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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 601 F-P+B Pourvoi n° G 19-15.171 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 M. L... D..., domicilié [...] , agissant en qualité de liquidateur de la société Mabrilou, a formé le pourvoi n° G 19-15.171 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. D..., ès qualités, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société CIC Ouest, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 janvier 2019), rendu en référé, par un jugement d'adjudication du 26 septembre 2014, rendu sur les poursuites de la société CIC Ouest (la banque), créancier inscrit, a été vendu aux enchères un bien immobilier appartenant à la société Mabrilou, pour le prix de 130 000 euros, séquestré entre les mains de la banque dans l'attente de sa distribution. 2. Le 14 octobre 2014, la société Mabrilou a été mise en liquidation judiciaire, M. D... étant désigné en qualité de liquidateur. La banque ayant déclaré une créance hypothécaire de 241 676,50 euros, qui a été contestée, le juge-commissaire a, par une ordonnance devenue irrévocable, admis cette créance à titre chirographaire, en raison de la disparition du privilège. 3. Estimant que la procédure de distribution du prix de vente de l'immeuble était caduque en application de l'article R. 622-19 du code de commerce, le liquidateur de la société Mabrilou a assigné la banque devant le juge des référés du tribunal de grande instance, afin de la voir condamnée, sous astreinte, à restituer à la liquidation judiciaire le prix de vente, outre les intérêts sur les fonds séquestrés. 4. La banque a soulevé l'incompétence du juge des référés au profit du juge de l'exécution, outre diverses contestations pour voir dire n'y avoir lieu à référé. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le liquidateur de la société Mabrilou fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé et de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « qu'hormis les procédures d'exécution ayant déjà produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, les procédures de distribution du prix de vente d'un immeuble sont caduques au jour de ce jugement et les fonds sont remis au mandataire judiciaire ; que la cour d'appel a constaté que l'immeuble appartenant à la SCI Mabrilou avait fait l'objet d'un jugement d'adjudication le 26 septembre 2014, la SCI Mabrilou ayant ensuite été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 14 octobre 2014 et que le prix de vente de l'immeuble avait été remis à la banque en qualité de séquestre en vue d'une distribution à déterminer ; qu'il s'évinçait de ces constatations que le jugement d'adjudication était inopposable à la procédure collective et que la distribution du prix relevait de la compétence exclusive du liquidateur à qui les fonds devaient être remis pour être répartis selon les règles de la procédure collective ; qu'en retenant cependant, pour conclure à une contestation sérieuse et dire n'y avoir lieu à référé, que l'inopposabilité du jugement d'adjudication à la procédure collective n'était pas établie d'évidence, le jugement d'adjudication ne pouvant être considéré comme anéanti rétroactivement par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le jugement d'adjudication étant devenu définitif dix jours après l'expiration du délai de surenchère, soit antérieurement à l'ouverture de la liquidation, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé les articles R. 622-19, R. 641-23 et R. 641-24 du code de commerce, ensemble l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Lorsque l'immeuble d'un débiteur mis en liquidation judiciaire a été vendu sur saisie immobilière, le juge compétent pour constater la caducité de la procédure de distribution du prix de vente n'ayant pas produit son effet attributif avant le jugement d'ouverture, en vertu de l'article R. 622-19 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-23 du même code, et pour ordonner, en conséquence, la remise des fonds au liquidateur aux fins de répartition, en vertu de l'article R. 641-24 de ce code, est non le juge des référés, mais le juge de l'exécution, en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire. 7. Le juge des référés n'étant pas compétent pour se prononcer sur la demande du liquidateur tendant à ce que les fonds lui soient remis aux fins de répartition, en vertu de l'article R. 641-24 susvisé, le fait que l'obligation de remise ne fût pas sérieusement contestable était sans incidence. Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef. 8. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. D..., en qualité de liquidateur de la SCI Mabrilou, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. D..., ès qualités. Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé et rejeté l'ensemble des demandes de Me L... D... en qualité de liquidateur judiciaire de la Sci Mabrilou ; AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant que Me L... D..., es qualités de liquidateur de la SCI Mabrilou, demande le versement de sommes détenues dans le cadre de la distribution du prix de vente d'un immeuble à la suite d'un jugement d'adjudication du 26 septembre 2014 ; que si l'action, fondée sur l'article 809 du code de procédure civile, peut relever de la compétence d'attribution du juge des référés dès lors qu'il existe une discussion sur l'antériorité de la procédure de distribution au jugement d'ouverture, elle implique de démontrer que l'existence de l'obligation pesant sur la société CIC Ouest n'est pas sérieusement contestable ; qu'il résulte d'une part des pièces versées aux débats, en particulier les courriers des parties en date du 19 et du 25 juin 2015 ainsi que l'ordonnance du juge commissaire du 29 juin 2015, que Me L... D..., es qualités de liquidateur de la SCI Mabrilou, avait connaissance à cette date de la saisie immobilière et de la procédure de distribution qui en découlait ; qu'il n'a pourtant sollicité la remise des fonds que le 22 juin 2017 ; que d'autre part, alors même qu'il a ainsi admis implicitement que la société CIC Ouest devait procéder -à la distribution des fonds, il n'a pas davantage contesté dans le délai légal de quinze jours le projet de distribution qui lui a été régulièrement notifié le 2 mai 2017 ; qu'enfin, outre que la caducité de la procédure de saisie immobilière est invoquée pour le moins tardivement, il convient de relever que l'inopposabilité du jugement d'adjudication du 26 septembre 2014 à la procédure collective n'est nullement établie d'évidence ; qu'en effet, à défaut de surenchère, l'adjudication ne peut être considérée comme ayant été anéantie rétroactivement par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le jugement d'adjudication étant devenu définitif dix jours après l'expiration du délai de surenchère, soit antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la demande de Me L... D..., es qualités de liquidateur de la SCI Mabrilou, se heurte à plusieurs contestations sérieuses ; ET AUX MOTIFS PROPRES QU'en l'espèce, Me D... fonde son action sur les dispositions des articles L. 622-21 et R. 622-19 du code de commerce, et considère qu'à défaut de publication du jugement d'adjudication, les fonds devaient lui être remis pour répartition et qu'ainsi l'obligation de restitution ne serait pas sérieusement contestable ; que plusieurs moyens opposés par le CIC Ouest constituent toutefois des contestations sérieuses ; que le premier est l'ordonnance rendue le 26 juin 2015 par le juge commissaire à la liquidation de la Sci Mabrilou, lequel, sur proposition de Me D... ès-qualités a admis «la créance de la Banque CIC OUEST pour la somme de 241.676,50 euros à titre chirographaire dans l'attente d'une déclaration de créance rectificative, à savoir : déduction faite du règlement à venir», ce règlement étant, au regard des motifs de l'ordonnance, celui allant provenir de la distribution du prix de l'adjudication ; que dès lors il doit être constaté qu'à cette date, ni Me D... ès-qualités, ni le juge commissaire ne contestait la procédure de distribution de prix allant être menée par le CIC Ouest ; que surtout, il existe une contradiction certaine à avoir fait perdre au CIC Ouest le caractère privilégié de sa créance en raison de l'attribution qui allait lui être faite du prix de l'adjudication pour ensuite revendiquer de lui distribuer ce même prix comme simple créancier chirographaire ; que le second est la signification ayant été faite le 2 mai 2017 à Me D... ès-qualités de la notification du projet de distribution du prix, projet qu'il n'a pas contesté dans le délai prévu par les dispositions de l'article R. 332-5 du code des procédures civiles d'exécution, préférant saisir deux mois plus tard le juge des référés, alors même que les dispositions des articles R. 332-1 et suivants organisent une procédure de distribution de la compétence exclusive du juge de l'exécution en cas de contestation du projet et de l'impossibilité d'accord amiable ; ALORS QU'hormis les procédures d'exécution ayant déjà produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, les procédures de distribution du prix de vente d'un immeuble sont caduques au jour de ce jugement et les fonds sont remis au mandataire judiciaire ; que la cour d'appel a constaté que l'immeuble appartenant à la Sci Mabrilou avait fait l'objet d'un jugement d'adjudication le 26 septembre 2014, la SCI Mabrilou ayant ensuite été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 14 octobre 2014 et que le prix de vente de l'immeuble avait été remis au CIC Ouest en qualité de séquestre en vue d'une distribution à déterminer ; qu'il s'évinçait de ces constatations que le jugement d'adjudication était inopposable à la procédure collective et que la distribution du prix relevait de la compétence exclusive du liquidateur à qui les fonds devaient être remis pour être répartis selon les règles de la procédure collective ; qu'en retenant cependant, pour conclure à une contestation sérieuse et dire n'y avoir lieu à référé, que l'inopposabilité du jugement d'adjudication à la procédure collective n'était pas établie d'évidence, le jugement d'adjudication ne pouvant être considéré comme anéanti rétroactivement par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le jugement d'adjudication étant devenu définitif dix jours après l'expiration du délai de surenchère, soit antérieurement à l'ouverture de la liquidation, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé les articles R. 622-19, R. 641-23 et R.641-24 du code de commerce, ensemble l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile.
Lorsque l'immeuble d'un débiteur mis en liquidation judiciaire a été vendu sur saisie immobilière, le juge compétent pour constater la caducité de la procédure de distribution du prix de vente n'ayant pas produit son effet attributif avant le jugement d'ouverture, en vertu de l'article R. 622-19 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-23 du même code, et pour ordonner, en conséquence, la remise des fonds au liquidateur aux fins de répartition, en vertu de l'article R. 641-24 de ce code, est non le juge des référés, mais le juge de l'exécution, en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire
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FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 659 FS-P+B+R Pourvoi n° G 19-16.206 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 La société Gefco, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-16.206 contre l'arrêt rendu le 5 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Chubb European Group SE, dont le siège est [...] , société européenne, anciennement dénommée Chubb European Group Limited, anciennement dénommée Ace European Group Limited, 2°/ à la société Transports Catroux, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 3°/ à la société Allianz Global Corporate & Specialty SE, dont le siège est [...] , société de droit étranger, venant aux droits de la société Allianz Global Corporate & Specialty France, défenderesses à la cassation. La société Chubb European Group SE a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Gefco, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Transports Catroux et de la société Allianz Global Corporate & Specialty SE, venant aux droits de la société Allianz Global Corporate & Specialty France, de Me Le Prado, avocat de la société Chubb European Group SE, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fevre, M. Riffaud, conseillers, M. Guerlot, Mme Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mmes Kass-Danno, Bessaud, M. Boutié, Mmes Tostain, Bellino, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 février 2019), la société L'Oréal, assurée auprès de la société ACE European Group Limited, devenue la société Chubb European Group (la société Chubb), a conclu un contrat de commission de transport avec la société Gefco pour l'acheminement en France de ses marchandises. 2. Le 29 juin 2010, la société Gefco a sous-traité le transport de produits cosmétiques à la société Transports Catroux (le voiturier), qui, selon lettre de voiture du 30 juin 2010, a pris en charge les marchandises à Ingré (Loiret) afin de les acheminer à Villeneuve d'Ascq (Nord). 3. La remorque, laissée en stationnement sur un parking dans l'attente qu'un second chauffeur vienne la prendre en charge le lendemain, a disparu au cours de la nuit et été retrouvée vide le 2 juillet 2010. 4. La société Chubb ayant, sur le fondement d'une cession de droits consentie par la société L'Oréal, assigné en responsabilité les sociétés Transports Catroux et Gefco, celle-ci a appelé en garantie le voiturier et l'assureur de ce dernier, la société Allianz Global Corporate & Specialty (la société Allianz). Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le deuxième moyen du pourvoi principal, et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de la société Chubb, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. La société Gefco fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action exercée par la société Chubb, alors « qu'aux termes de l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances, "l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur" ; que s'il est loisible aux parties au contrat d'assurance d'écarter la subrogation légale prévue par cette disposition en faveur d'une subrogation conventionnelle, l'assureur ne peut en revanche pas valablement agir contre le responsable du dommage en vertu d'une cession de droits qui lui aurait été consentie par son assuré ; qu'en effet, l'introduction du mécanisme de subrogation légale aujourd'hui prévu à l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances a été motivée par la volonté du législateur de mettre un terme à la pratique antérieure des cessions de droits, jugée dangereuse pour les assurés ; que pour admettre en l'espèce la recevabilité du recours exercé par la société Chubb European Group, assureur de la société L'Oréal, à l'encontre de la société Gefco, la cour d'appel a considéré que, compte tenu du caractère supplétif de l'article L. 121-12 du code des assurances, rien n'empêchait l'assureur d'agir, outre sur le fondement d'une subrogation, sur le fondement d'une cession de droits ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-12 du code des assurances. » Réponse de la Cour 7. C'est à bon droit que, l'assurance litigieuse couvrant le risque d'avaries et pertes subies par des marchandises transportées, l'arrêt retient qu'il était loisible à la société L'Oréal de consentir à la société Chubb la cession de ses droits et actions nés des dommages qui ont donné lieu à l'application de la garantie de l'assureur puis à celui-ci d'agir en responsabilité contre le commissionnaire de transport et le transporteur sur le fondement de cette seule cession et non par voie de subrogation. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi incident relevé par la société Chubb Enoncé du moyen 9. La société Chubb fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause les sociétés Transports Catroux et Allianz, alors : « 1°/ que, aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 1er du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que, pour mettre hors de cause le voiturier, la cour d'appel a énoncé qu'il n'était pas démontré qu'elle ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute ; qu'en conditionnant la responsabilité du voiturier à la démonstration de sa faute, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ; 2°/ que, aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 1er du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que, pour mettre hors de cause le voiturier, la cour d'appel a énoncé que la cause exclusive du dommage était, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui aurait omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que le voiturier avait "stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13h35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises", ce dont il résultait qu'il avait nécessairement commis une faute, en relation causale avec le vol de la marchandise, faute d'avoir mis en oeuvre des précautions élémentaires de sécurité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-1 du code de commerce et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 133-1 du code de commerce : 10. Aux termes de ce texte, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure. 11. Pour mettre hors de cause le voiturier, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que celui-ci ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute, la cause exclusive du dommage étant, d'une part, le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité, d'autre part, la faute de la société L'Oréal ayant omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises. 12. En statuant ainsi, tout en relevant que la circonstance que le transporteur avait omis de garer le véhicule dans un lieu surveillé et de laisser le tracteur couplé à la remorque était en lien de causalité direct avec la perte des marchandises, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de la société Chubb European Group, l'arrêt rendu le 5 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; Condamne les sociétés Transports Catroux et Allianz Global Corporate & Specialty aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Gefco. PREMIER MOYEN DE CASSATION LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'action exercée par la société Ace devenue Chubb European Group ; AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article 31 du code de procédure civile que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Il résulte de l'article L. 111-2 du code des assurances que ne peuvent être modifiées par convention les prescriptions des titres I, II, III et IV du présent livre, sauf celles qui donnent aux parties une simple faculté et qui sont contenues ( ) dans les articles ( ) L.121-12 (...). Il résulte en outre de l'article L. 121-12 du code des assurances que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. En l'espèce, la société Chubb, assureur de la société L'Oréal, exerce son action non pas sur le fondement d'une subrogation légale ou conventionnelle à l'encontre des tiers auteurs du dommage, mais sur le fondement d'une cession, par la société L'Oréal, de ses droits à son profit. Les sociétés Gefco, Catroux et Allianz soutiennent que le recours de l'assureur à l'encontre du responsable du dommage est nécessairement de nature subrogatoire, impliquant un paiement effectif au profit de l'assuré, à l'exclusion du recours fondé sur une cession de droits, arguant notamment du fait que le mécanisme de la cession de droits est insuffisamment protecteur des droits des assurés en ce qu'il permet à l'assureur d'agir contre le responsable sans qu'il ait au préalable indemnisé son assuré. Elles soutiennent qu'en créant une subrogation légale spécifique au profit de l'assureur, le législateur a écarté la pratique ancienne des cessions de droits, ce qui a été confirmé par la jurisprudence ultérieure de la Cour de cassation. La société Chubb soutient au contraire qu'elle peut valablement agir en qualité de cessionnaire des droits de la société L'Oréal. Elle soutient que l'article L. 121-12 du code des assurances est supplétif et que les parties peuvent y déroger, notamment en ce que l'assureur peut agir sur le fondement d'une subrogation conventionnelle au lieu de la subrogation légale. Il résulte des dispositions précitées, et notamment de la possibilité de modification par convention des dispositions de l'article L. 121-12 précité, que celles-ci ne sont pas d'ordre public, la jurisprudence la plus récente précisant en outre qu'elles ne sont pas impératives, de sorte que rien n'empêche l'assureur d'agir, outre sur le fondement d'une subrogation, sur le fondement d'une cession de droits. Force est ici de constater que, par un acte du 1er septembre 2010, la société L'Oréal a cédé l'intégralité de ses droits détenus au titre du vol survenu entre le 30 juin et le 1er juillet 2010. Cette cession de droits n'étant pas contestée par les parties, il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la société Chubb était recevable à agir sur ce fondement »; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'à l'assignation du 30 juin 2011, est joint l'acte de cession des droits en date du 1er septembre 2010, signé par l'Oréal au profit d'ACE et se rapportant aux marchandises dérobées lors du sinistre survenu dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 2010, que cet acte cède l'intégralité des droits détenus par son signataire, incluant le droit d'agir en justice ; que l'assignation et le dénonciation de l'acte précité est intervenue avant la date de prescription de l'action, que les conditions des articles 1689 et 1690 du code civil sont réunies ; que les dispositions de l'article L.121-12 du code des assurances dont se prévalent Catroux, Alliantz et Gefco pour soulever l'irrecevabilité de la requête d'ACE, assureur de l'Oréal, ne font pas obstacle à ce que l'assureur en sa qualité de tiers au contrat de transport, puisse agir en responsabilité contractuelle au titre des articles 1689 à 1701 du code civil ». ALORS, d'une part, QU' aux termes de l'article L.121-12, alinéa 1er, du code des assurances, « l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur » ; que s'il est loisible aux parties au contrat d'assurance d'écarter la subrogation légale prévue par cette disposition en faveur d'une subrogation conventionnelle, l'assureur ne peut en revanche pas valablement agir contre le responsable du dommage en vertu d'une cession de droits qui lui aurait été consentie par son assuré ; qu'en effet, l'introduction du mécanisme de subrogation légale aujourd'hui prévu à l'article L.121-12, alinéa 1er, du code des assurances a été motivée par la volonté du législateur de mettre un terme à la pratique antérieure des cessions de droits, jugée dangereuse pour les assurés ; que pour admettre en l'espèce la recevabilité du recours exercé par la société Chubb European Group, assureur de la société L'Oréal, à l'encontre de la société Gefco, la cour d'appel a considéré que, compte tenu du caractère supplétif de l'article L.121-12 du code des assurances, rien n'empêchait l'assureur d'agir, outre sur le fondement d'une subrogation, sur le fondement d'une cession de droits ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article L.121-12 du code des assurances. ALORS, d'autre part, et subsidiairement, QU' à supposer même que les parties au contrat d'assurance soient en droit d'écarter la subrogation légale instituée par l'article L.121-12, alinéa 1er, du code des assurances, au profit d'une cession de droits consentie par l'assuré à son assureur, l'efficacité d'un tel procédé demeurerait en toute hypothèse subordonnée à la vérification que la cession offre à l'assuré les mêmes garanties qu'une subrogation légale ou conventionnelle ; que pour faire produire effet en l'espèce à la cession de droits consentie par la société L'Oréal à son assureur, la cour d'appel s'est bornée à constater que cette cession n'était pas contestée par les parties ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier que cette cession de droits n'était pas moins favorable à l'assuré qu'une subrogation légale ou conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.121-12 du code des assurances. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Gefco à payer à la société Chubb European Group la somme de 1.315.212,80 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2011 et capitalisation des intérêts ; AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article L. 132-5 du code de commerce que le commissionnaire de transport est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture ou force majeure. La société Chubb recherche la responsabilité personnelle de la société Gefco pour manquement à ses obligations de commissionnaire de transport en ce qu'elle a omis de répercuter au voiturier les consignes de sécurité énoncées au cahier des charges. La société Gefco admet ne pas avoir fait signer le cahier des charges à la société Catroux et ne pas l'avoir fait agréer par la société L'Oréal, mais soutient que ces circonstances n'ont aucun lien de causalité avec la perte des marchandises. Elle indique en outre que la société Catroux était informée de la nature des marchandises et qu'il lui appartenait de prendre spontanément les mesures nécessaires. Elle soutient à titre subsidiaire que la société L'Oréal a elle-même commis une faute qui l'exonère au moins partiellement de sa responsabilité. La société Transports Catroux estime que les fautes commises, tant par la société Gefco que par la société L'Oréal sont la cause exclusive du dommage, l'exonérant de toute responsabilité. Elle sollicite dès lors la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause. Le cahier des charges signé entre la société L'Oréal et la société Gefco prévoit au chapitre « conditions générales de sécurité », paragraphe « sous-traitance » que la sous-traitance ne peut se réaliser qu'avec des transporteurs ayant signé le chapitre Sécurité du cahier des charges et que les transporteurs affrétés doivent en outre avoir été agréés par les responsables du groupe L'Oréal. Il est enfin précisé que : « l'affréteur doit s'assurer que pour toute opération de transport pour le compte du groupe L'Oréal, le transporteur sélectionné est bien signataire des accords ci-inclus ». Le cahier des charges précise en outre au paragraphe « sécurité des marchandises » que le « véhicule ne doit pas stationner dans un lieu sans aucune surveillance » durant les coupures journalières et qu'il est « interdit de désaccoupler le tracteur et la remorque ...sauf en cas de fonctionnement par relais. Dans ce cas, la remorque ne doit rester désaccouplée que le temps du changement de tracteur ». Le fait que la société Gefco ait omis, d'une part de faire agréer la société Catroux par la société L'Oréal, d'autre part de lui faire signer le chapitre sécurité du cahier des charges caractérise bien un manquement de la société Gefco à ses obligations. Il résulte en outre du rapport d'expertise qu'en contradiction avec les consignes de sécurité dont elle n'avait pas connaissance, la société Catroux a stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle a en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises. Le fait que la confirmation d'affrètement adressée par la société Gefco à la société Catroux mentionne au titre des instructions particulières « fret et véhicule à sécuriser impérativement » et que la lettre de voiture mentionne comme nature de marchandises « cosmétiques », s'il permet de démontrer que la société Catroux avait connaissance de la nature des marchandises et qu'elle devait prendre des mesures de sécurité, est insuffisant à démontrer que la société Gefco a rempli son obligation, dès lors que l'information qu'elle devait donner à son sous-traitant était beaucoup plus précise (stationnement dans un lieu surveillé, interdiction de désaccouplement). Le manquement de la société Gefco à son obligation de faire signer les consignes de sécurité à la société Catroux est en lien de causalité avec le fait que celle-ci, non informée de ces consignes ainsi qu'il résulte notamment du rapport d'expertise, a elle-même omis de stationner le véhicule dans un lieu surveillé et de laisser le tracteur couplé à la remorque, circonstances en lien de causalité directe avec la perte des marchandises. C'est ainsi à bon droit que le premier juge a retenu une faute personnelle de la société Gefco » ; ET AUX MOTIFS ADOPTAES QUE « le cahier des charges « transport de lots» passé entre Gefco et L'Oréal, daté du 15 juin 2010, stipule notamment en son chapitre E que la sous-traitance ne peut se réaliser qu'avec des transporteurs ayant signé ce chapitre, que lors du chargement, le conducteur doit émarger un document reprenant les règles principales, que le véhicule ne doit pas stationner sans surveillance, et en caractères particulièrement apparents, s'agissant des coupures journalières, qu' « il est interdit de désaccoupler le tracteur et la remorque, et qu' « aucune dérogation à cette règle n'est permise » ; que le rapport de l'expert X... conclut en sa partie « Analyse», que les instructions du cahier des charges précité concernant en particulier le décrochage de la semi-remorque, le lieu de stationnement non sécurisé et la répercussion par Catroux à Gefco des consignes sécuritaires, n'avaient pas été respectées. Qu'est également relevé par ce même expert que Gefco aurait dû pour ce type de transport de produits de luxe, mettre en place un référencement par transporteur, plutôt qu'un recours à une bourse de fret. que le rapport d'expertise du commissariat d'avaries de Paris référencé 2010-00-5472 du 8 octobre 2010, ne contredit pas les affirmations qui précèdent, en mentionnant « L'événement a eu lieu alors que la remorque des transports Catroux chargée des produits L'Oréal était stationnée sur le site entièrement clos, fermé et cadenassé des transports Roussel à 45 Rebrechien, conformément aux consignes stipulées dans la confirmation d'affrètement Gefco du 29 juin 2010: fret et véhicule à sécuriser impérativement ». qu'en application des dispositions des articles L1432-2 à L1432-12 du code des transports, le commissionnaire de transport est responsable de son fait personnel et du fait de ses substitués, qu'au titre des articles L.132.4 et L.132.5 du code de commerce, il est garant de l'arrivée des marchandises dans le délai déterminé par la lettre de voiture , hors les cas de force majeure légalement déterminés, et garant des avaries et pertes de marchandises , s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure, que la lettre de voiture produite aux débats, ne contient aucune mention, ni dans la partie « instructions aux conducteurs », ni dans la partie « observations particulières ou réserves », qu'il est établi et non sérieusement contesté que Gefco, régulièrement prévenu du fait du cahier des charges applicable, n'a pris aucune disposition pour informer son transporteur sous-traitant du caractère sensible et nécessitant une sécurisation du transport, n'a assuré aucun suivi dudit transport, a en outre mis en oeuvre un recrutement de transporteur par la voie d'une bourse de transport ayant conduit à faire appel à un transporteur inhabituel et non informé de la spécificité des marchandises ; » ALORS QUE seule est réparable, en cas d'incertitude affectant le lien causal entre la faute et le dommage subi, la perte de chance d'éviter la survenance dudit dommage ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a relevé que le manquement de la société Gefco à son obligation de faire signer le chapitre sécurité du cahier des charges au transporteur entretenait un lien de causalité avec le fait que celui-ci, non informé de ces consignes, avait omis de stationner le véhicule dans un lieu sûr et de laisser le tracteur couplé à la remorque ; que la cour d'appel a par ailleurs relevé que ces circonstances avaient « grandement facilité le vol de la remorque » (arrêt attaqué p.8) ; qu'il résulte des constatations même de la cour d'appel que le dommage final, résultant du vol des marchandises, aurait pu se produire quand bien même la société Gefco n'aurait commis aucun manquement à ses obligations, un tel manquement ayant tout au plus « facilité » un tel vol ; qu'en condamnant, nonobstant l'incertitude affectant le lien causal entre la faute et le dommage, la société Gefco à réparer le dommage et non la perte de chance de l'éviter, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L.132-5 du code de commerce, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR mis hors de cause les sociétés Transports Catroux et Allianz ; AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article L. 133-1 du code de commerce que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure. Il résulte de l'article L. 133-8 du même code qu'est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage, et son acceptation téméraire sans raison valable. La société Chubb recherche également la responsabilité de la société Catroux en sa qualité de voiturier sur le fondement de la lettre de voiture. Elle soutient que la société Catroux a commis une faute inexcusable l'empêchant de se prévaloir des limitations de responsabilité. Elle fait ainsi valoir que la société Catroux connaissait la nature et la valeur du chargement, rappelant qu'elle n'a pris aucune mesure pour le sécuriser, lui faisant ainsi courir un risque de façon téméraire et sans raison valable dès lors qu'elle avait la possibilité de stationner la remorque sur deux autres sites surveillés. La société Gefco soutient également que la société Catroux a commis une faute inexcusable. La société Transports Catroux affirme avoir agi avec diligence et prudence en mettant en oeuvre les précautions d'usage, de sorte qu'elle n'a commis aucune faute de quelque nature que ce soit, ajoutant qu'en tout état de cause les fautes commises, tant par la société Gefco que par la société L'Oréal constituent des causes exonératoires de sa propre responsabilité. A titre subsidiaire, elle soutient qu'aucune faute inexcusable ne peut lui être imputée de sorte qu'elle est bien fondée à se prévaloir des limitations de responsabilité. Elle fait valoir qu'elle ignorait la valeur du chargement et n'avait reçu aucune instruction, de sorte qu'elle ne pouvait avoir conscience du risque encouru par le fait le laisser la remorque dételée sur une aire de stationnement non surveillée. Les seuls éléments portés à la connaissance de la société Catroux, quant à la nature de la marchandise et aux règles de sécurité à adopter, sont d'une part le fait qu'il s'agissait de produits manufacturés, et plus précisément de cosmétiques, d'autre part le fait que le « fret et le véhicule sont à sécuriser impérativement ». Si la société Catroux avait ainsi connaissance du fait qu'elle transportait des cosmétiques, aucun élément ne lui permettait de connaître la valeur particulièrement élevée du chargement (plus d'un million et demi d'euros), d'autant que le prix du transport était un prix standard (420 euros pour un transport de 350 kilomètres) ainsi qu'elle le fait observer. Si la société Gefco avait, à l'occasion de plusieurs transports antérieurs (mai 2010), donné à la société Catroux des indications précises quant aux mesures de sécurité à adopter -telles que « véhicule à sécuriser SVP pour tous arrêts sur parking sécurisé » (cf : annexes du rapport CESAM) -force est de constater que tel n'était pas le cas pour le transport du 30 juin 2010, la mention « véhicule et fret à sécuriser impérativement » ne portant pas de consigne particulière notamment quant à l'utilisation d'un parking sécurisé. Du fait de l'absence d'information précise quant à la valeur des marchandises, et de consignes de sécurité moins contraignantes que lors de transports antérieurs, la société Catroux n'avait pas de raison particulière de craindre la survenance d'un vol et ne pouvait donc avoir conscience de la probabilité d'un dommage. Le fait d'avoir stationné le véhicule sur un terrain privé fermé par une grille et un cadenas, même non surveillé, pouvait dès lors se concevoir comme une mesure de sécurité suffisante au regard des consignes qu'elle avait reçues. Il n'est donc pas démontré que la société Catroux ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute, la cause exclusive du dommage étant, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui a omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises. Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Catroux et son assureur » ; ET AUX MOFITS ADOPTES QUE « c'est à juste titre que Catroux fait valoir que le transporteur a été contacté par la bourse de fret Téléroute, pour un transport ne mentionnant dans la confirmation d'affrètement que «produits manufacturés » sans autre précision quant à sa valeur, pour un transport rémunéré par un montant ne pouvant donner à penser qu'il présentait un risque particulier, et sans instruction particulière concernant la nature des marchandises ainsi que le confirme le courrier de Gefco du 6 juillet 2010 qui précise sans le démontrer que les éléments de sécurisation de ce fret ont été données téléphoniquement. Qu'ainsi, Catroux n'a pas commis de faute en entreposant dans un site fermé du transporteur Roussel, dont il n'est pas établi qu'il présentait un risque particulier, et alors même que les constatations expertales donnent à penser que ce transport avait fait l'objet d'un repérage dès la sortie du site de L'Oréal. Qu'ainsi, la faute inexcusable de Catroux n'est pas démontrée, et pas davantage une faute de nature à faire supporter au transporteur une part de responsabilité dans le présent sinistre. Le tribunal décidera que Catroux sera mis hors de cause, ensemble son assureur Alliantz. » ALORS, d'une part, QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; que pour mettre hors de cause la société Catroux, à laquelle avait été confiée la mission d'acheminer les marchandises par la société Gefco, ainsi que son assureur, la cour d'appel a considéré que la cause exclusive du dommage résidait d'une part dans le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part dans la faute de la société L'Oréal, qui n'avait pas remis au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que la société Catroux avait « stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, d'autre part, QUE constitue une faute le fait pour un transporteur, informé du fait qu'il devait impérativement sécuriser le fret et le véhicule, de stationner son camion dans un lieu sans aucune surveillance et de désaccoupler le tracteur et la remorque durant une longue période ; que pour mettre hors de cause la société Catroux, la cour d'appel a considéré que cette dernière, qui « n'avait pas de raison particulière de craindre la survenance d'un vol et ne pouvait avoir conscience de la probabilité d'un dommage », n'avait pas commis de faute inexcusable, « ni même une quelconque faute » (arrêt attaqué p.11) ; qu'en statuant ainsi, après avoir néanmoins relevé que la société Catroux, dûment informée du fait que « le fret et le véhicule sont à sécuriser impérativement » (arrêt attaqué p. 10), avait néanmoins « stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque » (arrêt attaqué pp.7-8), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L.133-1 du code de commerce, ensemble l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Moyens produits au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Chubb European Group SE. PREMIER MOYEN DE CASSATION LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR condamné la société Gefco à payer à la société Chubb European Group la seule somme de 1 315 212,80 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2011 et capitalisation des intérêts, AUX MOTIFS QUE « sur la faute imputée à la société L'Oréal, les sociétés Gefco et Catroux soutiennent que la société L'Oréal a elle-même commis une faute les exonérant partiellement de leur responsabilité, dans une proportion que la société Gefco évalue à 50%, au motif, d'une part que le défaut d'agrément du sous-traitant peut entraîner une responsabilité conjointe du transporteur et de la société L'Oréal, d'autre part que la société L'Oréal a elle-même omis de faire signer au chauffeur le document reprenant les règles de sécurité, et enfin pour n'avoir pas exigé un transport direct sans coupure ; que la société Chubb conteste tout manquement de son assurée à ses obligations ; que la société Gefco ayant accepté les conditions du transport, et notamment la contrainte d'une coupure nocturne, ne peut aujourd'hui rechercher la responsabilité de la société L'Oréal sur ce point ; que le cahier des charges prévoit : « en cas de nécessité absolue, un transporteur non agréé peut être utilisé sous la responsabilité conjointe du directeur de l'agence transport et du responsable de l'établissement L'Oréal concerné » ; que force est ici de constater que la société Gefco n'établit pas l'existence d'une nécessité absolue de recourir à un transporteur non agréé, de sorte qu'il n'y a pas lieu à partage de responsabilité à ce titre ; que le cahier des charges prévoit en outre au paragraphe « sous-traitance » que « lors du chargement, le conducteur doit émarger un document reprenant les règles principales » ; que la société Gefco soutient que ces règles principales sont celles relatives à la sécurité des marchandises (point E2 du cahier des charges), tandis que la société Chubb soutient qu'il s'agit simplement des règles de sécurité des personnels (règles de sécurité des opérations de chargement et déchargement) ; qu'en l'absence de production du document que le conducteur doit émarger, la cour n'est pas en mesure de s'assurer si les règles principales sont celles relatives à la sécurité des marchandises ou des personnels ; que l'absence de production de ce document est imputable à la société Chubb qui ne met pas la cour en mesure d'effectuer les vérifications nécessaires, de sorte qu'elle doit en supporter les conséquences, la cour considérant ainsi que les règles principales portent sur la sécurité des marchandises ; qu'en tout état de cause, force est de constater que la société Chubb, et surtout son assurée, ne justifient pas avoir remis au conducteur les règles principales et de les lui avoir fait émarger ; que si la société L'Oréal avait respecté le cahier des charges et remis au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises, l'attention de ce dernier aurait été attirée sur les risques encourus au cours du transport, augmentant ainsi les chances d'éviter le sinistre, de sorte que ce non-respect du cahier des charges est en lien de causalité avec le dommage subi ; que la cour retiendra dès lors que la société L'Oréal a elle-même commis un manquement à ses obligations en lien de causalité avec le dommage subi, estimant toutefois que sa responsabilité ne peut être évaluée à plus de 15% du dommage, l'essentiel de la responsabilité pesant sur la société Gefco, en sa qualité de professionnel de l'organisation du transport ; que le jugement sera donc réformé sur ce point » ; 1°/ ALORS QUE le commissionnaire de transport qui sait que les marchandises qui lui sont confiées comportent un risque particulier de vol a l'obligation d'en informer le voiturier de telle sorte que puissent être prises les mesures nécessaires à leur sécurité ; que, pour imputer à la société L'Oréal une part de responsabilité de 15%, la cour d'appel a relevé que le cahier des charges lui imposait de faire émarger par le conducteur un document reprenant les « règles principales », puis énoncé que, en l'absence de production dudit document par la société Chubb, elle ne pouvait vérifier si ces règles portaient sur la sécurité des marchandises, la société Chubb devant en supporter les conséquences, et que, faute de justification de son émargement, il en résultait que si la société L'Oréal avait respecté le cahier des charges et remis au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises, l'attention de ce dernier aurait été attirée sur les risques encourus au cours du transport, augmentant ainsi les chances d'éviter le sinistre ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que « le manquement de la société Gefco à son obligation de faire signer les consignes de sécurité à la société Catroux est en lien de causalité avec le fait que celle-ci, non informée de ces consignes ainsi qu'il résulte notamment du rapport d'expertise, a elle-même omis de stationner le véhicule dans un lieu surveillé et de laisser le tracteur couplé à la remorque, circonstances en lien de causalité directe avec la perte des marchandises », et que la société Gefco avait accepté les conditions du transport, et notamment la contrainte d'une coupure nocturne, ce dont il résultait qu'à supposer que la société L'Oréal ait pu commettre une faute, celle du commissionnaire de transport, étant prépondérante, l'avait nécessairement absorbée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 132-5 du code de commerce et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE la charge de la preuve de la faute de l'expéditeur ayant contribué à la réalisation du sinistre pèse sur le commissionnaire de transport ; que, pour imputer à la société L'Oréal une part de responsabilité de 15%, la cour d'appel a relevé que le cahier des charges lui imposait de faire émarger par le conducteur un document reprenant les « règles principales », puis énoncé que, en l'absence de production dudit document par la société Chubb, elle ne pouvait vérifier si ces règles portaient sur la sécurité des marchandises, la société Chubb devant en supporter les conséquences, et que, faute de justification de son émargement, il en résultait que si la société L'Oréal avait respecté le cahier des charges et remis au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises, l'attention de ce dernier aurait été attirée sur les risques encourus au cours du transport, augmentant ainsi les chances d'éviter le sinistre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 3°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE, pour imputer à la société L'Oréal une part de responsabilité de 15%, la cour d'appel a relevé que le cahier des charges lui imposait de faire émarger par le conducteur un document reprenant les « règles principales », puis énoncé que, en l'absence de production dudit document par la société Chubb, elle ne pouvait vérifier si ces règles portaient sur la sécurité des marchandises, la société Chubb devant en supporter les conséquences, et que, faute de justification de son émargement, il en résultait que si la société L'Oréal avait respecté le cahier des charges et remis au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises, l'attention de ce dernier aurait été attirée sur les risques encourus au cours du transport, augmentant ainsi les chances d'éviter le sinistre ; qu'en statuant ainsi, par des motifs hypothétiques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR mis hors de cause les sociétés Transports Catroux et Allianz, AUX MOTIFS PROPRES QU' « il résulte de l'article L. 133-1 du code de commerce que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; qu'il résulte de l'article L. 133-8 du même code qu'est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage, et son acceptation téméraire sans raison valable ; que la société Chubb recherche également la responsabilité de la société Catroux en sa qualité de voiturier sur le fondement de la lettre de voiture ; qu'elle soutient que la société Catroux a commis une faute inexcusable l'empêchant de se prévaloir des limitations de responsabilité ; qu'elle fait ainsi valoir que la société Catroux connaissait la nature et la valeur du chargement, rappelant qu'elle n'a pris aucune mesure pour le sécuriser, lui faisant ainsi courir un risque de façon téméraire et sans raison valable dès lors qu'elle avait la possibilité de stationner la remorque sur deux autres sites surveillés ; que la société Gefco soutient également que la société Catroux a commis une faute inexcusable ; que la société Transports Catroux affirme avoir agi avec diligence et prudence en mettant en oeuvre les précautions d'usage, de sorte qu'elle n'a commis aucune faute de quelque nature que ce soit, ajoutant qu'en tout état de cause les fautes commises, tant par la société Gefco que par la société L'Oréal constituent des causes exonératoires de sa propre responsabilité ; qu'à titre subsidiaire, elle soutient qu'aucune faute inexcusable ne peut lui être imputée de sorte qu'elle est bien fondée à se prévaloir des limitations de responsabilité ; qu'elle fait valoir qu'elle ignorait la valeur du chargement et n'avait reçu aucune instruction, de sorte qu'elle ne pouvait avoir conscience du risque encouru par le fait le laisser la remorque dételée sur une aire de stationnement non surveillée ; que les seuls éléments portés à la connaissance de la société Catroux, quant à la nature de la marchandise et aux règles de sécurité à adopter, sont d'une part le fait qu'il s'agissait de produits manufacturés, et plus précisément de cosmétiques, d'autre part le fait que le « fret et le véhicule sont à sécuriser impérativement » ; que si la société Catroux avait ainsi connaissance du fait qu'elle transportait des cosmétiques, aucun élément ne lui permettait de connaître la valeur particulièrement élevée du chargement (plus d'un million et demi d'euros), d'autant que le prix du transport était un prix standard (420 euros pour un transport de 350 kilomètres) ainsi qu'elle le fait observer ; que si la société Gefco avait, à l'occasion de plusieurs transports antérieurs (mai 2010), donné à la société Catroux des indications précises quant aux mesures de sécurité à adopter - telles que « véhicule à sécuriser SVP pour tous arrêts sur parking sécurisé » (cf : annexes du rapport CESAM) - force est de constater que tel n'était pas le cas pour le transport du 30 juin 2010, la mention « véhicule et fret à sécuriser impérativement » ne portant pas de consigne particulière notamment quant à l'utilisation d'un parking sécurisé ; que du fait de l'absence d'information précise quant à la valeur des marchandises, et de consignes de sécurité moins contraignantes que lors de transports antérieurs, la société Catroux n'avait pas de raison particulière de craindre la survenance d'un vol et ne pouvait donc avoir conscience de la probabilité d'un dommage ; que le fait d'avoir stationné le véhicule sur un terrain privé fermé par une grille et un cadenas, même non surveillé, pouvait dès lors se concevoir comme une mesure de sécurité suffisante au regard des consignes qu'elle avait reçues ; qu'il n'est donc pas démontré que la société Catroux ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute, la cause exclusive du dommage étant, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui a omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; que le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Catroux et son assureur » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « c'est à juste titre que Catroux fait valoir que le transporteur a été contacté par la bourse de fret Téléroute, pour un transport ne mentionnant dans la confirmation d'affrètement que « produits manufacturés » sans autre précision quant à sa valeur, pour un transport rémunéré par un montant ne pouvant donner à penser qu'il présentait un risque particulier, et sans instruction particulière concernant la nature des marchandises ainsi que le confirme le courrier de Gefco du 6 juillet 2010 qui précise sans le démontrer que les éléments de sécurisation de ce fret ont été données téléphoniquement ; qu'ainsi, Catroux n'a pas commis de faute en entreposant dans un site fermé du transporteur Roussel, dont il n'est pas établi qu'il présentait un risque particulier, et alors même que les constatations expertales donnent à penser que ce transport avait fait l'objet d'un repérage dès la sortie du site de L'Oréal ; qu'ainsi, la faute inexcusable de Catroux n'est pas démontrée, et pas davantage une faute de nature à faire supporter au transporteur une part de responsabilité dans le présent sinistre ; que le tribunal décidera que Catroux sera mis hors de cause, ensemble son assureur Allianz » ; 1°/ ALORS QUE, aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 1er du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que, pour mettre hors de cause la société Transports Catroux, voiturier, la cour d'appel a énoncé qu'il n'était pas démontré qu'elle ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute ; qu'en conditionnant la responsabilité du voiturier à la démonstration de sa faute, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ; 2°/ ALORS QUE, aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 1er du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que, pour mettre hors de cause la société Transports Catroux, voiturier, la cour d'appel a énoncé que la cause exclusive du dommage était, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui aurait omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que le voiturier avait «stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises», ce dont il résultait qu'il avait nécessairement commis une faute, en relation causale avec le vol de la marchandise, faute d'avoir mis en oeuvre des précautions élémentaires de sécurité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-1 du code de commerce et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; que pour mettre hors de cause la société Transports Catroux, voiturier substitué par la société Gefco, commissionnaire, la cour d'appel a énoncé qu'il n'était pas démontré qu'elle ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute, la cause exclusive du dommage étant, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui a omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que le voiturier avait « stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises », ce dont il résultait qu'il avait nécessairement commis une faute, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile 4°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE constitue une faute le fait pour un transporteur, informé du fait qu'il devait impérativement sécuriser le fret et le véhicule, de stationner son camion dans un lieu sans aucune surveillance et de désaccoupler le tracteur et la remorque durant une longue période ; que pour mettre hors de cause la société Transports Catroux, voiturier, la cour d'appel a énoncé que cette dernière, qui « n'avait pas de raison particulière de craindre la survenance d'un vol et ne pouvait avoir conscience de la probabilité d'un dommage », n'avait pas commis de faute inexcusable, « ni même une quelconque faute » ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que la société Transports Catroux, informée que « le fret et le véhicule sont à sécuriser impérativement», avait, en dépit de cette instruction, « stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque», la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L.133-1 du code de commerce et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Une personne, assurée contre le risque d'avaries et pertes subies par des marchandises transportées, peut librement consentir à son assureur une cession de ses droits et actions nés des dommages, de sorte que ce dernier peut agir en responsabilité contre le commissionnaire de transport et le transporteur sur le fondement de cette seule cession et non par voie de subrogation
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SOC. / ELECT LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 octobre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 1155 FS-P+B+R+I Pourvoi n° F 20-18.669 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020 Le Syndicat des artistes interprètes et enseignants de la musique de la danse et des arts dramatiques et de tous salariés sans exclusive (SAMUP) (les cadres y compris), dont le siège est 21 bis rue Victor Masse, 75009 Paris, a formé le pourvoi n° F 20-18.669 contre le jugement rendu le 31 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Confédération générale du travail Force ouvrière (CGT-FO), dont le siège est 141 avenue du Maine, 75014 Paris, 2°/ à la Confédération générale du travail (CGT), dont le siège est 263 rue de Paris, 93100 Montreuil, 3°/ à la Confédération française de l'encadrement (CFE-CGC), dont le siège est 56-63 rue du Rocher, 75008 Paris, 4°/ à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), dont le siège est 128 avenue Jean Jaurès, 93697 Pantin cedex, 5°/ à la Direction générale du travail, dont le siège est 39-45 quai André Citroën, 75902 Paris cedex 15, 6°/ à la Confédération autonome du travail (CAT), dont le siège est 22 rue Saint-Vincent de Paul, 75010 Paris, 7°/ à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), dont le siège est 4 boulevard de la Villette, 75019 Paris, 8°/ à la Confédération nationale des travailleurs solidarité ouvrière (CNT-SO), dont le siège est 4 rue de la Martinique, 75018 Paris, 9°/ au Syndicat des travailleurs corses (STC) (sindicatu dil travagliadori corsi), dont le siège est avenue Napoléon III, parc San Lorenzo, Le Sologne, BP 383, 20186 Ajaccio cedex 2, 10°/ à l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), dont le siège est 21 rue Jules Ferry, 93177 Bagnolet cedex, 11°/ à l'Union des syndicats antiprécarité (SAP), dont le siège est 26 rue de la Marne, 78800 Houilles, 12°/ à l'Union syndicale Solidaires (SOLIDAIRES), dont le siège est 31 rue de la Grange-aux-Belles, 75010 Paris, 13°/ à la Confédération nationale des éducateurs sportifs salariés du sport et de l'animation (SNES), dont le siège est 49 rue Nationale, 85100 Les Sables-D'Olonne, 14°/ à la Confédération des syndicats d'assistants familiaux et d'assistants maternels (CSAFAM), dont le siège est 9 chemin du Patrouillard, 60530 Fresnoy-en-Thelle, 15°/ à la Fédération nationale des syndicats professionnels et de l'enseignement libre catholique (SPELC), dont le siège est 192 bis rue de Vaugirard, 75015 Paris, 16°/ au Syndicat intermedia des travailleurs de l'information et de la communication (SITIC), dont le siège est 2 rue Grignan, maison de l'information, 13001 Marseille, 17°/ au Syndicat national indépendant des gardiens d'immeubles et concierges (SNIGIC), dont le siège est 51 rue de l'Echiquier, 75010 Paris, 18°/ au Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), dont le siège est 65-67 rue d'Amsterdam, 75008 Paris, 19°/ au Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et télévision (SNTPCT), dont le siège est 10 rue Tretaigne, 75018 Paris, 20°/ au Syndicat professionnel des assistants maternels et assistants familiaux (SPAMAF), dont le siège est 5 rue Pierre Chaumont, Le Grand Veneur n° 7, 27190 Conches-en-Ouche, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du SAMUP, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la CGT-FO, de la CGT, de la CFE-CGC et de la CFTC, et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 31 juillet 2020), le Syndicat des artistes interprètes et enseignants de la musique et de la danse et des arts dramatiques et de tous les salariés sans exclusive (les cadres compris) (le SAMUP) a déposé sa candidature auprès de la direction générale du travail dans le cadre du scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés. Il y a été déclaré recevable en tant qu'organisation syndicale interprofessionnelle par décision du 12 mai 2020. 2. La Confédération générale du travail force ouvrière (CGT-FO), la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération française de l'encadrement (CFE-CGC) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ont saisi le tribunal judiciaire le 8 juillet 2020 pour contester la décision de la direction générale du travail. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. Le SAMUP fait grief au jugement de le déclarer irrecevable à se porter candidat au scrutin destiné à la mesure de l'audience électorale des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés au niveau national, alors « qu'en application de l'article L. 2122-10-6 du code du travail, une organisation syndicale de salariés qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance et de transparence financière, légalement constituée depuis au moins deux ans et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné est en droit de se porter candidate au scrutin organisé pour la mesure de l'audience des organisations syndicales dans les TPE ; qu'aucun texte n'interdit à un syndicat professionnel poursuivant une action interprofessionnelle de se porter candidat à ce scrutin , peu important qu'il ne soit pas affilié à une organisation syndicale représentative national et interprofessionnel ; qu'en déclarant irrecevable la candidature du SAMUP qui remplit toutes les conditions précitées, au motif que poursuivant une action interprofessionnelle, il n'est pas un syndicat professionnel et qu'il n'est pas une union de syndicats, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2122-10-6, L. 2131-1 et L. 2131-2, alinéa 1, et R. 2122-35 du code du travail. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article L. 2122-10-6 du code du travail que peuvent être candidates au scrutin permettant de mesurer l'audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés les organisations syndicales de salariés qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance et de transparence financière, légalement constituées, depuis au moins deux ans et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel. 6. Peuvent ainsi être candidates audit scrutin les organisations syndicales professionnelles, ainsi que les unions et confédérations syndicales, remplissant certaines conditions. 7. Le code du travail distingue à cet égard les syndicats dits primaires, qui, aux termes de l'article L. 2131-2 du code du travail regroupent des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale, et les unions de syndicats, au sein desquelles, selon l'article L. 2133-1 du code du travail, les syndicats professionnels régulièrement constitués peuvent se concerter pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux. Il résulte de cette distinction que si les unions de syndicats peuvent être intercatégorielles, les syndicats professionnels primaires doivent respecter dans leurs statuts les prescriptions de l'article L. 2131-2 et ne peuvent dès lors prétendre représenter tous les salariés et tous les secteurs d'activité. 8. En l'espèce, le tribunal judiciaire a constaté que, suite à une modification de ses statuts actée en février 2020, le SAMUP avait ajouté à son sigle, son objet et ses conditions d'adhésion, la possibilité de représenter tous les salariés sans exclusive et tous les secteurs d'activité. Il en a exactement déduit que le SAMUP ne pouvait plus être qualifié d'organisation syndicale professionnelle et que, ne constituant pas une union syndicale, il ne pouvait pas être candidat au scrutin permettant de mesurer l'audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le SAMUP Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré le Syndicat des Artistes- Interprètes et Enseignants de la Musique, de la Danse, et des Arts Dramatiques et de tous les salariés sans exclusive (les cadres y compris) irrecevable à se porter candidat au scrutin destiné à la mesure de l'audience électorale des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de 11 salariés au niveau national ; AUX MOTIFS QUE « L'article L. 2122-10-6 du code du travail dispose : « Les organisations syndicales de salariés qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance et de transparence financière, légalement constituées depuis au moins deux ans et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel se déclarent candidats auprès des services du ministre chargé du travail dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ». L'article R. 2122-35 du même code précise : « Les syndicats affiliés à une même organisation syndicale au niveau interprofessionnel se déclarent candidats sous le seul nom de cette organisation. Les organisations syndicales autres que celles auxquelles leurs statuts donnent vocation à être présentes au niveau interprofessionnel indiquent la ou les branches dans lesquelles elles se portent candidates compte tenu des salariés qu'elles ont statutairement vocation à représenter ». L'article L. 2122-10-6 du code du travail fait partie du titre Il intitulé « représentativité syndicale » du livre 1er intitulé « les syndicats professionnels » de la deuxième partie du code du travail. Ce titre a donc pour objet de déterminer la représentativité des organisations syndicales à différents niveaux de l'entreprise jusqu'au niveau national. Le titre III du même livre est quant à lui intitulé « statut juridique, ressources et moyens » et a pour objet de définir les organisations syndicales. Y figurent l'article L. 2131-2 du code du travail disposant en son alinéa premier « les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale peuvent se constituer librement », ainsi que les articles L. 2133-1 : « Les syndicats professionnels régulièrement constitués peuvent se concerter pour l'étude et la défense de leurs matériels et moraux » et L. 2133-2 : « Les unions de syndicats sont soumises aux dispositions des articles L. 2131-1, L. 2131-3 à L. 2131-5, L. 2 I41-1 et L. 2141-2 ». Ainsi la mention des organisations syndicales telles qu'elle est faite en première partie [de] l'article L. 2122-10-6 du code du travail n'a pas pour objet de créer une nouvelle définition d'organisation syndicale propre à cet article et à la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises de moins de 11 salariés, mais cette mention a pour objet la référence générale aux diverses formes d'organisations syndicales telles que prévues au titre suivant, les unions de ces syndicats professionnels et pour ces dernières, quel que soit le mode d'organisation de l'union (notamment géographique ou professionnelle...) et son intitulé (union, fédération, confédération ou toute autre dénomination librement choisie, par rapport aux organisations spécifiques sous forme de syndicat mentionnées en deuxième partie du texte. Celle-ci : « le syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel » répond ainsi nécessairement à la définition du syndicat opérée à l'article L. 2131-2 précité. Lorsque l'organisation syndicale présente sa candidature, elle doit, soit être un syndicat affilié à une organisation syndicale interprofessionnelle (conformément à l'alinéa 1er de l'article R. 2122-35), soit être cette organisation syndicale interprofessionnelle, laquelle n'est donc pas un syndicat. La convention n° 87 de l'organisation internationale du travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical prévoit : - en son article 3 que « les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action. Les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal », - en son article 5 que « les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que celui de s'y affilier, et toute organisation, fédération ou confédération a le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs et d'employeurs », - en son article 8 « dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l'instar des autres personnes en collectivités organisées, de respecter la légalité. La législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention ». Cette convention prévoit donc bien la possibilité pour des organisations de travailleurs de s'organiser en fédération ou confédération et tout en interdisant aux Etats de limiter le droit de s'organiser en syndicat, elle n'interdit pas aux Etats de fixer un cadre définissant le syndicat et notamment son caractère professionnel, lequel correspond à l'objet premier de la convention : permettre la réunion de travailleurs. Le caractère professionnel imposé au syndicat répond à ce critère d'union de travailleurs. La définition de l'article L. 2131-2 du code du travail disposant en son alinéa premier « les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale peuvent se constituer librement » n'interdit aucunement à un syndicat de représenter des professions diverses puisqu'elle permet notamment à un même syndicat de réunir des adhérents dans des professions connexes ou concourant à l'établissement de produits déterminés. Pour reprendre les exemples du SAMUP, tout en gardant un caractère professionnel et un champ professionnel déterminé d'action, il lui serait ainsi permis d'admettre les adhésions de personnes n'exerçant pas des métiers à vocation artistique, mais travaillant dans une entreprise à vocation artistique, comme de personnes exerçant leur métier d'artiste à titre occasionnel ou secondaire dans une entreprise qui a ou non une vocation artistique. Ce qui démontre la liberté syndicale tant au niveau des adhérents qu'au niveau du secteur d'activité choisi par le syndicat. Enfin, le code du travail prévoit expressément la possibilité de fédérer les syndicats et de mener par ce biais une action interprofessionnelle. Ce qui correspond aux objectifs de la convention. Il n'est donc aucunement porté atteinte à la liberté de se syndiquer reconnue par les dispositions constitutionnelles ou les dispositions conventionnelles internationales précitées, par la définition du syndicat professionnel opérée au code du travail. Concernant son champ d'intervention professionnelle, les statuts du syndicat prévoient désormais, dans leur version modifiée le 28 février 2020 : - en article 1er qu'il porte le nom de « SYNDICAT DES ARTISTES INTERPRÈTES ET ENSEIGNANTS DE LA MUSIQUE DE LA DANSE ET DES ARTS DRAMATIQUES ET DE TOUS LES SALARIES SANS EXCLUSIVE (les cadres y compris) », - en article 3 qu'il a pour but de « grouper sans distinction d'opinions politiques, philosophiques ou religieuses, tous les artistes-interprètes et enseignants de la musique, de la danse, des arts dramatiques, et tous les salariés sans exclusive y compris les cadres » et « d'assurer l'unité du mouvement syndical et plus particulièrement dans les domaines des activités de la Musique, de la Danse, des Arts Dramatiques et de tous les secteurs, sans exclusive, y compris les cadres », - en article 48 que « peuvent adhérer au syndicat tous les artistes-interprètes et enseignants de la musique, de la danse, des arts dramatiques et tous les salariés y compris les cadres ». Il s'ensuit qu'en cumulant la possibilité des adhésions à toutes les professions et la possibilité d'intervention à tous les secteurs d'activité, le SAMUP poursuit une action interprofessionnelle, telle que revendiquée à sa candidature. Il excède alors la définition de syndicat professionnel, sans pouvoir se prévaloir de celle d'une union de syndicats. Ainsi, n'étant plus un syndicat professionnel, et n'étant pas une union de syndicats, le SAMUP ne répond pas aux conditions des articles L. 2122-10-6 et R. 2122-35 du code du travail et ne peut être habilité à se porter candidats aux élections considérées » ; 1°- ALORS QUE constitue un syndicat professionnel au sens de l'article L. 2131-1 du code du travail, le syndicat qui regroupe des membres soit de la même profession, soit des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés ; qu'en l'espèce, en vertu de ses statuts modifiés le 28 février 2020, le SAMUP, régulièrement constitué sous la forme d'un syndicat professionnel par le dernier dépôt de ses statuts en mairie du 18 juillet 2013, a élargi son champ professionnel aux salariés qui exercent une activité professionnelle en lien avec le champ culturel et artistique ; qu'il assure ainsi la défense des artistes-interprètes et enseignants de la musique, de la danse, des arts dramatiques, même lorsqu'ils exercent des activités étrangères au champ artistique et culturel et des personnes qui exercent une activité artistique et culturelle dans une entreprise dont l'activité est étrangère à ce champ ; qu'en retenant que le SAMUP cumule « la possibilité des adhésions à toutes les professions et la possibilité d'intervention à tous les secteurs d'activité » pour lui dénier la qualité de syndicat professionnel et le droit d'être candidat au scrutin destiné à la mesure de l'audience électorale des organisations syndicales dans les TPE du seul fait que figure la mention « tous les salariés sans exclusive » sans vérifier, comme il y était invité, si les membres que le SAMUP défend ne relèvent pas du champ culturel et artistique, comme le démontrent ses actions, ni s'expliquer sur les autres dispositions statutaires, notamment les articles 3 et 19 énumérant les activités concernées, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2122-10-6 , L. 2131-1 et L. 2131-2 alinéa 1 du code du travail ; 2°- ALORS QU'en application de l'article L. 2122-10-6 du code du travail, une organisation syndicale de salariés qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance et de transparence financière, légalement constituée depuis au moins deux ans et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné est en droit de se porter candidate au scrutin organisé pour la mesure de l'audience des organisations syndicales dans les TPE ; qu'aucun texte n'interdit à un syndicat professionnel poursuivant une action interprofessionnelle de se porter candidat à ce scrutin , peu important qu'il ne soit pas affilié à une organisation syndicale représentative national et interprofessionnel ; qu'en déclarant irrecevable la candidature du SAMUP qui remplit toutes les conditions précitées, au motif que poursuivant une action interprofessionnelle, il n'est pas un syndicat professionnel et qu'il n'est pas une union de syndicats, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2122-10-6, L. 2131-1 et L. 2131-2 alinéa 1 et R. 2122-35 du code du travail.
Le code du travail distingue les syndicats dits primaires, qui, aux termes de l'article L. 2131-2 du code du travail regroupent des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale, et les unions de syndicats, au sein desquelles, selon l'article L. 2133-1 du code du travail, les syndicats professionnels régulièrement constitués peuvent se concerter pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux. Il résulte de cette distinction que si les unions de syndicats peuvent être intercatégorielles, les syndicats professionnels primaires doivent respecter dans leurs statuts les prescriptions de l'article L. 2131-2 et ne peuvent dès lors prétendre représenter tous les salariés et tous les secteurs d'activité
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N° M 19-81.207 FS-P+B+I N° 1821 EB2 20 OCTOBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 OCTOBRE 2020 REJET du pourvoi formé par la société Confraternelle Exploitation et Répartition Pharmaceutique Rhin Rhône Méditerranée contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 11 octobre 2018, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 24 octobre 2017, pourvoi n° 16-86.058), l'a condamnée pour pratique commerciale trompeuse, à 7 000 euros d'amende, et pour infractions au code de la santé publique à trois-cent-quatre-vingt-dix amendes de 100 euros chacune. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Méano, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Confraternelle Exploitation et Répartition Pharmaceutique Rhin Rhône Méditérranée, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Méano, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, MM. Bellenger, Lavielle, Samuel, Mme Goanvic, conseillers de la chambre, M. Leblanc, Mme Guerrini, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. A l'occasion d'un contrôle effectué en 2013 par les services de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) dans les locaux de la société Confraternelle Exploitation et Répartition Pharmaceutique Rhin Rhône Méditerranée (la société CERP), des infractions ont été relevées concernant la crème « Akildia » et le complément alimentaire « Calori Light », produits fabriqués par des laboratoires monégasques et commercialisés par la société CERP. 3. La société CERP a été poursuivie d'une part pour avoir, à Belfort, du 1er janvier 2012 au 30 juin 2014, commis une pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l'espèce en commercialisant un produit cosmétique, la crème « multi-protectrice Akildia », dont la présentation par son emballage et sa notice est de nature à créer une confusion avec un médicament ; elle a été poursuivie, d'autre part, pour avoir, à trois-cent-quatre-vingt-dix reprises, à Belfort, du 5 mai 2013 au 30 juin 2014, fait usage d'une allégation de santé non autorisée dans l'étiquetage d'une denrée alimentaire, en l'espèce en commercialisant sur le territoire national un produit importé, à savoir cinq-cent-soixante-trois boîtes de complément alimentaire « Calori Light », comportant sur son étiquetage et sa notice, l'allégation non autorisée: « Captez 50 % des matières grasses ». 4. Les juges du premier degré ont relaxé la société CERP. 5. Le ministère public a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième, cinquième, septième, huitième et neuvième branches 6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 216 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, des articles 55 et 88-1 de la Constitution, des articles 111-3, 111-4 et 122-3 du code pénal, L. 121-1, L. 121-6, L. 221-1, L. 221-1-4 et L. 221-2 du code de la consommation, L. 5111-1 et L. 5131-1 du code de la santé publique, des articles 2, 4 et 20 du règlement (CE) n°1223/2009 du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques, de l'accord du 4 décembre 2003 entre la Communauté européenne et la Principauté de Monaco portant sur l'application de certains actes communautaires au territoire de la Principauté de Monaco, de l'article 3 de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 et des articles préliminaires, des articles 388 et 593 du code de procédure pénale. 8. Le moyen, en ses première, deuxième, quatrième et sixième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société CERP coupable de pratique commerciale trompeuse et l'a condamnée à une peine de 7 000 euros d'amende, alors : « 1°/ que, selon les articles 4 et 20 du règlement européen du 30 novembre 2009, la « personne responsable » devant garantir la conformité d'un produit cosmétique fabriqué dans l'Union Européenne aux obligations prévues par le règlement, notamment celles relatives à l'absence d'allégations attribuant au produit des caractéristiques ou fonctions qu'il ne possède pas, est le fabricant de ce produit lorsqu'il est établi dans l'Union européenne ; que, selon l'accord conclu le 4 décembre 2003 entre la Communauté européenne, devenue Union européenne, et la Principauté de Monaco, les actes communautaires dans le domaine des produits cosmétiques s'appliquent également au territoire de Monaco ; qu'il résulte de cet accord que le règlement européen du 30 novembre 2009 est applicable à Monaco, de sorte que le fabricant établi à Monaco qui met sur le marché un produit cosmétique au sein de l'Union européenne doit être regardé comme étant la seule « personne responsable » d'éventuelles allégations attribuant au produit des caractéristiques ou des fonctions qu'il ne possède pas ; qu'au cas présent, il est constant que la société Confraternelle Exploitation et Répartition Pharmaceutique Rhin Rhône Méditerranée ne faisait que distribuer la crème « multi protectrice Akildia » fabriquée par le laboratoire Asepta, établi à Monaco, lequel était, en vertu de la convention susvisée, seul responsable des allégations figurant sur l‘emballage et la notice des produits cosmétiques ; qu'en déclarant néanmoins la société Confraternelle Exploitation et Répartition Pharmaceutique Rhin Rhône Méditerranée coupable de pratique commerciale trompeuse en raison d'allégations figurant sur l'emballage et la notice du produit, quand cette société ne pouvait répondre des allégations figurant sur l'emballage et la notice d'un produit fabriqué par un laboratoire monégasque, assimilé pour l'application des règles relatives aux produits cosmétiques à un laboratoire d'un Etat membre de l'Union Européenne, et qui était en cette qualité seule tenue au respect des règles en matière d'étiquetage et d'emballage, la cour d'appel a violé le textes susvisés ; 2°/ que, la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs; qu'en prétendant se fonder sur une prétendue interprétation de la commission pour dire que l'objectif de l'accord du 4 décembre 2003 entre la Communauté européenne et la Principauté de Monaco portant sur l'application de certains actes communautaires au territoire de la Principauté de Monaco « est à l'évidence la protection du consommateur » et que dès lors que cet accord n'opère aucun changement du statut de Monaco, « les produits fabriqués à Monaco sont donc considérés comme des produits importés », cependant qu'une communication officielle de la Commission européenne du 20 novembre 2012 sur les relations avec la principauté d'Andorre, la principauté de Monaco et la République de San Marin, communication figurant au dossier, exposait, s'agissant de l'accord bilatéral du 4 décembre 2003, que « cet accord vise à faciliter la vente de médicaments à usage humain et vétérinaire, de produits cosmétiques et de dispositifs médicaux monégasques sur le marché de l'UE » et qu'il « prévoit la mise en oeuvre sur le territoire de Monaco des éléments pertinents de l'acquis dans ce domaine », la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires ; 4°/ que les dispositions du règlement du 30 novembre 2009, qui désignent la personne responsable, notamment quant aux allégations concernant un produit cométique – notamment l'attribution de caractéristiques ou de fonctions qu'il n'a pas – sont impératives et s'opposent à ce que l'application d'une réglementation interne puisse conduire à considérer une autre personne comme responsable de telles allégations ; que, dès lors qu'en application de ce règlement, lorsqu'un produit est fabriqué sur le territoire de l'Union européenne, seul le fabricant ou la personne désignée par lui est responsable d'éventuelles allégations erronées ou trompeuses sur les qualités du produit, l'importateur ou le distributeur ne sauraient avoir à répondre de telles allégations ; qu'en jugeant que les dispositions du code de la consommation relatives aux pratiques commerciales trompeuses permettaient d'écarter l'application du règlement du 30 novembre 2009, pour estimer que la société CERP, même si elle n'était pas le fabricant du produit litigieux, devait répondre des mentions figurant sur l'emballage et la notice de ce produit, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ; 6°/ qu'en vertu de l'article 4-5 du règlement CE n° 1223/2009, la « personne responsable » ne peut être que l'importateur, à savoir, en application de l'article 2 du même règlement, celui qui a mis, pour la première fois, le produit sur le marché communautaire et qui doit donc contrôler les mentions du produit au moment de cette mise sur le marché ; qu'au cas présent, la société CERP faisait valoir, sans être contredite, que la crème Akildia avait été mise sur la marché français directement par la société Asepta dès le mois d'avril 2011, antérieurement à la distribution du dossier par la société CERP ; que, dans ces conditions, la société CERP ne pouvait pas être qualifiée d'importateur et donc de personne responsable des allégations figurant sur le produit ; qu'en jugeant pour qualifier néanmoins la société CERP d'importateur que « la notion de premier metteur sur le marché doit s'entendre non pas du premier opérateur historique mais du premier opérateur dans la filière de commercialisation et ce à tout moment, lors de la pénétration du produit sur le territoire national », la cour d'appel a opéré une confusion entre l'importateur et le distributeur au sens du règlement CE n° 1223/2009 et violé ainsi les textes susvisés. » Réponse de la Cour 9. Pour déclarer la société CERP coupable de pratiques commerciales trompeuses, l'arrêt attaqué énonce notamment et en substance, que la prévention est relative non pas à la non conformité du produit, au regard des dispositions du règlement (CE) n°1223/2009 du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques, mais à une pratique commerciale trompeuse, c'est à dire des allégations thérapeutiques de nature, en l'espèce, à faire croire au consommateur qu'il achète un médicament pouvant traiter le diabète, et ce sur le fondement de la législation française qui, par l'article L. 121-1 du code de la consommation en vigueur au moment des faits, a transposé la directive n° 2005/29 CEE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur. 10. Les juges ajoutent que la personne ainsi désignée par la loi comme responsable d'une pratique commerciale trompeuse est celle pour le compte de laquelle cette pratique est mise en oeuvre, ou qui est appelée à profiter in fine de l'erreur induite et à bénéficier des engagements qui pourraient être souscrits par suite de la tromperie; ils relèvent que cette désignation n'a pas de caractère exclusif et que d'autres intervenants peuvent aussi être pénalement condamnés à titre « secondaire », étant observé que l'identification de l'auteur comme des coauteurs d'un délit de pratique commerciale trompeuse obéit d'ailleurs, depuis la loi du 17 mars 2014, aux règles de droit commun. 11. Les juges retiennent ensuite qu'en l'espèce la société CERP commercialise la crème Akildia, laquelle est présentée comme un produit cosmétique alors que la présentation du produit est en relation avec le traitement de pathologies chez les patients diabétiques; ils retiennent encore que la formule générique « protection globale du pied diabétique », associée tant sur l'emballage que dans la notice, aux termes « propriétés anti fongiques, et anti bactériennes, fongistatique », relevant de la pharmacologie de la dermatologie et de la médecine biologique, fait bien de la crème Akildia un médicament par présentation, ciblant spécifiquement le consommateur diabétique, de sorte qu'une tromperie sur ses qualités essentielles en résulte pour le consommateur. 12. La cour d'appel en déduit que la responsabilité de la société CERP dans la commission des faits de pratique commerciale trompeuse peut être examinée et doit être retenue. 13. En l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui, après avoir apprécié souverainement les faits, a caractérisé en tous ses éléments le délit de pratique commerciale trompeuse dont elle a déclaré la prévenue coupable, a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen. 14. En effet, le règlement (CE) n°1223/2009, du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques, n'a pas pour effet de soustraire ceux-ci aux dispositions issues de la transposition de la directive précitée, ces textes ayant tous deux pour objectif de protéger les consommateurs et la directive pouvant s'appliquer, de manière complémentaire, aux allégations relatives aux produits cosmétiques dans la mesure où celles-ci sont le fruit d'une pratique commerciale trompeuse. 15. Il s'ensuit qu'en l'absence de doute raisonnable, il n'y a pas lieu de transmettre la question préjudicielle présentée à titre subsidiaire par la société CERP, sur le point de savoir si les dispositions générales de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales permettent d'écarter les dispositions spécifiques du règlement du 30 novembre 2009 s'agissant de la désignation de la personne responsable d'allégations trompeuses ou erronées sur un produit cosmétique. 16. Il en résulte par ailleurs que les questions préjudicielles relatives à la portée de l'accord du 12 décembre 2003 entre la Communauté européenne et la Principauté de Monaco sur l'application de certains actes communautaires au territoire de celle-ci, s'agissant du règlement de 2009 sur les produits cosmétiques, n'ont pas d'incidence sur la solution du litige. 17. Ainsi, le moyen, qui est inopérant en ce qu'il vise des motifs surabondants de l'arrêt, relatifs à la question de savoir qui, du fabricant monégasque ou de l'importateur, doit en l'espèce être considéré comme la personne responsable au sens du règlement (CE) n°1223/2009 du 30 novembre 2009, doit être écarté. Sur le second moyen Enoncé du moyen 18. Le moyen est pris de la violation des articles 3 du règlement (CE) n°178/2002 du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, des articles 2, 6 et 10 du règlement (CE) n°1924/2006 du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires, de l'article 8 du règlement (UE) n°1969/2011 du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, des articles 121-1 du code pénal, L. 412-1, anciennement L. 214-1, R. 412-18, anciennement R. 214-2, R. 451-1, anciennement L. 214-2, du code de la consommation, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société CERP coupable d'usage d'une allégation de santé non autorisée dans l'étiquetage d'une denrée alimentaire et l'a condamnée à 390 amendes de 100 euros, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 3 du règlement (CE) n°178/2002 du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, de l'article 6 du règlement (CE) n°1924/2006 du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires et de l'article 8 du règlement (UE) n°1969/2011 du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires que la personne chargée de garantir le respect des prescriptions de la législation alimentaire, et de répondre des allégations relatives aux denrées alimentaires, est l'exploitant du secteur alimentaire sous le nom ou la raison sociale duquel la denrée alimentaire est commercialisée ou, si ledit exploitant n'est pas établi dans l'Union européenne, l'importateur sur le marché de l'Union ; qu'au cas présent, la société CERP faisait valoir que le complément alimentaire « Calori Light » était mis sur le marché et commercialisé par la société Forté Pharma Benelux, établie à Bruxelles, qui était l'exploitant du secteur alimentaire responsable des allégations concernant le produit ; qu'en se fondant sur la seule qualité d'importateur de la prévenue pour juger celle-ci responsable des allégations figurant sur le produit « Calori Light », sans caractériser la qualité d'exploitant du secteur alimentaire, ni déterminer la personne ayant cette qualité et devant répondre des allégations figurant sur le produit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ; 2°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen déterminant de la prévenue relatif à l'application des règlements européens n°178/2002 du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, n°1924/2006 du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires et n°1969/2011 du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires et à la recherche de la personne ayant la qualité d'exploitant du secteur alimentaire responsable des informations sur le produit Calori Light, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision ; 3°/ que devant la cour d'appel, la société CERP faisait valoir que le produit Calori Light avait fait l'objet d'une déclaration de mise sur le marché français par la société Forté Pharma le 11 mars 2011 et que cette déclaration comportait un modèle d'étiquetage portant la mention « capter 50 % des matières grasses » ; que la prévenue exposait que, dans ces conditions, elle ne pouvait être responsable de la mise sur le marché du produit et de l'allégation litigieuse ; qu'en qualifiant la société CERP d'importateur pour la déclarer responsable d'une allégation de santé non autorisée sur une denrée alimentaire, sans répondre à ce chef de conclusions déterminant, la cour d'appel a n'a pas motivé sa décision. » Réponse de la Cour 20. Pour déclarer la société CERP coupable d'utilisation d'une allégation de santé non autorisée dans l'étiquetage d'une denrée alimentaire, l'arrêt retient qu'elle s'est approvisionnée à Monaco, pays tiers à l'Union européenne, et a commercialisé le complément alimentaire Calori Light, comportant l'allégation de santé non autorisée « Captez 50 % des matières grasses », de sorte qu'elle en est l'importateur, étant précisé que la notion de premier metteur sur le marché ne s'entend pas au plan historique mais qu'elle caractérise le premier opérateur dans la chaîne de commercialisation à tout moment, sous peine de vider cette législation protectrice du consommateur de sa substance. 21. Les juges ajoutent qu'aux termes des dispositions du règlement CE 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires et des articles L. 214-2 et R. 214-2 du code de la consommation, il appartenait au président-directeur général de la société CERP de procéder aux vérifications concernant les allégations de santé litigieuses avant la commercialisation du produit. 22. En l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction et répondant suffisamment aux conclusions de la société CERP, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen. 23. Il s'ensuit qu'en l'absence de doute raisonnable, il n'y a pas lieu de transmettre les questions préjudicielles présentées à titre subsidiaire par la société CERP, sur le point de savoir quelle est la personne devant répondre d'une allégation nutritionnelle ou de santé figurant sur une denrée alimentaire, en application des règlements européens n°178/2002, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, n°1924/2006, du 20 décembre 2006, précité et n°1969/2011, du 25 octobre 2011, concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires. 24. Enfin, la question préjudicielle sur le point de savoir si la personne qui distribue un produit alimentaire, qui est commercialisé sous le nom d'une personne établie dans l'Union européenne, peut, en application des règlements susvisés, être tenue pour responsable des allégations nutritionnelles et de santé susceptibles de figurer sur ce produit, n'est pas utile à la solution du litige, dès lors que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la société CERP avait la qualité d'importateur. 25. Ainsi le moyen doit être écarté. 26. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt octobre deux mille vingt.
Le règlement (CE) n°1223/2009, du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques, n'a pas pour effet de soustraire ceux-ci aux dispositions du code de la consommation issues de la transposition de la directive n° 2005/29 CEE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, ces textes ayant tous deux pour objectif de protéger les consommateurs et la directive pouvant s'appliquer, de manière complémentaire, aux allégations relatives aux produits cosmétiques dans la mesure où celles-ci sont le fruit d'une pratique commerciale trompeuse. En conséquence, justifie sa décision une cour d'appel qui retient que la responsabilité pénale d'une société peut être examinée pour pratique commerciale trompeuse relative à un produit cosmétique, dès lors que cette pratique a été mise en oeuvre pour son compte ou qu'elle est appelée à profiter in fine de l'erreur induite et à bénéficier des engagements qui pourraient être souscrits par suite de la tromperie, cette désignation n'ayant pas de caractère exclusif et d'autres intervenants pouvant aussi être pénalement condamnés à titre « secondaire »
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N° U 19-84.641 F-P+B+I N° 1831 CK 20 OCTOBRE 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 OCTOBRE 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par Mme V... U... contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 20 mai 2019, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef de vol, a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M.Samuel, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme V... U..., les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Saumur Distribution (Leclerc), et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme U..., chargée de l'approvisionnement du distributeur de billets de banque d'un centre commercial appartenant à la société Saumur Distribution, a été déclarée coupable par le tribunal correctionnel du vol de la somme de 120 720 euros commis entre le 31 août 2007 et le 31 août 2015. 3. Elle a été condamnée à payer à cette société, constituée partie civile, la somme de 125 000 euros à titre de dommages intérêts au titre du préjudice tant matériel que moral. 4. Elle a relevé appel du seul dispositif civil de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles 1382 et 1383 devenus 1240 et 1241 du code civil, et le droit au respect des biens de Mme U... garanti par le protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme. 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du 14 décembre 2017 en ce qu'il a condamné Mme U... à payer à la société Saumur distribution une somme de 120 720 euros en réparation de son préjudice matériel, alors « que le principe de réparation intégrale commande de réparer sans perte ni profit pour aucune des parties le préjudice résultant de quelque infraction que ce soit ; qu'il en résulte que toute faute de la victime ayant concouru à la production de son propre dommage, notamment une négligence, conduit à laisser à sa charge la part des dommages-intérêts correspondant au préjudice qu'elle s'est elle-même causé, entre autres quand ce préjudice découle d'un vol ; qu'en décidant, à l'inverse, que la faute consistant à n'avoir pris aucune mesure de sécurité que Mme U... reprochait à la société Saumur distribution n'était pas de nature à limiter le droit à indemnisation de la victime dans ses rapports avec le voleur de sorte que ladite exposante devait intégralement réparer le dommage, la cour d'appel a violé le principe sus rappelé. » Réponse de la Cour Vu les articles 2 du code de procédure pénale et 1382, devenu 1240 du code civil : 7. Il résulte de ces textes que lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l'appréciation appartient souverainement aux juges du fond. Est de nature à constituer une telle faute le fait, pour la victime, de ne pas avoir pris les précautions utiles pour éviter le dommage. 8. Pour déclarer la prévenue entièrement responsable du préjudice subi et la condamner au paiement de dommages-intérêts correspondant à l'intégralité du préjudice matériel, l'arrêt attaqué énonce que, dans les rapports entre voleur et victime, la circonstance selon laquelle le propriétaire d'un bien n'aurait pas pris toutes les mesures utiles pour éviter d'être dépossédé ne s'analyse pas en une faute de nature à limiter son droit à indemnisation. 9. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers en date du 20 mai 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt octobre deux mille vingt.
Il résulte des articles 2 du code de procédure pénale et 1382, devenu 1240, du code civil que lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l'appréciation appartient souverainement aux juges du fond. Est de nature à constituer une telle faute le fait, pour la victime, de ne pas avoir pris les précautions utiles pour éviter le dommage. Encourt par conséquent la cassation l'arrêt qui, pour condamner un prévenu au paiement de dommages-intérêts correspondant à l'intégralité du préjudice subi, énonce que, dans les rapports entre voleur et victime, la circonstance selon laquelle le propriétaire d'un bien n'aurait pas pris toutes les mesures utiles pour éviter d'être dépossédé ne s'analyse pas en une faute de nature à limiter son droit à indemnisation
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N° K 19-87.071 FS-P+B+I N° 1863 SM12 21 OCTOBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 OCTOBRE 2020 REJET du pourvoi formé par la société Mochita Holding Corp. contre l'arrêt n° 273 de la cour d'appel de Paris, chambre 8-3, en date du 23 octobre 2019, qui, dans la procédure suivie contre M. J... A... du chef de blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs, a rejeté sa requête en restitution. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Mochita Holding Corp, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, conseiller référendaire, M. Petitprez, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. J... A... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs de blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs. 3. Il lui est notamment reproché d'avoir apporté son concours à l'opération de blanchiment du produit du délit de fraude fiscale susceptible d'avoir été commis par F... E... Q... , en organisant l'acquisition par ce dernier d'un appartement situé [...] ), au moyen de fonds non déclarés par lui à l'administration fiscale, par l'intermédiaire de la société britannique Yewdale Ltd., gérée par M. A... , et de la société panaméenne Mochita Holding Corp. constituée par F... E... Q... et ses enfants pour les besoins de l'opération. 4. L'immeuble aurait ainsi été acquis par la société Yewdale Ltd. par acte en date du 24 novembre 2011, en exécution d'un contrat de mandat conclu avec la société Mochita Holding Corp. aux termes duquel la mandataire devait agir en son nom propre sur une base non divulguée pour le compte et le seul bénéfice ainsi que sous l'entière responsabilité et risque de la mandante. 5. Par requête en date du 20 juin 2018, la société Mochita Holding Corp. a sollicité du tribunal correctionnel la restitution de l'immeuble dont elle alléguait être la propriétaire de bonne foi. 6. Par jugement en date du 19 octobre 2018, le tribunal a déclaré M. A... coupable des faits qui lui sont reprochés et a notamment ordonné la confiscation de l'immeuble. 7. Par un second jugement du même jour, le tribunal a rejeté la requête en restitution. 8. M. A... a interjeté appel de la décision l'ayant condamné. 9. Par arrêt n° 272 en date du 23 octobre 2019, la cour d'appel a confirmé le jugement de condamnation de M. A... et la peine complémentaire de confiscation. 10. Les pourvois formés contre cet arrêt ont été rejetés par arrêt distinct de ce jour (Crim., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-87.190). 11. Le conseil de la société Mochita Holding Corp. a par ailleurs interjeté appel du jugement ayant rejeté sa requête en restitution. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer et a en conséquence, rejeté la requête de la société Mochita Holding Corp. aux fins de restitution d'un bien placé sous main de justice, alors « que le tribunal saisi de l'action publique est compétent pour statuer sur toutes exceptions proposées par le prévenu pour sa défense, à moins que la loi n'en dispose autrement, ou que le prévenu n'excipe d'un droit réel immobilier ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur l'assignation délivrée par la société Mochita en revendication de l'immeuble saisi, que « la société Yewdale [...] p[ouvait] seule être considérée comme propriétaire de l'appartement saisi », et en tranchant ainsi la contestation relative à un droit réel immobilier, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé l'article 384 du code de procédure pénale ». Réponse de la Cour 13. Pour rejeter la demande de sursis à statuer présentée par la société Mochita Holding Corp., fondée sur le fait que son action en revendication immobilière de l'appartement saisi, introduite contre la société Yewdale Ltd., était pendante devant le tribunal de grande instance de Paris, l'arrêt relève que cette société s'est portée acquéreur de l'appartement dont il est demandé la restitution et qu'elle a financé cet achat au moyen de fonds transférés par la société Mochita Holding Corp., trust de droit panaméen détenant les avoirs dissimulés à l'étranger de F... E... Q... , qui demeurait dans ledit immeuble. Les juges en déduisent que la société Yewdale Ltd., qui a acheté le bien aux fins de pouvoir finaliser l'opération de blanchiment mise en oeuvre, peut seule être considérée comme propriétaire de l'appartement saisi et qu'ainsi le régime juridique du bien confisqué est parfaitement établi et la procédure diligentée devant le juge de la revendication immobilière par la société Mochita Holding Corp. à l'encontre de la société Yewdale Ltd. ne relève que des rapports entre elles, nés de leur lien avec les opérations de blanchiment et dont la cour ne saurait être tributaire aux fins de pouvoir statuer. 14. En statuant ainsi, et dès lors qu'une exception préjudicielle fondée sur l'existence de droits réels immobiliers ne peut être admise par les tribunaux répressifs qu'autant qu'elle est présentée par le prévenu et que les titres produits ou les faits invoqués sont de nature, dans le cas où ils seraient retenus par les juges compétents, à faire disparaître l'infraction, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 15. Ainsi le moyen n'est pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de la société Mochita Holding Corp. aux fins de restitution d'un bien placé sous main de justice, alors : « 1°/ qu'en retenant, pour rejeter la demande de restitution, que « la procédure a[vait] parfaitement établi les infractions de blanchiment commises par M.A... , dont la condamnation a[vait] été confirmée par arrêt distinct » du même jour, quand la société Mochita faisait valoir qu'elle n'avait eu accès qu'aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie et sans s'assurer qu'elle avait eu communication de l'entier dossier de la procédure sur lequel elle se fondait dans ses motifs décisoires, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention des droits de l'homme, 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 131-21 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en toute hypothèse, en se fondant, pour écarter la bonne foi de la société Mochita, sur la connaissance qu'avait M. B... Q..., « représentant légal de Mochita », de la finalité frauduleuse de l'opération et sur le fait que « [l]es enfants [de F... E... Q... ] [avaient] trouv[é] [...] dans le courant de l'année 2011, un stratagème à l'initiative de M. A... pour blanchir une partie des fonds suisses de leur père », après avoir pourtant elle-même constaté que F... E... Q... était seul représentant légal de la société Mochita et qu'il était atteint, à la date des faits, de la maladie d'Alzheimer, ce dont il se déduisait que la société Mochita n'avait pas conscience de l'illicéité de l'acquisition conduite par les enfants de son représentant légal, la cour d'appel s'est contredite et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6, § 1er, de la Convention des droits de l'homme, 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 131-21 du code pénal, préliminaire et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'en prononçant, contre M. A... , la peine de confiscation de l'immeuble financé et acquis par la société Mochita, cependant que la saisie pénale ordonnée par le juge d'instruction avait été fondée sur le soupçon de blanchiment de fraude fiscale qu'aurait commis F... E... Q... , sans que ni celui-ci, ni la société Mochita, n'aient été condamnés ni même poursuivis de ce chef, la cour d'appel, qui a procédé à un détournement de procédure, a violé les articles 6, § 1er, de la Convention des droits de l'homme, 1er du premier protocole additionnel à cette Convention, 131-21 du code pénal, préliminaire, 706-150, 591 et 593 du code de procédure pénale et le principe de la présomption d'innocence. » Réponse de la Cour 17. Il résulte de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que, si ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général, les intéressés doivent bénéficier d'une procédure équitable, qui comprend le droit au caractère contradictoire de l'instance. 18. Il s'en déduit que la juridiction correctionnelle qui statue sur la requête en restitution d'un objet placé sous main de justice présentée par un tiers est tenue de s'assurer, si la saisie a été opérée entre ses mains ou s'il justifie être titulaire de droits sur le bien dont la restitution est sollicitée, que lui ont été communiqués en temps utile, outre les procès-verbaux de saisie ou, en cas de saisie spéciale, les réquisitions aux fins de saisie, l'ordonnance et, le cas échéant, la décision de saisie, conformément au deuxième alinéa de l'article 479 du code de procédure pénale, les pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle se fonde dans ses motifs décisoires. 19. Au besoin, il appartient à la juridiction correctionnelle de renvoyer l'examen de la demande de restitution à une audience ultérieure après avoir statué sur la culpabilité et sur la peine, sans que puisse être opposée au tiers requérant l'autorité de la chose jugée de la décision ayant éventuellement ordonné la confiscation, ni que puisse être exécutée cette mesure tant qu'il n'a pas été définitivement statué sur la demande de restitution. 20. Pour rejeter la requête de la société Mochita Holding Corp., l'arrêt relève, après avoir établi que la société Yewdale Ltd. peut seule être considérée comme propriétaire de l'immeuble dont la restitution est sollicitée, que contrairement à ce qui est exposé par la requérante, la procédure a parfaitement établi les infractions de blanchiment commises par M. A... , dont la condamnation a été confirmée par arrêt distinct du même jour et que ces faits ont été commis notamment au moyen de la société Yewdale Ltd. et portaient entre autres sur les fonds détenus par F... E... Q... , dans le cadre précisément de l'opération concernant l'appartement dont la restitution est sollicitée, et qui a également conduit à la condamnation de son fils M. B... Q..., représentant légal de la société Mochita Holding Corp., dans la même affaire. 21. Les juges ajoutent que l'accord dit « fiduciairy agreement » entre les deux sociétés, aux termes duquel la requérante entend revendiquer la propriété du bien, ne peut lui permettre de justifier la qualité de propriétaire de bonne foi, cet accord ayant précisément pour finalité de permettre une opération de blanchiment dont elle avait parfaitement connaissance pour y avoir participé en la finançant, comportement lui interdisant d'exciper de toute bonne foi au regard des faits poursuivis. 22. En se déterminant ainsi, dès lors que la société Mochita Holding Corp., qui n'était pas détentrice de l'immeuble au moment de sa saisie, n'a pas justifié être titulaire de droits sur celui-ci, en sorte qu'il n'y avait pas lieu à communication des pièces de la procédure, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen. 23. Ainsi le moyen ne saurait être accueilli. 24. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un octobre deux mille vingt.
Une exception préjudicielle fondée sur l'existence de droits réels immobiliers ne peut être admise par les tribunaux répressifs qu'autant qu'elle est présentée par le prévenu et que les titres produits ou les faits invoqués sont de nature, dans le cas où ils seraient retenus par les juges compétents, à faire disparaître l'infraction. Ne méconnaît pas l'article 384 du code de procédure pénale, la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de sursis à statuer présentée par une société l'ayant saisie d'une demande de restitution d'un immeuble placé sous main de justice, fondée sur le fait que son action en revendication immobilière de cet immeuble est pendante devant le juge civil, relève par des motifs suffisants qu'il ressort des pièces de la procédure que le régime juridique du bien saisi est parfaitement établi
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N° T 19-87.492 F-P+B+I N° 1873 CK 21 OCTOBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 OCTOBRE 2020 REJET du pourvoi formé par M. K... J... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 5 novembre 2019, qui, dans la procédure suivie sur sa plainte contre personne non dénommée, des chefs de fausse attestation et usage, tentative d'escroquerie, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et sa condamnation à 1 000 euros d'amende civile. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. K... J..., et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 29 mai 2015, M. J... a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs susvisés, en raison d'attestations produites devant le juge aux affaires familiales par la mère de son enfant. 3. Par ordonnance du 8 janvier 2019, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre, et a condamné M. J... à une amende civile de 1 000 euros. 4. Il en a relevé appel. Examen des moyens Sur le premier moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation de l'article 212-2 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance infligeant à M. J... une amende civile, alors « que la juridiction d'instruction qui prononce une condamnation à une amende civile doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du plaignant ; qu'en l'espèce la chambre de l'instruction ni aux termes des motifs de son arrêt, ni aux termes des motifs de l'ordonnance du juge d'instruction n'a motivé sa décision en tenant compte des ressources et des charges de M. J....» Réponse de la Cour 8. Pour condamner à une amende civile de 1 000 euros M. J..., l'arrêt énonce qu'il a été débouté de sa demande devant les juridictions civiles sur le seul critère de l'intérêt de l'enfant, et non en considération des attestations contestées ; que son action pénale, au soutien de son action civile, apparaît d'autant moins justifiée qu'elle semble faire fi de l'intérêt de son enfant, comme souligné par la cour d'appel dans l'arrêt du 9 juin 2016 rejetant la requête en adjonction de prénom, ainsi que par le magistrat instructeur dans l'ordonnance querellée. 9. Les juges ajoutent que c'est donc par une juste motivation que le magistrat instructeur a considéré comme abusive la constitution de partie civile de M. J... et que la condamnation à une amende civile sera confirmée. 10. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 11. En effet, il ne ressort ni du mémoire déposé par la partie civile devant la chambre de l'instruction, versé au dossier de la procédure, ni des énonciations de l'arrêt, que M. J..., représenté par son avocat, et qui n'a fourni aucun élément concernant ses ressources et ses charges, se soit prévalu devant la juridiction du second degré de l'absence de prise en compte de celles-ci par le premier juge qui a prononcé une amende civile. 12. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un octobre deux mille vingt.
Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui confirme l'amende civile prononcée par le premier juge, dès lors qu'il ne résulte ni du mémoire déposé par la partie civile, ni des énonciations de l'arrêt, que l'intéressé, représenté par son avocat, et qui n'a fourni aucun élément concernant ses ressources et ses charges, se soit prévalu devant la juridiction du second degré de l'absence de prise en compte de celles-ci par le premier juge
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N° W 19-81.929 FS-P+B+I N° 1899 CK 21 OCTOBRE 2020 SURSIS A STATUER M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 OCTOBRE 2020 SURSIS A STATUER sur le pourvoi formé par M. R... A... contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambery, chambre correctionnelle, en date du 13 février 2019, qui, pour fraude fiscale et omission d'écriture comptable, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis et mise à l'épreuve, devenu sursis probatoire, et a prononcé une mesure de publication. Des mémoires, en demande et en défense, ont été produits. Sur le rapport de Mme Pichon, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. R... A..., les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. I. Faits et procédure 1. M. A... a exercé la profession d'expert comptable en tant qu'entrepreneur individuel jusqu'au 14 juin 2011. A ce titre, il était assujetti de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et relevait, compte tenu de son chiffre d'affaires, du régime normal d'imposition, avec dépôt de déclarations mensuelles. Il était également assujetti à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) et devait par conséquent déposer chaque année, outre une déclaration d'ensemble de ses revenus personnels, une déclaration de BNC. 2. L'administration fiscale a procédé à des opérations de vérification de comptabilité au titre des années 2009, 2010 et 2011. 3. Le 10 mars 2014, après avis de la commission des infractions fiscales, l'administration fiscale a déposé plainte auprès du procureur de la République d'Annecy, à l'encontre de M. A... lui reprochant : - d'avoir présenté une comptabilité jugée irrégulière (recettes non comptabilisées, défaut de présentation de pièces justificatives de recettes et utilisation de comptes bancaires personnels pour l'encaissement de recettes professionnelles) ; - d'avoir souscrit des déclarations de TVA minorées par la dissimulation de la majeure partie des recettes encaissées pour un montant de TVA éludée de 82 507 euros ; - d'avoir souscrit des déclarations de BNC minorées ; - d'avoir souscrit des déclarations d'ensemble des revenus minorées faisant état d'un BNC inférieur à celui effectivement réalisé pour un montant d'impôt sur le revenu éludé de 108 883 euros. 4. A l'issue d'une enquête préliminaire diligentée par le procureur de la République, l'intéressé a été convoqué devant le tribunal correctionnel pour y être jugé des chefs de deux délits, fraude fiscale par dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et omission d'écritures dans un document comptable, pour avoir : - en premier lieu, au titre des années fiscales 2009, 2010 et 2011, en dissimulant volontairement une part des sommes sujettes à impôt : - « en l'espèce, en souscrivant des déclarations mensuelles de taxe sur le chiffre d'affaires minorée, les dissimulations excédant le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros, frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement partiel de la TVA exigible au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 2010 et des mois de novembre et décembre 2010, ainsi que sur la période du 1er février 2011 au 14 juin 2011, et frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement total de la TVA au titre des mois d'octobre 2010 et janvier 2011, - en souscrivant une déclaration d'ensemble des revenus minorée, étant précisé que la déclaration de BNC déposée au titre de l'année 2009 était minorée, frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement partiel de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2009, - en souscrivant des déclarations d'ensemble des revenus minorées aboutissant à une restitution d'impôt, étant précisé que les déclarations de BNC déposées au titre des années 2010 et 2011 étaient minorées, frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 2010 et 2011 » ; - en second lieu, au titre des années fiscales 2010 et 2011, « sciemment omis de passer ou faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2010 et le 14 juin 2011, ces faits étant prévus et réprimés par les articles 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts ». 5. A tous les stades de la procédure, M. A... a reconnu l'ensemble des faits reprochés. 6. Par jugement du 23 juin 2017, le tribunal correctionnel d'Annecy a déclaré le prévenu coupable des faits et l'a condamné à 12 mois d'emprisonnement ainsi qu'à la publication de la décision à ses frais. 7. Le prévenu, le procureur de la République et l'administration fiscale ont relevé appel de cette décision. 8. Devant la cour d'appel, le prévenu a sollicité sa relaxe aux motifs que sa condamnation se heurte au principe ne bis in idem garanti par l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (la Charte). Il a exposé avoir déjà fait l'objet, à titre personnel, pour les mêmes faits, d'une procédure de redressement fiscal ayant donné lieu à l'application de pénalités fiscales définitives de 40% des droits éludés, le tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté son recours formé à l'encontre de ce redressement, par jugement du 6 juillet 2015. Selon le prévenu, la sévérité globale du système répressif s'agissant des faits qui lui sont reprochés dépasse ce qui est strictement nécessaire. 9. Par arrêt du 13 février 2019, la cour d'appel de Chambéry a écarté l'application de la règle ne bis in idem aux motifs principaux suivants : - que les dispositions des articles 1741 et 1743 du code général des impôts prévoient la possibilité d'un cumul des sanctions pénales et des sanctions fiscales aux termes d'une procédure pénale et d'une procédure administrative qui sont indépendantes l'une de l'autre, ayant des objets et des finalités différents ; - que cette règle est conforme à l'article 50 de la Charte dès lors que le Conseil constitutionnel, dans deux décisions du 24 juin 2016, en a précisé la portée en prévoyant : - qu'elle ne s'applique qu'aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse des sommes soumises à l'impôt, cette gravité pouvant résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie et des circonstances de leur intervention ; - et que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, en application du principe de proportionnalité. 10. La cour d'appel a confirmé les dispositions du jugement relatives à la culpabilité et, le réformant sur la peine, a condamné M. A... à dix-huit mois d'emprisonnement dont six mois assortis d'un sursis et mise à l'épreuve et a ordonné la publication de la décision. 11. Par déclaration au greffe en date du 15 février 2019, M. A... a formé un pourvoi contre cette décision. Me Laurent Goldman s'est constitué en demande et un mémoire ampliatif a été déposé dans le délai imparti. 12. La SCP Foussard et Froger s'est constituée pour l'administration fiscale et un mémoire en défense a été déposé. 13. Aux termes du mémoire présenté devant la Cour de cassation, le conseil de M. A... soutient, en substance, : - que les juges, qui ont refusé d'écarter l'application de l'article 1741 du code général des impôts dont les dispositions telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel ne sont ni claires ni précises, ont méconnu l'article 50 de la charte des droits fondamentaux ; - que les juges, qui ne se sont pas assurés que la charge résultant de l'ensemble des sanctions prononcées à son encontre n'était pas excessive au regard de la gravité de l'infraction concernée, n'ont pas justifié leur décision au regard des exigences issues du droit de l'Union. II. Réglementation applicable 1. Le droit national 14. Les insuffisances volontaires de déclaration d'éléments servant à la détermination de l'assiette de l'impôt et à sa liquidation sont réprimées par les articles 1741 et 1729 du code général des impôts. 15. L'article 1741 du code général des impôts, dans sa version applicable à la cause, issue de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, incrimine et sanctionne pénalement le délit de fraude fiscale. Aux termes de ce texte : « Sans préjudice des dispositions particulières relatées dans la présente codification, quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manœuvres au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d'une amende de 37 500 euros et d'un emprisonnement de cinq ans. Lorsque les faits ont été réalisés ou facilités au moyen soit d'achats ou de ventes sans facture, soit de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles, ou qu'ils ont eu pour objet d'obtenir de l'Etat des remboursements injustifiés, leur auteur est passible d'une amende de 75 000 euros et d'un emprisonnement de cinq ans. Toutefois, cette disposition n'est applicable, en cas de dissimulation, que si celle-ci excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros. Toute personne condamnée en application des dispositions du présent article peut être privée des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 du code pénal. La juridiction peut, en outre, ordonner l'affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci dans les conditions prévues aux articles 131-35 ou 131-39 du code pénal. Les poursuites sont engagées dans les conditions prévues aux articles L. 229 à L. 231 du livre des procédures fiscales. » 16. Il y a lieu d'indiquer que, postérieurement à la loi du 29 décembre 2010, l'article 1741 du code général des impôts a été modifié à plusieurs reprises dans le sens d'une aggravation de la répression pénale et d'un ajout de circonstances aggravantes. Dans sa version actuellement en vigueur, issue de la loi n°2018-898 du 23 octobre 2018, le texte prévoit : « Sans préjudice des dispositions particulières relatées dans la présente codification, quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manoeuvres au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à une amende de 3 000 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen : 1° Soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ; 2° Soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ; 3° Soit de l'usage d'une fausse identité ou de faux documents, au sens de l'article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification ; 4° Soit d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ; 5° Soit d'un acte fictif ou artificiel ou de l'interposition d'une entité fictive ou artificielle. Toutefois, cette disposition n'est applicable, en cas de dissimulation, que si celle-ci excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros. Toute personne condamnée en application des dispositions du présent article peut être privée des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal. Le prononcé des peines complémentaires d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, mentionnés à l'article 131-26 du code pénal, est obligatoire à l'encontre de toute personne coupable du délit prévu aux deuxième à huitième alinéas du présent article, du recel de ce délit ou de son blanchiment. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer lesdites peines complémentaires, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. La condamnation à l'inéligibilité est mentionnée pendant toute sa durée au bulletin n° 2 du casier judiciaire prévu à l'article 775 du code de procédure pénale. Ces interdictions ne peuvent excéder dix ans à l'encontre d'une personne exerçant une fonction de membre du gouvernement ou un mandat électif public au moment des faits, et cinq ans pour toute autre personne. La juridiction ordonne l'affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci dans les conditions prévues aux articles 131-35 ou 131-39 du code pénal. Elle peut toutefois, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas ordonner l'affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. La durée de la peine privative de liberté encourue par l'auteur ou le complice d'un des délits mentionnés au présent article est réduite de moitié si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, il a permis d'identifier les autres auteurs ou complices. Les poursuites sont engagées dans les conditions prévues aux articles L. 229 à L. 231 du livre des procédures fiscales. » 17. L'article L. 228 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable à la cause, détermine les conditions dans lesquelles l'administration fiscale peut déposer plainte pour des faits de fraude fiscale auprès du procureur de la République compétent : « Sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales. La commission examine les affaires qui lui sont soumises par le ministre chargé du budget. Le contribuable est avisé de la saisine de la commission qui l'invite à lui communiquer, dans un délai de trente jours, les informations qu'il jugerait nécessaires. Toutefois, la commission examine l'affaire sans que le contribuable soit avisé de la saisine ni informé de son avis lorsque le ministre chargé du budget fait valoir qu'existent des présomptions caractérisées qu'une infraction fiscale pour laquelle existe un risque de dépérissement des preuves résulte : 1° Soit de l'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ; 2° Soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ; 3° Soit de l'usage d'une fausse identité ou de faux documents au sens de l'article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification ; 4° Soit d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ; 5° Soit de toute autre manœuvre destinée à égarer l'administration. Le ministre est lié par les avis de la commission. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de fonctionnement de la commission. » 18. La Cour de cassation juge de façon constante qu'il résulte des textes combinés des articles 1741 du code général des impôts et L. 228 et suivants du livre des procédures fiscales que, sous peine d'irrecevabilité, les poursuites du chef de fraude fiscale ne peuvent être engagées par le ministère public que sur plainte préalable de l'administration fiscale. 19. Le Conseil constitutionnel a considéré ce mécanisme conforme aux principes d'indépendance de l'autorité judiciaire et de séparation des pouvoirs, aux motifs notamment : « 12. [...] en premier lieu, si les dispositions contestées n'autorisent pas le procureur de la République à mettre en mouvement l'action publique en l'absence de plainte préalable de l'administration, elles ne le privent pas, une fois la plainte déposée, de la faculté de décider librement de l'opportunité d'engager des poursuites, conformément à l'article 40-1 du code de procédure pénale. 13. En deuxième lieu, les infractions pour lesquelles une plainte de l'administration préalable aux poursuites est exigée répriment des actes qui portent atteinte aux intérêts financiers de l'État et causent un préjudice principalement au Trésor public. Ainsi, en l'absence de dépôt d'une plainte de l'administration, à même d'apprécier la gravité des atteintes portées à ces intérêts collectifs protégés par la loi fiscale, qui sont susceptibles de faire l'objet de sanctions administratives, l'absence de mise en mouvement de l'action publique ne constitue pas un trouble substantiel à l'ordre public. 14. En troisième lieu, la compétence pour déposer la plainte préalable obligatoire relève de l'administration qui l'exerce dans le respect d'une politique pénale déterminée par le Gouvernement conformément à l'article 20 de la Constitution et dans le respect du principe d'égalité » (décision n° 2016-555 QPC du 22 juillet 2016). 20. Il y a lieu de préciser que, postérieurement à la procédure en cause, l'article L. 228 a été modifié par la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 qui a instauré, aux côtés des cas facultatifs, des hypothèses dans lesquelles l'administration fiscale a l'obligation d'informer le procureur de la République de faits de fraude fiscale. 21. Ainsi, aux termes de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales dans sa version actuellement en vigueur, issue de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 : « I. – Sans préjudice des plaintes dont elle prend l'initiative, l'administration est tenue de dénoncer au procureur de la République les faits qu'elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle prévu à l'article L. 10 qui ont conduit à l'application, sur des droits dont le montant est supérieur à 100 000 euros : 1° Soit de la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts ; 2° Soit de la majoration de 80 % prévue au c du 1 de l'article 1728, aux b ou c de l'article 1729, au I de l'article 1729-0 A ou au dernier alinéa de l'article 1758 du même code ; 3° Soit de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 ou aux a ou b de l'article 1729 dudit code, lorsqu'au cours des six années civiles précédant son application le contribuable a déjà fait l'objet lors d'un précédent contrôle de l'application des majorations mentionnées aux 1° et 2° du présent I et au présent 3° ou d'une plainte de l'administration. L'administration est également tenue de dénoncer les faits au procureur de la République lorsque des majorations de 40 %, 80 % ou 100 % ont été appliquées à un contribuable soumis aux obligations prévues à l'article LO 135-1 du code électoral et aux articles 4 et 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, sur des droits dont le montant est supérieur à la moitié du montant prévu au premier alinéa du présent I. L'application des majorations s'apprécie au stade de la mise en recouvrement. Toutefois, lorsqu'une transaction est conclue avant la mise en recouvrement, l'application des majorations s'apprécie au stade des dernières conséquences financières portées à la connaissance du contribuable dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 57 et L. 76 du présent livre. Lorsque l'administration dénonce des faits en application du présent I, l'action publique pour l'application des sanctions pénales est exercée sans plainte préalable de l'administration. Les dispositions du présent I ne sont pas applicables aux contribuables ayant déposé spontanément une déclaration rectificative. II. – Sous peine d'irrecevabilité, les plaintes portant sur des faits autres que ceux mentionnés aux premier à cinquième alinéas du I et tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l'administration à son initiative, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales. La commission examine les affaires qui lui sont soumises par le ministre chargé du budget. Le contribuable est avisé de la saisine de la commission qui l'invite à lui communiquer, dans un délai de trente jours, les informations qu'il jugerait nécessaires. Le ministre est lié par les avis de la commission. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de fonctionnement de la commission. Toutefois, l'avis de la commission n'est pas requis lorsqu'il existe des présomptions caractérisées qu'une infraction fiscale a été commise pour laquelle existe un risque de dépérissement des preuves et qui résulte : 1° Soit de l'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt, de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ; 2° Soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ; 3° Soit de l'usage d'une fausse identité ou de faux documents au sens de l'article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification ; 4° Soit d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ; 5° Soit de toute autre manœuvre destinée à égarer l'administration. Cette commission est également chargée de donner un avis à l'administration lorsque celle-ci envisage de rendre publiques des sanctions administratives, en application de l'article 1729 A bis du code général des impôts, ou lorsque l'administration envisage d'appliquer la sanction prévue à l'article 1740 D du même code. » 22. Dorénavant, le paragraphe I de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales impose à l'administration fiscale de dénoncer au procureur de la République les faits qu'elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle et qui l'ont conduite à appliquer, sur des droits d'un certain montant, une pénalité fiscale. Pour les autres faits, l'administration fiscale ne peut déposer plainte que sur avis conforme de la commission des infractions fiscales. 23. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité alléguant une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi par ces nouvelles dispositions, le Conseil constitutionnel a écarté ce grief aux motifs notamment : « 6. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu soumettre systématiquement au procureur de la République, aux fins de poursuites pénales, les faits de fraude fiscale les plus graves dont a connaissance l'administration. À cette fin, il a retenu comme critères de dénonciation obligatoire le fait que les droits éludés sont supérieurs à 100 000 euros et qu'ils sont assortis de l'une des pénalités prévues dans les cas suivants : l'opposition à contrôle fiscal ; la découverte d'une activité occulte faisant suite à une omission déclarative ; l'abus de droit ou les manœuvres frauduleuses constatés au titre d'une insuffisance de déclaration ; la rectification à raison du défaut de déclaration d'avoirs financiers détenus à l'étranger ; la taxation forfaitaire à partir des éléments du train de vie en lien avec des trafics illicites ou, en cas de réitération, le défaut de déclaration dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, le manquement délibéré ou l'abus de droit, dans l'hypothèse où le contribuable n'a pas eu l'initiative principale de cet abus ou n'en a pas été le principal bénéficiaire. Ces critères, objectifs et rationnels, sont en lien avec le but poursuivi par le législateur. 7. En deuxième lieu, l'administration est soumise, pour l'application des pénalités fiscales correspondant aux agissements précités, au respect des principes de légalité et d'égalité. 8. En dernier lieu, d'une part, les sociétés contribuables dont le résultat apparaît bénéficiaire ne sont pas dans la même situation que celles déficitaires dont les manquements ne causent pas de préjudice financier au Trésor public. De ce fait, ces manquements n'entrent pas dans les catégories retenues par le législateur pour définir les cas de fraude fiscale les plus graves appelant une transmission automatique au parquet. 9. D'autre part, le caractère réitéré des manquements des contribuables faisant l'objet d'une majoration de 40 % pour certaines omissions ou insuffisances déclaratives ne pouvant être établi qu'à l'égard d'un même contribuable, les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré, au sein duquel chaque société demeure contribuable, ne sont pas traitées différemment des autres sociétés » (décision n° 2019-804 QPC du 27 septembre 2019." 24. Outre l'article 1741 précité qui prévoit les sanctions pénales, l'article 1729 du code général des impôts, dans sa version actuellement en vigueur, issu de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, applicable à la cause, détermine quant à lui les pénalités fiscales, lesquelles doivent être considérées comme étant de nature pénale au sens de la Charte, encourues par le contribuable en cas de minorations déclaratives volontaires. Aux termes de cette disposition : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis. » 25. Par quatre décisions, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme aux principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines le cumul des poursuites et sanctions pénales et fiscales en cas de dissimulation de sommes sujettes à l'impôt, comme en cas d'omission de déclaration (décisions n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016, n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016, n° 2016-556 QPC du 22 juillet 2016 et n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018). 26. Le Conseil constitutionnel a considéré que les procédures pénale et fiscale étaient complémentaires, énonçant : « [...] les dispositions de l'article 1729 comme les dispositions contestées de l'article 1741 permettent d'assurer ensemble la protection des intérêts financiers de l'État ainsi que l'égalité devant l'impôt, en poursuivant des finalités communes, à la fois dissuasive et répressive. Le recouvrement de la nécessaire contribution publique et l'objectif de lutte contre la fraude fiscale justifient l'engagement de procédures complémentaires dans les cas de fraudes les plus graves. Aux contrôles à l'issue desquels l'administration fiscale applique des sanctions pécuniaires peuvent ainsi s'ajouter des poursuites pénales dans des conditions et selon des procédures organisées par la loi. » 27. Cependant, le Conseil constitutionnel a émis trois réserves d'interprétation limitant ce cumul : - un contribuable qui a été déchargé de l'impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond ne peut pas être condamné pénalement pour fraude fiscale (première réserve) ; - l'article 1741 du code général des impôts qui sanctionne la fraude fiscale ne s'applique qu'aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l'impôt, ou d'omissions déclaratives, cette gravité pouvant résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention (deuxième réserve) ; - si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues (troisième réserve). 28. S'agissant de la deuxième réserve relative à la gravité des faits de nature à justifier la répression pénale s'ajoutant à la répression administrative, la Cour de cassation en a précisé les modalités d'application de la façon suivante : « Lorsque le prévenu de fraude fiscale justifie avoir fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale pour les mêmes faits, il appartient au juge pénal, après avoir caractérisé les éléments constitutifs de cette infraction au regard de l'article 1741 du code général des impôts, et préalablement au prononcé de sanctions pénales, de vérifier que les faits retenus présentent le degré de gravité de nature à justifier la répression pénale complémentaire. Le juge est tenu de motiver sa décision, la gravité pouvant résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention dont celles notamment constitutives de circonstances aggravantes. A défaut d'une telle gravité, le juge ne peut entrer en voie de condamnation » (Crim., 11 septembre 2019, pourvois n° 18-81.067, n°18-81.040 et n° 18-84.144). 29. Ainsi, il appartient au prévenu de justifier qu'il a fait l'objet, à titre personnel, de pénalités fiscales, même non définitives, pour les mêmes faits que ceux visés par la poursuite pénale. Dans ce cas, la juridiction correctionnelle se prononce tout d'abord sur la caractérisation de l'infraction au regard des éléments constitutifs prévus par l'article 1741 du code général des impôts. Puis il lui incombe, même d'office lorsque la réserve d'interprétation n'est pas formellement invoquée par le prévenu, de vérifier que les faits retenus présentent le degré de gravité de nature à justifier la répression pénale, en complément de la répression fiscale. Les critères de gravité sont ceux fixés par le Conseil constitutionnel : montant des droits fraudés, nature des agissements ou circonstances de leur intervention. Il a été précisé, s'agissant de ces dernières, qu'il peut s'agir notamment de celles constitutives de circonstances aggravantes de la fraude fiscale. La décision du juge sur la gravité doit être motivée. Elle doit intervenir préalablement au choix et à la motivation des peines prononcées. A défaut de gravité suffisante, le juge, en l'absence de tout fondement légal par effet de la réserve d'interprétation, est tenu de relaxer le prévenu. 30. La Cour de cassation exerce un contrôle de la motivation retenue par les juges du fond afin de s'assurer qu'elle est suffisante. Elle procède également à la qualification des faits, à partir des constatations souverainement opérées par les juges du fond, dans certaines situations, notamment : - lorsque la cour d'appel n'a pas procédé à la recherche de la gravité des faits en dépit du fait que le prévenu avait fait valoir avoir fait l'objet de pénalités fiscales ; - lorsque la cour d'appel, pour apprécier la gravité des faits, a retenu à tort certains critères. 31. Les arrêts rendus par la Cour de cassation permettent de dégager des éléments de fait considérés comme caractérisant les critères fixés par le Conseil constitutionnel : Faits reprochés de fraude fiscale Eléments retenus comme critères de gravité des faits de fraude fiscale justifiant la répression pénale Défaut de déclarations de sommes sujettes à l'impôt sur le revenu - Réitération de faits d'omission déclarative sur une longue période en dépit de plusieurs mises en demeure - Qualité d'élu de la République de l'un des deux prévenus Dissimulations de sommes sujettes à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune - Circonstance du recours à des intermédiaires établis à l'étranger - Montant des droits éludés : 235 580 euros - En revanche, ne peuvent être retenus l'absence de justification de l'origine des fonds non déclarés et le comportement du prévenu postérieurement à la fraude Dissimulations de sommes sujettes à l'impôt sur le revenu - Existence de manoeuvres de dissimulation des sommes sujettes à l'impôt - Montant des droits éludés : 276 562 euros 32. S'agissant de la troisième réserve relative à la proportionnalité du cumul des sanctions pénales et fiscales, la Cour de cassation en a aussi précisé les modalités d'application de la façon suivante : « Lorsque le prévenu justifie avoir fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale définitivement prononcée pour les mêmes faits, le juge pénal n'est tenu de veiller au respect de l'exigence de proportionnalité que s'il prononce une peine de même nature » (Crim., 11 septembre 2019, pourvois n° 18-81.067 et n° 18-82.430). 33. Il en résulte, selon la Cour de cassation, que le principe de proportionnalité n'est pas méconnu lorsque les juges condamnent un prévenu, à l'encontre duquel des pénalités fiscales définitives ont été prononcées, à une peine d'emprisonnement avec sursis dès lors qu'aucune amende pénale ne lui a été infligée (arrêts précités). 34. En effet, la réserve d'interprétation ne peut concerner que des sanctions de même nature dès lors que sa mise en oeuvre suppose, pour le juge qui se prononce en dernier, de pouvoir procéder à la comparaison des maximums des sanctions pénales et fiscales encourues afin de déterminer le montant le plus élevé qui constitue le plafond. 35. La Cour de cassation a également précisé que « [la] mise en oeuvre du principe constitutionnel de proportionnalité [...] s'applique devant le juge qui se prononce en dernier, qu'il soit le juge pénal ou le juge de l'impôt. Il s'en déduit qu'elle n'implique aucune mesure de sursis à statuer devant le juge répressif » (Crim., 29 janvier 2020, pourvoi n° 17-83.577). 36. La Cour de cassation a enfin rappelé que le principe de proportionnalité ne s'applique pas au prononcé de sanctions pénales à l'encontre du prévenu, dirigeant de société, lorsque celle-ci est la seule à s'être vue imposer des pénalités fiscales (Crim., 23 octobre 2019, pourvoi n° 18-85.088). 2. Le droit de l'Union 37. L'article 50 de la Charte, intitulé « Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction », est rédigé comme suit : « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi. » 38. L'article 51 de la Charte définit le champ d'application de celle-ci dans les termes suivants : « 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont conférées dans les traités. 2. La présente Charte n'étend pas le champ d'application du droit de l'Union au-delà des compétences de l'Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités. » 39. L'article 52 précise la portée des droits garantis de la façon suivante : « 1. Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui. 2. Les droits reconnus par la présente Charte qui trouvent leur fondement dans les traités communautaires ou dans le traité sur l'Union européenne s'exercent dans les conditions et limites définies par ceux-ci. 3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue. » 40. L'article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), détermine les opérations soumises à la TVA. 41. Aux termes de l'article 273 de cette directive : « Les États membres peuvent prévoir d'autres obligations qu'ils jugeraient nécessaires pour assurer l'exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l'égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d'une frontière. » 42. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après la Cour de justice) que les droits fondamentaux garantis dans l'ordre juridique de l'Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l'Union. 43. Selon la Cour de justice, dès lors qu'elles visent à assurer l'exacte perception de la TVA et à combattre la fraude, des sanctions administratives infligées par les autorités fiscales nationales et des procédures pénales ouvertes pour des infractions en matière de TVA constituent une mise en œuvre des articles 2 et 273 de la directive 2006/112 ainsi que de l'article 325 TFUE et, donc, du droit de l'Union, au sens de l'article 51, paragraphe 1, de la Charte et doivent par conséquent respecter le droit garanti à l'article 50 de la Charte (arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C-617/10, EU:C:2013:105). 44. La Cour de justice a également jugé qu'une limitation du principe ne bis in idem garanti à l'article 50 de la Charte peut être justifiée sur le fondement de l'article 52, paragraphe 1, de celle-ci (arrêt du 27 mai 2014, Spasic, C-129/14 PPU, EU:C:2014:586). 45. Par arrêt en date du 20 mars 2018 (B..., C-224-15), la Cour de justice a dit pour droit : « 1) L' article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle des poursuites pénales peuvent être engagées contre une personne pour omission de verser la taxe sur la valeur ajoutée due dans les délais légaux, alors que cette personne s'est déjà vu infliger, pour les mêmes faits, une sanction administrative définitive de nature pénale au sens de cet article 50, à condition que cette réglementation : - vise un objectif d'intérêt général qui est de nature à justifier un tel cumul de poursuites et de sanctions, à savoir la lutte contre les infractions en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ces poursuites et ces sanctions devant avoir des buts complémentaires, - contienne des règles assurant une coordination limitant au strict nécessaire la charge supplémentaire qui résulte, pour les personnes concernées, d'un cumul de procédures, et - prévoie des règles permettant d'assurer que la sévérité de l'ensemble des sanctions imposées soit limitée à ce qui est strictement nécessaire par rapport à la gravité de l'infraction concernée. 2) Il appartient à la juridiction nationale de s'assurer, compte tenu de l'ensemble des circonstances au principal, que la charge résultant concrètement pour la personne concernée de l'application de la réglementation nationale en cause au principal et du cumul des poursuites et des sanctions que celle-ci autorise n'est pas excessive par rapport à la gravité de l'infraction commise. » III. Présentation des questions 46. Il y a lieu tout d'abord de rappeler que les dispositions législatives telles que celles applicables à la cause constituent une mise en oeuvre du droit de l'Union et doivent par conséquent respecter le principe ne bis in idem garanti par l'article 50 de la Charte. En l'espèce, si le demandeur, qui a fait l'objet de pénalités fiscales définitives de nature pénale, a été poursuivi et condamné pénalement pour une fraude aux impôts directs, il l'a également été pour une fraude à la TVA. 47. Eu égard à l'argumentation développée par le requérant devant la Cour de cassation, il convient de confronter la réglementation nationale aux exigences issues du droit de l'Union. 48. Il n'est pas contestable que la réglementation en cause vise notamment à lutter contre les infractions en matière de TVA afin de garantir la perception de l'intégralité de la TVA due et répond ainsi à un objectif d'intérêt général, de nature à justifier un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale, qui visent des buts complémentaires. 49. En premier lieu, selon la Cour de justice, une limitation ne peut être apportée au principe ne bis in idem que si elle est nécessaire et doit, à cette fin, prévoir des règles claires et précises permettant au justiciable de prévoir quels actes et omissions sont susceptibles de faire l'objet d'un tel cumul de poursuites et de sanctions (arrêt B..., déjà cité, point 49). 50. Dans l'affaire susmentionnée, la Cour de justice a considéré que la réglementation italienne prévoit, de manière claire et précise, dans quelles circonstances l'omission de verser la TVA due peut faire l'objet d'un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale. Elle a ainsi relevé que cette réglementation fixe les conditions dans lesquelles l'omission de verser la TVA due dans les délais légaux peut donner lieu à l'infliction d'une sanction administrative de nature pénale et également, si elle se rapporte à une déclaration fiscale annuelle portant sur un montant de TVA supérieur à 50 000 euros, faire l'objet d'une peine d'emprisonnement de six mois à deux ans (points 50 et 51). 51. Selon le demandeur au pourvoi, la réglementation française ne remplit pas la condition de clarté et de prévisibilité du cumul pénal et fiscal. 52. Il convient de relever, d'une part, que les articles 1741 et 1729 du code général des impôts précités définissent avec précision les actes ou manquements susceptibles de faire l'objet de poursuites et de sanctions pénales et fiscales. 53. D'autre part, en application de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel, la faculté de condamner pénalement un contribuable déjà sanctionné fiscalement est limitée à certains cas qui relèvent de ceux les plus graves de dissimulation ou d'omission déclarative frauduleuse. Trois critères généraux encadrent cette notion de gravité. 54. En outre, la jurisprudence de la Cour de cassation a dégagé des éléments de fait qui permettent de préciser les modalités de mise en oeuvre de ces critères. Elle a aussi ajouté que les circonstances aggravantes prévues par l'article 1741 du code général des impôts sont de nature à qualifier le critère de gravité. 55. Cependant, la condition préalable de la gravité des faits de fraude fiscale ne résulte pas uniquement du montant des droits fraudés éludés mais peut également prendre en considération d'autres circonstances tenant à la nature et au contexte des agissements de l'intéressé. 56. Dans ces conditions, il ne peut être affirmé que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. 57. En second lieu, selon la Cour de justice, une limitation ne peut être apportée au principe ne bis in idem que si, en outre, des règles permettent d'assurer que la sévérité de l'ensemble des sanctions imposées soit limitée à ce qui est strictement nécessaire par rapport à la gravité de l'infraction concernée (arrêt B..., déjà cité, point 55). 58. Dans l'affaire susmentionnée, la Cour de justice a considéré que la réglementation italienne prévoit des conditions propres à assurer que les autorités compétentes limitent la sévérité de l'ensemble des sanctions imposées à ce qui est strictement nécessaire par rapport à la gravité de l'infraction commise. Elle a ainsi relevé que cette réglementation, d'une part, limite les poursuites pénales aux infractions présentant une certaine gravité, à savoir celles portant sur un montant de TVA impayée supérieur à 50 000 euros, pour lesquelles le législateur national a prévu une peine d'emprisonnement, d'autre part, fait définitivement obstacle à l'exécution des sanctions administratives de nature pénale après la condamnation pénale de la personne concernée (points 55 et 56). 59. En revanche, dans une autre affaire rendue le même jour, la Cour de justice a considéré que la réglementation italienne en matière de manipulations de marché ne garantit pas que la sévérité de l'ensemble des sanctions imposées soit limitée à ce qui est strictement nécessaire par rapport à la gravité de l'infraction concernée (arrêt du 20 mars 2018, Garlsson Real Estate e.a., C-537/16). Elle a ainsi relevé que cette réglementation se borne à prévoir que, lorsque, pour les mêmes faits, une amende pénale et une sanction administrative pécuniaire de nature pénale ont été infligées, le recouvrement de la première est limité à la partie excédant le montant de la seconde et vise uniquement le cumul de peines pécuniaires et non le cumul d'une sanction administrative pécuniaire de nature pénale et d'une peine d'emprisonnement (point 60). 60. Le demandeur au pourvoi reproche à la cour d'appel de ne pas s'être assurée que la charge résultant de l'ensemble des sanctions prononcées à son encontre n'était pas excessive au regard de l'infraction concernée, ce qui suppose de s'interroger au préalable sur le point de savoir si la réglementation française remplit la condition de la proportionnalité du cumul des sanctions pénales et fiscales in abstracto. 61. Il convient de relever que, d'une part, en application de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel, la réglementation française limite les poursuites pénales aux infractions présentant une certaine gravité, pour lesquelles le législateur national a prévu notamment, outre une peine d'amende, une peine d'emprisonnement. 62. D'autre part, en application d'une autre réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel, la faculté de cumuler des sanctions est limitée par l'impossibilité de dépasser le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 63. Cependant, cette règle ne concerne que les sanctions de même nature, à savoir celles pécuniaires. 64. Dans ces conditions, il ne peut être affirmé que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. 65. Il convient en conséquence d'interroger la Cour de Justice et de surseoir à statuer jusqu'à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne les questions suivantes : 1°/ L'exigence de clarté et de prévisibilité des circonstances dans lesquelles les dissimulations déclaratives en matière de TVA due peuvent faire l'objet d'un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale est-elle remplie par des règles nationales telles que celles précédemment décrites ? 2°/ L'exigence de nécessité et de proportionnalité du cumul de telles sanctions est-elle remplie par des règles nationales telles que celles précédemment décrites ? SURSOIT à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne. RENVOIE l'affaire au 8 avril 2021 à 9 heures à l'audience de formation ordinaire ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un octobre deux mille vingt.
Renvoie à la Cour de justice de l'Union européenne les questions suivantes : 1°/ L'exigence de clarté et de prévisibilité des circonstances dans lesquelles les dissimulations déclaratives en matière de TVA due peuvent faire l'objet d'un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale est-elle remplie par des règles nationales telles que celles précédemment décrites ? 2°/ L'exigence de nécessité et de proportionnalité du cumul de telles sanctions est-elle remplie par des règles nationales telles que celles précédemment décrites ?
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N° S 19-84.754 FP-P+B+I N° 2030 SM12 20 OCTOBRE 2020 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 OCTOBRE 2020 CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. X... P... contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 8-3, en date du 25 juin 2019, qui, pour séquestration, violences et tentative d'atteinte sexuelle aggravées, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. X... P..., et les conclusions de Mme Philippe, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme de la Lance, M. Moreau, M. Bonnal, Mme Planchon, Mme Ingall-Montagnier,M. de Larosière de Champfeu, Mme Zerbib, Mme Ménotti, M. Samuel, M. Maziau, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme Pichon, M. Violeau, M. Leblanc, conseillers référendaires, Mme Philippe avocat général référendaire, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Poursuivi des chefs susvisés devant le tribunal correctionnel pour des faits commis au cours du mois de mai 2014, M. X... P... a été condamné à deux ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve. 3. M. P..., le ministère public et la partie civile ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le troisième moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné le prévenu à la peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement, alors « qu'en refusant d'aménager la peine d'emprisonnement ferme de vingt-quatre mois en ce qu'elle ne disposerait pas, en l'état du dossier, d'éléments matériels suffisants, tandis qu'il résultait notamment, tant des éléments recueillis au cours de l'enquête de flagrance que des déclarations du prévenu à l'audience et des pièces qu'il avait produites devant elle à cette occasion qu'il avait une situation professionnelle stable d'analyste financier avec un salaire de l'ordre de 15 000 euros par mois, qu'il s'était remarié depuis mai 2016, que le couple avait trois enfants à charge, dont deux lui étaient propres et l'un d'eux souffrait d'handicap, que son épouse était enceinte et qu'il était suivi par deux professionnels, un psychiatre et un addictologue, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 132-19, 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Détermination préalable de la loi applicable 6. Bien que l'arrêt attaqué ait été rendu avant l'entrée en vigueur, le 24 mars 2020, de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, il importe de déterminer au préalable si les dispositions de cette loi relatives au prononcé et à l'aménagement de la peine d'emprisonnement sans sursis sont susceptibles de constituer une loi pénale moins sévère qui, par application de l'article 112-1, alinéa 3, du code pénal, devrait s'appliquer aux infractions n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée. 7. Dans un tel cas en effet, la Cour de cassation devrait, sans examiner les moyens qui critiquent l'arrêt attaqué au regard de la loi ancienne, annuler cet arrêt afin que l'affaire soit jugée à nouveau selon les dispositions de la loi nouvelle. 8. A cet égard, en premier lieu, il convient de déterminer si les dispositions relatives au prononcé et à l'aménagement de la peine d'emprisonnement sans sursis, qui figurent à l'article 74 de ladite loi, lequel modifie ou créé notamment les articles 132-19, 132-25 et 132-26 du code pénal et 464-2, 474 et 723-15 du code de procédure pénale, forment un ensemble indivisible qui devrait faire l'objet d'une comparaison globale avec la législation antérieure. 9. Le rapport annexé à la loi du 23 mars 2019 énonce le double objectif poursuivi par le législateur : limiter le recours aux courtes peines d'emprisonnement, d'une part, rendre effectives les peines d'emprisonnement prononcées pour des durées plus longues, d'autre part. 10. A ces fins, notamment, sont prohibées les peines d'emprisonnement sans sursis inférieures ou égales à un mois, tandis que le principe d'un aménagement des peines d'emprisonnement inférieures ou égales à six mois est mis en oeuvre par une obligation de motivation renforcée du refus d'un tel aménagement. 11. Par ailleurs, est supprimée, sans autre mesure corrélative, la possibilité d'un aménagement des peines d'emprisonnement comprises entre un et deux ans, que ce soit par la juridiction qui prononce la peine ou par le juge de l'application des peines, comme est instituée la faculté, pour la juridiction, de délivrer un mandat de dépôt à effet différé lorsque l'emprisonnement est d'au moins six mois. 12. Ces dispositions relèvent, pour certaines, de la catégorie des peines, pour d'autres des formes de la procédure, pour d'autres encore du régime de l'exécution des peines. Certaines figurent dans le code pénal, d'autres dans le code de procédure pénale. 13. Il en résulte qu'elles doivent, au regard de leur application dans le temps, être envisagées séparément les unes des autres. 14. Dès lors, en deuxième lieu, il importe de rechercher si, considérées individuellement, les dispositions qui privent les juridictions correctionnelles de la faculté d'aménager les peines d'emprisonnement qu'elles prononcent, lorsque celles-ci sont supérieures à un an d'emprisonnement, entrent dans la catégorie des lois relatives aux peines visées à l'article 112-1, dans celle des lois fixant les modalités de poursuites et les formes de la procédure visées à l'article 112-2, 2°, ou dans celle des lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines visées à l'article 112-2, 3°, du code pénal. 15. Il pouvait être envisagé que, prises dans leur ensemble, les dispositions relatives au prononcé et à la mise à exécution des peines d'emprisonnement, issues de la loi nouvelle, soient considérées comme fixant des modalités de poursuites et des règles de procédure. 16. Tel n'est pas le cas d'un texte qui supprime la possibilité d'aménager une peine d'emprisonnement, dès lors qu'il est pris isolément. 17. Aussi ces dispositions ne peuvent-elles être classées que dans la catégorie des lois relatives aux peines ou dans celle des lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines. 18. Jusqu'à présent la Cour de cassation a fait une distinction selon que la mesure d'aménagement avait été prononcée par le juge de l'application des peines ou par la juridiction de jugement. Elle a jugé que les premières ressortissaient aux lois d'exécution et d'application des peines (Crim., 9 juin 2010, pourvoi n°09-87.677) tandis que les secondes relevaient des lois de pénalité (Crim., 5 novembre 2013, pourvoi n° 12-85.387). 19. Cette distinction doit être abandonnée, dès lors que le législateur a réaffirmé le principe selon lequel la juridiction de jugement qui prononce une courte peine d'emprisonnement doit immédiatement envisager son aménagement. 20. Or, de quelque juridiction qu'elle émane, la décision portant sur l'aménagement se distingue de celle par laquelle la peine est prononcée. Les fins que l'une et l'autre poursuivent et les critères sur lesquels elles se fondent respectivement sont différents. 21. Aussi l'aménagement de peine constitue-t-il, même lorsqu'il émane de la juridiction de jugement, un dispositif relatif au régime d'exécution et d'application des peines. L'application dans le temps d'une telle mesure obéit par conséquent aux règles définies par l'article 112-2, 3°, du code pénal. 22. En troisième et dernier lieu, se pose la question de savoir si les nouvelles dispositions sont ou non plus sévères. En effet, l'article précité dispose que les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines, lorsqu'elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur. 23. Tel est le cas des dispositions de la loi du 23 mars 2019 qui interdisent tout aménagement des peines d'emprisonnement sans sursis d'une durée comprise entre un et deux ans. 24. Il s'en déduit que ces nouvelles dispositions, plus sévères, ne sauraient recevoir application dans le cas d'espèce, s'agissant de faits commis avant leur entrée en vigueur. Réponse au moyen Vu les articles 132-19 du code pénal dans sa rédaction alors en vigueur et 593 du code de procédure pénale : 25. Aux termes du premier de ces textes, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction. Si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, qui décide de ne pas l'aménager, doit en outre, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale. 26. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 27. Pour refuser d'aménager la peine de deux ans d'emprisonnement sans sursis prononcée à l'encontre de M. P..., l'arrêt énonce que la cour ne dispose pas, en l'état du dossier, d'éléments matériels suffisants lui permettant un aménagement immédiat. 28. En statuant ainsi, alors que M. P..., présent à l'audience, pouvait répondre à toutes les questions des juges et leur permettre d'apprécier si une mesure d'aménagement pouvait être ordonnée, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 29. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris susvisé, en date du 25 juin 2019, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT qu'il appartiendra à la juridiction saisie, au cas où une peine d'emprisonnement sans sursis supérieure à un an serait prononcée, d'appliquer, en matière d'aménagement, les dispositions applicables à la date des faits poursuivis. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt octobre deux mille vingt.
Pour l'application d'une loi nouvelle modifiant le prononcé et l'aménagement de la peine d'emprisonnement sans sursis, il importe de déterminer au préalable si les nouvelles dispositions sont susceptibles de constituer une loi pénale moins sévère qui, par application de l'article 112-1, alinéa 3, du code pénal devrait s'appliquer aux infractions n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée. Des dispositions qui visent, d'une part, à limiter le recours aux courtes peines d'emprisonnement et, d'autre part, à rendre effectives les peines d'emprisonnement prononcées pour des durées plus longues ne constituent pas un ensemble indivisible. Il en résulte qu'elles doivent, au regard de leur application dans le temps, être envisagées séparément les unes des autres. Les dispositions de l'article 74 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, qui interdisent désormais l'aménagement des peines d'emprisonnement ferme comprises entre un et deux ans, se rapportent au régime d'exécution et d'application des peines et obéissent aux règles définies par l'article 112-2, 3°, du code pénal. Ayant pour effet de rendre plus sévères les peines prononcées, elles ne sont donc applicables qu'aux condamnations relatives à des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Rejet et Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 594 FS-P+B Pourvoi n° K 19-11.585 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020 M. O... M..., domicilié chez Mme L... X..., [...] , a formé le pourvoi n° K 19-11.585 contre deux arrêts rendus les 19 octobre 2016 et 21 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (6e chambre D), dans le litige l'opposant à Mme V... A... , domiciliée [...] ), défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. M..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme A... , et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseille doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 19 octobre 2016 et 21 novembre 2018), M. M... et Mme A... se sont mariés religieusement en Irlande en 1997. Le couple a procédé à l'acquisition de plusieurs biens situés en France et s'est séparé en 2008. Le 23 juillet 2009, M. M... a assigné Mme A... devant le tribunal de grande instance de Nice en paiement d'une certaine somme, sur le fondement de l'indivision ayant existé entre eux du fait de leur vie commune, du printemps 1998 au mois d'avril 2008. Une ordonnance du juge de la mise en état a ordonné une expertise. 2. Parallèlement, en 2013, Mme A... a engagé une procédure de divorce en Irlande. Par jugement du 8 mars 2016, le tribunal de grande instance de Nice a constaté que M. M... et Mme A... étaient mariés au regard du droit irlandais et qu'une procédure de divorce était pendante devant la High Court Family Law d'Irlande du Nord. Il s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir. Le 5 février 2018, la juridiction irlandaise s'est déclarée compétente pour connaître du divorce des parties. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 4. M. M... fait grief à l'arrêt du 21 novembre 2018 de rejeter le contredit et de confirmer la décision entreprise en ce que le juge s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, alors « qu'il résulte de l'article 1, 1°, a), du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale qu'il ne s'applique, quelle que soit la nature de la juridiction, qu'aux matières civiles relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, ce qui exclut son application à la liquidation du régime matrimonial ; qu'en se fondant sur ce règlement pour déclarer incompétente la juridiction française pour statuer sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, la cour d'appel a violé l'article 1, 1°, a), du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. Mme A... soutient que M. M... n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures devant la cour d'appel. 6. Cependant, M. M... a toujours soutenu, devant les juges du fond, que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître du litige et n'a évoqué, qu'à titre subsidiaire, les critères de compétence résultant du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit Bruxelles II bis, qui était invoqué par Mme A... . Le moyen n'est donc pas contraire à sa position devant les juges du fond. 7. Il est en conséquence recevable. Bien-fondé du moyen Vu le règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit Bruxelles II bis, le règlement (UE) n° 2016/1103 du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, ensemble les principes qui régissent la compétence internationale et l'article 42 du code de procédure civile : 8. Il résulte des deux règlements n° 2201/2003 et n° 2016/1103 que le premier ne régit pas la compétence en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux et que le second n'est applicable qu'aux instances engagées après le 29 janvier 2019. 9. Il s'en déduit qu'en l'absence de convention internationale ou de règlement européen régissant la compétence internationale en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, l'article 42 du code de procédure civile est applicable, par extension à l'ordre international des règles internes de compétence, à une telle action engagée devant le tribunal de grande instance avant le 1er janvier 2010. 10. Pour accueillir l'exception d'incompétence au profit des juridictions irlandaises, l'arrêt fait application du règlement n° 2201/2003. 11. En statuant ainsi, alors que ce règlement n'était pas applicable à l'action engagée par M. M..., la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du second moyen, la Cour : REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2016 entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne Mme A... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. M.... PREMIER MOYEN DE CASSATION M. O... M... fait grief à l'arrêt attaqué du 19 octobre 2016, D'AVOIR rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par M. O... M..., et, en conséquence, déclaré l'exception d'incompétence soulevée par Mme V... A... recevable et confirmé le jugement de ce chef, AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article 74 du code de procédure civile les exceptions doivent être soulevées à peine d'irrecevabilité, simultanément et avant toute défenses au fond ou fin de non-recevoir ; qu'à la date de l'introduction de la présente instance par M. M... le 23 juillet 2009, Mme A... ne pouvait introduire une action en divorce devant la juridiction irlandaise qui exige une séparation des époux de cinq ans et alors qu'à la date de l'introduction de son instance en divorce en Irlande, le 10 septembre 2013, il existait un doute sur la validité de l'enregistrement de leur mariage et donc sur la compétence de la juridiction irlandaise ; que, cependant, il ressort des écritures de Mme A... dans la procédure de première instance, qu'elle a toujours soutenu une argumentation qui excluait la compétence de la juridiction française ayant d'ailleurs adressé à l'expert judiciaire, pour refuser de poursuivre la mesure d'expertise, une lettre en date du 12 septembre 2013, lui indiquant qu'elle avait introduit en Irlande, devant la juridiction compétente, une action en divorce et a soulevé l'exception d'incompétence dès que le doute sur la validité du mariage civil a été levé ; que cet élément nouveau et déterminant quant à la compétence est exclusif de l'application de l'article 74 du code de procédure civile alors que le juge a compétence pour relever d'office en application des dispositions de l'article 92 du code de procédure civile l'incompétence d'une juridiction française au profit d'une juridiction étrangère après avoir recueilli, comme en l'espèce, les observations des parties, et c'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté cette exception d'irrecevabilité ; que, concernant le principe de l'estoppel opposé par M. M..., il convient de relever que Mme A... a toujours soutenu être mariée à M. M... et que les dispositions temporaires pour régler l'indivision existant entre les parties suite à leur séparation, ne peuvent contredire son argumentation ultérieure résultant de la reconnaissance officiel de leur mariage suivie de son action en divorce, alors qu'elle n'a fait que se positionner sur la demande du tribunal après réouverture des débats ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à cette exception d'irrecevabilité » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « M. O... M... fonde sa demande sur l'indivision existant entre les parties du fait de leur vie maritale du printemps 1998 au mois d'avril 2008 en invoquant diverses opérations immobilières et mobilières qu'ils ont effectuées ensemble et les conditions difficiles de leur séparation ; qu'il ajoute s'être marié religieusement en Irlande en 1998 sans que ce mariage ait fait l'objet d'une régularisation officielle auprès des services de l'état de civil irlandais, ce qui entraîne une société de fait entre concubins ; qu'en cours de la procédure, Mme V... A... a contesté la position de M. O... M... en faisant valoir que, selon la loi de la République d'Irlande, un mariage religieux, non précédé ou non suivi d'un mariage civil, produisait néanmoins tous les effets du mariage au regard de la loi civile, d'où son opposition à aller plus en avant dans les opérations d'expertise ; que cette dernière, considérant être mariée, a ainsi engagé une procédure de divorce devant la juridiction irlandaise ; que cette dernière juridiction a fait procéder à une enquête sur le point de savoir si le mariage pouvait être régulièrement enregistré ; qu'après enquête, cette formalité a finalement été effectuée le 23 mars 2015 en sorte que la juridiction irlandaise est valablement saisie de la procédure en divorce engagée par Mme V... A... tenant la validité de son mariage ; que les biens détenus en commun par les époux sont par conséquent des biens constituant leur communauté matrimoniale dont la liquidation relève de la compétence d'attribution du juge du divorce, celui-ci étant, en l'espèce, le juge irlandais, déjà régulièrement saisi par Mme V... A... , au divers autres constats que le mariage a été célébré en Irlande, entre ressortissants irlandais, Mme V... A... justifiant être domiciliée dans ce pays, tous éléments qui commandent de se déclarer incompétent au profit de la juridiction étrangère déjà saisie A... ; que les moyens d'irrecevabilité de l'exception d'incompétence opposés par M. O... M... seront rejetés du fait que le mariage entre les époux a été confirmé en cours de procédure ; qu'ainsi, l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence du fait qu'elle n'aurait pas été présentée in limine litis sera rejetée puisque cette exception ne pouvait être soulevée avant cet événement alors que la procédure de divorce devant la juridiction irlandaise constitue une réalité impliquant la compétence d'attribution de la juridiction du divorce, réalité dont il appartient de tenir compte quelles que soient par ailleurs les divergences exprimées dans les écritures de Mme V... A... et dont elle s'est expliquée dans ses conclusions » ; 1°) ALORS QUE seules la cour d'appel ou la Cour de cassation peuvent relever d'office leur incompétence si l'affaire échappe à la connaissance de la juridiction française ; qu'en énonçant, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par M. M..., tirée de ce que Mme A... n'avait pas invoqué l'incompétence de la juridiction française in limine litis, que son introduction d'une action en divorce en Irlande constituait un élément nouveau et déterminant quant à la compétence, exclusif de l'application de l'article 74 du code de procédure civile, le juge ayant compétence pour relever d'office en application de l'article 92 du même code l'incompétence d'une juridiction française au profit d'une juridiction étrangère, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté l'exception d'irrecevabilité ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle seule, et non la juridiction de premier degré, avait le pouvoir de relever d'office son incompétence, la cour d'appel a violé l'article 92, alinéa 2 du code de procédure civile, devenu l'article 76 du même code ; 2°) ALORS QU'à peine d'irrecevabilité, les exceptions, dont l'exception d'incompétence, doivent être soulevées in limine litis ; qu'aucun texte ni aucun principe ne fait exception à cette règle en cas d'élément nouveau intervenu en cours d'instance ; qu'en se fondant sur l'existence d'un tel évènement nouveau pour considérer que l'article 74 du code de procédure civile n'était pas applicable, la cour d'appel a violé cette disposition ; 3°) ALORS QUE, subsidiairement, à peine d'irrecevabilité, les exceptions, dont l'exception d'incompétence, doivent être soulevées in limine litis ; que la cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que Mme A... avait soutenu en cours de procédure être mariée à son ex concubin ; qu'en considérant que l'introduction d'une action en divorce en Irlande et l'enregistrement du mariage religieux par les services d'état civil irlandais constituaient un élément nouveau et déterminant quant à la compétence, constituant un élément nouveau propre à exclure l'application de l'article 74 du code de procédure civile, sans expliquer en quoi l'ex concubine ne pouvait pas, dès le début de la procédure de première instance, soutenir qu'elle serait mariée avec M. M... et partant, invoquer l'exception d'incompétence des juridictions françaises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 74 du code de procédure civile ; 4°) ALORS, en toute hypothèse, QUE la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ; que, dans ses conclusions du 26 septembre 2016 (p. 5), M. M... a fait valoir que, dans ses écritures versées aux débats devant le juge de la mise en état en vue de l'audience d'incident du 18 mars 2011, Mme A... indiquait qu'elle était « tout à fait d'accord avec M. O... M... sur l'urgence qu'il y a à procéder à la liquidation de la société de fait ayant existé entre les ex-concubins », admettant en conséquence la compétence du juge français, dont elle avait admis par ailleurs le principe en acceptant qu'un expert soit désigné en France, pour donner tous éléments pour la liquidation de cette société de fait ; qu'en énonçant cependant, pour écarter le principe de l'estoppel opposé par M. M..., que Mme A... a toujours soutenu être mariée à M. M... et que les dispositions temporaires pour régler l'indivision existant entre les parties suite à leur séparation, ne peuvent contredire son argumentation ultérieure, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme Guckian ne s'était pas contredite à son détriment, en admettant dans un premier temps que la liquidation des leurs intérêts patrimoniaux, dont elle admettait la qualification de liquidation d'une société de fait, relevait de la juridiction française, pour ensuite le contester, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. SECOND MOYEN DE CASSATION M. O... M... fait grief à l'arrêt attaqué du 21 novembre 2018, D'AVOIR rejeté le contredit et confirmé la décision entreprise en ce que le juge s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la compétence, il résulte de ce qui précède que le différend qui oppose les parties concerne la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux mais qu'étant mariés elle s'inscrit nécessairement dans le cadre d'une dissolution du lien matrimonial et donc d'un divorce ; que le le règlement européen CE 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale prévoit en son article 3 que : 1. Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'État membre : a) sur le territoire duquel se trouve : - la résidence habituelle des époux, ou - la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore, ou - la résidence habituelle du défendeur, ou - en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux, ou - la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou - la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, s'il y a son "domicile" ; b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, du "domicile" commun ; qu'il existe en conséquence une compétence concurrente des juridictions irlandaises et françaises pour statuer ; que cependant le règlement précité prévoit en son article 19.3 « lorsque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci » ; que l'action engagée par M. M... n'étant pas une action en divorce c'est Mme A... qui a la première saisi une juridiction d'une telle action ; que c'est justement que le juge du tribunal de grande instance de Nice s'est déclaré incompétent pour statuer au profit des tribunaux irlandais ; qu'au surplus depuis cette décision la High Court Family Law d'Irlande du Nord a, dans une décision du 5 février 2018 expressément reconnu sa compétence pour traiter du divorce des parties indiquant « Il s'ensuit donc que, nonobstant le fait que le défendeur avait sa résidence habituelle en France, la requérante avait le droit d'introduire une procédure dans cette juridiction en vertu de l'article 3.1 a), cinquième tiret, du Règlement, puisqu'elle y avait sa résidence habituelle au moment de l'introduction de cette procédure ; que la la compétence de la juridiction première saisie est donc établie, et que c'est de plus fort que l'incompétence du juge du tribunal de grande instance de Nice doit être constatée » ; ET MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « M. O... M... fonde sa demande sur l'indivision existant entre les parties du fait de leur vie maritale du printemps 1998 au mois d'avril 2008 en invoquant diverses opérations immobilières et mobilières qu'ils ont effectuées ensemble et les conditions difficiles de leur séparation ; qu'il ajoute s'être marié religieusement en Irlande en 1998 sans que ce mariage ait fait l'objet d'une régularisation officielle auprès des services de l'état de civil irlandais, ce qui entraîne une société de fait entre concubins ; qu'en cours de la procédure, Mme V... A... a contesté la position de M. O... M... en faisant valoir que, selon la loi de la République d'Irlande, un mariage religieux, non précédé ou non suivi d'un mariage civil, produisait néanmoins tous les effets du mariage au regard de la loi civile, d'où son opposition à aller plus en avant dans les opérations d'expertise ; que cette dernière, considérant être mariée, a ainsi engagé une procédure de divorce devant la juridiction irlandaise ; que cette dernière juridiction a fait procéder à une enquête sur le point de savoir si le mariage pouvait être régulièrement enregistré ; qu'après enquête, cette formalité a finalement été effectuée le 23 mars 2015 en sorte que la juridiction irlandaise est valablement saisie de la procédure en divorce engagée par Mme V... A... tenant la validité de son mariage ; que les biens détenus en commun par les époux sont par conséquent des biens constituant leur communauté matrimoniale dont la liquidation relève de la compétence d'attribution du juge du divorce, celui-ci étant, en l'espèce, le juge irlandais, déjà régulièrement saisi par Mme V... A... , au divers autres constats que le mariage a été célébré en Irlande, entre ressortissants irlandais, Mme V... A... justifiant être domiciliée dans ce pays, tous éléments qui commandent de se déclarer incompétent au profit de la juridiction étrangère déjà saisie A... ; que les moyens d'irrecevabilité de l'exception d'incompétence opposés par M. O... M... seront rejetés du fait que le mariage entre les époux a été confirmé en cours de procédure ; qu'ainsi, l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence du fait qu'elle n'aurait pas été présentée in limine litis sera rejetée puisque cette exception ne pouvait être soulevée avant cet événement alors que la procédure de divorce devant la juridiction irlandaise constitue une réalité impliquant la compétence d'attribution de la juridiction du divorce, réalité dont il appartient de tenir compte quelles que soient par ailleurs les divergences exprimées dans les écritures de Mme V... A... et dont elle s'est expliquée dans ses conclusions » ; 1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence celle de l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, dans ses conclusions, M. M... faisait valoir qu'il n'existait pas de mariage entre Mme A... et lui-même, le mariage religieux, publié auprès des services d'état civil, ayant été annulé par décret du 9 juillet 2012 ; qu'en considérant, pour appliquer le règlement CE 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, que M. M... et Mme A... étaient mariés, sans rechercher si leur mariage religieux, enregistré auprès des services de l'état civil, n'avait pas été annulé par un décret du 9 juillet 2012 , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du règlement CE 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale 3°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, à supposer qu'il soit considéré que la cour d'appel se soit fondée sur les motifs de l'arrêt avant dire droit, pour statuer sur la compétence, les juges ne sauraient méconnaître les termes du litige ; que dans ses conclusions, M. M... ne reconnaissait pas la validité d'un prétendu mariage civil ; qu'au contraire, il faisait valoir qu'il n'était pas marié avec son ex compagne, formait une demande au titre d'une dissolution d'une société de fait, et soutenait que l'acte enregistré auprès des services de l'état civil n'était qu'une publication du mariage religieux ; que dès lors, en considérant que la validité d'un mariage civil était reconnue entre M. M... et Mme A... , la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE, encore plus subsidiairement, il résulte de l'article 1, 1°, a) du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale qu'il ne s'applique, quelle que soit la nature de la juridiction, qu'aux matières civiles relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, ce qui exclut son application aux conséquences patrimoniales du divorce ; qu'en se fondant sur ce règlement pour déclarer incompétente la juridiction française pour statuer sur les conséquences patrimoniales du divorce, la cour d'appel a violé l'article 1, 1°, a) du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale ; 5°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, il résulte de l'article 1, 1°, a) du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale qu'il ne s'applique, quelle que soit la nature de la juridiction, qu'aux matières civiles relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, ce qui exclut son application à la liquidation du régime matrimonial ; qu'en se fondant sur ce règlement pour déclarer incompétente la juridiction française pour statuer sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, la cour d'appel a violé l'article 1, 1°, a) du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale ; 6°) ALORS QUE, les juges ne sauraient statuer par voie d'affirmation ; qu'en affirmant de manière péremptoire, après avoir rappelé les critères posés par l'article 3 du règlement européen CE 2201/2003 relative à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrioniale et en matière de responsabilité parentale, qu' « il existe en conséquence une compétence concurrente des juridictions irlandaises et françaises pour statuer », sans aucunement motiver sa décision, par une application concrète à l'espèce des critères qu'elle a rappelés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, selon l'article 6 du règlement n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, un époux qui a sa résidence habituelle sur le territoire d'un Etat membre ou est ressortissant d'un Etat membre ne peut être attrait devant les juridictions d'un autre Etat membre qu'en vertu des articles 3 à 5 de ce règlement ; que, pour déclarer incompétente la juridiction française, la cour d'appel a visé l'article 3 du règlement du 27 novembre 2003 et a relevé que Mme A... avait saisi la juridiction irlandaise d'une demande de divorce, pour en déduire l'existence d'une compétence concurrente des juridictions irlandaises et françaises ; qu'en statuant ainsi, sans relever qu'étaient remplies les conditions du critère de compétence énoncé à l'article 3, 1°, a) in fine dudit règlement, à savoir que Mme A... ait eu sa résidence habituelle sur le territoire irlandais depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de sa demande de divorce et y ait eu son "domicile", ou qu'étaient remplies les conditions du critère de compétence énoncé à l'article 3, 1°, b) du même règlement, à savoir que M. M... et Mme A... aient leur domicile commun sur le territoire irlandais, la cour d'appel a violé les articles 6 et 3, 1° du règlement n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 ; 8°) ALORS, en toute hypothèse, s'il était considéré que les motifs des premiers juges avaient été adoptés, QUE les juges doivent viser et analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en énonçant, par motifs adoptés des premiers juges, que Mme V... A... justifie être domiciliée en Irlande, sans préciser sur quels éléments de preuve elle fondait une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 9°) ALORS QUE lorsque la compétence de la juridiction première saisie d'une demande en justice est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci ; que pour que cette règle s'applique, encore faut-il que la demande en justice ait le même objet ; que la cour d'appel a relevé que l'action en justice intentée par M. M... n'était pas une action en divorce et qu'elle n'a pas par ailleurs relevé qu'elle le serait devenue ; qu'en considérant toutefois que dès lors que la High court Family Law d'Irlande du Nord avait dans une décision du 5 février 2018 reconnu sa compétence pour traiter du divorce des parties, les juridictions françaises étaient incompétentes, la cour d'appel a violé l'article 19.3 du règlement du 27 novembre 2003 ; 10°) ALORS QUE, en tout état de cause, lorsque la compétence de la juridiction première saisie d'une demande en justice est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci ; que cette règle conduit à ce que le second juge se dessaisisse mais n'induit pas l'incompétence de ce dernier ; qu'en se fondant sur la première saisine d'une juridiction irlandaise, pour en déduire que les juridictions franaçises étaient incompétentes, la cour d'appel a violé l'article 19.3 du règlement du 27 novembre 2003 ; 11°) ALORS, en toute hypothèse, QUE, selon l'article 21, 1° du règlement du 27 novembre 2003, les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ; que cette règle n'est pas applicable aux décisions statuant sur la compétence en matière de divorce ; que pour déclarer incompétente la juridiction française, la cour d'appel s'est fondée sur une décision de la High Court Family Law d'Irlande du Nord ayant expressément reconnu sa compétence pour traiter du divorce des parties ; qu'en statuant ainsi, sans relever que ce jugement aurait prononcé le divorce des parties, la cour d'appel a violé l'article 21, 1° du règlement du 27 novembre 2003 ; 12°) ALORS, en toute hypothèse, QUE, le juge qui, pour se déclarer incompétent, oppose à une partie un jugement étranger doit vérifier s'il remplit les conditions de régularité internationale pour être reconnu en France ; qu'en se fondant, pour déclarer incompétente la juridiction française, sur une décision de la High Court Family Law d'Irlande du Nord, sans procéder à cette vérification, la cour d'appel a violé les articles 3 du code civil et 509 du code de procédure civile.
En l'absence de convention internationale ou de règlement européen régissant la compétence internationale en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, l'article 42 du code de procédure civile est applicable, par extension à l'ordre international des règles internes de compétence, à une telle action engagée devant le tribunal de grande instance avant le 1er janvier 2010
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 595 FS-P+B+I Pourvoi n° Y 19-15.783 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020 M. G... X..., domicilié [...] , agissant en qualité d'ayant droit d'T... X..., a formé le pourvoi n° Y 19-15.783 contre deux arrêts rendus les 21 novembre 2017 et 19 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme S... X..., épouse H..., domiciliée [...] ), 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. X..., de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme X..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Poinseaux, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 21 novembre 2017 et 19 mars 2019), rendus sur renvoi après cassation (1re Civ., 7 octobre 2015, pourvoi n° 14-20.144), S... X... est née le [...] à Hammersmith (Royaume-Uni) de Y... N... K... et d'un père déclaré par celle-ci comme étant T... X.... Elle n'a jamais été reconnue par celui-ci. En 1958, un jugement a condamné T... X... à payer des subsides à Y... N... K.... Celle-ci est décédée en 1963. Le 11 août 1966, S... X... a été adoptée au Royaume-Uni par un cousin de sa mère et son épouse, M. et Mme M.... 2. Le 12 juillet 2010, Mme X... a assigné T... X... en recherche de paternité. Le 24 octobre 2011, celui-ci est décédé, en laissant pour lui succéder son fils, M. G... X..., issu de son union avec L... E..., prédécédée. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 3. M. G... X... fait grief à l'arrêt du 21 novembre 2017 de déclarer l'action en établissement de la filiation paternelle biologique de Mme X... recevable et d'ordonner une expertise biologique, alors : « 3°/ qu'à supposer que l'impossibilité pour une personne adoptée de faire reconnaître son lien de filiation paternelle biologique à des fins successorales constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale, cette impossibilité est prévue à l'article 370-5 du code civil et poursuit un but légitime tendant à garantir la stabilité du lien de filiation établi par une adoption régulièrement prononcée à l'étranger, produisant en France les effets d'une adoption plénière ; que le juge doit donc déclarer irrecevable l'action ayant pour objet d'établir le lien de paternité biologique d'une personne régulièrement adoptée à l'étranger par une décision produisant en France les effets d'une adoption plénière ; qu'en déclarant pourtant recevable l'action de Mme X..., épouse H..., régulièrement adoptée en Angleterre, la cour d'appel, qui n'a pas opéré une juste pondération entre les intérêts concurrents en présence, a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 356 et 370-5 du code civil ; 4°/ qu'il appartient au juge de rechercher un juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée et familiale, dont pourrait être déduit l'établissement de la filiation biologique, et la stabilité du lien de filiation, qui conduit au contraire à l'ignorer en cas d'adoption plénière ; que le juge doit ainsi privilégier, par une décision motivée, la solution protectrice de l'intérêt le plus légitime ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevable l'action en établissement du lien de paternité biologique, la cour d'appel s'est fondée sur « les conditions dans lesquelles l'adoption de Mme H... a été obtenue », et a notamment relevé que « le désintérêt de T... X... à l'égard de Mme H... a été constant jusqu'à ce qu'elle reprenne contact avec lui en 2008 » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi la reconnaissance du lien de filiation biologique avec M. X... était nécessaire au respect de la vie privée et familiale de Mme X..., épouse H..., d'autant que celle-ci tenait pour acquis qu'elle était la fille biologique d'T... X... dont elle portait le nom depuis sa naissance, ce dont il résultait qu'elle avait déjà connaissance de ses origines, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 356 et 370-5 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 4. Aux termes de ce texte, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. 5. Pour déclarer l'action de Mme X... recevable, après avoir énoncé à bon droit que la loi anglaise compétente faisait obstacle à la reconnaissance d'un lien de filiation qui viendrait contredire celui créé par l'adoption, laquelle produisait les effets de l'adoption plénière du droit français, en application de l'article 370-5 du code civil, l'arrêt retient que le droit au respect de la vie privée et familiale impose d'établir un juste équilibre dans la pondération des intérêts concurrents, à savoir, d'un côté, le droit de Mme X... de connaître son ascendance et de voir établir légalement celle-ci, de l'autre, le refus d'T... X... lorsqu'il était vivant, puis de son héritier M. G... X..., qui se sont opposés systématiquement aux demandes de Mme X... et, enfin, l'intérêt général lié à la sécurité juridique. Il relève, d'abord, que l'intérêt de M. G... X..., seul héritier d'T... X... et qui avait connaissance de l'existence et du souhait de Mme X... de renouer avec sa famille d'origine, au moins depuis 2008, puis de voir reconnaître son lien de parenté, est de moindre importance que l'intérêt de Mme X.... Il énonce, ensuite, que, si le droit anglais empêche l'établissement d'une autre filiation en présence d'une adoption, il n'interdit pas pour autant la remise en cause de cette adoption dans certaines circonstances. Il ajoute, enfin, que l'adoption de Mme X... a été obtenue dans des conditions particulières, alors que les assistants sociaux avaient adressé plusieurs lettres restées sans réponse à T... X..., qu'ils s'étaient rendus en France afin de le rencontrer, sans parvenir à entrer en contact avec lui, que seule l'épouse de celui-ci avait contacté téléphoniquement les enquêteurs sociaux, en indiquant qu'elle désapprouvait cette adoption, sans donner de motifs, que le désintérêt d'T... X... à l'égard de Mme X... avait été constant jusqu'à ce qu'elle reprenne contact avec lui en 2008 et, encore, que, bien que condamné à payer des subsides par un arrêt de la cour d'appel de Versailles, en 1959, il avait cessé ses paiements quelques années après, ce qui avait contraint les époux M... à demander l'adoption de la mineure afin d'obtenir des prestations familiales pour l'élever. 6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations, d'une part, que Mme X..., qui connaissait ses origines personnelles, n'était pas privée d'un élément essentiel de son identité, d'autre part, qu'T... X..., puis son héritier, M. G... X..., n'avaient jamais souhaité établir de lien, de fait ou de droit, avec elle, de sorte qu'au regard des intérêts de M. G... X..., de ceux de la famille adoptive et de l'intérêt général attaché à la sécurité juridique et à la stabilité des liens de filiation adoptifs, l'atteinte au droit au respect de la vie privée de Mme X... que constituait l'irrecevabilité de l'action en recherche de paternité ne revêtait pas un caractère disproportionné, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. M. G... X... fait grief à l'arrêt du 19 mars 2019 de dire qu'T... X... était le père de Mme S... X..., alors « que la cassation à intervenir de l'arrêt du 21 novembre 2017 ayant déclaré à tort recevable l'action en établissement de la filiation paternelle biologique de Mme X..., épouse H... et ordonné une expertise génétique visant à établir s'il existait un lien de filiation entre l'intéressée et M. T... X... entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 19 mars 2019 qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile : 8. Aux termes de ce texte, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 9. La cassation de l'arrêt du 21 novembre 2017 ayant déclaré l'action recevable entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt du 19 mars 2019 ayant statué au fond sur la paternité d'T... X.... Portée et conséquences de la cassation 10. Comme suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 21 novembre 2017 et 19 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 19 octobre 2010 ayant déclaré irrecevable l'action en recherche de paternité de Mme X... ; Condamne Mme X... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. X.... PREMIER MOYEN DE CASSATION : IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt du 21 novembre 2017 d'avoir déclaré l'action en établissement de la filiation paternelle biologique de Mme X... épouse H... recevable et d'avoir ordonné une expertise biologique ; AUX MOTIFS QUE sur l'établissement d'une filiation paternelle biologique, l'adoption de Y... N... X... par M. et Mme M... a été prononcée par décision du tribunal des mineurs britanniques (Juvenil Court siégeant à Llanduno, Pays de Galles) du 11 août 1966 ; que cette décision a eu pour effet de lui conférer une filiation paternelle adoptive légalement établie ; qu'il résulte du certificat de coutume de Mme Marie-Claire Sparrow, avocate au barreau de Londres, que la loi et la procédure anglaise ne connaissent pas de fins de non-recevoir et que la recherche de parents biologiques n'apparaît pas impossible en Angleterre même lorsqu'une autre filiation a déjà été établie ; que ce certificat précise que « chaque cas est examiné au cas par cas par la jurisprudence » ; que les exemples cités par Mme Sparrow ne sont pas applicables à la situation de Mme X... H... ; que la première affaire est relativè à un enfant né d'une insémination artificielle résultant d'un don de sperme au bénéfice d'un couple homosexuel sans qu'aucune adoption n'ait été prononcée; que I'article joint au certifrcat de coutume rapporte les propos du porte-parole du CSA (Child Support Agency) qui précise : « à moins que I'enfant soit légalement adopté, les parents biologiques sont pécuniairement responsables de leurs enfants, peu important que leurs noms ne soient pas mentionnés sur le certificat de naissance » et précise qu'il en aurait été différemment en cas d'adoption ; que le second cas cité dans ce certificat de coutume est relatif à une affaire d'interprétation d'une disposition testamentaire réglée selon le droit anglais des successions qui, lors d'une succession ouverte à la suite du décès du parent biologique, autorise I'enfant adopté par un ou des tiers à bénéficier de la succession si la stipulaiion testamentaire désigne « tous mes enfants » que ce cas est inapplicable à I'action tendant à l'établissement de la filiation patemelle de Mme X... H..., celle-ci et M. G... X... convenant tous deux que seul le droit français a vocation à s'appliquer au règlement de la succession de M. T... X...; que selon I'article 39 (2) de I'Adoption Act de 1976, un enfant adopté sera, sous réserve de la sous-section (3) inapplicable en I'espèce, considéré comme s'il n'était I'enfant d'aucune autre personne que celui de I'adoptant ou des adoptants ; que selon I'article 38 de cette même loi, ces dispositions sont applicables aux adoption orders prononcés sous I'empire de l'Adoption Act de 1958, comme en I'espèce ; que cette rupture de manière complète et irrévocable du lien de filiation entre I'adopté et ses parents naturels, et I'assimilation de l'Adoption à l'adoption plénière française est confirmée par M. R... V... dans son article intitulé « L'établissement de la paternité en droit anglais » ; que le même auteur précise que « les décisions qui transfèrent la parenté en prononçant une adoption ou des décisions parentales (...) sont pareillement définitives pour tousmotifs » ; que M. C... F... A... précise dans son article intitulé « L'adoption plénière en France et en Angleterre-Galles : une histoire comparée du droit et des pratique (1926-2015) » que « l'adoption anglaise et galloise et l'adoption plénière française créent ainsi un lien nouveau, substitutif et exclusif entre l'adopte et I'adoptant, en conséquence de quoi I'adopté hérite de son nom et ses droits de succéssion de son seul adoptant » ; que dans son certificat de coutume, Mme P... J... (I... YB... , Gray's Inn), après avoir rappelé le cas le plus proche de la présente espèce (in Re Collins – Deceased – [1990] 2 WLR 161 [1990] Fam. 56) qui ne s'applique que si un intérêt dans les biens de T... X... avait été constitué à I'avantage de Mme H... avant son adoption, ce qui n'est pas soutenu, conclut que « son statut d'enfant adopté a éteint cette relation juridique » et que « un enfant perd tous ses droits juridiques envers ses parents naturels tant durant leur vie qu'après leur mort, une fois que I'ordonnance d'adoption (adoption order) a été prononcée » ; que l'absence de décision judiciaire admettant ou rejetant une action en recherche ou déclaration de paternité d'une personne adoptée s'explique, selon Mme P... J..., par la clarté de la loi anglaise ; que I'application de la loi anglaise, sans constituer une fin de non-recevoir que ne connaît pas le droit anglais et gallois, est de nature à faire obstacle à la reconnaissance d'un lien de filiation qui viendrait contredire celui créê par I'adoption ; que sur la violation de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, Mme S... X... H... soutient que le droit anglais en ce qu'il I'empêche d'établir sa filiation serait contraire aux articles 3.1 et 7.1 de la Convention de Convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de I'enfant ; que selon I'article 3.1 de cette Convention « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, I'intérêt supérieur de I'enfant doit être une considération primordiale » ; que compte tenu du désintérêt manifeste de T... X... à l'égard de I'enfant, l'adoption prononcée en faveur de ce dernier et qui a pour effet de substituer de manière irrévocable le lien de filiation adoptive au lien de filiation d'origine n'apparaît pas contraire à I'intérêt supérieur de I'enfant; que jusqu'en l976,le droit anglais faisait du bien-être de l'enfant adopté « une considération première », puis à compter de cette date, « la considération primordiale » ( v. l'article de B... D..., « L'adoption dans le droit du Royaume-Uni », ce dont il résulte qu'il ne peut être soutenu que le droit anglais méconnaîtrait I'intérêt de I'enfant; que selon I'article 7.1. de cette Convention, « L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux » ; qu'il n'est pas discuté que S... X... H... a été enregistrée aussitôt sa naissance, qu'elle a eu le nom de X... et la nationalité anglaise ; que selon C... F... A... (« L'adoption plénière en France et en Angleterre-Galles »), « en Angleterre-Galles, les adoptés disposent d'un droit à connaître leur origines » qui a été reconnu avant même que le droit français ne le prévoit ; qu'aucune violation de la Convention de New-York n'est donc constituée ; que sur la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Mme X... H... soutient être victime d'une violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que prévu par I'article 8 de cette Convention qui prévoit que « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans I'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de I'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui »; que I'action en établissement de la paternité intentée par Mme X... H... à l'encontre de T... X..., du temps où il était encore vivant, tombe sous I'empire de cet article; que le droit de connaître son ascendance se trouve dans le champ d'application de la notion de « vie privée, qui englobe des aspects importants de l'identité personnelle dont l'identité des géniteurs fait partie (Odièvre c. France [GC], n° 42326198, § 29, CEDH 2003-III, Mikulic, précité, § 53, et Jäggi c. Suisse, n°58757/00, §25, CEDH 2006 X) » ; que ce droit comprend non seulement le droit de chacun de connaître son ascendance (voir, notamment, Pascaud c. France, n°19535/08, §48, 16 juin 2011 et Jäggi c. Suisse, n°58757/00, § 25, CEDH 2006 X), mais aussi le droit à la reconnaissance juridique de sa violation (voir, par exemple, O... c. France, n°65192/11, § 46, CEDH 2014) ; qu'à défaut de volonté d'T... X... puis de G... X..., Mme X... H... a cherché à faire établir par la voie judiciaire sa filiation avec son père biologique ; qu'il existe une relation directe entre l'établissement de sa filiation et la vie privée de Mme X... H... ; qu'il convient d'établir un juste équilibre dans la pondération des intérêts concurrents, à savoir, d'un côté, le droit de Mme X... H... à connaître son ascendance et à voir établir légalement celle-ci et, de I'autre, le refus de T... X... lorsqu'il était vivant, puis de son héritier G... X..., qui se sont opposés systématiquement aux demandes de Mme X... H... , et l'intérêt général lié à la sécurité juridique ; que s'agissant des intérêts concurrents, il convient de noter que T... X..., aujourd'hui décédé et dont l'épouse était prédécédée, avait pour seul héritier G... X...; que tant T... que G... X... avaient connaissance de l'existence et du souhait de Mme X... H... de renouer avec sa famille d'origine au moins depuis 2008, puis de voir reconnaître son lien de parenté ; qu'ils n'ont jamais remis en cause la version donnée par Mme X... H... des conditions de sa conception et de sa naissance; que sa qualité de fille biologique de T... X... a même été reconnue par celui-ci et son fils au cours de plusieurs échanges avec elle ; que bien qu'ils n'aient jamais contesté cette qualité dans leurs rapports avec elle, ils ont opposé un refus systématique de voir consacrer tout lien juridique; que l'intérêt dont se prévaut M. G... X... apparaît donc de moindre importance comparé à celui de Mme X... H... , qui doit donc prévaloir ; que s'agissant de l'intérêt général attaché à la sécurité juridique, si le droit anglais empêche normalement l'établissement d'une filiation autre que celle résultant d'une adoption, il n'interdit pas pour autant la remise en cause de cette adoption, en cas de breach of natural justice et de révocation ; qu'ainsi qu'il a été jugé plus haut, ces actions ne sont pas soumises à la prescription de sorte que I'intérêt général de la sécurité juridique apparaît modéré en droit anglais, d'autant que cet intérêt ne porte que sur la situation de trois personnes, le père et ses deux enfants ; que la remise en cause de I'adoption pour breach of natural justice recouvre la situation où le parent biologique était dans l'ignorance de l'adoption, celui où un parent biologique qui aurait voulu remettre en question celle-ci n'a pas été averti qu'elle allait être prononcée et celui où l'adoption a été obtenue par fraude ; que la révocation de l'adoption peut encore être prononcée par la High Court au cas par cas; qu'il convient à cet égard de rappeler les conditions dans lesquelles I'adoption de Mme X... H... a été obtenue ; que le rapport anglais d'enquête sociale de pré-adoption du 19 juillet 1966 indique les assistants sociaux ont adressé plusieurs lettres restées sans réponse à T... X..., qui était désigné par la mère comme le père de I'enfant ; qu'ils se sont rendus en France à la seule adresse connue d'eux et dont il a été prouvé, après enquête de voisinage et vérification auprès du commissariat de police, qu'elle était la propriété de T... X..., sans parvenir à entrer en contact avec lui ; que seule l'épouse de T... X... a contacté téléphoniquement les enquêteurs sociaux indiquant qu'elle désapprouvait cette adoption sans donner de motifs ; que les enquêteurs sociaux en ont conclu que T... X... avait nécessairement reçu leurs lettres « dans la mesure où elles ne nous ont pas été retournées » et refusait de répondre aux sollicitations des services sociaux anglais ; que le désintérêt de T... X... à l'égard de Mme X... H... a été constant jusqu'à ce qu'elle reprenne contact avec lui en 2008 ; que bien que condamné à payer des subsides selon un arrêt de la cour d'appel de Versailles en 1959, il a cessé ses paiements quelques années après, ce qui a contraint les époux M..., à qui était confiée la jeune fille, de demander son adoption afin d'obtenir des prestations familiales pour l'éduquer; qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres violations de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevées par Mme X... H... , son action doit être déclarée recevable ; 1°) ALORS QUE l'adoption régulièrement prononcée à l'étranger produit en France les effets de l'adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant ; que « l'Adoption » régulièrement prononcée en Angleterre, qui rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation biologique préexistant, produit donc en France les effets de l'adoption plénière (arrêt, p. 5 § 2) ; qu'ainsi, à défaut d'être contestée en justice, « l'Adoption » régulièrement prononcée en Angleterre établit une nouvelle filiation et fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait (arrêt, p. 5 § 3) ; que Mme H..., régulièrement adoptée en Angleterre, était donc irrecevable à exercer en France une action ayant pour objet l'établissement de sa filiation paternelle biologique ; qu'en déclarant cependant recevable « l'action en établissement de la filiation paternelle biologique de Mme H... » (arrêt, p. 8 § 6), en se fondant sur des motifs inopérants tirés du droit au respect de la vie privée et familiale, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 356 et 370-5 du code civil ; 2°) ALORS QUE si l'irrecevabilité de l'action ayant pour objet la connaissance de ses origines par une personne adoptée peut constituer une ingérence injustifiée dans l'exercice de son droit au respect de la vie privée et familiale, tel n'est pas le cas de l'irrecevabilité d'une action mise en oeuvre à des fins successorales, dont l'exercice ne relève pas de la vie privée et familiale de la personne adoptée ; qu'en l'espèce, l'action en établissement du lien de paternité biologique mise en oeuvre par Mme H... avait pour objet, à titre principal, « la rectification des actes d'état civil » de l'intéressée, et « la réouverture des opérations de partage éventuelles suite au décès de M. T... X... » (concl., p. 34) ; que la cour d'appel a relevé que Mme X... épouse H... tenait pour acquis qu'elle était la fille biologique d'T... X... dont elle portait le nom depuis sa naissance (arrêt, p. 7 § 1) ; qu'ainsi son action, dont l'objet principal était fondée sur la poursuite d'intérêts patrimoniaux, ne relevait pas du droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 356 et 370-5 du code civil ; 3°) ALORS QUE, subsidiairement, à supposer que l'impossibilité pour une personne adoptée de faire reconnaître son lien de filiation paternelle biologique à des fins successorales constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale, cette impossibilité est prévue à l'article 370-5 du code civil et poursuit un but légitime tendant à garantir la stabilité du lien de filiation établi par une adoption régulièrement prononcée à l'étranger, produisant en France les effets d'une adoption plénière ; que le juge doit donc déclarer irrecevable l'action ayant pour objet d'établir le lien de paternité biologique d'une personne régulièrement adoptée à l'étranger par une décision produisant en France les effets d'une adoption plénière ; qu'en déclarant pourtant recevable l'action de Mme X... épouse H..., régulièrement adoptée en Angleterre, la cour d'appel, qui n'a pas opéré une juste pondération entre les intérêts concurrents en présence, a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 356 et 370-5 du code civil ; 4°) ALORS QUE, plus subsidiairement, il appartient au juge de rechercher un juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée et familiale, dont pourrait être déduit l'établissement de la filiation biologique, et la stabilité du lien de filiation, qui conduit au contraire à l'ignorer en cas d'adoption plénière ; que le juge doit ainsi privilégier, par une décision motivée, la solution protectrice de l'intérêt le plus légitime ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevable l'action en établissement du lien de paternité biologique, la cour d'appel s'est fondée sur « les conditions dans lesquelles l'adoption de Mme H... a été obtenue », et a notamment relevé que « le désintérêt de T... X... à l'égard de Mme H... a été constant jusqu'à ce qu'elle reprenne contact avec lui en 2008 » (arrêt, p. 6 § 3) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi la reconnaissance du lien de filiation biologique avec M. X... était nécessaire au respect de la vie privée et familiale de Mme X... épouse H..., d'autant que celle-ci tenait pour acquis qu'elle était la fille biologique d'T... X... dont elle portait le nom depuis sa naissance (arrêt, p. 7 § 1), ce dont il résultait qu'elle avait déjà connaissance de ses origines, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 356 et 370-5 du code civil ; 5°) ALORS QUE, plus subsidiairement encore, la recevabilité d'une demande d'établissement d'un lien de filiation par voie d'expertise biologique est subordonnée à la mise en cause de ceux qui subiront la mesure d'expertise ; qu'ainsi, lorsque la qualité de père biologique est invoquée à l'encontre d'une personne décédée, la recevabilité de la demande d'expertise biologique dirigée contre son fils est soumise à sa mise en cause à titre personnel ; qu'en l'espèce, M. G... X..., fils de feu T... X..., intervenait seulement ès qualités d'ayant droit de son père dans la procédure, à laquelle il était donc tiers à titre personnel ; qu'une mesure d'expertise biologique ne pouvait donc pas être ordonnée contre lui ; qu'en ordonnant cependant une telle mesure tandis que M. G... X... n'était pas personnellement partie à l'instance (arrêt, p. 8), la cour d'appel, excédant ses pouvoirs, a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 11 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QUE, en toute hypothèse, en s'abstenant de répondre aux conclusions de M. G... X... faisant valoir qu'il n'était intimé « qu'en sa qualité d'ayant droits de son père ; que dès lors, ne peut être dirigée contre lui personnellement, en cause d'appel, une demande d'expertise [biologique] à l'effet de prouver que la demanderesse est bien sa demi-soeur » (concl., p. 8 § 3 et s.), la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION : IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt du 19 mars 2019 d'avoir dit qu'T... X... était le père de Mme S... X... épouse H... ; AUX MOTIFS QUE, ainsi qu'il a déjà été jugé dans l'arrêt de cette cour du 21 novembre 2017, l'établissement contentieux de la paternité hors mariage peut être établie par une décision judiciaire (Registration Acte 1953, S 10 en Angleterre et au Pays de Galles) ; qu'à l'instar du droit français, l'article 20 de la loi de 1969 sur la réforme du droit de la famille prévoit le recours à l'expertise biologique ou génétique dans toutes les procédures civiles où la paternité d'une personne doit être déterminée par le tribunal ; que de plus, il résulte de l'article 310-3 du code civil que la preuve de la paternité hors mariage peut se faire par tous moyens ; l'expertise est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; qu'à la suite de sa désignation en qualité d'expert pour déterminer les chances de paternité de T... X..., décédé le 24 septembre 2011, à l'égard de Mme S... X... épouse H... par la comparaison des prélèvements biologiques entre cette dernière et M. G... X..., l'expert a déposé son rapport le 19 février 2018 ; qu'il indique qu'il n'a pas pu procéder à l'expertise en raison de l'absence de M. G... X... lors des opérations, bien que ce dernier ait été convoqué par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été signé ; qu'il précise qu'il a reçu du conseil de M. G... X... une lettre l'informant que ce dernier « n'entendant pas se soumettre à cette opération d'expertise, ne se présentera pas » ; que Mme S... X... épouse H... s'est au contraire soumise aux opérations d'expertise ; que dans ses dernières conclusions, M. G... X... soutient que son refus de se soumettre aux opérations d'expertise biologique est justifié par sa qualité d'ayant droit de son père qui n'a jamais consenti, de son vivant, à une expertise génétique, que les dispositions de l'article 16-11 du code civil ne permettent pas à la cour d'ordonner cette mesure d'instruction, que maltraité, humilié et délaissé du vivant de T... X..., il se peut qu'il n'en soit pas le fils et qu'il a le droit au respect de sa vie privée et de son intimité, lequel lui confère le droit de ne pas savoir si T... X... est son véritable père ; que cependant, M. G... X... ne verse aux débats aucun élément de preuve de nature à établir ses craintes quant au fait que T... X... ne serait pas son véritable père de sorte qu'il n'est pas justifié que les opérations d'expertise portaient une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et de son intimité ; que les alinéas 1er et 2 de l'article 16-11 du code civil disposent que « L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que : 1° Dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire; 2° A des fins médicales ou de recherche scientifique; 3° Aux fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité de personnes décédées; 4° Dans les conditions prévues à l'article L. 2381-1 du code de la défense ; qu'en matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides ; que le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli ; que sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort » ; que l'expertise biologique en cause a été ordonnée en matière civile par cette cour saisie d'une action en établissement d'un lien de filiation comme le prévoient les dispositions précitées ; que les opérations d'expertise biologique ne consistent pas en des prélèvements post-mortem sur T... X..., mais en des prélèvements biologiques opérés sur son fils, M. G... X..., qui ne peut prétendre qu'en sa qualité d'ayant droit de son père décédé, aucune expertise ne pourrait être ordonnée sur sa propre personne, en l'absence d'accord exprès de son père donné de son vivant ; que M. G... X... a donc refusé de se soumettre à l'expertise génétique sans justifier d'un motif légitime ; que le refus de se soumettre à l'expertise biologique ne permet pas à lui seul d'établir le lien de filiation qu'il convient donc de déterminer si d'autres éléments font présumer de l'existence d'un tel lien de filiation ; que la période légale de la conception de S... X... H... est fixée du mois de juillet au mois de novembre 1954 ; qu'il n'est pas contesté que Y... N... K... a été engagée en 1954 par T... X... et son épouse en qualité de jeune fille au pair afin de s'occuper du jeune G... X... ; qu'enceinte, Y... N... K... est retournée précipitamment en Angleterre, au plus tard le 28 octobre 1954, date de sa lettre de démission, où elle a donné naissance le 28 avril 1955 à une fille prénommée S... à laquelle elle a donné le nom de X... sans qu'un lien de filiation légalement établi soit établi entre l'enfant et T... X... ; qu'à la suite de sa condamnation par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 27 novembre 1959 à payer à la mère de l'enfant la somme mensuelle de 50 000 anciens francs à titre de subsides, T... X... a cessé ces paiements après quelques années ainsi qu'il résulte de l'attestation de la mère adoptive de S... X..., Mme W... Q... M... ; que la mère de Mme S... X... H... étant décédée en 1963, les services sociaux anglais se sont rendus en France pour prendre contact avec T... X..., sans y parvenir ; qu'ils ont toutefois été informés par son épouse que celle-ci s'opposait à l'adoption ; que souhaitant renouer avec la famille X..., Mme S... X... H... a repris contact avec T... X... et M. G... X... en 2008 ; qu'il ressort des échanges de courriels intervenus en 2008 entre l'épouse de M. G... X... et l'époux de Mme X... H... que la relation intime entretenue entre T... X... et Y... N... K... était connue de tous ; que tant T... X... que M. G... X... n'ont jamais remis en cause la version donnée par Mme X... H... des conditions de sa conception et de sa naissance selon laquelle Y... N... K... et T... X... ont entretenu une relation intime jusqu'à ce que l'épouse d'T... X..., le découvrant, ait renvoyé Y... N... K... en Angleterre ; que ce renvoi brutal et la grossesse de Y... N... K... est établie par la lettre de démission et d'excuse adressée par celle-ci à l'épouse de T... X... ; que la qualité de fille biologique de T... X... été reconnue par celui-ci et son fils ; que plusieurs visites de Mme X... H... auprès de T... et de M. G... X... ont été organisées ainsi qu'en atteste les photographies versées aux débats. M. AE... IN... JQ... atteste qu'T... X..., dont il était un ami proche depuis 1956, lui a confié qu'il avait eu un enfant avec une jeune fille au pair anglaise ; que ces éléments de preuve, joints au refus sans motif légitime de M. T... X... de se soumettre à l'expertise génétique, établissent que T... X... est le père de S... X... H... ; 1°) ALORS QUE la cassation à intervenir de l'arrêt du 21 novembre 2017 ayant déclaré à tort recevable l'action en établissement de la filiation paternelle biologique de Mme X... épouse H... et ordonné une expertise génétique visant à établir s'il existait un lien de filiation entre l'intéressée et M. T... X... entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 19 mars 2019 qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, pour dire que Mme X... épouse H... est la fille d'T... X..., la cour d'appel a retenu qu'en application de l'article 310-3 du code civil, en matière de filiation, l'expertise biologique est de droit (arrêt, p. 4 § 8) ; qu'elle a également jugé, faisant ainsi application de l'article 11 du code de procédure civile, qu'elle pouvait tirer toutes les conséquences du refus de M. G... X... de se soumettre à la mesure d'expertise, à défaut de motif légitime de refus (arrêt, p. 5 § 3 et s.) ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle avait par ailleurs jugé que la mère de Mme H..., née en Angleterre, avait la nationalité de ce pays, de sorte que, s'agissant de droits indisponibles, elle devait faire application de la loi anglaise, la cour d'appel a violé les articles 3 et 311-14 du code civil ; 3°) ALORS QUE, subsidiairement également, l'adoption régulièrement prononcée à l'étranger, qui rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant, produit en France les effets d'une adoption plénière ; qu'une décision d'Adoption prononcée en Angleterre, qui rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation biologique de l'intéressé en lui substituant un lien de filiation adoptif, fait donc obstacle au rétablissement postérieur de la filiation biologique ; qu'en l'espèce, le lien de filiation paternelle biologique de Mme X... épouse H... avait été rompu de manière complète et irrévocable à la suite de son adoption en Angleterre ; qu'en rétablissant cependant la filiation paternelle biologique de Mme H... en jugeant qu'T... X... était son père biologique (arrêt, p. 6 § 15), la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 356 et 370-5 du code civil ; 4°) ALORS QUE, enfin, une personne dotée d'un lien de filiation paternelle ne peut se voir reconnaître une autre filiation paternelle sans que le lien préexistant soit remis en cause, sauf à lui reconnaître deux filiations paternelles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté Mme X... épouse H... de sa demande tendant à modifier son acte de naissance anglais, de sorte que sa filiation paternelle adoptive n'a pas été révoquée (arrêt, p. 7 § 1), tout en jugeant qu'T... X... était son père biologique (arrêt, p. 6 § 15) ; qu'en statuant ainsi, aboutissant à ce que l'intéressée ait deux filiations paternelles, l'une adoptive et l'autre biologique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 6 § 1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 370-5 du code civil.
