733-11 du code de la consommation, l'inviter à produire ses observations par lettre recommandée avec demande d'avis de réception
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1134 FS-P+B+I Pourvoi n° R 19-15.316 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 1°/ M. R... C..., domicilié [...] , 2°/ M. P... U..., 3°/ Mme Q... U..., domiciliés [...] , 4°/ M. E... X..., domicilié [...] , 5°/ Mme V... H..., domiciliée [...] , 6°/ M. W... N..., domicilié [...] , 7°/ M. WI... S..., domicilié [...] , 8°/ M. D... F..., domicilié [...] ), 9°/ Mme O... M..., domiciliée [...] , 10°/ M. R... L..., domicilié [...] , 11°/ M. J... Y..., domicilié [...] ), 12°/ M. K... G..., domicilié [...] , 13°/ M. WI... RW... T..., domicilié [...] , 14°/ M. I... B..., 15°/ Mme A... B..., domiciliés [...] , 16°/ Mme BM... RL..., domiciliée [...] , 17°/ Mme BY... NY..., domiciliée [...] , 18°/ M. WI... OR..., domicilié [...] , 19°/ Mme RY... JP... XP..., domiciliée [...] , 20°/ Mme WF... CQ..., domiciliée [...] , 21°/ M. XJ... CZ..., domicilié [...] , 22°/ M. JP... NI..., domicilié [...] , 23°/ M. GV... QP..., 24°/ Mme FV... QP..., domiciliés [...] , 25°/ M. BB... QP..., domicilié [...] , 26°/ M. YC... FT..., domicilié [...] , 27°/ M. EQ... IQ..., domicilié [...] , 28°/ M. MD... SF..., domicilié [...] , 29°/ Mme CM... QO..., domiciliée [...] , 30°/ M. NN... TH..., domicilié [...] , 31°/ M. R... HG..., domicilié [...] , 32°/ M. CX... WP..., 33°/ Mme NK... WP..., domiciliés [...] , 34°/ M. KY... IM..., domicilié [...] , 35°/ M. WF... CH..., domicilié [...] , 36°/ M. QV... AQ..., domicilié [...] , 37°/ M. IC... RK..., domicilié [...] , 38°/ M. XD... AF..., domicilié [...] , 39°/ M. JP... AF..., 40°/ Mme RR... AF..., domiciliés [...] , 41°/ M. E... AF..., domicilié [...] , 42°/ M. FQ... UM..., domicilié [...] , 43°/ M. I... CF... JM..., domicilié [...] , 44°/ Mme UM... IN..., domiciliée [...] , 45°/ M. ES... IN..., domicilié [...] , 46°/ Mme JE... IN..., 47°/ M. W... IN..., domiciliés [...] , 48°/ M. GC... PM..., domicilié [...] , 49°/ Mme ER... YX..., domiciliée [...] , 50°/ M. VM... XI..., domicilié [...] , 51°/ M. NB... TM..., domicilié [...] , 52°/ M. K... QS... , domicilié [...] , 53°/ Mme RY... WR... KM..., domiciliée [...] , 54°/ M. WF... DV..., domicilié [...] , 55°/ M. R... DV..., domicilié [...] , 56°/ Mme RY... UJ... NS..., domiciliée [...] , 57°/ Mme UM... P..., domiciliée [...] , 58°/ M. J... XK..., domicilié [...] , 59°/ Mme FN... SL..., domiciliée [...] , 60°/ M. WI... VW... UV..., domicilié [...] , 61°/ Mme MK... IT..., domiciliée, [...] , 62°/ la société Chateaubriand, société civile immobilière, dont le siège est 9 allée de Montchany, 63100 Clermont-Ferrand, 63°/ M. VW... DA..., domicilié [...] , 64°/ M. YA... BT..., domicilié [...] , 65°/ Mme ET... OI..., domiciliée [...] , 66°/ M. FE... OI..., domicilié [...] , 67°/ M. DB... PI..., domicilié [...] , 68°/ M. VD... P..., domicilié [...] , 69°/ M. BC... EW..., domicilié [...] , 70°/ M. W... SX..., domicilié [...] , 71°/ Mme A... EV..., domiciliée [...] , 72°/ Mme KN... TX..., 73°/ M. WI... P..., domiciliés [...] , 74°/ M. EQ... ID..., domicilié [...] , 75°/ M. EQ... TV..., domicilié [...] , 76°/ M. YU... VL..., domicilié [...] , 77°/ M. WF... SW..., domicilié [...] , 78°/ Mme RE... LW..., domiciliée [...] , 79°/ Mme CX... BX..., domiciliée [...] , 80°/ M. KY... UE..., domicilié [...] , 81°/ M. JP... UE..., domicilié [...] , 82°/ Mme HF... CS..., domiciliée [...] , 83°/ M. FQ... YM..., domicilié [...] , 84°/ M. IC... GQ..., domicilié [...] , 85°/ M. KY... KK..., domicilié [...] , 86°/ M. EQ... UT..., 87°/ Mme YV... UT..., domiciliés [...] , 88°/ Mme QX... US..., domiciliée [...] , 89°/ M. JP... UK... , domicilié [...] , 90°/ M. MJ... KW..., domicilié [...] , 91°/ M. XX... SC..., domicilié [...] , 92°/ M. P... HH..., domicilié [...] , 93°/ Mme A... CT..., domiciliée [...] , 94°/ M. GB... EN..., domicilié [...] , 95°/ Mme SJ... OX..., domiciliée [...] , 96°/ M. FK... QU..., domicilié [...] , 97°/ Mme ER... RW..., domiciliée [...] , 98°/ M. BW... VV..., domicilié [...] , 99°/ Mme EE... VV..., domiciliée [...] , 100°/ M. WI... RW... HD..., domicilié [...] , 101°/ M. QV... N..., domicilié [...] , 102°/ M. UG... HX..., 103°/ Mme EZ... HX..., domiciliés [...] , 104°/ M. NN... FA..., domicilié [...] , 105°/ M. SX... FA..., domicilié [...] , 106°/ M. WI... RW... CR..., domicilié [...] , 107°/ Mme RJ... LA..., domiciliée [...] , 108°/ M. E... EK..., 109°/ Mme JD... EK..., domiciliés [...] , 110°/ Mme KU... UG..., domiciliée [...] , 111°/ M. P... JU..., domicilié [...] , 112°/ M. MN... OQ..., domicilié [...] , 113°/ M. NN... GW..., domicilié [...] , 114°/ Mme AX... JJ..., domiciliée [...] , 115°/ M. CF... WE..., domicilié [...] , 116°/ M. P... MG..., domicilié [...] , 117°/ M. WI... CF... MV..., domicilié [...] , 118°/ M. R... GX..., domicilié [...] , 119°/ M. XF... PS..., domicilié [...] , 120°/ M. J... HH..., domicilié [...] , 121°/ M. WI... VR..., domicilié [...] , 122°/ M. WI... JP... IK..., domicilié [...] , 123°/ M. GC... HJ..., domicilié [...] , 124°/ M. P... EC..., domicilié [...] , 125°/ M. WI... I... WN..., domicilié [...] , 126°/ M. JE... BF..., domicilié [...] , 127°/ M. WI... RW... JR..., 128°/ M. RW... JR..., domiciliés [...] , 129°/ Mme E... RS..., domiciliée [...] , 130°/ M. WI... AX..., domicilié [...] , 131°/ M. WI... JP... TN..., 132°/ Mme GB... TN..., domiciliés [...] , 133°/ M. PD... BU..., domicilié [...] , 134°/ M. E... VF..., domicilié [...] , 135°/ M. LB... IV..., domicilié [...] , 136°/ Mme PL... FD... , domiciliée [...] , 137°/ M. WI... KS..., domicilié [...] , 138°/ M. XC... AV..., domicilié [...] , ont formé le pourvoi n° R 19-15.316 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant : 1°/ à la société La Banque postale, société anonyme, dont le siège est [...] , 2°/ à la société Banque Themis, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. C... et des 137 autres demandeurs au pourvoi, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Banque Themis, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société La Banque postale, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Durin-Karsenty, Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2018) et les productions, se prévalant de manquements commis, à leur préjudice, par la société La Banque postale et la société Banque Themis (les banques) à leur obligation de vigilance dans la surveillance des comptes de la société France énergies finance (la société FEF), ouverts dans leurs livres, M. C... et 137 autres demandeurs (les investisseurs) les ont assignées en responsabilité devant un tribunal de grande instance, pour les voir condamner in solidum à leur payer à chacun une certaine somme correspondant au montant d'investissements, le cas échéant diminués de reversements, qu'ils ont réalisés auprès de la société FEF et à laquelle ils reprochent de les avoir détournés de leur objet. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation. Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 3. Les investisseurs font grief à l'arrêt d'annuler les assignations des 25 mars et 16 avril 2016, alors : « 1°/ que l'assignation doit contenir, à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; que, saisi d'une exception de nullité pour défaut d'énonciation des moyens de fait, le juge, chargé d'examiner ce vice de forme, ne peut, sans excéder ses pouvoirs, apprécier la pertinence des moyens ainsi que la portée des éléments produits à l'appui de l'assignation ou des conclusions la complétant ; qu'en relevant, pour annuler les assignations délivrées par les investisseurs les 25 mars et 12 avril 2016 pour absence d'indication des moyens en fait, d'une part, que les demandeurs n'avaient pas apporté de précisions suffisantes dans leurs exploits introductifs d'instance, ni dans leurs conclusions récapitulatives de première instance, sur les caractéristiques des investissements qu'ils avaient effectués auprès de la société FEF et, d'autre part, qu'ils n'avaient pas expliqué le préjudice chiffré, la cour d'appel, qui a apprécié la pertinence des moyens en fait et la valeur probante des éléments de preuve, a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 56 du code de procédure civile ; 2°/ que l'assignation doit contenir, à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; que dans le cadre d'une action en responsabilité d'investisseurs contre une banque pour défaut de son obligation de vigilance, l'assignation doit contenir comme moyen en fait, l'explication de la faute commise par le banquier, le préjudice subi par les requérants et le lien de causalité ; qu'en l'espèce, les investisseurs avaient soutenu, d'une part, que les banques auraient dû relever, au vu des mouvements du compte de la société FEF une anomalie, d'autre part, que l'absence de réaction des banques en présence d'une activité illicite dès son origine a permis la réalisation et la poursuite de cette activité pendant cinq ans et, enfin, que le préjudice était égal à la perte de l'investissement déduction faite des remboursements qu'ils ont perçus ; qu'il n'appartenait pas aux investisseurs de détailler les caractéristiques des investissements qu'ils avaient effectués auprès de la société FEF ; qu'en relevant, pour annuler les assignations délivrées par les investisseurs les 25 mars et 12 avril 2016 pour absence d'indication des moyens en fait, que les demandeurs n'avaient pas apporté de précisions suffisantes dans leurs exploits introductifs d'instance, ni dans leurs conclusions récapitulatives de première instance, sur les caractéristiques des investissements qu'ils avaient effectués auprès de la société FEF, alors qu'une telle précision n'était pas nécessaire dans le cadre d'une action en responsabilité contre les banques pour défaut de vigilance, la cour d'appel a violé l'article 56 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 56 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998 : 4. Selon ce texte, l'assignation contient, à peine de nullité, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit. 5. Pour annuler les assignations des 25 mars et 16 avril 2016 motif pris de l'absence d'exposé des moyens en fait, l'arrêt retient que les demandeurs n'ont pas apporté de précisions suffisantes dans les exploits introductifs d'instance et dans leurs conclusions récapitulatives sur les caractéristiques des investissements effectués par les demandeurs auprès de la société FEF et sur le montant des remboursements qu'ils disent avoir reçus d'elle et que ce défaut d'explication ne permettait pas aux défendeurs de répondre utilement. 6. En statuant ainsi, alors que les investisseurs agissaient en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice résultant d'un manquement par les banques à leur obligation de vigilance dans la surveillance de fonds argués de détournement par la société FEF, de sorte que les caractéristiques des investissements effectués par les demandeurs auprès de la société FEF ne constituaient pas des moyens en fait nécessaires, au sens du texte précité, à la défense des banques, la cour d'appel, qui a, sous le couvert de l'examen des conditions de validité des assignations, porté une appréciation sur la force probante d'allégations, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Banque Themis et la société La Banque postale aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque Themis et la société La Banque postale et les condamne à payer M. C... et aux autres demandeurs au pourvoi mentionnés en tête de l'arrêt la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour M. C... et les 137 autres demandeurs au pourvoi Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à l'exception de nullité et d'avoir annulé les assignations des 25 mars et 12 avril 2016 ; Aux motifs propres que les investisseurs demandent l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle est fondée sur le défaut d'éléments de calcul du préjudice qui étaient pourtant produits ; qu'ils soutiennent que les caractéristiques des investissements ainsi que le montant des remboursements étaient précisés, contrairement à ce qu'a jugé le juge de la mise en état ; que la Banque Postale fait valoir qu'il a fallu l'ouverture d'une procédure d'incident pour obtenir les éléments informatifs nécessaires qui auraient dû figurer dans l'assignation ; qu'elle précise que les débats ont porté précisément sur l'absence de caractère clair et étayé des demandes ; qu'elle ajoute que les identifications des demandeurs en appel ne sont toujours pas clarifiées ; qu'elle reproche une communication laborieuse et lacunaire qui porte atteinte au droit de la défense ; que la banque Themis réplique en substance que les pièces et tableaux ne permettent pas d'identifier les comptes sur lesquels les chèques de souscription ont été encaissés ; qu'en outre, ils incluraient d'autres investisseurs et ne préciseraient pas le montant des fonds versés par France Energie Finance ; que cela causant des difficultés pour répondre aux investisseurs et donc une atteinte aux droits de la défense ;que ce grief ayant été caractérisé par le juge ; que ceci exposé, la cour adopte les motifs pertinents du juge en ce qu'il a constaté une régularisation des exploits introductifs d'instance, concernant le défaut de mentions nécessaire à l'identification des demandeurs, mais a retenu l'absence d'exposé des moyens en fait, après avoir relevé que les demandeurs n'avaient pas apporté de précisions suffisantes dans leurs conclusions récapitulatives sur les caractéristiques des investissements effectués par les demandeurs auprès de FEF et que ce défaut d'explication ne permettait pas aux défendeurs d'y répondre utilement ; que l'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée ; Aux motifs à les supposer adoptés que selon l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation doit contenir, à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice (article 648 du code de procédure civile) : 2° L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; qu'aux termes de l'article 114 du même code, la nullité ne peut être invoquée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; que l'article 115 prévoit que la nullité pour vice de forme est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ; qu'en l'espèce, s'il résulte de la lecture de leurs conclusions récapitulatives sur le fond signifiées le 5 octobre 2016 que les demandeurs ont régularisé leurs exploits introductifs d'instance sur le premier motif de nullité tiré du défaut des mentions nécessaires à l'identification des demandeurs, tel n'est pas le cas en ce qui concerne le second motif de nullité tiré de l'absence d'exposé des moyens en fait, l'exigence de l'exposé des moyens en droit ayant quant à elle été satisfaite ; qu'il résulte en effet du contenu des exploits introductifs d'instance, non complété sur ce point par les conclusions récapitulatives sur le fond, que ne sont pas précisées les caractéristiques des investissements effectués par les demandeurs auprès de la société FEF (leur date et leur montant notamment), pas plus que le montant des remboursements que les demandeurs indiquent avoir reçus de cette société, alors que leur demande indemnitaire vise à obtenir la différence entre le montant de leur investissement et les reversements qu'ils ont le cas échéant obtenus de la société France Energie Finance, si bien que cette demande, certes chiffrée, n'est toutefois pas expliquée, ce qui ne permet pas aux défendeurs d'y répondre utilement, étant observé que les pièces n' 12 et 17 dont se prévalent les demandeurs (tableau détaillé du préjudice sur lequel figurent la date et le montant de l'investissement - tableau des souscripteurs au produit Legendre Rendement 7 % communiqué par l'administrateur provisoire de la société FEF) ne sauraient valoir régularisation de l'assignation et des conclusions subséquentes quant à l'énoncé des moyens en fait, car il n'appartient pas aux défendeurs à l'instance de reconstituer eux-mêmes cet énoncé à partir de pièces qui, au demeurant, sont insuffisamment explicites puisqu'elles incluent d'autres investisseurs que les demandeurs et ne précisent pas le montant des fonds qu'ils se sont vu reverser par la société FEF, le tableau de la pièce 17 étant au surplus illisible vu la taille de sa police ; qu'il sera donc fait droit à l'exception de nullité des deux exploits introductifs d'instance des 25 mars et 12 avril 2016 ; que par suite, la juridiction se trouvant dessaisie, il ne sera pas statué sur la demande reconventionnelle des défendeurs à l'incident ; Alors 1°) que l'assignation doit contenir, à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; que, saisi d'une exception de nullité pour défaut d'énonciation des moyens de fait, le juge, chargé d'examiner ce vice de forme, ne peut, sans excéder ses pouvoirs, apprécier la pertinence des moyens ainsi que la portée des éléments produits à l'appui de l'assignation ou des conclusions la complétant ; qu'en relevant, pour annuler les assignations délivrées par les exposants les 25 mars et 12 avril 2016 pour absence d'indication des moyens en fait, d'une part, que les demandeurs n'avaient pas apporté de précisions suffisantes dans leurs exploits introductifs d'instance ni dans leurs conclusions récapitulatives de première instance, sur les caractéristiques des investissements qu'ils avaient effectués auprès de la société FEF et d'autre part, qu'ils n'avaient pas expliqué le préjudice chiffré, la cour, qui a apprécié la pertinence des moyens en fait et la valeur probante des éléments de preuve, a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 56 du code de procédure civile ; Alors 2°) que l'assignation doit contenir, à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; que dans le cadre d'une action en responsabilité d'investisseurs contre une banque pour défaut de son obligation de vigilance, l'assignation doit contenir comme moyen en fait, l'explication de la faute commise par le banquier, le préjudice subi par les requérants et le lien de causalité ; qu'en l'espèce, les investisseurs avaient soutenu d'une part, que les banques auraient dû relever, au vu des mouvements du compte de la société France Energie Finance une anomalie, d'autre part, que l'absence de réaction des banques en présence d'une activité illicite dès son origine a permis la réalisation et la poursuite de cette activité pendant cinq ans et enfin que le préjudice était égal à la perte de l'investissement déduction faite des remboursements qu'ils ont perçus ; qu'il n'appartenait pas aux investisseurs de détailler les caractéristiques des investissements qu'ils avaient effectués auprès de la société France Energie Finance ; qu'en relevant, pour annuler les assignations délivrées par les exposants les 25 mars et 12 avril 2016 pour absence d'indication des moyens en fait que les demandeurs n'avaient pas apporté de précisions suffisantes dans leurs exploits introductifs d'instance ni dans leurs conclusions récapitulatives de première instance, sur les caractéristiques des investissements qu'ils avaient effectués auprès de la société FEF, alors qu'une telle précision n'était pas nécessaire dans le cadre d'une action en responsabilité contre les banques pour défaut de vigilance, la cour d'appel a violé l'article 56 du code de procédure civile ; Alors 3°) que l'irrégularité tenant à l'absence d'exposé des moyens en fait doit être appréciée en tenant compte des indications portées dans l'assignation, dans les conclusions récapitulatives de première instance et dans les pièces qui sont produites et visées ; que lorsque l'assignation ou les conclusions renvoient expressément à une pièce détaillant un moyen en fait, il convient de considérer qu'elle s'incorpore à cette assignation et qu'elle régularise cette assignation quant à l'énoncé des moyens en fait ; qu'en l'espèce, les demandeurs avaient expressément visé dans leur assignation et conclusions récapitulatives la pièce n° 12 qui était un tableau détaillé du préjudice sur lequel figurait la date et le montant de l'investissement pour chaque investisseur ; qu'en affirmant néanmoins que la pièce n° 12 ne saurait valoir régularisation quant à l'énoncé des moyens en fait, la cour d'appel a violé l'article 56 du code de procédure civile ; Alors 4°) que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes clairs et précis des écrits qui leur sont soumis ; que les investisseurs soutenaient devant la cour d'appel que « Le « placement financier » commercialisé par France Energies finance : France Energies Finances a commercialisé directement ou par l'intermédiaire de conseillers en gestion de patrimoine un « produit » intitulé « Legendre Rendement 7 % » ou « France Energies Rendement 7 % ». Dans ce cadre, les requérants ont tous versé à France Energies Finance des fonds devant correspondre à la souscription de parts de Sociétés en Participation, productrices d'électricité d'origine photovoltaïque. Ces fonds ont été versés dans la quasi-totalité des cas sur un compte ouvert par France Energies Finance auprès de la banque Postale puis sur un compte ouvert auprès de la banque Themis (Pièce n° 3). France Energies Finance devait, en qualité de gérante de sociétés en participation, installer des centrales destinées à produire de l'électricité photovoltaïque et le louer à un exploitant, qui vend l'électricité produite par la centrale à EDF. Le loyer versé par l'exploitant devait être reversé, en partie aux investisseurs. Il était promis aux investisseurs un rendement annuel de 7 % (Pièce n° 4, Pièce n° 5) » (conclusions récapitulatives aux fins de régularisation du 7 octobre 2016, p. 19) ; qu'en considérant néanmoins que les conclusions récapitulatives des investisseurs ne précisaient pas suffisamment les caractéristiques des investissements effectués par les demandeurs auprès de la société FEF, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions récapitulatives et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; Alors 5°) que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes clairs et précis des écrits qui leur sont soumis ; que le tableau n° 12 précisait explicitement dans sa quatrième colonne le montant du versement total des loyers (cf. Prod) ; qu'en affirmant néanmoins que ce tableau ne précisait pas le montant des fonds que les investisseurs s'étaient vu reverser par la société FEF, la cour d'appel a dénaturé cette pièce et a ainsi violé le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ; Alors 6°) que la nullité de l'assignation pour vice de forme ne peut être prononcée sans que soit constaté le grief que cette irrégularité cause au destinataire de l'acte ; qu'en se bornant à affirmer que les défendeurs ne pouvaient pas répondre utilement aux conclusions des investisseurs, sans caractériser le grief résultant de l'irrégularité dénoncée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 114 du code de procédure civile.
Il appartient au juge régulièrement saisi d'un moyen de nullité à cet objet, de vérifier que l'assignation contient un exposé des moyens en fait nécessaires, au sens de l'article 56 du code de procédure civile, à la défense des destinataires de l'acte, mais non d'apprécier la force probante des allégations qui y figurent
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1137 FS-P+B+I Pourvoi n° T 19-15.985 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 1°/ La société Legalcy avocats conseils, société civile professionnelle, dont le siège est 14 place Henri Dunant, 16000 Angoulême, 2°/ M. E... Y..., domicilié 14 place Henri Dunant, 16000 Angoulême, agissant en qualité de gérant de la société Legalcy avocats conseils, ont formé le pourvoi n° T 19-15.985 contre l'ordonnance de taxe rendue le 5 mars 2019 par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux, dans le litige les opposant à M. M... R..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Legalcy avocats conseils et de M. Y..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Girard, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 5 mars 2019), le 11 avril 2017, M. R... a conclu avec la société Legalcy avocats conseils, avocat au barreau de la Charente (l'avocat), une convention d'honoraires en vue de la défense de ses intérêts dans une procédure juridictionnelle. 2. Après avoir acquitté trois factures pour un montant total de 4 200 euros TTC, il a refusé de régler deux nouvelles factures d'un montant de 1 800 euros TTC chacune et a porté sa contestation devant le bâtonnier de l'ordre. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société Legalcy avocats conseils fait grief à l'ordonnance de fixer le montant global de ses honoraires à la somme de 2 200 euros TTC et de l'inviter à restituer à M. R... la somme de 2 000 euros à titre de trop-perçu, alors « que tenu de faire respecter et de respecter lui-même la contradiction, le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que la convention d'honoraires aurait été inapplicable en raison du dessaisissement de l'avocat avant l'achèvement de sa mission, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, quand M. R... n'avait ni comparu ni soutenu un tel moyen dans sa lettre de saisine, la juridiction du premier président a méconnu les exigences de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 4. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. 5. En procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience. 6. Pour dire y avoir lieu d'arbitrer le temps passé par l'avocat au soutien des intérêts de M. R..., comme le taux horaire de sa rémunération, en considération non pas des stipulations de la convention d'honoraires conclue entre les parties, mais des critères fixés par l'article 10, alinéa 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, l'ordonnance énonce que le mandat du conseil ayant pris fin avant l'achèvement de sa mission, les parties ne peuvent plus se prévaloir des stipulations de cette convention. 7. En statuant ainsi, alors que M. R... n'était pas présent à l'audience et qu'il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure que la partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d'office, pris de la caducité de la convention d'honoraires, la juridiction du premier président a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 mars 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ; Condamne M. R... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société civile professionnelle Legalcy avocats conseils et M. Y... Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé l'honoraire dû par M. R... à la SCP Legalcy et Me Y... à la somme de 2.200 € TTC, et d'avoir « invité » ces derniers à restituer la somme de 2.000 € à titre de trop-perçu d'honoraires, AUX MOTIFS QUE sur la validité de la convention d'honoraires, s'il est constant que si M. M... R... a confié à la société Legalcy ses intérêts dans un litige relatif au congé pour vendre que lui avait adressé son bailleur le mandat du conseil a pris fin avant l'achèvement de la mission si bien que les parties ne peuvent se prévaloir des dispositions de la convention ; que, sur les diligences mises en compte, il appartient donc à la juridiction de l'honoraire d'arbitrer tant le temps passé que le taux horaire en considération des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et des dispositions du RIN, étant précisé que, conformément au droit commun de la preuve, il appartient au conseil de justifier des diligences accomplies ; que M. M... R... estime que les temps décomptés par le conseil sont manifestement exagérés compte tenu de la difficulté relative de son dossier ; que le conseil verse aux débats une fiche horaire au terme de laquelle il arrête le temps passé sur le dossier M. M... R... à 32 heures ; qu'au vu des pièces versées aux débats, qui restent peu nombreuses, il apparaît que les temps décomptés sont très généreux ; que c'est ainsi qu'on relèvera que la mise au point de l'assignation est facturée plus de 10 heures et que si le document en question comporte 16 pages, l'historique du dossier et le rappel des textes applicables (copier/coller) en occupe plus de 10 et le dispositif les deux dernières ; qu'on relèvera également au 11 mai 2017 et au 24 juillet 2017 la mise en compte de 6 heures pour rédaction d'actes, sans autres précisions, que rien ne vient justifier ; que par ailleurs, il convient d'observer que le moindre courrier ou courriel de transmission est facturé sur la base de 10 minutes du temps du conseil, ce qui n'est pas justifié ; qu'en considération de ces éléments, s'agissant d'un dossier de difficulté très moyenne, qui a donné lieu à la date de la rupture des relations entre les parties à la rédaction d'une assignation et d'un jeu de conclusions, rendez-vous et courriers compris, il conviendra d'arbitrer le temps passé à 10 heures ; que, sur le taux horaire, la fiche horaire révèle que l'essentiel du travail est l'oeuvre d'un collaborateur et que le cabinet décompte au même taux, le travail juridique mais également le travail plus "administratif" (courriers, courriels et communications téléphoniques) ; que le taux horaire sera arbitré à 200 € HT, soit 220 € TTC ; que, sur le montant de l'honoraire dû et le compte des parties, le montant dû ressort ainsi à 200 € x 10 h = 2.200 € TTC ; que M. M... R... ayant réglé 4.200 € (la consultation du 6 mars 2017 ayant été réglée après service rendu et avant la signature de la convention n'entre pas dans le calcul), le conseil devra lui restituer une somme de 2.000 €. 1°- ALORS QUE tenu de faire respecter et de respecter lui-même la contradiction, le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que la convention d'honoraires aurait été inapplicable en raison du dessaisissement de l'avocat avant l'achèvement de sa mission, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, quand M. R... n'avait ni comparu ni soutenu un tel moyen dans sa lettre de saisine, la juridiction du premier président a méconnu les exigences de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2° - ALORS QUE la SCP Legalcy et M. Y... faisaient valoir (conclusions, p. 13) que les honoraires déjà réglés par Monsieur R... l'avaient été après service rendu de sorte qu'ils n'étaient pas susceptibles d'être remis en cause ; qu'en statuant comme ci-dessus, et en ordonnant la restitution d'une partie de ces honoraires sans répondre à ces conclusions, la juridiction du premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3° - ALORS QU'il résulte de la fiche de diligences produite par la SCP Legalcy que la rédaction de l'assignation a été facturée pour 4 heures ; qu'il en résulte encore que plusieurs courriers ou courriels ont été facturés pour 5 minutes (19 avril, 11 mai) ; qu'en retenant que la mise au point de l'assignation avait été facturée « plus de 10 heures » et que le moindre courrier ou courriel était facturé sur la base de 10 minutes, la cour d'appel a dénaturé le document susvisé et violé l'article 1192 du code civil ; 4° - ALORS, en tout état de cause, QUE le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, applicable aux prestations d'avocat, est de 20 % ; qu'en arbitrant le taux horaire à 200 € HT, soit 220 € TTC, puis en décidant que le montant total des honoraires dus s'élève à « 200 € x 10 h = 2.200 € TTC », la juridiction du premier président a violé l'article 278 du code général des impôts.
Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. En procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 734 FS-P+B+I Pourvoi n° J 19-19.542 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 La société C & A France, société en commandite simple, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 19-19.542 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Aeroville, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société C & A France, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Aeroville, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Barbieri, Jessel, David, Mme Abgrall-Bauge, conseillers, MM. Béghin, Jariel, Mme Schmitt, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mai 2019), le 21 décembre 2012, la société Aeroville a donné à bail à la société C & A France des locaux à usage commercial pour une durée de dix ans avec renonciation du preneur à la faculté de résiliation à la fin de la première période triennale, le bail comportant une clause résolutoire, "si bon semble au bailleur". 2. Le 27 juillet 2015, la société Aeroville a délivré à la société C & A France un commandement de payer visant la clause résolutoire, puis l'a assignée en référé en constatation de l'acquisition de cette clause et en paiement d'une provision. 3. Une ordonnance de référé du 27 novembre 2015 a condamné la société C & A France à payer une provision à la société Aeroville, a suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé à la société C & A France des délais de paiement avec déchéance du terme. 4. Cette ordonnance, signifiée le 11 décembre 2015 par la société Aeroville, n'a pas été frappée d'appel. 5. Le 8 janvier 2016, la bailleresse a mis en demeure la locataire de payer les sommes dues au titre de la période comprise entre le 12 mai et le 23 novembre 2015. 6. Par lettre du 22 janvier 2016, la locataire, qui ne s'était pas acquittée de la première mensualité, a informé le bailleur qu'elle prenait acte de la résiliation définitive du bail et qu'elle restituerait les clefs le 3 mars 2016. 7. La société Aeroville a informé la société C & A France qu'elle renonçait à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire, puis l'a assignée en exécution forcée du bail, subsidiairement, en paiement des loyers et charges jusqu'à la deuxième échéance triennale du bail. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 8. La société C & A France fait grief à l'arrêt de constater que la société Aeroville a renoncé au bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire, de constater que le bail s'est poursuivi entre les parties jusqu'à ce que la société Aeroville ait accepté, à compter du 1er juillet 2018, la résiliation unilatérale du bail par la société locataire, et de condamner, en conséquence, la société C & A France à payer à la société Aeroville une somme correspondant aux loyers et charges demeurés impayés entre le 4 mars 2016 et le 30 juin 2018, alors « que l'acquisition de la clause résolutoire met irrévocablement fin au bail commercial dont le bailleur ne peut plus poursuivre l'exécution forcée dès lors que le preneur n'a pas respecté l'échéancier fixé par le juge dans une ordonnance suspendant les effets de la clause résolutoire et revêtue de la force de chose jugée ; qu'il s'ensuit qu'il n'est pas au pouvoir du bailleur de renoncer au bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire, même si elle est stipulée dans son intérêt exclusif, « si bon lui semble », dès lors que le preneur ne s'est pas libéré des arriérés de loyers et des loyers courants dans les conditions fixées par l'ordonnance suspendant les effets de la clause résolutoire ; qu'en considérant cependant qu'il était encore au pouvoir du bailleur de renoncer au bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans l'intérêt exclusif du bailleur « si bon lui semble », en s'abstenant d'engager aucun acte d'exécution forcée, quand le bailleur ne pouvait pas imposer au preneur la poursuite d'un contrat qui avait pris fin automatiquement par le défaut de règlement du loyer courant exigible à terme exacte échéance dans les conditions de l'ordonnance du 27 novembre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 145-41 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée, et 500 du code de procédure civile : 9. Il résulte du premier de ce texte que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre les effets d'une clause résolutoire, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice passée en force de chose jugée. La clause résolutoire est réputée n'avoir jamais produit ses effets si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. 10. Dès lors que l'ordonnance de référé est passée en force de chose jugée et en l'absence de décision contraire statuant au principal, le bailleur ne peut plus, en cas de non-respect par le preneur des délais de paiement conditionnant la suspension des effets de la clause résolutoire, demander unilatéralement l'exécution du bail résilié. 11. Pour dire que le bail s'était poursuivi entre les parties en dépit de ce que la locataire n'avait pas payé les loyers courants et les mensualités sur arriérés dans les conditions fixées par l'ordonnance du 27 novembre 2015, l'arrêt retient que la locataire ne peut tirer parti d'une clause résolutoire stipulée au seul bénéfice du bailleur ni se prévaloir de son propre comportement pour prendre acte de la résiliation du bail et que, si la bailleresse a signifié l'ordonnance de référé pour faire courir les délais de paiement, ce qui ne manifestait pas son intention de poursuivre l'acquisition de la clause résolutoire, elle n'avait engagé aucun acte d'exécution forcé de sorte qu'elle conservait la liberté de poursuivre ou non, à ses risques et périls, l'exécution du titre provisoire que constituait cette ordonnance et pouvait, ainsi, renoncer au bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le second moyen Vu l'article 624 du code de procédure civile : 13. Selon ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. 14. La cassation sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation des dispositions critiquées par le second moyen. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société C & A France à payer à la société Aeroville la somme de 40 543,61 euros au titre d'une indemnité forfaitaire de 10 %, l'arrêt rendu le 29 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Aeroville aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Aeroville et la condamne à payer à la société C & A France la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société C & A France. PREMIER MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté que la société AEROVILLE a renoncé au bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire, D'AVOIR constaté que le bail s'est poursuivi entre les parties, que la société AEROVILLE a accepté à compter du 1er juillet 2018, la résiliation unilatérale du bail par la société locataire, et D'AVOIR condamné, en conséquence, la société C & A FRANCE à payer à la société AEROVILLE, la somme de 3.435.853,66 € correspondant aux loyers et charges demeurés impayés entre le 4 mars 2016 et le 30 juin 2018 ; AUX MOTIFS QUE la cour rappelle que le preneur ne peut tirer partie d'une clause résolutoire stipulée au bail au seul bénéfice du bailleur ; que par ailleurs, le bailleur quand bien même aurait-il délivré au preneur un commandement visant la clause résolutoire et poursuivi devant le juge des référés une action tendant à la constatation de l'acquisition de ladite clause et aurait-il obtenu à son bénéfice le prononcé d'une telle mesure, conserve la liberté de poursuivre ou non, à ses risques et périls l'exécution du titre provisoire qui lui a ainsi été délivré ; qu'en l'espèce, la clause résolutoire figurant au bail précise qu'en application de ladite clause, "le bail sera, si bon semble au bailleur, résilié de plein droit et ce même en cas de paiement ou d'exécution à l'expiration du délai ci-dessus", si bien qu'il ne fait aucun doute que cette clause a été stipulée au seul bénéfice du bailleur ; que certes, la société bailleresse a manifesté son intention de se prévaloir de cette clause en introduisant devant le juge des référés une action tendant à constater son acquisition ; que cependant, le bénéficiaire d'une décision demeure libre de l'exécuter ou non ; qu'en l'espèce, la société bailleresse a fait signifier l'ordonnance de référé, mais que seule cette ordonnance faisait courir les délais de paiement accordés, lesquels suspendaient l'acquisition de ladite clause, si bien que cette signification ne manifeste pas, de manière dépourvue d'équivoque, l'intention de la bailleresse de poursuivre l'acquisition de la clause ; que par ailleurs, le courrier adressé le 8 janvier 2016, par la société UNIBAIL RODAMCO "agissant pour le compte de la SCI AEROVILLE" contenant mise en demeure de régler sous 48 heures les factures établies entre le 12 mai 2015 et le 23 novembre 2015, demeurées impayées pour la somme de 828.414,76 euros, ne peut correspondre au courrier mentionné au dispositif de l'ordonnance, préalable à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, ce courrier ayant été délivré avant même que les délais accordés n'aient commencé à courir, le paiement de la première échéance sur l'arriéré étant fixé au 10 janvier 2016 ; que la société locataire, qui s'est abstenue de régler son loyer échu pour le 3e trimestre 2015, puis n'a pas respecté l'obligation qui lui était faite par l'ordonnance de référé de régler son loyer courant et les mensualités sur l'arriéré, à compter du 10 du mois suivant le signification de l'ordonnance, soit en l'espèce à compter du 10 janvier 2016, ne pouvait se prévaloir de son propre comportement pour prendre acte de l'acquisition de la clause résolutoire, la société bailleresse n'ayant à cette date engagé aucun acte d'exécution forcée et ayant par un courrier daté du 11 février 2016, protesté contre le départ des lieux annoncé par la société locataire à compter du 3 mars 2016 ; que dans ces conditions, la société bailleresse pouvait renoncer au bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire et qu'elle l'a fait dans des délais permettant à la société locataire de revenir sur sa décision de quitter les lieux ; que le bail liant les parties s'est donc poursuivi ; que la date de prise d'effet du bail est le 15 mai 2013 et que celui-ci précisait que le preneur renonçait à la faculté de résiliation à la fin de la première période triennale et qu'il ne disposerait de son droit de résiliation qu'à la fin de la sixième année suivant la date de prise d'effet du bail ; que la décision de la société locataire de quitter les lieux et de remettre les clés, s'analyse en une décision unilatérale de résiliation, alors même que cette société ne pouvait pas mettre fin au bail avant le mois de mai 2019 ; que le bail s'étant poursuivi la société locataire restait tenue au paiement des loyers et charges échus, jusqu'à ce qu'il soit mis fin au bail par la délivrance d'un congé ou par l'acceptation par la société bailleresse de cette résiliation unilatérale de la société locataire ; qu'en l'espèce, la société bailleresse déclare expressément accepter la résiliation unilatérale du bail par la société locataire au 1er juillet 2018 ; qu'il convient à ce propos de souligner que le temps nécessaire à la relocation est sans incidence, puisque la société bailleresse mise devant le fait accompli par la société locataire, n'était pas tenue de relouer les locaux avant le terme du bail, à défaut d'un congé régulièrement délivré par la société locataire ; qu'en conséquence, il y a lieu de condamner la société C & A FRANCE à payer à la société AEROVILLE la somme de 3.435.853,66 euros T.T.C., montant des loyers et charges dus pour la période écoulée entre le 4 mars 2016 et le 30 juin 2018 ; 1. ALORS QU'il n'est plus au pouvoir du bailleur de renoncer à l'application de la clause résolutoire, même si elle est stipulée dans son intérêt exclusif, « si bon lui semble », après avoir saisi le juge des référés, afin qu'il en constate l'acquisition ; qu'en décidant, à l'inverse, qu'il était au pouvoir du bailleur de renoncer à l'application de la clause résolutoire dont il avait sollicité du juge des référés qu'il en constate l'acquisition tant qu'il n'avait pas procédé à son exécution forcée, après avoir rappelé que la clause résolutoire était stipulée dans l'intérêt exclusif du bailleur « si bon lui semble » et qu'il conservait la liberté de poursuivre ou non à ses risques et périls l'exécution du titre provisoire qui lui avait ainsi été délivré, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure applicable au litige et l'article 503 du code de procédure civile ; 2. ALORS si tel n'est pas le cas QU'à supposer que le bailleur n'ait pas renoncé à se prévaloir de la clause résolutoire stipulée « si bon lui semble » par la saisine du juge des référés pour qu'il en constate l'acquisition, il n'est plus en son pouvoir de renoncer à son application en poursuivant l'exécution forcée du bail, une fois qu'il a été statué sur l'acquisition de la clause résolutoire par une décision passée en force de chose jugée, peu important que le juge des référés ait suspendu les effets à la condition que le preneur s'acquitte de l'arriéré de loyers et des loyers courants aux dates qu'il fixe ; qu'en décidant que la signification par le bailleur de l'ordonnance du 27 novembre 2015 était équivoque en raison des délais de paiement consentis à la société C & A FRANCE dans l'ordonnance et qu'elle n'emportait pas renonciation de sa part à se