Viole l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une cour d'appel qui déclare une action en recherche de paternité recevable, en présence d'une adoption de droit anglais produisant les effets de l'adoption plénière du droit français, alors qu'au regard des intérêts en présence et de l'intérêt général attaché à la sécurité juridique et à la stabilité des liens de filiation adoptifs, l'atteinte au droit au respect de la vie privée du demandeur que constituait l'irrecevabilité de l'action en recherche de paternité ne revêtait pas un caractère disproportionné
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 596 FS-P+B Pourvoi n° M 19-15.197 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. N... . Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 5 févrrier 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020 M. L... N... , domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 19-15.197 contre l'ordonnance rendue le 7 septembre 2018 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant : 1°/ au préfet de l'Essonnne, domicilié boulevard de France, Courcouronnes, 91000 Évry, 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. N... , et l'avis de Mme Marilly, avocat général réérendaire, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Poinseaux, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 7 septembre 2018), et les pièces de la procédure, le 3 septembre 2018, M. N... , de nationalité brésilienne, en situation irrégulière en France, a fait l'objet d'une décision de placement en rétention administrative. 2. Le 4 septembre 2019, le juge des libertés et de la détention a été saisi, par le préfet, d'une requête en prolongation de la mesure et, le lendemain, par l'étranger, d'une requête en contestation de la régularité de la décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. N... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure, alors « que le procureur de la République doit être informé immédiatement du placement en rétention administrative de l'étranger ; que toute absence ou retard non justifié dans l'information donnée à ce magistrat, porte atteinte aux droits de la personne concernée ; qu'il résulte de la décision attaquée que l'avis du placement en rétention de M. N... destiné au procureur de la République d'Evry avait été par erreur adressé à un cabinet d'avocats JLD, conseil du préfet et qu'ainsi, aucun avis n'avait été transmis au parquet ; que cette absence de transmission de l'avis de placement en rétention administrative au parquet portait nécessairement atteinte aux droits de la personne concernée ; qu'en jugeant le contraire, et en exigeant la preuve d'une telle atteinte, le premier président a violé les articles L. 551-2 et L. 552-13 du Ceseda. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 551-2, L. 553-3 et L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : 4. Il résulte du premier de ces textes que le procureur de la République doit être immédiatement informé de la décision du représentant de l'Etat dans le département de placer un étranger en rétention et du deuxième que, pendant toute la durée de la mesure, il peut se transporter sur les lieux, vérifier les conditions de celle-ci et se faire communiquer le registre mentionnant l'état civil des personnes placées ou maintenues en rétention ainsi que les conditions de leur placement ou leur maintien. 5. Au regard du rôle de garant de la liberté individuelle conféré par ce dernier texte au procureur de la République, son information immédiate sur la décision de placement en rétention doit être effective. 6. S'il ne résulte pas des pièces du dossier que le procureur de la République a été informé du placement en rétention, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits. 7. Pour rejeter le moyen de nullité de la procédure pris de l'absence d'information immédiate du procureur de la République, l'ordonnance relève que, s'il n'est pas contesté que l'avis destiné à ce magistrat a été par erreur adressé à un cabinet d'avocats, l'intéressé n'allègue ni ne justifie d'aucune atteinte à ses droits. 8. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue, le 7 septembre 2018, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. N... . Il est fait grief à la décision attaquée D'AVOIR ordonné la prolongation de la rétention de M. L... N... dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire ; AUX MOTIFS QUE « sur le moyen tiré de l'absence d'avis à parquet de la rétention, que s'il n'est pas contesté que l'avis du placement en rétention de M. L... N... destiné au procureur de la République d'Evry a été par erreur adressé à un cabinet d'avocats JLD pour autant l'intéressé n'allègue ni ne justifie au visa de l'article L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'aucune atteinte à ses droits ; qu'il y a lieu de rejeter ce moyen » ; ALORS QUE le procureur de la République doit être informé immédiatement du placement en rétention administrative de l'étranger ; que toute absence ou retard non justifié dans l'information donnée à ce magistrat, porte atteinte aux droits de la personne concernée ; qu'il résulte de la décision attaquée que l'avis du placement en rétention de M. L... N... destiné au procureur de la République d'Evry avait été par erreur adressé à un cabinet d'avocats JLD, conseil du préfet et qu'ainsi, aucun avis n'avait été transmis au parquet ; que cette absence de transmission de l'avis de placement en rétention administrative au parquet portait nécessairement atteinte aux droits de la personne concernée ; qu'en jugeant le contraire, et en exigeant la preuve d'une telle atteinte, le premier président a violé les articles L. 551-2 et L. 552-13 du Ceseda.
Au regard du rôle de garant de la liberté individuelle conféré par l'article L. 553-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au procureur de la République, son information immédiate sur la décision de placement en rétention doit être effective. S'il ne résulte pas des pièces du dossier que le procureur de la République a été informé du placement en rétention, ainsi qu'il est prévu à l'article L. 551-2 du même code, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 597 FS-P+B Pourvois n° S 19-12.373 T 19-18.791 JONCTION Aide juridictionnelle totale en demande, dans le pourvoi n° S 19-12.373, au profit de la Fondation de Nice patronage Saint-Pierre service actes pelican, administrateur ad hoc de B... X... P.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 3 juillet 2019. Aide juridictionnelle totale en demande, dans le pourvoi n° T 19-18.791, au profit de Mme Z... P.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 17 avril 2019. Aide juridictionnelle totale en défense, dans le pourvoi n° T 19-18.791, au profit de la Fondation de Nice patronage Saint-Pierre service actes pelican, administrateur ad hoc de B... X... P.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 12 août 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020 I - La Fondation de Nice patronage Saint-Pierre service actes pelican, en qualité d'administrateur ad hoc de B... X... P..., dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-12.373 contre un arrêt rendu le 4 décembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (6e chambre B), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. T... X..., domicilié [...] , 2°/ à Mme Z... P..., divorcée X..., domiciliée [...] , défendeurs à la cassation. II - Mme Z... P..., a formé le pourvoi n° T 19-18.791 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. T... X..., 2°/ à la Fondation de Nice patronage Saint-Pierre service actes pelican, en qualité d'administrateur ad hoc de B... X... P..., défendeurs à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° S 19-12.373 invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° T 19-18.791 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la Fondation de Nice patronage Saint-Pierre service actes pelican, ès qualité, de la SCP Buk-Lament et Robillot, avocat de Mme P..., de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. X..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Vigneau, Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° S 19-12.373 et T 19-18.791 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 décembre 2018), M. X..., né le [...] , et Mme P..., née le [...] , tous deux de nationalité française, se sont mariés le 8 septembre 2012. Sur une requête du 3 mai 2013, le juge aux affaires familiales a, par jugement du 11 juin 2013, prononcé leur divorce par consentement mutuel. Le [...], Mme P... a donné naissance à l'enfant B... après recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur réalisée en Espagne. M. X... a reconnu celle-ci le 12 novembre 2013. 3. Le 20 janvier 2015, M. X... a assigné Mme P... en contestation de paternité. Un jugement du 7 juillet 2016 a ordonné avant dire droit une expertise biologique, qui a conclu à l'absence de paternité biologique de M. X.... Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches et le quatrième moyen du pourvoi n° S 19-12.373, et le second moyen du pourvoi n° T 19-18.791, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi n° T 19-18.791, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Mme P... fait grief à l'arrêt d'annuler la reconnaissance de paternité du 12 novembre 2013 et de dire que M. X... n'est pas le père de l'enfant, alors « que les dispositions de l'article 311-20, dans leur version applicable à la cause, selon lesquelles les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation, que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins de contestation de la filiation à moins que le consentement a été privé d'effet, notamment en cas de dépôt d'une requête en divorce survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, sont applicables que lorsque la procréation médicalement assistée a été réalisée en France ; que la cour, en se fondant, pour annuler la reconnaissance de paternité établie le 12 novembre 2013 par M. X... et dire que ce dernier n'était pas le père de B..., sur les dispositions de l'article 311-20 précitées, après avoir pourtant constaté que le consentement de M. X... avait été donné en Espagne pour un traitement utilisant un don d'ovocyte et un don de sperme et que l'enfant était issue d'un transfert d'embryon réalisé en Espagne, a violé par fausse application ledit texte. » Réponse de la Cour 6. L'article 311-20 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, dispose : « Les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation. Le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d'effet. Le consentement est privé d'effet en cas de décès, de dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée. Il est également privé d'effet lorsque l'homme ou la femme le révoque, par écrit et avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette assistance. Celui qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant. En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L'action obéit aux dispositions des articles 328 et 331. » 7. Ce texte régit les conditions de recevabilité d'une action en contestation de reconnaissance de paternité intervenant après recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à l'étranger, lorsque cette action est soumise à la loi française, par application de l'article 311-17 du code civil, à raison de la nationalité française de son auteur et de l'enfant. 8. Il en résulte que cette action est recevable lorsqu'il est établi que le consentement, donné par l'auteur de la reconnaissance, à l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, est privé d'effet par suite du dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps des époux intervenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée. 9. La cour d'appel, qui a fait application de ces dispositions, a relevé que l'enfant était issue d'un transfert d'embryon réalisé le 12 mai 2013, alors que les époux avaient présenté, le 3 mai, une requête conjointe en divorce ayant abouti le 11 juin 2013 à un jugement de divorce. Elle en a exactement déduit que le consentement de M. X..., donné le 1er novembre 2012, était privé d'effet en raison de la requête en divorce introduite avant la réalisation du transfert d'embryon. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le premier moyen du pourvoi n° T 19-18.791, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 11. Mme P... fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en matière de procréation médicalement assistée réalisée avec don de sperme, si la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père, cette preuve ne peut toutefois pas être rapportée par la preuve scientifique ; qu'en jugeant toutefois, pour annuler la reconnaissance de paternité et accueillir l'action en contestation de paternité de M. X..., que la preuve pouvait être apportée par tous moyens et résulte en l'espèce de l'expertise génétique de M. K... E... en date du 7 octobre 2016 selon laquelle M. X... n'est pas le père biologique de l'enfant B..., la cour d'appel a violé les articles 310-3, 311-20 et 332, alinéa 2, du code civil. » Réponse de la Cour 12. Selon l'article 310-3, alinéa 2, du code civil, si une action relative à la filiation est engagée, la filiation se prouve et se conteste par tous moyens, sous réserve de la recevabilité de l'action. 13. Selon l'article 332, alinéa 2, du code civil, la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père. 14. Il en résulte que, sous réserve de la recevabilité de l'action, l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder. 15. La cour d'appel ayant constaté que l'expertise avait établi que M. X... n'était pas le père biologique de l'enfant, elle en a exactement déduit que l'acte de reconnaissance de paternité du 12 novembre 2013 devait être annulé. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le premier moyen du pourvoi n° T 19-18.791, pris en ses deuxième et quatrième branches et le troisième moyen du pourvoi n° S 19-12.373, pris en sa première branche, réunis Enoncé du moyen 17. Mme P... et la Fondation de Nice patronage Saint-Pierre service actes pelican, agissant en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant, font le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ qu'en tout état de cause, si en application de l'article 311-20, alinéa 3, du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, le consentement à une procréation médicalement assisté est privé d'effet en cas de dépôt d'une requête en divorce survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, il appartient au juge d'apprécier si concrètement dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ce texte ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ; qu'en se bornant à énoncer que le consentement initialement donné par M. X... était devenu caduc par l'effet de la cessation de communauté de vie des époux et de la requête en divorce déposée par la suite sans rechercher si concrètement, dans l'affaire qui lui était soumise, la mise en oeuvre de cette caducité ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant, au regard du but légitime poursuivi, dès lors que M. X... avait admis avoir donné son consentement à une fécondation in vitro avec don d'ovocyte et don de sperme, que la requête en divorce était concomitante de la réalisation de la procréation médicalement assistée, que malgré le divorce il avait persisté dans sa volonté de mettre au monde un enfant commun, était venu régulièrement voir l'enfant à sa naissance, l'avait reconnu volontairement et avait souhaité reprendre la vie commune avec la mère après le divorce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 310-3, 311-20 et 332, alinéa 2, du code civil ; 4°/ qu'en cas de procréation médicalement assistée avec don de sperme, dès lors qu'aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation, lorsque le père d'intention conteste sa paternité, après avoir pourtant reconnu volontairement l'enfant qui en est issu, l'intérêt de ce dernier n'est pas de bénéficier d'une filiation paternelle conforme à la vérité biologique ; qu'en se fondant enfin, pour annuler la reconnaissance de paternité établie le 12 novembre 2013 par M. X... et dire que ce dernier n'était pas le père de B..., sur le fait que l'intérêt supérieur de l'enfant est d'avoir accès à ses origines et de pouvoir en conséquence bénéficier d'une filiation conforme à la vérité biologique, la cour d'appel a violé les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et 311-19 du code civil ; 1°/ que l'intérêt supérieur de l'enfant ne réside pas exclusivement dans l'accès à la réalité de ses origines, mais comprend également le droit de disposer d'une filiation complète maternelle et paternelle, quand bien même celle-ci ne serait pas conforme à la vérité biologique ; que, dans ses conclusions d'appel, la Fondation de Nice patronage Saint-Pierre faisait valoir que si la jeune B... n'était pas l'enfant biologique de M. X..., sa conception était néanmoins le fruit d'un projet parental dans lequel M. X... s'était, à l'origine, pleinement impliqué puisqu'il avait pris la peine de contourner la législation française afin de recourir à la procréation médicalement assistée, qu'il s'était montré présent pour son ancienne épouse pendant sa grossesse et qu'il avait, après la naissance, établi en faveur de l'enfant un acte de reconnaissance aux termes duquel il avait souhaité lui donner son nom, ainsi que les prénoms de sa mère et de sa grand-mère ; qu'en se bornant à affirmer que « l'intérêt de l'enfant [est] d'avoir accès à ses origines et de pouvoir en conséquence bénéficier d'une filiation conforme à la vérité biologique », sans rechercher s'il n'était pas dans l'intérêt de l'enfant B... de conserver son lien de filiation avec celui dont le désir d'enfant était à l'origine de sa naissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, § 1, de la Convention internationale sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 18. Aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 19. Aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. 20. Si l'action en contestation de paternité et la décision d'annulation d'une reconnaissance de paternité en résultant constituent des ingérences dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale, elles sont prévues par la loi, à l'article 332, alinéa 2, du code civil précité, et poursuivent un but légitime en ce qu'elles tendent à permettre l'accès de l'enfant à la réalité de ses origines. 21. Après avoir constaté qu'elle était née d'une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur réalisée sans le consentement de M. X..., celui-ci étant privé d'effet, la cour d'appel a relevé que l'intérêt supérieur de l'enfant B... résidait dans l'accès à ses origines personnelles et que la destruction du lien de filiation avec M. X... n'excluait pas pour l'avenir et de façon définitive l'établissement d'un nouveau lien de filiation. 22. Ayant ainsi statué en considération de l'intérêt de l'enfant, apprécié in concreto, elle a pu en déduire, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, que l'annulation de la reconnaissance de paternité ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, justifiant légalement sa décision au regard des exigences conventionnelles susvisées. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi n° S 19-19.12373 par la SCP Buk Lament-Robillot, la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Fondation de Nice patronage Saint-Pierre service actes pelican, ès qualités. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé la reconnaissance de paternité établie le 12 novembre 2013 par l'officier d'état civil de la mairie de Nice aux termes de laquelle M. T... X... a reconnu être le père de l'enfant B... M... K... X... P... née le [...] et, en conséquence, d'AVOIR dit que M. X... n'est pas le père de l'enfant B... M... K... X... P... née le [...] , d'AVOIR dit que l'enfant portera désormais le nom de B... M... K... P..., d'AVOIR dit que Mme P... est seule titulaire de l'autorité parentale à l'égard de cette enfant et d'AVOIR ordonné la mention du dispositif du présent arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1056 du code de procédure civile, sur les registres de l'état civil et en marge de l'acte de naissance de l'enfant, et d'AVOIR débouté la Fondation de Nice Patronage Saint-Pierre de sa demande de dommages-intérêts ; AUX ENONCIATIONS QUE l'affaire a été régulièrement communiquée au ministère public ; ( ) que l'avis du ministère public a été notifié le 8 octobre 2018 ; ET AUX ENONCIATIONS QUE le ministère public à qui le dossier a été préalablement communiqué a conclu le 8 octobre 2018 à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de : - dire que M. X... n'est pas le père de l'enfant B... X... P..., - annuler l'acte de reconnaissance de paternité établi par M. X... le 12 novembre 2013, - dire que l'enfant portera désormais le nom de P..., - constater que Mme P... est seule titulaire de l'autorité parentale sur l'enfant, - ordonner la mention du dispositif de cet arrêt en marge de l'acte de naissance de l'enfant ; qu'il est rappelé par le ministère public que la loi applicable est la loi française et que le consentement à l'assistance médicale à la procréation est en l'espèce automatiquement caduc par suite de la séparation du couple le 29 mars 2013 et de la signature le 30 avril 2013 de la convention réglant les effets du divorce ; qu'en outre il est soutenu que l'annulation de cette filiation contraire à la vérité biologique ne va pas à l'encontre de l'intérêt de l'enfant qui pourra dans l'avenir voir une autre filiation établie par une possession d'état ou par une adoption, une situation similaire pouvant d'ailleurs exister dans le cadre d'une filiation naturelle en dehors de tout procédé de procréation médicale assistée ; ALORS QUE lorsque le ministère public a pris le parti de ne pas participer aux débats, dans le cadre d'une affaire relative à la filiation qui lui a été régulièrement communiquée, ses conclusions écrites doivent alors être mises à la disposition des parties ; qu'en l'espèce, pour statuer sur la contestation de paternité de M. X... à l'égard de l'enfant mineure B... X... P..., l'arrêt attaqué énonce que l'affaire a été régulièrement communiquée au procureur général et que, par avis écrit du 8 octobre 2018, ce dernier a conclu à l'infirmation du jugement rendu le 20 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Nice ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la Fondation de Nice Patronage Saint-Pierre avait eu communication de l'avis du ministère public, ni qu'elle avait eu la possibilité d'y répondre, la cour d'appel a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief infirmatif à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la reconnaissance de paternité établie le 12 novembre 2013 par l'officier d'état civil de la mairie de Nice aux termes de laquelle M. T... X... a reconnu être le père de l'enfant B... M... K... X... P... née le [...] et, en conséquence, d'AVOIR dit que M. X... n'est pas le père de l'enfant B... M... K... X... P... née le [...] , d'AVOIR dit que l'enfant portera désormais le nom de B... M... K... P..., d'AVOIR dit que Mme P... est seule titulaire de l'autorité parentale à l'égard de cette enfant et d'AVOIR ordonné la mention du dispositif du présent arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1056 du code de procédure civile, sur les registres de l'état civil et en marge de l'acte de naissance de l'enfant, et d'AVOIR débouté la Fondation de Nice Patronage Saint-Pierre de sa demande de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE, sur le fond du litige, il ressort des dispositions de l'article 311-20 du code civil en son alinéa 2 que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d'effet ; que l'alinéa 3 du même texte ajoute que le consentement est privé d'effet en cas de décès, de dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée ; qu'en l'espèce, il 'est constant et acquis aux débats que l'enfant B..., née le [...] , est issue d'un transfert d'embryon réalisé en Espagne le 12 mai 2013 (pièces 2 et 9 de l'intimée, Madame P...) alors que les époux ont présenté dès le 3 mai 2013 une requête conjointe en divorce ayant abouti à un jugement de divorce rendu le 11 juin 2013 qui a homologué la convention en date du 30 avril 2013 portant règlement des effets du divorce ; qu'il ressort en outre de cette convention que les époux résidaient séparément depuis le 29 mars 2013 ; qu'il s'ensuit que le consentement initialement donné par Monsieur X... le 1er novembre 2012 était devenu caduc par l'effet de la cessation de la communauté de vie des époux et de la requête en divorce déposée par la suite, élément dont il n'est pas démontré qu'ils ont été portés à la connaissance du médecin espagnol ayant réalisé le 12 mai 2013 la dernière transplantation d'embryon ; que selon les dispositions de l'article 332 alinéa 2 du code civil la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ; que la preuve peut être rapportée par tous moyens et résulte en l'espèce de l'expertise génétique de Monsieur K... E... en date du 7 octobre 2016 selon laquelle Monsieur T... X... n'est pas le père biologique de l'enfant B... X... P... ; qu'il s'ensuit que l'acte de reconnaissance de paternité du 12 novembre 2013 doit être annulé, l'intérêt supérieur de l'enfant étant d'avoir accès à ses origines et de pouvoir en conséquence bénéficier d'une filiation conforme à la vérité biologique, situation qui, comme le rappelle justement le ministère public, n'est pas différente de ce qui pourrait exister dans le cadre d'une filiation naturelle en dehors de tout procédé de procréation médicalement assistée et n'interdit pas pour l'avenir et de façon inéluctable l'établissement d'un nouveau lien de filiation ; qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera infirmé sauf en ce qu'il a rejeté les différentes demandes de dommages et intérêts, celle formées par les intimées n'étant pas fondées en raison de la décision rendue au fond alors que l'appelant n'a pas critiqué le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme symbolique d'un euro ; ALORS QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, il ressortait de la procédure et en particulier des propres conclusions d'appel de M. X... (p. 4-6) que celui-ci avait sollicité et obtenu du juge aux affaires familiales l'exercice en commun de l'autorité parentale sur l'enfant mineure B... X... P..., un droit de visite et d'hébergement, la fixation de sa part contributive à son entretien et à son éducation, ainsi que l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation de ses deux parents, ce dont il résultait que M. X... revendiquait un lien de paternité avec cette enfant ; qu'en accueillant l'action engagée parallèlement par M. X... afin de contester sa paternité à l'égard de l'enfant B... X... P..., la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé la reconnaissance de paternité établie le 12 novembre 2013 par l'officier d'état civil de la mairie de Nice aux termes de laquelle M. T... X... a reconnu être le père de l'enfant B... M... K... X... P... née le [...] et, en conséquence, d'AVOIR dit que M. X... n'est pas le père de l'enfant B... M... K... X... P... née le [...] , d'AVOIR dit que l'enfant portera désormais le nom de B... M... K... P..., d'AVOIR dit que Mme P... est seule titulaire de l'autorité parentale à l'égard de cette enfant et d'AVOIR ordonné la mention du dispositif du présent arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1056 du code de procédure civile, sur les registres de l'état civil et en marge de l'acte de naissance de l'enfant ; AUX MOTIFS QUE, sur le fond du litige, il ressort des dispositions de l'article 311-20 du code civil en son alinéa 2 que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d'effet ; que l'alinéa 3 du même texte ajoute que le consentement est privé d'effet en cas de décès, de dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée ; qu'en l'espèce, il 'est constant et acquis aux débats que l'enfant B..., née le [...] , est issue d'un transfert d'embryon réalisé en Espagne le 12 mai 2013 (pièces 2 et 9 de l'intimée, Madame P...) alors que les époux ont présenté dès le 3 mai 2013 une requête conjointe en divorce ayant abouti à un jugement de divorce rendu le 11 juin 2013 qui a homologué la convention en date du 30 avril 2013 portant règlement des effets du divorce ; qu'il ressort en outre de cette convention que les époux résidaient séparément depuis le 29 mars 2013 ; qu'il s'ensuit que le consentement initialement donné par Monsieur X... le 1er novembre 2012 était devenu caduc par l'effet de la cessation de la communauté de vie des époux et de la requête en divorce déposée par la suite, élément dont il n'est pas démontré qu'ils ont été portés à la connaissance du médecin espagnol ayant réalisé le 12 mai 2013 la dernière transplantation d'embryon ; que selon les dispositions de l'article 332 alinéa 2 du code civil la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ; que la preuve peut être rapportée par tous moyens et résulte en l'espèce de l'expertise génétique de Monsieur K... E... en date du 7 octobre 2016 selon laquelle Monsieur T... X... n'est pas le père biologique de l'enfant B... X... P... ; qu'il s'ensuit que l'acte de reconnaissance de paternité du 12 novembre 2013 doit être annulé, l'intérêt supérieur de l'enfant étant d'avoir accès à ses origines et de pouvoir en conséquence bénéficier d'une filiation conforme à la vérité biologique, situation qui, comme le rappelle justement le ministère public, n'est pas différente de ce qui pourrait exister dans le cadre d'une filiation naturelle en dehors de tout procédé de procréation médicalement assistée et n'interdit pas pour l'avenir et de façon inéluctable l'établissement d'un nouveau lien de filiation ; qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera infirmé sauf en ce qu'il a rejeté les différentes demandes de dommages et intérêts, celle formées par les intimées n'étant pas fondées en raison de la décision rendue au fond alors que l'appelant n'a pas critiqué le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme symbolique d'un euro ; 1) ALORS QUE l'intérêt supérieur de l'enfant ne réside pas exclusivement dans l'accès à la réalité de ses origines, mais comprend également le droit de disposer d'une filiation complète maternelle et paternelle, quand bien même celle-ci ne serait pas conforme à la vérité biologique ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 6-7), la Fondation de Nice Patronage Saint Pierre faisait valoir que si la jeune B... n'était pas l'enfant biologique de M. X..., sa conception était néanmoins le fruit d'un projet parental dans lequel M. X... s'était, à l'origine, pleinement impliqué puisqu'il avait pris la peine de contourner la législation française afin de recourir à la procréation médicalement assistée, qu'il s'était montré présent pour son ancienne épouse pendant sa grossesse et qu'il avait, après la naissance, établi en faveur de l'enfant un acte de reconnaissance aux termes duquel il avait souhaité lui donner son nom, ainsi que les prénoms de sa mère et de sa grand-mère ; qu'en se bornant à affirmer que « l'intérêt de l'enfant [est] d'avoir accès à ses origines et de pouvoir en conséquence bénéficier d'une filiation conforme à la vérité biologique », sans rechercher s'il n'était pas dans l'intérêt de l'enfant B... de conserver son lien de filiation avec celui dont le désir d'enfant était à l'origine de sa naissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 § 1 de la Convention internationale sur les droits de l'Enfant du 20 novembre 1989, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 2) ALORS, en toute hypothèse, QU'il incombe au juge français, s'agissant de droits dont les parties n'ont pas la libre disposition, de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois et de rechercher, au besoin avec le concours des parties, la teneur du droit étranger applicable ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 7), la Fondation de Nice Patronage Saint Pierre expliquait que l'enfant B... X... P... avait été conçue en Espagne, au moyen d'une insémination artificielle réalisée à partir des gamètes d'un tiers donneur anonyme, de sorte que l'annulation de la reconnaissance de paternité de M. X... reviendrait à la priver de tout lien de paternité puisqu'il lui serait impossible, compte tenu des conditions de sa conception, d'accéder à la réalité de ses origines et d'établir un lien de filiation avec son père biologique ; qu'en se bornant à retenir que « l'intérêt de l'enfant [est] d'avoir accès à ses origines et de pouvoir en conséquence bénéficier d'une filiation conforme à la vérité biologique », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, au regard de la loi espagnole applicable, l'enfant B... disposait de la possibilité matérielle d'établir cette vérité biologique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ; 3) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'intérêt supérieur de l'enfant ne réside pas exclusivement dans l'accès à la réalité de ses origines, mais comprend également le droit de disposer d'une filiation complète maternelle et paternelle de nature à assurer son entretien et son éducation ; qu'en annulant la reconnaissance de paternité établie par M. X... à l'endroit de l'enfant mineure B... X... P..., sans rechercher si l'anéantissement de ce lien de filiation pouvait être remplacé, dans l'immédiat, par un nouveau lien de filiation paternelle qui puisse permettre d'assurer l'entretien et l'éducation de l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 § 1 de la Convention internationale sur les droits de l'Enfant du 20 novembre 1989, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Fondation de Nice Patronage Saint-Pierre de sa demande de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le fond du litige, il s'ensuit que le jugement déféré sera infirmé sauf en ce qu'il a rejeté les différentes demandes de dommages et intérêts, celle formées par les intimées n'étant pas fondées en raison de la décision rendue au fond alors que l'appelant n'a pas critiqué le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme symbolique d'un euro ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les dispositions du code civil relatives à la responsabilité délictuelle indique que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ; ( ) que, de plus, B..., âgée de moins de quatre ans, ne bénéficie pas du discernement suffisant pour prendre conscience des démarches entreprises par son père pour remettre en cause sa paternité ; qu'il n'est ainsi pas établi qu'elle a subi un préjudice moral du fait de la présente procédure ; ( ) que dès lors, les parties seront déboutées de leurs demandes respectives de ce chef ; 1) ALORS QUE commet une faute ouvrant droit à réparation au profit de l'enfant celui qui, après avoir établi une reconnaissance de paternité en sachant qu'il n'était pas le père biologique de l'enfant, en sollicite postérieurement l'annulation ; que, dans ses conclusions (p. 8 § 2), la Fondation de Nice Patronage Saint-Pierre faisait valoir que M. X... avait agi de manière fautive « en reconnaissant l'enfant B..., tout en sachant pertinemment qu'elle ne pouvait pas être sa fille biologique, puis en déniant sa paternité » ; qu'en déboutant la Fondation de Nice Patronage Saint-Pierre de sa demande de dommages intérêts, au motif en réalité inopérant que M. X... était fondé à solliciter l'annulation de la reconnaissance de paternité qu'il avait établie à l'égard de l'enfant B... le 12 novembre 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ; 2) ALORS QUE commet une faute ouvrant droit à réparation au profit de l'enfant celui qui, après avoir établi une reconnaissance de paternité en sachant qu'il n'était pas le père biologique de l'enfant, en sollicite postérieurement l'annulation ; que, dans ses conclusions, la Fondation de Nice Patronage Saint-Pierre soutenait que M. X... avait agi de manière fautive « en reconnaissant l'enfant B..., tout en sachant pertinemment qu'elle ne pouvait pas être sa fille biologique, puis en déniant sa paternité » ; qu'en se bornant à affirmer que la Fondation de Nice Patronage Saint-Pierre devait être déboutée de sa demande de dommages intérêts « en raison de la décision rendue au fond », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... n'avait pas commis à l'endroit de l'enfant B... une faute ouvrant droit à réparation en établissant en sa faveur, et en toute connaissance de cause, une reconnaissance de paternité dont il avait ensuite sollicité l'annulation, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ; 3) ALORS QUE la réparation du préjudice n'est pas subordonnée à la démonstration de la capacité de discernement de la victime ; que dès lors, en rejetant la demande en dommages-intérêts de la Fondation de Nice Patronage Saint-Pierre, au motif en réalité inopérant que « B..., âgée de moins de quatre ans, ne bénéficie pas du discernement suffisant pour prendre conscience des démarches entreprises par son père pour remettre en cause sa paternité », de sorte « qu'il n'est ainsi pas établi qu'elle a subi un préjudice moral du fait de la présente procédure », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil. Moyen produit au pourvoi n° T 19-18.791 par la SCP Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme P.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme P... fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé la reconnaissance de paternité établie le 12 novembre 2013 par l'officier d'état civil de la mairie de Nice aux termes de laquelle M. X... avait reconnu être le père de l'enfant B... M... K... X... P... née le [...] et d'avoir dit que M. X... n'en est pas le père ; AUX MOTIFS QUE sur la loi applicable, selon les dispositions de l'article 311-14 du code civil la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant ; qu'en l'espèce il n'est pas contesté que la mère de l'enfant, Mme Z... P..., a acquis la nationalité française par suite de la déclaration souscrite le 27 octobre 2005 devant le juge d'instance de Cannes (pièce 29 de l'intimée Mme P...) ; que c'est donc la loi française qui doit s'appliquer, étant au surplus observé qu'il n'existe pas de conflit de lois puisque le code civil espagnol dispose en son article 4 relatif aux règles de droit international privé que la détermination et le caractère de la filiation naturelle sont régis par la loi de la résidence habituelle de l'enfant au moment de l'établissement de la filiation, à défaut par la loi nationale de l'enfant, ce qui aboutit également en l'espèce à l'application de la loi française ; qu'en conséquence les développements de l'intimée, Madame P..., dans ses écritures notifiées le 11 novembre 2017 sont hors sujet puisqu'il ne s'agit pas en l'espèce de déterminer si le consentement donné par M. X... en Espagne pour un traitement utilisant un don d'ovocyte et un don de sperme, à supposer qu'il ait effectivement été valable pour l'ensemble des implantations effectuées, l'a été dans le respect de la législation espagnole mais bien d'apprécier, au regard de la loi française applicable, l'effet d'un tel consentement alors que la communauté de vie entre les époux a cessé avant la réalisation de la procréation médicalement assistée ; qu'il n'est pas non plus question en l'espèce de statuer sur l'opposabilité en France d'une éventuelle décision étrangère rendue à la demande de l'une ou l'autre des parties ; que sur le fond du litige, il ressort des dispositions de l'article 311-20 du code civil en son alinéa 2 que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d'effet ; que l'alinéa 3 du même texte ajoute que le consentement est privé d'effet en cas de décès, de dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée ; qu'en l'espèce il est constant et acquis aux débats que l'enfant B..., née le [...] , est issue d'un transfert d'embryon réalisé en Espagne le 12 mai 2013 (pièces 2 et 9 de l'intimée, Mme P...) alors que les époux ont présenté dès le 3 mai 2013 une requête conjointe en divorce ayant abouti à un jugement de divorce rendu le 11 juin 2013 qui a homologué la convention en date du 30 avril 2013 portant règlement des effets du divorce ; qu'il s'ensuit que le consentement initialement donné par M. X... le 1er novembre 2012 était devenu caduc par l'effet de la cessation de la communauté de vie des époux et de la requête en divorce déposée par la suite, éléments dont il n'est pas démontré qu'ils ont été portés à la connaissance du médecin espagnol ayant réalisé le 12 mai 2013 la dernière transplantation d'embryon; que selon les dispositions de l'article 332 alinéa 1 du code civil la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ; que la preuve peut être rapportée par tous moyens et résulte en l'espèce de l'expertise génétique de M. K... E... en date du 7 octobre 2016 selon laquelle M. T... X... n'est pas le père biologique de l'enfant B... X... P... ; qu'il s'ensuit que l'acte de reconnaissance de paternité du 12 novembre 2013 doit être annulé, l'intérêt supérieur de l'enfant étant d'avoir accès à ses origines et de pouvoir en conséquence bénéficier d'une filiation conforme à la vérité biologique, situation qui, comme le rappelle justement le ministère public, n'est pas différente de ce qui pourrait exister dans le cadre d'une filiation naturelle en dehors de tout procédé de procréation médicalement assistée et n'interdit pas pour l'avenir et de façon inéluctable l'établissement d'un nouveau lien de filiation ; 1°) ALORS QUE les dispositions de l'article 311-20, dans leur version applicable à la cause, selon lesquelles les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation, que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins de contestation de la filiation à moins que le consentement a été privé d'effet, notamment en cas de dépôt d'une requête en divorce survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, sont applicables que lorsque la procréation médicalement assistée a été réalisée en France ; que la cour, en se fondant, pour annuler la reconnaissance de paternité établie le 12 novembre 2013 par M X... et dire que ce dernier n'était pas le père de B..., sur les dispositions de l'article 311-20 précitées, après avoir pourtant constaté que le consentement de M X... avait été donné en Espagne pour un traitement utilisant un don d'ovocyte et un don de sperme et que l'enfant était issue d'un transfert d'embryon réalisé en Espagne, a violé par fausse application ledit texte ; 2°) ALORS QU' en tout état de cause, si en application de l'article 311-20 alinéa 3 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, le consentement à une procréation médicalement assisté est privé d'effet en cas de dépôt d'une requête en divorce survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, il appartient au juge d'apprécier si concrètement dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ce texte ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ; qu'en se bornant à énoncer que le consentement initialement donné par M X... était devenu caduc par l'effet de la cessation de communauté de vie des époux et de la requête en divorce déposée par la suite sans rechercher si concrètement, dans l'affaire qui lui était soumise, la mise en oeuvre de cette caducité ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant, au regard du but légitime poursuivi, dès lors que M X... avait admis avoir donné son consentement à une fécondation in vitro avec don d'ovocyte et don de sperme, que la requête en divorce était concomitante de la réalisation de la procréation médicalement assistée, que malgré le divorce il avait persisté dans sa volonté de mettre au monde un enfant commun, était venu régulièrement voir l'enfant à sa naissance, l'avait reconnu volontairement et avait souhaité reprendre la vie commune avec la mère après le divorce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 310-3, 311-20 et 332 alinéa 2 du code civil ; 3°) ALORS QU' en matière de procréation médicalement assistée réalisée avec don de sperme, si la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père, cette preuve ne peut toutefois pas être rapportée par la preuve scientifique ; qu'en jugeant toutefois, pour annuler la reconnaissance de paternité et accueillir l'action en contestation de paternité de M X..., que la preuve pouvait être apportée par tous moyens et résulte en l'espèce de l'expertise génétique de M. K... E... en date du 7 octobre 2016 selon laquelle M X... n'est pas le père biologique de l'enfant B..., la cour d'appel a violé les articles 310-3, 311-20 et 332 alinéa 2 du code civil ; 4°) ALORS QU'en cas de procréation médicalement assistée avec don de sperme, dès lors qu'aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation, lorsque le père d'intention conteste sa paternité, après avoir pourtant reconnu volontairement l'enfant qui en est issu, l'intérêt de ce dernier n'est pas de bénéficier d'une filiation paternelle conforme à la vérité biologique ; qu'en se fondant enfin, pour annuler la reconnaissance de paternité établie le 12 novembre 2013 par M X... et dire que ce dernier n'était pas le père de B..., sur le fait que l'intérêt supérieur de l'enfant est d'avoir accès à ses origines et de pouvoir en conséquence bénéficier d'une filiation conforme à la vérité biologique, la cour d'appel a violé les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et 311-19 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme P... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à ce que M X... soit condamné à lui verser des dommages et intérêts ; AUX MOTIFS QUE le jugement déféré sera infirmé sauf en ce qu'il a rejeté les différentes demandes de dommages et intérêts, celle formées par les intimées n'étant pas fondées en raison de la décision rendue au fond ; 1°) ALORS QUE la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen entrainera la cassation du chef par lequel la cour a débouté Mme P... de sa demande de dommages et intérêts, en application de l'article 624 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en tout état de cause, celui qui reconnait volontairement un enfant issu d'une procréation médicalement assistée réalisée après dépôt d'une requête en divorce contracte, vis-à-vis de l'enfant et de la mère, l'obligation de se comporter comme un père en subvenant notamment aux besoins de celui qu'il a reconnu et l'inexécution de cet engagement résultant de l'annulation de la reconnaissance, génératrice d'un préjudice matériel et moral, tant pour l'enfant que pour la mère, peut être sanctionné par l'octroi de dommages-intérêts ; qu'en rejetant la demande en réparation formée par Mme P... pour la seule raison qu'elle a accueilli l'action en contestation de paternité et annulé la reconnaissance de paternité, la cour d'appel a violé l'article 1242 du code civil.
L'article 311-20 du code civil régit les conditions de recevabilité d'une action en contestation de reconnaissance de paternité intervenant après recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à l'étranger, lorsque cette action est soumise à la loi française, par application de l'article 311-17 du code civil, à raison de la nationalité française de son auteur et de l'enfant. Il en résulte que cette action est recevable lorsqu'il est établi que le consentement, donné par l'auteur de la reconnaissance, à l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, est privé d'effet par suite du dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps des époux intervenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 598 FS-P+B Pourvoi n° Z 19-19.234 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. B.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 7 mai 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020 M. U... P... B..., domicilié chez M. N... Q..., [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-19.234 contre l'ordonnance rendue le 23 janvier 2019 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant au préfet de l'Essonne, domicilié [...] , défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. B..., et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 23 janvier 2019), et les pièces de la procédure, le 19 janvier 2019, M. B..., de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative. 2. Le 21 janvier 2019, le juge des libertés et de la détention a été saisi, par le préfet, d'une requête en prolongation de la mesure et, par l'étranger, d'une requête en contestation de la régularité de la décision. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. M. B... fait grief à l'ordonnance de prolonger sa rétention, alors « qu'en jugeant que l'absence d'habilitation des agents ne faisait pas grief à l'étranger dès lors qu'elle ne portait pas atteinte à ses droits, en se fondant sur des considérations inopérantes tirées notamment de la manière dont les données personnelles étaient collectées et exploitées, tandis qu'une telle habilitation constitue par elle-même une garantie substantielle, le premier président a violé, ensemble les articles L. 611-4, R. 611-12 et L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 611-4 et R. 611-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 du décret n° 87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur : 4. Selon le deuxième, les données des fichiers automatisés des empreintes digitales gérés par le ministère de l'intérieur ne peuvent être consultées que par les agents expressément habilités des services du ministère de l'intérieur et de la gendarmerie nationale désignés par les deux derniers de ces textes, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. 5. Au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens du premier de ces textes, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles. 6. S'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté les fichiers d'empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits. 7. Pour prolonger la mesure de rétention, l'ordonnance retient que, s'il ne résulte pas des pièces relatives aux opérations de contrôle que les agents ayant consulté les fichiers biométriques VISABIO et FAED étaient spécialement habilités à cet effet, d'une part, aucun texte n'impose qu'il en soit fait mention, d'autre part, il n'est pas démontré que la consultation poursuivait d'autres finalités que celles prévues par les textes. Elle en déduit qu'à la supposer irrégulière, celle-ci n'a pas porté atteinte aux droits de l'étranger. 8. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue, le 23 janvier 2019, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. B.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR rejeté l'exception de nullité et ordonné la prolongation de la rétention administrative de l'exposant, dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-huit jours ; AUX MOTIFS QUE « sur l'exception de nullité tirée du défaut de justification de l'habilitation spéciale des agents qui ont procédé à la consultation des fichiers FAED et VISABIO, à laquelle le premier juge a fait droit, la cour observe que l'examen des pièces relatives à ces opérations de contrôle révèle qu'il ne s'y trouve pas fait mention de l'habilitation individuelle spéciale des agents qui, respectivement, ont consulté les fichiers VISABIO et FAED - étant observé cependant qu'aucune disposition législative ou réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposait qu'il fût justifié en procédure de cette habilitation ; qu'au vu toutefois de l'ensemble des pièces du dossier de la procédure, aucune mention ne révèle, ni même ne suggère la possibilité qu'il eût été fait usage du résultat de ces consultations pour des finalités autres que celles de l'identification de l'étranger et de la recherche des éléments permettant d'apprécier le droit de circulation ou de séjour de celui-ci ; et, qu'à cet égard, il doit être rappelé que ces vérifications et donc la consultation des fichiers ont été rendues nécessaires par le fait que M. U... P... B... n'a pas, en dépit de l'obligation à laquelle il était tenu aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, présenté les pièces et documents sous le couvert desquels il était autorisé à circuler ou à séjourner en France ; qu'en outre, s'agissant du recueil préalable des empreintes digitales, rendu nécessaire pour la consultation du seul FAED - la consultation du fichier VISABIO ne demandant que l'apposition des mains sur une borne - aux fins de permettre la comparaison que celle-ci demandait, il n'est pas davantage établi qu'il aurait donné lieu à un enregistrement, ou à une conservation ; que, dans ces conditions et étant relevé qu'au regard des exigences de l'article 9 du code de procédure civile, elle n'est aucunement démontrée par l'étranger qui l'invoque, l'irrégularité tirée d'une violation des articles L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour le FAED, et R. 611-12 du même code, pour VISABIO, n'a pu, à la supposer avérée en dépit des procédures hautement sécurisées définies et mises en oeuvre sous le contrôle de la CNIL pour la prévenir, porter atteinte aux droits de l'intéressé au sens de l'article L. 552-13 dudit code, et en particulier à son droit à la protection de ses données personnelles, non plus qu'au respect de sa vie privée ; que, dès lors, l'exception de nullité ne peut qu'être rejetée ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance querellée et, statuant à nouveau et à défaut de tout autre moyen soulevé par voie de conclusions d'intimé, de rejeter l'exception de nullité, de déclarer recevable la requête de l'autorité administrative et d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de M. U... P... B... pour une durée maximale de vingt-huit jours » ; 1°) ALORS QUE les fichiers biométriques FAED et VISABIO permettant l'identification d'une personne de nationalité étrangère placée en rétention ne peuvent être consultés que par des agents expressément habilités à cet effet ; qu'en affirmant qu'une telle habilitation était indifférente, le premier président a violé les articles L. 611-4 et R. 611-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 et 8-1 du décret n° 87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur ; 2°) ALORS QU' en jugeant que l'absence d'habilitation des agents ne faisait pas grief à l'étranger dès lors qu'elle ne portait pas atteinte à ses droits, en se fondant sur des considérations inopérantes tirées notamment de la manière dont les données personnelles étaient collectées et exploitées, tandis qu'une telle habilitation constitue par elle-même une garantie substantielle, le premier président a violé, ensemble les articles L. 611-4, R. 611-12 et L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR ordonné la prolongation de la rétention administrative de l'exposant, dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-huit jours ; AUX MOTIFS QU' « il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance querellée et, statuant à nouveau et à défaut de tout autre moyen soulevé par voie de conclusions d'intimé, de rejeter l'exception de nullité, de déclarer recevable la requête de l'autorité administrative et d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de M. U... P... B... pour une durée maximale de vingt-huit jours » ; ALORS QU' en ordonnant, sans aucun motif, la prolongation de la rétention de l'exposant, l'ordonnance attaquée a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents à les consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles. S'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté les fichiers d'empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits
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CIV. 1 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 608 F-P+B Pourvoi n° T 19-19.021 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. V.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 7 mai 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020 M. U... V..., domicilié chez M. C... M..., [...] , a formé le pourvoi n° T 19-19.021 contre l'ordonnance rendue le 19 janvier 2019 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant : 1°/ au préfet de police de Paris, domicilié 9 boulevard du Palais, 75004 Paris, 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01, 3°/ au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, domicilié en son parquet, parvis du tribunal de Paris, 75859 Paris cedex 17, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. V..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 19 janvier 2019), et les pièces de la procédure, le 15 janvier 2019, M. V..., de nationalité ivoirienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et d'un arrêté de placement en rétention administrative. 2. Le 17 janvier 2019, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la mesure. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. M. V... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure de rétention administrative, alors « que l'ordonnance du 17 janvier 2019 du juge des libertés et de la détention mentionne seulement, en dernière page : « informons l'intéressé qu'il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de dix heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République » ; qu'en énonçant toutefois que figuraient au pied de l'ordonnance des mentions permettant de s'assurer que les droits de M. V... lui avaient été notifiés, à savoir, contacter un avocat, contacter un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter, quand l'ordonnance était muette sur ce point, le premier président de la cour d'appel, qui l'a dénaturée, a violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 5. Pour prolonger la rétention, l'ordonnance retient que figuraient au pied de la décision du juge des libertés et de la détention des mentions permettant de s'assurer que les droits de M. V... lui avaient été notifiés, à savoir, contacter un avocat, contacter un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter. 6. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention informant l'étranger de son maintien à disposition de la justice pendant un délai de dix heures à compter de sa notification au procureur de la République, ne mentionnait pas la possibilité pour lui pour de contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter durant cette période et, le cas échéant celle s'écoulant jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'effet suspensif de l'appel ou le jugement au fond, le premier président a violé le principe susvisé. Et sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. M. V... fait le même grief à l'ordonnance, alors « que la preuve de l'effectivité de l'exercice de ses droits par un étranger placé en rétention administrative doit résulter des pièces de la procédure ; qu'en énonçant, pour considérer que M. V... avait pu exercer ses droits durant la période de mise à disposition de la justice, qu'il avait pu bénéficier d'un avocat, énonciation impropre à justifier de ce qu'il aurait pu exercer l'ensemble de ses droits, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 552-10 du CESEDA. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : 8. Il résulte de ce texte que, durant la période pendant laquelle l'étranger est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que l'ordonnance du premier président statuant sur l'effet suspensif de l'appel du ministère public soit rendue et, si elle donne un tel effet, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond, cette personne peut, si elle le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter. 9. Pour prolonger la rétention, l'ordonnance retient que M. V... a exercé ses droits, dès lors qu'il était assisté en cause d'appel par un avocat de son choix qui a été en mesure, en temps utile, de déposer des conclusions. 10. En statuant ainsi, alors que la seule assistance d'un conseil en appel ne pouvait suffire à rapporter la preuve de l'exercice effectif des droits pendant le maintien à disposition de la justice, le premier président a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 19 janvier 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. V... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. V... Il est fait grief à la décision attaquée D'AVOIR ordonné la prolongation de la rétention de M. V... dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire ; AUX MOTIFS QUE « la cour considère que c'est à tort que le premier juge a constaté l'irrégularité de la procédure au motif qu'il n'a pas été notifié à M. U... F... K... V... « certains droits indiqués sur le justificatif de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français lui permettant de justifier de la date à laquelle il a exécuté cette mesure » ; le contrôle de la régularité de la notification de la mesure d'éloignement, en application de l'article L.512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne relève pas de la compétence du juge judiciaire mais exclusivement de celle, exclusive, de la juridiction administrative ; l'exception de nullité était donc inopérante devant le juge des libertés et de la détention ; sur le second moyen, soulevé par voie de conclusions d'intimé, et tenant à l'exercice des droits entre le 17 janvier 2019 à 14 h 45 et l'heure de retour au centre de rétention administrative, la cour observe que l'ordonnance du premier juge, qui mettait un terme à la rétention, a été rendue le 17 janvier 2019 à 14 h 45, avis étant aussitôt donné à M. U... V..., contrairement à ce qu'il soutient dans les écritures de son conseil, qu'il était maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de 10 heures à compter de la notification de cette décision au procureur de la République et que pendant ce délai, il pouvait exercer ses droits, à savoir, contacter un avocat, contacter un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter, ces mentions figurant au pied de l'ordonnance querellée, dont une copie lui a été remise, ainsi qu'à son conseil ; ces dispositions procédurales, prévues par l'article R.552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avaient seulement pour effet que la mainlevée de la rétention ordonnée par le premier juge était suspendue à l'exercice éventuel de la faculté donnée au procureur de la République de former appel en sollicitant du premier président ou de son délégué qu'il déclare l'appel suspensif ; aucun élément du dossier de la procédure ne suggère que M. U... F... K... n'aurait pu exercer les droits qui lui ont été notifiés – sauf inévitablement, en conséquence des dispositions nouvelles introduites par la loi du 10 septembre 2018, pendant le transfert, lorsque, comme les autres retenus, il a été, à l'issue de l'audience du juge des libertés et de la détention, reconduit au centre de rétention administrative ; et il faut bien constater que M. U... F... K... V..., a exercé ses droits puisqu'il s'est fait assister en cause d'appel par un avocat qu'il a choisi, lequel a pu, dans le délai d'appel, déposer des conclusions d'intimé ; M. U... F... K... V... ne rapporte pas ainsi la preuve de l'irrégularité qu'il invoque ; le moyen, dès lors en application de l'article 9 du code de procédure civile, ne peut qu'être rejeté ; il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance querellée et statuant à nouveau, de déclarer à la requête du préfet de police recevable et d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de M. U... F... K... V... pour une durée maximale de vingt-huit jours ; au vu des débats, il convient en outre d'inviter l'administration à faire établir un avis médical sur la compatibilité de l'état de santé de M. U... F... K... V... avec les modalités de la rétention et celle de son éloignement » ; 1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'intimé, M. V... soutenait qu'il n'avait pas été informé des effets de l'interdiction de retour dont il faisait l'objet et des modalités de constat de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français permettant de faire courir le délai de cette interdiction ; qu'en se bornant à examiner la question de la régularité de la notification de la mesure d'éloignement elle-même, sans répondre au moyen invoqué par M. V..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'ordonnance du 17 janvier 2019 du juge des libertés et de la détention mentionne seulement, en dernière page : « informons l'intéressé qu'il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de dix heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République » ; qu'en énonçant toutefois que figuraient au pied de l'ordonnance des mentions permettant de s'assurer que les droits de M. V... lui avaient été notifiés, à savoir, contacter un avocat, contacter un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter, quand l'ordonnance était muette sur ce point, le premier président de la cour d'appel, qui l'a dénaturée, a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE la preuve de l'effectivité de l'exercice de ses droits par un étranger placé en rétention administrative doit résulter des pièces de la procédure ; qu'en énonçant, pour considérer que M. V... avait pu exercer ses droits durant la période de mise à disposition de la justice, qu'il avait pu bénéficier d'un avocat, énonciation impropre à justifier de ce qu'il aurait pu exercer l'ensemble de ses droits, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.552-10 du Ceseda ; 4°) ALORS QUE, en tout état de cause, toute décision doit être motivée ; qu'en ordonnant la prolongation de la rétention administrative de M. V..., sans donner aucun motif à sa décision permettant de la justifier, le délégué du premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, durant la période pendant laquelle l'étranger est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que l'ordonnance du premier président statuant sur l'effet suspensif de l'appel du ministère public soit rendue et, si elle donne un tel effet, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond, cette personne peut, si elle le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter. La seule assistance d'un conseil en appel ne peut suffire à rapporter la preuve de l'exercice effectif des droits de l'étranger pendant le maintien à disposition de la justice
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 609 F-P+B Pourvoi n° M 19-13.702 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. S.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 23 janvier 2019. Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme T... K.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 26 juillet 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020 M. H... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 19-13.702 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2018 par la cour d'appel de Riom (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme T... K..., épouse V..., 2°/ à Mme G... K..., épouse Q..., domiciliées [...] , défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. S..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme T... K..., après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 3 juillet 2018), P... W... et D... K..., mariés en 1947 sans contrat de mariage, sont décédés, respectivement, les [...] et [...], en laissant pour leur succéder leurs filles, G... et T..., P... W... laissant également pour lui succéder M. H... S..., son fils issu d'une première union. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens et le deuxième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et les deuxième moyen, pris en sa première branche, et troisième moyen, qui sont irrecevables. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 3. M. S... fait grief à l'arrêt de limiter à 6 097,96 euros le montant de la récompense due par D... K... à la communauté au titre du financement d'un bien propre, alors « que lorsque le financement de l'acquisition d'un bien propre par la communauté n'a été que partiel, le profit subsistant doit être déterminé d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'acquisition du bien propre ; qu'en jugeant que le profit subsistant ne pouvait être calculé au prorata de la valeur totale du bien, la cour d'appel a violé l'article 1469 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. Mme T... K... conteste la recevabilité du moyen aux motifs qu'il serait nouveau et mélangé de fait et de droit. 5. Le moyen reproche à la cour d'appel d'avoir jugé que le profit subsistant ne pouvait être calculé au prorata de la valeur totale du bien. Or, dans ses écritures d'appel, M. S... sollicitait la fixation de la récompense non à la dépense faite mais au profit subsistant, en proportion de la contribution de la communauté au financement de l'exploitation propre à D... K.... 6. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1469, alinéas 1 et 3, du code civil : 7. Aux termes de ce texte, la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation. 8. Il en résulte que, lorsque la valeur empruntée à la communauté a servi à acquérir un bien propre qui se retrouve partiellement, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur pour avoir été aliéné pour partie avant la liquidation, le profit subsistant, qui se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'acquisition du bien propre, est évalué en appliquant cette proportion, respectivement, au prix de vente de la portion du bien aliénée et à la valeur au jour de la liquidation de l'autre portion du bien. 9. Pour évaluer la récompense due par D... K... à la communauté au titre du remboursement de l'emprunt destiné à payer l'acquisition des deux tiers de l'immeuble situé à Rocles lui appartenant en propre au montant du capital emprunté, soit la somme 6 097,96 euros, l'arrêt retient, d'une part, que l'exception prévue par l'alinéa 3 de l'article 1469 du code civil ne peut recevoir application lorsque le bien acquis a été partiellement aliéné avant la date de la liquidation de la communauté et ne se retrouve pas intégralement dans le patrimoine propre du mari, d'autre part, que le financement n'ayant été que partiel, le profit subsistant ne peut être calculé au prorata de la valeur totale du bien. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 11. M. H... S... fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne peut refuser de juger en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies ; qu'en refusant d'appliquer la règle du profit subsistant au calcul de la récompense, au motif que la valeur du bien propre au jour de la dissolution de la communauté devait être déterminée par référence au prix qui pourrait être obtenu par le jeu normal de l'offre et de la demande et qu'un tel prix ne pouvait être déterminé par un expert, la cour d'appel a commis un déni de justice en violation de l'article 4 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code civil : 12. Selon ce texte, le juge qui refuse de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, commet un déni de justice. 13. Pour évaluer à la dépense faite la récompense due par D... K... à la communauté au titre du remboursement de l'emprunt destiné à payer l'acquisition des deux tiers de l'immeuble de Rocles, l'arrêt retient qu'à supposer qu'il puisse être tenu compte de la valeur du bien à la dissolution de la communauté, cette valeur doit être déterminée par référence au prix qui pourrait être obtenu par le jeu normal de l'offre et de la demande, ce que le rapport d'expertise ne peut fournir. 14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'D... K... doit récompense à la communauté de la somme de 6 097,96 euros au titre du financement des deux tiers du bien situé à Rocles, l'arrêt rendu le 3 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne Mme T... K... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. S.... PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, D'AVOIR débouté M. S... de sa demande tendant à la fixation d'une récompense d'un montant de 13.034,40 € due par la communauté à Mme W... épouse K... au titre du travail effectué à la ferme et non rémunéré ; AUX MOTIFS QUE « H... S... ne conclut pas à un salaire différé bien que cela soit reporté sous cette forme au titre des contestations du procès-verbal de difficultés établi par le notaire. Il parle d'une récompense qui serait due par la communauté à P... W... « pour le travail effectué à la ferme », et exclut expressément les fondements juridiques de salaire différé, d'enrichissement sans cause ou de régularisation de salaire non payé. La Cour ne peut qualifier sa demande sur des fondements qu'il exclut, ni l'apprécier sur un fondement non défini et indéterminable. Il y a lieu en conséquence d'informer le jugement rendu de ce chef et de l'en débouter » ; ALORS QU'en l'absence de précision sur le fondement juridique de la demande dont il est saisi, le juge doit examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques conformément aux règles de droit qui leur sont applicables, et expliciter le fondement juridique de la demande ; qu'en rejetant la demande de l'appelant tendant à la fixation d'une récompense due par la communauté à Mme W... au titre du travail effectué pendant la vie commune et non rémunéré, au motif qu'elle ne pouvait ni déterminer ni définir le fondement juridique de cette demande, la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, D'AVOIR limité à 6.097, 96 € le montant de la récompense due par M. K... à la communauté au titre du financement d'un bien propre ; AUX MOTIFS QUE « la communauté a assumé une dépense au bénéfice de la masse propre d'D... K... par le remboursement du prêt de 40.000 francs. Elle a droit à récompense en application de l'article 1416 du code civil. L'article 1469 du code civil dispose que la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. L'exception prévue par l'alinéa 3 de l'article 1469 du code civil ne peut recevoir application à l'espèce, le bien ayant été partiellement aliéné avant la date de la liquidation de la communauté, et ne se retrouvant pas intégralement dans le patrimoine propre du mari. La récompense devra en conséquence être liquidée au montant nominal de la dépense faite, c'est-à-dire au montant du capital remboursé en deniers communs, qui seul ouvre droit à récompense à l'exclusion du remboursement des intérêts qui restent à la charge définitive de la communauté. A supposer qu'il puisse être tenu compte de la valeur du bien à la dissolution de la communauté, cette valeur doit être déterminée par référence au prix qui pourrait être obtenu par le jeu normal de l'offre et de la demande, ce que le rapport d'expertise ne peut fournir. Il ne peut que donner une référence générale à l'évolution du marché entre la date de l'acquisition à la date du décès. Enfin, le financement n'ayant été que partiel, le profit subsistant ne peut être calculé au prorata de la valeur totale du bien » ; ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « la communauté a financé les 2/3 du bien situé à Rocles (03) lieudit « le Chezeau » appartenant en propre à monsieur D... K..., par un emprunt de 40 000,00 francs ; attendu que la récompense doit être fixée au montant de la dépense faite, la règle du profit subsistant ne pouvant s'appliquer dans cette situation ; attendu que monsieur D... K... doit donc récompense à la communauté de la dépense faite, soit la somme de 40 000,00 francs et donc 6 097,96 euros » ; 1°) ALORS QUE la récompense due ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir un bien propre qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur ; que si le bien acquis a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; qu'en affirmant que la règle du profit subsistant n'était pas applicable au calcul de la récompense due par M. K... à la communauté au titre du financement de l'acquisition des 2/3 d'un bien propre au motif que ce bien a été partiellement aliéné avant la liquidation du régime matrimonial, la cour d'appel a violé l'article 1469 du code civil. 2°) ALORS QUE lorsque le financement de l'acquisition d'un bien propre par la communauté n'a été que partiel, le profit subsistant doit être déterminé d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'acquisition du bien propre ; qu'en jugeant que le profit subsistant ne pouvait être calculé au prorata de la valeur totale du bien, la cour d'appel a violé l'article 1469 du code civil ; 3°) ALORS QUE le juge ne peut refuser de juger en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies ; qu'en refusant d'appliquer la règle du profit subsistant au calcul de la récompense, au motif que la valeur du bien propre au jour de la dissolution de la communauté devait être déterminée par référence au prix qui pourrait être obtenu par le jeu normal de l'offre et de la demande et qu'un tel prix ne pouvait être déterminé par un expert, la cour d'appel a commis un déni de justice en violation de l'article 4 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR fixé à 31.404,57 € la récompense due par la communauté à M. D... K... du chef de l'indemnisation corporelle par lui perçue pendant le mariage à la suite d'un accident dont il a été victime ; AUX MOTIFS QUE « il résulte des dispositions de l'article 1404 du code civil que les indemnités accordées à un époux en réparation d'un dommage corporel constituent un propre par nature de ce dernier qui a subi le dommage. Il y a lieu en conséquence : de prendre en compte l'intégralité de l'indemnisation fixée au titre du préjudice corporel par l'arrêt de la cour d'appel de Riom en date du 15 juin 1977, ce qui englobe l'ITT, l'IPP et les préjudices personnels (pretium doloris, préjudices esthétique et d'agrément) soit une somme totale de 206 000 francs, soit 31 404,57 euros, et de ne déduire aucune somme à titre de frais. L'intimée démontre que cette somme a été payée par les pièces qu'elle communique aux débats, en plusieurs versements (pièces 19 à 29). Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de fixer à la somme de 31 404,57 euros la récompense due par la communauté à D... K... du chef de l'indemnisation de son préjudice corporel en suite d'un accident dont il a été victime le 19 juillet 1970 » ; ALORS QUE constituent des biens communs les revenus des époux mariés sous le régime de la communauté légale ; que la somme perçue par un époux au titre d'une incapacité temporaire totale de travail a pour objet la réparation d'un préjudice professionnel et tombe en communauté comme le salaire dont elle constitue un substitut ; qu'en jugeant que l'ensemble des dommages et intérêts alloués à M. K... à la suite de l'accident dont il a été victime en 1970 et encaissés par la communauté constituaient des biens qui lui étaient propres, et en incluant dans le montant de la récompense due à ce dernier par la communauté le montant de l'indemnité indemnisant son incapacité de travail, la cour d'appel a violé les articles 1401 et 1404 du code civil.
Il résulte de l'article 1469, alinéas 1 et 3, du code civil que, lorsque la valeur empruntée à la communauté a servi à acquérir un bien propre qui se retrouve partiellement, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur pour avoir été aliéné pour partie avant la liquidation, le profit subsistant, qui se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'acquisition du bien propre, est évalué en appliquant cette proportion, respectivement, au prix de vente de la portion du bien aliénée et à la valeur au jour de la liquidation de l'autre portion du bien
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 octobre 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 744 FS-P Pourvoi n° K 20-14.993 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. A.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 3 février 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 OCTOBRE 2020 M. N... A..., domicilié chez M. B... Y..., [...] , a formé le pourvoi n° K 20-14.993 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre spéciale des mineurs), dans le litige l'opposant : 1°/ au président du conseil départemental de la Seine-Maritime, domicilié [...] , 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Rouen, domicilié en son parquet général, 36 rue aux Juifs, 76037 Rouen cedex 1, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent, avocat de M. A..., de la SARL Cabinet Briard, avocat du président du conseil départemental de la Seine-Maritime, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 19 novembre 2019), par jugement du 24 avril 2019, le juge des enfants a confié N... A..., se disant né le [...] à Conakry (Guinée), au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime jusqu'au 12 juin 2021, date de sa majorité. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 3. N... A... fait grief à l'arrêt de constater que sa minorité n'est pas établie et, en conséquence, de prononcer un non-lieu à assistance éducative, alors « que le juge ne peut écarter la minorité d'un jeune migrant invoquant le bénéfice de mesures d'assistance éducative sans se fonder sur des éléments de nature à établir que l'âge allégué par celui-ci ne correspond pas à la réalité ; qu'en l'espèce, pour juger que la minorité de l'exposant n'était pas établie et qu'il n'y avait pas lieu à assistance éducative à son égard, la cour d'appel s'est bornée à écarter la force probante des documents d'état civil qui lui étaient soumis ; qu'en ne recherchant pas, au besoin en ordonnant une mesure d'instruction, s'il existait une discordance entre l'âge allégué par l'exposant et son âge réel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 375 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 375, alinéa 1er, et 388, alinéas 1 et 2, du code civil : 4. Selon le premier de ces textes, si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice. 5. Selon le second, le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. Des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge peuvent être réalisés, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. 6. Il se déduit de ces dispositions que lorsque le juge, saisi d'une demande de protection d'un mineur au titre de l'assistance éducative, constate que les actes de l'état civil étrangers produits ne sont pas probants, au sens de l'article 47 du code civil, il ne peut rejeter cette demande sans examiner le caractère vraisemblable de l'âge allégué et, le cas échéant, ordonner un examen radiologique osseux. 7. Pour refuser le bénéfice de l'assistance éducative à N... A..., l'arrêt relève qu'au regard des incohérences manifestes des documents de l'état civil produits, la présomption de régularité édictée par l'article 47 du code civil est renversée, de sorte que sa minorité ne peut être retenue. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si l'âge allégué par l'intéressé n'était pas vraisemblable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen autrement composée ; Condamne le conseil départemental de la Seine-Maritime aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Melka-Prigent, avocat aux Conseils, pour M. A... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la minorité d'N... A... n'était pas établie, d'avoir dit n'y avoir lieu à assistance éducative à l'égard de ce dernier, et d'avoir en conséquence ordonné la mainlevée de son placement et déchargé l'aide sociale à l'enfance de Seine-Maritime de sa prise en charge ; AUX MOTIFS QUE « La procédure d'assistance éducative est applicable à tous les mineurs non émancipés qui se trouvent sur le territoire français quelle que soit leur nationalité, si leur santé, leur moralité, leur sécurité sont en danger ou si les conditions de leur éducation ou de leur développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises. Aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes en usage dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Enfin, conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. En l'espèce, N... A... produit plusieurs documents d'état civil dont l'ensemble des mentions le font apparaître comme étant né le [...] : - un extrait d'acte de naissance en original légalisé et établi le 23 juin 2003, - un jugement supplétif n°2111 du 05 février 2019 établi à la demande de Monsieur H... A..., pour son fils N... H... A..., - un nouveau jugement supplétif n°2111 du 05 février 2019, établi à la demande de Q... A..., née en 1984, pour N... H... A.... Ces différents documents sont légalisés, cette légalisation attestant de l'authenticité formelle des actes et donc du fait qu'ils ont été faits "dans les formes en usage" en Guinée. Dans ces conditions, il y a lieu d'appliquer la présomption édictée par l'article 47 du code civil. Pour autant, cette présomption n'est pas irréfragable et c'est dans ces conditions que l'aide sociale à l'enfance de Seine-Maritime souligne différentes incohérences dans ces documents. Ainsi, en application des dispositions prévues en Guinée, la déclaration de naissance réalisée dans les quinze jours de celle-ci rend inutile l'établissement d'un jugement supplétif, lequel vient pallier l'absence de document établi en temps utile. Dès lors, aucun jugement supplétif n'aurait dû être établi au profit d'N... A.... Par ailleurs, le parfait état du document établi en 2003 questionne sur son authenticité. Bien plus, force est de constater que les jugements supplétifs produits par N... A... comportent des mentions tendant à renverser la présomption de l'article 47 dès lors qu'ils contiennent des mentions incohérentes faisant douter de leur régularité : le premier jugement supplétif est établi à la demande du père d'N... A..., ce dernier ayant affirmé lors de l'évaluation par le SEMNA que son père est décédé depuis une dizaine d'années. Contrairement aux dires de l'intéressé, il ne peut s'agir d'un autre membre de la famille en ce qu'il est expressément mentionné que le jugement est établi "pour son fils". Si cette anomalie voulait être couverte par la production d'un nouveau jugement supplétif, d'autres incohérences apparaissent, le nouveau jugement supplétif étant établi, le même jour, avec la même composition du tribunal en Guinée et exactement le même numéro de minute. Enfin, ces deux jugements supplétifs ont été établis le 05 février 2019, date correspondant à l'arrivée de l'intéressé sur le territoire national, alors même qu'il a prétendu avoir sollicité les jugements supplétifs sur invitation de l'association Itinérance, basée sur le ressort de Dieppe, région qu'il a pu rejoindre le 05 février 2019. Dans ces conditions, au regard des incohérences manifestes portées par les documents d'état civil produits par N... A..., la présomption de régularité édictée par l'article 47 est renversée, ne permettant pas de retenir sa minorité. Il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire n'y avoir lieu à assistance éducative et en conséquence d'ordonner la mainlevée du placement de N... A... à l'Aide Sociale à l'Enfance » ; 1°) ALORS QUE tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte luimême établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que la cour d'appel a constaté que l'exposant produisait un extrait d'acte de naissance légalisé établi le 23 juin 2003 le faisant apparaître comme étant né le [...] ; qu'en se bornant à retenir, pour juger que la présomption de régularité de ce document devrait être renversée, que « le parfait état du document établi en 2003 questionne sur son authenticité », sans relever l'existence d'anomalies concrètes permettant d'établir que cet acte serait irrégulier, falsifié ou erroné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 47 du code civil ; 2°) ALORS QU' à moins qu'ils soient indissociables, la force probante des documents d'état civil produits par une personne doivent être analysés séparément ; qu'en se fondant, pour juger que la présomption de régularité de l'extrait d'acte de naissance légalisé produit par l'exposant devrait être renversée, sur la circonstance que les jugements supplétifs établis postérieurement à cet acte de naissance étaient inutiles et contenaient des mentions incohérentes, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 47 du code civil ; 3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge ne peut écarter la minorité d'un jeune migrant invoquant le bénéfice de mesures d'assistance éducative sans se fonder sur des éléments de nature à établir que l'âge allégué par celui-ci ne correspond pas à la réalité ; qu'en l'espèce, pour juger que la minorité de l'exposant n'était pas établie et qu'il n'y avait pas lieu à assistance éducative à son égard, la cour d'appel s'est bornée à écarter la force probante des documents d'état civil qui lui étaient soumis ; qu'en ne recherchant pas, au besoin en ordonnant une mesure d'instruction, s'il existait une discordance entre l'âge allégué par l'exposant et son âge réel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 375 du code civil.
Il se déduit des articles 375, alinéa 1, et 388, alinéas 1 et 2, du code civil que lorsque le juge, saisi d'une demande de protection d'un mineur au titre de l'assistance éducative, constate que les actes de l'état civil étrangers produits ne sont pas probants, au sens de l'article 47 du code civil, il ne peut rejeter cette demande sans examiner le caractère vraisemblable de l'âge allégué et, le cas échéant, ordonner un examen radiologique osseux
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 octobre 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 745 F-P Pourvoi n° U 20-15.691 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. B.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 12 mai 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 OCTOBRE 2020 1°/ M. J... B..., domicilié [...] , 2°/ l'Union départementale des associations familiales du Val-de-Marne, dont le siège est [...] , agissant en qualité de tuteur de M. J... B..., ont formé le pourvoi n° U 20-15.691 contre l'ordonnance rendue le 26 février 2020 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 12), dans le litige les opposant au préfet du Val-de-Marne, domicilié 21-29 avenue du général de Gaulle, 94038 Créteil cedex, défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. B... et de l'Udaf du Val-de-Marne, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat du préfet du Val-de-Marne, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 26 février 2020), et les pièces de la procédure, M. B... a présenté des troubles psychiatriques qui ont motivé des soins sans consentement, tantôt sous le régime d'une hospitalisation complète, tantôt en soins ambulatoires, sous la forme d'un programme de soins. Une ordonnance du premier président de la cour d'appel du 28 décembre 2018, qui avait rejeté les conclusions de nullité aux fins de mainlevée de la mesure de réadmission en hospitalisation complète décidée par le préfet le 7 décembre 2018 et constaté que l'appel était devenu sans objet, a été cassée sans renvoi (1re Civ., 21 novembre 2019, pourvoi n° 19-17.941). Par un arrêté du 27 janvier 2020, le préfet a maintenu pour six mois le programme de soins décidé le 25 octobre 2019. 2. Le 31 janvier 2020, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, M. B... a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de la décision de réintégration en hospitalisation complète décidée le 7 décembre 2018. Devant le premier président, il a également demandé la mainlevée de la mesure de soins en cours. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. B... fait grief à l'ordonnance de rejeter les moyens de procédure soulevés aux fins de mainlevée de la mesure de soins, alors « que selon l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques décidée en application du présent chapitre ou résultant de la décision mentionnée à l'article 706-135 du code de procédure pénale et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition ; ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l'article L. 3211-2-1 du présent code demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle ; lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, le psychiatre de l'établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient ; la computation légale des délais de procédure, ne sont pas applicables à celle du délai prévu à l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, qui ordonne un examen médical mensuel du patient admis en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat, cette obligation étant de nature administrative non contentieuse ; que l'article L. 3213-3 du code de la santé publique fixe une périodicité d'ordre public dont le non-respect cause nécessairement grief à l'intéressé et doit entraîner la levée de la mesure, sans que le juge puisse rechercher s'il y a ou non eu un grief causé aux droits de l'intéressé ; qu'en retenant pour écarter les moyens de procédure soulevés qu'il n'est pas établi que les irrégularités soulevées ont véritablement fait grief à l'intéressé en l'ayant empêché de faire valoir utilement ses droits, le premier président de la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles L. 3213-3 et R. 3211-7 du code de la santé publique. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat et ensuite tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition. 6. Selon l'article L. 3216-1 du même code, l'irrégularité affectant une décision administrative de soins sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet. 7. Après avoir constaté que les certificats médicaux des 29 août et 28 novembre 2018 étaient tardifs au sens de l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, l'ordonnance relève qu'ils n'ont été pris qu'avec quelques jours de retard et n'ont fait que prévoir la poursuite de la mesure de programme de soins en cours, sans aggraver la contrainte exercée sur le patient, lequel n'a fait l'objet d'une hospitalisation complète qu'à compter du 7 décembre 2018, sur le fondement d'autres éléments que ces certificats. 8. En l'état de ces constatations et appréciations, le premier président, qui a souverainement apprécié l'absence d'atteinte aux droits de M. B... résultant de la tardiveté des certificats médicaux, en a exactement déduit que l'irrégularité ne devait pas entraîner la mainlevée de la mesure. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 10. M. B... fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande de mainlevée de la mesure de soins en cours, alors « qu'en se déterminant ainsi, sans constater qu'il résultait des certificats médicaux et de la décision du préfet que les troubles mentaux compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision en violation de l'article L. 3213-1. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3213-1 du code de la santé publique : 11. Selon ce texte, le représentant de l'État dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. 12. Pour rejeter la demande de mainlevée du programme de soins en cours, l'ordonnance retient, d'abord, que les pièces médicales, notamment l'avis motivé en date du 21 février 2020 émanant du docteur R..., mettent en évidence que le maintien de la mesure est nécessaire pour contenir les symptômes de M. B... et pour limiter une rupture de traitement et du suivi, ensuite, que le patient souffre de schizophrénie et présente toujours des éléments délirants enkystés à thème mégalomaniaque et persécutif, enfin, que son fonctionnement social reste plus ou moins adapté. Il en déduit que le programme de soins, qui n'apparaît pas apporter une atteinte disproportionnée aux droits de l'intéressé au regard des objectifs poursuivis, reste nécessaire et doit être maintenu. 13. En se déterminant ainsi, sans constater qu'il résultait des certificats médicaux et de la décision du préfet que les troubles mentaux compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 14. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 15. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 février 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. B... et l'Udaf du Val-de-Marne PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les moyens de procédure soulevés aux fins de mainlevée AUX MOTIFS QUE Sur les moyens de procédure Vu les dispositions du code de la santé publique et en particulier celles de l'article L 3213-3 dudit code, telles qu'éclairées par la Cour de cassation, Il est constant ainsi que l'a relevé l'ordonnance querellée que les certificats mensuels des 29 août et 28 novembre 2018 étaient tardifs car pris un peu plus de 30 jours après les certificats mensuels précédents (respectivement les 24 juillet et 25 octobre 2018). Cependant, ces certificats médicaux n'ont été pris qu'avec quelques jours de retard au regard des dispositions susmentionnés et n'ont fait que prévoir la poursuite de la mesure en cours (programme de soins) sans aggraver la contrainte exercée sur Monsieur J... B... qui n'a fait l'objet d'une hospitalisation complète qu'à compter du 7 décembre 2018 (et jusqu'au 28 décembre 2018) sur le fondement d'autres éléments que ces certificats. Il n'est ainsi pas établi que les irrégularités soulevées ont véritablement fait grief à l'intéressé en l'ayant empêché de faire valoir utilement ses droits. En outre, ces certificats médicaux tardifs ne sont pas le support nécessaire de la mesure de programme de soins en cours, qui s'exerce en vertu de l'arrêté préfectoral susmentionné en date du 27 janvier 2020. Pour ces raisons, les irrégularités liées à la tardiveté des certificats médicaux susvisés ne sont pas de nature à entraîner mainlevée de la mesure de soins sans consentement actuellement en cours. En conséquence, par substitution des présents motifs à ceux que l'ordonnance querellée contient à cet égard, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté les moyens de procédure soulevés par le Conseil du requérant. 1°) ALORS QUE selon l'article L.3211-3 du code de la santé publique, dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques décidée en application du présent chapitre ou résultant de la décision mentionnée à l'article 706-135 du code de procédure pénale et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition ; ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l'article L. 3211-2-1 du présent code demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle ; lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, le psychiatre de l'établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient ; la computation légale des délais de procédure, ne sont pas applicables à celle du délai prévu à l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, qui ordonne un examen médical mensuel du patient admis en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat, cette obligation étant de nature administrative non contentieuse ; que l'article L.3213-3 du Code de la Santé Publique fixe une périodicité d'ordre public dont le non-respect cause nécessairement grief à l'intéressé et doit entrainer la levée de la mesure, sans que le Juge puisse rechercher s'il y a ou non eu un grief causé aux droits de l'intéressé ; qu'en retenant pour écarter les moyens de procédure soulevés qu'il n'est pas établi que les irrégularités soulevées ont véritablement fait grief à l'intéressé en l'ayant empêché de faire valoir utilement ses droits, le premier président de la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles L. 3213-3 et R. 3211-7 du code de la santé publique ; 2°) ALORS QUE après cassation sans renvoi, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète contestée est acquise, sans qu'il y ait à rechercher si les irrégularités de la décision administrative ayant décidé l'admission en soins psychiatriques sans consentement ont porté atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet ; qu'il en résulte que la mesure de soins sans consentement initiale ne peut être ni renouvelée ni modifiée, une nouvelle mesure pouvant seulement, le cas échéant, être prise dans le respect des conditions posées à l'article L.3212-1 ou à l'article L.3213-1 ; qu'en retenant pour écarter les moyens de procédure soulevés qu'il n'est pas établi que les irrégularités soulevées ont véritablement fait grief à l'intéressé en l'ayant empêché de faire valoir utilement ses droits, et que les certificats médicaux tardifs ne sont pas le support nécessaire de la mesure de programme de soins en cours, qui s'exerce en vertu de l'arrêté préfectoral en date du 27 janvier 2020, quand cette mesure de programme de soins contestée ne constituait qu'une modification de la mesure initiale et non une nouvelle mesure, prenant appui sur les certificats médicaux litigieux, dont la tardiveté a été constatée, le premier président de la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article L.3211-12-1, IV du code de la santé publique ; 3°) ALORS QUE après cassation sans renvoi, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète contestée est acquise et ne peut être ni renouvelée ni modifiée, une nouvelle mesure pouvant seulement, le cas échéant, être prise dans le respect des conditions posées à l'article L.3212-1 ou à l'article L.3213-1 ; qu'en l'espèce la mesure de programme de soins contestée ne constituait qu'une modification de la mesure initiale dans la continuité de la procédure antérieure, et non une nouvelle mesure ; qu'en rejetant la demande de mainlevée sans constater que la mesure contestée était intervenue dans le respect des conditions prévues à l'article L.3213-1 du CSP, le président de la cour d'appel a manqué à son office en violation des dispositions de ce texte DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de mainlevée du programme de soins en cours AUX MOTIFS QUE Sur le fond Vu les dispositions du code de la santé publique et notamment celles de l'article L.3213-1 de ce code. En l'espèce, il résulte des pièces médicales figurant au dossier, notamment en dernier lieu de l'avis motivé en date du 21 février 2020 émanant du docteur R..., praticien hospitalier, que le maintien de la mesure est nécessaire pour "contenir ses symptômes" et pour "limiter une rupture de traitement et du suivi .. ". A cet égard ce certificat rappelle notamment que le patient souffre de schizophrénie et "présente toujours des éléments délirants enkystés à thème mégalomaniaque et persécutif, son fonctionnement social reste plus ou moins adapté .. " Eu égard à ces éléments, la poursuite de la mesure sous forme de programme de soins laquelle n'apparaît pas apporter une atteinte disproportionnée aux droits de l'intéressé au regard des objectifs poursuivis, reste nécessaire et doit être maintenue. En conséquence, ajoutant à l'ordonnance querellée, la présente juridiction d'appel rejette la demande de mainlevée de la mesure de programme de soins en cours. ALORS QUE en se déterminant ainsi, sans constater qu'il résultait des certificats médicaux et de la décision du préfet que les troubles mentaux compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision en violation de l'article L.3213-1.
Le patient qui invoque le caractère tardif d'un certificat médical mensuel établi en application de l'article L. 3213-3 du code de la santé publique doit, pour obtenir la mainlevée de la mesure de soins le concernant, prouver que cette irrégularité a eu pour effet de porter atteinte à ses droits, conformément à l'article L. 3216-1 du même code
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 octobre 2020 Cassation partielle sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 746 F-P Pourvoi n° A 20-14.271 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 OCTOBRE 2020 Mme T... Q..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° A 20-14.271 contre l'ordonnance rendue le 6 mars 2020 par le premier président de la cour d'appel de Poitiers (contentieux des soins psychiatriques), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur de la République près le tribunal de grande instance de la Rochelle, domicilié palais de justice, 10 rue du Palais, 17028 La Rochelle cedex, 2°/ au groupe hospitalier La Rochelle, Ré, Aunis, hôpital psychiatrique Marius Lacroix, dont le siège est [...] , 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Poitiers, domicilié en son parquet général, 4 boulevard maréchal de Lattre de Tassigny, CS 30527, 86020 Poitiers cedex, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme Q..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du groupe hospitalier La Rochelle, Ré, Aunis, hôpital psychiatrique Marius Lacroix, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Poitiers, 6 mars 2020), et les pièces de la procédure, Mme Q... a été admise en soins psychiatriques sans consentement le 25 février 2020, sur décision du directeur de l'établissement prise au motif d'un péril imminent, en application de l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique. 2. Le 28 février, ce dernier a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande aux fins de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code. Examen des moyens Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en leur première branche, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 4. Mme Q... fait grief à l'ordonnance de rejeter les irrégularités de procédure soulevées, de déclarer régulière la procédure suivie en application des dispositions de l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique et d'ordonner la poursuite de son hospitalisation complète, alors : « 2°/ que le ministère public est tenu d'assister à l'audience des débats lorsqu'il est partie principale, ce qui est notamment le cas lorsqu'il interjette appel ; qu'il résulte des mentions de l'ordonnance attaquée que le ministère public - en la personne du procureur de la République de La Rochelle ou du procureur général de Poitiers - n'a pas comparu à l'audience du 6 mars 2020 ; qu'en statuant hors de sa présence, le délégué du premier président a méconnu les exigences de l'article 431 du code de procédure civile. 3°/ que, lorsqu'il est partie jointe, le ministère public peut faire connaître son avis à la juridiction, soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ; qu'en statuant au visa des réquisitions écrites du procureur général en date du 5 mars 2020, lequel n'était pas représenté à l'audience, sans constater que lesdites réquisitions avaient été mises à la disposition de Mme Q... afin qu'elle puisse y répondre utilement, le délégué du premier président a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article R. 3211-7 du code de la santé publique, la procédure judiciaire pour connaître des mesures de soins psychiatriques sans consentement est régie par le code de procédure civile sous réserve des dispositions de la section III du chapitre I du titre I du livre deuxième consacré à la lutte contre les maladies mentales. 6. Selon l'article R. 3211-21 du même code, la comparution des parties devant le premier président, statuant en appel d'une décision du juge des libertés et de la détention, est facultative, celles-ci pouvant demander à être entendues ou faire parvenir leurs observations par écrit, auquel cas il en est donné connaissance aux parties présentes à l'audience. Lorsqu'il n'est pas partie principale, le ministère public fait connaître son avis dans les conditions définies par le deuxième alinéa de l'article 431 du code de procédure civile. 7. Le premier président pouvait dès lors statuer hors la présence du ministère public, partie principale en sa qualité d'appelant, en donnant connaissance oralement à l'audience de ses réquisitions écrites. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 9. Mme Q... fait le même grief à l'ordonnance, alors : « 3°/ que dans le cas d'une hospitalisation complète pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil informe dans un délai de vingt-quatre heures, sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que le docteur F... indique que toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission leur donnant qualité pour agir sont restées vaines et que la consultation du répertoire de contacts du téléphone portable de Mme Q..., outre le fait qu'elle pourrait être considérée comme une atteinte à la vie privée, n'est pas de nature à donner la garantie que les contacts s'y trouvant soient des personnes ayant qualité pour agir dans son intérêt, le délégué du premier président n'a pas caractérisé des difficultés particulières empêchant le directeur de l'hôpital Marius Lacroix d'informer les proches de Mme Q... de son admission en hospitalisation complète en violation de l'article L. 3212-1 II 2°du code de la santé publique ; 4°/ que dans le cas d'une hospitalisation complète pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil informe dans un délai de vingt-quatre heures, sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci ; qu'il appartient au directeur d'établissement de justifier qu'il a correctement exécuté cette obligation d'information et non au patient de démontrer que tel n'est pas le cas ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que Mme Q... ne contredit pas l'indication du docteur F... selon laquelle toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission leur donnant qualité pour agir sont restées vaines, le délégué du premier président a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique. » Réponse de la Cour 10. Selon l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique, lorsqu'il prononce une décision d'admission pour péril imminent, le directeur de l'établissement informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille du patient et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé, ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci. 11. L'ordonnance relève, d'une part, que Mme Q... a affirmé, lors de son audition, qu'elle n'avait plus aucune famille et qu'elle ne bénéficiait d'aucune mesure de protection juridique, d'autre part, que, dans son certificat établi le 26 février 2020, le médecin a indiqué, sans être contredit, que toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission et leur donnant qualité pour agir étaient demeurées vaines, enfin, que la consultation du répertoire de contacts du téléphone portable de Mme Q..., outre qu'elle pouvait être considérée comme une atteinte à sa vie privée, n'était pas de nature à donner la garantie que les contacts s'y trouvant correspondaient à des personnes habilitées à agir dans l'intérêt de celle-ci. 12. En l'état de ces énonciations, le premier président a, sans inverser la charge de la preuve, caractérisé les difficultés particulières rencontrées pour informer un proche de Mme Q... de la mesure d'hospitalisation prise à son égard. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 14. Mme Q... fait le même grief à l'ordonnance, alors « que l'autorité administrative qui prend une mesure de placement ou de maintien en hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit, d'une manière appropriée à son état, l'informer le plus rapidement possible de cette décision, de sa situation juridique et de ses droits ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que, le délai de moins de quarante-huit heures entre la décision d'hospitalisation sous contrainte prise le 25 février 2020 et sa notification à Mme Q... le 27 février 2020, apparaît un délai raisonnable au regard des constatations cliniques sur l'état d'agitation de la patiente à son admission, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le certificat médical des vingt-quatre heures démontrait qu'elle n'était toujours pas en état de recevoir cette signification plus tôt, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3211-3, alinéa 3, du code de la santé publique : 15. Selon ce texte, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement est informée le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission, ainsi que des raisons qui la motivent. 16. Pour dire la procédure régulière, l'ordonnance retient que la décision d'hospitalisation sous contrainte prise le 25 février 2020 a été notifiée à Mme Q... le 27 février et que le délai de moins de quarante-huit heures, au regard des constatations cliniques sur l'état d'agitation de la patiente à son admission, apparaît un délai raisonnable ne caractérisant pas une irrégularité sanctionnable. 17. En statuant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si le certificat médical des vingt-quatre heures établissait que Mme Q... se trouvait alors dans un état tel qu'elle ne pouvait être informée de la décision d'admission, le premier président a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 19. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour se prononcer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare le procureur de la République de la Rochelle recevable en son appel, l'ordonnance rendue le 6 mars 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Poitiers ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; LAISSE à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme Q.... PREMIER MOYEN DE CASSATION : Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les irrégularités de procédure soulevées par Mme T... Q..., d'avoir déclaré régulière la procédure suivie en application des dispositions de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique et d'avoir ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète de Mme T... Q... ; AUX MOTIFS QUE « Nous, Béatrice SALLABERRY, présidente de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, Assistée, lors des débats, de Christine CHOPELET, greffier placé, avons rendu le l'ordonnance suivante, par mise â disposition au greffe, sur appel formé contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention de La Rochelle en date du 4 Mars 2020 en matière de soins psychiatriques sans consentement. APPELANT PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LA ROCHELLE Palais de Justice 10 Rue du Palais 17028 LA ROCHELLE CEDEX non comparant INTIMÉS : Madame T... Q... née le [...] à LIVRY GARGAN (93190) comparante assistée de Me Julien GUILLARD, avocat au barreau de La Rochelle-Rochefort - placé sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement mis en oeuvre par le [...] [...] [...] [...] non comparant PARTIE JOINTE Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ; Par ordonnance du 4 Mars 2020, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de La Rochelle a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète dont PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LA ROCHELLE (lire Madame Q...) fait l'objet au [...], où elle a été placée le 25 février 2020, sur décision du directeur du centre hospitalier suite à un cas de péril imminent. Cette décision a été notifiée le 4 mars 2020 au PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LA ROCHELLE. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LA ROCHELLE en a relevé appel en date du 4 Mars 2020, reçue au greffe de la cour d'appel le 4 Mars 2020 à 18h10. Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, au PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LA ROCHELLE, au directeur du Centre Hospitalier de La Rochelle, à l'avocat, ainsi qu'au Ministère public ; Vu les réquisitions du ministère public tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise ; Vu les débats, qui se sont déroulés le 6 Mars 2020 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L. 3211-12-2 du code de la santé publique. Après avoir entendu : Mme SALLABERRY en son rapport Mme SALLABERRY lit le rapport du procureur de la république de la Rochelle Mme SALLABERRY lit les réquisitions du parquet général de Poitiers Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré par mise à disposition, au 6 Mars 2020. HO RG 20-00010 PR La Rochelle contre Q... Péril imminent après appel suspensif Vu la décision d'admission en soins psychiatriques sous contrainte sous la forme de l'hospitalisation complète prise le 25 février 2020 par le directeur du Centre Hospitalier Marius Lacroix à La Rochelle à l'encontre de Mme T... Q... ; Vu l'ordonnance du 4 mars 2020 rendue par le Juge des libertés et de la détention de la Rochelle ordonnant la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Mme T... Q... au [...] ; Vu les notifications faites le 4 mars 2020 avec remise de copie de la décision, à Mme T... Q... à son conseil et au directeur de l'établissement ; Vu la notification faite au Procureur de la République qui a pris connaissance de la décision le 4 mars 2020 à 13 heures 05 ; Vu la déclaration d'appel suspensif de cette ordonnance, accompagnée du mémoire motivé, formée par le Procureur de la République la Rochelle, en date du 4 mars 2020, notifiée par télécopie reçue au greffe de la cour d'appel le 4 mars à 18h 10 ; Vu l'ordonnance rendue le 5 mars 2020 par la présidente de chambre agissant sur délégation du premier président de cette cour ; Vu les réquisitions du procureur général en date du 5 mars 2020, tendant à l'infirmation de la décision rendue le 4 mars 2020 par le Juge des libertés et de la détention de la Rochelle et à la confirmation de la mesure d'hospitalisation sous contrainte » ; 1°) ALORS QU'en matière civile, le ministère public peut agir comme partie principale ou intervenir comme partie jointe ; qu'il résulte des mentions de l'ordonnance que l'appel a été soutenu par le procureur de la République de La Rochelle mais que le ministère public a également été partie jointe, outre que le délégué du premier président a statué au visa non seulement du mémoire motivé du procureur de la République de La Rochelle mais encore des réquisitions écrites du procureur général de Poitiers ; qu'en statuant dans ces circonstances desquelles il résulte que le ministère public était à la fois partie principale et partie jointe, le délégué du premier président a violé l'article 421 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le ministère public est tenu d'assister à l'audience des débats lorsqu'il est partie principale, ce qui est notamment le cas lorsqu'il interjette appel ; qu'il résulte des mentions de l'ordonnance attaquée que le ministère public - en la personne du procureur de la République de La Rochelle ou du procureur général de Poitiers - n'a pas comparu à l'audience du 6 mars 2020 ; qu'en statuant hors de sa présence, le délégué du premier président a méconnu les exigences de l'article 431 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, PLUS SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsqu'il est partie jointe, le ministère public peut faire connaître son avis à la juridiction, soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ; qu'en statuant au visa des réquisitions écrites du procureur général en date du 5 mars 2020, lequel n'était pas représenté à l'audience, sans constater que lesdites réquisitions avaient été mises à la disposition de Mme Q... afin qu'elle puisse y répondre utilement, le délégué du premier président a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION : Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les irrégularités de procédure soulevées par Mme T... Q..., d'avoir déclaré régulière la procédure suivie en application des dispositions de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique et d'avoir ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète de Mme T... Q... ; AUX MOTIFS QUE « Sur la régularité de la procédure : que le procureur de la République dans son mémoire d'appel fait état de ce que contrairement à ce qui a été retenu par le juge des libertés et de la détention, le péril imminent a été caractérisé suffisamment par l'état de décompensation maniaque d'une maladie bi-polaire constituant un danger objectif dans le cadre de la conduite d'un véhicule automobile, il souligne que Mme Q... étant sans famille et en l'absence de tiers qualifié pour demander son hospitalisation seule la procédure de péril imminent était à même de répondre à la situation, enfin il soutient que les notifications des décisions d'hospitalisation ont été faites dans des délais raisonnables ; que par conclusions du 5 mars 2020 le procureur général requiert le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de Mme Q... et l'infirmation de la décision déférée insistant sur les conduites à risques mises en évidence chez Mme Q... lorsqu'elle est en état de décompensation. Le conseil de Mme T... Q... maintient la demande de mainlevée de l'hospitalisation complète de cette dernière en raison de trois irrégularités, qui seront examinées ci-après, constituant une atteinte aux droits de celle-ci et donc de nature à vicier la procédure de placement en hospitalisation complète et justifiant sa mainlevée en confirmation de la décision déférée ; - 1 - Le défaut de caractérisation du péril imminent : que selon l'article L. 3212-1, I et II, 2° du code de la santé publique : " I. - Une personne atteinte de troubles mentaux peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 322(2)-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1. II.- Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission : (...) 2° Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade. (....)" ; que le certificat médical d'admission du 25 février 2020 du docteur B... P..., médecin de la structure SOS Médecins vise expressément en entête de son certificat, l'admission de la patiente examinée en soins sous contrainte sans tiers en cas de péril imminent. Il relate ensuite avoir constaté les éléments cliniques suivants : "décompensation maniaque constatée par l'hôpital de jour (entre autre, conduite véhicule dangereuse), patiente connue. Episode d'excitation motrice, logorrhée +++, n'a pas conscience de sa dangerosité." ces éléments attestant que Mme Q... est dans l'impossibilité de consentir à son hospitalisation ; que conformément au texte reproduit supra le docteur P... a fait des constatations relatives à l'état mental de la personne malade, a indiqué les caractéristiques principales de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins ; que peu important qu'il ait fait référence aux constatations de l'hôpital de jour puisqu'il n'est pas contesté qu'il a procédé personnellement à l'examen clinique de la patiente et ne s'est pas contenté de reproduire les dires d'autres personnes ; que peu important également qu'il n'ait pas vu Mme Q... au volant de son véhicule puisque c'est elle même qui a donné cet élément factuel, qu'elle ne conteste pas, au personnel soignant l'ayant accueillie ce jour là ; que l'agitation psychomotrice constatée dans le cadre de la décompensation en phase maniaque de la pathologie bi-polaire de Mme Q..., associée à un traitement neuroleptique et anxiolytique est à l'évidence contre-indiqué pour la conduite d'un véhicule , cet état altérant les réflexes, la capacité de contrôle et créant ainsi un risque pour la personne et pour les autres usagers de la route ; qu'il est indifférent à cet égard que Mme Q... soit toujours titulaire du permis de conduire, son état clinique constaté le 25 février 2020 étant indépendant des décisions d'interdiction judiciaires ou administratives prises suite à la constatation d'infraction, il serait paradoxal d'exiger ou d'attendre la commission d'une infraction ou la réalisation d'un accident pour caractériser à cet égard le péril imminent ; qu'il s'ensuit que le péril imminent est suffisamment caractéris ; - 2 - le retard injustifié dans la notification des droits de la patiente et des décisions qui la concernent : qu'en application de l'article L 3211-3 du code de la santé publique toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sous contrainte est informée : " (..) a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ; b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L 3211-12-1.(..) ; qu'en l'espèce la décision d'hospitalisation sous contrainte prise le 25 février 2020 a été notifiée à Mme Q... le 27 février 2020, le délai de moins de 48 h au regard des constatations cliniques sur l'état d'agitation de la patiente à son admission apparaît un délai raisonnable ne caractérisant pas une irrégularité sanctionnable ; qu'il en est de même pour la notification de la décision de maintien de la mesure prise le vendredi 28 février 2020 soit au début du week-end et notifiée le lundi 2 mars 2020, étant précisé que Mme Q... avait déjà eu connaissance, le 28 février 2020, de sa convocation à l'audience devant le juge des libertés et de la détention pour le 4 mars suivant et avait fait le choix de son avocat Me Julien Guillard ; que le grief tiré de ce qu'elle était tenue dans l'ignorance de ses droits est donc inopérant ; qu'il s'ensuit que l'irrégularité des notifications ne sera pas retenue ; - 3 - le défaut d'information de tiers requis en matière d'hospitalisation pour péril imminent : qu'en application des dispositions de l'article L. 3212-1, I et II, 2° du code de la santé publique le directeur de l'établissement hospitalier d'accueil "informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci." ; qu'il est constant et confirmé par Mme Q... lors de son audition qu'elle n'a plus aucune famille, qu'elle ne bénéficie d'aucune mesure de protection juridique ; que dans le certificat médical établi le 26 février 2020 le docteur F... indique sans être contredit que toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission et lui donnant qualité pour agir sont restées vaines ; que la consultation du répertoire de contacts du téléphone portable de Mme Q..., outre le fait qu'elle pourrait être considérée comme une atteinte à la vie privée, n'est pas de nature à donner la garantie que les contacts s'y trouvant soient des personnes ayant qualité pour agir dans son intérêt ; que l'irrégularité soulevée de ce chef n'est pas démontrée » ; 1°) ALORS QUE le directeur d'établissement prononce la décision d'admission en hospitalisation complète d'un patient lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande d'un proche et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constatée par un certificat médical ; que ce certificat constate l'état mental de la personne, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins ; ; qu'en l'espèce, dans le certificat médical d'admission du 25 février 2020, le docteur B... P..., médecin de la structure SOS Médecins, a constaté les éléments cliniques suivants : « décompensation maniaque constatée par l'hôpital de jour (entre autre, conduite véhicule dangereuse), patiente connue. Episode d'excitation motrice, logorrhée +++, n'a pas conscience de sa dangerosité » ; qu'en retenant, pour juger que le péril imminent était suffisamment caractérisé, qu'il importe peu que le docteur P... ait fait référence aux constatations de l'hôpital de jour puisqu'il n'est pas contesté qu'il a procédé personnellement à l'examen clinique de la patiente et ne s'est pas contenté de reproduire les dires d'autres personnes, quand ce médecin ne pouvait réellement se prononcer sur l'état mental de Mme Q... sans avoir lui-même constaté une décompensation maniaque, le délégué du premier président a violé l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique ; 2°) ALORS QUE l'autorité administrative qui prend une mesure de placement ou de maintien en hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit, d'une manière appropriée à son état, l'informer le plus rapidement possible de cette décision, de sa situation juridique et de ses droits ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que, le délai de moins de quarante-huit heures entre la décision d'hospitalisation sous contrainte prise le 25 février 2020 et sa notification à Mme Q... le 27 février 2020, apparaît un délai raisonnable au regard des constatations cliniques sur l'état d'agitation de la patiente à son admission, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le certificat médical des vingt-quatre heures démontrait qu'elle n'était toujours pas en état de recevoir cette signification plus tôt, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique ; 3°) ALORS QUE dans le cas d'une hospitalisation complète pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil informe dans un délai de vingt-quatre heures, sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que le docteur F... indique que toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission leur donnant qualité pour agir sont restées vaines et que la consultation du répertoire de contacts du téléphone portable de Mme Q..., outre le fait qu'elle pourrait être considérée comme une atteinte à la vie privée, n'est pas de nature à donner la garantie que les contacts s'y trouvant soient des personnes ayant qualité pour agir dans son intérêt, le délégué du premier président n'a pas caractérisé des difficultés particulières empêchant le directeur de l'hôpital Marius Lacroix d'informer les proches de Mme Q... de son admission en hospitalisation complète en violation de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique ; 4°) ALORS QUE dans le cas d'une hospitalisation complète pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil informe dans un délai de vingt-quatre heures, sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci ; qu'il appartient au directeur d'établissement de justifier qu'il a correctement exécuté cette obligation d'information et non au patient de démontrer que tel n'est pas le cas ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que Mme Q... ne contredit pas l'indication du docteur F... selon laquelle toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission leur donnant qualité pour agir sont restées vaines, le délégué du premier président a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique.
Il résulte de l'article R. 3211-21 du code de la santé publique que le premier président, saisi de l'appel d'une décision du juge des libertés et de la détention rendue en matière de soins psychiatriques sans consentement, peut statuer hors la présence du ministère public, partie principale en sa qualité d'appelant, en donnant connaissance oralement de ses réquisitions écrites
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 632 FS-P+B Pourvoi n° P 18-17.955 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 OCTOBRE 2020 La directrice chargée de la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF), domiciliée 34 rue Ampère, 75017 Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, a formé le pourvoi n° P 18-17.955 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme W... Y... , épouse I..., 2°/ à M. S... I..., tous deux domiciliés [...] ), défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la directrice chargée de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. et Mme I..., et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lefeuvre, Bessaud, M. Boutié, Mmes Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 2018), M. L... I... a, par acte du 20 décembre 2007, fait donation à son fils, M. S... I..., de la nue-propriété de plusieurs actions de la société Financière de Rosario, holding animatrice d'un groupe. 2. Contestant que cette donation puisse bénéficier du régime de faveur de l'article 787 B du code général des impôts, sous lequel elle avait été déclarée, et, en conséquence, qu'un abattement de 75 % soit appliqué sur la valeur des titres transmis pour le calcul des droits de mutation, au motif que l'activité développée par la société était, à titre prépondérant, une activité civile de gestion de valeurs mobilières, non éligible à ce régime de faveur, l'administration fiscale a, le 15 décembre 2010, notifié à M. S... I... et Mme W... Y... , son épouse, une proposition de rectification. 3. Après rejet de leur réclamation, M. et Mme I... ont assigné la directrice chargée de la direction nationale des vérifications de situations fiscales en annulation de cette décision et en décharge des impositions et intérêts de retard réclamés. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La directrice chargée de la direction nationale des vérifications des situations fiscales, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, fait grief à l'arrêt d'infirmer la décision de rejet de l'administration fiscale du 27 juin 2014 et de prononcer le dégrèvement de la totalité des impositions, alors « qu'il résulte de l'article 787 B du code général des impôts que sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs ; que le 9 mai 2006, une réponse ministérielle, publiée au JO n° 94 047, a précisé que l'application du régime de faveur visé à l'article 787 B pouvait s'appliquer aux sociétés ayant une activité mixte et n'entrant que partiellement dans l'une des catégories visées par le texte, à la condition que l'activité civile ne soit pas prépondérante ; qu'il ressort de la doctrine fiscale que la prépondérance de l'activité s'apprécie au regard de deux critères cumulatifs que sont le chiffre d'affaires, au moins 50 % du montant du chiffre d'affaires total, et le montant de l'actif brut immobilisé, au moins 50 % du montant total de l'actif brut ; qu'au cas particulier relatif à une holding animatrice ayant une activité mixte, la cour d'appel de Paris reconnaît qu'il se dégage de l'ensemble de ces textes que le dénominateur commun est que l'activité civile ne doit pas être prépondérante. Il s'en déduit que contrairement à ce qu'affirment les contribuables, le critère de la prépondérance civile s'applique également aux sociétés holdings animatrices de leur groupe" ; que pour déterminer cette prépondérance, la cour écarte le critère relatif au chiffre d'affaires regardé comme inopérant pour les sociétés holdings animatrices de leur groupe et considère qu'il reste donc à examiner le critère de l'actif brut immobilisé retenu par la doctrine" ; que, par suite, la cour d'appel se contente d'affirmer sans explication que la société Financière de Rosario établit que l'analyse du bilan montre que le montant de l'actif brut immobilisé représente 61,24 % du montant de l'actif brut, à la clôture de l'exercice, le 31 décembre 2007", alors même que ce calcul des requérants, fondé sur la valeur comptable des actifs, était contesté au motif que, seule leur valeur réelle permet de déterminer le caractère prépondérant de l'activité de la société holding ; qu'en se prononçant de la sorte, sans répondre à l'administration sur cette donnée fondamentale, comme elle y était invitée, la cour d'appel a nécessairement privé sa décision de base légale au regard des dispositions de 787 B du code général des impôts. » Réponse de la Cour Vu l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 : 5. Selon ce texte, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs sont, à condition qu'elles aient fait l'objet d'un engagement collectif de conservation présentant certaines caractéristiques, exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur. 6. Il en résulte que ce régime de faveur s'applique aussi à la transmission de parts ou actions de sociétés qui, ayant pour partie une activité civile autre qu'agricole ou libérale, exercent principalement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, cette prépondérance s'appréciant en considération d'un faisceau d'indices déterminés d'après la nature de l'activité et les conditions de son exercice. 7. Doit être assimilée à ces sociétés ayant une activité mixte, dont la transmission des parts est éligible au régime de faveur, une société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, le caractère principal de son activité d'animation de groupe devant être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l'imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total. 8. Pour infirmer la décision de rejet de l'administration et prononcer le dégrèvement de la totalité des impositions, l'arrêt, après avoir énoncé à bon droit que le critère de la non-prépondérance civile s'applique également aux sociétés holdings animatrices de leur groupe et que la seule analyse du bilan de la société Financière de Rosario ne saurait suffire, sans considération des activités du groupe, à vérifier que son activité civile n'était pas prépondérante, relève qu'il résulte de l'analyse de ce bilan que le montant de l'actif brut immobilisé représente 61,24 % du montant de l'actif brut à la clôture de l'exercice, le 31 décembre 2007, ce qui démontre que le critère de l'actif brut immobilisé est rempli, et en déduit que l'administration échoue à établir la prépondérance de l'activité civile de la société Financière de Rosario. 9. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Financière de Rosario avait pour activité principale l'animation de son groupe, ce que l'administration contestait en soutenant que la valeur vénale réelle des actifs de la société relatifs à son activité civile de gestion de valeurs mobilières représentait une part prépondérante de son actif total, réévalué au jour de la mutation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne M. S... I... et Mme W... Y... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. S... I... et Mme W... Y... et les condamne à payer à la directrice chargée de la direction nationale des vérifications des situations fiscales, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la directrice chargée de la direction nationale des vérifications de situations fiscales. L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a confirmé le jugement rendu par tribunal de grande instance (TGI) de Paris du 26 février 2016 qui avait infirmé la décision de rejet de l'administration du 27 juin 2014 et prononcé, en conséquence, le dégrèvement de la totalité des impositions afférentes ; AUX MOTIFS QU' «en l'espèce, le caractère de société holding animatrice de la SA Financière de Rosario n'est pas contesté par l'administration ; que la question posée devant la cour est de savoir si le caractère d'holding animatrice de la société Financière de Rosario suffit à faire bénéficier la société du régime de faveur, sans examen de l'activité civile prépondérante de la société ; qu'il n'existe pas de définition légale de la société holding animatrice ; que par nature, l'activité financière des sociétés holdings les exclut du champ d'application de l'exonération partielle ; que l'article 787 B du CGI prévoit que sont exonérées de droit de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs. Les parts ou actions concernées doivent notamment faire l'objet d'un engagement collectif de conservation de 2 ans en cours au jour de la transmission qui a été pris par le défunt ou donateur ; qu'ainsi que l'a rappelé le tribunal, la doctrine administrative publiée le 9 mars 2012, précise que si les biens pouvant bénéficier de cette exonération partielle sont des parts ou actions de société industrielles, commerciales agricole ou libérales, il n'est pas exigé que ces sociétés exercent ces activités à titre exclusif et que pour les sociétés ayant une activité mixte, le bénéfice du régime de faveur ne peut être refusé aux parts ou actions d'une société qui exerce à la fois une activité civile et commerciale ou industrielle, agricole, que si cette activité civile n'est pas prépondérante, le caractère prépondérant devant s'apprécier au regard de 2 critères cumulatifs que sont le chiffre d'affaires, au moins 50 % du montant du chiffre d'affaires total et le montant de l'actif brut immobilisé, au moins 50 % du montant total de l'actif brut ; que s'agissant du cas particulier des sociétés holdings, le texte prévoit que les dispositions précitées sont applicables aux transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés holdings animatrices de leur groupe, toutes autres conditions devant être remplies, que les sociétés holdings admises au bénéfice de l'exonération partielle sont donc celles qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, participent activement à la conduite du groupe et au contrôle des filiales; qu'en revanche, les parts ou actions des sociétés holdings passives, simple gestionnaires d'un portefeuille mobilier ne bénéficient pas de l'exonération ; qu'aux termes de l'article 885 O du CGI, les parts et actions de sociétés ayant pour activité la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier ne sont pas considérées comme des biens professionnels ; que les dispositions de l'article 885.I bis permettent l'exonération partielle de la valeur des titres d'une société interposée à concurrence de sa participation dans une société exerçant une activité industrielle ou commerciale. Le bénéfice du régime de faveur est appliqué aux parts ou actions d'une société qui exerce à la fois une activité civile et une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, dans la mesure où l'activité civile n'est pas prépondérante ; que le 9 mai 2006 une réponse ministérielle, publiée au JO n° 94 047 précise que l'application du régime de faveur visé à l'article 787 B pouvait être réservée aux sociétés ayant une activité mixte et n'entrant que partiellement dans l'une des catégories visées par le texte, à la condition que l'activité civile ne soit pas prépondérante ; que la doctrine 7-G3-12 en date du 9 mars 2012 précise que : «Les sociétés holdings admises au bénéfice de l'exonération partielle sont celles qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales et rendent, le cas échéant, à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. En revanche, les parts ou actions de sociétés holdings passives, simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier, ne bénéficient pas de l'exonération partielle ; que ce texte, qui circonscrit le bénéfice de l'exonération aux sociétés holdings qui gèrent un portefeuille de participations tout en participant à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales, s'applique aux sociétés holdings animatrice ; qu'il se dégage de l'ensemble de ces textes que le dénominateur commun est que l'activité civile ne doit pas être prépondérante. Il s'en déduit que contrairement à ce qu'affirment les contribuables le critère de la prépondérance civile s'applique également aux sociétés holdings animatrices de leur groupe ; qu'il est de règle que les holdings animatrices comme les holdings industrielles ou commerciales, peuvent être exonérées si le redevable exerce une fonction de direction et détient 25 % au moins du capital ou si la participation représente plus de 50 % du patrimoine taxable ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il a été relevé, l'administration ne conteste pas l'activité d'animateur effectif de son groupe exercé par la société Financière de Rosario ; que l'administration admet que le critère relatif au chiffre d'affaires est inopérant pour les sociétés holdings animatrices de leur groupe ; qu'il reste donc à examiner le critère de l'actif brut immobilisé retenu par la doctrine ; que le critère de l'actif brut immobilisé retenu en doctrine ne tient pas compte de l'affectation des actifs immobilisés et circulants ; que la seule analyse du bilan de la société holding dont il n'est pas contesté qu'elle est animatrice de ses filiales ne saurait suffire sans considération des activités du groupe ; qu'en l'espèce, la société Financière de Rosario établit que l'analyse du bilan montre que le montant de l'actif brut immobilisé représente 61,24 % du montant de l'actif brut, à la clôture de l'exercice, le 31 décembre 2007, ce qui démontre que le critère de l'actif brut immobilisé est rempli et dès lors que l'administration échoue à démontrer la prépondérance de l'activité civile de la société holding Financière de Rosario ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions. L'administration fiscale partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des dépenses ; qu'il paraît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.» ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, il résulte de l'article 787 B du code général des impôts que sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs; que le 9 mai 2006 une réponse ministérielle, publiée au JO n° 94 047 a précisé que l'application du régime de faveur visé à l'article 787 B pouvait s'appliquer aux sociétés ayant une activité mixte et n'entrant que partiellement dans l'une des catégories visées par le texte, à la condition que l'activité civile ne soit pas prépondérante; qu'il ressort de la doctrine fiscale que la prépondérance de l'activité s'apprécie au regard de 2 critères cumulatifs que sont le chiffre d'affaires, au moins 50 % du montant du chiffre d'affaires total et le montant de l'actif brut immobilisé, au moins 50 % du montant total de l'actif brut; qu'au cas particulier relatif à une holding animatrice ayant une activité mixte, la cour d'appel de Paris reconnaît « qu'il se dégage de l'ensemble de ces textes que le dénominateur commun est que l'activité civile ne doit pas être prépondérante. Il s'en déduit que contrairement à ce qu'affirment les contribuables le critère de la prépondérance civile s'applique également aux sociétés holdings animatrices de leur groupe »; que pour déterminer cette prépondérance, la cour écarte le critère relatif au chiffre d'affaires regardé comme inopérant pour les sociétés holdings animatrices de leur groupe et considère qu' « il reste donc à examiner le critère de l'actif brut immobilisé retenu par la doctrine »; que, par suite, la cour d'appel se contente d'affirmer sans explication que « la société Financière de Rosario établit que l'analyse du bilan montre que le montant de l'actif brut immobilisé représente 61,24 % du montant de l'actif brut, à la clôture de l'exercice, le 31 décembre 2007 », alors même que ce calcul des requérants, fondé sur la valeur comptable des actifs, était contesté au motif que, seule, leur valeur réelle permet de déterminer le caractère prépondérant de l'activité de la société holding; qu'en se prononçant de la sorte, sans répondre à l'administration sur cette donnée fondamentale, comme elle y était invitée, la cour d'appel a nécessairement privé sa décision de base légale au regard des dispositions de 787 B du code général des impôts ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs; qu'en l'espèce, l'administration fiscale affirmait et démontrait dans ses conclusions d'appel que, pour déterminer l'activité prépondérante de la société holding à partir du critère de l'actif brut immobilisé, il convenait de retenir les valeurs réévaluées, soit les valeurs réelles des actifs, et non les valeurs d'inscription au bilan; qu'en négligeant de répondre à ce moyen pour retenir le calcul de la partie adverse fondé sur les valeurs comptables, alors même que ces deux modes de calcul aboutissent à des résultats contraires, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ; ET ALORS QUE, troisièmement, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs; qu'au cas particulier, la cour d'appel de Paris soutient que « la seule analyse du bilan de la société holding dont il n'est pas contesté qu'elle est animatrice de ses filiales ne saurait suffire sans considération des activités du groupe », pour, paradoxalement, à la suite de cette énonciation se référer audit bilan et conclure « qu'en l'espèce, la société Financière de Rosario établit que l'analyse du bilan montre que le montant de l'actif brut immobilisé représente 61,24 % du montant de l'actif brut, à la clôture de l'exercice, le 31 décembre 2007, ce qui démontre que le critère de l'actif brut immobilisé est rempli et dès lors que l'administration échoue à démontrer la prépondérance de l'activité civile de la société holding Financière de Rosario »; qu'en retenant un critère en opposition avec le principe qu'elle a préalablement énoncé, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, que le régime d'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit applicable, en cas d'engagement collectif de conservation, à la transmission par décès ou entre vifs des parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, s'applique également à la transmission des parts ou actions de sociétés qui, ayant pour partie une activité civile autre qu'agricole ou libérale, exercent principalement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, cette prépondérance s'appréciant en considération d'un faisceau d'indices déterminés d'après la nature de l'activité et les conditions de son exercice. Doit être assimilée à ces sociétés ayant une activité mixte, dont la transmission des parts est éligible à ce régime de faveur, la société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, le caractère principal de son activité d'animation de groupe devant être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l'imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total. Prive ainsi sa décision de base légale la cour d'appel qui retient que la transmission de la nue-propriété d'actions d'une société holding animatrice de son groupe est éligible à ce régime de faveur en se fondant sur des motifs pris de ce que l'actif brut immobilisé de cette société représentait une part prépondérante de son actif brut total, impropres à établir qu'elle avait pour activité principale l'animation de son groupe, ce que l'administration contestait en soutenant que la valeur vénale réelle des actifs de la société relatifs à son activité civile de gestion de valeurs mobilières représentait une part prépondérante de son actif total, réévalué au jour de la mutation
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 633 FS-P+B Pourvoi n° C 18-16.887 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 OCTOBRE 2020 La société Crédit mutuel Arkéa, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 18-16.887 contre l'arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant à la confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM), société coopérative ouvrière de production, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Crédit mutuel Arkéa, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la confédération nationale du Crédit mutuel, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Mollard, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, Bessaud, M. Boutié, Mmes Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2018), le réseau Crédit mutuel, régi par les dispositions des articles L. 512-55 et suivants et R. 512-19 et suivants du code monétaire et financier, est formé, au niveau local, des caisses locales de crédit mutuel, au niveau régional, des caisses départementales ou interdépartementales, constituées par les caisses locales, et, au niveau national, de la caisse centrale du crédit mutuel, constituée par les caisses départementales ou interdépartementales. Chaque caisse de crédit mutuel doit adhérer à une fédération régionale de crédit mutuel, et chaque fédération régionale à la confédération nationale du crédit mutuel (CNCM), organe central du réseau Crédit mutuel, dont le rôle est notamment de veiller à la cohésion de ce réseau. 2. La CNCM est titulaire de la marque verbale collective « Crédit mutuel » n° 3828979, déposée le 5 mai 2011 pour les produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 45, dont les conditions d'utilisation sont régies par un règlement d'usage et contrôlées par le conseil d'administration de la CNCM. Sont notamment autorisées à utiliser cette marque les fédérations régionales de crédit mutuel et les caisses de crédit mutuel adhérentes. 3. La CNCM ayant indiqué à la société Crédit mutuel Arkéa (la société Arkéa), qui regroupe trois fédérations régionales, qu'elle ne pourrait plus utiliser la marque collective « Crédit mutuel », ou toute combinaison de marques associant cette marque, si elle quittait le réseau Crédit mutuel, cette dernière l'a alors assignée en annulation de la marque. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. La société Arkéa fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la marque collective « Crédit mutuel » pour caractère illicite, alors : « 1°/ que ne peut être adopté comme marque un signe dont la réservation serait contraire à l'ordre public ; que la dénomination "crédit mutuel" est la désignation légale d'une activité réglementée par le code monétaire et financier et commune à l'ensemble des banques mutualistes ; qu'il s'en déduit que la dénomination "crédit mutuel" est indisponible et ne peut être déposée à titre de marque ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 3 § 1 et 2 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, ensemble l'article L. 511-9 du code monétaire et financier ; 2°/ que l'article L. 512-56 du code monétaire et financier charge la CNCM de représenter collectivement les caisses de crédit mutuel pour faire valoir leurs droits et intérêts communs, d'exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion de chaque caisse de crédit mutuel et de prendre toutes mesures nécessaires au bon fonctionnement du crédit mutuel ; que l'article R. 512-23 du code monétaire et financier réserve aux caisses inscrites sur la liste prévue à l'article R. 512-19, établie et tenue à jour par la CNCM, le droit d'utiliser l'appellation "caisse de crédit mutuel" ; que ces textes n'autorisent pas la CNCM à s'arroger un monopole d'exploitation sur la dénomination "crédit mutuel" ; qu'en affirmant que ces dispositions consacreraient la réservation, au profit de la CNCM, de la dénomination "crédit mutuel", la cour d'appel a violé ces textes par fausse interprétation, ensemble l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 3 § 1 et 2 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. » Réponse de la Cour 5. Si, aux termes de l'article L. 711-3, b, du code de la propriété intellectuelle, alors applicable, ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe contraire à l'ordre public, la circonstance qu'un terme soit la désignation légale d'une activité réglementée ne suffit pas à en faire un signe contraire à l'ordre public. 6. Ayant relevé que la CNCM est l'organe central du groupe Crédit mutuel, chargée d'un rôle de contrôle, d'inspection et de représentation du réseau Crédit mutuel auprès des pouvoirs publics, la cour d'appel a exactement déduit de cette seule constatation que l'enregistrement, par cette association, du signe "Crédit mutuel" en tant que marque collective n'était pas contraire à l'ordre public. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 8. La société Arkéa fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'annulation de la marque collective « Crédit mutuel » pour défaut de distinctivité, alors : « 1°/ qu'un signe constituant la désignation légale et unique d'un produit ou d'un service ne peut acquérir, à son égard, un caractère distinctif par l'usage ; qu'en énonçant que l'article L. 711-2, dernier alinéa, du code de la propriété intellectuelle n'excluait pas la possibilité d'acquisition du caractère distinctif par l'usage pour les signes intrinsèquement dépourvus de ce caractère dans les cas prévus aux a) et b) et que la société Arkéa arguait donc vainement du fait que les termes "crédit mutuel" constituaient la désignation nécessaire d'un type d'activité bancaire et des produits et services s'y rattachant, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 3 § 3 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ; 2°/ qu'en toute hypothèse, la preuve de l'acquisition d'un caractère distinctif par l'usage ne peut résulter de la seule démonstration de l'usage de la dénomination à titre de marque, mais suppose qu'il soit en outre établi que le public pertinent la perçoit comme une indication d'origine des produits ou services concernés ; qu'en se bornant à relever, pour refuser d'annuler la marque "Crédit mutuel" en dépit de son absence initiale de caractère distinctif, d'une part, que la dénomination "crédit mutuel" était largement utilisée par le réseau Crédit mutuel à titre de marque et, d'autre part, qu'un sondage démontrait que, pour une majorité de consommateurs, l'expression "crédit mutuel" évoquait "une banque", la cour d'appel, qui n'a pas démontré que le public pertinent percevait la dénomination "crédit mutuel" comme une indication d'origine commerciale, a statué par des motifs impropres à démontrer que la dénomination "crédit mutuel" aurait acquis un caractère distinctif par l'usage et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 3 § 3 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ; 3°/ qu'en outre, la distinctivité d'une marque s'apprécie au regard de chacun des produits et services couverts par son enregistrement ; qu'en se bornant à constater, pour affirmer que la dénomination "crédit mutuel" aurait acquis un caractère distinctif par l'usage pour les produits ou services désignés dans l'enregistrement, qu'elle faisait l'objet d'un usage continu, intensif et durable dans le réseau Crédit mutuel, sans procéder à un examen de son caractère distinctif pour chacun des produits ou services concernés, qu'elle n'a même pas décrits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 3 § 3 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. » Réponse de la Cour 9. En premier lieu, l'article L. 711-2, dernier alinéa, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 13 novembre 2019, prévoit la possibilité, pour tout signe dépourvu de caractère distinctif intrinsèque en vertu des a) et b) du même article, d'acquérir un caractère distinctif par l'usage. Une telle possibilité existe quand bien même les termes dont est composé le signe seraient la désignation légale d'une activité réglementée. 10. Le grief de la première branche procède donc d'un postulat erroné. 11. En second lieu, l'arrêt constate que les caisses de crédit mutuel, membres du groupe Crédit mutuel, utilisent, sur l'ensemble du territoire national et depuis la fin des années 1950, les marques collectives dont la CNCM est titulaire, intégrant les termes « crédit mutuel ». Il relève que le tableau de synthèse produit par la CNCM met en évidence l'usage du signe « Crédit mutuel », seul ou accompagné du logo du groupe Crédit mutuel ou d'autres éléments verbaux, pour des produits et des services des classes 9, 16, 35, 36, 38 et 41 nommément désignés, puis retient que, si, dans la grande majorité des exemples fournis, le signe « Crédit mutuel » n'apparaît pas seul, mais le plus souvent comme un élément d'une des marques semi-figuratives incluant le logo du groupe et, le cas échéant, le slogan « La banque à qui parler », le consommateur moyen ne gardera pas nécessairement en mémoire les autres éléments figuratifs ou verbaux, les mots « crédit mutuel » seuls retenant son attention et lui permettant aisément de percevoir les produits ou services désignés par la marque « Crédit mutuel » comme provenant du groupe Crédit mutuel. Il ajoute que la CNCM produit un sondage duquel il ressort que 89 % des personnes interrogées associent les termes « crédit mutuel » à une banque, et pour 55 % depuis au moins dix ans, ce qui est de nature à démontrer sans ambiguïté qu'une fraction significative du public concerné perçoit la marque « Crédit mutuel » comme identifiant les produits et services désignés par elle comme provenant du groupe Crédit mutuel. 12. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à l'examen du caractère distinctif de la marque pour chacun des produits et services concernés et souverainement constaté que le signe « Crédit mutuel » était perçu par le public pertinent comme une indication de l'origine commerciale de ces produits et services, a légalement justifié sa décision. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Crédit mutuel Arkéa aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit mutuel Arkéa et la condamne à payer à la confédération nationale du Crédit mutuel la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Crédit mutuel Arkéa. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Crédit mutuel Arkea de sa demande en annulation de la marque verbale « Crédit mutuel » n° 3828979 pour caractère illicite, AUX MOTIFS QUE l'article L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle dispose que ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ; que la société Crédit mutuel Arkea invoque vainement ces dispositions pour contester la validité de la marque litigieuse, dès lors que le code monétaire et financier consacre la réservation au profit de la CNCM, organe central du réseau Crédit mutuel, de l'expression « crédit mutuel », dont les marques collectives « Crédit mutuel » sont la traduction commerciale ; que le plan du code monétaire et financier montre, en effet, que le législateur a reconnu, sous la forme d'une énumération limitative, l'existence de différentes banques mutualistes ou coopératives parmi lesquelles figure « le crédit mutuel » (section 4 du chapitre II) ; qu'en outre, l'article L. 512-56 de ce code prévoit que la confédération nationale du crédit mutuel est chargée notamment de « représenter collectivement les caisses de crédit mutuel pour faire valoir leurs droits et intérêts communs » et « prendre toutes mesures nécessaires au bon fonctionnement du crédit mutuel, notamment en favorisant la création de nouvelles caisses ou en provoquant la suppression de caisses existantes [...] » et l'article R. 512-23 dispose que « seules les caisses inscrites sur la liste prévue à l'article R. 512-19 peuvent se prévaloir de l'appellation de caisse de crédit mutuel et faire figurer cette appellation dans leur dénomination, leur raison sociale ou leur publicité, et l'utiliser d'une manière quelconque dans leur activité » ; que la décision invoquée par la société appelante, concernant une marque verbale « Notaires 37 » déposée par une société n'exerçant pas la profession de notaire, n'est pas transposable au cas d'espèce, puisque la CNCM, titulaire de la marque litigieuse, est l'organe central du groupe Crédit mutuel, chargé d'un rôle de contrôle, d'inspection et de représentation du réseau auprès des pouvoirs publics ; que la demande d'annulation de la marque en raison de son caractère illicite sera par conséquent rejetée ; 1°/ ALORS QUE ne peut être adopté comme marque un signe dont la réservation serait contraire à l'ordre public ; que la dénomination « crédit mutuel » est la désignation légale d'une activité réglementée par le code monétaire et financier et commune à l'ensemble des banques mutualistes ; qu'il s'en déduit que la dénomination « crédit mutuel » est indisponible et ne peut être déposée à titre de marque ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 3 § 1 et 2 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, ensemble l'article L. 511-9 du code monétaire et financier ; 2°/ ALORS QUE l'article L. 512-56 du code monétaire et financier charge la CNCM de représenter collectivement les caisses de crédit mutuel pour faire valoir leurs droits et intérêts communs, d'exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion de chaque caisse de crédit mutuel et de prendre toutes mesures nécessaires au bon fonctionnement du crédit mutuel ; que l'article R. 512-23 du code monétaire et financier réserve aux caisses inscrites sur la liste prévue à l'article R. 512-19, établie et tenue à jour par la CNCM, le droit d'utiliser l'appellation « caisse de crédit mutuel » ; que ces textes n'autorisent pas la CNCM à s'arroger un monopole d'exploitation sur la dénomination « crédit mutuel » ; qu'en affirmant que ces dispositions consacreraient la réservation, au profit de la CNCM, de la dénomination « crédit mutuel », la cour d'appel a violé ces textes par fausse interprétation, ensemble l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 3 § 1 et 2 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Crédit mutuel Arkea de ses demandes en annulation de la marque verbale « Crédit mutuel » n° 3828979 pour défaut de distinctivité, AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, « le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle ; que le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c), être acquis par l'usage ; que l'acquisition du caractère distinctif par l'usage suppose la preuve d'un usage continu, intense et de longue durée du signe constituant la marque et ce, à titre de marque, de sorte que ce signe est connu et identifié par une partie significative du public pertinent intéressé par les produits et services qu'il propose ; que, pour apprécier le caractère distinctif acquis par l'usage, il faut se placer, lorsque la nullité de la marque est demandée à titre principal, au moment où le juge statue ; que, par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, « en ce qui concerne l'acquisition d'un caractère distinctif par l'usage, l'identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d'une entreprise déterminée doit être effectuée grâce à l'usage de la marque en tant que marque [ ]. Cette dernière condition [ ] n'implique pas nécessairement, pour être remplie, que la marque dont l'enregistrement est demandé ait fait l'objet d'un usage indépendant. En effet, I'article 3, paragraphe 3, de la directive ne contient pas de restriction en ce sens, visant seulement l'usage qui [ ] a été fait de la marque. L'expression 'l'usage de la marque en tant que marque" doit donc être comprise comme se référant seulement à un usage de la marque aux fins de l'identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d'une entreprise déterminée. Or, une telle identification, et donc l'acquisition d'un caractère distinctif peut résulter aussi bien de I 'usage, en tant que partie d'une marque enregistrée, d'un élément de celle-ci que de l'usage d'une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l'enregistrement est demandé, comme provenant d'une entreprise déterminée [ ]. Le caractère distinctif d'une marque [ ] peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque en tant que partie d'une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci » (CJUE, 7 juillet 2005, C-353/03, Nestlé) ; que l'article L. 711-2, dernier alinéa, n'excluant pas la possibilité d'acquisition du caractère distinctif par l'usage pour les signes intrinsèquement dépourvus de ce caractère dans les cas prévus aux a) et b), la société Crédit mutuel Arkea argue vainement du fait que les termes « crédit mutuel » constitueraient la désignation nécessaire d'un type d'activité bancaire et des produits et services s'y rattachant ; qu'il appartient à la CNCM d'établir la preuve d'un usage continu, intense et de longue durée, à titre de marque - c'est à dire pour identifier les produits et services concernés comme provenant d'une entreprise déterminée - du signe « Crédit mutuel », notamment par « la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de l'usage de cette marque, l'importance des investissements faits par l'entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d'une entreprise déterminée grâce à la marque [ ] » (CJCE, 4 mai 1999, C-109/97, Windsurfing Chiemsee) ; qu'en l'espèce, la CNCM produit aux débats de très nombreuses pièces desquelles il ressort : que le groupe Crédit mutuel comprend aujourd'hui plus de 3 000 caisses locales et bureaux qui leur sont rattachés, qui utilisent les marques collectives dont la CNCM est titulaire, intégrant les termes « crédit mutuel », et ce, sur l'ensemble du territoire national et depuis la fin des années 50, que fin 2014, 11,6 millions de personnes étaient clientes du Crédit mutuel », dont 7,6 millions de sociétaires (rapport annuel 2014), que fin 2014, le Crédit mutuel représentait 9,2 % des dépôts et 10,7 % des crédits (attestation responsable du contrôle de gestion), qu'en 2010 le Crédit mutuel figurait en deuxième position des réseaux bancaires en France pour les dépôts et les crédits, après le Crédit agricole (Les Echos, mars 2011), qu'en 2012, le groupe a enregistré un bénéfice net de 2,15 milliard d'euros (AFP, mars 2013), qu'en 2008, il figurait en 49ème position du classement des 100 premières banques européennes en terme de rentabilité opérationnelle et 60 en termes de couverture des coûts (données agence Fitch Ratings), qu'en 2013, il était classé 11ème du top 25 des meilleures banques européennes depuis la crise élaboré par le magazine The Banker et, en mars 2013, était l'une des trois banques françaises à figurer parmi "les 50 banques les plus sûres du monde" (selon le classement du magazine Global Finance) avant de voir sa note dégradée par l'agence de notation Standard & Poor's, qu'en 2014, le Crédit mutuel figurait dans le top 10 des sociétés de gestion françaises du classement Morningstar de la collecte des fonds en Europe, que le Crédit mutuel s'est développé à l'international (en Allemagne avec le réseau Targobank, en Espagne avec une prise de participation dans Banco Popular, Cofidis) ; qu'il ressort de ces éléments, émanant de documents internes mais également de la presse économique ou de classements étrangers, que le groupe Crédit mutuel fait partie des 6 premiers groupes bancaires français, ce qui n'est pas sérieusement contesté ; que la CNCM justifie également que le groupe a diversifié ses activités dans plusieurs secteurs (services à la personne, financement du logement social, assurance) ; que dans le domaine de la "bancassurance", il constitue, selon l'AGEFI (janvier 2010), le modèle le plus ancien et le plus abouti, datant des années 1970 ; que fin 2009, l'assurance représentait un chiffre d'affaires de 8,1 milliards d'euros pour le Crédit mutuel et qu'en 2010, plus de 30% de clients disposaient d'un contrat dommages ; que la CNCM a également fourni de nombreuses pièces montrant une importante utilisation du signe litigieux, seul ou accompagné du logo ou d'autres éléments verbaux (« La banque à qui parler », « Le Crédit Mutuel donne le la », « Plus que jamais, la banque à qui parler », « Crédit mutuel Arkea », « Crédit mutuel Massif Central »...), à travers la mise en place de campagnes publicitaires nationales sur divers supports et de partenariats, notamment musicaux, et ce, de façon constante et depuis plusieurs années ; qu'elle justifie que, depuis 2008, son budget communication annuel s'élève en moyenne à 17 millions d'euros ; qu'elle fournit des pièces démontrant que la marque « Crédit mutuel » est ainsi présente sur différents supports (papier, internet, radio, TV), y compris à travers le seul signe verbal « Crédit mutuel » (ex. Tag Epargne 2013 ; spot TV 2014 « Crédit mutuel Une banque qui appartient à ses clients ça change tout ») ; qu'il est par ailleurs établi que la CNCM exploite un site internet et elle fournit une attestation sur le nombre de connexions à son site www.creditmutuel.fr (253 475 005 en 2011) ; qu'elle est présente sur les réseaux sociaux, étant en 2014, à la 24ème place dans le "Top 100 du rayonnement numérique des marques" publié par NPA Conseil ; qu'elle fournit un tableau de synthèse (sa pièce 426) mettant en évidence l'usage du signe « Crédit mutuel », seul ou accompagné d'autres éléments - le logo ou les autres éléments verbaux précités - pour des produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 38 et 41, soit : - pour les produits de la classe 9 : visuels de cartes bancaires, factures des commandes de bobines comportant le filigrane Crédit mutuel pour les distributeurs de billets accompagnées des photographies des master bobines des commandes de ces produits et attestation relative à ces commandes et aux fichiers comportant la liste des clients livrés de ces produits, visuel de l'application Crédit mutuel sur iPhone, attestation relative à la date de mise à disposition des applications Crédit mutuel pour smartphone au public ; - pour les services en classe 35 : bons à tirer pour des publicités ("Au Crédit mutuel, ma voix n'est pas proportionnelle à mon compte en banque", "Etre proche de vous, et à votre écoute, ça change tout", "Au Crédit mutuel, mon chargé de clientèle n'est pas commissionné" (2010), " Une banque qui n'a pas d'actionnaires mais des clients-sociétaires, ça change tout", "Le Crédit mutuel, banque de l'année en France" (2011), "Le Crédit mutuel vous dit merci", "Le Crédit mutuel on ne peut pas l'acheter" (2014)), extraits de sites internet concernant le paiement sécurité par carte bancaire, spots radio et TV (2007 à 2015) ; - pour les produits et services en classes 16 et 36 : spots radio et TV (2008 à 2014), articles de presse La Tribune, Le Revenu, L'Argus de l'assurance (2011, 2013, 2014), bons à tirer pour des publicités ("Livret Bleu" (2008), "Au Crédit mutuel, ma demande de prêt n'est pas étudiée de loin" (2010)), plaquettes publicitaires ("Objectif épargne" de novembre 2013, "Objectif indépendance" d'août 2014, "Découvrez nos avantages pour bien démarrer dans la vie " de juin 2015, "Les jeunes qui osent" de janvier 2014, "Les jeunes qui s'engagent " d'octobre 2014, "Un rendement qui ne manque pas de souffle" de février 1998, "Capital revenus " de février 1998, "Objectif bien assuré " de mai 2015), extrait du site internet Crédit mutuel, spots radio (2002, 2006), visuels de chéquier et de chèques, relevés de comptes, conditions tarifaires, contrats Crédit mutuel, fiches explicatives de produits ou services destinées aux clients ; que, s'il est vrai que dans la grande majorité des exemples d'usage fournis par la CNCM, le signe "Crédit mutuel" n'apparaît pas seul mais, le plus souvent, comme un élément d'une des marques semi-figuratives présentées supra, incluant le logo et le cas échéant le slogan "La banque à qui parler", il a été vu que le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque en tant que partie d'une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci (CJUE, 7 juillet 2005, C-353103, Nestlé) ; qu'en l'espèce, le signe "Crédit mutuel" au sein des marques semi-figuratives - dont l'usage résulte amplement des pièces fournies par l'appelante - constitue l'unique élément verbal ou du moins l'élément verbal principal des marques semi-figuratives invoquées, le logo de couleur rouge, inséré entre les termes "crédit" et "mutuel", n'assurant qu'une fonction décorative ou esthétique et l'expression "La banque à qui parler" apparaissant en tout petits caractères et en position inférieure ; le public pertinent, en l'occurrence le consommateur d'attention moyenne, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, reconnaîtra ces autres éléments figuratifs ou verbaux mais ne les gardera pas nécessairement en mémoire, les mots "Crédit mutuel" seuls retenant son attention et lui permettant aisément de percevoir les produits ou services désignés par la marque litigieuse comme provenant du groupe Crédit mutuel ; que la société Crédit mutuel Arkea soutient, par ailleurs, que les pièces fournies par la CNCM ne rapportent pas la preuve d'un usage à titre de marque mais font seulement référence au Crédit mutuel en tant qu'entreprise ou groupe bancaire ; que, cependant, le fait qu'un élément verbal soit utilisé en tant que nom commercial de l'entreprise n'exclut pas qu'il puisse être également utilisé en tant que marque pour désigner des produits ou services (CJCE, 11 septembre 2007, C-17/06, Céline) ; que cela est d'autant plus vrai dans le secteur bancaire où le consommateur personnifie couramment la marque ; qu'en l'espèce, le signe « Crédit mutuel » désigne à la fois la marque et le nom commercial de l'entreprise « groupe Crédit mutuel » ; que le signe « Crédit mutuel », qui est essentiellement une marque de services dont l'exploitation ne peut consister en une simple apposition sur lesdits services, est apposé sur différents supports matériels en relation avec ces services (plaquettes Crédit mutuel destinées à la clientèle (« Objectif Epargner », « Les jeunes qui s'engagent », « Un rendement qui ne manque pas de souffle »...) ; fiches explicatives concernant divers services destinées aux clients ; contrats (concernant des assurances complémentaires maladies, des contrats de prévoyance accompagnés des conditions générales, des contrats d'assurance, des contrats d'ouverture de crédit) ; conditions tarifaires ; conditions générales et particulières relatifs aux comptes courants ; chéquiers et chèques libellés en francs et donc antérieurs au 1er janvier 2002 ; visuels de cartes bancaires et de relevés de comptes datant de 2008 ; bobines de papier pour distributeurs automatiques de billets...) ; qu'enfin, la CNCM produit un sondage réalisé par l'Institut TNS Sofres en juin 2015 auprès d'un échantillon de 1003 personnes, relatif au caractère distinctif de la marque (sa pièce 79), duquel il ressort que 89% des personnes interrogées associent les termes « Crédit mutuel » à une banque et, pour 55%, depuis au moins 10 ans, ce qui est de nature à démontrer sans ambiguïté qu'une fraction significative du public concerné perçoit la marque « Crédit mutuel » comme identifiant les produits et services désignés par elle comme provenant du groupe Crédit mutuel ; qu'en définitive, la CNCM démontre que par l'usage continu, intensif, durable qui en a été fait, la marque « Crédit mutuel » a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits et services pour lesquels elle a été enregistrée, en classes 9, 16, 35, 36 et 45 ; qu'il convient donc de débouter la société Crédit mutuel Arkea de sa demande en nullité de la marque « Crédit mutuel » pour défaut de distinctivité ; 1°/ ALORS QU' un signe constituant la désignation légale et unique d'un produit ou d'un service ne peut acquérir, à son égard, un caractère distinctif par l'usage ; qu'en énonçant que l'article L. 711-2, dernier alinéa, du code de la propriété intellectuelle n'excluait pas la possibilité d'acquisition du caractère distinctif par l'usage pour les signes intrinsèquement dépourvus de ce caractère dans les cas prévus aux a) et b) et que la société Crédit mutuel Arkea arguait donc vainement du fait que les termes « crédit mutuel » constituaient la désignation nécessaire d'un type d'activité bancaire et des produits et services s'y rattachant, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 3 § 3 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ; 2°/ ALORS QU' en toute hypothèse, la preuve de l'acquisition d'un caractère distinctif par l'usage ne peut résulter de la seule démonstration de l'usage de la dénomination à titre de marque, mais suppose qu'il soit en outre établi que le public pertinent la perçoit comme une indication d'origine des produits ou services concernés ; qu'en se bornant à relever, pour refuser d'annuler la marque « Crédit mutuel » en dépit de son absence initiale de caractère distinctif, d'une part, que la dénomination « crédit mutuel » était largement utilisée par le réseau Crédit mutuel à titre de marque et, d'autre part, qu'un sondage démontrait que, pour une majorité de consommateurs, l'expression « crédit mutuel » évoquait « une banque », la cour d'appel, qui n'a pas démontré que le public pertinent percevait la dénomination « crédit mutuel » comme une indication d'origine commerciale, a statué par des motifs impropres à démontrer que la dénomination « crédit mutuel » aurait acquis un caractère distinctif par l'usage et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 3 § 3 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ; 3°/ ALORS QU' en outre, la distinctivité d'une marque s'apprécie au regard de chacun des produits et services couverts par son enregistrement ; qu'en se bornant à constater, pour affirmer que la dénomination « crédit mutuel » aurait acquis un caractère distinctif par l'usage pour les produits ou services désignés dans l'enregistrement, qu'elle faisait l'objet d'un usage continu, intensif et durable dans le réseau Crédit mutuel, sans procéder à un examen de son caractère distinctif pour chacun des produits ou services concernés, qu'elle n'a même pas décrits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 3 § 3 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008.
Si, aux termes de l'article L. 711-3, b, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n° 96-1106 du 18 décembre 1996, ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe contraire à l'ordre public, la circonstance qu'un terme soit la désignation légale d'une activité réglementée ne suffit pas à en faire un signe contraire à l'ordre public. Ayant relevé que la Confédération nationale du crédit mutuel est l'organe central du groupe Crédit mutuel, chargée d'un rôle de contrôle, d'inspection et de représentation du réseau Crédit mutuel auprès des pouvoirs publics, une cour d'appel a exactement déduit de cette seule constatation que l'enregistrement, par cette association, du signe « Crédit mutuel » en tant que marque collective n'était pas contraire à l'ordre public
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 634 FS-P+B Pourvoi n° Q 18-15.840 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 OCTOBRE 2020 1°/ Mme Q... R..., domiciliée [...], 2°/ la société [...] , société anonyme, dont le siège est [...] ), ont formé le pourvoi n° Q 18-15.840 contre l'ordonnance n° RG : 17/09697 rendue le 4 avril 2018 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige les opposant à l'Autorité des marchés financiers, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme R... et de la société [...] , de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lefeuvre, Bessaud, M. Boutié, Mmes Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 4 avril 2018), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, autorisé des enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers (AMF), en charge d'une enquête ouverte par son secrétaire général portant sur l'information financière et le marché du titre de la société Marie Brizard Wine & Spirits (la société MBWS), à procéder à une visite au siège social de cette société, situé [...] , à l'occasion de la tenue de son prochain conseil d'administration, et à saisir toute pièce ou document susceptible de caractériser la communication et/ou l'utilisation d'une information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, notamment les ordinateurs portables et téléphones mobiles des représentants de la société [...] participant à ce conseil d'administration, dont Mme R.... 2. Ces opérations ont été effectuées le 25 avril 2017 et Mme R... a relevé appel de l'ordonnance d'autorisation de visite ainsi qu'exercé un recours contre leur déroulement. La société [...] est intervenue volontairement à l'instance, à titre accessoire. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 3. Mme R... et la société [...] font grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable la demande d'intervention volontaire de la société [...] , alors « que l'intervention volontaire accessoire est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir les prétentions d'une partie ; que la recevabilité de cette intervention ne suppose en revanche pas que son auteur ait été en droit d'exercer l'action engagée par la partie qu'il soutient ; que pour déclarer l'intervention volontaire accessoire de la société [...] irrecevable, le premier président a relevé que l'autorisation de visite domiciliaire accordée par l'ordonnance du 19 avril 2017 "se limitait" au siège social de la société MBWS et aux lieux de résidence temporaire, en France de Mme Q... R..., de M. V... A... et de M. J... U... ; qu'en statuant de la sorte, cependant que la circonstance que la société [...] n'ait pas été l'occupante des lieux que l'ordonnance autorisait à visiter n'était pas, en soi, de nature à rendre son intervention irrecevable, le premier président a violé l'article 330 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 621-12 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu l'article 330 du code de procédure civile : 4. Selon ce texte, l'intervention volontaire accessoire, qui appuie les prétentions d'une partie, est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. 5. Pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire à titre accessoire de la société [...] , l'ordonnance, après avoir relevé que ses locaux n'étaient pas visés par l'autorisation de visite, et énoncé qu'au stade de l'enquête préparatoire, aucune accusation n'est formulée à l'encontre des personnes concernées par les visites autorisées, et encore moins à l'encontre des personnes non concernées par ces visites, retient qu'aucune atteinte à la présomption d'innocence ne peut être retenue contre la société [...] . 6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter l'intérêt, pour la société [...] , à intervenir à titre accessoire pour soutenir les prétentions de Mme R... afin d'assurer la conservation de ses droits, le premier président a privé sa décision de base légale. Et sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche 7. Mme R... et la société [...] font grief à l'ordonnance de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et de rejeter la demande de Mme R... tendant à la restitution de l'intégralité des pièces et documents lui appartenant, qui avaient été saisis lors de la visite domiciliaire autorisée par cette ordonnance, alors « que la saisie de documents électroniques, qui constitue une ingérence de l'autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance, n'est admise que si elle est prévue par un texte ; que l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier permet au juge des libertés et de la détention d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à visiter un lieu et à saisir les documents appartenant aux personnes occupant effectivement ce lieu ; qu'il ne permet en revanche pas d'autoriser les enquêteurs à saisir des documents détenus par des personnes simplement de passage dans le lieu en question lors du déroulement des opérations de visite domiciliaire ; que le premier président a constaté qu'à la date prévue pour la visite domiciliaire du siège social de la société MBWS, Mme R..., résidente marocaine, était simplement "de passage" à ce siège social, pour assister à un conseil d'administration ; qu'en jugeant néanmoins que le juge des libertés et de la détention aurait valablement autorisé la saisie de documents appartenant à cette dernière lors de cette visite domiciliaire, le premier président a violé l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 8. Selon le second de ces textes, l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance que constitue la saisie de données électroniques n'est tolérée que si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime et est nécessaire, dans une société démocratique, pour atteindre ce but. 9. Selon le premier de ces textes, qui prévoit la possibilité, pour le juge des libertés et de la détention, d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à effectuer des visites en tous lieux et à procéder à la saisie de documents pour la recherche des infractions définies aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du code monétaire et financier et des faits susceptibles d'être qualifiés de délit contre les biens et d'être sanctionnés par la commission des sanctions de l'AMF en application de l'article L. 621-15 du même code, l'occupant des lieux ou son représentant peut seul, avec les enquêteurs de l'Autorité et l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations, prendre connaissance des pièces avant leur saisie, signer le procès-verbal et l'inventaire, et c'est à l'occupant des lieux ou à son représentant que sont restitués les pièces et documents qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité. 10. Il en résulte que seuls sont saisissables les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux, soit la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée, à l'exclusion des personnes de passage au moment de la visite domiciliaire, ce passage serait-il attendu. 11. Pour confirmer l'autorisation de saisie des documents appartenant à Mme R..., l'ordonnance, après avoir énoncé que l'occupant des lieux n'est ni le propriétaire, ni le locataire, ni le sous-locataire du local visité mais la personne se trouvant à l'intérieur de ce local au moment de la visite, peu important que cette personne soit un occupant sans droit ni titre, relève que Mme R... était présente dans les lieux visités, et retient que, même si elle ne les a occupés que de manière ponctuelle lors du conseil d'administration de la société MBWS, elle doit être considérée comme étant l'occupant des lieux au sens de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, car visée par l'ordonnance contestée. 12. En statuant ainsi, alors que la simple présence de Mme R... au siège social de cette société le jour de la visite ne lui conférait pas la qualité d'occupant des lieux au sens de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 13. En application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif qui déclare régulières les opérations de visite et de saisie effectuées le 25 avril 2017, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 4 avril 2018, entre les parties, par le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris ; Condamne l'Autorité des marchés financiers aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Autorité des marchés financiers et la condamne à payer à Mme R... et à la société [...] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme R... et la société [...] . PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré irrecevable la « demande d'intervention volontaire » de la société [...] ; AUX MOTIFS QU' « il convient de se reporter au dispositif de l'ordonnance de juge des libertés et de la détention de Créteil en date du 19 avril 2017 pour constater que l'autorisation de visite domiciliaire se limite aux lieux suivants : " D'une part : au siège social de NBWS, situé [...] , à l'occasion d'un prochain conseil d'administration de la société annoncé comme devant se tenir le 25 avril 2017 ; Et d'autre part, en tant que besoin : Au lieu de résidence temporaire, en France, de Mme Q... R..., tel qu'il sera indiqué par celle-ci lors de la visite au siège social de MBWS ; Au lieu de résidence temporaire, en France, de M. V... A..., tel qu'il sera indiqué par celui-ci lors de la visite au siège social de MBWS ; Au lieu de résidence temporaire, en France, de M. J... U..., tel qu'il sera indiqué par celui-ci lors de la visite au siège social de MBWS. Et en tant que besoin, de tous locaux sis dans le ressort du Tribunal de céans occupés par la société MBWS et dont l'existence serait révélée au cours des opérations et dans lesquels seraient susceptibles d'être présents des pièces ou documents ayant un lien avec la présente enquête (...)" ; que par ailleurs, si la société de droit marocain est citée dans le corps de l'ordonnance contestée, il y a lieu de rappeler qu'au stade de l'enquête préparatoire, aucune accusation n'est formulée à l'encontre des personnes physiques visées par la ou les visites domiciliaires et encore moins à l'encontre de ou des personnes physiques ou morales non concernées par les visites domiciliaires autorisées, de sorte que aucune atteinte à la présomption d'innocence invoquée ne peut être retenue contre la société de droit marocain [...] ; qu'enfin, il résulte de ce qui précède que l'ordonnance querellée n'avait pas à lui être notifiée ; que dès lors, l'intervention volontaire accessoire de la société de droit marocain [...] sera déclarée irrecevable » ; 1°/ ALORS QUE le juge, tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe du contradictoire, ne peut relever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur celui-ci ; qu'en l'espèce, l'AMF ne soutenait nullement que l'intervention volontaire de la société [...] serait irrecevable, mais contestait seulement le bien fondé des moyens invoqués par cette société à l'appui de son intervention ; qu'en relevant d'office l'irrecevabilité de cette intervention, sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer contradictoirement, le premier président a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'intervention volontaire accessoire est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir les prétentions d'une partie ; que la recevabilité de cette intervention ne suppose en revanche pas que son auteur ait été en droit d'exercer l'action engagée par la partie qu'il soutient ; que pour déclarer l'intervention volontaire accessoire de la société [...] irrecevable, le premier président a relevé que l'autorisation de visite domiciliaire accordée par l'ordonnance du 19 avril 2017 « se limitait » au siège social de la société MBWS et aux lieux de résidence temporaire, en France, de Mme Q... R..., de M. V... A... et de M. J... U... ; qu'en statuant de la sorte, cependant que la circonstance que la société [...] n'ait pas été l'occupante des lieux que l'ordonnance autorisait à visiter n'était pas, en soi, de nature à rendre son intervention irrecevable, le premier président a violé l'article 330 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ; 3°/ ALORS, PAR AILLEURS, QUE l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; que pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire accessoire de la société [...] , le premier président a ajouté qu'aucune atteinte à la présomption d'innocence ne pouvait être retenue à son encontre et que l'ordonnance querellée n'avait pas à lui être notifiée ; qu'en s'appuyant ainsi sur des considérations n'affectant pas la recevabilité de l'intervention de la société [...] , mais seulement son éventuel succès, le premier président a violé les articles 31 et 122 du code de procédure civile ; 4°/ ALORS, AU SURPLUS, QU' il résulte de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier qu'une copie de l'ordonnance autorisant des opérations de visite et des saisie est adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l'auteur présumé des délits pour la recherche desquels la mesure est ordonnée ; que le premier président a constaté que la visite domiciliaire autorisée par l'ordonnance du 19 avril 2017 avait pour objet de de recueillir les documents et informations nécessaires pour déterminer, notamment, si la société [...] a commis un délit d'initié (p. 5 § 3 de l'ordonnance attaquée) ; qu'en affirmant néanmoins que l'ordonnance querellée n'avait pas à être notifiée à cette société, le premier président a violé l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ; 5°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la société [...] est intervenue volontairement pour appuyer non seulement la demande de Mme R... tendant à l'annulation de l'ordonnance du 19 avril 2017, mais également sa demande d'annulation des opérations de saisie ayant eu lieu le 25 avril 2017 ; que pour déclarer cette intervention irrecevable, le premier président s'est borné à énoncer que la société [...] ne pouvait contester la validité de l'ordonnance du 19 avril 2017 ; qu'en ne recherchant pas si son intervention était recevable en ce qu'elle visait à obtenir l'annulation des opérations de visite et de saisie, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles 31, 122 et 330 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 avril 2017 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil, et d'avoir en conséquence rejeté la demande de Mme R... tendant à la restitution de l'intégralité des pièces et documents lui appartenant qui avaient été saisis lors de la visite domiciliaire autorisée par cette ordonnance ; AUX MOTIFS QUE « sur l'atteinte portée à la présomption d'innocence à laquelle Mme Q... R... a droit, en la déclarant coupable du délit de communication d'information privilégiée à un tiers (X... W...), il convient de noter que le champ d'action de l'AMF doit être relativement étendu à ce stade de l'enquête, étant précisé qu'aucun grief n'est porté à l'encontre des sociétés ou des personnes physiques visées dans l'ordonnance ; que la mission du JLD, lors de la présentation de la requête, était de vérifier si celle-ci était fondée ou pas et non pas d'extrapoler sur une éventuelle saisine de la Commission des Sanctions de l'AMF, décision qui n'est pas de son ressort ; qu'en l'espèce, le JLD était saisi d'indices permettant de soupçonner que l'information relative à la mise à jour par MBWS de son plan stratégique BIG 2018, revoyant à la hausse ses objectifs financiers, communiqués par le Directeur général de MBWS aux administrateurs le 3 novembre 2015, serait susceptible d'être qualifiée d'information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, en ce qu'elle était précise, non publique, avant l'annonce du 23 novembre 2015 après la clôture des marchés et susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des titres MBWS ; que l'autorisation de visite et de saisie accordée visait à vérifier si les indices présentés étaient confortés ou pas par les éléments saisis dans les locaux visités et ce, conformément aux dispositions de l'article L 621-12 du CMF qui précise que : "Pour la recherche des infractions définies aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 et des faits susceptibles d'être qualifiés de délit contre les biens et d'être sanctionnés par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en application de l'article L. 621-15, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter peut, sur demande motivée du secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers, autoriser par ordonnance les enquêteurs de l'autorité à effectuer des visites en tous lieux ainsi qu'à procéder à la saisie de documents et au recueil, dans les conditions et selon les modalités mentionnées aux articles L. 621-10 et L. 621-11, des explications des personnes sollicitées sur place ( ) » ; qu'enfin il convient de noter que le JLD statue en ce domaine selon les règles de la procédure civile ; que dès lors, il est inexact d'affirmer, comme le fait l'appelante, que le juge a porté atteinte à la présomption d'innocence à laquelle Mme Q... R... a droit en la déclarant coupable du délit de communication d'information privilégiée à un tiers ; que cette affirmation relève d'une transposition de notions pénales (présomption d'innocence, déclaration de culpabilité) qui n'ont pas à s'appliquer dans le cadre d'une visite domiciliaire ordonnée en application de l'article L 621-12 du CMF ; qu'enfin le JLD a, dans sa rédaction de l'ordonnance, pris le soin d'indiquer la phrase suivante "attendu que s'ils sont établis, ces faits sont susceptibles de constituer un délit au sens de l'article L.465-1 du code monétaire et financier" ; que s'agissant de l'obligation de notifier l'ordonnance à de nombreux tiers, à commencer par la société MBWS en sa qualité d'occupante des lieux et de la violation de l'article 6§2 de la CESDH, il y a lieu de rappeler que : - l'article L. 621-12 du CMF précité dispose que "l'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant (...)" ; que s'agissant des visites domiciliaires de l'AMF, l'occupant des lieux n'est ni le propriétaire ni le locataire, ni le sous-locataire du local visité mais la personne se trouvant à l'intérieur de ce local au moment de la visite, peu important que cette personne soit un occupant sans droit, ni titre ; que le 25 avril 2017 Mme Q... R... était bien dans les lieux visités, et même si elle ne les a occupés que de manière ponctuelle lors du conseil d'administration de la société MBWS, elle doit être considérée comme étant l'occupant des lieux au sens de l'article L. 621-12 du CMF, car visée par l'ordonnance contestée ; que s'agissant de la société MBWS, elle occupait effectivement les locaux sis à Ivry-Sur-Seine et les enquêteurs ont estimé que les terminaux informatiques qui pouvaient intéresser l'enquête étaient en possession de Mme Q... R... et de M. J... U... ; que dès lors, ils n'ont pas estimé opportun de notifier verbalement l'ordonnance à la société MBWS ; - aucune violation de l'article 6§2 de la CESDH ne peut être relevée dans la mesure où au cas présent, aucune personne physique ou morale n'est accusée et aucune déclaration de culpabilité n'a été formulée à l'encontre de l'appelante ; que ce moyen sera écarté ; Sur l'atteinte à la légitime protection de la vie privée de Mme Q... R..., en autorisant la saisie de ses documents, en dehors des lieux dont elle aurait été l'occupant au sens de l'article L. 621-12 du CMF et la violation des dispositions de l'article 8 de la CESDH, que contrairement aux affirmations de l'appelante, tout raisonnement par analogie avec la procédure pénale est à proscrire, le droit pénal étant d'interprétation stricte ; que de même, la référence à une instruction de l'administration fiscale de 2009, pour définir la notion d'occupant des lieux, dans le cadre d'une visite domiciliaire ordonnée non pas en application de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales mais sur le fondement de l'article 621-12 du CMF, n'est pas pertinente ; qu'en l'espèce, le JLD a relevé que Mme Q... R... était résidente marocaine, de passage en France, pour assister au prochain conseil d'administration de la société MBWS devant se tenir le 25 avril 2017 au siège social de cette société sise [...] et que le seul moyen d'effectuer une visite domiciliaire, était d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à se rendre à ce conseil d'administration et, comme le spécifie l'ordonnance contestée, en tant que besoin, au lieu de résidence temporaire, en France, de Mme Q... R..., tel qu'il sera indiqué par celle-ci lors de la visite au siège social de MBWS ; qu'enfin, l'article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que "il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que le JLD a autorisé la saisie de documents appartenant à l'appelante et susceptibles d'être utiles à la manifestation de la vérité dans les lieux désignés dans l'ordonnance en France, étant précisé que l'appelante est résidente marocaine ; que ce moyen ne saurait être retenu » ; 1°/ ALORS QUE la présomption d'innocence bénéficie à toute personne accusée d'une infraction ; que, non cantonnée à la procédure pénale, elle s'applique à l'ensemble des personnes faisant l'objet de poursuites en vue de sanctions ayant le caractère de punition, et notamment aux personnes suspectées dans le cadre d'une enquête diligentée par l'autorité des marchés financiers ; qu'en jugeant au contraire que le principe de présomption d'innocence n'aurait pas à s'appliquer dans le cadre d'une visite domiciliaire ordonnée en application de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, dès lors qu'en ce domaine le juge des libertés et de la détention statue selon les règles de la procédure civile, le premier président a violé l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 621-12 du code monétaire et financier ; 2°/ ALORS QUE pour démontrer que l'ordonnance du 19 avril 2017 méconnaissait la présomption d'innocence, Mme R... faisait valoir qu'en énonçant que la société [...] détenait « par l'intermédiaire notamment de son Président Directeur Général (Mme Q... R...) » des informations privilégiées qu'elle avait pu utiliser ou transmettre, l'ordonnance du 19 avril 2017 considérait comme acquis que Mme R... avait communiqué à un tiers, la société [...] , des informations privilégiées, ce qui constitue un délit ; que pour juger néanmoins que l'ordonnance ne contiendrait aucune accusation à l'égard de Mme R..., et en conséquence écarter toute atteinte à la présomption d'innocence, le premier président s'est borné à examiner les motifs de l'ordonnance du 19 avril 2017 relatifs aux personnes ayant pu ultérieurement utiliser ou transmettre les informations en cause, que la société [...] était censée avec reçues de Mme R... ; qu'en ne recherchant pas, comme il y était pourtant invité, si le fait que l'ordonnance ait reposé sur le postulat selon lequel Mme R... avait transmis des informations privilégiées à la société [...] ne constituait pas une atteinte à la présomption d'innocence, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ ALORS, AU SURPLUS, QUE la présomption d'innocence se trouve méconnue si, sans établissement de la culpabilité d'une personne, une décision judiciaire la concernant reflète le sentiment qu'elle est coupable ; qu'il peut en aller ainsi même en l'absence de constat formel de culpabilité, une motivation donnant à penser que le juge considère l'intéressé comme coupable suffisant à caractériser une atteinte au principe de présomption d'innocence ; qu'en se fondant pourtant sur le fait que l'ordonnance du 19 avril 2017 ne formulait « aucune déclaration de culpabilité » à l'encontre de Mme R... pour écarter toute méconnaissance de la présomption d'innocence, le premier président a statué par des motifs inopérants, et privé derechef sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ ALORS QUE la saisie de documents électroniques, qui constitue une ingérence de l'autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance, n'est admise que si elle est prévue par un texte ; que l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier permet au juge des libertés et de la détention d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à visiter un lieu et à saisir les documents appartenant aux personnes occupant effectivement ce lieu ; qu'il ne permet en revanche pas d'autoriser les enquêteurs à saisir des documents détenus par des personnes simplement de passage dans le lieu en question lors du déroulement des opérations de visite domiciliaire ; que le premier président a constaté qu'à la date prévue pour la visite domiciliaire du siège social de la société MBWS, Mme R..., résidente marocaine, était simplement « de passage » à ce siège social, pour assister à un conseil d'administration (p. 30 § 8 de l'ordonnance attaquée) ; qu'en jugeant néanmoins que le juge des libertés et de la détention aurait valablement autorisé la saisie de documents appartenant à cette dernière lors de cette visite domiciliaire, le premier président a violé l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier, ensemble l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré régulières les opérations de visite et de saisie effectuées le 25 avril 2017, et d'avoir en conséquence rejeté les demandes de Mme Q... R... tendant à voir ordonner la restitution et la destruction de l'intégralité des pièces et documents saisis et l'annulation de tous les actes pouvant résulter de l'exploitation de ces pièces et documents ; AUX MOTIFS QUE « la lecture du procès-verbal des opérations de visite et de saisie effectuées le 25 avril 2017 concernant les opérations d'extraction et de copie du téléphone portable de Mme Q... R... fait apparaître qu'il a été effectué une copie des données recueillies sur un clef USB intitulée "2015.36-R...-250417-Tel-Or", puis qu'il a été procédé à l'inventaire de la clé USB susvisée, laquelle figure en annexe 1 du procès-verbal ; que par la suite il a été effectué deux copies de la clé USB "2015.36-R...- 250417-Tel-Or", copies intitulées «"2015.36-R...-250417-Tel-C 1" et "2015.36-R...-250417-Tel-C 2" ; qu'en outre il est indiqué : "plaçons la clé USB intitulée "2015.36-R...-250417-Tel-Or"dans une enveloppe fermée sur laquelle nous apposons nos signatures avec Madame D... B... (OPJ) et nous reportons la mention "2015.36-R...-25.04.2017 – Extraction Tel-Original". Cette enveloppe fermée est conservée par Mme Q... R..., qui accepte d'en être le gardien, à charge pour elle, si nécessaire, de la présenter en l'état, en cas de contestation. (...). Enfin la clé USB intitulée "2015.36-R...-250417-Tel-C 2"est remise à Mme Q... R..., afin qu'elle puisse effectuer le tri des correspondances relevant le cas échéant, de la confidentialité client-avocat ; elle nous sera représentée afin de procéder à la revue contradictoire des messages exclus" ; qu'il ressort de ce qui précède que la requérante a eu à sa disposition la clé USB ayant servi à l'extraction (Original) et une autre clé USB, copie de la précédente et ce, afin qu'elle puisse exclure les correspondances relatives à la confidentialité des échanges avocat-client, avant la réunion contradictoire de constitution des scellés fermés définitifs (à laquelle elle aurait pu être, accompagnée, le cas échéant, de son conseil) ; que par ailleurs, elle aurait dû soumettre à notre juridiction les documents qu'elle estimait relever de la protection de sa vie privée ainsi que tout document hors du champ d'application de l'ordonnance ; que force est de constater qu'elle n'a pas souhaité se rendre à la réunion contradictoire précitée et qu'aucun document n'a été soumis à notre analyse, afin qu'il soit procédé à un examen in concreto ; que la pratique des scellés provisoires permet à l'occupante des lieux, d'exclure, de façon contradictoire, les documents litigieux, afin de constituer des scellés fermés définitifs ; que la saisie n'a été ni massive, ni indifférenciée puisque cette possibilité d'exclure les documents litigieux a été offerte à l'appelante ; ( ) qu'il s'agit précisément de la méthode dite du placement sur scellés provisoires qui a été proposée par l'AMF, ainsi qu'il l'a été exposé supra. que l'invitation pour se rendre à la réunion contradictoire destinée à constituer les scellés définitifs, après exclusion des documents litigieux, n'a visiblement pas été honorée, au vu des courriels échangés entre l'AMF et l'appelante (cf. onglet 6 du dossier de plaidoirie) ; que si des désaccords sur la nature des documents étaient apparus à l'occasion de cette réunion, ils auraient été utilement soumis à l'appréciation de notre juridiction ; qu'au cas présent, il a lieu de constater que l'appelante ne produit aucun document susceptible de relever du privilège légal ou hors du champ d'application de l'ordonnance ; que s'agissant des données d'ordre personnel (photos...), elles ont été saisies au égard au caractère insécable d'une messagerie et n'ont aucun intérêt pour les suites de l'enquête de l'AMF et faute d'avoir été restituées, eu égard à l'absence de Mme R... à la réunion contradictoire, la requérante pourra en solliciter la restitution » ; ALORS QU' à l'appui de son recours, Mme R... soutenait que les enquêteurs de l'AMF avaient saisi sur son téléphone portable 184 photographies et de nombreux SMS de nature purement privée (p. 9 § 6 et 7 et p. 10 § 4 de ses conclusions) ; qu'elle produisait, pour le démontrer, des copies d'écran présentant le contenu de la clé USB sur laquelle les données saisies avaient été enregistrées, sous la forme d'une arborescence pour chaque type de données concernées, tout en précisant qu'il n'était pas nécessaire de dresser une liste des documents saisis à tort, puisque tous étaient concernés (p. 11 § 5 et 6 de ses conclusions) ; qu'en affirmant néanmoins que Mme R... n'aurait pas soumis à la juridiction les documents qu'elle estimait saisis à tort afin qu'il soit statué sur leur nature, le premier président a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.