prévaloir de l'application de la clause résolutoire dès lors que cette signification, quand elle était passée en force de chose jugée, au jour où le bailleur a renoncé à la clause résolutoire, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure applicable au litige, et les articles 500 et 501 du code de procédure civile ; 3. ALORS si tel n'est pas non plus le cas QUE l'acquisition de la clause résolutoire met irrévocablement fin au bail commercial dont le bailleur ne peut plus poursuivre l'exécution forcée dès lors que le preneur n'a pas respecté l'échéancier fixé par le juge dans une ordonnance suspendant les effets de la clause résolutoire et revêtue de la force de chose jugée ; qu'il s'ensuit qu'il n'est pas au pouvoir du bailleur de renoncer au bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire, même si elle est stipulée dans son intérêt exclusif, « si bon lui semble », dès lors que le preneur ne s'est pas libéré des arriérés de loyers et des loyers courants dans les conditions fixées par l'ordonnance suspendant les effets de la clause résolutoire ; qu'en considérant cependant qu'il était encore au pouvoir du bailleur de renoncer au bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans l'intérêt exclusif du bailleur « si bon lui semble », en s'abstenant d'engager aucun acte d'exécution forcée, quand le bailleur ne pouvait pas imposer au preneur la poursuite d'un contrat qui avait pris fin automatiquement par le défaut de règlement du loyer courant exigible à terme exacte échéance dans les conditions de l'ordonnance du 27 novembre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure applicable au litige ; 4. ALORS QUE le juge doit respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant de sa propre initiative le moyen tiré de ce que la société AEROVILLE n'a pas envoyé de mise en demeure préalable à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire dans les conditions fixées par l'ordonnance du 27 novembre 2015 suspendant les effets de la clause résolutoire pour avoir été délivrée avant même que les délais accordés n'aient commencé à courir, le paiement de la première échéance sur l'arriéré étant fixé au 10 janvier 2016, la cour d'appel qui n'a pas invité les parties à débattre de ce moyen relevé d'office, a méconnu les exigences de l'article 16 du code de procédure civile ; 5. ALORS QU'il est interdit aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ; qu'il ressort des termes clairs et précis de l'ordonnance du 10 janvier 2016 qu'« à défaut de paiement d'une seule mensualité sur arriéré ou du paiement du loyer courant au terme exact, et huit jours après l'envoi d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, le solde de la dette deviendra immédiate exigible et la clause résolutoire sera acquise » ; qu'il s'ensuit que le loyer courant est exigible à terme exact, à la différence des versements mensuels sur arriéré qui sont exigibles à la date du 10 de chaque mois ; qu'en affirmant que la mise en demeure du 8 janvier 2016 n'entrait pas dans les prévisions de l'ordonnance du 27 novembre 2015 pour avoir été envoyée deux jours avant la date du 10 janvier 2016, du moment que l'ordonnance de référé du 27 novembre 2015 imposait à la société C & A FRANCE de s'acquitter du loyer courant et des mensualités sur arriéré à cette date, quand le loyer courant était exigible au terme exact, à la différence de chaque versement mensuel sur arriéré, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'ordonnance du 27 novembre 2015, en violation de l'article 4 du code de procédure civile et du principe précité ; 6. ALORS QU'aux termes de l'ordonnance de référé du 27 novembre 2015, « à défaut de paiement d'une seule mensualité sur arriéré ou du paiement du loyer au terme courant au terme exact, et huit jours après l'envoi d'une mise en demeure adressée par lettre recommandé avec accusé de réception, le solde de la dette deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire sera acquise » ; que la mise en demeure étant un acte réceptice, elle ne produit effet qu'à la condition qu'elle ait été portée à la connaissance de son destinataire ; qu'en se déterminant en considération de la date d'envoi de la mise en demeure, antérieurement à la date du terme de la première échéance fixée deux jours plus tard au 10 janvier 2016, pour dénier tout effet à la mise en demeure envoyée deux jours avant la date de paiement de la première échéance sur arriérés, la cour d'appel qui n'a pas vérifié que la première échéance était exigible à la date de réception de la mise en demeure par la société C & A FRANCE, a violé les articles 1134, 1184 et 1351 du code civil dans leur rédaction antérieure applicable en l'espèce, ensemble l'article L. 145-41 du code de commerce ; 7. ALORS QUE même délivrée pour une date prématurée, la mise en demeure prend effet à la date à laquelle elle aurait dû être envoyée ; qu'il s'ensuit qu'à le supposé prématuré, le courrier adressé le 8 janvier 2016 n'avait pas moins vocation à prendre effet le 10 janvier suivant, date à laquelle la première échéance était exigible ; qu'en se déterminant sur la seule considération de la date d'envoi du premier courrier, antérieurement à la date d'exigibilité de la première échéance, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure applicable en l'espèce ; 8. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; que la cour d'appel qui retient, d'une part, que la société AEROVILLE n'a pas mis en demeure la société C & A FRANCE dans les termes de l'ordonnance de référé du 27 novembre 2015 pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, à défaut de lui avoir envoyé un premier courrier après l'échéance du terme marquant l'exigibilité du premier des vingt-quatre versements (arrêt attaqué, p. 6, 6ème alinéa), et qui constate, de l'autre, que la société AEROVILLE a renoncé au bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire, ce qui implique nécessairement qu'elle était effectivement intervenue, en dépit de l'envoi prématuré d'une mise en demeure, s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 9. ALORS si tel n'est pas le cas QU'en décidant que la société AEROVILLE n'avait pas mis en demeure la société C & A FRANCE dans les termes de l'ordonnance de référé du 27 novembre 2015 pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, à défaut de lui avoir envoyé un premier courrier après l'échéance du terme marquant l'exigibilité du premier des vingt-quatre versements (arrêt attaqué, p. 6, 6ème alinéa), tout en relevant que la clause résolutoire eut été acquise si la société AEROVILLE n'y avait pas renoncé, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce. SECOND MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société C & A FRANCE à rembourser à la société AEROVILLE la somme de 276.000 € T.T.C. au titre de la participation du bailleur aux travaux du preneur ; AUX MOTIFS QUE la société AEROVILLE sollicite la condamnation de la société C & A FRANCE à lui payer la somme de 276.000 € T.T.C. représentant sa participation aux travaux immobiliers du preneur et l'infirmation, sur ce point, du jugement entrepris qui l'a déboutée de ce chef de demande ; que la société C & A FRANCE conclut à la confirmation du jugement entrepris qui a débouté la société bailleresse de cette demande ; que l'article 8 du bail, stipule que "Le Bailleur participera au financement des travaux strictement immobiliers du Preneur à hauteur d'un montant forfaitaire maximum global de 230.000 € HT (...). Si nonobstant les stipulations du bail relatives à la période ferme de celui-ci du présent bail, le Preneur entendait libérer les locaux loués avant la date convenue, à quelque titre que ce soit, le Preneur devra rembourser au Bailleur le montant de cette participation, cette dernière ayant été consentie en contrepartie de la période ferme du bail" ; que le présent bail a pris fin en raison de sa résiliation unilatérale par le preneur acceptée par le bailleur au cours de la période ferme pour laquelle le bail avait été conclu ; que, dans ces conditions, en application de la clause le bailleur est bien fondé à solliciter le remboursement des sommes engagées à ce titre et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ; ALORS QU'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à venir sur le premier moyen de cassation emportera l'annulation des dispositions visées par le second moyen de cassation, dès lors que l'acquisition de la clause résolutoire s'oppose au remboursement du prix des travaux payés par le bailleur, lequel est subordonné à la condition que le preneur entende libérer les locaux loués avant la date convenue, à quelque titre que ce soit, en application de l'article 8 du bail.
Lorsqu'une ordonnance de référé ayant suspendu les effets d'une clause résolutoire inscrite dans un bail commercial en accordant des délais de paiement au locataire est passée en force de chose jugée et en l'absence de décision contraire statuant au principal, le bailleur ne peut plus, en cas de non-respect par le preneur des délais de paiement conditionnant la suspension des effets de la clause, demander unilatéralement l'exécution du bail résilié
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 octobre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 735 FS-P+B+I Pourvoi n° P 19-20.443 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020 M. Q... U..., domicilié [...] , exerçant sous l'enseigne Caveau des Vins, [...] a formé le pourvoi n° P 19-20.443 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société de La Cadène, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. U..., de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société de La Cadène, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MME Andrich, MM. Barbieri, Jessel, David, Mme Abgrall-Bauge, conseillers, MM. Béghin, Jariel, Mme Schmitt, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 mai 2019), le 1er juin 2013, la société de La Cadène a consenti à M. U..., qui occupait déjà les lieux et qui avait renoncé à se prévaloir du droit au statut des baux commerciaux lui étant acquis à l'expiration du précédent bail dérogatoire, un bail pour une durée de vingt-quatre mois. Le 1er juin 2015, les parties ont conclu un nouveau bail dérogatoire courant jusqu'au 31 mai 2016. 2. Le 31 mars 2016, la société de La Cadène a informé M. U... de sa volonté de ne pas consentir un nouveau bail. 3. M. U... ayant revendiqué le droit au statut des baux commerciaux, la société de La Cadène l'a assigné en expulsion. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. U... fait grief à l'arrêt de le déclarer sans droit ni titre depuis le 1er juin 2016, alors « que le preneur acquiert son droit à la propriété commerciale à l'issue du bail dérogatoire, lorsqu'il justifie d'une entrée dans les lieux depuis au moins trois ans en application de l'article L. 145-5 du code de commerce en sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ; que, pour dire que M. U... n'avait pas acquis la propriété commerciale, la cour d'appel a retenu que les parties avaient conclu un bail dérogatoire le 1er juin 2013, d'une durée de 24 mois, puis un nouveau bail dérogatoire le 1er juin 2015, d'une durée de 12 mois, ce dont elle a déduit que la durée globale des baux successifs n'excédait pas la durée maximale de trois ans ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que M. U... justifiait d'une entrée dans les lieux antérieure au 1er juin 2013, ce dont il résultait que le preneur avait acquis la propriété commerciale à la date du 1er juin 2016 et qu'il n'était pas, en conséquence, occupant sans droit, ni titre, à cette date, la cour d'appel a violé l'article susvisé. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 145-5 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014 : 5. La loi du 18 juin 2014 a ajouté à l'article L. 145-5 du code de commerce une disposition selon laquelle les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l'expiration d'une durée de trois ans que ne peuvent excéder les baux dérogatoires successifs. 6. Selon ce texte, les parties ne peuvent pas conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l'expiration d'une durée totale de trois ans que ne peuvent excéder les baux dérogatoires successifs et qui court dès la prise d'effet du premier bail dérogatoire, même si le preneur a renoncé, à l'issue de chaque bail dérogatoire, à l'application du statut des baux commerciaux. 7. En application de l'article 21 II de la loi du 18 juin 2014, les baux dérogatoires conclus à compter du 1er septembre 2014 sont soumis au nouvel article L. 145-5 du code de commerce. 8. Pour déclarer M. U... occupant sans droit ni titre, après avoir constaté que, le 1er juin 2013, les parties avaient conclu un nouveau bail dérogatoire stipulant que M. U..., qui était dans les lieux en exécution d'un précédent bail dérogatoire, renonçait expressément à se prévaloir du statut des baux commerciaux et que la régularité de cet acte n'était pas contestée, l'arrêt retient qu'à cette date, les parties pouvaient conclure un bail dérogatoire de deux ans sans que l'antériorité du bail précédent n'ait à être prise en compte, que la loi du 18 juin 2014, n'ayant pas d'effet rétroactif, n'a pas remis en cause la situation antérieure de sorte que ne pouvait être prise en compte l'occupation réelle des lieux avant le 1er juin 2013 et le bail conclu le 1er juin 2015, d'une durée d'un an, avait pour effet de porter la durée cumulée des baux pouvant être retenue à trente-six mois, soit la durée maximale désormais autorisée. 9. En statuant ainsi, alors que, pour pouvoir déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux, le bail conclu le 1er juin 2015, postérieurement à l'entrée en vigueur du nouvel article L. 145-5 du code de commerce issu de la loi du 18 juin 2014, devait répondre aux exigences de ce texte et, par suite, ne pas avoir une durée cumulée avec celle des baux dérogatoires conclus précédemment pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux de plus de trois ans courant à compter de la date d'effet du premier bail dérogatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société de La Cadène aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société de La Cadène à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. U.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR constaté que le bail du 1er juin 2015 est arrivé à échéance au 31 mai 2016 et que la SCI La Cadène n'a pas renouvelé le bail et a renoncé sans équivoque au statut des baux commerciaux, en application de l'article L. 145-5 du code de commerce, d'AVOIR déclaré M. U... occupant sans droit ni titre des locaux situés [...] , depuis le 1er juin 2016 et d'AVOIR, en conséquence, ordonné l'expulsion de M. U... desdits locaux ainsi que de tout occupant de son chef, dans les huit jours de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une durée d'un mois, dit que l'huissier chargé de la libération des lieux pourra se faire assister d'un serrurier et de la force publique si besoin, et condamné M. U... à payer à la SCI La Cadène une indemnité d'occupation mensuelle égale à 1.142 euros, à compter du 1er juin 2016 et jusqu'à évacuation des lieux ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, pour conclure à la réformation du jugement, M. U... se prévaut des dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce telles qu'issues de la loi du 18 juin 2014 dite loi Pinel ; qu'il soutient que si cette loi n'a pas de caractère rétroactif, la convention du 1er juin 2015 a été signée postérieurement à son entrée en vigueur de sorte qu'elle trouvait bien à s'appliquer et qu'il devait à cette date être tenu compte de la durée totale d'occupation des lieux ; qu'il soutient ainsi qu'au 1er juin 2015 il ne pouvait plus être signé de bail dérogatoire ; que d'un point de vue factuel, il apparaît en premier lieu que M. U... ne justifie pas de la continuité de sa présence dans les lieux ; que s'il invoque une succession de baux dérogatoires, il ne produit en réalité que le bail du 2 juin 1997 ; que, de cet acte, il résulte que M. U... bénéficiait du statut des baux commerciaux aux termes d'un acte du 31 mai 1995 et qu'il y avait expressément renoncé pour la conclusion d'un bail dérogatoire de 24 mois devant prendre fin le 31 mai 1999 ; qu'il invoque ensuite une succession de baux dérogatoires d'une durée de deux ans mais sans les produire, étant toutefois observé que l'existence de ces actes successifs n'est pas contestée en elle-même ; que selon acte du 1er juin 2013, les parties ont conclu un nouveau bail dérogatoire, l'acte stipulant certes que M. U... était à cette date dans les lieux, à tout le moins depuis le point de départ du précédent bail dérogatoire, mais également qu'il renonçait de manière expresse à se prévaloir du statut des baux commerciaux ; que la régularité de cet acte conclu avant la loi Pinel n'est pas contestée ; que M. U... soutient certes qu'il en résulte une fiction de son entrée dans les lieux mais il n'en demeure pas moins que c'est l'entrée dans les lieux au sens juridique qui doit être retenue puisque M. U..., dans l'acte du 1er juin 2013, avait bien renoncé au statut des baux commerciaux, droit. qu'il avait acquis ce 1er juin 2013 ainsi que rappelé à l'acte ; que c'est ainsi un nouveau droit qui lui était concédé, sans antériorité, et pour une période de 24 mois ; que c'est dans ces conditions que la loi Pinel a été adoptée ; qu'elle s'appliquait dès son entrée en vigueur à la relation des parties mais sans avoir sur cette relation un effet rétroactif ; que dès lors, si les parties ne pouvaient plus, le 1er juin 2015, conclure un nouveau bail dérogatoire pour une période de 24 mois, puisque cela aurait conduit à une durée totale des baux successifs supérieure à trois ans, il n'en demeure pas moins que cette loi n'emportait pas une requalification de la situation antérieure et donc la prise en compte d'une occupation réelle des lieux avant le 1er juin 2013 ; que dès lors, sans qu'il y ait lieu de solliciter l'avis de la Cour de cassation, le débat ne relevant pas d'une question nouvelle présentant une difficulté sérieuse, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que le bail du 1er juin 2015 ne contrevenait pas à la loi nouvelle ; qu'en effet, ce bail d'une durée de douze mois avait pour effet de porter la durée cumulée des baux pouvant être retenue à trente six mois, c'est-à-dire le cumul maximum désormais autorisé ; qu'il a été régulièrement dénoncé comme bail dérogatoire de sorte que M. U... était occupant sans droit ni titre à compter du 1er juin 2016 et qu'il y avait lieu d'ordonner son expulsion ; que M. U... ne peut prétendre à la rupture abusive d'un bail commercial puisque ce n'est pas d'un bail relevant du statut qu'il était titulaire mais bien d'un bail dérogatoire venu à son terme et pour lequel il a fait l'objet d'un commandement de quitter les lieux à la date de ce terme ; que les demandes principales de M. U... tendant à être remis en possession de son bail commercial sont ainsi mal fondées en l'absence de propriété commerciale ; que les demandes subsidiaires tenant aux conséquences de son départ des lieux au 27 janvier 2017 le sont également puisqu'il fonde ses prétentions sur la perte de la propriété commerciale et la privation d'exploiter pendant le reste de la durée d'un bail de neuf ans, fondement qui ne peut être admis dans le cadre d'un bail reconnu comme dérogatoire ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ; qu'il n'y a pas davantage lieu d'ordonner la production d'un acte authentique de vente dont l'intimée soutient qu'il n'existe pas et dont il ne saurait être tiré aucune conséquence ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la fin du bail signé le 1er juin 2015 et la demande d'expulsion sous astreinte : l'article L. 145-5 du code de commerce dispose que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que Ia durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans ; qu'à l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux ; que si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre ; qu'il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local ; qu'en l'espèce, il résulte clairement des pièces versées aux débats que les parties, en relation d'affaires depuis de nombreuses années, ont clairement favorisé la succession de baux de courte durée, en renonçant sans équivoque, au statut protecteur des baux commerciaux, ainsi que le permettait l'état du droit antérieurement à la loi dite Pinel du 18 juin 2014, dont l'esprit et la lettre viennent encadrer la gestion des baux de courte durée dérogatoire tant pour le bailleur que le preneur ; que le bail litigieux est intervenu postérieurement à la loi Pinel et son économie même traduit sans équivoque possible la volonté des parties de se soumettre à ladite législation, en limitant le bail à la durée d'un an, pour demeurer dans les conditions édictées par l'alinéa 1 de l'article L 145-5 du code de commerce, et ne pas excéder la durée plafonnée à trois années prévue par les textes, au regard de la durée du bail précédent de deux années au cours duquel est intervenu le changement de législation ; qu'en application de l'article 2 du code civil, il y a lieu de rappeler que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; que dès lors, la durée cumulée des baux antérieurs à la date du 1er juin 2013 est indifférente à l'examen de l'affaire ; que les échanges préalables entre les parties sont éclairants sur le contexte et les pourparlers en cours quant à une vente des lieux loués, ce compris éventuellement entre elles, et traduisent clairement la volonté de mettre fin au renouvellement du bail à échéance ; que cette manifestation de volonté n'a pas été contredite ultérieurement, la SCI La Cadène faisant savoir clairement qu'elle ne donnait pas suite à la proposition d'achat de M. U... dès le 27 février 2016 et donnait congé suivant acte du 31 mars 2016 ; que le bailleur a, dès février 2016, fait connaître à son locataire son