Il résulte des articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux, soit la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée, à l'exclusion des personnes de passage au moment de la visite domiciliaire, ce passage serait-il attendu
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 635 FS-P+B Pourvoi n° Q 18-17.174 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 OCTOBRE 2020 M. E... Y..., domicilié [...] (Maroc), a formé le pourvoi n° Q 18-17.174 contre l'ordonnance n° RG : 17/10465 rendue le 4 avril 2018 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant à l'Autorité des marchés financiers, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. Y..., de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lefeuvre, Bessaud, M. Boutié, Mmes Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 4 avril 2018), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, autorisé des enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers (AMF), en charge d'une enquête ouverte par son secrétaire général portant sur l'information financière et le marché du titre de la société [...] (la société MBWS), à procéder à une visite au siège social de cette société, situé [...] , à l'occasion de la tenue de son prochain conseil d'administration, et à saisir toute pièce ou document susceptible de caractériser la communication et/ou l'utilisation d'une information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, notamment les ordinateurs portables et téléphones mobiles des représentants de la société Diana holding participant à ce conseil d'administration, dont M. Y.... 2. Ces opérations ont été effectuées le 25 avril 2017 et M. Y... a relevé appel de l'ordonnance d'autorisation de visite ainsi qu'exercé un recours contre leur déroulement. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. M. Y... fait grief à l'ordonnance de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et de rejeter sa demande tendant à la restitution de l'intégralité des pièces et documents lui appartenant, qui avaient été saisis lors de la visite domiciliaire autorisée par cette ordonnance, alors « que la saisie de documents électroniques, qui constitue une ingérence de l'autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance, n'est admise que si elle est prévue par un texte ; que l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier permet au juge des libertés et de la détention d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à visiter un lieu et à saisir les documents appartenant aux personnes occupant effectivement ce lieu ; qu'il ne permet en revanche pas d'autoriser les enquêteurs à saisir des documents détenus par des personnes simplement de passage dans le lieu en question lors du déroulement des opérations de visite domiciliaire ; que le premier président a constaté qu'à la date prévue pour la visite domiciliaire du siège social de la société MBWS, M. Y..., résident marocain, était simplement "de passage" à ce siège social, pour assister à un conseil d'administration ; qu'en jugeant néanmoins que le juge des libertés et de la détention aurait valablement autorisé la saisie de documents appartenant à ce dernier lors de cette visite domiciliaire, le premier président a violé l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 4. Selon le second de ces textes, l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance que constitue la saisie de données électroniques n'est tolérée que si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime et est nécessaire, dans une société démocratique, pour atteindre ce but. 5. Selon le premier de ces textes, qui prévoit la possibilité, pour le juge des libertés et de la détention, d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à effectuer des visites en tous lieux et à procéder à la saisie de documents pour la recherche des infractions définies aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du code monétaire et financier et des faits susceptibles d'être qualifiés de délit contre les biens et d'être sanctionnés par la commission des sanctions de l'AMF en application de l'article L. 621-15 du même code, l'occupant des lieux ou son représentant peut seul, avec les enquêteurs de l'Autorité et l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations, prendre connaissance des pièces avant leur saisie, signer le procès-verbal et l'inventaire, et c'est à l'occupant des lieux ou à son représentant que sont restitués les pièces et documents qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité. 6. Il en résulte que seuls sont saisissables les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux, soit la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée, à l'exclusion des personnes de passage au moment de la visite domiciliaire, ce passage fût-il attendu. 7. Pour confirmer l'autorisation de saisie des documents appartenant à M. Y..., l'ordonnance, après avoir énoncé que l'occupant des lieux n'est ni le propriétaire, ni le locataire, ni le sous-locataire du local visité mais la personne se trouvant à l'intérieur de ce local au moment de la visite, peu important que cette personne soit un occupant sans droit ni titre, relève que M. Y... était présent dans les lieux visités, et retient que, même si il ne les a occupés que de manière ponctuelle lors du conseil d'administration de la société MBWS, il doit être considéré comme étant l'occupant des lieux au sens de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, car visé par l'ordonnance contestée. 8. En statuant ainsi, alors que la simple présence de M. Y... au siège social de cette société le jour de la visite ne lui conférait pas la qualité d'occupant des lieux au sens de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. En application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif qui déclare régulières les opérations de visite et de saisie effectuées le 25 avril 2017, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 4 avril 2018, entre les parties, par le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris ; Condamne l'Autorité des marchés financiers aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Autorité des marchés financiers et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. Y.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 avril 2017 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil, et d'avoir en conséquence rejeté la demande de M. E... Y... tendant à la restitution de l'intégralité des pièces et documents lui appartenant qui avaient été saisis lors de la visite domiciliaire autorisée par cette ordonnance ; AUX MOTIFS QU' « sur l'atteinte à la légitime protection de la vie privée de M. E... Y..., l'article L. 621-12 du CMF ( ) dispose que "l'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant (...)" ; que s'agissant des visites domiciliaires de l'AMF, l'occupant des lieux n'est ni le propriétaire ni le locataire, ni le sous-locataire du local visité mais la personne se trouvant à l'intérieur de ce local au moment de la visite, peu important que cette personne soit un occupant sans droit, ni titre ; que le 25 avril 2017 M. E... Y... était bien dans les lieux visités, et même s'il ne les a occupés que de manière ponctuelle lors du conseil d'administration de la société MBWS, il doit être considéré comme étant l'occupant des lieux au sens de l'article L. 621-12 du CMF, car visé par l'ordonnance contestée ; que par ailleurs, aucune violation de l'article 6§2 de la CESDH ne peut être relevée dans la mesure où au cas présent, aucune personne physique ou morale n'est accusée et aucune déclaration de culpabilité n'a été formulée à l'encontre de l'appelant ; qu'en l'espèce, le JLD a relevé que M. E... Y... était résident marocain, de passage en France, pour assister au prochain conseil d'administration de la société MBWS devant se tenir le 25 avril 2017 au siège social de cette société, sise [...] , et que le seul moyen d'effectuer une visite domiciliaire était d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à se rendre à ce conseil d'administration et, comme le spécifie l'ordonnance contestée, en tant que besoin, au lieu de résidence temporaire, en France, de M. E... Y..., tel qu'il sera indiqué par celui-ci lors de la visite au siège social de MBWS ; qu'enfin, l'article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que "il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que le JLD a autorisé la saisie de documents appartenant à l'appelant et susceptibles d'être utiles à la manifestation de la vérité dans les lieux désignés dans l'ordonnance en France, étant précisé que l'appelant est résident marocain ; que ce moyen ne saurait être retenu » ; ALORS QUE la saisie de documents électroniques, qui constitue une ingérence de l'autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance, n'est admise que si elle est prévue par un texte ; que l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier permet au juge des libertés et de la détention d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à visiter un lieu et à saisir les documents appartenant aux personnes occupant effectivement ce lieu ; qu'il ne permet en revanche pas d'autoriser les enquêteurs à saisir des documents détenus par des personnes simplement de passage dans le lieu en question lors du déroulement des opérations de visite domiciliaire ; que le premier président a constaté qu'à la date prévue pour la visite domiciliaire du siège social de la société MBWS, M. Y..., résident marocain, était simplement « de passage » à ce siège social, pour assister à un conseil d'administration (p. 18 dernier § de l'ordonnance attaquée) ; qu'en jugeant néanmoins que le juge des libertés et de la détention aurait valablement autorisé la saisie de documents appartenant à ce dernier lors de cette visite domiciliaire, le premier président a violé l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier, ensemble l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré régulières les opérations de visite et de saisie effectuées le 25 avril 2017, et d'avoir en conséquence rejeté les demandes de M. E... Y... tendant à voir ordonner la restitution et la destruction de l'intégralité des pièces et documents saisis et l'annulation de tous les actes pouvant résulter de l'exploitation de ces pièces et documents ; AUX MOTIFS QUE « la lecture du procès-verbal des opérations de visite et de saisie effectuées le 25 avril 2017 concernant les opérations d' extraction et de copie du téléphone portable de M. E... Y... fait apparaître qu'il a été effectué une copie des données recueillies sur un clef USB intitulée "2015.36-Y... -250417-Tel-Or", puis, qu'il a été procédé à l'inventaire de la clé USB susvisée, laquelle figure en annexe 1 du procès-verbal ; que, par la suite, il a été effectué trois copies de la clé USB "2015.36-Y...-250417-Tel-Or", copies intitulées "2015.36-Y...- 250417-Tel-C 1"et "2015.36-Y...-250417-Tel-C 2" ; qu'en outre il est indiqué : "plaçons la clé USB intitulée "2015.36-Y...-250417-Tel-Or" dans une enveloppe fermée sur laquelle nous apposons nos signatures avec Madame U... B... (OPJ) et nous reportons la mention "2015.36-Y...-25.04.2017 – Extraction Tel-Original" ; que cette enveloppe fermée est conservée par M. E... Y..., qui accepte d'en être le gardien, à charge pour lui, si nécessaire, de la présenter en l'état, en cas de contestation (...). Enfin la clé USB intitulée "2015.36-Y...-250417-Tel-C 2"est remise à M. E... Y... pour information" ; qu'il ressort de ce qui précède que le requérant a eu à sa disposition la clé USB ayant servi à l'extraction (Original) et une autre clé USB, copie de la précédente, et ce, afin qu'il puisse identifier tout document saisi protégé par le privilège légal ou relatif à la protection de sa vie privée ou hors du champ d'application de l'ordonnance ; qu'ainsi, il aurait dû soumettre à l'appréciation de notre juridiction les documents qu'il estimait avoir été saisis à tort ; que s'agissant de la messagerie [...], il a été procédé, à l'aide de mots clés se rattachant au champ d'application de l'ordonnance, à une discrimination pour extraire quatre courriels paraissant intéresser l'enquête ; que concernant les messageries [...] et [...], aucun courriel n'a été saisi, aucun courriel, après sondage, ne paraissant intéresser l'enquête ; que dès lors, force est de constater que la saisie n'a été ni massive, ni indifférenciée ; qu'en tout état de cause, il appartenait au requérant d'établir une liste des éléments saisis d'ordre personnel notamment et de nous les soumettre lors de l'audience afin qu'il puisse être statué sur la nature de ces documents ; qu'en conséquence, nous ne pouvons pas apprécier in concreto ces éventuels éléments ; que dans l'hypothèse où des données d'ordre personnel (photos...), auraient été saisies au égard au caractère insécable d'une messagerie, elles n'ont aucun intérêt pour la suite de l'enquête de l'AMF et le requérant pourra en solliciter la restitution » ; 1°/ ALORS QUE les saisies opérées dans le cadre d'une visite domiciliaire ne sont régulières que si les pièces appréhendées se rapportent, au moins en partie, aux agissements visés par l'autorisation de visite ; que l'exposant faisait valoir que la saisie, faite « à l'aveugle » par les enquêteurs de l'AMF, de manière massive et indifférenciée, de tout le contenu de son téléphone portable était irrégulière dès lors que les données contenues dans ce téléphone étaient exclusivement des photographies, des SMS, des morceaux de musique et des vidéos de nature purement privée et ne présentant aucun lien avec l'enquête ; que pour juger que la saisie n'aurait pas porté massivement et de manière indifférenciée sur des documents privés, le premier président s'est néanmoins borné à relever que les messageries électroniques de M. Y... avaient fait l'objet d'une sélection à l'aide de mots clés et que les enquêteurs n'y avaient saisi que quatre courriels paraissant intéresser l'enquête ; qu'en ne recherchant pas, comme il y était pourtant invité, si l'extraction et la copie des autres données contenues dans le téléphone portable de M. Y... (photographies, SMS, morceaux de musique et vidéos), qui avait été faite avant cette fouille à distance des messageries électroniques n'était pas, pour sa part, irrégulière, le premier président a privé sa décision de base légale, au regard de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ ALORS QU' à l'appui de son recours, M. Y... soutenait que les enquêteurs de l'AMF avaient saisi, sur son téléphone portable, 19 689 photos, 234 morceaux de musique et 1 034 vidéos photos qui étaient tous d'ordre purement privé et sans lien avec l'objet de la visite autorisée (p. 6 deux derniers § et p. 7 § 7 § 1 et 2 de ses conclusions) ; qu'il produisait, pour le démontrer, des copies d'écran présentant le contenu de la clé USB sur laquelle les données saisies avaient été enregistrées, sous la forme d'une arborescence pour chaque type de données concernées, tout en précisant qu'il ne pouvait dresser une liste désignant les documents saisis à tort, puisque tous étaient concernés (p. 9 § 2 et 3 de ses conclusions) ; qu'en affirmant néanmoins que M. Y... n'aurait pas soumis à la juridiction les documents qu'il estimait saisis à tort afin qu'il soit statué sur leur nature, le premier président a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.
Il résulte des articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux, soit la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée, à l'exclusion des personnes de passage au moment de la visite domiciliaire, ce passage serait-il attendu
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Cassation Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 871 F-P+B Pourvoi n° A 18-15.229 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. C.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 13 juillet 2018. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 OCTOBRE 2020 La société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 18-15.229 contre l'arrêt rendu le 16 février 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre), dans le litige l'opposant à M. D... C..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Richard, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société [...], de Me Laurent Goldman, avocat de M. C..., après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Richard, conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 février 2018), M. C..., employé depuis le 5 janvier 2009 par la société [...] en qualité d'ouvrier peintre et placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er novembre 2016, a été déclaré inapte à tout poste par le médecin du travail. 2. Par ordonnance de référé du 11 août 2017, la juridiction prud'homale a débouté l'employeur de sa demande aux fins d'expertise médicale fondée sur les dispositions de l'article L. 4624-7 du code du travail, alors applicable, et a débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure dilatoire. 3. La société a relevé appel de cette ordonnance selon déclaration d'appel du 5 septembre 2017 rédigée comme suit : « Objet de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à Monsieur D... C.... » La cour d'appel a déclaré l'appel irrecevable. Examen du moyen 4. Il est statué sur ce moyen après avis de la deuxième chambre civile, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile. Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors : « 1° / que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en déclarant irrecevable l'appel de la société [...] en ce que la déclaration d'appel avait été rédigée comme suit : « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C... », de sorte que l'appel était partiel dans la mesure où il visait expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, ce qui ne correspondait pas à un chef de la décision, quand le visa des motifs de la décision attaquée ne pouvait permettre d'assimiler l'appel, mentionné comme étant total, à un appel limité, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ; 2°/ que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en se déterminant de la sorte, quand en outre le visa, dans la déclaration d'appel, des motifs de la décision attaquée par lesquels le premier juge avait justifié le rejet des demandes renvoyait nécessairement au chef ayant ainsi rejeté ces demandes, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ; 3°/ que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en toute hypothèse, en déclarant irrecevable l'appel de la société [...] en ce que la déclaration d'appel avait été rédigée comme suit : « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C... », de sorte que l'appel était partiel dans la mesure où il visait expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, ce qui ne correspondait pas à un chef de la décision, quand il ne pouvait en résulter que la nullité de la déclaration d'appel et non pas l'irrecevabilité de l'appel, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ; 4°/ que l'irrégularité de la déclaration d'appel est une irrégularité de forme, laquelle ne peut être sanctionnée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief qu'elle lui cause ; qu'au demeurant, en se déterminant de la sorte, sans en tout état de cause relever l'existence d'un grief subi par M. C..., la cour d'appel a violé l'article 114 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 901-4 ° du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : 6. Selon ce texte, la déclaration d'appel est faite par un acte contenant à peine de nullité les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 7. Selon les trois avis de la Cour de cassation du 20 décembre 2017 (Avis de la Cour de cassation, 20 décembre 2017, n° 17-70.034, n° 17-70.035 et n° 17-70.036 ; Bull. 2017, Avis, n° 12), la sanction attachée à la déclaration d'appel formée à compter du 1er septembre 2017 portant comme objet "appel total", sans viser expressément les chefs du jugement critiqués lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, est une nullité pour vice de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile. 8. En outre, deux des avis précités (n° 17-70.035 et n° 17-70.036) précisent qu'il ne résulte de l'article 562, alinéa 1, du code de procédure civile, qui dispose que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, aucune fin de non-recevoir. 9. Il en résulte, d'une part, que la déclaration d'appel ne peut être limitée que par la mention des chefs du dispositif du jugement attaqué et, d'autre part, qu'en l'absence de cette mention, lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, la déclaration d'appel encourt la nullité, à l'exclusion de toute irrecevabilité. 10. Pour déclarer l'appel de l'employeur irrecevable, l'arrêt retient que la déclaration d'appel ne saurait être considérée comme valant appel total dans la mesure où elle vise expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande et que cet appel partiel, qui ne vise qu'une motivation et ne porte sur aucun chef de décision, est irrecevable. 11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la déclaration d'appel ne visait que les motifs du jugement, de sorte qu'elle était irrégulière et encourait, comme telle, la nullité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne M. C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour la société [...] Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel de la société [...] ; AUX MOTIFS QU'en droit, l'article 901, 4° du code de procédure civile dispose que la déclaration d'appel est faite par acte contenant notamment, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en l'espèce, la déclaration d'appel est rédigée comme suit ; « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C.... » ; que cet appel ne saurait être considéré comme un appel total dans la mesure où il vise expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, soit l'objectif caché de l'employeur de se dispenser du paiement de l'indemnité de licenciement ; que le recours doit, par conséquent, nécessairement être considéré comme un appel partiel ; qu'or cet appel partiel ne peut viser qu'un chef de décision, et non une motivation ; qu'en l'espèce, la formulation de l'appel indique expressément que la décision doit être réformée en ce qu'elle estime que la procédure mise en place par l'employeur est destinée à éviter une condamnation à paiement ; qu'une telle mention ne constitue pas un chef de la décision dont il est possible d'interjeter appel, mais une simple motivation ; qu'il s'ensuit que l'appel, ne portant sur aucun chef de décision, et ne pouvant être considéré comme un appel total, est irrecevable (v. arrêt, p. 4) ; 1°) ALORS QUE la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en déclarant irrecevable l'appel de la société [...] en ce que la déclaration d'appel avait été rédigée comme suit : « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C... », de sorte que l'appel était partiel dans la mesure où il visait expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, ce qui ne correspondait pas à un chef de la décision, quand le visa des motifs de la décision attaquée ne pouvait permettre d'assimiler l'appel, mentionné comme étant total, à un appel limité, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en se déterminant de la sorte, quand en outre le visa, dans la déclaration d'appel, des motifs de la décision attaquée par lesquels le premier juge avait justifié le rejet des demandes renvoyait nécessairement au chef ayant ainsi rejeté ces demandes, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en toute hypothèse, en déclarant irrecevable l'appel de la société [...] en ce que la déclaration d'appel avait été rédigée comme suit : « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C... », de sorte que l'appel était partiel dans la mesure où il visait expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, ce qui ne correspondait pas à un chef de la décision, quand il ne pouvait en résulter que la nullité de la déclaration d'appel et non pas l'irrecevabilité de l'appel, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE l'irrégularité de la déclaration d'appel est une irrégularité de forme, laquelle ne peut être sanctionnée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief qu'elle lui cause ; qu'au demeurant, en se déterminant de la sorte, sans en tout état de cause relever l'existence d'un grief subi par M. C..., la cour d'appel a violé l'article 114 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l'article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel ne peut être limité que par la mention dans la déclaration d'appel des chefs du dispositif du jugement attaqué. En l'absence de cette mention, lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, la déclaration d'appel encourt la nullité. Encourt dès lors la cassation, l'arrêt qui retient que la déclaration d'appel qui vise un extrait de la motivation de la décision est un appel partiel qui doit être déclaré irrecevable
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SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 896 F-P+B Pourvoi n° K 19-12.275 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 OCTOBRE 2020 La société Smartfocus, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Emailvision, a formé le pourvoi n° K 19-12.275 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. T... A..., domicilié [...] , 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. M. A... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Smartfocus, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. A..., après débats en l'audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 2018), M. A... a été engagé, le 30 mars 2009, par la société Emailvision, devenue la société Smartfocus France, en qualité d'ingénieur commercial. Il y exerçait, en 2011, les fonctions de directeur commercial. 2. Au mois d'avril 2011, il a occupé, au Canada, un poste de directeur commercial, puis a été engagé, au début de l'année 2012, par la société filiale de droit américain Emailvision Inc., comme directeur commercial. Il a été licencié par cette dernière par lettre du 15 avril 2013. 3. La société Smartfocus France a proposé au salarié de le réintégrer en son sein, en France, à un poste de responsable des ventes, à compter du 1er mai 2013. 4. Elle a licencié celui-ci, pour faute grave, par lettre du 16 août 2013, en lui reprochant, en particulier, un abandon de poste. Examen des moyens Sur les deux moyens du pourvoi principal et sur le quatrième moyen du pourvoi incident, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, qui est recevable comme né de la décision attaquée Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter les condamnations de la société Smartfocus France à certains montants à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, de droits à congés payés afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que les indemnités de rupture auxquelles peut prétendre le salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à la disposition d'une filiale étrangère, au titre de son licenciement prononcé par la société mère après que la filiale a mis fin à son détachement, doivent être calculées par référence aux salaires perçus par le salarié dans son dernier emploi ; que M. A... ayant travaillé en dernier lieu au sein de la filiale américaine, le montant des indemnités de préavis, de congés payés afférents au préavis, de licenciement, mais également les dommages et intérêts dus au titre du caractère injustifié du licenciement devait être déterminé sur la base du salaire d'expatriation ; qu'en retenant pour accorder à M. A... les sommes de 71 070 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 35 535 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 3 553 euros au titre des congés payés afférents et de 17 767 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, que le salaire moyen devant être retenu n'était pas celui perçu aux Etats-Unis, mais le salaire antérieur à son détachement, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-5 du code du travail ». Réponse de la Cour Vu l'article L. 1231-5 du code du travail : 7. Aux termes de ce texte, lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein. 8. Il en résulte que lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi. 9. Pour condamner la société Smartfocus France au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient comme salaire de référence non pas le salaire moyen perçu aux États-Unis, mais celui antérieur à la période de détachement. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident, réunis Enoncé des moyens 11. Par son deuxième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et de droits à congés payés afférents pour la période allant du mois d'avril au mois d'août 2013, alors « que la cour d'appel a constaté que la société mère n'avait pas réintégré M. A... au terme de son expatriation en avril 2013, faute de lui avoir proposé un emploi conforme aux exigences de l'article L. 1231-5 du code du travail ; qu'en déboutant néanmoins le salarié de sa demande de paiement des salaires dus entre cette date et son licenciement en août 2013 au motif qu'il aurait refusé le poste proposé et n'aurait pas travaillé, quand cette situation n'était imputable qu'à son employeur qui, faute d'avoir respecté ses obligations légales, avait rendu impossible l'exécution d'une prestation de travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article susvisé. » 12. Par son troisième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser à la société Smartfocus France une certaine somme représentant le montant de l'avantage logement devenu sans cause, alors « que la cour d'appel a constaté que la société mère n'avait pas réintégré M. A... au terme de son expatriation en avril 2013, faute de lui avoir proposé un emploi conforme aux exigences de l'article L. 1231-5 du code du travail ; qu'en retenant, pour condamner le salarié à rembourser à son employeur les loyers du logement de fonction qu'il avait occupé entre la fin de son expatriation et son licenciement, qu'il ne pouvait bénéficier d'un tel avantage en contrepartie d'un emploi qu'il n'avait pas occupé, quand il ressortait de ses propres constatations que cette situation n'était imputable qu'à la société mère qui, faute d'avoir respecté ses obligations légales, avait rendu impossible l'exécution d'une prestation de travail, la cour d'appel a violé l'article susvisé. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1231-5 du code du travail : 13. Selon ce texte, lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein. 14. Il en résulte que, en l'absence d'offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l'importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, cette dernière est tenue, jusqu'à la rupture du contrat de travail la liant au salarié, au paiement des salaires et des accessoires de rémunération du dernier emploi, dès lors que le salarié s'est tenu à la disposition de l'employeur. 15. Pour débouter le salarié de ses demandes de paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire et de droits à congés payés afférents pour la période d'avril à août 2013, ainsi que le condamner à rembourser à la société Smartfocus France une certaine somme représentant le montant de l'avantage logement, l'arrêt retient que le salarié n'a jamais rejoint le poste proposé par cette société ni exécuté la moindre prestation de travail en sorte qu'il ne peut ni prétendre au salaire correspondant à l'emploi qu'il n'a jamais occupé ni bénéficier des avantages qui y sont attachés. 16. En statuant ainsi après avoir constaté que l'offre de réintégration proposée par l'employeur n'était pas compatible avec l'importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Smarfocus France à payer à M. A... les sommes de 71 070 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 35 535 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 3 553 euros au titre des droits à congés payés afférents, de 17 767 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de condamnation de cette société au paiement des sommes de 19 560 euros à titre de rappel de salaire et de 1 956 euros au titre des droits à congés payés afférents, ainsi qu'il condamne le salarié au paiement de la somme de 15 677,42 euros au titre de l'avantage-logement indu, l'arrêt rendu le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société Smartfocus aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Smartfocus et la condamne à payer à M. A... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Smartfocus PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur A... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société SMARTFOCUS France à lui payer les sommes de 71.070 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 35.535 € d'indemnité compensatrice de préavis, 3.553 € au titre des congés payés y afférents et 17.767 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'AVOIR condamné la société SMARTFOCUS à rembourser au pôle emploi les indemnités de chômage versées éventuellement à Monsieur A... dans la limite de trois mois ; AUX MOTIFS QUE « sur la contestation du bien-fondé du licenciement : que la faute grave s'entend d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation de ses obligations contractuelles d'une importance telle que cela rend impossible son maintien dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 16 août 2013 reproche à M. A... de ne pas avoir rejoint son nouveau poste de travail à Paris après la suppression de celui auquel il était affecté aux Etats-Unis, de s'être montré agressif dans sa réponse à la lettre de son employeur lui demandant de préciser ses intentions et d'avoir diffamé le responsable des ressources humaines auprès du président du groupe Smartfocus ; que pour contester le bien-fondé de ce licenciement, le salarié soutient essentiellement que son employeur n'a pas satisfait à l'obligation de réintégration prévue à L. 1231-5 du code du travail, faute de lui avoir procuré un emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions ; que, selon lui, la proposition de "Sales Executive" à Paris, à compter du 1er mai 2013 ne constituait pas une offre sérieuse de réintégration, ses fonctions et la rémunération qui y était attachée étant très inférieures à ce qu'il pouvait prétendre; que le salarié ajoute que cette proposition, ne contenant aucune description du poste de travail, était beaucoup trop imprécise pour satisfaire aux exigences de l'article L. 1231-5 ; que la société Smartfocus France prétendait au contraire que cette proposition constituait une offre satisfaisante au sens de l'article L. 1231-5 qui l'oblige seulement à procurer au salarié rapatrié un emploi compatible avec l'importance des fonctions exercées avant le détachement à l'étranger, même s'il est inférieur à celui occupé à l'étranger ; qu'elle estime en effet que le poste de "Sales Executive" offert au titre de son obligation de réintégration ne diffère pas de celui que M. A... occupait en France avant son départ-au Canada ; que toutefois, si le coefficient hiérarchique est bien le même que celui dont il bénéficiait avant l'expatriation et si sa rémunération apparaît plus avantageuse, les fonctions promises sont nettement moins élevées que celles atteintes en France par M. A... qui exerçait déjà, en 2011, les fonctions de directeur commercial ; que dans ces conditions, M. A... n'a commis aucune faute en refusant de rejoindre un poste de travail inférieur à celui auquel il pouvait prétendre en exécution de l'obligation prévue à l'article L. 1231-5 du code du travail ; que la société Smartfocus France laissait aussi entendre qu'en acceptant que l'entreprise finance son rapatriement et lui offre un logement, M. A... avait nécessairement accepté la réintégration qui lui était proposée mais l'obligation de rapatriement peut être accomplie sans pour autant que l'obligation de réintégration le soit ; qu'en l'espèce, dans le mail du 18.juin 2013, M. A... exprime clairement son refus d'un reclassement au poste de "Sales Executive" ; que les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement se bornent à reprocher à M. A... la véhémence de ses protestations et un dénigrement du directeur des ressources humaines alors qu'il faisait part à la direction de son désaccord sur les conditions de sa réintégration dans des termes fermes mais n'excédant pas son droit de critique ; que ces reproches sont donc également insuffisants à caractériser une faute grave et même une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'une telle faute et leur jugement sera infirmé ; sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse : qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, étant employé au moment de la rupture dans une entreprise d'au moins 11 salariés et bénéficiant d'une ancienneté supérieure à deux années, le salarié est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'en l'espèce, compte tenu de l'âge du salarié au moment de la rupture, de ses charges de famille et de son ancienneté mais aussi du fait qu'il a pu retrouver rapidement un emploi, cette indemnité ne dépassera pas 6 mois de salaire, le salaire moyen n'étant pas celui perçu aux Etats-Unis mais le salaire antérieur à son détachement s'élevant à la somme de 11 845 ; que la société Smartfocus France sera donc condamnée à payer à M. A... la somme de 71 070 à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en application de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par la société à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié licencié, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ; qu'il sera alloué au salarié une indemnité conventionnelle égale à 17 767 € et une indemnité compensatrice de préavis de 35 535 € à laquelle s'ajoute 3 553 € de congés payés » ; 1°) ALORS QU' il ressortait aussi bien de la lettre de licenciement, des écritures d'appel de Monsieur A... et des constatations du conseil de prud'hommes que Monsieur A... avait démissionné de la société EMAILVISION le 26 avril 2011, ce qui avait donné lieu à une remise des documents de fin de contrat ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cet élément constant aux débats, repris par les premiers juges dans leur décision, qui était de nature à écarter l'application des dispositions de l'article L.1231-5 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de ce texte dans sa rédaction applicable en la cause ; 2°) ALORS, EN OUTRE, QU'en faisant application des dispositions de l'article L.1231-5 du code du travail sans elle-même vérifier si la société EMAILVISION était bien la société mère des sociétés de droits canadien et américain EMAILVISION INC., la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsqu'un salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à la disposition d'une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail, est licencié par cette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère, ledit poste n'ayant pas à être identique mais seulement compatible avec celui précédemment occupé ; qu'en l'espèce, pour accueillir les demandes de Monsieur A... tendant à la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a constaté qu'un poste de Sales Executive avait bien été proposé à Monsieur A... pour permettre sa réintégration au sein de la société SMARTFOCUS, mais a relevé que, « si le coefficient hiérarchique est bien le même que celui dont il bénéficiait avant l'expatriation et si sa rémunération apparaît plus avantageuse, les fonctions promises sont nettement moins élevées que celles atteintes en France par Monsieur A... qui exerçait déjà en 2011 les fonctions de directeur commercial » ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le coefficient hiérarchique des deux postes était le même et que la rémunération du nouveau poste était supérieure, ce dont il se déduisait que le second poste était compatible avec l'importance du précédent poste occupé au sein de la société SMARTFOCUS, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et, exigeant en réalité un poste identique à l'ancien et non pas simplement compatible avec l'importance de ce dernier, a violé l'article L. 1231-5 du Code du travail ; 4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE, pour accueillir les demandes de Monsieur A... tendant à ce que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a constaté qu'un poste de « Sales Executive » avait bien été proposé à Monsieur A... pour permettre sa réintégration au sein de la société SMARTFOCUS, mais s'est contentée de relever que, « si le coefficient hiérarchique est bien le même que celui dont il bénéficiait avant l'expatriation et si sa rémunération apparaît plus avantageuse, les fonctions promises sont nettement moins élevées que celles atteintes en France par Monsieur A... qui exerçait déjà en 2011 les fonctions de directeur commercial » ; qu'en statuant ainsi par une affirmation péremptoire selon laquelle le nouveau poste serait « nettement moins élevé » que son précédent poste au sein de la société SMARTFOCUS, sans ni définir l'ancien poste et le nouveau poste et leur importance, ni préciser en quoi les fonctions de Sales Executive n'étaient pas compatibles avec l'importance de ses précédentes fonctions de directeur commercial, bien que leur coefficient hiérarchique soit le même et que la rémunération du nouveau poste soit même supérieure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-5 du Code du travail ; 5°) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE les juges du fond doivent motiver leurs décisions en précisant les pièces sur lesquelles ils se fondent, ce qui est encore plus indispensable lorsqu'ils statuent en application de l'article 472 du Code de procédure civile pour permettre à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé par voie de simple affirmation que les fonctions promises à Monsieur A... en vue de sa réintégration étaient « nettement moins élevées que celles atteintes en France » par ce dernier ; qu'en statuant ainsi par voie de simple affirmation, sans préciser, ni analyser sommairement les pièces sur lesquelles elle fondait sa conviction, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile ; 6°) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE les juges du fond doivent motiver leurs décisions, ce qui leur impose notamment de préciser les pièces sur lesquelles ils se fondent sans pouvoir se contenter de statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « la lettre de licenciement du 16 août 2013 reproche à Monsieur A... de ne pas avoir rejoint son nouveau poste de travail à Paris après la suppression de celui auquel il était affecté aux États-Unis, de s'être montré agressif dans sa réponse à la lettre de son employeur lui demandant de préciser ses intentions et d'avoir diffamé le responsable des ressources humaines auprès du président du président du groupe SMARTFOCUS » ; qu'en écartant ces deux derniers griefs au seul motif que Monsieur A... aurait fait « part à la direction de son désaccord sur les conditions de sa réintégration dans des termes fermes, mais n'excédant pas son droit de critique », sans préciser les pièces sur lesquelles elle se fondait et en se contentant ainsi d'une simple affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile, ensemble l'article 472 du Code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur A... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société SMARTFOCUS France à lui payer les sommes de 71.070 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 35.535 € d'indemnité compensatrice de préavis, 3.553 € au titre des congés payés y afférents et 17.767 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'AVOIR condamné la société SMARTFOCUS à rembourser au pôle emploi les indemnités de chômage versées éventuellement à Monsieur A... dans la limite de trois mois, et d'AVOIR condamné la société SMARTFOCUS à verser à Monsieur A... 32.600 € d'indemnité pour manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail ; AUX MOTIFS QUE « sur la contestation du bien-fondé du licenciement : que la faute grave s'entend d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation de ses obligations contractuelles d'une importance telle que cela rend impossible son maintien dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 16 août 2013 reproche à M. A... de ne pas avoir rejoint son nouveau poste de travail à Paris après la suppression de celui auquel il était affecté aux Etats-Unis, de s'être montré agressif dans sa réponse à la lettre de son employeur lui demandant de préciser ses intentions et d'avoir diffamé le responsable des ressources humaines auprès du président du groupe Smartfocus ; que pour contester le bien-fondé de ce licenciement, le salarié soutient essentiellement que son employeur n'a pas satisfait à l'obligation de réintégration prévue à L. 1231-5 du code du travail, faute de lui avoir procuré un emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions ; que, selon lui, la proposition de "Sales Executive" à Paris, à compter du 1er mai 2013 ne constituait pas une offre sérieuse de réintégration, ses fonctions et la rémunération qui y était attachée étant très inférieures à ce qu'il pouvait prétendre; que le salarié ajoute que cette proposition, ne contenant aucune description du poste de travail, était beaucoup trop imprécise pour satisfaire aux exigences de l'article L. 1231-5 ; que la société Smartfocus France prétendait au contraire que cette proposition constituait une offre satisfaisante au sens de l'article L. 1231-5 qui l'oblige seulement à procurer au salarié rapatrié un emploi compatible avec l'importance des fonctions exercées avant le détachement à l'étranger, même s'il est inférieur à celui occupé à l'étranger ; qu'elle estime en effet que le poste de "Sales Executive" offert au titre de son obligation de réintégration ne diffère pas de celui que M. A... occupait en France avant son départ-au Canada ; que toutefois, si le coefficient hiérarchique est bien le même que celui dont il bénéficiait avant l'expatriation et si sa rémunération apparaît plus avantageuse, les fonctions promises sont nettement moins élevées que celles atteintes en France par M. A... qui exerçait déjà, en 2011, les fonctions de directeur commercial ; que dans ces conditions, M. A... n'a commis aucune faute en refusant de rejoindre un poste de travail inférieur à celui auquel il pouvait prétendre en exécution de l'obligation prévue à l'article L. 1231-5 du code du travail ; que la société Smartfocus France laissait aussi entendre qu'en acceptant que l'entreprise finance son rapatriement et lui offre un logement, M. A... avait nécessairement accepté la réintégration qui lui était proposée mais l'obligation de rapatriement peut être accomplie sans pour autant que l'obligation de réintégration le soit ; qu'en l'espèce, dans le mail du 18.juin 2013, M. A... exprime clairement son refus d'un reclassement au poste de "Sales Executive" ; que les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement se bornent à reprocher à M. A... la véhémence de ses protestations et un dénigrement du directeur des ressources humaines alors qu'il faisait part à la direction de son désaccord sur les conditions de sa réintégration dans des termes fermes mais n'excédant pas son droit de critique ; que ces reproches sont donc également insuffisants à caractériser une faute grave et même une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'une telle faute et leur jugement sera infirmé ; sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse : qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, étant employé au moment de la rupture dans une entreprise d'au moins 11 salariés et bénéficiant d'une ancienneté supérieure à deux années, le salarié est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'en l'espèce, compte tenu de l'âge du salarié au moment de la rupture, de ses charges de famille et de son ancienneté mais aussi du fait qu'il a pu retrouver rapidement un emploi, cette indemnité ne dépassera pas 6 mois de salaire, le salaire moyen n'étant pas celui perçu aux Etats-Unis mais le salaire antérieur à son détachement s'élevant à la somme de 11 845 ; que la société Smartfocus France sera donc condamnée à payer à M. A... la somme de 71 070 à titre de dommagesintérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en application de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par la société à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié licencié, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ; qu'il sera alloué au salarié une indemnité conventionnelle égale à 17 767 € et une indemnité compensatrice de préavis de 35 535 € à laquelle s'ajoute 3 553 € de congés payés » ; ET AUX MOTIFS QUE « le salarié demande aussi la confirmation de la décision ayant reconnu le caractère déloyal de l'exécution de son contrat de travail par la société SMARTFOCUS France qui n'a de toute façon formé aucun appel incident en temps utile » ; ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « la société a manqué de réactivité comme le prouvent les emails en février et mars 2013 pour éclaircir la situation de Monsieur A... ; que le poste de commercial proposé par la direction à Monsieur A... pour sa réintégration se situait deux échelons en dessous de ses fonctions exercées à New-York ; que la société ne démontre pas ne pas avoir d'autres postes à proposer à Monsieur A... en France ou dans ses filiales étrangères ; que la société n'a pas informé Monsieur A... du plan de sauvegarde de l'emploi contenant un volet de départs volontaires ; que la société SMARTFOCUS n'a pas répondu aux demandes de descriptions détaillée du poste proposé ; Le conseil juge que la société a manqué à son obligation de loyauté et condamne la société SMARTFOCUS à verser à Monsieur A... la somme de 32.600 € à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail » ; 1°) ALORS QUE même si l'intimé est privé de la possibilité de conclure, les juges d'appel ne peuvent faire droit à la demande que dans la mesure où ils démontrent que celle-ci est régulière, recevable et bien fondée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait droit à la demande d'indemnité présentée par Monsieur A... pour exécution déloyale du contrat de travail, aux motifs que « le salarié demande aussi la confirmation de la décision ayant reconnu le caractère déloyal de l'exécution de son contrat de travail par la société SMARTFOCUS France qui n'a de toute façon formé aucun appel incident en temps utile » ; qu'en statuant ainsi, sans examiner si la demande était bien fondée, la cour d'appel a violé l'article 472 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE même si l'intimé est privé de la possibilité de conclure par les juges d'appel, ces derniers ne peuvent faire droit à la demande que dans la mesure où ils démontrent que celle-ci est régulière, recevable et bien fondée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a infirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté les demandes de Monsieur A... tendant à voir juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, motif pris de ce que la société SMARTFOCUS aurait manqué à l'obligation de réintégration que lui imposait l'article L. 1231-5 du Code du travail dès lors que le poste proposé aurait été inférieur à ses précédentes fonctions en France, tout en confirmant le jugement en ce qu'il avait accordé à Monsieur A... une indemnité au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, bien que le jugement ait alloué l'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail à raison de ce que l'exposante avait manqué à son obligation de reclassement dès lors que le poste de commercial proposé par l'exposante à Monsieur A... pour sa réintégration se situait deux échelons en dessous de ses fonctions, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice résultant du manquement de l'exposante à son obligation de reclassement et a violé le principe de réparation intégrale sans perte, ni profit pour la victime, ensemble les articles 472 du Code de procédure civile, L. 1231-5 du Code du travail et 1231-1 du Code civil. Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. A... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité les condamnations de la société Smartfocus aux sommes de 71 070 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 35 535 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 3 553 € au titre des congés payés afférents et de 17 767 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement. AUX MOTIFS QU'« en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, étant employé au moment de la rupture dans une entreprise d'au moins 11 salariés et bénéficiant d'une ancienneté supérieure à deux années, le salarié est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ; Qu'en l'espèce, compte tenu de l'âge du salarié au moment de la rupture, de ses charges de famille et de son ancienneté, mais aussi du fait qu'il a pu retrouver rapidement un emploi, cette indemnité ne dépassera pas six mois de salaire, le salaire moyen n'étant pas celui perçu aux Etats-Unis, mais le salaire antérieur à son détachement s'élevant à la somme de 11 845 € ; Que la société Smartfocus sera donc condamnée à payer à M. A... la somme de 71 070 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ( ) Qu'il sera alloué au salarié une indemnité conventionnelle de 17 767 € et une indemnité compensatrice de préavis de 35 535 € à laquelle s'ajoute 3 553 € de congés payés ». 1/ ALORS QUE les indemnités de rupture auxquelles peut prétendre le salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à la disposition d'une filiale étrangère, au titre de son licenciement prononcé par la société mère après que la filiale a mis fin à son détachement, doivent être calculées par référence aux salaires perçus par le salarié dans son dernier emploi ; que M. A... ayant travaillé en dernier lieu au sein de la filiale américaine, le montant des indemnités de préavis, de congés payés afférents au préavis, de licenciement, mais également les dommages et intérêts dus au titre du caractère injustifié du licenciement devait être déterminé sur la base du salaire d'expatriation ; qu'en retenant pour accorder à M. A... les sommes de 71 070 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 35 535 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 3 553 € au titre des congés payés afférents et de 17 767 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, que le salaire moyen devant être retenu n'était pas celui perçu aux Etats Unis, mais le salaire antérieur à son détachement, la cour d'appel a violé l'article L.1231-5 du code du travail. 2/ ALORS (subsidiairement) QUE pour déterminer le montant des indemnités de rupture et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que le salaire antérieur au détachement du salarié se serait élevé à la somme de 11 845 € ; qu'en statuant de la sorte, sans indiquer ce qui lui permettait de retenir ce montant, plutôt que celui de 16 300 € avancé par le salarié, alors que, les conclusions en appel de la société ayant été déclarées irrecevables, aucun argument, ni aucune pièce n'avaient été avancés devant elle pour justifier un tel montant et que le jugement du conseil de prud'hommes ne contenait aucun développement sur ce point qu'elle aurait pu adopter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1231-5 du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. A... de ses demandes de paiement des sommes de 19 560 € à titre de rappel de salaire et de 1 956 € au titre des congés payés afférents pour la période d'avril à août 2013 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur les demandes salariales, M. A... demande le paiement de 5 mois de salaire correspondant aux mois d'avril à août 2013, période durant laquelle la société Smartfocus France prétend avoir tenu à sa disposition l'emploi qu'il lui destinait dans le cadre de sa réintégration mais, en réalité, le salarié n'a jamais rejoint ce poste ni exécuté la moindre prestation de travail ; Qu'il ne peut donc prétendre au salaire correspondant à l'emploi qu'il n'a jamais occupé et le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette cette demande ». ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE « M. A... reconnaît ne pas avoir accepté le poste de commercial en France ; Que M. A... n'a pas travaillé du mois d'avril au mois d'août 2013 ; Que le conseil déboute M. A... de la demande à ce titre ». ALORS QUE la cour d'appel a constaté que la société mère n'avait pas réintégré M. A... au terme de son expatriation en avril 2013, faute de lui avoir proposé un emploi conforme aux exigences de l'article L.1231-5 du code du travail ; qu'en déboutant néanmoins le salarié de sa demande de paiement des salaires dus entre cette date et son licenciement en août 2013 au motif qu'il aurait refusé le poste proposé et n'aurait pas travaillé, quand cette situation n'était imputable qu'à son employeur qui, faute d'avoir respecté ses obligations légales, avait rendu impossible l'exécution d'une prestation de travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article susvisé. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. A... à rembourser à la société Smartfocus la somme de 15 677,42 € représentant le montant de l'avantage logement devenu sans cause ; AUX MOTIFS QUE « A son retour en France, la société Smartfocus a mis à la disposition de M. A... un logement de fonction dont le loyer était entièrement pris en charge en contrepartie de l'emploi qu'il devait occuper chez elle ; Qu'après le refus du salarié de rejoindre ce poste de travail, elle lui a donc demandé la restitution des loyers et frais payés pendant quatre mois à son profit et devenus sans cause ; ( ) Qu'en réalité, l'employeur demande la restitution de l'avantage en nature attribué au salarié en contrepartie de l'emploi qu'il n'a pas occupé ; Qu'ayant renoncé à rejoindre cet emploi, même pour de justes motifs, M. A... ne pouvait bénéficier des avantages qui y étaient attachés ». ALORS QUE la cour d'appel a constaté que la société mère n'avait pas réintégré M. A... au terme de son expatriation en avril 2013, faute de lui avoir proposé un emploi conforme aux exigences de l'article L.1231-5 du code du travail ; qu'en retenant, pour condamner le salarié à rembourser à son employeur les loyers du logement de fonction qu'il avait occupé entre la fin de son expatriation et son licenciement, qu'il ne pouvait bénéficier d'un tel avantage en contrepartie d'un emploi qu'il n'avait pas occupé, quand il ressortait de ses propres constatations que cette situation n'était imputable qu'à la société mère qui, faute d'avoir respecté ses obligations légales, avait rendu impossible l'exécution d'une prestation de travail, la cour d'appel a violé l'article susvisé. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. A... de ses demandes de condamnation de la société Smartfocus à lui verser les sommes de 195 600 € et de 144 846 € en réparation des préjudices liés à l'absence de paiement des cotisations sociales, chômage et retraite, et de 97 800 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ; AUX MOTIFS QUE « M. A... présente des demandes indemnitaires au motif que son employeur ne l'a pas assuré contre le risque de privation d'emploi et n'a pas non plus souscrit en sa faveur de contrat de prévoyance et retraite lorsqu'il l'a détaché à l'étranger ; Que toutefois, comme le soulignait la société Smartfocus, le premier contrat de travail de M. A... avait pris fin avant son départ à l'étranger et il a bénéficié, pendant sa période d'expatriation, des couvertures sociales prévues par les différents contrats de travail conformes au droit local ; Qu'il n'est donc pas justifié d'un préjudice quelconque à ce titre ; Que de même, les premiers juges ont rejeté à juste titre sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé dès lors qu'en détachant le salarié à l'étranger sans l'assurer en France contre les risques de chômage et de vieillesse, l'employeur ne s'est pas soustrait intentionnellement aux déclarations sociales auprès des organismes de recouvrement, comme le prétend à tort M. A... ». 1/ ALORS QU'aux termes de l'article L.5422-13 du code du travail, tout employeur doit assurer contre le risque de privation d'emploi tout salarié, y compris les salariés détachés à l'étranger ou expatriés ; qu'en déboutant M. A... de sa demande d'indemnisation au titre du non-respect par son employeur de l'obligation de l'assurer contre le risque chômage au motif que, pendant sa période d'expatriation, il aurait bénéficié des couvertures sociales garanties par ses contrats locaux, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article susvisé ; 2/ ALORS QU'aux termes de l'article 72 « prévoyance-retraite-chômage » du titre IX de la convention collective Syntec, en cas d'expatriation, le régime volontaire risque vieillesse de la Sécurité sociale et le régime des retraites complémentaires sont maintenus et la charge en est supportée par le salarié et l'employeur dans les proportions habituelles et les conditions prévues par la loi ; qu'en déboutant M. A... de sa demande d'indemnisation au titre du non-respect par son employeur de l'obligation de cotiser au risque vieillesse au motif que, pendant sa période d'expatriation, il aurait bénéficié des couvertures sociales garanties par ses contrats locaux, la cour d'appel a également violé l'article susvisé ; 3/ ALORS QUE dès lors que M. A... avait été expatrié au sein des filiales canadienne et américaine, la société Smartfocus était tenue de l'assurer contre le risque perte d'emploi et de cotiser au risque vieillesse, le non-respect de cette double obligation caractérisant son intention de se soustraire à ses obligations sociales en France ; qu'en déboutant néanmoins le salarié de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé, la cour d'appel a violé l'article L.8221-5 du code du travail ; 4/ ALORS QUE (subsidiairement) QU'en retenant, pour débouter M. A... de ses demandes d'indemnités pour absence de paiement des cotisations sociales, chômage et retraite, que « comme le soulignait la société Smartfocus France, le premier contrat de travail de M. A... avait pris fin avant son départ à l'étranger », sans constater la réalité d'une rupture des relations contractuelles, la cour d'appel a violé ensemble l'article L.5422-13 du code du travail et l'article 72 du titre IX de la convention collective Syntec. 4/ ALORS (plus subsidiairement) QUE la démission d'un salarié ne pouvant résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté de sa part de rompre le contrat de travail, elle doit s'exprimer sans pression de l'employeur et sans qu'il en ait suggéré les termes ; qu'en l'espèce, M. A... avait indiqué que son employeur l'avait contraint à démissionner le 26 avril 2011 avant son expatriation au Canada et avait notamment produit pour en attester un courriel du 13 avril 2011 de Mme U..., responsable des ressources humaines, lui indiquant « pour la démission, il faudra juste indiquer que tu quittes tes fonctions en France et la date de fin de contrat. Il faudra par ailleurs indiquer que tu demandes à être ton préavis (sic). Je préfère attendre que le contrat canadien soit finalisé pour mettre fin au contrat français » ; qu'en retenant, pour débouter le salarié de ses demandes d'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de cotisation par la société mère aux régimes chômage et retraite, que son contrat de travail aurait pris fin avant son départ à l'étranger, sans rechercher si cette rupture n'était pas équivoque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1237-1 du code du travail.
Aux termes de l'article L. 1231-5 du code du travail, lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein. Il en résulte que lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi. Il en résulte également que, en l'absence d'offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l'importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, cette dernière est tenue, jusqu'à la rupture du contrat de travail la liant au salarié, au paiement des salaires et des accessoires de rémunération du dernier emploi, dès lors que le salarié s'est tenu à la disposition de l'employeur
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SOC. LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 octobre 2020 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 910 F-P+B Pourvoi n° B 19-11.508 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 OCTOBRE 2020 1°/ Le syndicat national CFTC du travail temporaire aux droits de l'union départementale CFTC Auvergne, dont le siège est [...] , 2°/ M. B... M..., domicilié [...] , ont formé le pourvoi n° B 19-11.508 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (4e B chambre sociale), dans le litige les opposant à la société Manpower France, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat national CFTC du travail temporaire aux droits de l'union départementale CFTC Auvergne et M. M..., de Me Le Prado, avocat de la société Manpower France, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 décembre 2018), le 1er septembre 2013, M. M..., délégué du personnel au sein de la société Manpower (la société) pour la région Languedoc-Roussillon, a exercé son droit d'alerte. Il a demandé à la société la réalisation d'une enquête conjointe portant sur les modalités de calcul de l'indemnité de congés payés des salariés intérimaires. Le 16 septembre 2013, la société a refusé. Le 20 décembre suivant, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'injonction sous astreinte afin que la société réintègre les primes dont le versement ne dépend pas de la durée effective du travail dans le calcul des indemnités compensatrices de congés payés et d'une demande d'injonction sous astreinte afin que la société recherche les paies des salariés intérimaires calculées après le 17 décembre 2013 pour lesquelles le calcul des indemnités compensatrices de congés payés doit être recalculé. Le syndicat national du travail temporaire CFTC (le syndicat) est intervenu à la procédure. Examen du moyen Sur le moyen unique, ci-après annexé, pris en sa deuxième branche 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche du moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 3. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de dire non fondées leurs demandes tendant à juger que le calcul de l'indemnité de congés payés des salariés intérimaires de la société en mission doit s'effectuer conformément aux dispositions de l'article L. 1251-19 du code du travail, à enjoindre à la société de rechercher toutes les paies des salariés intérimaires calculées postérieurement au 20 décembre 2013 et pour lesquelles le calcul de l'indemnité de congés payés doit être régularisé en application de la décision, et ce sous astreinte, alors : « 1°/ que l'exercice du droit d'alerte du délégué du personnel constitue une action qui lui est personnelle et non une action de substitution en lieu et place du salarié ; qu'il en résulte qu'il faut et il suffit qu'une atteinte aux droits de la personne et/ou aux libertés individuelles soit caractérisée pour une catégorie de salariés et non pour chaque salarié individuellement ; qu'en l'espèce, le syndicat et M. M... invoquaient l'inégalité de traitement subie par les salariés intérimaires par rapport aux salariés permanents, au motif que leur indemnité de congés payés n'était pas calculée conformément aux dispositions de l'article L. 1251-19 du code du travail ; qu'il s'agissait d'une demande de nature collective, invitant la cour d'appel à vérifier le mode de calcul des congés payés des intérimaires au sein de la société Manpower, non exclusive d'une action syndicale dans l'intérêt collectif de la profession devant le tribunal de grande instance et non exclusive de l'action prud'homale individuelle du salarié en paiement d'un rappel de l'indemnité litigieuse ; qu'en jugeant l'action mal fondée au motif que le texte de l'article L. 2313-2 du code du travail ne permettait pas au délégué du personnel d'engager une action collective générale en sollicitant des mesures propres à faire cesser une atteinte pour une catégorie de salariés, en l'espèce les salariés intérimaires ne disposant pas de congés payés, sauf à justifier éventuellement de l'avertissement de tous les salariés composant cette catégorie, pas plus que de rechercher toutes les paies de tous les salariés intérimaires calculées postérieurement au 20 décembre 2013 et de régulariser pour ces mêmes salariés le calcul de l'indemnités de congés payés avec publication du jugement et diffusion aux salariés intérimaires de l'entreprise, quand la démonstration d'une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles pour deux salariés était suffisante, la cour d'appel a méconnu l'objet et la finalité du droit d'alerte du délégué du personnel, en violation de l'article L. 2313-2 du code du travail ; 3°/ que le droit d'alerte du délégué du personnel s'exerce en cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de l'atteinte aux droits des personnes, à la santé physique et mentale ou aux libertés individuelles, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas ; que la violation de la législation sur les congés payés des intérimaires constitue une atteinte au droit au repos et à la santé des travailleurs garanti par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et garantis par l'article 8 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, par l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et par l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, auxquels les Etats membres ne peuvent déroger ; qu'en jugeant mal fondées les demandes, aux motifs adoptés que le litige portant sur le calcul des indemnités compensatrices de congés payés des salariés intérimaires ne résultait pas d'une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale et aux libertés individuelles dans l'entreprise, mais d'un désaccord dans le déroulement de la relation de travail, la cour d'appel a violé les articles susvisés, ensemble l'article L. 2313-2 du code du travail. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, résultant notamment de toute mesure discriminatoire en matière de rémunération et qu'après en avoir saisi l'employeur, qui doit procéder sans délai à une enquête avec le délégué et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation, en cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec lui, le délégué du personnel, si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui peut ordonner toute mesure propre à faire cesser cette atteinte. 5. La cour d'appel ayant constaté, par motifs adoptés, qu'elle était saisie de l'exercice d'un droit d'alerte, fondé sur le mode de calcul des indemnités compensatrices de congés payés des salariés intérimaires, a décidé à bon droit que cette demande n'entrait ainsi pas dans les prévisions de l'article L. 2313-2 du code du travail. 6. Le moyen, qui en sa première branche critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le syndicat national CFTC du travail temporaire aux droits de l'union départementale CFTC Auvergne et M. M... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat national CFTC du travail temporaire aux droits de l'union départementale CFTC Auvergne et M. M... Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit non fondées les demandes des exposants tendant à voir dire et juger que le calcul de l'indemnité de congés payés des salariés intérimaires de la société Manpower en mission doit s'effectuer conformément aux dispositions de l'article L.1251-19 du code du travail, à enjoindre à la société de rechercher toutes les paies des salariés intérimaires calculées postérieurement au 20 décembre 2013 et pour lesquelles le calcul de l'indemnité de congés payés doit être régularisé en application de la décision, et ce sous astreinte, à l'enjoindre de mentionner l'existence de la décision dans la première lettre « Entre-nous » diffusée aux salariés intérimaires de l'entreprise, en indiquant la possibilité de consulter cette décision sur le site internet manpower.fr, et à l'enjoindre de publier le jugement sur le site internet manpower.fr pendant une durée de 2 mois après l'envoi par le routeur de la lettre « Entre-Nous » précédemment évoquée, sous astreinte. AUX MOTIFS propres QUE sur les conséquences du fait que le délégué du personnel ne justifie pas d'un avertissement individuel de chacun des salariés concernés par l'action prud'homale et de leur absence d'opposition, le texte ci-dessus rappelé ne permet pas au délégué du personnel d'engager une action collective générale (les appelants précisant d'ailleurs qu'une action collective aux mêmes fins a donné lieu à jugeaient du 25 octobre 2017 du Tribunal de Grande Instance de Nanterre -RG n° 14/11045, instance toujours en cours en raison d'un appel) en sollicitant des mesures propres à faire cesser une atteinte pour une catégorie de salariés, en l'espèce les salariés intérimaires en contrat de travail temporaire d'une durée de moins d'un mois, les salariés intérimaires en contrat de travail temporaire d'une durée d'un mois et plus, les salariés intérimaires en contrat de travail temporaire ne disposant pas de congés payés, les salariés intérimaires en contrat de travail temporaire d'une durée de moins de trois mois, sauf à justifier éventuellement de l'avertissement de tous les salariés composant cette catégorie; qu'en l'espèce et même à considérer, hypothèse la plus favorable aux appelants, que l'action engagée puisse être jugée recevable sur la seule justification par les appelants de l'avertissement et de la non opposition à la procédure de deux salariés, Mlle I... B. et M. H... J. (ne pouvant être tenu compte ni de pièces anonymisées ni de pièces non communiquées à la société Manpower pour d'autres salariés) et puisse également être considérée comme fondée à l'égard de Mlle I... B. et M. H... J., la Cour ne peut faire droit aux demandes présentées pour obtenir tant la recherche de toutes les paies de tous les salariés intérimaires calculées postérieurement au 20 décembre 2013 que la régularisation pour ces mêmes salariés du calcul de l'indemnité de congés payés avec publication du jugement et diffusion aux salariés intérimaires de l'entreprise. AUX MOTIFS adoptés QUE l'article 2313-2 du Code du travail ne vise que les actions ayant pour objet de veiller à la protection des personnes et des libertés individuelles et collectives ; qu'il ne donne pas au délégué du personnel le droit d'agir au titre de la relation de travail ; que le litige qui oppose Madame K... et Monsieur P... à la SA MANPOWER porte sur le mode de calcul des indemnités compensatrices de congés payés des salariés intérimaires ; que ce litige ne résulte pas d'une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale et aux libertés individuelles dans l'entreprise mais relève d'un désaccord dans le déroulement de la relation de travail. 1° ALORS tout d'abord QUE l'exercice du droit d'alerte du délégué du personnel constitue une action qui lui est personnelle et non une action de substitution en lieu et place du salarié ; qu'il en résulte qu'il faut et il suffit qu'une atteinte aux droits de la personne et/ou aux libertés individuelles soit caractérisée pour une catégorie de salariés et non pour chaque salarié individuellement ; qu'en l'espèce, les exposants invoquaient l'inégalité de traitement subie par les salariés intérimaires par rapport aux salariés permanents, au motif que leur indemnité de congés payés n'était pas calculée conformément aux dispositions de l'article L.1251-19 du code du travail ; qu'il s'agissait d'une demande de nature collective, invitant la cour d'appel à vérifier le mode de calcul des congés payés des intérimaires au sein de la société Manpower, non exclusive d'une action syndicale dans l'intérêt collectif de la profession devant le tribunal de grande instance et non exclusive de l'action prud'homale individuelle du salarié en paiement d'un rappel de l'indemnité litigieuse ; qu'en jugeant l'action mal fondée au motif que le texte de l'article L.2313-2 du code du travail ne permettait pas au délégué du personnel d'engager une action collective générale en sollicitant des mesures propres à faire cesser une atteinte pour une catégorie de salariés, en l'espèce les salariés intérimaires ne disposant pas de congés payés, sauf à justifier éventuellement de l'avertissement de tous les salariés composant cette catégorie, pas plus que de rechercher toutes les paies de tous les salariés intérimaires calculées postérieurement au 20 décembre 2013 et de régulariser pour ces mêmes salariés le calcul de l'indemnités de congés payés avec publication du jugement et diffusion aux salariés intérimaires de l'entreprise, quand la démonstration d'une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles pour deux salariés était suffisante, la cour d'appel a méconnu l'objet et la finalité du droit d'alerte du délégué du personnel, en violation de l'article L.2313-2 du code du travail. 2° ALORS en tout cas QUE l'exercice du droit d'alerte du délégué du personnel constitue une action qui lui est personnelle et non une action de substitution en lieu et place du salarié ; qu'il en résulte qu'il faut et il suffit qu'une atteinte aux droits de la personne et/ou aux libertés individuelles soit caractérisée pour une catégorie de salariés et non pour chaque salarié individuellement ; que l'avis des salariés concernés et de l'absence d'opposition à la procédure suffit à rendre recevable la procédure de droit d'alerte et à justifier l'examen par le juge de l'atteinte invoquée ; que la cour d'appel a considéré que l'action engagée pouvait être jugée recevable sur la seule justification de l'avertissement et de la non opposition à la procédure de deux salariés et également être considérée comme fondée à leur égard, tout en déboutant les exposants de leurs demandes ; qu'en statuant ainsi, par des motifs hypothétiques, la cour d'appel a violé l'article L.2313-2 du code du travail. 3° ALORS QUE le droit d'alerte du délégué du personnel s'exerce en cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de l'atteinte aux droits des personnes, à la santé physique et mentale ou aux libertés individuelles, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas ; que la violation de la législation sur les congés payés des intérimaires constitue une atteinte au droit au repos et à la santé des travailleurs garanti par l'alinéa 11 du Préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et garantis par l'article 8 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, par l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et par l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, auxquels les Etats membres ne peuvent déroger ; qu'en jugeant mal fondées les demandes, aux motifs adoptés que le litige portant sur le calcul des indemnités compensatrices de congés payés des salariés intérimaires ne résultait pas d'une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale et aux libertés individuelles dans l'entreprise, mais d'un désaccord dans le déroulement de la relation de travail, la cour d'appel a violé les articles susvisés, ensemble l'article L.2313-2 du code du travail.
Aux termes de l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, résultant notamment de toute mesure discriminatoire en matière de rémunération et qu'après en avoir saisi l'employeur, qui doit procéder sans délai à une enquête avec le délégué et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation, en cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec lui, le délégué du personnel, si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui peut ordonner toute mesure propre à faire cesser cette atteinte. Une cour d'appel ayant constaté qu'elle était saisie de l'exercice d'un droit d'alerte fondé sur le mode de calcul des indemnités compensatrices de congés payés des salariés intérimaires, a décidé à bon droit que cette demande n'entrait pas dans les prévisions de l'article L. 2313-2 du code du travail
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N° T 20-83.011 FS-P+B+I N° 2195 SM12 14 OCTOBRE 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 OCTOBRE 2020 CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Nancy contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour, en date du 12 mai 2020, qui, dans l'information suivie contre C... X... du chef de vols aggravés , a confirmé l'ordonnance du juge des enfants ordonnant sa mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Slove, Sudre, Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. C... X..., né le [...] , a été mis en examen le 30 janvier 2020, par le juge des enfants de Nancy, du chef de vols en réunion. 3. Il a été placé sous contrôle judiciaire et confié à l'aide sociale à l'enfance. 4.Le 6 mars 2020, le parquet de Nancy a été informé par le commissariat de Toulouse d'un nouveau placement en garde à vue pour vol aggravé de C... X.... Le juge d'instruction de permanence de Nancy, agissant en remplacement du juge des enfants, a délivré un mandat d'amener. 5. Le 7 mars 2020, l'intéressé a été écroué en exécution de ce mandat à l'établissement pénitentiaire de Lavaur (81). 6. Le 9 mars, le juge des enfants a ordonné sa mise en liberté. 7. Le ministère public a interjeté appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles 123 alinéa 3, 127, 128, 129, 130, 130-1 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des enfants ayant ordonné la mise en liberté de C... X..., alors : « 1°/ que le juge des enfants de Nancy qui avait la possibilité de ne pas ordonner le transfèrement de la personne visée par le mandat, ne pouvait, sans excéder les pouvoirs qu'il tient du code de procédure pénale et sans constater que les délais prévus aux articles 127 et 130 n'avaient pas été respectés, ordonner la mise en liberté de C... X... ; que cette mise en liberté , manifestement fondée sur l'impossibilité de placer le mineur en détention provisoire, sauf en cas de non respect d'un placement en centre éducatif fermé par application des articles 10-2, 11 et 11-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, ne peut s'analyser comme une décision de refus de transfèrement ; que la « conduite en maison d'arrêt » visée à l'article 128 du code de procédure pénale , même décidée par le juge judiciaire, garant des libertés individuelles, ne peut se confondre avec une mesure de détention provisoire alors qu'il ne s'agit que d'une modalité d'exécution du transfèrement requis ; que par conséquent, le mineur concerné, qui n'était pas en détention provisoire, ne pouvait être remis en liberté d'office par le juge des enfants ; 2°/ que la chambre de l'instruction qui a conforté l'analyse du juge s'est d'ailleurs contredite en affirmant « que l'ordonnance d'incarcération provisoire subie en exécution d'un mandat d'amener n'est pas un titre de détention et par conséquent ne constitue pas le point de départ de la détention provisoire tout en indiquant qu'il s'agit d'une privation de liberté qui s'impute sur la peine prononcée par la juridiction de jugement en application des dispositions de l'article 716-4 alinéa 2 du code de procédure pénale », dispositions qui n'ont aucune vocation à s'appliquer en l'espèce, l'intéressé n'ayant pas été condamné. » Réponse de la Cour Vu les articles 122, alinéa 3, 127, 128 et 129 du code de procédure pénale: 10. Il résulte de ces articles que le mandat d'amener peut être décerné à l'encontre d'une personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission d'une infraction. 11. Lorsque la personne recherchée en vertu d'un mandat d'amener est trouvée à plus de 200 km du siège du juge d'instruction ou du juge des enfants qui a délivré le mandat, et qu'il n'est pas possible de la conduire dans le délai de vingt-quatre heures devant ce magistrat, elle est conduite devant le juge des libertés et de la détention du lieu de l'arrestation qui lui demande notamment si elle accepte son transfert ou si elle préfère prolonger les effets du mandat en attendant, au lieu où elle se trouve, la décision du juge mandant. Si la personne refuse son transfert, elle est conduite dans la maison d'arrêt, et avis immédiat est donné au juge d'instruction compétent, qui apprécie, après réception des pièces transmises, s'il maintient le transfert ou y renonce. 12.Pour confirmer l'ordonnance de mise en liberté du juge des enfants, les juges retiennent que les articles 123, 127, 128, 129 et 130-1 du code de procédure pénale donnent au magistrat qui décerne le mandat d'amener l'entière maîtrise de l'exécution de ce dernier puisque, in fine, il décide ou non d'ordonner le transfèrement de la personne découverte à plus de 200 kilomètres et qu'en cas de non-respect des délais de transfèrement, la personne est libérée sur l'ordre du magistrat saisi de l'affaire. 13. Les juges ajoutent qu'il résulte des articles 10-2 et 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante que les mineurs de treize à dix-huit ans mis en examen par le juge d'instruction ou le juge des enfants ne peuvent être placés en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention que dans les cas qu'ils précisent ou si le contrôle judiciaire comporte l'obligation de respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif fermé prévu à l'article 33 de la même ordonnance. 14. Les juges relèvent qu'en l'espèce, C... X..., mineur de 15 ans comme étant né le [...] , a été mis en examen du chef de vol en réunion ce qui lui fait encourir une peine de cinq ans d'emprisonnement ; que, du fait de son âge et de la qualification retenue, la seule mesure coercitive qui pouvait être prise à son encontre était une mesure de contrôle judiciaire, ce qui a été décidé par le juge des enfants; que le mineur s'étant soustrait à plusieurs des obligations de ce contrôle judiciaire, le juge des enfants ne pouvait que renforcer ses obligations et ordonner son placement en centre éducatif fermé ; que, s'il est constant que l'ordonnance d'incarcération provisoire subie en exécution d'un mandat d'amener n'est pas un titre de détention et par conséquent ne constitue pas le point de départ de la détention provisoire, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une privation de liberté qui s'impute sur la peine prononcée par la juridiction de jugement en application des dispositions de l'article 716-4 alinéa 2 du code de procédure pénale. 15. La chambre de l'instruction conclut que si un mandat d'amener peut être délivré contre toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission d'une infraction, sans que l'article 122 du code de procédure pénale n'exige que cette infraction soit réprimée par une peine privative de liberté, il n'en reste pas moins que la conciliation entre la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, d'une part, et l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, d'autre part, ne peut être regardée comme équilibrée lorsque la privation de liberté résultant de l'exécution d'un mandat d'amener excède vingt-quatre heures, durée de principe de la rétention dans un tel cadre selon l'article 126 du code de procédure pénale, lorsque la personne à l'encontre de laquelle le mandat d'amener est décerné n'est pas susceptible d'être placée en détention provisoire. 16. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés pour les motifs qui suivent. 17. En premier lieu, la privation de liberté subie en exécution d'un mandat d'amener ne fait pas courir la détention provisoire. 18. En second lieu, si la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne pourrait être regardée comme équilibrée si la privation de liberté prévue par l'article 130 pouvait être mise en œuvre, dans le cadre d'un mandat d'amener, à l'encontre d'une personne qui n'encourt pas une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave (Cons Constit, 24 juin 2011, no 2011-133 QPC), tel n'est pas le cas lorsque cette personne, qui encourt une peine de cette nature, ne peut pas être placée en détention provisoire. Portée et conséquences de la cassation 19. La Cassation est dès lors encourue. 20. N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L.411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 12 mai 2020. DIT n'y avoir lieu à renvoi. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille vingt.
La mise à exécution d'un mandat d'amener est indépendante de la possibilité de placement en détention provisoire. Doit être cassé l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui énonce que ne peut être retenu plus de vingt-quatre heures en exécution d'un mandat d'amener, le mineur qui, en raison de son âge et de la qualification des faits qui lui sont reprochés, ne peut être placé en détention provisoire
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N° B 20-84.077 FS-P+B+I N° 2395 SM12 14 OCTOBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 OCTOBRE 2020 REJET du pourvoi formé par M. N... H... contre l'arrêt n° 520 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 25 juin 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'assassinat et tentative d'assassinat, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. N... H..., et les conclusions de M. Valleix, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, Mmes Sudre, Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Valleix, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 5 décembre 2017, vers 11 heures 20, sur le parking de l'aéroport de Bastia-Poretta, deux personnes, liées au grand banditisme, ont été atteintes par de nombreux tirs d'armes à feu. 3. Le 8 juin 2018, M. N... H... a été mis en examen des chefs d'assassinat et tentative d'assassinat. Le même jour, il a été placé en détention provisoire. 4. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Marseille a rendu le 8 juin 2020 une ordonnance portant prolongation de la détention provisoire de M. H... pour une durée de six mois, au visa de l'article 16-1 de l'ordonnance du 25 mars 2020, telle que modifiée par la loi du 11 mai 2020. 5. La personne mise en examen a interjeté appel de cette ordonnance. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de constater que le mis en examen est détenu arbitrairement et d'avoir confirmé l'ordonnance du 8 juin 2020 prolongeant sa détention provisoire, alors : « 1°/ que, les dispositions des articles 22 et 35 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit en ce qu'elles méconnaissent, d'une part, la compétence confiée au législateur par l'article 34 de la Constitution et, d'autre part, le droit de mener une vie familiale normale garanti par le préambule de la Constitution de 1946 ; que consécutivement à la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale ; 2°/ que, les dispositions combinées des articles 2 et 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire et 728 du Code de procédure pénale, qui n'encadrent pas le statut des détenus particulièrement signalés, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit en ce qu'elles méconnaissent, d'une part, la compétence confiée au législateur par l'article 34 de la Constitution et, d'autre part, le droit à la sûreté et à la présomption d'innocence garantis par les articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789 ; que consécutivement à la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale ». Réponse de la Cour 7. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la seconde question prioritaire de constitutionnalité. Elle a ordonné la transmission de la première question prioritaire de constitutionnalité. 8. L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. 9. Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel. Sur le second moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de constater que le mis en examen est détenu arbitrairement et d'avoir confirmé l'ordonnance du 8 juin 2020 prolongeant sa détention provisoire en rejetant le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors : « 1°/ que, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'en conséquence, il appartient au juge judiciaire, gardien des libertés individuelles, de s'assurer que l'atteinte au droit d'une personne placée en détention provisoire à une vie familiale est prévue par la loi et proportionnée à la poursuite d'un but légitime ; que dès lors, la chambre de l'instruction qui, pour dire que la détention de l'exposant ne porte pas une atteinte disproportionnée à des intérêts familiaux légitimes, se borne à rappeler la gravité des faits et à retenir que le détenu est « l'une des nombreuses personnes placées sous mandat de dépôt dans ce dossier qui, par mesure de précaution, ont été affectées dans divers établissements sur le territoire national », sans expliquer en quoi cette atteinte à son droit au respect de sa vie familiale était proportionnée au but poursuivi, lorsqu'elle relevait elle-même que l'exposant est père d'une enfant en bas âge et qu'il est détenu loin de son domicile, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et n'a pas justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 148-4, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 2°/ que, la Cour européenne des droits de l'homme juge que l'absence de garanties suffisantes, en droit interne, contre d'éventuels abus dans la répartition géographique des détenus constitue une violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que ne justifie pas sa décision, la chambre de l'instruction qui, saisie d'un moyen en ce sens, considère qu'il n'apparaît pas « appartenir à l'office de la chambre de l'instruction, notamment dans le cadre de son office résultant des termes et du champ de sa saisine, de déterminer dans quel établissement ni non plus sous quel régime particulier éventuel l'intéressé doit être incarcéré » ; que de ce fait encore, les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 148-4, 591 et 593 du code de procédure pénale ont été méconnus. » Réponse de la Cour 11. Pour répondre à l'argumentation du demandeur, qui prétendait que le lieu de son incarcération constituait une ingérence disproportionnée à sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt relève qu'en l'état des éléments soumis à la cour il n'apparaît pas qu'à ce jour, compte tenu de la gravité des faits sur lesquels porte l'instruction et des nécessités de la conduite de celle-ci, l'incarcération de M. H..., père d'une jeune enfant, porte une atteinte disproportionnée à des intérêts familiaux légitimes ni non plus qu'elle mette en danger la santé, la sécurité et la moralité de cette enfant ou que son éducation en soit gravement compromise. 12. Les juges ajoutent qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction, dans le cadre de son office résultant des termes et du champ de sa saisine, de déterminer dans quel établissement ni non plus sous quel régime particulier éventuel l'intéressé doit être incarcéré. 13. S'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction de déterminer dans quel établissement une détention provisoire doit être accomplie, c'est à tort que la juridiction n'a évoqué, dans sa réponse, que les éléments pouvant justifier cette détention et non celles susceptibles de répondre à la contestation d'un éloignement pouvant porter une atteinte excessive à la vie familiale du demandeur. 14. La cassation n'est toutefois pas encourue dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué que M. H... ait sollicité du magistrat instructeur son changement d'affectation. 15. Ainsi, le moyen doit être écarté. 16. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille vingt.
S'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction de déterminer dans quel établissement une détention provisoire doit être accomplie, cette juridiction doit répondre à un mémoire invoquant la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme en raison d'une atteinte excessive portée à la vie familiale du demandeur du fait de l'éloignement de son lieu de détention. C'est à tort que la juridiction n'a évoqué, dans sa réponse, que les éléments pouvant justifier la détention. La cassation n'est toutefois pas encourue dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué que le demandeur ait sollicité du magistrat instructeur son changement d'affectation
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N° E 20-84.517 FS-P+B+I N° 2399 SM12 14 OCTOBRE 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 OCTOBRE 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. W... R... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 15 mai 2020, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Réunion sous l'accusation d'assassinat. Des mémoires, en demande et en défense, ont été produits. Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. W... R... , les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme R... G..., et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, M. Guéry, Mme Sudre, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Aldebert, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. R... a été mis en examen le 4 mai 2018 du chef d'assassinat sur la personne de O... T..., dont le corps a été trouvé, sur ses indications, sans vie et mutilé. 3. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a mis en accusation M. R... pour avoir, avec préméditation, donné la mort à Mme T... et l'a renvoyé devant la cour d'assises. 4. L'avocat de M. R... a formé appel de cette ordonnance. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé M. R... devant la cour d'assises de la Réunion et a rejeté sa demande tendant à voir constater qu'au moment des faits, il était atteint d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, à le voir déclarer irresponsable pénalement des faits qui lui sont reprochés, à voir mettre fin à sa détention provisoire et ordonner son admission en soins psychiatriques sous hospitalisation complète, dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1du code de la santé publique, sous contrainte, alors : « 1°/ que l'article 706-125 du code de procédure pénale, qui permet à la chambre de l'instruction de rendre un arrêt constatant l'irresponsabilité pénale, est applicable devant la chambre de l'instruction en cas d'appel d'une ordonnance de mise en accusation qui renvoie l'accusé devant la cour d'assises, lorsque cet appel est formé par une personne mise en examen qui invoque l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal ; que M. R... avait relevé appel de l'ordonnance qui le renvoyait devant la cour d'assises en demandant que son irresponsabilité pénale fût constatée en application de l'article 122-1, premier alinéa, du code pénal ; qu'en considérant, pour refuser de statuer sur cette demande, qu'elle n'en était pas régulièrement saisie, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-125, 706-128, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 122-1 du code pénal ; 2°/ que si les demandes d'actes, les requêtes en nullité et les observations présentées au juge d'instruction ne peuvent l'être après l'expiration du délai visé à l'article 175 du code de procédure pénale, il n'en va pas de même de la demande qui tend au prononcé d'un arrêt d'irresponsabilité pénale ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé les articles 175, 706-125, 706-128, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 122-1 du code pénal. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-128 du code de procédure pénale : 6. Il résulte de ce texte que la personne mise en examen peut, à l'appui de son appel d'une ordonnance de mise en accusation, invoquer les dispositions de l'article 122-1 du code pénal. 7. Cet article n'impose pas à l'appelant d'invoquer l'article 122-1 du code précité dans son acte d'appel. 8. Il résulte des pièces de la procédure que l'avocat de M. R... a soutenu dans son mémoire déposé devant la chambre de l'instruction, au visa de l'article 122-1 du code pénal et des articles 706-125, 706-126 et 706-136 du code de procédure pénale, qu'il convenait de constater que ce dernier était atteint au moment des faits d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, de le déclarer irresponsable pénalement et d'ordonner son admission en soins psychiatriques sous hospitalisation complète. 9. Pour dire qu'elle n'était pas régulièrement saisie d'une demande d'irresponsabilité pénale, la chambre de l'instruction énonce que M. R... n'a formulé aucune observation dans le délai de l'article 175 du code de procédure pénale, et n'a pas invoqué l'application de l'article 122-1 du code pénal. 10. Les juges ajoutent que M. R... n'a pas motivé son acte d'appel par référence aux dispositions de l'article 122-1 du code précité. 11. Les juges retiennent enfin que les dispositions de l'article 706-128 du code de procédure pénale, si elles visent l'appel d'une ordonnance de renvoi pour dire que les articles 706-122 à 706-127 de ce code sont alors applicables, ne mentionnent pas l'ordonnance de mise en accusation, et précisent que l'appel est formé par une personne qui invoque l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal. 12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les texte et principe susvisés. 13. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 15 mai 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille vingt.
Il résulte de l'article 706-128 du code de procédure pénale que la personne mise en examen peut, à l'appui de son appel d'une ordonnance de mise en accusation, invoquer les dispositions de l'article 122-1 du code pénal et qu'elle n'a pas l'obligation de le préciser dans son acte d'appel
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N° G 19-86.931 F-D N° 1754 EB2 IRRECEVABILITE 14 OCTOBRE 2020 REJET CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 OCTOBRE 2020 IRRECEVABILITE, REJET et CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI sur les pourvois formés par M. H... L... et M. S... J... contre l'arrêt de la cour d'assises du Var, en date du 11 octobre 2019, qui a condamné, le premier, pour vols avec arme et en bande organisée, dégradations, recels, infractions à la législation sur les armes, violences aggravées et association de malfaiteurs, à vingt ans de réclusion criminelle, le second, pour vols avec armes et en bande organisée, dégradations, recel, violences aggravées et association de malfaiteurs, à quinze ans de réclusion criminelle, et contre l'arrêt du même jour, par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires en demande ont été produits. Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. H... L..., et les conclusions de Mme Moracchini, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Trois vols avec armes ont été commis dans les casinos de Cassis, le 27 février 2011, et d'Aix-en-Provence, le 18 avril et le 26 juin 2011. Des véhicules ont été volés, recelés et détruits à ces occasions. Des violences aggravées ont été commises sur des policiers, lors des faits du 26 juin 2011. 3. M. L... a été impliqué dans tous ces faits, et M. J... dans ceux qui ont été commis le 26 juin 2011. Tous deux ont été renvoyés devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 7 juin 2016. 4. Par arrêt du 30 juin 2017, la cour d'assises des Bouches-du-Rhône a déclaré M. L... coupable, l'a condamné à dix-sept ans de réclusion criminelle et a acquitté M. J.... Par arrêt distinct du même jour, elle a prononcé sur les intérêts civils. 5. M. L... a relevé appel de l'arrêt pénal et de l'arrêt civil, et le procureur général a formé appel principal de l'arrêt pénal. Une des parties civiles, Mme W... a fait appel de l'arrêt civil. Examen de la recevabilité des pourvois 6. M. L... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt pénal, par une déclaration faite, le 11 octobre 2019, au chef de l'établissement pénitentiaire où il est détenu. 7. Il en résulte que le demandeur ayant épuisé, par cette déclaration de pourvoi, son droit de se pourvoir en cassation contre l'arrêt pénal, la déclaration de pourvoi formée en son nom, par un avocat, le 14 octobre 2019, visant l'arrêt pénal et l'arrêt civil, est irrecevable en tant qu'elle concerne l'arrêt pénal. Examen des moyens Sur les quatre moyens proposés pour M. L... et sur les quatre premiers moyens proposés pour M. J... 8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. 9. Par ailleurs, la procédure suivie devant la cour d'assises est régulière, et les faits, souverainement constatés par la cour et le jury, justifient les qualifications et les peines. 10. Il en résulte que le pourvoi formé par M. L... le 11 octobre 2019, le pourvoi qu'il a formé le 14 octobre 2019 sur l'arrêt civil et le pourvoi de M. J..., en tant qu'il porte sur l'arrêt pénal, seront rejetés. Mais sur le cinquième moyen proposé pour M. J... Enoncé du moyen 11. Le moyen reproche à l'arrêt civil infirmatif attaqué d'avoir condamné M. J... à payer à titre de dommages et intérêts, solidairement avec M. H... L..., la somme de 2 490 euros à M. R... C..., la somme de 10 000 euros à MM. G... T..., B... M... et Y... N..., la somme de 7 000 euros à M. P... A... et la somme de 30 000 euros à la société pour le développement touristique de Cassis, ainsi que, au titre des frais d'instance, la somme de 3 000 euros à M. R... C..., alors : « 1°/ que les parties civiles disposent, en vertu de l'article 372 du code de procédure pénale, de la possibilité de demander une indemnisation dans le cas où l'accusé est acquitté, et elles peuvent, en application de l'article 380-2 du même code, interjeter appel de la décision qui les débouterait de leurs demandes ; que lorsqu'aucune demande n'a été formée sur le fondement de l'article 372 devant la cour d'assises statuant au premier degré ou aucun appel interjeté contre la décision de débouté ayant suivi l'acquittement de l'accusé, la cour d'assises saisie en appel de l'action publique n'est, en application de l'article 380-2 du code de procédure pénale et sauf exception prévue à l'article 380-6 du même code, pas compétente pour statuer sur l'action civile ; qu'en faisant droit aux demandes d'indemnisation des parties civiles formées à l'encontre de l'accusé en cause d'appel, auxquelles il n'avait pas été fait droit en première instance sans qu'aucun appel n'ait été interjeté, la cour d'assises d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ; 2°/ que l'article 380-6 du code de procédure pénale permet à la partie civile non appelante, qui renouvelle sa constitution devant la cour d'assises statuant en appel, de former des demandes portant sur des dommages et intérêts qui n'avaient pas été accordés en première instance, à la condition que ceux-ci réparent des préjudice subis depuis la décision prononcée par la cour d'assises statuant au premier degré ; qu'en condamnant l'accusé à payer des dommages et intérêts qui n'avaient pas été mis à sa charge en première instance et qui n'ont pas pour objet de réparer des préjudices subis par les parties civiles depuis la décision prononcée par la cour d'assises statuant au premier degré, la cour d'assises a violé l'article 380-6 du code de procédure pénale ; 3°/ que les conclusions d'appel de M. R... C... et de la société pour le développement touristique de Cassis tendant à la confirmation du jugement et ne comportant aucune demande portée contre M. J..., la cour d'assises d'appel n'a pu sans excès de pouvoir, en violation de l'article 371 du code de procédure pénale, condamner ce dernier à les indemniser au titre des préjudices subis et au titre de l'article 375 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en ses deux premières branches 12. Selon l'article 380-6 du code de procédure pénale, la cour d'assises, statuant en appel sur l'action civile, ne peut, sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de la partie civile, aggraver le sort de l'appelant. La partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle ; toutefois, elle peut demander une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis la précédente décision. Même lorsqu'il n'a pas été fait appel de la décision sur l'action civile, la victime constituée partie civile en premier ressort peut exercer, devant la cour d'assises statuant en appel, les droits reconnus à la partie civile jusqu'à la clôture des débats et demander l'indemnisation des dommages subis depuis le prononcé de la décision de première instance, ainsi que des frais non payés par l'Etat et qu'elle a exposés. 13. Cet article n'est pas applicable à la partie civile devant la cour d'assises, statuant en appel, lorsque l'accusé a été acquitté par la cour d'assises en première instance, le procureur général étant seul habilité à relever appel d'une décision d'acquittement. 14. M. J... a été reconnu coupable, par la cour d'assises statuant en appel, des accusations portées contre lui, dont il avait été acquitté en première instance. 15. La cour, par l'arrêt civil attaqué, l'a condamné à verser des dommages et intérêts et des indemnités sur le fondement de l'article 375 du code de procédure pénale, à Mme W..., ainsi qu'à MM. T..., N..., M... et A..., victimes des faits, commis le 26 juin 2011, dont il a été déclaré coupable, après avoir reconnu l'existence du préjudice en résultant pour chacune des parties civiles. 16. En prononçant ainsi, la cour a justifié sa décision et n'a pas encouru les griefs allégués. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Vu les articles 3 et 371 du code de procédure pénale : 17. Selon le premier de ces textes, l'action civile est recevable pour indemniser les dommages qui résultent des faits, objet de la poursuite. 18. Il résulte du second que, pour réparer les préjudices résultant des infractions dont ils sont saisis, les juges doivent statuer dans la limite des demandes des parties civiles, et ne peuvent condamner un accusé à verser une indemnité à une partie civile qui n'a pas sollicité sa condamnation ou qui n'est pas victime des faits dont il est reconnu coupable. 19. Par l'arrêt civil attaqué, la cour d'assises a condamné M. J... à verser des dommages et intérêts à M. C... et à la société pour le développement touristique de Cassis, parties civiles, ainsi qu'une indemnité à M. C..., sur le fondement de l'article 375 du code de procédure pénale. 20. En prononçant ainsi, alors que ces deux parties civiles n'avaient présenté aucune demande de condamnation envers M. J..., qui n'a pas été reconnu coupable des faits dont elles ont été victimes, dont il n'était pas accusé, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 21. La cassation est encourue. 22. Elle sera limitée aux dispositions de l'arrêt civil ayant condamné M. J... à verser des dommages et intérêts à M. C... et à la société pour le développement touristique de Cassis, ainsi qu'aux dispositions l'ayant condamné à verser une somme sur le fondement de l'article 375 du code de procédure pénale à M. C.... 24. Elle interviendra sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure de faire application de la règle de droit appropriée. PAR CES MOTIFS, la Cour : I Sur le pourvoi formé pour M. L..., le 14 octobre 2019, contre l'arrêt pénal : Le DÉCLARE IRRECEVABLE ; II Sur les pourvois formés par M. L..., le 11 octobre 2019, et le 14 octobre 2019 sur l'arrêt civil, et sur le pourvoi formé par M. J... contre l'arrêt pénal : Les REJETTE ; III Sur le pourvoi formé par M. J... contre l'arrêt civil CASSE et ANNULE, l'arrêt civil susvisé de la cour d'assises du Var, en date du 11 octobre 2019, en ses seules dispositions ayant condamné M. J... à verser des dommages et intérêts à M. C... et à la société pour le développement touristique de Cassis, et l'ayant condamné à verser une somme sur le fondement de l'article 375 du code de procédure pénale à M. C..., toutes autres dispositions de cet arrêt demeurant expressément maintenues ; DIT n'y avoir lieu à renvoi. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Var et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille vingt.
Selon l'article 380-6 du code de procédure pénale, la partie civile non appelante ne peut, en cause d'appel, devant la cour d'assises, former aucune demande nouvelle. Elle peut demander une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis la première décision. Cet article n'est pas applicable à la partie civile devant la cour d'assises statuant en appel, lorsque l'accusé a été acquitté par la cour d'assises en première instance, le procureur général étant seul habilité à relever appel d'une décision d'acquittement. Si un acquittement a été prononcé en première instance, la partie civile, devant la cour d'assises statuant sur le seul appel du procureur général, peut présenter des demandes tendant à l'indemnisation de son préjudice
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N° D 19-85.984 FS-D N° 1805 EB2 13 OCTOBRE 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 OCTOBRE 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Douai contre l'arrêt de ladite cour, 4ème chambre, en date du 11 juillet 2019, qui a relaxé M. E... M... du chef de refus de remettre ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, et les conclusions de M. Valleix, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, Mme Slove, M. Bonnal, M. Guéry, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Issenjou, M. Turbeaux, Mme Labrousse, M. Seys, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, M. Barbier, Mme Barbé, Mme de-Lamarzelle, M. Violeau, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Valleix, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. M... a été interpellé, le 12 mai 2018, en possession de cannabis, à Roubaix, sur la voie publique. Pendant sa garde à vue, il a admis avoir acquis, détenu, consommé et cédé de la drogue, mais a refusé de communiquer aux enquêteurs les mots de passe permettant de déverrouiller deux téléphones mobiles découverts en sa possession. 3. Il a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Lille, pour détention et offre ou cession de cannabis, et pour refus de remettre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, en refusant de fournir le code de déverrouillage d'un téléphone susceptible d'avoir été utilisé dans le cadre d'un trafic de stupéfiants. 4. Par jugement du 15 mai 2018, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable d'infractions à la législation sur les stupéfiants, après requalification, et, en répression, l'a condamné à six mois d'emprisonnement, 1 800 euros d'amende et a ordonné la révocation d'un sursis assortissant une peine d'emprisonnement prononcée par une décision antérieure. Le tribunal l'a relaxé du délit de refus de remettre ou de mettre en oeuvre la convention secrète d'un moyen de cryptologie. 5. Le procureur de la République a relevé appel des seules dispositions du jugement relatives à cette relaxe partielle. Examen du moyen Exposé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale. 7. Il critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé le prévenu du chef de refus de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, alors : « 1°/ qu'il ressort des dispositions de l'article 29 de la loi 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et des articles 132-79 du code pénal et R871-3 du code de la sécurité intérieure que l'on entend comme « conventions permettant le déchiffrement des données transformées au moyen des prestations de cryptologie » les « clés cryptographiques ainsi que tout moyen logiciel ou toute autre information permettant la mise au clair de ces données » ; 2°/ qu'en affirmant ainsi qu'un code de déverrouillage d'un téléphone ne peut être qualifié de « convention secrète de déchiffrement », sans effectuer l'analyse des caractéristiques techniques du téléphone concerné, pourtant indispensable à fonder sa décision, la cour d'appel n'a pas justifié celle-ci. » Réponse de la Cour Vu les articles 434-15-2 du code pénal, 29 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, L. 871-1 et R. 871-3 du code de la sécurité intérieure : 8. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, est tenue de remettre cette convention aux autorités judiciaires, ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités, délivrées en application des titres II et III du Livre Ier du code de procédure pénale. 9. Selon le deuxième, un moyen de cryptologie est un matériel ou un logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu'il s'agisse d'informations ou de signaux, à l'aide de conventions secrètes, ou pour réaliser l'opération inverse, avec ou sans convention secrète. 10. Selon les textes précités du code de la sécurité intérieure, une convention de déchiffrement s'entend de tout moyen logiciel ou de toute autre information permettant la mise au clair d'une donnée transformée par un moyen de cryptologie. Il en résulte que le code de déverrouillage d'un téléphone mobile peut constituer une clé de déchiffrement, si ce téléphone est équipé d'un moyen de cryptologie. 11. Pour confirmer la relaxe, la cour d'appel énonce qu'un téléphone portable ne peut être considéré comme un moyen de cryptologie au sens des textes précités, et que le code permettant de déverrouiller l'écran d'accueil d'un téléphone, qu'il s'agisse d'un code chiffré ou d'un ensemble de points à relier dans un sens prédéfini par l'utilisateur, ne peut être qualifié, au sens des mêmes dispositions, de convention secrète de déchiffrement. L'arrêt retient qu'un tel code de déverrouillage de l'écran ne sert pas à décrypter les données contenues dans le téléphone, mais seulement à débloquer l'usage de l'écran, pour accéder aux données contenues dans le téléphone 12. En prononçant ainsi, par un motif général et erroné, alors que le code de déverrouillage d'un téléphone portable constitue une convention de déchiffrement s'il permet de mettre au clair les données qu'il contient, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 13. Il en résulte que la cassation est encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 11 juillet 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.
Le code de déverrouillage d'un téléphone mobile constitue une convention de déchiffrement au sens des articles L. 871-1 et R. 871-3 du code de la sécurité intérieure s'il permet de mettre au clair les données contenues dans ce téléphone, lorsque celui-ci est équipé d'un logiciel permettant de transformer ces données. Le refus de remettre ce code de déchiffrement aux autorités judiciaires ou de le mettre en oeuvre sur la réquisition de ces autorités constitue alors l'infraction prévue et réprimée par l'article 434-15-2 du code pénal
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N° P 19-87.787 F-P+B+I N° 1699 EB2 13 OCTOBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 OCTOBRE 2020 REJET sur le pourvoi formé par M. E... A... contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, en date du 20 novembre 2019, qui, pour infractions au code du travail, en récidive, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement, avec mandat d'arrêt, 25 000 euros d'amende, et une mesure d'interdiction professionnelle définitive. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Barbier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. E... A..., et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. A l'issue d'une enquête dont le dernier acte d'investigation est daté du 14 novembre 2014, le procureur de la République a, par acte en date du 7 août 2015, fait citer M. A... devant la juridiction correctionnelle des chefs de récidive des délits d'exécution d'un travail dissimulé, d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié, d'opération illicite de prêt de main d'oeuvre exclusif dans un but lucratif, d'exercice d'activité de travail temporaire hors du cadre d'une entreprise de travail temporaire, d'exercice d'activité d'entrepreneur de travail temporaire sans déclaration préalable et sans garantie financière, enfin, d'embauche d'un salarié par entrepreneur de travail temporaire sans contrat écrit conforme, faits commis au cours de l'année 2012. 3. Le tribunal correctionnel, par jugement du 19 décembre 2015, a déclaré les faits établis et est entré en voie de condamnation. 4. Le prévenu ayant formé opposition à cette décision par lettre reçue le 26 décembre 2017, la juridiction correctionnelle, par jugement du 12 février 2019, a déclaré l'opposition recevable, a annulé la citation du 7 août 2015 ainsi que le jugement subséquent, puis a retenu le prévenu dans les liens de la prévention et prononcé des peines. 5. L'intéressé et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription soulevée par M. A..., alors « que la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale n'est d'application immédiate en rallongeant les délais de prescription de l'action publique que pour les infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise ; qu'en l'espèce, en faisant application des dispositions de cette loi nouvelle, qui portaient le délai de prescription des délits de trois à six ans, aux faits reprochés à M. A... datant de la période allant du 1er juillet 2012 au 17 octobre 2012, lorsqu'à la date d'entrée en vigueur de ladite loi, soit au 1er mars 2017, il n'y avait plus ni mise en mouvement ni exercice de l'action publique, et ce en raison de la saisine, antérieure, de la juridiction correctionnelle et du prononcé de son jugement en date du 9 décembre 2015, lesquels avaient mis un terme à l'exercice de l'action publique, la cour d'appel a violé l'article 4 de la loi du 27 février 2017, précité, ensemble l'article 8 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour écarter l'argumentation du prévenu selon laquelle il résulte de ce que les conditions d'application de l'article 4 de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 ne sont pas réunies, l'action publique ayant été mise en mouvement et exercée, vainement, par l'acte de citation du 7 août 2015, depuis lors annulé, que la prescription applicable était de trois ans, selon l'article 8 du code de procédure pénale dans sa version antérieure à la loi précitée, seul applicable, et non de six ans, comme désormais, et qu'elle était donc acquise au plus tard au 14 novembre 2017, avant que le prévenu ne forme opposition, l'arrêt relève que la prescription n'était pas acquise au 1er mars 2017, date de l'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, le dernier acte interruptif de prescription étant du 14 novembre 2014, en sorte que la loi nouvelle, allongeant le délai de prescription de droit commun des délits à six ans, était applicable aux faits en cause conformément à l'article 112-2, 4°, du code pénal. 9. Les juges en concluent que l'article 4 de la loi du 27 février 2017, qui a pour finalité d'éviter la remise en cause de la validité des procédures en cours, ne saurait mettre en échec l'application de l'article 112-2, 4°, du code pénal, et qu'en conséquence les faits ne sont pas prescrits. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 11. En effet, il résulte des travaux parlementaires que l'article 4 de la loi du 27 février 2017 a eu pour seule finalité, selon l'intention du législateur, de prévenir la prescription de certaines infractions occultes ou dissimulées par l'effet de la loi nouvelle, laquelle prévoit notamment que le délai de prescription de ces infractions, quand il s'agit de délits, ne peut excéder douze années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise, alors que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, ces infractions ne se prescrivaient qu'à partir du moment où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. 12. Dès lors, ce texte doit être interprété restrictivement et ne saurait avoir pour effet de déroger de façon générale aux dispositions de l'article 112-2, 4°, du code pénal, selon lesquelles les lois relatives à la prescription de l'action publique sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, lorsque les prescriptions ne sont pas acquises. 13. Ainsi, le moyen doit être écarté. 14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.
Aux termes de l'article 4 de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, ladite loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise. Ce texte, qui doit être interprété restrictivement, ne saurait avoir pour effet de déroger de façon générale aux dispositions de l'article 112-2, 4°, du code pénal, selon lesquelles les lois relatives à la prescription de l'action publique sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, lorsque les prescriptions ne sont pas acquises. En effet, il résulte des travaux parlementaires que l'article 4 précité a eu pour seule finalité, selon l'intention du législateur, de prévenir la prescription de certaines infractions occultes ou dissimulées par l'effet de la loi nouvelle, laquelle prévoit notamment que le délai de prescription de ces infractions, quand il s'agit de délits, ne peut excéder douze années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise, alors que selon la jurisprudence antérieure constante de la Cour de cassation, ces infractions ne se prescrivaient qu'à partir du moment où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. C'est donc à bon droit qu'une cour d'appel, devant laquelle il était fait valoir que, les conditions d'application de l'article 4 précité n'étant pas réunies, l'action publique ayant été mise en mouvement et exercée, vainement, par un acte de citation depuis lors annulé, la prescription applicable était de trois ans, selon l'article 8 du code de procédure pénale dans sa version antérieure à la loi précitée, seul applicable, et non de six ans, comme désormais, et qu'elle était donc acquise, a écarté cette argumentation et dit que l'action publique n'était pas prescrite
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N° G 20-80.150 FS-P+B+I N° 1804 SM12 13 OCTOBRE 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 OCTOBRE 2020 CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par le procureur général près la Cour de cassation dans l'intérêt de la loi, sur ordre du ministre de la justice, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 8-3, en date du 16 avril 2019, qui, a relaxé M. N... Y... du chef de refus de remettre ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, M. Bonnal, M. Guéry, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Issenjou, M. Turbeaux, Mme Labrousse, M. Seys, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, M. Barbier, Mme Barbé, Mme de-Lamarzelle, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre d'une enquête de flagrance pour infractions à la législation sur les stupéfiants, M. Y..., au cours de sa garde à vue, s'est vu réclamer par le fonctionnaire de police qui procédait à son audition, les codes de déverrouillage des trois téléphones portables qui ont été découverts en sa possession. Il a refusé de les communiquer. 3. M. Y... a été cité devant le tribunal correctionnel pour infractions à la législation sur les stupéfiants et refus de remettre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie. 4. Le tribunal correctionnel a déclaré M. Y... coupable des délits reprochés. Appel a été interjeté à titre principal par le prévenu et à titre incident par le ministère public. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation de l'article 434-15-2 du code pénal. 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé M. Y... du chef de refus de remettre une convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, alors : « 1°/ que la cour d'appel a imposé une exigence non expressément prévue par l'article 434-15-2 du code pénal, en énonçant qu'il ne ressort d'aucun élément de la procédure qu'une réquisition ait été adressée par une autorité judiciaire à N... Y... de communiquer ce code de déverrouillage ou de le mettre en oeuvre, cependant qu'elle constatait que le prévenu a refusé de communiquer ce code à la suite d'une demande qui lui été faite au cours de son audition par un fonctionnaire de police ; 2°/ que le code de verrouillage d'un téléphone constitue une convention secrète de déchiffrement dès lors qu'il est utilisé dans le mécanisme de chiffrement des données contenues dans l'appareil grâce à un algorithme défini de manière à les rendre inintelligibles.» Réponse de la Cour Sur le moyen pris en sa première branche 7. Pour relaxer le prévenu, l'arrêt énonce que M. Y... a refusé de communiquer le code de déverrouillage de son téléphone portable, sur la demande d'un fonctionnaire de police, faite au cours de son audition, et non en vertu d'une réquisition émanant d'une autorité judiciaire de le communiquer ou de le mettre en oeuvre. 8. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. 9. C'est à tort qu'elle a énoncé que cette réquisition ne pouvait être délivrée par un fonctionnaire de police, alors que la réquisition délivrée par un officier de police judiciaire agissant en vertu des articles 60-1, 77-1-1 et 99-3 du code de procédure pénale, dans leur rédaction applicable au litige, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, entre dans les prévisions de l'article 434-15-2 du code pénal. 10. L'arrêt n'encourt pour autant pas la censure, dès lors qu'une simple demande formulée au cours d'une audition, sans avertissement que le refus d'y déférer est susceptible de constituer une infraction pénale, ne constitue pas une réquisition au sens du texte précité. 11. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. Mais sur le moyen pris en sa seconde branche Vu les articles 434-15-2 du code pénal, 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, L.871-1 et R. 871-3 du code de la sécurité intérieure : 12. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, est tenue de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale. 13. Il résulte de la combinaison des autres textes que la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie contribue à la mise au clair des données qui ont été préalablement transformées, par tout matériel ou logiciel, dans le but de garantir la sécurité de leur stockage, et d'assurer ainsi notamment leur confidentialité. Le code de déverrouillage d'un téléphone portable peut constituer une telle convention lorsque ledit téléphone est équipé d'un moyen de cryptologie. 14. L'existence d'un tel moyen peut se déduire des caractéristiques de l'appareil ou des logiciels qui l'équipent ainsi que par les résultats d'exploitation des téléphones au moyen d'outils techniques, utilisés notamment par les personnes qualifiées requises ou experts désignés à cette fin, portés, le cas échéant, à la connaissance de la personne concernée. 15. Pour relaxer le prévenu, l'arrêt énonce qu'un code de déverrouillage d'un téléphone portable d'usage courant, qui ouvre l'accès aux données qui y sont contenues, ne constitue pas une convention secrète d'un moyen de cryptologie, en ce qu'il ne permet pas de déchiffrer des données ou messages cryptés. 16. En se référant ainsi à la notion inopérante de téléphone d'usage courant, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 17. Par conséquent, la cassation est encourue. Portée et conséquences de la cassation 18. La cassation aura lieu sans renvoi, dans les conditions fixées par l'article 621 du code de procédure pénale, les parties ne pouvant s'en prévaloir, ni s'opposer à l'exécution de la décision annulée. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, dans le seul intérêt de la loi, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 16 avril 2019 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE, l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.
La réquisition délivrée par un officier de police judiciaire agissant en vertu des articles 60-1, 77-1-1 ou 99-3 du code de procédure pénale, dans leur rédaction applicable au litige, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, entre dans les prévisions de l'article 434-15-2 du code pénal. Toutefois, une simple demande formulée au cours d'une audition, sans avertissement que le refus d'y déférer est susceptible de constituer une infraction pénale, ne constitue pas une réquisition au sens du texte précité
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N° M 20-82.016 FS-P+B+I N° 1806 EB2 13 OCTOBRE 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 OCTOBRE 2020 CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par M. B... G... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1ère section, en date du 3 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'assassinat, a rejeté sa demande de mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. B... G..., et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, M. Bonnal, M. Guéry, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Issenjou, M. Turbeaux, Mme Labrousse, M. Seys, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, M. Violeau, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Détenu en exécution d'un mandat de dépôt criminel du 11 octobre 2016 et d'un arrêt de mise en accusation du 21 octobre 2019, M. G... a saisi la chambre de l'instruction, le 30 janvier 2020, d'une demande de mise en liberté en application des dispositions des articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale. 3. Par arrêt du 3 mars 2020, la chambre de l'instruction a rejeté sa demande. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté formée par B... G..., alors « que la chambre de l'instruction, appelée à connaître des demandes de mise en liberté formées par les accusés renvoyés devant la cour d'assises, doit se prononcer dans un délai de 20 jours, sauf à justifier de circonstances insurmontables, imprévisibles et extérieures au service public de la justice caractérisant un cas de force majeure ; qu'en l'espèce, B... G... a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté le 30 janvier 2020, de telle sorte qu'elle devait se prononcer avant le 19 février 2020 ; qu'en rejetant sa demande de mise en liberté, malgré l'expiration du délai de 20 jours, en relevant que ce délai n'a pu être respecté en raison du dépôt massif de demandes de mise en liberté dans le cadre d'un mouvement de grève des avocats, ce qui ne constituait pas un événement imprévisible, insurmontable et extérieur au service public de la justice, la chambre de l'instruction a violé les articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale, ensemble l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale : 5. Il résulte du second de ces textes que lorsqu'une juridiction est appelée à statuer, en application du premier, sur une demande de mise en liberté, elle doit se prononcer à compter de la réception de celle-ci, dans le délai que fixe le deuxième alinéa dudit article 148-2, faute de quoi le demandeur est remis d'office en liberté, sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu. 6. Pour rejeter la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué retient que le délai d'examen de la demande n'a pu être respecté en raison d'un cas de force majeure. 7. Les juges relèvent, en effet, que l'afflux soudain, dans des proportions importantes, de recours sur des demandes formées en première instance ou de saisines directes relevant du contentieux de la détention, accru par des demandes de mainlevée de contrôle judiciaire, a présenté un caractère imprévisible. Ils ajoutent que les courriers officiels du bâtonnier du barreau de Paris, successivement adressés aux chefs de juridiction depuis le 8 janvier 2020 au gré des reconductions de la mobilisation de la profession d'avocat contre le projet de réforme de son régime de retraite, n'ont jamais évoqué une telle pratique, se limitant à annoncer une absence de désignation d'avocats et de permanences ainsi qu'un appel au renvoi de toutes les affaires audiencées. 8. Les juges estiment, en outre, que cet engorgement provoqué est la conséquence recherchée de la «grève du zèle» d'avocats qui ne sont pas partie intégrante du service public de la justice, qui est, en conséquence, un fait extérieur à celui-ci. 9. Ils soulignent enfin le caractère insurmontable de cet afflux de demandes : la mise en place d'une organisation spécifique et exceptionnelle pour tendre à assurer le traitement de ces procédures dans les délais légaux n'a pas permis de procéder à un traitement normal de l'ensemble des procédures qui leur ont été soumises. 10. Ils en déduisent que le mouvement des avocats a constitué une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, constitutive du cas de force majeure permettant de passer outre le caractère impératif des délais fixés par l'article 148-2 du code de procédure pénale. 11. En prononçant ainsi, alors qu'un afflux massif de demandes de mise en liberté, dont le dépôt est un droit pour toute personne placée en détention provisoire, ne constitue pas, pour le service de la justice, une circonstance insurmontable permettant de dépasser les délais fixés aux articles susvisés, la chambre de l'instruction a violé lesdits articles. Portée et conséquence de la cassation 12. M. G... doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause. 13. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais prévus audit code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code. 14. En l'espèce, il existe des indices graves et concordants permettant de considérer que M. G... a participé, comme auteur ou complice, à la commission du crime qui lui est reproché. 15. La mesure de contrôle est indispensable afin de : - empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille : Mme I... H... épouse T..., veuve de la victime, qui a été entendue comme témoin direct des faits ; M. W... U..., voisin du bar dont la victime était le gérant, qui a été entendu comme témoin rapportant la fuite de M. G... après les coups de feu tirés sur la victime ; Mme L... T..., soeur de la victime, qui a révélé la véritable identité de M. G... en fuite depuis une condamnation par défaut prononcée en 1981, et qui a permis l'identification de l'immatriculation du véhicule utilisé par M. G... ; Mme A... V..., et M. Q... Y... qui ont attesté de l'emprise que ce dernier exerçait sur la victime ; M. E... N..., serveur dans le bar de la victime, qui a relaté des éléments relatifs à la personnalité de M. G... et aux démarches entreprises par celui-ci pour obtenir un «vrai faux passeport» à ce nom ; - garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice : M. G... a fait l'objet d'un mandat de recherches après sa condamnation par défaut en 2001 du chef de vol avec arme, meurtre et association de malfaiteurs et a vécu plusieurs années en Thaïlande où il a rencontré la victime et où il aurait encore des attaches ; - mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction et les circonstances de sa commission : les tirs ont eu lieu à 20 heures 20 contre le gérant du bar-tabac de la Mairie au [...] ), alors que le commerce recevait encore du public, causant une émotion qui perdure ; 16. Afin d'assurer ces objectifs, M. G... sera astreint aux obligations suivantes : 1°) fixer sa résidence chez sa soeur, Mme P... G..., [...] , 2°) ne pas sortir des limites du département de l'Eure ; en tout état de cause, ne pas sortir du territoire national, 3°) remettre à la gendarmerie de [...] ses documents d'identité en échange d'un récépissé valant justification d'identité, 4°) se présenter à la gendarmerie de [...], [...] , tous les matins avant 12 heures, 5°) ne pas entrer en contact avec Mme I... H... épouse T..., M. W... U..., Mme L... T..., Mme A... V..., M. Q... Y... et M. E... N.... 17. Le parquet général de cette Cour procédera aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale. 18. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est désignée comme juridiction compétente pour l'application des articles 139 et suivants du code de procédure pénale, et notamment modifier les obligations du contrôle judiciaire ou en sanctionner la violation. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 3 mars 2020 ; CONSTATE que M. G... est détenu sans titre depuis le 19 février 2020 ; ORDONNE la mise en liberté de M. G... s'il n'est pas détenu pour autre cause ; ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. G... ; DIT qu'il sera astreint au respect des obligations suivantes : 1°) fixer sa résidence chez sa soeur, Mme P... G..., [...] , 2°) ne pas sortir des limites du département de l'Eure ; en tout état de cause, ne pas sortir du territoire national, 3°) remettre à la gendarmerie de [...] ses documents d'identité en échange d'un récépissé valant justification d'identité, 4°) se présenter à la gendarmerie de [...], [...] , tous les matins avant 12 heures, 5°) ne pas entrer en contact avec Mme I... H... épouse T..., M. W... U..., Mme L... T..., Mme A... V..., M. Q... Y... et M. E... N... ; DIT que le greffe de l'établissement pénitentiaire notifiera lors de la levée d'écrou de M. G..., contre émargement de ce dernier, les obligations qui lui sont faites, ainsi que l'avertissement des sanctions encourues en application de 141-2 du code de procédure pénale ; RAPPELLE qu'en cas de non respect des obligations qui lui sont imposées, l'accusé peut être placé en détention provisoire ; DESIGNE M. le commandant de la gendarmerie de [...] pour veiller à l'exécution de ces obligations ; DIT que, conformément aux dispositions de l'article 230-19 du code de procédure pénale, les obligations et interdictions visées audit article seront inscrites dans le fichier des personnes recherchées, DIT que le parquet général de cette Cour procédera aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ; DIT que la chambre de l'instruction de Paris est compétente pour l'application des articles 139 et suivants du code de procédure pénale, et notamment modifier les obligations du contrôle judiciaire ou en sanctionner la violation ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.
Lorsqu'une juridiction est appelée à statuer sur une demande de mise en liberté, elle doit se prononcer à compter de la réception de celle-ci, dans le délai que fixe le deuxième alinéa de l'article 148-2 du code de procédure pénale, faute de quoi le demandeur est remis d'office en liberté, sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu. Ne constitue pas, pour le service de la justice, une circonstance insurmontable, permettant de dépasser les délais, l'afflux massif de demandes de mise en liberté, dont le dépôt est un droit pour toute personne placée en détention provisoire
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N° C 20-82.376 F-P+B+I N° 1903 CK 13 OCTOBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 OCTOBRE 2020 REJET du pourvoi formé par M. S... Y... contre l'arrêt n° 303 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 avril 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment d'importation de produits stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. S... Y..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. Y... a été placé sous mandat de dépôt criminel le 27 septembre 2018. 3. Il a été transféré le 11 février 2020 en Belgique, dans le cadre d'une décision d'enquête européenne qui devait prendre fin le 18 mars 2020. 4. Le retour en France de l'intéressé était fixé au 16 mars 2020. 5. A cette date, l'administration pénitentiaire française a informé le juge d'instruction que celui-ci ne pouvait avoir lieu, la situation sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 la conduisant à suspendre les transferts durant quinze jours. 6. Le 23 mars 2020, M. Y... a formé une demande de mise en liberté qui a été rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 26 mars 2020. 7. M. Y... a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 9. Le moyen, en ses deuxième et troisième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a d'avoir rejeté la demande de mise en liberté, alors : « 2°/ subsidiairement que le respect du délai de transfèrement fixé par le juge d'instruction pour l'exécution d'une décision d'enquête européenne s'impose à peine de remise en liberté ; qu'en se bornant à faire état de l'épidémie de Covid-19 pour retenir que des circonstances insurmontables auraient empêché le 16 mars 2020, date d'expiration du délai fixé par le juge d'instruction, le renvoi en France du détenu, sans autre indication quant à la situation précise des services en charge du transfèrement, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et 694-45 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'en tout état de cause que le respect des droits de la défense et le principe de libre communication entre l'avocat et la personne mise en examen qui en découle imposent que, lorsque l'avocat d'un détenu qui est incarcéré sur le territoire d'un Etat membre dans le cadre d'un transfèrement en exécution d'une décision d'enquête européenne au-delà du délai fixé par le juge d'instruction fait valoir qu'il ne peut communiquer avec son client en raison de cette situation, les juridictions compétentes saisie d'une demande de mise en liberté présentée pour le compte de ce détenu prennent les mesures permettant d'assurer cette communication et, en cas d'impossibilité, en tirent les conséquences en ordonnant sa remise en liberté ; qu'en se bornant à constater que la situation dans laquelle se trouvait la personne mise en examen, incarcérée sur le territoire belge dans le cadre d'un transfèrement dont la durée avait dépassé celle fixée par le juge d'instruction en raison de l'épidémie de Covid-19, impactait la fluidité des relations entre l'intéressée et son avocat, quand ce dernier faisait valoir qu'il était dans l'impossibilité de communiquer avec son client, et en s'abstenant d'ordonner les mesures nécessaires pour assurer cette communication, ou de constater des circonstances insurmontables qui auraient fait obstacle à de telles mesures, la chambre de l'instruction a violé les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 10. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et écarter l'argumentation de la personne mise en examen qui soutenait que son maintien en détention en Belgique au-delà du délai fixé pour son transfèrement temporaire faisait obstacle à l'exercice des droits de la défense, l'arrêt relève en substance que l'épidémie de Covid-19 constitue une circonstance insurmontable et imprévisible ayant fait obstacle au transfèrement de M. Y.... 11. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 12. En effet, d'une part, le dépassement du délai fixé pour le retour en France d'une personne détenue, transférée temporairement au titre d'une décision d'enquête européenne, n'est pas sanctionné par la mise en liberté de l'intéressé. 13. D'autre part, le confinement ordonné en France le 16 mars 2020, avec prise d'effet le 17 mars 2020, en raison de l'épidémie de Covid-19, constitue une circonstance insurmontable et imprévisible, extérieure au service de la justice, qui a fait obstacle au retour de M. Y... en France et par voie de conséquence à une libre communication de celui-ci avec son conseil sur son lieu de détention. 14. Dès lors, il appartenait au conseil de M. Y..., s'il estimait n'être pas en mesure d'assurer la défense de la personne mise en examen à l'occasion de sa demande de mise en liberté, de solliciter un renvoi de l'audience de la chambre de l'instruction, encore possible avant l'expiration du délai prévu à l'article 194 du code de procédure pénale, prorogé d'un mois en application de l'article 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, afin de permettre l'organisation d'une communication audiovisuelle ou téléphonique entre eux. 15. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté. 16. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.
Le dépassement du délai fixé pour le retour en France d'une personne mise en examen, placée en détention provisoire, qui a été transférée temporairement au titre d'une décision d'enquête européenne, n'est pas sanctionné par la mise en liberté de l'intéressé
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N° U 20-82.322 F-P+B+I N° 1906 SM12 13 OCTOBRE 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 OCTOBRE 2020 CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par M. T... U... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 22 avril 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de tentative de meurtre, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention déclarant sans objet sa saisine aux fins de prolongation de la détention provisoire et constatant la prolongation de plein droit de celle-ci. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. T... U..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. U..., mis en examen pour tentative de meurtre, a été placé en détention provisoire le 6 avril 2019. 3. Le 16 mars 2020, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la détention provisoire de l'intéressé. 4. Par ordonnance en date du 2 avril 2020, le juge des libertés et de la détention a déclaré sans objet sa saisine et a constaté la prolongation de plein droit de la détention provisoire, en application de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020. 5. La personne mise en examen a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen du mémoire ampliatif, pris en sa troisième branche, et les premier et troisième moyens du mémoire personnel 6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur les premier et second moyen du mémoire ampliatif, pris en leur première branche Enoncé des moyens 7. Le premier moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré l'appel de M. U... irrecevable, alors : «1°/ que l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 qui prolonge la détention provisoire pour des durées comprises entre deux et six mois sans de plein de droit et de manière systématique prévoir l'intervention d'un juge pour en apprécier la nécessité méconnaît la liberté individuelle et le principe corollaire exigeant le contrôle du juge judiciaire à toute atteinte à celle-ci dans le plus bref délai possible garanti par l'article 66 de la Constitution ; que la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir privera l'arrêt attaqué de tout fondement légal. » 8. Le second moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé de se prononcer sur la demande de mainlevée de la détention provisoire présentée par M. U..., alors : «1°/ que l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 qui prolonge la détention provisoire pour des durées comprises entre deux et six mois sans de plein de droit et de manière systématique sans prévoir l'intervention d'un juge pour en apprécier la nécessité méconnaît la liberté individuelle et le principe corollaire exigeant le contrôle du juge judiciaire à toute atteinte à celle-ci dans le plus bref délai possible garanti par l'article 66 de la Constitution ; que la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir privera l'arrêt attaqué de tout fondement légal. » Réponse de la Cour 9. Les moyens sont réunis. 10. Par arrêt en date du 15 septembre 2020, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, posée par le demandeur et portant sur les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020. 11. Cette décision rend sans objet les moyens tirés de l'inconstitutionnalité de ces dispositions. Mais sur le premier moyen du mémoire ampliatif, pris en sa deuxième branche, et le quatrième moyen du mémoire personnel Enoncé des moyens 12. Le premier moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré l'appel de M. U... irrecevable, alors : « 2°/ qu'une ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant de statuer sur la saisine du juge d'instruction, prétendant constater la prolongation de plein droit du titre de détention en précisant, du reste illégalement, la date d'expiration du titre de détention, et s'abstenant de se prononcer, à la demande du mis en examen, sur l'éventuelle mainlevée de la mesure constitue une décision juridictionnelle susceptible d'appel devant la chambre de l'instruction ; qu'en jugeant que l'ordonnance "déclarant sans objet la saisine du juge d'instruction aux fins de prolongation de la détention provisoire" par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Dijon a constaté, d'une part, qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur cette demande et précisé, d'autre part, que la détention provisoire de ce dernier était prolongée de plein droit jusqu'au 5 octobre 2016 n'était pas une décision juridictionnelle susceptible d'appel, la chambre de l'instruction a violé les articles 145-2 et 186 et 591 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la convention européenne des droits de l'homme. » 13. Le quatrième moyen du mémoire personnel critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel de la personne mise en examen alors qu'en énonçant que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention était dépourvue de caractère juridictionnel et n'entrait pas dans les prévisions de l'article 186 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6.1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et 186 du code de procédure pénale. Réponse de la Cour 14. Les moyens sont réunis. Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 186 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 : 15. Il se déduit de ces articles que le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre toute ordonnance du juge des libertés et de la détention faisant grief à ses droits et dont elle ne pourrait remettre en cause les dispositions ni dans les formes prévues par les articles 186 à 186-3 du code de procédure pénale ni dans la suite de la procédure. 16. Pour déclarer irrecevable l'appel de la personne mise en examen, l'arrêt énonce que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ne présente aucune caractéristique d'une décision juridictionnelle et ne crée en elle-même aucun grief à l'appelant, la détention n'étant pas poursuivie du fait de cette décision mais du fait d'un changement de dispositions à valeur législative. 17. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 18. En effet, d'une part, la décision du juge des libertés et de la détention qui constate que la détention provisoire de la personne mise en examen, dont le titre vient à expiration, est prolongée d'une durée de six mois, fût-ce par l'effet de la loi, lui cause nécessairement grief. 19. D'autre part, ni l'article 16 de l'ordonnance précitée ni aucune autre disposition du code de procédure pénale ne permettent à la personne mise en examen de contester la prolongation de plein droit de sa détention provisoire. 20. La cassation est dès lors encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 21. La prolongation sans intervention judiciaire du titre de détention venant à expiration prévue à l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 est régulière si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, en matière criminelle, dans les trois mois de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention (Crim., 26 mai 2020, pourvoi n° 20-81.910). 22. Il résulte des pièces de la procédure que, par arrêt en date du 3 juin 2020, la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté la demande de mise en liberté de la personne mise en examen. 23. Dès lors, la prolongation de plein droit de la détention provisoire de l'intéressé est régulière. 24. En conséquence, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3, alinéa 3, du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, en sa seconde branche, du mémoire ampliatif et sur le deuxième moyen du mémoire personnel : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 22 avril 2020, CONSTATE que la détention provisoire de M. U... a été prolongée régulièrement de six mois, à compter du 5 avril 2020 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.
Il se déduit des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 186 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, que le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre toute ordonnance du juge des libertés et de la détention faisant grief à ses droits et dont il ne pourrait remettre en cause les dispositions ni dans les formes prévues par les articles 186 à 186-3 du code de procédure pénale ni dans la suite de la procédure. Encourt en conséquence la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui déclare irrecevable l'appel formé par la personne mise en examen de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constatant la prolongation de plein droit de sa détention provisoire, en application de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020. En effet, d'une part, la décision du juge des libertés et de la détention qui constate que la détention provisoire de la personne mise en examen, dont le titre vient à expiration, est prolongée d'une durée de six mois, fût-ce par l'effet de la loi, lui cause nécessairement grief. D'autre part, ni l'article 16 de l'ordonnance précitée ni aucune autre disposition du code de procédure pénale ne permettent à la personne mise en examen de contester la prolongation de plein droit de sa détention provisoire
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N° C 20-80.490 F-P+B+I N° 1911 EB2 13 OCTOBRE 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 OCTOBRE 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par la société Le Monde, partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 29 novembre 2019, qui dans l'information suivie, sur sa plainte contre personne non dénommée, des chefs de collecte de données à caractère personnel par moyen frauduleux, déloyal ou illicite et atteinte au secret des correspondances par personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions, a prononcé sur des demandes d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 25 février 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Le Monde, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Q... T... et de Mme H... J..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Nanterre du chef de violation du secret de l'instruction et du secret professionnel, à la suite de la parution d'un article dans l'édition du Monde datée du 2 septembre 2010 faisant état d'une perquisition réalisée la veille au domicile de Mme D.... 3. Les services de l'inspection générale des services de la police nationale (IGPN) ont adressé des réquisitions à divers opérateurs téléphoniques notamment pour identifier les numéros des téléphones portables de MM. P... et M..., journalistes au Monde, ainsi que les numéros des appels entrants et sortants de ces lignes, sur les instructions de M. Q... T..., procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre, et de son adjointe, Mme H... J.... 4. L'information ensuite ouverte du chef de violation du secret professionnel a été conduite par la juridiction d'instruction de Bordeaux, désignée dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. 5. Les réquisitions susmentionnées ont été annulées le 5 mai 2011 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, le pourvoi formé contre cet arrêt étant rejeté le 6 décembre 2011. 6. Le 25 février 2011, la société Le Monde, MM. M... et P... ont déposé une plainte avec constitution de partie civile des chefs de collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite, et d'atteinte au secret des correspondances par personne dépositaire de l'autorité publique. 7. Le 1er juin 2011, une information judiciaire a été ouverte de ces chefs. 8. Par arrêt du 22 mars 2012, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a annulé les investigations diligentées dans ce cadre, notamment les perquisitions et saisies effectuées au siège de l'IGPN, ainsi que les mises en examen ordonnées, pour violation des dispositions de l'article 6-1 du code de procédure pénale. Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 25 juin 2013. 9. Le 2 juillet 2014, la société Le Monde et les deux journalistes précités ont réitéré leur plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris. 10. L'information ensuite ouverte a été conduite par la juridiction d'instruction de Lille, désignée dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. 11. Le juge d'instruction a notamment procédé à la perquisition des locaux de l'IGPN et à la saisie de la copie des actes d'investigations réalisés dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Nanterre du chef de violation du secret de l'instruction et du secret professionnel. 12. M. T..., tout comme Mme J..., placés sous le statut de témoin assisté, ont présenté une requête en annulation de pièces, en exposant que ces investigations ont méconnu les dispositions de l'article 174 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait droit à la requête en nullité, et a annulé en conséquence les cotes D31 à D34, en ce compris le scellé IGPN 1, D36, D37, D38, D39, D41 et D47, alors : « 1°/ que l'article 174 du code de procédure pénale, selon lequel des actes annulés ne peuvent être utilisés dans une autre procédure, ne s'applique pas à l'hypothèse où la seconde procédure porte sur des faits distincts et vise des personnes distinctes ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans violer ce texte, se fonder sur l'annulation des réquisitions de septembre 2010 prononcée dans une première information judiciaire qui portait sur des faits de violation du secret professionnel, pour annuler la copie de ces mêmes réquisitions, versée dans la présente information judiciaire, qui concerne des faits distincts de collecte de données à caractère personnel, imputés par les parties civiles à des membres du parquet ; 2°/ que et en tout état de cause, lorsqu'une infraction est commise à l'occasion de la mise en oeuvre de règles de procédure pénale par des autorités publiques, l'annulation de l'acte litigieux ne fait pas obstacle à ce que soit menées des investigations sur celui-ci dans le cadre d'une procédure ultérieure; qu'il peut d'autant moins en aller ainsi que l'article 6-1 du code de procédure pénale subordonne la recevabilité des poursuites à un constat d'illégalité préalable ; qu'en annulant les actes d'investigation effectués sur les réquisitions litigieuses du 2 septembre 2010, qui constituent les faits objet de l'information dénoncés par les parties civiles, sur la base du constat d'illégalité précédemment opéré, la chambre de l'instruction a violé les articles 174 et 6-1 du Code de procédure pénale ; 3°/ qu'en se prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a procédé à une application excessivement formaliste des articles 174 et 6-1 du code de procédure pénale, conduisant à ériger un obstacle disproportionné au droit d'accès au juge des parties civiles, celles-ci se trouvant de facto dans l'impossibilité de faire réaliser des investigations sur les actes annulés, en raison de l'illégalité précédemment constatée ; qu'elle a violé ces articles, ainsi que l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait droit à la requête en nullité et a annulé en conséquence les cotes D31 à D34, en ce compris le scellé IGPN 1, D36, D37, D38, D39, D41 et D47, alors : « 1°/ que lorsque des actes sont déclarés nuls comme ayant été accomplis en violation des règles de procédure, et que la juridiction fait application de l'alinéa 2 de l'article 174 du code de procédure pénale pour décider que l'annulation ne doit pas être limitée à la procédure viciée mais « s'étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure », la reconstitution d'actes ne faisant pas partie des actes viciés dans la première procédure n'est pas interdite ; qu'en considérant qu'il n'était pas possible d'informer à nouveau sur les réquisitions ordonnées en septembre 2010, lorsque dans l'arrêt d'annulation du 22 mars 2012 dont se prévalait le requérant, ces réquisitions ne faisaient pas partie des actes accomplis de manière illégale, la chambre de l'instruction a violé le principe précité, ainsi que les articles préliminaire et 174 du code de procédure pénale ; 2°/ que lorsque l'annulation d'une procédure intervient en raison du constat selon lequel l'exception préjudicielle au déclenchement de l'action publique prévue à l'article 6-1 du code de procédure pénale n'a pas été respectée, ce qui revient à constater le caractère prématuré de l'action, aucun obstacle, hormis la prescription, ne peut exister à la reprise des investigations sur ces mêmes actes ; qu'en annulant la copie des réquisitions du 2 septembre 2010 réalisée dans la présente procédure en se fondant sur l'annulation du réquisitoire introductif du 1er juin 2011, délivré prématurément au regard de l'article 6-1 du code de procédure pénale, la chambre a de nouveau méconnu la combinaison des articles 174 et 6-1 du code de procédure pénale ; 3°/ que la chambre de l'instruction a ce faisant érigé un tel obstacle à l'action de la partie civile, qui a réitéré une action dont l'irrecevabilité n'avait, précédemment, pas été constatée dans le cadre d'une ordonnance de non-informer, comme elle aurait du l'être ; qu'elle a violé l'article 6§1 de la Convention européenne et l'article 6-1 du code de procédure pénale, en méconnaissant le droit d'accès au juge de l'exposante. » Réponse de la Cour 15. Les moyens sont réunis. Vu les articles 6-1 et 174 du code de procédure pénale : 16. Il résulte du premier de ces textes que, lorsque les délits dénoncés impliquent la violation de dispositions de procédure pénale, l'action publique ne peut être engagée qu'après la constatation définitive du caractère illégal des actes accomplis. 17. Le second de ces textes interdit de tirer des actes et des pièces ou parties d'actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties. Toutefois, une telle interdiction ne s'applique pas à la partie qui, ayant bénéficié de l'annulation d'actes portant atteinte à ses intérêts, s'en prévaut dans le cadre d'une procédure distincte. 18. Enfin, lorsque des investigations ont été annulées en application du premier de ces textes au motif que la plainte avec constitution de partie civile à la suite de laquelle elles ont été effectuées, qui se prévalait de la violation antérieure de dispositions de procédure pénale, avait été déposée avant que le caractère illégal des actes accomplis eût été définitivement constaté, le second de ces textes ne saurait interdire que, sur une plainte identique, réitérée une fois satisfaite cette condition, le juge d'instruction procède à nouveau aux investigations précédemment annulées. 19. Pour prononcer l'annulation de la perquisition diligentée dans les locaux de l'IGPN et de la saisie d'une copie d'archives de la procédure d'enquête préliminaire ouverte du chef de violation du secret de l'instruction le 2 septembre 2010, ainsi que des actes subséquents, l'arrêt relève que cette procédure a été annulée par arrêt du 5 mai 2011 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et par arrêt du 22 mars 2012 de la 6e chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris. 20. Les juges énoncent qu'il n'était dès lors pas possible d'informer à nouveau sur les réquisitions ordonnées dans le cadre de cette enquête préliminaire qui avaient été annulées. 21. Ils retiennent que la plainte déposée le 2 juillet 2014 par la société éditrice du Monde et par les journalistes précités, identique à celle déposée le 25 février 2011, est intervenue alors que l'arrêt du 22 mars 2012 était définitif. 22. Les juges en déduisent que la perquisition et la saisie d'une copie d'archives dans les locaux de l'IGPN n'ont été que des artifices pour retrouver une copie des pièces annulées par cette décision. 23. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent. 24. En premier lieu, les juges ne pouvaient retenir que l'annulation des actes concernés, par arrêt du 5 mai 2011 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, constituait un obstacle à l'action de la partie civile, alors que cette décision était la condition de sa recevabilité. 25. En second lieu, ils ne pouvaient déduire de la seule réitération d'actes annulés par un juge d'instruction l'existence d'un artifice de nature à reconstituer, au mépris des droits de la défense, la substance des actes annulés dans une autre procédure, alors que cette annulation avait été prononcée au seul motif que les actes avaient été effectués avant que la condition résultant de l'article 6-1 du code de procédure pénale ne soit satisfaite. 26. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 27. En application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard de MM. M... et P..., parties civiles, qui ne se sont pas pourvus, en raison de l'indivisibilité des faits. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 29 novembre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT que la cassation aura effet à l'égard de MM. M... et P... ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.
L'interdiction de tirer des actes et des pièces ou parties d'actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, prévue par l'article 174 du code de procédure pénale, ne s'applique pas à la partie qui, ayant bénéficié de l'annulation d'actes portant atteinte à ses intérêts, s'en prévaut dans le cadre d'une procédure distincte. Lorsque des investigations ont été annulées en application de l'article 6-1 du code de procédure pénale, au motif que la plainte avec constitution de partie civile à la suite de laquelle elles ont été effectuées, qui se prévalait de la violation antérieure de dispositions de procédure pénale, avait été déposée avant que le caractère illégal des actes accomplis eût été définitivement constaté, l'article 174 du code de procédure pénale ne saurait interdire que, sur une plainte identique, réitérée une fois satisfaite cette condition, le juge d'instruction procède à nouveau aux investigations précédemment annulées
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N° Y 20-81.199 F-P+B+I N° 1926 SM12 13 OCTOBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 OCTOBRE 2020 REJET des pourvois formés par Mme J... C... et M. F... D... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 31 janvier 2020, qui, dans l'information suivie contre eux, notamment des chefs de blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de procédure. Par ordonnance en date du 18 mai 2020, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocats de M. F... D... et les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocats de Mme J... C..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. A la suite d'une enquête préliminaire relative à des faits de recels en bande organisée de métaux précieux et de bijoux provenant de vol et de blanchiment, une information judiciaire a été ouverte le 11 juillet 2014 des chefs de recels en bande organisée, association de malfaiteurs et blanchiment en bande organisée, au cours de laquelle ont été mis en cause, notamment, Mme C..., directrice d'un palace à Marrakech, soupconnée de faire échapper d'importantes sommes d'argent au fisc marocain en remettant des espèces à des intermédiaires finançant des trafics et alimentant, en contrepartie, le compte bancaire ouvert à son nom dans la banque suisse D... et Cie, ainsi que M. D..., responsable du compte de Mme C... dans ladite banque. 3. Plusieurs réquisitoires supplétifs sont intervenus, notamment le 16 octobre 2015 étendant la période prévention jusqu'à octobre 2015. 4. Mme C... a été mise en examen le 25 novembre 2016 des chefs de blanchiment aggravé et association de malfaiteurs en raison de faits commis jusqu'au 13 octobre 2015, puis a fait l'objet d'une mise en examen supplétive le 16 août 2018 pour des faits commis jusqu'en novembre 2016. 5. M. D..., interpellé et placé en garde à vue le 11 février 2018, a été mis en examen le 13 février suivant, des mêmes chefs, pour des faits commis jusqu'en novembre 2016. 6. Mme C... et M. D... ont saisi la chambre de l'instruction de requêtes en nullité, auxquelles celle-ci a fait partiellement droit en annulant les mises en examen supplétive de la première et la mise en examen du second, mais uniquement du chef d'association de malfaiteurs pour des faits commis jusqu'en novembre 2016. Examen des moyens Sur les premier, quatrième et cinquième moyen et la troisième branche du deuxième moyen proposés pour Mme C... et les quatre moyens proposés pour M. D... 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen proposé pour Mme C..., pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation de la mise en examen supplétive de Mme C... d'une part et des demandes d'entraide judiciaire suisse et de leurs pièces d'exécution d'autre part, tirées d'un excès de saisine, alors : « 1°/ que le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen pris d'un excès de saisine tendant à l'annulation de la mise en examen supplétive de Mme C... des chefs de blanchiment aggravé et d'association de malfaiteurs commis « sur le territoire national, en Belgique et en Suisse », après avoir pourtant constaté que les réquisitoires introductif et supplétifs visent des faits de blanchiment et d'association de malfaiteurs commis sur le seul territoire national (arrêt, p. 42 et p. 43), la chambre de l'instruction a énoncé que les actes commis sur le territoire national ne prennent sens qu'au regard des actes commis à l'étranger, dont ils sont indivisibles, et que, pour cette raison, « le juge d'instruction est autorisé à informer sur l'ensemble, y compris sur les actes mis en évidence à l'étranger, alors même que l'acte de poursuite, en l'espèce le réquisitoire supplétif du 13 février 2018, ne viserait que ceux commis sur le territoire national » (arrêt, p. 43) ; qu'en statuant ainsi, lorsque, même à les supposer indivisibles, les faits commis à l'étranger, distincts de ceux dont le magistrat instructeur était saisi, s'analysaient en des faits nouveaux sur lesquels ce magistrat ne pouvait valablement instruire sans réquisitoire préalable du procureur de la République et que les actes dont l'annulation était sollicitée excédaient de simples vérifications sommaires, la chambre de l'instruction a violé l'article 80 du code de procédure pénale ; 2°/ que pour écarter les moyens pris d'un excès de saisine tendant à l'annulation des demandes d'entraide judiciaire adressées par le juge d'instruction aux autorités helvétiques les 22 février 2016, 25 octobre 2016 et 22 novembre 2016 aux fins de communication d'informations bancaires concernant Mme C..., après avoir pourtant constaté que les réquisitoires introductif et supplétifs visent des faits de blanchiment et d'association de malfaiteurs commis sur le seul territoire national (arrêt, p. 42 et p. 43), la chambre de l'instruction a énoncé que les actes commis sur le territoire national ne prennent sens qu'au regard des actes commis à l'étranger, dont ils sont indivisibles, et que, pour cette raison, « le juge d'instruction est autorisé à informer sur l'ensemble, y compris sur les actes mis en évidence à l'étranger, alors même que l'acte de poursuite, en l'espèce le réquisitoire supplétif du 13 février 2018, ne viserait que ceux commis sur le territoire national » (arrêt, p. 43) ; qu'en statuant ainsi, lorsque, même à les supposer indivisibles, les faits commis à l'étranger, distincts de ceux dont le magistrat instructeur était saisi, s'analysaient en des faits nouveaux sur lesquels ce magistrat ne pouvait valablement instruire sans réquisitoire préalable du procureur de la République et que les actes dont l'annulation était sollicitée excédaient de simples vérifications sommaires, la chambre de l'instruction a violé l'article 80 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 9. Pour dire que le juge d'instruction était fondé à mettre supplétivement en examen Mme C... au titre des faits susceptibles d'avoir été commis en Belgique et en Suisse, l'arrêt retient que la compréhension du mécanisme de blanchiment ne peut être conçue à compter des seuls actes commis sur le territoire national, qui ne prennent sens qu'au regard de la mise en évidence des actes commis à l'étranger, ces actes étant indivisibles et constituant une opération unique, de sorte que le juge d'instruction était autorisé à informer sur l'ensemble des faits, alors même que le réquisitoire supplétif du 13 février 2018 ne viserait que les faits commis sur le territoire national. 10. En prononçant ainsi, les juges n'encourent pas le grief allégué dès lors que le juge d'instruction était saisi des faits commis en Belgique et en Suisse, indivisibles de ceux commis en France dont ils n'étaient que le prolongement. 11. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. Sur le troisième moyen proposé pour Mme C... Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'absence d'enregistrement audiovisuel de l'interrogatoire aux fins de mise en examen supplétive de Mme C..., alors « que lorsque l'information judiciaire porte sur des faits de nature criminelle, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d'instruction doivent faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel ; que, pour écarter le moyen de nullité pris du défaut d'enregistrement audiovisuel de l'interrogatoire aux fins de mise en examen supplétive de Mme C..., la chambre de l'instruction retient que l'exigence d'enregistrement ne concerne que les interrogatoires des personnes mises en examen pour des faits de nature criminelle et en déduit que le magistrat instructeur, bien que saisi de faits criminels, n'était pas contraint d'enregistrer l'interrogatoire de Mme C... qui n'était poursuivie que pour des délits ; qu'en statuant ainsi, lorsque l'obligation d'enregistrement audiovisuel, qui doit être appréciée en début d'interrogatoire, ne peut dépendre de la qualification juridique notifiée à son issue à la personne mise en examen, mais trouve à s'appliquer à chaque fois que le magistrat instructeur est saisi de faits de nature criminelle, la chambre de l'instruction a violé l'article 116-1 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 13. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel l'interrogatoire de Mme C... du 16 août 2018 ayant donné lieu à sa mise en examen supplétive aurait dû faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel, l'arrêt attaqué énonce que l'exigence d'un enregistrement audiovisuel prévu par l'article 116-1 alinéa 1er du code de procédure pénale concerne les seuls interrogatoires des personnes mises en examen pour des faits de nature criminelle, ce qui n'est pas le cas de Mme C... qui n'est poursuivie que pour des délits, peu important qu'elle le soit dans le cadre d'une procédure criminelle. 14. En l'état de ces énonciations, et dès lors que l'article 116-1 alinéa 1er dudit code vise à faire bénéficier d'une protection plus grande les personnes mises en examen d'un chef criminel, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 15. Ainsi, le moyen doit être écarté. 16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.
Dès lors que l'article 116-1, alinéa 1, du code de procédure pénale vise à faire bénéficier d'une protection plus grande les personnes mises en examen d'un chef criminel, il n'y a pas lieu de faire procéder, dans le cabinet du juge d'instruction, à l'enregistrement des interrogatoires des personnes mises en examen seulement pour un ou plusieurs délits, peu important que ces mises en examen aient eu lieu dans une procédure ouverte au criminel
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N° D 19-87.341 F-P+B+I N° 1928 SM12 13 OCTOBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 OCTOBRE 2020 REJET des pourvois formés par M. A... F..., Mme M... Q... épouse F... et la société Savardet contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 28 juin 2019, qui a déclaré irrecevable leur constitution de partie civile contre Mme S... U... du chef de violation du secret professionnel. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. A... F..., Mme M... Q... F... , et la société Savardet, parties civiles, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires, M. Lagauche, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. et Mme F..., respectivement cardiologue et chirurgien-dentiste, et la société Savardet, au sein de laquelle les précités exercent, ont fait citer devant le tribunal correctionnel Mme U... du chef de violation du secret professionnel, en exposant qu'elle avait produit, dans le cadre du litige prud'homal qui l'opposait à la société précitée, son ancien employeur, des carnets de rendez-vous et de correspondance ainsi que le dossier médical d'un patient et qu'une telle divulgation de documents soumis au secret professionnel avait porté atteinte, d'une part, à l'intérêt de leur patient, d'autre part, à leur réputation. 3. Les juges du premier degré ont déclaré M. et Mme F..., ainsi que la société Savardet irrecevables en leur action. 4. Ces derniers ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le second moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. et Mme F... et la Selarl Savardet irrecevables en leur action, alors « que l'action civile en réparation du préjudice causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que le médecin, dépositaire du secret médical, doit, quel que soit son mode d'exercice, personnellement veiller à ce que les personnes qui l'assistent soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s'y conforment ; que la violation de ce secret par une assistante salariée de la Selarl dans le cadre de laquelle M. et Mme F... exercent leur activité de médecin, porte atteinte, auprès des patients, à la réputation de la Selarl, employeur de la salariée, comme à celle de ces médecins qu'elle assiste ; qu'il en résulte un préjudice direct et personnel tant pour la Selarl Savardet que pour M. et Mme F... ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l‘article 2 du code de procédure pénale ; les articles L. 1110-4 et R. 4127-72 du code de la santé publique, et l'article 226-13 du code pénal. » Réponse de la Cour 7.Il résulte de l'article 2 du code de procédure pénale que l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. 8. L'infraction prévue à l'article 226-13 du code pénal est destinée à protéger la sécurité des confidences qu'un particulier est dans la nécessité de faire à une personne dont l'état ou la profession, dans un intérêt général et d'ordre public, fait d'elle un confident nécessaire. 9.En conséquence, la violation du secret professionnel ne porte directement préjudice qu'à l'intérêt général et à l'auteur de ces confidences. 10. Pour déclarer les époux F... et la société Savardet irrecevables en leur action, l'arrêt énonce qu'il résulte de l'article R. 4217-4 du code de la santé publique que le secret médical a été institué dans l'intérêt du patient et non pas dans celui du médecin. 11.Les juges en déduisent que l'employeur, victime indirecte d'une violation du secret professionnel par son salarié, n'est pas habilité à mettre en mouvement l'action publique en application de l'article 2 du code de procédure pénale. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. 13. En effet, d'une part, il résulte de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique que toute personne prise en charge par un professionnel participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. 14. Il s'ensuit que le secret médical étant un droit propre au patient, son médecin n'est pas recevable à se constituer partie civile du chef de violation du secret professionnel, dans l'intérêt de celui-ci. 15. D'autre part, ne peut être qu'indirect, pour un médecin ou la société dans le cadre de laquelle il exerce ses fonctions, le préjudice résultant de l'atteinte que porterait à sa réputation la violation du secret professionnel par une salariée de cette société. 16. Le moyen doit en conséquence être écarté. 17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.
Il résulte de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique que toute personne prise en charge par un professionnel participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Le secret médical est ainsi instauré dans le seul intérêt du patient. Ne peut donc être qu'indirect, pour un médecin ou la société au sein de laquelle il exerce ses fonctions, le préjudice résultant de l'atteinte que porterait à leur réputation la violation d'un tel secret par une salariée de cette société
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N° A 20-83.087 F-P+B+I N° 2168 CK 14 OCTOBRE 2020 ANNULATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 OCTOBRE 2020 ANNULATION du pourvoi formé par M. U... I... contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de Versailles, en date du 9 juin 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et recel, a déclaré irrecevable sa demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. U... I..., et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Slove, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, M. Valat, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. I..., mis en examen des chefs susvisés, a fait l'objet d'une ordonnance de placement en détention après débat différé, le vendredi 5 juin 2020. 3. Le lundi 8 juin 2020, il a formé appel de cette ordonnance et, conformément aux dispositions de l' article 187-1 du code de procédure pénale, a sollicité du président de la chambre de l'instruction qu'il examine immédiatement cet appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel formé par M. I... contre l'ordonnance de placement en détention provisoire de ce dernier, alors « que commet un excès de pouvoir et viole les articles 187-1, 801, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme le président de la chambre de l'instruction qui, saisi d'une demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre une ordonnance de placement en détention provisoire, déclare cette demande irrecevable au motif que l'appel a été interjeté plus d'un jour après l'ordonnance de placement, quand le délai d'un jour suivant une décision de placement en détention pour interjeter appel de cette décision et en demander l'examen immédiat par le président de la chambre de l'instruction, qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant à vingt-quatre heures, de sorte qu'en l'espèce M. I... était recevable à demander au président de la chambre de l'instruction d'examiner immédiatement l'appel qu'il avait interjeté le lundi 8 juin 2020 de l'ordonnance de placement en détention provisoire du vendredi 5 juin 2020. » Réponse de la Cour Vu les articles 187-1 et 801 du code de procédure pénale : 6. En application du premier de ces textes, en cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l'appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention, demander au président de la chambre de l'instruction d'examiner immédiatement son appel sans attendre l'audience de cette juridiction. Cette demande doit, à peine d'irrecevabilité, être formée en même temps que l'appel devant la chambre de l'instruction. 7. En vertu du second de ces textes, le délai qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. 8. En déclarant irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, comme formée plus d'un jour après la décision de placement en détention alors que cette décision intervenue le vendredi 5 juin 2020, pouvait encore faire l'objet d'un appel et d'une demande d'examen immédiat, le lundi 8 juin, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs. 9. L'annulation est par suite encourue. Portée et conséquences de l'annulation 10. La chambre de l'instruction ayant statué sur l'appel du demandeur, il n'y a pas lieu de renvoyer l'examen de la demande d'appel immédiat devant la juridiction du président autrement présidée, mais de retourner le dossier au juge d'instruction compétent, actuellement en charge de l'information. PAR CES MOTIFS, la Cour : ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 9 juin 2020 ; ORDONNE le retour du dossier au juge d'instruction en charge de la procédure d'information ; DIT n'y avoir lieu à renvoi. ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du président de la chambre de l'Instruction de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille vingt.
Il résulte des articles 187-1 et 801 du code de procédure pénale que le délai, pour demander l'examen immédiat de l'appel au président de la chambre de l'instruction, qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. Excède en conséquence ses pouvoirs le président de la chambre de l'instruction qui, pour déclarer irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, ne tient pas compte des dispositions de l'article 801 du code susvisé. Il n'y a pas lieu de renvoyer l'examen de la demande d'appel immédiat devant la juridiction du président autrement présidée, mais de retourner le dossier au juge d'instruction compétent, actuellement en charge de l'information, dès lors que la chambre de l'instruction a statué sur l'appel du demandeur
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N° P 20-82.961 FS-P+B+I N° 2194 EB2 14 OCTOBRE 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 OCTOBRE 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. N... M... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 15 mai 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'extorsion et menaces, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. N... M..., et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, M. Guéry, Mmes Sudre, Issenjou, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 6 novembre 2019, M. K... T... a déposé plainte pour des faits d'extorsion, et déclaré avoir remis à M. N... M..., sous la menace, une somme de 50 000 euros en mai 2019, puis une somme identique en septembre 2019. 3. Parallèlement, plusieurs voisins de M. M... se sont présentés aux enquêteurs pour dénoncer des faits de violences. 4. Interpellé le 5 avril 2020 M. M... a nié toute extorsion de fonds ; il a reconnu s'en être pris verbalement à plusieurs de ses voisins en raison notamment du tapage nocturne qu'il subissait. 5. Mis en examen des chefs susvisés, M. M... a été placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention le 6 avril 2020. 6. M. M... a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le second moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire du juge des libertés et de la détention, alors : « 1°/ qu'un placement en détention provisoire est subordonné à la constatation de l'existence à l'encontre du mis en examen d'indices graves ou concordants d'avoir participé aux faits poursuivis ; qu'ainsi, l'existence de raisons plausibles de soupçonner la personne mise en examen d'avoir commis une infraction est une condition de la régularité de la détention, et le placement en détention suppose donc un contrôle des charges par le juge des libertés et de la détention et par la chambre de l'instruction en cause d'appel ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction ne s'est pas expliquée sur l'absence de tout indice grave ou concordant et n'a donc pas exercé le contrôle qui lui incombait et dont elle était saisie par M. M..., méconnaissant ainsi les exigences des articles 66 de la Constitution, 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire 137 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en énonçant que « la discussion des indices graves ou concordants, voire des charges est étrangère à l'unique objet du contentieux dont la chambre de l'instruction est saisie », se refusant ainsi à examiner l'existence contestée par M. M... d'indices graves ou concordants permettant son placement en détention et de contrôler les éléments de preuve pesant sur le mis en examen, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs au regard des articles précédemment visés et a méconnu l'étendue de ses pouvoirs. » Réponse de la Cour Vu l'article 5 1. c de la Convention européenne des droits de l'homme : 9. Il se déduit de ce texte que la chambre de l'instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés. 10. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et répondre au mémoire qui faisait valoir, au soutien de ses dénégations, l'absence d'indices précis et concordants de la participation de M. M... aux faits pour lesquels il était mis en examen, l'arrêt attaqué énonce que la discussion des indices graves ou concordants, voire des charges, est étrangère à l'unique objet du contentieux dont la chambre de l'instruction est saisie, en l'espèce celui des mesures de sûreté. 11.En refusant d'examiner, dans le cadre de l'appel du placement en détention provisoire et de la contestation par l'appelant d'une quelconque participation aux faits, l'existence d'indices graves ou concordants de sa participation, comme auteur ou complice, à la commission des infractions qui lui sont reprochées, la chambre de l'instruction a méconnu le principe ci-dessus énoncé. 12. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux susvisé, en date du 15 mai 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille vingt.
Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui refuse d'examiner, dans le cadre de l'appel du placement en détention provisoire et de la contestation par l'appelant d'une quelconque participation aux faits, l'existence d'indices graves ou concordants de sa participation, comme auteur ou complice, à la commission des infractions qui lui sont reprochées, existence de tels indices étant l'une des conditions légales d'un placement en détention provisoire
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CIV. 2 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 octobre 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 911 FS-P+B+I Pourvoi n° U 18-25.021 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 M. F... U..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 18-25.021 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société N'4 Mobilités, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, dont le siège est Rubelles rue des Meuniers, 77951 Maincy cedex, 3°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié 14 avenue Duquesne, 75350 Paris 07, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. U..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société N'4 Mobilités, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, conseillers, Mmes Brinet, Le Fischer, M. Gauthier, Mmes Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, Mme Ceccaldi, avocat général, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2018), le 31 juillet 2008, M. U..., salarié en qualité de conducteur receveur de la société N'4 Mobilités (l'employeur), a été victime d'une agression physique, à bord de l'autobus qu'il conduisait. La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne ayant pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, M. U... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Examen des moyens Sur les premier et second moyens, ce dernier pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et les deux dernières branches du second moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. U... fait grief à l'arrêt de dire que l'accident du travail n'est pas du à la faute inexcusable de l'employeur, alors « qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; qu'il manque à cette obligation dans le cas où un chauffeur de bus est victime dans le car qu'il conduit d'une agression physique de la part de tiers ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour qu'en vingt mois vingt-trois agressions de chauffeurs de car avaient eu lieu donc quatre sur la ligne 202 dont l'une déclarée par M. U... le 29 juillet 2008 qui avait été giflé, qui avait eu ses lunettes cassées et s'était fait voler son portable, soit peu de temps avant la seconde agression du 31 juillet 2008 dont il avait été victime, ce dont l'employeur avait immédiatement été informé par le registre des incidents ; qu'en se bornant à énoncer que l'existence d'un danger antérieurement à l'accident n'était établie et encore moins la connaissance de ce danger par l'employeur dès lors qu'à la date du 28 juillet 2008 seules quatre agressions en vingt mois avaient été signalées sur la ligne 202, ce qui n'en constituait pas pour autant un danger particulier alors qu'elle constatait que les agressions des chauffeurs de car sur la ligne 202 et notamment à l'encontre de M. U... étaient établies et connues de l'employeur et que le CHSCT avait, selon procès verbal du 28 mai 2008, informé l'employeur des problèmes sur la commune d'Ozoir et demandé à la direction l'installation de vidéos embarquées dans les cars afin de limiter les risques d'agression, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail : 4. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. 5. Pour dire que la connaissance par l'employeur d'un danger antérieurement à l'accident n'est pas établie et rejeter la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de celui-ci, l'arrêt retient qu'au jour de l'accident, seules quatre agressions en vingt mois avaient été signalées sur la ligne. Il relève que si, à l'évidence, M. U... souhaitait changer de ligne, il ne justifie pas avoir signalé à son employeur les injures, humiliations et menaces dont il faisait état dans son courrier du 29 juillet 2008, faits distincts de l'agression qui s'est réalisée. Il ajoute qu'aucun élément ne permet de démontrer qu'avant cette date, l'employeur connaissait ce danger particulier d'agression, et que, des attestations produites, il ressort que dès que la direction a été informée de son souhait de changer de ligne, elle a recherché à le remplacer, le 30 juillet, mais n'a trouvé personne, les autres collègues refusant. Il précise, enfin, que si le document unique d'évaluation des risques répertorie bien le risque d'agression lors de la vente et du contrôle des titres de transports et le risque de stress lié à la présence de public, aucune réunion du CHSCT n'alerte sur ce danger particulier d'agression avant l'accident, que ce n'est que dans le procès-verbal de réunion du CHSCT du 5 février 2009 qu'il est mentionné un projet de vidéo-surveillance et que ce système sera effectivement mis en place, début 2013, pour l'ensemble des véhicules de transport de la société. 6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du risque d'agression physique auquel étaient exposés les conducteurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt rendu le 28 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société N'4 Mobilités aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société N'4 Mobilités et la condamne à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. U.... PREMIER MOYEN DE CASSATION : - IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que l'accident du travail dont M. F... U... a été victime le 31 juillet 2008 n'était pas dû à la faute inexcusable de son employeur la société N'4 Mobilités et débouté M. U... de toutes ses demandes. - AU MOTIF QUE sur l'existence d'une faute inexcusable de plein droit ; M. U... se prévaut de l'article L.4154-3 du code du travail, soutenant que : - aussi bien lui que le CHSCT ont prévenu l'employeur du risque d'agression qui s'est matérialisé, - il a lui-même signalé plusieurs fois à son employeur ce risque, notamment le 28 juillet 2008, en l'inscrivant sur le registre des incidents, - par courrier du 29 juillet 2008, il lui avait fait part de ses craintes pour sa sécurité et demandé à changer de ligne, - le service du planning avait contacté plusieurs collègues pour le remplacer. La société réplique que : - M. U... a bien indiqué sur le registre des incidents le 28 juillet 2008 s'être fait dérober son téléphone portable par deux individus qui l'auraient giflé et lui auraient cassé ses lunettes, - cet incident n'a aucun lien avec l'agression survenue 3 jours plus tard, - la société conteste avoir reçu le courrier du 29 juillet dont il est fait état et celui-ci ne comporte aucune signature de la personne à laquelle il aurait soidisant été remis, - le tampon qui figure dessus était accessible aux agents et rien n'établit qu'il a été remis à l'employeur, - outre le caractère illisible de certaines pièces d'identité, les attestations produites sont vagues et ne font état d'aucune date, - M. R... était en litige avec la société suite à son licenciement, - M. A..., contrairement à ses affirmations, n'a jamais conduit sur la ligne 202, - M. B... ne peut être regardé comme représentant du personnel, élu seulement en 2010, - le CHSCT réuni le 28 juillet 2008 n'a jamais informé l'employeur du risque réalisé le 31 juillet 2008, mais a évoqué des problèmes de répartition des contrôles sur la commune d'Ozoir-la-Ferrière, et demandé également l'installation de vidéos embarquées afin de limiter les risques d'agression, - le bref délai écoulé ne permettait pas cette installation. La CPAM s'en rapporte sur ce point. L'article L.4131- 4 du code du travail prévoit que le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour les travailleurs victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au CHSCT avait signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé. En l'espèce, il ressort de son audition du 1er août 2008 devant les services de police, que M. U... a déclaré avoir été victime d'une agression le 31 juillet 2008, vers 15 h 40, alors qu'il conduisait le bus n° 202 sur la commune d'Ozoir la Ferrière quand des individus montés dans le bus, refusant de présenter leur ticket de transport, l'ont insulté, lui ont donné des coups de pieds et de poings dans la tête et le dos, avant de le menacer de mort. Il est produit un "Etat des plaintes N° 4 Mobilités" qui répertorie les infractions survenues, soit 23 inscriptions entre le 1er janvier 2007 et le 1er septembre 2008, dont 4 sur la ligne 202 et parmi ces 4, la première le 14 décembre 2007, la deuxième, le 29 avril 2008 et 2 déclarés par M. U..., les 29 et 31 juillet 2008. Le 29 juillet, il était mentionné que "des jeunes étaient montés à bord refusant de payer, ont giflé le conducteur, cassé ses lunettes et volé son portable". Dans le courrier rédigé par M. U... et signé le 29 juillet 2008, dont la réception par la société est contestée, celui-ci indiquait : "Affecté sur la ligne 202..., je suis constamment ennuyé par des jeunes qui refusent de respecter les règles à bord du bus, ils ne veulent pas présenter leur titre de transport et se permettent de m'injurier et de m'humilier devant d'autres clients avec des insultes de toutes sortes. J'ai reçu plusieurs menaces de mort verbalement et je vous avoue que j'ai peur...j'aimerais être affecté sur une autre ligne au plus vite. Force est de constater que ce courrier ne coïncide pas avec les inscriptions effectuées sur le registre, car à cette date du 29 juillet, il n'est inscrit que le "vol aggravé" survenu le même jour. Dès lors, on ne peut que s'interroger sur les attestations produites de collègues ou anciens collègues témoignant de ce que : "La direction ne pouvait ignorer que M. U... était en danger en continuant à le laisser conduire sur Ozoir-la-Ferrière malgré les menaces dont il était victime." "Le service de planning m'avait contacté pour me demander de changer de ligne avec M. U... car celui-ci était menacé sur sa ligne. "M. U... qui se plaignait d'être constamment menacé et injurié par un groupe de jeunes sur la ligne où il était affecté à Ozoir-la-Ferrière, demandait à changer de ligne mais visiblement la direction ne le prenait pas au sérieux "...Il se sentait menacé et personne ne voulait le remplacer ou ne pouvait. Cette ligne était bien connue pour ces agressions et autres problèmes." "La ligne d'Ozoir-la-Ferrière présente un réel danger pour les conducteurs car nous sommes livrés à nous-mêmes, il n'y a quasiment pas de contrôle." Des comptes-rendus de réunion du CHSCT, il ressort que le procès-verbal du 28 mai 2008 indique simplement que "les membres constatent une amélioration de la répartition des contrôles sur l'ensemble des réseaux. Cependant, il persiste toujours des problèmes sur la commune d'Ozoir-la-Ferrière, ils demandent également à la direction l'installation de vidéos embarquées dans les cars afin de limiter les risques d'agression." Si le risque d'agression sur le personnel de conduite et le problème de sécurité est bien évoqué dans un procès-verbal de réunion du CHSCT, ce n'est qu'à la date du 3 mars 2011, compte tenu de l'augmentation du nombre de ces agressions, que le problème se posant sur la ligne 202 est évoqué. En conséquence, si l'existence de 4 agressions sur des conducteurs de bus survenues sur la ligne 202 entre les 1er janvier 2007 et le 1er septembre 2008 est avérée et connue de l'employeur, il ne peut être considéré que cela constituait un risque particulièrement identifié tel que visé à l'article L.4131-4 précité. - ALORS QUE D'UNE PART le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat a le caractère d'une faute inexcusable lorsqu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour le salarié qui est victime d'un accident du travail dès lors que lui-même ou un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avait signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour qu'entre le 1er janvier 2007 et le 1er septembre 2008, il y avait eu sur les 23 inscriptions répertoriées sur l'Etat de plainte N'4 Mobilités, 4 inscriptions concernant la ligne 202 relative à la Commune d'Ozoir la Ferrière la première le 14 décembre 2007, la deuxième le 29 avril 2008 et deux déclarées par M U... les 29 et 31 juillet 2008 ; que concernant celle du 29 juillet 2008, soit quelques jours avant l'agression du 31 juillet, l'employeur avait noté sur le registre dédié que M U... avait été victime des faits suivants : « des jeunes étaient montés à bord refusant de payer, ont giflé le conducteur, cassé ses lunettes et volé son portable » qualifié par la cour elle-même de « vol aggravé » avec violence physique ; que dès le 28 mai 2008, soit deux mois avant l'accident, le CHSCT avait relevé qu'il persistait des problèmes sur la commune d'Ozoir la Ferrière et demandait à la direction l'installation de vidéos embarquées dans les cars afin de limiter les risques d'agressions ; qu'il en résultait que l'employeur avait été informé par le registre qu'il tenait lui-même tant par M U... le 29 juillet 2008 que par le CHSCT du risque d'agression physique auxquels ses chauffeurs étaient exposés sur la commune d'Ozoir la Ferrière ; qu'en énonçant que si l'existence de 4 agressions sur des conducteurs de bus survenues sur la ligne 202 entre les 1er janvier 2007 et le 1er septembre 2008 était avérée et connue de l'employeur, il ne pouvait être considéré que cela constituait un risque particulièrement identifié, la cour d'appel n 'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L 452-1 du Code de la sécurité sociale et L4131-4 du Code du travail ; - ALORS QUE D'AUTRE PART le bénéfice de la faute inexcusable est de droit pour le salarié ayant signalé à son employeur une situation dangereuse s'est matérialisée par la réalisation d'un risque ; qu'il suffisait en conséquence que M U... ou le CHSCT ait signalé le risque d'agression physique auxquels les chauffeurs étaient exposés sur la commune d'Ozoir la Ferrière et plus particulièrement sur la ligne 202 et que ce risque se soit matérialisé sans que l'employeur ait pris des mesures pour l'en préserver ; qu'en énonçant que si l'existence de 4 agressions sur des conducteurs de bus survenues sur la ligne 202 entre les 1er janvier 2007 et le 1er septembre 2008 dont une concernant M U... le 28 juillet 2009 déclarée le lendemain, soit quelques jours avant la seconde agression du 31 juillet 2008, était avérée et connue de l'employeur, il ne pouvait être considéré que cela constituait un risque particulièrement identifié, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comportait pas en violation des articles L 452-1 du Code de la sécurité sociale et L4131-4 du Code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION : - IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que l'accident du travail dont M. F... U... a été débouté le 31 juillet 2008 n'était pas dû à la faute inexcusable de son employeur la société N'4 Mobilités et débouté M. U... de toutes ses demandes. - AU MOTIF QUE Sur la faute inexcusable M. U... sollicite la reconnaissance d'une faute inexcusable de son employeur, expliquant que : - l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat vis à vis de ses salariés, - il connaissait le risque d'agression tant par le registre que par le droit de retrait exercé par l'ensemble de ses chauffeurs le 14 décembre 2007, - la tenue du registre démontre qu'il avait ou aurait dû avoir conscience de ce danger, - le risque d'agression figure bien au document unique d'évaluation des risques, - l'employeur n'a pris aucune mesure de sécurité pour protéger ses salariés, aucune formation, aucune instruction, laissant les salariés gérer tout et aucun équipement de sécurité, - après l'accident, il a été décidé d'une formation, d'une présence plus grande des contrôleurs et d'une télésurveillance, - l'absence totale de ces mesures est une cause nécessaire de l'accident. Au contraire, la société N°4 Mobilités s'oppose à la reconnaissance d'une faute inexcusable, faisant valoir que : - il n'était pas de notoriété publique que la commune d'Ozoir-la-Ferrière présentait une dangerosité particulière pour les chauffeurs de bus, - l'état des plaintes vise peu d'agressions sur cette commune, contrairement à d'autres, - les chauffeurs ne voulaient pas de postes de conduite entièrement fermés, - la vidéo-surveillance n'a qu'un effet dissuasif très relatif et n'est pas susceptible de préserver les agents de tout risque et ne s'imposait pas en 2008, - les modalités d'autorisation et de financement ne permettaient pas de l'installer avant l'accident de M. U..., - il est impossible de prévoir un contrôleur par bus. La caisse primaire d'assurance maladie s'en rapporte. En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers lui d'une obligation de sécurité de résultat et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Pour apprécier l'existence de cette faute, il est nécessaire de se placer au jour de l'accident. A cette date du 29 juillet 2008, seules 4 agressions en 20 mois avaient été signalées sur la ligne. Si on peut légitimement déplorer cette situation, cela n'en constitue pas pour autant un danger particulier. A l'évidence, M. U... souhaitait changer de ligne mais il ne justifie pas avoir signalé à son employeur les injures, humiliations et menaces dont il faisait état dans son courrier du 29 juillet 2008, faits distincts de l'agression qui s'est réalisée. Aucun élément ne permet de démontrer qu'avant cette date, l'employeur connaissait ce danger particulier d'agression. Or, des attestations produites, il ressort que dès que la direction a été informée de son souhait de changer de ligne, elle a recherché à le remplacer, le 30 juillet, mais n'a trouvé personne, les autres collègues refusant. Si le document unique d'évaluation des risques répertorie bien le risque d'agression lors de la vente et du contrôle des titres de transports et le risque de stress lié à la présence de public, aucune réunion du CHSCT n'alerte sur ce danger particulier d'agression avant l'accident. Ce n'est que dans le procès-verbal de réunion du CHSCT du 5 février 2009, qu'il est mentionné un projet de vidéo-surveillance, un dossier ayant été déposé auprès du STIF. Le 3 février 2011, il est noté que le STIF a donné son accord de principe. Le système sera effectivement mis en place début 2013 pour l'ensemble des véhicules de transport de la société, l'arrêté du 21 mars 2013 l'autorisant vise une demande d'autorisation formulée le 19 décembre 2012. En conséquence, l'existence d'un danger antérieurement à l'accident n'est pas établie et encore moins la connaissance de ce danger par l'employeur, la faute inexcusable ne peut être reconnue et le jugement entrepris sera confirmé. - ALORS QUE D'UNE PART en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; qu'il manque à cette obligation dans le cas où un chauffeur de bus est victime dans le car qu'il conduit d'une agression physique de la part de tiers ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour qu'en vingt mois 23 agressions de chauffeurs de car avaient eu lieu donc 4 sur la ligne 202 dont l'une déclarée par M. U... le 29 juillet 2008 qui avait été giflé, qui avait eu ses lunettes cassées et s'était fait voler son portable, soit peu de temps avant la seconde agression du 31 juillet 2008 dont il avait été victime, ce dont l'employeur avait immédiatement été informé par le registre des incidents ; qu'en se bornant à énoncer que l'existence d'un danger antérieurement à l'accident n'était établie et encore moins la connaissance de ce danger par l'employeur dès lors qu'à la date du 28 juillet 2008 seules 4 agressions en 20 mois avaient été signalées sur la ligne 202, ce qui n'en constituait pas pour autant un danger particulier alors qu'elle constatait que les agressions des chauffeurs de car sur la ligne 202 et notamment à l'encontre de M. U... étaient établies et connues de l'employeur et que le CHSCT avait, selon procès-verbal du 28 mai 2008, informé l'employeur des problèmes sur la commune d'Ozoir et demandé à la direction l'installation de vidéos embarquées dans les cars afin de limiter les risques d'agression, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; - ALORS QUE D'AUTRE PART le document unique d'évaluation des risques rédigé par l'employeur répertoriait le risque fréquent d'une gravité significative d'agression lors de la vente et du contrôle des titres de transport ainsi que le risque permanent d'une gravité significative « lié à la présence du public (stress, hygiène, agression, charge mentale » ; qu'en se bornant à énoncer que le document unique d'évaluation des risques répertorie bien le risque d'agression lors de la vente et du contrôle des titres de transports et le risque de stress lié à la présence de public la cour d'appel a commis une dénaturation par omission du document unique d'évaluation des risques lequel identifiait les risques d'agressions lié à la présence du public et méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause en violation de l'article 1134 du code civile dans sa rédaction alors applicable ; - ALORS QU'ENFIN dans ses conclusions d'appel (p 9 et 10) M. U... avait fait valoir que le registre « Etat Plaintes » tenu par l'employeur mentionnait d'avril à décembre 2007 9 incidents dont 3 agressions physiques (des coups le 22 mai 2007, un conducteur violenté le 1er juin 2007 et un pouce cassé le 14 décembre 2007) ; qu'à la suite de l'agression du 14 décembre 2007, à la gare d'Ozoir La Ferrière, tous les chauffeurs de la société N'4 Mobilités avaient exercé leur droit de retrait et cessé leur travail dans les villes d'Ozoir la Ferrière et de Roissy en Brie de 19 h 30 à 22 h ; que de janvier au 30 juillet 2008, le registre recensait 11 incidents dont 5 agressions physiques dont les agressions de M. U... des 28 et 31 juillet 2008 (29 avril 2008 coups portés au visage du conducteur par un passager à l'arrêt « Gendarmerie d'Ozoir, 2 juin 2008, agression d'un machiniste par le conducteur d'une voiture et son passager avec bris des essuis glaces à l'arrêt Aristide Briand à Ozoir la Ferrière, 27 juin 2008 : passager ayant insulté et frappé un conducteur de car) ; que M. U... en déduisait que le fait que l'employeur recense dans un registre les agressions dont ses chauffeurs receveurs étaient victimes suffisait à démontrer qu'il avait ou aurait dû avoir connaissance de ce risque ; qu'en se bornant à relever l'existence de 4 agressions sur la ligne 202 en 20 mois sans répondre à ces conclusions qui étaient de nature à influer sur la décision entreprise si elles avaient été prises en considération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 912 FS-P+B+I Pourvoi n° U 18-26.677 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 M. J... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 18-26.677 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Metz (Chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), dont le siège est l'Assurance Maladie des Mines, TSA 39014, 62035 Arras cedex, ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle, 2°/ à l'Agent judiciaire de l'État , dont le siège est ministères économiques et financiers, direction affaires juridiques, 6 rue Louise Weiss, 75703 Paris cedex 13, venant aux droits de l'établissement public Charbonnages de France, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. Y..., de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'Agent judiciaire de l'État, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, conseillers, Mmes Brinet, Le Fischer, M. Gauthier, Mmes Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, Mme Ceccaldi, avocat général, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 25 octobre 2018), M. Y... (la victime), salarié de 1962 à 1996 des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues l'établissement public Charbonnages de France, aux droits duquel vient l'Agent judiciaire de l'État (l'employeur), a été reconnu atteint de silicose, maladie inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles, par décision du 5 juillet 2013 de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines. 2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 3. M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en retenant, après avoir expressément constaté que des témoignages d'anciens collègues ayant travaillé avec M. Y... (M. H... et V...) dénonçaient un environnement poussiéreux du fait du manque d'arrosage d'eau, que l'instruction du 30 novembre 1956 admettait la foration à sec sur des massifs à faible teneur en silice, tout en constatant que, dès le décret du 4 mai 1951 reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948, il était imposé à l'employeur de prendre des mesures pour protéger ses ouvriers contre les poussières dont l'inhalation est dangereuse, la cour d'appel a violé les dispositions précitées. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail : 4. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. 5. Pour dire que l'employeur n'a pas commis de faute inexcusable, l'arrêt relève, d'une part, que s'agissant de la foration, l'instruction de 1956 admet la foration à sec sur des massifs à faible teneur en silice, d'autre part, que s'agissant des conditions d'arrosage et d'humidification des poussières, MM. V... et H..., seuls témoins ayant travaillé avec la victime, font uniquement état d'un environnement poussiéreux du fait d'un manque d'arrosage d'eau, sans aucune description des moyens de protection existants, de sorte que la cour n'est pas en mesure d'apprécier la faute de l'employeur dans la mise en place des mesures pour protéger la victime et que, s'agissant des masques, celle-ci qui soutient que l'employeur ne lui fournissait pas de masque avant 1965 ne produit aucun élément permettant de démontrer ce qu'elle allègue et qu'il ressort de l'attestation de M. H..., ancien collègue direct, que celui-ci portait effectivement un masque ; qu'il n'apporte toutefois aucune précision concernant l'efficacité des masques fournis et l'effort de distribution de l'employeur. 6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations une inefficacité des mesures de protection mises en oeuvre par l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; Condamne l'Agent judiciaire de l'État aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Agent judiciaire de l'État et le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. Y... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. J... Y... de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'Établissement public Charbonnages de France, aux droits duquel vient l'Agent judiciaire de l'État, AUX MOTIFS QU' À l'appui de son appel, l'Agent Judiciaire de l'État soutient que les Houillères du Bassin de Lorraine ont pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, dans le cadre de la prévention des risques, de l'information et de la formation par la mise en oeuvre de moyens collectifs et individuels adaptés ; qu'elles ont mis en oeuvre tous les moyens utiles et efficaces dont elles pouvaient disposer à l'époque où M. J... Y... travaillait ; Que l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire ; Qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui- ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; Qu'il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; Que l'Agent Judiciaire de l'État ne conteste pas le caractère professionnel de la maladie de M. J... Y... ; qu'il reconnaît que les Houillères du Bassin de Lorraine avaient conscience du danger constitué par l'inhalation de poussière de silice et revendique même la conscience de ce risque ; Que les parties s'opposent sur l'existence et l'efficacité des mesures de protection individuelle et collective prises par l'employeur afin de préserver la victime du danger auquel elle était exposée ; Que ces mesures de protection sont déterminées par le décret n° 51-508: du 4 mai 1951 portant règlement général sur l'exploitation des mines, reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948 prévoyant l'évacuation des poussières ou, en cas d'impossibilité, la mise à disposition de moyens de protection individuelle ; Que son article 187 dispose que lorsque l'abattage, le chargement, le transport ou la manipulation du charbon peuvent entraîner la mise en suspension ou l'accumulation de poussières, des mesures efficaces doivent être prises pour s'y opposer ou y remédier ; Que l'instruction du 30 novembre 1956 prescrit des mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port d'un masque) précises et devant être efficaces ; Que s'agissant des masques, on peut lire dans l'instruction du 30 octobre 1966 que « seuls les masques à pouvoir d'arrêt élevé pour les particules de moins de 5 microns et à résistance faible à la respiration peuvent être pris en considération. La protection individuel1e ne saurait être admise en remplacement d'une protection collective possible qui aurait été négligée. Elle ne doit être appliquée qu'en complément de la prévention collective qui doit toujours être poussée aussi loin que possible» ; Que s'agissant de la foration, il résulte de l'instruction de 1956 que « la foration habituelle en roche ou minerai à teneur élevée en silice libre ne doit être faite qu'avec des engins munis d'injection d'eau ou de captage à sec ou reconnus par l'ingénieur en chef des mines comme étant d'efficacité équivalente » ; que « cette règle intangible s'applique en particulier à la foration habituelle pour boulonnage du toit » et que « la foration au charbon ou en roche ou minerai contenant moins de 5. 100 de silice libre peut être faite sans injection d'eau ni captage à-sec, à condition d'être rotative et non soufflante ou que le massif soit au préalable suffisamment humidifié » ; Qu'en l'espèce, M. J... Y... invoque des manquements, à la réglementation relative à l'instruction de 1958 et produit l'attestation de M. G... H..., qui a travaillé avec lui de 1962 à 1968, dont il ressort qu'ils procédaient à la foration des trous de boulonnage et des trous de tir de mine à sec sans injection d'eau ; Qu'il convient toutefois de relever que l'instruction de 1956 admet la foration à sec sur des massifs à faible teneur en silice ; que si M. J... Y... soutient que la teneur en silice était de 100 %, il n'en justifie pas, alors que l'employeur conteste ces allégations, faisant état d'une teneur en silice de moins de 5 % dans les chantiers en taille et traçage et d'une foration humide au rocher où la teneur en silice était plus élevée ; qu'en l'absence de précision supplémentaire sur ce point, il ne saurait en être tiré la conclusion d'un manquement de l'employeur ; Que si Messieurs G... U... et X... M..., qui n'ont pas travaillé avec la victime, attestent que les marteaux piqueurs et perforateurs n'avaient pas de dispositif d'alimentation en eau, ces attestations présentent un caractère général, et ne sont pas pertinentes dans la mesure où rien ne permet de les relier directement à la situation concrète de la victime ; Que M. J... Y... produit également, outre ces témoignages, ceux de Messieurs G... D... et L... K... ; que ces témoins exposent ne pas avoir eu connaissance de 1'instruction de 1956 ; que cependant, outre le fait que ces témoins n'ont pas travaillé avec la victime, la simple méconnaissance de l'instruction de 1956 n'est pas de nature à démontrer une faute inexcusable de l'employeur qui serait à l'origine de la maladie professionnelle de M. J... Y... ; que s'agissant des conditions d'arrosage et d'humidification des poussières, Messieurs T... V... et G... H..., seuls témoins ayant travaillé avec la victime, font uniquement état d'un environnement poussiéreux du fait d'un manque d'arrosage d'eau, sans aucune description des moyens de protection existants de sorte que la Cour n'est pas en mesure d'apprécier la faute de l'employeur dans la mise en place des mesures prises pour protéger M. J... Y... ; Que les témoignages de Messieurs Z... C..., E... W..., F... S... et T... R..., desquels il ne ressort nullement que ces derniers ont été amenés à travailler effectivement avec la victime, ni même qu'ils ont travaillé dans la même unité d'exploitation, ne sont pas davantage pertinents dès lors qu'ils ne justifient nullement des conditions effectives de travail de M. J... Y... ; Que s'agissant des masques, M. J... Y... soutient que l'employeur ne lui fournissait pas de masque avant 1965 ; que cependant, force est de constater qu'il ne produit aucun élément permettant de démontrer ce qu'il allègue ; que de plus, sur ce point, il ressort de l'attestation de M. G... H..., ancien collègue direct, que celui-ci portait effectivement un masque ; que ce témoin ne fournit toutefois aucune précision concernant l'efficacité des masques fournis et l'effort de distribution de l'employeur ; Qu'il s'ensuit que l'examen des éléments versés aux débats permettent d'en déduire l'existence de mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port du masque) sans toutefois établir leur insuffisance ou leur inefficacité ; Que dans ces conditions, M. J... Y..., qui à la charge de la preuve, ne rapporte pas, par les pièces qu'il produit, la faute inexcusable de Charbonnages de France à son égard ; Que le jugement entrepris est infirmé et il convient de débouter M. J... Y... de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ; que partant, l'action récursoire de la Caisse est devenue sans objet, 1° ALORS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en retenant, dans ces conditions, l'existence de mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port du masque) et l'absence de preuve de leur insuffisance ou de leur inefficacité, sans rechercher si, au regard des dispositions réglementaires applicables et notamment du décret susvisé du 4 mai 1951, les dispositifs d'arrosage des chantiers et d'apports d'eau installés par l'employeur étaient suffisants et si l'étaient également les efforts de distribution de masques dont il était constaté qu'ils étaient inefficaces et manquaient de filtres, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés, 2° ALORS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en retenant, après avoir expressément constaté que des témoignages d'anciens collègues ayant travaillé avec M. Y... (M. H... et V...) dénonçaient un environnement poussiéreux du fait du manque d'arrosage d'eau, que l'instruction du 30 novembre 1956 admettait la foration à sec sur des massifs à faible teneur en silice, sans rechercher si, comme le soutenait M. Y..., le tableau n° 25 des maladies professionnelles ne mettait pas en garde, depuis le 3 août 1945, contre les travaux exposant à l'inhalation des poussières renfermant de la silice libre quelle que fût la teneur de celle-ci, ce qui obligeait en toute hypothèse l'employeur à prendre des mesures de protection contre ces poussières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article précité, 3° ALORS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en retenant, après avoir expressément constaté que des témoignages d'anciens collègues ayant travaillé avec M. Y... (M. H... et V...) dénonçaient un environnement poussiéreux du fait du manque d'arrosage d'eau, que l'instruction du 30 novembre 1956 admettait la foration à sec sur des massifs à faible teneur en silice, tout en constatant que, dès le décret du 4 mai 1951 reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948, il était imposé à l'employeur de prendre des mesures pour protéger ses ouvriers contre les poussières dont l'inhalation est dangereuse, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, 4° ALORS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en retenant que des mesures d'arrosage et d'humidification des poussières existaient mais que leur insuffisance ou inefficacité ne serait pas démontrée, tout en constatant que les attestations de M. H... et V... ayant travaillé avec M. Y... dénonçaient des travaux de foration sans injection d'eau et de façon plus générale un manque d'arrosage d'eau, ce que ne faisaient que confirmer les témoignages de M U... et M... qui attestaient que les marteaux-piqueurs et perforateurs n'étaient pas équipés de dispositif d'alimentation en eau, la cour d'appel a encore violé l'article précité, 5° ALORS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en relevant qu'il ressortait de l'attestation de M. H..., ancien collègue direct de M. Y..., que celui-ci portait un masque mais que ce témoin ne fournissait aucune précision sur l'efficacité des masques fournis et l'effort de distribution de l'employeur, sans examiner les autres mentions de cette même attestation qui précisaient que ces masques étaient inefficaces, ce qui était encore confirmé par le témoignage plus général de M. W... qui ajoutait qu'ils n'étaient pas dotés de filtres suffisants, et le témoignage de M. R... qui précisait que leur usage n'était pas obligatoire pour les apprentis, ce qui rapportait la preuve des carences de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article précité.