intention de récupérer les locaux loués en vue de les vendre à échéance, et, a, dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 145-5 du code de commerce, fait connaître à celui-ci qu'il ne comptait pas le laisser en possession des lieux par acte d'huissier en date du 7 juin 2016 lui commandant de quitter les lieux, sans équivoque possible ; que la renonciation au statut des baux commerciaux par le bailleur est par conséquent certaine, non équivoque et régulière, puisqu'effectuée dans le délai légal et n'ouvre aucun droit au locataire, en application du contrat de louage signé entre les parties, lequel a pris fin par l'arrivée de l'échéance, en application de l'article 1137 du code civil, la SCI La Cadène rapportant suffisamment la preuve qu'elle a notifié à son locataire sa volonté de le voir quitter les lieux en qualité de locataire à l'expiration du bail ; que dès lors, il ne peut qu'être fait droit à la demande d'expulsion de M. U... qui se maintient dans les lieux, sans droit ni titre, à compter du 1er juin 2016, de fixation d'indemnité d'occupation à hauteur du montant du loyer soit 1.142 euros par mois jusqu'à évacuation des lieux et d'astreinte à hauteur de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision et sur un délai d'un mois ; que sur l'allocation de dommages et intérêts pour résistance abusive : il n'est pas rapporté la preuve d'un préjudice certain et actuel ouvrant droit à indemnisation ; que la demande à ce titre sera rejetée ; qu'il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire au regard du délai écoulé depuis l'expiration du bail à durée déterminée ; 1°) ALORS QUE le preneur acquiert son droit à la propriété commerciale à l'issue du bail dérogatoire, lorsqu'il justifie d'une entrée dans les lieux depuis au moins trois ans en application de l'article L. 145-5 du code de commerce en sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ; que, pour dire que M. U... n'avait pas acquis la propriété commerciale, la cour d'appel a retenu que les parties avaient conclu un bail dérogatoire le 1er juin 2013, d'une durée de 24 mois, puis un nouveau bail dérogatoire le 1er juin 2015, d'une durée de 12 mois, ce dont elle a déduit que la durée globale des baux successifs n'excédait pas la durée maximale de trois ans ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que M. U... justifiait d'une entrée dans les lieux antérieure au 1er juin 2013, ce dont il résultait que le preneur avait acquis la propriété commerciale à la date du 1er juin 2016 et qu'il n'était pas, en conséquence, occupant sans droit, ni titre, à cette date, la cour d'appel a violé l'article susvisé ; 2°) ET ALORS, subsidiairement, QUE la fraude commise lors de la conclusion de baux dérogatoires successifs interdit au bailleur de se prévaloir de la renonciation du preneur au droit à la propriété commerciale ; qu'en opposant dès lors à M. U... sa renonciation, dans l'acte du 1er juin 2013, au bénéfice du statut des baux commerciaux, qu'il avait acquis à cette date, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause de renonciation au statut n'avait pas été imposée au preneur à bail en fraude de ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-5 du code de commerce en sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR constaté que le bail du 1er juin 2015 est arrivé à échéance au 31 mai 2016 et que la SCI La Cadène n'a pas renouvelé le bail et a renoncé sans équivoque au statut des baux commerciaux, en application de l'article L. 145-5 du code de commerce, d'AVOIR déclaré M. U... occupant sans droit ni titre des locaux situés [...] , depuis le 1er juin 2016 et d'AVOIR, en conséquence, ordonné l'expulsion de M. U... desdits locaux ainsi que de tout occupant de son chef, dans les huit jours de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une durée d'un mois, dit que l'huissier chargé de la libération des lieux pourra se faire assister d'un serrurier et de la force publique si besoin, et condamné M. U... à payer à la SCI La Cadène une indemnité d'occupation mensuelle égale à 1.142 euros, à compter du 1er juin 2016 et jusqu'à évacuation des lieux ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, pour conclure à la réformation du jugement, M. U... se prévaut des dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce telles qu'issues de la loi du 18 juin 2014 dite loi Pinel ; qu'il soutient que si cette loi n'a pas de caractère rétroactif, la convention du 1er juin 2015 a été signée postérieurement à son entrée en vigueur de sorte qu'elle trouvait bien à s'appliquer et qu'il devait à cette date être tenu compte de la durée totale d'occupation des lieux ; qu'il soutient ainsi qu'au 1er juin 2015 il ne pouvait plus être signé de bail dérogatoire ; que d'un point de vue factuel, il apparaît en premier lieu que M. U... ne justifie pas de la continuité de sa présence dans les lieux ; que s'il invoque une succession de baux dérogatoires, il ne produit en réalité que le bail du 2 juin 1997 ; que, de cet acte, il résulte que M. U... bénéficiait du statut des baux commerciaux aux termes d'un acte du 31 mai 1995 et qu'il y avait expressément renoncé pour la conclusion d'un bail dérogatoire de 24 mois devant prendre fin le 31 mai 1999 ; qu'il invoque ensuite une succession de baux dérogatoires d'une durée de deux ans mais sans les produire, étant toutefois observé que l'existence de ces actes successifs n'est pas contestée en elle-même ; que selon acte du 1er juin 2013, les parties ont conclu un nouveau bail dérogatoire, l'acte stipulant certes que M. U... était à cette date dans les lieux, à tout le moins depuis le point de départ du précédent bail dérogatoire, mais également qu'il renonçait de manière expresse à se prévaloir du statut des baux commerciaux ; que la régularité de cet acte conclu avant la loi Pinel n'est pas contestée ; que M. U... soutient certes qu'il en résulte une fiction de son entrée dans les lieux mais il n'en demeure pas moins que c'est l'entrée dans les lieux au sens juridique qui doit être retenue puisque M. U..., dans l'acte du 1er juin 2013, avait bien renoncé au statut des baux commerciaux, droit qu'il avait acquis ce 1er juin 2013 ainsi que rappelé à l'acte ; que c'est ainsi un nouveau droit qui lui était concédé, sans antériorité, et pour une période de 24 mois ; que c'est dans ces conditions que la loi Pinel a été adoptée ; qu'elle s'appliquait dès son entrée en vigueur à la relation des parties mais sans avoir sur cette relation un effet rétroactif ; que dès lors, si les parties ne pouvaient plus, le 1er juin 2015, conclure un nouveau bail dérogatoire pour une période de 24 mois, puisque cela aurait conduit à une durée totale des baux successifs supérieure à trois ans, il n'en demeure pas moins que cette loi n'emportait pas une requalification de la situation antérieure et donc la prise en compte d'une occupation réelle des lieux avant le 1er juin 2013 ; que dès lors, sans qu'il y ait lieu de solliciter l'avis de la Cour de cassation, le débat ne relevant pas d'une question nouvelle présentant une difficulté sérieuse, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que le bail du 1er juin 2015 ne contrevenait pas à la loi nouvelle ; qu'en effet, ce bail d'une durée de douze mois avait pour effet de porter la durée cumulée des baux pouvant être retenue à trente six mois, c'est-à-dire le cumul maximum désormais autorisé ; qu'il a été régulièrement dénoncé comme bail dérogatoire de sorte que M. U... était occupant sans droit ni titre à compter du 1er juin 2016 et qu'il y avait lieu d'ordonner son expulsion ; que M. U... ne peut prétendre à la rupture abusive d'un bail commercial puisque ce n'est pas d'un bail relevant du statut qu'il était titulaire mais bien d'un bail dérogatoire venu à son terme et pour lequel il a fait l'objet d'un commandement de quitter les lieux à la date de ce terme ; que les demandes principales de M. U... tendant à être remis en possession de son bail commercial sont ainsi mal fondées en l'absence de propriété commerciale ; que les demandes subsidiaires tenant aux conséquences de son départ des lieux au 27 janvier 2017 le sont également puisqu'il fonde ses prétentions sur la perte de la propriété commerciale et la privation d'exploiter pendant le reste de la durée d'un bail de neuf ans, fondement qui ne peut être admis dans le cadre d'un bail reconnu comme dérogatoire ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ; qu'il n'y a pas davantage lieu d'ordonner la production d'un acte authentique de vente dont l'intimée soutient qu'il n'existe pas et dont il ne saurait être tiré aucune conséquence ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la fin du bail signé le 1er juin 2015 et la demande d'expulsion sous astreinte : l'article L. 145-5 du code de commerce dispose que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que Ia durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans ; qu'à l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux ; que si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre ; qu'il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local ; qu'en l'espèce, il résulte clairement des pièces versées aux débats que les parties, en relation d'affaires depuis de nombreuses années, ont clairement favorisé la succession de baux de courte durée, en renonçant sans équivoque, au statut protecteur des baux commerciaux, ainsi que le permettait l'état du droit antérieurement à la loi dite Pinel du 18 juin 2014, dont l'esprit et la lettre viennent encadrer la gestion des baux de courte durée dérogatoire tant pour le bailleur que le preneur ; que le bail litigieux est intervenu postérieurement à la loi Pinel et son économie même traduit sans équivoque possible la volonté des parties de se soumettre à ladite législation, en limitant le bail à la durée d'un an, pour demeurer dans les conditions édictées par l'alinéa 1 de l'article L 145-5 du code de commerce, et ne pas excéder la durée plafonnée à trois années prévue par les textes, au regard de la durée du bail précédent de deux années au cours duquel est intervenu le changement de législation ; qu'en application de l'article 2 du code civil, il y a lieu de rappeler que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; que dès lors, la durée cumulée des baux antérieurs à la date du 1er juin 2013 est indifférente à l'examen de l'affaire ; que les échanges préalables entre les parties sont éclairants sur le contexte et les pourparlers en cours quant à une vente des lieux loués, ce compris éventuellement entre elles, et traduisent clairement la volonté de mettre fin au renouvellement du bail à échéance ; que cette manifestation de volonté n'a pas été contredite ultérieurement, la SCI La Cadène faisant savoir clairement qu'elle ne donnait pas suite à la proposition d'achat de M. U... dès le 27 février 2016 et donnait congé suivant acte du 31 mars 2016 ; que le bailleur a, dès février 2016, fait connaître à son locataire son intention de récupérer les locaux loués en vue de les vendre à échéance, et, a, dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 145-5 du code de commerce, fait connaître à celui-ci qu'il ne comptait pas le laisser en possession des lieux par acte d'huissier en date du 7 juin 2016 lui commandant de quitter les lieux, sans équivoque possible ; que la renonciation au statut des baux commerciaux par le bailleur est par conséquent certaine, non équivoque et régulière, puisqu'effectuée dans le délai légal et n'ouvre aucun droit au locataire, en application du contrat de louage signé entre les parties, lequel a pris fin par l'arrivée de l'échéance, en application de l'article 1137 du code civil, la SCI La Cadène rapportant suffisamment la preuve qu'elle a notifié à son locataire sa volonté de le voir quitter les lieux en qualité de locataire à l'expiration du bail ; que dès lors, il ne peut qu'être fait droit à la demande d'expulsion de M. U... qui se maintient dans les lieux, sans droit ni titre, à compter du 1er juin 2016, de fixation d'indemnité d'occupation à hauteur du montant du loyer soit 1.142 euros par mois jusqu'à évacuation des lieux et d'astreinte à hauteur de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision et sur un délai d'un mois ; que sur l'allocation de dommages et intérêts pour résistance abusive : il n'est pas rapporté la preuve d'un préjudice certain et actuel ouvrant droit à indemnisation ; que la demande à ce titre sera rejetée ; qu'il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire au regard du délai écoulé depuis l'expiration du bail à durée déterminée ; ALORS QUE, nonobstant la succession des baux dérogatoires et la renonciation du preneur, dans chacun de ceux-ci, au bénéfice du statut des baux commerciaux, de laquelle il résulte la fiction d'une nouvelle entrée dans les lieux à la date de chacun des nouveaux baux dérogatoires, l'entrée dans les lieux du preneur s'entend de la prise de possession initiale du local et doit, en conséquence, être fixée au premier jour du premier des baux dérogatoires successifs ; qu'en retenant au contraire que, par l'effet de la clause de renonciation au statut des baux commerciaux insérée dans le bail dérogatoire du 1er juin 2013, il convenait de retenir une entrée dans les lieux de M. U... à cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 145-5 du code de commerce.
En application de l'article L. 145-5 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l'expiration d'une durée totale de trois ans que ne peuvent excéder les baux dérogatoires successifs et qui court dès la prise d'effet du premier bail dérogatoire, même si le preneur a renoncé, à l'issue de chaque bail dérogatoire, à l'application du statut des baux commerciaux. Il s'ensuit que, pour pouvoir déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux, les baux dérogatoires conclus à compter du 1er septembre 2014 ne doivent pas avoir une durée cumulée avec celle des baux dérogatoires conclus précédemment pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux de plus de trois ans courant à compter de la date d'effet du premier bail dérogatoire
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COMM. MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Rejet M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 546 F-P+B Pourvoi n° K 19-11.700 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 La société financière Antilles Guyane (SOFIAG), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-11.700 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme M... C..., domiciliée [...] , 2°/ à M. R... C..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société financière Antilles Guyane, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme M... C..., et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 12 novembre 2018), par un acte sous seing privé du 7 juin 2004, la société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la SODEGA) a consenti à la société Compagnie Générale de Torréfaction (la société) un prêt d'un montant de 100 000 euros. Par un acte du même jour, Mme M... C..., épouse X..., et M. R... C... se rendus cautions de ce prêt. 2. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 27 juillet et 23 novembre 2006, la société financière Antilles Guyane (la SOFIAG), venant aux droits de la SODEGA, a assigné Mme M... C... et M. R... C..., en exécution de leurs engagements. Les cautions ont demandé, reconventionnellement, l'annulation de ceux-ci sur le fondement des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La SOFIAG fait grief à l'arrêt d'annuler l'acte de cautionnement du 7 juin 2014, alors : « 1° / que les erreurs qui n'affectent ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par le code de la consommation ni n'en rendent la compréhension plus difficile pour la caution n'affectent pas la validité du cautionnement ; qu'en jugeant au contraire que la mention "Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 €) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents" était nulle pour ne pas correspondre pas aux mentions manuscrites exigées par le code de la consommation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les erreurs affectaient le sens, la portée ou la compréhension de la mention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause ; 2°/ que la nullité automatique du cautionnement pour non-respect du formalisme cause une atteinte disproportionnée au droit de propriété du créancier bénéficiaire de la sûreté ; qu'en jugeant que le cautionnement était nul au motif que " le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation n'a pas été respecté", quand cette nullité n'était pas justifiée par la protection de l'intégrité du consentement des cautions, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour 4. D'une part, après avoir relevé que Mme M... C... et M. R... C... ont, dans l'acte de cautionnement du 7 juin 2004, fait précéder leurs signatures de la mention manuscrite suivante : « Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents », l'arrêt en déduit exactement que le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, n'a pas été respecté, dès lors que la mention manuscrite litigieuse ne comporte ni la durée du cautionnement, ni l'identité du débiteur principal et ne précise pas le sens de l'engagement, ni n'indique ce que signifie son caractère « solidaire ». L'arrêt retient, en outre, que l'adjectif « indivise » contribue à la confusion et à l'imprécision en ce qu'il constitue un ajout par rapport à la mention légale, et que, de plus, il est impropre, et, en tout état de cause, non défini. En l'état de ces éléments, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision. 5. D'autre part, la sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n'est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l'établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société financière Antilles Guyane (SOFIAG) aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société financière Antilles Guyane (SOFIAG) et la condamne à payer à Mme M... C... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société société financière Antilles Guyane (SOFIAG). Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait prononcé la nullité de l'acte du 7 juin 2014 par lequel Mme M... C... et M. R... C... se sont portés cautions solidaires auprès de la Sodega (devenue la Sofiag) de la SAS Compagnie générale de torréfaction pour le remboursement à la Sodega d'un emprunt de 100 000 euros et d'AVOIR en conséquence rejeté l'ensemble des demandes de la Sofiag ; AUX MOTIFS QUE Sur la nullité du cautionnement ; qu'aux termes de l'article L 341-2 du code de la consommation, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." ; que selon l'article L 341-3 de ce code, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2021 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X..." ; qu'en l'espèce Mme M... C... et M. R... C... ont, dans l'acte de cautionnement du 7 juin 2004, fait précéder leurs signatures de la mention manuscrite suivante : "Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) en capital augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents" ; qu'il s'ensuit que le formalisme des articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation n'a pas été respecté ; que ce formalisme est prescrit à peine de nullité ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a notamment prononcé la nullité de l'acte de cautionnement du 7 juin 2014 par lequel Mme M... C... et M. R... C... se sont portés cautions solidaires de la SAS Compagnie Générale de Torréfaction pour le remboursement à la SA SODEGA d'un emprunt de 100 000 euros et rejeté l'ensemble des demandes de la SAS SOFIAG ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Sur la nullité des cautionnements ; que selon l'article L. 341-2 du code de la consommation, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X— n'y satisfait pas lui-même." ; que selon l'article L. 341-3 du même code, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X..." ; qu'en l'espèce, dans l'acte de cautionnement du 7 juin 2004, les consorts C... ont écrit les mentions suivantes : "Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 €) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents" ; qu'or ces mentions manuscrites ne correspondent aucunement aux mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; que de fait, ces articles ne prévoient pas de marge de manoeuvre dans la rédaction, que ce soit pour l'une ou l'autre des mentions ; que dès lors, l'engagement de caution des consorts C... encourt la nullité ; qu'étant nul, il ne saurait servir de commencement de preuve par écrit pour démontrer un engagement ; que l'engagement de caution des consorts C... étant annulé, l'ensemble des demandes de la Sofiag fondées sur cet engagement seront rejetées ; 1°) ALORS QUE les erreurs qui n'affectent ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par le code de la consommation ni n'en rendent la compréhension plus difficile pour la caution n'affectent pas la validité du cautionnement ; qu'en jugeant au contraire que la mention « Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 €) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents » était nulle pour ne pas correspondre pas aux mentions manuscrites exigées par le code de la consommation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les erreurs affectaient le sens, la portée ou la compréhension de la mention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause ; 2°) ALORS QUE la nullité automatique du cautionnement pour non-respect du formalisme cause une atteinte disproportionnée au droit de propriété du créancier bénéficiaire de la sûreté ; qu'en jugeant que le cautionnement était nul au motif que « le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation n'a pas été respecté », quand cette nullité n'était pas justifiée par la protection de l'intégrité du consentement des cautions, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause.
La sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n'est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l'établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
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COMM. LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Rejet M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 553 F-P+B Pourvoi n° U 18-25.205 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 M. U... Q..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 18-25.205 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre B), dans le litige l'opposant à la Société marseillaise de crédit, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits du Crédit du Nord, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Fevre, conseiller, les observations de Me Brouchot, avocat de M. Q..., de la SARL Cabinet Briard, avocat de la Société marseillaise de crédit, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fevre, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Le 1er février 2010, la société Crédit du Nord aux droits de laquelle est venue la Société marseillaise de crédit (la banque) a consenti à la société Services funéraires méditerranéens un prêt de 170 000 euros pour lequel M. U... Q..., alors son gérant, s'est rendu caution solidaire dans la limite de 221 000 euros. 2. Se prévalant d'une créance impayée, la banque a assigné en paiement la société débitrice principale, ultérieurement mise en redressement puis liquidation judiciaire, et M. Q..., qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement et un manquement à son obligation de mise en garde. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. M. Q... fait grief à l'arrêt de retenir que son cautionnement n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus et de le condamner, en conséquence, à payer à la banque la somme de 114 240 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 3 avril 2014 alors « qu'un organisme dispensateur de crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de crédit, conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation, le caractère disproportionné d'un engagement de caution au regard de ses revenus et de son patrimoine s'appréciant au moment non seulement de la souscription du cautionnement, mais également à la date de sa mise en oeuvre par l'organisme prêteur, bénéficiaire de cet engagement de caution ; que, dans ses conclusions d'appel, M. Q... avait fait valoir le caractère disproportionné de son engagement de caution souscrit en 2010 lorsqu'il avait été mis en oeuvre par la Société marseillaise de crédit en 2013, au regard de ses ressources et de son patrimoine à cette époque ; qu'en énonçant que l'engagement de caution de M. Q... n'étant pas disproportionné lors de sa souscription en 2010, la SNC n'avait donc pas à démontrer que le patrimoine de ce dernier lui permettait d'exécuter son engagement lorsqu'il a été poursuivi, pour s'abstenir de procéder à la recherche qui lui était demandée quant à ce caractère disproportionné dudit engagement lorsqu'il avait été mis en oeuvre par la banque en 2013, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 313-10 et L. 341-4 du code de la consommation. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 alors applicable que, dès lors qu'un cautionnement conclu par une personne physique n'était pas, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le créancier peut s'en prévaloir sans être tenu de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée. 5. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6. M. Q... fait grief à l'arrêt de dire que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde envers lui et de le condamner, en conséquence, à payer à la banque la somme de 114 240 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 3 avril 2014 alors : « 1°/ que tout organisme dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde de la caution, lui imposant notamment de l'alerter sur le risque encouru de non-remboursement des échéances du prêt par l'emprunteur ; que, pour rejeter la demande formée par M. Q... de retenir la responsabilité pré-contractuelle de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde à son égard, en sa qualité de caution, la cour d'appel s'est fondée sur sa qualité de dirigeant de la société emprunteuse pendant plus de vingt ans ; qu'en se fondant ainsi sur un motif inopérant lié à la durée de la gestion de l'entreprise par M. Q..., impropre à établir que le crédit accordé à la société cautionnée en 2010 n'était pas excessif et que la banque n'avait commis aucun manquement à son obligation de mise en garde, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil applicable aux contrats et engagements souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°/ que le banquier est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution d'un prêt, lui imposant notamment de l'alerter sur le risque encouru de non-remboursement des échéances du prêt par l'emprunteur ; que, dans ses conclusions d'appel, M. Q... avait régulièrement exposé que le devoir de mise en garde comporte trois obligations à la charge du banquier dispensateur d'un crédit, parmi lesquelles le devoir d'alerter la caution sur le risque encouru de non-remboursement par l'emprunteur, pour demander en conséquence à la cour d'appel de constater la défaillance de la banque dans l'exécution de son obligation préalable d'information ; qu'en se fondant sur un motif inopérant tiré de l'absence de caractère disproportionné de l'engagement de caution de M. Q... lors de sa souscription en 2010 pour en déduire que la banque avait satisfait à son obligation préalable d'information, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à la recherche demandée quant à l'accomplissement par la banque de son obligation pré-contractuelle d'information sur le risque de non-remboursement encouru, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil applicable aux contrats et engagements souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°/ que, tout en constatant que la société Services funéraires méditerranéen, dont l'emprunt était cautionné par M. Q..., avait été placée en liquidation judiciaire deux ans seulement après la souscription dudit emprunt, la cour d'appel, qui n'a cependant pas retenu le caractère excessif de cet emprunt cautionné aux motifs inopérants que la société Services funéraires méditerranéen avait réglé les mensualités du prêt pendant plus de deux ans, jusqu'à l'ouverture de la liquidation judiciaire à l'origine de la déchéance des termes des prêts et que la procédure collective n'avait pas été provoquée par un incident de paiement d'une des mensualités de ces emprunts, n'a pas légalement justifié sa décision d'exonérer la banque de tout manquement à son devoir de mise en garde de M. Q... à raison du risque encouru par un endettement excessif de la société Services funéraires méditerranéen, au regard de l'article 1382 du code civil applicable aux contrats et engagements souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 7. Pour invoquer le manquement d'un établissement de crédit à son obligation de mise en garde envers elle, une caution, fût-elle non avertie, doit rapporter la preuve que son engagement n'est pas adapté à ses capacités financières personnelles ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur débiteur principal. 8. Ayant retenu, d'un côté, que la caution, qui ne prétendait pas que son engagement n'était pas adapté à ses propres capacités financières, ne produisait aucune pièce caractérisant l'existence d'un risque d'endettement de la société Services funéraires méditerranéens et, de l'autre, que, si cette société avait été mise en liquidation judiciaire deux ans après la souscription de l'emprunt, aucun incident de paiement n'avait été constaté avant la déchéance du terme provoqué par l'ouverture de la liquidation, la cour d'appel a, par ces seules constatations et appréciations, légalement justifié sa décision. 9. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. Q... et le condamne à payer à la Société marseillaise de crédit la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour M. Q... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. Q... à payer à la Société marseillaise de crédit la somme de 114.240 euros assortie des intérêts capitalisés au taux légal à compter du 3 avril 2014 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE M. Q... reproche à la Société marseillaise de crédit de ne pas s'être informée de la consistance des revenus et du patrimoine de la caution et de lui avoir fait souscrire un engagement disproportionné ; qu'en vertu de l'ancien article L. 341-4 du code de la consommation applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'une part, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution et, d'autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie ; que l'ancien article L. 341-4 précité devenu L. 332-1 et L. 343-3 du code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement ; que c'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ; qu'une fiche patrimoniale n'étant pas obligatoire, l'existence d'un tel document certifié exact par son signataire permet simplement à la banque, sauf anomalies apparentes, de s'y fier et la dispense de vérifier l'exactitude des déclarations de son client, lequel ne peut ensuite se prévaloir de leur fausseté pour échapper à ses obligations ; qu'en l'espèce, l'établissement bancaire a bien fait remplir une fiche de renseignements un peu plus de deux mois avant la signature du cautionnement litigieux, dont l'exactitude des renseignements contenus a été certifiée par M. Q... qui l'a signée le 24 novembre 2009 et qui a en outre précisé ne pas avoir connaissance d'autres charges que celles énoncées ; qu'il en ressort que l'appelant, gérant depuis plus de 20 ans de la société, percevait des revenus nets professionnels annuels de 40.000 euros et des revenus fonciers nets annuels de 43.700 euros, qu'il possédait un patrimoine immobilier de trois immeubles par le biais des SCI Roma, Jeamar et CFM, respectivement évalués à 2.400.000 euros, 120.000 euros et 1.900.000 euros et d'une valeur nette, déduction faite des capitaux restant dus de 330.000 euros, 29.000 euros et 583.000 euros au titre des prêts en cours nécessaires à leur acquisition, de 2.070.000 euros, 91.000 euros et 1.317.000 euros ; que les recherches de l'intimée ont mis en évidence que M. Q... est détenteur de 50 % des parts de la SCI Roma et d'un tiers de celles de la SCI CFM de sorte que son patrimoine peut être évalué à 1.565.000 euros ; que M. Q... a précisé dans la fiche qu'il s'était porté caution à hauteur de 50 %, de 100 % et de 30 % des trois prêts immobiliers des SCI précitées de sorte que le montant des cautionnements contractés s'élevait à 368 900 euros ; qu'il s'avère que l'appelant possédait également 50 % des parts des SCI Syo, Alhelo et Altheo ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'existe aucune disproportion manifeste entre le cautionnement de 221.000 euros souscrit le 21 février 2010, portant le montant total de ses engagements de caution à 589.900 euros, et les biens et revenus de l'appelant ; que l'intimée n'a donc pas à démontrer que le patrimoine de ce dernier lui permettait d'exécuter son engagement lorsqu'il a été poursuivi ; que, par conséquent, le moyen tiré de l'article L. 341-4 précité étant écarté, M. Q... ne peut être déchargé de ses obligations de caution ; ALORS QU'un organisme dispensateur de crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de crédit, conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation, le caractère disproportionné d'un engagement de caution au regard de ses revenus et de son patrimoine s'appréciant au moment non seulement de la souscription du cautionnement, mais également à la date de sa mise en oeuvre par l'organisme prêteur, bénéficiaire de cet engagement de caution ; que, dans ses conclusions d'appel, M. Q... avait fait valoir le caractère disproportionné de son engagement de caution souscrit en 2010 lorsqu'il avait été mis en oeuvre par la Société marseillaise de crédit en 2013, au regard de ses ressources et de son patrimoine à cette époque ; qu'en énonçant que l'engagement de caution de M. Q... n'étant pas disproportionné lors de sa souscription en 2010, la Société marseillaise de crédit n'avait donc pas à démontrer que le patrimoine de ce dernier lui permettait d'exécuter son engagement lorsqu'il a été poursuivi, pour s'abstenir de procéder à la recherche qui lui était demandée quant à ce caractère disproportionné dudit engagement lorsqu'il avait été mis en oeuvre par la banque en 2013, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 313-10 et L. 341-4 du code de la consommation. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, disant que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde, condamné M. Q... à payer à la Société marseillaise de crédit la somme de 114.240 euros assortie des intérêts capitalisés au taux légal à compter du 3 avril 2014 et d'AVOIR rejeté sa demande indemnitaire formée de ce chef à l'encontre de la Société marseillaise de crédit ; AUX MOTIFS PROPRES QUE le banquier dispensateur de crédit n'est tenu, au moment de la souscription du contrat litigieux, d'un devoir, non d'ailleurs de conseil, mais de mise en garde, qu'à la double condition que son cocontractant soit une personne non avertie et qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en l'espèce, nonobstant le fait qu'il était gérant depuis plus de 20 ans, l'appelant ne peut invoquer un risque d'endettement excessif au motif que la Société marseillaise de crédit n'aurait pas vérifié ses capacités financières ni recherché s'il pouvait supporter la charge de remboursement du prêt puisque son engagement de caution n'est pas disproportionné ; que, d'autre part, il ne produit aux débats aucune pièce venant caractériser d'une quelconque manière l'existence d'un risque d'endettement de la société Services funéraires méditerranéen qui, au contraire, a régulièrement réglé les mensualités de son prêt pendant plus de deux ans, jusqu'à l'ouverture de la liquidation judiciaire à l'origine de la déchéance des termes des prêts, étant souligné que la procédure collective n'a pas été provoquée par un incident de paiement d'une des mensualités de ces emprunts ; que l'intimée n'était donc pas tenue d'un devoir de mise en garde et le jugement doit être confirmé de ce chef ; et AUX MOTIFS ADOPTES QU'il appartient à tout créancier d'informer les cautions de l'étendue de leurs engagements et donc, par suite, de la situation financière de l'emprunteur cautionné et du risque de non-remboursement ; que, toutefois, pour que la banque soit tenue à l'égard de la caution d'une obligation de mise en garde, deux conditions doivent être satisfaites, à savoir que la caution doit être profane et que le crédit accordé à l'emprunteur profane doit être excessif au regard de ses capacités contributives et, ainsi, faire naître un risque exagéré de non-remboursement au détriment de la caution ; qu'il appartient à la caution de rapporter la preuve du risque d'endettement anormal ; qu'en l'espèce, au jour de la souscription de son engagement de caution, M. Q... était le gérant de la société Services funéraires méditerranéen ; que, par ailleurs, M. Q... ne démontre pas l'existence d'un risque d'endettement anormal dans la mesure où la société Services funéraires méditerranéen a remboursé le prêt normalement pendant plus de deux ans ; qu'en l'état de ces éléments, le manquement par la Société marseillaise de crédit à son obligation de mise en garde n'est pas établi et la demande indemnitaire formée par M. Q... de ce chef entre en voie de rejet ; 1°) ALORS QUE tout organisme dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde de la caution, lui imposant notamment de l'alerter sur le risque encouru de non-remboursement des échéances du prêt par l'emprunteur ; que, pour rejeter la demande formée par M. Q... de retenir la responsabilité précontractuelle de la Société marseillaise de crédit pour manquement à son devoir de mise en garde à son égard, en sa qualité de caution, la cour d'appel s'est fondée sur sa qualité de dirigeant de la société emprunteur pendant plus de vingt ans ; qu'en se fondant ainsi sur un motif inopérant lié à la durée de la gestion de l'entreprise par M. Q..., impropre à établir que le crédit accordé à la société cautionnée en 2010 n'était pas excessif et que la banque n'avait commis aucun manquement à son obligation de mise en garde, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil applicable aux contrats et engagements souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) ALORS QUE le banquier est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution d'un prêt, lui imposant notamment de l'alerter sur le risque encouru de non-remboursement des échéances du prêt par l'emprunteur ; que dans ses conclusions d'appel, M. Q... avait régulièrement exposé que le devoir de mise en garde comporte trois obligations à la charge du banquier dispensateur d'un crédit, parmi lesquelles le devoir d'alerter la caution sur le risque encouru de non-remboursement par l'emprunteur, pour demander en conséquence à la cour d'appel de constater la défaillance de la Société marseillaise de crédit dans l'exécution de son obligation préalable d'information ; qu'en se fondant sur un motif inopérant tiré de l'absence de caractère disproportionné de l'engagement de caution de M. Q... lors de sa souscription en 2010 pour en déduire que la Société marseillaise de crédit avait satisfait à son obligation préalable d'information, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à la recherche demandée quant à l'accomplissement par la banque de son obligation précontractuelle d'information sur le risque de non-remboursement encouru, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil applicable aux contrats et engagements souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°) ALORS QUE tout en constatant que la société Services funéraires méditerranéen, dont l'emprunt était cautionné par M. Q..., avait été placée en liquidation judiciaire deux ans seulement après la souscription dudit emprunt, la cour d'appel qui n'a cependant pas retenu le caractère excessif de cet emprunt cautionné aux motifs inopérants que la société Services funéraires méditerranéen avait réglé les mensualités du prêt pendant plus de deux ans, jusqu'à l'ouverture de la liquidation judiciaire à l'origine de la déchéance des termes des prêts et que la procédure collective n'avait pas été provoquée par un incident de paiement d'une des mensualités de ces emprunts, n'a pas légalement justifié sa décision d'exonérer la Société marseillaise de crédit de tout manquement à son devoir de mise en garde de M. Q... à raison du risque encouru par un endettement excessif de la société Services funéraires méditerranéen, au regard de l'article 1382 du code civil applicable aux contrats et engagements souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.