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 octobre 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 915 F-P+B+I Pourvoi n° K 19-16.898 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France, dont le siège est division des recours amiables et judiciaires D 123, TSA 80028, 93518 Montreuil cedex, a formé le pourvoi n° K 19-16.898 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Meubles Ikea France, société en commandite par actions, dont le siège est 425 rue Henri Barbusse, 78370 Plaisir, 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié 14 avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vieillard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Meubles Ikea France, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vieillard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mars 2019), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2008 et 2009, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France (l'URSSAF), a notifié divers chefs de redressement à la société Meubles Ikea France (la société), puis lui a adressé une mise en demeure et lui a fait signifier, le 6 juin 2012, une contrainte à laquelle la société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré mal fondé le redressement n° 18 concernant les repas dits tertial, d'infirmer et d'annuler la contrainte pour les montants relatifs à ce chef de redressement, de la condamner à rembourser à la société le montant de 272 315 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, de lui ordonner de recalculer les majorations de retard dues après l'annulation de ce redressement et de faire masse des dépens qui seront pris en charge par moitié par l'URSSAF et la société alors : « 1°/ que seules les dépenses revêtant un caractère exceptionnel, c'est-à-dire un caractère irrégulier, peuvent être qualifiées de frais d'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que les repas dits « tertials » présentaient un caractère exceptionnel pour n'avoir lieu que trois fois dans l'année et devaient ainsi être qualifiés de frais d'entreprise ; qu'en statuant ainsi quand la régularité de ces repas ne permettait pas de les considérer comme exceptionnels et aurait donc dû conduire à exclure la qualification de frais d'entreprise des dépenses engagées à leur occasion, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; 2°/ que seules les dépenses relevant de l'activité de l'entreprise peuvent être qualifiées de frais d'entreprise ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté qu'à l'occasion des repas « tertials », aucun thème de discussion et de travail n'était préalablement déterminé, qu'aucun retour rapport n'était exigé et que le fait de ne pas y participer n'était assorti d'aucune sanction ; qu'en jugeant néanmoins que les sommes engagées à cette occasion devaient être qualifiées de frais d'entreprise, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 4. Pour déclarer mal fondé le chef de redressement n° 18 et annuler la contrainte pour les montants relatifs à ce dernier l'arrêt constate que trois fois par an, chaque site organise des soirées (tertial) de rencontres auxquelles sont conviés les collaborateurs de la société, que ces "tertial" sont organisés dans chaque magasin, par service, qu'ils consistent en des repas à l'extérieur dans un restaurant situé à proximité du magasin, ou une soirée bowling ou karting, que le budget est de 30 euros par salarié pris en charge directement par la société, les éventuels excédents étant payés par les salariés, que ces soirées ont lieu en semaine et le soir, en dehors du temps de travail, que seuls les salariés y sont conviés, jamais les conjoints et que la participation des salariés n'est pas obligatoire. Il relève que c'est par une juste appréciation des éléments qui leur étaient soumis que les premiers juges ont retenu que les frais engagés par les salariés avaient un caractère exceptionnel en ce qu'ils n'avaient lieu que trois fois par an, qu'ils étaient engagés par les salariés dans l'intérêt de l'entreprise et qu'ils sortaient du cadre de l'exercice normal de leur activité. Il précise que le caractère exceptionnel n'induit pas nécessairement une irrégularité, que ces repas, dont les conjoints sont exclus, sont manifestement un moment d'échanges permettant de renforcer la cohésion des collaborateurs au sein d'un même service et favorisant une réflexion sur leurs méthodes de travail et ce même si aucun thème de discussion et de travail n'est préalablement déterminé, si aucun retour rapport n'est exigé à l'issue de ce repas, et si le fait de ne pas y participer n'est assorti d'aucune sanction. Il ajoute que les premiers juges ont retenu à juste titre que ces repas " tertial" étaient justifiés par la mise en oeuvre des techniques de direction, d'organisation ou de gestion de l'entreprise et le développement de sa politique commerciale et donc conformes aux exigences prévues par la circulaire interministérielle du 7 janvier 2003 relative aux frais d'entreprise. 5. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a déduit, sans encourir les griefs du moyen, que le remboursement par la société des dépenses relatives aux repas dits "tertial" constituaient des frais d'entreprise, exclus de l'assiette des cotisations sociales, de sorte que le redressement litigieux n'était pas fondé. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré mal fondé le redressement n°5 notifié à la société concernant les erreurs ponctuelles de paramétrage liées à la CSG CRDS, de constater le crédit de contributions CSG et CRDS à hauteur de 7 636,78 euros, d'infirmer et d'annuler la contrainte pour les montants relatifs au chef de redressement n° 5, de la condamner à rembourser à la société le montant de 272 315 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, ainsi qu'à rembourser à la société le montant de crédit CSG CRDS de 7 636,78 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, de lui ordonner de recalculer les majorations de retard dues après l'annulation du redressement litigieux et de faire masse des dépens qui seront pris en charge par moitié par l'URSSAF et la société alors « qu'il appartient à la société de justifier du paiement des cotisations sociales à l'URSSAF ; que la preuve du paiement de ces cotisations ne saurait se déduire de la simple production des bulletins de salaire qui ne permettent pas de s'assurer de l'effectivité du paiement des cotisations ; qu'en affirmant que, la société ayant produit aux débats les bulletins de salaire, il appartenait à l'URSSAF de démontrer que les cotisations litigieuses n'avaient pas été précomptées sans que la société ait à prouver le versement des cotisations sur les tableaux récapitulatifs annuels, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 241-8 et L. 243-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil : 7. Il appartient à l'employeur, seul redevable des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter, notamment par la production de pièces comptables, la preuve du paiement de celles-ci. 8. Pour déclarer mal fondé le chef de redressement n° 5 et annuler la contrainte pour les montants relatifs à ce dernier, l'arrêt relève que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la production du bulletin de salaire constituait une présomption de versement des cotisations, que la cotisation maladie au taux de 4,75 % ressortait bien des bulletins de salaire et qu'il appartenait dès lors à l'URSSAF de démontrer que les cotisations litigieuses n'avaient pas été précomptées, ce qu'elle ne faisait pas. Il ajoute que concernant la CSG et la CRDS précomptées par erreur sur les bulletins de salaire pour l'année 2008 et les mois de janvier, février et mars 2009, période pendant laquelle il n'est pas contesté que le salarié résidait en Belgique, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le bulletin de salaire constituait une présomption suffisamment précise et concordante permettant de constater un crédit de cotisations de 7 636,78 euros sans que la société ait à prouver le versement de cette cotisation sur les tableaux récapitulatifs annuels. 9. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve du paiement des cotisations litigieuses et que le bulletin de paie ne fait pas présumer qu'il s'est acquitté de son obligation, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen Enoncé du moyen 10. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré mal fondé le redressement n°19 concernant les frais de crèche, d'infirmer et d'annuler la contrainte pour les montants relatifs à ce chef de redressement, de la condamner à rembourser à la société le montant de 272 315 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, de lui ordonner de recalculer les majorations de retard dues après l'annulation de ce redressement et de faire masse des dépens qui seront pris en charge par moitié par l'URSSAF et la société alors « que l'aide financière de l'entreprise versée en faveur des salariés afin de financer des frais de crèche n'est pas assujettie à cotisations sociales et à CSG CRDS dans la limite d'un montant de 1 830 euros par année civile et par salarié ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que la participation annuelle totale de la société Ikea aux frais de crèche s'élevait à 41 400 euros ; qu'en jugeant que cette somme devait être exonérée de cotisations sociales et CSG CRDS quand l'exonération de cotisations sociales et CSG CRDS s'apprécie non pas globalement mais dans la limite de 1 830 euros par salarié concerné par la prise en charge des frais de crèche, la cour d'appel qui n'a pas constaté que les sommes versées à chaque salarié correspondaient bien à des frais de crèche et ne dépassaient pas le plafond annuel pour chaque salarié a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 7233-4 et D. 7233-8 du code du travail en leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, L. 7233-4 et D. 7233-8 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige : 11. Suivant le deuxième de ces textes, l'aide financière du comité d'entreprise et celle de l'entreprise versées en faveur des salariés n'ont pas le caractère de rémunération au sens du premier lorsque ces aides sont destinées soit à faciliter l'accès à des services aux salariés, soit à financer les activités qu'il mentionne. Selon le dernier, le montant maximum de l'aide financière ainsi exonérée est fixé à 1 830 euros par année civile et par bénéficiaire. 12. Pour déclarer mal fondé le chef de redressement n° 19 et annuler la contrainte pour les montants relatifs à ce dernier, l'arrêt relève essentiellement, par motifs adoptés, que les lettres circulaires ACOSS n° 2007-001 du 8 janvier 2007 et n° 2007-028 du 5 février 2007 précisent que, d'une part, les subventions qui donnent aux entreprises un droit potentiel de réservation non individualisée n'ont pas à être re-qualifiées en rémunération et n'entrent pas dans l'assiette des cotisations et contributions sociales et, d'autre part, que l'aide financière de l'entreprise versée au-delà de la limite de 1 830 euros est soumise à cotisations ainsi qu'à CSG et CRDS. Il précise qu'en l'espèce, il résulte de la convention entre la société et la société Eveil & sens signée le 27 janvier 2009 que cette dernière met à la disposition du réservataire - la société - trois places d'accueil, cinq jours par semaine, pour les enfants de ses salariés, en contrepartie d'une participation annuelle totale de 41 400 euros. Il ajoute que les bénéficiaires des places ainsi réservées par la société ne sont pas nommément désignés, s'agissant d'une réservation dite « de berceaux » et que par ailleurs, l'accord stipulant un simple droit potentiel de réservation, les places réservées ne sont pas nécessairement occupées par des enfants de salariés de la société qui ne dispose d'aucun droit à remboursement en cas de sous-occupation. Il en déduit qu'en application des règles précitées, les sommes versées à la crèche en faveur de salariés de la société n'ont pas à être re-qualifiées de rémunération et sont dès lors exclues de l'assiette des cotisations et contributions sociales. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les sommes versées correspondaient bien à des frais de crèche déductibles de l'assiette des cotisations au sens des textes susvisés, a violé ces derniers. PAR CES MOTIFS, la Cour : DONNE ACTE à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale. CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré mal fondés les redressements n° 5 et 19 opérés au titre des erreurs de paramétrage liées à la CSG et à la CRDS et de la prise en charge des frais de crèche, constaté le crédit de contributions CSG et CRDS à hauteur de 7 636,78 euros, infirmé et annulé la contrainte de l'URSSAF d'Île-de-France pour les montants relatifs aux chefs de redressement n° 5 et 19, condamné l'URSSAF d'Île-de-France à rembourser à la société Meubles Ikea France le montant réglé à hauteur de ces chefs de redressement, ordonné à l'URSSAF d'Île-de-France de recalculer les majorations de retard dues après l'annulation des redressements n° 5 et 19, en ce qu'il a condamné l'URSSAF d'Île-de-France à procéder au remboursement du montant réglé à titre conservatoire à hauteur des chefs de redressement n° 5 et 19, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, condamné l'URSSAF d'Île-de-France à procéder au remboursement du montant de crédit CSG et CRDS de 7 636,78 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, et en ce qu'il a fait masse des dépens qui seront pris en charge par moitié par l'URSSAF d'Île-de-France et la société Meubles Ikea France, l'arrêt rendu le 15 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Meubles Ikéa France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Meubles Ikea France et la condamne à payer à l'URSSAF d'Île-de-France la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré mal fondé le redressement n°5 notifié à la société Meubles Ikea France concernant les erreurs ponctuelles de paramétrage liées à la CSG CRDS, d'AVOIR constaté le crédit de contributions CSG et CRDS à hauteur de 7.636,78 euros, d'AVOIR infirmé et annulé la contrainte de l'URSSAF Ile de France pour les montants relatifs au chef de redressement n°5, d'AVOIR condamné l'URSSAF à rembourser à la société le montant de 272.315 euros avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2012, d'AVOIR condamné l'URSSAF à rembourser à la société le montant de crédit CSG CRDS de 7.636,78 euros avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2012, d'AVOIR ordonné à l'URSSAF de recalculer les majorations de retard dues après l'annulation de ce redressement et d'AVOIR fait masse des dépens qui seront pris en charge par moitié par l'URSSAF Ile de France et la société Meubles Ikea France, AUX MOTIFS QUE : « Sur le chef de redressement n°5 : CSG/CRDS - erreurs ponctuelles de paramétrage : L'article L 136 - 1 du code de la sécurité sociale subordonne l'affiliation à la CSG à la domiciliation en France des personnes concernées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu. Cette condition s'applique également pour la CRDS en vertu de l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996. La domiciliation à l'étranger entraîne une exonération de CSG et de CRDS mais les personnes intéressées restent redevables d'une cotisation maladie au taux de 4, 75% . A l'examen des bulletins de salaire transmis par la société IKEA, l'inspecteur du recouvrement a constaté que quatre salariés étaient fiscalement domiciliés en Belgique, Mme N... en 2008 et en 2009, Mme K..., M. G... et M. Y... en 2009, ce qui impliquait une exonération de CSG / CRDS mais en contrepartie, une cotisation maladie au taux de 4, 75% au lieu de 0,75%. En outre, l'inspecteur du recouvrement a refusé de constater un crédit de CSG et de CRDS d'un montant de 7636,78€ concernant le précompte de contributions effectué par erreur sur les rémunérations que M. G... a perçues sur l'année 2008 et sur les mois de janvier à mars 2009, au motif qu'il ne pouvait vérifier si les contributions avaient été reportées sur les tableaux récapitulatifs annuels Urssaf et que la société devait justifier de l'existence d'une demande émanant du salarié lui -même et prendre l'engagement de lui reverser le crédit . L'URSSAF fait valoir que l'examen des comptes de la société a relevé que le précompte maladie de 4,75% ne lui avait pas été reversé, que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le seul fait que les bulletins de salaire portent mention de ce précompte ne suffit pas à démontrer qu'il a été versé à l'URSSAF ,qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce versement. Concernant M. M. l'URSSAF maintient que l'inspecteur n'a pas pu vérifier que la somme avait bien été reportée sur les tableaux récapitulatifs annuels Urssaf, que cette demande de remboursement de cotisations doit émaner du salarié lui - même et être appuyée de justificatifs afin de vérifier le non assujettissement à ces contributions et qu'il appartient à l'employeur de fournir une attestation sur l'honneur indiquant que la CSG/ CRDS reversée par l'URSSAF sera remboursée au salarié qui en aura fait la demande. La société IKEA demande la confirmation du jugement entrepris faisant valoir que les bulletins de salaire ont une valeur probante suffisante , que c'est l'employeur qui a la qualité de cotisant et qu'il n'appartient donc pas au salarié mais à l'employeur de solliciter le remboursement des cotisations indûment versées à l'URSSAF. C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la production du bulletin de salaire constituait une présomption de versement des cotisations, que la cotisation maladie au taux de 4,75% ressortait bien des bulletins de salaire et qu'il appartenait dès lors à l'URSSAF de démontrer que les cotisations litigieuses n'avaient pas été précomptées, ce qu'elle ne fait pas. Concernant la CSG et la CRDS précomptée par erreur sur les bulletins de salaire de M. M. pour l'année 2008 et les mois de janvier, février et mars 2009 période pendant laquelle il n'est pas contesté que ce salarié résidait en Belgique, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le bulletin de salaire constituait une présomption suffisamment précise et concordante permettant de constater un crédit de cotisations de 7636,78€ sans que la société IKEA ait à prouver le versement de cette cotisation sur les tableaux récapitulatifs annuels. Il convient d'ajouter que l'employeur a seul la qualité de cotisant, qu'à ce titre il est tenu de verser sa contribution et de précompter celle du salarié, qu'il est seul redevable des cotisations et responsable personnellement de leur versement à l'organisme de recouvrement. C'est donc à l'employeur de solliciter le remboursement des cotisations salariales auprès de l'URSSAF à charge pour lui de les reverser ensuite au salarié concerné. L'URSSAF n'est donc pas fondé à exiger que la demande de remboursement soit faite par le salarié lui - même et à exiger que l'employeur fournisse une attestation sur le reversement des contributions au salarié qui en aura fait la demande. En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le redressement sur la cotisation supplémentaire d'assurance maladie de 4;75%,ordonné le remboursement des cotisations afférentes à ce redressement et reconnu un crédit de CSG et de CRDS sur les salaires versés à M. G... sur l'année 2008 et sur les mois de janvier, février et mars 2009 d'un montant de 7636,78€ . Le versement de ces sommes sera assorti des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, date de la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale par la société MEUBLES IKEA FRANCE. [ ] Le jugement sera en outre confirmé en ce qu'il a ordonné à l'URSSAF Ile de France de recalculer les majorations de retard dues après annulation des redressements n° 5,18 et 19 » ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Sur le redressement n°5 (paramétrage concernant la CSG et la CRDS) : L'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale subordonne l'affiliation à la CSG à la domiciliation en France des personnes concernées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, condition qui s'applique également pour la CRDS, par application de l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996. La domiciliation à l'étranger entraîne dès lors une exonération de la CSG et de la CRDS, mais laisse les personnes intéressées redevables de la cotisation maladie au taux de 4,75 %. En l'espèce, la société IKEA, en transmettant les bulletins de salaire à l'inspecteur du recouvrement sur la période concernée pour les quatre personnes dont il s'agit, justifie valablement que Madame O... N... était domiciliée fiscalement en 2008 et en 2009 en Belgique à WARNETON, que Madame D... K... était domiciliée fiscalement en 2009 en Belgique à PLOEGSTEERT, que Monsieur M... G... était domicilié fiscalement en 2009 en Belgique à UCCLE, et que Monsieur Q... Y... était domicilié fiscalement en 2009 en Belgique à MERKSEM ANTWERPEN. La domiciliation de ces quatre personnes à l'étranger est donc acquise, ce qui implique le versement de la cotisation maladie au taux de 4,75%. Or, s'il ressort des mêmes bulletins de salaires que la cotisation maladie de 4,75% a été précomptée, l'URSSAF indiquant toutefois que cette cotisation, non déclarée sur les tableaux récapitulatifs annuels, ne lui a pas été reversée. Il est de principe qu'aucun mode de preuve de l'existence du précompte n'est interdit. Cette existence peut valablement être établie par présomption, à condition qu'elle soit grave, précise et concordante. D'une façon générale, une simple attestation patronale mentionnant le versement des cotisations, sans référence à ses livres comptables, ne constitue pas la preuve des versements ainsi attestés. En l'absence de bulletins de paie, il doit être vérifié si le versement des salaires s'est ou non traduit par le paiement ou le précompte de cotisations sur la rémunération du salarié. Mais lorsque le bulletin de salaire est produit, celui-ci constitue une présomption de versement des cotisations. En l'espèce, la cotisation maladie de 4,75% ressort bien des bulletins de salaire. Cette mention a une valeur probante suffisante, sans que l'employeur ait à fournir ses tableaux récapitulatifs annuels. En se bornant à énoncer que lesdits tableaux n'indiquaient aucun versement, l'URSSAF procède par allégations qu'il convient d'écarter, dès lors qu'il lui appartenait de prouver que ces cotisations précomptées n'avaient pas été acquittées. Enfin, concernant la CSG/CRDS précomptée par erreur sur le bulletin de salaire de Monsieur M... G... du fait de sa résidence en Belgique au titre de 2008 et sur les trois premiers mois de l'année 2009, il convient de noter que l'URSSAF ne conteste pas que l'intéressé était domicilié en Belgique au cours de la période considérée, et que ses bulletins de salaire indiquent bien le précompte des cotisations CSG et CRDS. Par conséquent, le bulletin de salaire constituant une présomption suffisamment précise et concordante, un crédit de cotisations doit être constaté à hauteur de 7.636,78 euros, sans que la société IKEA ait à prouver le versement y afférent sur les tableaux récapitulatifs annuels. La société IKEA est donc fondée à solliciter l'annulation de la décision de la Commission de recours amiable ayant rejeté sa demande sur ce chef de redressement. » ALORS QU'il appartient à la société de justifier du paiement des cotisations sociales à l'URSSAF ; que la preuve du paiement de ces cotisations ne saurait se déduire de la simple production des bulletins de salaire qui ne permettent pas de s'assurer de l'effectivité du paiement des cotisations ; qu'en affirmant que, la société ayant produit aux débats les bulletins de salaire, il appartenait à l'URSSAF de démontrer que les cotisations litigieuses n'avaient pas été précomptées sans que la société ait à prouver le versement des cotisations sur les tableaux récapitulatifs annuels, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du même code. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré mal fondé le redressement n°18 concernant les repas dits tertial, d'AVOIR infirmé et annulé la contrainte de l'URSSAF Ile de France pour les montants relatifs au chef de redressement n°18, d'AVOIR condamné l'URSSAF à rembourser à la société le montant de 272.315 euros avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2012, d'AVOIR ordonné à l'URSSAF de recalculer les majorations de retard dues après l'annulation de ce redressement et d'AVOIR fait masse des dépens qui seront pris en charge par moitié par l'URSSAF Ile de France et la société Meubles Ikea France, AUX MOTIFS QUE : « Sur le chef de redressement n° 18 - repas dits tertial. Trois fois par an, chaque site organise des soirées ( tertial) de rencontres auxquelles sont conviés les collaborateurs d'IKEA. Ces "tertial "sont organisés dans chaque magasin, par service ( administratif , RH ....). Ils consistent en des repas à l'extérieur dans un restaurant situé à proximité du magasin, ou une soirée bowling ou karting. Le budget est de 30€ par salarié pris en charge directement par IKEA , les éventuels excédents étant payés par les salariés. Ces soirées ont lieu en semaine et le soir, en dehors du temps de travail. Seuls les salariés y sont conviés, jamais les conjoints. La participation des salariés n'est pas obligatoire. L'inspecteur du recouvrement a considéré que les prises en charge de ces repas dits " tertial" ne constituaient pas pour les salariés des frais professionnels, ces dépenses étant engagées en dehors de toute sujétion particulière et de toute situation de déplacement et qu'elles ne constituaient pas non plus des frais d'entreprise en ce qu'elles ne présentaient pas un caractère exceptionnel et que ces frais ne relevaient pas de l'activité même de l'entreprise. Il a en conséquence réintégré ces " tertial" sur la base des factures comptabilisées en charges et chiffré la régularisation de cotisations à la somme de 219 552€. L'URSSAF demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que ces frais constituaient des frais d'entreprise devant être exonérés de cotisations et contributions. Elle fait valoir que ces prises en charge ne constituent pas des frais d'entreprise dans la mesure où les conditions posées par la lettre circulaire du 7 janvier 2003 ne sont pas toutes réunies et en particulier le caractère exceptionnel, c'est à dire irrégulier, n'est pas respecté et que ces frais ne relèvent pas de l'activité même de l'entreprise, qu'ils ne constituent pas non plus des frais professionnels puisque ces dépenses sont engagées en dehors de toute sujétion particulière et de toute situation de déplacement. La société IKEA demande la confirmation du jugement déféré en ce que ces prises en charge constituent des frais d'entreprise répondant parfaitement à la définition prévue dans la circulaire du 7 janvier 2003, avantage procuré au salarié eu égard à sa participation à des manifestations organisées dans le cadre de la politique commerciale de l'entreprise ( réception, cocktails ..) alors que l'exercice normal de sa profession ne le prévoit pas. C'est par une juste appréciation des éléments qui leur étaient soumis que les premiers juges ont retenu que les frais engagés par les salariés avaient un caractère exceptionnel en ce qu'ils n'avaient lieu que trois fois par an, qu'ils étaient engagés par les salariés dans l'intérêt de l'entreprise et qu'ils sortaient du cadre de l'exercice normal de leur activité. Il suffit d'ajouter que le caractère exceptionnel n'induit pas nécessairement une irrégularité. Ces repas, dont les conjoints sont exclus, sont manifestement un moment d'échanges permettant de renforcer la cohésion des collaborateurs au sein d'un même service et favorisant une réflexion sur leurs méthodes de travail et ce même si aucun thème de discussion et de travail n'est préalablement déterminé, même si aucun retour rapport n'est exigé à l'issue de ce repas, même si le fait de ne pas y participer n'est assorti d'aucune sanction. Les premiers juges ont retenu à juste titre que ces repas " tertial" étaient justifiés par la mise en oeuvre des techniques de direction, d'organisation ou de gestion de l'entreprise et le développement de sa politique commerciale et donc conformes aux exigences prévues par la circulaire interministérielle du 7 janvier 2003 relative aux frais d'entreprise. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que les repas " tertial " constituaient des frais d'entreprise exonérés de cotisations et contributions et en ce qu'il annulé la contrainte à hauteur du montant de cotisations afférent à ce chef de redressement et ordonné le remboursement des cotisations s'élevant à la somme de 219 552€ Il convient de prévoir que cette somme sera versée avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, date de la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale. [ ] Le jugement sera en outre confirmé en ce qu'il a ordonné à l'URSSAF Ile de France de recalculer les majorations de retard dues après annulation des redressements n° 5,18 et 19 » ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Sur le redressement n°18 (repas dits « tertial ») : La société IKEA organise, dans le cadre des rencontres quadrimestrielles de chaque service, des repas de service, appelés repas « tertial ». Ces frais engagés par les salariés, outre leur caractère exceptionnel pour n'avoir lieu que trois fois dans l'année, sont engagés par les salariés dans l'intérêt de l'entreprise, et sortent du cadre de l'exercice normal de l'activité des salariés concernés. Ces repas-rencontres sont des lieux d'échange et permettent à ce titre de faire perdurer des conditions favorables à la cohésion des salariés au sein d'un même service ou d'une même équipe. Ils sont l'occasion d'amener les salariés à réfléchir et à échanger, tant sur les valeurs qui les animent au sein de l'entreprise, que sur les méthodes de travail. Par leur dimension professionnelle dénuée de tout caractère personnel, ils répondent à une gestion et une politique de l'entreprise, ainsi qu'au développement de l'activité pour améliorer ses performances. Il en résulte que ces repas « tertials » sont justifiés par la mise en oeuvre des techniques de direction, d'organisation ou de gestion de l'entreprise, et le développement de sa politique commerciale, et sont ainsi conformes aux exigences de la circulaire interministérielle n°2003/7 du 7 janvier 2003 sur les frais d'entreprise. Par conséquent, les repas « tertial » ne doivent pas être considérés comme un élément de salaire, mais comme des frais d'entreprise exonérés de cotisations et contributions. » 1/ ALORS QUE seules les dépenses revêtant un caractère exceptionnel, c'est-à-dire un caractère irrégulier, peuvent être qualifiées de frais d'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que les repas dits « tertials » présentaient un caractère exceptionnel pour n'avoir lieu que trois fois dans l'année et devaient ainsi être qualifiés de frais d'entreprise ; qu'en statuant ainsi quand la régularité de ces repas ne permettait pas de les considérer comme exceptionnels et aurait donc dû conduire à exclure la qualification de frais d'entreprise des dépenses engagées à leur occasion, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, 2/ ALORS QUE seules les dépenses relevant de l'activité de l'entreprise peuvent être qualifiées de frais d'entreprise ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté qu'à l'occasion des repas « tertials », aucun thème de discussion et de travail n'était préalablement déterminé, qu'aucun retour rapport n'était exigé et que le fait de ne pas y participer n'était assorti d'aucune sanction ; qu'en jugeant néanmoins que les sommes engagées à cette occasion devaient être qualifiées de frais d'entreprise, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré mal fondé le redressement n°19 concernant les frais de crèche, d'AVOIR infirmé et annulé la contrainte de l'URSSAF Ile de France pour les montants relatifs au chef de redressement n°19, d'AVOIR condamné l'URSSAF à rembourser à la société le montant de 272.315 euros avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2012, d'AVOIR ordonné à l'URSSAF de recalculer les majorations de retard dues après l'annulation de ce redressement et d'AVOIR fait masse des dépens qui seront pris en charge par moitié par l'URSSAF Ile de France et la société Meubles Ikea France, AUX MOTIFS QUE : « Sur le chef de redressement n° 19 - prise en charge de dépenses personnelles du salarié et notamment les frais de crèche : L'inspecteur du recouvrement a constaté que certains salariés se faisaient prendre en charge certaines dépenses et notamment les frais de crèche d'entreprise . Il a estimé que ces frais n'étaient pas des frais professionnels au sens de l'arrêté du 20 décembre 2002, qu'aucun texte en vigueur ne permettait de les exclure de l'assiette des cotisations et qu'ils devaient donc faire l'objet d'une réintégration. L'URSSAF estime que c'est à tort que le tribunal a retenu que les sommes versées à la crèche en faveur des salariés de la société IKEA n'avaient pas à être re-qualifiées de rémunérations et étaient dès lors exclues de l'assiette des cotisations et contributions sociales Elle expose que les factures présentées par la société ne donnent pas les informations indispensables permettant l'application de l'exonération à hauteur de 1830€ par bénéficiaire, qu'il s'agit d'un montant forfaitaire faisant obstacle à l'application des textes dont se prévaut la société , qu'en conséquence, ces prises en charge constituent des avantages pour les salariés qui en sont bénéficiaires et doivent être soumis à cotisations, que ces sommes doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations dès le premier euro conformément à l'article L 242 - 1 du code de la sécurité sociale. C'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal, retenant que la prise en charge des dépenses personnelles du salarié entre dans l'assiette des cotisations et contributions sauf si elles sont exonérées par des dispositions particulières, a considéré , au visa des dispositions de l'article 49 septies Y du code général des impôts, de l'article L 7233- 4 du code du travail et des lettres circulaires ACOSS du 8 janvier 2007 et du 5 février 2007 et au vu de la convention signée entre la société IKEA et la société EVEIL ET SENS le 27 janvier 2009 , a considéré que les sommes versées à la crèche en faveur des salariés de la société IKEA n'avaient pas à être re-qualifiées de rémunérations et qu'elles devaient donc être exclues de l'assiette des contributions et cotisations sociales . Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit mal fondé ce chef de redressement et condamné l'URSSAF à rembourser à la société IKEA les cotisations indûment versées à ce titre avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, date à laquelle la société IKEA a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale. Il sera en outre confirmé en ce qu'il a ordonné à l'URSSAF Ile de France de recalculer les majorations de retard dues après annulation des redressements n° 5,18 et 19 ». ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Par application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, toutes les sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités ainsi que tous autres avantages en argent ou en nature doivent être soumis à cotisations. Il en résulte que la prise en charge de dépenses personnelles du salarié entre dans l'assiette des cotisations et contributions, sauf si elles sont exonérées par des dispositions particulières ou elles présentent le caractère de remboursement de frais professionnels, de frais d'entreprise ou de dommages et intérêts. L'article 49 septies Y du code général des impôts dispose que les dépenses ayant pour objet de financer la création ou le fonctionnement d'une crèche ou halte-garderie interne à l'entreprise ou interentreprise sont éligibles au crédit d'impôt famille. Il en est de même des versements effectués par l'entreprise au profit d'organismes exploitant une crèche ou une halte-garderie en contrepartie de la réservation de « berceaux » pour les enfants de moins de trois ans de ses salariés. Au plan des cotisations sociales, l'article L. 7233-4 du code du travail dispose que l'aide financière versée en faveur des salariés n'ont pas le caractère de rémunération au sens des articles L. 242-1 et suivants du code de la sécurité sociale, lorsque ces aides sont destinées soit à faciliter l'accès des services aux salariés, soit à financer des activités de services assurés par des établissements de services gérés par une personne physique ou morale de droit privé accueillant des enfants de moins de six ans. L'article D. 7233-8 du code du travail précise que le montant maximum de l'aide financière est fixé à 1.830 euros par année civile et par bénéficiaire. Enfin, les lettres circulaires ACOSS n° 2007-001 du 8 janvier 2007 et n° 2007-028 du 5 février 2007 précisent que, d'une part, les subventions qui donnent aux entreprises un droit potentiel de réservation non individualisée n'ont pas à être requalifiées en rémunération et n'entrent pas dans l'assiette des cotisations et contributions sociales et, d'autre part, l'aide financière de l'entreprise versée au-delà de la limite de 1.830 euros est soumise à cotisations ainsi qu'à CSG et CRDS. En l'espèce, il résulte de la convention signée entre la société IKEA et la société EVEIL & SENS signée le 27 janvier 2009 que cette dernière met à la disposition du réservataire – la société IKEA – trois places d'accueil, cinq jours par semaine, pour les enfants de ses salariés, en contrepartie d'une participation annuelle totale de 41.400 euros. Les bénéficiaires des places ainsi réservées par la société IKEA ne sont pas nommément désignés, s'agissant d'une réservation dite « de berceaux ». Par ailleurs, l'accord stipulant un simple droit potentiel de réservation, les places réservées ne sont pas nécessairement occupées par des enfants de salariés de la société IKEA qui ne dispose d'aucun droit à remboursement en cas de sous-occupation. Par conséquent, en application des règles précités, les sommes versées à la crèche en faveur de salariés de la société IKEA n'ont pas à être requalifiées de rémunération et sont dès lors exclues de l'assiette des cotisations et contributions sociales. La décision de la Commission de recours amiable du 6 novembre 2013 doit dès lors être infirmée concernant les redressements n°5, 18 et 19 et, en contrepoint, l'URSSAF doit être condamnée à rembourser à la société IKEA les cotisations indûment versées à ce titre. En revanche, la décision précitée doit être confirmée concernant les redressements n° 9, 10, 11, 12 et 16 et, en contrepoint, la société IKEA doit être déboutée de ses demandes de remboursements sur ces chefs de redressements. Enfin, il conviendra d'ordonner à l'URSSAF de procéder à un nouveau calcul des majorations de retard dues, compte tenu de l'annulation des redressements précités. » ALORS QUE l'aide financière de l'entreprise versée en faveur des salariés afin de financer des frais de crèche n'est pas assujettie à cotisations sociales et à CSG CRDS dans la limite d'un montant de 1.830 euros par année civile et par salarié ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que la participation annuelle totale de la société IKEA aux frais de crèche s'élevait à 41.400 euros ; qu'en jugeant que cette somme devait être exonérée de cotisations sociales et CSG CRDS quand l'exonération de cotisations sociales et CSG CRDS s'apprécie non pas globalement mais dans la limite de 1.830 euros par salarié concerné par la prise en charge des frais de crèche, la cour d'appel qui n'a pas constaté que les sommes versées à chaque salarié correspondaient bien à des frais de crèche et ne dépassaient pas le plafond annuel pour chaque salarié a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 7233-4 et D. 7233-8 du code du travail en leur rédaction applicable au litige.
Il résulte des articles L. 241-8 et L. 243-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil qu'il appartient à l'employeur, seul redevable des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié de rapporter, notamment par la production de pièces comptables, la preuve du paiement de celles-ci
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 octobre 2020 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 916 F-P+B+I Pourvoi n° U 19-17.734 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 La caisse primaire d'assurance maladie du Gard, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-17.734 contre l'arrêt rendu le 9 avril 2019 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. M... T..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vieillard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard, de Me Ridoux, avocat de M. T..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vieillard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 avril 2019), M. T... (l'assuré), titulaire d'une pension d'invalidité de 2ème catégorie depuis le 22 juin 1996, a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard (la caisse) le maintien de cette pension au-delà de l'âge légal de départ à la retraite. La caisse ayant rejeté sa demande, au motif qu'il n'exerçait pas une activité professionnelle rémunérée, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler sa décision du 3 septembre 2015, de renvoyer l'assuré à faire valoir ses droits auprès d'elle et de la condamner à lui verser la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la pension vieillesse se substitue à la pension d'invalidité au premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'assuré a atteint l'âge légal de la retraite, sauf justification par celui-ci de l'exercice d'une activité professionnelle ; que cette exception au principe de substitution implique une poursuite de l'activité professionnelle et ne peut être admise lorsque l'assuré a cessé son activité professionnelle entre la date à laquelle il a atteint l'âge légal de départ à la retraite et le premier jour du mois suivant ; qu'en l'espèce, il a été constaté que M. T... avait atteint l'âge légal de départ à la retraite le 27 mars 2014, que son contrat de travail avait pris fin le 30 mars 2014 et qu'à compter du 1er avril 2014, il avait entamé une période d'essai non rémunérée dans le cadre d'une nouvelle activité ; qu'en considérant qu'il convenait de ne considérer, pour apprécier la condition prise de l'exercice d'une activité professionnelle, que la seule date du 27 mars 2014, peu important que, par la suite, et très rapidement, soit au premier jour du mois suivant, nulle activité professionnelle rémunérée ne puisse être constatée, la cour d'appel a violé les articles L. 341-15 et L. 341-16 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 3. Selon l'article L. 341-15, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, applicable au litige, la pension d'invalidité prend fin à l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite prévu par l'article L. 351-1. Par dérogation à ces dispositions, lorsque l'assuré exerce une activité professionnelle, la pension de retraite allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de retenir la date à laquelle l'assuré atteint effectivement l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite, indépendamment de la date d'effet de la pension de retraite appelée à se substituer à la pension d'invalidité. 4. Pour accueillir la demande de l'assuré, l'arrêt constate, d'une part, que pour être né le [...] , l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite le 27 mars 2014, et, d'autre part, qu'il n'a pas demandé la liquidation de sa pension de vieillesse. Il ajoute que l'assuré justifie qu'il exerçait à cette date une activité professionnelle rémunérée, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, qui a pris fin le 31 mars 2014. Il retient qu'il ressort de l'article L. 341-16 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que la date à laquelle doit s'apprécier la condition légale exigée pour conserver le bénéfice de la pension d'invalidité, à savoir l'exercice d'une activité professionnelle rémunérée, est celle de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale et relève qu'à cette date, l'assuré exerçait une activité professionnelle rémunérée. 5. De ces constatations, dont elle a fait ressortir qu'à la date à laquelle il avait atteint l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite, l'assuré était titulaire d'un contrat de travail en cours d'exécution et exerçait ainsi une activité professionnelle, la cour d'appel a exactement déduit qu'il pouvait prétendre au maintien de sa pension d'invalidité. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 7. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à l'assuré la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts alors « que le retard dans le paiement d'une somme d'argent ne peut être réparé que par une condamnation aux intérêts au taux légal ; qu'en condamnant la CPAM à verser à M. T... les sommes de 750 euros de dommages-intérêts pour avoir empêché le paiement en temps et en heure de sa rente invalidité, la cour d'appel a violé l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil.» Réponse de la Cour Vu l'article 1231-6 du code civil : 8. Il résulte de ce texte que les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. 9. Pour condamner la caisse à payer à l'assuré la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts l'arrêt retient si la caisse a ajouté à la loi en appréciant le maintien du bénéfice de la pension d'invalidité à une autre date que celle à laquelle l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite, il ne résulte pas des éléments de la cause qu'elle a fait preuve d'une résistance abusive. Il ajoute qu'en revanche il est certain que cette décision, qui a conduit également la caisse PRO BTP à suspendre le bénéfice de la rente invalidité que cet organisme versait à l'assuré, a engendré des troubles dans sa vie, lesquels seront justement indemnisés par l'octroi de la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il convient de débouter l'assuré de sa demande de dommages-intérêts. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Gard à payer à M. T... la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 9 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déboute M. T... de sa demande de dommages-intérêts ; Condamne M. T... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Gard PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir annulé la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard du 3 septembre 2015, d'avoir infirmé la décision de la commission de recours amiable du 4 novembre 2015 et d'avoir renvoyé M. M... T... à faire valoir ses droits auprès de la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard et d'avoir condamné la CPAM du Gard à verser la somme de 750 euros à M. T... à titre du dernier montant. AUX MOTIFS PROPRES ET SUBSTITUES QUE « l'article L. 341-16 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, applicable en l'espèce, prévoit que : « Par dérogation aux dispositions de l'article L. 341-15, lorsque l'assuré exerce une activité professionnelle, la pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande. L'assuré qui exerce une activité professionnelle et qui, à l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, ne demande pas l'attribution de la pension de vieillesse substituée continue de bénéficier de sa pension d'invalidité jusqu'à la date pour laquelle il demande le bénéfice de sa pension de retraite et, au plus tard, jusqu'à l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8. Dans ce cas, ses droits à l'assurance vieillesse sont ultérieurement liquidés dans les conditions prévues aux articles L. 351-1 et L. 351-8. Toutefois, la pension de vieillesse qui lui est alors servie ne peut pas être inférieure à celle dont il serait bénéficiaire si la liquidation de ses droits avait été effectuée dans les conditions fixées à l'article L. 341-15 ». Selon ce texte, par dérogation aux dispositions de l'article L. 341-15, lorsque l'assuré exerce une activité professionnelle, la pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande ; l'intéressé qui ne demande pas l'attribution de la pension substituée, continuant de bénéficier de sa pension d'invalidité jusqu'à la date pour laquelle il demande le bénéfice de sa pension de retraite et au plus tard jusqu'à l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 ; pour l'application de ces dispositions, l'exercice d'une activité professionnelle doit s'entendre d'une activité effective. L'article L. 351-8-1° dispose que « Bénéficient du taux plein même s'ils ne justifient pas de la durée requise d'assurance ou de période équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires : 1° Les assurés qui atteignent l'âge prévu à l'article L. 161-17-2 augmenté de cinq années [ ] » En l'espèce, il est constant et non discuté par les parties, d'une part, que, pour être né le [...] , l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite le 27 mars 2014, et, d'autre part, qu'il n'a pas demandé la liquidation de sa pension de vieillesse. M. T... justifient qu'il exerçait à cette date une activité professionnelle rémunérée, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée le liant à l'association Nidaussel, lequel a pris fin le 31 mars 2014, ainsi qu'en font foi le contrat de travail et les bulletins de salaire, la fiche de paie de mars mentionnant outre le salaire contractuel l'indemnité de fin de contrat et l'indemnité compensatrice de congés payés. En l'état des dispositions légales ci-dessus reproduites, desquelles il ressort que la date à laquelle doit s'apprécier la condition légale exigée pour conserver le bénéfice de la pension d'invalidité, à savoir celle de l'exercice d'une « activité professionnelle rémunérée », est celle de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 (« L'assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l'assuré qui en demande la liquidation à partir de l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 »), la Caisse primaire d'assurance maladie plaide de manière erronée que la date à laquelle cette condition doit s'apprécier serait la date à partir de laquelle l'assuré percevrait la pension de vieillesse, s'il en faisait la demande, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, soit au 1er avril 2014, premier jour du mois suivant l'âge d'un hypothétique départ à la retraite, observation faite que, si M. T... verse un contrat de travail à durée déterminée daté du 1er avril 2014, et une attestation non probante de son employeur certifiant qu'il « a été embauché à temps partiel au sein de son étude d'huissier le 1er avril 2014 en qualité d'employé de bureau, ainsi que l'atteste son contrat de travail à durée déterminée (mais) que M. T... désirant évaluer sa capacité à assurer des horaires de travail et une fonction (sic !) a effectué une période 3 mois rémunérée » et que « cette période ayant été satisfaisante, il a été confirmé dans sa fonction et les jours de travail non payés ont été récupérés progressivement dans l'année », les bulletins de salaire qu'il communique ne font état du paiement d'un salaire qu'à compter du 1er juillet 2014. Il est remarquable de relever qu'à l'objection soulevée par l'intimé indiquant qu'il a « atteint l'âge légal de la retraite le 27 mars 2014 », et que la caisse primaire d'assurance maladie ajoute à la loi, cette dernière réplique que « la pension vieillesse est versée le premier jour du mois qui suit l'âge légal de la retraite ». Il s'infère dont de ses propres écritures que l'âge légal de départ à la retraite de M. T... était le 27 mars 2014 et non le 1er avril 2014, cette dernière n'étant que la date à partir de laquelle aurait été versée la pension vieillesse si l'assuré en avait fait la demande, ce qui n'est pas le cas. Il suit de ce qui précède que M. T..., qui exerçait effectivement une activité professionnelle rémunérée le 27 mars 2014, date à laquelle il a atteint l'âge légal de départ à la retraite et à laquelle s'apprécie la condition légale d'exercice d'une activité professionnelle rémunérée, et au-delà jusqu'au 30 mars suivant, n'ayant pas demandé à bénéficier de sa pension vieillesse, était légalement en droit de continuer à bénéficier de la pension d'invalidité, dont le versement a été interrompu à tort par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard. Par motifs substitués, le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a accueilli la légitime prétention de l'assuré social » ; ALORS QUE la pension vieillesse se substitue à la pension d'invalidité au premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'assuré a atteint l'âge légal de la retraite, sauf justification par celui-ci de l'exercice d'une activité professionnelle ; que cette exception au principe de substitution implique une poursuite de l'activité professionnelle et ne peut être admise lorsque l'assuré a cessé son activité professionnelle entre la date à laquelle il a atteint l'âge légal de départ à la retraite et le premier jour du mois suivant ; qu'en l'espèce, il a été constaté que M. T... avait atteint l'âge légal de départ à la retraite le 27 mars 2014, que son contrat de travail avait pris fin le 30 mars 2014 et qu'à compter du 1er avril 2014, il avait entamé une période d'essai non rémunérée dans le cadre d'une nouvelle activité ; qu'en considérant qu'il convenait de ne considérer, pour apprécier la condition prise de l'exercice d'une activité professionnelle, que la seule date du 27 mars 2014, peu important que, par la suite, et très rapidement, soit au premier jour du mois suivant, nulle activité professionnelle rémunérée ne puisse être constatée, la cour d'appel a violé les articles L. 341-15 et L. 341-16 du code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la CPAM du Gard à verser à M. T... la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts. AUX MOTIFS QUE si la Caisse d'assurance maladie a ajouté à la loi en appréciant le maintien du bénéfice de la pension d'invalidité à une autre date que celle à laquelle l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite, il ne résulte pas des éléments de la cause qu'elle a fait preuve d'une résistance abusive ; En revanche, il est certain que cette décision qui a conduit également la caisse PRO BTP à suspendre le bénéfice de la rente invalidité que cet organisme versait à Monsieur T..., ainsi que ce dernier en justifie en pièce 14 de son bordereau, a engendré des troubles dans sa vie, lesquels seront justement indemnisés par l'octroi de la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts. ALORS QUE le retard dans le paiement d'une somme d'argent ne peut être réparé que par une condamnation aux intérêts au taux légal ; qu'en condamnant la CPAM à verser à M. T... les sommes de 750 euros de dommages intérêts pour avoir empêché le paiement en temps et en heure de sa rente invalidité, la Cour d'appel a violé l'article 1153 devenu 1231 § 6 du Code Civil. Le greffier de chambre
Selon l'article L. 341-15, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, applicable au litige, la pension d'invalidité prend fin à l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite prévu par l'article L. 351-1. Par dérogation à ces dispositions, lorsque l'assuré exerce une activité professionnelle, la pension de retraite allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de retenir la date à laquelle l'assuré atteint effectivement l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite, indépendamment de la date d'effet de la pension de retraite appelée à se substituer à la pension d'invalidité
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 octobre 2020 Cassation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 920 F-P+B+I Pourvoi n° G 19-21.128 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 La caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, dont le siège est 178 avenue Bollée, 72033 Le Mans cedex 9, a formé le pourvoi n° G 19-21.128 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. N... J... , domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vieillard, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. J... , et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vieillard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 juin 2019), M. J... (l'assuré) a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire du 6 au 28 février 2015. Celle-ci ayant été annulée et une régularisation étant intervenue sur son bulletin de salaire d'avril 2015, il a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe (la caisse), la revalorisation des indemnités journalières perçues pendant ses périodes d'arrêt de travail, du 21 avril au 22 mai 2015, puis du 25 mai au 17 juin 2015, calculées à partir des salaires des mois de janvier, février et mars 2015, pour tenir compte du rappel de salaire versé en avril 2015. 2. La caisse lui ayant opposé un refus, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Sur le moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt de lui enjoindre de procéder à un nouveau calcul du montant des indemnités journalières dues à l'assuré, en procédant à la reconstitution fictive de son salaire sur la période de référence de janvier à mars 2015, conformément aux dispositions de l'article R. 323-8 du code de la sécurité sociale alors : « 1° / qu'il résulte des articles L. 323-4 et R. 323-4 du code de la sécurité sociale que les prestations en espèce de l'assurance maladie sont calculées sur la base des salaires effectivement perçus durant la période précédant l'interruption de travail, ce qui exclut qu'il puisse être tenu compte de rappel de salaires, afférents à la période de référence, mais versés ultérieurement, quelle que soit la cause du retard de versement ; et qu'ainsi la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ; 2°/ qu'une période de mise à pied ne peut être assimilée à « un congé non payé » autorisé par l'employeur au sens de l'article R. 323-8 du code de la sécurité sociale, et ce d'autant plus lorsque, à la suite de l'annulation de la mesure, la rémunération correspondante est ultérieurement versée, de telle sorte qu'en commandant à la CPAM de la Sarthe de calculer le montant des indemnités journalières en procédant à la reconstitution fictive de son salaire sur la période de référence comme si la mise à pied n'avait pas été infligée, la cour d'appel a violé les articles L. 323-4, R. 323-4 et R. 323-8 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 323-4, R. 323-4 et R. 323-8 du code de la sécurité sociale, le premier et le troisième dans leur rédaction applicable au litige : 4. Selon le premier de ces textes, le gain journalier de base retenu pour le calcul de l'indemnité journalière de l'assurance maladie est déterminé d'après la ou les dernières paies antérieures à la date de l'interruption du travail selon les modalités et exceptions prévues par les deuxième et troisième. 5. Pour accueillir le recours de l'assuré, l'arrêt retient essentiellement que la situation de ce dernier correspond bien à celle prévue par le 2° de l'article R. 323-8 du code de la sécurité sociale puisqu'il n'a pas travaillé pendant la période de référence, que ce travail non réalisé et non payé - en dehors de toute sanction disciplinaire, d'une fermeture de l'entreprise, d'une période de chômage - doit s'analyser en un congé non payé sur la période de référence et autorisé par l'employeur dès lors que c'est à sa demande que l'assuré n'a pas travaillé. 6. En statuant ainsi, alors, d'une part, que les prestations en espèces de l'assurance maladie sont calculées sur la base des salaires effectivement versés durant la période précédant l'interruption de travail, d'autre part, qu'une période de mise à pied ne peut être assimilée à « un congé non payé » autorisé par l'employeur au sens de l'article R. 323-8 du même code, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 9. Il convient de débouter l'assuré de ses demandes. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déboute M. J... de ses demandes ; Condamne M. J... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Angers ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. Le conseiller rapporteur le président Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir enjoint à la CPAM de la Sarthe de procéder à un nouveau calcul du montant journalier des indemnités journalières dues à Monsieur N... J... en procédant à la reconstitution fictive de son salaire sur la période de référence de janvier à mars 2015 conformément aux dispositions de l'article R.323-8 du code de la sécurité sociale Aux motifs que l'article L.323-4 du code de la sécurité sociale prévoit notamment que « l'indemnité journalière est égale à une fraction du gain journalier de base. Pour les assurés ayant un nombre d'enfants minimum à charge, au sens de l'article L.313-3, cette indemnité représente une fraction plus élevée du gain journalier de base après ne durée déterminée. ( ) Le gain journalier de base est déterminé d'après la ou les dernières payes antérieures à la date de l'interruption du travail » ; que l'article R.323-4 de ce même code vient préciser que « le gain journalier servant de base au calcul de l'indemnité journalière prévue à l'article L. 323-4 est déterminé comme suit : ( ) 1/91,25 du montant des trois dernières paies des mois civils antérieurs à la date de l'interruption de travail lorsque le salaire ou le gain est réglé mensuellement » ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient sur le fait que l'arrêt ayant débuté le 21 avril 2015, le salaire de référence pris en compte pour le calcul des indemnités journalières était le salaire des mois de janvier, février et mars 2015 ; qu'il résultait des bulletins de salaire de Monsieur N... J... que ses salaires pour les mois de février et mars avaient été fortement impactés par la mise à pied dont il avait fait l'objet, le salaire relatif à cette mise à pied annulée n'ayant ensuite été versé qu'en avril 2015, mais non pris en compte au titre de la période de référence puisque mois du début du premier arrêt de travail ; que l'article R. 323-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable vient préciser que « dans les cas énumérés ci-après, il y a lieu de déterminer le salaire ou le gain journalier de base comme si l'assuré avait travaillé pendant le mois, les vingt-huit jours, les trois mois ou les douze mois dans les mêmes conditions : 1°) l'assuré travaillait depuis moins d'un mois, de vingt-huit jours de trois mois ou de douze mois au moment de l'interruption de travail consécutive à la maladie ou à l'accident ; 2°) l'assuré n'avait pas, à la date de ladite interruption, accompli les périodes de travail mentionnées à l'article R.323-4, soit par suite de maladie, accident, maternité ; chômage involontaire total ou partiel, soit en raison de la fermeture de l'établissement employeur à la disposition duquel reste l'assuré, soit en cas de congé non payé à l'exclusion des absences non autorisées, de service militaire ou appel sous les drapeaux ; 3°) l'assuré bénéficiaire d'une indemnité de changement d'emploi pour silicose, s'est trouvé effectivement sans emploi au cours de la période à considérer ; 4°) l'assuré avait changé d'emploi au cours de la période à considérer. Dans ce cas, le salaire ou gain journalier de base est déterminé à partir du salaire ou gain afférent à l'emploi occupé au moment de l'arrêt de travail. Toutefois, si le salaire ou gain journalier de base ainsi déterminé se trouve inférieur au montant global des rémunérations réellement perçues dans les différents emplois au cours de la période à considérer, c'est sur ce montant que doit être calculée l'indemnité journalière » ; qu'en l'espèce, la situation de Monsieur N... J... correspondait bien à celle prévue par le 2°) puisqu'il n'avait pas travaillé pendant la période de référence ; que ce travail non réalisé et non payé – en dehors de toute sanction disciplinaire, d'une fermeture de l'entreprise, d'une période de chômage – devait s'analyser en un congé non payé sur la période de référence et autorisé par l'employeur dès lors que c'était à sa demande que M. N... J... n'avait pas travaillé ; que la caisse était mal venue à se prévaloir de décisions refusant la régularisation a posteriori pour des rappels de salaire, dès lors que la situation de l'espèce était différente, M. J... n'ayant pas bénéficié de son salaire sur la période de référence, alors que, en cas de rappel de salaire, le salarié a effectué son travail sur la période de référence et la salaire habituel a été versé ; que, de la même manière, l'argument selon lequel un tel calcul procurerait un avantage indu à M. J... , était erroné : par le versement en avril du salaire de février et mars, outre des indemnités journalières calculées au regard de son salaire habituel à compter de fin avril, Monsieur J... se G1921128 trouvait dans la même situation que si la mise à pied annulé n'avait pas existé, à l'exception d'un retard dans le versement du salaire ; qu'au contraire, la solution adoptée par la caisse faisait perdre à celui-ci une partie de ses droits aux indemnités journalières du fait d'une sanction annulée et ne tirait donc pas les conséquences juridiques de l'annulation ; qu'en effet, il résultait de l'attestation de paiement des indemnités journalières produite par M. J... lors de sa saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale que le montant journalier de l'indemnité versée pour un arrêt de 2013 était de 42,31 € alors que celui versé pour les arrêts objets du présent litige était de 25,16 €, faisant ainsi apparaître l'importance de la diminution du montant des indemnités ; qu'en conséquence, infirmant le jugement entreprise, la cour enjoindra à Monsieur J... de calculer le montant des indemnités journalières en procédant à la reconstitution fictive de son salaire sur la période de référence conformément aux dispositions de l'article R. 323-8 du code de la sécurité sociale ; que la cour d'appel déboutera l'appelant du surplus de ses demandes dès lors qu'il ne lui appartenait pas d'infirmer ou de confirmer la décision de la commission de recours amiable mais uniquement de statuer au fond sur le litige qui lui était soumis Alors, d'une part, qu'il résulte des articles L. 323-4 et R. 323-4 du code de la sécurité sociale que les prestations en espèce de l'assurance maladie sont calculées sur la base des salaires effectivement perçus durant la période précédant l'interruption de travail, ce qui exclut qu'il puisse être tenu compte de rappel de salaires, afférents à la période de référence, mais versés ultérieurement, quelle que soit la cause du retard de versement ; et qu'ainsi la cour d'appel a méconnu les textes susvisés Alors, d'autre part, qu' une période de mise à pied ne peut être assimilée à « un congé non payé » autorisé par l'employeur au sens de l'article R. 323-8 du code de la sécurité sociale, et ce d'autant plus lorsque, à la suite de l'annulation de la mesure, la rémunération correspondante est ultérieurement versée, de telle sorte qu'en commandant à la CPAM de la Sarthe de calculer le montant des indemnités journalières en procédant à la reconstitution fictive de son salaire sur la période de référence comme si la mise à pied n'avait pas été infligée, la cour d'appel a violé les articles L.323-4, R. 323-4 et R.323-8 du code de la sécurité sociale. Le greffier de chambre
Selon l'article L. 323-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, le gain journalier de base retenu pour le calcul de l'indemnité journalière de l'assurance maladie est déterminé d'après la ou les dernières paies antérieures à la date de l'interruption du travail, selon les modalités et exceptions prévues par les articles R. 323-4 et R. 323-8 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 925 F-P+B+I Pourvoi n° W 19-17.575 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 M. U... Q..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 19-17.575 contre le jugement rendu le 2 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Carcassonne (pôle social), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Languedoc-Roussillon, dont le siège est 35 rue de La Haye, 34937 Montpellier cedex 9, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. Q..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Languedoc-Roussillon, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Carcassonne, 2 avril 2019), rendu en dernier ressort, M. Q... (le cotisant) a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une opposition à la contrainte que lui a décernée, le 18 avril 2016, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (l'URSSAF) de Languedoc-Roussillon pour avoir paiement de la somme de 890,50 euros, au titre des cotisations du deuxième trimestre 2015 et de la régularisation 2015. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 3. M. Q... fait grief au jugement de valider la contrainte et de le débouter de toutes ses demandes alors : « 1°/ que lorsque deux dettes sont connexes, le juge ne peut écarter la demande de compensation au motif que l'une d'entre elles ne réunit pas les conditions de liquidité et d'exigibilité ; qu'il est tenu de constater le principe de cette compensation à concurrence du montant de cette créance à fixer postérieurement ; qu'en rejetant la demande de compensation de M. Q... aux motifs que rien n'indique que l'excédent dont il se prévaut constitue une créance liquide et exigible et qu'il en résulte que, faute de créances liquides et exigibles réciproques, la compensation n'a pas pu s'opérer de plein droit et que la compensation judiciaire ne peut être ordonnée car M. Q... ne justifie pas de la créance qu'il indique détenir à l'égard de la caisse, le tribunal n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1289 à 1291 anciens du code civil ; 2°/ que le tribunal qui a constaté tout à la fois que M. Q... était redevable de cotisations au titre de son compte employeur à l'égard de l'URSSAF de Languedoc-Roussillon et que son compte profession indépendante présentait un excédent devant lui être remboursé, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles M. Q... cotisant unique à l'un et l'autre comptes pouvait opposer la compensation et a donc violé les articles 1289 à 1291 anciens du code civil. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles 1289, 1290 et 1291 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, que sauf connexité entre les dettes, la compensation suppose que les créances réciproques soient certaines , fongibles, liquides et exigibles. 5. Ayant relevé, d'une part, que les cotisations réclamées par l'URSSAF concernaient des cotisations « employeur au régime général » (portant le n° [...] ) alors que le courrier de cet organisme du 19 mai 2015 indiquant qu'« après déduction de vos cotisations provisionnelles 2014, votre compte présente un excèdent qui vous sera remboursé dans les meilleurs délais » concernait le compte « profession indépendante » du cotisant (portant le n° [...] ) et, d'autre part, que le trop versé de cotisations invoqué au soutien de la demande de compensation n'était pas déterminé dans son montant et que rien n'indiquait qu'il constituait une créance liquide et exigible, le tribunal qui a fait ressortir qu'il n'existait pas de lien de connexité entre les dettes dont la compensation était demandée, a décidé à bon droit que faute de créances liquides et exigibles réciproques, il n'y avait pas lieu à compensation entre elles. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'URSSAF de Languedoc-Roussillon ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Q... IL EST FAIT GRIEF AU JUGEMENT ATTAQUE d'avoir validé la contrainte émise par l'URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON à l'encontre de Monsieur Q... pour son entier montant et d'avoir débouté ce dernier de toutes ses demandes, AUX MOTIFS QUE : « Il incombe à l'opposant à la contrainte de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l'organisme social. Selon l'article 1289 ancien du code civil, lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes ( ). Selon l'article 1290 ancien du code civil, la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives. Selon l'article 1291 ancien du même code, la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui sont liquides et exigibles. Selon l'article 1293 ancien, la compensation a eu quelles que soient les causes de l'une ou l'autre des dettes ( ). En l'espèce, Monsieur Q..., qui ne conteste pas être redevable de cotisations au titre de son compte employeur à l'égard de l'URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON, doit établir que cette dernière est également débitrice envers lui d'une créance. Faute d'obligations réciproques, il ne peut y avoir de compensation. Les cotisations réclamées par la caisse concernent des cotisations employeur du régime général. Il est produit un courrier du 19 mai 2015 de l'URSSAF de « régularisation des cotisations et appel de cotisations 2015 » indiquant : « après déduction de vos cotisations provisionnelles 2014, votre compte présente un excédent qui vous sera remboursé dans les meilleurs délais ». Ce courrier concernait le compte « profession indépendante » n° 917 .... Le compte employeur de Monsieur Q... porte le numéro [...] ainsi qu'il en ressort du document « dernier avis avant poursuites employeur général » du 2 octobre 2015 concernant les cotisations pour le 2ème trimestre 2015. Cependant, si le courrier précité mentionne effectivement un excédent, son montant n'est pas établi et rien n'indique, compte tenu de la date du courrier et de sa teneur, que cet excédent constitue une créance liquide et exigible. Il en résulte que, faute de créances liquides et exigibles réciproques, la compensation n'a pas pu s'opérer de plein droit. Si Monsieur Q... peut solliciter une compensation judiciaire, il convient de constater qu'il ne justifie pas de la créance qu'il indique détenir à l'égard de la caisse. Sa demande de compensation doit donc être rejetée. Enfin, les cotisations relatives au 3ème trimestre 2015 ne sont pas visées par la contrainte et le fait qu'elles aient été acquittées est sans rapport avec la régularisation des cotisations pour l'année 2015. En conséquence, la contrainte sera validée pour son entier montant. » 1- ALORS QUE lorsque deux dettes sont connexes, le juge ne peut écarter la demande en compensation au motif que l'une d'entre elles ne réunit pas les conditions de liquidité et d'exigibilité ; Qu'il est tenu de constater le principe de cette compensation à concurrence du montant de cette créance à fixer postérieurement ; Qu'en rejetant la demande de compensation de Monsieur Q... aux motifs que rien n'indique que l'excédent dont il se prévaut constitue une créance liquide et exigible et qu'il en résulte que, faute de créances liquides et exigibles réciproques, la compensation n'a pas pu s'opérer de plein droit et que la compensation judiciaire ne peut être ordonnée car Monsieur Q... ne justifie pas de la créance qu'il indique détenir à l'égard de la caisse, le tribunal n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1289 à 1291 anciens du code civil ; 2- ALORS QUE le tribunal qui a constaté tout à la fois que Monsieur Q... était redevable de cotisations au titre de son compte employeur à l'égard de l'URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON et que son compte profession indépendante présentait un excédent devant lui être remboursé, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles Monsieur Q... cotisant unique à l'un et l'autre comptes pouvait opposer la compensation et a donc violé les articles 1289 à 1291 anciens du code civil ; 3- ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité ; Que ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile le jugement qui se détermine au visa d'éléments de preuve non suffisamment analysés ; Qu'après avoir constaté que Monsieur Q... produit un courrier de l'URSSAF du 19 mai 2015 de régularisation des cotisations et appel de cotisations 2015 indiquant « après déduction de vos cotisations professionnelles 2015, votre compte présente un excédent qui vous sera remboursé dans les meilleurs délais », le tribunal a débouté Monsieur Q... de sa demande de compensation aux motifs que, si ce courrier mentionne effectivement un excédent, son montant n'est pas établi et que rien n'indique, compte tenu de la date du courrier et de sa teneur, que cet excédent constitue une créance liquide et exigible et que la demande compensation judiciaire doit être rejetée car il convient de constater qu'il ne justifie pas de la créance qu'il indique détenir à l'égard de la caisse; Qu'en statuant ainsi sans même procéder à l'analyse des trois autres pages de ce courrier, et notamment de ses deux annexes comportant le détail des cotisations définitives 2014 et des cotisations provisionnelles 2015 faisant apparaître un excédent chiffré au profit de Monsieur Q..., le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 1289, 1290 et 1291 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, que sauf connexité entre les dettes, la compensation suppose que les créances réciproques soient certaines, fongibles, liquides et exigibles. Fait une exacte application de ces textes le tribunal qui écarte la demande de compensation formée par un cotisant entre une dette de cotisations de sécurité sociale au titre d'un compte « employeur au régime général » et un trop versé de cotisations au titre d'un compte « profession indépendante », les deux dettes n'étant pas connexes et l'une d'entre elles ne satisfaisant pas aux conditions de liquidité et d'exigibilité
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 928 F-P+B+I Pourvoi n° H 19-20.000 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 M. H... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-20.000 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. C..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 17 mai 2019), la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse (la caisse) a demandé, par courrier du 21 mai 2015, à M. C..., infirmier libéral qui avait fait appel à une infirmière remplaçante, pour la période du 10 mai 2013 au 20 août 2014, le remboursement d'une certaine somme en répétition d'indu pour non-respect des règles de la convention nationale des infirmières et des infirmiers libéraux. 2. Après rejet de son recours amiable, M. C... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen pris en ses deux premières branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen pris en sa troisième branche 4. M. C... fait le même grief à l'arrêt, alors « que toute sanction ayant le caractère d'une punition doit être proportionnée ; qu'en le condamnant à restituer l'intégralité des sommes versées par la caisse en remboursement de soins réalisés par sa remplaçante, Mme X..., sans rechercher si au regard des circonstances de l'espèce cette sanction n'était pas disproportionnée par rapport à la gravité des manquements qui lui étaient imputés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 5.2.3 de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les infirmières et les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie. » Réponse de la Cour 5. N'ayant d'autre objet que la restitution des sommes afférentes au non-respect des règles de tarification, de facturation ou de distribution des actes, soins et prestations pris en charge par l'assurance maladie et maternité, l'action en recouvrement de l'indu engagée par l'organisme social en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ne revêt pas la nature d'une sanction à caractère de punition au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme. Elle est, dès lors, exclusive de tout contrôle de l'adéquation du montant des sommes dues à la nature et à la gravité des manquements commis par le professionnel ou l'établissement de santé. 6. Le litige dont la cour d'appel était saisie, se rapportait au remboursement d'un indu afférent au non-respect des clauses de la convention nationale des infirmiers, lesquelles sont au nombre des règles de tarification, de facturation ou de distribution mentionnées à l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. 7. Il en résulte que la cour d'appel n'avait pas à procéder au contrôle prétendument omis. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. C... et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. C... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la demande de M. C... mal fondée, d'AVOIR dit que la notification de l'indu par la CPAM était valable et que les sommes étaient dues par M. H... C... et de l'AVOIR, en conséquence, condamné à verser à la CPAM la somme de 24 425,65 euros au titre des sommes versées indûment ; AUX MOTIFS QUE c'est par une exacte appréciation que les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, considéré que la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse envers l'appelant est fondée ; qu'en effet, entre le 10 mai 2013 et le 20 août 2014, l'appelant, infirmier libéral, a fait appel à sa consoeur, Mme N... X... aux fins de le remplacer ; que les conditions d'exercice des remplaçants dans le cadre de la convention nationale relative aux rapports entre les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance-maladie (article 5.2.3) prévoient que le remplaçant d'un infirmier doit être titulaire d'un diplôme d'État d'infirmier et d'une autorisation de remplacement en cours de validité, délivrée par le directeur général de l'agence régionale de santé de son domicile ; que durant la période sus visée, il n'est pas justifié que Mme N... X... était titulaire d'une telle autorisation en cours de validité ; que celle donnée à compter du 7 août 2014 n'est pas de nature à régulariser sa situation jusqu'à cette date ; que la délivrance d'actes dans des conditions non conformes entraîne nécessairement leur non prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'ignorant ce dysfonctionnement, l'intimée a néanmoins procédé indûment à leur paiement ; qu'en sa qualité d'infirmier remplacé, il appartenait à l'appelant de vérifier si sa remplaçante était en mesure de procéder à sa mission, ce qu'il n'a pas fait ; que pour s'opposer à la demande de la caisse, celui-ci prévaut des dispositions de l'article R. 4312-14 du code de la santé publique ; qu'il fait valoir que ces dispositions posent le principe de la responsabilité des actes professionnels du praticien dans l'exercice de ses fonctions, de sorte que c'est à sa remplaçante d'assumer les conséquences de ses actes ; que l'appelant ne caractérise pas en quoi ces dispositions ont vocation à s'appliquer dans les rapports entre l'infirmier et la caisse primaire d'assurance maladie ; que l'existence d'une rétrocession d'honoraires au profit de Mme N... X... ne suffit pas à décharger M. H... C... de ses obligations envers l'organisme ; que l'argument est donc inopérant ; qu'il n'est pas contesté que c'est M. H... C... qui a perçu le paiement des actes litigieux ; que c'est donc à bon droit que l'action en répétition a été engagée par la caisse primaire d'assurance maladie contre lui ; qu'à titre subsidiaire, M. H... C... fait valoir qu'il a dû procéder à des actes sur une patiente qui voulait que ceux-ci soient prodigués exclusivement par lui ; que toutefois, les souhaits de cette cliente ne sont pas de nature à affranchir l'infirmier de l'interdiction de toute activité pendant la durée de son remplacement, nonobstant la liberté des patients de choisir leur praticien ; que l'action en répétition engagée par l'intimée est donc fondée en tous points ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris ; AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 5.2.3. de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les infirmières et les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie relatifs aux conditions d'exercice des remplaçantes, la remplaçante d'une infirmière placée sous le régime de la présente convention est tenue de se conformer aux règles suivantes : - être titulaire d'un diplôme d'État d'infirmière et d'une autorisation de remplacement en cours de validité délivrée par le préfet du département de son lieu d'exercice principal ; - conclure un contrat de remplacement avec l'infirmière libérale remplacée dès lors que le remplacement dépasse une durée de 24 heures ou s'il est d'une durée inférieure mais répétée ; - ne remplacer au maximum que deux infirmières simultanément ; - justifier d'une activité professionnelle de dix-huit mois, soit un total de 2 400 heures de temps de travail effectif, dans les six années précédant la date de demande de remplacement ; - avoir réalisé cette activité professionnelle dans un établissement de soins, une structure de soins ou au sein d'un groupement de coopération sanitaire tels que définis à l'article 5.2.2 de la présente convention ; que la remplaçante d'une infirmière placée sous le régime de la présente convention est tenue de faire connaître aux caisses son numéro d'inscription à l'ordre des infirmiers ainsi que l'adresse du cabinet professionnel dans lequel elle assure son activité de remplaçant ; que durant la période effective de son remplacement ; que l'infirmière remplacée s'interdit toute activité dans le cadre conventionnel, à l'exception toutefois du suivi d'une formation continue conventionnelle ; que les caisses peuvent demander, en tant que de besoin, la communication de l'attestation de remplacement ; que l'infirmière remplacée vérifie que l'infirmière remplaçante remplit bien les conditions nécessaires à l'exercice du remplacement dans le cadre de la présente convention ; qu'ainsi, elle s'engage à porter à la connaissance de sa remplaçante les dispositions de la présente convention et à l'informer des droits et obligations qui s'imposent à elle dans ce cadre ; que l'infirmière remplaçante prend la situation conventionnelle de l'infirmière qu'elle remplace en conséquence, l'infirmière remplaçante ne peut remplacer, dans le cadre conventionnel, une infirmière déconventionnée ; que les points c et d de l'article 5.2.2 sont également applicables aux remplaçantes ; que concernant les cas particuliers, nécessitant une expérience complémentaire de douze mois en équipe de soins généraux dans les six dernières années, la durée d'exercice dans les six ans précédant la demande de remplacement, réalisée hors équipe de soins généraux ou groupement de coopération sanitaire, est réduite à dix-huit mois ; que, de même, dans les douze ans précédant la demande, la durée d'exercice en équipe de soins généraux ou groupement de coopération sanitaire requise est de dix-huit mois pour les remplaçantes ; que concernant les dérogations exceptionnelles, la procédure et ses conditions sont similaires aux demandes d'installation sous convention telles que prévues par l'article 5.2.2 (d). Si l'infirmière ne justifie pas d'une expérience de dix-huit mois comme définie au a) « Principes » de l'article 5.2.2 dans les six ans précédant sa demande, elle complète son expérience professionnelle à concurrence des dix-huit mois ; que les caisses s'engagent à identifier les infirmières remplaçantes dans les meilleurs délais dès lors qu'elles seront en possession d'un numéro à l'ordre des infirmiers ; que la question de l'identification des remplaçantes sera traitée dans le cadre d'un groupe de simplification administrative ; qu'aux ternies de l'article R. 4312-44 du Code de la Sécurité Sociale, un infirmier ou une infirmière d'exercice libéral peut se faire remplacer soit par un confrère d'exercice libéral, soit par un infirmier ou une infirmière n'ayant pas de lieu de résidence professionnelle ; que dans ce dernier cas, le remplaçant doit être titulaire d'une autorisation de remplacement délivrée par le préfet du département de son domicile et dont la durée maximale est d'un an, renouvelable ; que l'infirmier ou l'infirmière remplaçant ne peut remplacer plus de deux infirmiers ou infirmières à la fois, y compris dans une association d'infirmier ou un cabinet de groupe ; qu'aux termes de l'article R. 4312-44 du Code de la Sécurité Sociale, l'infirmier ou l'infirmière est personnellement responsable des actes professionnels qu'il est habilité à effectuer ; que dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier ou l'infirmière est également responsable des actes qu'il assure avec la collaboration des aides-soignants et des auxiliaires de puériculture qu'il encadre ; qu'en l'espèce, Madame N... X... a établi un courrier adressé à Monsieur H... C... dans lequel elle explique son parcours professionnel et un second dans lequel elle explique qu'elle n'a pas fait de demande de remplacement ; qu'or, elle ne pouvait ignorer que l'autorisation est délivrée pour une durée maximale d'un an, sachant qu'elle avait déjà effectué plusieurs remplacement ; que de même, il appartenait à Monsieur H... C... de vérifier si Madame N... X... a été titulaire d'une autorisation de remplacement en cours de validité et de déclarer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie qu'il se faisait remplacer par une consoeur ; que Monsieur H... C..., même si sa bonne foi n'est pas contestée, ne peut se dédouaner en invoquant l'ignorance de l'absence d'autorisation de remplacement de Madame N... X... ; qu'il aurait dû être informé des démarches à suivre et le cas échéant, se renseigner auprès du Conseil de l'Ordre des Infirmières et Infirmiers Libéraux pour connaître les démarches à suivre ; que de même, si l'infirmier remplaçant est responsable de ses actes au cours du remplacement vis à vis des patients, l'infirmier remplacé est responsable dans les relations avec la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ; qu'en effet, la Caisse a effectué les remboursements des soins auprès de Monsieur H... C... et non pas auprès de Madame N... X..., même s'il n'est pas contesté que Monsieur H... C... a rétrocédé les sommes dues à sa remplaçante ; qu'il est donc normal que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie réclame les sommes indues à celui à qui elle les a versées ; que dès lors, Monsieur H... C... est condamné à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie les sommes indûment versées ; que sur le montant des sommes dues, aux termes de l'article R. 4312-45 du Code de la santé publique dans sa version en vigueur au moment des faits, lorsque l'infirmier ou l'infirmière remplacé exerce dans le cadre d'une société civile professionnelle ou d'une société d'exercice libéral, il doit en informer celle-ci ; que durant la période de remplacement, l'infirmier ou l'infirmière remplacé doit s'abstenir de toute activité professionnelle infirmière, sous réserve des dispositions des articles R. 4312-6 et R. 4312-22 ; que l'infirmier ou l'infirmière remplacé doit informer les organismes d'assurance maladie en leur indiquant le nom du remplaçant ainsi que la durée et les dates de son remplacement ; que dans le cas où le remplaçant n'a pas de lieu de résidence professionnelle, l'infirmier ou l'infirmière remplacé indique également le numéro et la date de délivrance de l'autorisation préfectorale mentionnée à l'article R. 4312-44 ; qu'au cours de son remplacement, Monsieur H... C... n'aurait pas dû exercer d'activité professionnelle, conformément aux dispositions du Code de la santé publique ; que dès lors; il ne peut voir réduit le montant de la somme réclamée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ; qu'en conséquence, Monsieur H... C... est condamné à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie la somme ramenée à 24 425,65 € ; 1°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions qui leur sont soumises ; qu'en retenant, pour condamner M. C... à restituer à la CPAM les sommes qu'elle lui avait versées en remboursement des soins réalisés durant son remplacement par Mme X..., qu'« il n'est pas contesté que c'est M. C... qui avait perçu le paiement des actes litigieux » (arrêt, p. 4, § 2), quand, dans ses écritures d'appel, M. C... soutenait qu'il ne l'avait pas reçu personnellement mais pour le compte de Mme X..., la cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE celui qui a perçu des sommes indues pour le compte d'autrui ne peut être tenue à leur restitution ; qu'en condamnant M. C... à restituer à la CPAM les sommes qu'elle lui avait indûment versées en remboursement des soins réalisés durant son remplacement par Mme X..., quand il avait reçu ces sommes pour le compte de Mme X..., auxquelles elles étaient destinées, et qu'il les lui avaient rétrocédées, de sorte qu'elle seule pouvait être tenue à leur restitution, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, toute sanction ayant le caractère d'une punition, doit être proportionnée ; qu'en condamnant M. C... à restituer l'intégralité des sommes versées par la CPAM en remboursement de soins réalisés par sa remplaçante, Mme Dal Armelina, sans rechercher si au regard des circonstances de l'espèce cette sanction n'était pas disproportionnée par rapport à la gravité des manquements imputés à M. C..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme, ensemble l'article 5.2.3 de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les infirmières et les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie.
N'ayant d'autre objet que la restitution des sommes afférentes au non-respect des règles de tarification, de facturation ou de distribution des actes, soins et prestations pris en charge par l'assurance maladie et maternité, l'action en recouvrement de l'indu engagée par l'organisme social en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ne revêt pas la nature d'une sanction à caractère de punition au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme. Elle est, dès lors, exclusive de tout contrôle de l'adéquation du montant des sommes dues à la nature et à la gravité des manquements commis par le professionnel ou l'établissement de santé
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 octobre 2020 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 937 F-P+B+I Pourvoi n° S 19-13.730 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de M. S.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 9 septembre 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 La société Colas Ile-de-France Normandie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-13.730 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. O... S..., domicilié chez M. V... S..., [...] , 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Colas Ile-de-France Normandie, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, de la SCP Marc Lévis, avocat de M. S..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 janvier 2019) et les productions, le 8 octobre 2010, M. S... (la victime), salarié de la société Screg Ile-de-France Normandie, aux droits de laquelle vient la société Colas Ile-de-France Normandie (l'employeur), a été victime d'un accident que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse) a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle. Sur le recours de la victime, le caractère professionnel de l'accident a été reconnu par un tribunal des affaires de sécurité sociale, par jugement du 28 janvier 2014, devenu irrévocable. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 2. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que les dépenses afférentes à l'accident du travail de M. S... et à la majoration de rente seront inscrites au compte de la société Colas Ile-de-France Normandie, alors « que la décision motivée de la caisse primaire d'assurance maladie refusant de reconnaître le caractère professionnel d'un accident revêt, dès sa notification à l'employeur auquel elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ; que la cour d'appel a relevé que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines de refus de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident de M. S... était définitive à l'égard de la société Colas Ile-de-France Normandie, que le caractère inopposable à l'employeur de la prise en charge d'un accident au titre de la législation professionnelle ne privait pas le salarié du droit de rechercher la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, que dans ce cadre, ce dernier était tenu des condamnations prononcées à l'encontre de la caisse et que la cour ne pouvait que, non pas dire la décision de prise en charge opposable à la société, mais faire droit à l'action récursoire de la caisse dans l'hypothèse où la faute inexcusable de l'employeur serait retenue ; qu'en disant cependant que les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de M. S... et la majoration de rente seraient inscrites au compte de la société Colas Ile-de-France Normandie, la cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, violant l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2010, applicable au litige : 3. Selon ce texte, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief. Il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard. 4. Pour dire que les dépenses afférentes à l'accident du travail de la victime seront inscrites au compte de l'employeur, l'arrêt constate qu'il est constant, d'une part, que la caisse avait refusé de prendre en charge l'accident déclaré par l'employeur au titre de la législation professionnelle et que cette décision est définitive à l'égard de l'employeur, d'autre part, que par décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 28 janvier 2014, à l'issue d'une procédure dans le cadre de laquelle l'employeur, bien que régulièrement mis en cause, n'avait pas comparu, le caractère professionnel de l'accident a été reconnu et que cette décision est définitive. Il retient que la cour « ne peut que, non pas dire la décision de prise en charge opposable à la société », mais qu'il doit être fait droit à l'action récursoire de la caisse dans l'hypothèse où la faute inexcusable de l'employeur serait retenue. 5. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la décision de la caisse de refuser la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle était définitive à l'égard de l'employeur, ce dont il résultait que les dépenses afférentes à l'accident du travail ne pouvaient être inscrites au compte de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la majoration de rente sera versée directement à la victime par la caisse qui en récupérera le montant auprès de l'employeur et de dire que la majoration de rente sera inscrite au compte de l'employeur, alors « que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; que la cour d'appel qui, tout à la fois, a dit que la majoration de l'indemnité en capital sera versée directement à M. S... par la caisse qui en récupérera le montant auprès de l'employeur et que les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de M. S... et la majoration de rente seront inscrites au compte de l'employeur, a violé les articles L. 452-2, D. 452-1 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, le dernier dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2014-13 du 8 janvier 2014, applicables au litige. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 7. Les parties en défense contestent la recevabilité du moyen , comme étant nouveau mélangé de fait et de droit, en ce que, dans ses conclusions d'appel oralement soutenues, l'employeur s'était borné faire valoir que la caisse ne pouvait imputer la prise en charge des dépenses afférentes à l'accident du travail sur son compte employeur, sans invoquer ni soutenir que la majoration de rente ne pouvait y être inscrite. 8. Cependant, en ce qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, le moyen est de pur droit. 9. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2014-13 du 8 janvier 2014 : 10. Il résulte de ces textes que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l'employeur. 11. Pour dire que les dépenses afférentes à l'accident du travail de la victime et à la majoration de rente seront inscrites au compte de l'employeur, l'arrêt constate qu'il est constant, d'une part, que la caisse avait refusé de prendre en charge l'accident déclaré par l'employeur au titre de la législation professionnelle et que cette décision est définitive à l'égard de l'employeur, d'autre part, que par décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 28 janvier 2014, à l'issue d'une procédure dans le cadre de laquelle l'employeur, bien que régulièrement mis en cause, n'avait pas comparu, le caractère professionnel de l'accident a été reconnu et que cette décision est définitive. Il retient que la cour ne peut que, « non pas dire la décision de prise en charge opposable à la société », mais qu'il doit être fait droit à l'action récursoire de la caisse dans l'hypothèse où la faute inexcusable de l'employeur serait retenue. 12. En statuant ainsi, alors que la majoration de rente fait l'objet de l'action récursoire de la caisse dans les conditions prévues aux textes susvisés, la cour d'appel a violé ces derniers. Portée et conséquences de la cassation 13. Comme suggéré par la défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 14. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. Demande de mise hors de cause 15. La cassation partielle n'affectant que le chef du dispositif afférent à l'inscription au compte employeur, il sera fait droit à la demande de mise hors de cause de la victime. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : PRONONCE la mise hors de cause de M. S... ; CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt rendu le 17 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles, mais seulement en ce qu'il dit que les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de M. S... et la majoration de rente seront inscrites au compte de la société Colas Ile-de-France Normandie ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Colas Ile-de-France Normandie Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR fixé au maximum la majoration de la rente allouée à M. S... dans les conditions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, d'AVOIR dit que la majoration de rente suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle en cas d'aggravation de son état de santé, que la majoration sera versée directement à M. S... par la CPAM des Yvelines qui en récupérera le montant auprès de la société Colas Ile de France Normandie et d'AVOIR dit que les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de M. O... S... et la majoration de rente seront inscrites au compte de la société Colas Ile de France Normandie AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'égard de l'employeur sur l'action récursoire de la caisse, la cour doit rappeler que les rapports entre une caisse primaire d'assurance maladie et un salarié sont indépendants des rapports entre cette caisse et l'employeur de ce salarié ; qu'en l'espèce, il est constant que la CPAM avait refusé de prendre en charge l'accident déclaré par la société pour M. S... au titre de la législation professionnelle ; que cette décision est à l'égard de l'employeur, définitive, peu important que, comme le soutient la Caisse, elle lui ait fait grief ou non ; qu'il est toutefois constant que par décision du tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines en date du 28 janvier 2014, à l'issue d'une procédure dans le cadre de laquelle la société Screg, aux droits de laquelle vient la société Colas, bien que régulièrement mise en cause, n'avait pas comparu, le caractère professionnel de l'accident a été reconnu ; que cette décision est définitive ; que la cour note que le tribunal des affaires de sécurité sociale n'a pas alors déclaré la décision commune ou opposable à la société ; qu'il ne l'a fait que dans le cadre de la présente recherche de faute inexcusable (page 5 des motifs du jugement) ; qu'au demeurant, le caractère inopposable à l'employeur de la prise en charge d'un accident au titre de la législation professionnelle ne prive en aucune façon le salarié du droit de rechercher (et d'obtenir) la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur tandis que, dans ce cadre, ce dernier est tenu des condamnations qui seraient prononcées à l'encontre de la caisse dans l'hypothèse où celle-ci engagerait une action récursoire ; que c'est ce que la caisse fait ici et la cour ne peut que, non pas dire la décision de prise en charge opposable à la société, mais qu'il doit être fait droit à l'action récursoire de la caisse dans l'hypothèse où la faute inexcusable de l'employeur serait retenue ; que la question du taux d'incapacité permanente partielle et de l'influence d'une rechute sur ce taux est une question distincte qui sera abordée ci-après ; que sur l'existence d'une rechute et la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle à 24 %, la cour ne peut que constater que les parties se sont abstenues de lui fournir des éléments précis en ce qui concerne tant l'existence d'une rechute que la décision du tribunal de l'incapacité ; que cela étant, ni l'une ni l'autre ne sont remises en cause devant la cour ; que pour les mêmes raisons qu'exposées ci-dessus, la société n'est pas fondée à invoquer l'inopposabilité (éventuelle) de la rechute pour contester le taux d'incapacité permanente partielle et, partant, la mission confiée à l'expert par le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que la cour relève que le tribunal des affaires de sécurité sociale mentionne, dans la mission confiée à l'expert ni rechute ni taux d'incapacité permanente partielle et, à juste titre, ne demande pas à l'expert de déterminer la date de consolidation ; qu'en revanche, le tribunal des affaires de sécurité sociale demande à l'expert de « déterminer les préjudices ( ) en relation directe avec l'accident du travail du 8 octobre 2010 ( ) » et de dire si l'état de M. S... « a nécessité avant consolidation de son état et dans ce cas jusqu'à quelle date, l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne », la cour rappelant ici que, dans le cadre du présent litige, la date de consolidation à prendre en compte est celle, non contestée, du 1er décembre 2015 ; que le cadre de la mission de l'expert est ainsi clairement défini ; qu'il appartiendra aux parties de faire valoir, le cas échéant, tel argument qu'elles estimeraient nécessaire au meilleur accomplissement par l'expert de sa mission ; ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE le 11 octobre 2010, la S.A. SCREG Ile de France Normandie a établi une déclaration d'accident du travail concernant l'accident dont a été victime Monsieur O... S..., son salarié, le 08 octobre 2010 ; que la déclaration transmise à la CPAM des Yvelines, sans réserve de l'employeur, indiquait que « pendant la pause déjeuner, en position assise, selon ses dires, la victime aurait ressenti une douleur dans le dos en se levant » et précisait l'heure de l'accident comme étant 12h45 ; que le certificat médical initial établi le jour même par le service des urgences de l'hôpital Tenon mentionnait une lombosciatique gauche ; que la CPAM des Yvelines a informé M. Garaba Keita et la S.A. SCREG Ile de France Normandie le 03 décembre 2010 de sa décision de ne pas reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré le 11 octobre 2010 ; que M. O... S... a contesté cette décision devant la commission de recours amiable qui, après avoir fait procéder à une enquête, a rejeté son recours par décision du 19 mai 2011 notifiée le 30 juin 2011 puis a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines ; que par jugement rendu le 28 janvier 2014, le tribunal a annulé la décision de la commission de recours amiable de la CPAM des Yvelines du 19 mai 2011 refusant de reconnaître le caractère professionnel de l'accident dont avait été victime M. O... S... le 08 octobre 2010 et dit que cet accident devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle ; que la S.A. SCREG Ile de France Normandie, appelée en la cause, bien que régulièrement convoquée, n'a pas comparu et n'a pas été représentée ; que toutefois, cette décision, qui n'a fait l'objet d'aucun recours, est devenue définitive et lui est opposable ; qu'elle ne saurait sérieusement soutenir que la décision de la CPAM des Yvelines du 03 octobre 2010 est définitive à son égard, alors qu'elle a fait implicitement, mais nécessairement l'objet d'une annulation par le jugement du 28 janvier 2014, de même que la décision de la commission de recours amiable ; qu'informée de la contestation par M. O... S... de la décision de la CPAM des Yvelines du 03 octobre 2010 devant la présente juridiction, il lui appartenait à cette occasion de faire valoir ses droits pour tenter d'obtenir la confirmation de la décision critiquée ; qu'en conséquence les demandes formées par la société Colas Ile de France Normandie en contestation de l'action récursoire à son égard par la CPAM des Yvelines seront rejetées ; qu'en l'absence de production par la société Colas Ile de France Normandie du moindre élément destiné à justifier sa demande tendant à l'inopposabilité du taux d'IPP de 24 % celle-ci sera rejetée ; que si l'annulation de la décision la commission de recours amiable du 19 mai 2011 et la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 08 octobre 2010 bénéficient de l'autorité de chose jugée, comme ayant été décidées dans le dispositif de la décision, il n'en est pas de même des motifs de ce jugement, non repris dans son dispositif, concernant notamment les circonstances de l'accident ( ) ; qu'en application de l'article L. 452- 2 du code de la sécurité sociale, la faute inexcusable de l'employeur emporte fixation au taux maximum de la majoration de la rente versée à la victime ; que la faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt à raison de sa faute inexcusable et que seule une faute inexcusable du salarié, au sens de l'article L. 453-1 du code de la sécurité sociale peut permettre de réduire la majoration de sa rente que présente un tel caractère la faute volontaire du salarié d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu'à défaut d'invoquer et a fortiori de démontrer l'existence d'une faute inexcusable à la charge de M. O... S..., il sera accordé à ce dernier la majoration de la rente maladie professionnelle au taux maximum servie par la CPAM des Yvelines laquelle suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de ce salarié ; que la majoration de la rente devra être versée au bénéficiaire par la CPAM des Yvelines ; 1°) ALORS QUE la décision motivée de la caisse primaire d'assurance maladie refusant de reconnaître le caractère professionnel d'un accident, revêt, dès sa notification à l'employeur auquel elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ; qu'ayant relevé que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines de refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle était définitive à l'égard de l'employeur, peu important qu'elle lui ait fait ou non grief, et que le jugement définitif du tribunal des affaires de sécurité sociale qui, sur le recours de M. S..., avait reconnu le caractère professionnel de l'accident, n'a pas été déclaré commun à la société Colas Ile de France Normandie, appelée en cause, la cour d'appel qui a cependant décidé que les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de M. S... et la majoration de rente seraient inscrites au compte de la société Colas Ile de France Normandie, a violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ; 2°) ALORS QUE la décision motivée de la caisse primaire d'assurance maladie refusant de reconnaître le caractère professionnel d'un accident, revêt, dès sa notification à l'employeur auquel elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ; que la cour d'appel a relevé que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines de refus de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident de M. S... était définitive à l'égard de la société Colas Ile de France Normandie, que le caractère inopposable à l'employeur de la prise en charge d'un accident au titre de la législation professionnelle ne privait pas le salarié du droit de rechercher la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, que dans ce cadre, ce dernier était tenu des condamnations prononcées à l'encontre de la caisse et que la cour ne pouvait que, non pas dire la décision de prise en charge opposable à la société, mais faire droit à l'action récursoire de la caisse dans l'hypothèse où la faute inexcusable de l'employeur serait retenue ; qu'en disant cependant que les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de M. S... et la majoration de rente seraient inscrites au compte de la société Colas Ile de France Normandie, la cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, violant l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ; 3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; que la cour d'appel qui, tout à la fois, a dit que la majoration de l'indemnité en capital sera versée directement à M. S... par la CPAM des Yvelines qui en récupèrera le montant auprès de la société Colas Ile de France Normandie et que les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de M. S... et la majoration de rente seront inscrites au compte de la société Colas Ile de France Normandie, a violé les articles L. 452-2, D. 452-1 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, le dernier dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2014-13 du 8 janvier 2014, applicables au litige ; 4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE dans ses conclusions d'appel, la société Colas Ile de France Normandie avait fait valoir qu'il résultait de la notification de décision d'attribution de rente versée aux débats par M. S... qu'un taux d'incapacité permanente partielle de 24 % lui avait été attribué à compter du 2 décembre 2015, à la suite d'une rechute consolidée le 1er décembre 2015 et que, fixé après rechute, ce taux ne lui était pas opposable, en application de l'article D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale ; que, pour juger que la majoration de rente fixée au taux maximum sera versée directement à M. S... par la CPAM des Yvelines qui en récupérera le montant auprès de la société Colas Ile de France Normandie et que les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de M. S... et la majoration de rente seront inscrites au compte de la société Colas Ile de France Normandie, la cour d'appel a dit cette dernière infondée à invoquer l'inopposabilité à son égard de la rechute pour contester le taux d'incapacité permanente partielle ; que ce faisant, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 5°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE selon les dispositions de l'article D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, seule l'incapacité permanente partielle reconnue après consolidation de l'accident du travail initial est reportée au compte de l'employeur, à l'exclusion de l'incapacité permanente partielle fixée après rechute ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Colas Ile de France Normandie avait fait valoir qu'il résultait de la notification de décision d'attribution de rente versée aux débats par M. S... qu'un taux d'incapacité permanente partielle de 24 % lui avait été attribué à compter du 2 décembre 2015, à la suite d'une rechute consolidée le 1er décembre 2015 ; qu'en énonçant que les parties s'étaient abstenues de fournir des éléments précis en ce qui concerne l'existence d'une rechute et d'une décision du tribunal du contentieux de l'incapacité sans examiner la notification d'attribution de rente invoquée par la société Colas Ile de France Normandie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2010, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief. Il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard. Il s'ensuit que, dès lors que la décision de la caisse de refuser la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle est devenue définitive à l'égard de l'employeur, les dépenses afférentes à cet accident du travail ne peuvent être inscrites au compte de celui-ci
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 octobre 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 938 F-P+B+I Pourvoi n° T 19-16.606 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 M. B... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 19-16.606 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2019 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre - protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Picardie, dont le siège est Vallée des Vignes, 1 avenue du Danemark, 80029 Amiens cedex 1, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. C..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Picardie, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 mars 2019), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2009 à 2011, l'URSSAF de Picardie (l'URSSAF) a notifié à M. C... (le cotisant), entrepreneur individuel, une lettre d'observations portant sur deux chefs de redressement de contributions et cotisations, suivie, le 6 décembre 2012, de la notification d'une mise en demeure de payer. Contestant la régularité et le bien-fondé de ce redressement, le cotisant a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. Le cotisant fait grief à l'arrêt de maintenir le deuxième chef de redressement alors « que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail accompli dans un lien de subordination, ce lien étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements du subordonné ; qu'en se bornant à relever que l'inspecteur du recouvrement avait constaté que T... R... intervenait régulièrement pour le compte de M. C..., ayant pour mission d'encadrer les salariés en l'absence de ce dernier, qu'il devait rendre compte chaque semaine à M. C... de son suivi des chantiers, qu'il était rémunéré selon un forfait, que M. C... était son seul client, que T... R... n'était pas immatriculé en tant que travailleur indépendant, ou encore que T... R... était décédé à la suite d'une chute d'un toit sur un chantier de M. C..., cependant qu'aucune de ces circonstances n'était de nature à caractériser l'exécution d'un travail sous l'autorité de M. C..., avec le pouvoir pour ce dernier de donner des ordres et des directives à T... R..., d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un lien de subordination, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations et contributions litigieuses : 3. Il résulte de ces textes que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail accompli dans un lien de subordination, ce lien étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. 4. Pour valider le chef de redressement afférent à la réintégration dans l'assiette des cotisations de rémunérations versées, l'arrêt relève que l'inspecteur du recouvrement a mentionné au cours des opérations de contrôle que les pièces comptables révélaient, entre mai et août 2011, l'intervention régulière de T... R... qui avait pour mission d'encadrer les salariés présents en l'absence du chef d'entreprise, devait rendre compte chaque semaine auprès du cotisant de son suivi des chantiers et était rémunéré chaque mois selon un forfait au cours de la période en cause. Il constate que l'intéressé n'était pas immatriculé en tant que travailleur indépendant, que le cotisant était son seul client et que les factures émises par l'intéressé font état de « prestation de suivi et coordination de chantier ». Il retient que ces éléments établissent suffisamment la réunion des critères du salariat tandis que les pièces versées par le cotisant ne les remettent pas en cause. 5. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il maintient le deuxième chef de redressement des cotisations de M. C... par l'URSSAF de Picardie à la suite de la lettre d'observations du 5 octobre 2012, l'arrêt rendu le 18 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ; Condamne l'URSSAF de Picardie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Picardie et la condamne à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. C... Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR maintenu le deuxième chef de redressement des cotisations de M. C... par l'Urssaf de Picardie à la suite de la lettre d'observations du 5 octobre 2012 ; AUX MOTIFS PROPRES QU'en vertu de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale : « ( ) sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, les personnes salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs, et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat » ; qu'il en résulte que quelle que soit la qualification donnée aux relations entre les parties, il convient de procéder à l'assujettissement du salarié lorsque son réunies plusieurs critères, à savoir une convention ou un contrat de travail, une rémunération et un lien de subordination ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a mentionné au cours des opérations de contrôle que les pièces comptables révélaient l'intervention régulière de T... R... au cours de la période comprise entre mai et août 2011, que celui-ci avait pour mission d'encadrer les salariés présents en l'absence du chef d'entreprise et devait rendre compte chaque semaine de son suivi des chantiers auprès de M. C... ; qu'il a également constaté que T... R... était rémunéré chaque mois selon un forfait au cours de la période en cause, que M. C... était son seul client et qu'il n'était pas immatriculé en tant que travailleur indépendant ; qu'il apparaît en outre que les factures émises par l'intéressé font état de « prestation de suivi et coordination de chantier » ; que les éléments précités établissent ainsi suffisamment la réunion des critères du salariat, tandis que les pièces versées par M. C... ne les remettent pas en cause ; qu'en effet, l'attestation de M. P... selon laquelle T... R... « apportait des affaires » est insuffisamment circonstanciée et la preuve n'est nullement rapportée de ce que ce dernier aurait eu d'autres « clients » que M. C... durant la période concernée ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'existence d'une relation de travail était démontrée, justifiant la réintégration dans l'assiette des cotisations des rémunérations versées à T... R..., et validé ce chef de redressement ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L. 142-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale dispose que « Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toute les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite pas une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire » ; que le contrôleur dont les observations font foi jusqu'à preuve contraire, indique que l'épouse de M. C... a attesté que T... R... était un commercial et un chef de chantier pour son mari ; qu'il apparaît que T... R... est décédé en glissant d'un toit lorsqu'il était sur un chantier de M. C... dans le sud de la France ; qu'il n'est pas contesté que le défunt ne travaillait que pour M. C... et qu'il percevait à ce titre un rémunération mensuelle fixe ; qu'il résulte de ces considération que l'Urssaf de Picardie a, à bon droit, considéré qu'il y avait une relation de travail qui justifiait la réintégration dans l'assiette des cotisations de M. C... des rémunérations versées à T... R... ; ALORS, 1°), QUE pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail accompli dans un lien de subordination, ce lien étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements du subordonné ; qu'en se bornant à relever que l'inspecteur du recouvrement avait constaté que T... R... intervenait régulièrement pour le compte de M. C..., ayant pour mission d'encadrer les salariés en l'absence de ce dernier, qu'il devait rendre compte chaque semaine à M. C... de son suivi des chantiers, qu'il était rémunéré selon un forfait, que M. C... était son seul client, que T... R... n'était pas immatriculé en tant que travailleur indépendant, ou encore que T... R... était décédé à la suite d'une chute d'un toit sur un chantier de M. C..., cependant qu'aucune de ces circonstances n'était de nature à caractériser l'exécution d'un travail sous l'autorité de M. C..., avec le pouvoir pour ce dernier de donner des ordres et des directives à T... R..., d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un lien de subordination, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale ; ALORS, 2°), QUE le juge, tenu de motiver sa décision, ne peut procéder par voie de simple affirmation et doit préciser et analyser des pièces sur lesquelles il se fonde ; qu'en affirmant que T... R... devait rendre compte chaque semaine à M. C... de son suivi des chantiers, sans préciser les pièces sur lesquelles elle se fondait, quand ce fait était contesté par M. C..., la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations et contributions litigieuses, que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail accompli dans un lien de subordination, ce lien étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. Ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui valide, par des motifs insuffisants à caractériser l'existence d'un lien de subordination, le redressement afférent à la réintégration dans l'assiette des cotisations du donneur d'ordre des rémunérations versées par celui-ci à un travailleur
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 941 F-P+B+I Pourvoi n° U 19-16.078 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 La société Allianz vie, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-16.078 contre le jugement rendu le 16 novembre 2018 par le tribunal d'instance de Strasbourg, dans le litige l'opposant à M. Q... Y..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz vie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Strasbourg, 16 novembre 2018), rendu en dernier ressort, M. Y... (l'assuré) a bénéficié d'un contrat collectif de retraite supplémentaire à cotisations définies souscrit par son employeur auprès de la société Allianz vie (l'assureur). 2. L'assuré a sollicité, en 2017, le rachat total de son contrat, en application de l'article L. 132-23, alinéa 2, du code des assurances. L'assureur ayant déduit du montant versé à l'intéressé une certaine somme au titre des prélèvements sociaux, ce dernier a saisi d'un recours un tribunal d'instance. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'assureur fait grief au jugement d'accueillir ce recours, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 158 5 b quinquies du code général des impôts que les prestations de retraite versées sous forme de capital à la suite de l'exercice, par le bénéficiaire, de l'une des facultés de rachat exceptionnelles prévues aux troisième à septième alinéas de l'article L. 132-23 du code des assurances n'entrent pas dans le revenu imposable et ne sont donc pas assujetties à l'impôt sur le revenu ; que ce texte ne concerne cependant que la détermination de l'assiette de l'impôt sur le revenu, et nullement les prélèvements sociaux tels que la CSG, la CRDS et la cotisation maladie sur les avantages de retraite financés en tout ou partie par l'employeur ; qu'aucun des textes définissant l'assiette de ces prélèvements n'exclut les capitaux versés en exécution d'un contrat de retraite supplémentaire, quelle que soit la cause d'un tel versement ; qu'en décidant le contraire, le tribunal a violé les articles 158 5 b quinquies du code général des impôts, L. 136-1, L. 136-2 et L. 241-2, III, 1°, du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause, et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ; 2°/ que les contrats d'assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle peuvent être rachetés par l'assuré notamment en cas d'expiration de ses droits aux allocations chômage accordées consécutivement à une perte involontaire d'emploi ; que dans cette hypothèse, un capital lui est versé par anticipation ; que ce capital, issu du placement des cotisations versées par l'assuré salarié et son employeur, constitue, au regard des prélèvements sociaux, un avantage de retraite assimilable à un revenu de remplacement, comme tel assujetti à ceux-ci ; qu'en décidant le contraire, au motif impropre que le code général des impôts excluait ce capital de l'assiette de l'impôt sur le revenu, et sans expliquer en quoi, selon lui, le capital litigieux ne revêtait pas la qualification de revenu assujetti aux prélèvements sociaux, tandis que cette qualification aurait dû être retenue, le tribunal a violé les articles 158 5 b quinquies du code général des impôts, L. 136-1, L. 136-2 et L. 241-2, III, 1°, du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause, et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, applicable au litige, sont inclus dans l'assiette de la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement perçue au titre de la contribution sociale généralisée (CSG), pour leur montant brut, les traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3, ainsi que tous les avantages en nature ou en argent accordés aux intéressés en sus des revenus susvisés. Sont également incluses dans l'assiette de cette contribution les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, à l'exception de celles visées au cinquième alinéa de l'article L. 242-1 et de celles destinées au financement des régimes de retraite visés au I de l'article L. 137-11. 5. Selon l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée, la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement perçue au titre de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) est assise sur les revenus visés, notamment, à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale. 6. Selon l'article L. 241-2, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, applicable au litige, les cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont assises, d'une part, sur les avantages de retraite, soit qu'ils aient été financés en tout ou partie par une contribution de l'employeur, soit qu'ils aient donné lieu à rachat de cotisations ainsi que sur les avantages de retraite versés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1 du présent code, à l'exclusion des bonifications ou majorations pour enfants autres que les annuités supplémentaires, d'autre part, sur les allocations et revenus de remplacement mentionnés à l'article L. 131-2. 7. Il résulte de ces dispositions que n'entrent pas dans l'assiette de la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement perçue au titre de la CSG et de la CRDS, ni dans celle de la cotisation due au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, les sommes versées au bénéficiaire d'un contrat de retraite supplémentaire à cotisations définies qui exerce la faculté de rachat prévue à l'article L. 132-23, alinéa 2, du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige. 8. Le litige soumis au tribunal se rapporte à l'assujettissement aux contributions sur les revenus d'activité et de remplacement perçues au titre de la CSG et de la CRDS ainsi qu'à la cotisation due au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, des sommes versées à la suite du rachat d'un contrat de retraite supplémentaire d'entreprise. 8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Allianz vie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Allianz vie ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Allianz vie IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir condamné la société Allianz Vie à payer la somme de 2.633,02 € à M. Q... Y..., avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ; AUX MOTIFS QU' en vertu de l'article 158 5 b quinquies du code général des impôts, ne sont pas imposables les prestations de retraite versées sous forme de capital, en exercice des facultés de rachat prévues aux troisième à septième alinéas de l'article L. 132-23 du code des assurances ; que l'article L. 132-23 alinéa 3 du code des assurances dispose que les contrats d'assurance de groupe en cas de vie, dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle, doivent prévoir une faculté de rachat intervenant lorsque se produit l'expiration des droits de l'assuré aux allocations chômage accordées consécutivement à une perte involontaire d'emploi ; qu'en l'espèce, le demandeur verse aux débats un courrier du 23 octobre 2017 par lequel il sollicite de la société Allianz Vie le rachat anticipé de son contrat d'assurance retraite et le versement consécutif du capital, sans aucune retenue au titre des cotisations sociales ; qu'il produit également une lettre de la société Allianz Vie du 29 novembre 2017, par laquelle cette dernière lui annonce le versement des sommes dues au titre du rachat de son contrat, après déduction des cotisations sociales, celles-ci représentant un montant total de 2.633,02 € ; qu'en conséquence, il ressort des pièces versées en procédure que le demandeur a valablement sollicité de l'assureur le rachat de son contrat d'assurance retraite ; que les prestations de retraite versées en exercice de la faculté exceptionnelle de rachat n'étant pas imposables, la société Allianz Vie, qui a procédé à la déduction des cotisations sociales lors du remboursement du capital au demandeur, est débitrice à son égard d'une somme de 2.633,02 € ; 1°) ALORS QU' il résulte de l'article 158 5 b quinquies du code général des impôts que les prestations de retraite versées sous forme de capital à la suite de l'exercice, par le bénéficiaire, de l'une des facultés de rachat exceptionnelles prévues aux troisième à septième alinéas de l'article L. 132-23 du code des assurances, n'entrent pas dans le revenu imposable et ne sont donc pas assujetties à l'impôt sur le revenu ; que ce texte ne concerne cependant que la détermination de l'assiette de l'impôt sur le revenu, et nullement les prélèvements sociaux tels que la CSG, la CRDS et la cotisation maladie sur les avantages de retraite financés en tout ou partie par l'employeur ; qu'aucun des textes définissant l'assiette de ces prélèvements n'exclut les capitaux versés en exécution d'un contrat de retraite supplémentaire, quelle que soit la cause d'un tel versement ; qu'en décidant le contraire, le tribunal a violé les articles 158 5 b quinquies du code général des impôts, L. 136-1, L. 136-2 et L. 241-2 III 1° du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause, et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ; 2°) ALORS QUE les contrats d'assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle peuvent être rachetés par l'assuré notamment en cas d'expiration de ses droits aux allocations chômage accordées consécutivement à une perte involontaire d'emploi ; que dans cette hypothèse un capital lui est versé par anticipation ; que ce capital, issu du placement des cotisations versées par l'assuré salarié et son employeur, constitue, au regard des prélèvements sociaux, un avantage de retraite assimilable à un revenu de remplacement, comme tel assujetti à ceux-ci ; qu'en décidant le contraire, au motif impropre que le code général des impôts excluait ce capital de l'assiette de l'impôt sur le revenu, et sans expliquer en quoi selon lui le capital litigieux ne revêtait pas la qualification de revenu assujetti aux prélèvements sociaux, tandis que cette qualification aurait dû être retenue, le tribunal a violé les articles 158 5 b quinquies du code général des impôts, L. 136-1, L. 136-2 et L. 241-2 III 1° du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause, et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996.
N'entrent pas dans l'assiette de la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement perçue au titre de la CSG et de la CRDS, ni dans celle de la cotisation due au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, les sommes versées au bénéficiaire d'un contrat de retraite supplémentaire à cotisations définies qui exerce la faculté de rachat prévue à l'article L. 132-23, alinéa 2, du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige, pour les seuls événements particuliers qu'il vise
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COMM. LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 octobre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 498 F-P+B Pourvoi n° U 19-12.996 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020 1°/ Mme S... U... C..., domiciliée [...] , 2°/ Mme R... X..., veuve C..., domiciliée [...] , ont formé le pourvoi n° U 19-12.996 contre l'arrêt n° RG : 17/13046 rendu le 21 juin 2018 rectifié par l'arrêt n° RG : 18/10716 rendu le 12 juillet 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre A), dans le litige les opposant : 1°/ à M. Y... I..., domicilié [...] , 2°/ à Mme S... I..., domiciliée [...] , 3°/ à M. G... I..., domicilié [...] , tous trois pris en qualité d'associés de la société Mar Ca, 4°/ à M. H... N..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mar Ca, 5°/ à M. B... F..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire ad hoc de la société Mar Ca, 6°/ à Mme S... C..., domiciliée [...] , défendeurs à la cassation. Mme S... C... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. MM. Y... et G... et Mme S... I... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation ci-après annexé. Mme S... C... invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation ci-après annexé. MM. Y... et G... et Mme S... I... invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation ci-après annexé. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de Mme S... U... C..., Mme X..., veuve C..., et Mme S... C..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de MM. Y... et G... et Mme S... I..., et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2018 rectifié le 12 juillet 2018), la société Mar Ca, dont les parts sont détenues à égalité par les membres des familles C... et I... et dont M... C... était le gérant, a, le 16 mars 2010, fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, qui a été convertie en redressement judiciaire le 17 mai 2011. 2. Le 11 octobre 2011, le tribunal a arrêté un plan de cession au profit de M. G... I..., qui s'est substitué une société. Le jugement a été confirmé le 1er mars 2012 et l'acte de cession a été signé le 5 avril 2012. La société Mar Ca a été mise en liquidation judiciaire le 10 juillet suivant, M. N... étant désigné en qualité de liquidateur. 3. Le 21 août 2012, W... C..., ès qualités, a demandé l'inscription sur la liste des créances postérieures prévue par l'article L. 641-13, IV, du code de commerce, d'une créance résultant d'une inscription en compte courant d'associé après le jugement arrêtant le plan, dont le montant correspondait au paiement, sur son compte bancaire personnel, de factures d'honoraires de professionnels qu'il avait sollicités dans le cadre de l'activité de la société. Le liquidateur a refusé d'inscrire la créance. 4. Après le décès de M... C..., le 21 mai 2013, Mmes S... et S... C... et Mme R... X..., ses héritières (les consorts C...) ont contesté la liste des créances devant le juge-commissaire, qui a rejeté la contestation. Devant le tribunal saisi du recours des consorts C..., MM. Y... et G... et Mme S... I..., co-associés (les consorts I...), sont intervenus volontairement à l'instance. Leur intervention volontaire a été déclarée recevable. Examen des moyens uniques du pourvoi principal et du pourvoi incident relevé par Mme S... C..., rédigés en des termes identiques, réunis Sur les moyens, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen unique du pourvoi incident relevé par les consorts I... Enoncé du moyen 4. Les consorts I... font grief à l'arrêt d'ordonner l'inscription sur la liste des créances postérieures prévue par l'article L. 641-13, IV, du code de commerce des créances réglées par M... C... au titre des honoraires d'avocat à hauteur de 41 720,80 euros, alors : « 1°/ que seules sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ; que la créance née en méconnaissance des pouvoirs de l'administrateur judiciaire n'est pas née régulièrement ; qu'en se bornant à énoncer que les créances d'honoraires d'avocat engagées pour le suivi de la procédure d'appel et la procédure d'appel, la procédure en référé suspension devant le premier président pour éviter l'exécution du jugement du 11 octobre 2011, la défense à la procédure de référé engagée par M. I... devant le tribunal de commerce de Cannes pour qu'il soit ordonné au gérant de la société Mar Ca de signer le procès-verbal de prise de possession et de l'autoriser à défaut à prendre possession du fonds, étaient des "créances utiles nées pour le besoin de la procédure" et non disproportionnées, circonstance inopérante pour caractériser en quoi ces créances étaient nées régulièrement, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée par les consorts I..., si l'engagement de ces dépenses par M. C... sans l'accord explicite ou implicite de M. P..., administrateur judiciaire, et même contre son avis et celui du juge-commissaire, ne s'opposait pas à leur inscription sur la liste des créances de l'article L. 641-13 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte et de l'article L. 622-17 du même code ; 2°/ que ne sont pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure les dépenses en honoraires d'avocat ayant pour objet de s'opposer à la cession de la société au profit de l'auteur de l'offre la mieux-disante, engagées par l'auteur de la seule autre offre rejetée par le tribunal, de contester la mise en oeuvre du plan de cession et l'entrée en possession du cessionnaire ; qu'en retenant que les honoraires d'avocat engagés par M... C... pour le suivi de la procédure d'appel et la procédure d'appel du jugement du 11 octobre 2011 ayant arrêté le plan de cession au profit des consorts I..., la procédure en référé suspension devant le premier président du jugement du 11 octobre 2011, la défense à la procédure de référé engagée par M. I... devant le tribunal de commerce de Cannes pour être autorisé à prendre possession du fonds et les honoraires de l'avoué devant la cour d'appel, étaient utiles et que ces créances étaient nées pour les besoins du déroulement de la procédure, la cour d'appel a violé les articles L. 641-13 et L. 622-17 du code de commerce ; 3°/ qu'en retenant que les créances d'un montant de 41 262 euros n'étaient pas "disproportionnées" du seul fait que la société Mar Ca n'avait pas obtenu satisfaction, sans s'interroger sur l'importance de ces dépenses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-13 et L. 622-17 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. D'une part, l'exercice du droit propre du débiteur à relever appel du jugement arrêtant le plan de cession de son entreprise échappe, par principe, puisqu'il peut exercer seul un tel droit, à la répartition des pouvoirs entre le débiteur et les organes de sa procédure collective. Il en résulte que la créance d'honoraires de l'avocat du débiteur assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres est toujours née régulièrement. 6. L'arrêt relève que c'est en vertu du droit propre de la société débitrice que son gérant a interjeté appel du jugement arrêtant le plan de cession, a agi en référé pour arrêter l'exécution provisoire et a défendu à l'action en référé engagée par le cessionnaire de l'entreprise pour entrer en possession de celle-ci. La cour d'appel a ainsi fait ressortir que les honoraires réclamés par l'avocat, dans le cadre de ces actions, étaient des créances nées régulièrement. 7. D'autre part, l'arrêt relève que les procédures conduites par l'avocat étaient en lien avec l'adoption du plan de cession, que les recours et le suivi des procédures ont permis de consolider et de sécuriser, eu égard aux craintes qui pouvaient naître sur la pérennité de l'entreprise et la préservation de l'emploi, du fait de la personnalité du repreneur, ex-salarié licencié et ex-concubin d'une fille du gérant. La cour d'appel a pu en déduire que la créance d'honoraires était née pour les besoins du déroulement de la procédure. 8. Enfin, la cour d'appel, qui a indiqué précisément le montant des honoraires correspondant à chacune des procédures menées par la société débitrice dans l'exercice de ses droits propres, a souverainement apprécié le caractère proportionné de la créance et sa conformité aux besoins de la procédure. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme S... U... C... et Mme X..., veuve C..., rédigé en termes identiques au pourvoi incident relevé par Mme S... C... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la créance relative aux factures du cabinet [...], réglées par M... C... à partir de son compte bancaire personnel, n'était pas née régulièrement et d'avoir en conséquence déclaré non fondée l'opposition des héritières de M... C... à l'ordonnance du 31 juillet 2015 par laquelle le juge-commissaire les avait déboutées de leurs contestations de la liste des créances postérieures s'agissant de ces créances ; AUX MOTIFS QU' il incombe aux appelantes de démontrer que les dépenses effectuées par W... (M...) C... à titre personnel constituent des créances nées régulièrement après le jugement ayant ouvert la procédure collective pour les besoins du déroulement de la procédure ; que pour bénéficier de l'article L. 622-17 et de l'article L. 641-13, la créance postérieure doit être née régulièrement, c'est à dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou de l'administrateur, et le cas échéant du juge-commissaire ; que toutes les factures précitées sont postérieures au jugement du 11 octobre 2011 ayant arrêté le plan de cession au bénéfice de M. I... et antérieures à l'ouverture de la liquidation judiciaire ; que s'agissant des factures du cabinet [...], M. O... L... a attesté le 16 février 2015 que M. C... lui avait réglé une note de débours du 22 février 2012 de 164,77 € et quatre notes d'honoraires de montant de 6.099,60 € TTC du 30 décembre 2011 au 2 avril 2012 ; qu'il a par ailleurs précisé dans une attestation établie le 13 février 2015 que sa mission avait consisté à assister le gérant de la société Mar Ca dans les domaines suivants : gestion courante de l'entreprise tant dans le domaine du management, que de la gestion sociale et financière en particulier, au regard notamment des situations hebdomadaires adressées à l'administrateur judiciaire pendant la période d'observation, et à assurer des diligences auprès des organes des différentes procédures (juge-commissaire, mandataire de justice, experts judiciaires) ; que Maître P... a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire de la société Mar Ca avec mission d'assistance sans aucune restriction, ce qui supposait l'intervention aux actes de gestion du débiteur et de l'administrateur judiciaire, au nombre desquels figure le fonctionnement des comptes bancaires sous leur double signature ; que les premiers juges ont retenu à bon droit qu'en réglant sur son compte bancaire personnel les factures du cabinet [...] sans en référer à l'administrateur judiciaire, M. C... avait empêché Maître P... d'exercer sa mission d'assistance ; que l'objet et le montant de ces dépenses n'ayant pas été expressément ratifiés par l'administrateur judiciaire, les appelantes ne peuvent valablement invoquer un accord implicite de l'administrateur judiciaire sur les missions confiées au cabinet [...], au demeurant non établi, pour soutenir que ces créances résultant du règlement des factures établies après le 11 octobre 2011 dont Maître P... n'avait pas connaissance seraient nées régulièrement ; qu'au demeurant il sera relevé que la créance antérieure déclarée au passif de la procédure collective par le cabinet [...] a été rejetée par ordonnance du juge-commissaire en date du 15 décembre 2014 pour défaut de justification des prestations ni d'un accord sur la tarification des honoraires ; que la créance relative aux factures du cabinet [...] réglées par M. M... C... n'étant pas née régulièrement, le jugement ayant débouté Mmes C... de leur opposition à l'ordonnance et de leurs demandes présentées de ce chef sera confirmé ; ALORS, D'UNE PART, QUE tout jugement doit être motivé et que la contradiction entre les motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, après avoir réformé le jugement entrepris sauf en ce qu'il avait déclaré recevables l'opposition formée par les héritières de M... C... et l'intervention volontaire accessoire des consorts I... et en ce qu'il avait débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile (dispositif de l'arrêt attaqué, p. 10 in limine), la cour d'appel a expressément adopté les motifs du jugement par lesquels les premiers juges avaient débouté au fond les héritières de M... C... de leurs demandes portant sur la créance relative aux factures du cabinet [...] (arrêt attaqué, p. 8, 4ème et 7ème attendus) ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE constituent des créances postérieures privilégiées au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce, les créances qui sont nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou qui sont la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation ; que l'appréciation du caractère utile d'une créance doit se faire en considération de l'utilité potentielle de l'opération et non de son utilité réelle appréciée a posteriori ; que constitue nécessairement, au sens de ce texte, une prestation utile fournie pour le compte du débiteur le concours apporté par un cabinet de gestion qui, en l'absence de salarié affecté à la gestion courante de l'entreprise, assiste le gérant dans ce domaine et lui apporte son expertise en matière de management et de questions sociales et financières ; qu'en jugeant toutefois que la créance relative aux factures du cabinet [...] réglée par M... C... n'était pas née régulièrement, aux motifs inopérants que ces factures n'avaient pas été expressément ratifiées par l'administrateur judiciaire et que celui-ci se serait ainsi trouvé empêché d'exercer sa mission d'assistance (arrêt attaqué, p. 8, 4ème et 5ème attendus), cependant que le seul critère qu'il convenait de mettre en oeuvre tenait à l'utilité de la prestation litigieuse pour le débiteur, la cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du code de commerce, outre l'article L. 641-13 du même code ; ALORS, ENFIN, QUE constituent des créances postérieures privilégiées au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce, les créances qui sont nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou qui sont la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation ; que l'appréciation du caractère utile d'une créance doit se faire en considération de l'utilité potentielle de l'opération et non de son utilité réelle appréciée a posteriori ; qu'en ajoutant, à l'appui de sa décision, « que la créance antérieure déclarée au passif de la procédure collective par le Cabinet L... a été rejetée par ordonnance du juge-commissaire en date du 15 décembre 2014 pour défaut de justification des prestations ni d'un accord sur la tarification des honoraires » (arrêt attaqué, p. 8, 6ème attendu), cependant qu'elle ne pouvait apprécier le caractère régulier de la créance qui était en cause dans le cadre de la présente instance en se référant à une autre créance, antérieure, qui avait été rejetée dans le cadre d'une autre procédure, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour MM. Y... et G... et Mme S... I... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la créance d'honoraires d'avocat pour le suivi de la procédure d'appel et la procédure d'appel du jugement du 11 octobre 2011 ayant arrêté le plan de cession, de la procédure en référé suspension devant le premier président du jugement du 11 octobre 2011, de la défense à la procédure de référés engagée par M. I... devant le tribunal de commerce de Cannes pour être autorisé à prendre possession du fonds et celle des honoraires de l'avoué devant la cour d'appel, étaient des créances nées régulièrement après l'ouverture de la procédure collective pour les besoins du déroulement de la procédure, d'avoir ordonné, en conséquence, l'inscription sur la liste des créances postérieures de l'article L. 641-13 du code de commerce des créances réglées par M. W... C... au titre des honoraires d'avocat à hauteur de la somme de 41 720,80 euros ; Aux motifs que la créance d'honoraires du Cabinet J..., réglée par Monsieur M... C..., correspond à des honoraires facturés par cet avocat d'une part dans le cadre d'actions en justice exercées par la société MAR CA en vertu de son droit propre : appel du jugement arrêtant le plan de cession, action en référé suspension de l'exécution provisoire, défense à l'action en référé engagée par le cessionnaire devant le tribunal de commerce pour être autorisée à entrer en possession, et, d'autre part, pour la rédaction d'un dire à l'expert judiciaire M. K... désigné par ordonnance du 12 avril 2011 du juge-commissaire sur requête de l'administrateur judiciaire pour rechercher s'il existait des flux financiers anormaux entre la société MAR CA et les sociétés Scala (créée par Monsieur G... I... deux mois avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde) et Batpro ou d'autres sociétés, et si des transferts de clientèle étaient intervenus au préjudice de la société MAR CA au profit des sociétés Scala et Batpro ou d'autres sociétés ; que les créances d'honoraires d'avocat ont été exposées dans le cadre de l'exercice par le débiteur de ses droits propres ; qu'il ne peut être exclu par principe que la créance d'honoraires de l'avocat assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres puisse naître pour les besoins du déroulement de la procédure (Com. 1er décembre 2015, n° 14-20668, rapport M. E...) ; que l'appréciation du caractère utile d'une créance se fait en considération de l'utilité potentielle de l'opération et non de son utilité réelle appréciée a posteriori (Com. 15 octobre 2013 n° 12-23830 et 9 mai 2018 n° 16-24065) ; que les notions d'exercice d'un droit propre et de besoins de déroulement de la procédure peuvent se rejoindre (Com. 15 octobre 2013 n° 12-23830 précité) ; s'agissant des procédures en lien avec l'adoption du plan de cession, qu'il sera rappelé que le débiteur bénéficie du droit de faire appel des jugements arrêtant le plan de cession en vertu de l'article L 661-6 III du code de commerce ; qu'en l'espèce, eu égard aux graves dissensions existant entre les deux groupes d'associés ayant des répercussions sur le sort de l'entreprise, aux craintes avancées sur la pérennité de l'entreprise et la préservation de l'emploi du fait de la reprise par M. I... ex-salarié licencié et ex concubin de Mme C... ayant créée une société concurrente de la société MAR CA, craintes relayées par le représentant des salariés déclaré recevable en son appel aux côtés de la société MAR CA, aux perspectives de résorption du passif offertes par les deux projets, l'appel a permis de consolider l'adoption du plan de cession et d'apporter la sécurité juridique à la poursuite de la procédure collective, la cour ayant jugé le 1er mars 2012, après avoir analysé les différents moyens des parties, que les premiers juges avaient fait une exacte appréciation des éléments de la cause et de la valeur des deux offres de reprises qui leur étaient soumises en désignant comme repreneur M. G... I..., précisant que les éléments d'appréciation fournis ayant permis la discussion, aucun abus d'aucune sorte ne pouvait être retenu ; que les créances d'honoraires d'avocat pour le suivi de la procédure d'appel et la procédure d'appel, la procédure en référé suspension devant le Premier président pour éviter la mise à exécution du jugement du 11 octobre 2011, la défense à la procédure de référés engagée par M. I... devant le tribunal de commerce de Cannes pour qu'il soit ordonné au gérant de la société MAR CA de signer le procès-verbal de prise de possession et de l'autoriser à défaut à prendre possession du fonds, doivent être considérée comme une créance utile née pour le besoin de la procédure ; qu'elles ne peuvent être considérées « disproportionnées » du seul fait que la société MAR CA n'a pas obtenu satisfaction ; que ces créances s'élèvent au montant de 41 262 € (11 960 € x 2, 4.545 €, 5 382 € et 7 415 €) ; (factures du 19 octobre 2011, du 3 janvier 2012, du 3 novembre 2011, du 4 novembre 2011, du 5 décembre 2011) ; que seront par conséquent inscrites sur la liste des créances postérieures de l'article L. 641-13 du code de commerce les créances réglées par Feu W... (M...) C... au titre d'honoraires d'avocat à hauteur de 41 720,80 € (41 262 € + 358,80 €) ; Alors 1°) que seules sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ; que la créance née en méconnaissance des pouvoirs de l'administrateur judiciaire n'est pas née régulièrement ; qu'en se bornant à énoncer que les créances d'honoraires d'avocat engagées pour le suivi de la procédure d'appel et la procédure d'appel, la procédure en référé suspension devant le Premier président pour éviter l'exécution du jugement du 11 octobre 2011, la défense à la procédure de référé engagée par M. I... devant le tribunal de commerce de Cannes pour qu'il soit ordonné au gérant de la société Mar Ca de signer le procès-verbal de prise de possession et de l'autoriser à défaut à prendre possession du fonds, étaient des « créances utiles nées pour le besoin de la procédure » et non disproportionnées, circonstance inopérante pour caractériser en quoi ces créances étaient nées régulièrement, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée par les consorts I..., si l'engagement de ces dépenses par M. C... sans l'accord explicite ou implicite de Me P..., administrateur judiciaire, et même contre son avis et celui du juge-commissaire, ne s'opposait pas à leur inscription sur la liste des créances de l'article L. 641-13 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte et de l'article L. 622-17 du même code ; Alors 2°) que ne sont pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure, les dépenses en honoraires d'avocat ayant pour objet de s'opposer à la cession de la société au profit de l'auteur de l'offre la mieux-disante, engagées par l'auteur de la seule autre offre rejetée par le tribunal, de contester la mise en oeuvre du plan de cession et l'entrée en possession du cessionnaire ; qu'en retenant que les honoraires d'avocat engagés par M. M... C... pour le suivi de la procédure d'appel et la procédure d'appel du jugement du 11 octobre 2011 ayant arrêté le plan de cession au profit des consorts I..., la procédure en référé suspension devant le Premier président du jugement du 11 octobre 2011, la défense à la procédure de référé engagée par M. I... devant le tribunal de commerce de Cannes pour être autorisé à prendre possession du fonds et les honoraires de l'avoué devant la cour d'appel, étaient utiles et que ces créances étaient nées pour les besoins du déroulement de la procédure, la cour d'appel a violé les articles L. 641-13 et L. 622-17 du code de commerce ; Alors 3°) qu'en retenant que les créances d'un montant de 41 262 € n'étaient pas « disproportionnées » du seul fait que la société Mar Ca n'avait pas obtenu satisfaction, sans s'interroger sur l'importance de ces dépenses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-13 et L. 622-17 du code de commerce.
L'exercice du droit propre du débiteur à relever appel du jugement arrêtant le plan de cession de son entreprise échappe, par principe, puisqu'il peut exercer seul un tel droit, à la répartition des pouvoirs entre le débiteur et les organes de sa procédure collective. Il en résulte que la créance d'honoraires de l'avocat du débiteur assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres est toujours née régulièrement
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COMM. LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 octobre 2020 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 499 F-P+B Pourvoi n° H 19-13.560 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020 Mme X... P..., divorcée O..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° H 19-13.560 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3 - 3, anciennement dénommée 8e chambre B), dans le litige l'opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme P..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 janvier 2019), la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur (la banque) a consenti un prêt à Mme P..., entrepreneur individuel, le 3 janvier 2006. Cette dernière a fait publier une déclaration d'insaisissabilité de sa résidence principale le 3 mai 2010. Elle a été mise en liquidation judiciaire le 7 octobre 2014, la procédure étant clôturée le 3 novembre 2015. 2. La banque, qui avait, sur autorisation du juge de l'exécution, fait inscrire, le 9 novembre 2014, une hypothèque provisoire sur l'immeuble a, le 16 novembre suivant, assigné Mme P... en paiement de sa créance. Cette dernière a opposé l'irrecevabilité de la demande et sollicité la levée de l'hypothèque. Examen des moyens Sur le second moyen Enoncé du moyen 3. Mme P... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de mainlevée de l'hypothèque provisoire, alors « que le droit pour le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable d'agir en cours de procédure en ce qu'il est directement lié au périmètre de la procédure – biens objet de la poursuite non inclus dans la procédure collective – ne saurait perdurer après la clôture de la liquidation dès lors, d'une part, qu'il expose le débiteur à des poursuites sans fin, d'autre part, est lié au périmètre d'une procédure désormais clôturée et, enfin, crée une trop grande inégalité entre les créanciers ; qu'il en résulte que le créancier ne peut être admis, après la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif, à procéder à une inscription d'hypothèque provisoire sur un immeuble ayant fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 643-11-I du code de commerce. » Réponse de la Cour 4. L'arrêt retient exactement qu'un créancier auquel une déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable peut exercer son droit de poursuite sur celui-ci indépendamment de ses droits dans la procédure collective du propriétaire de cet immeuble. 5. Il en résulte que rien ne lui interdit, tant que sa créance n'est pas prescrite, de faire inscrire une hypothèque provisoire sur ce bien dans les conditions du droit commun, lequel s'applique aussi à la demande de mainlevée d'une telle mesure conservatoire. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur moyen, relevé d'office 7. Conformément aux dispositions des articles 620, alinéa 2, et 1015, du code de procédure civile, avis a été donné aux parties. Réponse de la Cour Vu les articles L. 526-1, L. 622-7 et L. 622-21 du code de commerce : 8. Si le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable bénéficie d'un droit de poursuite sur cet immeuble, il n'en demeure pas moins soumis au principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites ainsi qu'à l'interdiction de recevoir paiement des créances dont la naissance est antérieure au jugement d'ouverture. Il en résulte que, s'il doit être en mesure d'exercer le droit qu'il détient sur l'immeuble en obtenant un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance, cette action ne peut tendre au paiement de celle-ci. 9. Pour condamner Mme P... à payer à la banque la somme de 19 411,76 euros, l'arrêt retient que celle-ci, à laquelle la déclaration d'insaisissabilité publiée par Mme P... était inopposable, est bien fondée à agir individuellement contre la débitrice aux fins d'obtenir un titre exécutoire portant condamnation. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui aurait dû se borner à constater l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance, sans prononcer de condamnation à paiement, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne Mme P... à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur la somme de 19 411,76 euros au titre du prêt n° [...] et dit que cette somme produira intérêts au taux conventionnel à compter du 10 septembre 2015 et jusqu'à parfait paiement, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne Mme P... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme P..., divorcée O... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par voie de confirmation, condamné Mme P... à payer la somme de 19.411,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2015 ; AUX MOTIFS ADOPTES QUE les déclarations d'insaisissabilité publiées avant le prononcé du jugement déclaratif sont opposables à la procédure collective, comme le confirme d'ailleurs M. R..., mandataire liquidateur en son courrier du 22 juillet 201 ; qu'en l'espèce, la déclaration d'insaisissabilité du bien immobilier de Mme X... P... divorcée O... sis au Cannet a été publiée le 3 mai 2010 ; qu'or le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire a été rendu le 7 octobre 2014 ; que la déclaration d'insaisissabilité est par conséquent opposable à la liquidation judiciaire de Mme P... et ne constitue pas dès lors un élément d'actif de ladite procédure collective ; que la déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble est ainsi inopposable à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur dont les droits sont nés antérieurement à ladite déclaration et l'immeuble objet de la déclaration doit être considéré comme un actif « hors procédure collective » ; ( ) ; que le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d'un droit de poursuite sur l'immeuble objet de la déclaration et est en droit d'obtenir un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance ; que la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence côte d'Azur est dès lors bien fondée à agir individuellement contre Mme P... aux fins d'obtention d'un titre exécutoire sur sa « Villa G... » sise au Cannet ; ( ) ; que par conséquent, Mme P... sera condamnée à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur la somme de 19.411,76 € produisant intérêts au taux conventionnel à compter du 10 septembre 2015 ; 1°) ALORS QUE le créancier, dont les opérations de la liquidation judiciaire de son débiteur n'ont pas, en raison de l'insuffisance d'actif, permis de régler la créance, peut recouvrer l'exercice individuel de son action contre lui, à la condition que la créance porte sur des droits attachés à la personne du créancier ; que n'entre pas dans cette catégorie la créance de remboursement d'un prêt ; que dès lors, en l'espèce, en condamnant Mme P... à payer au Crédit agricole, au titre du prêt n° [...], la somme de 19.411,76 € outre intérêts conventionnels à compter du 10 septembre 2015, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si la créance dont se prévalait le Crédit agricole portait sur des droits attachés à la personne du créancier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 643-11, I, 2°) du code de commerce ; 2°) ALORS QUE Mme P... avait expressément soutenu que pour tenter de faire échec à l'irrecevabilité de son action en paiement, le Crédit agricole tentait de faire valoir, dans un premier temps, qu'il n'avait pas eu connaissance du prononcé de la clôture pour insuffisance d'actif puis, dans un second temps, que la clôture avait été prononcée après la délivrance des assignations ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions tendant à établir que le Crédit agricole savait qu'il ne pouvait échapper aux conséquences du jugement de clôture pour insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme P... de sa demande en mainlevée de l'inscription d'hypothèque provisoire ; AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que l'immeuble appartenant à Mme P... a fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité publiée avant l'ouverture de la liquidation judiciaire et que l'insaisissabilité n'est pas opposable au Crédit agricole dont la créance de prêt est née antérieurement à la publication de la déclaration ; que Mme P... fait valoir que la demande en paiement formée par la banque est irrecevable pour avoir été introduite postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire, sans que le créancier justifie qu'il se trouve dans l'un des cas, prévus à l'article L. 643-11, I, du code de commerce, lui faisant recouvrer l'exercice individuel de son action ; qu'elle souligne que le Crédit agricole ne peut se soustraire aux effets du jugement de clôture et que seules les exceptions énoncées à l'article précité pourraient autoriser la reprise d'une poursuite ; qu'enfin, elle soutient que la créance du Crédit agricole, entrée dans la procédure collective pour avoir été déclarée et admise au passif, se trouve exclue de toute faculté de poursuite par le créancier, lequel doit se soumettre aux règles d'ordre public applicables après la clôture de cette procédure ; mais que le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable, bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d'un droit de poursuite sur l'immeuble, qu'il doit être en mesure d'exercer en obtenant, s'il n'en détient pas un auparavant, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance ; que le Crédit agricole n'agissant pas au titre de ses droits dans la procédure collective, les dispositions de l'article L. 643-11, I, du code de commerce relatives à la reprise des poursuites individuelles ne lui sont pas opposables, fussent-elles d'ordre public ; qu'il dispose, au cours de la procédure collective comme après sa clôture, de la faculté d'exercer des poursuites sur l'immeuble et, à cette fin, d'obtenir un titre exécutoire ; que dès lors, le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a accueilli la demande formée par le Crédit agricole et a débouté Mme P... de sa demande en mainlevée de l'inscription d'hypothèque provisoire en conséquence de l'irrecevabilité prétendue de l'action ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE à la demande du débiteur, la mainlevée de la publicité provisoire peut être ordonnée sur le fondement des règles communes à toutes les mesures conservatoire c'est-à-dire si toutes les conditions de validité de la mesure requises par l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution et les dispositions des articles R. 511-1 à R. 511-8 du même code ne sont pas réunies, même dans les cas où l'article L. 511-2 permet que cette mesure soit prise sans autorisation du juge (art. r ; 512-1) ; que l'article R. 512-1 met la preuve de la réunion des conditions requises à la charge du créancier ; qu'il découle des dispositions de l'alinéa 1er de l'article R. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution que la demande de mainlevée est portée devant le juge qui en a autorisé la mesure ; que toutefois le juge du fond est compétent pour ordonner la mainlevée d'une hypothèque provisoire lorsqu'il a examiné la créance qui en était le fondement ; que cette compétence exceptionnelle du juge du fond en matière de mainlevée et de radiation d'hypothèques est limitée par l'article 54 du code de procédure civile à l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire et ne saurait par conséquent s'étendre à une inscription définitive ; que par ordonnance du 15 octobre 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a autorisé la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur à inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire sur le bien immobilier « [...] ) en garantie des créances découlant de deux prêts consentis à Mme X... P... pour un montant total de 92.392,23 € ; que l'inscription d'hypothèque a été effectuée le 23 octobre 2015, publiée le 9 novembre 2015 et dénonce à la débitrice par acte d'huissier du 16 novembre 2015 ; qu'il s'agit bien d'une hypothèque provisoire ; qu'or il a été procédé à la vérification de la créance de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur laquelle est fondée tant en son principe qu'en son montant ; que Mme X... P... se verra en conséquence déboutée de sa demande aux fins de radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire prise sur la Villa G... au Cannet ; ALORS QUE le droit pour le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable d'agir en cours de procédure en ce qu'il est directement lié au périmètre de la procédure – biens objet de la poursuite non inclus dans la procédure collective – ne saurait perdurer après la clôture de la liquidation dès lors d'une part, qu'il expose le débiteur à des poursuites sans fin, d'autre part, est lié au périmètre d'une procédure désormais clôturée et, enfin crée une trop grande inégalité entre les créanciers ; qu'il en résulte que le créancier ne peut être admis, après la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif, à procéder à une inscription d'hypothèque provisoire sur un immeuble ayant fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 643-11 I du code de commerce.
Un créancier auquel une déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable peut exercer son droit de poursuite sur celui-ci indépendamment de ses droits dans la procédure collective du propriétaire de cet immeuble. Il en résulte que rien ne lui interdit, tant que sa créance n'est pas prescrite, de faire inscrire une hypothèque provisoire sur ce bien dans les conditions du droit commun, lequel s'applique aussi à la demande de mainlevée d'une telle mesure conservatoire
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 octobre 2020 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 501 F-P+B Pourvoi n° N 19-14.807 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020 La société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , administrateur judiciaire, a formé le pourvoi n° N 19-14.807 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société FG immobilier, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [...], de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société FG immobilier, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2019), la société Arvem a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte le 24 janvier 2013, la société [...] étant désignée administrateur avec une mission de surveillance. Dès avant l'ouverture de la procédure, la société Arvem ne réglait plus les loyers qu'elle devait à son bailleur, la SCI FG immobilier (le bailleur). L'administrateur, informé dès le 22 février 2013 de l'absence de paiement des loyers, n'a pas pris l'initiative de la résiliation du bail. La procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire à la demande de l'administrateur le 6 mai 2013, et ce dernier, qui s'est alors vu confier une mission d'assistance, a informé le bailleur, le 30 mai suivant, de sa renonciation à la poursuite du bail. La liquidation judiciaire a été prononcée le 9 juillet 2013, M. I... étant désigné liquidateur. Ce dernier a remis les clés au bailleur le 12 juillet suivant. 2. Le bailleur, reprochant des fautes à la société [...] dans sa gestion du contrat de bail, pendant l'exercice de sa mission d'administrateur, a recherché sa responsabilité. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen unique 3. La société [...] fait grief à l'arrêt de constater qu'elle a commis une faute et de la condamner à payer au bailleur la somme de 144 450 euros en réparation du préjudice subi, alors « que le bail nécessaire à la poursuite immédiate de l'activité de l'entreprise doit être poursuivi durant la procédure de sauvegarde qui a pour unique finalité son redressement, nonobstant l'absence de trésorerie disponible pour assurer immédiatement le paiement des loyers ; qu'en reprochant à l'administrateur judiciaire de ne pas avoir mis fin au bail "dès l'ouverture de la procédure de sauvegarde" au motif que la société Arvem n'avait, dès l'ouverture de la procédure, pas pu assumer le paiement des loyers et charges qui étaient trop élevés au regard de son activité, ce que n'ignorait pas l'administrateur, sans rechercher si l'administrateur judiciaire n'était pas dans l'impossibilité de mettre fin au bail dès l'ouverture de la procédure de sauvegarde, nonobstant l'absence de trésorerie disponible pour assurer immédiatement le paiement des loyers, dès lors qu'une telle mesure aurait imposé l'arrêt de son activité et l'aurait privée de toute chance de redressement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-13 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et les articles L. 620-1, L. 622-1 et L. 622-13 du code de commerce : 4. Il résulte de la combinaison de ces textes que la procédure de sauvegarde, qui bénéficie à un débiteur qui n'est pas en état de cessation des paiements, est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. L'administrateur, qui n'a reçu qu'une mission de surveillance, ne peut donc être tenu pour responsable de l'exécution ou de l'inexécution fautives du bail des locaux d'exploitation de l'entreprise, lequel s'est poursuivi de plein droit, tant qu'il n'a pas pris parti sur sa poursuite, dès lors que sa principale mission est d'établir le bilan économique de l'entreprise et de proposer un plan de sauvegarde. 5. Pour retenir la responsabilité de la société [...] pour s'être abstenue de résilier le bail cependant que les loyers n'étaient pas payés depuis l'ouverture de la procédure, l'arrêt relève d'abord que l'administrateur a été informé du non-paiement des loyers dès le 22 février 2013, soit moins d'un mois après l'ouverture de la procédure, et que le bailleur, qui ne pouvait pas lui-même faire constater la résiliation du bail, en application de l'article L. 622-13, 2°, du code de commerce, dès lors que le délai de trois mois imposé par le texte n'était pas expiré, lui a ensuite fait savoir qu'il n'était pas opposé à une résiliation amiable. Il constate ensuite que l'administrateur n'a répondu au bailleur que le 10 avril suivant et n'a mis fin au contrat que le 30 mai 2013, après la conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire. Il retient enfin que l'abstention de résilier le contrat révélait de la part de l'administrateur son intention de prendre parti sur sa continuation et en déduit que ce dernier a méconnu les dispositions de l'article L. 622-13 précité dès lors que l'absence de trésorerie rendait impossible la poursuite du bail, en raison du montant trop élevé des loyers. 6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'administrateur n'était pas fondé à différer sa prise de position sur le sort du bail jusqu'à la réalisation du diagnostic de l'entreprise, qu'il devait effectuer conformément à sa mission légale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société FG immobilier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société FG immobilier et la condamne à payer à la société [...] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société [...] en qualité d'administrateur judiciaire. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que la SCP [...] avait commis une faute en s'abstenant de mettre fin au bail liant la société Arvem, dont elle était l'administrateur judiciaire, et la SCI FG Immobilier et de restituer les clés, alors que les loyers n'étaient pas payés et d'AVOIR condamné la SCP [...] à payer à la SCI FG Immobilier une somme de 144 450 euros en réparation du préjudice subi ; AUX MOTIFS QU'il convient de souligner qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective, le contrat de bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise se poursuit conformément à l'article L. 622- 13, I et II du code de commerce et se résilie en application de l'article L. 622-14 du même code ; que selon l'article L. 622-13, II du code commerce, au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il apparaissait qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant, ces dispositions s'appliquant quelque soit la mission confiée à l'administrateur judiciaire ; qu'en l'espèce, dès le 20 février 2013, le conseil de la bailleresse a informé l'administrateur judiciaire de ce que le loyer n'avait pas été payé pour la période postérieure au jugement d'ouverture et lui en a précisé le montant, indiquant que, pour la période du 25 janvier 2013 au 28 février, celui-ci s'élevait à la somme de 44 040,50 euros ; qu'ainsi, alors que dès cette date l'administrateur judiciaire était informé du non paiement des loyers, il s'est abstenu de répondre à la bailleresse, laquelle lui a fait part par courrier du 10 avril suivant que le montant des loyers impayés continuait à augmenter : que par ailleurs, bien que le conseil de la société bailleresse ait indiqué qu'il n'était pas opposé à une résiliation amiable du bail sans indemnité, l'administrateur judiciaire est resté taisant sur ce point et ce n'est que le 10 avril 2013 qu'il lui a écrit qu'il allait organiser une réunion pour envisager la résiliation du bail, sans que ce courrier ne soit suivi d'aucun acte de sa part puisque aucune réunion n'a été organisée ; que si l'administrateur judiciaire n'a qu'une obligation de moyens de s'assurer que la trésorerie de la société sous procédure permettra d'honorer les échéances des contrats continués, il convient de relever qu'en l'espèce, dès le 20 février 2013, soit moins d'un mois après l'ouverture de la procédure collective, il était informé par la bailleresse du défaut de paiement des loyers, et qu'il n'a pas répondu à son courrier et ne démontre pas avoir interrogé la société Arvem sur ce défaut de paiement ; que par ailleurs, si la société Arvem était dans l'incapacité de régler ses loyers, il apparaît que celle-ci était en état de cessation des paiements et l'administrateur judiciaire aurait alors dû immédiatement mettre fin à la procédure de sauvegarde puisqu'une telle procédure ne peut être ouverte qu'en l'absence d'état de cessation des paiements ; que les documents financiers émanant de la société Grant Thornton démontrent que dès l'ouverture de la procédure de sauvegarde la trésorerie comptable apparaissait négative à hauteur de 84 000 euros et que la trésorerie ne serait positive qu'à condition toutefois que les refacturations de charges soient payées par la société Bioéthic ; qu'il convient de relever que les documents émis par la société Grant Thornton sont des « Draft », qui ne sont donc pas des documents définitifs, qui sont émis au conditionnel, et qu'il est fait état de l'importance des loyers et charges locatives de l'ordre de 35 000 euros par mois et de négociations en cours pour quitter les locaux du [...] ; qu'or il apparaît que, dès le mois de février 2013, le bailleur avait donné son accord pour une résiliation amiable du bail sans indemnité, étant précisé qu'il n'entendait pas renoncer aux loyers impayés, mais contrairement aux affirmations de l'administrateur judiciaire, la résiliation du contrat n'était pas subordonnée au paiement préalable des loyers impayés : en effet dans le courrier du 21 février 2013 du conseil de la société débitrice il était précisé que « la société SCI FG immobilier accepte une résiliation anticipée du bail sans indemnité et un déménagement à compter du 1er avril 2013. En revanche elle ne pratique aucun abandon de créances concernant des loyers arriérés », duquel on ne peut déduire que la résiliation amiable du bail était subordonnée au paiement préalable des loyers ; qu'aucune réponse concrète ne fut donnée par l'administrateur judiciaire à la proposition de résiliation amiable du bail, qui apparaissait pourtant nécessaire au vu des documents prévisionnels de la société Grant Thornton et il n'y procéda que le 30 mai 2013, c'est-à-dire plus de cinq mois après l'ouverture de la procédure collective ; qu'il s'ensuit que la résiliation du bail apparaissait nécessaire dès l'ouverture de la procédure collective compte tenu du coût trop élevé des loyers et charges, mais que l'administrateur pourtant informé de cette nécessité, n'y a pas procédé et ne s'est pas soucié du défaut du paiement des loyers, alors qu'en application de l'article L. 622-13,II il devait y mettre fin s'il lui apparaissait que la société débitrice ne disposait pas des fonds nécessaires pour payer les loyers ; que c'est en vain que l'administrateur fait valoir qu'il n'a pas opté de façon claire pour la continuation du contrat de bail, celle-ci s'étant opérée de façon implicite puisqu'il a choisi de ne pas le résilier et de laisser continuer l'exploitation de la société débitrice dans les lieux ; que plus précisément, alors que la question de la résiliation du bail lui était posée dès le mois de février, il a choisi de ne pas lui répondre, tout en laissant s'accumuler le montant des loyers impayés dans une procédure de sauvegarde ; que de son côté, la société bailleresse, qui n'avait pas le pouvoir de mettre en demeure l'administrateur judiciaire d'opter pour la continuation ou non du contrat en cours, et dont l'action était paralysée par le délai d'attente de trois mois prévu à l'article L. 622-14, 2o du code de commerce, a, dès l'origine, averti l'administrateur judiciaire du défaut de paiement des loyers, a pris l'initiative de lui proposer une résiliation amiable, sans qu'aucune réponse n'ait été apportée à l'ensemble de ses courriers ; qu'il ne peut être reproché à la société bailleresse ne pas avoir entamé une procédure judiciaire de résiliation du bail passé ce délai de trois mois, c'est-à-dire à compter du 25 avril 2013, puisqu'à cette date l'administrateur judiciaire lui avait écrit qu'il envisageait la résiliation amiable du bail et qu'il a pris cette décision définitive fin mai 2013, de sorte qu'une procédure engagée après le 25 avril 2013 n'aurait pas permis une résiliation antérieure à cette date ; qu'enfin, alors qu'il avait pris la décision de résilier le bail et promis de restituer les clés dans un délai de quinzaine, aucune clé ne fut restituée à la société bailleresse jusqu'à la fin de son mandat, c'est-à-dire jusqu'au 9 juillet 2013, date du jugement du tribunal de commerce de Paris prononçant la liquidation judiciaire de la société Arvem ; qu'il s'ensuit que l'administrateur judiciaire a agi en violation des dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce, alors qu'il ne rapporte la preuve qu'un plan sérieux était réellement envisagé pendant la poursuite du bail, mais qu'au contraire il apparaissait dès l'ouverture de la procédure collective, nécessaire de procéder à la résiliation du bail en raison du montant trop élevé des loyers eu égard à l'activité de l'entreprise ; qu'en conséquence, l'administrateur judiciaire a commis une faute, dont il doit réparation ; ET QU'il convient de relever que la responsabilité de l'administrateur ne peut être retenue pour le défaut de paiement des loyers et charges qu'à compter du 24 janvier 2013, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, jusqu'au 9 juillet 2013, date de la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, mettant fin à son mandat ; que le loyer annuel était d'un montant de 399 686,88 euros, outre une provision sur charges de 50 550 euros, soit un total annuel de 450 236,88 euros hors taxes ; que les fautes commises par l'administrateur judiciaire ont entrainé un défaut de paiement des loyers pendant 5 mois et demi, ce qui correspond à des loyers et charges d'un montant total de 206 358,57 euros hors taxes ; qu'en ne mettant pas immédiatement fin au contrat de bail, l'administrateur a fait perdre à la SCI FG Immobilier une chance de relouer ses locaux ; que si cette dernière ne fournit aucun élément sur la conclusion d'un nouveau bail, sur sa date et sur le montant des loyers, il convient cependant de relever que le loyer conclu avec la société débitrice était d'environ 420 euros hors taxes le m2, ce qui n'apparaît pas trop élevé pour des locaux situés [...] ; que cependant, il convient également de tenir compte de ce que des locaux d'une telle superficie ne trouvent pas immédiatement preneur et, compte tenu de ces éléments, il convient de retenir une perte de chance de relouer les locaux équivalente à 70% du montant des loyers et charges ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé, le préjudice de la SCI FG Immobilier sera fixé à la somme de 144 450,99 euros arrondi à 144 450 euros et la SCP [...] sera condamnée au paiement de cette somme ; 1° ALORS QUE le bail nécessaire à la poursuite immédiate de l'activité de l'entreprise doit être poursuivi durant la procédure de sauvegarde qui a pour unique finalité son redressement, nonobstant l'absence de trésorerie disponible pour assurer immédiatement le paiement des loyers ; qu'en reprochant à l'administrateur judiciaire de ne pas avoir mis fin au bail « dès l'ouverture de la procédure de sauvegarde » au motif que la société Arvem n'avait, dès l'ouverture de la procédure, pas pu assumer le paiement des loyers et charges qui étaient trop élevés au regard de son activité, ce que n'ignorait pas l'administrateur, sans rechercher si l'administrateur judiciaire n'était pas dans l'impossibilité de mettre fin au bail dès l'ouverture de la procédure de sauvegarde, nonobstant l'absence de trésorerie disponible pour assurer immédiatement le paiement des loyers, dès lors qu'une telle mesure aurait imposé l'arrêt de son activité et l'aurait privée de toute chance de redressement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-13 du code de commerce ; 2° ALORS QUE l'administrateur judiciaire ne commet pas de faute en laissant se poursuivre le contrat de bail nécessaire à la poursuite immédiate de l'activité, nonobstant l'absence de trésorerie disponible pour assurer immédiatement le paiement des loyers, tant qu'un diagnostic ne lui permet pas de conclure que la situation est irrémédiablement compromise ; qu'en reprochant à l'administrateur judiciaire de ne pas avoir mis fin au bail « dès l'ouverture de la procédure de sauvegarde », le 24 janvier 2013, au motif que la « résiliation du bail apparaissait nécessaire au vu des documents prévisionnels de la société Grant Thornton », quand les documents prévisionnels de la société Grant Thornton « émis au conditionnel » n'avaient été établis que les 26 février et 22 mars 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 622-13 du code de commerce ; 3° ALORS QUE la résiliation du bail nécessaire à la poursuite immédiate de l'activité qui se poursuit automatiquement ne s'impose que lorsque la situation de l'entreprise est irrémédiablement compromise ; qu'en jugeant que la « résiliation du bail apparaissait nécessaire au vu des documents prévisionnels de la société Grant Thornton », quand elle constatait que les documents prévisionnels émis par la société Grant Thornton étaient « des « Draft », qui ne sont donc pas des documents définitifs, qui sont émis au conditionnel » faisant était de négociations en cours pour quitter les locaux loués en raison de l'importance des charges locatives et que la trésorerie, négative, pouvait redevenir positive si les refacturations de charges étaient payées par la société Bioéthic, de sorte que la situation de la société Arvem n'était pas irrémédiablement compromise et que la résiliation du bail ne s'imposait pas, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 622-13 du code de commerce ; 4° ALORS QU'en toute hypothèse, seule une chance réelle, qu'il appartient au demandeur d'établir, peut donner lieu à réparation ; qu'en indemnisant la SCI FG Immobilier de la perte de chance de relouer les locaux pour le même loyer, quand la société bailleresse ne versait aux débats aucun élément de preuve démontrant qu'elle aurait eu une chance sérieuse de relouer les locaux s'ils lui avaient été restitués dès le 24 janvier 2014, et pour le même loyer, se contentant de l'affirmer péremptoirement, la cour d'appel, qui a indemnisé la perte d'une chance purement hypothétique, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
Il résulte de la combinaison de l'article 1382, devenu 1240, du code civil et des articles L.620-1, L. 622-1 et L.622-13 du code de commerce que la procédure de sauvegarde, qui bénéficie à un débiteur qui n'est pas en état de cessation des paiements, est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. L'administrateur, qui n'a reçu qu'une mission de surveillance, ne peut donc être tenu pour responsable de l'exécution ou de l'inexécution fautives du bail des locaux d'exploitation de l'entreprise, lequel s'est poursuivi de plein droit, tant qu'il n'a pas pris parti sur sa poursuite, dès lors que sa principale mission est d'établir le bilan économique de l'entreprise et de proposer un plan de sauvegarde
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COMM. JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 octobre 2020 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 506 F-P+B Pourvoi n° U 19-14.422 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020 1°/ M. D... U..., 2°/ Mme A... J..., épouse U..., domiciliés [...] , ont formé le pourvoi n° U 19-14.422 contre l'arrêt rendu le 21 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige les opposant : 1°/ à la société BNP Paribas personal finance, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société banque Solfea, 2°/ à la société [...], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France, 3°/ à la société ..., dont le siège est [...] , prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France, défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. et Mme U..., de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société BNP Paribas personal finance, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2019), le 9 février 2013, à la suite d'un démarchage, M. U... a acquis des panneaux photovoltaïques auprès de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France, exerçant sous le nom commercial Groupe solaire de France (le vendeur). 2. M. et Mme U... (les emprunteurs) ont contracté, auprès de la société Banque Solfea, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas personal finance (la banque), un crédit affecté au financement de cette installation. 3. Le 12 novembre 2014, le vendeur a été mis en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny, la société [...] étant désignée en qualité de liquidateur. 4. Les 6 et 11 février 2015, les emprunteurs ont assigné le liquidateur et la société Banque Solfea devant un tribunal d'instance en demandant la suspension du contrat de crédit, la résolution du contrat pour inexécution, l'annulation des contrats de vente et de crédit, la restitution par le prêteur des sommes d'ores et déjà versées, et sa condamnation à leur verser des dommages-intérêts. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. et Mme U... font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables à agir en application de l'article 122 du code de procédure civile contre le liquidateur du vendeur et, en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation contre la banque, alors « que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; que les actions en nullité du contrat ou en résolution pour inexécution d'une obligation de faire sont autorisées ; que les emprunteurs demandaient à titre principal la nullité du contrat de prestation conclu avec la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France pour violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation, et à titre subsidiaire sa résolution pour violation d'une obligation de faire ; qu'en estimant cette action soumise à l'arrêt des poursuites, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 622-21, I, du code de commerce : 6. Selon ce texte, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : 1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; 2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. 7. Pour déclarer les emprunteurs irrecevables à agir contre le liquidateur du vendeur et contre la banque, l'arrêt retient que les demandes d'annulation et de résolution formées par M. et Mme U... à l'encontre du vendeur affecteront nécessairement le passif de la liquidation et constituent une action prohibée, sauf à ce qu'il soit justifié d'une déclaration de créance et que, tel n'étant pas le cas, leur irrecevabilité à agir contre le vendeur leur interdit, en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation, d'agir également contre le prêteur. 8. En statuant ainsi, alors que les emprunteurs fondaient leur demande d'annulation du contrat de vente sur la violation de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, et leur demande subsidiaire de résolution sur l'inexécution de prestations, sans demander de condamnation du vendeur au paiement d'une somme d'argent ni invoquer le défaut de paiement d'une telle somme, ni même réclamer la restitution du prix de vente, de sorte que leurs demandes ne se heurtaient pas à l'interdiction des poursuites, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société BNP personal finance aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP personal finance et la condamne à payer à M. et Mme U... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour M. et Mme U... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. et Mme U... irrecevables à agir en application de l'article 122 du code du code de procédure civile, contre le mandataire liquidateur de la société Groupe Solaire de France et, en application de l'article L. 311-32 du Code de la consommation, contre la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Solfea ; AUX MOTIFS QUE Par jugement en date du 18 juin 2014, la société Groupe Solaire de France a été placée en redressement judiciaire puis, par une décision du 12 novembre 2014, elle a fait l'objet d'une liquidation judiciaire. M. et Mme U... ont introduit une instance à l'encontre de la société GSF par assignation en date du 10 février 2015, soit postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective. L'article L. 622-21 du Code de commerce pose le principe de l'interdiction des poursuites à compter de l'ouverture d'une procédure collective et l'interruption des poursuites engagées antérieurement à l'ouverture d'une procédure collective : « I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ». A cet égard, les demandes en nullité et en résolution formulées par M. et Mme U... à l'encontre de la société Groupe Solaire de France affecteront nécessairement le passif de la liquidation, et constituent donc une action prohibée par les articles susvisés, sauf à ce qu'il soit justifié d'une déclaration de créance. L'article L. 622-22 du Code de commerce dispose en effet que « Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ». En l'espèce, M. et Mme U... ne justifient nullement de leur déclaration de créance alors qu'ils ont engagé leur action postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société GSF et étaient donc soumis à une interdiction des poursuites. Ainsi, M. et Mme U... sont irrecevables à agir en résolution ainsi qu'en nullité du contrat principal contre la société GSF et, en conséquence, à agir en résolution ainsi qu'en nullité du contrat de prêt contre la banque Solfea dès lors que le contrat de crédit en question est un contrat de crédit affecté, et que l'annulation ou la résolution du contrat de crédit est demandée en conséquence de l'annulation ou la résolution du contrat principal, par application de l'article L. 311-32 du Code de la consommation. L'interdiction de l'article L. 622-21 du Code de commerce, d'introduire une instance tendant à la condamnation du débiteur faisant l'objet d'une procédure collective, étant une règle d'ordre public, M. et Mme U... sont, en application de l'article 122 du code de procédure civile, irrecevables à agir contre le mandataire liquidateur de GSF, et, en application de l'article L. 311-32 du Code de la consommation, contre la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Solfea ; ALORS QUE le jugement d'ouverture d'une procédure collective interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; que les actions en nullité du contrat ou en résolution pour inexécution d'une obligation de faire sont autorisées ; que M. et Mme U... demandaient à titre principal la nullité du contrat de prestation conclu avec la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France pour violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation, et à titre subsidiaire sa résolution pour violation d'une obligation de faire ; qu'en estimant cette action soumise à l'arrêt des poursuites, la cour d'appel a violé l'article L 622-21 du code de commerce.
Le jugement d'ouverture interrompant ou interdisant, selon l'article L. 622-21, I, du code de commerce, toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée à l'article L. 622-17, I, du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, la demande d'annulation d'un contrat de vente formée par un emprunteur, fondée sur la violation de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, et sa demande subsidiaire de résolution en raison de l'inexécution des prestations promises, ne se heurtent pas à l'interdiction des poursuites, en l'absence de toute demande de condamnation du vendeur au paiement d'une somme d'argent ni invocation du défaut de paiement d'une telle somme, ni même réclamation de la restitution du prix de vente
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 octobre 2020 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 607 FS-P+B Pourvoi n° H 19-10.685 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020 1°/ M. N... K..., 2°/ Mme Q... K..., domiciliés tous deux [...], ont formé le pourvoi n° H 19-10.685 contre l'arrêt n° RG : 18/06789 rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société JSA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par M. C... L..., prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Alexandre III, 2°/ à Mme Q... R..., épouse U..., domiciliée c/o M. H... P..., [...] , défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. et Mme K..., de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société JSA, ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fevre, M. Riffaud, conseillers, M. Guerlot, Mmes Brahic-Lambrey, Kass-Danno, Tostain, Bessaud, M. Boutié, Mme Bellino, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. N... K... et à Mme Q... K... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme R..., épouse U.... Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2018, RG : n° 18/06789) et les productions, la société Alexandre III est propriétaire de droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble sis à Cannes. Dans le cadre de son activité de gestion, d'administration et d'exploitation de cet immeuble, elle a consenti à M. N... K... et à Mme Q... K... (les consorts K...) un bail d'habitation portant sur l'un des lots situés dans l'ensemble immobilier, pour un loyer de 1 000 euros non révisable, à compter du 5 décembre 2008 et pour une durée de six ans. Ce bail s'est renouvelé le 5 décembre 2014, pour une nouvelle durée de six ans expirant le 5 décembre 2020, pour le même loyer. 3. Un jugement du tribunal de commerce de Grasse, rendu le 22 février 2017, a étendu à la société Alexandre III la liquidation judiciaire ouverte le 9 novembre 2015 à l'égard de la société Nouvelle Vignette haute, la société JSA étant désignée en qualité de liquidateur. 4. Estimant qu'il était nécessaire de procéder à la réalisation des actifs de la société Alexandre III non grevés de baux « manifestement anormaux » selon lui, le liquidateur a saisi le juge-commissaire d'une requête tendant à obtenir la résiliation du bail conclu avec les consorts K..., sur le fondement de l'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce. Le juge-commissaire ayant accueilli cette demande, les consorts K... ont formé un recours contre son ordonnance et demandé le rejet de la demande de résiliation du liquidateur. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Les consorts K... font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail, alors « que lorsque le juge-commissaire entend, au nom du bailleur en liquidation judiciaire, résilier un bail d'habitation pour vendre l'appartement, objet de ce bail, il doit, préalablement à cette résiliation, notifier un congé pour vendre au locataire ; qu'en ayant décidé du contraire, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles L. 641-11-1-IV du code de commerce et 15-II de la loi du 6 juillet 1989. » Réponse de la Cour Vu l'article 15, I et II de la loi du 6 juillet 1989 et l'article L. 641-11-1, IV du code de commerce : 6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le bailleur entend résilier un bail d'habitation relevant des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 pour vendre le logement donné à bail, il doit, en respectant un délai de préavis de six mois, délivrer un congé qui, à peine de nullité, doit être motivé par sa décision de vendre le logement et indiquer le prix et les conditions de la vente projetée, le congé valant offre de vente au profit du locataire. Le second de ces textes n'excluant pas l'application du premier en cas de liquidation judiciaire, il s'ensuit que, lorsque le bailleur est mis en liquidation judiciaire, le liquidateur qui entend céder de gré à gré et libre d'occupation le logement donné à bail est tenu de délivrer au locataire un congé pour vendre, en se conformant aux dispositions du premier texte. 7. Pour prononcer la résiliation du bail d'habitation consenti aux consorts K... par la société débitrice, l'arrêt retient que, les dispositions de l'article L. 641-11-1, IV du code du commerce étant dérogatoires au droit commun, celles-ci ne peuvent, à défaut de dispositions d'exception expressément mentionnées, céder devant les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 relatives au congé pour vendre. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. Les consorts K... font le même grief à l'arrêt, alors qu' « en liquidation judiciaire, lorsque la prestation du débiteur est autre que le paiement d'une somme d'argent, le liquidateur peut faire prononcer par le juge-commissaire la résiliation d'un contrat en cours si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant, conditions qu'il appartient au juge de vérifier ; qu'en prononçant la résiliation du bail d'habitation conclu entre les exposants et la SAS Alexandre III au prétexte qu'il était fait "depuis interdiction" à cette dernière de louer des lots dont elle est propriétaire quand le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 8 juin 2016 prononçant cette interdiction, versé aux débats par le liquidateur (prod. n° 5), fait apparaître qu'il était reproché à la SAS Alexandre III d'exercer une activité "hôtelière" de location saisonnière de lots meublés, ce qui n'avait rien de comparable avec le bail d'habitation conclu avec les exposants, de sorte qu'en statuant par des tels motifs inopérants, la cour d'appel, qui n'a pas démontré en quoi la résiliation était nécessaire aux opérations de liquidation et qu'elle ne portait pas une atteinte excessive aux intérêts des preneurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 641-11-1 IV du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 641-11-1, IV du code de commerce : 10. Il résulte de ce texte que la résiliation d'un contrat en cours à la date du jugement ouvrant la liquidation judiciaire peut être demandée par le liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, au juge-commissaire qui ne peut prononcer la résiliation que si deux conditions cumulatives sont réunies : cette résiliation est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant. 11. Pour prononcer la résiliation du bail d'habitation consenti aux consorts K... par la société Alexandre III, l'arrêt se borne à retenir que c'est à bon droit que le juge-commissaire a fait droit à ses demandes de résiliation d'un bail conclu de façon évidente au détriment des intérêts de la société bailleresse eu égard à la sous-évaluation du loyer consenti par des membres de l'entourage proche des locataires, et donc au détriment des créanciers, et que la résiliation du bail dans de telles circonstances ne revêt pas pour les locataires, qui ne le démontrent pas, de conséquences manifestement excessives. 12. En se déterminant par de tels motifs, insuffisants à caractériser en quoi la résiliation du bail était concrètement nécessaire aux opérations de liquidation, et en quoi l'atteinte portée aux intérêts des consorts K... n'était pas excessive, cependant que le bail dont la résiliation était demandée, portant sur la résidence principale des intéressés, se trouvait soumis aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la juridiction compétente était le tribunal de commerce de Grasse, l'arrêt n° RG : 18/06789 rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société JSA, en qualité de liquidateur de la société Alexandre III, aux dépens ; En application l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme K.... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes des consorts K..., dit que la résiliation du bail d'habitation liant la société Alexandre III aux consorts K... a été prononcée en considération des seuls besoins de la procédure de liquidation judiciaire, dit qu'il est dans l'intérêt de la procédure de liquidation judiciaire de procéder à la résiliation du bail liant la SAS Alexandre III aux consorts K..., et confirmant l'ordonnance du 13 septembre 2017 en toutes ses dispositions, d'AVOIR prononcé la résiliation du bail d'habitation liant la société Alexandre III à monsieur et madame K... et condamné ceux-ci à la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. AUX MOTIFS QUE « le liquidateur ayant notamment pour mission de réaliser les actifs de la SAS Alexandre III dans les meilleurs délais et aux meilleures conditions, c'est à bon droit que le juge commissaire a fait droit à ses demandes de résiliation d'un bail conclu de façon évidente au détriment des intérêts de la société bailleresse eu égard à la sous-évaluation du montant de loyer consenti par des membres de l'entourage proche du locataire, et donc des créanciers alors qu'il est fait depuis interdiction à la SAS Alexandre III de louer les lots dont elle est propriétaire ; le prononcé par le juge commissaire de la résiliation du bail dans de telles circonstances ne revêt pas pour les locataires qui ne le démontrent pas de conséquences manifestement excessives ; par ailleurs, les dispositions de l'article L. 641-11-1 du code du commerce étant dérogatoires au droit commun, celles-ci ne peuvent, à défaut de dispositions d'exception expressément mentionnées, recevoir exception au profit de la loi du 6 juillet 1989 relatives au congé pour vendre, hors champ d'application dudit article ; il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance du juge commissaire en date du 13 septembre 2017 en toutes ses dispositions » (cf. arrêt p. 7, motifs, § 6 à 8) ; 1°/ ALORS QUE, lorsque le juge commissaire entend, au nom du bailleur en liquidation judiciaire, résilier un bail d'habitation pour vendre l'appartement, objet de ce bail, il doit, préalablement à cette résiliation, notifier un congé pour vendre au locataire ; qu'en ayant décidé du contraire, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles L 641-11-1- IV du Code de commerce et 15-II de la loi du 6 juillet 1989. 2°/ (subsidiaire) ALORS QUE, d'une part, les juges du fond doivent motiver leur décision ; qu'en affirmant péremptoirement que le bail conclu entre la SAS Alexandre III et les consorts K... avait été conclu « de façon évidente » au détriment des intérêts de la bailleresse eu égard à la sous-évaluation du montant du loyer consenti par des membres de l'entourage proche du locataire quand les consorts K..., lesquels avaient toujours exécuté leurs obligations, versaient un loyer mensuel de 1 000 euros pour un appartement de quatre pièces à Cannes, la cour d'appel qui n'a pas précisé sur quelles pièces elle fondait ces affirmations, a privé sa décision de toute motivation et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ (subsidiaire) ALORS QUE, d'autre part, en liquidation judiciaire, lorsque la prestation du débiteur est autre que le paiement d'une somme d'argent, le liquidateur peut faire prononcer par le juge-commissaire la résiliation d'un contrat en cours si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant, conditions qu'il appartient au juge de vérifier ; qu'en prononçant la résiliation du bail d'habitation conclu entre les exposants et la SAS Alexandre III au prétexte qu'il était fait « depuis interdiction » à cette dernière de louer des lots dont elle est propriétaire quand le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 8 juin 2016 prononçant cette interdiction, versé aux débats par le liquidateur (prod. n° 5), fait apparaître qu'il était reproché à la SAS Alexandre III d'exercer une activité « hôtelière » de location saisonnière de lots meublés, ce qui n'avait rien de comparable avec le bail d'habitation conclu avec les exposants, de sorte qu'en statuant par des tels motifs inopérants, la cour d'appel, qui n'a pas démontré en quoi la résiliation était nécessaire aux opérations de liquidation et qu'elle ne portait pas une atteinte excessive aux intérêts des preneurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 641-11-1 IV du code de commerce ; 4°/ (subsidiaire) ALORS QUE, enfin, lorsque la prestation du débiteur est autre que le paiement d'une somme d'argent, le liquidateur peut faire prononcer par le juge-commissaire la résiliation d'un contrat en cours si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant ; qu'en prononçant la résiliation du contrat de bail conclu entre SAS Alexandre III et les consorts K... faute pour ces derniers de démontrer qu'une telle résiliation revêtait pour eux des conséquences manifestement excessives, quand il appartenait au liquidateur qui sollicitait la résiliation du bail en l'absence de toute faute des preneurs, de rapporter une telle preuve, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil ensemble l'article L. 641-11-1 IV du code de commerce.
Il résulte de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, article 15, I et II, que lorsque le bailleur entend résilier un bail d'habitation relevant des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 pour vendre le logement donné à bail, il doit, en respectant un délai de préavis de six mois, délivrer un congé qui, à peine de nullité, doit être motivé par sa décision de vendre le logement et indiquer le prix et les conditions de la vente projetée, le congé valant offre de vente au profit du locataire. L'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce n'excluant pas l'application de ce texte en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur qui entend céder de gré à gré et libre d'occupation le logement donné à bail est tenu de délivrer au locataire un congé pour vendre, en se conformant aux dispositions de l'article 15, I et II, précité
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 octobre 2020 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 608 FS-P+B Pourvoi n° H 19-14.388 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020 Mme E... O..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° H 19-14.388 contre l'arrêt n° RG : 18/06787 rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société JSA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. T... X... en qualité de liquidateur judiciaire de la société [...], 2°/ à Mme R... B..., épouse L..., domiciliée chez M. H... W..., [...] , défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme O..., de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société JSA, ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fevre, M. Riffaud,conseillers, M. Guerlot, Mmes Brahic-Lambrey, Kass-Danno, Tostain, Bessaud, M. Boutié, Mme Bellino, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2018, RG : n° 18/06787) et les productions, la société [...] est propriétaire de droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble sis à [...]. En 2008, dans le cadre de son activité de gestion, d'administration et d'exploitation de cet immeuble, elle a acquis de son associé unique, M. O... un appartement qu'elle a loué, sous le régime des locations de logement meublé, à l'épouse de cet associé, Mme O..., à compter 1er décembre 2014, pour une durée d'un an, moyennant un loyer mensuel de 1 100 euros, charges incluses. Ce bail a été reconduit tacitement depuis lors. 2. Un jugement du tribunal de commerce de Grasse, rendu le 22 février 2017, a étendu à la société [...] la liquidation judiciaire ouverte le 9 novembre 2015 contre de la société Nouvelle vignette haute, la société JSA étant désignée en qualité de liquidateur. 3. Estimant qu'il était nécessaire de procéder à la réalisation d'actifs de la société [...] non grevés de baux manifestement anormaux selon lui, le liquidateur a saisi le juge-commissaire d'une requête tendant à obtenir la résiliation du bail conclu avec Mme O..., sur le fondement de l'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce. Le juge-commissaire ayant accueilli cette demande, Mme O... a formé un recours contre son ordonnance et demandé le rejet de la demande de résiliation du liquidateur. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Mme O... fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail d'habitation la liant à la société [...], alors que « les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs prévoient un certain nombre de garanties relatives à la résiliation du bail d'habitation, permettant de garantir les droits du locataire, notamment un délai de préavis de trois mois à compter de la notification du congé, lequel doit être motivé ; qu'en écartant cette loi au motif que les dispositions de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, relatives à la procédure de liquidation judiciaire, sont dérogatoires du droit commun, pour confirmer l'ordonnance du juge-commissaire ayant prononcé la résiliation du bail d'habitation conclu entre la société [...] et Mme O..., la cour d'appel a violé l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 25-3 de cette loi, par refus d'application. » Réponse de la Cour Vu l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 et l'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce : 6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le bailleur entend résilier un bail portant sur un logement meublé relevant des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 pour vendre le logement donné à bail, il doit, en respectant un délai de préavis de trois mois, délivrer un congé qui, à peine de nullité, doit être motivé par sa décision de vendre le logement. Le second de ces textes n'excluant pas l'application du premier en cas de liquidation judiciaire, il s'ensuit que, lorsque le bailleur est mis en liquidation judiciaire, le liquidateur qui entend céder de gré à gré et libre d'occupation le logement donné à bail est tenu de délivrer au locataire un congé pour vendre, en se conformant aux dispositions du premier texte. 7. Pour prononcer la résiliation du bail consenti à Mme O... par la société débitrice, l'arrêt retient que, les dispositions de l'article L. 641-11-1, IV du code du commerce étant dérogatoires au droit commun, celles-ci ne peuvent, à défaut de dispositions d'exception expressément mentionnées, céder devant les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 relatives au congé pour vendre. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la juridiction compétente était le tribunal de commerce de Grasse, l'arrêt n° RG : 18/06787 rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société JSA, en qualité de liquidateur de la société [...], aux dépens ; En application l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme O.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la juridiction compétente était le tribunal de commerce de Grasse et d'avoir infirmé le jugement du tribunal de commerce de Grasse du 28 mars 2018 ; Aux motifs que « les ordonnances du juge commissaire rendues sur le fondement l'article L641-11 du code de commerce, pouvant, selon les dispositions de l'article R621-21 du même code, faire l'objet d'un recours devant le tribunal, c'est à dire en l'espèce, le tribunal de commerce de Grasse, c'est donc à tort que ce dernier s'est déclaré incompétent pour connaître du recours de l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Grasse en date du 13 septembre 2017 rendue sur le fondement des premières dispositions précitées. Selon l'article L641-11-1 du code de commerce ..IV : A la demande du liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement des sommes d'argent, la résiliation est prononcée par le juge commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du co-contractant. S'agissant d'un contrat en cours au sens de l'article L641-11-1 précité, la requête en résiliation du contrat de location présentée par le liquidateur judiciaire, ressortait à la compétence du juge commissaire. Il convient en conséquence, d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Grasse du 28 mars 2018 » ; Alors que le tribunal d'instance a une compétence exclusive pour connaître des actions relatives à la résiliation d'un bail portant sur un immeuble à usage d'habitation ; qu'en jugeant, au contraire, que le juge-commissaire était compétent pour statuer sur la requête du liquidateur judiciaire de la société bailleresse, visant à résilier le contrat de bail d'habitation qu'elle avait conclu avec Mme O..., la cour d'appel a violé l'article R. 221-38 du code de l'organisation judiciaire. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du tribunal de commerce de Grasse du 28 mars 2018 et d'avoir rejeté l'ensemble des demandes de Mme O..., confirmé l'ordonnance du 13 septembre 2017 en toutes ses dispositions, et prononcé la résiliation du bail d'habitation liant la société [...] à Mme O... ; Aux motifs que « le liquidateur ayant notamment pour mission de réaliser les actifs de la SAS [...] dans les meilleurs délais et aux meilleures conditions, c'est à bon droit que le juge commissaire a fait droit à ses demandes de résiliation d'un bail conclu de façon évidente au détriment des intérêts de la société bailleresse eu égard à la sous-évaluation du montant de loyer consenti par des membres de l'entourage proche du locataire, et donc des créanciers alors qu'il est fait depuis interdiction à la SAS [...] de louer les lots dont elle est propriétaire. Le prononcé par le juge commissaire de la résiliation du bail dans de telles circonstances ne revêt pas pour la locataire, qui ne le démontre pas, de conséquences manifestement excessives. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 641-11-1 du code de commerce étant dérogatoires au droit commun, celles-ci ne peuvent, à défaut de dispositions d'exceptions expressément mentionnées, recevoir exception au profit de la loi du 6 juillet 1989 relatives au congé pour vendre, hors champ d'application dudit article. Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance du juge commissaire en date du 13 septembre 2017 en toutes ses dispositions » ; Et aux motifs éventuellement adoptés que « le locataire demeure à ce jour débiteur d'une créance de loyers impayés, en dépit de relances adressées par le Liquidateur les 24 mars et 14 avril 2017, en conséquence de quoi une procédure d'expulsion a été entreprise par ce même Liquidateur, ATTENDU que la cession de cet actif immobilier, propriété de la société SAS [...], commande la résiliation du bail d'habitation conclu le 17 octobre 2014 entre cette dernière et Madame E... O..., afin que ce bien soit cédé vide de toute occupation, ATTENDU que la résiliation du bail d'habitation en date du 17 octobre 2014 ne porte pas une atteinte excessive au co-contractant, ce dernier étant déjà l'objet d'une procédure d'expulsion suite à des loyers impayés » ; Alors, d'une part, que les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs prévoient un certain nombre de garanties relatives à la résiliation du bail d'habitation, permettant de garantir les droits du locataire, notamment un délai de préavis de trois mois à compter de la notification du congé, lequel doit être motivé ; qu'en écartant cette loi au motif que les dispositions de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, relatives à la procédure de liquidation judiciaire, sont dérogatoires du droit commun, pour confirmer l'ordonnance du juge-commissaire ayant prononcé la résiliation du bail d'habitation conclu entre la société [...] et Mme O..., la cour d'appel a violé l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 25-3 de cette loi, par refus d'application ; Alors, d'autre part, à titre subsidiaire, qu' à supposer même que la loi du 6 juillet 1989 s'efface devant les dispositions de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, celui-ci prévoit que lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant ; que la résiliation d'un bail d'habitation porte nécessairement une atteinte excessive aux intérêts du locataire personne physique dès lors que les garanties de la loi du 6 juillet 1989 se trouvent écartées ; qu'en retenant néanmoins que le prononcé de la résiliation du bail conclu entre la société [...] et Mme O..., par le juge-commissaire, n'emportait pas pour celle-ci de circonstances manifestement excessives, la cour d'appel a violé l'article L. 641-11-1 du code de commerce ; Alors, de troisième part, à titre plus subsidiaire, que s'ils ne sont pas tenus d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, les juges du fond doivent néanmoins répondre à chacun de leur moyen ; qu'en l'espèce, pour faire valoir que la résiliation de son bail ne répondait pas aux besoins de la liquidation judiciaire, Mme O... soutenait que son loyer de 1.100 euros par mois correspondait à la valeur locative du bien loué compte tenu de son état de décrépitude, et des fortes disparités de rendement locatif suivant la période de la location pour une ville telle que [...] (conclusions, p. 12, § 7 et § 9) ; qu'en retenant que le bail avait été conclu au détriment de la société [...], sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 que lorsque le bailleur entend résilier un bail portant sur un logement meublé relevant des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 pour vendre le logement donné à bail, il doit, en respectant un délai de préavis de trois mois, délivrer un congé qui, à peine de nullité, doit être motivé par sa décision de vendre le logement. L'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce n'excluant pas l'application de ce texte en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur, qui entend céder de gré à gré et libre d'occupation le logement donné à bail est tenu de délivrer au locataire un congé pour vendre, en se conformant aux dispositions de l'article 25-8 précité
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 octobre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 609 FS-P+B Pourvoi n° F 19-14.755 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020 1°/ la société Almendricos, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Nîmotel, 2°/ la société Etude Balincourt, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. Q..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Almendricos, ont formé le pourvoi n° F 19-14.755 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Compagnie foncière de crédit, défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat des sociétés Almendricos et Etude Balincourt, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Crédit foncier de France, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fevre, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, Tostain, Bessaud, M. Boutié, Mme Bellino, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 février 2019), par un acte du 28 mars 2008, la Compagnie foncière de crédit, aux droits de laquelle est venue la société Crédit foncier de France (le CFF), a consenti une ouverture de crédit à la société Nîmotel pour financer l'acquisition d'un ensemble immobilier, la créance du CFF étant garantie par un cautionnement consenti par la société Almendricos, société mère de la société Nîmotel. 2. Le 25 novembre 2011, la société Nîmotel a été mise en sauvegarde. La créance du CFF a été admise et un plan de sauvegarde a été arrêté par un jugement du 30 avril 2013. 3. Par un acte du 30 juillet 2013, la société Almendricos a fait apport, sous le régime de la fusion-absorption, à la société Nîmotel, qui a adopté simultanément la dénomination sociale Almendricos, de la totalité de son actif, à charge pour elle de payer la totalité de son passif. Cette fusion a pris effet le 24 septembre 2013 et la société Almendricos (ancienne) a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 4 octobre 2013. 4. Le CFF a fait opposition à cette fusion sur le fondement de l'article L. 236-14 du code de commerce en se prévalant de sa créance contre la société absorbée au titre du cautionnement que celle-ci lui avait consenti. Un arrêt, devenu irrévocable, du 30 avril 2015, a fait droit à l'opposition du CFF à l'opération de fusion-absorption de la société Almendricos par la société Nîmotel devenue Almendricos, a ordonné le paiement par la société Almendricos, anciennement Nîmotel, de la créance du CFF et dit qu'à défaut de remboursement, la fusion-absorption resterait inopposable au CFF. 5. Le 2 février 2017, la résolution, pour inexécution, du plan de sauvegarde de la société Almendricos a été prononcée. Le 15 février 2017, cette société a été mise en redressement judiciaire. 6. Le 17 mai 2017, le CFF a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la société Almendricos, que celle-ci a contestée. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. La société Almendricos et la société Etude Balincourt, en sa qualité de commissaire à l'exécution de son plan de redressement, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à l'annulation de la saisie-attribution, alors « que l'inopposabilité de la fusion au créancier d'une société absorbée ne l'autorise pas à pratiquer une saisie entre les mains de la société absorbante, dès lors qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société absorbante postérieurement à la naissance de la créance contre la société absorbée ; qu'en retenant pourtant que "la procédure collective ouverte contre la nouvelle société Almendricos ne saurait faire échec à l'action du CFF à l'égard duquel la personnalité juridique de la société absorbée n'a pas disparu", la cour d'appel a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce. » Réponse de la Cour 8. En cas de fusion-absorption, un créancier titulaire sur la société absorbée d'une créance antérieure à cette opération et qui bénéficie, en application de l'article L. 236-14 du code de commerce, d'une décision exécutoire lui déclarant la fusion inopposable, conserve le droit de recouvrer sa créance sur le patrimoine de la société absorbée dissoute. Il en résulte qu'il ne peut se voir opposer l'arrêt ou l'interdiction des procédures d'exécution, prévus par l'article L. 622-21, II, du code de commerce, résultant de l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante. 9. Dès lors, abstraction faite du motif erroné mais surabondant selon lequel la personnalité juridique de la société absorbée n'a pas disparu, c'est à bon droit que l'arrêt retient qu'opposer la règle de l'arrêt des procédures d'exécution contre la nouvelle société Almendricos aux créanciers privilégiés antérieurs à l'ouverture de la procédure collective et à la fusion, reviendrait à priver de toute voie d'exécution sur les actifs transmis à la société absorbante le créancier auquel la fusion a été déclarée inopposable, en rendant possible l'utilisation de la procédure de fusion-absorption pour faire disparaître la société caution absorbée et faire obstacle à l'action du créancier sur les actifs ainsi transmis. 10. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus. Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 11. La société Almendricos et la société Etude Balincourt, ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'à supposer même que le créancier de la société absorbée à l'égard duquel la fusion est inopposable puisse pratiquer une saisie en vue d'obtenir paiement d'une dette antérieure à l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante, c'est à la condition de justifier que l'objet même de la saisie est constitué des seuls actifs de la société absorbée ; qu'en retenant pourtant en l'espèce qu' "eu égard à la fongibilité des comptes bancaires saisis, le CFF peut agir en recouvrement à l'encontre de la société absorbante dans la limite de la créance fixée par arrêt du 30 avril 2015 sans se voir opposer une absence de traçabilité des actifs saisis" la cour d'appel a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce ; 2°/ qu'à supposer même que le créancier de la société absorbée à l'égard duquel la fusion est inopposable puisse pratiquer une saisie en vue d'obtenir paiement d'une dette antérieure à l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante, c'est à la condition de justifier que l'objet même de la saisie est constitué des seuls actifs de la société absorbée ; que le juge de l'exécution a cependant retenu en l'espèce qu' "afin d'obtenir la nullité de la mesure d'exécution forcée, le demandeur a effectivement la faculté d'établir que les fonds saisis ne peuvent être revendiqués par le créancier en vertu de son titre exécutoire. Or, cette preuve n'est pas rapportée en l'état par la société Almendricos et la société Etude Balincourt" ; qu'en statuant ainsi, à supposer ce motif adopté, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour 12. Dans le cas d'une saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires dont est devenue titulaire une société absorbante par un créancier à qui l'opération de fusion-absorption a été déclarée inopposable en application de l'article L. 236-14 du code de commerce, l'effet attributif de la saisie s'étend à la totalité des soldes créditeurs de ces comptes, sauf pour le débiteur saisi, avisé de la saisie dans les conditions prévues par l'article R. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, à établir que ces soldes sont constitués, en tout ou partie, de fonds ne provenant pas de la société absorbée, qui comme tels devraient être exclus de l'assiette de la saisie. 13. C'est dès lors à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que l'arrêt retient qu'eu égard à la fongibilité des comptes objet de la saisie-attribution, le CFF peut, dans la limite de la créance constatée par son titre exécutoire, agir en recouvrement contre la société absorbante sans avoir à établir préalablement l'origine des fonds saisis. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Almendricos aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Almendricos et Etude Balincourt. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Almendricos et de la Selarl Etude Balincourt ; AUX MOTIFS PROPRES QUE : « en vertu de l'article L 236-14 du code de commerce, « la société absorbante est débitrice des créanciers non-obligataires de la société absorbée au lieu et place de celle-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard. Les créanciers non-obligataires des sociétés participant à l'opération de fusion et dont la créance est antérieure à la publicité donnée au projet de fusion peuvent former opposition à celui-ci dans le délai fixé par décret en Conseil d'Etat. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne, soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société absorbante en offre et si elles sont jugées suffisantes. A défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la fusion est inopposable à ce créancier. L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la poursuite des opérations de fusion. Les dispositions du présent article ne mettent pas obstacle à l'application des conventions autorisant le créancier à exiger le remboursement immédiat de sa créance en cas de fusion de la société débitrice avec une autre société » ; qu'aux termes d'un traité de fusion régularisé le 30 juillet 2013, la société Almendricos a fait apport à titre de fusion à la société Nimotel devenue nouvelle Almendricos de la totalité de son actif, à charge de payer la totalité de son passif ; que la fusion a pris effet le 24 septembre 2013 et la société Almendricos a été radiée le 4 octobre 2013 ; que par arrêt définitif du 30 avril 2015 la cour d'appel de Nîmes a déclaré recevable et fondée l'opposition du Crédit Foncier de France à l'opération de fusion-absorption de la SAS Almendricos par la SAS Nîmotel devenue Almendricos, a ordonné le paiement par la SAS Almendricos anciennement Nîmotel de la créance du Crédit Foncier de France de la somme de 2 181 896,68 euros avec intérêts et dit qu'à défaut de remboursement, la fusion absorption restera inopposable au Crédit Foncier de France ; que la créance du Crédit Foncier de France contre la SAS ancienne Almendricos, aux droits de laquelle vient la SAS Nouvelle Almendricos, n'est donc pas éteinte par l'effet de la fusion-absorption ; qu'il n'est pas contesté que la saisie attribution pratiquée le 17 mai 2017 par le Crédit Foncier de France auprès du Crédit agricole sur les comptes appartenant à la SAS Almendricos est fondée sur le titre exécutoire que constitue l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 30 avril 2015 qui constate la créance liquide et exigible de la banque, conformément aux exigences de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ; qu'il est également admis par les parties que le Crédit Foncier de France, du fait de son opposition à la fusion-absorption bénéficie d'un droit de poursuite propre s'exerçant par priorité sur la société absorbante, par rapport aux autres créanciers de celle-ci ; qu'en vertu de l'article L. 622-21 du code de commerce, « le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture. III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus » ; que la sas Almendricos nouvelle et la selarl étude Balincourt concluent à la nullité de la saisie motif pris de ce que l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sas Almendricos nouvelle par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 15 février 2017 fait obstacle à la mesure d'exécution pour toute dette antérieure à cette date, en vertu du principe d'arrêt des poursuites individuelles ; que pour autant l'inopposabilité de la fusion-absorption au Crédit Foncier de France a pour effet de maintenir ce créancier dans une position identique à celle qui était la sienne avant la fusion ; qu'il est observé qu'à la date de la fusion le 30 juillet 2013 la société ancienne Almendricos avait été mise en demeure par le Crédit Foncier de France le 24 juillet 2012 de lui régler la somme de 2 181 896,68 au titre de son engagement de caution, et qu'elle n'a pas déclaré une éventuelle cessation des paiements ; que de plus aucun des éléments qu'elle produit aux débats n'établit qu'elle a déclaré une cessation des paiements au 30 juillet 2013 ou que le Crédit Foncier de France a porté atteinte au droit de la société ancienne Almendricos de déposer le bilan ; qu'appliquer le principe d'arrêt des poursuites individuelles contre la nouvelle société Almendricos pour les créanciers privilégiés antérieurs à l'ouverture de la procédure collective et surtout antérieurs à la fusion, reviendrait à priver de toute voie d'exécution sur les actifs transmis à la société absorbante le créancier auquel la fusion a pourtant été déclarée inopposable, en rendant possible une instrumentalisation de la procédure de fusion-absorption destinée à faire disparaître la caution absorbée en faisant obstacle à l'action du créancier sur les actifs de la société absorbée postérieurement à leur transmission dans le patrimoine de l'absorbante ; que la créance du Crédit Foncier de France est antérieure à la fusion et ne fait pas partie du passif du redressement judiciaire de SAS Almendricos nouvelle ; que la procédure collective ouverte contre la nouvelle société Almendricos ne saurait faire échec à l'action du Crédit Foncier de France à l'égard duquel la personnalité juridique de la société absorbée n'a pas disparu ; qu'eu égard à la fongibilité des comptes bancaires saisis, le Crédit Foncier de France peut agir en recouvrement à l'encontre de la société absorbante dans la limite de sa créance fixée par arrêt du 30 avril 2015 sans se voir opposer une absence de traçabilité des actifs saisis ; que le jugement entrepris sera donc confirmé » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « selon l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, « Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution » ; que selon l'article L. 236-14 du code de commerce, « la société absorbante est débitrice des créanciers non-obligataires de la société absorbée au lieu et place de celle-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard. Les créanciers non-obligataires des sociétés participant à l'opération de fusion et dont la créance est antérieure à la publicité donnée au projet de fusion peuvent former opposition à celui-ci dans le délai fixé par décret en Conseil d'Etat. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne, soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société absorbante en offre et si elles sont jugées suffisantes. A défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la fusion est inopposable à ce créancier » ; qu'en l'espèce, il résulte de la décision du 30 avril 2015 que la cour d'appel a « dit que la SAS Almendricos anciennement dénommée Nimotel payera à la SA Crédit Foncier de France la somme de 2 181 896,68 euros arrêtée au 3 juillet 2012 outre les intérêts annuels, commissions, frais et accessoires postérieurs à cette date jusqu'à parfait paiement, ladite créance n'étant pas soumise aux délais du plan de sauvegarde arrêté par jugement du 30 avril 2013 et les intérêts ainsi échus pour une année entière au moins étant capitalisés à compter de la demande qui a été faite en justice » qu'en outre, la juridiction a précisé « qu'à défaut de remboursement, la fusion restera inopposable à la SA Crédit Foncier de France » ; qu'il convient de souligner, en premier lieu, que les contestations invoquées par la société Almendricos et la Selarl Etude Balincourt tendent à contester sur le fond la décision d'inopposabilité de la fusion à l'égard du Crédit Foncier de France alors que le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice et surtout en suspendre l'exécution notamment en paralysant l'application de ses conséquences juridiques ; qu'en deuxième lieu, il n'est pas contesté que le Crédit Foncier de France dispose à l'égard de la SAS Almendricos anciennement dénommée Nimotel d'un titre exécutoire en vertu de l'arrêt du 30 avril 2015 et que la saisie-attribution a été exercée sur les comptes de la SAS Almendricos ; que par conséquent, la saisie-attribution est, à ce stade valide ; qu'en dernier lieu, afin d'obtenir la nullité de la mesure d'exécution forcée, le demandeur a effectivement la faculté d'établir que les fonds saisis ne peuvent être revendiqués par le créancier en vertu de son titre exécutoire ; qu'or, cette preuve n'est pas rapportée en l'état par la société Almendricos et la Selarl Etude Balincourt ; que par conséquent, leur demande sera rejetée » ; 1/ ALORS QUE l'inopposabilité de la fusion au créancier d'une société absorbée ne l'autorise pas à pratiquer une saisie entre les mains de la société absorbante, dès lors qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société absorbante postérieurement à la naissance de la créance contre la société absorbée ; qu'en retenant pourtant que « la procédure collective ouverte contre la nouvelle société Almendricos ne saurait faire échec à l'action du Crédit Foncier de France à l'égard duquel la personnalité juridique de la société absorbée n'a pas disparu » (arrêt, p. 5, alinéa 3), la cour d'appel a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce ; 2/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'à supposer même que le créancier de la société absorbée à l'égard duquel la fusion est inopposable puisse pratiquer une saisie en vue d'obtenir paiement d'une dette antérieure à l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante, c'est à la condition de justifier que l'objet même de la saisie est constitué des seuls actifs de la société absorbée ; qu'en retenant pourtant en l'espèce qu' « eu égard à la fongibilité des comptes bancaires saisis, le Crédit Foncier de France peut agir en recouvrement à l'encontre de la société absorbante dans la limite de la créance fixée par arrêt du 30 avril 2015 sans se voir opposer une absence de traçabilité des actifs saisis » (arrêt, p. 5, antépénultième alinéa), la cour d'appel a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce ; 3/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'à supposer même que le créancier de la société absorbée à l'égard duquel la fusion est inopposable puisse pratiquer une saisie en vue d'obtenir paiement d'une dette antérieure à l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante, c'est à la condition de justifier que l'objet même de la saisie est constitué des seuls actifs de la société absorbée ; que le juge de l'exécution a cependant retenu en l'espèce qu' « afin d'obtenir la nullité de la mesure d'exécution forcée, le demandeur a effectivement la faculté d'établir que les fonds saisis ne peuvent être revendiqués par le créancier en vertu de son titre exécutoire. Or, cette preuve n'est pas rapportée en l'état par la société Almendricos et la Selarl Etude Balincourt » (jugement, p. 3, alinéa 7) ; qu'en statuant ainsi, à supposer ce motif adopté, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.
En cas de fusion-absorption, un créancier titulaire sur la société absorbée d'une créance antérieure à cette opération et qui bénéficie, en application de l'article L. 236-14 du code de commerce, d'une décision exécutoire lui déclarant la fusion inopposable, conserve le droit de recouvrer sa créance sur le patrimoine de la société absorbée dissoute. Il en résulte qu'il ne peut se voir opposer l'arrêt ou l'interdiction des procédures d'exécution, prévus par l'article L. 622-21, II, du code de commerce, résultant de l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante
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CIV. 1 CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 septembre 2020 Cassation partielle M. AVEL, président Arrêt n° 530 F-P+B Pourvoi n° U 19-13.755 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020 1°/ La société SMACL assurances, dont le siège est [...] , 2°/ la commune de Mauguio-Carnon, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité, [...], ont formé le pourvoi n° U 19-13.755 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à V... J..., ayant été domicilié [...] , décédé en cours d'instance, 2°/ à M. Y... D..., domicilié [...] , 3°/ à M. I... L..., domicilié [...] , 4°/ à M. C... U..., domicilié [...] , 5°/ à Mme H... Q..., épouse R..., domiciliée [...] , 6°/ à M. M... O..., domicilié [...] , 7°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , 8°/ à la société Axa France IARD, dont le siège est [...] , 9°/ à la société Axeria IARD, dont le siège est [...] , 10°/ à la société Helvetia assurances, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Groupama transports, 11°/ à Mme X... T..., veuve J..., domiciliée [...] , 12°/ à M. N... J..., domicilié [...] , 13°/ à M. F... J..., domicilié [...] , tous deux pris en qualité d'héritiers de leur père V... J..., défendeurs à la cassation. La société Allianz IARD et M. U... ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La société Axa France IARD, Mme X... T..., veuve J..., MM. N... et F... J..., ès qualités, MM. L..., D... et O... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La société Axeria et Mme Q..., épouse R..., ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les demandeurs aux pourvois incidents invoquent, respectivement à l'appui de leur recours, un moyen unique rédigé en termes identiques, annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société SMACL assurances et de la commune de Mauguio-Carnon, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz IARD et de M. U..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de Mme X... T..., veuve J..., de MM. N... et F... J..., ès qualités, de MM. D..., L... et O..., de la société Axeria et de Mme Q..., épouse R..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Helvetia assurances, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1. Il est donné acte à Mme X... J... et à MM. N... et F... J... (les consorts J...) de leur reprise d'instance en qualité d'ayants droit d'V... J..., décédé le [...]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 janvier 2019), à la suite de désordres apparus sur leurs bateaux amarrés dans le port de Carnon, et de la réalisation d'expertises amiables pour en déterminer l'origine, Mme R..., V... J... et MM. L..., D... et U..., ainsi que leurs assureurs, les sociétés Axeria IARD, Allianz IARD et Axa France IARD, ont assigné en responsabilité et indemnisation la commune de Mauguio-Carnon (la commune) et son assureur, la société SMACL assurances. M. O..., propriétaire d'un navire assuré auprès de la société Axa France IARD, est intervenu volontairement à l'instance. Après que l'expert désigné par le juge de la mise en état a déposé son rapport et conclu que les dommages subis étaient imputables à la défectuosité de l'installation électrique du port, ayant pour origine un phénomène ou un appareil électrique à bord du voilier appartenant à M. W..., la société Groupama transports, devenue la société Helvetia assurances, a été attraite en la cause en sa qualité d'assureur de ce dernier. 3. La commune et son assureur ont été condamnés in solidum à payer différentes sommes en réparation des désordres à Mme R..., à MM. L..., D... et U..., à V... J... et aux sociétés Axeria IARD, Axa France IARD et Allianz IARD. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Axeria IARD et de Mme R..., pris en sa première branche, et sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Axa France IARD, des consorts J... et de MM. L..., D... et O..., pris en sa première branche, qui sont rédigés en des termes identiques, réunis Enoncé du moyen 5. La commune, la société SMACL assurances, la société Axeria IARD, Mme R..., la société Axa France IARD, les consorts J... et MM. L..., D... et O... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes dirigées contre la société Helvetia assurances, alors « que le juge ne peut refuser d'examiner un rapport d'expertise judiciaire qui n'a pas été établi au contradictoire du défendeur, lorsque, régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en jugeant inopposable à la société Helvetia assurances le rapport d'expertise judiciaire au prétexte que cette dernière n'avait été ni appelée ni représentée aux opérations d'expertise, après avoir constaté que ce rapport, régulièrement versé aux débats, était corroboré par des rapports d'expertises amiables et des décisions administratives, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 6. Lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve. 7. Pour rejeter les demandes dirigées contre la société Helvetia assurances, l'arrêt relève que cette dernière a été attraite en la cause postérieurement au dépôt du rapport de l'expert judiciaire et qu'elle n'a été ni appelée ni représentée au cours des opérations expertales. Il ajoute que, s'agissant des expertises amiables réalisées à la demande des assureurs des propriétaires des navires endommagés et de la commune, les opérations ne se sont pas déroulées contradictoirement. Il en déduit qu'en l'absence d'autres éléments suffisamment probants, ces expertises amiables et judiciaire doivent être écartées des débats. 8. En statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, ces rapports d'expertise, régulièrement versés aux débats, avaient été soumis à la libre discussion des parties et se corroboraient mutuellement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Demande de mise hors de cause 9. Il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, la société Allianz IARD et M. U..., dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la commune de Mauguio-Carnon, la société SMACL assurances, la société Axeria IARD, Mme R..., la société Axa France IARD, les consorts J... et MM. L..., D... et O... à l'encontre de la société Helvetia assurances, l'arrêt rendu le 8 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Met hors de cause la société Allianz IARD et M. U... ; Condamne la société Helvetia assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal n° U 19-13.755 par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société SMACL assurances et la commune de Mauguio-Carnon. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum la commune de Mauguio-Carnon et son assureur la société Smacl Assurances à payer à M. L... la somme de 7 805,81 euros, à la compagnie Axa France Iard la somme de 8 000 euros, à M. J... la somme de 1 180,81 euros, à M. D... la somme de 380 euros, à la société Axa France Iard la somme de 1 255,99 euros, à M. U... la somme de 2 482,59 euros, à la société Allianz Iard la somme de 3 752,46 euros, à Mme R... la somme de 675 euros, à la société Axeria Iard la somme de 7 774,16 euros, à M. O... la somme de 5 878,61 euros, à la société Axa France Iard la somme de 7 992,10 euros ; AUX MOTIFS QUE, sur la responsabilité contractuelle de la commune de Mauguio-Carnon, l'article 1134 ancien du code civil dispose que : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; que le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » et 1104 du code civil : « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi » ; que l'engagement de la responsabilité contractuelle trouve son fondement dans l'article 1231-1 du code civil (1147 ancien) qui dispose que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, à paiement de dommages-intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure » ; qu'en l'espèce, M. J..., M. D..., M. L..., M. U..., Mme Q... épouse R..., M. O... ont chacun passé avec le port de Carnon, commune de Mauguio-Carnon, un contrat de mise à disposition annuel d'un poste d'amarrage au port, précisément identifié, en contrepartie d'une redevance ; qu'il résulte des dispositions de l'article 3 des conditions générales du contrat que : « le gestionnaire met à disposition du bénéficiaire un amarrage doté, sur le poste attribué ou dans son voisinage immédiat, des équipements en bon état d'entretien, nécessaires : - à l'amarrage du bateau ; - à la fourniture d'eau ; - à la fourniture d'énergie électrique » ; qu'il appartenait en conséquence à la commune de Mauguio-Carnon de satisfaire à ses obligations contractuelles, alors que le règlement général de police du port prévoyait en son article 20 « usage des installations électriques » : « les bornes électriques sont alimentées sous une tension de 220 volts. L'alimentation de base est de 16 ampères. Un ampérage supérieur (32 ampères) peut être délivré le cas échéant sur demande expresse du bénéficiaire d'un poste pour ses besoins de confort à quai. Dans ce cas de dépassement des conditions forfaitaires de base, la redevance annuelle portuaire est majorée d'un forfait annuel selon tarifs portuaires en vigueur. Le gestionnaire se réserve toutefois le droit, en cas d'abus ou de surconsommation constatés ou suspectés du forfait de dépassement de fourniture de fluides, ou de refus de s'acquitter de la redevance supplémentaire correspondante, de ramener en cours de contrat l'équipement de la borne à l'ampérage de base initial (16 ampères). Les bornes de quai portuaires sont exclusivement réservées : - à la lumière pour les besoins d'équipage lorsqu'ils sont à bord, ou pour les visites, - le dépannage, les petits travaux d'entretien, le service des moteurs, la charge des batteries. Pour ce qui concerne le gestionnaire du port, les installations électriques portuaires sont contrôlées annuellement par un organisme agréé. Aussi, en contrepartie, tous les équipements électriques du bateau ou à bord du bateau, susceptibles d'être mis en connexion avec les installations électriques portuaires, doivent être en conformité avec la réglementation et les normes en vigueur, sous la pleine et entière responsabilité du propriétaire du navire à qui cette charge incombe. Tout branchement dangereux ou préjudiciable à la sécurité des infrastructures, des navires, ou de toute personne, de quelque nature que ce soit, est strictement interdit. Le personnel en charge de la gestion du port peut spontanément être amené à interdire le branchement au quai s'il constate ou suspecte un mauvais état ou une incidence préjudiciable à la salubrité des installations portuaires. Il est interdit de laisser en place tout branchement électrique, en l'absence du propriétaire ou du gardien du bateau à bord. Les câbles souples et les prises d'alimentation électrique des bateaux doivent être conformes aux normes de sécurité en vigueur. Les surveillants de port et les agents portuaires peuvent à tout moment et sans en aviser préalablement le propriétaire déconnecter toute prise ou raccord d'un bateau qui ne respecterait pas les normes de sécurité, ou serait suspecté de défaillance préjudiciable à l'infrastructure ou aux tiers. Il est formellement interdit d'apporter des modifications aux installations électriques existantes, ou d'ouvrir les coffrets électriques ou bornes portuaires en place » ; qu'il est soutenu par les appelants l'existence de dommages subis sur chacun de leurs navires, depuis 2009, ceux-ci connaissant une corrosion anormale d'origine électrolytique ; que M. L... s'est plaint en juillet 2009 de dégâts, mais il ressort de l'expertise amiable réalisée le 7 mai 2010 dans ce cadre que la cause du dommage était la perforation d'un câble d'alimentation lors des travaux menés par l'entreprise [...] ; que M. L... déclarait un second sinistre le 6 septembre 2010, relatif à des dégâts internes sur l'embase, outre une usure excessive des anodes ; qu'il ressort de l'expertise amiable réalisée le 4 octobre 2010 par M. B..., en présence du port de Carnon, que les pignons de l'embase sont attaqués par un phénomène de corrosion électrolytique et que les roulements ont des traces bleutées provenant très certainement d'un passage de courant vagabond ; que l'expert indiquait qu'il est très difficile de déterminer l'origine de ce courant qui a causé les dommages, lesquels sont évalués à 15 968,31 euros, selon devis et factures ; que M. J... s'est plaint le 15 septembre 2010 de dégâts causés à son navire ; que selon expertise amiable réalisée les 4 et 18 octobre 2010 par M. B... en présence du port de Carnon, quelques petits défauts d'isolement ont été trouvés sur les bornes du quai et les tresses de terre de certaines bornes du port étaient défectueuses ; que, dans ses conclusions, l'expert indique que les dommages survenus sur le bateau sont le fait d'une diffusion de courant causée par un bateau tiers, diffusion constatée par un autre expert, M. K..., et selon lequel la diffusion du courant s'effectue par le réseau de terre du port ; que le préjudice est chiffré à 1 180,81 euros s'agissant du remplacement de la plaque de masse et de la VHF ; que M. D... s'est plaint le 20 septembre 2010 de dommages sur son navire, s'agissant de la corrosion de deux jeux d'hélice ; qu'aux termes de l'expertise amiable réalisée par M. B... le 11 octobre 2010 en présence du port de Carnon, les dommages survenus sur le bateau sont le fait d'une diffusion de courant causée par un bateau tiers, diffusion constatée par un autre expert, M. K..., et selon lequel la diffusion du courant s'effectue par le réseau de terre du port ; que le préjudice est chiffré à 2 159,84 euros, s'agissant du remplacement des deux jeux d'hélice ; que M. U... s'est plaint le 23 août 2011 que ses hélices étaient trouées, que les vérins des embases ont développé des fuites, engendrant une panne sur le moteur du pilote automatique, avec atteinte du système électrique ; qu'il ressort de l'expertise amiable réalisée par M. B... en présence du port de Carnon en septembre 2011 que peuvent être constatés l'endommagement des deux jeux d'hélice, une usure anormale des cathodes, le non-fonctionnement des disjoncteurs, appareils électroménagers et du moteur ; que l'expert considère que les désordres relèvent de deux origines différentes, à savoir le phénomène de corrosion galvanique et la foudre ; que la corrosion endommage hélices, vérins et toutes parties métalliques immergées et fait suite à la diffusion d'un courant vagabond ; que le préjudice est chiffré à 6 235,05 euros selon devis, consistant en la réparation des hélices et vérins de direction, purge du circuit de direction, remplacement anodes et fixation plate-forme arrière ; que Mme R... a déclaré un sinistre sur son navire le 13 septembre 2010, indiquant qu'un problème d'électrolyse dans l'eau a endommagé son bateau ; que selon expertise amiable réalisée le 4 octobre 2010 par M. B... en présence du port de Carnon, il est apparu que : - les hélices comportent des traces de corrosion galvanique, - les clavettes d'hélice en bronze sont devenues roses et un morceau est parti à une extrémité, des traces de détérioration sont constatées sur certains boulons, - une vanne d'aspiration d'eau est complètement attaquée ; que l'expert amiable relevait que ces dommages sont le fait d'une diffusion de courant s'effectuant par le réseau portuaire au vu du rapport de M. K..., le voilier [...] diffusant par son fil de terre un voltage de près de 230 volts (rallonge du quai au bateau) ; que le préjudice est estimé à 8 449,16 euros selon devis ; que M. O... a déclaré un sinistre le 28 septembre 2012, ayant constaté « un gros problème d'électrolyse le 23 septembre 2012 » ; que selon expertise amiable réalisée par M. B... en octobre, novembre et décembre 2012, en présence du port de Carnon, il était constaté que l'embase était complètement attaquée par la corrosion galvanique, que le métal était rongé, les vérins perforés, la fourche d'embase attaquée au niveau des bras, le moyeu d'hélice endommagé, les anodes anormalement décomposées ; qu'un défaut d'isolement du fil de terre de la borne du quai a été trouvé ; que le préjudice est chiffré à 13 870,71 euros selon devis ; qu'au constat de ces désordres dont la réalité est établie, la commune de Mauguio-Carnon a sollicité de sa décision une recherche d'indice « visant à déterminer la cause de corrosions dans le port de Carnon » ; que le rapport ainsi établi par M. K... est en date du 1er octobre 2010 ; qu'il convient ici de rappeler les principales considérations et conclusions de M. K... : « Dès la première mesure, sur la borne d'alimentation électrique située au niveau des postes E6 et E7, à l'angle des quais D et E, nous avons constaté une anomalie. Le potentiel du réseau de terre mesuré était de +2,94 V/ELT-AQ, il devrait être inférieur à 0 volt. Nous avons alors mesuré chaque borne d'alimentation sur les quais D, E et K. Au vu de ces mesures, nous avons constaté que la borne à l'angle des quais D et E présentait le potentiel le plus élevé. Nous avons alors débranché une à une les rallonges reliant les bateaux à l'alimentation électrique. Les prises ont été enlevées de la n° 1 à la n° 4 dans l'ordre. Dès que la rallonge sur la prise n° 4 a été débranchée, le potentiel électrique du réseau de terre est instantanément passé à environ -200 mV/ELT-AG. Le potentiel du réseau de terre est resté inchangé lorsque nous avons reconnecté les trois premières rallonges, mais est repassé à +2,94 V/ELT-AG dès que nous avons reconnecté la rallonge du bateau "[...]" situé au [...] . Nous avons alors mesuré directement le potentiel du câble de terre de la rallonge après l'avoir débranché, il était de +12 V/ELT-AG. Le courant de court-circuit lorsque nous avons relié le câble de terre de la rallonge au réseau de terre électrique de la borne d'alimentation était de +15 A (Métrix MX06-002 sur le calibre 100 A). Cette mesure a été maintenue quelques secondes afin de ne pas endommager notre appareil qui supporte un courant de 20 A durant 30 secondes. De nouvelles mesures ont été effectuées sur les bornes d'alimentation sur lesquelles nous avions mesuré un potentiel anormalement haut, toutes présentaient alors une valeur comprise entre -200 et -150 mV/ELT-AG. Il semblerait que le câble de mise à l'équipotentielle des terres électriques des bornes d'alimentation électrique situées sur le quai K ne soit plus relié à celles du quai E ce qui n'est pas normal. Le câble a probablement été endommagé par corrosion au vu de la situation observée le 11 septembre 2010. Mesures sur la rallonge du bateau [...] (11 septembre 2010) : Le propriétaire du bateau a alors été contacté par la capitainerie du port afin que nous puissions effectuer des mesures à bord et déterminer la cause de cette anomalie. Nous rappelons que le conducteur de terre de la rallonge électrique n'aurait pas dû être porté à un potentiel de +12 V/ELT-AG et n'aurait pas dû débiter de courant continu lors de sa connexion au réseau de terre de la borne. A l'arrivée du propriétaire du bateau [...], nous avons voulu montrer ce qu'il se passait lorsque nous connections la rallonge à la borne d'alimentation sur la prise numérotée 4. Le propriétaire nous a alors affirmé qu'il branchait habituellement sa rallonge sur une prise située entre les bornes numérotées 3 et 4. Nous avons alors connecté la rallonge à cette prise électrique sans que le potentiel de la terre ne soit modifié. Nous avons alors procédé devant lui à l'ouverture du coffret électrique afin de montrer au propriétaire du bateau que la prise sur laquelle il nous disait se brancher n'était pas reliée électriquement à l'alimentation 230 V et que le câble de terre n'était pas non plus connecté (les fils étaient connectés coté prise extérieure mais pendaient dénudés à l'intérieur du coffret). Nous avons ainsi pu lui montrer que pour alimenter électriquement son bateau il était nécessaire qu'il se branche sur une des prises électriques numérotées de 1 à 4. Nous avons donc procédé au branchement de la rallonge du [...] sur les 4 prises disponibles et pu constater à chaque fois que le potentiel de la terre électrique passait d'environ -180 mV/ELT-AG à +2,8 V/ELT-AG environ. Le propriétaire du bateau a donc constaté devant nous ces valeurs, les a notées sur un morceau de papier que nous lui avons donné afin qu'il se renseigne le lendemain au salon nautique de Cannes où il nous a affirmé se rendre le lendemain. Mesures complémentaires : Afin d'effectuer de nouvelles mesures, nous avons tenté de reproduire les phénomènes observés le samedi précédent. Nous avons placé une source de courant continue entre une cathode en acier inox dans l'eau de mer et connecté le réseau de terre à un poste redresseur. Nous avons placé la cathode à la proue du bateau [...], situé [...], voisin du [...]. Nous avons alors mesuré des gradients de tension dans le port supérieur à 100 mV/m qui sont considérés par la profession comme la limite à partir de laquelle il est possible d'avoir des corrosions par influence. C'est-à-dire que toute pièce métallique située dans ce gradient de potentiel est susceptible de se corroder. Le courant entre dans la pièce métallique côté positif du champ électrique et ressort par le côté de la pièce située du côté négatif du champ électrique. Les paramètres de fonctionnement du poste étaient lors de nos essais : Tension d'alimentation : 8,8 V, intensité débitée de : 6,7 A. Nota : Dans ces conditions et durant les 2 heures qu'ont duré nos mesures, la quantité de cuivre dissout est de 2,4 grammes environ sur les réseaux de mise à la terre. Nous avons pu mesurer sur le [...] accosté sur le [...], à proximité de la borne électrique à l'angle des quais D et E. Une augmentation significative de son potentiel dès lors qu'il était connecté à la terre du coffret électrique a été mesurée, le potentiel du bateau est passé de -987 mV/ELT-AG = + 140 mV/ELT-AG, l'intensité traversant la liaison reliant le bateau à la terre étant de 1,05 A (MX 06-001 calibre 20 A). Aucune mesure significative n'a pu être observée directement sur le bateau [...] qui a subi d'importantes corrosions ces derniers mois. Ceci s'explique par l'absence de continuité électrique entre les câbles de terre des coffrets d'alimentations situées à l'angle des quais D et E et le coffret alimentant le [...]. La différence de potentiel entre la terre côté [...] et le coffret connecté au poste redresseur était de 6,68 V, alors que cette différence de tension aurait dû être de quelques mV. La disparition du câble de terre est expliquée par sa polarisation anodique lorsque le [...] est branché à sa borne d'alimentation électrique. Mesures des courants de fuite : Nous avons procédé à la recherche de courants de fuite sur les bateaux reliés aux bornes d'alimentation électrique sur les quais B, C, D E et K le 18 septembre 2010 après-midi... Nous avons constaté que les bateaux suivants échangeaient du courant avec le réseau de terre du coffret par l'intermédiaire de la rallonge électrique. Le sens du courant était tel que les anodes du bateau s'endommageaient plus rapidement que s'il n'était pas relié, et que le câble de terre était protégé par les anodes du bateau. [...] : 290 mA, [...] : 300 mA, [...] : 166 mA. Ces mesures devraient être déployées sur l'ensemble du port afin de s'assurer qu'aucun bateau ne porte le réseau de terre à un potentiel positif. Et de rappeler l'intérêt des découpleurs galvaniques à ceux dont les anodes protègent les installations de mise à la terre. Conclusions : Nous avons mis en évidence une anomalie sur les câbles de mise à la terre des bornes d'alimentation électrique située à l'angle des quais D et E. Cette anomalie était générée le câble de terre de la rallonge dû bateau [...] amarré [...] et connecté à la prise électrique n° 4 à notre arrivée. Le fait de polariser les câbles de cuivre nu servant de mise à la terre à un potentiel positif transforme ceux-ci en anodes dans un système type "courant imposé" dès lors qu'il se trouve dans de l'eau de mer ou le sol. La cathode étant une pièce métallique au contact de l'eau et reliée électriquement à la borne "-" du système générant la tension de 12 V sur le câble de terre de la rallonge du [...]. Dans cette situation, tous les éléments métalliques en contact électrique direct avec les câbles de terre des coffrets électriques, et en continuité électrique avec le milieu électrolytique dans lequel est plongée la cathode, se transforment en anode, et donc se corrodent de manière anormale. Les câbles de cuivre nu servant à la mise à la terre des installations électriques ont dû se dégrader voire se couper (cas du câble reliant les coffrets électriques situés à l'angle du quai D et E et le coffret situé sur le quai D à proximité dans la zone des places 5/6, ainsi que celui le reliant aux coffrets du quai K). L'anomalie électrique constatée le 11 septembre 2010 n'était plus observée le 12 septembre 2010, la rallonge du bateau [...] accosté à la [...] n'était plus connectée à la borne d'alimentation. De ce fait, il n'a pas été possible de déterminer le ou les appareils générant la tension et le courant observés le 11 septembre 2010 par le bateau [...]. Ces constatations ont été effectuées devant témoin, et notamment Mme P..., responsable des infrastructures portuaires. Le 12 septembre 2010 le potentiel électrique du réseau de mise à la terre était de -650 mV/ELT-AG, a une valeur cohérente pour un métal, cuivre et probablement ferraillage béton des quais, plongé dans un milieu électrolytique tel que l'eau de mer. Les corrosions des câbles de cuivre nu dans le sol servant à l'interconnexion des terres des coffrets électriques d'alimentation des bateaux ne peuvent avoir été causées par un courant alternatif. Les densités de courant à mettre en jeu pour corroder avec un courant alternatif sont supérieures à 30 A/m2 de métal exposé (pr EN 15280 Evaluation of a.c. corrosion likelihood of buried pipelines) ce qui n'est pas envisageable au vu des équipements de sécurité électrique déployés sur le port. II est impératif de faire contrôler la résistance de terre des coffrets électriques situés sur les quais D et E et de vérifier la continuité de ces câbles pour des raisons de sécurité électrique (NF C 15100). Toute contre-expertise visant à reproduire les effets d'un courant anodique sur le réseau de mise à la terre du port devra être réalisé après remise en état des interconnexions des câbles de terre entre les bornes d'alimentation. Une recherche systématique de courants de fuite devrait être réalisée sur l'ensemble des bateaux amarrés et reliés aux installations électriques du port » ; qu'en conséquence de ce rapport qu'elle ne communiquera pas immédiatement, la commune de Mauguio-Carnon prendra le 21 février 2011 la décision de refuser à M. W..., propriétaire du navire « [...] », le renouvellement de sa convention de mise à disposition ; que, puis, par une nouvelle décision en date du 23 mai 2011, la commune procédera au retrait de sa précédente décision mais lui substituera une décision de même nature, soit la non-reconduction à l'échéance suivante du contrat, au 31 décembre 2010 ; que cette décision qui n'est pas une décision de résiliation de la convention d'occupation était fondée sur le fait que la connexion du navire de M. W... générait une anormalité électrolytique « dangereusement préjudiciable à la sécurité des navires mitoyens et aux ouvrages portuaires » ; que la requête en annulation déposée par M. W... sera rejetée par le tribunal administratif de Montpellier le 22 novembre 2013, la même décision étant rendue par la cour administrative d'appel de Marseille le 28 octobre 2014 sur recours de M. W... ; que les démarches de recherches engagées par la commune de Mauguio-Carnon et sa saisine de M. K... témoignent de sa connaissance de l'existence de l'anormalité électrolytique, alors qu'elle demeurait selon ses écritures incertaine de sa cause ; que, dans ce cadre, il appartenait à la commune, parallèlement à sa recherche des causes des désordres, d'agir sans délai pour sécuriser le périmètre de sa responsabilité ; que cette action nécessaire ne pouvait attendre le départ de M. W... à l'issue de l'expiration de sa convention, ni même le résultat des recherches de M. K... ; qu'il y a lieu toutefois de relever que les termes du journal du port 2010, s'ils constituent un élément d'information, se bornent à des conseils donnés aux plaisanciers, sans toutefois que des décisions soient effectivement prises ; qu'or, si la commune mettait précisément en cause le navire de M. W..., elle ne pouvait ignorer que celui-ci contestait, par sa requête en annulation, la décision de non-renouvellement de son contrat, tout en se maintenant dans le port et branché ; qu'il ressort en effet du rapport d'incident établi par Mme P..., chef du service du port, en date du 14 septembre 2010, versé aux débats, que M. W... fera intervenir un tiers le 13 septembre 2010, afin de se rebrancher à la borne portuaire, en principe interdite d'accès ; qu'il n'est pas en outre contesté que le navire « [...] » ne sera effectivement débranché du port de Carnon que le 25 septembre 2013 ; qu'or, il appartenait à la commune de prendre, dès sa connaissance de désordres, toutes décisions de nature à réduire le risque lié au phénomène électrolytique dénoncé, y compris par des mesures de coupure négociée de l'alimentation électrique ; qu'en outre, il y a lieu de retenir que, face au comportement de M. W..., dénoncé comme insultant ou menaçant par M. D... et M. U..., la commune de Mauguio-Carnon avait obligation de prendre toute initiative pour lui interdire, à bref délai, tout accès au réseau électrique du port sans contrôle indispensable de son navire, et à défaut de lui faire quitter les lieux ; qu'en effet, l'article 20 du règlement du port plus haut rappelé stipule que les surveillants de port et les agents portuaires « peuvent à tout moment et sans en aviser préalablement le propriétaire déconnecter toute prise ou raccord d'un bateau qui ne respecterait pas les normes de sécurité, ou serait suspecte de défaillance préjudiciable à l'infrastructure ou aux tiers », alors même que M. W... ouvrait sans autorisation la borne portuaire ; que, par ailleurs, l'article 15 du règlement permettait également aux services du port de procéder à l'épuisement de l'eau, au débranchement électrique, à la mise à la terre ou au déplacement du bateau après avoir adressé une mise en demeure ou propriétaire du bateau qui cause un dommage aux ouvrages du port ou aux autres bateaux ; que, comme relevé par le premier juge, la faute contractuelle de la commune de Mauguio-Carnon est établie en raison de son défaut de diligences efficaces, d'abord dans une prise en compte active des désordres d'origine électrolytique dont elle connaissait l'existence même si leur origine restait incertaine, ensuite dans ses choix de réactions à l'égard de M. W... ; qu'elle a alors privé les appelants de la jouissance paisible des installations portuaires dues au titre du contrat souscrit, alors que la sécurité électrique n'était plus assurée ; qu'au surplus, il est difficile pour la commune de Mauguio-Carnon de soutenir la transparence de sa communication, alors que le document établi non contradictoirement par M. K... mais qui constituait un élément d'information précieux pour les propriétaires de navire ne sera transmis aux appelants par la commune de Mauguio-Carnon qu'au mois d'avril 2012, selon courrier de la société Smacl Assurances du 18 avril 2012 ; que le rapport d'expertise judiciaire de M. E..., déposé le 31 décembre 2014, a été établi selon ordonnance rendue le 6 décembre 2013 par le juge de la mise en état, après engagement de l'action au fond ; que ce rapport a été nécessairement établi sur la base de l'examen des dires et pièces d'expertises précédentes et s'est notamment appuyé sur l'étude réalisée par M. K..., sans qu'il paraisse nécessaire de procéder à l'examen détaillé des installations électriques ; que, si la raison du coût de telles investigations ne sauraient suffire, le délai écoulé doit par contre être rappelé, et l'expert a pu justement se satisfaire de sa consultation des observations qui lui étaient portées ; qu'il convient de rappeler ici les principales considérations et les conclusions du rapport de M. E... : « Tous les navires endommagés par les phénomènes de corrosion ayant été réparés, il nous a été impossible de constater ou d'examiner les désordres invoqués. Afin d'en connaître la nature et l'étendue nous avons donc étudié les rapports rédigés par les divers experts et dont la liste figure au chapitre précédent... Sur la base des descriptions et/ou des photos qui figurent dans tous les rapports reçus, les dommages constatés sont tous représentatifs de ceux provoqués par des phénomènes de corrosion électrolytique... Lors de ses mesures et examens des installations électriques du port, dans la zone affectée par la corrosion électrolytique, M. K... a constaté en septembre 2010 que les câbles de mise à la terre en cuivre nu avaient été coupés à plusieurs endroits par la corrosion générée par les fuites de courant du navire "[...]". Il apparaît donc, qu'à cette époque, le réseau de terre de l'installation électrique était défectueux et présentait un danger pour les usagers en cas de défaut sur un appareil électrique fonctionnant en 230 volts à bord d'un bateau branché sur une des bornes dont la terre était coupée. Néanmoins, ces coupures étaient la conséquence et non la cause des courants de fuite... Nous avons étudié le rapport de Cjp Expertise daté du 1er octobre 2010 et rédigé par M. K..., qui avait été missionné par le port de Carnon pour rechercher l'origine et les causes des phénomènes de corrosion constatés sur plusieurs navires amarrés aux quais D, E et K. M. K... est un spécialiste en matière de corrosion et de protection galvanique. Il est l'auteur d'une thèse de doctorat en génie des matériaux et est technicien certifié niveau 3 en protection cathodique. Les résultats des mesures et les constatations présentés dans ce rapport ne laissent aucun doute sur l'origine des dégradations constatées non seulement sur certains navires, mais également sur les installations électriques du port... (suivent les conclusions de M. K...). A la lecture de ce qui précède, il semble incontestable qu'un phénomène ou un appareil électrique à bord du voilier [...] ait été à l'origine des dommages constatés non seulement sur les navires voisins, mais également sur les installations électriques du port dont les réseaux équipotentiels ont été sectionnés par la corrosion... Tous les dommages constatés par les divers experts dont nous avons étudié les rapports sont imputables à de la corrosion électrolytique. Aucune autre cause ne peut être sérieusement retenue... Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur les aspects juridiques des relations entre le port et ses usagers. Néanmoins, il nous semble que le port de Mauguio-Carnon avait la possibilité de mettre en cause M. W... et ses assureurs pour demander la réparation du préjudice qu'il a causé par l'endommagement des installations électriques du port et de ses éventuellement conséquences... La commune de Mauguio-Carnon a fait appel à un expert spécialiste des problèmes de corrosion, M. K... qui a clairement identifié l'origine des courants vagabonds, lors de sa campagne de mesures du 11 septembre 2010. Néanmoins nous notons que ce n'est que le 25 septembre 2013 que les responsables du port ont débranché la rallonge du [...] qui était branchée à la borne de quai comme l'écrit Mme P... dans son PV de constat daté du 5 mai 2014 Les usagers du port ont bien été informés de la découverte de l'origine du phénomène, mais savaient-ils que le bateau "[...]" était toujours branché à la borne de quai et qu'il diffusait toujours des courants destructeurs. Les bateaux des usagers et les installations électriques du port ont donc continué à être exposés, de façon aléatoire, à des phénomènes de corrosion destructeurs jusqu'au 25 septembre 2013. Le journal du port de 2012 ne précisait pas que la source des courants était toujours active et dépendait du bon vouloir d'un de ses usagers qui avait été identifié en septembre 2010... La commune de Mauguio-Carnon n'a pas donné suite à la mission de M. K.... Un contrôle des terres a été effectué par l'Apave le 14 novembre 2011, en présence de Mme P..., responsable du port, des experts A... et B... et de Me G..., huissier. Ces anomalies sur les terres ont été constatées entre les bornes 16 à 18 et 23 à 24. Nous ne disposons d'aucun autre rapport de recherche des causes de la corrosion ou de compte-rendu des travaux réalisés sur l'installation électrique en général et sur les terres en particulier... La coupure des fils de terre (les réseaux équipotentiels) des bornes rendait l'installation dangereuse pour les usagers en les exposant à un risque d'électrocution. A ce titre, M. W... et ses assureurs pouvaient être mis en cause par le port au titre des risques liés à la destruction des liaisons équipotentielles et du préjudice subi par la commune de Mauguio-Carnon notamment pour la prise en charge des coûts des contrôles et des travaux de remises en état des câbles endommagés par la corrosion... Il est en effet troublant de lire dans des documents émanant du port et postérieurs à l'expertise de M. K... : Nous avons eu de nouveaux signalements d'anodes corrodées anormalement (en moins de deux mois), d'attaques des pièces vives du moteur, toujours sur le même secteur. La rallonge de quai du bateau [...] a été définitivement débranchée par les services du port le 25 septembre 2013. Jusqu'à cette date quand son utilisateur branchait la rallonge de quai, le bateau [...] polarisait le fil de terre du port et le mettait en contact avec d'autres navires sur lesquels il provoquait des dommages par corrosion électrolytique... Une fois encore les responsables du port connaissaient l'origine et la cause des phénomènes de corrosion depuis le mois de 2010. Elle avait été identifiée par l'expert qu'ils avaient missionné et qui avait clairement expliqué le phénomène et ses conséquences... Conclusions : Les dommages constatés par les experts amiables sur les divers bateaux voisins du voilier "[...]" ont tous été causés par un violent phénomène de corrosion électrolytique. Les hélices, embases, vérins, anodes et autres éléments métalliques de ces navires ont été endommagés et ont dû être remplacés. Les 11 et 18 septembre 2010 et à la demande du port de Carnon un expert spécialisé en matière de corrosion, a procédé à des examens et des mesures. Les résultats et les constatations ne laissent aucun doute sur l'origine des dégradations constatées non seulement sur les navires, mais également sur les installations électriques du port comme l'explique la conclusion de ce rapport qui a été remis aux responsables du port en octobre 2010. Une anomalie était générée par le câble de terre de la rallonge du bateau "[...]" dont le potentiel était de 12 volts et le courant de 15 A. Deux valeurs très anormalement élevées et révélatrices d'un important courant de fuite. Le 25 septembre 2013, les responsables du port ont débranché la rallonge de quai du bateau "[...]". Ils ont donc ainsi déconnecté des bateaux voisins et les installations électriques du bateau "[...]" à bord duquel se trouvait un dispositif ou un montage électrique qui depuis plusieurs années, était à l'origine de courants de fuite à l'origine de corrosion électrolytique » ; qu'il ressort de ces éléments qu'est confirmé le défaut de réaction adéquate de la part de la commune de Mauguio-Carnon, alors qu'il est remarquable de relever qu'aucune mise en cause de M. W... n'a été faite devant le tribunal ; que ce n'est qu'après dépôt du rapport d'expertise que seul l'assureur de M. W... sera appelé à la procédure, par acte d'huissier en date du 15 mars 2015 ; que, dans ces circonstances, la commune de Mauguio-Carnon ne peut soutenir la faute exonératoire des victimes appelantes, soit M. J..., M. D..., M. L..., M. U..., Mme Q... épouse R..., M. O..., alors qu'elles n'étaient pas ou très imparfaitement informées des risques générés par le phénomène électrolytique et de la poursuite de celui-ci ; que la participation des victimes aux opérations d'expertise ne garantissait pas leur connaissance réelle de l'origine des désordres qu'ils subissaient, alors que la commune, qui n'avait pas pris d'initiatives de résolution de la difficulté électrolytique, ne communiquait l'étude commandée à M. K... qu'au mois d'avril 2012 ; qu'il est alors erroné de soutenir que les demandeurs ont renouvelé leur contrat en toute connaissance de cause ; que la commune ne peut non plus exonérer sa responsabilité en soutenant le fait exonératoire d'un tiers, dès qu'elle ne prenait pas dans un premier temps les mesures techniques d'urgence permettant de mettre fin au phénomène électrolytique, même en l'absence de la détermination de son auteur, dans un second temps en s'abstenant des mesures opportunes à l'encontre du navire « [...] » ; qu'elle a ainsi manqué à son obligation de diligence et d'initiative ; que cette faute personnelle lui interdit en conséquence de se prévaloir des dispositions de l'article 17 du règlement de police générale du port, cet article ne l'exonérant pas de sa propre faute, d'autant que les dommages n'étaient rendus possible que par l'utilisation de ses installations, soit l'alimentation électrique de la borne du port ; que la responsabilité contractuelle de la commune de Mauguio-Carnon doit être retenue, par infirmation du jugement entrepris ; que, sur les montants sollicités, il convient de relever que l'expert judiciaire a rappelé en page 21 de son rapport les montants de réparations validés par les expertises intervenant pour les assureurs : - M. D... : 2 159,84 euros, - M. J... : 1 180,81 euros, M. L... : 15 805,65 euros, M. U... : 6 235,05 euros, - Mme R... : 8 449,16 euros ; que, pour M. L..., il n'est pas démontré que le premier sinistre constaté en juillet 2009 justifie que soit retenue la responsabilité de la commune de Mauguio-Carnon, alors qu'il ressort de l'expertise amiable réalisée le 7 mai 2010 que la cause du dommage était la perforation d'un câble d'alimentation lors des travaux menés par l'entreprise [...] ; que sa demande de paiement présentée au titre de ce sinistre non couvert par son assureur sera écarté ; que, dans le cadre du second sinistre déclaré le 6 septembre 2010, l'expert M. B... retenait un montant de réparations de 15 968,31 euros, selon devis et factures ; que cette somme doit être retenue ; que la compagnie Axa, est subrogée dans les droits de M. L... selon quittance en date du 23 décembre 2010, à hauteur de la somme de 8 000 euros versée à M. L... ; que, par infirmation du jugement, la commune de Mauguio-Carnon et son assureur la société Smacl Assurances seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 7 805,81 euros au bénéfice de M. L... et de la somme de 8 000 euros au bénéfice de la compagnie Axa ; que, pour M. J..., il résulte de l'expertise amiable réalisée les 4 et 18 octobre 2010 par M. B... que le préjudice de M. J... peut être chiffré à la somme de 1 180,81 euros s'agissant du remplacement de la plaque de masse et de la VHF ; que cette somme sera retenue et la commune de Mauguio-Carnon et son assureur la société Smacl Assurances seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 1 120,81 euros au bénéfice de M. J... ; que, pour M. D..., il résulte de l'expertise amiable réalisée par M. B... le 11 octobre 2010 que le préjudice de M. D... peut être chiffré à la somme de 2 159,84 euros, s'agissant du remplacement des deux jeux d'hélice ; que cette somme a été ramenée à 1 635,99 euros, alors que la compagnie Axa France Iard lui a réglé la somme de 1 255,99 euros ; que la compagnie Axa France Iard est subrogée selon quittance en date du 2 avril 2011 dans les droits de M. D... à hauteur de la somme de 1 255,99 euros versée à M. D... ; que, par infirmation du jugement, la commune de Mauguio-Carnon et son assureur la société Smacl Assurances seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 380 euros au bénéfice de M. D... et de la somme de 1 255,99 euros au bénéfice de la compagnie Axa France Iard ; que, pour M. U..., il ressort de l'expertise amiable réalisée par M. B... en présence du port de Carnon en septembre 2011 que peuvent être constatés l'endommagement des deux jeux d'hélice, une usure anormale des cathodes, le non-fonctionnement des disjoncteurs, appareils électroménagers et du moteur ; que l'expert considère que les désordres relèvent de deux origines différentes, à savoir le phénomène de corrosion galvanique et la foudre ; que la corrosion endommage hélices, vérins et toutes parties métalliques immergées et fait suite à la diffusion d'un courant vagabond ; que le préjudice est chiffré à 6 235,05 euros selon devis consistant en la réparation des hélices et vérins de direction, purge du circuit de direction, remplacement anodes et fixation plate-forme arrière ; qu'il est justifié que la compagnie Allianz a versé au titre du préjudice non causé par la foudre une somme de 3 752,46 euros, la compagnie étant subrogée dans les droits de son client à ce titre ; que la commune de Mauguio-Carnon et son assureur la société Smacl Assurances seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 2 482,59 euros au bénéfice de M. U... et de la somme de 3 752,46 euros au bénéfice de la compagnie Allianz ; que, pour Mme R..., selon expertise amiable réalisée le 4 octobre 2010 par M. B..., le préjudice de Mme R... peut être estimé à 8 449,16 euros selon devis ; que l'appelante ne justifie pas que sa créance puisse être retenue à la somme de 9 371,85 euros ; que le montant de 8 449,16 euros sera en conséquence retenu, tel qu'également considéré par l'expert judiciaire ; que l'assureur de Mme R..., la société Axeria a versé à cette dernière la somme de 7 774,16 euros, selon quittance subrogatoire en date du 23 mars 2011 ; que la commune de Mauguio-Carnon et son assureur la société Smacl Assurances seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 675 euros au bénéfice de Mme R... et de la somme de 7 774,16 euros au bénéfice de la société Axeria ; que, pour M. O..., selon expertise amiable qui a été réalisée par M. B... en octobre, novembre et décembre 2012, la réparation du préjudice subi par M. O... peut être chiffrée à la somme de 13 870,71 euros selon devis ; que l'assureur de M. O..., la société Axa, lui a versé la somme de 7 992,10 euros, selon quittance subrogatoire en date du 12 mars 2013 ; que la commune de Mauguio-Carnon et son assureur la société Smacl Assurances seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 5 878,61 euros au bénéfice de M. O... et de la somme de 7 992,10 euros au bénéfice de la société Axa ; que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ; ALORS, 1°), QUE la responsabilité contractuelle suppose la démonstration d'une faute d'une partie dans l'exécution du contrat ayant directement causé un préjudice à son cocontractant ; qu'en en retenant à faute à la charge de la commune de ne pas avoir agi sans délai pour remédier aux désordres électrolytiques apparus à compter de septembre 2010, après avoir relevé que l'origine de ces désordres était incertaine jusqu'au 1er octobre 2010, date du rapport de M. K..., ce dont il résultait que la commune ne pouvait remédier aux désordres avant cette date faute d'en connaître l'origine, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; ALORS, 2°), QUE la responsabilité contractuelle suppose la démonstration d'une faute d'une partie dans l'exécution du contrat ayant directement causé un préjudice à son cocontractant ; qu'en retenant, pour caractériser la faute de la commune, que celle-ci avait l'obligation d'interdire à bref délai tout accès du navire de M. W... au réseau électrique du port, tout en relevant qu'une interdiction avait été émise par la commune à l'encontre de ce dernier, lequel continuait de se raccorder à la borne portuaire sans autorisation, ce dont il résultait que la commune ne pouvait être tenue pour responsable d'un tel comportement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; ALORS, 3°), QUE, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en affirmant que pesait sur la commune l'obligation, à défaut de conformité du navire de M. W..., de lui faire quitter les lieux, sans préciser de quel fondement juridique elle déduisait l'existence d'une telle obligation, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du code de procédure civile ; ALORS, 4°), QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 17, § 6, à p. 18, § 7), la commune de Mauguio-Carnon soutenait qu'elle était dans l'impossibilité d'expulser M. W... tant que les recours exercés par ce dernier à l'encontre de la décision de non-renouvellement du contrat de mise à disposition du poste d'amarrage au port étaient pendants ; qu'en caractérisant un manquement de la commune à la prétendue obligation d'expulser M. W..., sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, 5°), QUE la responsabilité contractuelle suppose la démonstration d'une faute d'une partie dans l'exécution du contrat ayant directement causé un préjudice à son cocontractant ; qu'en en retenant à faute à la charge de la commune de ne pas avoir, face au comportement de M. W... dénoncé comme insultant ou menaçant par MM. D... et U..., pris toute initiative pour lui interdire, à bref délai, l'accès au réseau électrique du port sans contrôle indispensable de son navire, et à défaut de lui faire quitter les lieux, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; ALORS, 6°), QUE la faute de la victime a pour effet d'exonérer l'auteur du dommage de sa responsabilité ; qu'en écartant la faute exonératoire des victimes au prétexte que celles-ci n'étaient pas ou très imparfaitement informées des risques générés par le phénomène électrolytique et de la poursuite de celui-ci, quand il ressortait de ses constatations, non seulement que la commune avait, aux termes du journal du port de 2010, pris le soin d'informer les plaisanciers de l'existence du phénomène litigieux, mais aussi que les victimes avaient participé aux opérations d'expertise, ce dont il résultait qu'elles étaient parfaitement informées des risques encourus et que c'était en connaissance de cause qu'elles avaient renouvelé le contrat de mise à disposition du poste d'amarrage au port de Carnon, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Allianz Iard, la société Axa France Iard, MM. J..., D..., L..., U..., la société Axeria Iard, Mme R..., M. O..., la commune de Mauguio-Carnon et son assureur, la société Smacl Assurances, de leurs demandes formées à l'encontre de la société Helvetia Assurances ; AUX MOTIFS QUE l'article 16 du code de procédure civile dispose : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations » ; que, dans ce cadre et dans le respect du principe de l'égalité des armes, le juge ne peut se déterminer exclusivement au vu d'une expertise établie non contradictoirement ; que les juges du fond sont en effet tenus de veiller au respect du caractère équitable du procès et de l'équilibre dans l'administration de la preuve ; qu'en l'espèce, M. W..., assuré auprès de la compagnie Helvetia Assurances, n'a jamais été mis en cause par aucune des parties appelantes ni par la commune de Mauguio-Carnon ou son assureur, la société Smacl Assurances ; qu'il y a lieu de relever également que la compagnie Helvetia Assurances n'a été appelée en la cause que postérieurement au dépôt du rapport de l'expert judiciaire M. E... ; qu'il appartenait en effet aux parties présentes à l'instance et à l'expertise ordonnée dans le cadre de la mise en état d'attraire à l'instance et devant le juge de la mise en état M. W... et à tout le moins la compagnie Helvetia Assurances, aux fins de lui rendre commune l'expertise judiciaire ; qu'à défaut, il y a lieu de considérer que le rapport d'expertise judiciaire est inopposable à la compagnie Helvetia Assurances, ni appelée, ni représentée aux opérations expertales ; que, de même, les opérations menées non contradictoirement par M. K... à la demande de la commune de Mauguio-Carnon s'analysent comme une expertise officieuse ; que celle-ci ne peut exclusivement fonder la condamnation de la compagnie Helvetia Assurances, quand bien même ce document serait versé aux débats ; que la compagnie Helvetia Assurances n'était pas non plus présente ou même appelée, s'agissant des mesures d'expertises amiables réalisées à l'égard des six navires des propriétaires appelants, ces rapports ne pouvant fonder sa condamnation à paiement ; qu'il doit être souligné que si une expertise non contradictoirement menée ne peut fonder exclusivement la décision de la juridiction, la somme de plusieurs expertises, toutes frappées d'un défaut de contradiction, ne saurait permettre à cette juridiction de se déterminer, dès lors que n'existe pas d'autres éléments probants versés aux débats ; qu'en l'espèce, les expertises amiables et judiciaires doivent être écartées des débats mettant en cause la compagnie Helvetia Assurances, dès lors que ne sont produites aucune pièce permettant de retenir un lien de causalité suffisant entre les dommages dénoncés et le bateau « [...] », propriété de M. W... ; qu'en effet, les attestations versées, si elle permettent de qualifier le comportement désagréable de ce dernier, ne comportent aucune donnée technique ou mesures indépendantes, étant rappelé pour mémoire que les expertises amiables faisaient état d'autres causes possibles du phénomène électrolytique ; que, de même, les décisions administratives versées aux débats n'ont pas été rendues au contradictoire de la société Helvetia Assurances qui n'était nullement partie à ces instances, étant relevé que ces décisions prennent en considération le rapport de M. K... écarté des présents débats. ; que, tel que justement retenu par le tribunal, aucune mesure d'expertise complémentaire ne saurait venir pallier à la carence des parties dans l'administration de la preuve, étant rappelé l'extrême tardiveté de leur réaction ; ALORS, 1°), QUE le juge ne peut refuser d'examiner un rapport d'expertise judiciaire qui n'a pas été établi au contradictoire du défendeur, lorsque, régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en jugeant inopposable à la société Helvetia Assurances le rapport d'expertise judiciaire au prétexte que cette dernière n'avait été ni appelée ni représentée aux opérations d'expertises, après avoir constaté que ce rapport, régulièrement versé aux débats, était corroboré par des rapports d'expertises amiables et des décisions administratives, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; ALORS, 2°), QUE le juge peut se fonder sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie si celle-ci est corroborée par un autre élément de preuve, tel une autre expertise non judiciaire ; qu'en affirmant que le rapport d'expertise amiable de M. K... réalisé à la demande de la commune de Mauguio-Carnon ne saurait permettre à la juridiction de se déterminer au prétexte qu'il ne peut exclusivement fonder la condamnation de la société Helvetia Assurances, quand il ressortait de ses constatations que ce document était corroboré par les rapports d'expertises amiables réalisées à l'égard des six navires des propriétaires appelants, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; ALORS, 3°), QUE le juge peut se fonder sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie si celle-ci est pas corroborée par un autre élément de preuve, tel une autre expertise non judiciaire ; qu'en affirmant que les rapports d'expertises amiables réalisées à l'égard des six navires des propriétaires appelants ne sauraient permettre à la juridiction de se déterminer au prétexte qu'ils ne peuvent exclusivement fonder la condamnation de la société Helvetia Assurances, quand il ressortait de ses constatations que ces rapports étaient corroborés par le rapport d'expertise amiable de M. K... réalisé à la demande de la commune de Mauguio-Carnon, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; ALORS, 4°) et en tout état de cause, QUE le juge peut se fonder sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie si celle-ci est corroborée par un autre élément de preuve ; qu'en affirmant que les rapports d'expertises amiables versés aux débats ne sauraient permettre à la juridiction de se déterminer au prétexte que ceux-ci ne peuvent exclusivement fonder la condamnation de la société Helvetia Assurances, quand il ressortait de ses constatations que ces rapports étaient corroborés par le rapport d'expertise judiciaire, ainsi que par des décisions administratives, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. Moyen unique, rédigé en termes identiques, produit aux pourvois incidents n° U 19-13.755 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD, Mme X... T..., veuve J..., MM. N... et F... J..., ès qualités, MM. L..., D... et O..., la société Axeria et Mme Q..., épouse R.... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société ALLIANZ IARD, la société AXA FRANCE IARD, Messieurs J..., D..., L..., U..., la société AXERIA IARD, Madame R..., Monsieur O..., la commune de MAUGUIO-CARNON et son assureur, la société SMACL ASSURANCES, de leurs demandes formées à l'encontre de la société HELVETIA ASSURANCES ; AUX MOTIFS QUE : « l'article 16 du code de procédure civile dispose : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations » ; que, dans ce cadre et dans le respect du principe de l'égalité des armes, le juge ne peut se déterminer exclusivement au vu d'une expertise établie non contradictoirement ; que les juges du fond sont en effet tenus de veiller au respect du caractère équitable du procès et de l'équilibre dans l'administration de la preuve ; qu'en l'espèce, M. W..., assuré auprès de la compagnie Helvetia Assurances, n'a jamais été mis en cause par aucune des parties appelantes ni par la commune de Mauguio-Carnon ou son assureur, la société Smacl Assurances ; qu'il y a lieu de relever également que la compagnie Helvetia Assurances n'a été appelée en la cause que postérieurement au dépôt du rapport de l'expert judiciaire M. E... ; qu'il appartenait en effet aux parties présentes à l'instance et à l'expertise ordonnée dans le cadre de la mise en état d'attraire à l'instance et devant le juge de la mise en état M. W... et à tout le moins la compagnie Helvetia Assurances, aux fins de lui rendre commune l'expertise judiciaire ; qu'à défaut, il y a lieu de considérer que le rapport d'expertise judiciaire est inopposable à la compagnie Helvetia Assurances, ni appelée, ni représentée aux opérations expertales ; que, de même, les opérations menées non contradictoirement par M. K... à la demande de la commune de Mauguio-Carnon s'analysent comme une expertise officieuse ; que celle-ci ne peut exclusivement fonder la condamnation de la compagnie Helvetia Assurances, quand bien même ce document serait versé aux débats ; que la compagnie Helvetia Assurances n'était pas non plus présente ou même appelée, s'agissant des mesures d'expertises amiables réalisées à l'égard des six navires des propriétaires appelants, ces rapports ne pouvant fonder sa condamnation à paiement ; qu'il doit être souligné que si une expertise non contradictoirement menée ne peut fonder exclusivement la décision de la juridiction, la somme de plusieurs expertises, toutes frappées d'un défaut de contradiction, ne saurait permettre à cette juridiction de se déterminer, dès lors que n'existe pas d'autres éléments probants versés aux débats ; qu'en l'espèce, les expertises amiables et judiciaires doivent être écartées des débats mettant en cause la compagnie Helvetia Assurances, dès lors que ne sont produites aucune pièce permettant de retenir un lien de causalité suffisant entre les dommages dénoncés et le bateau « [...] », propriété de M. W... ; qu'en effet, les attestations versées, si elle permettent de qualifier le comportement désagréable de ce dernier, ne comportent aucune donnée technique ou mesures indépendantes, étant rappelé pour mémoire que les expertises amiables faisaient état d'autres causes possibles du phénomène électrolytique ; que, de même, les décisions administratives versées aux débats n'ont pas été rendues au contradictoire de la société Helvetia Assurances qui n'était nullement partie à ces instances, étant relevé que ces décisions prennent en considération le rapport de M. K... écarté des présents débats. ; que, tel que justement retenu par le tribunal, aucune mesure d'expertise complémentaire ne saurait venir pallier à la carence des parties dans l'administration de la preuve, étant rappelé l'extrême tardiveté de leur réaction » 1°) ALORS QUE le juge ne peut refuser d'examiner un rapport d'expertise judiciaire qui n'a pas été établi au contradictoire du défendeur, lorsque, régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en jugeant inopposable à la société Helvetia Assurances le rapport d'expertise judiciaire au prétexte que cette dernière n'avait été ni appelée ni représentée aux opérations d'expertises, après avoir constaté que ce rapport, régulièrement versé aux débats, était corroboré par des rapports d'expertises amiables et des décisions administratives, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le juge peut se fonder sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie si celle-ci est corroborée par un autre élément de preuve, tel une autre expertise non judiciaire ; qu'en affirmant que le rapport d'expertise amiable de M. K... réalisé à la demande de la commune de Mauguio-Carnon ne saurait permettre à la juridiction de se déterminer au prétexte qu'il ne peut exclusivement fonder la condamnation de la société Helvetia Assurances, quand il ressortait de ses constatations que ce document était corroboré par les rapports d'expertises amiables réalisées à l'égard des six navires des propriétaires appelants, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE le juge peut se fonder sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie si celle-ci est pas corroborée par un autre élément de preuve, tel une autre expertise non judiciaire ; qu'en affirmant que les rapports d'expertises amiables réalisées à l'égard des six navires des propriétaires appelants ne sauraient permettre à la juridiction de se déterminer au prétexte qu'ils ne peuvent exclusivement fonder la condamnation de la société Helvetia Assurances, quand il ressortait de ses constatations que ces rapports étaient corroborés par le rapport d'expertise amiable de M. K... réalisé à la demande de la commune de Mauguio-Carnon, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE le juge peut se fonder sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie si celle-ci est corroborée par un autre élément de preuve ; qu'en affirmant que les rapports d'expertises amiables versés aux débats ne sauraient permettre à la juridiction de se déterminer au prétexte que ceux-ci ne peuvent exclusivement fonder la condamnation de la société Helvetia Assurances, quand il ressortait de ses constatations que ces rapports étaient corroborés par le rapport d'expertise judiciaire, ainsi que par des décisions administratives, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve. Dès lors, viole l'article 16 du code de procédure civile une cour d'appel qui écarte des débats des expertises amiables et judiciaire, au motif que les opérations expertales ne se sont pas déroulées contradictoirement, alors que, selon ses propres constatations, ces rapports d'expertise, régulièrement versés aux débats, avaient été soumis à la libre discussion des parties et se corroboraient mutuellement
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N° R 20-84.067 F-P+B+I N° 2073 CK 7 OCTOBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 OCTOBRE 2020 REJET du pourvoi formé par M. K... T... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers en date du 30 juin 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en examen du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, M. K... T... a été placé en détention le 16 février 2020. 3. Le juge des libertés et de la détention de La Rochelle a convoqué son avocat de M. T... afin d'assister ce dernier dans le cadre d'une audience de prolongation de la détention provisoire fixée au 8 juin 2020. 4. Par télécopie du 5 juin, l'avocat a sollicité le renvoi de l'audience, indiquant qu'il était par ailleurs retenu le même jour au tribunal judiciaire de Paris pour assister deux prévenues dans le cadre d'une audience au fond. 5. M. T... a comparu au débat contradictoire qui s'est tenu à la date initialement fixée, sans l'assistance d'un avocat. 6. A l'issue, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de M. T... pour une durée de quatre mois par ordonnance du 8 juin 2020. 7. Celui-ci a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen pris en sa seconde branche et le second moyen 8. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. Le moyen est pris de la violation des articles préliminaire, 114, 137-3, 145-1, 145-2, 591, 593, 802 et 803-1 du code de procédure pénale ainsi que les articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. 10. Il critique l'arrêt de la chambre de l'instruction ayant confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention de M. T... rendue par le juge des libertés et de la détention, alors : « 1°/ que la demande de renvoi, accompagnée d'une pièce dont la qualité ne peut être due qu'au mode de transmission par télécopie, n'était pas dénuée de motif ; qu'en considérant cependant que le motif de la demande était équivoque et que le juge des libertés et de la détention n'était pas tenu d'y répondre alors que, selon la jurisprudence, l'absence de réponse ne constitue pas un grief que dans l'hypothèse où la demande est dépourvue de motifs, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, la chambre de l'instruction s'est contredite et a méconnu la portée des textes susvisés. » Réponse de la Cour 11. Pour écarter le moyen de nullité tiré du défaut de réponse à la demande de renvoi adressée par l'avocat au juge des libertés et de la détention, l'arrêt attaqué retient que l'énoncé du motif de cette demande, peu explicite, ne permettait pas au juge des libertés et de la détention d'estimer concrètement en quoi l'audience au tribunal judiciaire de Paris pouvait présenter un caractère prioritaire. 12. Les juges précisent que la pièce jointe à la demande était illisible de sorte qu'aucun renseignement utile ne pouvait en être tiré. 13. Ils ajoutent que le motif tel que formulé et la pièce produite à l'appui ne permettaient pas au juge d'apprécier la pertinence de la demande de renvoi. 14. Ils en déduisent que le juge des libertés et de la détention n'était pas tenu de répondre à cette demande. 15. En statuant ainsi, par une motivation exempte de contradiction, alors que le demandeur ne peut se faire un grief de l'absence de réponse, par le juge des libertés et de la détention, à une demande de renvoi du débat contradictoire, cette demande étant accompagnée d'un seul justificatif illisible, ce qui ne mettait pas en mesure son destinataire d'en apprécier la pertinence, celui-ci devant statuer dans des délais contraints, la chambre de l'instruction a justifié sa décision et n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 16. Ainsi, le moyen doit être écarté. 17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept octobre deux mille vingt.
Un mis en examen ne saurait se faire un grief de l'absence de réponse par le juge des libertés et de la détention à la demande, présentée par son avocat, de renvoi du débat contradictoire relatif à la prolongation de sa détention provisoire, cette demande accompagnée d'une pièce justificative illisible ne mettant pas en mesure le juge d'en apprécier la pertinence, celui-ci devant statuer dans des délais contraints
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CIV. 1 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 octobre 2020 Cassation partielle partiellement sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 529 FS-P+B Pourvoi n° E 19-18.135 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 OCTOBRE 2020 La société AGT UNIT, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-18.135 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société AS Saint-Etienne, SASP société à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société AGT UNIT, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société AS Saint-Etienne, l'avis oral de M. Chaumont et l'avis écrit de M. Lavigne, avocats généraux, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 mai 2019), rendu sur renvoi après cassation, (1re Civ., 11 juillet 2018, pourvoi n° 17-10.458, publié), la société AGT UNIT, dont le gérant, M. K..., est titulaire d'une licence d'agent sportif, a assigné la société AS Saint-Etienne en paiement d'une certaine somme représentant le montant d'une commission qu'elle estimait lui être due en vertu d'un mandat reçu de cette société par échange de courriels, aux fins de négocier avec le club de football de Dortmund le transfert d'un joueur, ainsi qu'en allocation de dommages-intérêts. Sur le moyen relevé d'office 2. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 222-17 du code du sport, 1108-1 et 1316-1 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1316-4, devenu 1367 du même code, et 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 3. Selon le premier de ces textes, le contrat en exécution duquel l'agent sportif exerce l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés à l'article L. 222-7 du code du sport est écrit. 4. Aux termes du deuxième, lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 susvisés. Selon le troisième, l'écrit sous forme électronique vaut preuve à la condition que son auteur puisse être dûment identifié et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. Selon le quatrième, la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose et manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte et lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. 5. Il en résulte que, si le contrat en vertu duquel l'agent sportif exerce son activité peut être établi sous la forme électronique, il doit alors être revêtu d'une signature électronique. 6. Cependant, si celle-ci constitue l'une des conditions de validité du contrat, son absence, alors que ne sont contestées ni l'identité de l'auteur du courriel ni l'intégrité de son contenu, peut être couverte par une exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité, valant confirmation, au sens du dernier des textes susvisés. 7. Pour rejeter les demandes de la société AGT UNIT, l'arrêt se borne à retenir que les courriels échangés entre les parties, non dotés d'une signature électronique, ne répondent pas aux conditions d'exigence de validité de l'écrit électronique, de sorte que la société AGT UNIT ne peut se prévaloir d'un mandat conforme à l'article L. 222-17 du code du sport. 8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait préalablement constaté que M. Q..., en sa qualité de directeur général et membre du directoire de la société AS Saint-Etienne, avait le pouvoir d'engager celle-ci et de prévoir l'objet du mandat donné à M. K..., sa durée et sa rémunération, que, le 27 juin 2013, la société AS Saint-Etienne avait ainsi donné mandat à M. K..., jusqu'au 29 juin 2013 à minuit, de mener les négociations avec le club allemand de Dortmund pour procéder à la mutation définitive d'un joueur, avec une commission de 5 % de l'indemnité de mutation, majorée de 15 % de la survaleur supérieure à 15 000 000 euros, que ce mandat avait été transmis à la Fédération française de football et que, par échange de courriels du même jour, le mandat de M. K... avait été prorogé au dimanche 30 juin 2013 à 18 heures, ce dont il résultait que les parties avaient mis à exécution le contrat, en dépit de l'absence d'une signature électronique, ce qui valait confirmation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 11. Il y a lieu de dire que du fait de la confirmation intervenue, le contrat de mandat conclu le 27 juin 2013 entre la société AGT UNIT et la société AS Saint-Etienne n'encourt pas la nullité. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande en paiement de la société AGT UNIT, l'arrêt rendu le 16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la validité du contrat de mandat conclu le 27 juin 2013 entre la société AGT UNIT et la société AS Saint-Etienne ; Dit que ce contrat n'encourt pas la nullité ; Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, mais seulement pour qu'elle statue sur les autres points en litige ; Condamne la société AS Saint-Etienne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société AGT UNIT. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société AGT Unit tendant au versement par l'ASSE d'une somme de 777 400 euros au titre de la part fixe du montant du transfert, d'une somme de 90 000 euros au titre de la part variable du transfert et d'une somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; AUX MOTIFS QUE l'article L. 222-17 du code du sport exige un écrit, « en exécution duquel l'agent sportif exerce l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés à l'article L. 222-7 » ; qu'en revanche, il ne résulte pas de cet article que doive nécessairement exister un écrit unique signé par les parties constatant leur engagement réciproque, de telle sorte qu'il peut être satisfait aux exigences légales susvisées quand plusieurs actes ont été dressés ; que, s'il est constant qu'il n'est justifié d'aucun contrat de mandat écrit signé entre les parties, existe un échange de mails en date des 27 et 25 juin 2013 entre O... K... et U... Q... en sa qualité de directeur général et membre du directoire de l'ASSE à cette date et donc ayant en cette qualité le pouvoir d'engager la société et prévoyant l'objet du mandat donné à O... K..., sa durée et la rémunération ; que l'article 1108-1 du code civil énonce que lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 de ce même code, soit doit être doté d'une signature électronique ; qu'il est constant qu'aucun des mails échangés entre les parties n'a été doté d'une signature électronique ; qu'ils ne répondent donc pas aux conditions d'exigence de validité de l'écrit électronique ; que la SARL AGT Unit ne peut dès lors se prévaloir d'un quelconque mandat conforme à l'article L. 222-17 du code du sport donné par l'ASSE, condition nécessaire à sa demande en paiement d'une commission en exécution de ce mandat ; qu'il convient par conséquent de débouter la société AGT Unit de l'ensemble de ses demandes en paiement en exécution de ce mandat ; ALORS QUE l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ; que l'envoi d'un courrier électronique, par lequel son auteur donne mandat au destinataire du courrier, manifeste, tout comme le ferait une signature sur un écrit papier, le consentement de l'auteur du courrier aux obligations qui découlent de ce mandat ; que, si une partie ne dénie pas être l'auteur et l'expéditeur d'un tel courrier électronique et ne conteste pas l'intégrité du contenu du courrier produit au débat, la preuve de l'existence du mandat n'est pas subordonnée à ce que le courrier soit doté, en outre, d'une signature électronique ; que l'ASSE ne contestait pas que le courriel du 27 juin 2013 donnant mandat à M. K... avait été adressé à ce dernier par M. Q..., directeur général de l'ASSE, et ne soutenait pas que la copie de ce courriel versée au débat par la société AGT Unit (pièce n° 4), qui était identique à la copie qu'elle-même produisait devant la cour d'appel (pièce n° 3), n'aurait pas été fidèle au courriel original ; qu'en considérant, pour rejeter les demandes de la société AGT Unit malgré cette absence de contestation, que la société AGT Unit ne pouvait, à défaut de signature électronique, se prévaloir d'un quelconque mandat, la cour d'appel a violé l'article L. 222-17 du code du sport, ensemble les articles 1108-1, 1316-1 et 1316-4 du code civil, alors en vigueur.
En application des articles L. 222-17 du code du sport, 1108-1 et 1316-1 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1316-4, devenu 1367 du même code, le contrat en vertu duquel l'agent sportif exerce son activité doit être revêtu d'une signature électronique lorsqu'il est établi sous la forme électronique. Cependant, si celle-ci constitue l'une des conditions de validité du contrat, son absence, alors que ne sont contestées ni l'identité de l'auteur du courriel donnant mandat d'agent sportif ni l'intégrité de son contenu, peut être couverte par une exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité, valant confirmation en application de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 octobre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 536 F-P+B Pourvoi n° R 19-17.041 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 OCTOBRE 2020 L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-17.041 contre l'arrêt rendu le 4 février 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. E... P..., 2°/ à Mme F... P..., domiciliés tous deux [...], 3°/ à Mme O... P..., domiciliée [...] , tous trois pris tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de C... P..., 4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn-et-Garonne, dont le siège est [...] , 5°/ à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme P..., tant en leur nom personnel qu'ès qualités, et l'avis de M. Sudre, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 février 2019), C... P... est décédée, le [...], à la suite de la réalisation d'une coronarographie. 2. Après une saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, d'un avis de celle-ci imputant le décès de C... P... à la survenue d'un accident médical grave non fautif indemnisable au titre de la solidarité nationale, et d'un refus de l'offre d'indemnisation amiable adressée par l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), M. P..., époux de C... P..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de leur fille mineure F..., a assigné celui-ci en indemnisation. Mme O... P..., fille de M. P... et de C... P..., est intervenue volontairement à l'instance. 3. L'indemnisation des préjudices consécutifs au décès de C... P... a été mise à la charge de l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L'ONIAM fait grief à l'arrêt de fixer à certaines sommes les préjudices économiques respectifs de M. P... et Mme O... P..., alors « que les revenus du nouveau conjoint du conjoint survivant de la victime directe d'un accident médical non fautif, d'une affection iatrogènes ou d'une infection nosocomiale dont l'indemnisation a eu lieu au titre de la solidarité nationale doivent être pris en compte pour le calcul du préjudice économique de celui-ci ainsi que de leurs enfants ; qu'en refusant de tenir compte des nouvelles ressources dont pouvait bénéficier M. P... à la suite de son remariage pour calculer son préjudice économique ainsi que ceux de ses filles résultant du décès de sa première épouse et pris en charge par l'ONIAM, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour 5. L'arrêt retient à bon droit que si, après le décès de sa première épouse, M. P... s'est remarié et bénéficie de nouvelles ressources liées au salaire perçue par sa seconde épouse, celles-ci résultent de la réorganisation de son existence et ne sont pas la conséquence directe du décès, de sorte qu'elles n'ont pas à être prises en compte pour évaluer les préjudices économiques consécutifs au décès de C... P.... 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur la seconde branche du moyen, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné l'ONIAM à payer à monsieur P... la somme de 353 738,42 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016 à hauteur de 259 534,39 euros et à compter du 4 février 2019 à hauteur de 94 204,03 euros, et à O... P... la somme de 17 632,33 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016 à hauteur de 11 724,81 euros et à compter du 4 février 2019 à hauteur de 5 907,52 euros, au titre de leur préjudice économique respectif, déduction faite des prestations reçues du tiers payeur ; Aux motifs que, sur les préjudices économiques, au vu des avis d'imposition sur le revenu (revenus de 2007, année pleine précédant le décès survenu en cours d'année 2008) la défunte percevait un salaire annuel net imposable de 16 769 euros et le mari des revenus annuels de 21 288 euros de sorte que les revenus du couple à prendre en considération s'élevaient à la somme de 38 057 euros par an ; que la part conservée par madame P... pour ses besoins personnels doit être fixée à 15 % soit 5 708,55 euros, étant souligné que le couple avait trois enfants à charge ; que le revenu annuel disponible avant le décès pour le conjoint survivant y compris les frais fixes incompressibles du ménage et pour les enfants est donc de 32 348,45 euros (38 057 euros – 5 708,55 euros) ; qu'après le décès, selon ses avis d'imposition 2009 et 2010 (revenus de 2008 et 2009), monsieur P... a continué à percevoir son salaire ; que les nouvelles ressources dont il peut bénéficier, dues à la réorganisation de son existence à compter de février 2010 avec la reconstitution d'un foyer par remariage avec une épouse qui perçoit un salaire, n'ont pas à être prises en considération, s'agissant de revenus qui ne sont pas la conséquence directe du décès ; que la perte annuelle du foyer s'établit ainsi à 11 060,45 euros (32 348,45 euros – 21 288 euros), somme qui était affectée aux besoins personnels du mari, des trois enfants et aux frais fixes incompressibles du ménage ; que le préjudice viager du foyer s'élève ainsi à 406 195,02 euros soit pour la période passée, du décès le [...] au jour de la liquidation soit le 4 février 2019, date du présent arrêt, soit 126 mois la somme de 116 134,72 euros (11 060,45 euros / 12 mois x 126 mois), et pour la période à venir, au vu de l'euro de rente viagère du barème de capitalisation pour un homme âgé de 52 ans en février 2019 pour être né le [...] , soit un indice de 26,225, la somme de 290 060,30 euros (11 060,45 euros x 26,225) ; que l'époux étant plus âgé que son conjoint né le [...] avait, selon les tables de mortalité, l'espérance de vie la plus faible de sorte que l'euro de rente à prendre en considération est le sien et non celui de l'épouse ; que la part revenant à chaque enfant (étant précisé que l'aînée R... tout juste majeure lors du décès mais encore à charge n'est pas partie à la procédure) pour ses besoins personnels doit être fixée à 15 % de la perte annuelle soit 1 659,06 euros par an (15 % de 11 060,45 euros) de sorte que leur préjudice économique s'établit respectivement : pour O... à 19 070,89 euros, pour la période passée du décès le 28 juillet 2008 au jour de la liquidation soit le 4 février 2019, date du présent arrêt, soit 126 mois la somme de 17 420,13 euros (1 659,06 euros / 12 mois x 126 mois) et pour la période à venir au vu de l'euro de rente temporaire jusqu'à 25 ans pour une personne de sexe féminin âgée de 24 ans en février 2019 pour être née le [...] , soit un indice de 0,995, la somme de 1 650,76 euros (1 659,06 euros x 0,995), et pour F... à 27 193,65 euros, pour la période passée du décès le 28 juillet 2008 au jour de la liquidation soit le 4 février 2019, date du présent arrêt, soit 126 mois la somme de 17 420,13 euros (1 659,06 euros / 12 mois x 126 mois) et pour la période à venir au vu de l'euro de rente temporaire jusqu'à 25 ans pour une personne de sexe féminin âgée de 19 ans en février 2019 pour être née le [...] , soit un indice de 5,891, la somme de 9 773,52 euros (1 659,06 euros x 5,891) ; que le préjudice économique de monsieur P... s'établit à 359 930,48 euros soit la perte viagère du foyer (406 195,02 euros) déduction faite de la part temporaire des deux enfants (19 070,89 euros + 27 193,65 euros) ; qu'n effet, la part temporairement absorbée par les enfants doit revenir au conjoint survivant lorsqu'ils auront cessé d'être à la charge du parent et seront devenus financièrement autonomes au-delà de 25 ans ; que de chacune de ces indemnités doit être déduit, comme l'ensemble des parties l'admettent, les sommes versées par la CNRACL gérée par la Caisse des dépôts et consignations au titre des pensions d'W... ou de la pension anticipée de réversion, soit 1 438,56 euros pour O..., 35 530,18 euros pour F... et 6 192,06 euros pour monsieur P... du 1er août 2008 au 13 février 2010, date de son remariage, ce qui les ramène respectivement à 17 632,33 euros (19 070,89 euros – 1 438,56 euros) pour O..., 0 euros (27 193,65 euros – 35 530,18 euros) pour F... et 353 738,42 euros (359 930,48 euros – 6 192,06 euros) pour monsieur P... ; qu'en effet, les prestations ainsi versées aux ayants droit de la victime directe par la CNRACL en raison du décès de madame P... relèvent de prestations mentionnées à l'article 7 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 et à l'article 29 2° de la loi du 5 juillet 1985 applicable quel que soit l'événement dommageable et réparent incontestablement le poste de leur préjudice économique ; qu'elles doivent être déduites des indemnités judiciairement allouées pour ce chef de dommage, même si l'organisme en cause ne peut effectivement exercer son recours subrogatoire à l'encontre de l'ONIAM, dès lors qu'il n'est pas l'auteur responsable de l'accident survenu à la victime mais assure la prise en charge des conséquences de l'accident médical non fautif au titre de la solidarité nationale ; 1) Alors que les revenus du nouveau conjoint du conjoint survivant de la victime directe d'un accident médical non fautif , d'une affection iatrogènes ou d'une infection nosocomiale dont l'indemnisation a eu lieu au titre de la solidarité nationale doivent être pris en compte pour le calcul du préjudice économique de celui-ci ainsi que de leurs enfants ; qu'en refusant de tenir compte des nouvelles ressources dont pouvait bénéficier monsieur P... à la suite de son remariage pour calculer son préjudice économique ainsi que ceux de ses filles résultant du décès de sa première épouse et pris en charge par l'ONIAM, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1, II, du code de la santé publique ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; 2) Alors, par ailleurs, que le préjudice doit être indemnisé intégralement, sans perte ni profit pour la victime ; qu'en allouant à monsieur P..., au titre de son préjudice économique, une somme calculée à partir du revenu de son épouse avant son décès ainsi que de son propre revenu à ce moment-là avec application à la perte annuelle du foyer de l'euro de rente viagère du barême de capitalisation pour un homme âgé de 52 ans en février 2019 sur la base de ses revenus d'activité après le décès de son épouse en 2008 et 2009, sans tenir compte de la diminution de ces revenus à partir de la date prévisible du départ à la retraite de chacun des époux concernés, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1, II, du code de la santé publique, ensemble le principe susvisé.
Les nouvelles ressources de l'époux, liées au salaire perçu par sa seconde épouse, suite à son remariage après le décès de sa première épouse, n'ont pas à être prises en compte pour évaluer les préjudices économiques consécutifs au décès de la première épouse, celles-ci résultant de la réorganisation de son existence et n'étant pas la conséquence directe du décès
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CIV. 3 IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 733 FS-PBI Pourvoi n° G 19-20.737 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 La société Edelweiss marine, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-20.737 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Foncière Résiouest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Edelweiss marine, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Foncière Résiouest, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guillaudier, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mmes Farrenq-Nesi, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-11.015), la société Foncière Résiouest, propriétaire d'un immeuble, a demandé à la société Cogedim vente de procéder à sa vente par lots. 2. La société Cogedim vente a notifié à M. B... et à son épouse, locataires d'un appartement et de divers locaux dans cet immeuble, conformément aux dispositions de l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975, une offre de vente qu'ils n'ont pas acceptée. 3. M. et Mme B... ont assigné la société Foncière Résiouest, la société Cogedim vente et la société Edelweiss marine, acquéreur des locaux loués, en nullité des offres de vente qui leur ont été adressées, ainsi que de la vente consentie ultérieurement, et en réparation de leur préjudice. 4. La société Foncière Résiouest a sollicité la restitution des loyers versés par les locataires à la société Edelweiss marine depuis le 1er juillet 2005. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6. La société Edelweiss marine fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Foncière Résiouest le montant des loyers perçus du 1er juillet 2005 au 30 août 2016, alors « que seule la demande en restitution émanant du propriétaire évincé à la suite de la vente annulée a pour effet de constituer possesseur de mauvaise foi, au sens de l'article 549 du code civil, l'acquéreur ayant perçu les fruits de la chose, en l'obligeant à les restituer ; qu'en l'espèce, la société Edelweiss Marine faisait valoir qu'elle ne pouvait être tenue à restitution des loyers qu'à compter du 7 avril 2015, date de la demande en restitution émanant de la société Foncière Résiouest ; qu'en jugeant que la société Edelweiss marine, en raison de l'effet rétroactif de la nullité, était tenue de restituer les loyers qu'elle avait perçus à compter de l'assignation en nullité délivrée par les époux B..., locataires du bien vendu, en mars 2007, la cour d'appel a violé le texte précité et l'article 1184 du code civil, celui-ci dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 549 du code civil, le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique. 8. Selon l'article 550 du code civil, le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices. Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus. 9. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (3e Civ., 27 novembre 2002, pourvoi n° 01-12.444, Bull. 2002, III, n° 244 ), à compter de la demande en justice tendant à la résolution ou à l'annulation de la vente, le possesseur ne peut invoquer la bonne foi. 10. Il importe peu à cet égard que la demande en résolution ou en annulation émane d'un tiers au contrat de vente. 11. La cour d'appel a constaté que M. et Mme B... avaient demandé en justice l'annulation de la vente par assignation délivrée les 15 et 21 mars 2007. 12. Elle a relevé que la nullité de la vente avait été prononcée le 21 octobre 2016. 13. Elle a pu en déduire que la société Edelweiss marine ne pouvait opposer sa bonne foi à la société Foncière Résiouest à compter de la demande en annulation de la vente et que celle-ci était fondée à lui réclamer la restitution des loyers versés par les locataires entre le 1er avril 2007 et le 28 octobre 2016. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Edelweiss marine aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Edelweiss marine et la condamne à payer à la société Foncière Résiouest la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Edelweiss marine PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande de la société Foncière Résiouest en restitution des loyers perçus par la SCI Edelweiss Marine du 1er juillet 2005 au 30 août 2016 et condamné la SCI Edelweiss Marine à payer à la société Foncière Résiouest la somme de 460 692,48 euros outre les intérêts au taux légal à compter de son prononcé ; AU MOTIFS QUE le délai de prescription de l'action en restitution des loyers perçus par la SCI Edelweiss Marine n'a couru qu'à compter du jour où la nullité de la vente a été prononcée, soit le 21 octobre 2016 ; que l'action de la société Foncière Résiouest, qui a formé sa demande le 30 août 2016, n'est donc pas prescrite ; ALORS QUE la prescription n'est suspendue qu'au profit de celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir ; que le vendeur d'immeuble assigné en nullité de la vente est en mesure de formuler dès la notification de l'assignation une demande reconventionnelle contre l'acquéreur en restitution des loyers que celui-ci a perçus à compter de la conclusion de la vente ; qu'en considérant que la prescription de l'action en restitution des loyers n'avait couru qu'à compter du prononcé de la nullité de la vente, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Foncière Résiouest n'avait eu la possibilité d'agir et d'interrompre la prescription en formant, au besoin à titre conservatoire, une demande reconventionnelle en restitution des loyers contre la société Edelweiss Marine dès que lui a été notifiée l'assignation en nullité de la vente délivrée au mois de mars 2007 par les époux B..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2234 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI Edelweiss Marine à payer à la société Foncière Résiouest la somme de 460 692,48 euros outre les intérêts au taux légal à compter de son prononcé au titre de la restitution des loyers perçus par la SCI Edelweiss Marine du 1er juillet 2005 au 30 août 2016 ; AUX MOTIFS QUE si par l'effet rétroactif de la nullité, la SCI Edelweiss est réputée n'avoir jamais été propriétaire du bien litigieux, en application des dispositions des articles 549 et 550 du code civil elle est fondée à conserver les loyers produits par le bien dès lors qu'elle est de bonne foi ; qu'elle ne peut opposer sa bonne foi à la société Foncière Résiouest à compter de la demande en justice en annulation de la vente, soit à compter de l'assignation qu'ont fait délivrer M. et Mme B... les 15 et 21 mars 2007 ; qu'il s'ensuit que la société Foncière Résiouest est fondée à réclamer la condamnation de la SCI Edelweiss Marine à la restitution des loyers versés par ces derniers entre le 1er avril 2007 et le 28 octobre 2016 à la SCI Edelweiss Marine, soit la somme de 460 692,48 euros selon le décompte versé aux débats ; ALORS QUE seule la demande en restitution émanant du propriétaire évincé à la suite de la vente annulée a pour effet de constituer possesseur de mauvaise foi, au sens de l'article 549 du code civil, l'acquéreur ayant perçu les fruits de la chose, en l'obligeant à les restituer ; qu'en l'espèce, la société Edelweiss Marine faisait valoir qu'elle ne pouvait être tenue à restitution des loyers qu'à compter du 7 avril 2015, date de la demande en restitution émanant de la société Foncière Résiouest ; qu'en jugeant que la société Edelweiss Maine, en raison de l'effet rétroactif de la nullité, était tenue de restituer les loyers qu'elle avait perçus à compter de l'assignation en nullité délivrée par les époux B..., locataires du bien vendu, en mars 2007, la cour d'appel a violé le texte précité et l'article 1184 du code civil, celui-ci dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
A compter de la demande en justice tendant à la résolution ou à l'annulation de la vente, le possesseur des fruits ne peut invoquer la bonne foi et il importe peu à cet égard que la demande en résolution ou en annulation émane d'un tiers au contrat de vente. Dès lors, une cour d'appel qui a constaté que les locataires d'un immeuble avaient demandé en justice l'annulation de la vente de celui-ci par assignation délivrée les 15 et 21 mars 2007 et relevé que la nullité de la vente avait été prononcée le 21 octobre 2016, a pu en déduire que l'acquéreur de l'immeuble ne pouvait opposer sa bonne foi au vendeur à compter de la demande en annulation de la vente et que celui-ci était fondé à lui réclamer la restitution des loyers versés par les locataires entre le 1er avril 2007 et le 28 octobre 2016
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 558 FS-P+B Pourvoi n° C 19-11.187 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 M. E... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-11.187 contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme B... N..., épouse Y..., domiciliée [...] , 2°/ à la société Prédica Prévoyance Dialogue du Crédit agricole, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. E... N..., de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Prédica Prévoyance Dilaogue du Crédit agricole, et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Le Cotty, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 octobre 2018), G... K... est décédée le [...], laissant pour lui succéder ses deux enfants, M. E... et Mme Q... N..., en l'état d'un testament olographe du 27 décembre 2001 instituant sa fille légataire de la moitié de la quotité disponible et Mme B... N..., fille de M. E... N..., légataire de l'autre moitié. Désignée tutrice de sa mère, Mme Q... N... a été autorisée en 2007 par le juge des tutelles à souscrire au nom de celle-ci un contrat d'assurance sur la vie auprès de la société Prédica, dont le paragraphe « bénéficiaires des garanties en cas de décès » indique « mes héritiers ». Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 3. M. E... N... fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que les seuls héritiers de G... K... sont Mme Q... N... et M. E... N..., que la société Predica a commis une faute d'imprudence en procédant elle-même à la répartition des fonds provenant du contrat d'assurance sur la vie selon sa propre appréciation, contraire à celle du juge des tutelles, et que cette dernière soit condamnée à lui payer la somme de 30 497,61 euros en principal, alors « que seuls les légataires universels peuvent être assimilés à des héritiers ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance à Mme B... N..., petite-fille de la défunte et légataire à titre universel, que le terme d' héritiers "présent dans la clause bénéficiaire devait s'entendre des héritiers légaux et testamentaires", quand un légataire à titre universel ne saurait être assimilé à un héritier, la cour d'appel a violé les articles 724 et 731 du code civil, ensemble les articles 1003 et 1010 du même code. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 132-8 du code des assurances, le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés. Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la désignation comme bénéficiaires des héritiers ou ayants droit de l'assuré. Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires et conservent ce droit en cas de renonciation à la succession. 5. Pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d'« héritier », qui peut s'entendre d'un légataire à titre universel, il appartient aux juges du fond d'interpréter souverainement la volonté du souscripteur, en prenant en considération, le cas échéant, son testament. 6. Après avoir relevé que G... K... avait, par testament olographe désignant ses héritiers et précisant la part revenant à chacun d'eux, formalisé ses volontés avant son placement en tutelle et la souscription en son nom du contrat d'assurance sur la vie, et souverainement apprécié la volonté de la défunte, la cour d'appel a pu en déduire que le capital garanti devait être réparti entre les héritiers légaux et les légataires à titre universel de G... K.... 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. E... N... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. E... N... et le condamne à payer à la société Prédica la somme de 2 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. E... N... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. N... de l'ensemble des demandes tendant à ce qu'il soit jugé que les seuls héritiers de Mme G... K... sont Mme Q... N... et M. E... N..., que la société Predica avait commis une faute d'imprudence en procédant elle-même à la répartition des fonds provenant du contrat d'assurance-vie selon sa propre appréciation, contraire à celle du Juge des tutelles, et à ce que la société Predica soit condamnée à lui payer la somme de 30 497,61 € en principal ; AUX MOTIFS PROPRES QUE M. N... reproche au premier juge d'avoir retenu que les héritiers de G... K... avaient été désignés par celle-ci dans son testament olographe du 27 décembre 2001 par lequel elle léguait la quotité disponible de sa succession à sa fille Q... et sa petite-fille B... ; qu'il souligne que le contrat d'assurance vie Floriane signé le 24 juillet 2007 vise comme bénéficiaires les héritiers et que l'acte du décembre 2001 institue des légataires notion distincte de celle d'héritiers comme retenu par la jurisprudence ; qu'il relève que le juge des tutelles lui a confirmé avoir autorisé la souscription d'assurance vie au bénéfice des héritiers ; que dès lors, il soutient que le tribunal a mal interprété les dispositions de l'article L. 132-8 du code des assurances et qu'il a droit à la moitié du capital décès soit à la somme de 30 497,61 € n'ayant reçu que 60 249 €, sa fille B... 30 124 € et sa soeur Q... 90 374 €, le montant à répartir étant de 180 748,87 € ; que la société Predica rétorque que l'appelant n'est pas héritier pour la moitié de la succession et qu'il ne peut donc prétendre à la moitié du contrat d'assurance vie souscrit par sa mère ; qu'elle rappelle en tout état de cause que si l'expression d'« héritiers » devait être considérée comme ambigüe, il appartient à la juridiction de déterminer la volonté clairement exprimée par l'assurée par son testament de 2001 ; que le contrat d'assurance vie Floriane n°[...] souscrit auprès de Predica le 24 juillet 2007 et ouvert au nom de G... K... divorcée N... et sur autorisation du juge des tutelles, vise dans son paragraphe bénéficiaires des garanties en cas de décès : mes héritiers ; qu'effectivement par son courrier du 26 juillet 2011, le juge des tutelles rappelle qu'il n'a pas été autorisé de libellé de la clause bénéficiaire au profit d'autres personnes que les héritiers ; qu'il est établi que par son testament olographe du 27 décembre 2001, G... N... a institué sa fille comme légataire de la moitié de la quotité disponible (1/3) soit 1/6 de la succession en pleine propriété et sa petite fille B... légataire de l'autre moitié de la quotité disponible (1/3) soit 1/6 de la succession en pleine propriété ; ainsi M. N... est héritier pour 1/3 en pleine propriété, sa soeur pour 1/2 en pleine propriété et sa fille pour 1/6 en pleine propriété ; que le terme d'héritier doit s'entendre des héritiers légaux ou testamentaires et alors que G... K... divorcée N... a précisément formalisé ses volontés sur ce point et antérieurement à son placement sous le régime de tutelle et à la souscription du contrat d'assurance vie ; que l'article L. 312-8 du code des assurances dispose que le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés, est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis ; qu'il est précisé que les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires ; que puisque la mention mes héritiers a été portée à la rubrique des bénéficiaires, à raison, la société Predica a donc procédé à la répartition entre les héritiers testamentaires et selon donc les modalités clairement déterminées de son vivant par G... K... veuve N... ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant qu'il résulte de l'article L. 132-8 du Code des assurances que le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés ; qu'est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis ; qu'est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des héritiers de l'assuré et que les héritiers ainsi désignés ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Madame K... a, par testament olographe, désigné ses héritiers et précisé la part revenant à chacun d'eux ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que la société PREDICA a réglé la somme de 30 124€ à Madame B... N... épouse Y... au titre du contrat d'assurance vie litigieux et il convient de débouter Monsieur E... N... de l'ensemble de ses demandes ; 1° ALORS QUE seuls les successeurs désignés par la loi ont la qualité d'héritiers ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance-vie à Mme B... N..., petite-fille de la défunte et légataire à titre universel, que le terme d'« héritiers » présent dans la clause bénéficiaire devait s'entendre « des héritiers légaux et testamentaires », quand les successeurs désignés par testament sont des légataires, et non des héritiers, la cour d'appel a violé les articles 724 et 731 du code civil ; 2° ALORS QU'en toute hypothèse, le terme d' « héritiers » employé par le juge des tutelle ne peut recevoir que son acceptation légale, et viser les successeurs désignés par la loi ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance à Mme B... N..., petite-fille de la défunte et légataire à titre universel, que le terme d'« héritiers » présent dans la clause bénéficiaire devait s'entendre « des héritiers légaux et testamentaires », tout en constatant que ladite clause bénéficiaire avait été autorisée par le juge des tutelles (arrêt, p. 4, al. 3) qui ne pouvait employer ce terme que dans son sens légal qui vise les successeurs désignés par la loi, la cour d'appel a violé les articles 724 et 731 du code civil, ensemble les articles 457 et 495 anciens du code civil ; 3° ALORS QU'en toute hypothèse, les descendants d'un majeur sous tutelle ne peuvent être valablement gratifiés que s'ils sont des héritiers légaux et en avancement de part successorale ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance à Mme B... N..., que le terme d'« héritiers » présent dans la clause bénéficiaire autorisée par le juge des tutelles devait s'entendre « des héritiers légaux et testamentaires », quand Mme B... N..., petite-fille de la défunte, n'était pas héritière mais légataire à titre universel, de sorte qu'elle ne pouvait être valablement gratifiée par sa grand-mère sous tutelle, même avec autorisation du juge des tutelles, la cour d'appel a violé l'article 505 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ; 4° ALORS QU'en toute hypothèse, seuls les légataires universels peuvent être assimilés à des héritiers ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance à Mme B... N..., petite-fille de la défunte et légataire à titre universel, que le terme d'« héritiers » présent dans la clause bénéficiaire devait s'entendre « des héritiers légaux et testamentaires », quand un légataire à titre universel ne saurait être assimilé à un héritier, la cour d'appel a violé les articles 724 et 731 du code civil, ensemble les articles 1003 et 1010 du même code.
Selon l'article L. 132-8 du code des assurances, le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés. Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la désignation comme bénéficiaires des héritiers ou ayants droit de l'assuré. Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires et conservent ce droit en cas de renonciation à la succession. Pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d'« héritier », qui peut s'entendre d'un légataire à titre universel, il appartient aux juges du fond d'interpréter souverainement la volonté du souscripteur, en prenant en considération, le cas échéant, son testament
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 559 FS-P+B Pourvoi n° Q 19-11.543 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme Y.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 4 décembre 2018. Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme I.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 13 juin 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 Mme V... Y..., épouse O..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-11.543 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2017 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme S... I..., épouse D..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme Y..., de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme I..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Le Cotty, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 décembre 2017), G... Y... est décédé le 13 janvier 2005, laissant pour lui succéder sa fille, Mme Y..., en l'état de trois testaments olographes des 15 novembre 2000, 17 novembre 2000 et 24 septembre 2003 instituant Mme I... légataire universelle. Un arrêt du 25 mars 2008, devenu irrévocable après rejet d'un pourvoi (1re Civ., 15 décembre 2010, pourvoi n° 09-66.870), a rejeté la demande de Mme Y... tendant à l'annulation des testaments. 2. Par acte du 13 octobre 2014, Mme I... a assigné cette dernière en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre elles sur l'immeuble dépendant de la succession. Elle a sollicité la délivrance de son legs par conclusions du 29 octobre 2015. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Mme Y... fait grief à l'arrêt de déclarer recevable et bien fondée l'action en délivrance du legs universel exercée par Mme I..., alors « que le délai de l'action en délivrance du legs commence de courir à compter de l'ouverture de la succession ; que cette action a pour objet la reconnaissance provisoire du titre du légataire, de façon qu'il puisse exercer, jusqu'à ce qu'il soit statué sur la validité du titre dont il se prévaut, ses droits sur les biens successoraux ; que les contestations relatives à la validité du legs n'exercent donc aucune incidence sur son exercice ; qu'il s'ensuit que, dans le cas où un héritier conteste la validité du legs, le légataire n'est pas empêché d'exercer l'action en délivrance du legs ; qu'en décidant le contraire, ce qui lui a permis d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'acquisition du délai de la prescription, telle que Mme V... Y...-O... l'invoquait, la cour d'appel a violé les articles 1004, 1011, 1014 et 2234 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. Mme I... conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau. 5. Cependant, le moyen ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond. 6. Le moyen, de pur droit, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 1004 et 2234 du code civil : 7. Il résulte du premier de ces textes qu'à défaut de délivrance volontaire, le légataire universel est tenu de demander en justice la délivrance des biens compris dans le testament aux héritiers réservataires. 8. L'action en nullité du testament engagée par un héritier réservataire, qui n'empêche pas le légataire universel d'exercer l'action en délivrance de son legs au sens du second de ces textes, n'en suspend pas la prescription. 9. Pour déclarer recevable et bien fondée la demande de Mme I... en délivrance du legs universel dont G... Y... l'a gratifiée, l'arrêt retient que celle-ci ne pouvait agir judiciairement en délivrance de son legs tant que son droit de légataire universelle n'était pas définitivement établi, ce qui n'est intervenu que lors du prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2010 mettant fin au litige sur ce point. Il ajoute que cette demande ayant été expressément formulée devant le tribunal par conclusions du 29 octobre 2015, elle n'est donc pas prescrite. 10. En statuant ainsi, alors que le délai de l'action en délivrance du legs, qui avait commencé à courir le jour du décès de G... Y..., n'avait pas été suspendu par l'action en nullité des testaments engagée par Mme Y..., la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle de l'ensemble des chefs de dispositif de l'arrêt. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne Mme I... aux dépens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme Y... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré recevable et bien fondée l'action que Mme S... I...-D... a formée contre Mme V... Y...-O..., héritière réservataire de son père, G... Y..., pour obtenir la délivrance du legs universel dont celui-ci l'a gratifiée ; AUX MOTIFS QUE « le droit de légataire universelle de Mme D... a été contesté par l'héritière réservataire, Mme O..., par le biais de l'action en nullité des testaments rédigés par M. Y... [; qu']il s'ensuit [ ]que Mme D... ne pouvait agir judiciairement en délivrance de son legs tant que son droit de légataire universelle n'était pas définitivement établi, ce qui n'interviendra que lors du prononcé, le 15 décembre 2010, de l'arrêt de la cour de cassation mettant fin au litige sur ce point » (cf. arrêt attaqué, p. 7, sur ce, 4e alinéa, lequel s'achève p. 8) ; que « c'est donc bien à la date du 15 décembre 2010 qu'il y a lieu de se placer pour apprécier le délai de prescription applicable à l'action en délivrance du legs par la légataire universelle » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 1er alinéa) ; « que cette demande en délivrance de son legs par Mme D... n'est donc pas prescrite » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 3e alinéa) ;. ALORS QUE le délai de l'action en délivrance du legs commence de courir à compter de l'ouverture de la succession ; que cette action a pour objet la reconnaissance provisoire du titre du légataire, de façon qu'il puisse exercer, jusqu'à ce qu'il soit statué sur la validité du titre dont il se prévaut, ses droits sur les biens successoraux ; que les contestations relatives à la validité du legs n'exercent donc aucune incidence sur son exercice ; qu'il s'ensuit que, dans le cas où un héritier conteste la validité du legs, le légataire n'est pas empêché d'exercer l'action en délivrance du legs ; qu'en décidant le contraire, ce qui lui a permis d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'acquisition du délai de la prescription, telle que Mme V... Y...-O... l'invoquait, la cour d'appel a violé les articles 1004, 1011, 1014 et 2234 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR condamné Mme V... Y...-O..., héritière réservataire de son père, G... Y..., à payer, dans la limite de la prescription décennale, à l'indivision successorale dont elle est membre avec Mme S... I...-D..., légataire universelle de G... Y..., une indemnité d'occupation de 400 € par mois ; AUX MOTIFS QU'« il y a lieu de considérer, comme l'a justement fait le tribunal, que l'appelante occupe l'immeuble en cause depuis l'ouverture de la succession et non depuis le 3 novembre 2015 [; que] le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné Mme O... à verser une indemnité d'occupation dans les limites de la prescription et pour une montant non contesté de 400 € par mois »(cf. arrêt attaqué, p. 8, 5e alinéa) ; qu'« il n'est pas contesté que Mme V... O..., née Y..., occupe le bien indivis depuis l'ouverture de la succession » (cf. jugement entrepris, p. 4, sur les autres demandes, 4e alinéa) ; qu'« elle est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation fixée à 400 € par mois, en l'absence de contestation subsidiaire sur le montant sollicité » (cf. jugement entrepris, p. 4, sur les autres demandes, 5e alinéa) ; . ALORS QUE le légataire à universel n'a droit aux fruits de la succession que s'il a demandé la délivrance de son legs dans l'année de l'ouverture de la succession ; que, dans le cas contraire, il a droit aux fruits de la succession seulement à compter de la date à laquelle il agit en délivrance de son legs ; qu'en allouant, via la condamnation de Mme V... Y...-O... à payer à l'indivision successorale une indemnité d'occupation, à Mme S... I...-D..., légataire universelle qui n'a pas agi en délivrance dans l'année de l'ouverture de la succession (13 janvier 2005), les fruits successoraux qui sont antérieurs à la date de l'introduction de l'action en délivrance de son legs (29 octobre 2015), la cour d'appel a violé l'article 1005 du code civil.
Il résulte de l'article 1004 du code civil qu'à défaut de délivrance volontaire, le légataire universel est tenu de demander en justice la délivrance des biens compris dans le testament aux héritiers réservataires. L'action en nullité du testament engagée par un héritier réservataire, qui n'empêche pas le légataire universel d'exercer l'action en délivrance de son legs au sens de l'article 2234 du code civil, n'en suspend pas la prescription
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CIV. 1 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 568 F-P+B Pourvoi n° A 19-19.028 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. P.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 7 mai 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 M. E... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 19-19.028 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (2e chambre A), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, 1 rue du Palais de justice, 69321 Lyon cedex 05, défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. P..., et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 novembre 2018), M. P..., originaire des Comores, a saisi le tribunal de grande instance de Lyon d'une action déclaratoire de nationalité sur le fondement de l'article 21-13 du code civil après s'être vu refuser l'enregistrement de sa déclaration acquisitive de nationalité française souscrite le 11 octobre 2013. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. M. P... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas souscrit sa déclaration de nationalité dans un délai raisonnable et qu'il n'est pas français, alors « que l'existence d'une décision ne suffit jamais à établir que les parties en ont eu connaissance et qu'en cas d'extranéité constatée, le délai raisonnable pour faire une déclaration de nationalité française en application de l'article 21-13 du code civil ne commence à courir qu'à compter de la connaissance par le déclarant de son extranéité ; qu'en retenant, pour débouter M. P... de son action déclaratoire, que la déclaration de nationalité, ayant été souscrite plus de dix-sept ans après la constatation judiciaire de son extranéité, était nécessairement tardive, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs insuffisants à établir que M. P..., qui soutenait n'avoir été informé de son extranéité qu'en octobre 2013, avait eu effectivement connaissance de l'arrêt du 30 juin 1998 peu après son prononcé ; que ce faisant, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 21-13 du code civil. » Réponse de la Cour 3. Il résulte de l'article 21-13 du code civil que, peut réclamer la nationalité française par déclaration la personne qui a joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français pendant les dix années précédant sa déclaration, à condition d'agir dans un délai raisonnable à compter de la connaissance de son extranéité. 4. L'arrêt retient que M. P... ne peut valablement soutenir qu'il ignorait le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 12 septembre 1996 dont il a fait appel et qui a été confirmé par un arrêt du 30 juin 1998, et que si la constatation judiciaire de son extranéité en 1996 n'a pas, à elle seule, pour effet de rendre équivoque sa possession d'état, l'intéressé n'explique pas pour quelles raisons, après s'être vu dénier la qualité de Français en septembre 1996, il a attendu plus de dix-sept ans avant de souscrire une déclaration de nationalité française sur le fondement de la possession d'état. 5. En déduisant de ces énonciations et constatations que M. P... avait eu connaissance de son extranéité en 1996, de sorte que la souscription de sa déclaration de nationalité en 2013 était tardive, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. P... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCP Le Griel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. P... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé un jugement disant que M. P... n'a pas souscrit sa déclaration de nationalité dans un délai raisonnable et qu'il n'est pas français ; aux motifs que Monsieur E... P... ne peut en effet pas valablement soutenir ne pas avoir été au courant du jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 12 septembre 1996 dont il a fait appel et qui a été confirmé et que si cette constatation judiciaire de son extranéité en 1996 n'a pas, à elle seule, pour effet de rendre équivoque sa possession d'état, Monsieur E... P... n'explique pas sérieusement pour quelles raisons, après s'être vu dénier la qualité de Français en septembre 1996, il a attendu plus de dix-sept ans avant de souscrire une déclaration de nationalité française sur le fondement de la possession d'état ; alors que l'existence d'une décision ne suffit jamais à établir que les parties en ont eu connaissance et qu'en cas d'extranéité constatée, le délai raisonnable pour faire une déclaration de nationalité française en application de l'article 21-13 du Code civil ne commence à courir qu'à compter de la connaissance par le déclarant de son extranéité ; qu'en retenant, pour débouter Monsieur P... de son action déclaratoire, que la déclaration de nationalité, ayant été souscrite plus de dix-sept ans après la constatation judiciaire de son extranéité, était nécessairement tardive, la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs insuffisants à établir que Monsieur P..., qui soutenait n'avoir été informé de son extranéité qu'en octobre 2013, avait eu effectivement connaissance de l'arrêt du 30 juin 1998 peu après son prononcé ; que ce faisant, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 21-13 du code civil.
Il résulte de l'article 21-13 du code civil que, peut réclamer la nationalité française par déclaration la personne qui a joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français pendant les dix années précédant sa déclaration, à condition d'agir dans un délai raisonnable à compter de la connaissance de son extranéité. Justifie légalement sa décision la cour d'appel qui, pour juger tardive une déclaration de nationalité, retient, d'une part, que le déclarant ne peut valablement soutenir qu'il ignorait le jugement ayant constaté son extranéité dont il avait fait appel et qui avait été confirmé, d'autre part, qu'il n'explique pas pour quelles raisons, après s'être vu dénier la qualité de Français par ledit jugement, il a attendu plus de dix-sept ans avant de souscrire une déclaration de nationalité française sur le fondement de la possession d'état
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CIV. 1 MY2 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 572 F-P+B Pourvoi n° V 19-17.620 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 M. N... W..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 19-17.620 contre le jugement rendu le 9 avril 2019 par le juge du tribunal d'instance de Sens, dans le litige l'opposant à M. K... L..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, domicilié [...] , défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. W..., de Me Brouchot, avocat de M. L..., mandataire judiciaire, et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Sens, 9 avril 2019) et les pièces de la procédure, Mme W... a été placée sous tutelle en 2014. M. L..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, a été désigné en qualité de tuteur d'octobre 2014 à avril 2017, date à laquelle le juge des tutelles a ouvert une mesure d'habilitation familiale et désigné son fils, M. W..., pour la représenter. Par déclaration au greffe du 10 septembre 2018, celui-ci a demandé la condamnation de M. L... à lui payer la somme de 3 169 euros au titre d'un trop-perçu de rémunération et celle de 800 euros à titre de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 2. M. W... fait grief au jugement de rejeter ses demandes tendant au remboursement d'un trop-perçu et au versement de dommages-intérêts, alors « que la participation de la personne protégée étant fonction de ses ressources, le juge du tribunal d'instance ne pouvait débouter M. W... en raison de ce que « M. L... a été contraint d'effectuer un travail particulièrement important pour retrouver les pièces fiscales et autres justificatifs qui avaient disparu ou avaient été jetés » ; qu'en statuant ainsi, le juge du tribunal d'instance a violé l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles 419, alinéas 2, 3 et 4, du code civil, L. 471-5, R. 471-5, R. 471-5-1 et R. 471-5-2 du code de l'action sociale et des familles, ces derniers dans leur rédaction applicable à la cause : 3. Aux termes du premier de ces textes : « Si la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources et selon les modalités prévues par le code de l'action sociale et des familles. Lorsque le financement de la mesure ne peut être intégralement assuré par la personne protégée, il est pris en charge par la collectivité publique, selon des modalités de calcul communes à tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et tenant compte des conditions de mise en oeuvre de la mesure, quelles que soient les sources de financement. Ces modalités sont fixées par décret. A titre exceptionnel, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre des deux alinéas précédents lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes. Cette indemnité est à la charge de la personne protégée. » 4. Aux termes du deuxième : « Le coût des mesures exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources. Lorsqu'il n'est pas intégralement supporté par la personne protégée, il est pris en charge dans les conditions fixées par les articles L. 361-1, L. 472-3 et L. 472-9. A titre exceptionnel, le juge peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par l'exercice de la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre du premier alinéa lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes. Cette indemnité est à la charge de la personne et est fixée par le juge en application d'un barème national établi par décret. » 5. Le troisième fixe les ressources prises en compte pour la détermination du montant de la participation de la personne protégée. 6. Il résulte du quatrième que la participation de la personne protégée est versée au mandataire judiciaire à la protection des majeurs par douzième tous les mois échus sur la base du montant annuel des ressources dont a bénéficié la personne protégée l'avant-dernière année civile. Un ajustement du montant de la participation dû compte tenu du montant des ressources dont a bénéficié la personne pendant l'avant-dernière année civile est effectué au plus tard le 31 décembre de l'année de perception de la participation. 7. Il résulte du cinquième que, sauf lorsque les revenus de la personne protégée sont insuffisants, un prélèvement est effectué selon un barème progressif. 8. Il se déduit de l'ensemble de ces dispositions que la participation de la personne protégée au financement de la mesure est fonction de ses ressources et que ce n'est que lorsque le juge des tutelles est saisi d'une demande d'indemnité exceptionnelle que des diligences particulièrement longues ou complexes peuvent être prises en considération. 9. Pour rejeter la demande en restitution d'un trop-perçu, par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, sur les ressources de la personne protégée, le tribunal d'instance retient qu'au début de sa mission, M. L... a été contraint d'effectuer un travail particulièrement important pour retrouver les pièces fiscales et autres justificatifs qui avaient disparu ou avaient été jetés. 10. En statuant ainsi, sans examiner, comme il le lui était demandé, si le prélèvement sur les ressources de Mme W... n'excédait pas les montants fixés par les textes susvisés, le tribunal, qui n'était pas saisi d'une demande de restitution d'un trop-perçu au titre de l'indemnité exceptionnelle, a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen et sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 9 avril 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Sens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ; Condamne M. L... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. L... et le condamne à payer à M. W... la somme de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. W.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR dit Monsieur W... mal fondé en ses demandes – tendant au remboursement du trop-perçu de 3.169 € et de versement de dommages-intérêts de 800 € - et de l'en AVOIR débouté ; AUX MOTIFS QUE le demandeur indique que contrairement aux dispositions de l'article R 471-5-3 du code de l'action sociale, M. L... n'a pas appliqué le calcul N-2 sur la base du montant annuel des ressources pour évaluer ses émoluments et lui reproche un calcul aléatoire qui lui aurait permis de percevoir indûment la somme de 3 169 €; qu'il ressort des pièces communiquées que M. W... aurait saisi un conciliateur de justice avant saisine du tribunal ce qui est faux puisque c'est M. L... qui a pris cette initiative sans que M. W... ne daigne se présenter devant le conciliateur; que les documents montrent qu'au début de sa mission, M. L... a été contraint d'effectuer un travail particulièrement important pour retrouver les pièces fiscales et autres justificatifs qui avaient disparu ou avaient été jetés; que les opérations qu'il a effectuées durant près de trois années de mandat ont été transmises au juge des tutelles ainsi qu'au Préfet qui n'ont émis aucune contestation; qu'en tout état de cause, |e demandeur ne justifie en aucune manière les sommes qui auraient été soi-disant trop pergues et sera débouté de ses demandes; 1°) ALORS QU'aux termes de l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige « I. — La participation de la personne protégée est versée au mandataire judiciaire à la protection des majeurs ( ). III. - En cas de diminution ou d'augmentation des ressources de la personne ayant pour conséquence une différence au moins égale à cinq fois le montant brut horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année en cours entre le montant de la participation mensuelle déterminé en application du I et le montant de la participation calculé sur la base d'une évaluation de ses ressources pour l'année civile en cours, les versements mensuels suivants de la participation sont effectués sur la base d'une évaluation des ressources pour l'année civile en cours. Un ajustement du montant de la participation du compte tenu du montant des ressources effectivement perçues pendant l'année du versement de cette participation est réalisé au plus tard le 31 décembre de l'exercice suivant » ; qu'en l'occurrence, il appartenait au juge du tribunal d'instance de déterminer si Madame W..., qui, suite au décès de son époux avait pour seules ressources la pension de réversion, n'avait pas une diminution de ses ressources telles que le montant de la participation devait être calculé sur la base d'une évaluation de ses ressources pour l'année civile en cours ; que le juge du tribunal d'instance, en statuant comme il l'a fait a violé ledit article ; 2°) ALORS QUE Monsieur W... avait souligné dans sa lettre d'accompagnement au formulaire de saisine que le montant mensuel de la participation qui était de 104,66 € lorsque Madame P... était tuteur entre mai et octobre 2014 était passé à 321,34 € en novembre et décembre 2014 lorsque Monsieur L... était devenu tuteur ; qu'en statuant comme il l'a fait sans s'expliquer sur cette différence quant au montant de la participation mensuelle calculée au cours de la même année sur la même base par les deux tuteurs successifs dans un sens très favorable par Monsieur L..., le juge du tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige ; 3°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer un écrit ; que dans le formulaire de saisine (3/4) Monsieur W... avait coché les cases correspondant aux mentions suivantes « x Vous avez déjà entrepris des démarches afin de parvenir à une résolution amiable du litige, à savoir : x envoi d'un courrier à l'autre partie en vue d'un accord, x recours à une tierce personne (médiateur ou conciliateur » ; qu'en affirmant « qu'il ressort des pièces communiquées que que M. W... aurait saisi un conciliateur de justice avant saisine du tribunal ce qui est faux puisque c'est M. L... qui a pris cette initiative » quand le premier n'avait rien dit de tel, le juge du tribunal d'instance a dénaturé les termes clairs et précis du formulaire de saisine et le principe précité; 4)° ALORS QUE le motif suivant lequel « c'est M. L... qui a pris cette initiative sans que M. W... ne daigne se présenter devant le conciliateur » est inopérant à justifier le jugement attaqué, Monsieur W... ayant d'ailleurs participé à la conciliation par téléphone, après accord préalable du concliateur, ainsi qu'il résulte de la pièce 11 produite; que le jugement attaqué n'est pas légalement justifié au regard de de l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige ; 5°) ALORS QUE la participation de la personne protégée étant fonction de ses ressources, le juge du tribunal d'instance ne pouvait débouter Monsieur W... en raison de ce que « M. L... a été contraint d'effectuer un travaiL particulièrement important pour retrouver les pièces fiscales et autres justificatifs qui avaient disparu ou avaient été jetés »; qu'en statuant ainsi, le juge du tribunal d'instance a violé l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige ; 6°) ALORS QUE le motif suivant lequel « les opérations qu'il (Monsieur L...) a effectuées durant près de trois années de mandat ont été transmises au juge des tutelles ainsi qu'au Préfet qui n'ont émis aucune contestation » est inopérant à justifier le jugement attaqué, privé de base légale au regard de l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige ; SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR condamné Monsieur W... à verser à Monsieur L... la somme de 300 € à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE l'insistance de demandes sans fondement faites aux défendeurs et dont le ton est pour le moins désobligeant cause un préjudice certain à M. L... qu'il convient de réparer par la condamnation de M. W... au paiement de la somme de 300 € à titre de dommages-intérêts; 1)° ALORS QUE le fils habilité à représenter sa mère ne commet nul abus ou faute en demandant au tuteur qui avait géré le patrimoine de sa mère des justifications de sa gestion; qu'en énonçant que "l'insistance de demandes sans fondement faites aux défendeurs cause un préjudice certain à M. L... », le juge du tribunal d'instance a violé l'article 1240 du code civil: 2°) ALORS QU'en ne précisant pas enquoi le ton par lequel Monsieur W... avait demandé au tuteur de justifier de sa gestion aurait été "pour le moins désobligeant », le juge du tribunal d'instance n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1240 du code civil.
La participation de la personne protégée au financement de la mesure de protection exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs est fonction de ses ressources et ce n'est que lorsque le juge des tutelles est saisi d'une demande d'indemnité exceptionnelle que des diligences particulièrement longues ou complexes peuvent être prises en considération pour allouer cette indemnité au mandataire, en complément des sommes perçues
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CIV. 1 MY2 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 573 F-P+B Pourvoi n° M 19-17.796 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 Mme E... K..., épouse P..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° M 19-17.796 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2018 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général, place du parlement de Bretagne, 3e étage D, CS 66423, 35064 Rennes cedex, défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme K..., et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 juillet 2018), aux termes de son acte de naissance, Mme K... est née le [...] à Grand-Bassam (Côte d'Ivoire) de M. K... et de Mme A... , cette dernière étant de nationalité française. Invoquant un jugement supplétif rendu le 25 juillet 2005 par le tribunal de première instance de Grand-Bassam, elle a, par acte du 17 juillet 2014, assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes afin d'obtenir la transcription de son acte de naissance et de son acte de mariage sur les registres français de l'état civil. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Mme K... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de transcription, sur les registres de l'état civil français, de son acte supplétif de naissance, alors : « 1°/ que l'acte d'état civil étranger, établi conformément à la loi de l'Etat où il a été dressé, fait foi sauf s'il est irrégulier, falsifié ou mensonger ; qu'en écartant l'acte supplétif sans constater préalablement qu'il était irrégulier, falsifié ou mensonger, les juges du fond, qui se sont affranchis des conditions du texte, ont violé l'article 47 du code civil ; 2°/ que, selon les propres constatations de l'arrêt, l'exigence d'une reconnaissance n'est requise par la loi ivoirienne qu'en l'absence d'acte de naissance ; qu'en l'espèce, un acte de naissance a été produit ; qu'en exigeant une reconnaissance hors des cas où elle était imposée par la loi ivoirienne selon les constatations mêmes de l'arrêt attaqué, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 47 du code civil ; 3°/ que la circonstance que la mère n'ait pas été appelée à la procédure gracieuse portée devant le tribunal de première instance de Grand-Bassam ne peut être révélatrice d'une atteinte à l'ordre public international, dès lors notamment qu'en matière gracieuse et dans l'ordre interne, la requête ayant été présentée, la loi laisse aux juges la faculté d'appeler ou d'entendre les personnes dont les intérêts sont susceptibles d'être affectés par cette décision ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 3 du code civil et les principes du droit international privé en tant qu'ils concernent l'ordre public international ; 4°/ que, de la même manière l'absence de Mme K... à la procédure gracieuse ne pouvait pas davantage être regardée comme contraire à l'ordre public international et ce, pour la même raison ; qu'à cet égard l'arrêt a été rendu en violation de 3 du code civil et les principes du droit international privé en tant qu'ils concernent l'ordre public international ; 5°/ qu'en toute hypothèse, seule Mme K... avait de toute façon qualité et intérêt pour se prévaloir de ce que, devant le juge étranger et dans le cadre de la procédure gracieuse, elle n'a pas été appelée ou entendue ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué doit être censuré pour violation de l'article 3 du code civil et les principes du droit international privé en tant qu'ils concernent l'ordre public international. » Réponse de la Cour 3. En application de l'article 311-14 du code civil, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant. 4. Si un jugement supplétif régulier, quelle que soit la date à laquelle il est prononcé, est réputé, en raison de son caractère déclaratif, établir la filiation de l'enfant à la date de sa naissance (1re Civ., 17 décembre 2010, pourvoi n° 09-13.957, Bull. 2010, I, n° 272), cette filiation n'emporte des effets utiles en matière de nationalité, pour les enfants nés hors mariage, que dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article 311-25 du code civil et du 6° du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation. 5. Il résulte de ces dispositions combinées que si l'indication de la mère dans l'acte de naissance d'un enfant né hors mariage avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005, le 1er juillet 2006, établit la filiation à son égard, elle est sans effet sur la nationalité de l'enfant majeur à cette date. 6. La cour d'appel ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que Mme A... n'avait jamais reconnu Mme K..., née hors mariage, il en résulte que le jugement supplétif d'acte de l'état civil et l'acte de naissance la désignant comme mère étaient sans incidence sur la nationalité de Mme K..., majeure au 1er juillet 2006, de sorte que son acte de naissance ne pouvait être transcrit sur les registres français de l'état civil. 7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme K... aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme K.... L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté la demande de transcription sur les registres de l'état civil français de l'acte supplétif de naissance de Madame E... K... ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 47 du code civil dispose que tout acte de l'état civil-des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres, actes ou pièces détenus} des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même, établissent, le cas échéant après toutes, vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que pour justifier de sa naissance et de sa filiation avec V... H... A... , Mme E... K... produit la copie d'un jugement supplétif d'acte de naissance en date du 25 juillet 2005 rendu sur requête en date du 25 juillet 2005 par le tribunal de première instance du Plateau ; que la loi n° 64-374 du 7 octobre 1964 relative à l'état civ.il en Côte d'ivoire dispose en son article 41 que- les naissances doivent être déclarées dans les quinze jours, de l'accouchement et en son article 43 que les déclarations de- naissance doivent émaner du père ou de la mère, de l'un des ascendants ou des plus proches parents, ou de toute personne ayant assisté à la naissance ou encore, lorsque la mère est accouchée hors de son. domicile, de la personne chez qui elle est accouchée ce qui dont il résulte que, contrairement à ce que soutient l'appelante, même la mère de l'enfant pouvait déclarer celui-ci ,la situation pouvant être régularisée jusqu'au 31 décembre 1987 selon la loi n° 84-1243 du 8 novembre 1984 prorogée jusqu'à cette date ; qu'en application de l'article 19 de cette même loi, la filiation des enfants nés hors mariage résulte, à l'égard de la mère, du seul fait de la naissance ; que toutefois, dans le cas où l'acte de naissance ne porte pas l'indication du nom de la mère, elle doit être établir par une reconnaissance ou un jugement ; qu'or aucune reconnaissance n'est produite ; que le jugement-supplétif d'acte de naissance a été établi, à la requête de M. K... B..., dont l'appelante dit qui il est son oncle sans qu'il résulte de la procédure que Mme K..., âgée de 28 ans, ait été appelée à la cause pas plus que Mme A... dont il est indiqué qu'elle est sa mère ;que les affirmations de Mme K... à ce titre dans ses écrits n'étant confirmées par aucune des mentions du jugement ni aucune pièce versée aux débats ; que ce jugement est contraire à l'ordre public international français de sorte qu'il ne peut recevoir application en France et que c'est dès lors à juste titre que le premier juge a retenu qu'il ne pouvait être fait droit aux demandes de transcription » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le jugement du 26 juillet 2005 du Tribunal de première instance du Plateau, section du Grand Bassam (Côte d'Ivoire), a été rendu sur requête de Monsieur K... B... en date du 25 juillet 2005 et ni Madame E... K... ni Madame P... A... n'ont été appelées à la cause ; qu'il est donc contraire à l'ordre public international, Monsieur K... ne pouvant se substituer à Madame P... A... et le Tribunal ne peut que constater que Madame P... A... n'a jamais reconnu Madame E... K... » ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'acte d'état civil étranger, établi conformément à la loi de l'Etat où il a été dressé, fait foi sauf s'il est irrégulier, falsifié ou mensonger ; qu'en écartant l'acte supplétif sans constater préalablement qu'il était irrégulier, falsifié ou mensonger, les juges du fond, qui se sont affranchis des conditions du texte, ont violé l'article 47 du Code civil ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, selon les propres constatations de l'arrêt, l'exigence d'une reconnaissance n'est requise par la loi ivoirienne qu'en l'absence d'acte de naissance ; qu'en l'espèce, un acte de naissance a été produit ; qu'en exigeant une reconnaissance hors des cas où elle était imposée par la loi ivoirienne selon les constatations mêmes de l'arrêt attaqué, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 47 du Code civil ; ALORS QUE, TROISIEMEMENT, la circonstance que la mère n'ait pas été appelée à la procédure gracieuse portée devant le Tribunal de première instance de GRAND-BASSAM ne peut être révélatrice d'une atteinte à l'ordre public international, dès lors notamment qu'en matière gracieuse et dans l'ordre interne, la requête ayant été présentée, la loi laisse aux juges la faculté d'appeler ou d'entendre les personnes dont les intérêts sont susceptibles d'être affectés par cette décision ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 3 du Code civil et les principes du droit international privé en tant qu'ils concernent l'ordre public international ; ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, et de la même manière l'absence de Madame E... K... à la procédure gracieuse ne pouvait pas davantage être regardée comme contraire à l'ordre public international et ce, pour la même raison ; qu'à cet égard l'arrêt a été rendu en violation de 3 du Code civil et les principes du droit international privé en tant qu'ils concernent l'ordre public international ; ET ALORS QUE, CINQUIEMEMENT, et en toute hypothèse, seule Madame E... K... avait de toute façon qualité et intérêt pour se prévaloir de ce que, devant le juge étranger et dans le cadre de la procédure gracieuse, elle n'a pas été appelée ou entendue ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué doit être censuré pour violation de l'article 3 du Code civil et les principes du droit international privé en tant qu'ils concernent l'ordre public international.
Si un jugement supplétif régulier, quelle que soit la date à laquelle il est prononcé, est réputé, en raison de son caractère déclaratif, établir la filiation de l'enfant à la date de sa naissance, cette filiation n'emporte des effets utiles en matière de nationalité, pour les enfants nés hors mariage, que dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article 311-25 du code civil et de l'article 20, § II, 6°, de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation. Or, il résulte de ces dispositions combinées que si l'indication de la mère dans l'acte de naissance d'un enfant né hors mariage avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005, le 1er juillet 2006, établit la filiation à son égard, elle est sans effet sur la nationalité de l'enfant majeur à cette date. Dès lors, le jugement supplétif d'acte de l'état civil et l'acte de naissance désignant la mère sont sans incidence sur la nationalité de la fille, née hors mariage et majeure au 1er juillet 2006, en l'absence de reconnaissance maternelle
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 953 FS-P+B+I Pourvoi n° H 19-11.490 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. E... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-11.490 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Chabé limousines, devenue la société Chabé, société par actions simplifiée, dont le siège est 93 avenue Jules Quentin, 92000 Nanterre, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. K..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Chabé, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseillers, Mmes Lemoine, Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 novembre 2018), M. K... a saisi la cour d'appel de Paris, le 10 octobre 2017, d'un appel dirigé contre le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre, dans une affaire l'opposant à la société Chabé limousines, devenue la société Chabé, puis, le lendemain, a saisi la cour d'appel de Versailles d'un appel dirigé contre le même jugement. Par une ordonnance du 2 mai 2018, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable l'appel formé devant cette cour d'appel et cette décision n'a pas été contestée par les parties. 2. La société Chabé a déféré à la cour d'appel de Versailles l'ordonnance du 4 juillet 2018 du conseiller de la mise en état de cette cour d'appel l'ayant déboutée d'une demande tendant à l'irrecevabilité de la déclaration d'appel formée devant cette cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. K... fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 juillet 2018 et de déclarer irrecevable son appel présenté devant la cour d'appel de Versailles le 11 octobre 2017, alors « qu'une partie qui a formé un premier appel devant une cour d'appel territorialement incompétente est recevable, tant que le délai d'appel n'est pas expiré, à former un second appel devant la juridiction d'appel territorialement compétente ; que le désistement du premier appel n'est pas une condition de la recevabilité du second ; qu'en l'espèce, M. K... a formé un premier appel d'un jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre, le 10 octobre 2017, devant la cour d'appel de Paris ; que le lendemain, tandis que le délai d'appel n'était pas expiré et que l'irrecevabilité du premier appel n'avait pas été prononcée, il en a formé un second devant la cour d'appel de Versailles, territorialement compétente ; qu'il avait intérêt à agir ainsi puisque l'irrecevabilité du premier appel était manifestement encourue ; qu'en déclarant néanmoins ce second appel irrecevable, faute d'intérêt à agir, la cour d'appel a violé les articles 30 et 31, 543 et 546, et 911-1 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 546 et 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile : 4. Il résulte du premier de ces textes, selon lequel le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, que la partie qui a régulièrement saisi une cour d'appel d'un premier appel formé contre un jugement n'est pas recevable à réitérer un appel du même jugement contre le même intimé. Selon le second de ces textes, la partie dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie. 5. Il en découle que la saisine irrégulière d'une cour d'appel, qui fait encourir une irrecevabilité à l'appel, n'interdit pas à son auteur de former un second appel, même sans désistement préalable de son premier appel, sous réserve de l'absence d'expiration du délai d'appel, tant que le premier appel n'a pas été déclaré irrecevable. 6. Pour déclarer irrecevable l'appel présenté par M. K... devant la cour d'appel de Versailles, l'arrêt relève qu'il ressort des actes de la procédure suivie par M. K..., qu'après avoir formé appel le 10 octobre 2017 à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes dans l'instance l'opposant à la société Chabé devant la cour d'appel de Paris, ce salarié présentait un même recours contre la même décision, dès le lendemain, devant la cour d'appel de Versailles et que le 17 janvier 2018, son avocat écrivait à la cour d'appel de Paris que « la saisine de votre juridiction étant une erreur, dont je vous prie de bien vouloir m'excuser, je vous remercie de bien vouloir en tirer toutes les conséquences concernant cette déclaration d'appel. » 7. L'arrêt en déduit qu'ayant omis de se désister de cet appel devant la cour d'appel de Paris avant d'avoir formé un nouvel appel devant la cour d'appel de Versailles et alors qu'une même partie ne peut interjeter qu'un seul recours contre une même décision, M. K... n'avait pas intérêt à former, le 11 octobre 2017, un second recours contre le jugement déféré en laissant subsister son premier appel. 8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait, d'une part, que le premier appel avait été formé devant la cour d'appel de Paris, dans le ressort de laquelle n'est pas situé le conseil de prud'hommes de Nanterre, de sorte qu'il était irrégulier et, d'autre part, que cette irrégularité n'avait donné lieu au prononcé d'une irrecevabilité que postérieurement à la formation du second appel porté devant la cour d'appel de Versailles, celle-ci a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société Chabé aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Chabé et la condamne à payer à M. K... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. K... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 juillet 2018 et d'avoir déclaré irrecevable l'appel présenté par M. K... devant la cour d'appel de Versailles le 11 octobre 2017 ; AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de la déclaration d'appel du 11 octobre 2017 devant la cour d'appel de Versailles, il ressort des actes de la procédure suivie par M. K..., qu'après avoir formé appel le 10 octobre 2017 à l'encontre le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 8 août 2017 dans l'instance l'opposant à la société Chabe Limousines devant la cour d'appel de Paris, ce salarié présentait un même recours contre la même décision, dès le lendemain 11 octobre 2017, devant la cour d'appel de Versailles ; que le 17 janvier 2018, son avocat écrivait à la cour d'appel de Paris que la « saisine de votre juridiction étant une erreur, dont je vous prie de bien vouloir m'excuser, je vous remercie de bien vouloir en tirer toutes les conséquences concernant cette déclaration d'appel » ; qu'une déclaration d'appel encourant la nullité pour vice de forme ou de fond interrompt le délai de forclusion d'appel, qu'une régularisation est donc possible, sans que l'appelant ne soit dans l'obligation d'attendre que la nullité de la première déclaration d'appel soit prononcée, si la régularisation intervient dans le délai imparti à l'appelant pour former l'acte ; que cependant le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a relevé, dans son ordonnance du 2 mai 2018, que la cour d'appel n'avait pas été régulièrement saisie par cet appel au regard des dispositions d'ordre public des articles R. 311-3 et D. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et a déclaré l'appel présenté devant la cour d'appel de Paris contre le jugement du 8 septembre 2017 du conseil de prud'hommes de Nanterre irrecevable ; que cette décision n'a pas été contestée par les parties ; qu'en ayant omis de se désister de cet appel devant la cour d'appel de Paris avant d'avoir formé un nouvel appel devant la cour d'appel de Versailles, et alors même qu'une partie ne peut interjeter qu'un seul recours contre une même décision, M. K... n'avait pas intérêt à former, le 11 octobre 2017, un second recours contre ce jugement du 8 septembre 2017 en laissant subsister ce premier appel, de sorte que l'appel formé devant la cour d'appel de Versailles doit être déclaré irrecevable ; 1°) ALORS QU' une partie qui a formé un premier appel devant une cour d'appel territorialement incompétente est recevable, tant que le délai d'appel n'est pas expiré, à former un second appel devant la juridiction d'appel territorialement compétente ; que le désistement du premier appel n'est pas une condition de la recevabilité du second ; qu'en l'espèce, M. K... a formé un premier appel d'un jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre, le 10 octobre 2017, devant la cour d'appel de Paris ; que le lendemain, tandis que le délai d'appel n'était pas expiré et que l'irrecevabilité du premier appel n'avait pas été prononcée, il en a formé un second devant la cour d'appel de Versailles, territorialement compétente ; qu'il avait intérêt à agir ainsi puisque l'irrecevabilité du premier appel était manifestement encourue ; qu'en déclarant néanmoins ce second appel irrecevable, faute d'intérêt à agir, la cour d'appel a violé les articles 30 et 31, 543 et 546, et 911-1 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE méconnaît le droit à un procès équitable la juridiction qui fait des règles de procédure une application excessivement rigoureuse au point de priver le justiciable de son droit d'accès au juge ; qu'en déclarant irrecevable le second appel formé par M. K... faute d'intérêt à agir, la cour d'appel a fait une interprétation excessivement rigoureuse des règles de procédure et l'a privé de l'effectivité de son droit d'interjeter appel du jugement du conseil de prud'hommes du 8 septembre 2017, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°) ALORS QUE, en toute hypothèse, à supposer qu'une partie ne puisse interjeter qu'un seul appel contre une décision, encore faut-il que cet appel soit régulier pour épuiser le droit d'appel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Versailles a constaté que la cour d'appel de Paris n'avait pas été régulièrement saisie par le premier appel, cette juridiction étant incompétente à l'égard d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable le second appel, régulièrement interjeté devant la cour d'appel de Versailles tandis que la première juridiction d'appel n'avait pas été régulièrement saisie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 30 et 31, 543 et 546 du code de procédure civile. Le greffier de chambre
Il résulte de l'article 546 du code de procédure civile, selon lequel le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, que la partie qui a régulièrement saisi une cour d'appel d'un premier appel formé contre un jugement n'est pas recevable à réitérer un appel du même jugement contre le même intimé. Selon l'article 911-1, alinéa 3, du même code, la partie dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie. Il en découle que la saisine irrégulière d'une cour d'appel, qui fait encourir une irrecevabilité à l'appel, n'interdit pas à son auteur de former un second appel, même sans désistement préalable de son premier appel, sous réserve de l'absence d'expiration du délai d'appel, tant que le premier appel n'a pas été déclaré irrecevable. Par conséquent, encourt la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui déclare irrecevable un appel aux motifs que l'appelant a omis de se désister préalablement d'un précédent appel qu'il avait formé contre le même jugement devant une autre cour d'appel et qu'une même partie ne pourrait interjeter qu'un seul recours contre une même décision, alors, d'une part que le premier appel avait été formé devant une cour d'appel dans le ressort de laquelle n'était pas située la juridiction ayant rendu le jugement frappé d'appel, de sorte qu'il était irrégulier, et, d'autre part, que cette irrégularité n'avait donné lieu au prononcé d'une irrecevabilité que postérieurement à la formation du second appel
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 954 FS-P+B+I Pourvoi n° A 18-23.210 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. F.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 12 juin 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. P... R..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 18-23.210 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2017 par la cour d'appel de Caen (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. N... F..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. R..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. F..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Jollec, Bohnert, Dumas, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 29 septembre 2017), M. F... a interjeté appel d'un jugement d'un conseil de prud'hommes ayant condamné M. R... à lui payer une certaine somme. 2. Sur le pourvoi de M. F..., l'arrêt du 23 mars 2012, statuant sur l'appel de ce jugement, a été partiellement cassé (Soc., 11 décembre 2014, pourvoi n° 13-14.286). 3. M. F... a saisi la cour d'appel de renvoi devant laquelle M. R..., intimé, n'était ni présent ni représenté. Recevabilité du pourvoi, contestée par la défense 4. En application des articles 469, 631 et 634 du code de procédure civile, en cas de renvoi après cassation, l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi et lorsqu'après avoir comparu devant les juridictions dont la décision a été cassée, l'une des parties ne comparaît pas, elle est réputée s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elle avait soumis à la juridiction dont la décision a été cassée et le juge statue par jugement contradictoire. 5. Par suite, l'arrêt rendu sur renvoi après cassation n'est pas susceptible d'opposition de la part d'une partie qui a comparu devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé. 6. Il ressort des productions que M. R... était représenté devant la cour d'appel ayant rendu l'arrêt cassé. 7. Le pourvoi est donc recevable. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. M. R... fait grief à l'arrêt de liquider à 6 697,53 euros la somme due à titre de rappel de salaire au titre du temps plein, et à 669,75 euros l'indemnité de congés payés afférente et de le condamner à payer à M. F... diverses sommes alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que la cour d'appel, tenue de vérifier la régularité de sa saisine à l'égard de la partie non comparante, doit s'assurer que cette dernière a bien été assignée par l'appelant, l'huissier devant relater les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à personne et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification ; qu'en se bornant à relever que M. R... n'avait pas comparu et n'avait sollicité aucune dispense de comparaître, bien qu'il ait, le 24 mars 2017, reçu à domicile citation à comparaître à l'audience du 15 juin 2017 et signification des conclusions adverses, sans constater que l'huissier avait effectué les diligences satisfaisantes pour rechercher le domicile de M. R... et les circonstances empêchant la signification à personne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14, 655 et 656 du code de procédure civile, ensemble les droits de la défense. » Réponse de la Cour Vu les articles 14, 471 et 655 à 659 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'une partie, citée à comparaître par acte d'huissier de justice, ne comparaît pas, le juge, tenu de s'assurer de ce que cette partie a été régulièrement appelée, doit vérifier que l'acte fait mention des diligences prévues, selon les cas, aux articles 655 à 659 susvisés. A défaut pour l'acte de satisfaire à ces exigences, le juge ordonne une nouvelle citation de la partie défaillante. 10. Pour statuer comme il l'a fait, l'arrêt relève que M. R... n'a pas comparu et n'a sollicité aucune dispense de comparaître, bien qu'il ait reçu à domicile citation à comparaître et, dans le même acte, signification des conclusions et des pièces afférentes. 11. En se déterminant ainsi, sans vérifier que la citation délivrée à domicile comportait les mentions exigées par les textes susvisés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE le pourvoi recevable ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ; Condamne M. F... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. R... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir liquidé à 6 697,53 euros la somme due à titre de rappel de salaire au titre du temps plein, et à 669,75 euros l'indemnité de congés payés afférente et d'avoir condamné M. R... à payer à M. F... diverses sommes ; AUX MOTIFS QUE M. R... n'a pas comparu, et n'a sollicité aucune dispense de comparaître, bien qu'il ait, le 24 mars 2017, reçu à domicile citation à comparaître à l'audience du 15 juin 2017, et dans le même acte signification des conclusions du 28 novembre 2016 et des pièces afférentes ; que M. F... produit à la cour un relevé journalier et hebdomadaires des heures qu'il prétend avoir effectuées durant l'année 2007 et jusqu'au 28 janvier 2008, date à laquelle il a été placé en arrêt de travail jusqu'à la rupture de son contrat de travail ; qu'aucun élément de nature à justifier d'autres horaires n'est versé aux débats et aucun des éléments contenus aux écritures de M. R... devant la cour saisie dans le cadre de l'appel du jugement, ne permet de remettre en cause le calcul ainsi effectué ; qu'en conséquence M. R... sera condamné à verser de ce chef à M. F... les sommes de 4 778,72 euros à titre de rappel de salaire, 477,87 euros au titre des congés payés afférents ; que pour ce qui est du repos compensateur, en application des dispositions des articles L 3121-11 et suivants et D 3121-7 du code du travail, le salarié qui effectue des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel bénéficie d'une contrepartie obligatoire en repos et il est admis que celui qui n'a pas été en mesure du fait de son employeur de formuler cette demande a droit à l'indemnisation du préjudice subi laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos et le montant de l'indemnité de congés payés afférente ; qu'eu égard au nombre d'heures supplémentaires rémunérées, rien ne permet d'exclure que le contingent annuel de 180 heures supplémentaires évoqué par le salarié et non autrement contesté, a été dépassé de presque 200 heures, alors que M. F... n'a pas été en mesure de bénéficier de repos compensateur ni même d'être informé de ses droits sur ce point ; qu'à ce titre, le préjudice en résultant doit être indemnisé, M. R... sera condamné à lui verser de ce chef la somme de 835,66 euros ; que le courrier de la MSA en date du 16 juin 2015, dans lequel il est indiqué « Nous vous informons n'avoir aucune activité renseignée vous concernant, en tant que salarié chez M. R... » tend à démontrer que la formalité d'inscription n'a pas été faite, ce qui permet de caractériser l'intention de dissimulation ; qu'en conséquence M. R... sera condamné de ce chef à verser la somme de 12 779,10 euros ; ALORS QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que la cour d'appel, tenue de vérifier la régularité de sa saisine à l'égard de la partie non comparante, doit s'assurer que cette dernière a bien été assignée par l'appelant, l'huissier devant relater les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à personne et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification ; qu'en se bornant à relever que M. R... n'avait pas comparu et n'avait sollicité aucune dispense de comparaître, bien qu'il ait, le 24 mars 2017, reçu à domicile citation à comparaître à l'audience du 15 juin 2017 et signification des conclusions adverses, sans constater que l'huissier avait effectué les diligences satisfaisantes pour rechercher le domicile de M. R... et les circonstances empêchant la signification à personne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14, 655 et 656 du code de procédure civile, ensemble les droits de la défense.
Il résulte de la combinaison des articles 14, 471 et 655 à 659 du code de procédure civile et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que lorsqu'une partie, citée à comparaître par acte d'huissier de justice, ne comparaît pas, le juge, tenu de vérifier que cette partie a été régulièrement appelée, doit vérifier que l'acte fait mention des diligences prévues, selon les cas, aux articles 655 à 659 susvisés. A défaut pour l'acte de satisfaire à ces exigences, le juge ordonne une nouvelle citation de la partie défaillante
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 965 F-P+B+I Pourvoi n° W 19-14.746 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. D... O... C..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° W 19-14.746 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2018 par la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société X... W... et K..., société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , et en tant que de besoin [...] , prise en la personne de M. K... X..., en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Oisel Réunion, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. C..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société X... W... et K..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué, la société Oisel Réunion, dont M. C... était le gérant, a été placée en liquidation judiciaire. A la demande de SELARL X..., désignée en qualité de liquidateur, un tribunal mixte de commerce a condamné M. C... en comblement de passif par un jugement du 15 février 2017. Ce jugement a été remis au parquet le 14 mars 2017 aux fins de signification à M. C..., demeurant à Maurice. 2. Par déclaration d'appel en date du 30 août 2017 et du 12 janvier 2018, M. C... a relevé appel du jugement rendu le 15 février 2017. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. M. C... fait grief à l'arrêt rendu de déclarer ses appels irrecevables comme tardifs alors « que le point de départ du délai pour interjeter appel en matière de responsabilité pour insuffisance d'actif se situe au jour de la notification de la décision rendue ; que, lorsque le destinataire d'un acte demeure à l'étranger, la notification n'est réalisée qu'à la date où il lui est remis par l'autorité compétente ou, à défaut, dès lors que cette dernière a été empêchée de lui remettre et non à compter de la signification faite à parquet ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que l'acte à notifier, c'est-à-dire le jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 15 février 2017, avait été « remis au parquet du tribunal de grande instance de Saint Denis par acte d'huissier du 14 mars 2017 » et que l'acte « a été transmis le 23 mars 2017 par le parquet au garde des sceaux » ; qu'en en ayant déduit que le point de départ du délai d'appel se situait le 14 mars ou le 23 mars 2017, soit à compter de la signification faite au parquet ou de sa transmission au ministère de la Justice, la cour d'appel a violé les articles 528, 640, 684 et 687 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 : 4. En application de ce texte, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas, à l'égard du destinataire, le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision. 5. Pour déclarer les appels irrecevables, l'arrêt retient qu'à l'encontre des parties domiciliées à l'étranger, le délai d'appel court du jour de la signification régulièrement faite au parquet et non de la date de la remise aux intéressés d'une copie de l'acte par les autorités étrangères, et que le jugement condamnant M. C... en comblement de passif ayant été remis au parquet du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis par acte d'huissier le 14 mars 2017 et transmis par le parquet au Garde des Sceaux le 23 mars 2017, les appels formés une première fois par l'effet d'une déclaration d'appel remise au greffe de la cour par voie électronique le 30 août 2017 et une seconde fois par déclaration d'appel remise au greffe par voie électronique le 12 janvier 2018, l'ont été hors délai. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion autrement composée ; Condamne la société X... W... et K..., en qualité de mandataire liquidateur, à la liquidation judiciaire de la société Oisel Réunion aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société X... W... et K..., en qualité de mandataire liquidateur, à la liquidation judiciaire de la société Oisel Réunion et la condamne à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. C... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme tardifs les appels interjetés par M. H... C... à l'égard du jugement rendu le 15 février 2017 par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis ; Aux motifs que « sur la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation du délai d'appel, vu les articles 122, 123, 125, la fin de non recevoir tirée de l'inobservation du délai d'appel peut être proposée en tout état de cause et a pour conséquence de rendre l'appel irrecevable ; que vu l'article R 661-3 du code de commerce, 528, 640, 643, 653, 684 et 686 du code de procédure civile ; qu'à l'encontre des parties domiciliées à l'étranger le délai d'appel augmenté de deux mois court du jour de la signification régulièrement faite au parquet et non de la date de la remise aux intéressés d'une copie de l'acte par les autorités étrangères, sauf dans les cas où un règlement communautaire ou un traité international autorise l'huissier de justice ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l'Etat de destination ; qu'une circulaire ne peut remettre en cause l'application des dispositions légales ; qu'en l'espèce le délai d'appel applicable au jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d'actif était de dix jours ; qu'il est constant que M. C... est domicilié à l'île Maurice ; qu'il est également constant qu'il n'existe entre la France et I'lle Maurice aucun traité international ni aucune convention relative à la transmission des actes judiciaires ; que M. C... étant domicilié à l'étranger le délai de 10 jours ci-dessus visé s'est trouvé augmenté de deux mois ; qu'il ressort des pièces produites que le jugement du tribunal mixte de commerce de Saint Denis prononcé contradictoirement et faisant l'objet des deux déclarations d'appel a été remis au parquet du tribunal de grande instance de Saint Denis par acte d'huissier du 14 mars 2017 ; qu'il ressort également des pièces produites que l'acte remis a été transmis le 23 mars 2017 par le parquet au Garde des Sceaux aux fins de transmission internationale ; que par ailleurs M. C... a été informé des délais de recours applicables par la réception au plus tard le 20 mars 2017 (date figurant sur le cachet du retour de l'avis de réception) du courrier recommandé adressé par l'huissier de justice contenant un copie simple pour information de la signification du jugement, la nullité de l'information ainsi transmise n'étant pas invoquée ; que M. C... a une première fois par l'effet d'une déclaration d'appel remise au greffe de la cour par voie électronique le 30 août 2017 et une seconde fois par déclaration d'appel remise au greffe par voie électronique le 12 janvier 2018 relevé appel du jugement du 15 février 2017 ; que les deux appels ainsi formés, l'ont été au delà du délai de deux mois et dix jours qui lui était imparti, que le point de départ du délai d'appel se situe le 14 mars 2017 ou le 23 mars 2017 ; que par conséquent les deux appels seront déclarés irrecevables » (arrêt attaqué, pp. 5-6) ; 1°/ Alors que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'au cas présent, la cour d'appel était saisie in limine litis, d'une part, d'un moyen d'irrecevabilité fondé sur la mauvaise identification d'une partie dans la déclaration d'appel et, d'autre part, d'un moyen de caducité de la déclaration d'appel ; qu'en s'étant bornée à relever d'office la question de la recevabilité de l'appel fondée sur l'inobservation du délai d'appel et à la trancher sans observer que les parties avaient été mises en mesure de s'expliquer contradictoirement sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 125 du code de procédure civile ; 2°/ Alors que le point de départ du délai pour interjeter appel en matière de responsabilité pour insuffisance d'actif se situe au jour de la notification de la décision rendue ; que, lorsque le destinataire d'un acte demeure à l'étranger, la notification n'est réalisée qu'à la date où il lui est remis par l'autorité compétente ou, à défaut, dès lors que cette dernière a été empêchée de lui remettre et non à compter de la signification faite à parquet ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que l'acte à notifier, c'est-à-dire le jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 15 février 2017, avait été « remis au parquet du tribunal de grande instance de Saint Denis par acte d'huissier du 14 mars 2017 » (arrêt attaqué, p. 6, §7) et que l'acte « a été transmis le 23 mars 2017 par le parquet au Garde des Sceaux » (arrêt attaqué, p. 6, §7) ; qu'en en ayant déduit que le point de départ du délai d'appel se situait le 14 mars ou le 23 mars 2017, soit à compter de la signification faite au parquet ou de sa transmission au ministère de la Justice, la cour d'appel a violé les articles 528, 640, 684 et 687 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En application de l'article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 969 F-P+B+I Pourvoi n° N 19-17.797 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. G... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-17.797 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la Banque populaire du sud, dont le siège est [...] , ayant un établissement [...] , venant aux droits de la société Banque Dupuy de Parseval, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. E..., de la SCP Zribi et Texier, avocat de la Banque populaire du sud, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 11 avril 2019) et les productions, la société Banque Dupuy de Parseval, aux droits de laquelle vient la Banque populaire du sud, a saisi un tribunal de commerce de demandes en paiement dirigées contre M. E.... Ce dernier a soulevé la péremption de l'instance, que le tribunal de commerce a écartée dans les seuls motifs de son jugement, avant de condamner M. E... au paiement de diverses sommes. 2. L'arrêt de la cour d'appel de Montpellier ayant confirmé ce jugement a été frappé d'un pourvoi, rejeté par un arrêt (Com., 13 décembre 2013, pourvoi n° 14-16.037), ayant notamment déclaré irrecevable le moyen de ce pourvoi relatif à la péremption d'instance, au motif qu'il critiquait sur ce point une omission de statuer ne pouvant être réparée par la voie du pourvoi en cassation. 3. M. E... a saisi d'une requête en omission de statuer la cour d'appel de Montpellier. L'arrêt de cette cour d'appel rejetant la requête a été cassé (2e Civ., 28 juin 2018, pourvoi n° 17-21.786) et l'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Nîmes, saisie par M. E.... Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. E... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa prétention relative à la péremption de l'instance initiée à son encontre par la société Banque Dupuy de Parseval devant le tribunal de commerce de Montpellier, alors « que la règle de l'article 642, alinéa 2, du code de procédure civile, selon laquelle les délais de procédure se prorogent au premier jour ouvrable, n'est pas applicable au délai de péremption de l'instance, qui, comme le délai de prescription, vise à sanctionner l'inaction de la partie qui avait intérêt aux poursuites en éteignant son droit d'agir en justice ; qu'en décidant en l'espèce qu'il y avait lieu de proroger le délai de péremption de l'instance au 11 juin 2012, premier jour ouvrable suivant l'expiration du délai survenue le 9 juin 2012, les juges du fond ont violé les articles 386 et 642 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 642 du code de procédure civile, inséré dans le livre premier du code de procédure civile, relatif aux dispositions communes à toutes les juridictions, le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. Il en résulte que ce texte, qui présente un caractère général, régit tout délai de procédure, en particulier imposant l'accomplissement de diligences avant son expiration, dès lors qu'il entre dans le champ d'application du code de procédure civile. Il est en ainsi du délai de péremption de l'instance prévu à l'article 386 de ce code. 6. Ayant relevé que M. E... avait conclu au fond en première instance le 9 juin 2010, que le 9 juin 2012 était un samedi et que les conclusions en réplique de la Banque Dupuy de Parseval étaient intervenues le lundi 11 juin 2012, la cour d'appel a en déduit à bon droit que la banque avait conclu dans le délai de deux ans de l'article 386 du code de procédure civile, de sorte que M. E... devait être débouté de son incident de péremption de l'instance. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. E... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. E... et le condamne à payer à la Banque populaire du sud la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. E... L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a débouté M. G... E... de sa prétention relative à la péremption de l'instance initiée à son encontre par la SA BANQUE DUPUY DE PARSEVAL devant le tribunal de commerce de Montpellier ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Il est de principe - en droit- qu'à l'inverse des délais de prescription qui visent à mettre en cause le droit d'action au fond, et relèvent des codes qui disposent des droits des parties, la péremption est un texte du code de procédure civile. L'article 386 du code de procédure civile dispose en effet : "L'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans." ; Ce texte est inséré au code de procédure civile comme suit ; "Livre 1er : Dispositions communes à toutes les juridictions ; Titre XI : Les incidents d'instance. Chapitre IV : L'extinction de l'instance. Section I ; La péremption d'instance. étant remarqué que dans ce chapitre IV, la section II concerne « le désistement d'instance", la section III « la caducité de la citation » et la section IV "l'acquiescement". Il est donc bien question des conséquences du comportement d'une partie dans la gestion de ses intérêts dans toute instance, alors qu'elle est engagée, et d'un problème de seule procédure civile. L'article 642 du code de procédure civile dispose ; " Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant" ; L'article 642 du code de procédure civile est lui-même inséré au code de procédure civile, comme suit : "Livre Ier : Dispositions communes à toutes les juridictions Titre XVH ; Délais, actes d'huissier de justice et notifications. Chapitre 1er ; La computation des délais. "II s'agit bien en conséquence d'un texte générale applicable à tous les délais de procédure civile et donc logiquement et nécessairement aussi au mode de computation du délai de péremption en la présente affaire. G... E... a conclu au fond en première instance le 9 juin 2010 et les "conclusions en réplique devant le tribunal de commerce de Montpellier" de la S.A BANQUE DUPUY DE PARSEVÀL sont intervenues le 11 juin 2012. Le 9 juin 2012 étant un samedi, le délai de péremption en application de l'article 642 du code de procédure civile était prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant, donc prorogé au lundi 12 juin 2012 ; à cette date la banque a conclu, en conséquence dans le délai de 2 ans de l'article 386 du code de procédure civile. Il y a lieu en de telles circonstances de considérer que l'instance initiée par S.A BANQUE DUPUY DE PARSEVAL à l'encontre de G... E... devant le tribunal de commerce de Montpellier n'était pas atteinte par la péremption et de débouter G... E... de l'ensemble de ses prétentions à cet égard. » ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DU JUGEMENT DU 12 SEPTEMBRE 2012 QUE « les dernières diligences accomplies sont les conclusions de MONSIEUR E... en date du mercredi 9 juin 2010, et que ce n'est que le lundi 11 juin 2012 que la banque a communiqué ses conclusions ; qu'il est stipulé aux termes des dispositions de l'article 642 du code de procédure civile que le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable ; qu'attendu que le 9 juin 2012 est un samedi et que le lundi 11 juin la banque a communiqué ses conclusions, le tribunal rejettera la demande de péremption de l'instance » ; ALORS QUE la règle de l'article 642, alinéa 2, du code de procédure civile, selon laquelle les délais de procédure se prorogent au premier jour ouvrable, n'est pas applicable au délai de péremption de l'instance, qui, comme le délai de prescription, vise à sanctionner l'inaction de la partie qui avait intérêt aux poursuites en éteignant son droit d'agir en justice ; qu'en décidant en l'espèce qu'il y avait lieu de proroger le délai de péremption de l'instance au 11 juin 2012, premier jour ouvrable suivant l'expiration du délai survenue le 9 juin 2012, les juges du fond ont violé les articles 386 et 642 du code de procédure civile.
Selon l'article 642 du code de procédure civile, inséré dans le livre du premier code de procédure civile, relatif aux dispositions communes à toutes les juridictions, le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. Il en résulte que ce texte, qui présente un caractère général, régit tout délai de procédure, en particulier imposant l'accomplissement de diligences avant son expiration, dès lors qu'il entre dans le champ d'application du code de procédure civile. Il en est ainsi du délai de péremption de l'instance prévue à l'article 386 de ce code. Doit en conséquence être approuvé l'arrêt d'une cour d'appel qui, ayant relevé que le délai de péremption expirait normalement un samedi, en déduit que des conclusions remises le lundi suivant ont interrompu ce délai
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 970 F-P+B+I Pourvoi n° B 19-10.726 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 Mme R... X..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° B 19-10.726 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2018 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société L'Artisan du Cotentin, société à responsabilité limitée, dont le siège est rue des Halles, 50270 Barneville-Carteret, 2°/ à la société Brochard Hernandez, société à responsabilité limitée, dont le siège est ZA du Carrousel, 50250 La Haye-du-Puits, 3°/ à la société [...] , société par actions simplifiée, dont le siège est Echangeur de la Chevallerie, parc d'activités de la Chevallerie, La Membrolle-sur-Longuenée, 49770 Longuenée-en-Anjou, défenderesses à la cassation. La société L'Artisan du Cotentin a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat de Mme X..., de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de la société L'Artisan du Cotentin, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 octobre 2018) et les productions, Mme X... a fait réaliser des travaux par les sociétés L'Artisan du Cotentin, Brochard Hernandez et Q... K... en vue de construire une maison d'habitation. 2. Alléguant l'existence de désordres, elle a assigné ces sociétés en résolution des contrats et en indemnisation de ses préjudices devant un tribunal de grande instance, qui, par un jugement du 17 décembre 2015, a condamné la société Brochard Hernandez à lui payer une certaine somme et l'a déboutée de ses autres demandes. 3. Mme X... a relevé appel de ce jugement par une première déclaration d'appel du 29 février 2016. N'ayant pas fait signifier ses conclusions à la société [...] , elle a régularisé une seconde déclaration d'appel le 1er juillet 2016. 4. Par ordonnance du 14 septembre 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la première déclaration d'appel. 5. Le 21 septembre 2016, la société Brochard Hernandez a formé un appel incident. 6. Par ordonnance du 21 mars 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable le second appel interjeté par Mme X.... 7. La société L'Artisan du Cotentin a déféré cette ordonnance à la cour d'appel, qui a déclaré irrecevable le second appel interjeté par Mme X... et recevable l'appel incident de la société Brochard Hernandez. Examen du pourvoi principal Sur le moyen, ci-après annexé 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Examen du pourvoi incident Examen du moyen Enoncé du moyen 9. La société L'Artisan du Cotentin fait grief à l'arrêt de dire recevable l'appel incident de la société Brochard Hernandez et de dire que la procédure se poursuit sur cet appel incident entre Mme X... et la société Brochard Hernandez et sur l'appel en garantie articulé par la société Brochard Hernandez contre la société L'Artisan du Cotentin, entre ces deux sociétés alors « que l'appel incident, peu important qu'il ait été interjeté dans le délai pour agir à titre principal, ne peut être reçu en cas de caducité totale, à l'égard de tous les intimés, de l'appel principal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par ordonnance du 30 juin 2016, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité totale de l'appel principal de Mme X... ; que la cour d'appel a également déclaré irrecevable l'appel principal réitéré de Mme X... en date du 1er juillet 2016 ; qu'en retenant pourtant que l'appel incident de la société Brochard Hernandez serait recevable au prétexte qu'il a été formé dans le délai d'appel principal, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 550 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour 10. Il résulte de l'article 550 du code de procédure civile que l'appel incident est recevable alors même que l'appel principal serait irrecevable, s'il a été formé dans le délai pour agir à titre principal. 11. La cour d'appel a relevé que postérieurement à la première déclaration d'appel de Mme X..., qui a été déclarée caduque le 14 septembre 2016, celle-ci a déposé une seconde déclaration d'appel le 1er juillet 2016, qui a été suivie d'un appel incident interjeté par la société Brochard Hernandez le 21 septembre 2016. 12. C'est dès lors à bon droit qu'elle a décidé que l'irrecevabilité du second appel formé par Mme X... n'avait pas pour effet de rendre irrecevable l'appel incident interjeté dans le délai prévu pour l'appel principal, nonobstant la caducité de la première déclaration d'appel. 13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne Mme X... et la société L'Artisan du Cotentin aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour Mme X... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de déclarer irrecevable l'appel interjeté le 1er juillet 2016 par Mme X... et de constater l'extinction de l'instance RG 16-2564 dans les seuls rapports entre Mme X... et la société L'Artisan du Cotentin et la société [...] ; AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que le jugement entrepris n'a jamais été signifié ; que comme l'a jugé la Cour de cassation, sous l'empire des textes antérieurs au décret 2017–891, une nouvelle déclaration d'appel pouvait être déposée après le prononcé de la caducité d'une première déclaration d'appel dès lors que le jugement n'ayant pas été signifié, le délai d'appel n'était pas expiré et qu'un nouveau délai court est à compter de la signification du jugement entre (pourvoi 17-17498) ; mais qu'est irrecevable, par application des dispositions de l'article 546 du code de procédure civile, le second appel diligentée alors que la cour d'appel a été régulièrement saisie par une première déclaration d'appel dont la caducité n'a pas été constaté, faute d'intérêt pour son auteur à interjeter appel contre le même jugement et entre les mêmes parties (pourvoi 17-16180) ; que Mme X... ne saurait être admise à faire valoir que cette jurisprudence (Civ 2, 22 mars 2018, n° 17-16.180) est postérieure à sa déclaration d'appel et qu'elle remet en cause son droit fondamental d'accès à un juge, invoquant un revirement de jurisprudence qui serait intervenu postérieurement à un arrêt de la deuxième chambre civile en date du 7 avril 2016 (pourvoi 15-1454) selon lequel le second appel est recevable peu important qu'il ait été interjeté alors que la caducité de la première déclaration d'appel n'avait pas été prononcée ; que l'arrêt dont elle se prévaut a fait simplement l'objet d'une diffusion et non d'une publication en sorte qu'il ne peut être considéré comme révélateur de la doctrine de la Cour de cassation, est au demeuré isolé et a été rendu en contradiction avec un précédent arrêt du 21 janvier 2016 (pourvoi 1418631) cette fois publié, retenant la solution inverse ; qu'en outre, la caducité de la déclaration d'appel n'était pas acquise en totalité le 30 juin 2016 ; que seule était en cause la caducité de cette déclaration à l'égard de la société [...], les conclusions de l'appelante ayant été notifiés aux deux autres intimés qui avaient constitué avocat ; qu'il appartenait à Madame X... de déférer cette ordonnance à la Cour, ce qu'elle n'a pas fait, en sorte qu'elle ne peut soutenir qu'il est porté atteinte à son droit fondamental d'accès à un juge ; qu'il appartient à l'appelant d'effectuer les diligences qui lui incombent ; qu'elle ne saurait davantage être admise à faire valoir que le jugement entrepris n'ayant jamais été signifié, le délai d'appel n'a toujours pas cessé de courir alors qu'après un délai de deux années, celui qui a comparu en première instance ne peut plus former de recours contre une décision non signifiée ; qu'en l'espèce la société Brochard Hernandez a été assigné devant le tribunal de grande instance par acte d'huissier de justice en date du 24 septembre 2015 déposé à l'étude de l'huissier instrumentaire ; qu'elle était défaillante en première instance ; qu'elle a formé appel incident le 21 septembre 2016 sans opposer l'exception de procédure tendant au caractère non avenu de la décision signifiée ; 1°) ALORS QUE si la jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, la mise en oeuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste ; qu'il en est ainsi lorsque la solution nouvelle conduit à priver le justiciable d'un recours et, par conséquent, de son droit à un procès équitable ; que ce n'est pas avant son arrêt du 11 mai 2017 (pourvoi n° 16-18464) que la Cour de cassation a considéré qu'est irrecevable à former un second appel contre un même intimé, faute d'intérêt à interjeter appel, la partie qui a formé un premier appel dont la caducité n'a pas encore été constatée ; qu'en estimant que l'arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 7 avril 2016 (pourvoi n° 15-14.154), retenant au contraire la recevabilité de l'appel réitéré alors que la caducité du premier appel n'a pas encore été prononcée, n'était pas représentatif de l'état du droit au moment où Mme X... a réitéré son appel le 1er juillet 2016, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) ALORS QU'avant l'arrêt du 11 mai 2017 (pourvoi n° 16-18464) par lequel la Cour de cassation a considéré qu'est irrecevable à former un second appel contre un même intimé, faute d'intérêt à interjeter appel, la partie qui a formé un premier appel dont la caducité n'a pas encore été constatée, la jurisprudence étant fixée dans le sens de la recevabilité de l'appel réitéré avant même que le premier appel ait été déclaré caduc ; qu'ainsi, Mme X... ne pouvait se voir opposer une fin de non-recevoir pour avoir prématurément formé un second appel le 2 juillet 2016, dès lors que, à cette date, cet appel apparaissait recevable en l'état du droit positif ; qu'en reprochant à Mme X... de n'avoir pas frappé d'un déféré la décision du conseiller de la mise en état prononçant une caducité totale, plutôt que partielle, de son premier appel intervenue le 14 septembre suivant, bien qu'à la date à laquelle le délai de recours contre cette ordonnance expirait, le 29 septembre suivant, aucun doute ne pesait sur la recevabilité du second appel qu'elle avait formalisé le 2 juillet 2016, la cour d'appel, en reprochant à Mme X... de n'avoir pas effectué une recours inutile et inapte en tout état de cause à préserver son appel contre de la seule partie à l'encontre de laquelle son appel était caduc, s'est prononcée par un motif inopérant et a violé l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société L'Artisan du Cotentin Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'appel incident de la société Brochard-Hernandez et d'avoir dit que la procédure se poursuit sur cet appel incident entre Mme X... et la société Brochard-Hernandez et sur l'appel en garantie articulé par la société Brochard-Hernandez contre la société L'Artisan du Cotentin, entre ces deux sociétés ; AUX MOTIFS QUE : « il n'est pas contesté que le jugement entrepris n'a jamais été signifié ; que comme l'a jugé la Cour de cassation, sous l'empire des textes antérieurs au décret 2017–891, une nouvelle déclaration d'appel pouvait être déposée après le prononcé de la caducité d'une première déclaration d'appel dès lors que le jugement n'ayant pas été signifié, le délai d'appel n'était pas expiré et qu'un nouveau délai courait à compter de la signification du jugement (pourvoi 17-17498) ; mais qu'est irrecevable, par application des dispositions de l'article 546 du code de procédure civile, le second appel diligenté alors que la cour d'appel a été régulièrement saisie par une première déclaration d'appel dont la caducité n'a pas été constatée, faute d'intérêt pour son auteur à interjeter appel contre le même jugement et entre les mêmes parties (pourvoi 17-16180) ; que Mme X... ne saurait être admise à faire valoir que cette jurisprudence (Civ 2, 22 mars 2018, n° 17-16.180) est postérieure à sa déclaration d'appel et qu'elle remet en cause son droit fondamental d'accès à un juge, invoquant un revirement de jurisprudence qui serait intervenu postérieurement à un arrêt de la deuxième chambre civile en date du 7 avril 2016 (pourvoi 15-1454) selon lequel le second appel est recevable peu important qu'il ait été interjeté alors que la caducité de la première déclaration d'appel n'avait pas été prononcée ; que l'arrêt dont elle se prévaut a fait simplement l'objet d'une diffusion et non d'une publication en sorte qu'il ne peut être considéré comme révélateur de la doctrine de la Cour de cassation, est demeuré isolé et a été rendu en contradiction avec un précédent arrêt du 21 janvier 2016 (pourvoi 1418631) cette fois publié, retenant la solution inverse ; qu'en outre, la caducité de la déclaration d'appel n'était pas acquise en totalité le 30 juin 2016 ; que seule était encourue la caducité de cette déclaration à l'égard de la société [...], les conclusions de l'appelante ayant été notifiées aux deux autres intimés qui avaient constitué avocat ; qu'il appartenait à Madame X... de déférer cette ordonnance à la Cour, ce qu'elle n'a pas fait, en sorte qu'elle ne peut soutenir qu'il est porté atteinte à son droit fondamental d'accès à un juge ; qu'il appartient à l'appelant d'effectuer les diligences qui lui incombent ; qu'elle ne saurait davantage être admise à faire valoir que le jugement entrepris n'ayant jamais été signifié, le délai d'appel n'a toujours pas cessé de courir alors qu'après un délai de deux années, celui qui a comparu en première instance ne peut plus former de recours contre une décision non signifiée ; qu'en l'espèce la société Brochard Hernandez a été assignée devant le tribunal de grande instance par acte d'huissier de justice en date du 24 septembre 2015 déposé à l'étude de l'huissier instrumentaire ; qu'elle était défaillante en première instance ; qu'elle a formé appel incident le 21 septembre 2016 sans opposer l'exception de procédure tendant au caractère non avenu de la décision signifiée ; que la décision entreprise doit en conséquence être réformée ; que la caducité de la déclaration d'appel à l'égard d'un intimé ne s'étend pas nécessairement aux autres en l'absence d'indivisibilité du litige et l'irrecevabilité totale de l'appel principal n'a pas pour effet de rendre irrecevables les appels incidents lorsqu'ils ont été formé dans le délai prévu pour l'appel principal, l'article 550 du code de procédure civile ne visant pas cette hypothèse ; que si la seconde déclaration d'appel en date du 1er juillet 2016 diligentée par Mme X... est irrecevable, l'appel incident formé par la société Brochard-Hernandez est recevable ; que l'ordonnance doit être infirmée en ce qu'elle a déclaré l'appel de Mme X... recevable ; que cet appel sera déclaré irrecevable et l'instance éteinte en conséquence mais dans ses seuls rapports avec la société L'Artisan du Cotentin et avec la société [...] ; que l'appel incident formé par la société Brochard-Hernandez formé dans le délai d'appel est recevable ; que l'instance se poursuit donc entre Mme X... et la société Brochard-Hernandez et sur l'appel en garantie articulé par la société Brochard-Hernandez contre la société L'artisan du Cotentin, entre ces deux sociétés » ; ALORS QUE l'appel incident, peu important qu'il ait été interjeté dans le délai pour agir à titre principal, ne peut être reçu en cas de caducité totale, à l'égard de tous les intimés, de l'appel principal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par ordonnance du 30 juin 2016, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité totale de l'appel principal de Mme X... (arrêt, p. 4, alinéas 1 et 2) ; que la cour d'appel a également déclaré irrecevable l'appel principal réitéré de Mme X... en date du 1er juillet 2016 ; qu'en retenant pourtant que l'appel incident de la société Brochard-Hernandez serait recevable au prétexte qu'il a été formé dans le délai d'appel principal, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 550 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause.