Il résulte de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, alors applicable, que, dès lors qu'un cautionnement conclu par une personne physique n'était pas, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le créancier peut s'en prévaloir sans être tenu de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Cassation partielle M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 560 F-P+B Pourvoi n° K 18-25.749 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 La société Tradi art construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Bâtir construction, a formé le pourvoi n° K 18-25.749 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Ca Vi Ma, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Tradi art construction, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Ca Vi Ma, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2018), le 27 mai 2009, la société civile immobilière Ca Vi Ma (la SCI) a confié à la société Tradi Art, devenue la société Bâtir construction (la société Bâtir), puis la société Tradi art construction, un marché de travaux de gros oeuvre sur un immeuble à usage de logements et de commerces, pour le prix de 1 333 540 euros. Le 10 mai 2011, les parties ont conclu un avenant pour des travaux supplémentaires. La réception des travaux, avec réserves, est intervenue le 10 mai 2012. Le 13 avril 2012, la société Bâtir a dressé un décompte général définitif chiffrant le montant restant dû à la somme principale de 217 463,18 euros, outre des intérêts moratoires. Le 4 janvier 2013, la SCI a payé la somme de 54 157,12 euros. 2. La société Bâtir a assigné la SCI en paiement des sommes correspondant au solde du marché et à ses dépenses au titre du compte « prorata », avec application des pénalités de retard sur le fondement de l'article L. 441-6 du code de commerce, ainsi qu'en paiement d'une créance d'intérêts de retard dans le paiement des acomptes de travaux, calculée en application du même texte. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, rédigés en termes similaires, réunis Enoncé des moyens 4. Premier moyen : la société Bâtir, devenue la société Tradi art construction, fait grief à l'arrêt de condamner la SCI à lui payer la somme de 37 037,72 euros assortie seulement des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014, au titre du compte prorata, alors « qu'en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, les pénalités dues en cas de retard de paiement sont calculées en appliquant le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage ; que ces dispositions s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en se fondant sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour écarter l'article L. 441-6 et la condamner à payer la somme de 37 037,72 euros TTC au titre du compte prorata avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce par refus d'application. » 5. Deuxième moyen : la société Bâtir, devenue la société Tradi art construction, fait grief à l'arrêt de condamner la SCI à lui payer la somme de 93 310,16 euros assortie seulement des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 au titre du solde du marché, alors « qu'en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, les pénalités dues en cas de retard de paiement sont calculées en appliquant le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage ; que ces dispositions s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en se fondant sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour écarter l'article L. 441-6 et la condamner à payer la somme de 93 310,16 euros TTC au titre du solde du marché avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce. » 6. Troisième moyen : la société Bâtir, devenue la société Tradi art construction, fait grief à l'arrêt de rejeter ses autres demandes, en ce comprise celle tendant au paiement d'une somme de 12 516,57 euros correspondant aux intérêts moratoires dus pour le retard dans le paiement des acomptes, alors « que les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce prévoyant le paiement d'intérêts moratoires en cas de retard de paiement, s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en l'espèce, la société Bâtir construction demandait que la Sci Ca Vi Ma soit condamnée à lui verser la somme de 12 516,57 euros correspondant aux intérêts moratoires stipulés dans le cahier des clauses administratives particulières en cas de retard dans le paiement des acomptes ; qu'elle faisait valoir que les acomptes nos 1, 12, 13 et 15 avaient été payés avec retard et que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait qu'en cas de retard de paiement, les sommes dues au titre des acomptes porteraient de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la Banque de France augmenté de 2,5 % ; qu'elle soutenait que si le cahier des clauses administratives particulières stipulait que les intérêts de retard seraient dus à compter de la mise en demeure adressée par l'entrepreneur à la Sci Ca Vi Ma, une telle clause était contraire à l'article L. 441-6 du code de commerce en tant qu'elle subordonnait l'exigibilité des intérêts à une mise en demeure préalable et que cette dernière stipulation devait dès lors être réputée non écrite ; qu'en se fondant, pour écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce et retenir que les intérêts contractuels n'étaient pas dus faute de mise en demeure avant le 19 juin 2014, sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour rejeter la demande de la société Bâtir construction, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 441-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019 : 7. Les pénalités de retard prévues par ce texte, qui sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être mentionnées dans le contrat, et sont notamment applicables aux acomptes dus en vertu d'un marché de travaux, s'appliquent, selon l'alinéa 1 du texte, aux relations entre, d'un côté, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur, de l'autre, tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui contracte pour son activité professionnelle. 8. Pour assortir les condamnations de la SCI à payer à la société Bâtir les sommes de 37 037,72 euros au titre du compte prorata et 93 310,16 euros au titre du solde du marché des seuls intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, et pour rejeter la demande de la société Bâtir tendant à la condamnation de la SCI au paiement d'intérêts dus en raison du retard dans le paiement des acomptes du marché en cause, l'arrêt retient que la société Bâtir ne démontre pas que la SCI ait agi, en l'espèce, en qualité de commerçant, ni que le marché de travaux constitue pour celle-ci un acte de commerce. L'arrêt en déduit que, la société Bâtir ne démontrant pas que le code de commerce soit applicable en l'espèce, il convient d'écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce. 9. En statuant par de tels motifs tirés des seuls faits que la SCI n'avait pas la qualité de commerçant et qu'elle n'avait pas davantage conclu un acte de commerce, impropres à écarter l'application des pénalités de retard prévues par l'article L. 441-6, I du code de commerce à son égard, la SCI pouvant être tenue, le cas échéant, pour un demandeur de prestations de services contractant pour son activité professionnelle au sens de ce texte, la cour d'appel a violé celui-ci. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il assortit des seuls intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 la condamnation de la SCI Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir construction, devenue la société Tradi art construction, la somme de 93 310,16 euros, en ce que, confirmant le jugement entrepris, il assortit des seuls intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 la condamnation de la SCI Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir construction, devenue la société Tradi art construction, la somme de 37 037,72 euros, et en ce que, confirmant le jugement entrepris, il rejette la demande de la société Bâtir construction, devenue la société Tradi art construction, tendant à la condamnation de la SCI Ca Vi Ma au paiement d'intérêts moratoires liés au retard dans le paiement des acomptes du marché de travaux, l'arrêt rendu le 12 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la SCI Ca Vi Ma aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Ca Vi Ma et la condamne à payer à la société Tradi art construction la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Tradi art construction. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Sci Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir construction la somme de trente-sept mille trente-sept euros soixante-douze centimes (37.037,72 euros TTC) assortie seulement des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014, au titre du compte prorata ; AUX MOTIFS QUE, sur les intérêts moratoires, la société appelante réclame : au titre du retard dans le paiement des acomptes mensuels, la somme de 12 516,57 €, avant capitalisation, au titre du retard dans le paiement du solde du marché, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 13 juin 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014, au titre du retard dans le paiement du compte prorata, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 25 janvier 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014 ; qu'elle fonde ses demandes sur les dispositions des articles L 441-6 alinéas 8, 9 et 12 du code de commerce et L 111-3 alinéas 2, 3 et 5 du code de la construction et de l'habitation ; que cependant, la société Bâtir construction ne démontre pas que la Sci Ca Vi Ma ait agi en l'espèce en qualité de commerçant ni que le marché de travaux constitue pour celle-ci un acte de commerce ; qu'ainsi, elle ne démontre pas que le code de commerce soit applicable en l'espèce ; que dès lors il convient d'écarter l'application de l'article L 441-6 du code de commerce ; que de même l'application de l'article L 111-3-1 du code de la construction et de l'habitation doit être écartée, dès lors qu'il dispose dans son dernier alinéa qu'il est applicable entre professionnels soumis au code de commerce ; qu'il convient en conséquence de se référer aux dispositions du CCAP ; qu'aux termes de l'article 0.72 du CCAP : « Si l'acompte, régulièrement demandé par l'entrepreneur et accepté par l'architecte, reste impayé à la date convenue (art. 0.743), tout entrepreneur peut mettre en demeure le maître d'ouvrage de remplir ses engagements. À dater de cette mise en demeure, les sommes qui demeurent impayées dans les délais prévus au marché porteront de plein droit intérêt aux taux des obligations cautionnées de la Banque de France, augmentées de 2,5 %. » ; qu'en l'espèce, la mise en demeure de payer, adressée par le conseil de la société Bâtir Construction à la Sci, est en date du 19 juin 2014 ; qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement en ce que la demande en paiement d'une somme de 47.669,14 €, réduite à 12 516,57 € en appel, à titre d'intérêts de retard antérieurs à cette date, a été rejetée ; que la Sci soutient à juste titre que le taux d'intérêt prévu à l'article 0.72 du CCAP n'est applicable qu'à la proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire ; qu'en effet, cet article est intitulé « Proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire » ; que s'agissant du solde du marché, ni l'article 0.73 relatif à la « Proposition pour solde de tout compte », ni l'article 0.744 relatif au « Décompte général définitif » ne prévoient de taux d'intérêt particulier ; qu'en conséquence il convient de faire application du taux d'intérêt légal, à compter de la mise en demeure de payer du 19 juin 2014, tant sur la somme due au titre du solde du marché que sur la somme due au titre du compte prorata ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il ne sera pas fait droit à la demande de condamnation au paiement de la somme globale de 47.669,14 euros TTC au titre des intérêts moratoires, puisqu'ils sont calculés sur une base erronée et selon un taux qui n'est pas précisé, alors que le cahier des clauses administratives particulières prévoit qu'à compter de la mise en demeure de payer délivrée par l'entrepreneur, les sommes qui demeurent impayées dans les délais prévus au marché porteront de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la banque de France augmentées de 2,5 % ; que le compte prorata est de 2,5 % du montant TTC des travaux et sera fixé à la somme de 37.037,72 euros TTC qui est dû par la Sci Ca Vi Ma à la société Bâtir construction gestionnaire du compte prorata ; qu'en conséquence, il incombe de condamner la Sci Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir Construction les sommes de : 58.335,69 euros TTC au titre du solde de marché, avec intérêts au taux contractuel des obligations cautionnées de la Banque de France augmentées de 2,5 %, à compter du 19 juin 2014, date de la mise en demeure de payer délivrée par lettre recommandée avec accusé de réception, 37.037,72 euros TTC au titre du compte prorata, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014, en l'absence de stipulations contractuelles sur un taux d'intérêt à ce titre ; 1) ALORS QUE les juges du fond, qui doivent en toutes circonstances faire observer et observer eux-mêmes le principe du contradictoire, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen qu'ils ont relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant, pour écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce, que la Sci Ca Vi Ma n'avait pas la qualité de commerçant, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, les pénalités dues en cas de retard de paiement sont calculées en appliquant le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage ; que ces dispositions s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en se fondant sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour écarter l'article L. 441-6 et la condamner à payer la somme de 37.037,72 euros TTC au titre du compte prorata avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce par refus d'application ; 3) ALORS QUE les pénalités de paiement prévue par l'article L. 441-6 code de commerce, en cas de retard de paiement, sont dues de plein droit, même en l'absence de stipulation contractuelle prévoyant leur application ; qu'en se fondant sur le fait que le marché de travaux ne contenait aucune stipulation contractuelle fixant le taux d'intérêt applicable en cas de retard de paiement du solde définitif du compte prorata pour écarter l'article L. 441-6 et condamner la Sci Ca Vi Ma à payer la somme de 37.037,72 euros TTC au titre du compte prorata avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Sci Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir construction la somme de 93.310,16 € TTC avec seulement les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 ; AUX MOTIFS QUE sur les intérêts moratoires, la société appelante réclame : au titre du retard dans le paiement des acomptes mensuels, la somme de 12.516,57 €, avant capitalisation, au titre du retard dans le paiement du solde du marché, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 13 juin 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014, au titre du retard dans le paiement du compte prorata, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 25 janvier 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014 ; qu'elle fonde ses demandes sur les dispositions des articles L 441-6 alinéas 8, 9 et 12 du code de commerce et L 111-3 alinéas 2, 3 et 5 du code de la construction et de l'habitation ; que cependant, la société Bâtir construction ne démontre pas que la Sci Ca Vi Ma ait agi en l'espèce en qualité de commerçant ni que le marché de travaux constitue pour celle-ci un acte de commerce ; qu'ainsi, elle ne démontre pas que le code de commerce soit applicable en l'espèce ; que dès lors il convient d'écarter l'application de l'article L 441-6 du code de commerce ; que de même l'application de l'article L 111-3-1 du code de la construction et de l'habitation doit être écartée, dès lors qu'il dispose dans son dernier alinéa qu'il est applicable entre professionnels soumis au code de commerce ; qu'il convient en conséquence de se référer aux dispositions du CCAP ; qu'aux termes de l'article 0.72 du CCAP : « Si l'acompte, régulièrement demandé par l'entrepreneur et accepté par l'architecte, reste impayé à la date convenue (art. 0.743), tout entrepreneur peut mettre en demeure le maître d'ouvrage de remplir ses engagements. À dater de cette mise en demeure, les sommes qui demeurent impayées dans les délais prévus au marché porteront de plein droit intérêt aux taux des obligations cautionnées de la Banque de France, augmentées de 2,5 %. » ; qu'en l'espèce, la mise en demeure de payer, adressée par le conseil de la société Bâtir Construction à la Sci, est en date du 19 juin 2014 ; qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement en ce que la demande en paiement d'une somme de 47.669,14 €, réduite à 12.516,57 € en appel, à titre d'intérêts de retard antérieurs à cette date, a été rejetée ; que la Sci soutient à juste titre que le taux d'intérêt prévu à l'article 0.72 du CCAP n'est applicable qu'à la proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire ; qu'en effet, cet article est intitulé « Proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire » ; que s'agissant du solde du marché, ni l'article 0.73 relatif à la « Proposition pour solde de tout compte », ni l'article 0.744 relatif au « Décompte général définitif » ne prévoient de taux d'intérêt particulier ; qu'en conséquence il convient de faire application du taux d'intérêt légal, à compter de la mise en demeure de payer du 19 juin 2014, tant sur la somme due au titre du solde du marché que sur la somme due au titre du compte prorata ; 1) ALORS QUE les juges du fond, qui doivent en toutes circonstances faire observer et observer eux-mêmes le principe du contradictoire, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen qu'ils ont relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant, pour écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce, que la Sci Ca Vi Ma n'avait pas la qualité de commerçant, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, les pénalités dues en cas de retard de paiement sont calculées en appliquant le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage ; que ces dispositions s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en se fondant sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour écarter l'article L. 441-6 et la condamner à payer la somme de 93.310,16 euros TTC au titre du solde du marché avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires, des parties ; AUX MOTIFS QUE, sur les intérêts moratoires, la société appelante réclame : au titre du retard dans le paiement des acomptes mensuels, la somme de 12 516,57 €, avant capitalisation, au titre du retard dans le paiement du solde du marché, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 13 juin 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014, au titre du retard dans le paiement du compte prorata, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 25 janvier 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014 ; qu'elle fonde ses demandes sur les dispositions des articles L 441-6 alinéas 8, 9 et 12 du code de commerce et L 111-3 alinéas 2, 3 et 5 du code de la construction et de l'habitation ; que cependant, la société Bâtir construction ne démontre pas que la Sci Ca Vi Ma ait agi en l'espèce en qualité de commerçant ni que le marché de travaux constitue pour celle-ci un acte de commerce ; qu'ainsi, elle ne démontre pas que le code de commerce soit applicable en l'espèce ; que dès lors il convient d'écarter l'application de l'article L 441-6 du code de commerce ; que de même l'application de l'article L 111-3-1 du code de la construction et de l'habitation doit être écartée, dès lors qu'il dispose dans son dernier alinéa qu'il est applicable entre professionnels soumis au code de commerce ; qu'il convient en conséquence de se référer aux dispositions du CCAP ; qu'aux termes de l'article 0.72 du CCAP : « Si l'acompte, régulièrement demandé par l'entrepreneur et accepté par l'architecte, reste impayé à la date convenue (art. 0.743), tout entrepreneur peut mettre en demeure le maître d'ouvrage de remplir ses engagements. À dater de cette mise en demeure, les sommes qui demeurent impayées dans les délais prévus au marché porteront de plein droit intérêt aux taux des obligations cautionnées de la Banque de France, augmentées de 2,5 %. » ; qu'en l'espèce, la mise en demeure de payer, adressée par le conseil de la société Bâtir Construction à la Sci, est en date du 19 juin 2014 ; qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement en ce que la demande en paiement d'une somme de 47.669,14 €, réduite à 12.516,57 € en appel, à titre d'intérêts de retard antérieurs à cette date, a été rejetée ; que la Sci soutient à juste titre que le taux d'intérêt prévu à l'article 0.72 du CCAP n'est applicable qu'à la proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire ; qu'en effet, cet article est intitulé « Proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire » ; que s'agissant du solde du marché, ni l'article 0.73 relatif à la « Proposition pour solde de tout compte », ni l'article 0.744 relatif au « Décompte général définitif » ne prévoient de taux d'intérêt particulier ; qu'en conséquence il convient de faire application du taux d'intérêt légal, à compter de la mise en demeure de payer du 19 juin 2014, tant sur la somme due au titre du solde du marché que sur la somme due au titre du compte prorata ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il ne sera pas fait droit à la demande de condamnation au paiement de la somme globale de 47.669,14 euros TTC au titre des intérêts moratoires, puisqu'ils sont calculés sur une base erronée et selon un taux qui n'est pas précisé, alors que le cahier des clauses administratives particulières prévoit qu'à compter de la mise en demeure de payer délivrée par l'entrepreneur, les sommes qui demeurent impayées dans les délais prévus au marché porteront de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la banque de France augmentées de 2,5 % ; 1) ALORS QUE les juges du fond, qui doivent en toutes circonstances faire observer et observer eux-mêmes le principe du contradictoire, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen qu'ils ont relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la société Bâtir construction demandait que la Sci Ca Vi Ma soit condamnée à lui verser la somme de 12.516,57 euros correspondant aux intérêts moratoires stipulés dans le cahier des clauses administratives particulières en cas de retard dans le paiement des acomptes ; qu'elle faisait valoir que les acomptes nos 1, 12, 13 et 15 avaient été payés avec retard et que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait qu'en cas de retard de paiement, les sommes dues au titre des acomptes porteraient de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la Banque de France augmenté de 2,5 % ; quelle soutenait que si le cahier des clauses administratives particulières stipulait que les intérêts de retard seraient dus à compter de la mise en demeure adressée par l'entrepreneur à la Sci Ca Vi Ma, une telle clause était contraire à l'article L. 441-6 du code de commerce en tant qu'elle subordonnait l'exigibilité des intérêts à une mise en demeure préalable et que cette dernière stipulation devait dès lors être réputée non écrite (concl. Bâtir construction, p. 32) ; qu'en retenant, pour écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce, que la Sci Ca Vi Ma n'avait pas la qualité de commerçant, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce prévoyant le paiement d'intérêts moratoires en cas de retard de paiement, s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en l'espèce, la société Bâtir construction demandait que la Sci Ca Vi Ma soit condamnée à lui verser la somme de 12.516,57 euros correspondant aux intérêts moratoires stipulés dans le cahier des clauses administratives particulières en cas de retard dans le paiement des acomptes ; qu'elle faisait valoir que les acomptes n°s 1, 12, 13 et 15 avaient été payés avec retard et que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait qu'en cas de retard de paiement, les sommes dues au titre des acomptes porteraient de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la Banque de France augmenté de 2,5 % ; Qu'elle soutenait que si le cahier des clauses administratives particulières stipulait que les intérêts de retard seraient dus à compter de la mise en demeure adressée par l'entrepreneur à la Sci Ca Vi Ma, une telle clause était contraire à l'article L. 441-6 du code de commerce en tant qu'elle subordonnait l'exigibilité des intérêts à une mise en demeure préalable et que cette dernière stipulation devait dès lors être réputée non écrite (concl. Bâtir construction, p. 32) ; qu'en se fondant, pour écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce et retenir que les intérêts contractuels n'étaient pas dus faute de mise en demeure avant le 19 juin 2014, sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour rejeter la demande de la société Bâtir construction, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce ; 3) ALORS QUE les pénalités de retard prévues par l'article L. 441-6 du code de commerce sont exigibles de plein droit, sans qu'un rappel soit nécessaire ; que ces dispositions sont d'ordre public ; que doit donc être réputée non écrite, la clause prévoyant que les factures impayées à leur échéance ne produiront intérêt qu'à compter de la mise en demeure de payer adressée par le créancier au débiteur ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de condamnation de la Sci Ca Vi Ma aux intérêts contractuels pour retard dans le paiement des acomptes, sur le fait que le cahier des clauses administratives particulières stipulait qu'en cas de retard de paiement les sommes dues porteraient intérêt à compter de la mise en demeure adressée par l'entrepreneur au maître de l'ouvrage et que la société Bâtir construction n'avait adressé une telle mise en demeure que le 19 juin 2014 (arrêt, p. 7, §§ 5 et 6), la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce.
Les pénalités de retard prévues par l'article L. 441-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, qui sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être mentionnées dans le contrat, et sont notamment applicables aux acomptes dus en vertu d'un marché de travaux, s'appliquent, selon l'alinéa 1 de ce texte, aux relations entre, d'un côté, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur, de l'autre, tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui contracte pour son activité professionnelle. Viole, en conséquence, l'article L. 441-6, I, précité la cour d'appel qui, pour refuser d'appliquer ces pénalités de retard à la fois à un compte prorata, au solde d'un marché de travaux conclu entre un entrepreneur et une SCI maître de l'ouvrage, et aux acomptes de ce marché payés avec retard, retient que l'entrepreneur ne démontre pas que la SCI ait agi en qualité de commerçant, ni que le marché de travaux constitue pour celle-ci un acte de commerce, de sorte qu'il n'est pas démontré que le code de commerce soit applicable en l'espèce. En effet, de tels motifs, tirés de seuls faits que la SCI n'a pas la qualité de commerçant ni n'a conclu un acte de commerce, sont impropres à écarter l'application des pénalités de retard prévues par l'article L. 441-6, I, à l'égard de la SCI, celle-ci pouvant être tenue, le cas échéant, pour un demandeur de prestations de services contractant pour son activité professionnelle au sens de ce texte
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 588 F-P+B Pourvoi n° Q 19-15.545 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 M. L... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-15.545 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre), dans le litige l'opposant à M. O... Q..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. T..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. Q..., et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 février 2019), par un acte notarié du 29 mars 2008, M. Q... a donné un immeuble en location à la société Le Vieux Moulin (la société), ses associés, MM. T... et K..., se rendant, par le même acte, cautions solidaires du paiement des loyers. Par un autre acte notarié du même jour, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (le Crédit agricole) a consenti deux prêts à la société, garantis par les cautionnements solidaires de MM. T... et K... et par l'affectation hypothécaire, par M. Q..., de l'immeuble objet du bail. 2. La société a été mise en liquidation judiciaire le 11 janvier 2011, M. N... étant désigné liquidateur. Un jugement du 15 novembre 2011 a prononcé l'extension de cette procédure à M. Q... pour confusion des patrimoines. L'immeuble appartenant à M. Q... a été vendu dans le cadre de la réalisation des actifs de la liquidation judiciaire et le prix de vente a permis l'apurement intégral du passif cumulé de la société et de M. Q.... 3. Un jugement du 22 novembre 2013 a condamné M. T... à payer à M. N..., pris en sa qualité de liquidateur de M. Q..., la somme de 338 226,13 euros au titre du recours entre co-obligés du chef de la créance du Crédit agricole. Ce jugement a été confirmé par un arrêt du 5 mars 2015 qui, y ajoutant, a en outre condamné M. T... à payer à M. N..., ès qualités, la somme de 164 000 euros au titre du cautionnement des loyers dus à M. Q.... 4. Un jugement du 28 janvier 2015 a prononcé la clôture, pour extinction du passif, de la liquidation judiciaire de M. Q... et de la société. 5. Le 18 août 2017, M. Q... a fait dresser un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation d'un véhicule Audi immatriculé [...], lequel a été immobilisé et enlevé le 14 septembre 2017, puis le 5 décembre 2017, il a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de M. T... ouverts dans les livres de la BNP en exécution de l'arrêt du 5 mars 2015 précité. Le 18 décembre 2017, M. T... a assigné M. Q... devant le juge de l'exécution en demandant l'annulation et la mainlevée de la saisie-attribution et de la mesure concernant le véhicule. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Et sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. M. T... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de M. T... de nullité et mainlevée de la saisie-attribution du 5 décembre 2017, de le réformer pour le surplus et de déclarer régulière la mesure d'exécution concernant le véhicule Audi et d'ordonner la poursuite de sa vente, alors : « 1°/ que seule est admise à se prévaloir d'un titre exécutoire la personne qu'il vise ; qu'en déclarant régulières les mesures d'exécution engagées par M. Q... à l'encontre de M. T... sur le fondement des décisions des 22 novembre 2013 et 5 mars 2015, quand il s'évinçait de ses propres constatations que les condamnations prononcées par ces décisions l'avaient été au profit de M. N... en qualité de liquidateur judiciaire de M. Q... et non de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. T... soutenait que la créance prétendument détenue par M. Q... à son encontre, en sa qualité de caution des dettes de la société Le Vieux Moulin, était éteinte depuis la clôture de la liquidation judiciaire de cette société pour extinction du passif, postérieure à la décision servant de fondement aux poursuites, dès lors que M. Q... s'était vu étendre cette procédure pour confusion des patrimoines ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer régulières les mesures d'exécution engagées par M. Q... à l'encontre de M. T..., qu'en l'état de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Le Vieux Moulin étendue à M. Q..., celui-ci était en droit de faire exécuter les décisions que le liquidateur judiciaire avait obtenu en le représentant, sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. D'une part, si le juge de l'exécution ne peut, sous prétexte d'interpréter la décision dont l'exécution est poursuivie, en modifier les dispositions précises, il doit en fixer le sens et déterminer le bénéficiaire de la condamnation que cette décision a prononcée. 9. Statuant après la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif de M. Q... qui avait mis fin à la mission du liquidateur et au dessaisissement du débiteur et autorisait ce dernier à poursuivre lui-même l'exécution d'une condamnation prononcée en faveur de M. N..., agissant alors en qualité de liquidateur au nom et pour le compte du débiteur, l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'était justifié d'aucun paiement entre les mains de M. N..., ès qualités, en exécution du jugement du 22 novembre 2013 et de l'arrêt du 5 mars 2015, retient exactement que M. Q... était en droit de faire exécuter les décisions que le liquidateur avait antérieurement obtenues en le représentant. 10. D'autre part, tandis que l'extension de la liquidation judiciaire de la société à M. Q... avait été prononcée le 15 novembre 2011, consacrant dès ce jour la confusion de leurs patrimoines, et que le 31 janvier 2012, la vente d'un immeuble de M. Q... avait permis l'apurement intégral du passif cumulé de la société et de M. Q..., de sorte qu'il appartenait à M. T... de se prévaloir devant le tribunal puis la cour d'appel, saisis des demandes de condamnation formées contre lui, en sa qualité de caution de la société, des conséquences déjà acquises de la confusion des patrimoines et de l'extinction consécutive du passif garanti, l'arrêt, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, retient que la confusion des patrimoines résultant de l'extension de la liquidation judiciaire de la société à M. Q... a pris fin avec la clôture pour extinction du passif et que M. T... ne peut plus l'invoquer. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. T... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. T.... PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté la demande de M. T... en nullité et mainlevée de la saisie-attribution du 5 décembre 2017, de l'AVOIR réformé pour le surplus et d'AVOIR déclaré régulière la mesure d'exécution concernant le véhicule Audi immatriculé [...], et ordonné la poursuite de la vente de ce véhicule ; AUX MOTIFS QUE la confusion des patrimoines résultant de l'extension à M. O... Q... de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la SARL Le Vieux Moulin a pris fin avec la clôture pour extinction du passif de la liquidation judiciaire de M. O... Q..., et que M. L... T... ne peut plus s'en prévaloir ; que le 10 août 2011 M. O... Q..., avant d'être déclaré en liquidation judiciaire, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nîmes M. T... et M. K..., pour obtenir leur condamnation à lui payer, en leur qualité de cautions, les sommes dues par la SARL Le Vieux Moulin ; que Me N..., désigné liquidateur judiciaire de M. O... Q..., est intervenu à cette instance et a également fait assigner, en janvier 2013, M. T... et M. K... en leur qualité de coobligés de M. O... Q... à l'égard du Crédit Agricole, en paiement de leur part et portion de la dette acquittée par M. Q... ; que les deux instances ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance du juge de la mise en état du 6 février 2013 ; que M. O... Q... était partie à titre personnel et représenté tant devant le tribunal de grande instance que devant la cour d'appel qui ont prononcé les condamnations qu'il tente de faire exécuter ; qu'il n'est justifié d'aucun versement à Me N... en exécution du jugement du 22 novembre 2013 et de l'arrêt du 5 mars 2015 ; qu'en l'état de la clôture pour extinction du passif de sa liquidation judiciaire, et de la fin de la mission du liquidateur judiciaire, M. O... Q... est en droit de faire exécuter les décisions que le liquidateur judiciaire a obtenues en le représentant ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. L... T... en nullité et mainlevée de la saisie-attribution du 5 décembre 2017 ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE selon l'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution " Le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution " ; que selon l'article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution " Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution " ; qu'en l'espèce, par décision du 11 janvier 2011 le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la liquidation judiciaire du vieux moulin et a nommé Me N... mandataire liquidateur de la société ; que par décision du 15 novembre 2011, la même juridiction a ouvert la procédure de liquidation judiciaire â l'égard de M. O... Q... " par extension de celle déjà ouverte à l'égard de SARL le vieux moulin " et a désigné Me N... en qualité de liquidateur judiciaire ; que par jugement du 22 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Nîmes a condamné solidairement M. L... T... et M. J... K... à payer chacun à Me N... es qualité la somme de 338 226,13 euros outre les intérêts, et ce, en vertu d'un acte de cautionnement qu'ils ont consenti au profit de la Sarl le vieux moulin lors de la conclusion de deux prêts ; qu'il sera observé que M. L... T... avait soulevé la nullité du cautionnement et que, outre le fait que cette question a déjà été tranchée, elle ne relève pas de la compétence du juge de l'exécution qui n'a pas la pouvoir d'anéantir les décisions de justice ; que par décision du 28 janvier 2015, le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la clôture pour extinction de passif de la liquidation judiciaire de M. O... Q... ; que par arrêt du 5 mars 2015, la cour d'appel de Nîmes a confirmé le jugement de première instance dans toutes ses dispositions et a en outre condamné " L... T... à payer à Me S... N... pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de O... Q... à payer la somme de 164 000 euros avec des intérêts au taux légal " ainsi que leur capitalisation annuelle ; que par courrier du 13 novembre 2015, M. O... Q... a été avisé du compte-rendu de fin de mission de Me N... ; qu'il résulte de ces éléments que, suite à la clôture de la liquidation judiciaire, M. O... Q... a retrouvé la faculté de contracter et agir sans restriction et surtout d'engager une action en paiement d'une créance née avant l'ouverture de sa procédure collective et non recouvrée par le liquidateur, ce qui n'est pas contesté en l'état ; que par conséquent, la demande en nullité et mainlevée des mesures d'exécution seront rejetées sur ce fondement ; 1°) ALORS QUE seule est admise à se prévaloir d'un titre exécutoire la personne qu'il vise ; qu'en déclarant régulières les mesures d'exécution engagées par M. Q... à l'encontre de M. T... sur le fondement des décisions des 22 novembre 2013 et 5 mars 2015, quand il s'évinçait de ses propres constatations que les condamnations prononcées par ces décisions l'avaient été au profit de Me N... ès qualité de liquidateur judiciaire de M. Q... et non de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, dans ses conclusions d'appel, M. T... soutenait que la créance prétendument détenue par M. Q... à son encontre, en sa qualité de caution des dettes de la société Le Vieux Moulin, était éteinte depuis la clôture de la liquidation judiciaire de cette société pour extinction du passif, postérieure à la décision servant de fondement aux poursuites, dès lors que M. Q... s'était vu étendre cette procédure pour confusion des patrimoines (ses conclusions, p. 5 à 10) ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer régulières les mesures d'exécution engagées par M. Q... à l'encontre de M. T..., qu'en l'état de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Le Vieux Moulin étendue à M. Q..., celui-ci était en droit de faire exécuter les décisions que le liquidateur judiciaire avait obtenu en le représentant (arrêt, p. 4, pén. al. ; jugement, p. 3, al. 9), sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION subsidiaire IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré régulière la mesure d'exécution concernant le véhicule Audi immatriculé [...], et ordonné la poursuite de la vente de ce véhicule ; AUX MOTIFS QUE M. L... T... soutient que le véhicule automobile Audi immatriculé [...] ne lui appartenait plus lorsque la procédure de saisie a été initiée par M. O... Q... ; qu'il produit les photocopies - d'un imprimé de "déclaration de cession d'un véhicule" daté du 24 décembre 2016 dans lequel il certifie avoir vendu le véhicule Audi immatriculé [...] à Mme G... E... le 24 décembre 2016, - du certificat d'immatriculation du véhicule barré, avec la mention "vendu le 24 décembre 2016", - d'un relevé du compte chèques de Mme G... E... sur lequel est mentionné un virement de 10 000 euros au profit de l'EURL Château d'Arpaillargues ; que M. O... Q... prétend que la déclaration de cession du véhicule a été antidatée et établie pour tenter de faire échec à l'appréhension du véhicule ; qu'il convient de relever que : - M. L... T... n'a pas envoyé au ministre de l'intérieur la déclaration de cession comme le prescrit l'article R322-4 du code de la route, - 8 mois après la date de vente mentionnée dans la "déclaration de cession d'un véhicule" aucune demande de nouveau certificat d'immatriculation n'a été présentée, alors que l'article R322-5 du code de la route dispose que cette demande doit être faite dans un délai d'un mois à compter de la date de la cession, - le virement de 10 000 euros effectué par Mme G... E... le 12 janvier 2017 (deux semaines après la vente...) au profit de l'EURL Château d'Arpaillargues ne saurait constituer une preuve du paiement, le bénéficiaire du virement n'étant pas le propriétaire du véhicule ; que la date de la vente mentionnée dans la "déclaration de cession d'un véhicule" et sur la carte grise n'est authentifiée par aucun autre élément, et n'est donc pas opposable aux tiers ; qu'en conséquence M. L... T... ne rapporte pas la preuve que la date de la vente du véhicule Audi est antérieure à celle de l'engagement de la mesure d'exécution sur ce véhicule ; qu'il convient dès lors, en réformant le jugement déféré sur ce point, de déclarer régulière la mesure d'exécution concernant le véhicule Audi immatriculé [...], et d'ordonner la poursuite de la vente de ce véhicule ; ALORS QUE la vente d'un véhicule automobile est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix ; qu'en retenant, pour juger que M. T... n'apportait pas la preuve de l'antériorité de la vente de son véhicule à la saisie engagée par M. Q..., qu'il n'avait pas adressé à l'administration la déclaration de cession prescrite par le code de la route, qu'aucune demande de nouveau certificat d'immatriculation devant intervenir dans un délai d'un mois à compter de la vente, n'avait été présentée par l'acquéreur et qu'il n'apportait pas la preuve du paiement du prix (arrêt, p. 5, al. 2), quand la vente du véhicule était parfaite dès l'accord des parties, la cour d'appel a violé l'article 1582 du code civil.