Il résulte de l'article 550 du code de procédure civile que l'appel incident est recevable, alors même que l'appel principal serait irrecevable, s'il a été formé dans le délai pour agir à titre principal. C'est dès lors à bon droit, qu'une cour d'appel, relevant qu'une première déclaration d'appel caduque a été suivie d'une seconde déclaration d'appel irrecevable, retient que l'appel incident interjeté par l'intimé dans le délai prévu pour l'appel principal, postérieurement à cette seconde déclaration d'appel, est recevable, nonobstant la caducité de la première déclaration d'appel
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 976 F-P+B+I Pourvoi n° T 19-14.973 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 La société Les Confins, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 19-14.973 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Colmar (12e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Crédit agricole next bank, société de droit suisse, dont le siège est [...] ), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la SCI Les Confins, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Crédit agricole next bank, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 28 février 2019) et les productions, par une ordonnance du 27 avril 2010, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné, à la requête de la société Crédit agricole financements, désormais dénommée Crédit agricole next bank, l'exécution forcée par voie d'adjudication des biens immobiliers appartenant à la SCI Les Confins (la SCI). 2. Un premier notaire a dressé le procès-verbal des débats en date du 19 octobre 2016, aux termes duquel les parties ont décidé de fixer la date d'adjudication courant mars 2017. Un second notaire, désigné en remplacement du précédent, a rédigé le cahier des charges, le 16 janvier 2018, et fixé l'adjudication au 29 mars 2018. 3. Saisi d'objections et d'observations de la SCI, le tribunal a, par ordonnance du 22 mars 2018, dit n'y avoir lieu à annulation du procès-verbal des débats et du cahier des charges. 4. La SCI a formé un pourvoi immédiat contre cette décision. 5. Par ordonnance du 13 avril 2018, le tribunal a maintenu sa précédente décision et transmis le dossier à la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. La SCI fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance rejetant ses objections et de la débouter de ses conclusions tendant à ce que soient déclarés nuls et non avenus le procès-verbal établi par M. A... le 19 octobre 2016 et le cahier des charges établi le 16 janvier 2018 par M. R... alors « qu'il résulte de l'article 147 de la loi du 1er juin 1924 que le notaire commis par le tribunal doit, avant d'établir le cahier des charges, convoquer les parties pour débattre les points à examiner ; que la SCI faisait valoir que M. R..., désigné par ordonnance du 10 juillet 2017, avait établi le cahier des charges « sans avoir nullement pris attache avec les parties et encore moins avec la SCI Les Confins », de sorte que la procédure contradictoire avait été méconnue ; qu'en statuant comme ci-dessus sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article 147 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le notaire convoque, d'abord, par lettre recommandée le créancier poursuivant, le débiteur et le tiers détenteur, pour débattre les points à examiner, notamment la mise à prix, les conditions, l'époque, le mode et le lieu de l'adjudication, et dresse, ensuite, un procès-verbal de ces débats, fait mettre à jour la copie du livre foncier et procède sans délai à la rédaction du cahier des charges. 9. Il résulte de ce texte qu'après avoir convoqué le créancier poursuivant, le débiteur et le tiers détenteur pour débattre des points à examiner et dressé le procès-verbal des débats, le notaire n'a pas à les convoquer à nouveau avant de rédiger le cahier des charges. 10. Ayant retenu, d'une part, que la question de la mise à prix avait bien été débattue lors de la réunion du 19 octobre 2016, le notaire ayant indiqué disposer d'une estimation de la valeur de l'immeuble de la part du créancier qui ne tenait pas compte de son occupation actuelle, et, d'autre part, que la SCI, qui était présente lors des débats et avait signé le procès-verbal, ne pouvait invoquer le non-respect du contradictoire, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 12. La SCI fait le même grief à l'arrêt alors « qu'il résulte des articles 147 et 148 de la loi du 1er juin 1924 que le notaire commis par le tribunal, après avoir convoqué les parties pour débattre de pour débattre les points à examiner, notamment la mise à prix, les conditions, l'époque, le mode et le lieu de l'adjudication, procède « sans délai » à la rédaction du cahier des charges, la vente devant ensuite avoir lieu dans les trois mois suivant la rédaction de ce cahier ; qu'en décidant que le notaire avait pu établir le cahier des charges le 16 janvier 2018, tout en constatant que les parties avaient été réunies le 19 octobre 2016 et étaient convenues d'une vente qui devait avoir lieu « courant mars 2017 », la cour d'appel a violé les articles 147 et 148 de la loi susvisée du 1er janvier 1924, mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. » Réponse de la Cour 13. Selon l'article 148 de la loi du 1er juin 1924 précitée, le délai entre le jour où l'adjudication a été fixée et celui auquel elle a lieu ne peut dépasser trois mois. Selon l'article 159, alinéa 2, de la même loi, les infractions aux prescriptions sur la procédure en entraînent la nullité complète ou partielle, selon l'importance des prescriptions enfreintes, l'étendue des infractions et le préjudice vraisemblablement causé aux parties intéressées. 14. Ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que le cahier des charges avait été rédigé le 16 janvier 2018 et l'adjudication fixée au 29 mars 2018, sans qu'il soit justifié d'un grief de la part du débiteur quant au report d'une année de la date d'adjudication, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la SCI Les Confins aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Les Confins et la condamne à payer à la société Crédit agricole next bank la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la SCI Les Confins Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rejetant les objections de la SCI Les Confins et débouté celle-ci de ses conclusions tendant à ce que soient déclarés nuls et non avenus le procès-verbal établi par Me A... le 19 octobre 2016 et le cahier des charges établi le 16 janvier 2018 par Maître R..., AUX MOTIFS QUE s'agissant de la mise à prix, comme l'a relevé le premier juge, la question de la mise à prix a bien été débattue lors de la réunion du 19 octobre 2016 puisque le notaire a indiqué disposer d'une estimation de la valeur de l'immeuble de la part du créancier qui ne tenait pas compte de l'occupation actuelle de l'immeuble ; qu'il convient de relever que la SCI Les Confins était présente lors des débats et a signé le procès-verbal de sorte qu'elle ne peut invoquer le non-respect du contradictoire ; que le procès-verbal mentionne en outre que le prix sera déterminé dans le cahier des charges de la vente ; que le cahier des charges fixe la mise à prix à 250.000 euros alors que la seule estimation est celle du créancier qui était de 358.500 euros ; que la mise à prix doit être attractive et ne correspond pas à la valeur vénale du bien, à laquelle il est habituel d'appliquer un abattement d'un tiers afin de susciter les enchères ce qui est le cas en l'espèce ; qu'il n'est produit aucun élément probant quant à la valeur actuelle du bien immobilier de nature à remettre en cause la mise à prix par lot unique et alors que la séparation en deux appartements n'est pas démontrée ; qu'il n'est pas davantage justifié que l'échec d'une vente amiable au prix de 600.000 euros soit du fait du créancier qui n'y avait du reste aucun intérêt ; que selon l'article 147 de la loi du 1er juin 1924, le notaire convoque le créancier poursuivant, le débiteur et le tiers détenteur pour débattre les points à examiner notamment la mise à prix, les conditions, l'époque le mode et le lieu de l'adjudication ; qu'en l'espèce, les sujets, qui ne sont pas limitatifs, ont été abordés et la date de l'adjudication a été indiquée comme devant intervenir dans un délai de trois mois à compter de l'établissement du cahier des charges et les comparants ont décidé de fixer la date d'adjudication courant mars 2017 ; que le cahier des charges a été rédigé le 16 janvier 2018 et l'adjudication fixée au 29 mars 2018, sans qu'il ne soit justifié d'un grief de la part du débiteur quant au report d'une année de la date d'adjudication ; qu'en conséquence, aucune nullité au sens de l'article 159 de la loi du 1er juin 1924 ne saurait être encourue et l'ordonnance du 22 mars 2018 doit être confirmée ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la question de la mise à prix a bien été évoquée lors de la réunion du 19 octobre 2016 au cours de laquelle le notaire a déclaré disposer d'une estimation établissant la valeur de l'immeuble à 358.500 € ; que la SCI Les Confins présente lors de cette réunion et qui en a signé le procès-verbal n'a émis aucune objection à l'encontre de cette estimation ; que le fait que le bien se compose de deux appartements n'est pas établi, l'immeuble ayant été conçu initialement comme une maison individuelle ainsi qu'il résulte du permis de construire ; que cette situation serait au surplus sans conséquence, la vente portant sur la totalité de l'immeuble ; que le droit d'usage et d'habitation au profit de Madame D... a été constitué le 28 novembre 2003, soit postérieurement à l'obligation hypothécaire du 25 juillet 2003 au profit de la société Crédit Agricole, à qui il est donc inopposable ; que ce droit est bien mentionné dans le cahier des charges, le fait qu'il soit présenté sous l'intitulé situation locative étant sans incidence ; qu'en ce qui concerne la date de l‘adjudication, celle-ci n'avait pas été fixée de façon ferme lors des débats du 19 octobre 2016 ; qu'elle devait simplement être fixée dans un délai maximum de trois mois à compter de l'établissement du cahier des charges, ce qui a bien été le cas, le cahier des charges ayant été établi le 16 janvier 2018 tandis que la date de l'adjudication est fixée au 29 mars 2018 ; que la mise à prix n'a pas été fixée de façon arbitraire mais au vu d'une estimation établie par un professionnel qui n'a pas été contestée ; qu'il est constant que la mise à prix ne doit pas atteindre la valeur vénale de l'immeuble, qu'elle doit être attractive pour les acheteurs éventuels et doit constituer un compromis équitable entre les intérêts du débiteur et ceux du créanciers ; qu'en l'espèce, la mise à prix fixée représente plus de deux tiers de l'estimation réalisée en 2010, qui ne tenait pas compte de l'occupation de l'immeuble, de sorte que cette fixation est particulièrement favorable au débiteur ; 1° ALORS QU'il résulte de l'article 147 de la loi du 1er juin 1924 que le notaire commis par le tribunal doit, avant d'établir le cahier des charges, convoquer les parties pour débattre les points à examiner ; que la SCI Les Confins faisait valoir (pp. 5-6) que Me R..., désigné par ordonnance du 10 juillet 2017, avait établi le cahier des charges « sans avoir nullement pris attache avec les parties et encore moins avec la SCI Les Confins », de sorte que la procédure contradictoire avait été méconnue ; qu'en statuant comme ci-dessus sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2° ALORS, subsidiairement, QU'il résulte des articles 147 et 148 de la loi du 1er juin 1924 que le notaire commis par le tribunal, après avoir convoqué les parties pour débattre de pour débattre les points à examiner, notamment la mise à prix, les conditions, l'époque, le mode et le lieu de l'adjudication, procède « sans délai » à la rédaction du cahier des charges, la vente devant ensuite avoir lieu dans les trois mois suivant la rédaction de ce cahier ; qu'en décidant que le notaire avait pu établir le cahier des charges le 16 janvier 2018, tout en constatant que les parties avaient été réunies le 19 octobre 2016 et étaient convenues d'une vente qui devait avoir lieu « courant mars 2017 », la cour d'appel a violé les articles 147 et 148 de la loi susvisée du 1er janvier 1924, mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; 3° ALORS, subsidiairement également, QU'il résulte de l'article 147 de la loi du 1er juin 1924 que le notaire commis par le tribunal, doit convoquer les parties pour débattre notamment, de la mise à prix ; qu'en décidant que la question de la mise à prix avait été débattue lors de la réunion du 19 octobre 2016, motif seulement pris que le procès-verbal mentionne que le créancier poursuivant dispose d'une estimation de la valeur vénale de l'immeuble datant de 2010, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre à établir qu'il avait effectivement été débattu de la mise à prix qui serait fixée dans le cahier des charges, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; 4° ALORS QUE c'est au jour où il statue que le juge doit se placer pour apprécier la valeur de l'immeuble destiné à être vendu ; qu'en retenant que le tribunal de l'exécution pouvait, le 22 mars 2018, se fonder sur une estimation « réalisée en 2010 » pour apprécier le bien-fondé de la mise à prix contesté par le débiteur, la cour a violé les articles 158 et 159 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
Selon l'article 147 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le notaire convoque, d'abord, par lettre recommandée le créancier poursuivant, le débiteur et le tiers détenteur, pour débattre les points à examiner, notamment la mise à prix, les conditions, l'époque, le mode et le lieu de l'adjudication et dresse, ensuite, un procès-verbal de ces débats, fait mettre à jour la copie du livre foncier et procède sans délai à la rédaction du cahier des charges. Il résulte de ce texte qu'après avoir convoqué le créancier poursuivant, le débiteur et le tiers détenteur pour débattre des points à examiner et dressé le procès-verbal des débats, le notaire n'a pas à les convoquer de nouveau avant de rédiger le cahier des charges
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CIV. 2 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 977 F-P+B+I Pourvoi n° P 19-15.613 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. C... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 19-15.613 contre l'arrêt rendu le 21 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, dont le siège est [...] , 2°/ à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [...] , 3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Covea Fleet, 4°/ à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence, société coopérative de crédit, dont le siège est [...] , 5°/ au Fonds commun de titrisation Hugo Créances 1, représenté par la société GTI Asset management, société anonyme, dont le siège [...] , 6°/ au Fonds commun de titrisation Hugo Créances 4, représenté par la société GTI Asset management, société anonyme, lequel vient aux doits de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence, dont le siège [...] , 6°/ au RSI Auvergne contentieux Sud-Est, dont le siège est [...] , 7°/ à la société Marseillaise de crédit, société anonyme à directoire, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. K..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat des Fonds commun de titrisation Hugo Créances 1 et Fonds commun de titrisation Hugo Créances 4, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Demande de mise hors de cause 1. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de mise hors de cause de la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2019), M. K... a formé un recours contre la décision d'une commission de surendettement des particuliers ayant recommandé l'adoption de mesures de désendettement. 3. Il a ensuite interjeté appel du jugement ayant statué sur son recours. 4. Une cour d'appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable le recours de M. K..., écarté le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, arrêté le montant du passif à une certaine somme, dit que M. K... était éligible à la procédure de surendettement, dit que l'épargne Préfon-retraite devrait être débloquée, dit que le produit de la vente de l'ensemble immobilier sis à Gap devrait désintéresser prioritairement les créanciers bénéficiant de privilèges et/ou de sûretés sur ses biens, puis les autres créanciers, et rejeté les demandes en application de l'article 700 du code procédure civile. 5. L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, la cour d'appel a renvoyé le dossier à la commission de surendettement pour traiter la situation de M. K.... Recevabilité du pourvoi, contestée par la défense Vu les articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile : 6. Sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal. Il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d' excès de pouvoir. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. M. K... fait grief à l'arrêt de renvoyer le dossier à la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne pour traiter sa situation de surendettement alors « que le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10 du Code de la consommation prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 dudit Code ; qu'en renvoyant le dossier à la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne pour traiter la situation de surendettement de Monsieur K..., la Cour a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article L. 733-13 du Code de la consommation ». Réponse de la Cour Vu l'article L. 733-13 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et les principes régissant l'excès de pouvoir : 8. Selon ce texte, le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10 prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7. 9. Pour renvoyer le dossier à la commission de surendettement, l'arrêt retient que la capacité de remboursement retenue par le tribunal à hauteur de 3 233,12 euros apparaît difficilement soutenable au regard de l'évolution de la situation du débiteur, actuellement en arrêt maladie, qui perçoit des indemnités journalières limitées à 1 225,80 euros net par mois. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs. Portée et conséquences de la cassation Vu l'article 624 du code de procédure civile : 11. La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. 12. En application de ces dispositions, la cassation du chef de dispositif renvoyant le dossier à la commission de surendettement pour traiter la situation de M. K... entraîne la cassation, par voie de conséquence, des autres chefs de dispositif qui s'y rattachent pas un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : DIT n'y avoir lieu de mettre la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes hors de cause ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, la société MMA Iard, le Fonds commun de titrisation Hugo Créances 1 et le Fonds commun de titrisation Hugo Créances 4,venant aux droits de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. K.... PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ces chefs D'AVOIR écarté le rétablissement personnel sans liquidation, arrêté le montant du passif à la somme de « 1 207 000 041,51 € », dit que l'épargne PREFON-RETRAITE devra être débloquée, et dit que le produit de la vente de l'ensemble immobilier sis à Gap doit désintéresser prioritairement les créanciers bénéficiant de privilèges et/ou de sûretés sur ses biens, puis les autres créanciers ; AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur K... demande, en premier lieu, la vérification des créances sur le fondement de l'article L. 332-2 du Code de la consommation dispose, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er juillet 2016, applicable au jour de la saisine de la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne de la contestation de ses recommandations devant le tribunal d'instance de Villejuif ; qu'à cet égard, l'article L. 741 -8 du Code de la consommation relatif au rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, immédiatement applicable aux instances en cours en vertu de l'article 58 II de la loin° 2016-1547 du 18 novembre 2016, prévoit également que : « Avant de statuer, le juge peut faire publier un appel aux créanciers. Il peut vérifier, même d'office, la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées et s'assurer que le débiteur se trouve bien dans la situation mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 724-1. Il peut également prévoir toute mesure d'instruction qu'il estime utile. Nonobstant toute disposition contraire, le juge peut obtenir communication de tout renseignement lui permettant d'apprécier la situation du débiteur et l'évolution possible de celle-ci » ; que selon Monsieur K... les différents établissements bancaires voudraient tirer profit de la masse des créances en cause pour ne justifier, à aucun moment, ni de l'existence d'un titre de créance, ni même de l'augmentation exponentielle du montant de ces dernières depuis la liquidation de la société ALPES AUTO MOTO ; qu'ainsi, malgré un remboursement de 802 782,90 €, le passif allégué s'élèverait aujourd'hui à 1 207 041,51 €, nonobstant le gel des intérêts ; que par ailleurs, eu égard au formalisme protecteur prévu aux articles L 341-1 et L 341-2 du Code de la consommation dans leur version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, il serait primordial de pouvoir vérifier la validité des contrats de cautionnement à l'origine des différentes créances ; qu'en arrêtant le passif du débiteur à la somme de 1 207 041,51 €, avec pour seule référence l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 9 février 2017, sans rechercher si les créances alléguées et leur montant étaient justifiées par un titre, le premier juge aurait privé sa décision de motivation ; que cependant, d'une part, le Tribunal a formellement relevé que : « si le débiteur considère que sa situation de surendettement a été causée par les banques, ils ne sollicite la vérification d'aucune créance et ne s'oppose pas aux demandes de la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE-ALPES et du FCT HUGO CREANCES 1 » et d'autre part, l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 9 février 2017, qui a aujourd'hui force de chose jugée, constitue un titre exécutoire qui s'impose au juge du surendettement (condamnation à 107 309,44 € au bénéfice de FCT HUGO CREANCES I, en sa qualité de caution du Crédit Lyonnais, et 427 800 € au bénéfice de la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE-ALPES) ; qu'en ce qui concerne la société MMA IARD, venant successivement aux droits et obligations de la société LE MANS CAUTION et de la COVEA CAUTION, agissant en qualité de caution de M. K... en sa qualité de distributeur de la société BMW France, il apparaît que ce dernier avait été condamné le 4 février 2011 par le tribunal de commerce de GAP au paiement d'une somme de 200 000 €, au titre de son engagement de caution personnelle et solidaire de la société ALPES AUTO MOTO ; que cette décision est aujourd'hui définitive, à raison de l'ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Grenoble en date du 26 mai 2016 qui a déclaré l'appel irrecevable contre cette décision ; que cette ordonnance a été déférée et confirmée par un arrêt du 29 octobre 2016 de la cour d'appel ; que s'agissant, de la créance de la MARSEILLAISE DE CRÉDIT, Monsieur K... soutient que la Cour d'appel de Grenoble aurait considéré que celle-ci s'élevait non pas à la somme de 90 923,17 €, retenue par le jugement attaqué, mais à la somme de 51 747,97 € ; que toutefois le Tribunal ne s'est pas prononcé sur cette créance, compte-tenu de l'absence de contestation du débiteur ; qu'ainsi, il apparaît qu'en l'espèce le premier juge : n'était pas saisi d'une demande de vérification de créances, ce qui caractérise une demande nouvelle devant la cour d'appel au sens de l'article 554 Code de procédure civile, a constaté l'existence de titres exécutoires qui s'imposaient à la juridiction, justifiant ainsi légalement sa décision, n'a pas envisagé de prononcer un rétablissement personnel sans liquidation, ce qui rend inopérant le moyen fondé sur l'article L. 741-8 du Code de la consommation ; que sur ces différents fondements, les demandes de Monsieur K..., qui ne tendent qu'à remettre en cause l'autorité de chose jugée de décisions, comme il a déjà tenté de le faire à plusieurs reprises, est irrecevable ; que dans ces conditions il n'y a pas lieu davantage d'examiner, les moyens fondés sur la disproportion des engagements de caution ; que de même en ce qui concerne la créance du RSI, M. K... entend faire valoir que l'état des créances au 20 juillet 2015, annexé au courrier de la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne du même jour, acterait d'un montant restant dû au RSI AUVERGNE-CONTENTIEUX SUD-EST de 6 041 € et non pas de 14 600 €, tel que retenu par le premier juge ; que toutefois, là encore l'intéressé tente de créer une confusion, puisque la créance susvisée ne figure pas état du passif et constitue manifestement une dette professionnelle exclue de la procédure de surendettement ; que le moyen n'est dès lors pas fondé ; que le jugement ne peut donc qu'être confirmé en ce qui concerne la fixation du montant du passif ; que le Tribunal a relevé que les débiteurs demeuraient propriétaires de 50 parts sociales, numérotées de un à 50, détenu par la société civile immobilière ORCA, de la moitié des biens indivis et droits immobiliers situés en Haute-Corse estimait valeur de 33 000 € ainsi que d'une épargne PRÉFON-RETRAITE évaluée à 50 000 € ; que c'est donc par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Tribunal a estimé que la situation du débiteur ne présentait pas un caractère irrémédiablement compromis justifiant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ; que M. K... ne saurait valablement soutenir aujourd'hui et les biens litigieux seraient dépourvus de valeur vénale et que par ailleurs la liquidation son épargne aurait pour lui des conséquences excessives eues égard notamment au regard du montant des évaluations retenues ; qu'en outre, âgé uniquement de 57 ans, l'intéressé ne peut sérieusement prétendre qu'il n'a pas la possibilité de retrouver une activité professionnelle ; ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'aux termes de l'article L. 332-2 (alinéas 2 à 6) du Code de la consommation, le Juge peut vérifier, même d'office, la validité des créances, des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées et s'assurer que le débiteur se trouve bien dans la situation définie à l'article L. 331-2 lui permettant de bénéficier des mesures de traitement des situations de surendettement ; qu'en l'espèce, il ressort du dossier de procédure que l'état du passif a été définitivement arrêté par la commission à la somme de 1 361 885,17 € ; que cependant, il convient, au vu des pièces produites, notamment l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 9 février 2017, d'actualiser, pour les besoins de la procédure de surendettement, certaines créances selon les modalités suivantes : la créance de la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES sera fixée à la somme de 427 800 € et la créance de le FCT HUGO CREANCES I sera fixée à la somme de 107 309,44 € ; que le Tribunal observe que si le débiteur considère que sa situation de surendettement a été causée par les banques, il ne sollicite la vérification d'aucune créance et ne s'oppose pas aux demandes de la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES et de le FCT HUGO CREANCES I qui sollicitent de voir fixer leur créances aux sommes visées par l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble susmentionné ; 1°) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en arrêtant le montant du passif de Monsieur K... à la somme de « 1 207 000 041,51 € », cependant qu'aux termes de ses motifs, elle indiquait que ledit passif était de 1 207 041,51 €, la Cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser un passif à hauteur de 1 207 041,51 €, et a fortiori de « 1 207 000 041,51 € », la Cour a violé l'article L. 741-8 du Code de la consommation ; 3°) ALORS QU'en refusant de vérifier la créance de la MARSEILLAISE DE CRÉDIT pour cela que le premier juge ne s'était pas prononcé sur cette créance, compte-tenu de l'absence de contestation du débiteur, la Cour, qui a ainsi refusé de se prononcer sur la contestation dont elle était saisie, sans l'avoir jugée irrecevable aux termes du dispositif de sa décision, a commis un déni de justice en violation de l'article 4 du Code civil ; 4°) ALORS QU'à supposer que la Cour ait décidé qu'elle ne pouvait procéder à la vérification des créances pour cela qu'elle n'avait pas été demandée devant le premier juge, l'arrêt aurait été rendu en violation de l'article 564 du Code de procédure civile, ensemble l'article L. 741-8 du Code de la consommation ; 5°) ALORS QU' il résulte de l'« annexe » au jugement dont appel que la somme de 1 207 041,51 € inscrite au passif incluait une créance du RSI à hauteur de 14 600 € ; qu'en refusant de vérifier cette créance motif pris qu'elle ne figurait pas au passif retenu, la Cour a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 6°) ALORS QU'en refusant au surplus de vérifier cette créance motif pris qu'elle ne pouvait figurer pas au passif retenu, les dettes professionnelles professionnelles étant exclues de la procédure de surendettement, quand le caractère professionnel d'une dette n'est pas exclusif de l'application des mesures de traitement prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 du Code de la consommation, la Cour a violé l'article L. 733-1 dudit Code ; 7°) ALORS QUE la situation irrémédiablement compromise est caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 du Code de la consommation ; qu'en ne précisant pas quelles mesures de traitement pourraient être mises en oeuvre pour apurer la passif de Monsieur K..., la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 724-1 du Code de la consommation ; 8°) ALORS QUE le juge saisi de la contestation des mesures recommandées prend tout ou partie des mesures prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 du Code de la consommation et qu'il peut seulement subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ; qu'en disant que l'épargne PREFON-RETRAITE devra être débloquée et que le produit de la vente de l'ensemble immobilier sis à Gap doit désintéresser prioritairement les créanciers bénéficiant de privilèges et/ou de sûretés sur ses biens, puis les autres créanciers, la Cour a commis un excès de pouvoir et violé l'article L. 733-13 du Code de la consommation ; 9°) ALORS QUE le juge, saisi de la contestation des mesures recommandées, doit dans tous les cas déterminer la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage, et la mentionner dans sa décision ; que l'arrêt qui ne détermine pas la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage est entaché d'une violation de l'article L. 733-13 du Code de la consommation. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR renvoyé le dossier à la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne pour traiter la situation de surendettement de Monsieur K... ; AUX MOTIFS QU'au regard de l'évolution de la situation du débiteur, actuellement en arrêt maladie, qui perçoit des indemnités journalières limitées à 1 225,80 € net par mois, il convient de renvoyer le dossier de la procédure à la commission de surendettement de Val-de-Marne en vue d'un traitement conventionnel des difficultés financières de M. K... ; 1°) ALORS QUE le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10 du Code de la consommation prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 dudit Code ; qu'en renvoyant le dossier à la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne pour traiter la situation de surendettement de Monsieur K..., la Cour a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article L. 733-13 du Code de la consommation ; 2°) ALORS QUE le juge, saisi de la contestation des mesures recommandées, doit, dans tous les cas, déterminer la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage, et la mentionner dans sa décision ; que l'arrêt qui ne détermine pas la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage est derechef entaché d'une violation de l'article L. 733-13 du Code de la consommation. Le greffier de chambre Le greffier de chambre
Selon l'article L. 733-13 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, le juge, saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10, prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7. Méconnaît l'étendue de ses pouvoirs la cour d'appel qui, saisie de la contestation des mesures recommandées, renvoie le dossier à la commission de surendettement en retenant que la capacité de remboursement déterminée par le tribunal apparaît difficilement soutenable au regard de l'évolution de la situation du débiteur actuellement en arrêt maladie
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CIV. 2 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 983 F-P+B+I Pourvoi n° N 19-15.612 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 La Société générale, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 19-15.612 contre l'arrêt rendu le 19 février 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes, dont le siège est [...] , 2°/ à M. G... O..., domicilié [...] , 3°/ à M. C... W..., domicilié [...] , 4°/ au responsable du service des impôts des particuliers de Voiron, domicilié [...] , 5°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 février 2019), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par le responsable du service des impôts des particuliers de Voiron contre M. O..., un juge de l'exécution a, le 1er juillet 2014, ordonné la vente forcée du bien, qui a eu lieu le 10 mai 2016. 2. Les créanciers inscrits, la Société générale et la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhônes-Alpes (la CRCAM), ont déclaré leurs créances respectivement le 2 et le 17 juin 2014, soit avant et le jour même de l'audience d'orientation. 3. Le 11 janvier 2018, le créancier poursuivant a signifié au débiteur et aux créanciers inscrits un projet de distribution amiable, contesté le 25 janvier 2018 par la Société générale, et un procès-verbal de difficultés a été dressé le 14 février suivant, un juge de l'exécution ayant été ensuite saisi d'une demande de distribution judiciaire. 4. Par jugement du 26 juin 2018, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la dénonciation de la déclaration de créance de la CRCAM au créancier poursuivant et au débiteur, comme cela était demandé par la Société générale, et dit que la CRCAM est déchue du bénéfice de son rang dans la répartition du prix de vente puis a réparti le prix de vente en conséquence. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. La Société générale fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à contester la déclaration de créance de la CRCAM et de dire qu'au titre de la distribution du prix du bien saisi de M. O..., la CRCAM se verrait attribuer la somme de 44 189,03 euros au titre de son hypothèque judiciaire alors « que l'irrecevabilité des contestations formées après l'audience d'orientation ne concerne pas celles fondées sur un fait dont la partie concernée n'a eu connaissance qu'après celle-ci ; qu'en l'espèce, la Société générale faisait valoir (ses conclusions d'appel, p. 3) qu'elle n'avait eu connaissance de la tardiveté de la dénonciation par la CRCAM Sud Rhônes-Alpes de sa déclaration de créance au débiteur saisi qu'à la date de notification le 11 janvier 2018, par le créancier poursuivant, du projet de distribution du prix de vente, lequel faisait état (p. 4) de la « dénonciation de la déclaration de créance au débiteur hors délai » ; qu'en jugeant qu'il appartenait à la Société Générale de vérifier, avant la « procédure d'orientation », la conformité de la dénonciation de la déclaration de créance du Crédit Agricole aux dispositions de l'article R. 322-7- 4° du code des procédures civiles d'exécution, et le cas échéant de soulever une contestation lors de l'audience d'orientation, la cour d'appel, qui a par-là mis à sa charge une obligation de vérification qui ne s'imposait pas à elle, a violé l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles R. 322-7 et R. 322-15 du même code, et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ». Réponse de la Cour Vu l'article R. 311-5 et R. 322-13 du code des procédures civiles d'exécution : 6. Il résulte de ces textes que le créancier inscrit est recevable à contester la régularité d'une déclaration de créance antérieure à l'audience d'orientation après cette audience, dès lors qu'elle ne lui a pas été dénoncée. 7. Pour infirmer le jugement entrepris et déclarer irrecevable la contestation de la Société Générale, l'arrêt retient que la dénonciation de la déclaration de créance de la CRCAM au débiteur, objet de la contestation, était en date du 4 juin 2014, soit antérieure à l'audience d'orientation qui s'est tenue le 17 juin 2014, et que, dans ces conditions, il appartenait à la Société Générale de vérifier, avant la procédure d'orientation, la conformité de la dénonciation de la déclaration de créance de la CRCAM aux dispositions de l'article R. 322-7-4° du code des procédures civiles d'exécution et de soulever devant le juge de l'exécution, à ce stade de la procédure, une contestation. 8. En statuant ainsi, alors que la Société générale, créancier inscrit, auquel la déclaration de créance n'avait pas été dénoncée, était recevable en sa contestation, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhônes-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhônes-Alpes et la condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré la SOCIETE GENERALE irrecevable à contester la déclaration de créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHÔNE-ALPES, et D'AVOIR dit qu'au titre de la distribution du prix du bien saisi de Monsieur G... O..., la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHÔNEALPES se verrait attribuer la somme de 44.189,03 € au titre de son hypothèque judiciaire, AUX MOTIFS QUE « 1/ sur la recevabilité de la contestation de la Société Générale Par application de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ne peut être formée après l'audience d'orientation, à moins qu'elle ne porte sur des actes postérieurs à celle-ci. La saisie et la distribution constituent les deux phases de la même procédure de saisie immobilière. Le juge de l'exécution est tenu de trancher, lors de la procédure d'orientation, les contestations relatives à la validité des déclarations de créances soulevées à ce stade de l'instance. La dénonciation de la déclaration de créance de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes au débiteur, objet de la contestation formée par la Société Générale, est en date du 4 juin 2014, soit antérieure à l'audience d'orientation qui s'est tenue le 17 juin 2014. Dans ces conditions, il appartenait à la Société Générale de vérifier, avant la procédure d'orientation, la conformité de la dénonciation de la déclaration de créance du Crédit Agricole aux dispositions de l'article R 322-7-4ème du code des procédures civiles d'exécution et de soulever devant le juge de l'exécution, à ce stade de la procédure, une contestation. S'étant abstenue de le faire en temps utile, la Société Générale doit être déclarée irrecevable en sa contestation de la déclaration de créance du Crédit Agricole. Le jugement déféré doit être infirmé. La demande du Crédit Agricole aux fins d'être colloquée en fonction de son rang et de ses droits sera accueillie. 2/ sur la demande de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes Le premier juge a fait une application exacte des dispositions de l'article R. 333-3 du code des procédures civiles d'exécution concernant : 1) la répartition au profit des créanciers à titre privilégiés de l'article R. 333-3 du code des procédures civiles d'exécution concernant : 1) la répartition au profit des créanciers à titre privilégié de l'article 2375-1er du code civil à savoir : - la Selarl CDMF, avocats, pour la somme de 390,33 € au titre de ses débours et émoluments ; - la Selarl Europa, avocats, pour la somme de 203,79 € au titre de ses débours et émoluments ; - la Selarl Eydoux Modelski avocats, pour la somme de 250,13 € au titre de ses débours et émoluments ; 2) la répartition au profit du créancier à titre privilégié de l'article 2374 du code civil, Monsieur le responsable du service des impôts des particuliers de Voiron au titre de son hypothèque légale pour la somme de 5.966,72 €. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ces points. Au regard des considérations précédentes, le jugement sera infirmé concernant la répartition au bénéfice de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes, laquelle, au regard de son hypothèque de second rang, se verra distribuer la somme de 44.189,03 €. 3/ sur les mesures accessoires Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » 1°) ALORS QUE l'irrecevabilité des contestations formées après l'audience d'orientation ne s'applique qu'à celles susceptibles d'affecter le cours ou l'issue de la procédure de saisie ; que la déchéance d'un créancier inscrit de la sûreté dont il disposait sur le bien objet d'une saisie immobilière, à raison de la tardiveté de la dénonciation de sa déclaration de créance au débiteur, est sans incidence sur la procédure de saisie et peut en conséquence être invoquée par un autre créancier inscrit au stade de la distribution du prix de vente ; que pour dire irrecevable la contestation émise par la SOCIETE GENERALE tendant à voir déclarer irrecevable comme tardive la dénonciation de la déclaration de créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHÔNE ALPES au débiteur et à voir en conséquence constater la déchéance du bénéfice par ce créancier de la sûreté inscrite sur le bien immobilier saisi, la cour d'appel a retenu qu'il appartenait à la SOCIETE GENERALE de vérifier, avant la « procédure d'orientation », la conformité de la dénonciation de la déclaration de créance du CREDIT AGRICOLE aux dispositions de l'article R. 322-7- 4° du code des procédures civiles d'exécution, et le cas échéant de soulever une contestation lors de l'audience d'orientation ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble ; 2°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE l'irrecevabilité des contestations formées après l'audience d'orientation ne concerne pas celles fondées sur un fait dont la partie concernée n'a eu connaissance qu'après celle-ci ; qu'en l'espèce, la SOCIETE GENERALE faisait valoir (ses conclusions d'appel, p. 3) qu'elle n'avait eu connaissance de la tardiveté de la dénonciation par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHÔNE ALPES de sa déclaration de créance au débiteur saisi qu'à la date de notification le 11 janvier 2018, par le créancier poursuivant, du projet de distribution du prix de vente, lequel faisait état (p. 4) de la « dénonciation de la déclaration de créance au débiteur hors délai » ; qu'en jugeant qu'il appartenait à la SOCIETE GENERALE de vérifier, avant la « procédure d'orientation », la conformité de la dénonciation de la déclaration de créance du CREDIT AGRICOLE aux dispositions de l'article R. 322-7- 4° du code des procédures civiles d'exécution, et le cas échéant de soulever une contestation lors de l'audience d'orientation, la cour d'appel, qui a par-là mis à sa charge une obligation de vérification qui ne s'imposait pas à elle, a violé l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles R. 322-7 et R. 322-15 du même code, et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 3°) ALORS, AU SURPLUS, QU' aucune disposition légale ou réglementaire n'impose au créancier déposant au greffe du tribunal de la procédure de saisie immobilière une déclaration de créance de justifier de la dénonciation de cette déclaration au créancier poursuivant et au débiteur saisi ; qu'en reprochant à la SOCIETE GENERALE de ne pas s'être enquise auprès du greffe du tribunal de la procédure de saisie immobilière de la régularité des déclarations de créance effectuées par d'éventuels autres créanciers, et le cas échéant de formuler une contestation lors de l'audience d'orientation, la cour d'appel a derechef violé l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles R. 322-7 et R. 322-15 du même code ; 4°) ALORS, ENFIN, QUE dans le jugement d'orientation du 1er juillet 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de GRENOBLE s'est borné à constater que les conditions des articles L 311-2, L 311-4 et L 311-6 du code des procédures civiles d'exécution étaient réunies, à fixer le montant de la créance du créancier saisissant, et à ordonner la vente forcée des biens objet de la saisie, sans statuer, par un chef de dispositif expresse ou implicite, sur la validité de la dénonciation au créancier saisissant ou au débiteur saisi de la déclaration de créance des créanciers inscrits ; qu'en jugeant néanmoins que faute d'avoir soulevé avant l'audience d'orientation la contestation relative à la régularité de la dénonciation de la déclaration de créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHÔNE ALPES au débiteur saisi, la SOCIETE GENERALE était irrecevable à le faire au stade de la distribution du prix de vente, la cour d'appel a encore violé l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 du code de procédure civile et l'article 1351 (devenu 1355) du code civil.
Il résulte des articles R. 311-5 et R. 322-13 du code des procédures civiles d'exécution que le créancier inscrit est recevable à contester la régularité d'une déclaration de créance antérieure à l'audience d'orientation après cette audience, dès lors qu'elle ne lui a pas été dénoncée
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CIV. 2 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 984 F-P+B+I Pourvoi n° R 19-15.753 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 Mme M... B..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° R 19-15.753 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (15e chambre civile A), dans le litige l'opposant au Fonds commun de titrisation Hugo créances III, dont le siège est [...] , représenté par la société de gestion GTI Asset Management, défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme B..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 novembre 2018), sur le fondement de deux actes authentiques de 2001, le Fonds commun de titrisation Hugo créances III a fait délivrer à Mme B... un commandement à fin de saisie-vente le 20 juin 2016. 2. Un juge de l'exécution a, par jugement du 13 juin 2017, débouté Mme B... de sa contestation. 3. Ce jugement a été notifié par le greffe le 20 juin 2017. 4. Mme B... a interjeté appel de ce jugement le 20 juillet 2017. 5. Sur conclusions d'incident du Fonds commun de titrisation, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel a déclaré l'appel irrecevable. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa cinquième branche, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 7. Mme B... fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable et de la condamner à payer au Fonds commun de titrisation Hugo Créances III la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile alors : « 1°/ que la décision du juge de l'exécution est notifiée aux parties elles-mêmes par le greffe au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'en cas de notification en la forme ordinaire, celle-ci n'est réputée faite à la partie elle-même que lorsque l'accusé de réception est signé par le destinataire ; qu'en jugeant la notification en la forme ordinaire du jugement du 13 juin 2007 avait eu pour effet de faire courir le délai d'appel et en déclarant irrecevable comme tardif l'appel formé par Mme B... après avoir pourtant constaté que l'avis de réception avait été signé « manifestement par une autre personne que la destinataire du pli », la cour d'appel a violé les articles R. 121-15 du code des procédures civiles d'exécution, 670-1, 677 et 528 du code de procédure civile ; 2°/ que les jugements sont notifiées aux parties elles-mêmes ; qu'est donc irrégulière la notification faite à un mandataire ; qu'en jugeant que le délai de recours avait valablement couru à compter de la notification en la forme ordinaire du jugement du 13 juin 2007 et en déclarant irrecevable comme tardif l'appel formé par Mme B... après avoir pourtant constaté que sur l'avis de réception, figurait le nom de Périer avec une croix à l'emplacement destiné au mandataire, la cour d'appel a violé l'article 677 et 528 du code de procédure civile et R. 121-15 du code des procédures civiles d'exécution ; 3°/ que la notification d'un jugement en la forme ordinaire n'est réputée faite à domicile ou à résidence que lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet ; qu'en déclarant régulière la notification en la forme ordinaire du jugement frappé d'appel sans constater que le signataire de l'avis de réception, un dénommé U..., avait reçu un pouvoir spécial à cet effet, la cour d'appel a violé les articles 670-1, 677, 528 du code de procédure civile et R. 121-15 du code des procédures civiles d'exécution ; 4°/ que l'existence d'un pouvoir spécial pour recevoir en lieu et place de son destinataire la notification d'un jugement en la forme ordinaire ne saurait être présumée ; qu'en jugeant la notification du jugement régulière et l'appel tardif aux motifs que Mme B... n'établissait pas l'absence de mandat du signataire de l'avis de réception et ne fournissait aucune explication sur son identité, ses liens de confiance avec cette personne présente chez elle ou le fait qu'elle ne soit pas habilitée à recevoir l'acte, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil. » Réponse de la Cour 8. Si, selon l'article 677 du code de procédure civile, les jugements sont notifiés aux parties elles-mêmes, l'article 670 du code de procédure civile prévoit que la notification est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire et faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet. Il résulte de ces textes que la signature figurant sur l'avis de réception d'une lettre recommandée adressée à une personne physique est présumée être, jusqu'à preuve du contraire, celle de son destinataire ou de son mandataire. 9. C'est, dès lors, à bon droit, et sans inverser la charge de la preuve, que la cour d'appel a retenu que si l'avis de réception était manifestement signé par une autre personne que la destinataire du pli, Mme B... ne fournissait aucune autre explication sur le fait que cette personne, présente chez elle lorsque l'employé des Postes était venu, ne fut pas habilitée à recevoir l'acte, alors qu'en portant la date de remise, le facteur avait également apposé une croix à l'emplacement destiné au mandataire, lequel avait alors tracé sa signature avec une autre encre et qu'il revenait à Mme B... d'établir l'absence de mandat. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le moyen pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 11. Mme B... fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable et de la condamner à payer au Fonds commun de titrisation Hugo Créances III la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile alors « que selon l'article 680 du code de procédure civile, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai de recours ainsi que les modalités selon lesquelles celui-ci doit être exercé, ce qui comprend la désignation de la juridiction territorialement compétente pour connaître de l'appel ; qu'en décidant que cette dernière exigence était en l'espèce satisfaite par l'invitation faite au destinataire de l'acte de faire le choix d'un avocat près de l'un des barreaux de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, la Cour d'appel a violé l'article 680 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 12. En application de l'article 680 du code de procédure civile, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai de recours ainsi que les modalités selon lesquelles celui-ci doit être exercé et que constitue une modalité du recours, au sens de ces dispositions, le lieu où celui-ci doit être exercé. 13. La cour d'appel, après avoir constaté que la lettre de notification indiquait, au titre des modalités de l'appel, qu'il incombait à la partie de faire le choix d'un avocat inscrit à l'un des barreaux de la Cour d'appel d'Aix en Provence, qui effectuera les diligences nécessaires à l'instruction de son recours, en a exactement déduit que ces mentions sont suffisantes pour informer de manière satisfaisante Mme B... des modalités du recours à exercer. 14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme B... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme B... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme B.... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré l'appel irrecevable et D'AVOIR condamné Mme B... à payer au fonds commun de titrisation Hugo Créances III, la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE la décision du juge de l'exécution de Toulon, en date du 13 juin 2017, a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à madame B..., à l'initiative du greffe ; l'avis postal porte une signature en date du 20 juin 2017, tracée par comparaison avec les exemplaires de signature dont la cour dispose grâce à la photocopie d'un passeport de l'intéressée et à l'acte de prêt, manifestement par une autre personne que la destinataire du pli ; Madame B... affirme que le nom porté est celui de U..., effectivement lisible sur l'avis postal, mais elle ne fournit aucune autre explication sur son identité, ses liens de confiance avec cette personne, présente chez elle lorsque l'employé des postes est venu, ou le fait qu'elle ne soit pas habilitée à recevoir l'acte, alors qu'en portant la date de remise, le facteur a également apposé une croix à l'emplacement destiné au mandataire, lequel a alors tracé sa signature avec une autre encre ; il revenait à tout le moins à madame B... d'établir l'absence de mandat ; Madame B... expose également un deuxième chef de nullité de la notification au visa de l'article 680 du code de procédure civile, dans la mesure où la cour d'appel à saisir ne serait pas indiquée ; selon ce texte, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d'une indemnité à l'autre partie ; en l'espèce, la lettre de notification indique au titre des modalités de l'appel, "le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification de la décision" et plus bas, "il vous incombe de faire le choix d'un avocat près l'un des barreaux de la Cour d'appel d'Aix en Provence, qui effectuera les diligences nécessaires à l'instruction de votre recours" ; ces mentions sont suffisantes pour informer de manière satisfaisante madame B... des modalités du recours à exercer ; il n'y a donc pas lieu d'invalider la notification, de sorte que Madame B..., devait formaliser son appel avant le jeudi 6 juillet, alors qu'elle ne l'a fait le 20 juillet ; il convient en conséquence de confirmer la décision du conseiller de la mise en état mais de porter à 2 000 € la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Madame B... a relevé appel le 20 juillet 2017 du jugement qui lui a été notifié par le greffe à son adresse déclarée, suivant lettre recommandée datée du 16 juin 2017 remise le 20 juin 2017, dont l'avis de réception est signé ; elle conteste en être la signataire et verse au dossier copie de son passeport portant une signature différente de celle apposée sur l'avis de réception ; l'identité du signataire de l'avis de réception n'est pas mentionnée sur ce document et l'appelante ne la révèle pas ; elle n'établit pas que la personne qui a réceptionné le pli litigieux et qui a porté sur l'avis de réception sa signature n'avait pas qualité pour ce faire, alors que la signature figurant sur l'avis de réception d'une lettre recommandée adressée à une personne physique est présumée être jusqu'à preuve du contraire, celle de son destinataire ou de son mandataire. ( Cass 2ème civ .15 décembre 2011 n° 10-26.618) ; et c'est vainement que Mme B... soutient l'irrégularité de cette notification qui ne comporte pas le lieu où l'appel doit être exercé, alors que cette lettre recommandée mentionne, s'agissant des modalités de l'appel, qu'il incombe à l'intéressée de faire le choix auprès d'un avocat près de l'un des barreaux de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, cette mention désignant ainsi la juridiction territorialement compétente pour connaître du recours ; 1°) ALORS QUE la décision du juge de l'exécution est notifiée aux parties elles-mêmes par le greffe au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'en cas de notification en la forme ordinaire, celle-ci n'est réputée faite à la partie elle-même que lorsque l'accusé de réception est signé par le destinataire ; qu'en jugeant la notification en la forme ordinaire du jugement du 13 juin 2007 avait eu pour effet de faire courir le délai d'appel et en déclarant irrecevable comme tardif l'appel formé par Mme B... après avoir pourtant constaté que l'avis de réception avait été signé « manifestement par une autre personne que la destinataire du pli », la cour d'appel a violé les articles R 121-15 du code des procédures civiles d'exécution, 670-1, 677 et 528 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE les jugements sont notifiées aux parties elles-mêmes ; qu'est donc irrégulière la notification faite à un mandataire ; qu'en jugeant que le délai de recours avait valablement couru à compter de la notification en la forme ordinaire du jugement du 13 juin 2007 et en déclarant irrecevable comme tardif l'appel formé par Mme B... après avoir pourtant constaté que sur l'avis de réception, figurait le nom de Périer avec une croix à l'emplacement destiné au mandataire, la cour d'appel a violé l'article 677 et 528 du code de procédure civile et R 121-15 du code des procédures civiles d'exécution ; 3°) ALORS QUE la notification d'un jugement en la forme ordinaire n'est réputée faite à domicile ou à résidence que lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet ; qu'en déclarant régulière la notification en la forme ordinaire du jugement frappé d'appel sans constater que le signataire de l'avis de réception, un dénommé U..., avait reçu un pouvoir spécial à cet effet, la cour d'appel a violé les articles 670-1, 677, 528 du code de procédure civile et R 121-15 du code des procédures civiles d'exécution ; 4°) ALORS, en tout état de cause, QUE l'existence d'un pouvoir spécial pour recevoir en lieu et place de son destinataire la notification d'un jugement en la forme ordinaire ne saurait être présumée ; qu'en jugeant la notification du jugement régulière et l'appel tardif aux motifs que Mme B... n'établissait pas l'absence de mandat du signataire de l'avis de réception et ne fournissait aucune explication sur son identité, ses liens de confiance avec cette personne présente chez elle ou le fait qu'elle ne soit pas habilitée à recevoir l'acte, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil ; 5°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel (p. 3 à 5) de Mme B... qui faisait valoir que faute d'avoir la personnalité morale, le Fonds commun de titrisation Hugo Créances III n'avait pas qualité à agir en justice et donc à soulever l'irrecevabilité de l'appel, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ALORS, enfin, QUE selon l'article 680 du code de procédure civile, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai de recours ainsi que les modalités selon lesquelles celui-ci doit être exercé, ce qui comprend la désignation de la juridiction territorialement compétente pour connaitre de l'appel ; qu'en décidant que cette dernière exigence était en l'espèce satisfaite par l'invitation faite au destinataire de l'acte de faire le choix d'un avocat près de l'un des barreaux de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, la Cour d'appel a violé l'article 680 du code de procédure civile.
Si, selon l'article 677 du code de procédure civile, les jugements sont notifiés aux parties elles-mêmes, l'article 670 du code de procédure civile prévoit que la notification est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire et faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet. Il résulte de ces textes que la signature figurant sur l'avis de réception d'une lettre recommandée adressée à une personne physique est présumée être, jusqu'à preuve du contraire, celle de son destinataire ou de son mandataire
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 985 F-P+B+I Pourvoi n° Y 19-17.922 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 1°/ Mme P... W..., épouse C..., 2°/ M. I... C..., domiciliés [...] , ont formé le pourvoi n° Y 19-17.922 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre B), dans le litige les opposant à Mme H... Q..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. C... et Mme W..., épouse C..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 mai 2019), M. C... et Mme W... ont eu deux enfants. 2. Par jugement du 16 novembre 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Béziers, Mme R..., a notamment accordé à Mme Q..., grand-mère paternelle des enfants, un droit de visite. 3. M. C... et Mme W... ont interjeté appel de ce jugement. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. C... et Mme W... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé à Mme Q... un droit de visite médiatisé à l'égard de ses petits-enfants S... et X... C..., qui s'exercerait pendant une durée de six mois à compter de son premier exercice, dans les locaux de l'association Adages et dit qu'à l'issue de ce délai de six mois et en l'absence de difficulté constatée, Mme Q... bénéficierait d'un droit de visite s'exerçant, sauf meilleur accord, le premier dimanche de chaque mois, de 10 h à 18 h, à charge pour elle de venir chercher et ramener les enfants au domicile de leurs parents, et préciser que les visites médiatisées devraient s'effectuer dans les conditions initialement prévues par ce jugement, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'en l'espèce, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Béziers ayant rendu le jugement de première instance était Mme O... R... ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que l'affaire a été débattue en appel devant M. Paul Baudouin, président, et Mme Cécile Youl-Pailhes, conseillère, qui ont ensuite rendu compte des plaidoiries « dans le délibéré de la cour composée de : M. Paul Baudoin, président, Mme Cécile Youl-Pailhes, conseillère, et Mme Magali Venet, conseiller » ; qu'en statuant ainsi, dans une composition comportant un magistrat qui avait déjà tranché le même litige en première instance, la cour d'appel a méconnu l'exigence d'impartialité, en violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 5. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial. L'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement. 6. L'arrêt mentionne que l'affaire a été délibérée par la cour d'appel, composée notamment de Mme R..., juge aux affaires familiales ayant prononcé le jugement déféré. 7. En statuant ainsi, dans une composition comportant un magistrat qui avait déjà tranché le même litige en première instance, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne Mme Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. C... et Mme W..., épouse C... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. C... et Mme W..., épouse C... Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait accordé à Madame H... Q... un droit de visite médiatisé à l'égard de ses petits-enfants S... et X... C..., qui s'exercerait pendant une durée de six mois à compter de son premier exercice, dans les locaux de l'association Adages et dit qu'à l'issue de ce délai de 6 mois et en l'absence de difficulté constatée, Madame Q... bénéficierait d'un droit de visite s'exerçant, sauf meilleur accord, le premier dimanche de chaque mois, de 10h à 18h, à charge pour elle de venir chercher et ramener les enfants au domicile de leurs parents, et précisé que les visites médiatisées devraient s'effectuer dans les conditions initialement prévues par ce jugement, AUX MOTIFS QUE « sur l'organisation d'un droit de visite et d'hébergement des grands-parents : Aux termes de l'article 371-4 du code civil, « l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants et seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit. Ce même article dispose que dans la mesure où il y va de l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ». A l'appui de ses demandes, Madame H... Q... fait valoir qu'elle s'est beaucoup occupée de ses petits enfants jusqu'en octobre 2015 mais que les parents ont décidé de rompre les liens avec elle et son époux suite à un litige immobilier les ayant opposés lors de la vente d'une partie de leur immeuble. En réplique, Monsieur I... C... et Madame P... W... s'opposent à la demande. Ils font valoir que Madame H... Q... a toujours voulu s'imposer de façon abusive au sein de leur famille, ce qui était source de conflits avant l'incident d'octobre 2015 qui a mis un terme à leurs relations avec cette dernière. Ils précisent qu'il serait contraire à l'intérêt des enfants de maintenir des liens avec leur grand-mère maternelle en raison des tensions existantes et du comportement maltraitant adopté par Monsieur F... A... C... à l'égard de S..., relaté par l'enfant lors de son audition, et auquel Madame H... Q... n'aurait pas réagi. En l'espèce, les pièces versées aux débats ont permis d'établir que les enfants étaient pris en charge par leurs grands-parents avant l'incident d'octobre 2015 et qu'ils en paraissaient satisfaits. Les tiers, en l'occurrence le personnel qui avait en charge les soins prodigués à Monsieur F... A... C... avant son décès, témoignent de la très bonne qualité des relations qui unissaient petits enfants et grands-parents. Il est parfaitement établi qu'il existe entre les adultes un conflit qui est à l'origine de la rupture des relations entre les petits enfants et la grand-mère, conflit duquel les enfants auraient dû être extraits. L'audition de S... n'est que le reflet du conflit de loyauté dans lequel il est inscrit. La Cour constate que si les consorts W... C... rapportent la preuve qu'ils sont de bons parents et les enfants, des enfants épanouis, ils ne rapportent pas la preuve que le rétablissement des relations entre leurs enfants et leur grand-mère serait les soumettre à un danger quelconque et, de manière plus générale, contraire à leur intérêt. En conséquence, la décision du premier juge doit être confirmée, en précisant que les visites médiatisées, compte tenu des difficultés d'exécution rencontrées, devront s'effectuer dans les conditions initialement prévues dans la décision dont appel, avant la mise en oeuvre du droit de visite accordé à Madame H... Q... » (arrêt, pp. 5 et 6), ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'en l'espèce, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Béziers ayant rendu le jugement de première instance était Mme O... R... (jugement entrepris, p. 1ère) ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué (p. 2) que l'affaire a été débattue en appel devant M. Paul Baudouin, président, et Mme Cécile Youl-Pailhes, conseillère, qui ont ensuite rendu compte des plaidoiries « dans le délibéré de la cour composée de : M. Paul Baudoin, président, Mme Cécile Youl-Pailhes, conseillère, et Mme Magali Venet, conseiller » ; qu'en statuant ainsi, dans une composition comportant un magistrat qui avait déjà tranché le même litige en première instance, la cour d'appel a méconnu l'exigence d'impartialité, en violation de l'article 6, § 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Viole l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui statue dans une composition comportant un magistrat qui avait déjà tranché le même litige en première instance
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 986 F-P+B+I Pourvoi n° P 19-12.830 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 1°/ la société N... X..., société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de Mme X... E..., désignée à cette fonction par jugement du tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe du 12 janvier 2016, 2°/ la société N... X..., société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. J... E..., désigné à cette fonction par jugement du tribunal de grande instance de Cambrai du 8 février 2016, ont formé le pourvoi n° P 19-12.830 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 3), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Crédit immobilier de France développement, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Banque patrimoine et immobilier (BPI), 2°/ à la société unipersonnelle STC, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 3°/ à M. F... R..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société N... X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de Mme X... E..., et la société N... X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. J... E..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société unipersonnelle STC, de Me Le Prado, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 20 décembre 2018), sur des poursuites de saisie immobilière engagées le 22 août 2013 par la Banque patrimoine et immobilier, aux droits de laquelle vient le Crédit immobilier de France développement (la banque), contre M. et Mme E..., par deux décisions du 20 juin 2014, un juge de l'exécution a, d'une part, débouté M. et Mme E... de leur demande de report de la vente forcée, et d'autre part, adjugé le bien saisi à la société STC (l'adjudicataire) pour la somme de 95 000 euros. 2. Par arrêt du 20 juin 2014, une cour d'appel a confirmé la décision ayant rejeté la demande de report et déclaré irrecevable l'appel contre le jugement d'adjudication. 3. Mme E... a été placée en redressement judiciaire le 12 décembre 2014 et la Selarl N... X... a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. M. E... a été placé en redressement judiciaire le 29 janvier 2015, M. N..., membre de la Selarl N... X..., ayant été désigné en qualité de mandataire judiciaire. 4. Le 19 mai 2015, M. N..., la Selarl N... X..., ès qualités, et M. et Mme E..., ont assigné la banque et l'adjudicataire devant un juge de l'exécution afin qu'il prononce la résolution de la vente par adjudication pour défaut de paiement du prix de vente dans les deux mois de l'adjudication. 5. Le prix de vente a été consigné, avec les intérêts de retard, les 2 et 28 juin 2015 par l'adjudicataire. 6. Par jugement du 16 décembre 2015, le juge de l'exécution a débouté les demandeurs de leurs prétentions. 7. Le bien a été revendu à M. R... le 29 décembre 2016. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. La Selarl N... X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de Mme E..., et de celui de M. E..., fait grief à l'arrêt, confirmant le jugement entrepris, de les débouter de l'ensemble de leurs prétentions et de leur demande tendant au prononcé de la résolution de la vente par adjudication du 20 juin 2014 sur le bien sis à Ligny-en-Cambrésis, et, ajoutant au jugement, de rejeter leur demande visant à voir ordonner la nullité de la cession intervenue le 29 décembre 2016 entre la société STC et M. R... et de rejeter la demande de restitution du bien immobilier en faveur de M. et Mme E... alors : « 1°/ qu'à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais dans les délais légaux, la vente par adjudication judiciaire est résolue de plein droit ; que malgré la possibilité de mettre en oeuvre la procédure de réitération des enchères, une demande principale en résolution de la vente par adjudication, peu important que le cahier des conditions de vente rappelle que l'absence de paiement du prix dans les délais prescrits est susceptible d'entraîner la réitération des enchères, peut être formée contre l'adjudicataire qui ne justifie pas du paiement du prix dans les légaux ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de M. N... et de la Selarl N... X..., que la demande de résolution de la vente par adjudication ne pouvait s'entendre que dans le contexte d'une procédure de réitération d'enchères, la cour d'appel a violé l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°/ qu'à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais dans les délais légaux, la vente par adjudication judiciaire est résolue de plein droit ; qu'en retenant que la résolution de plein droit de la vente par adjudication du 20 juin 2014 n'était pas encourue dès l'expiration du délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive et ne pouvait être prononcée, l'adjudicataire ayant consigné le prix et les intérêts de retard les 2 et 18 juin 2015, après avoir été assigné en constatation de la résolution de la vente, au motif inopérant que la possibilité d'un paiement au-delà du délai de deux mois était prévue par l'article R. 322-56 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 9. Aux termes de l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution, à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais, la vente est résolue de plein droit. 10. L'article R. 322-66 du code des procédures civiles d'exécution prévoit ensuite, que le versement au séquestre ou la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations du prix, auquel est tenu l'adjudicataire en application de l'article L. 322-12, est opéré dans un délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive, à peine de réitération des enchères. Passé ce délai, le prix de vente est augmenté de plein droit des intérêts au taux légal jusqu'au versement complet du prix ou sa consignation. 11. Ce n'est, enfin, qu'après une mise en demeure de payer sous huit jours, selon l'article R. 322-67 du même code, que la procédure de réitération des enchères peut être poursuivie. 12. Il en résulte que l'adjudicataire peut consigner le prix de vente et payer les frais au-delà du délai de deux mois suivant l'adjudication, la seule sanction du défaut de paiement dans ce délai étant la possibilité pour les créanciers et le débiteur de poursuivre la réitération des enchères. 13. Ce n'est, dès lors, qu'en l'absence de consignation ou de versement du prix et de paiement des frais à la date où le juge statue que la résolution de la vente peut être constatée, à l'occasion de la procédure de réitération des enchères ou par une action tendant à cette seule résolution. 14. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que la résolution de la vente de plein droit n'est pas encourue dès l'expiration du délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive et, après avoir constaté la consignation du prix et des intérêts de retard par l'adjudicataire les 2 et 18 juin 2015, en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de constater la résolution de la vente. 15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société N... X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de Mme X... E..., et la société N... X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. J... E..., aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société N... X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de Mme X... P..., et la société N... X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. J... E... Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris déboutant les époux E... et Maître N... ès qualités de l'ensemble de leurs prétentions, débouté la Selarl N... X... de leur demande tendant au prononcé de la résolution de la vente opérée par adjudication publique le 20 juin 2014 sur le bien sis à [...] , cadastré section [...] et [...] pour 20 a 95 ca et d'avoir, ajoutant au jugement, rejeté la demande visant à voir ordonner la nullité de la cession intervenue le 29 décembre 2016 entre la société STC et M. R... formée par Maître N... et la Sarl N... X... ès qualités et a rejeté la demande de restitution du bien immobilier à [...] , en faveur de M. J... E... et Mme X... I... ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la demande de résolution de la vente par adjudication L'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution prévoit qu'à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais, la vente est résolue de plein droit. L'adjudicataire défaillant est tenu au paiement de la différence entre son enchère et le prix de la revente, si celui-ci est moindre. Il ne peut prétendre à la répétition des sommes qu'il a acquittées. Selon l'article R. 322-56 de ce même code, le versement au séquestre ou la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations du prix auquel est tenu l'adjudicataire en application de l'article L. 322-12 est opéré dans un délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive, à peine de réitération des enchères. Passé ce délai, le prix de vente est augmenté de plein droit des intérêts au taux légal jusqu'au versement complet du prix ou sa consignation. En l'espèce, il est acquis aux débats que suite au jugement d'adjudication en date du 20 juin2014, la SARL unipersonnelle STC a été déclarée adjudicataire du bien sis à [...] cadastrée section [...] moyennant la somme de 95 000 euros. Par arrêt en date du 3 septembre 2015, la cour d'appel de Douai a déclaré irrecevable l'appel formé par les époux E... contre ce jugement. Il n'est pas non plus contesté que la SARL unipersonnelle STC a consigné tant le prix de vente que les intérêts de retard respectivement les 2 et 18 juin 2015. Or, malgré ce qu'excipent les appelants, il se déduit des deux articles susmentionnés que la résolution de la vente de plein droit n'est pas encourue dès l'expiration du délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive puisque le second texte à savoir l'article R. 322-56 du code des procédures civiles d'exécution prévoit expressément la possibilité d'un paiement au-delà de ce délai de deux mois imparti à l'adjudicataire par l'instauration d'une sanction qui accompagne ce paiement tardif à savoir l'augmentation de plein droit du prix de vente des intérêts au taux légal. De plus, il convient de rappeler que le non-respect de ce délai autorise les créanciers saisissants ou inscrits mais également le débiteur saisi à poursuivre en réitération des enchères, laquelle est précisément, par application de l'article R. 322-67 du même code, subordonnée à la production d'un certificat constatant que l'adjudicataire n'a pas justifié du versement du prix ou de sa consignation ainsi qu'à une sommation de payer délivrée à l'acquéreur. De surcroît, le cahier des conditions de vente applicable en l'espèce et qui fait partie intégrante du jugement d'adjudication prévoyait en son article 11 alinéa 1 qu'à défaut pour l'acquéreur de payer dans les délais prescrits le prix ou les frais taxés, le bien est remis en vente à la demande du créancier poursuivant, d'un créancier inscrit ou du débiteur saisi aux conditions de la première vente forcée. Ainsi, si la résolution de plein droit est désormais une sanction autonome qui doit être constatée par le juge de l'exécution et non plus par le tribunal de grande instance comme l'excipent les appelants, celle-ci, en revanche, ne s'entend que dans le contexte d'une procédure de réitération des enchères, qui en l'espèce, n'a pas été mise en oeuvre. Au regard de ces éléments, il a donc lieu de juger que Maître N... et la SARL N... X... ès qualités ne sont pas fondés à soutenir que la vente est résolue de plein droit puisque le paiement n'a pas eu lieu dans le délai de deux mois, ce dernier étant intervenu avant que le premier juge statue. En conséquence, compte tenu de la consignation du prix et des intérêts de retard par la SARL unipersonnelle STC les 2 et 18 juin 2015, il n'y a pas lieu de constater la résolution de la vente comme sollicité. Par suite, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de la vente par adjudication en date du 20 juin 2014. Sur la nullité de la cession de l'immeuble intervenue le 29 décembre 2016 Faute pour Maître N... et la SELARL N... X... agissant ès qualités de voir leur demande visant à la résolution de la vente par adjudication ordonnée le 20 juin 2014 au bénéfice de la SARL unipersonnelle STC prospérer, celle ayant pour objet la nullité de la cession de l'immeuble sis à [...] intervenue le 29 décembre 2016 sera également rejetée par voie de conséquence ainsi que la demande de restitution dudit bien en faveur des époux E... ; » ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DU PREMIER JUGE QUE « Il est constant que l'adjudicataire n'a consigné le prix et payé les frais que postérieurement à l'assignation introduite par les époux E... et le mandataire judiciaire. Il convient toutefois de préciser que l'adjudicataire n'est nullement tenu de justifier auprès du greffe du versement du prix de vente dans le délai de deux mois, mais uniquement de celui des frais de poursuite taxés et des droits de mutation, conformément à l'article R. 322-58 du code précité. Par ailleurs si la procédure de saisie immobilière n'interdit pas aux débiteurs de demander au juge de l'exécution de prononcer la résiliation de la vente, cette demande ne s'entend que dans le contexte d'une procédure de réitération d'enchères, et celui qui introduit l'instance ne dispose pas du choix de demander la réitération des enchères ou la résiliation de la vente, contrairement à ce que soutiennent les requérants. Au contraire, le code précité énonce les règles à suivre pour diligenter la réitération des enchères ou la résiliation de la vente, contrairement à ce que soutiennent les requérants. Au contraire, le code précité énonce les règles à suivre pour diligenter la réitération des enchères, en exigeant que la partie intéressée (créancier poursuivant, créancier inscrit ou débiteur) commence par se faire délivrer par le greffe un certificat constatant la non-consignation du prix ou du paiement des frais taxés ou des droits de mutation (article R. 322-67), puis qu'il signifie ce certificat à l'adjudicataire avec sommation d'avoir à payer dans les huit jours, ce qui lui ouvre un délai de quinze jours pour le contester (article R. 322-68). Ce n'est qu'à l'issue de cette procédure, et uniquement si l'adjudicataire n'a toujours pas procédé au paiement que le juge de l'exécution décide de fixer la date de la nouvelle audience (R. 322-69), la vente par adjudication étant alors résolue de plein droit. Or, les requérants ne justifient pas de l'accomplissement des diligences prévues par les articles R. 322-67 à 69, de sorte que la procédure de réitération des enchères a effectivement été menée de manière irrégulière. Par conséquent, la résiliation de la vente du 20 juin 2014, d'autant plus que l'adjudicataire a payé le prix à la suite de l'assignation, ne saurait être prononcée et les requérants seront déboutés de leurs prétentions ; » 1°) ALORS QU' à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais dans les délais légaux, la vente par adjudication judiciaire est résolue de plein droit ; que malgré la possibilité de mettre en oeuvre la procédure de réitération des enchères, une demande principale en résolution de la vente par adjudication, peu important que le cahier des conditions de vente rappelle que l'absence de paiement du prix dans les délais prescrits est susceptible d'entraîner la réitération des enchères, peut être formée contre l'adjudicataire qui ne justifie pas du paiement du prix dans les légaux ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de Me N... et de la Selarl N... X..., que la demande de résolution de la vente par adjudication ne pouvait s'entendre que dans le contexte d'une procédure de réitération d'enchères, la cour d'appel a violé l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°) ALORS QU' à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais dans les délais légaux, la vente par adjudication judiciaire est résolue de plein droit ; qu'en retenant que la résolution de plein droit de la vente par adjudication du 20 juin 2014 n'était pas encourue dès l'expiration du délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive et ne pouvait être prononcée, l'adjudicataire ayant consigné le prix et les intérêts de retard les 2 et 18 juin 2015, après avoir été assigné en constatation de la résolution de la vente, au motif inopérant que la possibilité d'un paiement au-delà du délai de deux mois était prévue par l'article R. 322-56 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution. Le greffier de chambre
En application de l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution, ce n'est qu'en l'absence de consignation ou de versement du prix et de paiement des frais à la date où le juge statue que la résolution de la vente peut être constatée, à l'occasion de la procédure de réitération des enchères ou par une action tendant à cette seule résolution
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CIV. 2 / EXPTS CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Rejet Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1011 F-P+B+I Recours n° X 19-60.149 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. A... L..., domicilié [...] , a formé le recours n° X 19-60.149 en annulation de la décision rendue le 14 novembre 2018 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Versailles, Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2020 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Maunand, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Sur les griefs : Attendu que M. L... a sollicité son inscription initiale sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Versailles dans la rubrique traduction en langues allemande et russe ; qu'une première décision du 15 novembre 2017 de l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel, rejetant sa demande, a été annulée par un arrêt de la Cour de cassation (2e Civ., 28 juin 2018, recours n° 18-60.071) ; que par décision du 14 novembre 2018, contre laquelle il a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté à nouveau sa demande au motif qu'au visa de l'article 2 4° et 5° du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 exigeant du candidat à l'inscription d'exercer ou d'avoir exercé pendant un temps suffisant une profession ou une activité en rapport avec sa spécialité conférant une qualification et au visa de l'article 4-1 du même décret invitant à tenir compter des qualifications et de l'expérience professionnelle au besoin acquise dans un Etat membre de l'Union européenne, la qualification et l'expérience professionnelle invoquées par l'intéressé étaient, à l'examen des éléments soumis à l'assemblée générale, insuffisantes au regard des compétences de haut niveau technique exigées par les spécialités demandées (notamment traduction juridique), que M. L..., auto-entrepreneur, ne justifiait d'aucun diplôme juridique et ne justifiait pas davantage disposer d'un diplôme confirmant sa maîtrise de la langue russe et, enfin, que bien qu'il indiquait être auto-entrepreneur en traduction depuis l'année 2010, il ne justifiait pas avoir acquis une expérience en rapport avec les spécialités demandées ; Attendu que M. L... fait valoir : - quant à la procédure ayant conduit à la décision de rejet, que cette décision n'a pas été prise à l'issue d'une procédure appropriée par rapport à celle exigée par la législation française, dès lors qu'elle constituait un rejet réitéré, qui n'a pas pris en considération l'annulation de la précédente décision de rejet par la Cour de cassation, que sa candidature a été examinée, malgré ses relances réitérées, en même temps que celles des candidats ayant postulé en 2018, alors qu'il n'aurait pas fallu comparer sa candidature avec celle de nouveaux candidats présentée en 2018, que le délai de l'examen et de la notification de cette décision a été, de manière infondée, trop long, caractérisant, un évident manque de volonté de l'autorité permettant de penser que la cour d'appel visait à faire en sorte qu'il abandonne ses démarches et que la décision présente une erreur matérielle quant à l'écriture de son prénom, caractérisant un manque d'attention ; - quant aux motifs de rejet de sa candidature, qu'aucune loi n'impose qu'un candidat possède, pour une inscription dans la spécialité traduction, un diplôme en droit, que le russe est sa langue maternelle, sachant qu'il a vécu en URSS puis en Russie jusqu'à son départ vers la France en 1997, qu'il a suivi une formation « langue, littérature, civilisation étrangère », dans le domaine des langues allemande et anglaise, assurée par une université française et correspondant au plus haut niveau de formation des traducteurs qui existe, que travaillant, sous la qualité d'auto-entrepreneur depuis cinq ans, avec des demandeurs d'asile, ainsi qu'avec des personnes en situation irrégulière ou préparant des plaintes auprès des instances étatiques françaises, son expérience acquise est suffisamment importante pour exercer son activité ; Mais attendu qu'en cas d'annulation d'une précédente décision statuant sur l'inscription ou la réinscription d'un candidat sur la liste des experts judiciaires d'une cour d'appel, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel apprécie les mérites de cette candidature au jour où elle statue à nouveau, sans qu'un délai légal ou réglementaire ne lui soit imparti à cet effet ; Et attendu que pour c'est par des motifs exempts d'erreur manifeste d'appréciation que l'assemblée générale a décidé de ne pas inscrire M. L... sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel ; D'où il suit que le grief ne peut être accueilli ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le recours ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Maunand, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
En cas d'annulation d'une précédente décision statuant sur l'inscription ou la réinscription d'un candidat sur la liste des experts judiciaires d'une cour d'appel, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel apprécie les mérites de cette candidature au jour où elle statue à nouveau et sans qu'un délai légal ou réglementaire ne lui soit imparti à cet effet
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CIV. 2 / ELECT CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1153 F-P+B+R+I Pourvoi n° J 20-16.901 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. A... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 20-16.901 contre le jugement rendu le 18 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Limoges (contentieux des élections politiques), dans le litige l'opposant : 1°/ à la commune du Dorat, prise en la personne de son maire en exercice, domicilié [...] , 2°/ au préfet de la Haute-Vienne, domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. O..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Limoges, 18 juin 2020), rendu en dernier ressort, M. O..., ressortissant britannique résidant dans la commune de Le Dorat (Haute-Vienne), a été radié des listes électorales de cette commune à la suite de l'entrée en vigueur, le 1er février 2020, de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (l'accord sur le retrait du Royaume-Uni). 2. Le 30 avril 2020, M. O... a sollicité sa réinscription sur la liste électorale complémentaire en vue de participer au second tour de scrutin de l'élection municipale, reporté au 28 juin 2020, mais, par une décision du 7 mai suivant, contre laquelle l'intéressé a formé le jour même un recours administratif préalable devant la commission de contrôle, le maire a rejeté sa demande. 3. Le 6 juin 2020, M. O... a saisi un tribunal judiciaire d'une requête tendant, d'une part, à la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles en interprétation et en appréciation de validité de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni, d'autre part, à l'annulation de ce qu'il considérait être une décision implicite de rejet de son recours administratif. 4. Après s'être vu notifier, le 11 juin 2020, une décision expresse de la commission de contrôle, en date du 4 juin, refusant de le réinscrire sur les listes électorales, M. O... a sollicité l'annulation de cette décision. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. O... fait grief au jugement de le débouter, d'une part, de sa demande de sursis à statuer avec renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne en appréciation de validité et en interprétation, relativement à la citoyenneté des ressortissants britanniques ayant, avant la fin de la période de transition, exercé leur droit à la libre circulation et installation sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne, d'autre part, de sa demande d'annulation du refus de la commission de contrôle de l'inscrire sur la liste électorale de la commune du Dorat en vue du second tour de scrutin de l'élection municipale du 28 juin 2020, alors « que l'entrée en vigueur de l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne du 31 janvier 2020 n'a pas fait perdre la citoyenneté européenne aux ressortissants britanniques qui ont exercé leur droit de libre circulation et d'installation avant la fin de la période de transition prévue par ce texte ; que ces ressortissants conservent dès lors leur droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales de l'État membre où ils résident ; que pour refuser à M. O..., ressortissant britannique, le droit de voter aux élections municipales de la ville du Dorat où il réside, le tribunal a retenu que la citoyenneté européenne n'était pas une nationalité européenne et que, par l'effet de l'entrée en vigueur de l'accord du Brexit, il ne disposait plus de cette citoyenneté ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les articles 9 et 50 du Traité sur l'Union européenne, les articles 18, 20.1.b), 21 et 22 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le préambule et les articles 10, 12 et 127.1.b) de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne en date du 31 janvier 2020, les articles 39 et 40 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des stipulations combinées des articles 20 et 22 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (le TFUE) instituant, au profit des ressortissants d'un État membre, une citoyenneté de l'Union emportant un droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où ces ressortissants résident, également consacré par l'article 40 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (la Charte), de l'article 50 du traité sur l'Union européenne (le TUE), relatives au retrait de l'Union d'un État membre, et de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni, publié au Journal officiel de l'Union européenne du 31 janvier 2020, notamment de son article 2 définissant le « citoyen de l'Union » comme « toute personne ayant la nationalité d'un État membre », par opposition au « ressortissant britannique », qu'à compter du 1er février 2020, date d'entrée en vigueur de cet accord, le Royaume-Uni a cessé d'être un État membre de l'Union et que, par suite, ses ressortissants ne jouissent plus de la citoyenneté européenne, à laquelle est subordonné, aux termes des articles 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 et L.O. 227-1 du code électoral, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales en France. 7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 8. M. O... fait le même grief au jugement, alors : « 2°/ qu'à supposer que l'entrée en vigueur de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ait fait perdre la citoyenneté européenne aux ressortissants de ce pays installés dans un autre Etat membre, le principe de non-discrimination consacré par cet accord à l'égard de ces ressortissants conduit à maintenir leur droit de participer aux élections municipales de ce pays ; qu'en refusant à M. O..., ressortissant britannique mais résidant français inscrit sur les listes électorales françaises depuis 2009, le droit de participer au scrutin municipal de la ville où il réside en raison de l'entrée en vigueur de l'accord dit du "Brexit", le tribunal a violé les articles 9 et 50 du Traité sur l'Union européenne, les articles 18, 20.1.b), 21 et 22 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le préambule et les articles 10, 12 et 127.1.b) de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne, les articles 39 et 40 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; 3°/ que, subsidiairement, les conditions d'acquisition et de retrait de la citoyenneté européenne doivent s'exercer dans le respect du droit de l'Union ; que celui qui en a été privé peut donc contester la validité de l'acte par lequel cette citoyenneté lui a été retirée ; que l'accord de retrait du 31 janvier 2020 méconnaît les principes formant l'identité de l'Union européenne et, notamment, les articles 18, 20 et 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les articles 39 et 40 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'il ne comporte aucune stipulation permettant aux ressortissants britanniques installés dans un État membre de l'Union de conserver les droit afférents à leur citoyenneté européenne ; qu'en retenant le contraire, motif inopérant pris que le principe de non-discrimination ne pouvait plus être opposé par M. O... puisqu'il n'avait plus la nationalité d'un État membre de l'Union, le tribunal a méconnu ces dispositions. » Réponse de la Cour 9. L'article 127, paragraphe 1, sous b) de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni stipule expressément que, par dérogation au principe selon lequel le droit de l'Union demeure applicable au Royaume-Uni et sur son territoire pendant la période de transition, dont le terme est fixé par l'article 126 au 31 décembre 2020, ne sont pas applicables à cet État et sur son territoire pendant la même période, les articles 20, paragraphe 2, point b), et 22 du TFUE, ainsi que les articles 39 et 40 de la Charte, relatifs au droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu'aux élections municipales dans l'État membre de résidence. 10. Contrairement à ce que soutient M. O..., cette exclusion du droit de vote et d'éligibilité des dispositions du droit de l'Union rendues applicables au Royaume-Uni pendant la période de transition, d'une part, ne peut que viser les ressortissants britanniques qui ont exercé leur droit de résider dans un État membre de l'Union avant la fin de cette période, d'autre part, ne relève pas de l'interdiction, posée par l'article 12 de l'accord, de toute discrimination exercée en raison de la nationalité, au sens de l'article 18, alinéa 1, du TFUE, à l'égard de ces ressortissants dans l'État membre d'accueil ou dans l'État membre de travail, dès lors que cette interdiction n'est édictée, aux termes mêmes dudit article 12 et conformément au point 6 du préambule de l'accord, que dans le champ d'application de la deuxième partie de ce texte, qui a pour objet de garantir une protection réciproque en matière de droits liés au séjour, de droits des travailleurs salariés et non salariés, de qualifications professionnelles et de coordination des systèmes de sécurité sociale, tant aux citoyens de l'Union qu'aux ressortissants du Royaume-Uni, ayant exercé leurs droits respectifs de libre circulation avant la fin de la période de transition. 11. Il en résulte que le moyen, qui manque en droit en sa deuxième branche, est inopérant pour le surplus. Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 12. M. O... fait le même grief au jugement, alors « que, subsidiairement, l'accord de retrait du 31 janvier 2020, qui interdit aux ressortissants britanniques installés dans un autre État membre de participer aux élections municipales de cet État, contribue à une dégradation de leur situation administrative, personnelle et familiale ; qu'en retenant le contraire, au seul constat que cet accord préserverait certains droits de ces ressortissants en matière de droit au séjour, au travail et à la sécurité sociale, le tribunal a violé le principe de proportionnalité. » Réponse de la Cour 13. Contrairement au postulat sur lequel repose le grief, pour écarter le moyen par lequel M. O... soutenait que la perte de son droit de vote aux élections municipales en France entraînait une dégradation de sa situation administrative, personnelle et familiale en méconnaissance du principe de proportionnalité, le jugement ne se borne pas à relever que l'accord sur le retrait du Royaume-Uni octroie aux ressortissants britanniques ayant exercé leur droit de résider dans un État membre de l'Union une protection spécifique en matière de droit au séjour, au travail et à la sécurité sociale, mais il retient, en outre, que M. O... n'a pas perdu son droit de vote et d'éligibilité au Royaume-Uni, de sorte qu'il ne peut, de manière pertinente, arguer de ce qu'il serait privé de tout droit électoral et que cette privation constituerait une atteinte disproportionnée à ses droits politiques de citoyen. 14. Par ces seuls derniers motifs, qui ne sont pas critiqués par le moyen, le tribunal a justifié sa décision. 15. Le grief est donc inopérant. 16. Les questions soulevées par le pourvoi de M. O... n'étant pas pertinentes et l'application correcte du droit de l'Union dans la présente affaire s'imposant avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, en interprétation ou en appréciation de validité de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. O... IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR débouté M. O... de sa demande de sursis à statuer avec renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne en appréciation de validité et en interprétation, relativement à la citoyenneté des ressortissants britanniques ayant, avant la fin de la période de transition, exercé leur droit à la libre circulation et installation sur le territoire d'un autre Etat de l'Union européenne ; et d'AVOIR débouté M. O... de sa demande d'annulation des décisions par lesquelles la commission de contrôle de la commune du Dorat a refusé implicitement et explicitement de l'inscrire sur la liste électorale de cette commune en vue du second tour de scrutin de l'élection municipale du 28 juin 2020. AUX MOTIFS QUE : « Sur le bien-fondé du recours Aux termes des stipulations de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : « 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un Etat-membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : - le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, - le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu'aux élections municipales dans l'Etat-membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. » En outre, l'article 22 de ce même Traité stipule : «1. Tout citoyen de l'Union résidant dans un État membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités arrêtées par le Conseil, statuant à l'unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen, ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un Etat membre le justifient ». L'article 50 du Traité sur l'union européenne stipule notamment : «1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union. 2. L'État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. A la lumière des orientations du Conseil européen, l'Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union. Cet accord est négocié conformément à l'article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il est conclu au nom de l'Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen. 3. Les traités cessent d'être applicables à l'État concerné à partir de la date d'entrée en vigueur de l'accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l'État membre concerné, décide à l'unanimité de proroger ce délai." Enfin, l'accord sur le retrait du Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne publié au Journal officiel de l'Union européenne du 31 janvier 2020 et entré en vigueur le 1er février 2020 stipule notamment, au sixième point de son Préambule : « qu'il est nécessaire d'offrir une protection réciproque aux citoyens de l'Union et aux ressortissants du Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord ainsi qu'aux membres de leur famille respective, lorsqu'ils ont exercé son droit à la circulation et à la libre installation [avant la fin de la période de transition ] et de garantir que les droits qu'ils tirent du présent accord sont opposables et fondés sur le principe de non-discrimination ». La nationalité se définit comme étant la relation juridique spécifique entre une personne et un Etat, relation qui est reconnue par cet Etat. En outre, est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un Etat-membre. Le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne octroie aux citoyens de l'Union européenne au titre de leurs droits politiques, notamment le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales de l'Etat membre de l'Union européenne dans lequel ils résident et aux élections européennes. Aux termes des stipulations précités de ce Traité et de l'accord sur le retrait du Royaume Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, les Etats membres ont manifestement et clairement distingué la citoyenneté européenne de la nationalité des Etats membres, le premier en stipulant que tout national d'un État membre est citoyen européen, sans qu'il existe de nationalité européenne, le second en stipulant qu'il "offre une protection réciproque aux citoyens de l'Union et aux ressortissants du Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord ainsi qu'aux membres de leur famille respective". En outre, il ressort clairement de ces stipulations que la citoyenneté européenne dépend de l'adhésion de l'Etat membre à l'Union européenne. A la suite du résultat d'un référendum tenu au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, de la décision souveraine de cet Etat de quitter l'Union européenne, et de la notification à l'Union européenne de cette intention, accueillie par les organes de l'Union européenne, cet Etat s'est retiré de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, conformément à l'article 50 du Traité sur l'Union européenne, avec effet à compter du 1er février 2020. Par l'effet de l'entrée en vigueur à compter de cette date du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne, monsieur O..., qui est un ressortissant britannique ayant exercé son droit à la circulation et à la libre installation en France, plus précisément au Dorat (Haute-Vienne), est devenu ressortissant d'un Etat tiers à l'Union européenne. Par ailleurs, aux termes de l'accord sur le retrait du Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, sont accordés aux Britanniques et aux citoyens de l'Union ayant exercé leur droit à la libre circulation et installation, dans la deuxième partie de l'accord précité, un droit au séjour, des droits pour les travailleurs salariés et pour ceux non-salariés et des droits en matière de sécurité sociale. Le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales ne figure ni dans cette partie de l'accord, qui énumère les droits accordés aux citoyens de l'Union et ressortissants du Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, ni dans aucune autre partie. De l'ensemble de ces éléments, il résulte clairement que Monsieur O..., en devenant ressortissant d'un Etat non-membre de l'Union européenne, par l'effet du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de cette organisation, a perdu sa citoyenneté européenne et, dès lors qu'il ne fait plus partie des droits accordés aux citoyens de l'Union et ressortissants du Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord ayant exercé leur droit à la libre circulation et installation, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et aux élections européennes, objet du litige, leur est retiré. Monsieur O... soutient au contraire qu'il aurait en tout état de cause conservé sa citoyenneté européenne, et particulièrement son droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et européennes du fait qu'ayant exercé son droit à la libre circulation et installation pour s'établir en France, la perte de sa citoyenneté européenne constituerait une atteinte au principe de non-discrimination stipulé à l'article 18 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne et à l'article 12 de l'accord de retrait. L'article 18 dudit Traité stipule : «dans le domaine d'application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ». Quant à l'article 12 de l'accord de retrait, il est ainsi rédigé : « Dans le champ d'application de la présente partie, et sans préjudice de dispositions particulières qu'elle prévoit, toute discrimination exercée en raison de la nationalité au sens de l'article 18 premier alinéa du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne est interdite dans l'Etat d'accueil et dans l'Etat de travail à l'égard des personnes visées à l'article 10 du présent accord", précision faite que ledit article 10 vise notamment "les ressortissants du Royaume Uni qui ont exercé leur droit de résider dans un Etat membre conformément au droit de l'Union avant la fin de la période de transition et qui continuent d'y résider par la suite ». Toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, d'une part, il n'est manifestement pas instauré par les Traités une nationalité européenne au bénéfice des citoyens des Etats membres de l'Union européenne, d'autre part, la citoyenneté européenne est clairement distincte de la nationalité. Il en résulte que M. O... en ce qu'il n'a plus la nationalité d'un Etat membre de l'Union européenne ne peut se prévaloir du principe de non-discrimination en raison de la nationalité en application de ces textes pour prétendre obtenir la reconnaissance de la conservation de sa citoyenneté européenne et en particulier de son droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales. Au soutien de ses prétentions, M. O... fait encore valoir que la perte du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales en France en tant qu'elle résulterait de la perte de sa citoyenneté européenne constituerait une violation des droits fondamentaux qui lui sont garantis en vertu de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. L'article 39 de la Charte stipule que tout citoyen de l'Union a le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen dans l'État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat ; quant à l'article 40 de cette Charte, il garantit à tout citoyen de l'Union le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. Toutefois, ces droits peuvent être invoqués par les seuls citoyens de l'Union. Dès lors que M. O... est ressortissant d'un Etat tiers à l'Union européenne et qu'il a, par l'effet du retrait de l'Etat dont il a la nationalité, perdu sa citoyenneté européenne, il ne peut invoquer les articles 39 et 40 de la Charte visée plus haut. Enfin, M. O... soutient que la perte de sa citoyenneté européenne et notamment de son droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales serait contraire au principe de proportionnalité, par la dégradation corrélative de sa situation administrative, personnelle et familiale. Toutefois, l'accord sur le retrait précité octroie aux Britanniques et aux citoyens de l'Union ayant exercé leur droit à la libre circulation et installation plusieurs droits spécifiques visant à garantir leur protection : droit au séjour dans l'Etat d'accueil, droits des travailleurs des salariés et des travailleurs non-salariés, droit en matière de sécurité sociale. M. O... ne démontre pas par les pièces qu'il produit qu'il ne pourrait prétendre au bénéfice de ces droits en France. En outre, il est apparu à l'audience que monsieur O... n'a, à ce jour, pas perdu son droit de vote et d'éligibilité au Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, par l'effet de la "15-years rule", laquelle prévoit que les citoyens britanniques ayant résidé de manière continue pendant 15 années hors du territoire britannique perdent, sous certaines conditions, le droit de vote au Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord. En conséquence, il ne peut, de manière pertinente, arguer de ce qu'il serait à ce jour privé de tout droit de vote et d'éligibilité et que cette privation de tout droit de vote et d'éligibilité constituerait une atteinte disproportionnée à ses droits politiques de citoyen. Dès lors, au vu de ces éléments, la perte de la citoyenneté européenne de M. O... et la perte de son droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales en France ne constituent pas une atteinte disproportionnée aux droits auxquels il peut prétendre au regard de sa situation particulière de ressortissant britannique ayant exercé son droit à la libre circulation et installation en France avant l'expiration de la période de transition. La solution du litige s'évinçant clairement de la lecture des Traités et accord visés plus haut, il n'est ni nécessaire, ni justifié d'ordonner un renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'UE de questions relatives à la citoyenneté européenne. Monsieur O... étant infondé à se voir accorder le droit de vote et d'éligibilité au second tour de l'élection municipale organisé le 28 juin 2020, c'est à juste titre que la commission de contrôle de la commune du DORAT n'a pas fait droit à sa demande de réinscription sur la liste électorale de sa commune, puis a explicitement décidé d'un refus d'une telle réinscription sur la liste électorale de la commune du DORAT. Par suite, monsieur O... est débouté de l'ensemble de ses demandes ». 1°) ALORS QUE l'entrée en vigueur de l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne du 31 janvier 2020 n'a pas fait perdre la citoyenneté européenne aux ressortissants britanniques qui ont exercé leur droit de libre circulation et d'installation avant la fin de la période de transition prévue par ce texte ; que ces ressortissants conservent dès lors leur droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales de l'Etat membre où ils résident ; que pour refuser à M. O..., ressortissant britannique, le droit de voter aux élections municipales de la ville du Dorat où il réside, le tribunal a retenu que la citoyenneté européenne n'était pas une nationalité européenne et que, par l'effet de l'entrée en vigueur de l'accord du Brexit, il ne disposait plus de cette citoyenneté ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les articles 9 et 50 du Traité sur l'Union européenne, les articles 18, 20.1.b), 21 et 22 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le préambule et les articles 10, 12 et 127.1.b) de l'accord sur le retrait du Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne en date du 31 janvier 2020, les articles 39 et 40 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; 2°) ALORS en toute hypothèse QU' à supposer que l'entrée en vigueur de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ait fait perdre la citoyenneté européenne aux ressortissants de ce pays installés dans un autre Etat membre, le principe de non-discrimination consacré par cet accord à l'égard de ces ressortissants conduit à maintenir leur droit de participer aux élections municipales de ce pays ; qu'en refusant à M. O..., ressortissant britannique mais résidant français inscrit sur les listes électorales françaises depuis 2009, le droit de participer au scrutin municipal de la ville où il réside en raison de l'entrée en vigueur de l'accord dit du «Brexit», le tribunal a violé les articles 9 et 50 du Traité sur l'Union européenne, les articles 18, 20.1.b), 21 et 22 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le préambule et les articles 10, 12 et 127.1.b) de l'accord sur le retrait du Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne, les articles 39 et 40 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; 3°) ALORS QUE, subsidiairement, les conditions d'acquisition et de retrait de la citoyenneté européenne doivent s'exercer dans le respect du droit de l'Union ; que celui qui en a été privé peut donc contester la validité de l'acte par lequel cette citoyenneté lui a été retirée ; que l'accord de retrait du 31 janvier 2020 méconnaît les principes formant l'identité de l'Union européenne et, notamment, les articles 18, 20 et 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les articles 39 et 40 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'il ne comporte aucune stipulation permettant aux ressortissants britanniques installés dans un Etat membre de l'Union de conserver les droit afférents à leur citoyenneté européenne ; qu'en retenant le contraire, motif inopérant pris que le principe de non-discrimination ne pouvait plus être opposé par M. O... puisqu'il n'avait plus la nationalité d'un Etat membre de l'Union, le tribunal a méconnu ces dispositions ; 4°) ALORS QUE, subsidiairement l'accord de retrait du 31 janvier 2020, qui interdit aux ressortissants britanniques installés dans un autre Etat membre de participer aux élections municipales de cet Etat, contribue à une dégradation de leur situation administrative, personnelle et familiale ; qu'en retenant le contraire, au seul constat que cet accord préserverait certains droits de ces ressortissants en matière de droit au séjour, au travail et à la sécurité sociale, le tribunal a violé le principe de proportionnalité.
Il résulte des stipulations combinées des articles 20 et 22 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (le TFUE) instituant, au profit des ressortissants d'un Etat membre, une citoyenneté de l'Union emportant un droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où ces ressortissants résident, également consacré par l'article 40 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (la Charte), de l'article 50 du Traité sur l'Union européenne (le TUE), relatives au retrait de l'Union d'un Etat membre, et de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (l'accord sur le retrait du Royaume-Uni), publié au Journal officiel de l'Union européenne du 31 janvier 2020, notamment celles de son article 2 définissant le "citoyen de l'Union" comme "toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre" par opposition au "ressortissant britannique", qu'à compter du 1er février 2020, date d'entrée en vigueur de cet accord, le Royaume-Uni a cessé d'être un Etat membre de l'Union européenne et que, par suite, ses ressortissants ne jouissent plus de la citoyenneté européenne, à laquelle est subordonné, aux termes des articles 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 et L.O. 227-1 du code électoral, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales en France
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CIV. 2 / ELECT LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1154 F-P+B+R+I Pourvoi n° B 20-60.249 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. T... D... K... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 20-60.249 contre le jugement rendu le 19 mai 2020 par le tribunal de première instance de Nouméa (contentieux des élections politiques), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. N..., O..., domicilié [...] , 2°/ à M. V..., L..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal de première instance de Nouméa, 19 mai 2020), rendu en dernier ressort, et les productions, M. T... C..., devenu majeur le 24 septembre 2019, a été inscrit le 2 mars 2020 sur la liste électorale spéciale à l'élection des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, prévue par le I de l'article 189 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999, sur décision de la commission administrative spéciale, instituée par le II du même texte. 2. Par requête enregistrée au greffe du tribunal le 12 mai 2020, MM. O... et L..., déclarant agir « [e]n la qualité de tiers électeurs de la ville de Nouméa, membres des commissions administratives spéciales », ont sollicité la radiation de M. C... de cette liste. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 20 et R. 225 du code électoral : 4. Nul ne pouvant être juge et partie, les membres de la commission administrative spéciale instituée par le II de l'article 189 de la loi organique du 19 mars 1999, qui ont statué en matière de révision de la liste électorale spéciale à l'élection des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, prévue au I du même texte, ne peuvent saisir le tribunal de première instance de contestations élevées contre les décisions de cette commission. 5. Pour déclarer recevable la demande présentée par MM. O... et L... aux fins de radiation de M. C... de la liste électorale spéciale établie dans la commune de Nouméa, le jugement énonce que « les demandeurs, présents à l'audience, ont justifié de leur qualité de tiers électeur ». 6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des éléments de la procédure que les intéressés étaient membres de la commission administrative spéciale ayant procédé à l'inscription contestée, le tribunal a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par le tribunal de première instance de Nouméa ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE IRRECEVABLE le recours formé par MM. O... et L... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt.
Nul ne pouvant être juge et partie, les membres de la commission administrative spéciale instituée par le II de l'article 189 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, qui ont statué en matière de révision de la liste électorale spéciale à l'élection des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, prévue au I du même texte, ne peuvent saisir le tribunal de contestations élevées contre les décisions de cette commission. Viole les articles L. 20 et R. 225 du code électoral, le tribunal qui déclare recevable la demande de radiation d'un électeur de cette liste électorale spéciale, formée par des tiers électeurs dont il ressortait d'éléments de la procédure qu'ils étaient membres de la commission administrative spéciale ayant procédé à l'inscription contestée
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 722 FS-P+B+I Pourvois n° H 19-16.251 Y 19-16.381 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 I - La société Rambouillet Distribution, société par actions simplifiée, dont le siège est 24 rue Auguste Chabrières, 75015 Paris, a formé le pourvoi n° H 19-16.251 contre un arrêt rendu le 11 mars 2019 par la cour d'appel de Versailles (4echambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société MMA IARD, société anonyme, 2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, ayant toutes deux leur siège 14 boulevard Marie et Alexandre Oyon, 72030 Le Mans, 3°/ à la société André Jacq Ingénierie, société à responsabilité limitée, dont le siège est 80 rue Johannes Kepler, ZAC Technopole Brest Iroise, 29200 Brest, 4°/ à la société Valedor, société par actions simplifiée, dont le siège est ZA La Clairière, rue de Chevreuse, la Ville Neuve, 78120 Rambouillet, défenderesses à la cassation. II - La société Valedor, société par actions simplifiée, a formé le pourvoi n° Y 19-16.381 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à la société MMA IARD, 2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, 3°/ à la société André Jacq Ingénierie, société à responsabilité limitée, 4°/ à la société Rambouillet distribution, société par actions simplifiée, défenderesses à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° H 19-16.251 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° Y 19-16.381 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Valedor, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Rambouillet Distribution, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société André Jacq Ingénierie, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Mme Djikpa, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 19-16.251 et n° Y 19-16.381 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 mars 2019), la société Rambouillet distribution est propriétaire d'un immeuble à usage de centre commercial qu'elle a donné à bail à la société Valedor. 3. En 1992, la société Rambouillet distribution a confié à la société CEP la réalisation d'un diagnostic amiante dans les lieux loués. 4. Deux échantillons prélevés sur les plaques de fibrociment en parois, dalles de vinyle, colle des dalles de vinyle, ont été analysés et déclarés sans amiante. 5. En mai 1998, la société Rambouillet distribution a confié à la société Defi la réalisation d'un nouveau diagnostic amiante. 6. Le 23 juin 1998, la société Defi a conclu à l'absence d'amiante dans les flocages mais à la présence d'amiante dans certaines cloisons en fibrociment, des joints, des dalles de sol de vinyle et leur colle. 7. En 2004, la société Rambouillet distribution a demandé à la société André Jacq ingénierie d'établir un nouveau dossier technique amiante en conformité avec la nouvelle réglementation, lequel a conclu dans les mêmes termes que le rapport Defi. 8. En septembre 2007, les sociétés Rambouillet distribution et Sodiclaire ont entrepris des travaux d'aménagement et de rénovation de la surface commerciale principale. 9. La société Rambouillet distribution a confié à la société Gilles décor les travaux de peinture de charpente, de toiture et de plaquisterie en périphérie et à la société Protecfeu la mise en oeuvre du nouveau réseau de sprinklage arrivé au stade de la révision trentenaire. 10. La société Valedor a confié à la société Boisnard électricité la dépose du réseau électrique, à la société Gilles décor les travaux de peinture, faux plafonds et aménagement décoratif, à la société Johnson controls la transformation de l'ensemble du système de froid. 11. Le coordonnateur de sécurité, la société B.E.T. RM2G, a sollicité l'établissement d'un rapport avant travaux en raison de la présence de matériaux pouvant contenir de l'amiante. 12. Alors que les travaux avaient démarré, il a été constaté la présence d'amiante sur toute la charpente et dans les plaques de fibrociment sur toute la façade intérieure du bâtiment. 13. Les travaux ayant été interrompus en février 2008, la société Valedor et la société Rambouillet distribution ont, après expertise, assigné la société André Jacq ingénierie et son assureur, la société MMA, en indemnisation de leurs préjudices. Examen des moyens Sur le moyen unique du pourvoi H 19-16.251, pris en sa troisième branche, et le moyen unique du pourvoi Y 19-16.381, pris en sa deuxième branche, réunis Enoncé du moyen 14. Les sociétés Rambouillet Distribution et Valedor font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa version issue du décret 2006-1099 du 31 août 2006, « les propriétaires des immeubles mentionnés à l'article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d'effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante » ; qu'en jugeant que l'obligation prévue par ce texte s'appliquait préalablement à « tous travaux sur la construction », la cour d'appel, qui en a méconnu la lettre, a violé l'article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa version applicable issue du décret 2006-1099 du 31 août 2006 ; 2°/ qu'en jugeant que, pour l'application de l'article R. 1334-27 du code de la santé publique, « cette notion de démolition était entendue de manière large et s'appliquait à tous travaux sur la construction », pour l'appliquer aux travaux commencés en septembre 2007, la cour d'appel a violé l'article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa version applicable en la cause : 15. Selon ce texte, les propriétaires des immeubles mentionnés à l'article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d'effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante et de transmettre les résultats de ce repérage à toute personne physique ou morale appelée à concevoir ou à réaliser les travaux. 16. Pour rejeter les demandes, l'arrêt retient que le propriétaire des lieux était soumis à l'article R. 1334-27 du code de la santé publique qui prévoyait que « Les propriétaires des immeubles mentionnés à l'article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d'effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante et de transmettre les résultats de ce repérage à toute personne physique ou morale appelée à concevoir ou à réaliser les travaux. » 17. Il précise que cette notion de démolition est entendue de manière large et s'applique à tous travaux sur la construction puisque la norme NF X46-020 de novembre 2002 mentionne la mission « dossier technique amiante » et « la mission en vue de la réalisation de travaux ultérieurs », que les dispositions du code de la santé publique ont pour objet la défense de la santé des usagers des lieux et notamment des personnes amenées à travailler sur la construction, et que cette interprétation était est corroborée par la mention figurant dans le rapport de 2008 de la société André Jacq qui rappelle le recours nécessaire à un DAT. 18. Il constate qu'en l'espèce, les travaux ont démarré en septembre 2007, sans que le propriétaire des lieux n'a commandé de DAT et ce, alors que la réglementation l'y obligeait et que la présence d'amiante dans le bâtiment était déjà connue. 19. Il ajoute que, si ce « diagnostic avant travaux » avait été réalisé avant le démarrage des travaux, des frais n'auraient pas été engagés, que le DAT a été commandé tardivement en cours de travaux en janvier 2008, à la société André Jacq ingénierie, qui a constaté l'existence d'amiante dans le flocage de la charpente notamment, ce qui a conduit à l'arrêt des travaux, que ce DAT était d'autant plus important avant le début des travaux que la société Rambouillet distribution avait eu connaissance de la présence d'amiante dans les cloisons et les dalles de sol, de nature à rendre le réaménagement plus complexe et plus onéreux depuis le rapport de la société Defi du 23 juin 1998, qu'il n'est pas contesté que la société Rambouillet distribution a préféré, en raison de l'importance de l'amiante présente depuis l'origine de la construction, fait auquel la société André Jacq ingénierie est étrangère, renoncer aux travaux de réaménagement et décidé de faire construire un nouveau bâtiment d'une surface de 10 460 m² sur un autre emplacement. 20. Il en déduit que l'insuffisante détection de l'amiante dans la construction par la société André Jacq ingénierie n'est pas directement à l'origine du préjudice financier dont les sociétés Rambouillet distribution et Valedor sollicitaient réparation et qu'il convient de rejeter les demandes. 21. En statuant ainsi, alors que l'article R. 1334-27 du code de la santé publique ne prévoit l'obligation pour les propriétaires d'effectuer un diagnostic avant travaux que préalablement à la démolition de l'immeuble, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les travaux d'aménagement et de rénovation entrepris nécessitaient une démolition, même partielle, du bâtiment, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société Rambouillet Distribution et la société Valedor aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° H 19-16.251 par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Rambouillet Distribution. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'ensemble des demandes de la société Rambouillet Distribution formées à l'encontre de la société André Jacq Ingénierie et de la société MMA Iard tendant notamment à les voir condamner à lui verser la somme de 249.765,54 euros HT outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du mois de juin 2008, par application des dispositions de l'article 1153 du code civil, avec capitalisation des intérêts échus depuis une année, par application des dispositions de l'article 1154 du même code ; Aux motifs que « Sur la responsabilité de la société André Jacq Ingénierie ( ) L'étendue de la mission confiée : Il convient de rappeler au préalable qu'il existe deux types de « diagnostics amiante » selon l'arrêté du 2 janvier 2002 relatif au repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante avant démolition en application de l'article 10-4 du décret n°96-97 du 7 février 1996 modifié : - le diagnostic technique amiante, dit DTA, lorsqu'aucune démolition n'est envisagée qui consiste à repérer les matériaux et produits contenant de l'amiante sans sondage destructif ; - le diagnostic amiante avant travaux, dit DAT, nécessitant, en cas de démolition envisagée, des investigations plus poussées pouvant aller jusqu'au sondage destructif. Ce dernier diagnostic doit s'effectuer dans les formes prévues par l'annexe 2 de l'arrêté qui prévoit notamment une évacuation des lieux. Les contrats conclus en 2004 et 2008 avec la société André Jacq ne sont pas produits par les sociétés Rambouillet Distribution et Valedor, si bien que la cour ne peut déterminer avec précision la mission confiée à la société André Jacq. Les bordereaux de pièces communiquées par ces parties ne mentionnent pas ces deux pièces essentielles pour le dossier. Les trois CD des annexes du rapport d'expertise déposés au dossier de la cour par la société Valedor comportent des pièces 101 à 231 énumérées en pages 8 à 13 du rapport d'expertise qui ne mentionnent pas les contrats. La cour n'est donc pas en mesure de constater l'identité exacte du cocontractant de la société André Jacq Ingénierie. Il faut également relever que le rapport de l'expert mentionne en page 43 que la société Rambouillet Distribution a demandé à la société André Jacq s'établir un nouveau dossier technique amiante au cours de l'année 2004 alors que le seul apport présenté par les parties au dossier de la cour, le rapport de 2004 (pièce 3 de la société André Jacq) mentionne qu'il a été dressé à la demande de « Intermarché SAS Sodiclaire », aux droits de laquelle vient à présent la société Valedor. Ceci étant précisé, il n'est pas contesté que la société André Jacq Ingénierie a reçu deux missions distinctes : - en juillet 2004 un DTA, – en janvier 2008 un DAT. Aucune contestation n'étant soulevée quant à l'existence d'une relation contractuelle entre les sociétés André Jacq Ingénierie d'une part, et les sociétés Sodiclaire devenue Valedor et Rambouillet Distribution, d'autre part, la cour retiendra l'existence de deux contrats conclus entre ces parties, le premier pour un DTA et le second pour un DAT. Les manquements contractuels : L'expert judiciaire a relevé que " le DTA effectué par la société André Jacq en juillet 2004 n'a pas signalé le flocage généralisé à base d'amiante présent sur la charpente ainsi que la présence généralisée de plaques de fibrociment sur toute la périphérie du bâtiment" [et a] conclu à l'issue de sa mission que "le DTA de 2004 et le repérage avant travaux de 2008 établis par la société André Jacq ne sont ni complets, ni conformes à la réglementation, à la norme NFX 46.020 et à la commande de ces repérages (devis et ordres de service)". Dans son rapport du 7 juillet 2004, la société André Jacq conclut à l'existence d'amiante dans les dalles de sol et des cloisons de fibrociment. Il est établi par les pièces du dossier que la société André Jacq Ingénierie s'est fondée pour réaliser le DTA en juillet 2004 sur les analyses de deux échantillons de flocage prélevés dans la réserve et dans le dépôt pour affirmer qu'ils ne contenaient pas d'amiante. Elle soutient qu'il ne pouvait s'agir que du flocage au niveau de la charpente métallique et qu'aucune modification n'ayant été réalisée au niveau de la charpente, elle n'avait pas à procéder à de nouveaux prélèvements. Toutefois, la seule indication du sondage réalisé dans la réserve et dans le dépôt en l'absence de mention précise de la localisation du prélèvement (piliers ou poutres métalliques qui étaient également couverts de flocages), il appartenait à la société André Jacq de réaliser un nouveau sondage précisément localisé. En effet, le flocage de la charpente était visible et accessible, sans sondage destructif, ainsi que l'expert a pu le constater. L'existence d'amiante dans les cloisons de fibro-ciment figure dans le rapport de 2004 mais il manque la mention d'amiante au niveau de la charpente. La société André Jacq Ingénierie ne conteste pas avoir omis de signaler la présence d'amiante dans toutes les plaques de fibrociment de la façade intérieure du bâtiment lors du DAT de 2008 mais elle fait valoir que cette insuffisance de repérage n'a eu aucune incidence sur l'indemnisation sollicitée puisque les parties prétendent que les travaux de rénovation ont été décidés sur la base du DTA de juillet 2004. Il est ainsi établi que la société André Jacq Ingénierie a manqué à ses obligations contractuelles et réglementaires au stade du DTA et du DAT à l'égard de la société Rambouillet Distribution et à l'égard de la société Valedor. Le lien de causalité avec le préjudice allégué : La société Rambouillet Distribution et la société Valedor soutiennent que si elles avaient eu connaissance en 2004 de l'étendue de l'amiantage et de la construction, elles n'auraient pas engagé de frais pour son réaménagement et considèrent que la société André Jacq doit réparation de leur préjudice financier. Elles sollicitent l'infirmation du jugement quant aux montants accordés. La société Rambouillet Distribution sollicite une indemnisation au titre des sommes qu'elle a été contrainte de verser en pure perte du fait de l'abandon des travaux, à la société Protecfeu et à la société Gilles Decor, soit un montant total de 249.765,54 euros HT. La société Valedor sollicite : - la somme de 346.214 euros HT s'agissant des prestations de la société Johnson Controls, - la somme de 160.624 euros HT correspondant à la perte de marge due à la diminution du chiffre d'affaires pendant la période des travaux de septembre 2007 à février 2008, - la somme de 957.000 euros HT pour le manque à gagner découlant de la non mise en place totale de MAG 3, - la somme de 28.000 euros HT au titre des dépenses de personnel. La société André Jacq Ingénierie et son assureur soutiennent que les préjudices allégués par les deux sociétés découlent de la seule absence de réalisation d'un DAT, avant le commencement des travaux, en violation des obligations résultant des articles L. 1334-1 et suivants et R.1334-14 du code de la santé publique qui imposent une obligation générale de surveillance du risque amiante pour les propriétaires et les exploitants d'immeubles bâtis antérieurement au 1er juillet 1997. La société André Jacq Ingénierie souligne que son rapport du 4 juillet 2004 mentionnait expressément que "le commanditaire est informé que ce présent rapport n'est utilisable que dans le cadre du dossier technique amiante. Ce rapport n'est pas destiné à l'usage de repérage réglementaire dans le cas de travaux ou de démolition". L'obligation de l'article R.1334-14 dudit code incombant au propriétaire ou à défaut de propriétaire identifié, à l'exploitant, résulte d'un décret n°2011-629 du 3 juin 2011 n'était pas encore en vigueur en septembre 2007, date du début des travaux. Le propriétaire des lieux était alors soumis à l'article R.1334-27 du code de la santé publique qui prévoyait que "les propriétaires des immeubles mentionnés à l'article R.1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d'effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante et de transmettre les résultats de ce repérage à toute personne physique ou morale appelée à concevoir ou à réaliser des travaux". Cette notion de démolition était entendue de manière large et s'appliquait à tous travaux sur la construction puisque la norme NF X46-020 de novembre 2002 applicable au moment des travaux (pièce 21 de la société Valedor) mentionne la mention "dossier technique amiante" et "la mission en vue de la réalisation de travaux ultérieurs". En effet, les dispositions du code de la santé publique ont pour objet la défense de la santé des usagers des lieux et notamment des personnes amenées à travailler sur la construction. Cette interprétation est corroborée par la mention figurant dans le rapport de 2008 de la société André Jacq qui rappelait le recours nécessaire à un DAT, qui comporte des prélèvements sur toute l'épaisseur du matériau en cas de travaux. En l'espèce, les travaux dans cette construction datant de 1979, ont été débutés en septembre 2007 alors que le propriétaire et l'exploitant des lieux n'avaient pas commandé de DAT et ce, alors que la réglementation les y obligeait et que la présence d'amiante dans le bâtiment était déjà connue. Si ce « diagnostic avant travaux » avait été réalisé avant le démarrage des travaux, aucun frais n'aurait été engagé. Or, le DAT a été commandé tardivement en cours de travaux en janvier 2008, à la société André Jacq Ingénierie qui a constaté l'existence d'amiante dans le flocage de la charpente notamment, ce qui a conduit à l'arrêt des travaux. Ce DAT était d'autant plus important avant le début des travaux que la société Rambouillet Distribution avait eu connaissance de la présence d'amiante dans les cloisons et les dalles de sol, de nature à rendre le réaménagement plus complexe et plus onéreux depuis le rapport de la société DEFI du 23 juin 1998. Il n'est pas contesté que la société Rambouillet Distribution a préféré, en raison de l'importance de l'amiante présente depuis l'origine de la construction, fait auquel la société André Jacq est étrangère, à renoncer aux travaux de réaménagement et décidé de faire construire un nouveau bâtiment d'une surface de 10.460 m2 sur un autre emplacement. Il résulte de ce qui précède que l'insuffisante détection de l'amiante dans la construction par la société André Jacq Ingénierie n'est pas directement à l'origine du préjudice financier dont les sociétés Rambouillet Distribution et Valedor sollicitent réparation. Le jugement sera infirmé afin de les débouter de leurs demandes formées à l'encontre de la société André Jacq et de son assureur » (arrêt pp.9-12) ; 1°) Alors que la responsabilité d'un contractant est engagée lorsqu'il commet un manquement contractuel causant un préjudice direct à son cocontractant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société André Jacq Ingénierie avait manqué à ses obligations contractuelles lors de l'établissement du dossier technique d'amiante de juillet 2004 en ce qu'elle n'avait pas mentionné l'existence d'amiante dans le flocage de la charpente, cependant que ce flocage était visible et accessible sans sondage destructif ; que la cour d'appel a également constaté que c'était l'importance de l'amiante présente sur la construction qui avait contraint la société Rambouillet Distribution à renoncer aux travaux d'aménagement ; qu'en concluant néanmoins que l'insuffisante détection de l'amiante par la société André Jacq Ingénierie n'était pas directement à l'origine du préjudice financier de la société Rambouillet Distribution consistant dans les frais exposés à perte pour les travaux d'aménagement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) Alors que le juge doit observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever un moyen d'office sans le soumettre aux observations des parties ; qu'en l'espèce, aucune des parties ne s'était prévalue de l'application de l'article R. 1334-27 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à la cause, ni n'avait a fortiori discuté le point de savoir comment devait être entendue la notion de « démolition » employée par ce texte ; que pour écarter l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise par la société André Jacq Ingénierie et le préjudice de la société Rambouillet Distribution, la cour d'appel a jugé qu'il résultait de l'article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la cause, que la société Rambouillet Distribution était tenue de procéder avant travaux à un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante, dans la mesure où l'obligation faite par ce texte au propriétaire de procéder à un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante préalablement à la « démolition » de l'immeuble vaudrait pour tous travaux sur la construction ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a relevé d'office un moyen sans rouvrir les débats pour permettre aux parties de présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3°) Alors que, subsidiairement, aux termes de l'article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa version issue du décret 2006-1099 du 31 août 2006, « les propriétaires des immeubles mentionnés à l'article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d'effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante » ; qu'en jugeant que l'obligation prévue par ce texte s'appliquait préalablement à « tous travaux sur la construction », la cour d'appel, qui en a méconnu la lettre, a violé l'article R1334-27 du code de la santé publique, dans sa version applicable issue du décret 2006-1099 du 31 août 2006 ; 4°) Alors que, encore subsidiairement, une norme AFNOR ne peut être rendue obligatoire que par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés ; qu'en jugeant que le terme de « démolition » employé par l'article R. 1334-27 du code de la santé publique devait s'entendre de « tous travaux sur la construction » puisque la norme NF X 46-020 de novembre 2002 applicable au moment des travaux mentionne la mission « dossier technique amiante » et « la mission en vue de la réalisation de travaux ultérieurs », cependant que cette norme, non rendue obligatoire par arrêté ministériel, ne pouvait ajouter à la loi, la cour d'appel a violé l'article 12 du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation, abrogé par le décret n°2009-697 du 16 juin 2009 ; 5°) Alors que, en tout état de cause, le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que la norme NF X46-020 de novembre 2002 indiquait que « Le repérage de matériaux et produits contenant de l'amiante concerne deux types précis de mission : - Le repérage en vue de la constitution du dossier technique amiante (articles 10-2 et 10-3 du décret n°96-97 modifié) ou en vue de l'établissement du constat de présence ou d'absence d'amiante établi à l'occasion de la vente de l'immeuble bâti (article 10-1 du décret n°96-97 modifié) ; - Le repérage en vue de travaux ultérieurs, y compris en cas de démolition d'immeuble - NOTE : En cas de démolition d'immeuble bâti, le respect de cette obligation réglementaire est de la responsabilité du propriétaire (voir article 10-4 du décret n°96-97 modifié) » ; qu'il résultait ainsi des termes clairs et précis de la norme NFX46-020 que si le repérage pouvait être fait « en vue de travaux ultérieurs », le repérage n'incombait au propriétaire que si ces travaux étaient des travaux de « démolition »; qu'en considérant que cette norme imposait au propriétaire une obligation de repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante avant tous travaux, la cour d'appel l'a dénaturée, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause. Moyen produit au pourvoi n° Y 19-16.381 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Valedor. Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes de la société VALEDOR formées à l'encontre de la société ANDRE JACQ INGENIERIE et de la société MMA IARD ; AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « sur la responsabilité de la société André Jacq Ingénierie ( ) il appartient à la société Rambouillet Distribution et à la société Valedor de démontrer l'étendue de la mission confiée à la société André Jacq Ingénierie, les manquements contractuels ou réglementaires commis ainsi que le lien avec le préjudice résultant de l'arrêt des travaux ; que (sur) l'étendue de la mission confiée, il convient de rappeler au préalable qu'il existe deux types de « diagnostics amiante » selon l'arrêté du 2 janvier 2002 relatif au repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante avant démolition en application de l'article 10-4 du décret n° 96-97 du 7 février 1996 modifié : - Le diagnostic technique amiante, dit DTA, lorsqu'aucune démolition n'est envisagée qui consiste à repérer les matériaux et produits contenant de l'amiante sans sondage destructif, - Le diagnostic amiante avant travaux, dit DAT, nécessitant, en cas de démolition envisagée, des investigations plus poussées pouvant aller jusqu'au sondage destructif ; que ce dernier diagnostic doit s'effectuer dans les formes prévues par l'annexe 2 de l'arrêté qui prévoit notamment une évacuation des lieux ; que les contrats conclus en 2004 et 2008 avec la société André Jacq ne sont pas produits par les sociétés Rambouillet Distribution et Valedor, si bien que la cour ne peut déterminer avec précision la mission confiée à la société André Jacq ; que les bordereaux des pièces communiquées par ces parties ne mentionnent pas ces deux pièces essentielles pour le dossier ; que les trois CD des annexes du rapport d'expertise déposés au dossier de la cour par la société Valedor comportent des pièces 101 à 231 énumérées en pages 8 à 13 du rapport d'expertise qui ne mentionnent pas les contrats ; que la cour n'est donc pas en mesure de constater l'identité exacte du cocontractant de la société André Jacq Ingénierie ; qu'il faut également relever que le rapport de l'expert mentionne en page 43 que la société Rambouillet Distribution a demandé à la société André Jacq d'établir un nouveau dossier technique amiante au cours de l'année 2004 alors que le seul rapport présenté par les parties au dossier de la cour, le rapport de 2004 (pièce 3 de la société André Jacq), mentionne qu'il a été dressé à la demande de « Intermarché SAS Sodiclaire », aux droits de laquelle vient à présent la société Valedor ; que ceci étant précisé, il n'est pas contesté que la société André Jacq Ingénierie a reçu deux missions distinctes : - en juillet 2004 un DTA, - en janvier 2008 un DAT ; qu'aucune contestation n'étant soulevée quant à l'existence d'une relation contractuelle entre les sociétés André Jacq Ingénierie d'une part, et les sociétés Sodiclaire devenue Valedor et Rambouillet Distribution, d'autre part, la cour retiendra l'existence de deux contrats conclus entre ces parties, le premier pour un DTA et le second pour un DAT ; que (sur) les manquements contractuels, l'expert judiciaire a relevé que « le DTA effectué par la société André Jacq en juillet 2004 n'a pas signalé le flocage généralisé à base d'amiante présent sur la charpente ainsi que la présence généralisée de plaques de fibrociment sur toute la périphérie du bâtiment » (et a) conclu à l'issue de sa mission que « le DTA de 2004 et le repérage avant travaux de 2008 établis par la société André Jacq ne sont ni complets, ni conformes à la réglementation, à la norme NFX 46.020 et à la commande de ces repérages (devis et ordres de service) ; que dans son rapport du 7 juillet 2004, la société André Jacq conclut à l'existence d'amiante dans les dalles de sol et des cloisons de fibrociment ; qu'il est établi par les pièces du dossier que la société André Jacq Ingénierie s'est fondée pour réaliser le DTA en juillet 2004 sur les analyses de deux échantillons de flocage prélevés dans la réserve et dans le dépôt pour affirmer qu'ils ne contenaient pas d'amiante ; qu'elle soutient qu'il ne pouvait s'agir que du flocage au niveau de la charpente métallique et qu'aucune modification n'ayant été réalisée au niveau de la charpente, elle n'avait pas à procéder à de nouveaux prélèvements ; que toutefois, la seule indication du sondage réalisé dans la réserve et dans le dépôt en l'absence de mention précise de la localisation du prélèvement (piliers ou poutres métalliques qui étaient également couverts de flocages), il appartenait à la société André Jacq de réaliser un nouveau sondage précisément localisé ; qu'en effet, le flocage de la charpente était visible et accessible, sans sondage destructif, ainsi que l'expert a pu le constater ; que l'existence d'amiante dans les cloisons de fibro-ciment figure dans le rapport de 2004 mais il manque la mention d'amiante au niveau de la charpente ; que la société André Jacq Ingénierie ne conteste pas avoir omis de signaler la présence d'amiante dans toutes les plaques de fibrociment de la façade intérieure du bâtiment lors du DAT de 2008 mais elle fait valoir que cette insuffisance de repérage n'a eu aucune incidence sur l'indemnisation sollicitée puisque les parties prétendent que les travaux de rénovation ont été décidés sur la base du DTA de juillet 2004 ; qu'il est ainsi établi que la société André Jacq Ingénierie a manqué à ses obligations contractuelles et réglementaires au stade du DTA et du DAT à l'égard de la société Rambouillet Distribution et à l'égard de la société Valedor ; que (sur) le lien de causalité avec le préjudice allégué, la société Rambouillet Distribution et la société Valedor soutiennent que si elles avaient eu connaissance en 2004 de l'étendue de l'amiantage de la construction, elles n'auraient pas engagé de frais pour son réaménagement et considèrent que la société André Jacq doit réparation de leur préjudice financier ; qu'elles sollicitent l'information du jugement quant aux montants accordés ; que la société Rambouillet Distribution sollicite une indemnisation au titre des sommes qu'elle a été contrainte de verser en pure perte du fait de l'abandon des travaux, à la société Protecfeu et à la société Gilles Décor, soit un montant total de 249 765,54 euros HT ; que la société Valedor sollicite : - la somme de 346 214 euros HT s'agissant des prestations de la société Johnson Controls, - la somme de 160 624 euros HT correspondant à la perte de marge due à la diminution du chiffre d'affaires pendant la période des travaux de septembre 2007 à février 2008, - la somme de 957 000 euros HT pour le manque à gagner découlant de la non mise en place totale de MAG3, - la somme de 28 000 euros HT au titre des dépenses de personnel ; que la société André Jacq Ingénierie et son assureur soutiennent que les préjudices allégués par les deux sociétés découlent de la seule absence de réalisation d'un DAT, avant le commencement des travaux, en violation des obligations résultant des articles L.1334-1 et suivants et R. 1334-14 du code de la santé publique qui imposent une obligation générale de surveillance du risque amiante pour les propriétaires et les exploitants d'immeubles bâtis antérieurement au 1er juillet 1997 ; que la société André Jacq Ingénierie souligne que son rapport du 4 juillet 2004 mentionnait expressément que « le commanditaire est informé que ce présent rapport n 'est utilisable que dans le cadre du dossier technique amiante ; que le rapport n'est pas destiné à l'usage de repérage réglementaire dans le cas de travaux ou de démolition ; que l'obligation de l'article R. 1334-14 dudit code incombant au propriétaire ou à défaut de propriétaire identifié, à l'exploitant, résulte d'un décret n°2011-629 du 3 juin 2011 (et) n'était pas encore en vigueur en septembre 2007, date du début des travaux ; que le propriétaire des lieux était alors soumis à l'article R. 1334-27 du code de la santé publique qui prévoyait que "Les propriétaires des immeubles mentionnés à l'article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d'effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante et de transmettre les résultats de ce repérage à toute personne physique ou morale appelée à concevoir ou à réaliser les travaux." ; que cette notion de démolition était entendue de manière large et s'appliquait à tous travaux sur la construction puisque la norme NF X46-020 de novembre 2002 applicable au moment des travaux (pièce 21 de la société Valedor) mentionne la mission "dossier technique amiante" et "la mission en vue de la réalisation de travaux ultérieurs" ; qu'en effet, les dispositions du code de la santé publique ont pour objet la défense de la santé des usagers des lieux et notamment des personnes amenées à travailler sur la construction ; que cette interprétation est corroborée par la mention figurant dans le rapport de 2008 de la société André Jacq qui rappelait le recours nécessaire à un DAT, qui comporte des prélèvements sur toute l'épaisseur du matériau en cas de travaux ; qu'en l'espèce, les travaux dans cette construction datant de 1979, ont été débutés en septembre 2007 alors que le propriétaire et l'exploitant des lieux n'avaient pas commandé de DAT et ce, alors que la réglementation les y obligeait et que la présence d'amiante dans le bâtiment était déjà connue ; que si ce « diagnostic avant travaux » avait été réalisé avant le démarrage des travaux, aucun frais n'aurait été engagé ; qu'or, le DAT a été commandé tardivement en cours de travaux en janvier 2008, à la société André Jacq Ingénierie qui a constaté l'existence d'amiante dans le flocage de la charpente notamment, ce qui a conduit à l'arrêt des travaux ; que ce DAT était d'autant plus important avant le début des travaux que la société Rambouillet Distribution avait eu connaissance de la présence d'amiante dans les cloisons et les dalles de sol, de nature à rendre le réaménagement plus complexe et plus onéreux depuis le rapport de la société DEFI du 23 juin 1998 ; qu'il n'est pas contesté que la société Rambouillet Distribution a préféré, en raison de l'importance de l'amiante présente depuis l'origine de la construction, fait auquel la société André Jacq est étrangère, à renoncer aux travaux de réaménagement et décidé de faire construire un nouveau bâtiment d'une surface de 10 460 m2 sur un autre emplacement ; qu'il résulte de ce qui précède que l'insuffisante détection de l'amiante dans la construction par la société André Jacq Ingénierie n'est pas directement à l'origine du préjudice financier dont les sociétés Rambouillet Distribution et Valedor sollicitent réparation ; que le jugement sera infirmé afin de les débouter de leurs demandes formées à l'encontre de la société André Jacq et de son assureur » ; ALORS en premier lieu QUE la société MMA IARD, pages 12 et 13 de ses écritures d'appel, invoquait les articles L. 1334-12-1, R. 1334-14 et R. 1334-29-5 du code de la santé publique, L. 230-2, L. 235-1, L. 4121-3, L. 4531-1 et R. 4412-97 du code du travail et que la société ANDRE JACQ invoquait quant à elle, page 14 de ses écritures d'appel, les articles L. 1334-1 « et suivants » et R. 1334-14 « et suivants » du code de la santé publique ; qu'en relevant d'office, après avoir écarté l'application de l'article R. 1334-14 du code de la santé publique invoqué par la société ANDRE JACQ et par son assureur, que s'appliquerait aux faits de l'espèce l'article R. 1334-27 du code de la santé publique (arrêt, p.11§4), qui disposait, dans sa rédaction applicable à la cause, que « les propriétaires des immeubles mentionnés à l'article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d'effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante et de transmettre les résultats de ce repérage à toute personne physique ou morale appelée à concevoir ou à réaliser les travaux » (arrêt, p.11), sans provoquer les observations des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; ALORS en deuxième lieu QU'en jugeant que, pour l'application de l'article R. 334-27 du code de la santé publique, « cette notion de démolition était entendue de manière large et s'appliquait à tous travaux sur la construction » (arrêt, p.11), pour l'appliquer aux travaux commencés en septembre 2007, la cour d'appel a violé l'article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la cause ; ALORS en troisième lieu QU'une norme AFNOR ne peut être rendue obligatoire que par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés ; qu'en jugeant que le terme de « démolition » employé par l'article R. 1334-27 du code de la santé publique devait s'entendre de « tous travaux sur la construction » puisque la norme NF X 46-020 de novembre 2002 applicable au moment des travaux mentionne la mission « dossier technique amiante » et « la mission en vue de la réalisation de travaux ultérieurs », cependant que cette norme, non rendue obligatoire par arrêté ministériel, ne pouvait ajouter à la loi, la cour d'appel a violé l'article 12 du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation, abrogé par le décret n°2009- 697 du 16 juin 2009 ; ALORS en quatrième lieu QUE, subsidiairement, le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que la norme NF X46-020 de novembre 2002 indiquait que « Le repérage de matériaux et produits contenant de l'amiante concerne deux types précis de mission : - Le repérage en vue de la constitution du dossier technique amiante (articles 10-2 et 10-3 du décret n°96-97 modifié) ou en vue de l'établissement du constat de présence ou d'absence d'amiante établi à l'occasion de la vente de l'immeuble bâti (article 10-1 du décret n°96-97 modifié) ; - Le repérage en vue de travaux ultérieurs, y compris en cas de démolition d'immeuble - NOTE : En cas de démolition d'immeuble bâti, le respect de cette obligation réglementaire est de la responsabilité du propriétaire (voir article 10-4 du décret n°96-97 modifié) » ; qu'il résultait ainsi des termes clairs et précis de la norme NFX46-020 que si le repérage pouvait être fait « en vue de travaux ultérieurs », le repérage n'incombait au propriétaire que si ces travaux étaient des travaux de « démolition »; qu'en considérant que cette norme imposait au propriétaire une obligation de repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante avant tous travaux, la cour d'appel l'a dénaturée, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; ALORS en cinquième lieu QUE, subsidiairement aux deuxième à quatrième branches du moyen, l'article R. 1334-27 du code de la santé publique disposait, dans sa rédaction applicable à la cause, que « les propriétaires des immeubles mentionnés à l'article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d'effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante et de transmettre les résultats de ce repérage à toute personne physique ou morale appelée à concevoir ou à réaliser les travaux » ; qu'en jugeant que la société VALEDOR, qui n'était pas la propriétaire de l'immeuble, aurait été obligée par ce texte à commander un DAT (arrêt, p.11, pénultième §), la cour d'appel a violé l'article R. 1334-27 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à la cause ; ALORS en sixième lieu QUE la responsabilité du diagnostiqueur est engagée lorsque son diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux règles édictées et aux règles de l'art et qu'il se révèle erroné ; qu'en jugeant qu'il « appartenait à la société André Jacq de réaliser un nouveau sondage précisément localisé. En effet, le flocage de la charpente était visible et accessible, sans sondage destructif, ainsi que l'expert a pu le constater. L'existence d'amiante dans les cloisons de fibro-ciment figure dans le rapport de 2004 mais il manque la mention d'amiante au niveau de la charpente » (arrêt, p.10), que « la société André Jacq Ingénierie ne conteste pas avoir omis de signaler la présence d'amiante dans toutes les plaques de de fibrociment de la façade intérieure du bâtiment lors du DAT de 2008 » (ibid.) et qu'« il est ainsi établi que la société André Jacq Ingénierie a manqué à ses obligations contractuelles et réglementaires au stade du DTA et du DAT à l'égard de la société Rambouillet Distribution et à l'égard de la société Valedor » (ibid.), mais que pourtant aucun lien de causalité n'existerait entre la faute reconnue à l'encontre de la société ANDRE JACQ et le préjudice subi, au motif que « le propriétaire et l'exploitant des lieux n'avaient pas commandé de DAT et ce, alors que la réglementation les y obligeait et que la présence d'amiante dans le bâtiment était déjà connue » (arrêt, p.11), la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; ALORS en septième lieu QUE, subsidiairement, la faute de la victime, pour entraîner une exonération totale de responsabilité, doit présenter les caractères de la force majeure ; qu'en jugeant qu'il « appartenait à la société André Jacq de réaliser un nouveau sondage précisément localisé. En effet, le flocage de la charpente était visible et accessible, sans sondage destructif, ainsi que l'expert a pu le constater. L'existence d'amiante dans les cloisons de fibro-ciment figure dans le rapport de 2004 mais il manque la mention d'amiante au niveau de la charpente » (arrêt, p.10), que « la société André Jacq Ingénierie ne conteste pas avoir omis de signaler la présence d'amiante dans toutes les plaques de de fibrociment de la façade intérieure du bâtiment lors du DAT de 2008 » (ibid.) et qu'« il est ainsi établi que la société André Jacq Ingénierie a manqué à ses obligations contractuelles et réglementaires au stade du DTA et du DAT à l'égard de la société Rambouillet Distribution et à l'égard de la société Valedor » (ibid.), mais que pourtant aucun lien de causalité n'existerait entre la faute reconnue à l'encontre de la société ANDRE JACQ et le préjudice subi, au motif que « le propriétaire et l'exploitant des lieux n'avaient pas commandé de DAT et ce, alors que la réglementation les y obligeait et que la présence d'amiante dans le bâtiment était déjà connue » (arrêt, p.11), la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
L'obligation, imposée par l'article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2011- 629 du 3 juin 2011, aux propriétaires d'un immeuble mentionné à l'article R. 1334-23, d'effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante et de transmettre les résultats de ce repérage à toute personne physique ou morale appelée à concevoir ou à réaliser les travaux, n'est prévue que préalablement à la démolition totale ou partielle de l'immeuble
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CIV. 3 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 725 FS-P+B+R+I Pourvoi n° D 18-16.888 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 Mme B... J..., notaire pour la société civile de construction vente Elypseo, domiciliée 10-11 quai Kléber, 67000 Strasbourg, a formé le pourvoi n° D 18-16.888 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre 12). La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller référendaire, puis après avoir entendu M. A... N..., secrétaire général de l'Institut du droit local d'Alsace-Moselle en ses observations en application de l'article 1015-2 du code de procédure civile et celui-ci ayant déposé une note écrite, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme J..., et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guillaudier, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Georget, Djikpa, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 15 mars 2018), par acte du 30 décembre 2015, dressé par Mme J..., notaire à Strasbourg, la société civile de construction vente Elypseo a vendu un immeuble en l'état futur d'achèvement à M. F.... 2. Le notaire a déposé une requête tendant à l'inscription du privilège du vendeur, laquelle a été rejetée par le juge du livre foncier de Strasbourg. 3. Le juge du livre foncier ayant maintenu son opposition, Mme J... a formé un pourvoi immédiat contre son ordonnance. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme J... fait grief à l'arrêt de rejeter le pourvoi formé contre la décision du juge du livre foncier, alors « qu'en Alsace-Moselle, les privilèges sont ceux prévus par la législation civile française ; que les règles concernant l'organisation, la constitution, la transmission et l'extinction des droits réels immobiliers et autres droits et actes soumis à publicité sont celles de la législation civile française, sous réserve des dispositions du droit local ; que ces dispositions prévoient, d'une part, que, dès le dépôt de la requête en inscription et sous réserve de leur inscription, les droits relatifs à la propriété immobilière sont opposables aux tiers qui ont des droits sur les immeubles et qui les ont fait inscrire régulièrement, d'autre part, que l'inscription des droits a lieu sur requête, et que les requêtes sont portées sur le registre des dépôts, au fur et à mesure de leur dépôt et, enfin, que la date et le rang de l'inscription sont déterminés par la mention du dépôt de la requête, portée au registre des dépôts ; qu'il s'ensuit que, dans le droit local, le privilège du vendeur peut toujours être inscrit et que l'inscription du privilège prend rang au jour du dépôt de la requête en inscription, de sorte qu'il est dérogé au droit français en ce que n'est pas applicable le délai de deux mois prévu pour inscrire le privilège du vendeur afin que celui-ci prenne rang à la date de l'acte de vente ; qu'en jugeant au contraire que ce délai de deux mois ne serait pas une règle de publicité foncière à laquelle le droit local pourrait déroger, mais une disposition de fond qui fixerait la condition d'efficacité du privilège du vendeur, et qu'à ce titre, cette disposition, applicable sur le territoire national, le serait également en Alsace-Moselle, la cour d'appel a violé l'article 2379 du code civil, ensemble les articles 36, 36-1, 38, 38-1, 45 et 52 de la loi du 1er juin 1924. » Réponse de la Cour Vu l'article 2379, alinéa 1er, du code civil et les articles 36, 36-1, 38, 45 et 52 du chapitre III de la loi du 1er juin 1924 : 5. Selon le premier de ces textes, le vendeur privilégié, ou le prêteur qui a fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble, conserve son privilège par une inscription qui doit être prise, à sa diligence, en la forme prévue aux articles 2426 et 2428, et dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente. Le privilège prend rang à la date dudit acte. 6. Cette disposition, qui conditionne l'efficacité du privilège, est une disposition de fond dès lors que, en application de l'article 2386 du code civil, si le délai n'est pas respecté, le privilège dégénère en hypothèque et ne prend rang, à l'égard des tiers, que de la date de l'inscription. 7. La loi du 1er juin 1924 a mis en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. 8. Selon les articles 36 et 36-1 de cette loi, dans ces départements, les droits sur les immeubles, les privilèges et les hypothèques sont ceux prévus par la législation civile française et les règles concernant l'organisation, la constitution, la transmission et l'extinction des droits réels immobiliers et autres droits et actes soumis à publicité sont celles de la législation civile française, sous réserve de plusieurs dispositions. 9. Il résulte ainsi de ses articles 38, 45 et 52 que les privilèges sont inscrits au livre foncier, aux fins d'opposabilité aux tiers, que la date et le rang de l'inscription sont déterminés par la mention du dépôt de la requête, portée au registre des dépôts, et que l'inscription des privilèges et des hypothèques est sans effet rétroactif. 10. Selon l'article 52 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, il n'est pas dérogé aux dispositions du chapitre III de la loi du 1er juin 1924, régissant les droits sur les immeubles situés dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. 11. Les dispositions spécifiques du droit local, qui n'ont pas été abrogées par le décret du 4 janvier 1955 et qui instituent un régime spécial avec des règles de fond différentes de celles du droit général, continuent donc à s'appliquer dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. 12. Dès lors, le délai de deux mois prévu par l'article 2379, alinéa 1er, du code civil n'est pas applicable dans ces départements. 13. Pour rejeter le pourvoi formé contre la décision de rejet de la requête en inscription du privilège du vendeur par le juge du livre foncier, l'arrêt retient que le délai de deux mois imposé par l'article 2379 du code civil n'est pas une règle de publicité foncière à laquelle le droit local pourrait déroger, mais une disposition de fond qui fixe la condition d'efficacité du privilège du vendeur et que cette disposition est applicable en Alsace-Moselle. 14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme J..., notaire pour la société civile de construction vente Elypseo Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le pourvoi immédiat formé par Maître J... contre l'ordonnance du 4 avril 2017, par laquelle le juge du livre foncier de STRASBOURG a rejeté sa requête en inscription des charges (privilège du vendeur et droit à la résolution), avec pour date extrême d'effet le 31 décembre 2018 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « les dispositions de l'article 2379 du code civil prévoient que « le vendeur privilégié, ou le prêteur qui a fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble, conserve son privilège par une inscription qui doit être prise, à sa diligence, en la forme prévue aux articles 2426 et 2428, et dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente ; le privilège prend rang à la date dudit acte » ; le délai de deux mois imposé par cette disposition n'est pas une règle de publicité foncière à laquelle le droit local pourrait déroger, mais une disposition de fond qui fixe la condition d'efficacité du privilège du vendeur ; à ce titre, cette disposition, applicable sur le territoire national, l'est également en ALSACE MOSELLE, selon le principe général posé par l'article 5 de la loi du 1er juin 1924 ; en l'espèce, l'inscription du privilège du vendeur n'a pas été requise dans le délai légal, ce qui n'est pas contesté ; ce motif justifie le rejet de la requête » (arrêt, p. 2) ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « rejet partiel pour ce qui concerne l'inscription des charges : privilège du vendeur et droit à la résolution, avec pour date extrême d'effet le 31 décembre 2018, sur le fondement : 1/ de l'article 2379 du code civil, lequel stipule : - pour le privilège du vendeur, en son alinéa 1er : « le vendeur privilégié, ou le prêteur qui a fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble, conserve son privilège par une inscription qui doit être prise, à sa diligence, en la forme prévue aux articles 2426 et 2428, et dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente ; le privilège prend rang à la date dudit acte » ; - pour le droit à la résolution, en son alinéa 2 : « l'action résolutoire établie par l'article 1654 ne peut être exercée après l'extinction du privilège du vendeur, ou à défaut d'inscription de ce privilège dans le délai ci-dessus imparti, au préjudice des tiers qui ont acquis les droits sur l'immeuble du chef de l'acquéreur et qui les ont publiés » ; 2/ de la jurisprudence de la cour d'appel de COLMAR – Arrêt en date du 12 septembre 2014 (RG 10/6089) – dont les motifs sont repris in extenso ci-après : « Attendu que les dispositions de l'article 2379 du code civil, qui sont applicables également en droit local, prévoient que le vendeur d'un immeuble ne « conserve » son privilège que par une inscription qui doit être prise, à sa diligence, dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente ; attendu qu'il est constant qu'en l'espèce l'inscription du privilège du vendeur n'a pas été requise dans le délai légal ; que ce seul motif suffit à justifier le rejet de la requête ; attendu que subsidiairement le juge n'était pas saisi d'une requête en inscription d'une hypothèque légale » ; en l'espèce : l'acte de vente en l'état futur d'achèvement, fondement de la présente requête, a été établi le 30 décembre 2015 et a fait l'objet d'un dépôt au Livre Foncier le 14 juin 2016, soit dans un délai de 5 mois et demi, délai bien supérieur au délai prescrit par l'article 2379 du code civil ; vu l'ordonnance intermédiaire en date du 18 juillet 2016 au terme de laquelle l'attention du requérant était attirée quant à cet état de fait et aux prescriptions de l'article 2379 du code civil ; vu les ordonnances intermédiaires en date des 9 novembre 2016 et 19 janvier 2017, au terme desquelles le requérant était invité à faire part de ses observations quant à la transformation de l'inscription en hypothèque légale en application de l'article 15 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ; vu l'article 84 du décret 2009-1193 du 7 octobre 2009 relatif au livre foncier et à son informatisation dans les départements du BAS-RHIN, du HAUT-RHIN et de la MOSELLE » (ordonnance du 4 avril 2017, pp. 1 et 2) ; ALORS QUE, en ALSACE-MOSELLE, les privilèges sont ceux prévus par la législation civile française ; que les règles concernant l'organisation, la constitution, la transmission et l'extinction des droits réels immobiliers et autres droits et actes soumis à publicité sont celles de la législation civile française, sous réserve des dispositions du droit local ; que ces dispositions prévoient, d'une part, que, dès le dépôt de la requête en inscription et sous réserve de leur inscription, les droits relatifs à la propriété immobilière sont opposables aux tiers qui ont des droits sur les immeubles et qui les ont fait inscrire régulièrement, d'autre part, que l'inscription des droits a lieu sur requête, et que les requêtes sont portées sur le registre des dépôts, au fur et à mesure de leur dépôt et, enfin, que la date et le rang de l'inscription sont déterminés par la mention du dépôt de la requête, portée au registre des dépôts ; qu'il s'ensuit que, dans le droit local, le privilège du vendeur peut toujours être inscrit et que l'inscription du privilège prend rang au jour du dépôt de la requête en inscription, de sorte qu'il est dérogé au droit français en ce que n'est pas applicable le délai de deux mois prévu pour inscrire le privilège du vendeur afin que celui-ci prenne rang à la date de l'acte de vente ; qu'en jugeant au contraire que ce délai de deux mois ne serait pas une règle de publicité foncière à laquelle le droit local pourrait déroger, mais une disposition de fond qui fixerait la condition d'efficacité du privilège du vendeur, et qu'à ce titre, cette disposition, applicable sur le territoire national, le serait également en ALSACE MOSELLE, la cour d'appel a violé l'article 2379 du code civil, ensemble les articles 36, 36-1, 38, 38-1, 45 et 52 de la loi du 1er juin 1924.
Le délai de deux mois prévu par l'article 2379, alinéa 1, du code civil n'est pas applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Dès lors, doit être cassé l'arrêt qui, pour rejeter le pourvoi formé contre la décision de rejet de la requête en inscription du privilège du vendeur par le juge du livre foncier, retient que le délai de deux mois imposé par l'article 2379 du code civil n'est pas une règle de publicité foncière à laquelle le droit local pourrait déroger, mais une disposition de fond qui fixe la condition d'efficacité du privilège du vendeur et que cette disposition est applicable en Alsace-Moselle
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CIV. 3 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 726 FS-P+B+I Pourvoi n° R 18-20.809 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 La société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est 189 boulevard Malesherbes, 75856 Paris cedex 17, a formé le pourvoi n° R 18-20.809 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2018 par la cour d'appel de Fort-de-France (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme Y... Q..., domiciliée [...] , 2°/ à M. N... E..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Q..., et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Fort de France, 29 mai 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 21 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.495), Mme Q... a confié à M. E..., architecte assuré auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF), la réalisation de deux bungalows. 2. Les travaux ont démarré en février 2008 et ont été abandonnés en avril 2008. 3. Mme Q... a assigné M. E... et la MAF en résolution du contrat et indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. La MAF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme Q... la somme de 91 460,44 euros, alors « que l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par M. E... stipule que la déclaration de chaque mission constitue une condition de la garantie pour chaque mission ; que par suite, en cas d'absence de déclaration d'une mission, la réduction de l'indemnité ne peut être calculée par référence à l'ensemble des chantiers déclarés annuellement par l'architecte mais par référence à la seule mission litigieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que M. E... avait omis de déclarer la mission complète confiée par Mme Q... le 5 décembre 2007 ; que néanmoins, elle a calculé la réduction de la garantie de la MAF en se référant aux cotisations payées pour l'ensemble des missions au titre de l'année 2008, dénaturant ainsi l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance, en violation de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 112-6 et L. 124-3 du code des assurances : 5. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 6. Il résulte de la combinaison des deux derniers que l'assureur peut opposer au tiers lésé, qui invoque le bénéfice de la police, les exceptions opposables au souscripteur originaire. 7. En l'état d'un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle d'architecte soumettant la garantie de l'assureur à la déclaration préalable de chaque mission, l'omission de déclaration équivaut à une absence d'assurance, opposable au tiers lésé. 8. Pour condamner la MAF à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de M. E..., l'arrêt retient que la clause précisant que l'absence de déclaration équivaut à une absence de garantie, ajoutée au visa de l'article L. 113-9 du code des assurances alors qu'elle contredit les termes de cette disposition, doit être écartée. 9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la déclaration de chaque mission constituait une condition de la garantie pour chacune d'elles, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre ; Condamne Mme Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle des architectes français. Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Mutuelle des Architectes Français à payer à Mme Q... la somme de 91 460,44 euros, outre intérêts à compter de son arrêt, Aux motifs que « la cour constate que le contrat passé entre M. E... et Mme Q... est bien un contrat d'architecte encadré par la loi du 3 janvier 1977 sur la profession d'architecte, la loi du 4 janvier 1978 sur la responsabilité et l'assurance dans le domaine de la construction, et le code de la propriété intellectuelle. Mme Q... avait la qualité de maître de l'ouvrage avec l'obligation de souscrire une assurance dommage-ouvrage, et M. E..., s'était engagé à élaborer le dossier administratif de demande de travaux, faire les plans, consulter les entreprises, assurer la coordination du chantier, faire des comptesrendus, assister le maître de l'ouvrage à la réception, puis, suivre les reprises en cas d'éventuelle réserve jusqu'à la levée des réserves en présence de Maître de l'ouvrage et des entrepreneurs concernés. Il s'agit très exactement d'une prestation de maîtrise d'oeuvre habituelle caractérisant la profession d'architecte, ce qu'a confirmé l'expert en page 12 de son rapport. L'expert n'a pas constaté de désordres pour les deux constructions qui n'avaient pour ainsi dire pas commencé. L'action de Mme Q... contre M E... telle que reçue par la première cour d'appel n'est donc pas fondée sur la responsabilité du constructeur sanctionnée par les articles 1792 et suivants du code civil, mais la responsabilité civile contractuelle de l'architecte pour avoir failli dans l'exercice de sa prestation de maîtrise d'oeuvre. Le contrat précise que l'architecte est assuré contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité professionnelle auprès de la MAF, par contrat n°44604H25, conforme aux obligations posées par la loi du 3 janvier 1977 et la loi du 4 janvier 1978. Au vu des conditions générales d'assurance souscrite par M. E..., les obligations contractuelles pesant sur lui à l'égard de Mme Q... étaient normalement couvertes par l'objet du contrat, ainsi que les dommages subis par Mme Q..., qui se définissent comme des dommages immatériels non consécutifs. Aucune cause d'exclusion n'est encourue en l'espèce. Par conséquent, seule la réduction proportionnelle de l'indemnité dans les conditions posées par l'article L 113-9 du code des assurances sanctionnant le défaut de déclaration d'une mission peut être opposée à Mme Q.... La clause précisant que l'absence de déclaration équivaut à une absence de garantie, ajoutée au visa de l'article L 113-9 du code des assurances alors qu'elle contredit les termes de cette disposition, doit être écartée. Le principe est que la cotisation de l'année n, est calculée sur la base des missions déclarées au titre de l'année n-1. En 2008, M. E... a déclaré pour 45 000 € de missions complètes et 30 023 € de missions sans exécution de travaux sur l'année 2007, ce qui a permis un calcul de la cotisation à hauteur de 594,84 €. S'il n'avait pas omis la mission complète confiée par Mme Q... le 5 décembre 2007 d'un montant de 45 526 €, au vu des taux appliqués, la cotisation sur ce poste de cotisations aurait été de 481,56 € au lieu de 249,75 €. En y ajoutant la cotisation sur les autres missions de 105,09 € et la cotisation de base de 240 €, c'est un montant de 826,65 € qui aurait été appelé pour l'année 2008, soit une surprime de 231,81 € représentant un manque à gagner pour l'assureur de 28 %. Appliquée à la somme définitivement mise à la charge de M. E... au titre de l'inexécution du contrat de Mme Q..., soit 127.028,38 € la garantie de la MAF doit être réduite à la somme de 91 460,44 € » (arrêt p. 5 à 7) ; 1/ Alors que selon l'article L. 113-9 du code des assurances, l'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré est sanctionnée, quand elle est constatée après sinistre, par une réduction de l'indemnité en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ; qu'en cas d'omission de déclaration d'un chantier par un architecte, et donc de paiement de primes afférentes, il résulte de cet article que l'indemnité peut être réduite à zéro, équivalant ainsi à une absence de garantie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la clause contractuelle précisant que l'absence de déclaration équivalait à une absence de garantie contredisait les termes de l'article L. 113-9 du code des assurances, violant ainsi cette disposition ; 2/ Alors que l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par M. E... stipule que la déclaration de chaque mission constitue une condition de la garantie pour chaque mission ; que par suite, en cas d'absence de déclaration d'une mission, la réduction de l'indemnité ne peut être calculée par référence à l'ensemble des chantiers déclarés annuellement par l'architecte mais par référence à la seule mission litigieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que M. E... avait omis de déclarer la mission complète confiée par Mme Q... le 5 décembre 2007 ; que néanmoins, elle a calculé la réduction de la garantie de la MAF en se référant aux cotisations payées pour l'ensemble des missions au titre de l'année 2008, dénaturant ainsi l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance, en violation de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3/ Alors que dans ses conclusions d'appel, la MAF a soutenu que le contrat d'assurance n'avait pas vocation à garantir une condamnation de son assuré à restituer des honoraires qu'il avait perçus (concl. d'appel, p. 16) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné la MAF à garantir les condamnations prononcées contre M. E... par l'arrêt du 16 mai 2014, lequel incluait une condamnation de M. E... à restituer des sommes perçues à titre de prestations non exécutées ou correspondant à des dépenses inutiles, d'un total de 32 107,40 € ; qu'en incluant cette somme dans la condamnation à garantie de la MAF sans répondre à son moyen invoquant une absence de garantie sur ce point, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.
En l'état d'un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle d'architecte soumettant la garantie de l'assureur à la déclaration préalable de chaque mission, l'omission de déclaration d'une mission équivaut à une absence d'assurance, opposable au tiers lésé
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CIV. 3 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 727 FS-P+B+I Pourvoi n° F 19-16.986 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 Mme V... N..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° F 19-16.986 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme L... C..., domiciliée [...] , chez M. J..., [...] , 2°/ à M. O... A..., domicilié [...] , 3°/ à Mme U... I... veuve H..., domiciliée [...] , prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'unique héritière de sa mère, S... I..., défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de Mme N..., de la SCP Alain Bénabent , avocat de M. A..., de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme U... I..., et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Mme Djikpa, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 avril 2019), les 18 décembre 1970 et 16 mai 1972, O... et S... I... ont acquis deux bungalows qu'ils ont réunis en un seul immeuble. 2. Le 29 mai 1990, S... I... et Mme H..., sa fille, ont vendu ce bien à Mme C... et à M. E..., aux droits duquel se trouve M. A..., lesquels, le 21 mai 2010, l'ont revendu à Mme N.... 3. Ayant découvert, à la suite d'une expertise amiable du 22 juillet 2011, l'existence de désordres affectant la solidité du bâtiment, Mme N... a, au vu d'un rapport d'expertise judiciaire déposé le 11 juin 2013, assigné, les 7 et 12 novembre et 4 décembre 2013, les vendeurs successifs en garantie des vices cachés. Examen des moyens Sur le second moyen 4. Il est donné acte à Mme N... du désistement de ce moyen. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Mme N... fait grief à l'arrêt, pour déclarer la demande irrecevable, de fixer le point de départ du délai de prescription de l'article 2232 du code civil au jour du contrat, alors « que le délai dit butoir imparti par l'article 2232 du code civil court « à compter du jour de la naissance du droit », soit de l'apparition du dommage, lorsque la responsabilité du vendeur est recherchée à raison de la garantie des vices cachés ; qu'en décidant que le jour de la naissance du droit doit être fixé au jour du contrat qui consacre l'obligation à la garantie des vices cachés des vendeurs, soit le 23 décembre 1970 et le 14 avril 1972, date à laquelle M. O... I..., Mme S... I... et sa fille ont acheté l'immeuble avant de le revendre à Mme L... C... et à M. T... E... au droit duquel vient M. O... A..., lesquels l'ont revendu à leur tour à Mme N..., la cour d'appel a violé l'article 2232 du code civil. » Réponse de la Cour 6. L'article 2232 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, dispose, en son premier alinéa, que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. 7. Il résulte de son rapprochement avec l'article 2224 du même code, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, que le législateur a, dans un souci de sécurité juridique, en contrepartie d'un point de départ « glissant » pour l'exercice de l'action, enserré l'exercice du droit dans un délai fixé à vingt ans. 8. Ayant relevé que le point de départ de l'action en garantie des vices cachés exercée par Mme N..., dernier acquéreur, contre les vendeurs d'origine avait été reporté au jour où celle-ci avait eu connaissance du vice dans toute son ampleur, la cour d'appel a exactement retenu que le jour de la naissance du droit, au sens de l'article 2232 du code civil, devait être fixé au jour du contrat, qui consacrait l'obligation à la garantie des vices cachés du vendeur. 9. Le grief n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 10. Mme N... fait grief à l'arrêt de déclarer la demande irrecevable comme prescrite, alors « que le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle s'oppose à ce que l'instauration par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 d'un délai butoir à l'article 2232 du code civil vienne à expiration avant son entrée en vigueur ; qu'en décidant que le délai de l'article 2232 du code civil avait commencé à courir à compter du jour du contrat qui consacre l'obligation à la garantie des vices cachés des vendeurs, soit le 23 décembre 1970 et le 14 avril 1972, pour en déduire qu'il était expiré avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article 2232 du code civil et l'article 26 de la loi précitée. » Réponse de la Cour Vu l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, les articles 2 et 2232 du code civil : 11. Les dispositions transitoires qui figurent dans le premier de ces textes concernent les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui allongent ou réduisent la durée de la prescription. 12. Il résulte des deuxième et troisième textes qu'en l'absence de dispositions transitoires qui lui soient applicables, le délai butoir, créé par la loi du 17 juin 2008, relève, pour son application dans le temps, du principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle. 13. Pour déclarer prescrite l'action en garantie des vices cachés exercée par Mme N... contre les vendeurs d'origine, l'arrêt retient, en application de l'article 2232 du code civil, qu'elle a été engagée plus de vingt ans après la signature du contrat de vente ayant donné naissance au droit à garantie de Mme N.... 14. En statuant ainsi, alors que le délai butoir de l'article 2232, alinéa 1er, du code civil n'est pas applicable à une situation où le droit est né avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Demande de mise hors de cause 15. Il y a lieu de mettre hors de cause M. A..., dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : Met hors de cause M. A... ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action de Mme N... contre Mme H..., l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne Mme H... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme N... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable, comme étant prescrite, la demande formée par Mme N... contre Mme H... ; AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne l'action contre Mme H..., que celle -ci invoque également les dispositions de l'article 2232 du Code civil ; que le jour de la naissance du droit doit être fixé au jour du contrat qui consacre l'obligation à la garantie des vices cachés des vendeurs, soit le 23 décembre 1970 et le 14 avril 1972, et que le report du point de départ du délai de la prescription au jour où l'acquéreur a eu connaissance du vice dans son ampleur ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription au-delà de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit ; que l'action présentement engagée plus de 20 ans après la signature du contrat de vente par les auteurs de Mme H... est donc irrecevable ; 1. ALORS QUE le délai dit butoir imparti par l'article 2232 du Code civil court « à compter du jour de la naissance du droit », soit de l'apparition du dommage, lorsque la responsabilité du vendeur est recherchée à raison de la garantie des vices cachés ; qu'en décidant que le jour de la naissance du droit doit être fixé au jour du contrat qui consacre l'obligation à la garantie des vices cachés des vendeurs, soit le 23 décembre 1970 et le 14 avril 1972, date à laquelle M. O... I..., Mme S... I... et sa fille ont acheté l'immeuble avant de le revendre à Mme L... C... et à M. T... E... au droit duquel vient M. O... A..., lesquels l'ont revendu à leur tour à Mme N..., la cour d'appel a violé l'article 2232 du code civil ; 2. ALORS QUE le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'en décidant que le jour de la naissance du droit doit être fixé au jour du contrat qui consacre l'obligation à la garantie des vices cachés des vendeurs, soit le 23 décembre 1970 et le 14 avril 1972, date à laquelle M. O... I..., Mme S... I... et sa fille ont acheté l'immeuble avant de le revendre à Mme L... C... et à M. T... E... au droit duquel vient M. O... A..., lesquels l'ont revendu à leur tour à Mme N..., quand cette dernière n'était pas recevable ni fondée à rechercher la responsabilité des vendeurs d'origine avant qu'elle n'acquiert la propriété de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 2232 du code civil ; 3. ALORS QUE la protection du droit d'ester en justice subordonne l'instauration d'un délai butoir à la condition que à la poursuite d'une finalité légitime et à l'utilisation de mesures qui lui sont proportionnées ; qu'il s'ensuit que l'application de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme s'oppose à l'application d'un délai butoir qui soit acquis avant même que le requérant ne soit recevable et fondé à ester en justice ; qu'en décidant que le délai de l'article 2232 du Code civil avait commencé à courir à compter du jour du contrat qui consacre l'obligation à la garantie des vices cachés des vendeurs, soit le 23 décembre 1970 et le 14 avril 1972, pour en déduire était expiré avant que Mme N... n'acquiert la propriété de l'immeuble, ce qui la mettait dans l'impossibilité de rechercher la responsabilité de ceux dont ses vendeurs tenaient leurs droits, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 4. ALORS QUE le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle s'oppose à ce que l'instauration par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 d'un délai butoir à l'article 2232 du Code civil vienne à expiration avant son entrée en vigueur ; qu'en décidant que le délai de l'article 2232 du Code civil avait commencé à courir à compter du jour du contrat qui consacre l'obligation à la garantie des vices cachés des vendeurs, soit le 23 décembre 1970 et le 14 avril 1972, pour en déduire qu'il était expiré avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article 2232 du code civil et l'article 26 de la loi précitée. SECOND MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande indemnitaire que Mme N... avait formée contre Mme C... et M. A... ; AUX MOTIFS QUE sur le fond, dans les rapports de Mme N... avec M A... et Mme C..., que les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil peuvent être écartées en cas d'insertion au contrat d'une clause d'exclusion de garantie au profit du vendeur ; que celle-ci ne peut cependant produire effet que si les vendeurs sont de bonne foi et ignoraient au moment de la vente les vices de la chose ; que le contrat de vente conclu entre M A... et Mme C... d'une part et Mme N... d'autre part, contient une telle clause ; qu' il résulte du rapport de l'expert judiciaire que le sous-sol de la maison qui est affecté des désordres et qui relève des parties privatives est constitué de : / - une cuisine donnant accès à une cave à gauche / - et à droite deux chambres avec une salle d'eau ; que l'ensemble du soussol présente des traces d'une humidité importante et que les fondations de la maison sont déchaussées ; que le bâtiment présente un risque d'écroulement, car les eaux de ruissellement afouillent l'assise des fondations qui ne peuvent faire office de longrine et que celles-ci ne sont pas aptes à recevoir une poussée ; que l'expert en conclut que les désordres compromettent la solidité du bâtiment et rendent le sous-sol impropre à sa destination, qu'ils ne sont visibles qu'en période d'intempéries et qu'ils sont la conséquence des travaux d'excavation réalisés en violation des règles de l'art par les époux I..., premiers propriétaires ; que les conclusions de l'expert sont donc claires sur le fait que ces désordres rendent l'immeuble impropre à sa destination en ce qu'ils atteignent sa solidité ; qu'il convient dès lors d'examiner la question de la connaissance dudit vice par les vendeurs ; que les vendeurs font, à ce propos, valoir que les désordres étaient apparents lors de la vente à raison de l'existence de bondes dans les deux chambres du sous-sol, mais que Mme N... fait valoir de ce chef leur mauvaise foi ; qu'or, d'une part, la date exacte de l'installation de ces bondes n'est pas établie de sorte qu'elle ne peut être imputée à l'un ou l'autre des deux vendeurs; qu'il ne peut être déduit de leur seule présence, dans des conditions de surcroît indéterminées, ni qu'il s'agissait d'un vice apparent pour l'acheteur, qui affirme au demeurant qu'elles étaient sous les meubles, ni qu'il s'agissait d'un vice connu de la part des consorts A... C... alors / - qu'il n'est pas établi que l'humidité dont parle l'expert apparaissait sur les cloisons, celui-ci ayant en effet noté dans son compte rendu de réunion du 20 février 2012 : « sur l'aspect apparent des désordres : les désordres décrits ci-avant étaient non apparents lors de la vente de l'immeuble ; que comme on l'a vu ci- avant, les eaux de ruissellement ont progressivement fait leur chemin sous les fondations et les fortes précipitations ont favorisé les infiltrations » / - et que le diagnostic réalisé en juillet 2011 en présence de Mme C... et de Mme N..., après une grosse pluie, retient que s'il y a bien une odeur d'humidité avec présence de moisissures, en revanche, il n'y a « pas de trace d'humidité sur le carrelage » et "aucune trace d'humidité sur les cloisons et murs extérieurs", seulement « une légère remontée capillaire » dans la cuisine avec du "salpêtre apparent sur un bas de mur"; que la nouvelle propriétaire a changé les menuiseries sans mettre des grilles de ventilation, que cela entraîne un phénomène de condensation par absence de ventilation avec dépôt de moisissures sur les ponts thermiques; / - que par ailleurs, l'expert conclut, lui-même, sans certitude à cet égard en écrivant que les problèmes d'infiltration étaient "probablement" connus des vendeurs lors de la cession, la preuve visée par l'expert étant cependant la seule existence de ces grilles d'évacuation au sol des deux chambres ; - qu'enfin, il n'est établi, ni que Mme C... ait repeint le sous sol avant de vendre, ni qu'ayant fait réaliser des travaux d'aménagement du sous sol, elle ait pu, elle-même, visualiser la fondation, l'intallation de la tuyauterie nécessaire à ces aménagements n'impliquant pas nécessairement la démolition de l'entière contre-cloison laissant apparaître la fente sur la fondation, mais seulement la réalisation d'un passage pour lesdites canalisations; qu'à cet égard, l'expert a relevé que dans sa partie supérieure, sur environ 80 cm, la contre-cloison de la salle d'eau était constituée de briques en terre cuite, mais qu'il ne précise pas que par cet espace, le problème de structure de la fondation apparaissait, écrivant même que « ceci ne signifie pour autant pas que Mme C... a pris mesure de l'ampleur des désordres au niveau de la fondation» ; qu'il en résulte que la connaissance du vice par les vendeurs du bien à Mme N... n'est pas établie et que celle-ci sera déboutée de toutes ses demandes contre Mme C... et contre M. A.... ALORS QU'en s'abstenant de s'expliquer sur les deux documents de preuve établissant que les infiltrations étaient connues des vendeurs qui étaient donc de mauvaise foi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
L'article 2232, alinéa 1, du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, dispose que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ; il résulte de son rapprochement avec l'article 2224 du même code, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, que le législateur a, dans un souci de sécurité juridique, en contrepartie d'un point de départ "glissant" pour l'exercice de l'action, enserré l'exercice du droit dans un délai fixé à vingt ans. Ayant relevé que le point de départ de l'action en garantie des vices cachés exercée par le dernier acquéreur d'un immeuble contre le vendeur d'origine avait été reporté au jour où celui-ci avait eu connaissance du vice dans toute son ampleur, une cour d'appel a exactement retenu que le jour de la naissance du droit, au sens de l'article 2232 du code civil, devait être fixé au jour du contrat, qui consacrait l'obligation à la garantie des vices cachés du vendeur
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 729 FS-P+B+I Pourvoi n° U 19-16.561 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 La société Nefertari, société civile immobilière, dont le siège est 31 ter chemin Archambaud 400, 97432 Saint-Pierre, a formé le pourvoi n° U 19-16.561 contre l'arrêt rendu le 15 février 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant à la société immobilière du département de la Réunion, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est 12 rue Félix Guyon, BP 3, 97400 Saint-Denis, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Nefertari, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société immobilière du département de la Réunion, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 15 février 2019), la société civile immobilière Nefertari (la SCI Nefertari) a consenti à la société immobilière du département de la Réunion (la SIDR) une promesse synallagmatique de vente, sous conditions suspensives, d'une parcelle de terrain sur laquelle était édifié un immeuble non achevé. 2. Un avenant a prorogé la date de réalisation des conditions suspensives et de signature de l'acte authentique de vente au 30 avril 2010. 3. Après deux mises en demeure de réaliser la vente, les 22 novembre 2013 et 12 mai 2015, demeurées infructueuses, la SCI Nefertari a assigné la SIDR en résolution de la vente qu'elle considérait parfaite en raison de la réalisation des conditions suspensives et en paiement de dommages-intérêts. 4. La SIDR lui a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La SCI Nefertari fait grief à l'arrêt de déclarer l'action en résolution de la vente prescrite et de rejeter ses demandes, alors « que la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en fixant pour point de départ du délai de prescription le délai fixé par le compromis pour la réitération de la vente par acte authentique, sans rechercher si à cette date, la SCI Nerfertari savait que la SIDR abandonnait définitivement le projet et qu'en conséquence, son dommage était réalisé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 2224 du code civil : 6. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 7. En matière de promesse de vente, sauf stipulation contraire, l'expiration du délai fixé pour la réitération de la vente par acte authentique ouvre le droit, pour chacune des parties, soit d'agir en exécution forcée de la vente, soit d'en demander la résolution et l'indemnisation de son préjudice. 8. Le fait justifiant l'exercice de cette action ne peut consister que dans la connaissance, par la partie titulaire de ce droit, du refus de son cocontractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente. 9. Pour déclarer l'action prescrite, l'arrêt retient que, dès le 1er mai 2010, lendemain de la date fixée pour la signature de l'acte authentique de vente, la SCI Nefertari savait que la promesse n'avait pas été réitérée et qu'elle pouvait exercer son action. 10. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la connaissance à cette date, par la SCI Nefertari, du refus de la SIDR de réaliser la vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ; Condamne la société immobilière du département de la Réunion aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Nefertari. Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré l'action en résolution de la vente prescrite et d'avoir débouté la Sci Nefertari de ses demandes ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « la Sci Nerfertari soutient que la vente est parfaite ensuite de la levée de l'ensemble des conditions suspensives, celle relative à la « recevabilité du projet par la collectivité » étant nulle et n'incluant en tout état de cause aucune condition d'obtention d'une garantie d'emprunt ; qu'elle dispose ainsi d'une option entre la résolution et la réalisation forcée de cette vente et opte pour la première ; que l'action engagée par la SCI Nefertari est ainsi, comme elle l'indique, une action tendant à la résolution de la vente objet du compromis signé entre les parties le 5 mai 2009 ; que ce compromis prévoyait initialement un délai de réitération par acte authentique au plus tard le 31 octobre 2009 prolongé au 30 avril 2010 par un avenant du 15 septembre 2009, les conditions suspensives devant être réalisées dans ce délai ; qu'il précisait que la date d'expiration de ce délai n'était pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter ; que le délai de prescription commençant à courir à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître le fait lui permettant de l'exercer, le délai de prescription de l'action en résolution de la vente exercée par la SCI courait ainsi à compter du 1er mai 2010 ; que dès cette date, elle savait parfaitement que le compromis n'avait pas été réitéré, et il importe donc peu que le notaire n'ait fait connaître à la SCI que le 28 juin 2012 l'information selon laquelle la collectivité n'aurait pas approuvé la garantie d'emprunt, la SIDR ne se portant dès lors par acquéreur de ce bien ; qu'en effet, en tout état de cause, depuis le 1er mai 2010, ou bien le compromis était caduc, faute de réalisation des conditions suspensives dans le délai, ou bien la vente était parfaite, comme le soutient la SCI, en raison de la réalisation de l'ensemble des conditions suspensives, et elle savait qu'elle pouvait exercer son action ; que le délai de prescription de cette action est de cinq ans, en application des dispositions de l'article 2224 du code civil ; que la Sci Nefertari soutient que ce délai, qui courait donc depuis le 1er mai 2010, aurait été interrompu, à la suite de la mise en demeure qu'elle a adressée à la SIDR le 22 novembre 2013, puisque celle-ci a indiqué qu'elle saisissait à nouveau la collectivité, qu'il se serait donc ainsi tacitement ouvert un nouveau délai pour la réalisation de la condition suspensive en cause et que le point de départ de la prescription de son action aurait ainsi nécessairement été reporté à l'expiration de ce nouveau délai ; que cependant, en premier lieu, il ne résulte nullement du courrier de la SIDR que celle-ci aurait entendu fixer un nouveau délai de réalisation des conditions suspensives du compromis du 5 mai 2009 et donc proroger la durée de validité de celui-ci ; qu'en effet, la SIDR indique très clairement en début de son courrier que « la date prévue pour la réitération du compromis de vente du 5 mai 2009 ayant fait l'objet d'un avenant de prorogation jusqu'au 30 avril, est expirée » ; qu'il apparaît ainsi sans équivoque que la SCI considère que, pour elle, le compromis est caduc, dès lors qu'il n'a pas été réitéré dans le délai ; que par ailleurs, si dans ce courrier, la SIDR indique qu'elle a demandé un nouvel avis du service des domaines, elle ajoute que l'ancien est caduc et que le nouvel avis fixe la valeur vénale du terrain avec les constructions à 650 000 € sans marge de négociation ; que si elle indique également qu'elle va à nouveau solliciter la commune de Saint-Pierre, elle précise que c'est pour que celle-ci dise si elle valide l'éventuel projet à réaliser sur ce terrain ; qu'enfin, la SIDR précise qu'elle devra aire procéder à une expertise de l'état actuel du bâti et à une étude de faisabilité sur ce terrain, et que ce n'est que compte tenu de l'ensemble de ces éléments qu'elle pourra prendre position sur les suites éventuelles à donner à ce dossier ; qu'il résulte là encore de ces considérations que la SIDR considère qu'elle n'est plus liée par le compromis du 5 mai 2009, dont la date de réitération est expirée ; qu'elle indique ainsi que l'avis des domaines sur la valeur actuelle est différent, ce qui impliquerait un nouvel accord des parties sur le prix, qui doit être conforme à l'avis des domaines ; que si elle indique qu'elle va à nouveau consulter la commune, elle précise que c'est sur son éventuel projet ; qu'elle ajoute qu'une expertise du bâti et une étude de faisabilité sont également un préalable aux suites éventuelles à donner à ce dossier ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, l'on ne peut déduire de ce courrier que la SIDR aurait entendu ouvrir un nouveau délai pour la réalisation des conditions suspensives du compromis et la réitération de celui-ci ; que ces éléments impliquent au contraire qu'elle considère n'être plus liée par le compromis, et qu'une suite éventuelle à ce dossier passerait nécessairement par un nouvel accord des parties, notamment sur le prix, et ce après les vérifications qu'elle entend mener, notamment compte tenu du temps écoulé ; que dès lors ce courrier n'a pu avoir pour effet d'ouvrir un nouveau délai de réalisation des conditions suspensives et de réitération du compromis, et le délai de prescription de l'action en résolution de vente exercée par SIDR n'a nullement été interrompu, partant toujours de la date à laquelle ce compromis n'a pas été réitéré ; que le délai de prescription de l'action en résolution de la vente expirait donc le 2 mai 2015 ; qu'or, la SCI Nefertari n'a engagé son action que par assignation du 29 juillet 2016 ; que l'action de la SCI Nefertari en résolution de la vente résultant du compromis du 5 mai 2009, et devenue selon elle parfaite avec la réalisation des conditions suspensives avant le 30 avril 2010, est donc prescrite ; que par ailleurs, dès lors que cette action est prescrite, il n'y a pas lieu de statuer sur la question de la prescription ou non de la demande en nullité de la condition suspensive « tenant à la recevabilité du projet par la collectivité », puisque a question de la nullité ou non de la clause prévoyant cette condition ne se poserait que pour autant que l'action en résolution de al vente ne soit pas prescrite ; que comme l'indique la Sci Nefertari elle-même, l'objet de son action ne réside pas dans la nullité de cette clause, mais bien dans la résolution de la ente, et cette nullité n'est invoquée, selon elle, que par voie d'exception dans l'objectif de la résolution ; qu'or, l'action en résolution est irrecevable comme prescrite ; que le jugement déféré sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions » (arrêt pages 4 à 6) ; ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « sur la prescription ; que la demanderesse, estimant que la vente a été formée puisque les conditions suspensives du compromis de vente ont été levées, sollicite sa résolution judiciaire, à laquelle il est opposé la prescription de l'action ; que selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans « à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; qu'en matière contractuelle, les deux principaux points de départ du délai de prescription sont la conclusion du contrat ou bien, si le créancier ignorait les faits justifiant son action, le jour de leur découverte ; qu'il est mentionné dans le compromis de vente que « la date d'expiration de ce délai ou de sa prorogation n'est pas extinctive mais constructive du point de départ de la période à partie de laquelle l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter. Si l'une des parties vient à refuser de réitérer la présente vente, l'autre pourra invoquer le bénéfice de la clause pénale ou saisir le tribunal compétent afin de faire constater la vente par décision de justice, la partie défaillante supportant les frais de justice, le tout dans le délai d'un mois de la date indiquée en tête du présent paragraphe ou de la date, si elle est postérieure, à laquelle auront été réunis tous les éléments nécessaires à la perfection de l'acte et cette partie devra en outre payer à son cocontractant, le montant de la clause pénale stipulée aux présentes, nonobstant tous les dommages et intérêts » ; que c'est donc à partir du 30/5/2010 que le vendeur, en cas de refus par l'acquéreur de réitérer la présente vente, pouvait saisir le tribunal afin de faire constater la vente et d'en tirer toutes les conséquences juridiques ; que le vendeur qui sollicite la résolution de la vente, estime que la vente est parfaite ; que la résolution de la vente suppose que cette vente soit constatée judiciairement ; que le refus mentionné dans un mail du 10/3/2010 lui a été communiqué par le notaire le 28/6/2012 sans que préalablement, il ne s'inquiète de la suite réservée à ce projet depuis le 30/5/2010 et sans que les courriers échangés entre les parties ne soient constitutifs d'actes interruptifs de la prescription, que cette action en constatation et de résolution conséquente de la vente, soumise au délai de prescription de droit commun est en conséquence prescrite, qu'il n'y a pas lieu dès lors de statuer sur la nullité de la condition suspensive tenant à la recevabilité du projet immobilier par la collectivité, que la demanderesse dès lors sera déboutée de ses demandes » (jugement pages 4 et 5) ; 1°) ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en fixant pour point de départ du délai de prescription le délai fixé par le compromis pour la réitération de la vente par acte authentique, sans rechercher si à cette date, la Sci Nerfertari savait que la SIDR abandonnait définitivement le projet et qu'en conséquence, son dommage était réalisé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2224 du code civil ; 2°) ALORS QUE la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; qu'en déclarant l'action prescrite, sans rechercher si la Sci Nefertari n'avait pas été empêchée d'agir par les négociations en cours, manifestées par le courrier adressé le 27 février 2014 par la SIDR, la laissant espérer la conclusion d'une vente à de nouvelles conditions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2234 du code civil ; 3°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans le courrier du 27 février 2014, la SDIR indiquait seulement que la date prévue pour la réitération du compromis de vente du 5 mai 2009 était expirée ; qu'en jugeant qu'elle considérait le compromis caduc, la cour d'appel a dénaturé cette pièce, en violation du principe susvisé et l'article 1134 du code civil, devenu 1103 et 1104 du code civil.
En matière de promesse de vente, sauf stipulation contraire, l'expiration du délai fixé pour la réitération de la vente par acte authentique ouvre le droit, pour chacune des parties, soit d'agir en exécution forcée de la vente, soit d'en demander la résolution et l'indemnisation de son préjudice et le fait justifiant l'exercice de cette action ne peut consister que dans la connaissance, par la partie titulaire de ce droit, du refus de son cocontractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente. Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 2224 du code civil une cour d'appel qui, pour déclarer prescrite l'action en résolution de la vente d'une société ayant consenti une promesse synallagmatique de vente, retient que, dès le lendemain de la date fixée pour la signature de l'acte authentique de vente, celle-ci savait que la promesse n'avait pas été réitérée et qu'elle pouvait exercer son action, sans caractériser sa connaissance à cette date, du refus du bénéficiaire de la promesse de réaliser la vente
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CIV. 3 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 730 FS-P+B+I Pourvoi n° T 19-17.549 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. P... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 19-17.549 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. K... U..., domicilié [...] , 2°/ à la société Dauphine 37, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 3°/ à M. W... X..., domicilié [...] , 4°/ à M. M... S..., "[...] , domicilié [...] , 5°/ à Mme L... I..., domiciliée [...] , défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. S..., de la SCP Alain Bénabent , avocat de M. U..., de la société Dauphine 37, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. X..., et l'avis de Mme Vassallo, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. K..., Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2019), par acte authentique du 25 juillet 2013, la société Dauphine 37 a vendu un immeuble à Mme I.... 2. Le 23 juillet 2014, celle-ci a conclu avec M. S... une promesse de vente sous seing privé portant sur ce bien. 3. M. S... a assigné Mme I... en réitération de la vente et a publié son assignation le 26 mars 2015. 4. Le 12 octobre 2015, la société Dauphine 37 a engagé à l'encontre de Mme I..., M. S... et M. X..., notaire, une action en résolution de la vente du 25 juillet 2013 pour défaut de paiement du prix. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. M. S... fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la société Dauphine 37 en résolution de la vente conclue avec Mme I..., alors : « 1°/ qu'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente aux motifs que l'inscription de l'assignation par M. P... S... est caduque à défaut de prorogation de délai tout en exposant que l'inscription de l'assignation ne confère pas à M. P... S... de droits sur l"immeuble, de sorte que sa publication ne peut être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013, au motif que la publication de l'assignation n'avait pas été prorogée quand il lui appartenait de rechercher, comme cela lui était expressément demandé, si la publication de l'assignation n'avait pas été prorogée de trois ans par une ordonnance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ; 3°/ qu'en n'exposant pas en quoi l'ordonnance du 9 mars 2018 de prorogation de la publication de l'assignation du 25 mars 2015 n'empêchait pas que celle-ci soit frappée de caducité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ qu'en jugeant recevable l'action en résolution de la société Dauphine 37 quand il résultait expressément de l'acte de vente du 25 juillet 2013 que cette société avait renoncé à l'action résolutoire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1654 et 2379 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ; 5°/ qu'en jugeant opposable à M. P... S... l'action résolutoire de la société Dauphine 37, ayant droit à titre particulier de Mme I... titulaire du droit anéanti, lequel a antérieurement publié le 26 mars 2015 une assignation en réitération de la vente de droits réels du 23 juillet 2014, régulièrement prorogée jusqu'au 26 mars 2021 par la publication le 9 mars 2018 d'une ordonnance de la cour d'appel, quand il appartient au demandeur de faire publier son action résolutoire et la clause sur laquelle il se fonde pour qu'elle soit opposable, la cour d'appel a violé les articles 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ainsi que l'article 2379 du code civil ; 6°/ qu'en jugeant opposable à M. P... S... l'action résolutoire de la société Dauphine 37, ayant droit à titre particulier de Mme I... titulaire du droit anéanti, lequel a antérieurement publié le 26 mars 2015 une assignation en réitération de la vente de droits réels du 23 juillet 2014, régulièrement prorogée jusqu'au 26 mars 2021 par la publication le 9 mars 2018 d'une ordonnance de la cour d'appel, sans trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, ni respecté le principe de la contradiction, la cour d'appel a violé les articles 5, 12 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ainsi que l'article 2379 du code civil ; 7°/ en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013, au motif que la publication de l'assignation en réitération de la vente sous seing privé du 24 juillet 2014 entre Mme I... et M. P... S... n'avait pas eu pour effet de conférer à M. P... S... des droits sur l'immeuble quand la vente sous seing privé a pour effet immédiat le transfert de propriété entre les parties et que la publication de l'assignation en réitération de la vente oblige le vendeur qui envisage de demander la résolution de la vente de faire inscrire son privilège dans un délai de deux mois à compter de la publication de sa vente du 25 juillet 2013, la cour d'appel a violé les articles 1654, 2379 et 2427 du code civil ensemble les articles 28, 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ; 8°/ que sont obligatoirement publiées au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles les demandes en justice tendant à obtenir la résolution d'une convention ; qu'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013 sans rechercher si la demande en résolution de la société Dauphine 37 avait été publiée, comme cela lui était pourtant expressément demandé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. » Réponse de la Cour 7. Si l'acte de vente sous seing privé produit tous ses effets entre les cocontractants, il résulte des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955, fixant les règles de la publicité foncière, que le transfert de propriété ne devient opposable aux tiers que par la publication de l'acte authentique de cession au bureau des hypothèques (3e Civ., 22 octobre 1974, pourvoi n° 73-12.127, Bull. 1974, III, n° 372). 8. La publication facultative de la demande en justice tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique d'une vente sous seing privé, prévue par l'article 37.2 du décret du 4 janvier 1955, n'emporte pas mutation de propriété et ne peut pas être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente, de sorte qu'elle n'entraîne pas en elle-même les effets de l'opposabilité aux tiers prévus par l'article 30 du même décret. 9. Les exigences de publicité préalable prévues à l'article 30.1, alinéa 4, du décret du 4 janvier 1955 et à l'article 2379, alinéa 2, du code civil pour l'action en résolution d'une vente immobilière ne conditionnent son opposabilité qu'à l'égard des tiers ayant publié des droits immobiliers acquis du titulaire du droit anéanti. 10. D'une part, ayant relevé l'absence de publication d'une décision de justice ou d'un acte authentique de vente relatif à la cession entre Mme I... et M. S... et retenu à bon droit que la publication de l'assignation en réitération de la vente conclue par acte sous seing privé du 23 juillet 2014 n'avait pas eu pour effet de conférer à M. S... des droits sur l'immeuble, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche non demandée sur la publication de la demande en résolution de la vente et qui ne s'est pas prononcée par des motifs contradictoires, a exactement déduit, de ces seuls motifs, dont il résultait que M. S... n'avait pas la qualité d'ayant droit de Mme I..., que M. S... ne pouvait faire obstacle à l'action en résolution de la vente du 25 juillet 2013 engagée par la société Dauphine 37. 11. D'autre part, M. S... ne s'étant pas prévalu, dans ses conclusions d'appel, d'une irrecevabilité résultant de la renonciation de la société Dauphine 37 à l'action résolutoire, le moyen est de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit. 12. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. S... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. S... et le condamne à payer à M. U... et à la société Dauphine 37 la somme de globale de 3 000 euros et à M. X... la somme de 2 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. S.... PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente sous seing privé avec Mme I... du 10novembre 2009 et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur les demandes de la société Dauphine 37 - Sur la recevabilité de l'action en résolution de la vente ; qu'attendu que pour contester la recevabilité de cette action, M. P... S... fait d'abord valoir qu'il a acquis des droits sur l'immeuble par l'effet de l'assignation délivrée à l'encontre de Mme I... aux fins d'obtenir sa condamnation à réitérer par acte authentique la vente conclue sous seing privé le 23 juillet 2014 et qu'il a fait publier cette assignation le 26 mars 2015 ; qu'attendu que selon les dispositions de l'article 37 du décret du 4 janvier 1955, "Peuvent être publiés dans les mêmes conditions les documents énumérés ci-après auxquels sont annexés ou dans lesquels sont littéralement reproduits des actes soumis au admis à publicité, quoique ces derniers n'aient pas été dressés en la forme authentique : 1° Demande en justice constatant la réitération ou la réalisation en la forme authentique desdits actes ; 2° Procès-verbal notarié constatant le défaut ou le refus du cocontractant ou promettant de procéder auxdites réitération ou réalisation ; 3° Déclaration, par acte notarié, de la volonté du bénéficiaire de l'acte d'exiger lesdites réitération ou réalisation. Les dispositions de l'article 30 sont applicables à compter du jour de la formalité, lorsque celle-ci est suivie, dans un délai de trois ans, de la publication d'un acte authentique ou d'une décision judiciaire constatant la réitération ou la réalisation. En cas d'instance judiciaire, ce délai peut être prorogé par la publication d'une ou plusieurs ordonnances successives rendues à cet effet par le président du tribunal saisi" ; qu'attendu, en outre, que l'inscription provisoire de la demande en justice rend rétroactivement opposable l'inscription définitive réalisée dans le délai de trois ans, sauf prorogation par ordonnance ; qu'à défaut de cette inscription dans ce délai, l'inscription provisoire devient caduque ; qu'en l'espèce, en l'absence de prorogation de délai, faute de publication au plus tard le 26 mars 2018 d'une décision de justice ou d'un acte authentique, la publication de l'assignation en réitération de la vente que M. P... S... a fait publier le 26 mars 2015 est caduque ; qu'il s'ensuit que l'action en résolution de la vente engagée par M. U... est recevable ; qu'attendu que M. P... S... oppose également à l'action en résolution engagée par la société Dauphine 37 l'article 2379 du code civil aux termes duquel l'action résolutoire de l'article 1654 ne peut être exercée, à défaut d'inscription du privilège du vendeur dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente, au préjudice des tiers qui ont acquis des droits sur l'immeuble du chef de l'acquéreur et qui les ont publiés ; qu'il indique que la société Dauphine 37 n'a pas publié son privilège, que l'action engagée contre Mme I... tendant à voir déclarer parfaite la vente consentie à son profit a été publiée le 26 mars 2015, soit antérieurement à l'assignation en résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; qu'attendu, cependant, que si M. P... S... a fait publier l'assignation aux fins de réitération de la vente conclue par acte sous seing privé du 23 juillet 2014, cette assignation, qui tend seulement à obtenir la réitération de la vente par acte authentique, n'a pas eu pour effet de conférer à M. P... S... des droits sur l'immeuble, de sorte que sa publication ne peut être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente faisant obstacle, en application de l'article 2379 du code civil, à l'action en résolution de la vente engagée par la société Dauphine 37 ; que sur le bien fondé de l'action en résolution de la vente, attendu qu'il est constant que Mme I... n'a pas payé le prix de vente à la société Dauphine 37 ; que M. P... S... soutient avoir réglé par délégation la somme due en faisant une offre réelle de paiement avec consignation ; qu'en l'absence de justification du consentement de la société Dauphine 37, délégataire, à l'opération de délégation, M. P... S... n'est pas fondé à recourir à la procédure d'offre réelle et de consignation ; qu'attendu qu'en l'absence de paiement du prix, la société Dauphine 37 est bien fondée à agir en résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; que sur la demande de dommages-intérêts ; qu'attendu que M. U... et la société Dauphine 37 ne justifient pas les demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre de M. M... S... et/ou M. P... S... ; qu'il convient de les rejeter ; que sur les demandes de M. P... S... et de M. M... S... ; qu'attendu que compte tenu de la résolution de la vente conclue entre la société Dauphine 37 et Mme I..., M. P... S... n'est pas fondé ni à solliciter la condamnation de celle-ci à réitérer devant notaire la vente du 23 juillet 2014 ni à réclamer sa condamnation au paiement de dommages-intérêts ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur les fins de non-recevoir ; que sur le défaut de droit, d'intérêt et de qualité pour agir de la sarl Dauphine 37, M. P... S... demande au tribunal de soulever d'office en application des dispositions de l'article 125 du code de procédure civile la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit, d'intérêt et de qualité de la sari Dauphine 37 à agir en résolution de la vente du 25 juillet 2013 contre Mme I... ; que sur ce, selon l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, les dispositions de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 ; que toutefois, les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne ; que par ailleurs, l'instance introduite avant son entrée en vigueur est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; que la fin de non-recevoir opposée par M. P... S... qui repose sur les dispositions de la loi nouvelle inapplicables au litige introduit en 2015 ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande, M. S... n'expliquant au demeurent pas la raison pour laquelle il n'a pas lui- même soulevé les fins de non recevoir susvisées ; que sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'inscription du privilège de vendeur et de publication de l'action résolutoire ; que M. P... S... demande au tribunal de soulever d'office, en raison de son caractère d'ordre public, l'irrecevabilité de la société Dauphine 37 à agir en résolution de la vente au visa des articles 2379 du code civil et 30-1 du décret du 4 janvier 1955 ; que sur ce, cette fin de non-recevoir n'étant pas d'ordre public, il n'y a pas lieu à la soulever d'office ; que sur la demande de production de documents, la demande formée à l'encontre de Me X..., qui se heurte au secret professionnel auquel un notaire est astreint, est de ce fait rejetée ; que sur le fond, sur la nullité pour dol de la vente du 25 juillet 2013, M. K... U... et la sari Dauphine 37 demandent au tribunal de déclarer nulle la vente intervenue au profit de Mme I... en raison des manœuvres dolosives reprochées à M. M... S... ; que Mme I... demande également au tribunal d'annuler la vente en raison des manoeuvres frauduleuses commises par M. M... S... ; que sur ce, l'acte authentique de vente du 25 juillet 2013 fait suite au jugement définitif prononcé par ce tribunal qui a déclaré parfaite la vente intervenue entre Mme I... et la sari Dauphine 37 : que selon l'article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, le dol allégué est reproché à un tiers au contrat et il n'est pas établi que l'erreur en serait résultée portait sur la substance même du contrat ; que le tribunal relève en outre que la sari Dauphine 37 s'est abstenue de dénoncer le dol qu'elle allègue à l'occasion de l'instance introduite en 2011 par Mme I... ; que la demande est en conséquence rejetée ; que sur la demande de résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; que la sarl Dauphine 37 et M. K... U... sollicitent la résolution de la vente aux motifs que le prix n'a jamais été payé au terme convenu ; que M. P... S... oppose à cette demande les dispositions de l'article 2379 du code civil aux motifs qu'il a publié, le 26 mars 2015, une assignation en réitération de la vente du bien par Mme I... intervenue à son profit aux termes de l'acte sous seing privé signé le 23 juillet 2014 ; que sur ce, selon l'article 1654 du code civil, Si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente ; que selon l'article 2379 du code civil, l'action résolutoire établie par l'article 1654 ne peut être exercée, à défaut d'inscription du privilège du vendeur dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente, au préjudice des tiers qui ont acquis des droits sur l'immeuble du chef de l'acquéreur et qui les ont publiés ; qu'il est constant que la sari Dauphine 37 n'a jamais publié son privilège ; que l'assignation délivrée le 8 décembre 2014 à Mme I... à la demande de M. P... S... tendant à voir juger parfaite cette vente a été publiée le 26 mars 2015 soit antérieurement à l'assignation en résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; que l'assignation publiée en vue de voir déclarer la vente parfaite ne constitue cependant pas un droit réel ou personnel de nature à faire obstacle à l'action en résolution au sens de l'article 2379 du code civil ; que Mme I... reconnaît ne pas s'être acquitté du solde du prix de vente qu'elle s'était engagée à verser au plus tard le 20 octobre 2013 au moyen d'un seul versement sans intérêt ; qu'à supposer qu'elle soit intervenue en qualité de prête-nom pour le compte de M. M... S..., force est de constater que ce dernier n'a pas davantage versé le prix de vente ; qu'il convient par conséquent de prononcer la résolution de la vente ; que sur les frais engagés par M. U..., M. U... demande à être remboursé par les consorts S... de divers frais à hauteur de la somme de 246 730 euros ; que sur ce, en l'absence d'aucune pièce justificative des débours allégués, la demande est rejetée ; que sur les demandes d'annulation des transactions ; que compte tenu de la solution apportée au litige, il n'y a pas lieu de statuer de ce chef ; que sur la demande de dommages et intérêts ; que compte tenu des termes du litige et de l'absence de démonstration d'une faute susceptible de donner lieu à réparation, la demande de dommages et intérêts formée par M. P... S... à l'encontre de la sari dauphine 37, de M. K... U... et de Mme I... est rejetée » ; 1°) ALORS QU'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente aux motifs que l'inscription de l'assignation par M. P... S... est caduque à défaut de prorogation de délai tout en exposant que l'inscription de l'assignation ne confère pas à M. P... S... de droits sur l'immeuble, de sorte que sa publication ne peut être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, subsidiairement, QU'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013, au motif que la publication de l'assignation n'avait pas été prorogée quand il lui appartenait de rechercher, comme cela lui était expressément demandé (p. 29 des conclusions, pièces 25 et 26 visées au bordereau), si la publication de l'assignation n'avait pas été prorogée de trois ans par une ordonnance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ; 3°) ALORS, subsidiairement, QU'en n'exposant pas en quoi l'ordonnance du 9 mars 2018 de prorogation de la publication de l'assignation du 25 mars 2015 n'empêchait pas que celle-ci soit frappée de caducité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS, très subsidiairement, QU'en jugeant recevable l'action en résolution de la société Dauphine 37 quand il résultait expressément de l'acte de vente du 25 juillet 2013 que cette société avait renoncé à l'action résolutoire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1654 et 2379 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ; 5°) ALORS, très subsidiairement, QU'en jugeant opposable à M. P... S... l'action résolutoire de la société Dauphine 37, ayant droit à titre particulier de Mme I... titulaire du droit anéanti, lequel a antérieurement publié le 26 mars 2015 une assignation en réitération de la vente de droits réels du 23 juillet 2014, régulièrement prorogée jusqu'au 26 mars 2021 par la publication le 9 mars 2018 d'une ordonnance de la cour d'appel, quand il appartient au demandeur de faire publier son action résolutoire et la clause sur laquelle il se fonde pour qu'elle soit opposable, la cour d'appel a violé les articles 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ainsi que l'article 2379 du code civil ; 6°) ALORS, très subsidiairement, QU'en jugeant opposable à M. P... S... l'action résolutoire de la société Dauphine 37, ayant droit à titre particulier de Mme I... titulaire du droit anéanti, lequel a antérieurement publié le 26 mars 2015 une assignation en réitération de la vente de droits réels du 23 juillet 2014, régulièrement prorogée jusqu'au 26 mars 2021 par la publication le 9 mars 2018 d'une ordonnance de la cour d'appel, sans trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, ni respecté le principe de la contradiction, la cour d'appel a violé les articles 5, 12 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 30 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 ainsi que l'article 2379 du code civil ; 7°) ALORS, en tout état de cause, QU'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013, au motif que la publication de l'assignation en réitération de la vente sous seing privé du 24 juillet 2014 entre Mme I... et M. P... S... n'avait pas eu pour effet de conférer à M.P... S... des droits sur l'immeuble quand la vente sous seing privé a pour effet immédiat le transfert de propriété entre les parties et que la publication de l'assignation en réitération de la vente oblige le vendeur qui envisage de demander la résolution de la vente de faire inscrire son privilège dans un délai de deux mois à compter de la publication de sa vente du 25 juillet 2013, la cour d'appel a violé les articles 1654, 2379 et 2427 du code civil ensemble les articles 28, 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ; 8°) ALORS, en tout état de cause, QUE sont obligatoirement publiées au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles les demandes en justice tendant à obtenir la résolution d'une convention ; qu'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013 sans rechercher si la demande en résolution de la société Dauphine 37 avait été publiée, comme cela lui était pourtant expressément demandé (p. 16 des conclusions), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 28 et 30 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résolution de la vente intervenue sous seing privé entre la société Dauphine 37 et Mme I... le 10novembre 2009 et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur les demandes de la société Dauphine 37 - Sur la recevabilité de l'action en résolution de la vente ; qu'attendu que pour contester la recevabilité de cette action, M. P... S... fait d'abord valoir qu'il a acquis des droits sur l'immeuble par l'effet de l'assignation délivrée à l'encontre de Mme I... aux fins d'obtenir sa condamnation à réitérer par acte authentique la vente conclue sous seing privé le 23 juillet 2014 et qu'il a fait publier cette assignation le 26 mars 2015 ; qu'attendu que selon les dispositions de l'article 37 du décret du 4 janvier 1955, "Peuvent être publiés dans les mêmes conditions les documents énumérés ci-après auxquels sont annexés ou dans lesquels sont littéralement reproduits des actes soumis au admis à publicité, quoique ces derniers n'aient pas été dressés en la forme authentique : 1° Demande en justice constatant la réitération ou la réalisation en la forme authentique desdits actes ; 2° Procès-verbal notarié constatant le défaut ou le refus du cocontractant ou promettant de procéder auxdites réitération ou réalisation ; 3° Déclaration, par acte notarié, de la volonté du bénéficiaire de l'acte d'exiger lesdites réitération ou réalisation. Les dispositions de l'article 30 sont applicables à compter du jour de la formalité, lorsque celle-ci est suivie, dans un délai de trois ans, de la publication d'un acte authentique ou d'une décision judiciaire constatant la réitération ou la réalisation. En cas d'instance judiciaire, ce délai peut être prorogé par la publication d'une ou plusieurs ordonnances successives rendues à cet effet par le président du tribunal saisi" ; qu'attendu, en outre, que l'inscription provisoire de la demande en justice rend rétroactivement opposable l'inscription définitive réalisée dans le délai de trois ans, sauf prorogation par ordonnance ; qu'à défaut de cette inscription dans ce délai, l'inscription provisoire devient caduque ; qu'en l'espèce, en l'absence de prorogation de délai, faute de publication au plus tard le 26 mars 2018 d'une décision de justice ou d'un acte authentique, la publication de l'assignation en réitération de la vente que M. P... S... a fait publier le 26 mars 2015 est caduque ; qu'il s'ensuit que l'action en résolution de la vente engagée par M. U... est recevable ; qu'attendu que M. P... S... oppose également à l'action en résolution engagée par la société Dauphine 37 l'article 2379 du code civil aux termes duquel l'action résolutoire de l'article 1654 ne peut être exercée, à défaut d'inscription du privilège du vendeur dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente, au préjudice des tiers qui ont acquis des droits sur l'immeuble du chef de l'acquéreur et qui les ont publiés ; qu'il indique que la société Dauphine 37 n'a pas publié son privilège, que l'action engagée contre Mme I... tendant à voir déclarer parfaite la vente consentie à son profit a été publiée le 26 mars 2015, soit antérieurement à l'assignation en résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; qu'attendu, cependant, que si M. P... S... a fait publier l'assignation aux fins de réitération de la vente conclue par acte sous seing privé du 23 juillet 2014, cette assignation, qui tend seulement à obtenir la réitération de la vente par acte authentique, n'a pas eu pour effet de conférer à M. P... S... des droits sur l'immeuble, de sorte que sa publication ne peut être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente faisant obstacle, en application de l'article 2379 du code civil, à l'action en résolution de la vente engagée par la société Dauphine 37 ; que sur le bien-fondé de l'action en résolution de la vente, attendu qu'il est constant que Mme I... n'a pas payé le prix de vente à la société Dauphine 37 ; que M. P... S... soutient avoir réglé par délégation la somme due en faisant une offre réelle de paiement avec consignation ; qu'en l'absence de justification du consentement de la société Dauphine 37, délégataire, à l'opération de délégation, M. P... S... n'est pas fondé à recourir à la procédure d'offre réelle et de consignation ; qu'attendu qu'en l'absence de paiement du prix, la société Dauphine 37 est bien fondée à agir en résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; que sur la demande de dommages-intérêts ; qu'attendu que M. U... et la société Dauphine 37 ne justifient pas les demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre de M. M... S... et/ou M. P... S... ; qu'il convient de les rejeter ; que sur les demandes de M. P... S... et de M. M... S... ; qu'attendu que compte tenu de la résolution de la vente conclue entre la société Dauphine 37 et Mme I..., M. P... S... n'est pas fondé ni à solliciter la condamnation de celle-ci à réitérer devant notaire la vente du 23 juillet 2014 ni à réclamer sa condamnation au paiement de dommages-intérêts ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur les fins de non-recevoir ; que Sur le défaut de droit, d'intérêt et de qualité pour agir de la sari Dauphine 37 ; que M. P... S... demande au tribunal de soulever d'office en application des dispositions de l'article 125 du code de procédure civile la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit, d'intérêt et de qualité de la sari Dauphine 37 à agir en résolution de la vente du 25 juillet 2013 contre Mme I... ; que sur ce, selon l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, les dispositions de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 ; que toutefois, les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne ; que par ailleurs, l'instance introduite avant son entrée en vigueur est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; que la fin de non-recevoir opposée par M. P... S... qui repose sur les dispositions de la loi nouvelle inapplicables au litige introduit en 2015 ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande, M. S... n'expliquant au demeurent pas la raison pour laquelle il n'a pas lui- même soulevé les fins de non recevoir susvisées ; que sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'inscription du privilège de vendeur et de publication de l'action résolutoire ; que M. P... S... demande au tribunal de soulever d'office, en raison de son caractère d'ordre public, l'irrecevabilité de la société Dauphine 37 à agir en résolution de la vente au visa des articles 2379 du code civil et 30-1 du décret du 4 janvier 1955 ; que sur ce, cette fin de non-recevoir n'étant pas d'ordre public, il n'y a pas lieu à la soulever d'office ; que sur la demande de production de documents, la demande formée à l'encontre de Me X..., qui se heurte au secret professionnel auquel un notaire est astreint, est de ce fait rejetée ; que sur le fond, sur la nullité pour dol de la vente du 25 juillet 2013, M. K... U... et la sari Dauphine 37 demandent au tribunal de déclarer nulle la vente intervenue au profit de Mme I... en raison des manœuvres dolosives reprochées à M. M... S... ; que Mme I... demande également au tribunal d'annuler la vente en raison des manoeuvres frauduleuses commises par M. M... S... ; que sur ce, l'acte authentique de vente du 25 juillet 2013 fait suite au jugement définitif prononcé par ce tribunal qui a déclaré parfaite la vente intervenue entre Mme I... et la sari Dauphine 37 : que selon l'article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, le dol allégué est reproché à un tiers au contrat et il n'est pas établi que l'erreur en serait résultée portait sur la substance même du contrat ; que le tribunal relève en outre que la sari Dauphine 37 s'est abstenue de dénoncer le dol qu'elle allègue à l'occasion de l'instance introduite en 2011 par Mme I... ; que la demande est en conséquence rejetée ; que sur la demande de résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; que la sarl Dauphine 37 et M. K... U... sollicitent la résolution de la vente aux motifs que le prix n'a jamais été payé au terme convenu ; que M. P... S... oppose à cette demande les dispositions de l'article 2379 du code civil aux motifs qu'il a publié, le 26 mars 2015, une assignation en réitération de la vente du bien par Mme I... intervenue à son profit aux termes de l'acte sous seing privé signé le 23 juillet 2014 ; que sur ce, selon l'article 1654 du code civil, Si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente ; que selon l'article 2379 du code civil, l'action résolutoire établie par l'article 1654 ne peut être exercée, à défaut d'inscription du privilège du vendeur dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente, au préjudice des tiers qui ont acquis des droits sur l'immeuble du chef de l'acquéreur et qui les ont publiés ; qu'il est constant que la sari Dauphine 37 n'a jamais publié son privilège ; que l'assignation délivrée le 8 décembre 2014 à Mme I... à la demande de M. P... S... tendant à voir juger parfaite cette vente a été publiée le 26 mars 2015 soit antérieurement à l'assignation en résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; que l'assignation publiée en vue de voir déclarer la vente parfaite ne constitue cependant pas un droit réel ou personnel de nature à faire obstacle à l'action en résolution au sens de l'article 2379 du code civil ; que Mme I... reconnaît ne pas s'être acquitté du solde du prix de vente qu'elle s'était engagée à verser au plus tard le 20 octobre 2013 au moyen d'un seul versement sans intérêt ; qu'à supposer qu'elle soit intervenue en qualité de prête-nom pour le compte de M. M... S..., force est de constater que ce dernier n'a pas davantage versé le prix de vente ; qu'il convient par conséquent de prononcer la résolution de la vente ; que sur les frais engagés par M. U..., M. U... demande à être remboursé par les consorts S... de divers frais à hauteur de la somme de 246 730 euros ; que sur ce, en l'absence d'aucune pièce justificative des débours allégués, la demande est rejetée ; que sur les demandes d'annulation des transactions ; que compte tenu de la solution apportée au litige, il n'y a pas lieu de statuer de ce chef ; que sur la demande de dommages et intérêts ; que compte tenu des termes du litige et de l'absence de démonstration d'une faute susceptible de donner lieu à réparation, la demande de dommages et intérêts formée par M. P... S... à l'encontre de la sari dauphine 37, de M. K... U... et de Mme I... est rejetée » ; 1°) ALORS QUE le paiement peut être fait même par une personne qui n'y est pas tenue, sauf refus légitime du créancier ; qu'en prononçant la résolution de la vente du 25 juillet 2013 au motif que la somme de 300 000 euros n'avait pas été payée par l'acquéreur, Mme I..., quand le paiement effectué par M. P... S... par consignation de la somme dans un office notarial puis à la Caisse des dépôts et consignations était valable, la cour d'appel a violé les articles 1342-1, 1345 et 1345-1 du code civil ; 2°) ALORS QU'en application de l'article 1346 du code civil, de la loi nouvelle, qu'il a fait valoir devant la cour d'appel, monsieur P... S... a procédé au paiement du prix de vente de 300.000,00 euros, pour libérer madame I..., envers la société Dauphine 37, par offres réelles, et consignation à la Caisse des dépôts et consignations, en faisant valoir l'intérêt légitime, qu'il avait de payer le prix de son acquisition, du 23 Juillet 2014, d'un même montant, dont il est débiteur envers ladite dame I... par compensation, pour être subrogé de plein droit, dans la créance et l'action résolutoire de la société Dauphine 37, qu'il a éteintes ; la Cour a violé l'article 1346 du code civil ; 3°) ALORS, subsidiairement, et sous la loi ancienne, QU'une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée, telle qu'un coobligé ou une caution ; que l'obligation peut même être acquittée par un tiers qui n'y est point intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l'acquit du débiteur, ou que, s'il agit en son nom propre, il ne soit pas subrogé aux droits du créancier ; qu'en prononçant la résolution de la vente du 25 juillet 2013 au motif que la somme de 300 000 euros n'avait pas été payée par l'acquéreur, Mme I..., quand le paiement effectué par M. P... S... par consignation de la somme dans un office notarial puis à la Caisse des dépôts et consignations était valable, la cour a violé les articles 1236 et 1257 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 4°) ALORS, en tout état de cause, QU'en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé (p.27-28 des conclusions d'appel de M. P... S...), si la qualité de prête-nom de Mme I... n'était pas de nature à justifier le paiement subrogatoire effectué par M. P... S... par offres réelles et consignation de la somme en un office notarial puis à la Caisse des dépôt et consignations, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1184, 1654, 1231 et 1257 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. 5°) ALORS, en tout état de cause, QU'en ne répondant pas au moyen opérant invoqué par M. P... S... (p. 27-28 des conclusions d'appel) selon lequel la qualité de prête-nom de Mme I... était susceptible de rendre valable le paiement effectué par M. P... S... à la société Dauphine 37 en règlement de la vente du 25 juillet 2013, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. P... S... tendant à ce que Mme I... soit condamnée à réitérer par acte authentique la vente du 23 juillet 2014 dans les trois mois du présent arrêt et de juger qu'à défaut de réitération authentique dans ce délai l'arrêt tiendra lieu d'acte de vente ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur les demandes de la société Dauphine 37 - sur la recevabilité de l'action en résolution de la vente ; qu'attendu que pour contester la recevabilité de cette action, M. P... S... fait d'abord valoir qu'il a acquis des droits sur l'immeuble par l'effet de l'assignation délivrée à l'encontre de Mme I... aux fins d'obtenir sa condamnation à réitérer par acte authentique la vente conclue sous seing privé le 23 juillet 2014 et qu'il a fait publier cette assignation le 26 mars 2015 ; qu'attendu que selon les dispositions de l'article 37 du décret du 4 janvier 1955, "Peuvent être publiés dans les mêmes conditions les documents énumérés ci-après auxquels sont annexés ou dans lesquels sont littéralement reproduits des actes soumis au admis à publicité, quoique ces derniers n'aient pas été dressés en la forme authentique : 1° Demande en justice constatant la réitération ou la réalisation en la forme authentique desdits actes ; 2° Procès-verbal notarié constatant le défaut ou le refus du cocontractant ou promettant de procéder auxdites réitération ou réalisation ; 3° Déclaration, par acte notarié, de la volonté du bénéficiaire de l'acte d'exiger lesdites réitération ou réalisation. Les dispositions de l'article 30 sont applicables à compter du jour de la formalité, lorsque celle-ci est suivie, dans un délai de trois ans, de la publication d'un acte authentique ou d'une décision judiciaire constatant la réitération ou la réalisation. En cas d'instance judiciaire, ce délai peut être prorogé par la publication d'une ou plusieurs ordonnances successives rendues à cet effet par le président du tribunal saisi" ; qu'attendu, en outre, que l'inscription provisoire de la demande en justice rend rétroactivement opposable l'inscription définitive réalisée dans le délai de trois ans, sauf prorogation par ordonnance ; qu'à défaut de cette inscription dans ce délai, l'inscription provisoire devient caduque ; qu'en l'espèce, en l'absence de prorogation de délai, faute de publication au plus tard le 26 mars 2018 d'une décision de justice ou d'un acte authentique, la publication de l'assignation en réitération de la vente que M. P... S... a fait publier le 26 mars 2015 est caduque ; qu'il s'ensuit que l'action en résolution de la vente engagée par M. U... est recevable ; qu'attendu que M. P... S... oppose également à l'action en résolution engagée par la société Dauphine 37 l'article 2379 du code civil aux termes duquel l'action résolutoire de l'article 1654 ne peut être exercée, à défaut d'inscription du privilège du vendeur dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente, au préjudice des tiers qui ont acquis des droits sur l'immeuble du chef de l'acquéreur et qui les ont publiés ; qu'il indique que la société Dauphine 37 n'a pas publié son privilège, que l'action engagée contre Mme I... tendant à voir déclarer parfaite la vente consentie à son profit a été publiée le 26 mars 2015, soit antérieurement à l'assignation en résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; qu'attendu, cependant, que si M. P... S... a fait publier l'assignation aux fins de réitération de la vente conclue par acte sous seing privé du 23 juillet 2014, cette assignation, qui tend seulement à obtenir la réitération de la vente par acte authentique, n'a pas eu pour effet de conférer à M. P... S... des droits sur l'immeuble, de sorte que sa publication ne peut être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente faisant obstacle, en application de l'article 2379 du code civil, à l'action en résolution de la vente engagée par la société Dauphine 37 ; que sur le bien-fondé de l'action en résolution de la vente, attendu qu'il est constant que Mme I... n'a pas payé le prix de vente à la société Dauphine 37 ; que M. P... S... soutient avoir réglé par délégation la somme due en faisant une offre réelle de paiement avec consignation ; qu'en l'absence de justification du consentement de la société Dauphine 37, délégataire, à l'opération de délégation, M. P... S... n'est pas fondé à recourir à la procédure d'offre réelle et de consignation ; qu'attendu qu'en l'absence de paiement du prix, la société Dauphine 37 est bien fondée à agir en résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; que sur la demande de dommages-intérêts ; qu'attendu que M. U... et la société Dauphine 37 ne justifient pas les demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre de M. M... S... et/ou M. P... S... ; qu'il convient de les rejeter ; que sur les demandes de M. P... S... et de M. M... S... ; qu'attendu que compte tenu de la résolution de la vente conclue entre la société Dauphine 37 et Mme I..., M. P... S... n'est pas fondé ni à solliciter la condamnation de celle-ci à réitérer devant notaire la vente du 23 juillet 2014 ni à réclamer sa condamnation au paiement de dommages-intérêts ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur les fins de non-recevoir ; que Sur le défaut de droit, d'intérêt et de qualité pour agir de la sari Dauphine 37 ; que M. P... S... demande au tribunal de soulever d'office en application des dispositions de l'article 125 du code de procédure civile la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit, d'intérêt et de qualité de la sari Dauphine 37 à agir en résolution de la vente du 25 juillet 2013 contre Mme I... ; que sur ce, selon l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, les dispositions de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 ; que toutefois, les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne ; que par ailleurs, l'instance introduite avant son entrée en vigueur est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; que la fin de non-recevoir opposée par M. P... S... qui repose sur les dispositions de la loi nouvelle inapplicables au litige introduit en 2015 ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande, M. S... n'expliquant au demeurent pas la raison pour laquelle il n'a pas lui- même soulevé les fins de non-recevoir susvisées ; que sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'inscription du privilège de vendeur et de publication de l'action résolutoire ; que M. P... S... demande au tribunal de soulever d'office, en raison de son caractère d'ordre public, l'irrecevabilité de la société Dauphine 37 à agir en résolution de la vente au visa des articles 2379 du code civil et 30-1 du décret du 4 janvier 1955 ; que sur ce, cette fin de non-recevoir n'étant pas d'ordre public, il n'y a pas lieu à la soulever d'office ; que sur la demande de production de documents, la demande formée à l'encontre de Me X..., qui se heurte au secret professionnel auquel un notaire est astreint, est de ce fait rejetée ; que sur le fond, sur la nullité pour dol de la vente du 25 juillet 2013, M. K... U... et la sari Dauphine 37 demandent au tribunal de déclarer nulle la vente intervenue au profit de Mme I... en raison des manœuvres dolosives reprochées à M. M... S... ; que Mme I... demande également au tribunal d'annuler la vente en raison des manoeuvres frauduleuses commises par M. M... S... ; que sur ce, l'acte authentique de vente du 25 juillet 2013 fait suite au jugement définitif prononcé par ce tribunal qui a déclaré parfaite la vente intervenue entre Mme I... et la sari Dauphine 37 : que selon l'article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, le dol allégué est reproché à un tiers au contrat et il n'est pas établi que l'erreur en serait résultée portait sur la substance même du contrat ; que le tribunal relève en outre que la sari Dauphine 37 s'est abstenue de dénoncer le dol qu'elle allègue à l'occasion de l'instance introduite en 2011 par Mme I... ; que la demande est en conséquence rejetée ; que sur la demande de résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; que la sarl Dauphine 37 et M. K... U... sollicitent la résolution de la vente aux motifs que le prix n'a jamais été payé au terme convenu ; que M. P... S... oppose à cette demande les dispositions de l'article 2379 du code civil aux motifs qu'il a publié, le 26 mars 2015, une assignation en réitération de la vente du bien par Mme I... intervenue à son profit aux termes de l'acte sous seing privé signé le 23 juillet 2014 ; que sur ce, selon l'article 1654 du code civil, Si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente ; que selon l'article 2379 du code civil, l'action résolutoire établie par l'article 1654 ne peut être exercée, à défaut d'inscription du privilège du vendeur dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente, au préjudice des tiers qui ont acquis des droits sur l'immeuble du chef de l'acquéreur et qui les ont publiés ; qu'il est constant que la sari Dauphine 37 n'a jamais publié son privilège ; que l'assignation délivrée le 8 décembre 2014 à Mme I... à la demande de M. P... S... tendant à voir juger parfaite cette vente a été publiée le 26 mars 2015 soit antérieurement à l'assignation en résolution de la vente du 25 juillet 2013 ; que l'assignation publiée en vue de voir déclarer la vente parfaite ne constitue cependant pas un droit réel ou personnel de nature à faire obstacle à l'action en résolution au sens de l'article 2379 du code civil ; que Mme I... reconnaît ne pas s'être acquitté du solde du prix de vente qu'elle s'était engagée à verser au plus tard le 20 octobre 2013 au moyen d'un seul versement sans intérêt ; qu'à supposer qu'elle soit intervenue en qualité de prête-nom pour le compte de M. M... S..., force est de constater que ce dernier n'a pas davantage versé le prix de vente ; qu'il convient par conséquent de prononcer la résolution de la vente ; que sur les frais engagés par M. U..., M. U... demande à être remboursé par les consorts S... de divers frais à hauteur de la somme de 246 730 euros ; que sur ce, en l'absence d'aucune pièce justificative des débours allégués, la demande est rejetée ; que sur les demandes d'annulation des transactions ; que compte tenu de la solution apportée au litige, il n'y a pas lieu de statuer de ce chef ; que sur la demande de dommages et intérêts ; que compte tenu des termes du litige et de l'absence de démonstration d'une faute susceptible de donner lieu à réparation, la demande de dommages et intérêts formée par M. P... S... à l'encontre de la sari dauphine 37, de M. K... U... et de Mme I... est rejetée » ; ALORS QUE la cassation qui interviendra nécessairement sur le deuxième moyen (subsidiaire) de cassation qui critique l'arrêt d'avoir accueilli la demande en résolution de la vente du 25 juillet 2013 au motif que le prix n'avait pas été payé par Mme I... entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du rejet de la demande de M. P... S... que Mme I... soit condamnée à réitérer la vente du 23 juillet 2014 par acte authentique ou, à défaut, que l'arrêt tienne lieu d'acte de vente.
Si un acte de vente sous seing privé produit tous ses effets entre les cocontractants, il résulte des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955, fixant les règles de la publicité foncière, que le transfert de propriété ne devient opposable aux tiers que par la publication de l'acte authentique de cession au bureau des hypothèques . La publication facultative de la demande en justice tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique d'une vente sous seing privé, prévue par l'article 37.2 du décret du 4 janvier 1955, n'emporte pas mutation de propriété et ne peut pas être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente, de sorte qu'elle n'entraîne pas en elle-même les effets de l'opposabilité aux tiers prévus par l'article 30 du même décret. Les exigences de publicité préalable prévues à l'article 30.1, alinéa 4, du décret du 4 janvier 1955 et à l'article 2379, alinéa 2, du code civil pour l'action en résolution d'une vente immobilière ne conditionnent son opposabilité qu'à l'égard des tiers ayant publié des droits immobiliers acquis du titulaire du droit anéanti. Dès lors, ayant relevé l'absence de publication d'une décision de justice ou d'un acte authentique de vente relatif à la promesse de vente portant sur un immeuble et retenu à bon droit que la publication de l'assignation en réitération de la vente conclue par acte sous seing privé n'avait pas eu pour effet de conférer au bénéficiaire des droits sur l'immeuble, une cour d'appel en a exactement déduit que celui-ci n'avait pas la qualité d'ayant droit du promettant et qu'il ne pouvait faire obstacle à l'action en résolution de la vente engagée par le vendeur de l'immeuble contre ce dernier
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 731 FS-P+B+I Pourvoi n° E 18-15.670 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. A... D..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° E 18-15.670 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , 2°/ à la société BET Ingebat, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 3°/ à Mme J... S..., épouse T..., 4°/ à M. R... N..., domiciliés [...] , 5°/ à la société SMV, société civile immobilière, dont le siège est [...] , 6°/ à la société SMABTP, société anonyme, dont le siège est [...] , 7°/ à la société La Selva, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 8°/ à la société Allianz, société anonyme, dont le siège est [...] , 9°/ à la société SMA, société anonyme, dont le siège est [...] , 10°/ à Mme Q... G..., domiciliée [...] , défendeurs à la cassation. Mme T..., M. N... et la SCI SMV ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ; Mme G... a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ; M. D..., demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Mme T..., M. N... et la SCI SMV, demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Mme G..., demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. D..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD et de la société BET Ingebat, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société SMA, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme T..., M. N... et de la société SMV, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme G..., et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 janvier 2018), la propriété de la société civile immobilière SMV (la SCI), dont Mme T... est la gérante, et celle de Mme G..., assurée auprès de la société Allianz, située en contrebas, sont séparées par un mur de soutènement vétuste appartenant à la SCI. 2. Mme G... a confié l'édification d'un mur sur son propre terrain à M. D..., maître d'oeuvre assuré auprès de la société SMA, à la société Ingebat, bureau d'études assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), et à la société La Selva, assurée auprès de la SMABTP, qui a réalisé les travaux. 3. Au cours des travaux, le mur de la SCI et le chemin d'accès à la propriété se sont effondrés. 4. Après expertise, Mme T... et la SCI ont assigné à jour fixe Mme G..., M. D..., la société SMA, la société La Selva, la SMABTP, la société Ingebat et la société Axa en indemnisation. 5. M. N..., ami de Mme T..., est intervenu volontairement à l'instance pour demander, par voie de conclusions, l'indemnisation de son propre préjudice. Examen des moyens Sur le premier et le second moyens du pourvoi principal, sur le deuxième et le troisième moyens du pourvoi incident de la SCI, de Mme T... et de M. N... et sur le deuxième et le troisième moyens du pourvoi incident de Mme G..., ci-après annexés 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi incident de Mme G... Il est statué sur ce moyen après avis de la 2e chambre civile sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile Enoncé du moyen 7. Mme G... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre des travaux rendus nécessaires « après le nettoyage du chantier », alors « qu'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en énonçant, dès lors, que la demande formée par Mme Q... G... au titre des travaux rendus nécessaires « après le nettoyage du chantier », pour un montant de 9 157,70 euros, avait été formée pour la première fois devant elle et était, en conséquence, irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, sans examiner la recevabilité de cette demande au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 564 à 567 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Mme G... n'indiquant pas quelles exceptions elle aurait pu soulever pour s'opposer à la fin de non-recevoir tirée de l'application de l'article 564 du code de procédure civile, le moyen est sans portée. Mais sur le premier moyen du pourvoi incident de la SCI, de Mme T... et de M. N... Il est statué sur ce moyen après avis de la deuxième chambre civile, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile. Enoncé du moyen 9. La SCI, Mme T... et M. N... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'intervention volontaire de M. N..., alors « que les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense et aucun texte ne déroge à cette règle dans le cadre de la procédure à jour fixe devant le tribunal de grande instance ; qu'en estimant que l'intervention de M. N... devant le tribunal de grande instance par voie de conclusions était irrecevable pour cela qu'il n'avait pas sollicité d'autorisation d'assigner à jour fixe, la cour a violé l'article 68 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 68 du code de procédure civile : 10. Aux termes de ce texte, les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense. Elles sont faites à l'encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance. En appel, elles le sont par voie d'assignation. 11. En application de l'article 63 du code de procédure civile, l'intervention est une demande incidente, laquelle, selon l'article 68 du même code, est formée à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense et à l'encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance. 12. Ces dispositions, qui figurent dans le livre premier du code de procédure civile, sont communes à toutes les juridictions. 13. Les articles 788 et suivants du même code, régissant la procédure à jour fixe, n'y apportent aucune dérogation. 14. En outre, lorsque, dans cette procédure à jour fixe, la demande incidente doit, par application combinée des articles 68 et 791 du code de procédure civile, être formée contre une partie défaillante ou un tiers par voie d'assignation, celle-ci n'a pas à être précédée d'une requête à fin d'autorisation d'assigner à jour fixe sollicitée en application de l'article 788 du code de procédure civile, laquelle n'a ni pour objet ni pour effet l'introduction de l'instance. 15. En conséquence, l'intervenant volontaire dans une procédure à jour fixe n'a pas à solliciter au préalable une autorisation d'assignation à jour fixe. 16. Pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de M. N..., l'arrêt retient que, celui-ci n'ayant pas sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe, c'est à juste titre que le premier juge a déclaré son intervention irrecevable. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'intervention volontaire de M. N..., l'arrêt rendu le 18 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne M. D... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. D... (demandeur au pourvoi principal). SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'exposant in solidum avec les autres personnes déclarées responsables à verser à la SCI Smv les sommes de 137580,80 euros au titre des travaux de reprise du mur et 5000 euros en réparation de l'atteinte à la propriété et à verser à Madame T... les sommes de 20000 euros en réparation du préjudice de jouissance et 5 000 euros en réparation du préjudice moral et à garantir Mme G... de toute condamnation prononcée à son encontre ainsi qu'à lui verser la somme de 5000 € au titre de son préjudice de jouissance ; d'AVOIRdit et jugé que dans les rapports entre les intervenants à la construction, au regard des fautes respectives des parties, les responsabilités devront être partagées de la façon suivante : Entreprise La Selva 45 %, Maître [...] D... 30 % et Bet Ingebat 25% et d'AVOIR condamné monsieur A... D..., à payer, pour sa part de responsabilité, les sommes prononcées au profit de Madame T... ou la Sci Smv ou au profit de Madame G... ; AUX MOTIFS PROPRES QUE : « ( )Sur la responsabilité des intervenants aux travaux : Sont responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage, le propriétaire de l'immeuble auteur des nuisances et les constructeurs à l'origine de celles-ci, dès lors que les troubles subis sont en relation de cause directe avec la réalisation des missions confiés à ce constructeurs, qui ont la qualité de voisins occasionnels des propriétaires lésés. La circonstance que la mission de certains des intervenants aurait été purement intellectuelle et que ceux-ci n'auraient pas été présents physiquement présents sur les lieux est, à cet égard, indifférente. En l'espèce, la convention d'études conclue entre Mme G... et le Bet Ingebat l'a été pour « la mission étude», comprenant « 2 études : 1. L'avant-projet (section de l'ouvrage, ratio d'acier) / 2. Plan des coffrage et armatures ». Or, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport d'expertise, que le Bet a fourni des plans sans commentaires et sans méthodologie d'exécution, alors même que l'ouvrage présentait une complexité particulière pour une entreprise non spécialisée, et préconisé une solution inadaptée. La faiblesse de l'étude ainsi réalisée, qui ne tenait pas suffisamment compte de l'environnement de l'ouvrage et notamment du sol et, ainsi, ne se préoccupait pas de l'efficacité de l'ouvrage en projet, est en relation directe avec le dommage causé. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier en date du 10 octobre 2014 adressé à Mme G... par M. D..., que ce dernier était chargé d'une mission consistant en un avant-projet, un appel d'offres et la passation des marchés, mais aussi en la direction des travaux et la réception des ouvrages. Le travail ainsi réalisé est en relation directe avec le dommage causé. Enfin, il n'est pas contesté que l'entreprise La Selva a réalisé les travaux d'édification du nouveau mur, et réalisé en particulier le creusement de la fouille le 10 février 2015, ayant entraîné la chute du mur, de sorte que ces travaux sont, de même, en relation directe avec le dommage causé. Par suite et sans qu'il soit besoin de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la responsabilité de l'entreprise La Selva, de M. D... et F... est engagée, ceux-ci n'étant, ainsi qu'il a été dit, pas fondés à opposer l'existence d'un défaut d'entretien du mur.( ) Sur le partage des responsabilités: En leur qualité de coauteurs, obligés solidairement a` la réparation du même dommage, les constructeurs ne peuvent être tenus entre eux que chacun pour sa part déterminée à proportion du degré¿ de gravite¿ des fautes respectives ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise, que la cause principale et fondamentale du dommage est l'affouillement de la fondation du mur sur un linéaire important, de l'ordre de 5 a` 6 mètres, les causes secondaires étant le défaut d'étaiement, l'enlèvement des butons et les intempéries récentes ; qu'or, en premier lieu, le maître [...], Monsieur D..., dont la mission ne se limitait pas au seul établissement d'un "avant-projet" mais qui était tenu d'évaluer la complexité¿ des travaux à mener au regard notamment de la nature du sol, le cas échéant en recourant aux services d'un géotechnicien lorsque, comme en l'espèce, une telle mesure était nécessaire, de préparer la réalisation de ces travaux, notamment par l'élaboration d'un phasage adapté et plus généralement à la préparation d'une méthodologie d'exécution, n'a pas procédé à ces opérations, de sorte que sa responsabilité¿ sera retenue a` hauteur de 30% ; qu'en deuxième lieu, la société¿ Ingebata, ainsi que le relève le rapport d'expertise, fourni des plans sans commentaires et sans méthodologie d'exécution, alors même que l'ouvrage présentait une complexité¿ particulière pour une entreprise non spécialisée, et a préconisé¿ une solution inadaptée. Sa responsabilité¿ sera retenue a` hauteur de 25% ; qu'en dernier lieu, il ressort également des pièces du dossier, en particulier du rapport d'expertise, que l'entreprise La Selva, qui n'était pourtant pas spécialisée dans les travaux de confortement ou les travaux de reprise en sous œuvre, a exécuté les travaux sans prendre les précautions élémentaires, mettant en place des étais sous dimensionnés tant en nombre qu'en résistance et sans élément de répartition contre le mur en maçonnerie. Elle a, en outre et ainsi que l'a relevé le premier juge, terrassé en pied en dessous du niveau de la fondation du mur, sur plusieurs mètres linéaires. La survenance du sinistre lui est donc imputable a` hauteur de 45%» ; AUX MOTIFS, REPUTES ADOPTES, QUE :«Sur la responsabilité des intervenants aux travaux : Il est de droit que les constructeurs sont soumis à la responsabilité de plein droit pour trouble anormal de voisinage dès lors qu'il existe une relation de cause directe entre les troubles subis et les missions respectivement confiées aux constructeurs, qui sont assimilés à des voisins occasionnels. En l'espèce, l'expert judiciaire impute les désordres au maître [...], monsieur D..., au Bet Ingebat chargé de dimensionner le mur et de réaliser les plans de coffrage et ferraillage, ainsi qu'à l'entreprise La Selva chargée de réaliser les travaux d'édification du mur, laquelle a réalisé les terrassements à l'origine du sinistre. Monsieur D... ne conteste pas à la réalité de son intervention dans la chaîne des intervenants, exposant cependant n'avoir eu qu'une mission partielle de maîtrise [...] ( ). En considération de l'ensemble de ces éléments, le sinistre est imputable à monsieur D..., au Bet Ingebat et à l'entreprise La Selva, dont la responsabilité doit être retenue sur le fondement d'un trouble anormal de voisinage ; ( ) Sur le partage des responsabilités: il est de droit que les constructeurs et intervenants à la construction ne sont tenus entre eux que chacun pour leur part a` proportion du degré de gravité respective de leurs fautes respectives, y compris lorsque la responsabilité a été retenue sur le fondement d'un trouble anormal de voisinage ; que Monsieur D... considère qu'il a une responsabilité résiduelle dans le sinistre, dès lors qu'il n'avait qu'une mission partielle de maîtrise [...], que c'est le Bet qui avait pour mission la conception du projet, les plans d'exécution et le phasage et que l'entreprise La Selva a procédé à l'affouillement de la fondation, retenu comme cause principale de l'effondrement du mur. Il reconnaît seulement un défaut de suivi du chantier ; que le Bet Ingebat et son assureur écartent toute responsabilité du Bet, le sinistre n'ayant aucun lien avec les missions qui lui incombaient. Ils estiment que la première responsable du sinistre est l'entreprise, laquelle est maîtresse de son art et a pour activité habituelle de décaisser des terrains, faire des terrassements et bâtir des murs en maçonnerie, de sorte qu'il lui appartenait de définir la méthodologie de l'exécution de ses propres travaux. Ils considèrent que monsieur D... avait une mission de maîtrise [...] complète incluant la conception et la direction de l'exécution des travaux, et que sa responsabilité se trouve également engagée. Pour leur part, ils estiment qu'aucune erreur de conception dans le calcul ne peut être reprochée au Bet, le mur n'ayant du reste jamais été réalisé ; ils ajoutent qu'il n'appartenait pas au Bet de prévoir des sondages géotechniques et donc de vérifier la nature du sol ; que la société La Selva et la Smabtp écartent la responsabilité de l'entreprise, alors qu'un architecte maître [...] et un bureau d'études étaient désignés. Elles considèrent que la conception technique du type constructif du mur de soutènement est essentielle à l'origine du sinistre. Elles constatent une faute au niveau de la phase de surveillance du chantier. Elles estiment que l'entreprise n'a pas une responsabilité prépondérante, étant un simple exécutant ; qu'il convient d'apprécier les fautes respectives des parties, en fonction des missions qui étaient dévolues à chacun des intervenants à la construction ; que l'expert judiciaire relève que la cause principale et fondamentale est d'avoir affouillé la fondation du mur sur un linéaire important de l'ordre de 5 a` 6 m. Il énumère comme causes secondaires, le défaut d'étaiement, l'enlèvement des butons, les intempéries récentes qui ont probablement augmenté la poussée ; qu'il indique également que c'est la méthodologie d'exécution qui est en cause et la conception de l'ouvrage de renforcement qui a conduit à l'exécution ; qu'il constate que le maître d'oeuvre D... ne s'est pas entouré de l'avis d'un géotechnicien, qu'il n'a procédé à aucun sondage, qu'il a donc ignoré où se situe le sol d'assises et à quelle profondeur est fondé le mur, qu'il a préconisé ou contribué à proposer une solution mal adaptée, qu'il n'a communiqué aucune méthodologie ou phasage de travaux à l'entreprise alors que cela était fondamental dans ce type de travaux, qu'il n'a pas étudié la méthodologie d'exécution qui l'aurait amené à s'interroger sur le coulage du béton et les quantités a` mettre en œuvre, qu'il n'a pas rédigé de CCTP. L'expert ajoute que le maître [...] ne s'est pas rendu compte que les travaux étaient excessivement délicats, qu'il n'était pas présent sur le chantier lors de la phase la plus délicate ; que l'expert judiciaire constate que la société Ingebata fourni des plans sans commentaire et sans une méthodologie d'exécution ; que l'expert judiciaire relève que l'entreprise a exécuté¿ les travaux sans se poser de questions, alors qu'elle n'est visiblement pas spécialisée dans les travaux de confortement ou les travaux de reprise en sous œuvre. Ainsi elle a commencé par terrasser la plate-forme en pied de mur et a démoli les contreforts sans se poser de questions. Elle a mis en place des étais qui sont totalement sous dimensionnés tant en nombre qu'en résistance et sans aucun élément de répartition contre le mur en maçonnerie qui n'a aucune cohésion. Elle a terrassé en pied en dessous du niveau de la fondation du mur et ce, sur plusieurs mètres linéaires. Elle n'a pas interrogé le maître [...] car elle était inconsciente du danger ; que selon l'expert judiciaire, la survenance du sinistre est imputable aux trois intervenants dans les proportions suivantes : Entreprise La Selva, 45 % Maître [...] D..., 30 % Bet Ingebat, 25 % ; que Monsieur D..., la société¿ La Selva et le Bet Ingebat contestent cette part de responsabilité ; que néanmoins leurs simples affirmations ne sont corroborées par aucun élément technique venant remettre en cause les constatations de l'expert judiciaire ; que dans ces conditions, dans les rapports entre les intervenants à la construction, au regard des fautes respectives des parties, les responsabilités devront être partagées de la façon suivante : Entreprise La Selva, 45 % Maître [...] D..., 30 % Bet Ingebat, 25 % ; qu'il convient donc de condamner la société La Selva, son assureur Smabtp, monsieur D..., le Bet Ingebat, son assureur Axa France Iard à payer chacun pour sa part de responsabilité ou celle de son assure¿, les sommes prononcées au profit de madame T... ou la Sci Smv et au profit de madame G...» ; ALORS QUEles juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause ; qu'il ressortait des termes clairs et précis de la lettre du 10 octobre 2014 que la mission de Monsieur D... consistait uniquement en «avant-projet, appel d'offres et passation des marches, direction et comptabilité des travaux, réception des ouvrages», excluant toutes les missions non expressément visées, dont en particulier, le projet, la conception technique de l'ouvrage, les notes de calcul, les plans de projet et plans d'exécutions et le phasage, expressément confiés à la Société Bet Ingebat ainsi que l'a constaté par ailleurs la Cour d'appel (arrêt p. 7 dernier alinéa) ; qu'en affirmant, par motifs propres et réputés adoptés, que la mission de maîtrise [...] de Monsieur D... ne se limitait pas au seul établissement d'un avant-projet, mais incluait au préalable l'évaluation de la complexité des travaux à mener, la préparation de la réalisation de ces travaux et la préparation d'une méthodologie d'exécution, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause. SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur D... de sa demande en garantie formée contre la compagnie Sma SA prise en sa qualité d'assureur de Monsieur D... ; AUX MOTIFS QUE : «Sur la garantie des assureurs : Le jugement déféré repose, là encore, sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef, à l'exception des demandes formées par les compagnies Axa et Smabtp au titre de leurs franchises contractuelles ( )» ; ET AUX MOTIFS, ADOPTES, QUE : «Sur la garantie de la Sma SA : La société Sma soutient que le contrat délivré à monsieur D... a été suspendu dans tous ses effets au 15 septembre 2014 et résilié à compter du 30 septembre 2014 pour non-paiement de cotisations. Elle estime qu'elle n'était pas l'assureur de l'intéressé à la date de la signature du contrat le liant à madame G... le 10 octobre 2014 et à la date du sinistre le 10 février 2015 ; qu'elle oppose donc une non garantie dans la mesure où le fait dommageable du sinistre est postérieur à la date de résiliation, l'ensemble des missions confiées par contrat du 10 octobre 2014 ayant été réalisé postérieurement à la régularisation du contrat de maîtrise [...] et de l'émission de la première note d'honoraires ; que Monsieur D... ne conteste pas la notification de la résiliation du contrat d'assurance au 30 septembre 2014 mais indique avoir payé sa cotisation en règlement du second trimestre 2014, le 5 février 2015, avant le sinistre du 10 février 2015. Il se prévaut des dispositions de l'article 124-5 du code des assurances repris dans son contrat d'assurance. Il se fonde également sur l'article L 124-1-1 du code des assurances qui définit le fait dommageable comme celui qui constitue la cause génératrice du dommage, ainsi que sur la jurisprudence qui définit le fait dommageable comme l'erreur dans l'exécution d'une prestation qui entraîne un dommage causé à un tiers ; qu'il convient sur ce point de faire application de l'article L 124-5 du code des assurances, auquel renvoie le contrat d'assurance souscrit par monsieur D... ; qu'en application de cet article, la garantie est selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation ; que la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initial de la garantie et sa date de résiliation ; que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initial de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation. Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats qu'effectivement, après suspension, le contrat a été résilié avec effet au 30 septembre 2014 (lettre de résiliation reçue le 3 octobre 2014) ; que cependant, monsieur D... avait adressé à madame G... le 10 mars 2014, une première lettre pour lui proposer deux solutions techniques concernant les travaux litigieux. Puis le 14 mars 2014, il lui avait adressé un nouveau courrier faisant suite à un mail reçu de madame G..., concernant l'estimation approximative de certains frais préalables à entreprendre ; que ces premiers courriers s'inscrivent en réalité dans un cadre pré-contractuel, monsieur D... et madame G... n'ayant aucun engagement l'un envers l'autre à ce stade ; que le 10 octobre 2014, monsieur D... lui a adressé un nouveau courrier pour lui confirmer qu'il se chargeait de la maîtrise [...] concernant la réalisation d'un mur de soutènement dans sa propriété, en lui indiquant que le montant de ses honoraires serait fixé a` 5600 € hors-taxes, payable à raison de 50 % à la signature de la lettre de commande et 50 % à la réception des ouvrages ; que c'est ce courrier qui marque l'accord de volonté entre les parties et l'engagement de monsieur D... à réaliser les missions suivantes énumérées dans ce même courrier : avant-projet, appel d'offre et passation des marchés, direction et comptabilité des travaux, réception des ouvrages ; que c'est donc à partir du 10 octobre 2014 que monsieur D... a entrepris de réaliser l'intégralité de ses missions ; que le fait dommageable qui se définit comme l'erreur dans l'exécution de la mission ne peut être par suite antérieur à octobre 2014 ; qu'en effet, rien ne permet d'établir que monsieur D... aurait commis une erreur dans l'exécution de sa mission avant octobre 2014. Sur ce point, il n'est pas démontré que la première des missions lui incombant, c'est à dire l'avant-projet, ait été réalisée avant octobre 2014. Ainsi les plans d'avant-projet portent la date d'octobre 2014 comme cela figure sur le cartouche du plan. C'est seulement à cette date qu'il les a validés, peu important qu'un tiers les ait faits bien avant. Il n'est pas justifié d'une réalisation de l'avant-projet avant octobre 2014, aucune description sommaire des ouvrages envisagés avec estimation du coût et de la durée des travaux n'ayant été fournie avant octobre 2014. De plus, la lettre du 10 mars 2014 faisant état en quelques mots de deux solutions techniques possibles pour les travaux, ne peut être assimilée à un avant-projet, dans la mesure où un avant-projet suppose un descriptif sommaire des ouvrages envisagés avec estimation du coût et de la durée ; que la seconde mission correspondant a` l'appel d'offre et passation des marchés a été réalisée elle aussi en octobre 2014, le marché de travaux étant daté du 14 octobre 2014 (pièce annexe 1.2 a du rapport d'expertise). Au demeurant, aucune erreur n'est invoquée concernant cette seconde mission, de sorte que le fait dommageable est sans lien avec cette mission dont la date est donc indifférente ; que s'agissant des autres missions, elles n'ont jamais été réalisées, le sinistre étant intervenu avant ; qu'à la date de résiliation du contrat d'assurance, soit le 30 septembre 2014, monsieur D... n'avait donc pas accompli la première mission de son contrat, savoir l'avant-projet et n'avait pas encore procédé à la seconde mission, savoir appel d'offre et passation des marchés ; que par conséquent, les fautes commises par monsieur D... dans l'exécution de ses missions n'ont pu être commises qu'a` partir d'octobre 2014, soit postérieurement à la résiliation de la police d'assurance ; qu'il en résulte que le fait dommageable du sinistre se trouve postérieur a` la résiliation de la police d'assurance ; qu'en conséquence, que la garantie soit déclenchée par le fait dommageable ou par la réclamation, elle n'est pas due ; que la demande en garantie formée contre la compagnie Sma SA prise en sa qualité d'assureur de monsieur D... doit donc être rejetée» ; ALORS QUE 1°) tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que Monsieur D... soutenait, dans ses conclusions d'appel, qu'entre mars et septembre 2014, il avait, à la demande de Madame G..., visité les lieux, formulé les premières préconisations, fait chiffrer les deux solutions proposées, transmis le coût prévisionnel des études à prévoir, organisé une réunion sur site avec le métreur et l'ingénieur béton, pris attache avec le Bet Ingebat pour le chiffrage des travaux, pris attache avec l'entreprise La Selva, négocié les prix avec les entreprises et obtenu l'accord de Madame G... sur le devis présenté et proposé par La Selva, de sorte que sa mission d'avant-projet avait commencé bien avant le 10 octobre 2014 (conclusions d'appel, pp. 16-18) ; que la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a jugé que la mission de Monsieur D... n'avait commencé que postérieurement au 10 octobre 2014, de sorte que le fait dommageable du sinistre était postérieur à la résiliation de la police d'assurance ; qu'en statuant par adoption des motifs des premiers juges, sans répondre aux conclusions de Monsieur D... qui démontraient que le début de sa mission, et en conséquence le fait dommageable, étaient antérieurs au 10 octobre 2014, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ALORS QUE 2°) la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ; que pour juger que la garantie n'était pas due, la cour d'appel, adoptant les motifs des premiers juges, a retenu qu'il n'était pas démontré que la première des missions incombant à M.C, c'est à dire l'avant-projet, avait été réalisée avant octobre 2014 ; qu'en exigeant que la mission soit entièrement réalisée antérieurement à la date de résiliation, quand la seule survenance du fait dommageable avant cette date justifiait que la garantie soit due, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 124-5 et L. 124-1-1 du code des assurances. Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme T..., M. N... et la société SMV (demandeurs au pourvoi incident). PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Monsieur R... N... ; AUX MOTIFS PROPRES QU'en vertu des articles 788 à 792 du Code de procédure civile, toute nouvelle partie qui souhaite présenter ses demandes dans le cadre d'une procédure à jour fixe déjà autorisée doit se conformer aux dispositions de l'article 788 précité en présentant une requête, ses conclusions et en visant les pièces justificatives ; qu'aux termes de l'article 329 du Code de procédure civile, « L'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme » ; qu'aux termes de l'article 330 du même Code « L'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie » ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Monsieur N... est intervenu par des conclusions par lesquelles il élève des prétentions à son profit, notamment en ce qu'il sollicite l'indemnisation d'un préjudice matériel causé à un véhicule dont il est l'unique propriétaire, de sorte que son intervention volontaire a été formée à titre principal ; que par suite, Monsieur N... n'ayant pas sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe, c'est à juste titre que le premier juge a déclaré son intervention irrecevable. ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les articles 788 et suivants du Code de procédure civile régissent la procédure à jour fixe ; qu'en application de ces dispositions, l'assignation ne peut modifier les prétentions formulées dans les conclusions au fond contenues dans la requête initiale (Cour de cassation, 2e Civ.,16 juillet 1993, Bull., II, n°254, p. 140, pourvoi n°91-17.929) ; que le demandeur à la procédure à jour fixe n'a pas le droit en outre de déposer ultérieurement de nouvelles conclusions ou de produire de nouvelles pièces, sauf pour répliquer s'il y a lieu aux défendeurs ; que si sous le couvert d'une réplique, les productions, les prétentions et les moyens nouveaux ne sont pas une simple réponse aux défendeurs, ils sont irrecevables (Cour de cassation, 2e Civ., 26 novembre 1990, Bull., II, n°248, p. 126, pourvoi n°89-16.428) ; que la requête à jour fixe et les conclusions et pièces qui y sont annexées figent donc le débat, dans la limite du droit à répliquer aux défendeurs par de nouvelles conclusions et pièces, conformément au principe du contradictoire édicté par l'article 16 du Code de procédure civile ; qu'il en résulte que toute nouvelle partie qui souhaite présenter ses demandes dans le cadre de la procédure à jour fixe déjà autorisée, doit se conformer aux dispositions de l'article 788 et solliciter l'autorisation du président du tribunal d'assigner le défendeur à jour fixe, en présentant une requête, ses conclusions et en visant les pièces justificatives y afférentes. A défaut d'autorisation, elle est irrecevable ; que par ailleurs, l'article 328 du Code de procédure civile dispose que l'intervention volontaire est principale ou accessoire ; que selon l'article 329, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme ; qu'elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention ; que selon l'article 330, l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie ; qu'en l'espèce Monsieur R... N... n'a pas sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe, auprès du président du tribunal ; qu'il a fait le choix d'intervenir volontairement par des conclusions postérieures à la délivrance de l'assignation, pour demander aux côtés de Madame T..., dont il indique qu'il est le compagnon, diverses sommes, savoir 21 930,23 € en remboursement de préjudices matériels consécutifs au sinistre, 63 000 € en indemnisation du préjudice de jouissance, 20 000 € en indemnisation de préjudices moraux, faisant valoir qu'il a subi un préjudice résultant de l'effondrement du mur litigieux ; qu'il apparaît que l'intervention de Monsieur R... N... n'est pas une simple intervention accessoire, venant appuyer les prétentions de Madame T... ou de la SCI SMV ; qu'il s'agit d'une intervention principale, puisque l'intéressé élève des prétentions à son profit ; que son intervention n'est donc recevable que s'il a le droit d'agir relativement à ses prétentions, en application de l'article 329 alinéa 2 ; que n'ayant pas sollicité l'autorisation du président du tribunal de présenter ses demandes dans le cadre d'une procédure à jour fixe, il n'a pas le droit d'agir, au regard des principes sus-énoncés, ainsi que le souligne Madame G... dans ses conclusions (page 49) ; que par suite, son intervention est irrecevable ; ALORS QUE les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense et aucun texte ne déroge à cette règle dans le cadre de la procédure à jour fixe devant le Tribunal de grande instance ; qu'en estimant que l'intervention de Monsieur N... devant le Tribunal de grande instance par voie de conclusions était irrecevable pour cela qu'il n'avait pas sollicité d'autorisation d'assigner à jour fixe, la Cour a violé l'article 68 du Code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, supposé confirmatif de ce chef, d'avoir débouté Madame T... et la SCI SMV de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la compagnie SMA, assureur de Monsieur D... ; AUX MOTIFS QUE sur la garantie des assureurs, le jugement déféré repose, là encore, sur des motifs exacts et pertinents que la Cour adopte ; que la décision entreprise sera donc confirmée de ce chef, à l'exception des demandes formées par les compagnies AXA et SMABTP au titre de leurs franchises contractuelles (...) » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la garantie de la SMA SA, la société SMA soutient que le contrat délivré à Monsieur D... a été suspendu dans tous ses effets au 15 septembre 2014 et résilié à compter du 30 septembre 2014 pour non- paiement de cotisations. Elle estime qu'elle n'était pas l'assureur de l'intéressé à la date de la signature du contrat le liant à Madame G... le 10 octobre 2014 et à la date du sinistre le 10 février 2015 ; qu'elle oppose donc une non garantie dans la mesure où le fait dommageable du sinistre est postérieur à la date de résiliation, l'ensemble des missions confiées par contrat du 10 octobre 2014 ayant été réalisé postérieurement à la régularisation du contrat de maîtrise d'oeuvre et de l'émission de la première note d'honoraires ; que Monsieur D... ne conteste pas la notification de la résiliation du contrat d'assurance au 30 septembre 2014 mais indique avoir payé sa cotisation en règlement du second trimestre 2014, le 5 février 2015, avant le sinistre du 10 février 2015. Il se prévaut des dispositions de l'article 124-5 du Code des assurances repris dans son contrat d'assurance. Il se fonde également sur l'article L 124-1-1 du Code des assurances qui définit le fait dommageable comme celui qui constitue la cause génératrice du dommage, ainsi que sur la jurisprudence qui définit le fait dommageable comme l'erreur dans l'exécution d'une prestation qui entraîne un dommage causé à un tiers ; qu'il convient sur ce point de faire application de l'article L 124-5 du Code des assurances, auquel renvoie le contrat d'assurance souscrit par Monsieur D... ; qu'en application de cet article, la garantie est selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation ; que la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initial de la garantie et sa date de résiliation ; que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initial de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation. Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats qu'effectivement, après suspension, le contrat a été résilié avec effet au 30 septembre 2014 (lettre de résiliation reçue le 3 octobre 2014) ; que cependant, Monsieur D... avait adressé à Madame G... le 10 mars 2014, une première lettre pour lui proposer deux solutions techniques concernant les travaux litigieux. Puis le 14 mars 2014, il lui avait adressé un nouveau courrier faisant suite à un mail reçu de Madame G..., concernant l'estimation approximative de certains frais préalables à entreprendre ; que ces premiers courriers s'inscrivent en réalité dans un cadre pré-contractuel, Monsieur D... et Madame G... n'ayant aucun engagement l'un envers l'autre à ce stade ; que le 10 octobre 2014, Monsieur D... lui a adressé un nouveau courrier pour lui confirmer qu'il se chargeait de la maîtrise d'oeuvre concernant la réalisation d'un mur de soutènement dans sa propriété, en lui indiquant que le montant de ses honoraires serait fixé à 5600 € hors-taxes, payable à raison de 50 % à la signature de la lettre de commande et 50 % à la réception des ouvrages ; que c'est ce courrier qui marque l'accord de volonté entre les parties et l'engagement de Monsieur D... à réaliser les missions suivantes énumérées dans ce même courrier : avant-projet, appel d'offre et passation des marchés, direction et comptabilité des travaux, réception des ouvrages ; que c'est donc à partir du 10 octobre 2014 que Monsieur D... a entrepris de réaliser l'intégralité de ses missions ; que le fait dommageable qui se définit comme l'erreur dans l'exécution de la mission ne peut être par suite antérieur à octobre 2014 ; qu'en effet, rien ne permet d'établir que Monsieur D... aurait commis une erreur dans l'exécution de sa mission avant octobre 2014 ; que sur ce point, il n'est pas démontré que la première des missions lui incombant, c'est à dire l'avant-projet, ait été réalisée avant octobre 2014 ; qu'ainsi les plans d'avant-projet portent la date d'octobre 2014 comme cela figure sur le cartouche du plan ; que c'est seulement à cette date qu'il les a validés, peu important qu'un tiers les ait faits bien avant ; qu'il n'est pas justifié d'une réalisation de l'avant- projet avant octobre 2014, aucune description sommaire des ouvrages envisagés avec estimation du coût et de la durée des travaux n'ayant été fournie avant octobre 2014 ; que de plus, la lettre du 10 mars 2014 faisant état en quelques mots de deux solutions techniques possibles pour les travaux, ne peut être assimilée à un avant-projet, dans la mesure où un avant-projet suppose un descriptif sommaire des ouvrages envisagés avec estimation du coût et de la durée ; que la seconde mission correspondant à l'appel d'offre et passation des marchés a été réalisée elle aussi en octobre 2014, le marché de travaux étant daté du 14 octobre 2014 (pièce annexe 1.2 a du rapport d'expertise). Au demeurant, aucune erreur n'est invoquée concernant cette seconde mission, de sorte que le fait dommageable est sans lien avec cette mission dont la date est donc indifférente ; que s'agissant des autres missions, elles n'ont jamais été réalisées, le sinistre étant intervenu avant ; qu'à la date de résiliation du contrat d'assurance, soit le 30 septembre 2014, Monsieur D... n'avait donc pas accompli la première mission de son contrat, savoir l'avant-projet et n'avait pas encore procédé à la seconde mission, savoir appel d'offre et passation des marchés ; que par conséquent, les fautes commises par Monsieur D... dans l'exécution de ses missions n'ont pu être commises qu'à partir d'octobre 2014, soit postérieurement à la résiliation de la police d'assurance ; qu'il en résulte que le fait dommageable du sinistre se trouve postérieur à la résiliation de la police d'assurance ; qu'en conséquence, que la garantie soit déclenchée par le fait dommageable ou par la réclamation, elle n'est pas due; que la demande en garantie formée contre la compagnie SMA SA prise en sa qualité d'assureur de Monsieur D... doit donc être rejetée ; 1°) ALORS QUE la cassation de l'arrêt attaqué sur le fondement du second moyen de cassation venant au soutien du pourvoi principal de Monsieur D... emportera la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif de l'arrêt attaqué qui a débouté Madame T... et la SCI SMV de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la compagnie SMA, assureur de Monsieur D... ; 2°) ALORS, subsidiairement, QUE tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que Monsieur D... soutenait, dans ses conclusions d'appel, qu'entre mars et septembre 2014, il avait, à la demande de Madame G..., visité les lieux, formulé les premières préconisations, fait chiffrer les deux solutions proposées, transmis le coût prévisionnel des études à prévoir, organisé une réunion sur site avec le métreur et l'ingénieur béton, pris attache avec le BET INGEBAT pour le chiffrage des travaux, pris attache avec l'entreprise LA SELVA, négocié les prix avec les entreprises et obtenu l'accord de Madame G... sur le devis présenté et proposé par LA SELVA, de sorte que sa mission d'avant-projet avait commencé bien avant le 10 octobre 2014 (conclusions d'appel, pp. 16-18) ; que la Cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a jugé que la mission de Monsieur D... n'avait commencé que postérieurement au 10 octobre 2014, de sorte que le fait dommageable du sinistre était postérieur à la résiliation de la police d'assurance ; qu'en statuant par adoption des motifs des premiers juges, sans répondre aux conclusions de Monsieur D... qui démontraient que le début de sa mission, et en conséquence le fait dommageable, étaient antérieurs au 10 octobre 2014, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°) ALORS, subsidiairement, QUE la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ; que pour juger que la garantie n'était pas due, la Cour d'appel, adoptant les motifs des premiers juges, a retenu qu'il n'était pas démontré que la première des missions incombant à Monsieur D..., c'est à dire l'avant-projet, avait été réalisée avant octobre 2014; qu'en exigeant que la mission soit entièrement réalisée antérieurement à la date de résiliation, quand la seule survenance du fait dommageable avant cette date justifiait que la garantie soit due, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 124-5 et L. 124-1-1 du Code des assurances. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, D'AVOIR jugé irrecevables les demandes en paiement de la somme de 5 500 € pour frais de maîtrise d'oeuvre et de 9 008,99 € correspondant à des frais de location de véhicule pour la période postérieure au 16 octobre 2015 ET D'AVOIR, limitant la condamnation de Madame G..., Monsieur D..., la société BET INGEBAT, son assureur AXA FRANCE IARD, la société LA SELVA et son assureur la SMABTP à verser à la SCI SMV les sommes de 137 580,80 € TTC au titre des travaux de reprise du mur de soutènement et du chemin d'accès et 5 000 € en réparation de l'atteinte à la propriété portée par les travaux de confortement concernant la mise en place de tirants (préjudice immatériel consécutif) et à Madame T... les sommes de 20 000 € en réparation du préjudice de jouissance et 5 000 € en réparation du préjudice moral, débouté la SCI SMV et Madame T... du surplus de leurs demandes indemnitaires ; AUX MOTIFS QUE 2. Sur le quantum des préjudices ( ) 2.2 Sur les autres demandes, le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la Cour adopte ; que la décision entreprise sera donc confirmée de ce chef ; ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE (6) sur le quantum des préjudices, (6-1) sur la recevabilité des demandes au regard des règles de la procédure à jour fixe, en application des articles 788 et suivants du Code de procédure civile qui régissent la procédure à jour fixe, le demandeur n'a pas le droit de présenter en cours d'instance de nouvelles prétentions et de déposer à cet effet des nouvelles conclusions ou pièces, qui ne sont pas une simple réponse aux défendeurs, à peine d'irrecevabilité ; qu'en l'espèce, Madame T... et la SCI SMV ont été autorisées à assigner à jour fixe pour demander ce qui suit : au profit de la SCI SMV la somme de 137 580,80 € TTC au titre des travaux de reprise du mur de soutènement et du chemin d'accès à la propriété la somme de 20 000 € au titre de l'atteinte portée à la propriété par les travaux de confortement (réalisation des tirants), au profit de Madame T... la somme de 12 921,24 € TTC en remboursement des frais avancés à la suite du sinistre correspondant à 450 € pour des frais d'un procès-verbal de constat, 9 479,24 € pour des frais de location d'un véhicule jusqu'au 16 octobre 2015 et 2 992 € pour des frais de conseil technique (Monsieur E...) la somme de 63 000 € en réparation du préjudice de jouissance subi et à venir lors de la réalisation des travaux la somme de 20 000 € en indemnisation des préjudices moraux subis, et au profit de la SCI SMV et de Madame T... la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens, distraits au profit de la SELARL CABINET FOURMEAUX et associés, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire ; que dans leurs dernières conclusions, figurent des demandes nouvelles, ainsi qu'il suit : au profit de la SCI SMV la somme de 143 080,80 € TTC au titre des travaux de reprise du mur de soutènement et du chemin d'accès à la propriété incluant cependant la somme initiale de 137 580,80 € , à laquelle est ajoutée une somme de 5500 € pour frais de maîtrise d'oeuvre, au profit de Madame T... la somme de 21 930,23 € (au lieu de 12 921,24 € TTC), laquelle inclut une somme de 12 709,62 € pour location d'un véhicule jusqu'au 30 janvier 2016, 450 € pour frais d'établissement d'un constat d'huissier du 10 mars 2015 et 2 992 € pour des frais de conseil technique (Monsieur E...), auxquelles s'ajoutent les sommes de 4 878,61 € pour frais de location de véhicule du 29 février au 27 juillet 2016, 900 € pour frais de location de véhicule en février 2016 ; que les demandes nouvelles, qui ne figurent pas dans les conclusions faites à l'appui de la requête d'autorisation d'assigner à jour fixe et qui ne figurent d'ailleurs pas non plus dans l'assignation, sont irrecevables, au regard des principes sus énoncés ; que sont donc irrecevables pour défaut d'autorisation dans le cadre de la procédure à jour fixe en méconnaissance de l'article 788 du Code de procédure civile, les demandes suivantes : paiement de la somme de 5 500 € pour frais de maîtrise d'oeuvre, paiement de la différence entre 21 930,23 € et 12 921,24 € TTC, soit la somme de 9 008,99 €, laquelle correspond exclusivement à des frais de location de véhicule pour la période postérieure au 16 octobre 2015 ; que (6-2) sur la demande en paiement de 137 580,80 € TTC au titre des travaux de reprise du mur de soutènement et du chemin d'accès à la propriété et sur les modalités de ces travaux, il est de droit que la victime d'un sinistre peut prétendre à la réparation intégrale de son dommage ; que dans ces conditions, la partie demanderesse est fondée à obtenir l'indemnisation de tous les travaux nécessaires à la réfection de l'ouvrage détruit, sans que puisse être faite une quelconque déduction au titre de la vétusté, qu'en l'espèce, l'expert judiciaire a chiffré le coût des travaux en page 40 de son rapport, à la somme de 128 252,80 € TTC ; qu'il a prévu de plus des travaux pour 9 328 €, qualifiés dans son rapport « d'optionnels », car correspondant selon lui à la remise en état d'un ouvrage atteint par la vétusté et relevant de Madame T... ; que cependant, au regard du principe du droit à réparation intégrale du préjudice, ces travaux doivent être pris en compte dans la mesure où ils sont techniquement indispensables pour reconstruire l'ouvrage démoli et où la vétusté n'a pas à être déduite ; que par conséquent, le coût des travaux de reprise s'établit à 128 252,80 € + 9 328 € TTC, soit 137 580,80 € , conformément à la demande initiale présentée par la SCI SMV dans le projet d'assignation soumis à autorisation à jour fixe ; qu'il sera alloué à la SCI SMV ladite somme de 137 580,80 € TTC au titre des travaux de reprise du mur de soutènement et du chemin d'accès ; que (6-3) sur la demande en paiement de 20 000 € au titre de l'atteinte à la propriété (réalisation de tirants) la propriété de la SCI SMV va subir une contrainte liés aux tirants horizontaux munis de croix de saint André, prévus dans le tréfonds par l'expert (page 39) et dans une moindre mesure un préjudice esthétique ; qu'ils vont affecter le cabanon, lequel est certes vétuste mais subira cette servitude qui peut avoir une incidence en cas de travaux dans cette zone ; qu'à ce titre, la SMV est bien fondée à réclamer réparation de son préjudice lequel n'est nullement hypothétique mais est cependant très limité vu la configuration des lieux ; qu'il sera alloué la somme de 5 000 € à la SCI SMV, en réparation de l'atteinte à la propriété portée par les travaux de confortement concernant la mise en place de tirants ; que (6-4) sur la demande en paiement de 12 921,24 € TTC en remboursement des frais avancés à la suite du sinistre correspondant à 450 € pour des frais d'un procès-verbal de constat, 2 992 € pour des frais de conseil technique et 9 479,24 € pour des frais de location d'un véhicule jusqu'au 16 octobre 2015 Madame T... a fait l'avance de différents frais directement liés au sinistre qui sont repris par l'expert dans son rapport : frais d'établissement du procès-verbal de constat du 10 mars 2015, frais de Monsieur E... architecte et expert, qui a assuré un rôle de conseil technique durant les opérations d'expertise ; que Madame T... sollicite 450 € (frais de constat d'huissier) ; que ces frais sont inclus dans les dépens ; qu'elle réclame 2 992 € TTC (frais d'assistance technique de Monsieur E...) ; que ces frais entrent dans le cadre des frais irrépétibles et n'ont pas lieu d'être pris en compte au stade des préjudices matériels consécutifs ; que s'agissant des frais de location de véhicule, la voiture servant à transporter Madame T... s'est trouvé bloquée entre le chemin éboulé et la maison, ainsi que le relève l'expert judiciaire et ce depuis le 10 février 2015 ; qu'il s'est avéré techniquement impossible de déplacer ce véhicule ; que Madame T... demande le remboursement de factures de location de véhicule de remplacement ; que celles-ci sont établies au nom de R... N... demeurant à TOULON ; qu'elles ne revêtent pas un caractère probant quant au fait que Madame T... aurait dû préfinancer des frais de location d'un véhicule de remplacement ; que la demande en paiement de la somme de 9 479,24 € pour frais de location de véhicule, qui est recevable comme ayant été dûment présentée dans la requête initiale à jour fixe, est donc mal fondée et sera rejetée ; que (6-5) sur les demandes en paiement de 63 000 € pour préjudice de jouissance et 20 000 € pour préjudice moral ( ), il ressort des éléments produits que le 10 février 2015, la propriété T... s'est trouvée enclavée ; qu'un accès piéton a pu être rétabli dans un premier temps en passant par la propriété G..., Madame G... ayant consenti le passage sur son fonds avant même que le juge des référés n'intervienne sur ce point ; que toutefois, il s'agissait d'un chemin difficile vu l'âge de Madame T... ; que dans un second temps, à partir du 25 août 2015, une passerelle a été aménagée ; qu'aucun accès pour les véhicules n'a pu être créé à proximité immédiate ; que cependant, il est devenu possible grâce à l'accès provisoire de rejoindre la voie publique en voiture, après une centaine de mètres de marche ; que les attestations produites montrent que les amis habituels de Madame T... avaient de grosses difficultés à leur rendre visite vu leur âge ; que 'accès pour les services d'urgence ou professionnels de la santé est devenu également difficile ; que les répercussions psychologiques sont indiscutables, étant donné l'âge de la victime ; que Madame T... a subi outre ces difficultés d'accès à la voie publique, des bruits, vibrations et poussières liés aux travaux ; que néanmoins, Madame T... a continué à vivre dans sa propriété et en a conservé l'usage intégral ; qu'elle ne saurait en outre, sans se contredire, à la fois déclarer avoir souffert d'un total isolement et avoir dû utiliser un véhicule de location pour accomplir ses activités hors de son domicile ; que la situation qu'elle décrit et qu'elle qualifie de « quasi claustration » apparaît donc particulièrement exagérée ; qu'en considération des éléments fournis par l'expert et des attestations produites, il sera alloué à Madame T..., en réparation de son préjudice de jouissance la somme de 20 000 € pour la période postérieure au sinistre, et en réparation de son préjudice moral, celle de 5 000 € , afin de tenir compte de la nature et de la durée du préjudice, en considération de l'âge de la victime ; 1°) ALORS QUE l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel, devant laquelle les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en se contentant d'adopter les motifs des premiers juges relatifs à la recevabilité devant le Tribunal des demandes non visées par l'autorisation d'assigner à jour fixe, cependant que, devant la Cour d'appel, qui n'était pas pour sa part saisie dans le cadre d'une procédure à jour fixe, la SCI SMV et Madame T... étaient recevables à ajouter aux prétentions soumises au premier juge des demandes qui en étaient l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, la Cour, qui a statué par des motifs impropres à permettre à la Cour de cassation d'exercer son contrôle de la recevabilité des demandes en paiement de la somme de 5 500 € pour frais de maîtrise d'oeuvre et de 9 008,99 € correspondant à des frais de location de véhicule pour la période postérieure au 16 octobre 2015 dont elle était elle-même saisie par voie de conclusions, a privé sa décision de base légale au regard des articles 561 et 566 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel, devant laquelle les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en se contentant d'adopter les motifs des premiers juges sur le quantum des préjudices subis, sans répondre aux écritures de la SCI SMV et de Madame T... qui se prévalaient en cause d'appel de l'actualisation de leurs préjudices pour augmenter le quantum de leurs demandes indemnitaires, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile. Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme G... (demanderesse au pourvoi incident). PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté les demandes formées par Mme Q... G... au titre des travaux rendus nécessaires « après le nettoyage du chantier » ; AUX MOTIFS QUE « sur la demande formée par Mme G... au titre des travaux rendus nécessaires " après le nettoyage du chantier " : aux termes de l'article 564 du code de procédure civile : " À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ". / En application de ce texte, la demande formée pour la première fois devant la cour par Mme G... et dirigée contre les constructeurs et leurs assurances, pour un montant de 9 157, 70 euros, est irrecevable » (cf., arrêt attaqué, p. 8) ; ALORS QU'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en énonçant, dès lors, que la demande formée par Mme Q... G... au titre des travaux rendus nécessaires « après le nettoyage du chantier », pour un montant de 9 157, 70 euros, avait été formée pour la première fois devant elle et était, en conséquence, irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, sans examiner la recevabilité de cette demande au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 564 à 567 du code de procédure civile. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR limité la condamnation in solidum de la société La Selva, de la société Smabtp, de M. A... D..., de la société Bet Ingebat et de la société Axa France Iard au profit de Mme Q... G..., au titre des frais dont celle-ci a fait l'avance, à la somme de 12 752, 29 euros et D'AVOIR débouté Mme Q... G... de sa demande en remboursement des sommes avancées au titre des frais d'études et des travaux provisoires à l'encontre de la société Allianz ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef. / [ ] le jugement, qui se prononce par motifs pertinents que la cour adopte, sera confirmé en ce qu'il condamne in solidum la société La Selva, son assureur, la Smabtp, M. D..., le Bet Ingebat, son assureur, Axa France Iard, à rembourser à Mme G... la somme de 12 752, 29 euros dont elle a fait l'avance au titre du préfinancement de travaux provisoires. / [ ] Sur les demandes de dommages et intérêts formées par Mme G... contre la compagnie Allianz : le jugement déféré repose, en son point 12, sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte. La décision entreprise sera donc confirmé de ce chef » (cf., arrêt attaqué, p. 8 et 9 ; p. 10) ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « le trouble causé à la propriété [...] et à sa jouissance par la construction du mur litigieux constitue un dommage couvert par la garantie responsabilité civile de Allianz souscrite par Madame G..., son assurée. / [ ] Madame G... a fait l'avance de sommes au cours de l'expertise judiciaire, l'expert ayant souligné à cet égard qu'elle avait accepté le principe de préfinancement des travaux auxquels participait la Smabtp (page 39). / En pages 43 et 44 de son rapport, l'expert judiciaire précise que la Smabtp est disposée à préfinancer un tiers des dépenses à engager rapidement, consistant en des études et travaux provisoires, Madame G... finançant les deux tiers restants. L'ensemble est évalué à 19 128, 44 €, la Smabtp ayant réglé le tiers par un chèque de 6 376 €. / C'est donc une somme de 12 752, 29 euros qui est restée en principal à la charge de Madame G.... / Il n'est pas justifié par les pièces produites aux débats que cette dernière aurait avancé en fait la somme de 16 578, 77 euros. / Par conséquent, il convient, sur le fondement de la subrogation et du trouble anormal de voisinage, de condamner in solidum la société La Selva, son assureur Smabtp, Monsieur D..., le Bet Ingebart et son assureur Axa France Iard à rembourser Madame G... la somme de 12 752, 29 euros, montant dont elle a fait l'avance. / [ ] Il n'est [ ] pas démontré que le refus de garantie de la société Allianz serait manifestement abusif, les conditions du sinistre ayant pu amener légitimement l'assureur à s'interroger sur sa garantie. / Par conséquent, [la demande] [ ] en remboursement des sommes avancées seront rejetées » (cf., jugement entrepris, p. 16 ; p. 17 ; p. 21) ; ALORS QUE, de première part, en se bornant, pour limiter la condamnation in solidum de la société La Selva, de la société Smabtp, de M. A... D..., de la société Bet Ingebat et de la société Axa France Iard au profit de Mme Q... G..., au titre des frais dont celle-ci a fait l'avance, à la somme de 12 752, 29 euros, à adopter les motifs des premiers juges, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme Q... G..., si cette dernière n'avait pas continué, après le période prise en considération par les premiers juges, à faire l'avance de frais relatifs à des études et à des travaux provisoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ; ALORS QUE, de seconde part, en déboutant Mme Q... G... de sa demande en remboursement des sommes avancées au titre des frais d'études et des travaux provisoires à l'encontre de la société Allianz, quand elle relevait que le trouble causé à la propriété de la société civile immobilière Smv et à sa jouissance par la construction du mur litigieux constituait un dommage couvert par la garantie responsabilité civile de la société Allianz souscrite par Mme Q... G..., son assurée, et quand, en conséquence, les sommes avancées par Mme Q... G... au titre des frais d'études et des travaux provisoires, qui avaient pour objet de remédier au trouble causé à la propriété de la société civile immobilière Smv et à sa jouissance, constituaient également un dommage couvert par la garantie responsabilité civile de la société Allianz souscrite par Mme Q... G..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté les demandes de Mme Q... G... contre la société Sma ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la garantie des assureurs : le jugement déféré repose, là encore, sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef, à l'exception des demandes formées par les compagnies Axa et Smabtp au titre de leurs franchises contractuelles » (cf., arrêt attaqué, p. 8) ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « la société Sma soutient que le contrat délivré à Monsieur D... a été suspendu dans tous ses effets au 15 septembre 2014 et résilié à compter du 30 septembre 2014 pour non-paiement de cotisations. Elle estime qu'elle n'était pas l'assureur de l'intéressé à la date de la signature du contrat le liant à Madame G... le 10 octobre 2014 et à la date du sinistre le 10 février 2015. / Elle oppose donc une non-garantie dans la mesure où le fait dommageable du sinistre est postérieur à la date de résiliation, l'ensemble des missions confiées par contrat du 10 octobre 20145 ayant été réalisé postérieurement à la régularisation du contrat de maîtrise d'oeuvre et de l'émission de la première note d'honoraires. / Monsieur D... ne conteste pas la notification de la résiliation du contrat d'assurance au 30 septembre 2014 mais indique avoir payé sa cotisation en règlement du second trimestre 2014, le 5 février 2015, avant le sinistre du 10 février 2015. Il se prévaut des dispositions de l'article L. 124-5 du code des assurances repris dans son contrat d'assurance. Il se fonde également sur l'article L. 124-1-1 du code des assurances qui définit le fait dommageable comme celui qui constitue la cause génératrice du dommage, ainsi que sur la jurisprudence qui définit le fait dommageable comme l'erreur dans l'exécution d'une prestation qui entraîne un dommage causé à un tiers. / Il convient sur ce point de faire application de l'article L. 124-5 du code des assurances, auquel renvoie le contrat d'assurance souscrit par Monsieur D.... / En application de cet article, la garantie est selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation. / La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initial de la garantie et sa date de résiliation. / La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initial de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation. Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans. / En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats qu'effectivement, après suspension, le contrat a été résilié avec effet au 30 septembre 2014 (lettre de résiliation reçue le 3 octobre 2014). / Cependant, Monsieur D... avait adressé à Madame G... le 10 mars 2014 une première lettre pour lui proposer deux solutions techniques concernant les travaux litigieux. Puis le 14 mars 2014, il lui avait adressé un nouveau courrier faisant suite à un mail reçu de Madame G..., concernant l'estimation approximative de certains frais préalables à entreprendre. / Ces premiers courriers s'inscrivent en réalité dans un cadre pré-contractuel, Monsieur D... et Madame G... n'ayant aucun engagement l'un envers l'autre à ce stade. / Le 10 octobre 2014, Monsieur D... lui a adressé un nouveau courrier pour lui confirmer qu'il se chargeait de la maîtrise d'oeuvre concernant la réalisation d'un mur de soutènement dans sa propriété, en lui indiquant que le montant de ses honoraires serait fixé à 5 600 € hors taxes, payable à raison de 50 % à la signature de la lettre de commande et 50 % à la réception des ouvrages. / C'est ce courrier qui marque l'accord de volonté entre les parties et l'engagement de Monsieur D... à réaliser les missions suivantes énumérées dans ce même courrier : avant-projet, appel d'offre et passation des marchés, direction et comptabilité des travaux, réception des ouvrages. / C'est donc à partir du 10 octobre 2014 que Monsieur D... a entrepris de réaliser l'intégralité de ses missions. / Le fait dommageable qui se définit dans l'erreur dans l'exécution de la mission ne peut être par suite antérieur à octobre 2014. / En effet, rien ne permet d'établir que Monsieur D... aurait commis une erreur dans l'exécution de sa mission avant octobre 2014. Sur ce point, il n'est pas démontré que la première des missions lui incombant, c'est-à-dire l'avant-projet, ait été réalisée avant octobre 2014. Ainsi les plans d'avant-projet portent la date d'octobre 2014 comme cela figure sur le cartouche du plan. C'est seulement à cette date qu'il les a validés, peu important qu'un tiers les ait faits bien avant octobre 2014, aucune description sommaire des ouvrages envisagés avec estimation du coût et de la durée des travaux n'ayant été fournies avant octobre 2014. De plus, la lettre du 10 mars 2014 faisant état en quelques mots de deux solutions techniques possibles pour les travaux, ne peut être assimilée à un avant-projet, dans la mesure où un avant-projet suppose un descriptif sommaire des ouvrages envisagés avec estimation du coût et de la durée. / La seconde mission correspondant à l'appel d'offre et passation des marchés a été réalisée elle aussi en octobre 2014, le marché des travaux étant daté du 14 octobre 2014 (pièce annexe 1.2 a du rapport d'expertise). Au demeurant, aucune erreur n'est invoquée concernant cette seconde mission, de sorte que le fait dommageable est sans lien avec cette mission dont la date est donc indifférente. / S'agissant des autres missions, elles n'ont jamais été réalisées, le sinistre étant intervenu avant. / À la date de résiliation du contrat d'assurance, soit le 30 septembre 2014, Monsieur D... n'avait donc pas accompli la première mission de son contrat, savoir l'avant-projet et n'avait pas encore procédé à la seconde mission, savoir appel d'offre et passation des marchés. / Par conséquent, les fautes commises par Monsieur D... dans l'exécution de ses missions n'ont pu être commises qu'à partir d'octobre 2014, soit postérieurement à la résiliation de la police d'assurance. / Il en résulte que le fait dommageable du sinistre se trouve postérieur à la résiliation de la police d'assurance. / En conséquence, que la garantie soit déclenchée par le fait dommageable ou par la réclamation, elle n'est pas due. / La demande en garantie formée contre la compagnie Sma Sa prise en sa qualité d'assureur de Monsieur D... doit donc être rejetée » (cf., jugement entrepris, p. 13 à 15) ; ALORS QUE, de première part, la cassation de l'arrêt attaqué sur le second moyen de cassation soulevé par M. A... D... à l'appui de son pourvoi principal entraînera la cassation par voie de conséquence, en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué, par lequel la cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté les demandes de Mme Q... G... contre la société Sma ; ALORS QUE, de deuxième part, Mme Q... G... avait fait valoir, en s'appuyant sur les énonciations du rapport d'expertise judiciaire, que M. A... D... avait commencé à exécuter ses missions, et, en particulier, celle d'établir un avant-projet, avant le mois d'octobre 2014 ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, pourtant péremptoire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ALORS QUE, de troisième part et à titre subsidiaire, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ; que, pour juger que la garantie de la société Sma n'était pas due, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a retenu qu'il n'était pas démontré que la première des missions incombant à M. A...-Christophe D..., c'est-à-dire l'avant-projet, avait été réalisée avant le mois d'octobre 2014 ; qu'en exigeant ainsi que la mission eût été entièrement réalisée avant la date de résiliation de la police d'assurance, quand la seule survenance du fait dommageable avant cette date justifiait que la garantie soit due, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a violé, par fausse application, les dispositions des articles L. 124-5 et L. 124-1-1 du code des assurances.
L'intervenant volontaire dans une procédure à jour fixe n'a pas à solliciter au préalable une autorisation d'assignation à jour fixe
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CIV. 3 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 732 FS-P+B+I Pourvoi n° N 19-18.165 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 M. C... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-18.165 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [...] , société d'assurance mutuelle, 2°/ à Mme X... H..., 3°/ à M. N... H..., tous deux domiciliés [...] , 4°/ à la société Consultex, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 5°/ à la société Gestion ingénierie commercial - bâtiment travaux publics (GIC - BTP), société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] , 6°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [...] , 7°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , 8°/ à M. I... P..., domicilié [...] , 9°/ à la société [...], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , 10°/ à la société Laurent Mayon, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Construction aménagement modulaire (CAM), 11°/ à M. Q... V..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. T..., de la SCP Boulloche, avocat de Mutuelle des architectes français, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Boré Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Consultex et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. T... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Consultex et M. V.... Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2019), le 27 juillet 2011, M. et Mme H... ont, sous la maîtrise d'oeuvre de M. T..., architecte, assuré par la Mutuelle des architectes français (MAF), confié la rénovation et l'agrandissement de leur maison à la société CAM, depuis en liquidation judiciaire, assurée par la société AXA, les travaux de gros oeuvre ayant été sous-traités à la société [...]. 3. Des désordres étant apparus en cours de chantier, M. et Mme H... ont assigné M. T... et la MAF en indemnisation. Examen des moyens Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 5. M. T... fait grief à l'arrêt de rejeter son appel en garantie contre la MAF, alors « que l'omission ou la déclaration inexacte de l'assuré est sanctionnée par la réduction proportionnelle de l'indemnité et ne peut être analysée en une condition de la garantie dont la méconnaissance emporterait une absence de garantie ; qu'en l'espèce, l'exposant rappelait que le contrat imposait à l'architecte dont la responsabilité était assurée de déclarer à l'assureur les chantiers auxquels il prenait part et, en l'absence d'une telle déclaration, renvoyait à l'article L. 113-9 du code des assurances lequel prévoit de manière impérative, en ce cas, une réduction proportionnelle de la prime ; qu'en jugeant toutefois qu'il résultait du contrat d'assurance que « l'obligation de déclaration de chaque mission constitue bien une condition de la garantie et son omission une absence de garantie », la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 113-9 du code des assurances, pris ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 6. Lorsque, dans un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle d'un architecte ne relevant pas de l'assurance obligatoire, une clause fait de la déclaration de chaque chantier une condition de la garantie, cette clause doit recevoir application, de sorte que l'absence de déclaration d'un chantier entraîne une non-assurance. 7. Cette clause est, en outre, opposable à la victime, le droit de celle-ci contre l'assureur puisant sa source et trouvant sa mesure dans le contrat d'assurance. 8. Toutefois, dès lors qu'en présence d'une telle clause, l'architecte n'est assuré pour chaque chantier qu'après sa déclaration, commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile l'assureur qui délivre une attestation d'assurance avant que la déclaration de chantier qui conditionne la garantie n'ait été effectuée. 9. La cour d'appel a relevé que l'article 5.21 des conditions générales stipulait que l'adhérent devait fournir à l'assureur pour le 31 mars de chacune des années suivant celle de la souscription du contrat la déclaration de chaque mission et que cette déclaration constituait une condition de la garantie. 10. Elle a constaté que M. T... n'avait pas déclaré au plus tard le 31 mars 2013 la mission de maîtrise d'oeuvre que lui avaient confiée M. et Mme H... le 21 septembre 2012. 11. Elle a exactement déduit, de ces seuls motifs, que, l'omission de la déclaration entraînant une absence de garantie, l'appel en garantie formé par M. T... à l'encontre de la MAF devait être rejeté. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. T... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. T.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. T... à verser à M. et Mme H... la somme de 75 547,35 euros au titre des travaux réparatoires avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du présent arrêt dans les termes et conditions de l'article 1343-2 nouveau du code de procédure civile, D'AVOIR rejeté l'appel en garantie de M. C... T... à l'encontre de la MAF, D'AVOIR condamné M. C... T... à verser à M. Q... V... le somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, D'AVOIR dit n'y avoir lieu à d'autres applications de l'article 700 du code de procédure civile, D'AVOIR condamné M. C... T... aux dépens ; AUX MOTIFS QUE « Il faut rappeler que les travaux n'ont pas été réceptionnés et qu'aucune expertise judiciaire n'a été sollicitée. Les travaux ont commencé avec la société CAM comme entreprise principale et la société [...] son sous-traitant. Après la liquidation judiciaire de la société CAM, les travaux ont été poursuivis par la société [...] et après le renvoi de cette dernière par les maîtres d'ouvrages, ont été terminés par une société BARROSSO. Aucun constat ne permet de décrire le stade d'avancée des travaux après le départ de la société CAM puis plus tard après celui de la société [...]. En l'absence de réception, seule peut être recherchée la responsabilité contractuelle ou quasi délictuelle des intervenants à l'acte de construire. Sur les désordres : *leur réalité : Il ne peut être réellement contesté que les travaux entrepris dans l'immeuble H... présentaient pendant les travaux des société CAM puis [...] plusieurs désordres mis à part le problème relatif au permis de construire. Ainsi dans un courrier du 22 juillet 2013 adressé à la MAF (sa pièce n°4) M. T... indique : « le projet consiste en un réaménagement général avec un ravalement de la maison, la création d'une cave avec une reprise en sous-oeuvre, un agrandissement de la terrasse une redéfinition du jardin et une modification du portail... cependant mi-juin une fois l'étanchéité de la terrasse finie, j'ai constaté qu'il restait encore de l'eau à l'intérieur du sous-sol... L'objet du sinistre est donc ainsi résumé : l'étanchéité de bâtiment non réalisée et la pénétration d'eau, des dégâts sur l'existant et sur les avoisinants par apparitions de fissures et j'ajouterai la validation de la réalisation de la poutre courbe ». Il ne peut donc être soutenu ainsi que le fait M. T... qu'il n'a pas lui-même constaté de désordres dont il conteste aujourd'hui l'existence même (page 5 de ses conclusions). A la suite de cette déclaration de sinistre, la MAF, compagnie d'assurance de M. T... a confié une expertise à la société CONSULTEX qui a établi plusieurs rapports après visite des lieux en présence de M. T... ( pièces T... n° 27,28) : ont été ainsi examinés trois désordres soit l'absence de permis de construire, les diverses fissures aux existants (et même ont été évoquées des fissures chez le voisin qui n'ont pu être examinées) et enfin des infiltrations dans le nouveau sous-sol. Enfin dans un procès-verbal de constat d'huissier en date du 16 avril 2013 ( pièce T... n°29) est signalée la présence de fissures, pages 9 à 20, dans de nombreuses pièces ainsi qu'au sous-sol. Il est donc constant que les désordres sont de deux sortes : infiltrations et les fissures. *leur origine : M. T... soutient, page 6 de ses conclusions, que le lien de causalité entre les travaux de 2012 et les désordres ne peut être établi à partir d'un rapprochement entre un diagnostic technique établi en 2010 et un constat d'huissier de 2012. Il estime que c'est au moyen d'une « acrobatie intellectuelle magistrale » que le tribunal est passé des fissures consécutives aux travaux à une mauvaise exécution des travaux sans aucun élément probant. Dans un rapport d'étude géotechnique (pièce GIC BTP n° 7) mission G12, la société AIS rappelle le contexte argileux de compacité médiocre sur 2m de profondeur, puis jusqu'à 7,50m de compacités moyennes à bonnes, la présence d ‘un puits à l'intérieur au sous-sol de la maison (pages 7 et 14). Il fait, page 15 et suivantes, de nombreuses recommandations en matière de fondations, attirant l'attention sur le risque de tassements différentiels, sur les précautions à prendre vis à vis de l'eau avec un système de drainage, la vérification des fonds de fouilles, les risques en cas de reprise en sous-oeuvre partielle, la présence de murs mitoyens nécessitant une étude spécifique en sous-oeuvre pour le mur. Il souligne les aléas suivants : -variation d'épaisseur des remblais et sols remaniés, - profondeurs et caractéristiques précises des fondations des bâtiments existants, -présence de réseaux sur le terrain, -niveau effectif de la nappe en phase travaux, -caractéristiques des sols en profondeur nécessaires pour la justification de pieux ou micropieux. Il préconise des études complémentaires telles que les missions G2, G3 et G4. Dans un « diagnostic » de novembre 2010, la société GIC BTP indique « qu'au vu des fissures constatées, des sondages de sol ont été réalisés qui ont confirmé les problèmes liés aux mouvements de terrain dus aux phénomènes de retrait-gonflement des argiles ». Dans un courrier du 12 juillet 2017 adressé à l'entreprise générale CAM et à sa sous- traitante S..., M. T... (sa pièce n°2) écrit : « je constate qu'il existe encore des infiltrations ou pénétrations d'eau dans le bâtiment et donc : -soit le drain sous la dalle de construction a été mal réalisé, -soit l' étanchéité extérieure et les drains installés par vos soins vers le jardin ne sont pas efficaces ou alors mal exécutés. Nous attendons... compte tenu de l'importance du problème l'ouverture d'un dossier de sinistre auprès de vos assurances ». Dans son courrier du 22 juillet 2013 adressé à la MAF précité, il reprend ces mêmes explications pour les infiltrations et précise, en page 2, qu'il existe des erreurs de mise en oeuvre « oubli d'une poutre courbe, chute d'un mur en parpaing par poussée du béton en remplissage de cavité, fissuration dans la maison existante.... ». Dans ses deux rapport précités établis après visite des lieux avec M. T..., la société CONSULTEX constate : -dans son premier rapport (octobre 2013) établi juste après le départ de la société [...] : sur des embellissements récents et de très bonne facture, des fissures et même en cave une lézarde. Elle souligne que les murs de la maison ne reposent pas sur une fondation et que donc les travaux de création d'une extension en sous-sol à l'extérieur de l'emprise du bâtiment imposaient d'importants travaux de reprise en sous-oeuvre de l'existant alors que ces reprises en sous-sol ont été réalisées de façon hétérogène et dans le plus complet mépris des règles de l'art. Elle explique que si le projet d'origine prévoyait la réalisation en sous-oeuvre d'une superficie de 47m2 à l'aplomb de la partie de la maison, ce projet a été abandonné au profit d'une extension enterrée d'environ 136m2, cette extension étant envahie de venues d'eau importantes dans une partie destinée à l'habitation (salon, salles de sport, salles de bains, sanitaire, garage à vélo). Aucun suintement n'étant admis dans des locaux habitables, « il aurait été nécessaire de réaliser les murs périphériques en béton armé et de prévoir un dispositif d'étanchéité conforme au DTU complété d'un drainage vertical et horizontal »... « cependant les murs enterrés ont simplement été réalisés en maçonnerie de blocs agglomérés », -dans son deuxième rapport (février 2014), elle confirme son premier rapport pour les infiltrations, soulignant que malgré ses recommandations, les époux H... ont passé commande de travaux pour lesquels elle avait indiqué qu'elle les estimait inadaptés et qui étaient désormais achevés. S'agissant plus particulièrement des fissures, elle indique que les reprises en sous-oeuvre ayant été réalisées de façon hétérogène et dans le plus complet mépris des règles de l'art, le plan d'assise de la maison a été fragilisé, entraînant la création de fissures liées à l'affaissement du mur de façade, le mur pignon de la maison étant situé contre un des murs de l'extension enterrée du projet, et s'agissant d'un mur dépourvu de fondations, qu'il n'est pas étonnant qu'il ait subi des dommages. Dans une note technique du 19 août 2013, la société GIC BTP expose que lors de sa visite des lieux elle a pu constater que la réalisation des travaux de l'entreprise [...] n'était pas conforme à ses demandes et en contradiction avec ses propres dires : reprise en sous- oeuvre sans blocage = fissures, décompression des remblais sous dallage sans blocage à l'avancement = écroulement, d'un mur et fissures, drainage et étanchéité non conformes aux prescriptions = problème d'eau au sous-sol etc.... Il en résulte que les désordres sont liés à des problèmes de conception et à des problèmes d'exécution, les travaux n'ayant pas été réalisés dans les règles de l'art. Sur les responsabilités : *M. T... : Il était chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre (pièce T... n°1) allant de l'avant3 projet jusqu'à la réception de l'ouvrage. Il était donc chargé de la conception du projet, étant observé que ce dernier a évolué et qu'il résulte de nombreuses pièces versés aux débats que le projet finalement retenu ne bénéficiait pas d'un permis de construire. M. T... indique ainsi, page 4 de ses conclusions : « dès cette première réunion l'expert de la MAF soulignait une difficulté insurmontable : le projet des époux H... d'utilisation des surfaces créées sous la terrasse à des fins d'habitation. En conséquences, s'il cherchait des solutions techniques pour poursuivre les travaux, il envisageait également une mise en conformité stricte avec les règles d'urbanisme : par ailleurs la démolition complète de l'ouvrage est également une option à étudier. Il semble que cette perspective ait échaudé les époux H... qui ont préféré poursuivre leur projet de leur côté avec leurs propres entrepreneurs plutôt que de prendre le risque que l'option de la démolition complète soit retenue à l'issue de l'expertise amiable ». Outre que les commentaires de M. T... sont sur ce point quelque peu étonnants puisqu'il savait pertinemment que le dernier projet retenu par les époux H... était incompatible avec les règles d'urbanisme évoquant lui-même pour régulariser la situation administrative de « peut être commencer à faire jouer nos contacts » dans un courrier à Mme H... du 25 novembre 2011 (sa pièce n°14B), la violation des règles d'urbanisme ne saurait, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, constituer une cause exonératoire de la responsabilité contractuelle de l'architecte résultant du contrat conclu avec les maîtres de l'ouvrage. Si l'architecte est tenu à une obligation de moyen et non pas de résultat, outre la conception, dans le cadre de la maîtrise d'oeuvre d'exécution, il a la direction des travaux avec notamment l'obligation de tenir une réunion de chantier une fois par semaine avec diffusion de compte rendus (PHASE III page 2 du contrat). Or en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats dont certaines ont été rappelées et analysées plus avant que le projet de M. T... (mission de conception), certes remanié à plusieurs reprises par les exigences des époux H... mais qu'il reprenait à son compte, ne tenait pas compte des préconisations de l'étude géotechnique et n'était pas adapté à la configuration des lieux (extension à côté d'une construction sans fondation, mur mitoyen), à la nature des sols (compacité médiocre puis moyenne des argiles composant le sous-sol), ; il en était de même de ses préconisations relatives à l'étanchéité des murs de l'extension en sous-sol. Quant à la mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution, il suffit de se reporter au procès-verbal de constat d'huissier du 16 avril 2013 et à la note technique de GIC BTP, les deux accompagnés de photographies, pour vérifier que dans le cadre de sa mission de direction du chantier, M. T... pouvait facilement s'apercevoir que ses propres plans n'étaient pas respectés de même que les prescriptions du GIC BTP, que les murs enterrés ont simplement été réalisés en maçonnerie de blocs agglomérés, tout au plus revêtus d'une imperméabilisation extérieure et ceinturés d'un drain en pied de mur. M. T... a donc bien failli à sa mission tant au niveau de la conception du projet que dans le suivi de l'exécution de sorte qu'il a bien engagé sa responsabilité contractuelle. Il est à ce stade indifférent que la construction ait été édifiée sans permis de construire et ce, avec l'accord des époux H... ; cette circonstance n'est pas de nature à mettre à la charge des époux H..., qui ne sont pas des professionnels de la construction, une part de responsabilité dans la réparation des désordres qui relèvent de la seule compétence et sphère d'intervention de M. T..., maître d'oeuvre. *La SARL GIC BTP : Les époux H... font valoir que cette société a réalisé des études d'exécution des plans, des notes de calcul, des prescriptions erronées, qu'elle n'a pas attiré l'attention de l'architecte et de l'entreprise sur le fait que des erreurs graves étaient en train de se produire et qu'elle a formulé de mauvaises préconisations. La société GIC BTP réplique que l'expertise CONSULTEX ne lui est pas opposable puisqu'elle n'y a été ni convoquée ni dès lors entendue, qu'il en est de même du procès- verbal de constat d'huissier qui n'est pas contradictoire. Elle rappelle que sa mission ne comporte aucune mission portant sur l'étanchéité, qu'elle avait cependant préconisé des mesures pour éviter des infiltrations, mesures qui n'ont pas été réalisées, qu'à aucun moment ses plans d'exécution de gros oeuvre ne sont en cause. C'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont écarté la responsabilité de la société GIC BTP après avoir souligné que les rapports de l'expert de la MAF ne lui étaient pas opposables et qu'aucune pièce ne permettait de retenir la moindre faute à l'égard de cette société, étant observé que dans sa note du 19 août 2013 précédemment évoquée la société GIC BTP attire l'attention de M. T... et de la MAF en réponse au premier rapport de cette dernière qui lui a été communiqué, sur les manquements de la société [...] qui n'ont pu échapper également à l'architecte et que, page 15 de ses conclusions M. T... rappelle les remarques et les reproches que le GIC BTP n'a eu de cesse de faire à cette société sur notamment la mise en oeuvre des passes alternées, ce qui apparaît, dit-il, dans les comptes-rendus de chantier (sa pièce n° 21). Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société GIC BTP et rejeté également la demande à l'encontre de la SMABTP son assureur, étant observé que cette assurance n'avait vocation à couvrir de toute façon que la responsabilité décennale de la société. *la société CAM et la société [...] : Les époux H... recherchent la responsabilité de la société [...] et M. T... forme, en cas de condamnation, un appel en garantie à l'encontre de la société CAM et de son assureur la société AXA. Ils soutiennent que les travaux n'ont pas été réalisés conformément aux règles de l'art notamment la société CAM aurait raté la mise en place du drain, violé les règles de l'art lors du coulage de la dalle sans étayer les murs, mal réaliséì les coffrets ou poutres courbes dans sa phase de coulage du plancher, et la société [...] pour ne pas avoir respecté les règles de démolition et de décompression des sols, ne pas avoir réalisé les drains prévus et avoir procédé à la pose du plancher sans respect des plans d'architecte. Il faut rappeler que l'entreprise CAM était l'entreprise générale et la société [...] son sous-traitant pour le gros-oeuvre, qu'après la liquidation judiciaire de la société CAM, les époux H... ont contracté directement avec la société [...] avant de mettre fin aux relations contractuelles et de confier la fin des travaux à une entreprise BARROSO. La société AXA assureur de la société CAM expose qu'elle n'a vocation à couvrir que la responsabilité décennale de l'entreprise, outre un volet « accident sur le chantier » qui ne peut s'appliquer en l'espèce. Il n'y a jamais eu de procès-verbal de constat de l'avancement des travaux d'une part à la fin de la sous-traitance de la société [...] et d'autre part après son départ du chantier de sorte qu'il est difficile de faire l'état des travaux réalisés par la société CAM en tant qu' entreprise générale. De plus, ainsi qu'il a d'ores et déjà été relevé pour la société GIC BTP, les rapports de l'expert de la MAF ne sont pas opposables aux sociétés CAM et [...], aucune autre pièce ne permet de retenir la moindre faute à l'égard de ces deux sociétés, le constat d'huissier du 16 avril 2013 n'a pas non plus été dressé contradictoirement. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a écarté les responsabilités des sociétés CAM et [...] et par là même la demande formée à l'encontre de la société AXA assureur de la société CAM, étant observé que cette assurance n'avait vocation à couvrir de toute façon que la responsabilité décennale de la société et que la société CAM fait l'objet d'une procédure collective de liquidation judiciaire. Sur les préjudices : Les époux H... sollicitent les sommes de 144.154 euros au titre des travaux réparatoires et celle de 4031,39 euros au titre des travaux réparatoires chez le voisin (fissures). *les préjudices des époux H...: En l'absence d'une expertise judiciaire contradictoire répertoriant les désordres constatés et au vu des seules pièces versées aux débats, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté les postes suivants nullement justifiés : marquise en fer forgé « endommagée » (7980 euros) terrasse, menuiseries des portes d'entrée et portes-fenêtres (9203,20euros), baie vitrée de la cour anglaise (2748,61 euros) et radiateur de cuisine (2270 euros), volets roulants (5485 euros), bâtiment annexe (seulement à hauteur de 18280,95 euros sur la facture totale de 22700 euros), remise aux normes du gaz (3980,24 euros), coordinateur, les travaux de reprise ayant été effectués d'ores et déjà par la société BARROSO ( 11960 euros). Le tribunal a fait droit aux postes suivants à nouveau sollicités par les époux H... : -facture de la SARL TEMO du 8 juin 2013 pour 16675,45 euros : il s'agit de l'étanchéité de la toiture accessible jardin avec écran pare vapeur sur maçonnerie avant mise en place de l'étanchéité. Il n'est nullement démonté que cette facture corresponde aux travaux de reprise de malfaçons, compte tenu du libellé des travaux réalisés, étant observé que « la facture » est en date du 8 juin 2013, ce qui tend à démontrer que ces travaux sont terminés alors que le premier rapport Consultex en date du 4 octobre 2013 précise, en page 3, que « de ce fait (le maître de l'ouvrage a demandé à S... de quitter le chantier) les travaux commencés en octobre 2012 sont actuellement stoppés » et que dans le deuxième rapport en date du 20 février 2014, il est mentionné que depuis les travaux ont été terminés et repris par une société BARROSO. Cette facture dont il n'est pas démontré qu'elle soit en relation avec les fautes contractuelles de M. T... sera donc encartée et le jugement infirmé de ce chef. -le devis de la société OF BATIMENT s'élève à la somme de 57.266,40 euros : il tend à la pose d'une rigole sur les murs extérieurs, à la pose d'un drain et d'un coffrage et à des reprises de maçonnerie. La société CONSULTEX avait été très circonspecte sur les travaux de reprise ; préconisant une démolition de l'ouvrage soit un coût total de 160000 euros (démolition outre le coût des travaux d'ores et déjà exécutés en pure perte) page 5 du deuxième rapport, elle avait examiné les deux devis présentés par les époux H... relatifs aux travaux de reprise ( 40.645,02euros + 7870euros HT) page 7, correspondant à une solution « inefficace » selon cette société. Les époux H... ayant néanmoins choisi de reprendre et finir de cette façon les travaux, il y a lieu de faire droit à leur demande à hauteur de la somme de 57.266,40 euros qui correspond aux travaux de reprise des désordres liés à l'étanchéité de l'extension en sous-sol avec des erreurs de conception de M. T... ainsi qu'une mauvaise surveillance des travaux des entreprises. -le devis de la société OF BATIMENT du 28 novembre 2013 : il concerne la reprise des fissures à hauteur de 18 280,95 euros TTC comme l'a relevé le tribunal, le solde ayant été écarté. Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point, les fissures étant directement liées aux erreurs de conception de M. T... quant aux reprises en sous oeuvre. *les préjudices chez le voisin : Les époux H... soutiennent avoir versé la somme de 4031,39euros en réparation des fissures apparues dans la maison mitoyenne. Si M. T... évoque, en page 3 de son courrier à la MAF du 23 juillet 2013 « des dégâts sur les avoisinants par apparition de fissures », force est de constater que celles-ci n'ont jamais été contradictoirement constatées dans leur gravité et leur importance puisque dans son rapport du 20 février 2014, la société Consultex précise pour ces dommages : « Nota : nous rappelons que ces dommages n'ont pas encore été constatés par nos soins mais sont néanmoins vraisemblables ». Enfin, les époux H... ne justifient nullement avoir réglé cette somme, versant aux débats uniquement (leur pièce n°14) une mise en demeure du 5 juin 2014 émanant de la MACSF, assurance protection juridique du voisin, d'avoir à lui régler ladite somme. Cette demande doit donc être rejetée et le jugement infirmé de ce chef. *le préjudice moral : Les époux H... qui ont obtenu des premiers juges la somme de 1500 euros sollicitent de voir porter ce poste à la somme de 15000 euros. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a alloué de ce chef la somme de 1500 euros pour la période allant de début 2013 à novembre 2013 date à laquelle la société CONSULTEX a précisé que les travaux de réfection avaient été entrepris. La somme due aux époux H... est donc de 57.266,40 euros TTC + 18.280,95 euros TTC = 75.547,35 euros outre 1500 euros au titre du préjudice moral. Sur la garantie de la MAF : Les époux H... font valoir, page 21 et suivantes de leurs conclusions, que la MAF a engagé sa responsabilité ayant commis une faute dans la gestion de leur dossier ; ils font valoir que « l'assureur n'est sans doute pas obligé, ni légalement ni contractuellement de prévenir la victime de son assuré (de sa non garantie) mais il porte néanmoins malgré tout aujourd'hui la responsabilité de l'enlisement et du dérapage de ce dossier », que s'ils avaient reçu un refus d'expertise, suite logique de la position de non garantie, ils auraient choisi un autre mode de gestion de leur dossier par la désignation d'un expert judiciaire alors que la désignation de la société CONSULTEX leur a fait perdre un an en les entretenant dans l'illusion d'une garantie. Lassés de vivre sur un chantier, ils ont fait exécuter les travaux de reprise sans attendre de préfinancement et désormais plus aucune constatation n'est possible. Ils estiment que les dispositions de l'article L 113-17 du code des assurances ont vocation à s'appliquer en l'espèce, que la MAF a renoncé de façon implicite à la clause de non garantie. La MAF reprend ses explications de première instance soutenant que l'article L 113-7 du code des assurance (direction du procès par l'assuré) n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, et qu'elle ne garantit pas ce sinistre au motif de la non déclaration de ce chantier par son assuré qui conduit à une absence de garantie. Sur l'argumentation des époux H... relative à la faute, page 19 et suivantes de ses conclusions, elle fait valoir que ces derniers étaient parfaitement au courant dès le début de ce qu'elle n'avait pas statué définitivement sur sa garantie, qu'ils ont néanmoins commandé les travaux, que M. T... a commis une faute dolosive. M. T... fait valoir, page 18 et suivantes de ses conclusions, que la faute dolosive en lien avec les désordres est indifférente, les irrégularités administratives n'ayant aucune incidence sur les fissures et infiltrations, qu'il n'a pas déclaré ce contrat en raison d'une clause ambiguë . de celui-ci (article 5.22) qui ne peut à la fois ériger l'obligation de déclaration en condition de garantie tout en la sanctionnant par l'article L 113-9 du code des assurances relatif à réduction proportionnelle. Il ne conclut pas sur la faute de l'assureur dans la gestion du dossier et du sinistre. Selon l'article L 113-17 du code des assurances, l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès. Or, les premiers juges ont pertinemment relevé: -que le différend opposant les époux H... à M. T... en 2013 et portant sur la qualité des travaux ne pouvait être considéré comme un « procès », -que l'assureur a désigné un expert amiable dès juillet 2013, indiquant que son intervention ne pouvait être considérée comme une reconnaissance de garantie. Dès lors les dispositions de ce texte n'ont pas vocation à s'appliquer étant surabondamment observé que malgré les réserves du Cabinet CONSULTEX, les époux H... ont fait effectuer les travaux de reprise par la société BARROSO de sorte qu'il est permis de s'interroger sur leur intention de faire designer un expert judiciaire pour une construction édifiée sans permis de construire. S'agissant de la clause de non garantie, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que les premiers juges ont considéré, que la clause de non garantie, opposable au tiers en application de l'article L 112-6 du code des assurances, avait vocation à s'appliquer en l'espèce. Il suffit de rappeler : -que M. T... n'a pas déclaré au plus tard le 31 mars 2013 la mission de maîtrise d'oeuvre confiée par les époux H... alors que les ordres de services ont été signés le 21 septembre 2012, -qu'aux termes des articles 5.21, 8, 8.115 des conditions générales et de la circulaire annuelle d'appel de cotisation établie pour l'année 2012 , l'adhérent doit pour le 31 mars de chacune des années qui suivent, fournir à l'assureur « la déclaration de chacune des missions constituant son activité professionnelle garantie de l'année précédente », avec indication d'une estimation du montant des travaux, ce qui permet à l'assureur d'apprécier le risque et constitue une condition de la garantie pour chaque mission (article 5.21.alinéa 3), -que l'article 5.22 précisé qu'en cas d'absence de déclaration, la réduction proportionnelle équivaut à une absence de garantie. Conformément aux dispositions de l'article 5.21 précité, l'obligation de déclaration de chaque mission constitue bien une condition de garantie et son omission une absence de garantie. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. et Mme H... à l'encontre de la MAF et il en sera de même de l'appel en garantie de M. T... à l'encontre de la MAF. Sur les demandes reconventionnelles : *M. T... : Il sollicite la confirmation du jugement qui a condamné les époux H... à lui régler un solde d'honoraires de 31680 euros pour ses notes de novembre et décembre 2014. Les époux H..., page 20 de leurs conclusions, s'opposent à cette demande, faisant valoir que le travail de M. T... comprenait la direction et la coordination des entreprises ce qui n'a pas été fait, de même que la réception des travaux qui n'est jamais intervenue, qu'il faut tenir compte de l'incompétence de M. T..., que les factures datent de plus d'un an après la déclaration de sinistre et qu'elles ne sont pas justifiées. Il faut rappeler que M. T... était chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre allant de l'avant-projet à la réception des travaux, le montant des honoraires étant fixé à 12 % HT du montant des travaux HT selon les phases suivantes : Phase I = 35 %, Phase II = 25%, Phase III = 40%) La recherche de la responsabilité contractuelle de M. T... comme le font les époux H... a pour corollaire le paiement de ses honoraires pour les prestations effectuées, indépendamment des fautes contractuelles qui ont été précédemment examinées et qui donnent lieu à réparation. Il résulte des courriers de M. T... des novembre et 12 décembre 2014 (ses pièces n° 19 et 20) que le marché des travaux s'est élevé à 407.562,98 euros soit des honoraires de 48.907 euros HT. Ces chiffres ne sont pas remis en cause par les époux H... et seront donc retenus. M. T... indique qu'il a d'ores et déjà perçu la somme de 22.000 euros HT. Il réclame la somme de 9680 euros HT dans le courrier du 12 novembre et celle de 17.227 euros HT soit un total HT de 26.907 euros HT soit 32180 euros TTC. Ce montant de 26907 euros outre les 22000 euros HT déjà perçu conduit à un total d'honoraires de 48907 eus HT de sorte que M. T... réclame l'intégralité de ses honoraires relatifs à ce chantier. Or, ainsi qu'il a été précédemment exposé, les travaux n'ont pas été terminés et la réception n'a pas été prononcée. M. T... ne peut donc réclamer la totalité de ses honoraires. La Phase III, 40 % des honoraires soit 19.562,80 euros HT, s'étend de la signature des marchés à la réception avec la direction des travaux et la comptabilité des travaux. Compte tenu de l'avancée des travaux et de l'absence de réception, l'exécution de cette phase peut être ramenée à la somme de 10000 euros soit une moins-value sur les honoraires de 9562,80 euros. Le solde dû par les époux H... est donc de 48.907 – 9562,80 = 39.344,20 euros HT sur lesquels ont déjà été réglés 22000 euros HT . Il reste donc dû la somme HT de 39.344,20 – 22.000 = 17.344,20 euros HT soit TTC 20.743,66 euros à laquelle les époux H... doivent être condamnés, le jugement étant réformé de ce chef. *la SARL GIC BTP : Elle sollicite la confirmation du jugement qui a condamné les époux H... à lui verser le solde de ses honoraires soit la somme de 5812,56 euros. Les époux H... n'ont pas conclu de ce chef et ne sollicitent pas dans le dispositif de leurs conclusions l'infirmation du jugement sur ce point. Il y a donc lieu de confirmer le jugement de ce chef. Sur les autres demandes : L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les termes du présent dispositif » ; ALORS QUE le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées par les parties ; qu'en l'espèce, à hauteur d'appel, l'exposant avait déposé des « conclusions n° 1 » du 26 juin 2017 (prod. 2) puis, en réponse aux conclusions adverses, des « conclusions n° 2 » du décembre 2018 (prod. 3) comprenant des développements nouveaux et une pièce nouvelle visée dans le bordereau produit en annexe ; qu'en statuant au visa des conclusions de l'exposant du « 26 juin 2017 » la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs desquels il ne résulte pas qu'elle ait pris en considération les dernières conclusions de l'exposant et la nouvelle pièce produite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en tant qu'il a écarté les responsabilités des sociétés CAM et [...] et la demande à l'égard de la société AXA et D'AVOIR, en conséquence, rejeté les demandes en garantie formées par M. T... à l'encontre de la société CAM et de son assureur, la société AXA, ainsi que de la société [...] ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur les responsabilités : *M. T... : Il était chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre (pièce T... n° 1) allant de l'avant-projet jusqu'à la réception de l'ouvrage. Il était donc chargé de la conception du projet, étant observé que ce dernier a évolué et qu'il résulte de nombreuses pièces versés aux débats que le projet finalement retenu ne bénéficiait pas d'un permis de construire. M. T... indique ainsi, page 4 de ses conclusions : « dès cette première réunion l'expert de la MAF soulignait une difficulté insurmontable : le projet des époux H... d'utilisation des surfaces créées sous la terrasse à des fins d'habitation. En conséquences, s'il cherchait des solutions techniques pour poursuivre les travaux, il envisageait également une mise en conformité stricte avec les règles d'urbanisme : par ailleurs la démolition complète de l'ouvrage est également une option à étudier. Il semble que cette perspective ait échaudé les époux H... qui ont préféré poursuivre leur projet de leur côté avec leurs propres entrepreneurs plutôt que de prendre le risque que l'option de la démolition complète soit retenue à l'issue de l'expertise amiable ». Outre que les commentaires de M. T... sont sur ce point quelque peu étonnants puisqu'il savait pertinemment que le dernier projet retenu par les époux H... était incompatible avec les règles d'urbanisme évoquant lui-même pour régulariser la situation administrative de « peut être commencer à faire jouer nos contacts » dans un courrier à Mme H... du 25 novembre 2011 (sa pièce n°14B), la violation des règles d'urbanisme ne saurait, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, constituer une cause exonératoire de la responsabilité contractuelle de l'architecte résultant du contrat conclu avec les maîtres de l'ouvrage. Si l'architecte est tenu à une obligation de moyen et non pas de résultat, outre la conception, dans le cadre de la maîtrise d'oeuvre d'exécution, il a la direction des travaux avec notamment l'obligation de tenir une réunion de chantier une fois par semaine avec diffusion de compte rendus (PHASE III page 2 du contrat). Or en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats dont certaines ont été rappelées et analysées plus avant que le projet de M. T... (mission de conception), certes remanié à plusieurs reprises par les exigences des époux H... mais qu'il reprenait à son compte, ne tenait pas compte des préconisations de l'étude géotechnique et n'était pas adapté à la configuration des lieux (extension à côté d'une construction sans fondation, mur mitoyen), à la nature des sols (compacité médiocre puis moyenne des argiles composant le sous-sol), ; il en était de même de ses préconisations relatives à l'étanchéité des murs de l'extension en sous-sol. Quant à la mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution, il suffit de se reporter au procès-verbal de constat d'huissier du 16 avril 2013 et à la note technique de GIC BTP, les deux accompagnés de photographies, pour vérifier que dans le cadre de sa mission de direction du chantier, M. T... pouvait facilement s'apercevoir que ses propres plans n'étaient pas respectés de même que les prescriptions du GIC BTP, que les murs enterrés ont simplement été réalisés en maçonnerie de blocs agglomérés, tout au plus revêtus d'une imperméabilisation extérieure et ceinturés d'un drain en pied de mur. M. T... a donc bien failli à sa mission tant au niveau de la conception du projet que dans le suivi de l'exécution de sorte qu'il a bien engagé sa responsabilité contractuelle. Il est à ce stade indifférent que la construction ait été édifiée sans permis de construire et ce, avec l'accord des époux H... ; cette circonstance n'est pas de nature à mettre à la charge des époux H..., qui ne sont pas des professionnels de la construction, une part de responsabilité dans la réparation des désordres qui relèvent de la seule compétence et sphère d'intervention de M. T..., maître d'oeuvre ( ). Les époux H... recherchent la responsabilité de la société [...] et M. T... forme, en cas de condamnation, un appel en garantie à l'encontre de la société CAM et de son assureur la société AXA. Ils soutiennent que les travaux n'ont pas été réalisés conformément aux règles de l'art notamment la société CAM aurait raté la mise en place du drain, violé les règles de l'art lors du coulage de la dalle sans étayer les murs, mal réalisé les coffrets ou poutres courbes dans sa phase de coulage du plancher, et la société [...] pour ne pas avoir respecté les règles de démolition et de décompression des sols, ne pas avoir réalisé les drains prévus et avoir procédé à la pose du plancher sans respect des plans d'architecte. Il faut rappeler que l'entreprise CAM était l'entreprise générale et la société [...] son sous-traitant pour le gros-oeuvre, qu'après la liquidation judiciaire de la société CAM, les époux H... ont contracté directement avec la société [...] avant de mettre fin aux relations contractuelles et de confier la fin des travaux à une entreprise BARROSO. La société AXA assureur de la société CAM expose qu'elle n'a vocation à couvrir que la responsabilité décennale de l'entreprise, outre un volet « accident sur le chantier » qui ne peut s'appliquer en l'espèce. Il n'y a jamais eu de procès-verbal de constat de l'avancement des travaux d'une part à la fin de la sous-traitance de la société [...] et d'autre part après son départ du chantier de sorte qu'il est difficile de faire l'état des travaux réalisés par la société CAM en tant qu'entreprise générale. De plus, ainsi qu'il a d'ores et déjà été relevé pour la société GIC BTP, les rapports de l'expert de la MAF ne sont pas opposables aux sociétés CAM et [...], aucune autre pièce ne permet de retenir la moindre faute à l'égard de ces deux sociétés, le constat d'huissier du 16 avril 2013 n'a pas non plus été dressé contradictoirement. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a écarté les responsabilités des sociétés CAM et [...] et par là même la demande formée à l'encontre de la société AXA assureur de la société CAM, étant observé que cette assurance n'avait vocation à couvrir de toute façon que la responsabilité décennale de la société et que la société CAM fait l'objet d'une procédure collective de liquidation judiciaire » ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « En vertu de l'article 1315 alinéa 1 ancien du code civil celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Si le juge peut se fonder sur un rapport d'expertise officieux encore faut-il que celui-ci ait été établi contradictoirement, les parties ayant été convoquées aux réunions d'expertise et ayant pu faire valoir leurs observations. Ici tel n'est pas le cas des rapports d'expertise amiable établis par la S.A.R.L. CONSULTEX le 4 octobre 2013 et le 20 février 2014, la S.A.R.L.U. G.I.C. - B.T.P. et la S.M.A.B.T.P. n'ayant pas été conviées à participer aux opérations d'expertise. Dès lors et en l'absence d'autres pièces suffisamment probantes (le procès-verbal de constat dressé le 16 avril 2013 a été dressé unilatéralement) les demandes présentées par Monsieur et Madame H... à l'encontre de la S.A.R.L.U. G.I.C. - B.T.P. et de la S.M.A.B.T.P. seront rejetées » ; 1°/ ALORS QUE si le juge ne peut se fonder exclusivement sur un rapport d'expertise non contradictoire réalisé à la demande de l'une des parties, il doit en revanche examiner ce rapport lorsqu'il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en l'espèce, afin d'établir les malfaçons des travaux réalisés par les sociétés CAM - assurée auprès d'AXA - et de la société [...], l'architecte se prévalait, d'une part, des rapports d'expertise réalisés par la société Consultex à la demande de son assureur (prod. 13-14), la MAF, ainsi que d'un constat d'huissier du 16 avril 2013 diligenté à l'initiative des époux H... (prod. 15) ; qu'en retenant que l'architecte ne pouvait opposer aux différents entrepreneurs intervenus sur le chantier des rapports d'expertise non contradictoires réalisés, non à sa demande, mais à celle de son assureur, quand ces rapports étaient corroborés par un constat d'huissier réalisé sur l'initiative des maîtres de l'ouvrage constatant les malfaçons, la cour d'appel a violé les articles 9 et 16 du code de procédure civile ; 2°/ ALORS QU'un constat d'huissier, même non contradictoirement dressé, vaut à titre de preuve dès lors que, régulièrement communiqué, il est soumis à la libre discussion des parties et que l'huissier relate dans ce procès-verbal des constatations personnelles ; qu'en l'espèce, le constat d'huissier du 16 octobre 2013 réalisé à la demande des époux H... (prod. 13) faisait état de constatations personnelles de l'huissier portant sur les malfaçons intervenues sur le chantier réalisé par les entreprises CAM et [...], les juges du fond relevant eux-mêmes qu'il résultait des photos qui s'y trouvaient annexées que « les murs enterrés ont été simplement réalisés en maçonnerie de blocs agglomérés, tout au plus revêtus d'une imperméabilisation extérieure et ceinturés d'un drain en pied de mur » (arrêt attaqué, p. 13, § 1) ; qu'en écartant toute faute des sociétés Cam et [...] aux motifs erronés que le constat d'huissier leur était inopposable pour n'avoir « pas été dressé contradictoirement » (arrêt attaqué, p. 14, § 4), la cour d'appel a violé de plus fort les articles 9 et 16 du code de procédure civile ; 3°/ ALORS QUE le juge ne peut se prononcer par voie de motifs dubitatifs, lesquels équivalent à un défaut de motifs ; qu'en écartant toute faute de la société CAM en se bornant à relever qu'il était « difficile » (arrêt attaqué, p. 14, § 3) de faire l'état des travaux qu'elle avait précisément réalisés en tant qu'entreprise générale et, partant, de mesurer la part exacte de son implication dans les malfaçons intervenues, trahissant ainsi l'expression d'un doute sur ce point pourtant décisif, la cour d'appel, qui a statué par un motif dubitatif, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, l'exposant soutenait que la société AXA, assureur de la société CAM, devait bien garantir les fautes commises par la société CAM au titre de la garantie des dommages survenus en cours de chantier et avant réception, comme l'indiquaient le tableau des garanties en page 7 des conditions particulières et les conditions générales précisément citées à l'appui de son moyen par l'exposant (concl. d'appel T..., p. 16) ; qu'en ne répondant pas à ce chef dirimant des conclusions, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 455 du code de procédure civile. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement en tant qu'il a dit que la MAF est fondée à se prévaloir d'une absence de garantie et, y ajoutant, D'AVOIR rejeté l'appel en garantie de M. C... T... à l'encontre de la MAF ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Les époux H... font valoir, page 21 et suivantes de leurs conclusions, que la MAF a engagé sa responsabilité ayant commis une faute dans la gestion de leur dossier ; ils font valoir que « l'assureur n'est sans doute pas obligé, ni légalement ni contractuellement de prévenir la victime de son assuré (de sa non garantie) mais il porte néanmoins malgré tout aujourd'hui la responsabilité de l'enlisement et du dérapage de ce dossier », que s'ils avaient reçu un refus d'expertise, suite logique de la position de non garantie, ils auraient choisi un autre mode de gestion de leur dossier par la désignation d'un expert judiciaire alors que la désignation de la société CONSULTEX leur a fait perdre un an en les entretenant dans l'illusion d'une garantie. Lassés de vivre sur un chantier, ils ont fait exécuter les travaux de reprise sans attendre de préfinancement et désormais plus aucune constatation n'est possible. Ils estiment que les dispositions de l'article L 113-17 du code des assurances ont vocation à s'appliquer en l'espèce, que la MAF a renoncé de façon implicite à la clause de non garantie. La MAF reprend ses explications de première instance soutenant que l'article L 113-7 du code des assurance (direction du procès par l'assuré) n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, et qu'elle ne garantit pas ce sinistre au motif de la non déclaration de ce chantier par son assuré qui conduit à une absence de garantie. Sur l'argumentation des époux H... relative à la faute, page 19 et suivantes de ses conclusions, elle fait valoir que ces derniers étaient parfaitement au courant dès le début de ce qu'elle n'avait pas statué définitivement sur sa garantie, qu'ils ont néanmoins commandé les travaux, que M. T... a commis une faute dolosive. M. T... fait valoir, page 18 et suivantes de ses conclusions, que la faute dolosive en lien avec les désordres est indifférente, les irrégularités administratives n'ayant aucune incidence sur les fissures et infiltrations, qu'il n'a pas déclaré ce contrat en raison d'une clause ambiguë. de celui-ci (article 5.22) qui ne peut à la fois ériger l'obligation de déclaration en condition de garantie tout en la sanctionnant par l'article L 113-9 du code des assurances relatif à réduction proportionnelle. Il ne conclut pas sur la faute de l'assureur dans la gestion du dossier et du sinistre. Selon l'article L 113-17 du code des assurances, l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès. Or, les premiers juges ont pertinemment relevé: -que le différend opposant les époux H... à M. T... en 2013 et portant sur la qualité des travaux ne pouvait être considéré comme un « procès », -que l'assureur a désigné un expert amiable dès juillet 2013, indiquant que son intervention ne pouvait être considérée comme une reconnaissance de garantie. Dès lors les dispositions de ce texte n'ont pas vocation à s'appliquer étant surabondamment observé que malgré les réserves du Cabinet CONSULTEX, les époux H... ont fait effectuer les travaux de reprise par la société BARROSO de sorte qu'il est permis de s'interroger sur leur intention de faire designer un expert judiciaire pour une construction édifiée sans permis de construire. S'agissant de la clause de non garantie, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que les premiers juges ont considéré, que la clause de non garantie, opposable au tiers en application de l'article L 112-6 du code des assurances, avait vocation à s'appliquer en l'espèce. Il suffit de rappeler : - que M. T... n'a pas déclaré au plus tard le 31 mars 2013 la mission de maîtrise d'oeuvre confiée par les époux H... alors que les ordres de services ont été signés le 21 septembre 2012, -qu'aux termes des articles 5.21, 8, 8.115 des conditions générales et de la circulaire annuelle d'appel de cotisation établie pour l'année 2012 , l'adhérent doit pour le 31 mars de chacune des années qui suivent, fournir à l'assureur « la déclaration de chacune des missions constituant son activité professionnelle garantie de l'année précédente », avec indication d'une estimation du montant des travaux, ce qui permet à l'assureur d'apprécier le risque et constitue une condition de la garantie pour chaque mission (article 5.21.alinéa 3), - que l'article 5.22 précise qu'en cas d'absence de déclaration, la réduction proportionnelle équivaut à une absence de garantie. Conformément aux dispositions de l'article 5.21 précité, l'obligation de déclaration de chaque mission constitue bien une condition de garantie et son omission une absence de garantie. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. et Mme H... à l'encontre de la MAF et il en sera de même de l'appel en garantie de M. T... à l'encontre de la MAF » ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « en application de l'article 1134 alinéa 1 ancien du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Ici Monsieur T... a souscrit un contrat d'assurances auprès de la Mutuelle des Architectes Français le 24 juillet 2007. Cette police comprend des conditions particulières lesquelles renvoient à des conditions générales établies le 21 mars 2007 ("Aux conditions générales du 21 mars 2007 qui précèdent et aux conditions particulières qui suivent, la MAF assure...."). En considération de cette mention il sera considéré que ces conditions générales ont un caractère contractuel nonobstant le fait que la date à laquelle Monsieur T... a pris connaissance de ces conditions générales ne soit pas précisée (indication non fournie par les conditions particulières contrairement àÌ ce qui est prévu). En application de l'article 5.21 alinéa 1 des conditions générales l'adhérent est tenu de déclarer "l'ensemble des missions constituant son activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 8 ci-après et selon les modalités prévues dans la circulaire annuelle d'appel de cotisation". L'article 8.115 prévoit que "pour le 31 mars de chacune des années qui suivent celle de la souscription du contrat l'adhérent fournit à l'assureur la déclaration de chacune des missions constituant son activité professionnelle garantie de l'année précédente". La circulaire annuelle d'appel de cotisation établie pour l'année 2012 impose la déclaration des missions de maîtrise d'oeuvre aux chantiers ouverts en 2012 (déclaration d'ouverture de chantier ou premier ordre de service) et l'indication d'une estimation du montant des travaux. Selon l'article 5.21 alinéa 3 cette déclaration "permet à l'assureur d'apprécier le risque qu'il prend en charge et constitue une condition de la garantie pour chaque mission". Et l'article 5.22 de préciser : " En cas d'absence de déclaration la réduction proportionnelle équivaut à une absence de garantie". Ici il est constant que Monsieur T... n'a pas déclaré la mission de maîtrise d'oeuvre confiée par Monsieur et Madame H... au plus le 31 mars 2013, à tort puisque les premiers ordres de service ont été signés le 21 septembre 2012. En conséquence et en application des stipulations contractuelles susvisées la Mutuelle des Architectes Français est fondée à dénier sa garantie, la condition de cette garantie (la déclaration de chantier) n'étant pas remplie et le principe de la proportionnalité de la prime au risque violé. A toutes fins utiles il sera précisé que l'obligation de déclaration annuelle des chantiers n'est pas sanctionnée à la fois par une absence de garantie et une déchéance de garantie concrétisée par la réduction proportionnelle de l'indemnité, l'article 5.22 in fine précisant clairement qu' "en cas d'absence de déclaration la réduction proportionnelle équivaut à une absence de garantie". En application de l'article L 112-6 du code des assurances une condition de garantie non remplie est opposable aux tiers. Les demandes présentées par Monsieur et Madame H... à l'encontre de la Mutuelle des Architectes Français seront donc rejetées » ; ALORS QUE l'omission ou la déclaration inexacte de l'assuré est sanctionnée par la réduction proportionnelle de l'indemnité et ne peut être analysée en une condition de la garantie dont la méconnaissance emporterait une absence de garantie ; qu'en l'espèce, l'exposant rappelait que le contrat imposait à l'architecte dont la responsabilité était assurée de déclarer à l'assureur les chantiers auxquels il prenait part et, en l'absence d'une telle déclaration, renvoyait à l'article L. 113-9 du code des assurances lequel prévoit de manière impérative, en ce cas, une réduction proportionnelle de la prime ; qu'en jugeant toutefois qu'il résultait du contrat d'assurance que « l'obligation de déclaration de chaque mission constitue bien une condition de la garantie et son omission une absence de garantie », la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 113-9 du code des assurances, pris ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Lorsque, dans un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle d'un architecte ne relevant pas de l'assurance obligatoire, une clause fait de la déclaration de chaque chantier une condition de la garantie, cette clause doit recevoir application, de sorte que l'absence de déclaration d'un chantier entraîne une non-assurance. Cette clause est, en outre, opposable à la victime, le droit de celle-ci contre l'assureur puisant sa source et trouvant sa mesure dans le contrat d'assurance. Toutefois, dès lors qu'en présence d'une telle clause, l'architecte n'est assuré pour chaque chantier qu'après sa déclaration, commet une faute de nature engager sa responsabilité civile l'assureur qui délivre une attestation d'assurance avant que la déclaration de chantier qui conditionne la garantie n'ait été effectuée
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er octobre 2020 Cassation partielle sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 775 FS-P+B+I Pourvoi n° P 18-24.050 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020 1°/ Mme K... U..., 2°/ M. H... U..., domiciliés [...], 1203 Genève (Suisse), ont formé le pourvoi n° P 18-24.050 contre l'arrêt rendu le 2 février 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige les opposant : 1°/ à la Caisse de garantie immobilière du bâtiment, société anonyme, dont le siège est 6 rue de la Pérouse, 75116 Paris, 2°/ à la société Primalp, société à responsabilité limitée, dont le siège est 25-27 rue Royale, BP 416, 74000 Annecy, venant aux droits de la société Maisons Dauphiné Savoie , défenderesses à la cassation. La Caisse de garantie immobilière du bâtiment a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La société Primalp a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les époux U..., demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. La Caisse de garantie immobilière du bâtiment, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La société Primalp, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme U..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse de garantie immobilière du bâtiment, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Primalp, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, David, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, Mme Aldigé, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2018), M. et Mme U... ont conclu avec la société Maisons Dauphiné Savoie, devenue société Primalp (la société Primalp), un contrat de construction de maison individuelle. 2. La Caisse de garantie immobilière (la CGI Bat) a accordé une garantie de livraison. 3. Se plaignant de retards et de désordres, M. et Mme U... ont assigné la société Primalp et la société CGI Bat en indemnisation de leurs préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, le deuxième moyen et le cinquième moyen du pourvoi principal, et sur le premier moyen du pourvoi incident de la CGI Bat et du pourvoi incident de la société Primalp, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 5. M. et Mme U... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande au titre des pénalités de retard, alors : « 1°/ qu'un débiteur ne peut invoquer l'exception d'inexécution qu'en se fondant sur une obligation exigible ; qu'en se bornant à retenir que les époux U... auraient payé avec retard des appels de fond « hors d'eau » pour en déduire que le constructeur était fondé à achever le chantier avec retard, sans rechercher si à la date de l'appel de fonds « hors d'eau », l'état d'achèvement de la construction rendait exigibles les paiements appelés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1219 du même code ; 2°/ que le contrat a force obligatoire entre les parties ; qu'en retenant, pour rejeter les demandes des époux U... au titre des pénalités de retard, que la société Maisons Dauphine Savoie faisait état de huit jours d'intempéries qui, en application du contrat, auraient justifié un retard de livraison, sans rechercher si les stipulations mises en oeuvre ne subordonnaient pas le report du délai de livraison en cas d'intempéries à un arrêt de travail « conformément aux dispositions des articles L. 731-1 et suivants du code du travail », qui exige la fourniture de documents de la caisse des congés payés du bâtiment ou de l'inspection du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel a retenu, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'il était justifié de huit jours d'intempéries, dès lors que, conformément aux dispositions le l'article 6-2 des conditions générales du contrat, l'entreprise avait averti du retard les maîtres de l'ouvrage par lettre recommandée. 7. La cour d'appel a relevé que la société Primalp faisait valoir que le chantier avait été arrêté en raison du non-paiement de certains appels de fonds, constaté que l'article 3.5 des conditions générales du contrat prévoyait que, si, après mise en demeure, les sommes dues n'étaient pas réglées dans le délai de huit jours, le constructeur était en droit d'interrompre les travaux, retenu qu'il était justifié d'une lettre recommandée du 28 mars 2013 de l'entreprise aux maîtres de l'ouvrage les avertissant de l'arrêt du chantier à la suite du défaut de paiement de l'appel de fonds « hors d'eau », lettre rappelée dans des courriels postérieurs pour non-paiement de l'appel de fonds « achèvement des cloisons » et « mise hors d'air » et, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, qu'il existait des retards de chantiers générés par le non-paiement des appels de fonds suivants : « hors d'eau », « achèvement des cloisons », « mise hors d'air ». 8. La cour d'appel a pu rejeter la demande de pénalités de retard. 9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. Sur le quatrième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 10. M. et Mme U... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en remboursement de la somme de 4 494 euros facturée pour la souscription de l'assurance dommages-ouvrage, alors « que l'entrepreneur, agissant en qualité de mandataire du maître de l'ouvrage, doit justifier du montant réclamé en remboursement de la somme versée à l'assureur au titre de l'assurance dommage-ouvrage ; qu'en se bornant à retenir, pour rejeter la demande des époux U... en remboursement des sommes versées au titre de l'assurance dommage-ouvrage, que cette assurance avait bien été souscrite puisqu'elle avait pris en charge les désordres liés au balcon sans rechercher si le constructeur avait justifié du versement, à l'assureur, de la somme de 4 494 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1993 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour 11. La cour d'appel a relevé qu'il n'était pas contesté qu'une assurance dommages-ouvrage avait été souscrite dès lors que l'assureur avait pris en charge le désordre lié au balcon de la chambre parentale et que, par lettre du 8 octobre 2012, l'attestation de garantie avait été communiquée aux maîtres de l'ouvrage. 12. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la somme de 4 494 euros, que M. et Mme U... avaient payée à la société Primalp au titre de la souscription de l'assurance dommages-ouvrage, était due à l'entreprise. 13. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. Sur le second moyen du pourvoi incident de la société CGI Bat et le deuxième moyen du pourvoi incident de la société Primalp, réunis Enoncé du moyen 14. La société CGI Bat et la société Primalp font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à M. et Mme U... la somme de 1 533,70 euros au titre des fluides consommés lors de l'édification de la maison, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'ayant constaté l'existence d'une clause contractuelle mettant à la charge de M. et Mme U... les fluides consommés pour bâtir la maison, les juges du fond ne pouvaient se dispenser d'appliquer ladite clause ; qu'en refusant de lui donner effet, la cour d'appel de Paris a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil. » Réponse de la Cour 15. Il résulte de l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation que tous les travaux qui ne sont pas réservés par le maître de l'ouvrage dans les formes prescrites et qui sont nécessaires à l'achèvement de la maison incombent au constructeur. 16. La cour d'appel a retenu qu'il n'était pas contesté, au regard de la notice descriptive (« Généralités »), que l'installation d'un point d'eau et d'un branchement électrique sur le chantier était à la charge du maître de l'ouvrage et que la notice prévoyait également la prise en charge par le maître de l'ouvrage des consommations. 17. Elle a relevé que les fluides étaient nécessaires à l'édification de la construction. 18. Elle en a exactement déduit qu'ils auraient dû être compris dans le prix convenu et qu'il y avait lieu d'accueillir à la demande. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi incident de la société Primalp, réunis 20. M. et Mme U... et la société Primalp font grief à l'arrêt de condamner la CGI Bat à payer aux maîtres de l'ouvrage les sommes de 5 964,50 euros au titre de nouvelles réserves et de 37 124,60 euros au titre des suppléments de prix sous réserve pour la CGI Bat d'opposer sa franchise d'un montant de 17 285 euros, alors : « 1°/ que l'assureur doit payer intégralement le supplément de prix imputable au constructeur ; qu'en appliquant une franchise de 17 825 euros à la garantie due par la CGI Bat, alors que le constructeur avait été condamné à verser aux époux U..., outre la somme de 5 964,50 euros au titre de nouvelles réserves, la somme de 37 124,60 euros au titre « des suppléments de prix » auxquels aucune franchise ne pouvait être appliquée, la cour d'appel a violé l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ; 2°/ qu'en toute hypothèse, le garant ne peut opposer à l'assuré une franchise que pour dépassement du prix convenu, constitué par la différence entre le coût total réel de la construction et le prix global stipulé au contrat ; qu'en se bornant à retenir qu'il « y a(vait) lieu de confirmer le jugement attaqué qui a(vait) fixé à 17 285 euros (5 % de 345 700 euros) le montant de la franchise opposable conformément aux dispositions de l'article L. 213-6 du code de la construction et de l'habitation »), sans rechercher si le coût réel des travaux avait dépassé le prix convenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation : 21. Aux termes de ce texte, en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge : a) Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu'ils sont nécessaires à l'achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d'une franchise n'excédant pas 5 % du prix convenu ; b) Les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix. 22. Il en résulte qu'une franchise peut être stipulée s'agissant du dépassement du prix convenu, et non s'agissant du supplément de prix. 23. La cour d'appel a fait application de la franchise s'agissant de travaux non prévus et non chiffrés dans la notice descriptive et donnant donc lieu à des suppléments de prix. 24. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 25. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 26. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fait application de la franchise à hauteur de 17 285 euros, l'arrêt rendu le 2 février 2018 par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit n'y avoir lieu à l'application de la franchise ; Condamne M. et Mme U... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme U... (demandeurs au pourvoi principal). PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de M. et Mme U... tendant à voir condamner in solidum les sociétés Primalp et CGI Bat à leur verser la somme de 23 866,74 euros au titre des pénalités de retard ; AUX MOTIFS QUE les appelants font valoir que la date de livraison était contractuellement prévue au 6 septembre 2013, que la maison a finalement été réceptionnée que le 12 décembre 2013 soit avec 96 jours de retard ; qu'ils font valoir qu'à cette date si la maison a été réceptionnée, elle n'était pas pour autant habitable puisqu'elle était dépourvue d'eau chaude (procès-verbal de constat d'huissier des 6 et 17 février 2014 leur pièce n°30) que l'installation n'a été opérationnelle que le 27 mars 2014 soit avec 202 jours de retard x 118,50 euros /jour (1/3000ème du prix) ; qu'ils réclament donc la somme de 23 866,74 euros ; que la société PRIMALP soutient que la date de réception le 12 décembre 2013 constitue la date de livraison puisque d'une part l'absence de télécommande pour les volets roulants n'a pas empêché les époux U... d'habiter la maison et d'autre part l'intervention du chauffagiste en mars 2014 a concerné l'installation d'un circulateur c'est à dire un élément de confort, ce qui ne signifie pas l'absence de chauffage ; que le contrat de construction de maison individuelle du 1er mars 2012 (pièce n°1 des appelants) prévoit que "la durée d'exécution des travaux sera de 15 mois à compter de l'ouverture du chantier" et à article 2-6 « délais » que des pénalités de retard seront dues en cas de retard dans la livraison ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que le chantier a été ouvert le 6 septembre 2012, étant rappelé que les maîtres de l'ouvrage se sont réservés les travaux de terrassement-VRD (pièce n°4 des appelants : avenant du 1er mars 2012) de sorte que le délai expirait théoriquement le 6 décembre 2013 ; que cependant, par courrier daté du 26 septembre 2012 (pièce n°12 de la société PRIMALP), la société MAISONS DAUPHINE SAVOIE a fait part aux époux U... de son « engagement sur le délai d'exécution des travaux de 12 mois à compter du démarrage des travaux de maçonnerie suivant notre attestation du 21/09/12 » (non produite aux débats), seule une attestation du directeur général de la société MAISONS DAUPHINE SAVOIE en date du 21 mars 2012 versée par les appelants (leur pièce n°7) fait référence à un délai de 12 mois à compter de la DROC qui est en date du 6 septembre 2012 (pièce n°6 des appelants) ; qu'il n'est pas contesté que le démarrage des travaux de maçonnerie de la société MAISONS DAUPHINE SAVOIE est intervenu le 18 octobre 2012, à la suite des travaux de VRD que Monsieur et Madame U... s'étaient réservés de sorte que la maison aurait dû être livrée le 6 septembre 2013 voir le 19 octobre 2013, ce qui correspond en tout état de cause à une réduction du délai initial contractuellement prévu ; que le retard s'étend donc du 6 septembre 2013 au 12 décembre 2013 ; qu'il est justifié de 8 jours d'intempéries (pièces n°16 et 34 de la société PRIMALP) ; qu'en effet, conformément aux dispositions des conditions générales du contrat article 2-6, l'entreprise a averti les maîtres de l'ouvrage par lettre recommandée dudit retard ; qu'enfin, la société PRIMALP fait valoir que le chantier a été arrêté en raison du nonpaiement de certains appels de fonds ; que l'article 3.5 des conditions générales du contrat intitulé « retards dans les paiements » précise que « les sommes non payées dans le délai de quinze jours à dater de présentation de l'appel de fonds produiront intérêt au profit du constructeur au taux de 1% par mois sur les sommes non réglées. Si après mise en demeure, ces sommes (intérêts compris) ne sont pas réglées dans le délai de huit jours, le constructeur est en droit d'interrompre les travaux et conformément à l'article 1184 du code civil pourra demander, au mois après cette mise en demeure, la résolution du contrat avec dommages et intérêts » ; qu'il est justifié d'un courrier recommandé en date du 28 mars 2013 de l'entreprise aux maîtres de l'ouvrage (pièce PRIMALP n°18) les avertissant de l'arrêt du chantier suite au défaut de paiement de l'appel de fonds « hors d'eau », courrier rappelé dans des courriels des 10 et 17 juillet 2013 pour non-paiement de l'appel de fonds « achèvement des cloisons » « mise hors d'air » (pièces PRIMALP 21 et 22) ; qu'il existe donc bien des retards de chantiers générés par le non-paiement des appels de fonds suivants : « hors d'eau », « achèvement des cloisons », « mise hors d'air » ; que le jugement doit dès lors être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de pénalités de retard au 12 décembre 2013 ; que s'agissant de la période postérieure, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que les premiers juges ont rejeté la demande de pénalités postérieures estimant que la maison était parfaitement habitable dès le 12 décembre 2013 ; qu'il suffit de rappeler : - que l'absence de télécommande des volets roulants n'est pas de nature à rendre la maison inhabitable, - que si l'intervention d'un chauffagiste en mars 2014 (pièces 54 et 55 des appelants) soit plus de trois mois et demi après la prise de possession de la maison est établie, elle a concerné la recherche d'un défaut sur le circuit pour 108 euros TTC et à la mise en place d'un nouveau circulateur pour 801,60 euros TTC en remplacement du précédent sans qu'il soit pour autant établi que la maison était auparavant dépourvue de chauffage et d'eau chaude ou munie d'un circulateur inadéquat, le constat d'huissier des 6 et 17 février 2014 faisant essentiellement état de problèmes de joints de carrelage non terminés et d'une absence d'eau chaude curieusement jamais auparavant constatée alors que la prise de possession de la maison date du 12 décembre 2013 (pièce 30 des appelants) et que le procès-verbal des essais et fonctionnement des installations PLOMBERIE-SANITAIRE ne présente aucune observation (pièce n°33 PRIMALP) ; que le courriel du chauffagiste intervenu en mars 2014 (pièces 68 et 69 des appelants) est en date du 4 avril 2014 et sans aucune force probante quant à l'absence d'eau chaude depuis le 12 décembre 2013 ; il y est seulement précisé : « je pensai que vous n'aviez plus de contact avec le promoteur, vous pouvez lui dire que le KIT 2éme zones installé n'est pas le bon, il doit s'intégrer dans la machine et non être placé à côté comme ils l'on fait » ; le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de pénalités de retard ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE le contrat de construction de maison individuelle prévoit que « la durée d'exécution des travaux sera de 15 mois à compter de l'ouverture du chantier » et à l'article 2-6 « délais » que des pénalités de retard seront dues en cas de retard dans la livraison ; qu'à l'examen de l'ensemble des pièces versées aux débats et des moyens débattus, le tribunal retient les éléments suivants : le chantier a été ouvert le 6 septembre 2012, étant rappelé que les maîtres de l'ouvrage se sont réservés les travaux de terrassement-VRD ; que par courrier daté du 26 septembre 2012, la société MAISONS DAUPHINE SAVOIE a fait part aux époux U... de son « engagement sur le délai d'exécution des travaux de mois à compter du démarrage des travaux de maçonnerie suivant notre attestation du 21/09/12 » (non produite aux débats) ; que le tribunal observe ici que si le constructeur fait valoir que le démarrage des travaux de maçonnerie est intervenu le 18 octobre 2012, à la suite des travaux de VRD que Monsieur et Madame U... s'étaient réservés, ces derniers ne font valoir aucun élément contraire sur la date de démarrage des travaux de maçonnerie ; qu'il est justifié de 8 jours d'intempéries qui ont été signalés aux maîtres de l'ouvrage par la société MAISONS DAUPHINE SAVOIE suivant courrier en date du 10 décembre 2012 ; que les époux U... n'ont pas payé les appels de fonds selon les modalités prévues au contrat en respectant les dates des échéances, ce qu'ils ne contestent pas, invoquant des désordres sur le chantier et des appels de fonds anticipés ; que les paiement des appels de fonds à partir du stade « mise hors d'eau » sont intervenus avec retard et le paiement du solde du marché n'est pas intervenu ; que la société MAISONS DAUPHINE SAVOIE invoque pour sa part la non réalisation des remblais que s'étaient réservés les maîtres de l'ouvrage au titre des travaux de terrassement VRD, l'absence d'eau sur le chantier malgré ses demandes aux maîtres de l'ouvrage et leurs engagements contractuels, et la commande des portes avec retard, autant de faits qui ont eu des répercussions sur le calendrier des travaux ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 12 décembre 2013, la réception est intervenue avec des réserves ; qu'en application des dispositions de l'article L 231-8 du code de la construction et de l'habitation, les époux U... ont signalé des réserves complémentaires au constructeur, suivant deux courriers datés du 17 décembre 2013 ; que par ailleurs, à l'examen des pièces versées aux débats et notamment des deux constats d'huissiers dressés de part et d'autre, le 12 décembre 2013, le tribunal ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour retenir qu'à cette date, la maison ne pouvait être livrée ; qu'en effet, ces deux constats ne sont pas concordants sur le déroulement de la réunion ; qu'il ressort du constat dressé par Maître C... D..., huissier de justice, intervenue à la demande de la société MAISONS DAUPHINE SAVOIE, que les ouvriers de celle-ci ont repris leurs outils et matériels, en réaction au fait de devoir quitter les lieux sur demande des époux U... sans être payée de ses appels de fonds ; que d'autre part, il ressort du constat dressé par Maître L... V..., huissier de justice, intervenue à la demande de Monsieur et Madame U... que « les notices et télécommandes des volets roulets électriques sont confisquées par M. Y... » (conducteur de travaux de la société MAISONS DAUPHINE SAVOIE) ; qu'il résulte de ces pièces que les parties ont exprimé des griefs l'une envers l'autre, dans un contexte de fort conflit, ces griefs étant établis dans leur principe par l'examen des pièces examinées aux débats ; que par conséquent, elles devront supporter chacune pour ce qui la concerne les conséquences fautives tirées de son propre comportement, au regard de l'application de la loi et des obligations contractuelles qui les liaient ; que le tribunal observe par ailleurs que Monsieur et Madame U... ont obtenu une provision en référé au titre des télécommandes des volets qu'ils ont reconnu avoir remplacées aux termes de leur action introduite en référé par assignation du 11 février 2014, de sorte qu'ils ne peuvent arguer que leur maison était inhabitable de ce fait ; qu'enfin, le grief formé par les époux U... au titre d'une absence d'eau chaude sanitaire dans la maison n'est pas constitué ; qu'il résulte au contraire du rapport DOE de la société SCALABRINI CLAVEL daté du 13 décembre 2013 que l'installation de chauffage a été mise en route le 12 décembre 2013 mais que le technicien n'a pu donner les explications de bon fonctionnement aux clients, "compte tenu de la situation sur le chantier", que l'entreprise a effectué l'ensemble des essais et vérifications concernant les installations plomberie sanitaire notamment les essais d'étanchéité des réseaux d'eau chaude, les essais de fonctionnement avec une pression de distribution de 3 bars, et le fonctionnement des appareils (robinets notamment d'eau chaude, WC et surpresseurs, réducteur et appareils de production d'eau chaude qui fonctionnent normalement) ; que le certificat de qualité de la pompe à chaleur a été délivré ; que les pièces produites par les demandeurs au soutien de leur argumentation contraire concernent une facture de la société ALPHA ELEC datée du 4 mars 2014 d'un montant de 108 euros TTC relative à la recherche d'un défaut sur circuit ECS pompe à chaleur, et une facture de la même société d'un montant de 801,60 euros TTC au titre d'un dépannage de la pompe à chaleur (remise en place d'un circulateur sur le circuit ECS) ; que ces pièces ne sont pas de nature à prouver que la maison était inhabitable le 12 décembre 2013, par suite d'une absence de fonctionnement de la pompe à chaleur et consécutivement d'une absence d'eau chaude, alors qu'elles ne concernent que la mise en place d'un circulateur sur la pompe à chaleur, qui est un élément de confort ; que le tribunal retiendra donc que la date de livraison est intervenue le 12 décembre 2013, étant rappelé que les époux U... ont exigé de prendre possession des lieux à cette date, ce qu'ils ne contestent d'ailleurs pas ; qu'en définitive, il résulte du rappel chronologique et factuel du chantier qui précède et des torts devant être supportés de part et d'autre, que le retard invoqué par les époux U... au soutien de leur demande d'allocation de pénalités de retard contractuelles à hauteur de 12 414,16 euros n'est pas fondé ; que leur demande sera donc rejetée ; 1°) ALORS QU'un débiteur ne peut invoquer l'exception d'inexécution qu'en se fondant sur une obligation exigible ; qu'en se bornant à retenir que les époux U... auraient payé avec retard des appels de fond « hors d'eau » pour en déduire que le constructeur était fondé à achever le chantier avec retard (arrêt, p. 8, al. 2), sans rechercher si à la date de l'appel de fonds « hors d'eau », l'état d'achèvement de la construction rendait exigibles les paiements appelés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1219 du même code ; 2°) ALORS QUE le contrat a force obligatoire entre les parties ; qu'en retenant, pour rejeter les demandes des époux U... au titre des pénalités de retard, que la société Maisons Dauphine Savoie faisait état de huit jours d'intempéries qui, en application du contrat, auraient justifié un retard de livraison (arrêt, p. 7, antépén. al.), sans rechercher si les stipulations mises en oeuvre ne subordonnaient pas le report du délai de livraison en cas d'intempéries à un arrêt de travail « conformément aux dispositions des articles L. 731-1 et suivants du code du travail », qui exige la fourniture de documents de la caisse des congés payés du bâtiment ou de l'inspection du travail (conclusions des époux U..., p. 18, in limine), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ; 3°) ALORS QUE les pénalités de retard ont pour terme la livraison de l'ouvrage ; qu'en se bornant à juger, pour écarter la demande des époux U... au titre des pénalités de retard, que l'absence d'eau chaude n'avait jamais été constatée avant le constat d'huissier des 6 et 17 février 2014 (arrêt, p. 8, al. 4), sans rechercher si la lettre du 17 décembre 2013 faisant état de réserves supplémentaires et précisant que « le chauffage n'a pu être mis en service et n'a pu être réceptionné. Le maître d'ouvrage émet toutes réserves sur le chauffage jusqu'à sa mise en service effective » n'établissait pas que la maison n'était pas habitable au jour de sa réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regarde de l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande des époux U... tendant à voir condamner la société Primalp à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation de leurs préjudices ; AUX MOTIFS QUE les époux U... réclament de ce chef la somme de 10 000 euros ; qu'ils soutiennent que la construction de leur maison s'est révélée une véritable épreuve, qu'ils ont dû se tourner vers une association d'aide aux maîtres de l'ouvrage, que le constructeur, professionnel peu scrupuleux les a laissés seuls avec une maison non terminée adoptant même des comportements d'intimidation à la limite de la violence psychologique pour obtenir le paiement de fonds ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que la maison a été livrée dans les délais ; que si des malfaçons ou non-façons ont fait l'objet de réserves qui n'ont pas été reprises par l'entreprise, il est difficile, le climat étant devenu quelque peu conflictuel entre les parties à la fin de la construction, d'en imputer à la seule entreprise la responsabilité alors même que cette dernière qui ne peut être qualifiée de négligente ou d'incompétente, n'était pas réglée régulièrement et devait faire des rappels de fonds par lettre recommandée avec avis de réception ; que l'absence de scrupules invoquée, les comportements d'intimidation « à la limite de la violence psychologique » ne sont pas établis de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de 5000 euros au titre de ces préjudices et la demande complémentaire en appel rejetée ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE la demande formée au titre du préjudice moral à hauteur de 5 000 euros sera rejetée faute d'éléments de preuve de la réalité de ce préjudice ; 1°) ALORS QUE l'entrepreneur, tenu à une obligation de résultat, doit répondre de toutes les conséquences dommageables de l'inexécution de cette obligation ; qu'en écartant la demande des époux U... en paiement de dommages et intérêts aux motifs inopérants que la société Primalp ne pouvait être qualifiée de négligente ou d'incompétente, quand il résultait de ses constatations que l'entrepreneur avait réalisé un ouvrage affecté de désordres et non-façons (arrêt, p. 14, al. 8), de sorte qu'il avait manqué à son obligation de résultat et devait répondre du manquement à cette obligation, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil devenu l'article 1231-1 du même code ; 2°) ALORS QUE l'entrepreneur, tenu à une obligation de résultat d'effectuer les travaux nécessaires imposés par la garantie de parfait achèvement, doit répondre de toutes les conséquences dommageables de cette inexécution ; qu'en écartant la demande des époux U... en paiement de dommages et intérêts aux motifs inopérants que la société Primalp ne pouvait être qualifiée de négligente ou d'incompétente, quand il résultait de ses propres constatations que l'entrepreneur n'avait pas effectué les travaux nécessaires à la levée des réserves signalées lors de la réception de l'ouvrage (arrêt, p. 14, al. 8), la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil devenu l'article 1231-1 du même code ; 3°) ALORS QUE la cassation atteint tous les chefs de dispositif unis à celui censuré ; que la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a écarté tout retard fautif imputable à la société Primalp et la censure des motifs par lesquels elle a retenu que les époux U... avaient tardé à payer les appels de fond atteindra le chef de dispositif par lequel la cour d'appel a écarté leur demande de dommages et intérêts qui leur est unie en application de l'article 624 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE la faute de la victime n'est totalement exonératoire que lorsqu'elle revêt les caractéristiques de la force majeure ; qu'en déboutant les époux U... de leur action en responsabilité aux motifs que la situation conflictuelle leur était également imputable dans la mesure où ils n'avaient pas réglé tous les appels de fonds en temps utile (arrêt, p. 14, al. 5), quand cette faute ne pouvait avoir qu'un effet exonératoire partiel, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment à payer à M. et Mme U... les sommes de 5 964,50 euros au titre de nouvelles réserves et de 37 124,60 euros au titre des suppléments de prix sous réserve pour la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment d'opposer sa franchise d'un montant de 17 285 euros ; AUX MOTIFS QUE la CAISSE de GARANTIE IMMOBILIERE DU BATIMENT sollicite la confirmation du jugement et demande de voir dire qu'en cas de condamnation prononcée au titre des réserves, malfaçons et achèvement de la maison, elle est en droit d'opposer la franchise de 17 285 suros ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué qui a fixé à 17 285 euros (5% de 345 700 euros) le montant de la franchise opposable conformément aux dispositions de l'article L 213-6 du code de la construction et de l'habitation ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'en l'espèce, la garantie de livraison souscrite auprès de la CGI BAT stipule que l'engagement est limité aux dépassements de prix excédant 5% du prix garanti de la construction, ce qui correspond à la somme de 17.285 euros (5% de 345.700 euros) ; que par conséquent, il résulte de tout ce qui précède que la CGI BAT devra garantir la société MAISONS DAUPHINE SAVOIE à hauteur de la somme de 13 771 euros, soit {(25 438 euros + 5.618 euros) - 17.285 euros} ; 1°) ALORS QUE l'assureur doit payer intégralement le supplément de prix imputable au constructeur ; qu'en appliquant une franchise de 17 825 euros à la garantie due par la CGI Bat (arrêt, p. 16, al. 2), alors que le constructeur avait été condamné à verser aux époux U..., outre la somme de 5 964,50 euros au titre de nouvelles réserves, la somme de 37 124,60 euros au titre « des suppléments de prix » (arrêt, p. 16, antépén. al.) auxquels aucune franchise ne pouvait être appliquée, la cour d'appel a violé l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le garant ne peut opposer à l'assuré une franchise que pour dépassement du prix convenu, constitué par la différence entre le coût total réel de la construction et le prix global stipulé au contrat ; qu'en se bornant à retenir qu'il « y a(vait) lieu de confirmer le jugement attaqué qui a(vait) fixé à 17 285 euros (5% de 345 700 euros) le montant de la franchise opposable conformément aux dispositions de l'article L. 213-6 du code de la construction et de l'habitation » (arrêt, p. 16, al. 2), sans rechercher si le coût réel des travaux avait dépassé le prix convenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation. QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux U... de leur demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Primalp et CGI Bat à leur verser la somme de 4 494 euros au titre du remboursement des sommes facturées pour la souscription de l'assurance dommage-ouvrage ; AUX MOTIFS QUE les époux U... font valoir, pages 33 et 34, qu'ils ont réglé à la société MAISONS DAUPHINE SAVOIE la somme de 4 494 euros et ce conformément à l'article 4-4 des conditions générales du contrat mais que l'entreprise n'ayant pas justifié de la somme réglée, ils sont en droit d'en solliciter le remboursement ; que force est de constater que dès le départ les époux U... connaissaient le montant de l'assurance dommages-ouvrage (poste 4.1.3 de la notice descriptive) qu'ils ont réglé et il n'est pas contesté que cette assurance dommage ouvrage a bien été souscrite puisqu'elle a pris en charge le désordre lié au balcon de la chambre parentale ainsi que les appelants l'exposent eux-mêmes en page 31 de leurs conclusions ; que par courrier du 8 octobre 2012 (pièce n°14 de la société PRIMALP) l'attestation de garantie Dommages-ouvrage leur a été communiquée ; que cette somme était donc bien due à l'entreprise et la demande de remboursement ne saurait prospérer et sera rejetée ; ALORS QUE l'entrepreneur, agissant en qualité de mandataire du maître de l'ouvrage, doit justifier du montant réclamé en remboursement de la somme versée à l'assureur au titre de l'assurance dommage-ouvrage ; qu'en se bornant à retenir, pour rejeter la demande des époux U... en remboursement des sommes versées au titre de l'assurance dommage-ouvrage, que cette assurance avait bien été souscrite puisqu'elle avait pris en charge les désordres liés au balcon (arrêt, p. 14, al. 1 à 3), sans rechercher si le constructeur avait justifié du versement, à l'assureur, de la somme de 4 494 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1993 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. et Mme U... de leur demande tendant à voir condamner la CGI Bat au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ; AUX MOTIFS QUE [sans motifs] ; ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en déboutant les époux U... de leur demande tendant à voir condamner la CGI Bat au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, sans toutefois formuler de motifs à l'appui de sa décision, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Primalp (demanderesse au pourvoi incident). PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Primalp in solidum avec la société CGI Bat à payer à M. et Mme U... une somme de 25.152 € au titre des travaux de revêtements horizontaux et verticaux, AUX MOTIFS QUE « les époux U... réclament de ce chef la somme de 25.152 euros ; qu'ils soutiennent que les revêtements sont prévus dans la notice descriptive type (article R 231-4 du code de la construction et de l'habitation) au poste 2.6.9. ; que dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a mis à la charge de l'entreprise Primalp le coût de ces revêtements, la peinture des murs étant bien un élément de l'habitabilité de la maison ; que le devis versé aux débats (pièce n°47) pour 25.152 euros s'agissant de l'application de deux couches de peinture acrylique n'apparait pas excessif et aucun devis n'étant versé par la société Primalp qui critique pourtant le prix unitaire au mètre-carré ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de fixer ce poste à la somme de 25.152 euros » (arrêt, p. 13) ; ALORS QUE la charge de la preuve de l'existence et de l'étendue du préjudice pèse sur le demandeur ; qu'en fixant le préjudice subi par M. et Mme U... à la somme de 25.152 €, faute de preuve fournie par les défendeurs, la cour d'appel de Paris a violé l'article 1315 ancien du code civil, devenu article 1353 du même code. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum la société Primalp et CGI Bat à payer à M. et Mme U... la somme de 1.533,70 € au titre des fluides consommés lors de l'édification de la maison, AUX MOTIFS QUE « les époux U... réclament la somme de 1.533,7 euros (leur pièce n°44) au titre des consommation des fluides pendant les travaux de construction ; qu'il s'agit des factures de fourniture d'électricité ; qu'ils soutiennent que la clause est abusive ; qu'il n'est pas contesté au regard de la notice descriptive ("Généralités") que l'installation d'un point d'eau et d'un branchement électrique sur le chantier est à la charge du maître de l'ouvrage ; que la notice prévoit également la prise en charge par le maître de l'ouvrage des consommations ; que cependant, ces fluides étant nécessaires à l'édification de la construction, ils auraient dû être compris dans le prix convenu ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande en allouant aux époux U... la somme de 1.533,7 euros ; que le jugement doit être infirmé de ce chef » (arrêt, p. 13) ; ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'ayant constaté l'existence d'une clause contractuelle mettant à la charge de M. et Mme U... les fluides consommés pour bâtir la maison, les juges du fond ne pouvaient se dispenser d'appliquer ladite clause ; qu'en refusant de lui donner effet, la cour d'appel de Paris a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment à payer à M. et Mme U... les sommes de 5.964,50 € au titre de nouvelles réserves et de 37.124,60 € au titre des suppléments de prix sous réserve pour la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment d'opposer sa franchise d'un montant de 17.285 €, AUX MOTIFS QUE « la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment sollicite la confirmation du jugement et demande de voir dire qu'en cas de condamnation prononcée au titre des réserves, malfaçons et achèvement de la maison, elle est en droit d'opposer la franchise de 17.285 euros ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué qui a fixé à 17.285 euros (5% de 345.700 euros) le montant de la franchise opposable conformément aux dispositions de l'article L 213-6 du code de la construction et de l'habitation », ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« en l'espèce, la garantie de livraison souscrite auprès de la CGI Bat stipule que l'engagement est limité aux dépassements de prix excédant 5% du prix garanti de la construction, ce qui correspond à la somme de 17.285 euros (5% de 345.700 euros) ; que par conséquent, il résulte de tout ce qui précède que la CGI Bat devra garantir la société Maisons Dauphine Savoie à hauteur de la somme de 13.771 euros, soit {(25.438 euros + 5.618 euros) - 17.285 euros) » ; 1°) ALORS QUE l'assureur doit payer intégralement le supplément de prix imputable au constructeur ; qu'en appliquant une franchise de 17.825 € à la garantie due par la CGI Bat (arrêt, p. 16, al. 2), alors que le constructeur avait été condamné à verser aux époux U..., outre la somme de 5.964,50 € au titre de nouvelles réserves, la somme de 37.124,60 € au titre « des suppléments de prix » (arrêt, p. 16, antépén. al.) auxquels aucune franchise ne pouvait être appliquée, la cour d'appel a violé l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ; 2°) ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, le garant ne peut opposer à l'assuré une franchise que pour dépassement du prix convenu, constitué par la différence entre le coût total réel de la construction et le prix global stipulé au contrat ; qu'en se bornant à retenir qu'il « y a(vait) lieu de confirmer le jugement attaqué qui a(vait)fixé à 17 285 euros (5% de 345.700 euros) le montant de la franchise opposable conformément aux dispositions de l'article L. 213-6 du code de la construction et de l'habitation » (arrêt, p. 16, al. 2), sans rechercher si le coût réel des travaux avait dépassé le prix convenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation. Moyens produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Caisse de garantie immobilière du bâtiment (demanderesse au pourvoi incident). PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'il a, réformant le jugement sur ce point, condamné in solidum les sociétés Primalp et CGI Bat, à payer à M. et Mme U... la somme de 25 152 euros au titre des travaux de revêtements horizontaux et verticaux ; AUX MOTIFS QUE « les époux U... réclament de ce chef la somme de 25 152 euros ; qu'ils soutiennent que les revêtements sont prévus dans la notice descriptive type (article R 231-4 du code de la construction et de l'habitation) au poste 2.6.9. ; que dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a mis à la charge de l'entreprise Primalp le coût de ces revêtements, la peinture des murs étant bien un élément de l'habitabilité de la maison ; que le devis versé aux débats (pièce n°47) pour 25 152 euros s'agissant de l'application de deux couches de peinture acrylique n'apparait pas excessif et aucun devis n'étant versé par la société Primalp qui critique pourtant le prix unitaire au mètre-carré ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de fixer ce poste à la somme de 25 152 euros » (arrêt, p. 13) ; ALORS QUE la charge de la preuve de l'existence et de l'étendue du préjudice pèse sur le demandeur ; qu'en fixant le préjudice subi par M. et Mme U... à la somme de 25 152 euros, faute de preuve fournie par les défendeurs, la cour d'appel de Paris a violé l'article 1315 ancien du code civil, devenu article 1353 du même code. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'il a, réformant le jugement sur ce point, condamné in solidum les sociétés Primalp et CGI Bat, à payer à M. et Mme U... la somme de 1 533,7 euros au titre des fluides consommés lors de l'édification de la maison ; AUX MOTIFS QUE « les époux U... réclament la somme de 1 533,7 euros (leur pièce n°44) au titre des consommation des fluides pendant les travaux de construction ; qu'il s'agit des factures de fourniture d'électricité ; qu'ils soutiennent que la clause est abusive ; qu'il n'est pas contesté au regard de la notice descriptive (« Généralités ») que l'installation d'un point d'eau et d'un branchement électrique sur le chantier est à la charge du maître de l'ouvrage ; que la notice prévoit également la prise en charge par le maître de l'ouvrage des consommations ; que cependant, ces fluides étant nécessaires à l'édification de la construction, ils auraient dû être compris dans le prix convenu ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande en allouant aux époux U... la somme de 1 533,7 euros ; que le jugement doit être infirmé de ce chef » (arrêt, p. 13) ; ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'ayant constaté l'existence d'une clause contractuelle mettant à la charge de M. et Mme U... les fluides consommés pour bâtir la maison, les juges du fond ne pouvaient se dispenser d'appliquer ladite clause ; qu'en refusant de lui donner effet, la cour d'appel de Paris a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil.