Si le juge de l'exécution ne peut, sous prétexte d'interpréter la décision dont l'exécution est poursuivie, en modifier les dispositions précises, il doit en fixer le sens et déterminer le bénéficiaire de la condamnation que cette décision a prononcée. En conséquence, statuant après la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif, qui avait mis fin à la mission du liquidateur et au dessaisissement du débiteur et autorisait ce dernier à poursuivre lui-même l'exécution d'une condamnation prononcée en faveur du liquidateur qui le représentait, une cour d'appel, ayant relevé qu'il n'était justifié d'aucun paiement entre les mains du liquidateur en exécution d'une telle condamnation, a exactement retenu que le débiteur était en droit de la faire exécuter
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 589 F-P+B Pourvoi n° T 19-17.434 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 La société I... et associées, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [...] , en la personne de M. W... I..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [...], a formé le pourvoi n° T 19-17.434 contre l'ordonnance rendue le 26 février 2019 par le premier président de la cour d'appel de Pau, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme Q... M..., domiciliée [...] , 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Pau, domicilié en son parquet général, [...], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société I... et associés, en qualité de liquidateur de la société [...], après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Pau, 26 février 2019), la société [...] a été mise en liquidation judiciaire le 20 janvier 2017, la société I... et associés étant désignée liquidateur et Mme M..., commissaire-priseur, étant chargée d'effectuer immédiatement l'inventaire et la prisée de l'actif de la société débitrice. 2. Mme M..., ayant constaté que quatre véhicules stationnaient à l'extérieur des locaux de la société débitrice, les a fait déplacer chez un commissaire-priseur partenaire, plus proche du lieu de leur stationnement, auquel elle a indiqué avoir délégué le soin du transport et du gardiennage. Mme M... a ensuite demandé au président du tribunal d'arrêter le montant de ses émoluments au montant de la facture établie le 22 mars 2018 par la société Espace enchère Sud Aquitaine - M. X... commissaire-priseur - pour les frais de gardiennage et de transport des véhicules. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 3. Le liquidateur fait grief à l'ordonnance de fixer à 11 000 euros les honoraires de Mme M... à la charge de la liquidation judiciaire, alors : « 1°/ que le commissaire-priseur ne peut obtenir la taxation que des seuls honoraires, frais et débours exposés pour l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée par la juridiction qui l'a désigné ; que ne participent pas de l'inventaire et de la prisée des biens du débiteur, le déplacement et le stockage" entre les mains d'un tiers de véhicules appartenant au débiteur, sans l'accord de celui-ci ou celui des organes de la procédure, aux fins d'en éviter la dégradation et d'en préserver la valeur" ; qu'en l'espèce, Mme M... a reconnu dans ses conclusions avoir sollicité le remboursement de ses frais uniquement pour couvrir une prestation de cette nature, en joignant la facture émise par la Sarl Espace Enchères Sud Aquitaine indiquant que la somme de 16 608 euros correspondait au convoyage et gardiennage des véhicules" pour le compte de la société [...], afin d'en préserver la valeur et éviter des dégradations ; qu'en estimant que la demande de remboursement de tels frais par Mme M... était justifiée au regard des dispositions du jugement d'ouverture qui avait chargé cette dernière d'effectuer l'inventaire et la prisée des biens du débiteur, le premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 621-9, L. 641-III, R. 622-4, R. 621-23 du code de commerce et l'article 1 de l'ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs judiciaires ; 2°/ que le remboursement des sommes dues à des tiers et payées ou avancées par eux auxquels ont droit les professionnels visés à l'article L. 444-1 du code de commerce est subordonné à la condition que ces frais aient été engagés à l'occasion d'une mission que la loi ou le juge leur confient ; qu'en estimant que Mme M... pouvait, en application de l'article R. 444-13 III du code de commerce, obtenir le remboursement des frais qu'elle disait avoir exposés au titre de prestations de convoyage et de mise à l'abri de véhicules appartenant au débiteur qu'elle avait effectuées, tout en relevant que seule une mission d'inventaire et de prisée des biens de celui-ci lui avait été confiée par le tribunal, le premier président de la cour d'appel a violé les textes susvisés. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 641-1, II, alinéa 7, celui-ci dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016, R. 622-4, alinéas 5 et 6, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-14, et R. 444-13 III, du code de commerce et les articles 714 et 715 du code de procédure civile : 4. Il résulte de la combinaison de ces textes que le commissaire-priseur judiciaire ne peut obtenir du président du tribunal la taxation que des seuls émoluments, honoraires, frais et débours exposés pour l'accomplissement de la mission que lui a confiée le tribunal de la procédure collective ou le juge-commissaire qui l'a désigné. 5. Pour fixer les honoraires de Mme M... à la somme de 11 000 euros, l'ordonnance constate que la demande de taxation du commissaire-priseur repose exclusivement sur la facture émanant de la société « Espace enchère Sud Aquitaine, W... X... commissaire priseur habilité » puis relève que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire a désigné Mme M... afin d'effectuer l'inventaire et la prisée des actifs de la société débitrice et a dit que les frais du commissaire-priseur seraient à la charge de la procédure. L'ordonnance retient ensuite que la demande de taxation est relative à des honoraires et remboursements de débours consécutifs à l'inventaire et à la prisée du patrimoine de la société débitrice par le commissaire-priseur qui a délégué sa mission de transport et de gardiennage des véhicules à un confrère, ce dont a été informé le liquidateur par un courrier électronique du 4 mai 2017 qui n'a pas suscité de réaction de sa part jusqu'au 31 mars 2018, ce dont l'ordonnance déduit l'accord tacite du liquidateur sur le transport et la mise à l'abri des véhicules. 6. En statuant ainsi, alors que la seule mission donnée par le tribunal à Mme M... consistait en l'inventaire et la prisée des actifs de la société [...], de sorte qu'elle n'incluait pas l'accomplissement des diligences relatives au convoyage et au gardiennage des véhicules inventoriés et évalués, qui n'avaient fait l'objet d'aucune autorisation du juge-commissaire, ni d'un accord formel du liquidateur, le premier président a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 février 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Pau ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Toulouse ; Condamne Mme M... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme M... et la condamne à payer à la société I... et associés, en qualité de liquidateur de la société [...], la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société I... et associées, en qualité de liquidateur de la société [...]. IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir, réformant l'ordonnance frappée de recours, fixé à 11.000 euros les honoraires de Me Q... M... ; AUX MOTIFS QUE « Me I..., es qualités, reproche au commissaire-priseur de ne pas avoir obtenu préalablement à sa demande de taxation de ses frais l'autorisation donnée par le juge commissaire de déplacer et de stocker les véhicules et, à tout le moins, de ne pas avoir reçu accord écrit du mandataire liquidateur en application de L'article L621-9 du code de commerce. Il reproche également au commissaire-priseur d'avoir pris l'initiative de regrouper les véhicules chez un de ses partenaires afin d'en diminuer les frais de garde et de favoriser l'affluence sur un même lieu ce qui a conduit à la désignation d'un nouveau commissaire-priseur par arrêt du 28 février 2018 pour procéder à la vente aux enchères des dits véhicules sur appel du gérant de la société débitrice. Enfin, la requête en taxation d'honoraires est fondée sur une facture de gardiennage de la Sarl Espace Enchères Sud Aquitaine pour justifier d'honoraires à taxer par le président du au tribunal de commerce de Mont de Marsan alors que ce mandataire n'a jamais été missionné pour l'enlèvement et le stockage des véhicules et pour des tarifs disproportionnés par rapport à la valeur du matériel (estimation inventaire 27.000 euros en valeur d'exploitation et 13.500 euros en valeur de réalisation à laquelle il faudra soustraire les frais du commissaire-priseur chargé de la vente). En réponse, Me M... rappelle qu'elle a cherché à mettre les véhicules à l'abri dans l'intérêt de la société liquidée. Elle considère qu'il s'agissait d'un acte de gestion courante qui ne nécessitait pas l'autorisation du juge commissaire comme pour déplacer les véhicules alors que les factures de Me X... de déplacement et de gardiennage du matériel au nom de la société Sarl Espace Enchères Sud Aquitaine ont été adressées à Me I... qui ne les a jamais contestées et qui n'a pas réagi au mail du I I avril 2017. Elle se prévaut d'un accord entre Me I... et les commissaires-priseurs pour mettre en lieu sûr les véhicules lors des inventaires et considère que le liquidateur judiciaire avait autorisé tacitement l'enlèvement des véhicules. Sur le coût de gardiennage des 4 véhicules, il est calqué sur celui des fourrières à 8 euros HT par jour. Selon l'article R622-4 du code de commerce, l'inventaire est déposé au greffe du tribunal par celui qui l'a réalisé. Celui-ci en remet une copie au débiteur, à l'administrateur, lorsqu'il en a été désigné, et au mandataire judiciaire et le président du tribunal ou son délégué arrête la rémunération de la personne désignée pour dresser l'inventaire, au vu d'un compte détaillé, le cas échéant selon le tarif qui lui est applicable. Le juge commissaire doit, dès achèvement de la mission du professionnel, arrêter sa rémunération en fonction des diligences accomplies, de la qualité du travail fourni et du respect des délais impartis conformément aux dispositions de l'article R621-23 du code. Par ailleurs, selon l'article R444-13 III du code de commerce, les commissaires-priseurs judiciaires ont droit au remboursement de sommes dues à des tiers et payées ou avancées par eux pour le compte, selon le cas du client ou du débiteur. En l'espèce, la liquidation judiciaire a été ouverte selon les dispositions de l'article L640-1 du code de commerce et le commissaire-priseur a été désigné en application de l'article L641-11 du code de commerce avec mission « d'effectuer immédiatement l'inventaire et la prisée de l'actif du débiteur » et le tribunal a dit que les frais du commissaire-priseur seraient à la charge de la procédure. L'ordonnance attaquée répond à la demande de rémunération, honoraires et remboursements de débours consécutifs à l'inventaire et la prisée du patrimoine de la Sarl [...] de Me M... commissaire-priseur judiciaire. Pour justifier de ses débours dans leur totalité, elle produit uniquement la facture de transport et de gardiennage de 4 véhicules et d'une remorque de la société Espace Enchères Sud Aquitaine du commissaire-priseur W... X... auquel elle a délégué sa mission de transport et de gardiennage des dits véhicules. Les frais qui y figurent sont des tarifs habituellement pratiqués en la matière (150 euros de transport et 8 euros HT/jour de gardiennage du 4 mai 2017 au 31 mars 2018 par véhicule) et ne présentent pas un caractère disproportionné. Dès lors que le jugement d'ouverture de la procédure avait confié au commissaire-priseur la mission d'inventorier le matériel mais également d'effectuer sa prisée et qu'il est établi que Me W... X... a informé Me I... dans le dossier [...] dès le 4 mai 2017 à 17h47 de la situation des véhicules, le mandataire liquidateur était donc bien informé du transfert des véhicules et de leur gardiennage. En effet, il est mentionné dans ce mail « dans ce dossier, je vous confirme avoir mis à l'abri le dernier véhicule. Tous les matériels roulants de Mont de Marsan sont désormais sur notre parc dans l'attente de votre décision quant à leur sort. Il reste un véhicule Renault stocké chez le garagiste à Castets, ce dernier exerçant un droit de rétention etc .... signé W... X...». Me I..., es qualités, ne pouvait ignorer le 4 mai 2017 que W... X... n'était pas le commissaire-priseur désigné par le tribunal de commerce par jugement d'ouverture de la procédure collective de la Sarl [...] et il n'apporte pas la preuve qu'il a réagi immédiatement à la situation présentée des véhicules pour y mettre un terme et demander à Me MF M... de se justifier sur les conditions de réalisation de l'inventaire. MF M... établit ainsi que le mandataire judiciaire avait donné tacitement son aval pour transférer les véhicules et les mettre à l'abri et qu'il a laissé perdurer la situation jusqu'au 31 mars 2018 sans se préoccuper davantage des véhicules litigieux. En revanche, eu égard aux photographies des véhicules représentant les conditions dans lesquelles ils étaient stockés, laissés à l'extérieur sur un terrain envahi d'herbes hautes, la qualité médiocre des conditions de gardiennage et donc de la prestation rendue par le commissaire-priseur judiciaire missionné par le tribunal conduit à réduire les frais taxés à la somme de 11.000 euros ttc en application de l'article R321-23 du code de commerce. Chaque partie conservera la charge de ses dépens » ; 1°) ALORS QUE le commissaire-priseur ne peut obtenir la taxation que des seuls honoraires, frais et débours exposés pour l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée par la juridiction qui l'a désigné ; que ne participent pas de l'inventaire et de la prisée des biens du débiteur, le « déplacement et le stockage » entre les mains d'un tiers de véhicules appartenant au débiteur, sans l'accord de celui-ci ou celui des organes de la procédure, aux fins d'en « éviter la dégradation et d'en préserver la valeur » ; qu'en l'espèce, Me M... a reconnu dans ses conclusions avoir sollicité le remboursement de ses frais uniquement pour couvrir une prestation de cette nature, en joignant la facture émise par la Sarl Espace Enchères Sud Aquitaine indiquant que la somme de 16 608 euros correspondait au « convoyage et gardiennage des véhicules » pour le compte de la société [...] , afin d'en préserver la valeur et éviter des dégradations; qu'en estimant que la demande de remboursement de tels frais par Me M... était justifiée au regard des dispositions du jugement d'ouverture qui avait chargé cette dernière d'effectuer l'inventaire et la prisée des biens du débiteur, le Premier Président de la Cour d'appel a violé les articles L 621-9 , L 641-III, R 622-4, R 621-23 du code de commerce et l'article 1 de l'ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs judiciaires ; 2°) ALORS QUE l'accord du liquidateur pour autoriser un commissaire-priseur à réaliser aux frais de la procédure des prestations n'entrant pas dans la mission que le jugement d'ouverture a confiée à ce dernier ne saurait résulter de son seul silence à réception d'un écrit l'informant de leur accomplissement ; qu'en déduisant l'accord de Me I... à la réalisation, par Me M..., de prestations de déplacement et d'entreposage de véhicules de la société [...] de la seule constatation que Me I... n'avait pas réagi à réception du mail que Me X... lui avait adressé le 4 mai 2017 pour l'informer qu'il avait procédé au déplacement et à la mise à l'abri de véhicules appartenant au débiteur, sans relever aucune circonstance particulière qui aurait été de nature à conférer au silence de Me I... valeur d'acceptation, le Premier Président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1301-3 et 1120 du code civil, et du principe selon lequel le silence ne vaut pas à lui seul acceptation ; 3°) ALORS QUE le remboursement des sommes dues à des tiers et payées ou avancées par eux auxquels ont droit les professionnels visés à l'article L 444-1 du code de commerce est subordonné à la condition que ces frais aient été engagés à l'occasion d'une mission que la loi ou le juge leur confient ; qu'en estimant que Me M... pouvait, en application de l'article R 444-13 III du code de commerce, obtenir le remboursement des frais qu'elle disait avoir exposés au titre de prestations de convoyage et de mise à l'abri de véhicules appartenant au débiteur qu'elle avait effectuées, tout en relevant que seule une mission d'inventaire et de prisée des biens de celui-ci lui avait été confiée par le tribunal, le Premier Président de la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE selon l'article R 444-13 III du code de commerce, les professionnels « ont droit au remboursement des sommes dues à des tiers et payées ou avancées par eux pour le compte, selon le cas, du client ou du débiteur » ; qu'en faisant application de ce texte, sans constater que Me M... aurait personnellement acquitté la facture de 16.608 euros sur la base de laquelle elle avait sollicité la fixation de ses émoluments, le Premier Président de la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.
Il résulte de la combinaison des articles L. 641-1, II, alinéa 7, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016, R. 622-4, alinéas 5 et 6, rendu applicable à la liquidation judiciaire par les articles R.444-13, III, et R. 641-14 du code de commerce et des articles 714 et 715 du code de procédure civile que le commissaire-priseur judiciaire ne peut obtenir du président du tribunal la taxation que des seuls émoluments, honoraires, frais et débours exposés pour l'accomplissement de la mission que lui a confiée le tribunal de la procédure collective ou le juge-commissaire qui l'a désigné. En conséquence, viole ces textes le premier président d'une cour d'appel qui fixe les honoraires du commissaire-priseur judiciaire, dont la seule mission consistait en l'inventaire et la prisée d'actifs du débiteur, à une somme comprenant l'accomplissement de diligences relatives au convoyage et au gardiennage des véhicules inventoriés et évalués, qui n'avaient fait l'objet d'aucune autorisation du juge-commissaire, ni d'un accord formel du liquidateur
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 596 F-P+B Pourvoi n° H 19-14.894 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 La société Yelloz vision, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 19-14.894 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. E... A..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Yelloz vision, 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général, pôle Ecofi, [...], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller doyen, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Yelloz vision, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. A..., et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 février 2019) et les productions, la société Yelloz vision a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 12 juillet et 20 juillet 2010, M. A... étant désigné liquidateur. 2. Le 17 septembre 2012, M. R..., dirigeant de la société Yelloz vision, a été condamné à payer au liquidateur la somme de 200 000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif. 3. Le 12 avril 2013, en exécution de cette décision, le liquidateur a fait procéder à la saisie des droits d'associé détenus par M. R... dans la société civile immobilière [...] et, le 3 octobre 2013, il a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de cette société. 4. Un jugement du 7 mars 2014 a ordonné la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif. 5. Une ordonnance de référé du 19 juillet 2017 a ordonné le placement sous séquestre d'une somme de 400 000 euros, provenant du prix d'un immeuble vendu par la société [...], jusqu'à ce qu'il soit justifié du règlement par M. R... des sommes dues à différents créanciers. 6. Le 6 novembre 2017, le liquidateur a demandé la réouverture de la liquidation judiciaire. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. La société Yelloz vision fait grief à l'arrêt de prononcer la réouverture de sa liquidation judiciaire alors, « que la procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif ne peut être reprise que s'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure ; qu'en jugeant, pour prononcer la réouverture de la procédure de liquidation de la société Yelloz vision afin de permettre la saisie de sommes séquestrées à la suite de la vente immobilière réalisée par la SCI [...] dont les parts sociales étaient détenues par le dirigeant de la société débitrice, qui avait été condamné à supporter l'insuffisance d'actif, « qu'il était possible de reprendre la liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif afin de poursuivre une procédure déjà engagée dans l'intérêt des créanciers », cependant que l'exécution forcée d'une action déjà engagée et non menée à son terme avant la clôture de la procédure de liquidation ne peut justifier la reprise de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 643-13 du code de commerce ». Réponse de la Cour 8. Aux termes de l'article L. 643-13, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise. Il en résulte que le droit d'agir ainsi reconnu au liquidateur emporte, pour celui-ci, la faculté de poursuivre l'exécution forcée d'une décision obtenue pendant la liquidation judiciaire au bénéfice des créanciers et qu'il n'avait pu ramener à exécution. 9. Ayant constaté qu'étaient intervenus, postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire de la société Yelloz vision, la vente de l'immeuble appartenant à une société civile immobilière dont le dirigeant possédait des parts et le placement sous séquestre d'une somme lui revenant, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il était possible de poursuivre, au bénéfice des créanciers, l'exécution de la condamnation de ce dirigeant au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif et que la procédure de liquidation judiciaire pouvait être reprise à cette fin. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Yelloz vision aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Yelloz vision ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Yelloz vision. Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la réouverture des opérations de liquidation judiciaire de la société Yelloz Vision et d'AVOIR rejeté la demande de la société Yelloz Vision tendant à dire n'y avoir lieu à réouverture des opérations de liquidation judiciaire ; AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 643-13 du code de commerce, tel qu'issu de la loi du 26 juillet 2005 et applicable en l'espèce, si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise ; qu'en application de cet article, il est possible de reprendre la liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif afin de poursuivre une procédure déjà engagée dans l'intérêt des créanciers ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance rendue le 19 juillet 2017 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, postérieurement à la clôture des opérations de liquidation judiciaire, qu'a été ordonné le séquestre entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une somme de 400 000 euros (et non 40 000 euros comme indiqué par le liquidateur dans ses écritures) correspondant au reliquat disponible d'une somme due à M. R... par la SCI [...] suite à une vente immobilière réalisée par cette SCI dont M. R... détient des parts sociales ; qu'il résulte également de cette décision que des avis à tiers détenteur de l'administration fiscale et des saisies, dont une du liquidateur de la société Yelloz Vision, ont été réalisés en 2013 et 2015, soit antérieurement à la vente ayant généré une créance de la SCI au profit de M. R... ; qu'en effet, suivant procès-verbal du 12 avril 2013 maître A... ès qualités avait fait pratiquer entre les mains de la SCI [...] une saisie de droits d'associé ou de valeurs mobilières ; que peu importe les raisons pour lesquelles le liquidateur avait sollicité la clôture de la procédure de liquidation judiciaire avant d'avoir épuisé toutes les voies d'exécution à l'encontre de M. R... pour faire exécuter la condamnation en comblement de l'insuffisance d'actif, dès lors qu'une somme revenant à ce dernier est séquestrée, il importe que la reprise soit ordonnée ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions (arrêt, p. 3-4) ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE la demande du liquidateur est régulière, recevable et bien fondée ; qu'il y a lieu d'y faire droit en application de l'article L. 622-34 du code de commerce, seule la réouverture des opérations permettant la reconstitution de l'actif de la liquidation judiciaire ; qu'en outre le tribunal estime nécessaire de fixer dès à présent un nouveau délai pour l'établissement de la liste des créances, en vue d'une vérification ultérieure des créances ; qu'il conviendra de fixer le délai au terme duquel la procédure devra être examinée, conformément à l'article L. 643-9 alinéa 1 ; qu'il conviendra d'ordonner toutes mesures légales de publicité, l'exécution provisoire et de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de justice (jugement, p. 2) ; ALORS QUE la procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif ne peut être reprise que s'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure ; qu'en jugeant, pour prononcer la réouverture de la procédure de liquidation de la société Yelloz Vision afin de permettre la saisie de sommes séquestrées à la suite de la vente immobilière réalisée par la SCI [...] dont les parts sociales étaient détenues par le dirigeant de la société débitrice, qui avait été condamné à supporter l'insuffisance d'actif, « qu'il [était] possible de reprendre la liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif afin de poursuivre une procédure déjà engagée dans l'intérêt des créanciers » (arrêt, p. 3, pénultième al.), cependant que l'exécution forcée d'une action déjà engagée et non menée à son terme avant la clôture de la procédure de liquidation ne peut justifier la reprise de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 643-13 du code de commerce.
Aux termes de l'article L. 643-13, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise. Il en résulte que le droit d'agir ainsi reconnu au liquidateur emporte, pour celui-ci, la faculté de poursuivre l'exécution forcée d'une décision obtenue pendant la liquidation judiciaire au bénéfice des créanciers et qu'il n'avait pu ramener à exécution. Ayant constaté qu'étaient intervenus, postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire de la société débitrice, la vente de l'immeuble appartenant à une société civile immobilière dont le dirigeant possédait des parts et le placement sous séquestre d'une somme lui revenant, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il était possible de poursuivre, au bénéfice des créanciers, l'exécution de la condamnation de ce dirigeant au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif et que la procédure de liquidation judiciaire pouvait être reprise à cette fin