Il résulte de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation que, si la garantie de livraison peut être assortie d'une franchise au titre du coût des dépassements du prix convenu, une telle franchise ne peut être stipulée s'agissant du supplément de prix
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COMM. MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 490 F-P+B Pourvoi n° T 18-22.076 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 Mme H... Y..., veuve K... , domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° T 18-22.076 contre l'arrêt rendu le 19 février 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. T... Y..., domicilié [...] , 2°/ à M. O... Y..., domicilié [...] , 3°/ à M. E... Y..., domicilié [...] , 4°/ à Mme U... Y..., domiciliée [...] , 5°/ à la société Caraïbe agricole, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 6°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 7°/ à Mme S... G..., épouse I..., domiciliée [...] , 8°/ à Mme Q... G..., épouse V..., domiciliée [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de Mme H... Y... veuve K... , de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. T..., O... et E... Y..., de Mme U... Y... et des sociétés Caraïbe agricole et [...] , et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 19 février 2018), R... Y..., fondateur de la société [...] , entreprise de production et de commercialisation de rhum, et propriétaire du fonds de commerce de distribution de spiritueux à l'enseigne « [...] », est décédé le [...], laissant pour lui succéder ses enfants, N... Y..., M. E... Y... et Mme H... Y... épouse K... (Mme H... Y...). 2. Aux termes d'un protocole transactionnel des 13 et 20 octobre 2005, les héritiers ont, d'une part, réparti le solde des droits indivis des actions du défunt dans la société anonyme [...] entre M. E... Y... et N... Y... et, d'autre part, attribué le fonds de commerce [...] à M. E... Y... en pleine propriété, à charge pour lui d'en céder ou d'en apporter la propriété soit à la société [...] , soit à une société qui détiendrait les actions de cette société. 3. Le 6 juillet 2006, les actionnaires majoritaires de la société [...] , réunis en assemblée générale extraordinaire, en l'absence de N... Y..., ont approuvé l'apport du fonds de commerce [...] et décidé de l'augmentation du capital social par la création de 2 803 actions nouvelles attribuées à M. E... Y... en rémunération de l'apport. 4. N... Y... est décédée le [...], laissant pour lui succéder Mme H... Y..., Mme S... G... épouse I... (Mme I...) et Mme Q... G... épouse V... (Mme V...). 5. Estimant que cette opération d'apport et d'augmentation de capital, ce dernier ayant été sciemment sous-évalué, avait été réalisée dans des conditions fautives aboutissant à la dilution de ses droits d'associée, Mme H... Y... a assigné en responsabilité civile M. E... Y... et ses enfants, M. T... Y..., M. O... Y... et Mme U... Y... (les [...]), ainsi que les sociétés [...] et Caraïbe agricole. Mmes I... et V... sont intervenues volontairement à l'instance. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa cinquième branche, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches Enoncé du moyen 7. Mme H... Y... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors : « 1°/ que la fraude corrompt tout ; que la collusion frauduleuse des associés majoritaires au détriment des associés minoritaires peut être caractérisée quand bien même l'opération ayant donné son cadre à la fraude n'aurait pas porté atteinte à l'intérêt social ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une fraude ayant consisté pour les [...] à sous-évaluer la société [...] , en lui conférant une valeur inférieure au seul capital social hors même son aptitude à réaliser des bénéfices, lors de l'opération d'apport par M. E... Y... du fonds de commerce de l'entreprise [...] de manière à octroyer à ce dernier un nombre d'actions plus important que celui qu'il aurait dû recevoir et à diluer corrélativement la représentation de N... Y... dans la société, qu'il n'était pas établi que la société n'aurait pas eu intérêt à cette opération d'apport, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à exclure l'existence d'une collusion frauduleuse des [...] au détriment de N... Y..., associée minoritaire, en méconnaissance du principe fraus A... corrumpit ; 2°/ que toute société doit être constituée dans l'intérêt commun des associés ; que l'intérêt commun des associés, qui est le même pour chaque associé et permet à chacun d'eux de retirer un bénéfice personnel à proportion du bénéfice collectif, est distinct de l'intérêt social ; qu'en retenant, pour conclure à "l'absence de comportement fautif clairement démontré" de M. E... Y... et de ses enfants, qu'il n'était pas démontré que "la décision d'approbation de l'opération a été prise contrairement à l'intérêt général de la société", sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'opération d'apport orchestrée par les [...] n'avait pas conduit, par une sous-évaluation de la société et un octroi d'actions nouvelles trop nombreuses à M. E... Y..., à priver illégitimement N... Y..., associée minoritaire, d'une partie de ses droits en diluant sa représentation au capital de la société [...] , ce qui était de nature à caractériser une violation de l'intérêt commun, indépendamment de l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1833 du code civil, ensemble l'article 1134 alinéa 3 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; » Réponse de la Cour Vu l'article 1382 du code civil et le principe selon lequel la fraude corrompt tout : 8. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 9. Pour rejeter les demandes de Mme H... Y..., l'arrêt retient qu'elle n'établit pas que la société [...] ne pouvait tirer un avantage suffisant de la maîtrise du réseau de distribution par l'apport du fond de commerce [...], pour justifier l'avantage consenti à M. E... Y.... 10. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'une collusion frauduleuse des [...] au détriment de N... Y..., associée minoritaire, de nature à engager leur responsabilité civile, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si l'opération d'apport orchestrée par les [...] n'avait pas conduit, par la sous-évaluation de la société et l'octroi corrélatif d'actions nouvelles nombreuses à M. E... Y..., à priver illégitimement N... Y..., associée minoritaire, d'une partie de ses droits en diluant sa participation au capital de la société [...] , a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que Mme H... Y... n'est pas prescrite en son action en responsabilité engagée contre la SARL Société Caraïbe agricole, la SARL Société [...] , MM. T..., O..., E... Y... et Mme U... Y..., l'arrêt rendu le 19 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ; Condamne MM. E..., T... et O... Y..., Mme U... Y... et les sociétés [...] et Caraïbe agricole aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. E..., T... et O... Y..., Mme U... Y... et les sociétés [...] et Caraïbe agricole et les condamne à payer à Mme H... Y... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme H... Y... veuve K... . Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Mme H... Y... veuve K... de ses demandes formées contre la SARL Société Caraïbe Agricole, de la SARL Société [...] , M. T... Y..., M. O... Y..., M. E... Y... et Mme U... Y... tendant à voir dire et juger qu'ils ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité en minorant, lors de l'apport du fonds de commerce de l'entreprise [...] la valeur de la société [...] SA et que la faute lui a causé un préjudice, à voir désigner un expert en vue de déterminer le montant du préjudice, et, en tout état de cause, à les voir condamner dores et déjà solidairement à payer la somme de un euro à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive ; Aux motifs que « Mme H... K... et Mme V... en leur qualité d'héritières des actions détenues par feue Mme N... Y... dans le capital social de la société [...] , soutiennent que les intimés ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité, en sous-évaluant sciemment la valeur de la société [...] SA retenue dans le cadre de l'apport du fonds de commerce de négoce de spiritueux [...] , ayant eu pour effet de diluer la représentation des associés minoritaires en les privant ainsi d'une partie des dividendes devant leur revenir ; que les héritiers de feu M. E... Y... ont convenu aux termes d'un acte authentique intitulé « partage transactionnel » reçu les 13 et 20 octobre 2005 par Maître P... M... notaire à Paris désigné par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre dans le cadre des opérations de partage judiciaire, de mettre fin au litige les opposant ; que Mme H... K... est intervenue à cet acte tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de sa soeur Mme N... Y... ; qu'il a été prévu que les évaluations données quant aux biens et actifs partageables composant les lots étaient « faites à titre forfaitaire, transactionnel et global » ; qu'il a été indiqué (article 8, p. 17 de l'acte authentique de partage) que le fonds de commerce de négoce de spiritueux dénommé « Héritiers E... Y... » attribué à M. E... Y... était évalué à la somme de 1.697.064 euros, tandis que les 11.000 actions comprises dans les 20.000 actions composant le capital social de la société [...] SA (article 9, p. 23 de l'acte) à partager entre M. E... Y... et Mme H... K... étaient évaluées à la somme de 6.661 215 euros, soit une valeur unitaire de 605,565 euros ; que Mme H... K... soutient à juste titre que l'apport en nature du fonds de commerce [...] par E... Y... à la société [...] SA en exécution des clauses et conditions définies au partage transactionnel, ne doivent pas prévaloir sur les règles légales particulières régissant les apports ; qu'elle fait valoir exactement que le commissaire aux apports désigné n'a pu apprécier sous sa responsabilité la valeur des actions (valeur d'échange) et par extension, celle de la société, alors que cette mission ne lui incombe pas aux termes mêmes de l'article L. 225-147 du code de commerce ; que cependant, Mme K... et Mme V... ne peuvent se borner à prétendre que M. E... Y... et ses enfants, administrateurs de la société [...] SA en ayant la maîtrise de l'intégralité de l'opération réalisée, ont sciemment oeuvré au détriment des intérêts de Mme N... Y..., par le biais d'une valorisation inférieure à la valeur réelle de la société ; que le contrôle de l'opportunité de l'opération à l'intérêt social revient à l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires à laquelle Mme N... Y... s'est abstenue de participer, de s'y faire représenter ou d'élever une quelconque opposition ; que la cour comme les premiers juges n'ont relevé aucun acte contraire à la bonne tenue de l'assemblée générale extraordinaire du 6 juillet 2006 ayant approuvé l'apport ; que, toutefois, l'appelante et Mme Q... V... prétendent à l'octroi injustifié à M. E... Y... de 2803 actions nouvelles dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité ; que toutefois, le contrat d'apport ne peut être préjudiciable aux intérêts des associés minoritaires que s'il est démontré que la décision d'approbation de l'opération a été prise contrairement à l'intérêt général de la société ; qu'en l'espèce, l'appelante et Mme V... omettent d'établir que la société [...] SA ne pouvait tirer aucun avantage suffisant de maîtriser le réseau de distribution par l'apport du fonds de commerce [...], pour justifier l'avantage consenti à M. E... Y... ; que l'opération d'apport en nature a été approuvée à l'unanimité des membres présents ou représentés ; qu'il n'est pas davantage établi pour le calcul du quorum et de la majorité par la non-prise en compte des actions détenues par M. E... Y... en application de l'article L. 225-10 du code de commerce ait abouti à des changements significatifs dans la prise de décision des associés ; qu'enfin, la célérité que Mme K... et Mme Q... V... estiment utile de souligner dans la délivrance des convocations et l'accomplissement des formalités, ne traduit pas nécessairement une volonté d'évincer les associés minoritaires, dès lors que l'assiduité aux précédentes assemblées générales de Mme N... Y... ne transparaît d'aucun document ; qu'en l'absence de comportement fautif clairement démontré, de la part des intimés, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions » (arrêt, p. 6-8) ; 1°) Alors que la fraude corrompt tout ; que la collusion frauduleuse des associés majoritaires au détriment des associés minoritaires peut être caractérisée quand bien même l'opération ayant donné son cadre à la fraude n'aurait pas porté atteinte à l'intérêt social ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une fraude ayant consisté pour les [...] à sous-évaluer la société [...] SA, en lui conférant une valeur inférieure au seul capital social hors même son aptitude à réaliser des bénéfices, lors de l'opération d'apport par M. E... Y... du fonds de commerce de l'entreprise [...] de manière à octroyer à ce dernier un nombre d'actions plus important que celui qu'il aurait dû recevoir et à diluer corrélativement la représentation de Mme N... Y... dans la société, qu'il n'était pas établi que la société n'aurait pas eu intérêt à cette opération d'apport, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à exclure l'existence d'une collusion frauduleuse des [...] au détriment de Mme N... Y..., associée minoritaire, en méconnaissance du principe fraus A... corrumpit ; 2°) Alors que la fraude corrompt tout ; que pour écarter l'existence d'une collusion frauduleuse des [...], la cour d'appel a énoncé que l'opération d'apport avait été approuvée par l'assemblée générale extraordinaire du 6 juillet 2016, à laquelle Mme N... Y... s'était abstenue de participer, de se faire représenter ou d'élever une quelconque opposition, et qu'elle ne relevait aucun acte contraire à la bonne tenue de l'assemblée générale extraordinaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 33), si M. E... Y..., en manquant à l'engagement contractuel qu'il avait pris dans l'acte de partage des 13-20 octobre 2005 d'instaurer un système de consultation écrite pour permettre à Mme N... Y... de participer aux décisions collectives, n'avait pas empêché Mme N... Y... de participer à l'assemblée générale du 6 juillet 2016, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe fraus A... corrumpit ; 3°) Alors que la fraude corrompt tout ; que pour écarter l'existence d'une collusion frauduleuse des [...], la cour d'appel a énoncé que l'opération d'apport avait été approuvée par l'assemblée générale extraordinaire du 6 juillet 2016, à laquelle Mme N... Y... s'était abstenue de participer, de se faire représenter ou d'élever une quelconque opposition, et qu'elle ne relevait aucun acte contraire à la bonne tenue de l'assemblée générale extraordinaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 33), si la convocation à l'assemblée générale extraordinaire du 6 juillet 2006 n'avait pas été envoyée à Mme N... Y... à une mauvaise adresse, soit au [...] dans le 16e arrondissement à Paris, et non au [...] , à Lourdes, lieu de son domicile, qui était également l'adresse mentionnée dans les statuts de la société [...] SA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe fraus A... corrumpit ; 4°) Alors que toute société doit être constituée dans l'intérêt commun des associés ; que l'intérêt commun des associés, qui est le même pour chaque associé et permet à chacun d'eux de retirer un bénéfice personnel à proportion du bénéfice collectif, est distinct de l'intérêt social ; qu'en retenant, pour conclure à « l'absence de comportement fautif clairement démontré » de M. E... Y... et de ses enfants, qu'il n'était pas démontré que « la décision d'approbation de l'opération a été prise contrairement à l'intérêt général de la société », sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de l'exposante, p. 17- 38), si l'opération d'apport orchestrée par les [...] n'avait pas conduit, par une sous-évaluation de la société et un octroi d'actions nouvelles trop nombreuses à M. E... Y..., à priver illégitimement N... Y..., associée minoritaire, d'une partie de ses droits en diluant sa représentation au capital de la société [...] SA, ce qui était de nature à caractériser une violation de l'intérêt commun, indépendamment de l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1833 du code civil, ensemble l'article 1134 alinéa 3 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 5°) Alors que les dirigeants sont tenus d'un devoir de loyauté envers tous les associés ; qu'en l'espèce, en concluant à « l'absence de comportement fautif clairement démontré » des [...], sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de l'exposante p. 38-40), si, en leurs qualités de dirigeants, ils n'avaient pas manqué à leur devoir de loyauté envers Mme N... Y... en lui dissimulant l'évaluation qui avait été faite de la société lors de l'opération d'apport, ainsi que sa valeur réelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240 du code civil.
La justification d'une délibération sociale approuvant l'apport d'un fonds de commerce, par un associé, qui confère à la société la maîtrise d'un réseau de distribution, ne suffit pas à exclure une fraude des associés majoritaires de nature à engager leur responsabilité civile à l'égard d'un associé minoritaire. La cour d'appel devait donc rechercher, comme elle y était invitée, si l'opération d'apport orchestrée par des associés majoritaires n'avait pas conduit, par la sous-évaluation de la société et l'octroi corrélatif d'actions nouvelles nombreuses à l'un d'entre eux, à priver illégitimement une associée minoritaire d'une partie de ses droits en diluant sa participation au capital de la société
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SOC. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 658 FS-P+B Pourvoi n° V 19-10.352 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 M. G... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 19-10.352 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre B), dans le litige l'opposant à la société Kaefer Wanner, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Silhol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. L..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Kaefer Wanner, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Silhol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 novembre 2018), M. L..., engagé en qualité de calorifugeur par la société Wanner Isofi isolation, devenue Kaefer Wanner, a été affecté, dans le cadre d'une sous-traitance, du 13 avril 1988 au 31 mai 1998 à l'établissement de Saint-Auban de la société Arkema France. 2. Selon arrêté ministériel du 30 octobre 2007, cet établissement a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période 1962-1994. 3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété dirigée contre la société Kaefer Wanner. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. M. L... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété, alors « que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il aurait travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 n'appartenant pas à son employeur ; qu'en refusant au salarié l'indemnisation de son préjudice d'anxiété résultant de son exposition aux poussières d'amiante dans l'établissement de Saint Auban appartenant à la société Arkema où il a été mis à disposition de 1988 à 1998, sans examiner les justificatifs de son exposition aux poussières d'amiante durant cette période d'emploi qu'il produisait quand bien même cet établissement n'appartenait pas à son employeur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble l'article L. 4221-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige : 5. L'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée a créé un régime particulier de préretraite permettant notamment aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d'activité, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle. 6. Par un arrêt du 11 mai 2010 (Soc., 11 mai 2010, pourvoi n° 09-42.241, Bull. 2010 V, n° 106), adopté en formation plénière de chambre et publié au Rapport annuel, la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu aux salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d'obtenir réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété tenant à l'inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante. 7. La chambre sociale a ainsi instauré au bénéfice des salariés éligibles à l'ACAATA un régime de preuve dérogatoire, les dispensant de justifier à la fois de leur exposition à l'amiante, de la faute de l'employeur et de leur préjudice, tout en précisant que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété réparait l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence. 8.Elle a néanmoins affirmé que la réparation du préjudice d'anxiété ne pouvait être admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel pris sur son fondement et dont l'employeur entrait lui-même dans les prévisions de ce texte, de sorte que le salarié, qui avait été affecté par son employeur dans une autre entreprise exploitant un établissement mentionné par le texte précité, ne pouvait prétendre à l'indemnisation de ce préjudice (Soc., 22 juin 2016, pourvoi n° 14-28.175, Bull. 2016 V, n°131). 9.Il est toutefois apparu, à travers le développement de ce contentieux, que de nombreux salariés, qui ne remplissent pas les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ou dont l'employeur n'est pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, ont pu être exposés à l'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé. 10. Dans ces circonstances, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a reconnu la possibilité pour un salarié justifiant d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, d'agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 (Ass. plén., 5 avril 2019, pourvoi n° 18-17.442, publié au Rapport annuel). 11. Au regard de ces mêmes circonstances, il y a lieu d'admettre que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même cet employeur n'entrerait pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée. 12. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété, l'arrêt retient, d'abord, que l'établissement de Saint-Auban dans lequel le salarié a été employé par la société Kaefer Wanner figure au nombre des établissements de la société Arkema listés sur l'arrêté du 30 octobre 2007 comme ouvrant droit à l'ACAATA. 13. L'arrêt retient, ensuite, que l'exposition du salarié à l'amiante résulte de son travail dans l'établissement de Saint-Auban auprès de la société Arkema, société tierce au sein de laquelle il a été mis à disposition par son employeur, dans le cadre d'un contrat de sous-traitance. 14. L'arrêt en déduit que le salarié ne peut rechercher la responsabilité de son employeur, la société Kaefer Wanner, au titre de son préjudice d'anxiété. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. L... de sa demande au titre du préjudice d'anxiété, l'arrêt rendu le 9 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société Kaefer Wanner aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kaefer Wanner et la condamne à payer à M. L... la somme de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Cathala, président et Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. L.... Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété. AUX MOTIFS QUE les établissements Wanner, Wanner Isofi et Wanner Industrie ont été inscrits selon l'arrêté du 3 juillet 2000 pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ou ACAATA) pour les adresses et périodes suivantes : [...] : de 1933 à 1977, [...] : de 1933 à 1977, [...] : de 1967 à 1993, [...] : de 1994 à 1997, [...] : de 1987 à 1997 ; que dans le cadre d'un contrat de sous-traitance, des salariés de la société Kaefer Wanner ont été amenés à travailler sur le site de la société Elf Atochem devenue Atofina, puis Arkema à Saint Auban ; qu'il reconnaît avoir été salarié de la société Wanner Isofi Isolation, devenue Kaefer Wanner, du 13 avril 1988 au 31 mai 1998 et avoir été affecté pendant toute la durée de son contrat de travail sur le site de la société Arkema situé à Saint Auban ; que ce site a été inscrit, pour la société Arkema, par arrêté du 30 octobre 2007 pris en application de l'article 41 modifié de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, pour la période 1962-1994 ; que le salarié qui a travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel et qui, pendant la période visée par l'arrêté, a occupé un poste susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante peut être indemnisé par son employeur de son préjudice d'anxiété ; qu'il peut être indemnisé même s' il n'a pas adhéré au dispositif ou s'il ne remplit pas les autres conditions d'ouverture du droit à la préretraite ; qu'il se trouve en effet, du fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers propres à réactiver cette angoisse ; que le préretraité ou le salarié n'a pas à prouver son sentiment d'anxiété, le préjudice résultant de sa seule exposition au risque ; qu'en revanche, la responsabilité de l'employeur ne peut pas être engagée si l'exposition du salarié à l'amiante résulte de son travail auprès d'une société tierce au sein de laquelle il a été mis à disposition ; que selon le certificat de travail produit aux débats, le salarié a été employé par la société Wanner Isofi devenue la SAS Kaefer Wanner du 13 avril 1988 au 31 mai 1998 en tant que compagnon professionnel, niveau 3, position 2, coefficient 230, au sein d'un établissement situé à Saint Auban ; que si cet établissement figure au nombre des établissements de la société Arkema listés par l'arrêté du 30 octobre 2007 comme ouvrant droit à l'ACAATA, il convient de constater qu'il ne figure pas parmi les 5 établissements de la SAS Kaefer Wanner listés sur l'arrêté du 3 juillet 2000 pris en application de l'article 41 modifié de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, comme susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ; que l'exposition du salarié à l'amiante résulte de son travail dans l'établissement de Saint Auban auprès de la société Arkema, société tierce au sein de laquelle il a été mis à disposition par son employeur, dans le cadre d'un contrat de sous-traitance ; qu'il ne peut donc rechercher la responsabilité de son employeur la société Kaefer Wanner au titre de son préjudice d'anxiété. 1° ALORS QUE le salarié qui a été mis à disposition par son employeur auprès d'une entreprise pour travailler dans l'un des établissements de cette dernière mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve par le fait de son employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de développer une maladie liée à l'amiante et subit par là même un préjudice d'anxiété que son employeur doit réparer ; qu'en refusant au salarié l'indemnisation de son préjudice d'anxiété résultant de son exposition aux poussières d'amiante dans l'établissement de Saint Auban appartenant à la société Arkema où il a été mis à disposition de 1988 à 1998 et qui a été classé, par arrêté du 30 octobre 1997, sur la liste mentionnée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 pour la période courant de 1962 à 1994 en considération du fait que cet établissement appartenait à une entreprise tierce, la cour d'appel a violé l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, ensemble l'article 1147 du code civil alors applicable et l'article L. 4221-1 du code du travail. 2° ALORS QUE, à tout le moins, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il aurait travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 n'appartenant pas à son employeur ; qu'en refusant au salarié l'indemnisation de son préjudice d'anxiété résultant de son exposition aux poussières d'amiante dans l'établissement de Saint Auban appartenant à la société Arkema où il a été mis à disposition de 1988 à 1998, sans examiner les justificatifs de son exposition aux poussières d'amiante durant cette période d'emploi qu'il produisait quand bien même cet établissement n'appartenait pas à son employeur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble l'article L. 4221-1 du code du travail.
Le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même cet employeur n'entrerait pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée
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SOC. MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 777 FS-P+B+I Pourvoi n° Z 19-13.714 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 1°/ le comité d'entreprise de la société New Look France, dont le siège est 11 rue Leredde, 75013 Paris, 2°/ le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société New Look France, dont le siège est 11 rue Leredde, 75013 Paris, 3°/ le syndicat SUD commerces et services Ile-de-France, dont le siège est 13 rue d'Armaille, 75017 Paris, ont formé le pourvoi n° Z 19-13.714 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant : 1°/ à la société New Look France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est 11 rue Leredde, 75013 Paris, 2°/ à la société BTSG, dont le siège est 15 rue de l'Hôtel de Ville, 92200 Neuilly-sur-Seine, en la personne de M. W... D..., en qualité de liquidateur de la société New Look France, 3°/ à la société MJA, dont le siège est 102 rue du Faubourg Saint-Denis, 75479 Paris cedex 10, en la personne de Mme T... U..., en qualité de liquidateur de la société New Look France, défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations et la plaidoirie de Me Grévy de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité d'entreprise de la société New Look et du syndicat SUD commerces et services Ile-de-France, les observations et la plaidoirie de Me Rebeyrol de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société BTSG ès qualités, et de la société MJA, ès qualités, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Leprieur, MM. Maron, Rinuy, Pietton, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, Le Lay, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mmes Prache, Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, Mme Marguerite, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société New Look France du désistement de son pourvoi. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2019), statuant en référé, l'ordonnance qu'il confirme et les productions, la société New Look France (la société), spécialisée dans la commercialisation d'articles de prêt-à-porter et d'accessoires de mode, comprenait au 31 juillet 2018 trente-et-un magasins répartis sur toute la France et employait quatre cent quatre-vingt-seize salariés. 3. La direction de la société a convoqué son comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et son comité d'entreprise le 10 septembre 2018 à deux réunions fixées au 17 septembre 2018, en diffusant à cette occasion un document d'information sur un projet de réorganisation de l'entreprise prévoyant la fermeture de vingt-et-un magasins entre le 30 septembre 2018 et le 24 novembre 2021. Etait également remis un projet d'accord collectif relatif à un plan de sauvegarde de l'emploi annonçant le licenciement de deux cent vingt-sept salariés en contrat de travail à durée indéterminée et le non-renouvellement du contrat de travail à durée déterminée de trente-cinq salariés. 4. Se prévalant de la violation par l'employeur de son obligation de consulter les instances représentatives du personnel préalablement à toute mise en oeuvre d'un projet de restructuration, le comité d'entreprise de la société, le CHSCT et le syndicat Sud commerces et services Ile-de-France (le syndicat) ont saisi le 13 septembre 2018 le juge des référés du tribunal de grande instance aux fins de suspension sous astreinte de la fermeture de magasins et de toute mise en oeuvre du projet de restructuration avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel. 5. Par ordonnance du 18 septembre 2018 confirmée par l'arrêt du 31 janvier 2019, ces demandes ont été « déclarées irrecevables devant les juridictions de l'ordre judiciaire ». 6. La fermeture effective du magasin de Rouen est intervenue le 19 septembre 2018. 7. Par décision du 26 octobre 2018, l'autorité administrative, saisie par le comité d'entreprise sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-57-5 du code du travail, a enjoint à la société notamment de suspendre sa réorganisation pendant la période déterminée de la procédure d'information-consultation, afin de se conformer à la règle de procédure prévue en matière de plan de sauvegarde de l'emploi. Elle a rejeté la demande relative à la remise en état du magasin de Rouen, au motif qu'une telle remise en état ne relevait pas de ses attributions énumérées par l'article précité. 8. Le 30 novembre 2018, la société a renoncé à la poursuite de son projet de restructuration. 9. Par jugement du 26 juin 2019, la liquidation judiciaire de la société a été prononcée, la société BTSG, en la personne de M. D..., et la société MJA, en la personne de Mme U..., étant désignés liquidateurs. Examen du moyen Enoncé du moyen 10. Le comité d'entreprise et le syndicat font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du président du tribunal de grande instance en ce qu'elle a déclaré irrecevable devant les juridictions de l'ordre judiciaire l'ensemble de leurs demandes principales aux fins de suspension sous astreinte de la fermeture de magasins et de toute mise en oeuvre du projet de restructuration, alors : « 1°/ que si l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 du code du travail, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision administrative de validation ou d'homologation, le juge judiciaire demeure seul compétent pour se prononcer sur une demande aux fins de suspension sous astreinte de la mise en oeuvre anticipée d'une décision de fermeture de magasins par une personne morale de droit privé avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel, y compris lorsque cette décision s'inscrit dans un projet de restructuration et de compression des effectifs ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-31, L. 4612-8-1, L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, l'article 4 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs ; 2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal ; que l'administration ou le juge administratif sont incompétents pour ordonner la suspension d'une décision de fermeture de magasins prise par une personne morale de droit privé avant l'achèvement de la procédure légale d'information-consultation des représentants du personnel ; qu'en jugeant néanmoins que le juge judiciaire serait incompétent pour connaître en référé de cette demande, au motif inopérant que la décision de l'employeur constitue une mesure accessoire du plan de sauvegarde de l'emploi permettant d'aboutir à la suppression des emplois, la cour d'appel, qui, par son incompétence négative, a privé les exposants d'un accès effectif et utile au juge afin de contester la décision de l'employeur, a violé, par fausse application, les articles L. 1235-7-1 et L. 1233-57-5 du code du travail, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 3°/ que l'abrogation des articles L. 1235-7-1 et L. 1233-57-5 du code du travail, institués par l'article 18 de la n° 2013-504 du 14 juin 2013 entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué ainsi dépourvu de base légale, en application de l'article 625 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 11. Il résulte des articles L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail que toute demande tendant, avant la transmission de la demande de validation d'un accord collectif ou d'homologation d'un document de l'employeur fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, est adressée à l'autorité administrative. Les décisions prises à ce titre ainsi que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation relevant de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. 12. Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que les demandes du comité d'entreprise et du syndicat tendaient à ce qu'il soit enjoint à la société de suspendre sous astreinte la fermeture de magasins et toute mise en oeuvre du projet de restructuration avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel relative au projet de restructuration et au projet de licenciement collectif pour motif économique donnant lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître le principe du droit au recours effectif, que ces demandes ne relevaient pas de la compétence du juge judiciaire. 13. Le moyen, sans portée en sa troisième branche, la Cour de cassation ayant, par arrêt du 9 octobre 2019, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le comité d'entreprise de la société New Look France et le syndicat SUD commerces et services Ile-de-France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt, et signé par lui et M. Huglo conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le comité d'entreprise de la société New Look et le syndicat SUD commerces et services Ile-de-France. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance du tribunal de grande instance en ce qu'elle a déclaré irrecevable devant les juridictions de l'ordre judiciaire l'ensemble des demandes principales formées par le comité d'entreprise et le syndicat aux fins de suspension sous astreinte de la fermeture de magasins et de toute mise en oeuvre du projet de restructuration. AUX MOTIFS propres QU'en application de l'article L. 1233-46 du code du travail, l'employeur notifie à l'autorité administrative tout projet de licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours. Lorsque l'entreprise est dotée de représentants du personnel, la notification est faite au plus tôt le lendemain de la date prévue pour la première réunion prévue aux articles L. 1233-29 et L. 1233-30. La notification est accompagnée de tout renseignement concernant la convocation, l'ordre du jour et la tenue de cette réunion. Au plus tard à cette date, elle indique, le cas échéant, l'intention de l'employeur d'ouvrir la négociation prévue à l'article L. 1233-24-1. Le seul fait d'ouvrir cette négociation avant cette date ne peut constituer une entrave au fonctionnement du comité social et économique. En application de l'article L. 1235-7-1 alinéas 1 et 2 du code du travail, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. En application de l'article L. 1233-57-5 du code du travail, toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours. Par ailleurs les appelants fondent leurs demandes sur la compétence générale du juge judiciaire statuant en référé en application de l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, pour prévenir un dommage imminent, ou faire cesser un trouble manifestement illicite. II sera rappelé en l'espèce que la société New Look France qui exploite 31 magasins de prêt-à-porter répartis sur toute la France et emploie un peu moins de 500 salariés, a remis lors d'une réunion du comité d'entreprise du 10 septembre 2018, une note d'information prévoyant la réorganisation de l'entreprise intégrant la fermeture de 21 magasins et la suppression de 227 emplois en CDI. Le projet d'accord collectif prévu par l'article L. 1233-24-1 5 du code du travail était également remis lors de cette réunion ainsi qu'une convocation à une réunion extraordinaire du comité fixé le 17 septembre 2018. Les appelants ont saisi le juge des référés de Paris le 13 septembre 2018 dans le cadre d'une procédure en référé d'heure à heure au motif que les documents remis le 10 septembre 2018 prévoyaient la fermeture imminente d'un certain nombre de magasins, dans un délai non compatible avec les délais légaux de consultation, tel étant le cas notamment du magasin de Calais dont la fermeture était fixée au 30 septembre 2018 et celui de Rouen Gros Horloge dont la fermeture était fixée au 1er octobre 2018, suivie de la fermeture des magasins de Villetaneuse et de Dijon au 31 décembre 2018. La fermeture effective du magasin de Rouen Gros Horloge est intervenue le 19 septembre 2018, du fait de la remise des clés des locaux au bailleur, en vue de leur relocation au biais d'une autre enseigne. Les salariés de ce magasin ont été placés en dispense d'activité et une proposition de mobilité devait leur être adressée vers le magasin de Rouen Dock 76, suivant la note remise au CE le 4 décembre 2018. La fermeture du magasin de Calais a été suspendue du fait du report de l'expiration du congé au 1er juillet 2019, quatre autres magasins étant également concernés par le report de la fin du bail à la même date. Par ailleurs, il n'est pas contesté que la société New Look France a annoncé dans une note du 30 novembre 2018 remise aux élus en vue de la réunion du comité du 4 décembre 2018, que le projet de réorganisation de l'entreprise était abandonné. La question de la compétence juridictionnelle posée par le litige résulte de la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif en matière de consultations obligatoires des IRP depuis la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, le juge administratif disposant d'une compétence exclusive pour statuer sur les litiges concernant la régularité de la consultation dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Il n'est pas contestable en l'occurrence que la demande du CE et du syndicat Sud Commerces et Services IDF présentée devant le juge des référés saisi le 13 septembre 2018 avait pour objet de contester les mesures accessoires du plan de sauvegarde mis en oeuvre le 10 septembre 2018. Il résulte tant de l'énoncé des demandes présentées devant le juge de Paris que des documents d'information remis au comité le 10 septembre 2018 que la fermeture des magasins envisagée par le plan, constituait l'une des mesures permettant d'aboutir à la suppression d'emplois. La Direccte de Paris a d'ailleurs été informée de la mise en oeuvre de la procédure par lettre du 11 septembre 2018 de la société New Look France, l'enregistrement en ligue sur le site internet étant effective le 14 septembre 2018. Après la remise de ces informations, les dispositions du code du travail écartent sans équivoque la compétence du juge judiciaire et en cas de litige il appartient au CE ou aux syndicats de saisir le cas échéant l'administration de toute question concernant la régularité de la procédure, la Direccte devant se prononcer en application de l'article L.1233-57-5 du code du travail dans le délai de cinq jours. Tel a été le cas en l'espèce puisque le conseil des appelants a adressé 1er septembre 2018 à la Direccte de Paris, une demande d'injonction-observations fondée sur les mêmes prétentions que celles soumises au juge des référés de Paris, notamment en ce qui concerne la fermeture de certains magasins sans respect des délais de consultation. La demande a été suivie d'effet puisque par décision du 26 octobre 2018 notifiée par voie dématérialisée, l'administration a rendu plusieurs injonctions contre la société, visant notamment le non-respect des délais concernant la fermeture des magasins consistant dans la réorganisation engagée sans attendre l'issue de la phase de consultation, et ordonnant la suspension de la procédure. Pour le magasin de Rouen Gros Horloge, la Direccte s'est estimée incompétente pour ordonner la remise en état de la situation qui ne figure pas selon elle dans la liste de ses attributions. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le premier juge était manifestement incompétent pour se prononcer sur les demandes du CE et du syndicat Sud, au jour où il a statué. AUX MOTIFS adoptés QUE la société New Look rappelle à juste titre que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relatives à la sécurisation de l'emploi, les juridictions de l'ordre administratif ont désormais la compétence matérielle exclusive pour connaître de toutes contestations se rapportant à des procédures de licenciement pour motif économique d'au moins 10 salariés sur une période de 30 jours dans les entreprises d'au moins 50 salariés ayant, du fait de ce seuil, l'obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Or, il n'est effectivement pas contestable que, compte tenu du nombre total de ses employés (496 salariés au 30 juillet 2018) ainsi que de la période et du nombre total des licenciements pour motif économique annoncés (227 salariés en CDI sur une période largement supérieure à 30 jours), le projet litigieux, manifestement initié le 10 septembre 2018 par la remise des documents susmentionnés en vue des réunions du 17 septembre 2018 du CE et du CHSCT, doit être conduit en application des dispositions de l'article L. 123 5-7-1 du code du travail, résultant de la loi précitée du 14 juin 2013, et suivant lesquelles « L 'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Le recours est présenté dans un délai de deux mois par l'employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d'homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance conformément à l'article L. 1233-57-4. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, il ne s'est pas prononcé ou en cas d'appel, le litige est porté devant la cour administrative d'appel, qui statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, elle ne s'est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d'Etat. Le livre V du code de justice administrative est applicable. » Il convient par ailleurs de rappeler les dispositions de l'article L. 1233-57-5 du code du travail, résultant également de la loi précitée du 14 juin 2013, suivant lesquelles : « Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours. » Il importe d'en inférer que la demande principale du CE susnommé et du syndicat SUD, formée au visa de l'article L. 1233-30 du code du travail dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2012-387 du 22 mars 2012 (toujours applicable du fait du maintien des mandats des membres de ce CE à la date du 13 septembre 2018 d'introduction de cette instance) et visant à faire suspendre sous astreinte la fermeture de magasins de la société New Look avant l'expiration des délais de consultation du CE tels que prévus dans ces mêmes dispositions législatives (manifestement trois mois par application du 2° de cet article et à compter du 10 septembre 2018 compte tenu du nombre annoncé de personnes licenciées à hauteur de 227 en CDI), relève de la seule compétence d'attribution des juridictions de l'ordre administratif. Il en est de même en ce qui concerne la demande principale plus large aux fins de suspension sous astreinte de la mise en oeuvre de l'ensemble du projet de restructuration litigieux. Ces demandes principales de suspension sous astreinte de fermeture de magasin et de mise en oeuvre du projet litigieux de restructuration, formées par le CE de la société New Look et le syndicat SUD COMMERCE ET SERVICES 1LE-DE-FRANCE à l'encontre de la société New Look seront en conséquence déclarées irrecevables devant les juridictions de l'ordre judiciaire. 1° ALORS QUE si l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 du code du travail, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision administrative de validation ou d'homologation, le juge judiciaire demeure seul compétent pour se prononcer sur une demande aux fins de suspension sous astreinte de la mise en oeuvre anticipée d'une décision de fermeture de magasins par une personne morale de droit privé avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel, y compris lorsque cette décision s'inscrit dans un projet de restructuration et de compression des effectifs ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-31, L. 4612-8-1, L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, l'article 4 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs. 2° ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal ; que l'administration ou le juge administratif sont incompétents pour ordonner la suspension d'une décision de fermeture de magasins prise par une personne morale de droit privé avant l'achèvement de la procédure légale d'information-consultation des représentants du personnel ; qu'en jugeant néanmoins que le juge judiciaire serait incompétent pour connaître en référé de cette demande, au motif inopérant que la décision de l'employeur constitue une mesure accessoire du plan de sauvegarde de l'emploi permettant d'aboutir à la suppression des emplois, la cour d'appel, qui, par son incompétence négative, a privé les exposants d'un accès effectif et utile au juge afin de contester la décision de l'employeur, a violé, par fausse application, les articles L. 1235-7-1 et L. 1233-57-5 du code du travail, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 3° ALORS QUE l'abrogation des articles L. 1235-7-1 et L. 1233-57-5 du code du travail, institués par l'article 18 de la n° 2013-504 du 14 juin 2013 entrainera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué ainsi dépourvu de base légale, en application de l'article 625 du code de procédure civile.
Il résulte des articles L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail que toute demande tendant, avant la transmission de la demande de validation d'un accord collectif ou d'homologation d'un document de l'employeur fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, est adressée à l'autorité administrative. Les décisions prises à ce titre ainsi que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation relevant de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Dès lors, une cour d'appel qui constate que les demandes d'un comité d'entreprise et d'un syndicat tendent à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de suspendre sous astreinte la fermeture de magasins et toute mise en oeuvre d'un projet de restructuration avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel relative au projet de restructuration et au projet de licenciement collectif pour motif économique donnant lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, en déduit exactement, sans méconnaître le principe du droit au recours effectif, que ces demandes ne relèvent pas de la compétence du juge judiciaire
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 779 FS-P+B+R+I sur les 1re et 3e branches du premier moyen Pourvoi n° Z 19-12.058 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 Mme I... M..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-12.058 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Petit Bateau, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est 15 rue du lieutenant Pierre Murard, 10000 Troyes, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme M..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Petit Bateau, et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, MM. Maron, Pietton, Mme Le Lay, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2018), Mme M... a été engagée à compter du 1er juillet 2010 en qualité de chef de projet export par la société Petit Bateau. Par lettre du 15 mai 2014, elle a été licenciée pour faute grave, notamment pour avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité en publiant le 22 avril 2014 sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015 présentée exclusivement aux commerciaux de la société. 2. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens : ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes au titre de la rupture du contrat, alors : « 1°/ que l'employeur ne peut accéder aux informations extraites d'un compte Facebook de l'un de ses salariés sans y avoir été autorisé ; qu'il s'ensuit que la preuve des faits invoqués contre un salarié dans une procédure disciplinaire issue de publications figurant sur son compte Facebook privé, rapportée par l'intermédiaire d'un autre salarié de l'entreprise autorisé à y accéder, est irrecevable ; que dans ses conclusions d'appel, la salariée soutenait que la preuve des faits reprochés n'était pas opposable, ces derniers se rapportant à un compte Facebook privé, non accessible à tout public mais uniquement aux personnes que cette dernière avait accepté de voir rejoindre son réseau ; qu'en se bornant à retenir que l'employeur n'avait commis aucun fait illicite ou procédé déloyal d'atteinte à la vie privée, ayant été informé de la diffusion de la photographie litigieuse sur le compte Facebook de la salariée par un des « amis » de la salariée travaillant au sein de la société, sans s'expliquer sur le caractère inopposable, et donc irrecevable, de la preuve invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 et 1353 du code civil, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ; 2°/ que l'employeur ne peut porter une atteinte disproportionnée et déloyale au droit au respect de la vie privée du salarié ; qu'il s'ensuit qu'il ne peut s'immiscer abusivement dans les publications du salarié sur les réseaux sociaux ; qu'en décidant que l'employeur n'avait commis aucun fait illicite ou procédé déloyal d'atteinte à la vie privée quand elle se référait, pour justifier la faute grave, à l'identité et aux activités professionnelles des amis de la salariée sur le réseau Facebook, telles que rapportées par l'employeur et dont il considérait qu'ils travaillaient chez des concurrents, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil. » Réponse de la Cour 5. D'abord, si en vertu du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, l'employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve, la cour d'appel, qui a constaté que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l'employeur par un courriel d'une autre salariée de l'entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de Mme M..., a pu en déduire que ce procédé d'obtention de preuve n'était pas déloyal. 6. Ensuite, il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi. 7. La production en justice par l'employeur d'une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n'était pas autorisé à accéder, et d'éléments d'identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée. 8.Cependant, la cour d'appel a constaté que, pour établir un grief de divulgation par la salariée d'une information confidentielle de l'entreprise auprès de professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes, l'employeur s'était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l'intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d'activité et qu'il n'avait fait procéder à un constat d'huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l'identité du titulaire du compte. 9.En l'état de ces constatations, la cour d'appel a fait ressortir que cette production d'éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l'intérêt légitime de l'employeur à la confidentialité de ses affaires. 10.Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le premier moyen, pris en ses autres branches : Enoncé du moyen 11. La salariée fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que les éléments publiés sur un compte Facebook privé, accessible uniquement à des personnes préalablement approuvées et en nombre limité, sont de nature privée et ne peuvent justifier un licenciement ; qu'un manquement isolé reproché à un salarié sans antécédent disciplinaire ne peut justifier un licenciement pour faute grave ; qu'il s'ensuit que le fait qu'un salarié, sans passif disciplinaire, poste une photographie en lien avec l'activité de l'entreprise, sur un compte Facebook paramétré en mode privé, accessible à un nombre restreint de personnes dont il a préalablement validé l'accès, ne constitue pas une faute grave, pas plus qu'une cause de licenciement ; qu'en se bornant à retenir, pour dire la faute grave caractérisée, que la salariée avait plus de 200 amis sur le réseau Facebook qui étaient des professionnels de la mode travaillant auprès d'entreprises concurrentes ce qui dépassait la sphère privée, et que la société avait interdit les communications extérieures en 2012 et 2013, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait que la salariée n'avait jamais été sanctionnée auparavant, que le compte Facebook en cause était privé, que les publications non publiques étaient accessibles à seulement 20 personnes, et que les individus visés par l'employeur comme travaillant auprès de concurrents n'évoluaient pas sur le même secteur d'activité que celui de la société Petit Bateau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ; 2°/ qu'un motif incertain équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, que « Facebook, qui est un réseau accessible par connexion internet, ne garantit pas toujours la confidentialité nécessaire », la cour d'appel a statué par un motif incertain et violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ que la négligence, qui relève de l'insuffisance professionnelle, ne constitue pas une faute sauf mauvaise volonté du salarié ; qu'en retenant qu'il importait peu que la communication faite par la salariée soit le fruit d'une négligence et non d'une intention frauduleuse, sans caractériser une mauvaise volonté délibérée de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, et L. 1235-3 du code du travail ; 4°/ que dans ses écritures d'appel, la salariée soutenait que la note interne du 25 octobre 2012 interdisant l'utilisation de la marque Petit Bateau sur les réseaux sociaux n'était pas opposable dans la mesure où elle n'avait pas été soumise à la consultation des représentants du personnel ni transmise à l'inspection du travail ; qu'en retenant que la société avait interdit les communications extérieures en 2013, sans s'expliquer sur le caractère inopposable de ladite note de service, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 12.Un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. 13. La cour d'appel a d'abord constaté qu'une clause de confidentialité figurait au contrat de travail de la salariée. Elle a ensuite relevé que la salariée avait publié la photographie du défilé de la collection 2015 sur son compte privé Facebook comptant plus de 200 « amis » professionnels de la mode travaillant soit pour T... H..., sans avoir eu accès au défilé confidentiel du 22 avril 2014 destiné aux commerciaux, soit auprès d'entreprises concurrentes. Elle a ajouté que la salariée ne pouvait garantir l'absence de diffusion dans un cercle encore plus large par ces « amis », dans un secteur très concurrentiel où l'employeur justifiait d'agissements de contrefaçon. 14. En l'état de ces constatations, et sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, la cour d'appel a pu en déduire que cette publication caractérisait un manquement à l'obligation contractuelle de confidentialité de la salariée et constituait une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise. 15.Ainsi, le moyen qui critique des motifs surabondants dans sa deuxième branche et est inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme M... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Leprieur, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme M... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme M... pour faute grave était fondé, et de l'avoir déboutée de ses demandes au titre de la rupture du contrat. AUX MOTIFS QUE constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'il doit être rappelé que seul le premier grief peut fonder une faute grave, l'insuffisance professionnelle invoquée ne pouvant justifier qu'un licenciement pour cause réelle et sérieuse ; que Mme M... ne conteste ni l'obligation de confidentialité incluse à l'article 12 de son contrat de travail rappelée dans la lettre de licenciement, ni avoir reçu un courriel de M. D... le 25 octobre 2013, dont elle était destinataire, rappelant l'interdiction de diffusion de photographies de futures collections, la société produisant aussi le message du 25 octobre 2012 de la directrice internet de la société sur la maîtrise de l'image Petit Bateau et l'interdiction de toute page sur les réseaux sociaux émanant de salariés, partenaires et clients, message adressé notamment à M. D... pour diffusion à ses équipes, ni avoir reçu le 3 février 2014 la charte informatique dont elle a pris connaissance qui prévoit notamment en son article 7.2 l'interdiction de diffuser des informations sur le groupe via des sites internet, des forums, des groupe d'information ou des conversations en ligne en dehors des cas limitativement autorisés par le service communication prévu à l'article 7.3 ; que nul ne peut ignorer que Facebook, qui est un réseau accessible par connexion internet, ne garantit pas toujours la confidentialité nécessaire ; que c'est vainement que Mme M... prétend que l'interdiction ne concernerait que le compte Instagram ou tout autre site internet accessible au public et que la photographie diffusée par elle n'aurait été mise en ligne que sur son compte Facebook et uniquement auprès de ses amis, arguant d'un procédé déloyal pour accéder à sa page personnelle, d'une intrusion abusive et illicite dans sa vie privée et de l'absence de trouble au sein de l'entreprise, alors que : - ses « amis » sont plus de 200 et sont des professionnels de la mode travaillant pour T... H... sans avoir eu accès au défilé du 22 avril 2014 confidentiel et destiné aux commerciaux, ou travaillant auprès d'entreprises concurrentes tels que ceci ressort des pièces produites sur les profils professionnels de certains « amis » de Mme M..., ce qui dépasse la sphère privée ; - la salariée ne peut garantir l'absence de diffusion dans un cercle encore plus large par ces « amis » dans un secteur très concurrentiel où l'employeur justifie d'agissements de contrefaçon ; - il n'est nullement justifié d'une pratique admise au sein de la société, le mail d'octobre 2013 démontrant l'inverse ; - l'employeur n'a commis aucun fait illicite ou procédé déloyal d'atteinte à la vie privée, ayant été informé de cette diffusion par un des « amis » de Mme M... travaillant au sein de la société tel que ceci résulte du courriel de Mme W... du 24 avril 2014 à la direction qui a joint la photographie litigieuse représentant une prise de vue du défilé adulte en « avant 1ère » avec six tenues différentes sur la mode de l'été suivant, celle-ci s'étonnant à juste titre de trouver sur Facebook une photographie de la future collection ; - l'employeur a fait procéder à un constat d'huissier pour contrecarrer la contestation initiale de Mme M... sur le fait que le compte Facebook ne serait pas peut être pas le sien et il est sans intérêt que ce constat ait été effectué après le licenciement, l'employeur ayant dès la sanction des éléments suffisamment probants sur l'auteur et les conséquences de cette diffusion ; - il importe peu que les modèles en cause dans lesquels apparaissaient un imprimé inédit n'aient pas été copiés ou que la société ait choisi de diffuser quelques articles de la nouvelle collection dès juillet 2014 dans le salon mode Who's Next avec d'autres professionnels, la société Petit Bateau étant maître de son image et de sa communication ; - enfin, il importe peu que cette communication par Mme M... soit le fruit d'une négligence et non d'une intention frauduleuse, le non-respect de l'obligation de confidentialité par Mme M... est établi et ce malgré un rappel en octobre 2013 ; qu'au regard de l'interdiction de la société sur une communication extérieure rappelée en 2012 et 2013 et ciblant les réseaux sociaux, Mme M... a commis une faute grave en violant l'obligation de confidentialité imposée par l'employeur particulièrement justifiée par le secteur de la société dans laquelle la salariée travaillait depuis quatre ans à un poste important ; que la mise à pied à titre conservatoire était justifiée compte tenu des circonstances, et il n'est nullement justifié de conditions brutales et vexatoires ; en conséquence le jugement sera infirmé et Mme M... déboutée de ses demandes au titre de la rupture sans qu'il soit besoin d'examiner le second grief ; ET QUE l'équité et la solution du litige conduisent à condamner Mme M... qui a interjeté appel à payer à la société Petit Bateau une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel. 1°) ALORS QUE l'employeur ne peut accéder aux informations extraites d'un compte Facebook de l'un de ses salariés sans y avoir été autorisé ; qu'il s'ensuit que la preuve des faits invoqués contre un salarié dans une procédure disciplinaire issue de publications figurant sur son compte Facebook privé, rapportée par l'intermédiaire d'un autre salarié de l'entreprise autorisé à y accéder, est irrecevable ; que dans ses conclusions d'appel (p. 9 et 15), Mme M... soutenait que la preuve des faits reprochés n'était pas opposable, ces derniers se rapportant à un compte Facebook privé, non accessible à tout public mais uniquement aux personnes que cette dernière avait accepté de voir rejoindre son réseau ; qu'en se bornant à retenir que l'employeur n'avait commis aucun fait illicite ou procédé déloyal d'atteinte à la vie privée, ayant été informé de la diffusion de la photographie litigieuse sur le compte Facebook de la salariée par un des « amis » de Mme M... travaillant au sein de la société, sans s'expliquer sur le caractère inopposable, et donc irrecevable, de la preuve invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 et 1353 du code civil, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, les éléments publiés sur un compte Facebook privé, accessible uniquement à des personnes préalablement approuvées et en nombre limité, sont de nature privée et ne peuvent justifier un licenciement ; qu'un manquement isolé reproché à un salarié sans antécédent disciplinaire ne peut justifier un licenciement pour faute grave ; qu'il s'ensuit que le fait qu'un salarié, sans passif disciplinaire, poste une photographie en lien avec l'activité de l'entreprise, sur un compte Facebook paramétré en mode privé, accessible à un nombre restreint de personnes dont il a préalablement validé l'accès, ne constitue pas une faute grave, pas plus qu'une cause de licenciement ; qu'en se bornant à retenir, pour dire la faute grave caractérisée, que la salariée avait plus de 200 amis sur le réseau Facebook qui étaient des professionnels de la mode travaillant auprès d'entreprises concurrentes ce qui dépassait la sphère privée, et que la société avait interdit les communications extérieures en 2012 et 2013, sans s'expliquer, comme elle y était invitée (conclusions d'appel p. 5, 9, 13 et 16), sur le fait que la salariée n'avait jamais été sanctionnée auparavant, que le compte Facebook en cause était privé, que les publications non publiques étaient accessibles à seulement 20 personnes, et que les individus visés par l'employeur comme travaillant auprès de concurrents n'évoluaient pas sur le même secteur d'activité que celui de la société Petit Bateau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ; 3°) ALORS QUE l'employeur ne peut porter une atteinte disproportionnée et déloyale au droit au respect de la vie privée du salarié ; qu'il s'ensuit qu'il ne peut s'immiscer abusivement dans les publications du salarié sur les réseaux sociaux ; qu'en décidant que l'employeur n'avait commis aucun fait illicite ou procédé déloyal d'atteinte à la vie privée (arrêt p. 5) quand elle se référait, pour justifier la faute grave, à l'identité et aux activités professionnelles des amis de la salariée sur le réseau Facebook, telles que rapportées par l'employeur et dont il considérait qu'ils travaillaient chez des concurrents, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil. 4°) ALORS QU'un motif incertain équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, que « Facebook, qui est un réseau accessible par connexion internet, ne garantit pas toujours la confidentialité nécessaire », la cour d'appel a statué par un motif incertain et violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QUE la négligence, qui relève de l'insuffisance professionnelle, ne constitue pas une faute sauf mauvaise volonté du salarié ; qu'en retenant qu'il importait peu que la communication faite par Mme M... soit le fruit d'une négligence et non d'une intention frauduleuse, sans caractériser une mauvaise volonté délibérée de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, et L. 1235-3 du code du travail ; 6°) ALORS QUE dans ses écritures d'appel (conclusions p. 12-13), Mme M... soutenait que la note interne du 25 octobre 2012 interdisant l'utilisation de la marque Petit Bateau sur les réseaux sociaux n'était pas opposable dans la mesure où elle n'avait pas été soumise à la consultation des représentants du personnel ni transmise à l'inspection du travail ; qu'en retenant que la société avait interdit les communications extérieures en 2013, sans s'expliquer sur le caractère inopposable de ladite note de service, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme M... de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de la contrepartie obligatoire en repos et du travail dissimulé. AUX MOTIFS QUE Mme M... est fondée à réclamer le paiement d'heures supplémentaires ; qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que les heures supplémentaires doivent avoir été effectuées à la demande de l'employeur ou à tout le moins avec son accord implicite et les heures supplémentaires doivent être nécessaires à la réalisation de sa mission ; que Mme M... produit notamment deux tableaux établis pour les besoins de la procédure : un tableau sur le nombre de jours travaillés et d'heures mensuelles sans qu'aucune année ne soit mentionnée sur les feuilles produites et un autre tableau par an et par semaine ainsi qu'un relevé de ses vols en avion qui fait état de nombreux déplacements ; qu'or les tableaux produits sans aucun horaire d'arrivée et de départ ne permettent pas à l'employeur de pouvoir répliquer précisément ; que de plus la société Petit Bateau justifie d'erreurs de la salariée notamment lorsqu'elle sollicite des heures supplémentaires des jours où elle est en RTT et produit une attestation d'une salariée, Mme K... [F...] qui occupait le bureau voisin du sien en 2013 et atteste qu'elles arrivaient et partaient en même temps et bénéficiaient de pauses déjeuner et qu'elles ne faisaient pas d'heures supplémentaires ; que l'employeur démontre aussi que certains déplacements indiqués dans le relevé des vols d'avion étaient des déplacements personnels ou que des déplacements mentionnés par elle ne correspondent au relevé de vols qu'elle produit ; que la cour observe en outre que ce relevé ne mentionne aucun horaire d'avion ; qu'enfin aucune des attestations produites par la salariée et émanant de ses anciens supérieurs hiérarchiques n'évoquent des heures supplémentaires ou au moins un temps de travail important et aucune pièce et notamment des courriels durant la relation contractuelle ne permet de déduire une surcharge de travail et l'accomplissement d'heures supplémentaires ; qu'en conséquence non seulement l'employeur contredit utilement les pièces produites par Mme M... mais démontre l'absence de sincérité des tableaux présentés ; qu'au regard des éléments communiqués par les parties, la cour a la conviction que les quelques heures supplémentaires accomplies par la salariée ont été récupérées par elle en récupération ou en jours de RTT et que celles sollicitées par la salariée ne sont pas justifiées, et n'étaient ni nécessaires à l'exercice de sa mission, ni effectuées à la demande de l'employeur, ni même avec son accord implicite ; qu'en conséquence, Mme M... sera déboutée de ses demandes étant rappelé en outre que concernant l'indemnité pour travail dissimulé, il appartient au salarié de caractériser une intention frauduleuse de l'employeur, laquelle ne se déduit pas du seul fait que l'employeur applique un forfait jours annulé ; 1°) ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées par le salarié n'incombe spécialement à aucune des parties de sorte que le juge ne peut, pour rejeter une demande reposant sur l'accomplissement d'heures supplémentaires, se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'en retenant que la salariée produisait deux tableaux sans aucun horaire d'arrivée et de départ qui ne permettaient pas à l'employeur de répliquer précisément, et que la société Petit Bateau justifiait d'erreurs de la salariée dans les éléments fournis, la cour d'appel s'est fondée exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par la salariée sur qui elle a fait peser la charge de la preuve, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail ; 2°) ALORS QU'il appartenait à l'employeur de justifier des horaires effectivement réalisés par Mme M... ; qu'en se bornant à retenir que l'employeur contredisait utilement les pièces produites par la salariée et démontrait l'absence de sincérité des tableaux présentés, sans constater que la société justifiait des horaires de travail de l'intéressée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ; 3°) ALORS QU'en retenant, pour débouter Mme M... de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, que la cour avait la conviction que de telles heures avaient été accomplies mais avaient été récupérées par la salariée, et que les heures sollicitées n'étaient ni justifiées ni nécessaires à l'exercice de sa mission, ni effectuées à la demande de l'employeur ni même avec son accord implicite, la cour d'appel a statué par simple affirmation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera au chef de l'arrêt ayant débouté Mme M... de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant débouté Mme M... de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de repos non pris, d'une indemnité pour travail dissimulé et des indemnités de congés payés correspondantes. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté Mme M... de ses demandes au titre de la rupture du contrat. AUX MOTIFS QU'il n'est nullement justifié de conditions brutales et vexatoires. ALORS QUE le préjudice résultant de procédés vexatoires dans la mise en oeuvre ou les circonstances du licenciement donne droit à une indemnisation distincte de celle réparant celui résultant de la rupture du contrat ; que dans ses écritures (conclusions d'appel p. 26), Mme M... soutenait qu'elle avait dû quitter la société une heure à peine après être arrivée sans pouvoir saluer ses collègues, et s'était sentie humiliée par la communication qui avait été faite en interne autour de son départ et l'attitude de la société qui avait jeté le discrédit sur ses qualités professionnelles aux yeux de son entourage de travail, ce dont il résultait un préjudice d'image distinct du préjudice propre à la perte de son emploi ; qu'en se bornant à énoncer qu'il n'était pas justifié de conditions brutales et vexatoires de rupture, sans s'expliquer sur le contexte dans lequel l'éviction de la salariée était intervenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil.
Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d'éléments extraits du compte privé Facebook d'un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi
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SOC. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 780 FS-P+B+R+I Pourvoi n° S 18-24.881 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 La société Interbarreaux K...- Q...- J... et associés - Talliance avocats, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 18-24.881 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme W... U..., domiciliée [...] , 2°/ à la société DPR Méditerranée, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Interbarreaux K...- Q...- J... et associés Talliance avocats, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme U..., et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, MM. Maron, Pietton, Mme Le Lay, conseillers, Mmes Depelley, Duvallet, M. Le Corre, Mme Prache, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 septembre 2018), Mme U... a été engagée le 19 décembre 1996 en qualité de secrétaire par la société Interbarreaux K...- O... - Q... -J... et associés, désormais dénommée Interbarreaux K... - Q... - J... et associés. En juillet 2013, la société a cédé à la société DPR Méditerranée l'activité qu'elle exerçait dans son cabinet secondaire de Menton. Le 2 août 2013, a été notifié à la salariée le transfert de son contrat de travail auprès de la société DPR Méditerranée à hauteur de 50 % de son temps de travail par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail. Après s'être trouvée en arrêt de travail à compter du 7 août 2013, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 23 avril 2014. 2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 4. La société Interbarreaux K... -Q... -J... et associés fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il avait dit que la prise d'acte était fondée sur des motifs suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, que cette rupture s'analysait en une rupture aux torts de l'employeur et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité pour perte de chance d'utiliser le droit individuel à la formation, alors « qu'en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, dans l'hypothèse d'un transfert partiel d'activité, lorsque l'activité du salarié se répartissait entre l'entité conservée et l'entité économique autonome cédée, le contrat de travail est transféré pour la partie de son activité professionnelle que le salarié consacrait à l'entité cédée ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la cession par l'employeur à la société DPR méditerranée du droit de présentation de la clientèle portant sur l'ensemble des dossiers du cabinet de Menton, sur les biens mobiliers corporels relatifs à l'exercice de l'activité d'avocat et sur le salarié à hauteur de 50 % de son temps de travail, avait entraîné le transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité ; qu'en jugeant cependant que le contrat de travail de la salariée, affectée pour 50 % de son temps de travail à l'entité transférée et pour 50 % à l'activité conservée, devait se poursuivre avec la cédante au prétexte que la salariée n'exerçait pas l'essentiel de ses fonctions au sein de l'entité transférée, la cour d'appel a violé le texte susvisé, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière des dispositions de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 : 5. Par plusieurs arrêts, la Cour de cassation a jugé, notamment en cas de cession partielle d'une entreprise emportant transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité avait été poursuivie, qu'en application de l'article susvisé, lorsqu'un salarié était employé en partie au sein de cette entité, son contrat de travail devait être transféré au cessionnaire pour la partie de l'activité qu'il y consacrait (Soc., 22 juin 1993, pourvoi n° 90-44.705, Bulletin 1993, V, n° 171 ; Soc., 9 mars 1994, pourvoi n° 92-40.916, Bulletin 1994, V, n° 83; Soc., 2 mai 2001, pourvoi n° 99-41.960, Bull. 2001, V, n° 145). 6. Pour limiter les hypothèses d'une telle division du contrat de travail, la Cour de cassation a ensuite jugé que, si le salarié exerçait l'essentiel de ses fonctions dans le secteur d'activité repris par la nouvelle société, l'ensemble de son contrat de travail devait être transféré à cette société et, dans le cas inverse, que son contrat de travail devait se poursuivre avec la société sortante (Soc., 30 mars 2010, pourvoi n° 08-42.065, Bull. 2010, V, n° 78 ; Soc., 21 septembre 2016, pourvoi n° 14-30.056, Bull. 2016, V, n° 169). 7. Par un arrêt du 7 février 1985, (CJCE, arrêt du 7 février 1985, Botzen, aff. 186/83), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements devait être interprété en ce sens qu'il n'englobe pas les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert et conclu avec des travailleurs qui, bien que n'appartenant pas à la partie transférée de l'entreprise, exerçaient certaines activités comportant l'utilisation de moyens d'exploitation affectés à la partie transférée, ou qui, étant affectés à un service administratif de l'entreprise qui n'a pas été lui-même transféré, effectuaient certaines tâches au profit de la partie transférée. 8. Par arrêt du 26 mars 2020, (CJUE, arrêt du 26 mars 2020, ISS Facility Services NV, aff. C-344/18), la Cour de justice de l'Union européenne, en présence d'un transfert d'entreprise impliquant plusieurs cessionnaires, a écarté tant l'hypothèse consistant à transférer le contrat de travail uniquement au cessionnaire auprès duquel le travailleur exerce ses fonctions à titre principal, que l'hypothèse consistant à ne transférer le contrat de travail à aucun des cessionnaires. Elle a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, doit être interprété en ce sens que les droits et les obligations résultant d'un contrat de travail sont transférés à chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercées par le travailleur concerné, à condition que la scission du contrat de travail en résultant soit possible ou n'entraîne pas une détérioration des conditions de travail ni ne porte atteinte au maintien des droits des travailleurs garanti par cette directive, ce qu'il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, dans l'hypothèse où une telle scission du contrat de travail se révélerait impossible à réaliser ou porterait atteinte aux droits dudit travailleur, l'éventuelle résiliation de la relation de travail qui s'ensuivrait serait considérée, en vertu de l'article 4 de ladite directive, comme intervenue du fait du ou des cessionnaires, quand bien même cette résiliation serait intervenue à l'initiative du travailleur. 9. Il résulte ainsi de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, que, lorsque le salarié est affecté tant dans le secteur repris, constituant une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, que dans un secteur d'activité non repris, le contrat de travail de ce salarié est transféré pour la partie de l'activité qu'il consacre au secteur cédé, sauf si la scission du contrat de travail, au prorata des fonctions exercées par le salarié, est impossible, entraîne une détérioration des conditions de travail de ce dernier ou porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive. 10. Pour juger que la prise d'acte par la salariée était justifiée par un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, l'arrêt, après avoir jugé caractérisé le transfert d'une entité économique autonome, retient que, si la partie de l'activité de la société Interbarreaux K...- O...- Q...-J... et associés cédée à la société DPR Méditerranée représentait 50 % de l'activité de la salariée, le contrat de travail devait se poursuivre auprès de la société Interbarreaux K...- O...- Q... - J... et associés dès lors que la salariée n'exerçait pas l'essentiel de ses fonctions au sein de l'entité transférée. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le second moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif relatif à la mise hors de cause de la société DPR Méditerranée, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il met hors de cause la société DPR Méditerranée, juge que la prise d'acte est fondée sur des motifs suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, que cette rupture s'analyse en une rupture aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Interbarreaux K...- O...- Q... - J... et associés à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité pour perte de chance d'utiliser le droit individuel à la formation, l'arrêt rendu le 21 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne Mme U... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Interbarreaux K...- Q...- J... et associés - Talliance avocats. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que la prise d'acte était fondée sur des motifs suffisamment graves (déstabilisation, modification du contrat de travail et du lieu de travail, prêt de main d'oeuvre illicite, pressions, demande de démission) commis de surcroît par un cabinet d'avocats auxiliaire de justice nécessairement informé des droits et obligations en matière de gestion du personnel pour ne pas commettre de tels manquements coupables, pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que cette rupture s'analysait en une rupture aux torts de l'employeur et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés désormais dénommée SCP interbarreaux K... - Q... - J... & associés à payer à Mme U... les sommes de 4 896,58 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 489,55 € au titre des congés payés afférents, 10 876,34 € au titre de l'indemnité légale de licenciement, 22 500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 500 € à titre d'indemnité pour perte chance d'utiliser le droit individuel à la formation, et 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'AVOIR condamné la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés désormais dénommée SCP interbarreaux K... - Q... - J... & associés aux dépens, AUX MOTIFS QUE Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail : en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue qui ne résultent pas uniquement de l'écrit par lequel il prend acte de la rupture et qui doivent constituer des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que par lettres du 23 avril 2014, adressées séparément à la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés et la SELARL DPR méditerranée, Mme U... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes : (sic) "En ma qualité de salariée de la SCP K... - Q... - J... et associés et de la SELARL DPR Méditerranée, je vous adresse la présente aux termes de laquelle j'entends prendre acte de la rupture de mon contrat de travail en raison d'un ensemble de griefs qui me paraissent justifier la mise en oeuvre de cette décision. Je vous rappelle en effet les éléments suivants : Je suis salariée depuis 17 ans auprès de la SCP K... - Q... - J... et associés sis à [...], promenade des Anglais et j'ai fait l'objet depuis mai 2013, d'un ensemble de comportements qui me paraissent constitutifs d'un manquement grave à vos obligations d'employeur. Tout d'abord, il m'a été proposé, sans écrit, sous la menace d'un licenciement pour suppression de poste en fin d'année pour cause de restructuration, une modification de mon contrat de travail qui a consisté, en le transfert de mon lieu de travail qui se trouvait jusque-là à Nice sur Menton, s'accompagnant d'une répartition de mon temps de travail entre deux structures distinctes : - le cabinet d'avocats secondaire mentonnais de la SCP K..., à mi-temps d'une part - Un cabinet de gestion immobilière, la CGI Méditerranée également à Menton, à mi-temps, d'autre part. Cette modification m'a été imposée à compter du 13 mai 2013. A ma grande surprise, mes bulletins de salaire ont continué d'être émis par la SCP K..., le travail que j'effectuais à concurrence de la moitié de mon temps de travail pour la structure immobilière. Le 16 juillet 2013, je refuse oralement de continuer à travailler dans cette situation de prêt illicite de main d'oeuvre et je demande à être rétablie dans mon ancien poste de travail avant modification. La SCP K... prend acte oralement de ce refus et me demande d'abord de finir à temps complet au cabinet d'avocats mentonnais jusqu'au 19 juillet 2013 et de retourner ensuite au cabinet de Nice, puis de rester à Menton jusqu'à mon départ en congés le 12 août 2013. C'est alors qu'il m'a été notifié le 2 août 2013, avec effet au 2 août 2013, une modification de mon contrat de travail consistant en le transfert pour la moitié de mon temps de travail au sein d'un autre cabinet juridique, la Société DPR Méditerranée au motif inexact du transfert d'une unité autonome d'activité, modification que je n'ai jamais acceptée. Mes horaires ont alors été répartis entre la Société DPR Méditerranée sur Menton les lundis, jeudi et un vendredi par mois et la SCP K... - Q... - J... et associés sur Nice les mardis, mercredi et trois vendredis sur quatre. Cette situation, faisant suite à la situation précédente de prêt de main d'oeuvre illégal ainsi que le mépris avec lequel tout ceci s'est fait à mon égard, a directement provoqué mon arrêt de travail pour un motif professionnel puisque j'ai plongé dans la dépression, à compter du 7 août 2013. Par la suite, j'ai été victime le 16 octobre 2013 d'un grave accident de la circulation, avec hospitalisation et opération, qui m'a éloignée jusqu'à maintenant de mon activité professionnelle et de la possibilité de reprendre le travail. Quoiqu'il en soit, la mise en oeuvre d'une modification de mon contrat de travail pour des motifs fallacieux, matériellement inexacts et juridiquement infondés de transfert d'une unité autonome d'activité, précédée d'une mise à disposition illicite pour la moitié de mon temps de travail auprès d'une autre Société qui n'a strictement aucun lien avec mon employeur et qui n'est même pas un cabinet d'avocats, le tout dans des conditions de mépris et de brutalité qui ont entraîné une dépression, caractérise un manquement grave à vos obligations d'employeur à mon égard, rendant justifiée, la prise d'acte de la rupture de mon contrat. J'ajoute qu'au moment du transfert partiel dans la nouvelle structure, n'ont pas été respectées les obligations de la convention collective au regard de la reprise de l'ancienneté, de la mention de cette ancienneté et de la prime qu'elle induit, sur les bulletins de salaire. Je considère donc comme manquements essentiels à vos obligations d'employeur justifiant la prise d'acte de la rupture : - la modification de mon lieu de travail et le transfert partiel au motif inexact de transfert d'une unité autonome d'activité dans une autre structure à l'égard de mes deux employeurs. - à laquelle s'ajoutent pour la SCP K... - Q... - J... et associés les conditions dans lesquelles j'ai été mise à disposition pendant plusieurs mois auprès d'une Société immobilière en dehors du cadre légal le permettant. - Tout ceci ayant provoqué des effets graves sur ma santé. J'entends saisir ultérieurement la juridiction prud'homale des conséquences de cette prise d'acte de la rupture. Je vous remercie quoiqu'il en soit de me délivrer l'ensemble des documents de fin de contrat, conséquence de cette prise d'acte de la rupture : certificat de travail, etc." : qu'il résulte de cette lettre ainsi que des écritures que Mme U... invoque les manquements suivants: la modification imposée du contrat de travail et le non-respect de la parole donnée, un prêt illicite de main d'oeuvre, le transfert illégal de son contrat de travail et la mauvaise foi de la SCP interbarreaux K... et Associés et la SELARL DPR méditerranée ; -sur la modification du contrat de travail, le non-respect de la parole donnée et le prêt de main d'oeuvre illicite : Mme U... fait valoir qu'à compter du 13 mai 2013 et jusqu'au 7 août 2013, sur ordre de son employeur, elle a été contrainte de travailler à Menton, dans le cadre de deux mi-temps. Dans la lettre de prise d'acte elle caractérise ce mi-temps comme ayant été exécuté, pour partie au sein de la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés et pour partie au sein de la société CGI méditerranée. Dans ses écritures, elle soutient que ce mi-temps a été exécuté pour partie au sein de la SELARL DPR méditerranée, en cours de formation et pour l'autre au sein de la société CGI méditerranée ; qu'elle prétend qu'il s'agit non pas de simples changements de ses conditions de travail, mais de modifications, sans contrat écrit et sans son acceptation claire et non équivoque, de son contrat de travail portant sur le lieu de travail et sur l'identité de l'employeur ; qu'elle précise que son contrat de travail indiquait que le lieu d'exécution était Nice et que la modification imposée par l'employeur a eu un impact très important sur sa vie privée notamment sur l'organisation de la prise en charge périscolaire de sa fille alors âgée de 9 ans ; qu'elle fait valoir que les deux propositions de contrats de travail qui lui ont été transmis aux fins d'être embauchée par la société CGI méditerranée et par la SELARL DPR méditerranée dans le cadre de contrats à temps partiel, ne respectaient pas les engagements pris par Maître R. en terme de reprise d'ancienneté et de salaire ; qu'elle soutient que l'ensemble de ces modifications, errements, pressions exercées par l'employeur n'avaient d'autres buts que de la pousser à démissionner ; ; qu'elle fait valoir que la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés va purement et simplement lui imposer de travailler pour d'autres employeurs, ce qui constitue un prêt de main d'oeuvre illicite comme ne respectant pas les conditions posées par les articles L8241-1 et suivants du code du travail. Elle indique que le travail qu'elle a effectué au sein de la société CGI méditerranée n'avait rien à voir avec le travail d'un cabinet d'avocats mais avec celui d'un cabinet de gestion immobilière, qu'elle a travaillé sous les ordres des dirigeants de la société CGI méditerranée qui disposait d'elle comme de sa salariée, qu'en contrepartie de cette mise à disposition, la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés, qui continuait à payer ses salaires, a purement et simplement facturé la société CGI méditerranée le travail de secrétariat qu'elle accomplissait ; que la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés fait valoir que la modification du lieu de travail à Menton pour une partie du temps de travail ne constitue qu'une modification des conditions de travail et que Mme U... a pleinement accepté cette modification puisqu'elle est partie travailler sur Menton dès le début de l'année 2013 ; ; qu'elle conteste tout prêt de main d'oeuvre au profit de la société CGI méditerranée qui est une de ses clientes habituelles avec laquelle elle est liée par un contrat d'assistance juridique prévoyant un abonnement annuel pour des prestations d'assistance, la société CGI méditerranée étant également prescriptrice de prestations d'ordre juridique ; que la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés soutient que Mme U... a été amenée à travailler à plusieurs reprises auprès de la société CGI méditerranée dans le cadre de l'exécution de ses missions, le déplacement ponctuel du Clerc auprès du client de son employeur faisant partie des activités normales du Clerc; qu'elle fait valoir qu'il n'existe aucune 'refacturation' du salaire de Mme U..., que seules sont facturées des prestations qui relèvent de l'activité de la SCP et que Mme U... travestit la réalité en se servant de la négociation et de la proposition qui lui avait été faite par son employeur pour tenter de lui permettre d'exercer son activité uniquement à Menton grâce à une éventuelle embauche à temps partiel auprès de la société CGI méditerranée ; que la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés fait enfin valoir que Mme U... ne rapporte pas la preuve de l'exécution de prestations de travail au sein même de la société CGI méditerranée auprès de laquelle elle aurait reçu des instructions qui auraient pu caractériser un lien de subordination ; que la SELARL DPR méditerranée conclut que ces griefs sont antérieurs au transfert du contrat de travail de la salariée intervenu le 2 août 2013 et ne peuvent donc la concerner ni lui être imputés ; que Mme U... fait état dans ses écritures d'une relation de travail entre elle et la société DPR méditerranée ; que le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination moyennant rémunération. L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ; que notamment, l'élément déterminant du contrat de travail est le lien de subordination qui est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'à défaut de contrat écrit ou d'apparence de contrat, c'est à celui qui invoque l'existence d'une relation salariale d'en rapporter la preuve par tout moyen ; qu'en l'espèce, à défaut de contrat écrit ou de tout élément indiquant une apparence de contrat, il appartient à Mme U... de rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail entre elle et la SELARL DPR méditerranée qui était à cette époque en cours de formation ; qu'or, force est de constater que Mme U... ne procède que par affirmation et ne produit aucun élément de nature à caractériser l'exécution d'un travail sous l'autorité la SELARL DPR méditerranée ; que dans ces conditions, il sera considéré que le travail qu'elle a exécuté à Menton dans les locaux du cabinet secondaire l'a été pour le compte de son employeur, la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés. Le grief de changement d'employeur n'est donc pas établi ; qu'en droit, la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a une simple valeur informative et n'empêche pas l'employeur de proposer une mutation au salarié si celle-ci intervient dans le même secteur géographique ; que dans ces circonstances, la mutation s'imposera au salarié qui ne peut la refuser ; qu'en l'espèce, même si le contrat de travail de Mme U... comporte une clause dans laquelle il est indiqué "votre lieu de travail est situé à [...], promenade des Anglais", cette mention, à défaut d'indication de l'exclusivité du lieu de travail, n'a qu'une valeur informative ; que par ailleurs, la ville de Menton, qui est située à 30 kilomètres de celle de Nice, est parfaitement desservie depuis Nice par le réseau routier (routes secondaires et ( l'autoroute) et par une ligne ferroviaire directe ; que du fait de leur situation géographique proche de la frontière et de leur proximité, les deux villes appartiennent au même "bassin d'emplois" et doivent être considérées comme appartenant au même secteur géographique ; que dans ces conditions, le transfert du lieu de travail de Nice à Menton ne peut être considéré comme une modification substantielle du contrat de travail de Mme U... ; que celui-ci pouvait être décidé par l'employeur sans l'accord de la salariée qui par ailleurs ne démontre pas que ce changement, comme elle l'écrit "a eu un impact très important sur sa vie de famille", la simple production d'une attestation de scolarité de sa fille dans un établissement scolaire à Nice et d'une inscription de celle-ci dans un club sportif, ne suffit pas à rapporter cette preuve ; que ce grief n'est donc pas établi ; que pour justifier de ce qu'elle aurait été mise par son employeur à la disposition de la société CGI méditerranée, Mme U... produit un document dactylographié intitulé "emploi du temps à Menton", un autre intitulé "horaires ets secondaire cabinet d'avocats mentonnais" ainsi qu'une liste "non exhaustive des dossiers traités et travail accompli chez CGI méditerranée du 13/05/2013 au 16/07/2013 inclus" qu'elle a elle-même établis mais qui sont contestés par l'employeur et dont aucun autre élément du dossier ne permet de corroborer leur contenu ; qu'elle produit également des échanges de mails ayant pour objet des demandes de remboursement de ses frais de déplacements sur Menton qui ne présentent pas d'intérêt probatoire particulier en la matière dès lors que, sur la période considérée, elle a bien travaillé à Menton au sein du cabinet secondaire de la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés ; qu'elle produit enfin deux factures d'honoraires du 10 et 28 juin 2013 établies par la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés à destination de la société CGI méditerranée sur lesquelles est indiqué au titre de la prestation rémunérée "prestations en matière administrative" d'un montant respectif de 2 234,83 € et de 2 440,90 € TTC ; qu'il ne peut être déduit de ces simples factures qu'elles rémunéraient le travail de Mme U... dans le cadre d'une mise à disposition dès lors qu'il est produit le bulletin de salaire de Mme U... du mois de juin 2013 qui a été réglé par la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés à la salariée dans son intégralité et que cette dernière ne justifie pas, à défaut de contrat ou d'apparence de contrat, avoir exécuté une prestation de travail pour le compte et sous le lien de subordination de la société CGI méditerranée ; que dans ces conditions, le grief selon lequel elle aurait été l'objet d'un prêt de main d'oeuvre illicite et celui relatif à un changement d'employeur ne sont pas établis par la salariée ; qu'enfin, Mme U... prétend qu'au mois d'avril 2013, dans le cadre des pourparlers engagés en vue de la conclusion de deux contrats de travail, l'un avec la société CGI méditerranée et l'autre avec la SELARL DPR méditerranée, Maître J... lui aurait proposé la reprise de son ancienneté ainsi qu'un salaire de 2 400 € net sur les deux contrats ; qu'or, ceci ne résulte que des seuls propos de la salariée consignés dans un mail qu'elle a adressé le 8 juillet 2013 à C... M..., l'unique proposition émanant de Maître J... résulte de son mail qu'il a adressé à Mme U... le 7 juillet 2013 et qui ne fait pas référence aux prétentions alléguées de la salariée ; que ce grief n'est donc pas établi ; - sur le transfert du contrat de travail : Mme U... conteste le transfert à mi-temps de son contrat de travail à la SELARL DPR méditerranée qui lui a été notifié le 2 août 2013 au motif que les conditions de l'article L1224-1 du code du travail ne sont pas réunies dès lors que le transfert des dossiers mentonnais traités par la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés à la SELARL DPR méditerranée ne peut constituer un transfert d'une entité économique autonome ; qu'elle soutient d'une part que le transfert n'a jamais eu lieu car tous les dossiers étaient déjà situés et traités à Menton ; que d'autre part, elle conteste le fait que son activité était divisée à raison de 50 % pour les dossiers du cabinet de Nice et de 50% pour les dossiers du cabinet de Menton et soutient que cette répartition était de l'ordre de 75 % pour les dossiers de Nice et de 25% pour les dossiers de Menton, l'employeur ne démontrant pas, par ailleurs, le pourcentage de répartition qu'il revendique. Enfin, Mme U... fait valoir qu'il ne peut y avoir de transfert d'une entité économique autonome car les trois actionnaires du cabinet mentonnais sont les trois membres du cabinet de Nice qui se répartissent entre eux, différemment, la propriété de l'activité en dehors de tout transfert concret ; qu'elle soutient qu'il s'agit d'un transfert au sein de la même entité économique ; que la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés expose que le transfert du contrat de travail de Mme U... a eu lieu dans le cadre d'une cession du droit de présentation de clientèle intervenue entre elle et la SELARL DPR méditerranée et qui s'analyse bien en un transfert d'une branche autonome d'activité, le lien capitalistique existant entre les différentes sociétés n'empêchant pas l'application de l'article L1224-1 du code du travail. Par ailleurs, elle soutient que dès lors que l'activité de la salarié se répartit entre le secteur transféré et le secteur conservé par l'employeur, le contrat de travail n'est transféré que pour la partie de son activité professionnelle consacrée à l'activité cédée, en l'espèce 50% comme l'indique l'acte de cession ; que la SELARL DPR méditerranée fait valoir qu'il y a bien eu une cession opérant un transfert d'une entité économique autonome; que l'existence de lien capitalistique entre des sociétés parties à la cession ne fait pas obstacle à l'application de l'article L1224-1 du code du travail; que les sociétés ont des associés et des gérants différents et que notamment Maître I... est la seule associée exerçant au sein de la SELARL DPR méditerranée et détient en sa qualité d'associée majoritaire la majorité des droits de vote; que le contrat de travail de Mme U... ne pouvait être transféré que partiellement pour la partie correspondante; que le manquement allégué par la salariée a eu lieu neuf mois avant la prise d'acte ce qui confirme l'absence de gravité des faits invoqués par elle ; qu'aux termes de l'article L1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent avec le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que par ailleurs, dans l'hypothèse d'un transfert partiel d'activité, le contrat de travail d'un salarié n'est transféré au nouvel employeur que s'il exerce l'essentiel de ses fonctions au sein de l'entité transférée ; qu'à défaut, le contrat de travail doit se poursuivre avec l'employeur initial ; qu'en l'espèce, il ressort de l'acte du 26 juillet 2013 qu'il y a bien eu cession entre la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés et la SELARL DPR méditerranée du droit de présentation de clientèle portant sur l'ensemble des dossiers du cabinet de Menton, sur les biens mobiliers corporels relatifs à l'exercice de l'activité d'avocat (notamment du matériel informatique, du mobilier de bureau, du droit au bail, de la documentation professionnelle, des archives) et sur le salarié à hauteur de 50% de son temps de travail ; que ces éléments caractérisent l'existence d'une entité économique autonome qui a été transférée par cession et qui a été maintenue après le transfert, l'existence de lien capitalistique entre des sociétés parties à la cession et d'identité des associés ne faisant pas obstacle à l'application de l'article L1224-1 du code du travail, chaque société disposant de sa propre personnalité juridique ; que par contre, dès lors que la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés et la SELARL DPR méditerranée concluent que, par une évaluation en terme de charge de travail, Mme U... assistait Maître J... dans son activité, qu'une partie des dossiers de Maître J... avait été cédée, que cette partie cédée représentait 50 % de l'activité de Mme U... - comme l'indique également l'acte de cession et comme l'attestent Maître V... et Maître Y... - le contrat de travail devait se poursuivre avec l'employeur initial à savoir la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés, Mme U... n'exerçant pas, en l'état de éléments présentés par l'employeur, l'essentiel de ses fonctions au sein de l'entité transférée ; qu'il s'agit donc bien d'un manquement de l'employeur qui, dès lors qu'il impose à la salariée un transfert de son contrat de travail impliquant une modification de son exécution - à savoir le passage d'un contrat unique à temps plein à deux contrats à temps partiel exécutés auprès de deux employeurs différents - doit être considéré comme étant suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que dès lors que la prise d'acte de la rupture coïncide avec la fin de son arrêt de travail qui a suspendu l'exécution du contrat de travail, le délai entre la date de notification du transfert du contrat de travail d'une part et celle de la prise d'acte d'autre part, ne peut retirer au manquement de l'employeur son caractère de gravité ; que dans ces conditions, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; qu'en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (46 ans), de son ancienneté (17 ans et 4 mois), de sa qualification, de sa rémunération (2 447,79 € ), des circonstances de la rupture et de la période de chômage couvrant la période du 10 octobre 2014 au 30 novembre 2015 mais qui n'a été indemnisée qu'à compter du 29 janvier 2016 compte tenu du mode de rupture du contrat de travail, il sera accordé à Mme U... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 22 500 €, par confirmation du jugement déféré ; qu'il lui sera également accordé la somme de 4 895,58 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, celle de 489,55 € au titre des congés payés afférents et celle de 10 876,34 € au titre de l'indemnité de licenciement, conformes à ses droits ; que le jugement sera infirmé sur le montant des sommes allouées à la salariée ; qu'à défaut de transfert du contrat de travail de la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés vers la SELARL DPR méditerranée et la solidarité qui doit être expressément stipulée ou prévue par la loi ne se présumant pas, la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés, employeur de Mme U..., sera seule tenue du paiement des conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la demande de condamnation solidaire de la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés et de la SELARL DPR méditerranée sera rejetée ; que sur la demande d'indemnité au titre de la perte de chance d'utiliser son droit individuel à la formation (DIF) : alors que Mme U... demande la somme de 1 098 € à ce titre correspondant à la somme qui aurait due être versée par l'employeur, ce dernier réplique, s'agissant d'une perte de chance, que la salariée ne peut solliciter l'exacte somme qui aurait été réglée dans l'hypothèse de la mise en oeuvre du DIF ; qu'alors que Mme U... présente une demande de condamnation solidaire, la SELARL DPR méditerranée ne conclut pas sur ce point ; que dès lors que la rupture du contrat de travail de Mme U... s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la salariée justifie de son droit individuel à la formation à hauteur de 120 heures qui n'a pas pu être mis en oeuvre du fait des circonstances de la rupture, elle justifie de la faute de l'employeur et de la perte de chance d'utiliser son DIF qui sera indemnisé par la somme de 500 €. Le jugement sera infirmé sur le montant alloué ; que la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés étant employeur tenu à l'exécution de cette obligation et la solidarité ne se présumant pas et devant être expressément stipulée ou prévue par la loi, elle sera seule condamnée à payer cette somme et la demande de condamnation solidaire avec la SELARL DPR méditerranée sera rejetée ; ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses motifs, la cour d'appel a estimé que les griefs tenant à la modification du contrat de travail, au non-respect de la parole donnée, au prêt de main d'oeuvre illicite, et aux pressions de l'employeur pour contraindre la salariée à démissionner n'étaient pas établis et que le seul grief établi était un transfert du contrat de travail non conforme aux règles légales ; que dans son dispositif, la cour d'appel a confirmé le jugement déféré sauf en sa disposition relative à la condamnation à une indemnité pour préjudice moral et exécution déloyale du contrat de travail, en celles relatives aux montants des sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents à l'indemnité de licenciement, de l'indemnité pour perte de chance d'utiliser le DIF et en celle relative aux intérêts ; qu'il en résulte que la cour d'appel a, dans son dispositif, confirmé le jugement en ce qu'il avait « dit que la prise d'acte est fondée sur des motifs suffisamment graves (déstabilisation, modification du contrat de travail et du lieu de travail, prêt de main d'oeuvre illicite, pressions, demande de démission) pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif et a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que la prise d'acte était fondée sur des motifs suffisamment graves (déstabilisation, modification du contrat de travail et du lieu de travail, prêt de main d'oeuvre illicite, pressions, demande de démission) commis de surcroît par un cabinet d'avocats auxiliaire de justice nécessairement informé des droits et obligations en matière de gestion du personnel pour ne pas commettre de tels manquements coupables, pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que cette rupture s'analysait en une rupture aux torts de l'employeur et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés désormais dénommée SCP interbarreaux K... - Q... - J... & associés à payer à Mme U... les sommes de 4 896,58 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 489,55 € au titre des congés payés afférents, 10 876,34 € au titre de l'indemnité légale de licenciement, 22 500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 500 € à titre d'indemnité pour perte chance d'utiliser le droit individuel à la formation, et 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'AVOIR condamné la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés désormais dénommée SCP interbarreaux K... - Q... - J... & associés aux dépens, AUX MOTIFS QUE Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail : en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue qui ne résultent pas uniquement de l'écrit par lequel il prend acte de la rupture et qui doivent constituer des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que par lettres du 23 avril 2014, adressées séparément à la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés et la SELARL DPR méditerranée, Mme U... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes : (sic) "En ma qualité de salariée de la SCP K... - Q... - J... et associés et de la SELARL DPR Méditerranée, je vous adresse la présente aux termes de laquelle j'entends prendre acte de la rupture de mon contrat de travail en raison d'un ensemble de griefs qui me paraissent justifier la mise en oeuvre de cette décision. Je vous rappelle en effet les éléments suivants : Je suis salariée depuis 17 ans auprès de la SCP K... - Q... - J... et associés sis à [...], promenade des Anglais et j'ai fait l'objet depuis mai 2013, d'un ensemble de comportements qui me paraissent constitutifs d'un manquement grave à vos obligations d'employeur. Tout d'abord, il m'a été proposé, sans écrit, sous la menace d'un licenciement pour suppression de poste en fin d'année pour cause de restructuration, une modification de mon contrat de travail qui a consisté, en le transfert de mon lieu de travail qui se trouvait jusque-là à Nice sur Menton, s'accompagnant d'une répartition de mon temps de travail entre deux structures distinctes : - le cabinet d'avocats secondaire mentonnais de la SCP K..., à mi-temps d'une part - Un cabinet de gestion immobilière, la CGI Méditerranée également à Menton, à mi-temps, d'autre part. Cette modification m'a été imposée à compter du 13 mai 2013. A ma grande surprise, mes bulletins de salaire ont continué d'être émis par la SCP K..., le travail que j'effectuais à concurrence de la moitié de mon temps de travail pour la structure immobilière. Le 16 juillet 2013, je refuse oralement de continuer à travailler dans cette situation de prêt illicite de main d'oeuvre et je demande à être rétablie dans mon ancien poste de travail avant modification. La SCP K... prend acte oralement de ce refus et me demande d'abord de finir à temps complet au cabinet d'avocats mentonnais jusqu'au 19 juillet 2013 et de retourner ensuite au cabinet de Nice, puis de rester à Menton jusqu'à mon départ en congés le 12 août 2013. C'est alors qu'il m'a été notifié le 2 août 2013, avec effet au 2 août 2013, une modification de mon contrat de travail consistant en le transfert pour la moitié de mon temps de travail au sein d'un autre cabinet juridique, la Société DPR Méditerranée au motif inexact du transfert d'une unité autonome d'activité, modification que je n'ai jamais acceptée. Mes horaires ont alors été répartis entre la Société DPR Méditerranée sur Menton les lundis, jeudi et un vendredi par mois et la SCP K... - Q... - J... et associés sur Nice les mardis, mercredi et trois vendredis sur quatre. Cette situation, faisant suite à la situation précédente de prêt de main d'oeuvre illégal ainsi que le mépris avec lequel tout ceci s'est fait à mon égard, a directement provoqué mon arrêt de travail pour un motif professionnel puisque j'ai plongé dans la dépression, à compter du 7 août 2013. Par la suite, j'ai été victime le 16 octobre 2013 d'un grave accident de la circulation, avec hospitalisation et opération, qui m'a éloignée jusqu'à maintenant de mon activité professionnelle et de la possibilité de reprendre le travail. Quoiqu'il en soit, la mise en oeuvre d'une modification de mon contrat de travail pour des motifs fallacieux, matériellement inexacts et juridiquement infondés de transfert d'une unité autonome d'activité, précédée d'une mise à disposition illicite pour la moitié de mon temps de travail auprès d'une autre Société qui n'a strictement aucun lien avec mon employeur et qui n'est même pas un cabinet d'avocats, le tout dans des conditions de mépris et de brutalité qui ont entraîné une dépression, caractérise un manquement grave à vos obligations d'employeur à mon égard, rendant justifiée, la prise d'acte de la rupture de mon contrat. J'ajoute qu'au moment du transfert partiel dans la nouvelle structure, n'ont pas été respectées les obligations de la convention collective au regard de la reprise de l'ancienneté, de la mention de cette ancienneté et de la prime qu'elle induit, sur les bulletins de salaire. Je considère donc comme manquements essentiels à vos obligations d'employeur justifiant la prise d'acte de la rupture : - la modification de mon lieu de travail et le transfert partiel au motif inexact de transfert d'une unité autonome d'activité dans une autre structure à l'égard de mes deux employeurs. - à laquelle s'ajoutent pour la SCP K... - Q... - J... et associés les conditions dans lesquelles j'ai été mise à disposition pendant plusieurs mois auprès d'une Société immobilière en dehors du cadre légal le permettant. - Tout ceci ayant provoqué des effets graves sur ma santé. J'entends saisir ultérieurement la juridiction prud'homale des conséquences de cette prise d'acte de la rupture. Je vous remercie quoiqu'il en soit de me délivrer l'ensemble des documents de fin de contrat, conséquence de cette prise d'acte de la rupture : certificat de travail, etc." : qu'il résulte de cette lettre ainsi que des écritures que Mme U... invoque les manquements suivants: la modification imposée du contrat de travail et le non-respect de la parole donnée, un prêt illicite de main d'oeuvre, le transfert illégal de son contrat de travail et la mauvaise foi de la SCP interbarreaux K... et Associés et la SELARL DPR méditerranée ; (...) - sur le transfert du contrat de travail : Mme U... conteste le transfert à mi-temps de son contrat de travail à la SELARL DPR méditerranée qui lui a été notifié le 2 août 2013 au motif que les conditions de l'article L1224-1 du code du travail ne sont pas réunies dès lors que le transfert des dossiers mentonnais traités par la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés à la SELARL DPR méditerranée ne peut constituer un transfert d'une entité économique autonome ; qu'elle soutient d'une part que le transfert n'a jamais eu lieu car tous les dossiers étaient déjà situés et traités à Menton ; que d'autre part, elle conteste le fait que son activité était divisée à raison de 50 % pour les dossiers du cabinet de Nice et de 50% pour les dossiers du cabinet de Menton et soutient que cette répartition était de l'ordre de 75 % pour les dossiers de Nice et de 25% pour les dossiers de Menton, l'employeur ne démontrant pas, par ailleurs, le pourcentage de répartition qu'il revendique. Enfin, Mme U... fait valoir qu'il ne peut y avoir de transfert d'une entité économique autonome car les trois actionnaires du cabinet mentonnais sont les trois membres du cabinet de Nice qui se répartissent entre eux, différemment, la propriété de l'activité en dehors de tout transfert concret ; qu'elle soutient qu'il s'agit d'un transfert au sein de la même entité économique ; que la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés expose que le transfert du contrat de travail de Mme U... a eu lieu dans le cadre d'une cession du droit de présentation de clientèle intervenue entre elle et la SELARL DPR méditerranée et qui s'analyse bien en un transfert d'une branche autonome d'activité, le lien capitalistique existant entre les différentes sociétés n'empêchant pas l'application de l'article L1224-1 du code du travail. Par ailleurs, elle soutient que dès lors que l'activité de la salarié se répartit entre le secteur transféré et le secteur conservé par l'employeur, le contrat de travail n'est transféré que pour la partie de son activité professionnelle consacrée à l'activité cédée, en l'espèce 50% comme l'indique l'acte de cession ; que la SELARL DPR méditerranée fait valoir qu'il y a bien eu une cession opérant un transfert d'une entité économique autonome; que l'existence de lien capitalistique entre des sociétés parties à la cession ne fait pas obstacle à l'application de l'article L1224-1 du code du travail; que les sociétés ont des associés et des gérants différents et que notamment Maître I... est la seule associée exerçant au sein de la SELARL DPR méditerranée et détient en sa qualité d'associée majoritaire la majorité des droits de vote; que le contrat de travail de Mme U... ne pouvait être transféré que partiellement pour la partie correspondante; que le manquement allégué par la salariée a eu lieu neuf mois avant la prise d'acte ce qui confirme l'absence de gravité des faits invoqués par elle ; qu'aux termes de l'article L1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent avec le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que par ailleurs, dans l'hypothèse d'un transfert partiel d'activité, le contrat de travail d'un salarié n'est transféré au nouvel employeur que s'il exerce l'essentiel de ses fonctions au sein de l'entité transférée ; qu'à défaut, le contrat de travail doit se poursuivre avec l'employeur initial ; qu'en l'espèce, il ressort de l'acte du 26 juillet 2013 qu'il y a bien eu cession entre la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés et la SELARL DPR méditerranée du droit de présentation de clientèle portant sur l'ensemble des dossiers du cabinet de Menton, sur les biens mobiliers corporels relatifs à l'exercice de l'activité d'avocat (notamment du matériel informatique, du mobilier de bureau, du droit au bail, de la documentation professionnelle, des archives) et sur le salarié à hauteur de 50% de son temps de travail ; que ces éléments caractérisent l'existence d'une entité économique autonome qui a été transférée par cession et qui a été maintenue après le transfert, l'existence de lien capitalistique entre des sociétés parties à la cession et d'identité des associés ne faisant pas obstacle à l'application de l'article L1224-1 du code du travail, chaque société disposant de sa propre personnalité juridique ; que par contre, dès lors que la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... & associés et la SELARL DPR méditerranée concluent que, par une évaluation en terme de charge de travail, Mme U... assistait Maître J... dans son activité, qu'une partie des dossiers de Maître J... avait été cédée, que cette partie cédée représentait 50 % de l'activité de Mme U... - comme l'indique également l'acte de cession et comme l'attestent Maître V... et Maître Y... - le contrat de travail devait se poursuivre avec l'employeur initial à savoir la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés, Mme U... n'exerçant pas, en l'état de éléments présentés par l'employeur, l'essentiel de ses fonctions au sein de l'entité transférée ; qu'il s'agit donc bien d'un manquement de l'employeur qui, dès lors qu'il impose à la salariée un transfert de son contrat de travail impliquant une modification de son exécution - à savoir le passage d'un contrat unique à temps plein à deux contrats à temps partiel exécutés auprès de deux employeurs différents - doit être considéré comme étant suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que dès lors que la prise d'acte de la rupture coïncide avec la fin de son arrêt de travail qui a suspendu l'exécution du contrat de travail, le délai entre la date de notification du transfert du contrat de travail d'une part et celle de la prise d'acte d'autre part, ne peut retirer au manquement de l'employeur son caractère de gravité ; que dans ces conditions, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; qu'en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (46 ans), de son ancienneté (17 ans et 4 mois), de sa qualification, de sa rémunération (2 447,79 € ), des circonstances de la rupture et de la période de chômage couvrant la période du 10 octobre 2014 au 30 novembre 2015 mais qui n'a été indemnisée qu'à compter du 29 janvier 2016 compte tenu du mode de rupture du contrat de travail, il sera accordé à Mme U... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 22 500 €, par confirmation du jugement déféré ; qu'il lui sera également accordé la somme de 4 895,58 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, celle de 489,55 € au titre des congés payés afférents et celle de 10 876,34 € au titre de l'indemnité de licenciement, conformes à ses droits ; que le jugement sera infirmé sur le montant des sommes allouées à la salariée ; qu'à défaut de transfert du contrat de travail de la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés vers la SELARL DPR méditerranée et la solidarité qui doit être expressément stipulée ou prévue par la loi ne se présumant pas, la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés, employeur de Mme U..., sera seule tenue du paiement des conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la demande de condamnation solidaire de la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés et de la SELARL DPR méditerranée sera rejetée ; que sur la demande d'indemnité au titre de la perte de chance d'utiliser son droit individuel à la formation (DIF) : alors que Mme U... demande la somme de 1 098 € à ce titre correspondant à la somme qui aurait due être versée par l'employeur, ce dernier réplique, s'agissant d'une perte de chance, que la salariée ne peut solliciter l'exacte somme qui aurait été réglée dans l'hypothèse de la mise en oeuvre du DIF ; qu'alors que Mme U... présente une demande de condamnation solidaire, la SELARL DPR méditerranée ne conclut pas sur ce point ; que dès lors que la rupture du contrat de travail de Mme U... s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la salariée justifie de son droit individuel à la formation à hauteur de 120 heures qui n'a pas pu être mis en oeuvre du fait des circonstances de la rupture, elle justifie de la faute de l'employeur et de la perte de chance d'utiliser son DIF qui sera indemnisé par la somme de 500 €. Le jugement sera infirmé sur le montant alloué ; que la SCP interbarreaux K... - O... - Q... - J... et associés étant employeur tenu à l'exécution de cette obligation et la solidarité ne se présumant pas et devant être expressément stipulée ou prévue par la loi, elle sera seule condamnée à payer cette somme et la demande de condamnation solidaire avec la SELARL DPR méditerranée sera rejetée ; 1. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions (p. 13 à 15) oralement soutenues (arrêt, p. 4), Mme U... se bornait à contester l'existence d'un transfert d'entité économique autonome, alléguant notamment à cet égard que son activité n'était pas divisée à 50 % entre les dossiers du cabinet de Nice et les dossiers du cabinet de Menton, mais à 75 % sur les premiers et 25 % sur les seconds pour en déduire une polyvalence exclusive de l'existence d'une entité économique autonome ; qu'en revanche, elle ne contestait pas, serait-ce à titre subsidiaire, le principe du transfert partiel de son contrat de travail en cas de transfert d'une entité économique autonome ; qu'en jugeant que Mme U... n'exerçant pas, en l'état de éléments présentés par l'employeur, l'essentiel de ses fonctions au sein de l'entité transférée, le contrat de travail devait se poursuivre avec la cédante, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2. ALORS à tout le moins QUE le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions (p. 13 à 15) oralement soutenues (arrêt, p. 4), Mme U... se bornait à contester l'existence d'un transfert d'entité économique autonome, alléguant notamment à cet égard que son activité n'était pas divisée à 50 % entre les dossiers du cabinet de Nice et les dossiers du cabinet de Menton, mais à 75 % sur les premiers et 25 % sur les seconds pour en déduire une polyvalence exclusive de l'existence d'une entité économique autonome ; qu'en revanche, elle ne contestait pas, serait-ce à titre subsidiaire, le principe du transfert partiel de son contrat de travail en cas de transfert d'une entité économique autonome ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que Mme U... n'exerçant pas, en l'état de éléments présentés par l'employeur, l'essentiel de ses fonctions au sein de l'entité transférée, le contrat de travail devait se poursuivre avec la cédante, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3. ALORS en tout état de cause QU'en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, dans l'hypothèse d'un transfert partiel d'activité, lorsque l'activité du salarié se répartissait entre l'entité conservée et l'entité économique autonome cédée, le contrat de travail est transféré pour la partie de son activité professionnelle que le salarié consacrait à l'entité cédée ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la cession par la SCP interbarreaux K... - Q... - J... & associés à la société DPR méditerranée du droit de présentation de la clientèle portant sur l'ensemble des dossiers du cabinet de Menton, sur les biens mobiliers corporels relatifs à l'exercice de l'activité d'avocat et sur le salarié à hauteur de 50 % de son temps de travail, avait entraîné le transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité ; qu'en jugeant cependant que le contrat de travail de Mme U..., affectée pour 50 % de son temps de travail à l'entité transférée et pour 50 % à l'activité conservée, devait se poursuivre avec la cédante au prétexte que la salariée n'exerçait pas l'essentiel de ses fonctions au sein de l'entité transférée, la cour d'appel a violé le texte susvisé, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 ; 4. ALORS subsidiairement QUE la prise d'acte de la rupture n'est justifiée qu'en cas de manquement suffisamment grave qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que les éventuels manquements de l'employeur s'apprécient au regard du droit positif existant à l'époque des faits, sans que l'on puisse lui imputer à faute de n'avoir pas prévu une évolution postérieure du droit ; qu'en l'espèce, à la date de la cession de l'entité économique autonome litigieuse, en juillet 2013, la Cour de cassation jugeait que lorsque l'activité du salarié se répartissait entre l'entité conservée et l'entité économique autonome cédée, le contrat de travail était transféré pour la partie de son activité professionnelle que le salarié consacrait à l'entité cédée ; qu'en jugeant cependant, sur la base d'une évolution de jurisprudence survenue en septembre 2016, que la cédante avait commis un manquement en imposant à la salariée un transfert partiel de son contrat de travail à la cessionnaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ; 5. ALORS encore plus subsidiairement QUE la prise d'acte de la rupture n'est justifiée qu'en cas de manquement suffisamment grave qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que ne commet pas un tel manquement l'employeur qui a agi conformément au droit positif existant à l'époque des faits ; qu'en l'espèce, à la date de la cession de l'entité économique autonome litigieuse, en juillet 2013, la Cour de cassation jugeait que lorsque l'activité du salarié se répartissait entre l'entité conservée et l'entité économique autonome cédée, le contrat de travail était transféré pour la partie de son activité professionnelle que le salarié consacrait à l'entité cédée ; qu'en jugeant cependant, sur la base d'une évolution de jurisprudence survenue en septembre 2016, que la cédante avait commis un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail en imposant à la salariée un transfert partiel de son contrat de travail à la cessionnaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ; 6. ALORS à titre infiniment subsidiaire QUE la prise d'acte de la rupture n'est justifiée qu'en cas de manquement suffisamment grave qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que les juges du fond doivent apprécier la gravité du manquement in concreto sans pouvoir s'en tenir au type de manquement concerné ; qu'en posant en principe que « doit être considéré » comme étant suffisamment grave, le passage d'un contrat unique à temps plein à deux contrats à temps partiel exécutés auprès de deux employeurs différents, sans à aucun moment caractériser en quoi, dans les faits, la modification constatée faisait obstacle à la poursuite de la relation contractuelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ; 7. ALORS enfin QUE la prise d'acte de la rupture n'est justifiée qu'en cas de manquement suffisamment grave qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la SCP interbarreaux K... - Q... - J... & associés soulignait que le maintien du contrat de travail n'était pas impossible puisque la salariée, qui avait adressé le 1er août 2013 une proposition d'organisation de son temps de travail entre son activité à Nice pour la SCP interbarreaux K... - Q... - J... & associés et son activité à Menton pour la société DPR méditerranée, sans se plaindre du transfert partiel de son contrat de travail, puis ayant été placée en arrêt de travail à compter du 7 août 2013, avait attendu le 23 avril 2014 pour prendre subitement acte de la rupture de son contrat de travail, ayant dans l'intervalle tenté de négocier une rupture conventionnelle sans évoquer de grief contre son employeur, et notamment écrit le 3 février 2014 à son employeur qu'elle attendait une proposition incitative financièrement pour son nouveau projet professionnel sans mentionner la moindre difficulté professionnelle (conclusions d'appel, p. 21 à 23) ; que la cour d'appel a énoncé que le délai entre la date de notification du transfert du contrat de travail d'une part et celle de la prise d'acte d'autre part, ne pouvait retirer au manquement de l'employeur son caractère de gravité, dès lors que la prise d'acte de la rupture coïncidait avec la fin de son arrêt de travail qui avait suspendu l'exécution du contrat de travail ; qu'en statuant de la sorte, quand la suspension de son contrat de travail n'empêchait pas la salariée soit de prendre acte de la rupture rapidement, soit au moins de solliciter de l'employeur la régularisation des griefs allégués pour la première fois dans sa lettre de prise d'acte et en particulier du transfert partiel de son contrat de travail, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et n'a pas caractérisé que le manquement rendait impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'elle a donc privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail.
Il résulte de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, que, lorsque le salarié est affecté tant dans le secteur repris, constituant une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, que dans un secteur d'activité non repris, le contrat de travail de ce salarié est transféré pour la partie de l'activité qu'il consacre au secteur cédé, sauf si la scission du contrat de travail, au prorata des fonctions exercées par le salarié, est impossible, entraîne une détérioration des conditions de travail de ce dernier ou porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, après avoir retenu que le salarié, consacrant 50% de son activité au secteur transféré , n'exerçait pas l'essentiel de ses fonctions dans ce secteur, juge que l'ensemble du contrat de travail devait se poursuivre avec le cédant
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SOC. / ELECT LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Cassation partielle sans renvoi M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 804 F-P+B sur 1er moyen Pourvoi n° W 19-15.505 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 Habitat Sud Atlantic, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-15.505 contre le jugement rendu le 10 avril 2019 par le tribunal d'instance de Bayonne (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. Y... V..., domicilié [...] , 2°/ au syndicat SUD logement social, dont le siège est [...] , 3°/ à l'union locale CGT, 4°/ au syndicat CFE CGC, 5°/ à l'union départementale Force ouvrière, ayant tous les trois leur siège [...] , 6°/ à Mme A... Q..., domiciliée [...] , 7°/ à M. X... E..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat d'Habitat Sud Atlantic, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Bayonne, 10 avril 2019), l'élection au premier tour de scrutin le 6 décembre 2018, en qualité de membre titulaire de la délégation au comité social et économique de l'EPIC Habitat Sud Atlantic, de M. V... a été annulée pour non-respect des règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes par la liste de candidats présentée par le syndicat Sud logement social par jugement du 13 février 2019. 2.L'employeur a saisi le 20 mars 2019 le tribunal d'instance en omission de statuer aux fins d'annuler la candidature de M. V.... Examen de la recevabilité du pourvoi, contestée par le défendeur : 3. Le salarié soulève l'irrecevabilité du pourvoi, faute pour l'employeur de lui avoir notifié le mémoire ampliatif. 4. En matière d'élections professionnelles, aux termes de l'article 1005 du code de procédure civile, lorsqu'un mémoire est produit par le demandeur, celui-ci doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, en notifier, dans le mois de la déclaration, copie au défendeur par lettre recommandée avec accusé de réception. Par ailleurs, aux termes de l'article 668 du code de procédure civile, sous réserve de l'article 647-1, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre. 5.Il résulte de ces textes que l'obligation faite au demandeur au pourvoi de notifier copie du mémoire ampliatif au défendeur est remplie lorsqu'il expédie, dans le délai de l'article 1005 du code de procédure civile, la lettre recommandée avec accusé de réception de notification. 6.Il ressort des productions que l'employeur a expédié le 20 mai 2019, soit dans le délai d'un mois de sa déclaration de pourvoi, les lettres recommandées avec accusé de réception à tous les défendeurs au pourvoi, dont le salarié à l'adresse, pour ce dernier, mentionnée dans le jugement de première instance dont il avait reçu la notification faite par le greffe du tribunal d'instance. 7.Le pourvoi est donc recevable. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. L'employeur fait grief au jugement de le débouter de sa demande d'annulation de la candidature de M. V..., alors « que l'annulation des élections entraîne de plein droit l'annulation de tous les actes préparatoires dont les actes de candidature, qu'ayant prononcé l'annulation de l'élection de M. V... et en refusant cependant de prononcer l'annulation de sa candidature au motif qu'aucune disposition ne prévoit la rétroactivité de l'annulation de l'élection, le tribunal d'instance a violé ensemble l'article L. 2314-32 du code du travail et le principe électoral précité. » Réponse de la Cour 9. Aux termes de l'article L. 2314-32 du code du travail, la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats. 10. Il en résulte que l'annulation de l'élection d'un élu surnuméraire du sexe surreprésenté, seule sanction prévue par les dispositions précitées, ne fait perdre au salarié élu son mandat de membre du comité social et économique qu'à compter du jour où elle est prononcée et reste sans incidence sur sa candidature aux élections professionnelles. 11. Ayant constaté que l'élection de M. V... comme membre titulaire du comité social et économique au titre du premier collège avait été annulée à raison du non-respect, par la liste présentée par l'organisation syndicale sur laquelle il figurait, des règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes, le tribunal d'instance en a exactement déduit que cette annulation était sans effet sur sa candidature. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen : Enoncé du moyen 13. L'employeur fait grief au jugement de le condamner aux dépens, alors « que, selon l'article R. 2314-25 du code du travail, le tribunal d'instance statue sans frais en matière électorale ; qu'en condamnant l'Epic Habitat Sud Atlantic aux dépens, le tribunal d'instance l'a violé. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 2314-25 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019 : 14. Le jugement a condamné l'employeur aux dépens. 15. En statuant ainsi, alors qu'en matière d'élections professionnelles, il est statué sans frais, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 16. Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code, il sera procédé à une cassation par voie de retranchement. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement de la seule disposition relative aux dépens, le jugement rendu le 10 avril 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Bayonne ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande d'Habitat Sud Atlantic et le condamne à payer à M. V... la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour l'EPIC Habitat Sud Atlantic PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR débouté l'Epic Habitat Sud Atlantic de sa demande d'annulation de la candidature de M. V... aux élections du comité social et économique ; AUX MOTIFS QU ‘en l'espèce, il apparaît que le tribunal a omis de statuer sur la demande de l'Epic Habitat Sud Atlantic tendant à prononcer l'annulation de la candidature de M. V... ; [l'annulation] de l'élection de M. V... a été prononcée sur le fondement des dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail dès lors que le syndicat Sud Logement Social n'avait pas présenté une liste assurant une représentation équilibrée d'hommes et de femmes ; aux termes de l'article L. 2314-32 du code du travail, la constatation par le juge, après l'élection, du non- respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter ; le juge annule l'élection des dernier élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste de candidats ; aucune disposition ne prévoit que l'annulation de l'élection, entraîne, par rétroactivité, une annulation de candidature, l'annulation de l'élection ne produisant d'effet que pour l'avenir ; ALORS QUE l'annulation des élections entraîne de plein droit l'annulation de tous les actes préparatoires dont les actes de candidature, qu'ayant prononcé l'annulation de l'élection de M. V... et en refusant cependant de prononcer l'annulation de sa candidature au motif qu'aucune disposition ne prévoit la rétroactivité de l'annulation de l'élection, le tribunal d'instance a violé ensemble l'article L. 2314-32 du code du travail et le principe électoral précité. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir condamné l'Epic Habitat Sud Atlantic aux dépens ; ALORS QUE selon l'article R. 2314-25 du code du travail, le tribunal d'instance statue sans frais en matière électorale ; qu'en condamnant l'Epic Habitat Sud Atlantic aux dépens, le tribunal d'instance l'a violé.
L'annulation de l'élection d'un élu surnuméraire du sexe surreprésenté, seule sanction prévue par les articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail, ne fait perdre au salarié élu son mandat de membre du comité social et économique qu'à compter du jour où elle est prononcée et reste sans incidence sur sa candidature aux élections professionnelles
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Cassation Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 810 F-P+B Pourvoi n° Q 19-16.488 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. B.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 mars 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 M. L... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-16.488 contre l'arrêt rendu le 6 février 2018 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à la société Médica service, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. B..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Médica service, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 février 2018), M. B... a été engagé le 23 janvier 2013 par la société Médica service en qualité d'agent d'exploitation polyvalent. 2. Il a été placé en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail, et déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue des visites de reprise des 9 et 23 juillet 2015. 3. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 25 août 2015, et a saisi la juridiction prud'homale. Examens des moyens Sur le second moyen Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande au titre de la rupture du contrat de travail, alors « qu'il résulte de l'article L. 1226-10 du Code du travail que l'avis des délégués du personnel doit être recueilli par l'employeur avant que la procédure de licenciement d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle soit engagée ; que l'employeur ne saurait se soustraire à cette obligation dont la violation est sanctionnée par l'indemnité prévue à l'article L. 1226-15 du code du travail par un motif tiré de l'absence de proposition de reclassement ; qu'en retenant que faute de proposition de reclassement, l'exigence d'un avis des délégués du personnel ne résulte pas de l'article L. 1226-10 du code du travail dans ses dispositions applicables en la cause, la cour d'appel a violé cette disposition. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 5. Selon ce texte, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. 6. Pour débouter le salarié de sa demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail exigent que l'avis des délégués du personnel intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l'absence de proposition de reclassement, ni de ce texte, ni de l'article L. 1226-12 du même code. 7. En statuant ainsi, alors que le salarié ayant été déclaré inapte à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail, il appartenait à l'employeur de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement avant d'engager la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société Médica service aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Médica service à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 000 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. B... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur B... reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté celui-ci de sa demande en paiement de la somme de 23.256 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Aux motifs que selon l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version applicable, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Placé en arrêt de travail ininterrompu à la suite de l'accident du travail dont il a été victime, le 1er octobre 2014, M. B... a été déclaré par le médecin du travail inapte définitif à son poste d'agent d'exploitation polyvalent, à la suite des visites de reprises des 9 et 23 juillet 2015. La fiche relative à la première "visite de reprise accident du travail" est ainsi libellée : "Inapte au poste d'agent polyvalent. Première visite dans le cadre de l'article R. 4624-31 du code du travail. Pourrait occuper un poste sans port de charges lourdes > à l0 kgs, ni déplacement > à 10 kms. Peut faire des travaux administratifs et informatiques ou une formation. A revoir dans deux semaines." La fiche de visite du 23/07/2015 indique : "Seconde visite dans le cadre de la procédure de l'article R. 4324-31 du code du travail. Inaptitude définitive au poste d'agent polyvalent confirmée après étude du poste et des conditions de travail effectuée le 10/03/2015. Peut occuper un poste respectant les préconisations émises lors de la première visite ou faire une formation." Après avoir informé le salarié, par lettre du 11 août 2015, de l'absence de poste disponible sans port de charges lourdes supérieures à dix kilos ni déplacements supérieurs à dix kilomètres, l'employeur l'a convoqué, par lettre du 12 août 2015, à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 21 août 2015, puis lui a notifié son licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement par lettre du 25 août 2015, rappelant les conclusions précitées du médecin du travail et mentionnant : "[...] Avant de prendre toute décision sur votre dossier nous avons recherché les solutions possibles de reclassement sur un poste de travail répondant aux exigences du médecin du travail. Toutefois aucun poste dans notre entreprise sans port de charges lourdes supérieures à dix kilos ni déplacements supérieurs à dix kilomètres n'est vacant. Nous vous informons de notre décision de vous licencier en raison de votre inaptitude constatée par le médecin du travail suite à votre accident du travail survenu le premier octobre 2014 [...]". Comme indiqué dans cette lettre, l'employeur justifie, par la production de son registre unique du personnel, qu'aucun autre poste n'était disponible dans l'entreprise, qui plus est compatible avec les restrictions émises par le médecin du travail. Cette impossibilité de reclassement n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée par le salarié qui ne prétend pas qu'il aurait pu occuper un autre poste disponible, mais soutient que ses tâches n'étaient pas "principalement administratives" et qu'il "pouvait donc tout à fait continuer à les exercer, conformément aux préconisations du médecin du travail", alors même que le médecin du travail ne l'a pas déclaré apte avec réserves, mais définitivement inapte au poste d'agent d'exploitation polyvalent après étude du poste et des conditions de travail ; Alors que, de première part, dans ses conclusions d'appel, le salarié avait soutenu que l'employeur ne justifiait pas avoir réalisé des recherches de reclassement approfondies comme il l'affirmait dans la mesure où il s'était contenté d'affirmer qu'il n'existait pas de poste à caractère administratif ou informatique en produisant uniquement les avis d'inaptitude et le registre du personnel ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce chef de conclusions, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; Alors de deuxième part, que dans la fiche relative à la seconde visite, le médecin du travail a déclaré que le salarié peut occuper un poste respectant les préconisations émises lors de la première visite ou faire une formation ; que dans la fiche relative à la première visite, il a déclaré que le salarié pourrait occuper un poste ne nécessitant pas le port de charges lourdes supérieures à 10 kilogrammes et / ou des déplacements sur une distance supérieure à 10 kilomètres ; qu'en déclarant qu'il résultait de ces préconisations que le salarié ne pouvait pas continuer à exercer ses tâches sur son poste sauf celles nécessitant le port de charges lourdes supérieures à 10 kilogrammes et/ou des déplacements sur une distance supérieure à 10 kilomètres, la Cour d'appel a dénaturé les préconisations claires et précises du médecin du travail et a violé le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; Alors que, de troisième part, seules caractérisent une recherche loyale et sérieuse de reclassement les propositions de postes compatibles avec l'avis du médecin du travail émis lors de la seconde visite d'inaptitude ; que dans ses conclusions, Monsieur B... avait soutenu que l'employeur ne justifiait pas son affirmation selon laquelle le poste d'agent polyvalent qu'il occupait comportait nécessairement le port de charges lourdes et des déplacements de plus de 10 kilomètres d'autant que conformément à son contrat de travail, le port de charges lourdes et les déplacements en externe étaient assurés « occasionnellement » ; qu'en rejetant cette demande au motif que le médecin du travail ne l'avait pas déclaré apte avec réserves, mais définitivement inapte au poste d'agent d'exploitation polyvalent après étude du poste et des conditions de travail, s'abstenant de rechercher si, compte tenu du caractère occasionnel du port de charges lourdes et des déplacements en externe stipulé à son contrat de travail, l'employeur ne pouvait pas procéder au reclassement du salarié par transformation de son poste de travail par suppression de l'exécution des tâches occasionnelles qu'il accomplissait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du Code du travail dans ses dispositions applicables en la cause, ensemble l'article L. 1222-1 du même Code. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur B... reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté celui-ci de sa demande en paiement de la somme de 23.256 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Aux motifs que si les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail exigent que l'avis des délégués du personnel intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l'absence de proposition de reclassement, ni de ce texte, ni de l'article L. 1226-12 du même code. En conséquence, le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et le salarié sera débouté de ses demandes ; Alors qu'il résulte de l'article L. 1226-10 du Code du travail que l'avis des délégués du personnel doit être recueilli par l'employeur avant que la procédure de licenciement d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle soit engagée ; que l'employeur ne saurait se soustraire à cette obligation dont la violation est sanctionnée par l'indemnité prévue à l'article L. 1226-15 du code du travail par un motif tiré de l'absence de proposition de reclassement ; qu'en retenant que faute de proposition de reclassement, l'exigence d'un avis des délégués du personnel ne résulte pas de l'article L. 1226-10 du Code du travail dans ses dispositions applicables en la cause, la Cour d'appel a violé cette disposition.
Il résulte de l'article L 1226-10 du code du travail que l'employeur est tenu de consulter les délégués du personnel avant d'engager la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail, même s'il n'identifie pas de poste de reclassement
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SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 817 FS-P+B Pourvoi n° A 18-18.265 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. K.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 21 février 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 La société Central médical, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 18-18.265 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre B), dans le litige l'opposant à M. W... K..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Central médical, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. K..., et l'avis de Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Gilibert, conseillers, MM. Silhol, Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 avril 2018), M. K... a été engagé en qualité de télévendeur le 9 septembre 2009 par la société Central médical. 2. Le salarié a été en arrêt maladie du 3 au 10 juin 2011, du 22 juin au 30 juin 2011, puis du 1er juillet au 30 septembre 2011. 3. Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 14 septembre 2011 et a saisi la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, alors, « que l'article F2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique, relatif à la rupture du contrat de travail, ne comporte aucune disposition relative au calcul de l'ancienneté, de sorte que, dans le silence de la convention collective, l'article L. 1234-8 du code du travail, excluant les périodes de suspension du contrat du travail pour le calcul de l'ancienneté, doit recevoir application ; qu'en retenant au contraire, pour dire que l'ancienneté de M. K... était de deux ans et cinq jours et lui ouvrait droit à une indemnité compensatrice de préavis, que le calcul de son ancienneté devait inclure les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie, dès lors que la convention collective n'aurait pas exclu ces périodes dudit calcul, la cour d'appel a violé l'article F2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique, ensemble l'article L. 1234-8 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article F2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique et l'article L. 1234-8 du code du travail : 6. Il résulte de ces textes que la durée du préavis est de deux mois en cas de licenciement pour les salariés ayant une ancienneté égale ou supérieure à deux ans, et qu'en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, la période de suspension du contrat de travail pour maladie n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions. 7. Pour condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, l'arrêt retient que le calcul de l'ancienneté à prendre en compte pour le droit à indemnité compensatrice de préavis ne doit pas exclure les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie puisque, contrairement à l'article L. 1234-8 du code du travail, la convention collective ne les exclut pas. 8. En statuant ainsi, alors que la convention collective ne prévoit pas que les périodes de suspension pour maladie entrent en compte pour le calcul de l'ancienneté, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Central médical à payer à M. K... les sommes de 6 234 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 623,40 euros bruts à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 13 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne M. K... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Central médical PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré la prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de la société Central Médical, employeur, prononcée le 14 septembre 2011 par monsieur W... K..., salarié, fondée sur des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles, D'AVOIR dit que cette rupture portait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, D'AVOIR condamné en conséquence la société Central Médical à payer à monsieur K... les sommes de 6 234 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 623,40 euros bruts à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, 1 090,95 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2011, et 21 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, cette somme portant intérêts calculés au taux légal à compter de la décision et D'AVOIR débouté la société Central Médical de ses demandes ; AUX MOTIFS QUE sur la rupture du lien contractuel, de son bien-fondé, la prise d'acte était l'acte par lequel, avant toute convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, le salarié informait directement son employeur qu'il mettait un terme à son contrat de travail en raison de faits qu'il lui reprochait, survenus et connus antérieurement à sa décision et caractérisant un manquement suffisamment grave à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'il incombait au salarié de prouver la réalité des griefs qu'il invoquait ; que cette rupture produisait les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en l'espèce monsieur W... K... avait pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier recommandé du 14 septembre 2011 rédigé sur huit pages, contenant en exergue, en première page, les quatre paragraphes reproduits ci-dessus, résumant les motifs de sa décision, puis reprenant dans le détail, depuis septembre 2009, l'historique de la relation contractuelle en énumérant les incidents qui l'avaient émaillée et qu'il reprochait à l'employeur, et enfin se terminant par un nouveau résumé ainsi libellé : « La situation n'a que trop duré et elle m'est devenue invivable. / En m'accusant de menteur, en m'insultant, en m'isolant des collègues, les incitant fortement à ne plus me parler, ni même de prendre leurs pauses déjeuner avec moi, en observant tous mes faits et gestes par le biais de la webcam pendant de nombreuses journées, en me dépouillant de mes clients, en me faisant des menaces et des reproches non fondés, vous avez orchestré un acharnement à mon égard et je ne peux que constater que tout cela doit s'arrêter. / Vous m'avez poussé de longue date à quitter la société, alors que mes résultats ont toujours été très bons et que vous n'aviez rien à me reprocher. / Ne voyant plus d'issue, je me retrouve maintenant dans l'obligation de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail, malgré les difficultés financières que je subis en conséquence. / Cet acharnement a entraîné des problèmes de santé et je n'ai d'autre choix que de perdre mon emploi, malgré mes nombreuses et vaines tentatives d'apaisement » ; qu'il résultait expressément de ce courrier que monsieur W... K... faisait grief à la Sarl Central Médical d'avoir commis à son encontre des faits qu'il qualifiait de harcèlement moral manifesté d'une part, par une politique de sape psychologique, d'isolement, de dévalorisation et d'humiliation ayant eu un effet péjoratif sur sa santé psychologique, d'autre part, par des manquements à ses obligations contractuelles ; que dès lors c'était à juste titre que le premier juge avait rappelé que selon l'article L. 1152-1 du code du travail, en sa rédaction applicable aux faits de la cause, aucun salarié ne devait subir les agissements répétés de harcèlement moral qui avaient pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et que selon l'article L. 1154-1 du même code, en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, lorsque survenait un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 (...) le salarié établissait des faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement, qu'au vu de ces éléments, il incombait à la partie défenderesse de prouver que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et que le juge formait sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estimait utiles ; que pour établir les faits permettant de présumer l'existence du harcèlement dont il se plaignait, – et dont il datait le début à novembre 2010 à l'occasion d'une demande de congé pour événement familial qui, selon lui, avait « contrarié » l'employeur –, monsieur W... K... produisait aux débats notamment les pièces suivantes : * n°2 : une attestation établie conformément aux trois derniers alinéas de l'article 202 du code de procédure civile par monsieur W... V... du 29 juin 2011 qui indiquait notamment : « en janvier 2011, en rentrant de congés, monsieur K... et moi-même, étions étonnés de voir nos secteurs respectifs amoindris car la direction nous avait enlevé approximativement 3 secteurs chacun, sans nous en informer au préalable. Par ailleurs, ils nous ont aussi mis côte à côte au fond à droite de la salle » ; que le fait que cette attestation émanait d'un salarié avec lequel monsieur W... K... entretenait de bonnes relations, et qui lui-même avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en début d'année 2011 et engagé une procédure prud'homale à l'encontre de la SAS Central Médical, n'ôtait rien à sa valeur probante, alors surtout que, dans le cadre de ladite instance, monsieur K... avait lui-même établi une attestation au profit de monsieur V..., qui avait donné lieu à l'entrevue du 3 juin 2011, provoquée par l'employeur, et dont il serait question ci-après ; * n°26 bis : courrier de la SAS Central Médical à monsieur K... du 21 septembre 2011 : que dans cette lettre, adressée au salarié en réponse à la « prise d'acte », l'employeur indiquait, concernant la suppression de secteurs : « Vous nous reprochez de vous avoir retiré trois départements : les 21, 49 et 65, qui vous rapportaient une marge bénéficiaire importante, sans vous savoir consulté. / Trois départements, sur les quinze que vous aviez alors en charge ; alors que vous n'auriez dû pour respecter l'équité entre les commerciaux, n'en avoir que dix. / Or vous savez pertinemment là aussi que ces trois départements vous étaient confiés provisoirement, ils vous étaient prêtés et ne faisaient en aucun cas partie des fichiers vous étant attribués en propre, de plus vous bénéficiez toujours alors, malgré le retrait de ces trois fichiers de deux départements supplémentaires prêtés, ce que vous omettez de signaler. / J'attire votre attention sur le fait que les départements ainsi confiés le 21, 49 et 65 ne constituent pas un élément déterminant du contrat de travail puisqu'ils ne vous ont été confiés que de manière provisoire. Il ne s'agit nullement d'une modification de votre contrat de travail. / Nous n'avions en aucun cas à vous prévenir de quoi que ce soit d'une part, d'autre part peut-être souhaitiez-vous bénéficier d'un statut tout particulier au sein de l'équipe commerciale ? Par ailleurs nous vous invitons à relire votre contrat de travail qui stipule : "Une (ou plusieurs) zone géographique vous sera attribuée. Cette zone pourra être remise en cause, soit à l'initiative de la direction, soit à votre propre initiative. En cas d'absence de votre part ladite zone sera confiée à un autre commercial de façon ponctuelle ou durable" » ; que la cour relevait que dans son courrier du 21 septembre l'employeur, d'une part, reconnaissait la suppression unilatérale de trois secteurs géographiques, d'autre part qu'il avait commis une erreur dans la citation du contrat de travail ; qu'en effet la clause du 8° de ce contrat stipulait : « Une (ou plusieurs) zone géographique vous sera attribuée. Cette zone pourra être remise en cause annuellement, soit à l'initiative de la direction, soit à votre propre initiative. En cas d'absence de votre part ladite zone sera confiée à un autre commercial de façon ponctuelle ou durable » ; que cette rédaction signifiait que la modification des secteurs géographiques ne pouvait avoir lieu – sauf absence entraînant affectation provisoire d'un ou plusieurs secteurs à d'autres commerciaux, afin d'éviter de les laisser en jachère –, qu'une fois par an et à l'issue d'une concertation (« à l'initiative » et non sur décision de l'une ou l'autre des parties), entre l'employeur et le salarié ; * n°5 : l'attestation qu'il avait lui-même établie dans les formes légales le 7 janvier 2011 au profit de monsieur V... : que dans cette attestation il indiquait notamment : « Le mercredi 5 janvier 2011, alors que nos bureaux étaient rapprochés, notre employeur nous a séparés brutalement alors que nous étions tous deux en ligne avec un client. Une heure après environ, mon employeur est venu retirer le téléphone portable personnel de W... V... qui était posé sur son bureau alors que mon collègue était toujours en ligne avec un client. Ce même jour en milieu d'après-midi, l'employeur a enlevé la totalité des fichiers clients travaillés au quotidien par monsieur V.... Il l'a ensuite isolé des autres commerciaux en le changeant de place » ; que la cour relevait que dans son courrier du 21 septembre 2011 l'employeur, reconnaissait avoir, à deux reprises, changé de place les bureaux de messieurs V... et K..., puisqu'il écrivait : « Vous prétendez que nous vous aurions le même jour (le 3 janvier, jour de la reprise du travail après les congés annuels), changé de place sans explication. / Faux, il y avait bien une raison et elle n'était pas pour vous déplaire puisqu'il s'agissait, pour vous faire plaisir, conformément à votre requête préalable, de vous installer aux cotés de votre ami, monsieur V..., vous étiez alors plutôt ravi de la chose, vous aviez tous deux alors manifesté votre plaisir, toute l'équipe commerciale peut en attester si besoin est » et poursuivait : « Vous prétendez que le 5 janvier nous aurions poussé votre bureau d'un coup sec sans raison apparente. / Faux d'une part pour la sécheresse du geste, d'autre part raison il y avait, à une remise en place de bureaux. En effet vous aviez sans notre consentement, sans même avoir demandé une quelconque autorisation de le faire, accolé vos bureaux monsieur V... et vous-même. / Monsieur L... vous a demandé à plus de cinq reprises au cours de la matinée de replacer vos bureaux à leurs places initiales (proches mais pas collés). Vous avez fait fi de ses requêtes et l'avez superbement ignoré tout en continuant à discuter et plaisanter entre vous, manifestant ainsi le plus grand mépris pour votre supérieur hiérarchique. Monsieur F... est alors intervenu pour replacer lui-même les bureaux à leur place initiale, mais en aucun cas celui-ci n'a fait preuve d'un comportement déplacé, comme vous semblez l'insinuer » ; que par ailleurs la rédaction de l'attestation du 7 janvier 2011 avait donné lieu à un incident le 3 juin 2011 ; * n°12 et 12 bis : avis d' arrêt de travail initial du 3 juin 2011 et ordonnance médicale, * n°13 : courrier de monsieur K... à l'employeur du 6 juin 2011, * n°14 : courrier de l'employeur à monsieur K... du 9 juin 2011 : que ces pièces avaient trait à l'entrevue du 3 juin 2011 ; que dans son courrier du 6 juin le salarié indiquait : « cet entretien m'a beaucoup éprouvé d'autant que je me suis retrouvé seul devant vous deux [messieurs L..., directeur général et T..., président], assisté d'un de mes collègues de travail, monsieur S..., qui, selon vos dires était présent en qualité de témoin ce qui m'a beaucoup surpris. Au cours de cet entretien vous m'avez vivement reproché d'avoir signé une attestation en faveur de mon ancien collègue, Monsieur V..., dans le cadre de son action de justice au conseil des prud'hommes. Vous m'avez demandé de produire une nouvelle attestation en votre faveur. Je vous confirme la position que je vous ai exprimée au cours de cet entretien : je maintiens l'attestation que j'ai produite dans la mesure où elle correspond à la réalité des faits » ; qu'à l'issue de cet entretien monsieur K... avait consulté son médecin traitant, le docteur I..., qui lui avait prescrit des médicaments et lui avait délivré un arrêt de travail pour la période du 3 au 10 juin 2011, mentionnant, à la rubrique « renseignements médicaux », pour motif de cet arrêt : « stress professionnel » ; que dans sa lettre en réponse du 19 juin 2011 l'employeur avait écrit : « nous nous devons de rejeter en bloc tout ce que vous y prétendez. Nous vous avons fait venir dans notre bureau le vendredi 3 juin matin, nous vous avons simplement signalé que nous étions très étonnés de recevoir dans un courrier concernant une affaire qui nous oppose à monsieur V... une attestation de votre main concernant ladite affaire. En effet nous nous permettons de vous rappeler, afin de replacer les choses dans leur contexte, que vous nous aviez assuré auparavant que vous n'aviez réalisé aucune attestation en faveur de monsieur V... et que vous n'en réaliserez aucune, car rien ne le justifiait. Nous souhaitions simplement lors de cet entretien savoir pourquoi ce soudain revirement et pourquoi vous nous aviez menti », reconnaissant ainsi avoir convoqué le salarié au sujet de son témoignage en justice ; qu'à l'issue de ce premier échange de correspondance, et après la reprise du travail par le salarié et une nouvelle entrevue en date du 14 juin, les parties ont à nouveau échangé des correspondances sur le même thème ; *nos34 à 39 et nos41 à 45 : attestations de mesdames H..., N..., R..., Q..., et de messieurs A..., P..., O... et C... : que la cour estimait que bien que ne contenant pas toutes les mentions exigées par l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation établie par madame N..., accompagnée d'une copie de pièce d'identité, présentait les garanties suffisantes pour être utilisée comme pièce à conviction ; qu'au demeurant, l'ensemble de ces attestations, qui concernaient plusieurs griefs, et notamment celui d'isolement volontaire, de surveillance par caméra et l'incident entre monsieur W... K... et madame J... U..., ne suffisaient pas à caractériser ces griefs ; qu'en particulier la palinodie de madame H..., qui avait également attesté en faveur de l'employeur (pièce n°11 produite par ce dernier), fragilisait son témoignage ; * n°22 et n°6 : dossier médical de monsieur W... K... dans les registres de la médecine du travail : que dans ce dossier, à une date non précisée mais qui pourrait être celle du 25 août 2011, le médecin du travail avait écrit : « arrêt d'une semaine début juin. A repris une semaine. pb. Puis nouvel arrêt maladie du 22 au 30 juin. A repris quelques heures le 1er juillet, puis nouvel arrêt. Souffrance au travail. Revient le 25 août à 15h30 » ; que par certificat du 26 septembre 2011, ce même médecin (docteur G...) attestait avoir reçu monsieur W... K... « en visites à sa demande le 10 janvier 2011, le 18 juillet 2011, le 25 août 20[1]1 et le 26 septembre 2011 » ; que s'il mentionnait une « souffrance au travail », le médecin du travail n'avait rien constaté du harcèlement allégué ; * n°15 et n°20, nos24 et 25 : arrêts de travail prescrits par le docteur I... : que ces documents qui faisaient état de « stress professionnel aigu », de « harcèlement moral professionnel – stress professionnel » et de « harcèlement moral professionnel – Agression verbale – stress réactionnel majeur » émanaient du médecin traitant du salarié qui avait rapporté les propos de ce dernier sans avoir constaté un quelconque fait à l'origine du symptôme réactionnel qu'il avait pu observer chez son patient, en sorte que ce type de certificat ne pouvait pas servir à l'établissement de faits à l'origine d'une perturbation psychologique ; qu'ainsi analysées et prises dans leur ensemble, ces pièces ne suffisaient pas à la formation d'une présomption d'existence d'un harcèlement moral, mais caractérisaient en revanche et apportaient la preuve de manquements, ponctuels mais graves, aux obligations de l'employeur qui : - début janvier 2011 avait modifié unilatéralement une partie du secteur géographique de prospection attribué à monsieur W... K..., sans concertation ni délai de prévenance alors qu'une telle modification avait une incidence directe, compte tenu de l'existence de commissions sur chiffre d'affaires, sur sa rémunération, - les 3 et 5 janvier 2011 avait déplacé à deux reprises, la seconde fois de façon inopinée et brutale, l'emplacement du bureau de ce salarié, - le 3 juin 2011, convoqué monsieur W... K... devant 3 personnes (à la façon d'un tribunal répressif) afin de lui demander de s'expliquer relativement à l'attestation qu'il avait rédigée au profit d'un ancien collègue de travail, et tenté de faire pression sur lui afin d'obtenir une modification de sa position, le tout ayant profondément affecté le salarié qui avait été contraint de consulter un médecin ; que les pièces produites par l'employeur, qui concernaient : * en grande partie (pièces nos8 et 11 à 20) l'algarade entre mademoiselle U... et monsieur K..., dont la réalité ne faisait pas de doute, comme les dérapages auxquels elle avait donné lieu de la part des deux protagonistes, mais qui ne pouvait pas être mise au passif de l'employeur qui avait sanctionné, à juste titre, d'un avertissement les deux salariés, * en grande partie (pièces nos29 à 41) la matinée du 1er juillet 2011 au cours de laquelle, monsieur W... K..., qui reprenait le travail après un arrêt pour maladie avait finalement quitté l'entreprise pour ne plus y revenir, * l'utilisation ponctuelle d'une « webcam » pour les besoins d'une formation (attestations constituant les pièces nos47 à 51), qui expliquait la présence de caméras photographiées par monsieur K..., * l'absence de harcèlement moral « envers aucun employé de la société Central Médical », affirmée dans une attestation (pièce n°53) établie conformément aux trois derniers alinéas de l'article 202 du code de procédure civile par monsieur E... A... (également attestant au profit de monsieur W... K... concernant l'incident du 9 mars 2011), * le litige commercial entre la SAS Central Médical et la société Destock Médical créée et revendue par les dirigeants de la SAS Central Médical antérieurement à la création de cette dernière, et au sein de laquelle monsieur W... K... avait été provisoirement embauché après sa « prise d'acte », ne suffisaient pas à contrebalancer la force probante des éléments analysés ci-dessus ; que c'était donc à tort que le premier juge avait rejeté la demande de monsieur W... K... tendant à faire produire à la prise d'acte de rupture du lien contractuel, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement devait donc être infirmé ; que de ses conséquences, le droit à l'indemnité de licenciement s'appréciait, sauf disposition contraire, à la date d'envoi de la lettre de rupture du contrat de travail ; que par ailleurs, il résultait des articles L. 1234-8 et L. 1234-11 du code du travail que, sauf dispositions légales, conventionnelles ou contractuelles plus favorables, les périodes de suspension du contrat de travail n'entraient pas en compte dans la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier du délai congé et de l'indemnité de licenciement ; qu'enfin les articles F2 et F3 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique du 7 janvier 1992, étendue par arrêté du 28 juillet 1992 (JORF 29 juillet 1992) stipulaient : 1) s'agissant du préavis : « Sauf accord entre les parties prévoyant une durée supérieure, la durée du préavis, dite aussi "délai-congé", est : - de 1 mois pour les employés en cas de démission, portée à 2 mois en cas de licenciement pour les salariés ayant une ancienneté égale ou supérieure à 2 ans ; - de 2 mois pour les techniciens, les techniciens supérieurs et les agents de maitrise. Elle est portée à 3 mois pour les techniciens supérieurs et les agents de maitrise ayant 10 ans d'ancienneté ; - de 3 mois pour les cadres » ; 2) s'agissant de l'indemnité de licenciement : « En dehors du préavis prévu par la présente convention, il sera alloué aux salariés congédiés, sauf en cas de faute grave ou lourde, une indemnité au prorata du temps d'ancienneté dans l'entreprise. Entre 2 et 3 ans de présence dans l'entreprise, il s'agit de l'indemnité légale prévue par le code du travail » ; qu'au regard de ces textes, c'était à juste titre que monsieur W... K... soutenait que le calcul de l'ancienneté à prendre en compte pour son droit à indemnité compensatrice de préavis ne devait pas exclure les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie puisque, contrairement à l'article L. 1234-8 du code du travail, la convention collective ne les excluait pas, tandis que l'ancienneté lui donnant vocation à l'indemnité de licenciement devait être déterminée par application de l'article L. 1234-11 du code du travail, auquel renvoyait la convention collective, c'est à dire en excluant lesdites périodes de suspension ; qu'en application de ces règles, au 14 septembre 2011, jour de la rupture du lien contractuel, monsieur W... K..., qui était entré dans l'entreprise le 9 septembre 2009, totalisait : - du point de vue du droit à-préavis, une ancienneté de 2 ans et 5 jours lui ouvrant droit à une indemnité compensatrice de 2 mois, avec incidence congés payés, - du point de vue du droit à indemnité de licenciement, tenant compte des absences pour maladie du 3 juin au 10 juin 2011, puis du 22 juin au 14 septembre 2011, soit durant trois mois, une ancienneté de 1 an et 9 mois ; que monsieur W... K..., dont la moyenne des trois derniers mois de salaires n'était pas différente de celle des 12 derniers mois, s'élevant à 3.117 € brut, avait vocation à percevoir, en application des dispositions légales et conventionnelles susvisées et de l'article L. 1235-3 du code du travail : • ((3.117 € x 2) =] 6.234,00 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, • 623,40 € brut à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, • [((1/5 x 3117 €) + { 9/12 x (1/5 x 3117 €)}) =] 1.090,95 € à titre d'indemnité de licenciement, • [ (3.117 € x 6) =] 18.702 € à titre d'indemnité minimale en réparation du dommage consécutif à la rupture de son contrat de travail qui portait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'au regard de l'âge, de l'ancienneté de ce salarié et du fait qu'il avait retrouvé des emplois précaires, notamment une série de contrats à durée déterminée entrecoupés de périodes de chômage, la cour disposait d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 21.000 € le montant des dommages et intérêts à lui allouer (arrêt, pp. 4 à 9) ; ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'en retenant sans autre précision que la modification unilatérale, intervenue le 3 janvier 2011, de la zone géographique de prospection confiée à monsieur K... aurait eu une incidence sur sa rémunération, pour en déduire un manquement de la société Central Médical à l'exécution du contrat de travail, cependant que l'employeur faisait valoir (conclusions, p. 14, in limine) qu'au contraire, la rémunération du salarié avait augmenté à la suite de ce retrait et qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt que la moyenne des trois derniers mois de salaire n'était pas différente de celle des douze derniers mois, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE le changement de bureau ou le déplacement du poste de travail d'un salarié relèvent du pouvoir de direction de l'employeur et ne sauraient constituer un manquement à l'exécution du contrat de travail de la part de ce dernier ; qu'en retenant au contraire que le déplacement, par la société Central Médical, à deux reprises, les 3 et 5 janvier 2011, la seconde fois de manière inopinée et brutale, de l'emplacement du bureau de monsieur K... constituait un manquement ponctuel, mais grave, de l'employeur à l'exécution de ses obligations, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail ; ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'en présence de manquements suffisamment graves de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant, pour dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par monsieur K... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à relever que les manquements prétendument imputables à l'employeur auraient été ponctuels mais graves, sans constater que la gravité desdits manquements aurait fait obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail ; ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en retenant, pour dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par monsieur K... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le retrait, intervenu le 3 janvier 2011, d'une partie du secteur de prospection attribué à monsieur K..., le déplacement de son bureau par l'employeur les 3 et 5 janvier 2011 et sa convocation par ce dernier le 3 juin 2011 pour lui demander de s'expliquer sur une attestation rédigée par ses soins au profit d'un ancien salarié, faits ayant prétendument affecté le salarié, constituaient des manquements graves, quand de tels faits, à les supposer établis, même pris dans leur ensemble, n'étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Central Médical, employeur, à payer à monsieur W... K..., salarié, les sommes de 6 234 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 623,40 euros bruts à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis ; AUX MOTIFS QU'il résultait des articles L. 1234-8 et L. 1234-11 du code du travail que, sauf dispositions légales, conventionnelles ou contractuelles plus favorables, les périodes de suspension du contrat de travail n'entraient pas en compte dans la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier du délai congé et de l'indemnité de licenciement ; qu'enfin les articles F2 et F3 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique du 7 janvier 1992, étendue par arrêté du 28 juillet 1992 (JORF 29 juillet 1992) stipulaient : 1) s'agissant du préavis : « Sauf accord entre les parties prévoyant une durée supérieure, la durée du préavis, dite aussi "délai-congé", est : - de 1 mois pour les employés en cas de démission, portée à 2 mois en cas de licenciement pour les salariés ayant une ancienneté égale ou supérieure à 2 ans ; - de 2 mois pour les techniciens, les techniciens supérieurs et les agents de maitrise. Elle est portée à 3 mois pour les techniciens supérieurs et les agents de maitrise ayant 10 ans d'ancienneté ; - de 3 mois pour les cadres » ; 2) s'agissant de l'indemnité de licenciement : « En dehors du préavis prévu par la présente convention, il sera alloué aux salariés congédiés, sauf en cas de faute grave ou lourde, une indemnité au prorata du temps d'ancienneté dans l'entreprise. Entre 2 et 3 ans de présence dans l'entreprise, il s'agit de l'indemnité légale prévue par le code du travail » ; qu'au regard de ces textes, c'était à juste titre que monsieur W... K... soutenait que le calcul de l'ancienneté à prendre en compte pour son droit à indemnité compensatrice de préavis ne devait pas exclure les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie puisque, contrairement à l'article L. 1234-8 du code du travail, la convention collective ne les excluait pas, tandis que l'ancienneté lui donnant vocation à l'indemnité de licenciement devait être déterminée par application de l'article L. 1234-11 du code du travail, auquel renvoyait la convention collective, c'est à dire en excluant lesdites périodes de suspension ; qu'en application de ces règles, au 14 septembre 2011, jour de la rupture du lien contractuel, monsieur W... K..., qui était entré dans l'entreprise le 9 septembre 2009, totalisait : - du point de vue du droit à-préavis, une ancienneté de 2 ans et 5 jours lui ouvrant droit à une indemnité compensatrice de 2 mois, avec incidence congés payés, - du point de vue du droit à indemnité de licenciement, tenant compte des absences pour maladie du 3 juin au 10 juin 2011, puis du 22 juin au 14 septembre 2011, soit durant trois mois, une ancienneté de 1 an et 9 mois ; que monsieur W... K..., dont la moyenne des trois derniers mois de salaires n'était pas différente de celle des 12 derniers mois, s'élevant à 3.117 € brut, avait vocation à percevoir, en application des dispositions légales et conventionnelles susvisées et de l'article L. 1235-3 du code du travail : • ((3.117 € x 2) =] 6.234,00 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, • 623,40 € brut à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis (arrêt, pp 8-9) ; ALORS QUE l'article F2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique, relatif à la rupture du contrat de travail, ne comporte aucune disposition relative au calcul de l'ancienneté, de sorte que, dans le silence de la convention collective, l'article L. 1234-8 du code du travail, excluant les périodes de suspension du contrat du travail pour le calcul de l'ancienneté, doit recevoir application ; qu'en retenant au contraire, pour dire que l'ancienneté de monsieur K... était de deux ans et cinq jours et lui ouvrait droit à une indemnité compensatrice de préavis, que le calcul de son ancienneté devait inclure les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie, dès lors que la convention collective n'aurait pas exclu ces périodes dudit calcul, la cour d'appel a violé l'article F2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique, ensemble l'article L. 1234-8 du code du travail.
En application des dispositions de l'article L. 1234-8 du code du travail, en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, la période de suspension du contrat de travail pour maladie n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions. Dès lors, c'est en violation de l'article F.2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique du 7 janvier 1992 et de l'article L. 1234-8 du code du travail que la cour d'appel, constatant que la convention collective ne prévoyait pas que les périodes de suspension pour maladie entraient en compte pour le calcul de l'ancienneté, retient qu'il convient de prendre en compte ces périodes pour le droit à indemnité compensatrice de préavis
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SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Cassation M. CATHALA, président Arrêt n° 818 FS-P+B Pourvoi n° A 19-12.036 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 M. O... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 19-12.036 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Somfy activités, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Somfy, défenderesse à la cassation. La société Somfy activités a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. A..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Somfy activités, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Gilibert, conseillers, MM. Silhol, Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué, (Chambéry, 29 novembre 2018), M. A..., engagé en qualité de conseiller technique client à compter du 22 mai 2012 par la société Somfy (la société), a pris trois jours de congés du 23 au 25 novembre 2015 à la suite de la naissance de son enfant le 20 novembre 2015 et a bénéficié de la période de protection de quatre semaines prévue à l'article L. 1225-4-1 du code du travail, jusqu'au 18 décembre 2015. 2. Le salarié a été convoqué le 26 novembre 2015 à un entretien préalable qui s'est tenu le 10 décembre 2015 et a été licencié le 23 décembre 2015 pour insuffisance professionnelle. 3. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale. Examen du moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa seconde branche, qui est préalable Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire nul le licenciement du salarié, d'ordonner sa réintégration et de le condamner à payer au salarié diverses sommes, alors « que la prohibition des ''mesures préparatoires au licenciement'' s'inscrit exclusivement dans le cadre de l'application de l'article L. 1225-4 du code du travail, protégeant la maternité, tel qu'interprété à la lumière de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 ''concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail'', dont l'objet, en imposant une interdiction de licenciement durant le congé maternité, est d'éviter ''des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes'', considérées comme un groupe à risque particulièrement sensible devant être protégé contre les dangers les affectant spécifiquement, avant et après l'accouchement, et en particulier celui d'une interruption volontaire de grossesse ; que c'est pour donner plein effet à ces dispositions et parer à ce risque que la Cour de justice a considéré que la prohibition instituée par la directive devait s'étendre aux actes préparatoires au licenciement des travailleuses ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 imposerait aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection et qu'interprétant cette directive, la Cour de justice avait considéré qu'elle interdisait également de prendre des mesures préparatoires au licenciement ; qu'en statuant ainsi, quand la directive 92/85 a exclusivement pour objet de ''promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail'', que son article 10 n'institue une période de protection que pour lesdites travailleuses, et que l'interdiction des mesures préparatoires au licenciement s'inscrit uniquement dans la perspective d'une protection des travailleurs féminins avant et après l'accouchement, la cour d'appel a violé la directive 92/85 du 19 octobre 1992, en particulier son article 10, ensemble l'article L. 1225-4-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau. 6. Le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit. 7. Le moyen est donc recevable. Bien fondé du moyen Vu l'article L. 1225-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 : 8. Selon ce texte, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant. 9. Pour déclarer nul le licenciement prononcé le 23 décembre 2015, l'arrêt retient que la protection de la maternité et/ou lors de la naissance d'un enfant au titre du droit interne est conforme au droit communautaire et notamment à l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 qui impose aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection de la maternité ou lors de la naissance d'un enfant et que sont sanctionnés les actes préparatoires à un licenciement pendant la période de protection du salarié, quels que soient les motifs du licenciement. 10. En statuant ainsi, alors que l'article L. 1225-4-1 du code du travail, qui ne met pas en œuvre l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, interdit à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de l'enfant, sauf s'il justifie d'une faute grave ou de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal du salarié, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne M. A... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. A... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Somfy à payer à M. O... A... une indemnité limitée correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir après déduction des revenus de remplacement perçus pendant la période entre son éviction (29 février 2016) et sa réintégration (25 janvier 2018) sur la base d'une rémunération brute de base de 2.015,67 euros en mars 2016, de 2.040,67 euros en avril 2016, de 2.054,67 euros en mars 2017 outre la prime d'ancienneté, l'indemnité compensatrice CET et le solde du treizième mois 2016 et le treizième mois 2017 après déduction de la somme de 24.893,08 euros revenus de remplacement perçus par M. O... A... ; AUX MOTIFS QUE le 4 septembre 2015, M. O... A... annonçait à son employeur que sa femme était enceinte et que le terme était prévu pour fin novembre ; que par courriel du 12 novembre 2015, M. O... A... annonçait à son employeur l'accouchement de sa femme pour le 20 novembre 2015 (vendredi), et qu'il serait absent du 23 au 25 novembre 2015 (lundi à mercredi correspondant aux trois jours de congés pour naissance d'un enfant) conformément à l'article L. 3142-4 3° du code du travail ; que la période de protection de M. O... A... expirait donc le 18 décembre 2015 ; que si la notification du licenciement du 23 décembre 2015 est intervenue postérieurement à cette période, la convocation à l'entretien préalable en date du 26 novembre 2015 et l'entretien préalable se sont tenus pendant la période de protection ; que la protection de la maternité et/ou lors de la naissance d'un enfant au titre du droit interne est conforme au droit communautaire et notamment à l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 qui impose aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection de la maternité ou lors de la naissance d'un enfant ; qu'interprétant cette directive, la Cour de justice des communautés européennes a déclaré qu'« il (était) interdit non seulement de notifier une décision de licenciement en raison de la grossesse et/ou de la naissance d'un enfant pendant la période de protection visée au paragraphe 1 de cet article, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision, telles que la recherche et la prévision d'un remplacement définitif de l'employée concernée, avant l'échéance de cette période » (CJCE, 11 octobre 2007, aff. 460/06, Paquay) ; que ce qui est sanctionné, ce sont les actes préparatoires à un licenciement pendant la période de protection du salarié, quels que soient les motifs de ce licenciement, qui même s'il repose sur une insuffisance professionnelle peut avoir, en fait, un motif autre ; qu'en l'espèce la convocation à un entretien préalable et l'entretien préalable au licenciement sont des actes préparatoires à un licenciement ; qu'ils constituent un préalable obligé à la notification éventuelle du licenciement ; que M. O... A... fait également valoir à juste titre que constitue un acte préparatoire à son licenciement, la notification le 27 novembre 2015 de son entretien annuel d'appréciation (EAA) qui s'est déroulé le 11 décembre 2014, soit onze mois plus tôt et alors que M. O... A... avait déjà reçu sa convocation à un entretien préalable, et ce afin de légitimer son licenciement pour insuffisance professionnelle et au mépris des principes et points de repère rappelés dans l'entretien annuel d'appréciation et notamment le point suivant : « A l'issue de l'entretien, le manager enregistrera le compte rendu sur support EAA prévu à cet effet. Le collaborateur peut ajouter les commentaires qui lui semblent utiles. Collaborateur et manager y apposeront leur signature pour accord » ; que l'entretien annuel d'appréciation du 11 décembre 2014 communiqué aux débats n'est ni daté, ni signé par l'employeur et M. O... A... ; que le jugement qui a dit le licenciement de M. O... A... nul sera confirmé. M. O... A... sollicite sa réintégration ; que le jugement qui a ordonné cette réintégration sera confirmé, celle-ci étant effective depuis le 25 janvier 2018, M. O... A... a droit à une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir après déduction des revenus de remplacement reçus pendant la période entre son éviction (29 février 2016) et sa réintégration (25 janvier 2018) ; que le licenciement de M. O... A... n'a pas été prononcé en violation d'une liberté fondamentale ou d'une disposition d'ordre public mais pendant une période de protection dont il bénéficiait en raison de la naissance de son enfant ; que les indemnités chômage doivent bien être déduites ; que le jugement du conseil de prud'hommes avait ordonné la reconstitution du salaire de M. O... A... sur la base d'une rémunération de 2.280,81 euros ; que M. O... A... justifie de l'évolution salariale en 2016, 2017, telle que résultant des négociations annuelles obligatoires sur les salaires pour les Etam ; qu'en mars 2016 sa rémunération mensuelle de base était de 2.015,67 euros outre une prime d'ancienneté de 40,70 euros et une indemnité compensatrice CET (compte épargne-temps) de 94,91 euros ; qu'en avril 2016, sa rémunération de base était de 2.040,67 euros, en mars 2017 de 2.054,67 euros. Pour 2018, M. O... A... a été réintégré le 25 janvier 2018 et l'augmentation salariale intervenue en mars 2018 n'est pas incluse dans l'indemnité revenant à M. O... A... au titre de la nullité de son licenciement ; que c'est sur la base des salaires mensuels ci-dessus que sera calculée l'indemnité revenant à M. O... A.... S'y ajouteront la prime d'ancienneté, l'indemnité compensatrice CET, le solde du treizième mois de l'année 2016 (M. O... A... ayant perçu 335,94 euros lors de son départ), et de l'année 2017 ; que seront déduits de cette indemnité les revenus de remplacement perçus par M. O... A... de Pôle emploi de mai 2016 à décembre 2017 soit 24.893,08 euros ; ALORS QUE tout licenciement prononcé en méconnaissance du statut protecteur accordé en raison de la naissance d'un enfant est nul et caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé garanti par l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, de sorte que le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des revenus de remplacement pendant cette période ; qu'en condamnant l'employeur à verser à M. A..., dont le licenciement avait été annulé du fait d'une atteinte au statut protecteur dont il bénéficiait en raison de la naissance de son enfant, une indemnité correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration sous déduction des revenus de remplacement perçus entre mai 2016 et décembre 2017, soit 24.893,08 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 1225-4-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable et le droit à la protection de la santé garanti par l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Somfy activités Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit nul le licenciement de Monsieur A..., ordonné sa réintégration au sein de la société SOMFY, et condamné cette dernière à payer à Monsieur A... la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que, infirmant le jugement de ces chefs, d'AVOIR condamné la société SOMFY à payer à Monsieur A... une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir après déduction des revenus de remplacement perçus pendant la période entre son éviction (29 février 2016) et sa réintégration (25 janvier 2018) sur la base d'une rémunération brute de base de 2.015,67 € en mars 2016, 2.040,67 € en avril 2016, 2.054,67 € en mars 2017 outre la prime d'ancienneté, l'indemnité compensatrice CET, le solde du treizième mois 2016 et le treizième mois 2017, après déduction de la somme de 24. 893,08 € de revenus de remplacement perçus par Monsieur A..., d'AVOIR condamné la société SOMFY à régler à Monsieur A... les sommes dues au titre de la participation et de l'intéressement 2017, et de l'AVOIR condamnée à lui verser la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 1225-4-1 du code du travail, en sa rédaction applicable à la cause, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant. Le 4 septembre 2015, M. O... A... annonçait à son employeur que sa femme était enceinte et que le terme était prévu pour fin novembre. Par courriel du 12 novembre 2015, M. O... A... annonçait à son employeur l'accouchement de sa femme pour le 20 novembre 2015 (vendredi), et qu'il serait absent du 23 au 25 novembre 2015 (lundi à mercredi correspondant aux trois jours de congés pour naissance d'un enfant) conformément à l'article L. 3142-4 3° du code du travail. La période de protection de M. O... A... expirait donc le 18 décembre 2015. Si la notification du licenciement du 23 décembre 2015 est intervenue postérieurement à cette période, la convocation à l'entretien préalable en date du 26 novembre 2015 et l'entretien préalable se sont tenus pendant la période de protection. La protection de la maternité et/ou lors de la naissance d'un enfant au titre du droit interne est conforme au droit communautaire et notamment à l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 qui impose aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection de la maternité ou lors de la naissance d'un enfant. Interprétant cette directive, la Cour de justice des communautés européennes a déclaré qu'« il (était) interdit non seulement de notifier une décision de licenciement en raison de la grossesse et/ou de la naissance d'un enfant pendant la période de protection visée au paragraphe 1 de cet article, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision, telles que la recherche et la prévision d'un remplacement définitif de l'employée concernée, avant l'échéance de cette période » (CJCE, 11 octobre 2007, aff. 460/06, Paquay). Il ne peut être sérieusement soutenu, comme le fait la société Somfy que cette interprétation ne peut être retenue car elle ne sanctionnerait que la décision de licencier en raison de la naissance de l'enfant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les actes préparatoires au licenciement de M. O... A... étant sans lien avec la naissance de son enfant mais avec son insuffisance professionnelle. Ce qui est sanctionné, ce sont les actes préparatoires à un licenciement pendant la période de protection du salarié, quel[s] que soi[ent] les motifs de ce licenciement, qui même s'il repose sur une insuffisance professionnelle peut avoir, en fait, un motif autre. Or en l'espèce la convocation à un entretien préalable et l'entretien préalable au licenciement sont des actes préparatoires à un licenciement. Ils constituent un préalable obligé à la notification éventuelle du licenciement. M. O... A... fait également valoir à juste titre que constitue un acte préparatoire à son licenciement, la notification le 27 novembre 2015 de son entretien annuel d'appréciation (EAA) qui s'est déroulé le 11 décembre 2014, soit onze mois plus tôt et alors que M. O... A... avait déjà reçu sa convocation à un entretien préalable, et ce afin de légitimer son licenciement pour insuffisance professionnelle et au mépris des principes et points de repère rappelés dans l'entretien annuel d'appréciation et notamment le point suivant : "A l'issue de l'entretien, le manager enregistrera le compte rendu sur support EAA prévu à cet effet. Le collaborateur peut ajouter les commentaires qui lui semblent utiles. Collaborateur et manager y apposeront leur signature pour accord". L'entretien annuel d'appréciation du 11 décembre 2014 communiqué aux débats n'est ni daté, ni signé par l'employeur et M. O... A.... Le jugement qui a dit le licenciement de M. O... A... nul sera confirmé ( ) ; Sur les conséquences du licenciement nul : M. O... A... sollicite sa réintégration. Le jugement qui a ordonné cette réintégration sera confirmé, celle-ci étant effective depuis le 25 janvier 2018. M. O... A... a droit à une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir après déduction des revenus de remplacement reçus pendant la période entre son éviction (29 février 2016) et sa réintégration (25 janvier 2018). ( ) Le jugement du conseil de prud'hommes avait ordonné la reconstitution du salaire de M. O... A... sur la base d'une rémunération de 2.280,81 euros. M. O... A... justifie de l'évolution salariale en 2016, 2017, telle que résultant des négociations annuelles obligatoires sur les salaires pour les Etam. En mars 2016 sa rémunération mensuelle de base était de 2.015,67 euros outre une prime d'ancienneté de 40,70 euros et une indemnité compensatrice CET (compte épargne-temps) de 94,91 euros. En avril 2016, sa rémunération de base était de 2.040,67 euros, en mars 2017 de 2.054,67 euros. Pour 2018, M. O... A... a été réintégré le 25 janvier 2018 et l'augmentation salariale intervenue en mars 2018 n'est pas incluse dans l'indemnité revenant à M. O... A... au titre de la nullité de son licenciement. C'est sur la base des salaires mensuels ci-dessus que sera calculée l'indemnité revenant à M. O... A.... S'y ajouteront la prime d'ancienneté, l'indemnité compensatrice CET, le solde du treizième mois de l'année 2016 (M. O... A... ayant perçu 335,94 euros lors de son départ), et de l'année 2017. Seront déduits de cette indemnité les revenus de remplacement perçus par M. O... A... de Pôle emploi de mai 2016 à décembre 2017 soit 24.893,08 euros. La société Somfy sera également condamnée à régler à M. O... A... les sommes dues au titre de la participation et de l'intéressement pour l'année 2017( ) ; Succombant la société Somfy sera condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en appel, la somme allouée en première instance étant confirmé » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la nullité du licenciement : Aux termes de l'article L1225-4-1 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant. En l'espèce, Monsieur A... a eu un enfant le 20 novembre 2015 et a été licencié pour insuffisance professionnelle le 23 décembre 2015, quelques jours après l'achèvement de la période de protection de quatre semaines instituée à l'article L1225-4-1 du Code du travail. Cependant, il a été convoqué le 26 novembre 2015 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à son licenciement et l'entretien a eu lieu le 10 décembre 2015 durant cette période de protection. Or, la convocation à un entretien préalable au licenciement et l'entretien préalable au licenciement constituent, par nature, des actes préparatoires au licenciement, dès lors qu'en leur absence, le licenciement ne peut être prononcé. Il convient en conséquence de prononcer la nullité de la procédure de licenciement initiée par la société SOMFY à l'égard de Monsieur A... et d'ordonner la réintégration de l'intéressé au sein de l'entreprise » ; 1. ALORS QUE l'article L. 1225-4-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, dispose qu'« aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail pendant les 4 semaines suivant la naissance de son enfant ; toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant » ; qu'ainsi, ces dispositions n'ont nulle vocation à interdire le licenciement pendant la période de protection qu'elles instituent, mais uniquement à en circonscrire les possibilités, de la même manière que les salariées en état de grossesse médicalement constatée bénéficient d'une protection dite « relative » à compter de leur déclaration de grossesse en application de l'article L. 1225-4 du code du travail ; que la protection dite « absolue », telle que prévue par le second alinéa de l'article L. 1225-4 et prohibant le licenciement pour quelque motif que ce soit, ne concerne que les salariées, durant les périodes de suspension de leur contrat visées au premier alinéa de l'article L. 1225-4 ; qu'enfin, c'est uniquement durant ces périodes de protection absolue, qui ne concernent que les salariées, que l'employeur ne peut prendre des mesures dites « préparatoires » au licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire nul le licenciement de A..., ordonner sa réintégration, et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, la cour d'appel a considéré que si son licenciement était intervenu après la période de protection visée à l'article L. 1225-4-1, l'employeur, en le convoquant à un entretien préalable à un éventuel licenciement durant cette période, avait pris un acte préparatoire au licenciement, en sorte que quels que soient les motifs de rupture, ce dernier devait être déclaré nul ; qu'en statuant ainsi, quand non seulement l'article L. 1225-4-1 du code du travail n'interdit pas le licenciement, mais qu'en outre la protection qu'il institue est limitée, dans sa rédaction applicable, à la période de quatre semaines suivant la naissance de l'enfant, la cour d'appel a violé l'article L. 1225-4-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ; 2. ET ALORS, en outre, QUE la prohibition des « mesures préparatoires au licenciement » s'inscrit exclusivement dans le cadre de l'application de l'article L. 1224-5 du code du travail, protégeant la maternité, tel qu'interprété à la lumière de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 « concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail », dont l'objet, en imposant une interdiction de licenciement durant le congé maternité, est d'éviter « des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes », considérées comme un groupe à risque particulièrement sensible devant être protégé contre les dangers les affectant spécifiquement, avant et après l'accouchement, et en particulier celui d'une interruption volontaire de grossesse ; que c'est pour donner plein effet à ces dispositions et parer à ce risque que la Cour de justice a considéré que la prohibition instituée par la directive devait s'étendre aux actes préparatoires au licenciement des travailleuses ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 imposerait aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection et qu'interprétant cette directive, la Cour de justice avait considéré qu'elle interdisait également de prendre des mesures préparatoires au licenciement ; qu'en statuant ainsi, quand la directive 92/85 a exclusivement pour objet de « promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail », que son article 10 n'institue une période de protection que pour lesdites travailleuses, et que l'interdiction des mesures préparatoires au licenciement s'inscrit uniquement dans la perspective d'une protection des travailleurs féminins avant et après l'accouchement, la cour d'appel a violé la directive 92/85 du 19 octobre 1992, en particulier son article 10, ensemble l'article L. 1225-4-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.
L'article L 1225-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, qui ne met pas en oeuvre l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, interdit à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de l'enfant, sauf s'il justifie d'une faute grave ou de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant